7.0 n SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE m ^ r§^ a (O r§ia 3 ÔI308 : ■ yn>oaoà;s PARIS. — IMPRIMERIE DE L. MARTINET, 1MPMMBUR DK LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DR FRANCE, RUE MIGNON, 2. SulUtin DE LA F F SOCIETE ]fc© IL ©(&î© UE DE FRANCE. 1862 a 1863. IPülBUSo AD LIED DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ RUE DE FLEURES, 39. 1863 ! rit s D &(!>(& U QU IB ÜRe DE FRANCE. Séance du 3 novembre 1862. PRÉSIDENCE DE M. DELESSE. Par suite des présentations faites dans la Réunion extraor¬ dinaire à Saint-Gaudens, dans le mois de septembre dernier, M. le Président proclame membres de la Société : MM. Honeyman (David), F. G. S., à Antigomisch (Nova Scotia), présenté par MM. Ed. de Verneuil et J. Barrande; Sauzet (de), licencié és sciences naturelles, à Toulouse (Haute-Garonne), présenté par MM. Leymerie et Ed. Hébert; Schvarcz (Dr), à Stuhlweissenberg (Hongrie), présenté par MM. Ed. de Verneuil et d’Arcbiac; Seignette (Paul), professeur au collège, à Pamiers (Ariége), présenté par MM. Leymerie et Ed. Hébert. Le Président annonce ensuite cinq présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre d’État, Journal des savants , juin à septembre 1862. De la part du Comité de la paléontologie française, Terrain jurassique , livr . I, Brachiopodes, par M. E. Deslongchamps. — Terrain crétacé , livr. VI, t. VII, Échinides réguliers , par M. G. Cotteau. — livr. VII, t. VIII, Zoophytes , par M. de Fromentel. De la part de M. F. Cailliaud : 1° Carte géologique de la Lo ire-Injérieure , 1861, 1 f., Nantes ; chez Merson. 2° Carte géologique de la Loire-Inférieure (texte), in-8, 18p., Nantes, 1861 ; chez veuve G. Mellinet. De la part de M. le professeur G. Capellini, Studi stratigra- SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1862, fici e paleontologici sulV infralias nelle montagne del golfo délia Spezia , in-4, 74 p. , 2 pl., Bologne, 1862* ch jambe- rini et Parmeggiani. De la part de M. H. Cocchi, Esposizione interna zionale del 1862. — Catalogo descri ttivo : 1° Mineralogia e geologia , 1 vol. in-18, Florence, 1862-, chezBarbéra. — 2° Mineralogia e metallurgia, 1 y. in-18, Turin, 1862 ; chez Dalmazzo. De la part de M. J. Delbos, Rapport su r les puits artésiens du Sahara et sur les collections envoyées à la Société industrielle de Mulhouse par M. le lieutenant d’artillerie Zickel (séance du 2 février 1862), in-8, 20 p., Mulhouse; chez P. Baret et fils. De la part de M. A. Delesse, Procédé mécanique pour déter¬ miner la composition des roches , in-8, 8 p., Paris, 1862 ; chez F. Savy. De la part de M. Alphonse Favre, Carte géologique des parties de la Savoie , du Piémont et de la Suisse voisines du Mont-Blanc , 1 f., Winterthur, 1862; J. Wurster, etc. De la part de M. de Filippi, Marend ( Tauris )> in-8, 6 p., Turin, 25 juillet 1862. De la part de M. Albert Gaudry : 1° Animaux fossiles et géologie de V Attique, lre et 2° livr., in— Zi , Paris, 1862 ; chez F. Savy. 2° Sur les singes fossiles de la Grèce (extr. des C. r. des séanc, de V Ac. des sciences , 26 mai, 1862), in-4, 3 p. De la part de M. H. B. Geinitz : 1° Dyas oder die Zechsteinformation und das Rothlie- gende , 2e partie, in-4, 131 à 342, pl. XXIV à XLII, Leipzig, 1862; chez W. Engelmann. 2° U eher Thierfàhrten und Crustaceen Reste in der unteren Dyas , oder dem unteren Rothliegenden , der Gegend von Hohenelhe , in-8, h p., 1 pl., Dresde . ; chez E. Blochmann et fils. De la part de M. Paul Gervais, Discours prononcé aux funé¬ railles de M. Marcel de Serres , in-A, 6 p., Montpellier, 1862 ; chez J. Martel aîné. De la part de M. B. Gravina, P articolari di agronomia e pastorizia positive , in-8, 124 p.» Catane, 1862; chez Cres- cenzio Galatola. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 7 De la part de M. J. Hall : 1° Report on the geological Survey of the State of Wisconsin, in-A, t. I, janvier 1862. 2° Natural history of New-York : P alœontology , vol. III» lre et 2e part. ( texte et pL ), in-A, Albany, 1851. De la part de M. J. Kœchlin-Schlumberger, Le terrain de transition des Vosges , in-f°, 3A8 p., 30 pl., Strasbourg, 1862-, chez veuve Berger-Levrault. De la part de M. Philippe Matheron, Recherches comparatives sur les dépôts fluvio-lacustres tertiaires des environs de Mont¬ pellier, de V Aude et de la Provence , in-8, 112 p., 1 tabl., Marseille, 1862 ; chez Arnaud et Cie. De la part de M. Gabriel de Mortillet, Revue scientifique italienne , 1862, lre livr. , in-18. De la part de M. G. Ponzi : 1° Sugli animali fossili che precedettero Vuomo nelU Italia centrale , in-8, AA p., Rome, 1862. 2° Dell '* Aniene e dei suoi relitti , in-A, 32 p., 1 pl., Rome, 1862. De la part de M. J. Schvarcz, On the failure of geological attempts in Greece prior to the epoch of Alexander, in-A, lre part., 75 p., Londres, 1862; chez Taylor et Francis. De la part de M. le Ministre des travaux publics de Bavière, Geognosticlie Beschreibung des bayerischen Alpengebirges und seines Vorlandes , par M. G. W. Gümbel, in-8, 950 p., 5 cartes, A2 pl.. Gotha, 1861 ; chez Justus Perthes. De la part de M. le Gouverneur général de l’Inde angl., Memoirs of the geological Survey of India . — Palœontologia lndica . — The fossil cephalopoda of the cretaceous rocks of Southern India ( Belemnitidœ , Nautilidœ) , par M. H. F. Blanford, in-f°, Calcutta, 1861. De la part de M. E. Billings, On some new species of fossils from the Quebec group , in-8, pp. 57-158, Montreal, 6 juin 1862 ; chez John Lowell. De la part de M. G. Campani, Sulla costituzione geologica e sulla ricchezza mineraria délia provinzia diSiena , in-8, A6 p., Sienne, 1862. 8 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1862. De la pari de M. John Evans, Flint implcments in the drift , in-4, 28 p., Londres, 1862 • chez J. B. Nichols et fils. De la part de MM. A. A. Humphreys et H. L. Abbot, Report upon the physics and hydraulics of the Mississippi River , etc., in-4, 456 et cxlvi p., 13 pl., Philadelphie, 1861 ; chez J. B. Lippincott et Cie. De la part de M. A. Oppel, Ueber die Brachiopoden des untern Lias , in-8, pp. 529 550, pl. X à XIII. De la part de M. Alexis Perrey : 1° Note sur les tremblements de terre en 1859, in-8, 77 p. 2° Bibliographie seismique , in-8, 2e part., 161 p. De la part de M. Perrot : 1° Lettres de MM. Gavarret et Robinet à M . Perrot sur son perfectionnement des paratonnerres , in-4, 3 p. 2° Lettre de M. Babinet sur sa note exposant les moyens de rendre sensible faction du soleil et de la lune sur V intensité de la pesanteur et sur la direction de cette force , in-4, 1 p. , Paris, 1862. De la part de M. G. Rose, Systematisches Verzeichniss der Meteoriten in dem mineralogischen Muséum der Universitàt von Berlin , in-8, 8 p., août 1862. De la part de M. G. Seguenza, Notizie succinte intorno alla coslituzione geologica dei terreni terziarii del distretto di Messina, in-f°, 84 p., 2 pl., Messine, 1862 ; chez T. Capra. Comptes rendus hebd . des séances V Académie des sciences , 1862, 1er sem., t. LIY, nos 23 et 24; 1862, 2e sem., t. LY, nos 1 à 17. Annuaire de la Société météorologique de France , t. YII, 1859, tabl. mét., f. 1-11; t. IX, 1861, Bulletin des séances , f. 23-26; t. X, 1862, Bulletin des séances , f. 1-4. Bulletin de la Société de géographie , 5e sér. , t. III, nos 17 à 21, mai à septembre 1862. Bulletin de la Société botanique de France , t. IX, 1862, nos 2 à 5. Liste des membres de la Société botanique de France au 1er août 1862. Bulletin des séances de la Société I. et centrale d' agriculture , t. XVII, n03 6 à 9, 1862. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 9 L’Institut } nos 1485 à 1504, 1862. Réforme agricole , par M. Nérée-Boubée, n09 162 à 164, juin à août 1862. Journal cV agriculture de la Côte-d’Or, avril à septembre 1862. Mémoires de l’ Académie /. des sciences , arts et belles-lettres de Dijon, année 1861. Annales de la Société des sciences industrielles de Lyon , n° 2, 16 octobre 1862. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , mai à septembre 1862. Bulletin de la Société minérale [de Saint-Etienne ), t. VII, janvier à mars 1862, et atlas. Journal de Saint-Gaudens ; 29 septembre 1862. Mémoires de l’Académie de Stanislas , 186 J. Société /. d’agriculture , science et arts de l’arrondissement de Va]enciennes , avril h août 1862, Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel, t. IV, 1er cahier, 1856. Philosophical Transactions of the Royal Society of London, t. CLI, parties 1, 2 et 3, 1861. The Royal Society , 30 novembre 1861. Proceedings of the Royal Society, t. XI, n° 48 \ t. XII, n03 4 9 à 51. The quarterly Journal of the néologie al Society of London , t. XVIII, 1er août 1862, n° 71. The Athenrim, nos 1808 à 1827, 1862. Zeitschrift der deutschen geologischen Gesellschaft , t. XIII, 4e cahier, août, septembre, octobre 1861-, t. XIV, 1er cahier, novembre, décembre 1861, et janvier 1862. Neues Jal rbuch für Minéralogie , etc, , par H. G. Bronn et G. Leonhard, 1862, 3e et 4e cahiers. Denkschriften der K. K. Aka emie der JVissenschaften , math.-naturw. Classe , t. XX, Wien, 1862. Sitzungsberichte der K, K. Akademie der JVissenschaften , math,-naturw . Classe , 1861, t. I, nos 7 à 10 ; t. II, nos 8 à 10. Jahrbuch der K, K, geologischen Reichsanstalt , 1861 et 1862, t. XII, n° 2, janvier à avril 1862. io SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1862. Neunter Bericht der Oberhessischen Gesellscliaft für Natur. und Heilkunde, Giessen, mai 1862. Schriften der K. physikalisch-ôkonomischen Gesellschaft zu Kônigsberg , 1861, 2e part., in-û. Nova acta Academiœ C. L. C, G . natures curiosorum , t. XXIX, 1862. Atti delta Società italiana di scienze natur ali, t. IV, 1er et 2® fascicule, mai et août 1862. Revis ta de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales , t. XII, nos 5 à 7, mai à octobre 1862. Revista minera , t. XIII, nos 290 à 298, 15 juin, 15 octobre 1862. Bulletin de la Société /. des naturalistes de Moscou , année 1861, nos 1 à û. The american Journal of science and arts de Silliman , nos 100 et 101, juillet et septembre 1862. Memoirs of the american Academy of arts and sciences , t. VIII, lre partie, 1861. Proceedings of the american Academy , t. V, f. 31-A8. Proceedings of the Boston Society of natur al history , t. VIII, 1861 à 1862; t. IX, f. 1-3. Journal of the Academy of natural sciences of Philadelphia , nouv. sér., t. V, lre sér., février 1862, Proceedings of the Academy of natural sciences of Phila¬ delphia , 1861, f. 7 à 37, 1862, janvier à avril. The canadian journal of industryt science and art9 juillet 1862. The canadian natur alist and geologist , nos 3 et à, juin et août 1 862. Fourth Report of the geological Survey in Kentucky, made during the years 1858 and 1859, by D. D. Owen , in-8, 617 p., Frankfort, ky., 1851. Report on the geology of Fermant , by A . D . Hager. in -A, vol. I, Glaremont, N. H., 1861. Report of the superintendent of the geological survey, exhi - biting the progress of the work, 1er janvier 1861, in-8, 52 p., Madison, 1861 ; chez E. A. Galkins et Cie. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 11 Results of météorologie al observations, j 85/1-1859, in-4, 1219 p., Washington, 1851. Smithsonian miscellaneous collections , t. I à IV, in-8, Washington, 1862. Annual report of the board ofregents of the Smithsonian institution for the year 1860, in-8, M8 p., Washington, 1861 ; chez G. W. Bowman. M. le Président annonce à la Société la mort si regrettable de MM. de Sénarmont, Boubée et Marcel de Serres. M. le Président dépose sur le bureau un nouveau fascicule des Mémoires de la Société (2e série, tome VII, Mémoire n° 3), contenant la description géologique de l’île de Chypre par M. Albert Gaudry. M. Danglure offre à la Société, au nom du Comité de la paléontologie française : 1° la lre livraison des Brachiopodes jurassiques, par M. Eugène Deslongchamps ; 2° la 2e livraison des Zoophytes crétacés, par M. de Fromentel -, 3° la 5e livraison des Échinides du terrain crétacé, par M. G. Cotteau (voir plus haut la liste des dons). M. Viquesnel offre à la Société un exemplaire de deux lettres adressées à M. Perrot (voir plus haut la liste des dons). Dans une de ces lettres, M. Babinet, membre de l’Institut, reconnaît que M. Perrot a découvert des moyens de rendre sensible X action du soleil et de la lune sur Vintensité de la pesanteur et sur la direction de cette force . Dans la seconde lettre, M. Gavarret, professeur de physique à la Faculté de médecine de Paris, résume les résultats des expériences relatives au perfectionnement du paratonnerre , dont M. Perrot. l’a rendu témoin. Ces nombreuses et intéres¬ santes expériences peuvent se rapporter à trois chefs princi¬ paux : 1° action neutralisante d’une tige métallique en commu¬ nication avec le sol, et terminée par une pointe 5 2° action neutralisante des pointes multiples-, 3° action latérale des tiges métalliques terminées par une pointe. M. d’Archiac présente, au nom de M. Alph. Favre, la carte géologique de la Savoie (voir plus haut la liste des dons). Il donne ensuite lecture de la lettre suivante : 12 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1802. Note sur les gypses secondaires des Corbières ; par A. F. No- gués, professeur d’histoire naturelle (extrait d’une lettre à M. d’Archiac). Oullins, ce 28 octobre 1862. Je viens de lire dans le Bulletin de la Société géologique (séance du 17 mars 1862) une note de M. de Rouville sur les gypses du midi de la France. Le géologue de Montpellier range dans le trias tous les gypses secondaires de cette région. Je ne conteste point l’excellence de cette opinion pour ce qui regarde les dépôts gypseux de l’Hérault, du Gard, de la Provence, etc. ; mais, quant aux gypses des Corbières, si étroitement liés aux ophites, rien ne prouve qu’ils soient réellement dans le trias. Tous les gisements de gypse secondaire que je connais dans les Corbières sont placés au voisinage des ophites, comme on peut le constater aux environs de Pastouret, de Gléon, Villesèque, Durban, Sainte-Eugénie, Tuchan, Fitou, etc. Je ne connais nulle part dans les montagnes de l’Aude un gypse secondaire sans une roche ophitique dans son voisinage. L’ophite décèle l’existence du gypse, et réciproquement celui-ci dénote la présence de la roche ignée. Cette association se montre partout inséparable. Les gypses tertiaires qui se sont formés sous les eaux, aux dépens des gypses plus anciens de la contrée, n’ont aucune relation avec les éruptions ophitiques. Quelques-uns de ces dépôts gypseux tertiaires nous offrent du soufre dans la masse de la roche (Moussan, près de Narbonne); ce soufre a été produit par les réactions des matières organiques sur le sulfate de chaux. Les ophites forment, dans la partie orientale du département de l’Aude, une traînée dirigée N.-N.-E. S. -S. -O., avec quelques écarts d’orientation de l’est à l’ouest, comme aux environs de Fitou. Dans le sud du département de l’Aude, sur les limites de celui des Pyrénées-Orientales, la bande ophitique prend aussi, comme aux environs de Fitou, une direction E.-O. Ce magma ophitique n’est pas d’une origine aussi récente qu’on l’a cru jusqu’ici; non-seulement son éruption remonte à une époque plus ancienne que celle assignée par Dufrénoy, mais il résulte de mes études sur les ophites des Corbières et des Pyrénées que ces roches ont surgi à l’extérieur à différentes époques d’épan¬ chement. Si on parvient à prouver que les ophites sont antérieures au trias, que la bande ophitique a formé la limite ou la bordure NOTE DE M. NOGUÈS. 13 du bassin des lacs ou mers triasiques dans les Corbières, que les gypses sédimentaires ont couvert la base des buttes ophitiques baignées par les eaux de la période du trias, alors seulement nous serons convaincu que les gypses secondaires de l’Aude sont tria¬ siques. Les gypses secondaires des Corbières ont été placés à la base du lias, mais ils n’y forment point de couches régulières comme dans I le Jura et les Vosges. Ils constituent des amas irréguliers; ils se présentent comme enclavés en rognons immenses dans les dépôts jurassiques. Là où les dépôts jurassiques ont été assez relevés pour porter au jour les couches inférieures, on remarque presque partout, à la base des affleurements, des amas gypseux qui parfois ont pénétré jusqu’aux couches les plus élevées du terrain jurassique de la contrée, jusque dans les marnes supérieures du lias, comme on peut le voir dans le demi-entonnoir de Gléon (montée de Gléon à Villesèque). Ce qui a porté quelques observateurs à considérer les gypses des Corbières comme triasiques, c’est qu’ils sont intimement associés à des marnes diversement colorées, rouges, violacées, ou jaunâtres, qui possèdent tous les caractères physiques des marnes irisées du trias. Mais ces marnes métamorphiques, avec cristaux de quartz bi-prismé et de gypse cristallisé, sont loin d’être triasiques, puisque sur cer¬ tains endroits, comme à la métairie des Impériaux, près de Nar¬ bonne, elles renferment des fossiles caractéristiques du lias supé¬ rieur (. Ammonites bijrons , Turbo subduplicatus , etc.). Les marnes gypseuses bariolées qui accompagnent les gypses sont en général à la base des affleurements jurassiques, et sont recouvertes par les calcaires de ce terrain; mais sur beaucoup de points elles ne sont pas recouvertes, ou ont glissé le long des talus des couches. Les ophites paraissent la cause principale qui a produit les gypses et les marnes gypseuses; ces deux roches sont donc le résultat d’un métamorphisme ; mais il répugne d’admettre l’existence de gaz ou de vapeurs sulfureuses, quand on voit à côté des couches du gypse des calcaires très peu altérés, tandis que sur d’autres points on trouve, au contraire, des calcaires magnésiens au contact du gypse. Quel qu’ait été leur mode d’action sur les roches qui les avoi¬ sinent, les ophites ne sont pas toutes du même âge ; elles ont surgi à diverses époques, à partir du lias jusqu’à la période tertiaire; en sorte qu’au lieu de vieillir nos gypses jurassiques des Corbières, lâ SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1862. il y aurait peut-être plus de raisons pour en rajeunir quelques dépôts. M. d’Archiac confirme les vues de M. Nogués en ce qui concerne l’origine et les relations géologiques des amas de gypse anormaux des Corbiéres-, et, quant à la diversité des caractères minéralogiques et à la non-contemporanéité des gisements de roches dioritiques (ophites) de la même région, il rappelle qu’il a consacré à ce sujet une section de son travail sur les Corbiéres (Mém. de la Soc. géol. , vol. VI, 2e sér., p. Zi28 et suiv.). M. Hébert dit qu’il serait à désirer que M. Nogués voulût bien donner les preuves, par voie de description et de coupes, de l’opinion qu’il s’est formée sur l’âge des ophites. En ne tenant compte que de celles de ces roches qui sont amphibo- liques, et qui, dans ce cas, sont de véritables diorites, on est arrivé dans ces dernières années à modifier notablement les conclusions de Dufrénoy, généralement acceptées autrefois dans la science. Une note récente de M. Raulin ( Comptes ren¬ dus de F Académie des sciences , 27 octobre 1862) et les pu¬ blications de M. Leymerie prouvent que, toutes les fois qu’on a pu examiner de près les relations de ces roches avec les ter¬ rains encaissants, on a acquis la preuve que, loin d’être posté¬ rieures aux terrains tertiaires les plus récents, comme le pensait Dufrénoy, elles sont antérieures à la plus grande partie, si ce n’est à la totalité, des assises crétacées des Pyrénées. D’après les observations qu’il vient de faire dans cette région, M. Hébert ne serait nullement porté à rajeunir ces roches. M. Jannettaz fait remarquer les difficultés qu’introduit dans la science le nom d’ophite. Le plus grand nombre des minéra¬ logistes l’appliquent à l’espèce minérale, que l’on appelle encore serpentine, et que Dioscoride regardait comme un remède salutaire contre les douleurs de tête et la morsure des serpents. Palassou, le célèbre géologue des Pyrénées, a cru pouvoir étendre cette dénomination d’ophite à la roche, composée de feldspath et d’amphibole, qui porte déjà les noms de grünstein et de diorite. M. Gordier a réservé le mot d’ophite à la désignation d’un NOTE DE M. MÀTHERON. 15 mélaphyre, composé de feldspath-labrador et de pyroxêne. Il admettait que les anciens appelaient aussi ophite ce porphyre qu’ils ont si souvent employé. Il serait donc utile, toutes les fois qu’on se sert du mot d’ophite, d’y ajouter l’indication des élé¬ ments de la roche que l’on désigne par ce nom. M. de Chancourtois présente une carte géologique du dépar¬ tement de la Haute -Marne et fait suivre de quelques explica¬ tions la communication de cet important travail. I M. Matheron présente verbalement l’analyse succincte d’un mémoire qu’il vient de publier sous le titre de ; Recherches compa¬ ratives sur les dépôts fluvio-lacustres des environs de Montpellier , de VAude et de la Provence , et dans lequel il a consigné et discuté une série de faits récemment observés par lui qui se rattachent à la question, si souvent controversée et encore si incertaine, de la posi¬ tion qu’il convient d’assigner, par rapport aux terrains tertiaires du bassin de Paris, aux divers étages de la même période géolo¬ gique qu’on observe dans le S.-E. de la France. Il a constaté que plusieurs des nombreux étages qui constituent la grande série de couches d’eau douce que présente le département des Bouches-du-Rhône se prolongent dans l’Hérault et dans l’Aude, et qu’on peut facilement déduire l’âge de quelques-uns d’entre eux de la place que leurs prolongements occupent, dans ces deux départements, par rapport à des couches dont la position géognos- tique ne saurait faire l’objet d’un doute. Les principaux faits de cette nature sont les suivants ; 1° On rencontre, immédiatement au-dessus du grand dépôt des lignites de Fuveau, un étage formé par des argiles et des marnes à la base et par des calcaires marneux au sommet, étage qui est caractérisé par de nombreuses coquilles d’eau douce, au nombre desquelles^ trouve la Phys a prisca , Noulet (étage F' de la coupe générale jointe au mémoire). Cet étage est l’équivalent du dépôt lacustre de Conques et de Montolieu. lise montre en outre et toujours avec les marnes infé¬ rieures et ses calcaires à Physes supérieurs, dans la vallée de Vallemagne, à l’ouest de Montpellier. Or, puisque les marnes et les calcaires lacustres de Montolieu, qui constituent ce qu’on connaît de plus ancien dans la série ter¬ tiaire du versant méridional de la Montagne-Noire, sont inférieurs au terrain nummulitique de cette région, il est évident que les 16 SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 186*2. lignites de Fuveaii, qui sont recouverts par l’équivalent de ces marnes et de ces calcaires, ne sont pas représentés dans la Montagne- Noire et sont plus anciens que le terrain nummuhtique. Ces lignites ne sont donc pas miocènes, comme bien des géologues persistent à le penser. D’un autre côté, comme l’horizon à Physa prisca est placé à la base de la série tertiaire qui affleure à Vallemagne, il n’est pas moins évident que ces mêmes lignites de Fuveau n’ont pas leur équivalent dans cette vallée. 2° Bien plus haut dans la série, il existe, dans le bassin d’Aix, un étage de couches calcaires qui est caractérisé par le Bulimus Hopei , Bronn, le B. subcylindricus , et le Plcinorbis pseudo~ rotundatus , Math. Il occupe une position intermédiaire entre le calcaire de Vitroles, du Cengle et de Roquefavour, qui le supporte, et les grès et marnes argileuses rouges qu’on observe à la base du système gypseux d’Aix et qui ont été déposés immédiatement après lui. Cet étage affleure tout près de Montpellier, au-dessous de couches argilo-caillouteuses qui sont synchroniques avec les marnes argi¬ leuses rouges d’Aix. Il se montre aussi dans la vallée de Valle¬ magne ; il se prolonge enfin vers l’ouest, pour constituer, dans la Montagne-Noire, les dépôts à lignite et les calcaires lacustres de la Caunette, de Minerve, etc. A Vallemagne, comme dans le bassin d’Aix, cet étage est sup¬ porté par une série de puissants étages tous d’origine fluvio-lacustre. Dans la Montagne-Noire, au contraire, les couches qui le consti¬ tuent s’étendent au-dessus du terrain nummulitique. Mais dans cette région, comme en Provence et comme dans les environs de Montpellier, les couches qu’il supporte accusent une période d’agitation pendant laquelle des grès, des argiles plus ou moins marneuses et des poudingues furent déposés dans les bassins lacustres de la contrée, à l’exclusion de toute couche un peu im¬ portante de calcaire. Les dépôts détritiques de cette époque consti¬ tuent les grès de Carcassonne, qui sont principalement caractérisés par les Lophiodons du célèbre gisement d’Issel et qui, loin de reposer directement sur le terrain nummulitique, en sont séparés par l’étage des calcaires lacustres de Ventenac et de la Caunette que caractérisent le Bulimus Hopei , Bronn, et le Plcinorbis pseudo - rotundatus , Math. La limite inférieure des grès de Carcassonne se trouve ainsi par¬ faitement déterminée ; mais ce qui est surtout bien remarquable, c’est de retrouver dans la Montagne-Noire, au-dessus du terrain NOTE DE M. MATHEKON. 17 nummulitique, dont on chercherait vainement la moindre trace dans les environs de Montpellier et dans la basse Provence, un I étage lacustre qui, dans ces deux dernières contrées, recouvre un très puissant ensemble de couches d’origine fluvio-lacustre qui n’existe pas plus dans le S. -O. du département de l’Hérault et dans le département de l’Aude que dans le bassin de Paris, et qui est évidemment synchronique du terrain nummulitique de la Montagne-Noire, puisqu’il est placé comme lui entre l’horizon des calcaires de Montolieu à Physa priscci et celui des calcaires des bords de l’Arc et de la Caunette, que caractérisent le Planorbis pseudo-rotundatus et le Bulimiis Hopei. Or, ces derniers calcaires sont inférieurs et se relient par leur sommet avec les grès de Carcassonne. Ces grès ainsi que des lignites qui s’y rattachent sont caractérisés par des Lophiodons à l’exclusion des vrais Paléothériums, qui n’apparaissent que plus haut, dans les calcaires des environs de Castelnaudary ; ils sont donc éocènes ; d’où il suit péremptoirement que les calcaires qu’ils recouvrent ne sont pas et ne peuvent pas faire partie du tertiaire moyen. Ainsi, ne sont pas plus miocènes que les lignites de Fuveau tous les puissants étages qui les recouvrent et qui les séparent des couches détritiques formant la base du système gypseux d’Aix, c’est-à-dire les calcaires des environs de Meyreuil, les argiles bigarrées de Rognac, les calcaires de Bachasson et de Rognac, si remarquables par leur population éteinte de Lychnus et de Cyclo- stomes, les argiles rouges de Vitroles et du Cengle, ainsi que les calcaires qui surmontent ces calcaires. 3° Plus haut dans la série et au-dessus des grès et argiles rouges de la base du système gypseux, on rencontre, à Aix et dans le département de Vaucluse, des couches de calcaires marneux carac¬ térisés par de nombreux fossiles d’eau douce au nombre desquels se trouvent les Limnœa longiscata et cicuminata , Brongniart, et un Planorbe commun, comme ces deux Limnées, dans les calcaires de Saint-Ouen du bassin de Paris et qu’on a confondu à tort avec le Planorbis rotundatus du même auteur. Aux environs d’Apt, ces calcaires sont recouverts par les couches à Paléothériums où l’on rencontre la plupart des mammifères des gypses parisiens; ils sont donc synchroniques avec les calcaires de Saint-Ouen. Ces calcaires se prolongent dans l’Hérault et dans l’Aude. A Saint-Gély près de Montpellier et aux environs de Castelnaudary ils servent de base à d’autres couches calcaires ou bitumineuses qui sont caractérisées par des Paléothériums et un Xiphodon. Soc. géol 2e série, tome XX. 2 18 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1862. Dans l’Aude et dans l’Hérault, ces calcaires sont placés au-dessus des grès de Carcassonne, comme ils sont placés dans les Bouches- du-Rhône au-dessus des couches détritiques rouges de la base du système gypseux. Or, puisque ces couches détritiques reposent, comme les grès de Carcassone, sur les calcaires de l’horizon du Planorbis pseudo-rotundatus et du Bulimus Hopei , il est bien clair qu’elles sont du même âge que ces grès. Or, ces grès sont caractérisés par des Lophiodons ; ils se rattachent par leur base avec des calcaires et des lignitesqui sont supérieurs au terrain nummulitique, et d’autre part ils sont recouverts par l’horizon des Paléothériums du bassin de Paris. Associés aux cal¬ caires sur lesquels ils reposent, ces grès constituent un ensemble qui occupe exactement la position du système de couches marines que forment, ajoutés l’un à l’autre, le calcaire grossier et les grès de Beaucliainp. Pendant la longue période à laquelle appartiennent ces deux étages marins du bassin parisien, donton chercherait vainement la moindre trace dans l’Aude, dans l’Hérault et dans la basse Provence, des phénomènes fluvio-lacustres se manifestaient dans la partie correspondante du midi de la France. Cette période se divise naturellement en deux parties : une première partie qui fut une époque de tranquillité pendant laquelle furent déposés le calcaire grossier d’une part, et les calcaires des bords de l’Arc, des bas-fonds de Valmaillargues et de la Caunette, d’autre part, et une seconde partie qui fut une époque de trouble et d’agitation pendant laquelle eurent lieu les dépôts des sables de Beauchamp, les faluns d’Auvers, ainsi quë les grès de Carcassonne, les couches marno-caillouteuses de Grabels et les grès, sables et poudingues rouges des environs d’Aix. U° Toujours en remontant la série, on rencontre à Aix des couches que caractérisent divers fossiles au nombre desquels se trouve surtout la Cyrena semistriata » Ces couches sont immédiatement supérieures aux couches marneuses entre lesquelles sont situées les assises gypseuses qu’on exploite à Aix. Or, comme le gypse d’Aix est immédiatement supérieur aux couches à Paléothériums de Gargas, on voit qu’il occupe, par rapport à l’horizon des Paléothé¬ riums et par rapport aux couches à Cyrena semistriata } la place qu’occupent dans le bassin de Paris ces couches marno-calcaires avec intercalation de minces couches de gypse qu’on voit au-dessus des grands bancs de gypse et au-dessous de l’horizon de la Cyrène précitée. 5° Tju autre horizon qui se prolonge dans l’Aude est celui NOTE DE M. MATHERON. 19 d’une série de couches de marne et de calcaire marneux qu’on rencontre à Aix et que caractérisent des fossiles au nombre des¬ quels sont les Planorbis rotundatus et cornu , Brongniart, les Lirn- nœa symetrica et fabula , Brard, et un Cerithiam qui joue en Pnv vence et dans l’Aude le rôle que le Cerithiam Lamarckii joue dans le Cantal et auquel sont associés de très nombreux individus de la Paludestrina ou Bithynia Dubuissoni qui sont empâtés dans de minces couches tout à fait siliceuses qui rappellent la meulière su¬ périeure du bassin de Paris sur l’horizon de laquelle elles se trouvent placées. Le système de couches dont il s’agit ici présente à Aix, aux en¬ virons de Narbonne, dans le bassin de Marseille et surtout dans le bassin de Manosque, des proportions très considérables. Les flores de Saint-Jean-de-Garguier et d’Armissan sont de cette époque. On chercherait en vain dans les environs de Narbonne et no¬ tamment à Armissan une couche, un lambeau quelconque pou¬ vant rappeler tout ce qu’on voit à Aix et ailleurs dans le midi de la France au-dessous des couches qui caractérisent les espèces ci- dessus citées. 6° Enfin, tout à fait au sommet de la série lacustre et immédia¬ tement au-dessous des marnes ou des sables de la mollasse marine, on voit à Aix, à Manosque, dans le bassin de Marseille, etc., un dernier étage marno-calcaire qui se prolonge dans l’Aude, qui se présente à Narbonne avec la plupart des espèces fossiles qu’il ren¬ ferme à Manosque et à Aix, et qui, à Narbonne, sont associées à Y Hélix Ramondi qui caractérise, comme on le sait, les calcaires de l’Orléanais et de la Beauce. Or, à Aix et dans le bassin d’Apt, ce dernier étage calcaire et les calcaires marneux ci-dessus cités 5° sont séparés de l’horizon de la Cyrena semistriata par des couches puissantes toujours lacustres qui occupent la place des grès de Fontainebleau et qui sont caracté¬ risées à Aix parle Cerithiam Laurœ , Math., et à Apt par ce même Cerithiam et par la Melania Laurœ , Math., qu’on retrouve dans le Cantal et qui paraît être la même espèce que celle que M. Noulet a décrite après M. Matlieron sous le nom de Melania aquitanica. Cet horizon n’existe pas dans le bassin de Narbonne, et il n’y a rien dans ce bassin qu’on puisse mettre sur l’horizon des gypses d’Aix, des Paléothériums de Gargas, et à plus forte raison sur celui des calcaires à Limnœa longiscata , d’Aix, de Gargas et de Saint-Ouen. Les faits ci-dessus analysés prouvent que tous les étages tertiaires 20 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1862. de l’Hérault et de l’Aude qui ont été étudiés comparativement par M. Matheron ont leur équivalent dans la grande série fluvio- la¬ custre de la basse Provence. Ils font reconnaître en outre une coïn¬ cidence parfaite entre une grande partie de cette série et les étages tertiaires du bassin parisien ; mais ils ne permettent nullement d’assigner une place définitive aux termes inférieurs de cette série par rapport aux lignites du Soissonnais, aux sables de Bracheux et au calcaire lacustre de Rilly-la-Montagne. A cet égard, M. Matheron établit dans son mémoire qu’il est im¬ possible de trouver le moindre point de contact paléontologique entre les lignites de Fuveau et ceux du Soissonnais. Il y a au- dessous des lignites de Fuveau un premier étage qui est caracté¬ risé par une faune toute spéciale à laquelle on ne peut pas com¬ parer celle de Rilly. On ne trouve dans le bassin de Paris pas plus de trace de cette faune que de celle des lignites de Fuveau. La faune de Rilly au contraire a beaucoup d’analogie avec celle de Montolieu. Par des considérations générales qui se trouvent développées dans son mémoire, M. Matheron en arrive à admettre une opi¬ nion qui paraît être celle de M. d’Arcliiac; il place Montolieu sur l’horizon de Rilly, et, par conséquent, Rilly sur l’horizon des cal¬ caires à Physes de Simiane, de Mimet et de Fuveau, lesquels sont supérieurs aux lignites de Fuveau. Dès lors, ces lignites, et à plus forte raison l’étage qui les a pré¬ cédés, sont plus anciens que la série tertiaire parisienne, et cela explique comment des faunes aussi riches, aussi variées que celles qu’offrent les assises inférieures du bassin de Fuveau n’ont abso¬ lument rien de commun avec celles que présentent les divers étages parisiens. Les lignites de Fuveau occuperaient donc une position inter¬ médiaire entre Rilly et le terrain pisolithique. De cette manière, les puissants étages de Meyreuil, de Vitroles et de Rognac qui sont intercalés entre l’équivalent du calcaire la¬ custre de Montolieu et celui du calcaire lacustre des bords de l’Arc, qui correspond au calcaire grossier, occuperaient dans la série provençale la place que les sables de Bracheux, les lignites du Soissonnais et le terrain nummulitique de Cuise-Lamotte occupent dans le bassin parisien. D’après M. Matheron, ce n’est qu’au- dessous du calcaire de Rilly qu’on peut espérer de rencontrer des couches de l’âge des lignites de Fuveau. En résumé, M. Matheron établit dans son mémoire qu’il existe dans la basse Provence et notamment dans les Bouches-du-Rhône NOTE DK M. MATHERON. 21 une série non interrompue de couches d’origine fluvio-lacustre qui a dû commencer peu de temps après le dépôt des dernières couches du terrain crétacé de l’étage santonien (craie de Yiiledieu) et qui s’est continuée, sans aucune intercalation de terrain marin, jusqu’à la fin de la période à laquelle correspond le calcaire de la Beauce. Cette série présente les principaux groupes de couches suivants : 1° A la base, couches diverses avec lignites très anciens, faune toute spéciale dont il n’existe pas de traces dans les autres bassins tertiaires. 2° Système des lignites de Fuveau, faune spéciale au bassin de Fuveau. Manque dans l’Aude et dans l’Hérault, ne paraît pas avoir un équivalent dans le bassin de Paris. 3° Etage des Pliyses de Mimet ; Physa prisca , synchronique avec le dépôt lacustre de Montolieu, horizon probable de Billy. U° Etages de Meyreuil, étage de Rognac, étage de Vitroles; faune très riche dans l’étage de Rognac. Ces étages lacustres sont les équivalents probables des sables de Bracheux, du Soissonnais et du terrain nummulitique de la Mon¬ tagne-Noire et du bassin de Paris. 5° Etage du calcaire du Montaiquet sur les bords de l’Arc, près d’Aix, qui se prolonge dans l’Hérault et dans l’Aude. Equivalent du calcaire grossier, des calcaires et des lignites de la Caunette. Lophiodons. 6° Etage des argiles, grès et poudingues rouges d’Aix et de Meyrarques. Grès de Carcassonne avec Lophiodons à la base. Equivalent des sables de Beauchamp. 7° Calcaires marneux inférieurs aux Paléothériums. Calcaire de Saint-Ouen ; n’affleure pas à Armissan. 8° Couches bitumineuses à Paléothérium et Anoplotherium de Gargas. Calcaires du mas Saint-Puelles ; gypse à Paléothériums de Montmartre. N’affleure pas à Armissan. 9° Gypse et flore d’Aix ; partie supérieure du système gypseux de Paris. Manque à Armissan. 10° Calcaire à Cyrena semistriata. Se trouve dans le département de Vaucluse, aux environs de Paris et ailleurs. Manque à Armissan. 11° Système de couches à Melania Laurœ qui est synchronique avec les grès de Fontainebleau. Manque à Armissan. 22 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. 12° Calcaires marneux et marnes avec Limnœa symetrica et fabula , Brard, Planorbis cornu et P. rotundatus , Brong. Correspondant aux couches lacustres d’Armissau, aux calcaires lacustres du bassin de Marseille et à la meulière supérieure du bassin de Paris. 13° Calcaires du sommet de la Trévaresse près d’Aix, qu’on retrouve dans les bassins d’Apt et de Manosque. Se retrouve à Narbonne avec V Hélix Ramondi , synchronique du calcaire de la Beauce. M. Hébert a écouté avec le plus vif intérêt l’analyse que M. Matheron vient de donner de son travail sur les dépôts fluvio-lacustres du sud-est de la France. En ce qui concerne l’étude de ces dépôts en eux-mêmes,. M. Hébert est disposé à accorder la plus grande confiance aux conclusions de M. Matheron. Il en est de même pour une par¬ tie du synchronisme établi par son savant confrère entre la série de la Provence et celle du bassin de Paris. Depuis les assises les plus élevées jusqu’au niveau de la Nummulites pla- nulata, le synchronisme lui paraît parfaitement justifié ; mais au-dessous de ce niveau M. Matheron déclare qu’il n’y a plus entre les deux bassins aucun fossile commun. Dès lors le pa¬ rallélisme des calcaires de Montolieu et de Rilly n’est plus jus¬ tifié, et à plus forte raison celui du calcaire pisolilhique, assise essentiellement crétacée, avec les calcaires d’eau douce infé¬ rieurs de la Provence. Séance du 17 novembre 1862. PRÉSIDENCE DE M. DELESSE. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Demilly, ingénieur directeur des mines d’Hardinghem, DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 23 canton de Guînes (Pas-de-Calais), présenté par MM. Sens et Delanoüe ; Habets, élève ingénieur des mines, rue des Carmes, à Liège (Belgique), présenté par MM. d’Omalius d’Halloy et Dewalque -, Nouel, professeur de mathématiques au Lycée, rue de la Tour-Neuve, 22, à Orléans (Loiret), présenté par MM. Ed. Hébert et Collomb ; José Santos, ingénieur des mines, à Manille (Philippines), présenté par MM. Casiano de Prado et Collomb -, Stévart, élève ingénieur des mines, boulevard d’Avroq, à Liège (Belgique), présenté par MM. d’Omalius d’Halloy et Dewalque. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre d’État, Journal des savants, octobre 1862. De la part de M. J. R. Bourguignat, Paléontologie des mollusques terrestres et fl uviatiles de V Algérie, in-8, 126 p., 6 pl . , Paris, mai 1862; chez J. B. Baillière et fils. De la part de M. G. Cotteau : 1° Rapport sur les progrès de la géologie et de la paléonto¬ logie en France pendant Vannée 1861 (extr. de Y Annuaire de V Institut des provinces , année 1863), in-8, 35 p. , Caen, 1862 ; chez A. Hardel. 2° Echinides nouveaux ou peu connus (extr. de la Revue et magasin de zoologie , mai 1862), in-8, pp. 59-76, pl. IX, X. De la part de MM. G. Cotteau et Triger, Échinides du dé partement de la Sarthe , 7e et 8e livraisons. De la part de M. Des Cloizeaux, Nouvelles observations sur les modifications permanentes et temporaires que V action de la chaleur apporte à certaines propriétés optiques de plusieurs corps cristallisés (Mémoire lu à l’Académie des sciences, séance du 27 octobre 1862), in-8, 6 p. De la part de M. G. P. Deshayes, Description des animaux 24 SÉANCE DC 17 NOVEMBRE 1862. sans vertèbres découverts dans le bassin de Paris , XXXIe et XXXIIe livrais., in-4, Paris-, chez J. B. Baillière et fils. De la part de MM. Grüner et Lan, État présent de la mé¬ tallurgie du fer en Angleterre , in-8, 850 p., 9 pl . , Paris, 1862-, chez Dunod. De la part de M. E. Jacquot : 1° Note sur la terre végétale provenant de la petite chaîne connue sous le nom de /’Alaric {Aude) (extr. des Actes de la Soc . Linn. de Bordeaux , t. XXIV, 2e livrais.), in-8°, 9 p., Bordeaux, 1862; chez Lafargue. 2° Note sur V existence et la composition du terrain tertiaire supérieur dans la partie orientale du département de la Gi¬ ronde (extr. des Actes de V Ac% i. des sciences , etc. , de Bor¬ deaux), in-8, Bordeaux, 1862 ; chez G. Gounouilhou. De la part deM. G. de Mortillet, Revue scientifique italienne , 1862, 3e livrais. De la part de M. le Prof. A. Oppel : 1° Die Arien der Gattungen Glyphea und Pseudoglyphea , in-8, h p., Munich, décembre 1860. 2° Die Arten der Gattungen Eryma , P seudastacus , Magila und Etallonia, in-8, 7 p., Munich, mai 1861. Comptes rendus hebd. des séances de V Acad, des sciences , 1862, 2e sem., t. LY, nos 18 et 19. L’Institut , nos 1505 et 1506, 1862. Réforme agricole , septembre 1862. Annales de la Société des sciences industrielles de Lyon , n° 3, 6 novembre 1862. Société académique des sciences , etc., de Saint- Quentin [Aisne), 3e sér., t. III, 1860 à 1861. Société imp . d’ agriculture, sciences et arts de l’ arrondisse¬ ment de Valenciennes, septembre 1862. The Athenœum, nos 1828 et 1829, 1862. Neues Jahrbuch fur Minéralogie, etc., de Leonhard et Bronn, 1862, 5e cahier. Revista minera , t. XIII, n° 299, 1er novembre 1862. The canadian Journal of industry, science and art , septembre 1852. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 25 The Journal of the New-York State agricultural Society , octobre et novembre 1862. M. F. Cailliaud présente sa carte géologique du département de la Loire-Inférieure et donne quelques détails sur les terrains qui s’y trouvent mentionnés. M. Triger croit que M. Cailliaud a considéré, à tort, le terrain anthraciteux de la Loire-Inférieure comme étant dévonien; il pense qu’il dépend du terrain houiller, car il n’a jamais vu, tant en France qu’en Angleterre, de combustible exploitable dans le terrain dévonien. M. Paul Dalimier déclare que, après avoir visité pendant ces deux dernières années les dépôts siluriens dans les trois dépar¬ tements de rille-et-Yilaine, du Morbihan et de la Loire-Infé¬ rieure, il persiste dans l’opinion qu’il a émise au sujet de la Normandie, à savoir que les schistes à Cafymene Tristani sont supérieurs aux masses principales de grés dans l’ouest de la France. Il en apportera de nouvelles preuves dans une prochaine communication sur le plateau méridional de la Bretagne. M. Albert Gaudry offre à la Société, de la part de M. Réné Bourguignat, l’ouvrage que ce conchyliologiste distingué vient de publier sur la Paléontologie des mollusques terrestres et fluviatiles de V Algérie. Ce travail, dit-il, a été fait d’après les matériaux fournis par MM. Deshayes, Joba et Marès. Ces savants ont généreusement communiqué à M. Bourguignat non-seulement les coquilles fossiles lacustres et fluviatiles d’Algérie, mais encore les documents relatifs aux gisements de ces coquilles. La première partie de l’ouvrage renferme ces documents ; la seconde partie est consacrée à l’étude des espèces. Le nombre des espèces décrites est de 9û -, 62 sont terrestres, 32 sont fluviatiles. Suivant M. Bourguignat, parmi les 9 lx espèces, 16 appartiennent à l’époque falunienne, Ixb à une époque contemporaine très ancienne , enfin k7 autres à une formation contemporaine infiniment plus moderne . J’espère que l’ouvrage de M. Bourguignat sera bien accueilli, car il jette quelque lumière sur des terrains de formation conti¬ nentale *, or, chacun reconnaît que si les mers des temps géo¬ logiques commencent à être bien connues, au contraire, tout 26 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. ce qui touche à l’histoire des formations continentales est encore extrêmement obscur. M. de Verneuil lit la lettre suivante de M. de Helmersen : _ . , 24 octobre Saint-Petersbourg, - - — 5 novembre 4862. Mon cher de Verneuil, En octobre 1861, j’ai prié notre ami sir Roderick Murchison de vous communiquer une lettre dans laquelle je lui parlais des découvertes géologiques importantes faites dans l’Oural par M. Pander. Il s’agit du grès d’Artinsk qu’on avait placé dans l’étage supérieur du terrain carbonifère, et qui, dans le fait, n’est autre chose qu’un étage supérieur du permien. Nous possédons dans notre musée un bel échantillon de calcaire du district d’Ar¬ tinsk, calcaire avec Gonicitites artiensis , et dans le meme échantillon le Productus Cancrini et autres brachiopodes caractéristiques du terrain permien. Les grès d’Artinsk avec plantes et Goniatites Jossœ reposent sur ce calcaire, et sont donc d’un âge plus récent. A la suite de cette importante découverte de M. Pander, nous avons abandonné les sondages d’Artinsk qui avaient pour but la découverte de la houille. J’avais insisté près du Directeur général de nos mines sur l’importance de ces recherches géologiques avant d’entreprendre de nouveaux sondages et de faire de grandes dé¬ penses. Pander est parvenu dans son voyage, en 1861, à déter¬ miner avec beaucoup de rigueur l’horizon qu’occupe la houille sur les flancs de l’Oural. Sur le versant occidental, les couches houillères (chez MM. Strogonow, Lasarevv et Wsewolojsky) sont toujours placées entre le calcaire carbonifère supérieur ( Spirijer mosquensis) et l’étage inférieur ( Productus gigcis). Entre ces deux étages se trouvent des couches de grès avec de la houille. Sur le versant opposé (oriental) à Kamensk , c’est comme à Toula et à Kalouga; la houille s’y trouve toujours au-dessous du calcaire carbonifère inférieur (à Productus gigas ) et immédiate¬ ment au-dessus du terrain dévonien. Ayant maintenant, grâce aux travaux de M. Pander, un point de départ bien fixé, on a commencé des sondages dans différentes localités dans le but de trouver de la houille. Chez MM. Ysewo- lojsky on exploite depuis des années une bonne houille, qui se prête parfaitement aux travaux métallurgiques. Il faut que je vous parle d’un autre voyage de M. Pander qu’il a NOTE DE M. DE HELMERSEN. 27 fait en 1862. Il a visité cette belle presqu'île du Wolga, entre Sysran et Stawropol, et a vu que le calcaire à Fusilina cylindrica (calcaire carbonifère supérieur) n’occupe qu’une bande assez étroite au nord de la presqu’île et que le reste de cette localité se compose de couches permiennes. Comme ce calcaire, d’après les observations de M. Pander, pos¬ sède le caractère du calcaire carbonifère supérieur de l’Oural, il se pourrait que sous ces couches on retrouvât les grès à houille. M. Pander propose d’y faire des sondages; iis seront entrepris en 1863. Avez- vous vu à Paris deux cartes géologiques, l’une du gouver¬ nement de Kasan, l’autre de Simbirsk, faites et publiées par M. Wagner, professeur à l’université de Kasan? M. Wagner n’admet dans ces deux provinces aucune couche permienne , soutenant avec beaucoup de ténacité qu’il n’y a que du terrain tria- sique. Chose étonnante que cette nouvelle découverte ! M. Pander, un des paléontologues des plus distingués, a visité Simbirsk et Kasan après M. Wagner, et n’a pu trouver, comme vous autrefois, que des fossiles permiens, même dans les localités que M. Wagner cite comme des exemples de couches triasiques. Je me suis proposé de voir ce terrain en 1863; il faut absolument que cette affaire prenne fin de manière ou d’autre. Après ce voyage que j’espère entreprendre l’été prochain, je serai en état de me prononcer aussi sur le Dyas de MM. Geinitz et Marcou. Je ne vois pas, jusqu’à présent, la possibilité d’appli¬ quer leurs propositions à nos terrains de l’est. C’est bien dommage que M. Auerbach, de Moscou, n’ait pas pu¬ blié jusqu’à ce moment les résultats de son voyage au mont Bogdo ; cette publication promet de nous donner une idée plus précise du muschelkalk du Bogdo, seul point en Russie où l’on soit assez sûr d’avoir un terrain triasique. Il est vrai que M. Wagner, dans deux petites brochures qui doivent servir d’explication à ses cartes, cite, dans les couches de Simbirsk et de Kasan, Avicula socialis , Encri - ni te s liliiformis, des Voltzia, des poissons de la classe des Saurichthys (S. Mougeoti ), mais il n’y a ni figures, ni diagnoses. Seulement M. Wagner a déposé, il y a deux ans, dans le musée du corps des mines, un échantillon d’Avicula socialis et une tige d ’Encrinites liliiformis, recueillis dans lesdites localités, mais il avoue lui- même que l’un des échantillons seulement a été trouvé en place, l’autre est un spécimen erratique. La roche dans laquelle se trouve la tige d’Encrine ressemble à s’y méprendre au muschelkalk des Vosges. Je ne nie pas l’existence du trias à Simbirsk et à Kasan, 28 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 18(52. mais je préfère à la description lue dans mon cabinet line visite faite sur les lieux. M. Pander part dans quinze jours pour passer deux ans à l’étran¬ ger. Vous le verrez à Paris, à Liège, à Londres. 11 prend avec lui toute la belle collection de mollusques fossiles de nos terrains permiens, carbonifères et dévoniens, qu’il a ramassée depuis quinze ans, pour la comparer en original aux collections de l’ouest de l’Europe. Après cet important travail il publiera sur ces terrains un ouvrage qui sera très utile. Il serait bon, ce me semble, d’avoir des congrès paléontologicjues pour fixer l’identité des espèces et des variétés de mollusques fos¬ siles des différents terrains et des différents pays, en réunissant temporairement de grandes collections. Qu’en pensez-vous? M. Abich est toujours au Caucase, étudiant surtout le Daghestan, qui, depuis le départ de Schamyl, prisonnier, est accessible à tout le monde. Dans le Bulletin de notre Académie vous trouverez des mémoires, qu’il publiera bientôt. M. Sclunidt, le géologue que la Société russe de géographie avait expédié aux bords du fleuve Amour et à Sakhalin , doit reve¬ nir après un séjour de quatre ans, vers la fin de l’année 1862. Ses rapports sur les explorations faites à Sakhalin et sur l’Amour sont très intéressants. Tout l’espace compris entre le Khingan oriental et le Khingan occidental , et parcouru par le fleuve Amour, se com¬ pose d’un immense terrain d’eau douce. M. Grevingk, professeur à Dorpat, a publié, comme vous le savez, une Géologie des provinces baltiques de la Russie , avec une jolie petite carte dressée à Berlin. Ce qu’il y a de plus nouveau dans cet ouvrage, c’est l’existence du terrain permien enCourlande, que M. Pander avait découvert il y a bien des années, sans en rien publier. Quant à moi, j’ai examiné en 1861 et 1862 les bords du lac Peipus et les parties adjacentes, au sujet d’une question tech¬ nique qui occupe beaucoup de monde dans ces localités. Depuis vingt-cinq ans à peu près, on remarque que le niveau du lac Peipus est plus élevé qu’auparavant. Pendant la fonte des neiges et dans les étés pluvieux, comme 1840, 1844, 1861 et 1862, l’eau du lac déborde et envahit les prairies, les champs et les bois situés dans les régions basses du littoral. Je connais des proprié¬ taires qui ont subi, à la suite de ces inondations, de grandes pertes. Ils adressèrent alors au gouvernement une demande d’abaisser le niveau du lac de 3 à 4 pieds, au moyen d’un pro¬ fond canal creusé à côté de la Narova, seul écoulement du NOtE DE W . DE HELMERSEN. 20 Peipus. Un projet dressé à ce sujet par ordre supérieur n’obtint pas la sanction du Ministre des travaux publics, parce que ce tra¬ vail aurait demandé des dépenses qui dépassaient l’avantage qu’on en aurait tiré. Cette affaire m’a paru assez intéressante pour l’analyser sous le point de vue géologique et physique, et voici le but dans lequel j’ai voyagé deux ans de suite sur les bords et les îles de ce beau lac, qui, comme M. de Baer l’avait déjà remarqué, était beau¬ coup moins connu dans la science que même le lac Baïkal. Mon rapport sur ce sujet est achevé et sera imprimé vers la fin de l’année. Je ne tarderai pas de vous en présenter un exemplaire. Un mot encore, cher monsieur de Verneuil, sur nos collections paléontologiques. M. Roemer (de Breslau) les a visitées pendant quelques heures au mois d’août 1861. Dans le musée du corps des mines il n’y avait alors pour guider M. Roemer qu’un jeune officier qui ne connaissait qu’une petite partie de nos collections. Il fit voir au savant professeur la collection qui souvent se trouve entre les mains des élèves, quand ils font leurs répétitions. Il y a beaucoup d’échantillons sans indication de la localité, d’autres délogés de leur domicile, etc., le tout en assez mauvais ordre, ce qui arrive souvent avec les collections abandonnées à l’usage des élèves, mais ce qu’il est facile de redresser quand on connaît les espèces et leurs localités. Malheureusement le jeune officier ne pouvait rien faire voir à M. Roemer de ce qu’il y avait de collec¬ tions intactes dans des centaines de tiroirs, et dans les grandes armoires, situés dans la belle salle que vous avez vue aussi. Nos grandes et belles collections, arrangées avec soin et recueil¬ lies par les géologues les plus distingués du pays, ont donc mal- heuseusement échappé à M. Roemer, ce que nous regrettons beaucoup, parce que dans le cas contraire il n’aurait pas imprimé, dans les publications de la Société géologique allemande, que toutes nos collections paléontologiques sont dans un mauvais état. Bien avant la publication du récit de M. Roemer sur son voyage en Russie, j’ai fait arranger et classer lesdites collections d’une manière très différente de celle que vous avez vue autrefois. J’ai fait d'abord sortir des tiroirs toutes nos richesses. Ensuite on a réuni tous les fossiles appartenant au même terrain en un groupe, mais toujours en plaçant à part les fossiles de chaque lo¬ calité. Ainsi on trouve maintenant tous les fossiles siluriens en¬ semble, Europe, Oural, Altài, etc. ; mais chaque localité a conservé 30 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. sa place, de sorte que la comparaison du faciès des terrains sédimentaires de la Russie est très facile maintenant. Cette grande collection se compose de plus de 60,000 échantil¬ lons, sans compter la vaste et superbe collection crétacée et juras¬ sique de Jasykow , dont son fds, après la mort de son savant père, nous a fait cadeau. Cette collection est au nombre de 6 à 7000 échantillons. C’est une collection d’une grande beauté et d’un degré de conservation parfait. J’invite tous les paléontologues à la voir. Il y a aussi de beaux ossements fossiles. La collection Jasykow est munie d’un catalogue, et il y a un journal géologique écrit de la main de ce savant géologue. La nouvelle carte géologique de la Russie que j’ai préparée est déjà gravée sur pierre et paraîtra vers la fin de l’année. Elle devait paraître il y a un an, mais une absence de plus de quatre mois et le désir de profiter des nouvelles découvertes de M. Pander ont fait retarder l’édition. Je vous enverrai quelques brochures. Veuillez avoir la bonté de les distribuer à leurs adresses. C’est un mémoire sur la colonne Alexandrine (le grand monolithe de Saint-Pétersbourg) et quel¬ ques mots sur la houille de Toula et de Kalouga, que MM. Auer- bacli et Trautschoid ont absolument voulu placer non pas au- dessous, mais au-dessus du calcaire à Productus gigas , erreur qui se répète de temps à temps. Dernièrement encore le capitaine Romanowsky a découvert à Podolsk (35 verstes au sud de Moscou) une couche houillère sous le calcaire à Productus gigas. C’était dans un puits creusé avec une sonde et profond de 350 pieds environ. M. Buteux fait la communication suivante : Observations sur quelques opinions récemment émises au sujet des silex travaillés du département de la Somme; par M. Buteux. Dans le Bulletin de la Société géologique , page UU2 (séance du 20 janvier 1862), M. Melleville, à l’appui de son opinion sur les terrains de Saint-Acheul et de Saint-Roch, me cite comme ayant mentionné le fait de la découverte d’ossements de grands mam¬ mifères dans le diluvium rouge. C’est une erreur à laquelle il a sans doute été induit parce que je n’ai pas suffisamment distingué dans mes premières publications les diluvium gris et rouge. NOTE DE M. BUTEUX. SI M. Melleville a commis aussi une erreur au sujet de la carrière de Saint-Roch, ce qui était bien pardonnable, au reste, de la part d’une personne étrangère au pays. Il a cru que la carrière de Saint-Roch qu’on lui a montrée était celle où l’on avait trouvé les ossements envoyés à Cuvier et cités par ce savant, tandis qu’ils proviennent d’une carrière située à peu de distance, abandonnée depuis longtemps et couverte de broussailles. C’est de là que vient aussi le moule intérieur de Cardium hippopœum , reconnu par Aie. d’Orbigny, mais personne ne sait s’il a été rencontré dans le haut ou dans le bas de la carrière, c’est-à-dire dans le diluvium rouge ou dans le gris, M. Picart, qui l’a recueilli, étant décédé, j Tous ceux qui ont visité les carrières de Saint- Acheul ont | éprouvé une grande surprise de l’idée que les silex travaillés qu’on y trouve avaient été abandonnés, à cause de leur imperfection, dans des galeries souterraines percées dans ces bancs de silex et remplies par l’effondrement du toit. C’est à la séance de l’Acadé¬ mie des sciences, du 26 mai dernier, que M. Scipion Gras a émis ' cette opinion. Il faut qu’elle vienne d’un aussi savant géologue j pour m’engager à présenter quelques courtes observations à ce | sujet. A Saint-Acbeul, on voit le diluvium gris dans lequel seul on a J recueilli des silex travaillés, assez souvent raviné dans la partie supérieure, ce qui a eu lieu évidemment lors du dépôt du dilu¬ vium rouge ; mais nulle part ce diluvium n’est disposé comme s’il ^ s’était ellondré et avait rempli des galeries faites dans le diluvium gris. Le lœss qui lui est superposé n’a également subi aucun chan- I gement. A Menchecourt, le banc de silex où l’on trouve des silex tra- ; vaillés paraît avoir été déposé par des eaux tranquilles. Il n’a pas | été raviné, et son épaisseur, dans les fortifications, de 2 mètres à 2m,50, est trop peu considérable pour qu’on ait pu y pratiquer des galeries ; on ne remarque d’ailleurs aucun dérangement dans le lœss auquel il est subordonné. Enfin, au moulin Quignon, dans la disposition des strates, quel¬ quefois irrégulière, rien n’annonce des mouvements postérieurs au dépôt des silex dont le banc a presque partout peu d’épaisseur. Les silex travaillés se rencontrent dans une assez grande partie, à Amiens surtout, des divers lieux que je viens de nommer, et de nouvelles recherches en feront sans doute trouver dans les parties où l’on n’en a pas encore rencontré. Il faudrait donc qu’il y eût eu des galeries partout, séparées seulement par d’étroits intervalles, ce qui ne saurait avoir été sans nuire à la solidité des bancs de silex SÉANCE DU J v7 NOVEMBRE 4862. S-2 formant des terrains peu cohérents. Cette idée de galeries a été inspirée à M. Gras par la vue de quelques galeries dont les plus longues ont seulement 6 mètres et 2 mètres de largeur sur lm ,90 de hauteur. Creusées actuellement par les ouvriers pour l’extrac¬ tion des cailloux, elles ne sauraient avoir une plus grande dimen¬ sion sans danger, ni surtout ne pas être à une assez grande distance les unes des autres. Lorsqu’on finit par les laisser s’effondrer, la disposition qu’ils prennent est tout autre que celle qu’ils ont dans la carrière. M. Gras pense qu’on taillait les haches dans les galeries, parce que les silex fraîchement extraits et non privés de leur eau de carrière sont plus faciles à travailler. Cela est vrai lorsqu’on les extrait de la craie où ils se sont formés, mais il n’en est pas de même de ceux de Saint-Acheul qui, avant d’être déposés dans ce lieu, ont été longtemps roulés par les eaux ou exposés à l’air, et ont fini par prendre les couleurs jaunes ou blanches de 2 à 5 milli¬ mètres d’épaisseur, même sur les fractures. Ils ne contiennent plus d’eau de carrière qui les rend si tendres et sont bien plus difficiles à briser que ceux récemment extraits de la craie. M. Gras cite M. Toilliez, ingénieur à Mons, qui a recueilli en abondance à la surface du sol des haches qui ne diffèrent pas sen¬ siblement de celles de Saint-Acheul . Presque partout en Europe, et même en Asie, en Amérique, etc., on trouve des haches appe¬ lées d’abord celtiques, parce que c’est dans les pays habités autre¬ fois par les Celtes qu’on a commencé à les recueillir, mais elles se distinguent de celles de Saint-Acheul parce qu’elles sont à diffé¬ rents degrés d’avancement et que beaucoup ont la forme de haches et s’emmanchaient dans des os. A Saint-Acheul elles sont entières et au même degré d’avancement, n’ont jamais la forme de haches et paraissent terminées, quoique le poli leur manque, et l’on ignore à quoi elles servaient ; c’est ce qui m’a empêché de les appeler des haches, me contentant de les nommer des silex tra¬ vaillés, d’autant plus, et ceci est remarquable, que toutes sont entières et qu’on n’en trouve aucun débris provenant de la casse lors de la taille. Elles n’ont pu avoir été abandonnées comme informes et impropres à la vente, comme le dit M. Gras. Il n’est pas étonnant que des peuples à peu près, sinon tout à fait au même degré de barbarie, n’aient pas façonné des ouvrages qui ne diffèrent pas sensiblement , pour un grand nombre, peut-on ré¬ pondre à M. Gras, qui demande pourquoi, à un si grand inter¬ valle de temps, des produits aussi semblables, c'est-à-dire aussi peu distincts. NOTE DE M. BÜTEUX. 33 IM. Gras se fonde sur l’intégrité et la conservation des haches pour établir qu’elles ont été taillées et abandonnées sur place et n’ont pas été roulées par les eaux. Mais on sait qu’il faut des mou¬ vements violents ou souvent répétés des eaux pour que les silex s’usent. J’ai moi-même trouvé, parmi les nombreux silex roulés à chaque marée, sur le rivage de Saint-Valery-sur-Somme , une hache celtique polie et ayant le taillant vif comme si elle ne fît que de sortir des mains de l’ouvrier. Elle est au musée d’Amiens et provient de la collection de M. Ravin, auquel je l’avais donnée. On sait que des coquilles fragiles se trouvent parfois intactes au milieu de pierres dures roulées. On a cru voir un rapport de la couleur extérieure des silex de Saint-Acheul et de Menchecourt, soit dans leur état naturel, soit lorsqu’ils sont travaillés, avec la matière meuble qui les entoure ; c’est une erreur. Les silex de Saint-Acheul, de Menchecourt et du moulin Qui¬ gnon sont de quatre sortes : 1° Les silex qui ont perdu leurs aspérités et ont une couleur jaunâtre même sur les fractures, ou, pour parler plus clairement, qui sont jaunes dans toute leur circonférence de l’épaisseur de 2 à 5 millimètres. On en trouve de semblables dans le fond et sur les bords de tous les cours d’eau qui ne consistent pas en de petits ruisseaux, dans le département et dans ceux limitrophes, quelle que soit la couleur du terrain qui les renferme. 2° Les silex qui sont blancs, même sur les fractures, l’épaisseur de 2 à 5 millimètres. On les rencontre dans certaines parties du département, disséminés sur le sol, entre autres dans la plaine au delà du moulin Quignon et dans le terrain meuble de beaucoup de rideaux. On trouve aussi des silex qui ont une croûte blanche sur les fractures dans ceux enveloppés dans les sables verdâtres appar¬ tenant à l’éocène inférieur et dans des grès que je crois de la même époque, ce qui fait voir dans le premier cas que l’influence des sables ferrugineux a été nulle. 3° De petits galets de silex peu nombreux, provenant des sables griséocènes inférieurs enlevés par les eaux. On en voit encore en place dans plusieurs lieux du département que j’ai cités. On trouve aussi de ces galets mêlés avec les autres silex à la surface du sol dans plusieurs lieux. U° Enfin, il y a des silex qui ont été peu roulés, car ils n’ont pas perdu leurs aspérités, et d’autresqui l’ont été assez pour laisser voir leur couleur noire. J’ignore la cause de la couleur jaune ou blanche que les silex ont Soc. géoi, , 2e série, tome XX, 3 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. 3 h prise sur leur fracture postérieurement à leur séparation de la craie, mais il est certain qu’elle existait avant leur dépôt dans le diluvium où on les trouve, comme les deux autres espèces, indif¬ féremment dans les sables blancs, dans les sables argileux jaunes ou bruns, dans la craie en grains. Ils ont pris la couleur de ces ma¬ tières meubles, mais quand on les lave, elle disparaît pour ne laisser voir que celle qu’ils ont réellement. Comment pourrait-on imaginer, en effet, que des silex sont devenus jaunâtres parce qu’ils étaient dans du gravier jaune, et blancs et luisants sur les fractures parce qu’ils avaient été enveloppés par du gravier blanc ou de la craie en grains? M. Hébert dit qu’il considère les observations de M. Buteux sur le diluvium de la Somme comme très exactes, et qu’elles concordent avec ce que l’on remarque dans les environs de Paris. M. Matheron communique la note suivante de M. de Saporta : Note sur une nouvelle classification des terrains tertiaires lacustres du sud-est de la France ; par M. Gaston de Saporta. L’existence, dans les terrains tertiaires de Provence, d’une série continue comprenant tous les termes de l’échelle géologique, se dégage de plus en plus de l’étude des faits dans cette région. Elle ressort des diverses branches de connaissances qui concourent à former la science géognostique, de l’examen des plantes, comme de celui des animaux, soit mollusques, soit vertébrés, comme aussi des recherches purement stratigraphiques. On ne saurait assez tenir compte en géologie de l’appui que se prêtent des études spéciales dirigées chacune dans leurs limites respectives vers un but unique, et, lorsqu’il résulte de ces tendances isolées un accord remarquable, on doit y reconnaître une preuve d’un ordre supé¬ rieur. Ces considérations s’appliquent à l’ensemble des terrains tertiaires de Provence si longtemps controversés. Mes recherches persévérantes sur les plantes fossiles si nombreuses et si variées de ces terrains établissent d’une manière certaine la division en plusieurs termes distincts, correspondant à autant d'étages de la série parisienne , du terrain de Provence jusqu’à présent désigné sous le nom de terrain à gypse , et comparé dans son ensemble, tantôt au gypse de Montmartre, tantôt au miocène proprement NOTE DE M. DE SAPORTA. 35 dit, tandis qu’en réalité ce même terrain renferme des parties de différents âges, suivant qu’on le considère vers sa base, à son milieu, ou vers son sommet. Les flores toutes différentes les unes des autres que Ton observe à plusieurs niveaux, dans des bassins contigus reproduisant la même série de couches, en sont la preuve la plus évidente, puis¬ qu’il serait absurde d’admettre qu’à si peu de distance des flores contemporaines aient pu varier au point de renfermer très peu d’espèces communes, tandis qu’elles présentent les plus grands rapports avec les flores étrangères qui correspondent naturellement à chacune d’elles. Il en est ainsi de la flore du gypse dé Aixy de celle du gypse de Gargas , de celle des couches marneuses et bitumineuses de Saint- Zacharie , de celle des calcaires marneux du bassin de Marseille , et de celle des schistes bitumineux des environs de Manosque , c’est-à- dire de cinq flores successives marquant chacune cinq âges distincts, caractérisées par des espèces dominantes et un groupement parti¬ culier qui change dans chacune d’elles, toutes comprises également dans F ancien terrain h gypse. Ces résultats seront consignés dans un mémoire actuellement sous presse que je soumettrai à la Société ■ géologique ; il serait donc inutile d’entrer dans les détails ; je veux seulement insister en quelques mots sur le parfait accord qui s’est : établi entre les résultats de mes propres recherches et celles pour¬ suivies en même temps par mon ami M. Matlieron à l’aide des coquilles d’eau douce et de la stratigraphie comparée. Le mémoire que nous avons publié en commun l’année dernière en était une i première preuve; ceux que nous venons de rédiger chacun dans notre spécialité, et même sans nous être concertés, achèveront de le prouver. Le travail de M. Matlieron vient de paraître et a pu passer sous les yeux de la Société; le mien, beaucoup plus modeste, se rapporte seulement à ce qui concerne toute la botanique fossile; mais il me semble utile de faire ressortir d’avance quelques-uns I des points qui servent à la mise en lumière des faits que M. Mathe- ron a cherché à établir, et sur lesquels je partage son opinion. Je laisse de côté ceux de ces faits qui ne touchent pas à la bota¬ nique fossile et par conséquent tous les étages dépourvus de plantes ; quant aux autres, il est évident que la position assignée par M. Matlieron à nos lignites inférieurs ou lignites de Fupeau, la subdivision en plusieurs étages du système à gypse et enfin l’âge relatif des couches d’ Armissan dans le bassin de Narbonne sont les trois points les plus saillants de son mémoire, ceux qui paraissent le plus en désaccord avec les opinions généralement admises jusqu’à 36 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. présent par les géologues de Paris. C’est sur eux que je vais m’arrêter quelques instants en corroborant l’opinion de M. Mathe- ron de celle que m’a suggérée l’étude des plantes fossiles. 1° La détermination présumée de i’age du lignite de Fuveau à laquelle M. Matheron n’est arrivé que par l’étude de l’étage à Physes qui le surmonte et la comparaison de cet étage avec les calcaires de Montolieu et de Roquemale qui s’identifient avec ceux de Rilly dans le bassin parisien, cette détermination qui me paraît rigoureusement exacte, aurait pu être obtenue directement par l’étude des plantes fossiles qui, selon toutes les apparences, devaient abonder sur les bords marécageux de l’ancienne lagune. L’existence de sinuosités littorales très considérables ou même de nappes secondaires groupées autour de la principale et de schistes bitumi¬ neux riches en résidus végétaux autorisaient pleinement celte espérance qui pourtant s’est trouvée déçue jusqu’à présent. Les végétaux recueillis se réduisent à un très petit nombre d’espèces qui ne constituent ni une flore véritable, ni même un groupe con¬ sidérable de formes ; toutefois, on peut encore tirer quelque lumière de ces indices. La flore de Rilly et celle un peu plus moderne des lignite s du Soissonnais se trouvent connues par le célèbre dépôt de Sézanne et les nombreuses empreintes végétales recueillies par M. Watelet dans les grès de Soissons. Ces deux flores, remarquables par leur faciès particulier, surtout par l’ampleur et la nervation caracté¬ ristique des feuilles, ne présentent aucun point de contact avec les quelques espèces recueillies dans les couches de Provence. Celles-ci comprennent surtout les débris d’une monocotylèdone aquatique appartenant à une tribu tout à fait nouvelle, puis des fruits filamenteux un peu analogues à ceux de Sheppy dans l’ar¬ gile de Londres, connus sous le nom de Nepadites , mais distincts même génériquement et beaucoup plus petits, et enfin quelques dicotylédones d’affinité très douteuse, mais ne ressemblant en rien à celles de Sézanne et du Soissonnais. Ces différences indi¬ quent certainement ou une époque distincte ou l’existence de con¬ ditions assez diverses dans les deux bassins pour motiver la pré¬ sence de formes végétales tout à fait opposées. Quant à supposer les plantes du bassin de Fuveau plus modernes que celles du Sois- sonnais et se rapprochant par conséquent de celles du calcaire grossier parisien , la longue série d’étages et de formations si puis¬ santes et si bien caractérisées qui se succèdent au-dessus des couches qui les renferment et les séparent du gypse d’Aix dont la flore, si nettement tranchée, se rapproche elle-même de celle du calcaire NOTE DE M. DE SAPORTA. 37 grossier , me semble rendre cette supposition inadmissible pour tous ceux qui visiteront notre système inferieur. 2° J’ai déjà insisté sur la légitimité de la division en une longue série d’étages de notre système a gypse ; cette division se trouve pleinement autorisée par l’existence d’une suite de flores locales caractérisant chacun des nouveaux étages. Je ne reviendrai pas sur ce genre de preuve, mais je dirai quelques mots touchant l’àge que l’on doit assigner à chacune de ces végétations consi¬ dérées en particulier. La flore du gypse d’Aix ne correspond directement à aucune autre flore étrangère; elle n’a que des liens assez éloignés avec celles qui s’en rapprochent le plus; M. Matheron la place dans son étage O et la regarde comme postérieure d’un degré aux couches à Palœotherium de Gargas et au gypse de Montmartre. Tout en plaçant la flore d’Aix au même niveau que notre ami, je regarde son opinion comme un peu trop absolue, en ce sens que cette flore ne se trouve pas bornée aux seules couches à gypse, mais que les lits inférieurs en renferment déjà de nombreux dé¬ bris à une hauteur correspondant à peu près à l’étage N, immé¬ diatement inférieur. Les espèces communes qui servent de lien à ces deux parties de la flore empêchent de les séparer. Après la flore du gypse d’Aix qui se termine avec les lits à Cy- rènes, étage P de M. Matheron, vient celle du gypse exploité de Gargas qui s’appuie immédiatement sur ces mêmes lits ; elle pré¬ sente déjà pourtant des différences notables qui la distinguent de la précédente. La flore de Saint-Zacharie qui vient ensuite marque une époque qui ne peut être éloignée de celle du gypse de Gargas ; elle cor¬ respond sans doute à l’étage Q1 de M. Matheron, puisque, tout en différant beaucoup de la flore d’Aix, elle se rapproche par plu¬ sieurs traits de celle de Gargas et se lie indubitablement avec celle de Saint- Jean-de-Garguicr , placée par M. Matheron dans son étage R. Cette flore commence à manifester une affinité de formes assez remarquable avec le dépôt à’Hœr ing en Tyrol, placé dans le ton - grien par les auteurs suisses qui s’en sont occupés en dernier lieu, quoiqu’elle n’en possède pas encore les espèces les plus caractéris¬ tiques; mais nous voyons apparaître ces espèces et notamment le Dryandra Brongniartii , Ettingh., les Sabal major et oxy rachis, le Pinus palæostrobus , Ett., le Diospyros hœringiana , Ett., et le Panax longissimum , Ung., dans la flore de Saint- Jean-de-Garguier et des calcaires marneux du bassin de Marseille qui lui sont subordonnés. 38 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. Ici la liaison avec les dépôts situés hors de France, en Allemagne, en Suisse et en Italie commence à devenir manifeste. Cette liaison est encore plus évidente dans les lits bitumineux à empreintes végétales des environs de Manosque reportés par M. Matheron dans son étage T, c’est-à-dire à la hauteur des meulières du bassin parisien , de 1* aquitanien des auteurs suisses et par conséquent des dépôts du Monod et de Hohe~Rhonen dont ils présentent la plupart des formes caractéristiques ; c’est ainsi que nos flores principales cadrent très naturellement avec les divisions que M. Matheron a fondées principalement au point de vue des faunes de mollusques et de la stratigraphie. 3° L’exposé des faits précédents facilite singulièrement la solu¬ tion de la dernière question, celle de l’âge véritable des dalles a empreintes végétales d’Armissan. En effet, si l’on s’attache à la seule considération des plantes, il est impossible d’assigner à cette flore une place correspondant à celle du gypse d’Aix avec qui elle n’a rien de commun, ni par son faciès, ni dans son ensemble, ni dans les espèces qu’elle renferme, tandis que ces mêmes espèces, en ne considérant même que celles qui ont été signalées ailleurs, la rangent très naturellement à côté de Saint-Jeàn-de-Garguiert d’ Hœring en Tyrol, de Radoboj en Croatie, du Monod en Suisse et de Manosque enfin, dépôts de l’âge miocène, bien plus récents que celui d’Aix. Yoici la liste exacte des espèces que j’ai pu reconnaître comme étant ou pouvant être communes entre A rmissan et d’autres dépôts soit de Provence, soit de France ou de l’étranger. Callitris Brongniartii P, Endl. L’espèce d’Armissan est identique avec celle d’Hæring et de Radoboj ; mais elle paraît s’éloigner assez notablement de celle du gypse d’Aix pour constituer au moins une variété. Taxites Tournalii , Brong, Cette espèce est un vrai Séquoia à peine distinct du Séquoia Langsdorfii , Heer, qui se retrouve à Manosque, en Suisse, en Allemagne, en Auvergne, en Angleterre et jusqu’en Amérique, à l’époque miocène. Séquoia Couttsiœ , Heer. Cette espèce a été signalée par M. Heer à côté de la précédente dans le dépôt miocène de Bovey en Angle¬ terre, ainsi que dans l’île de Wight, à Hampstead, dans une couche appartenant au tongrien ; M. Adolphe Brongniart, qui l’avait recueillie en premier lieu à Armissan, l’a observée depuis dans les meulières de Neauphle-ie-Château, près de Versailles, même étage que Lonjumeau. Cinnaniomum lanceolatum, Heer (. Daphnogene lanceolata, Ung.). NOTJÏ DE M. DE SAPORTA. 39 Cette espèce se retrouve dans tous les dépôts tertiaires à partir de l’éocène supérieur. Cinnamomum polymorplium , Heer. Cinnamomum spectabile , Heer. Ces deux espèces sont très répandues dans les dépôts de l’âge moyen. En Provence elles ne commencent à se montrer que dans la flore de Manosque. Dryandroides lœvigata , Heer. Espèce très répandue dans le miocène inférieur de Suisse. En Provence elle se montre à Manosque. Dryandra Brongniartii , Ettingsh. ( Comptonia dryandrœjolia , Brong., Dryandra Schrankii , Heer). Cette espèce est une des plus caractéristiques du dépôt d’Armissan. Elle caractérise également la flore des calcaires marneux du bassin de Marseille ; elle ne se montre pas en Provence avant cet étage et disparaît au-dessus ; elle caractérise également la flore d’Hæring et se montre, quoique très rarement, au Monod, à la base de la mollasse suisse. Nymphacites Brongniartii , Caspary [Ann. scienc. nat., A® sér., t. YI. Bot., p. 199 ; Nymphœa Arethusœ , Brong.). Cette espèce con¬ fondue autrefois par M. Brongniart avec son N. Arethusœ en est en réalité très distincte. Les rhizomes ont été soigneusement décrits par M. Caspary; j’ai depuis découvert les feuilles. Ces différents organes dénotent une Nymphêacée distincte génériquement des Nymphœa proprement dites. Une espèce très voisine de celle-ci se montre à Saint-Jean-de-Garguier ; cependant des différences assez notables dans le nombre et la disposition des lacunes dans le pétiole empêchent de les confondre, comme M. Matheron semble l’indi¬ quer, d'après une première impression. M. Heer a signalé en dernier lieu cette espèce dans la base de la mollasse suisse. Sterculia cligitata , Ung. [Platanus cligitata , Ung., P. Hercules , Ung.). Cette grande espèce se retrouve àRadoboj en Croatie, dépôt de l’âge miocène proprement dit. Acer decipiens ?, Heer. Espèce qui existe en Suisse dans le miocène, et se montre en Provence dans les couches de Bonnieux situées à peu près sur le même horizon que celles de Manosque. Engelhardtia macroptera (Juglandées) [Carpinus macroptera , Brong.). Cette espèce très nettement caractérisée par ses fruits se retrouve à Radoboj en Croatie, à Sotzka en Styrie et à Swosnowice en Gallicie. Juglans acumincita , A. Braun. Espèce très répandue à OEningen, à Parschlug et dans la plupart des dépôts miocènes de la Suisse et de l’étranger. SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. iO Il est facile de voir par cette énumération qu’à l’exception peut- être du Callitris et du Cinnamonium Innceolatum , espèces qui du reste reparaissent uniformément dans tous les dépôts d’une certaine période, aucune des espèces d’Armissan ne se retrouve dans la flore du gypse d’Aix, ni même dans celle de Saint-Zacharie, tandis que toutes les affinités que l’on peut relever ont lieu avec les dépôts de Saint-Jean et de Manosque en Provence ou avec les dépôts étrangers de Suisse, d’Allemagne et même d’Angleterre qui se rapportent au même horizon que ces derniers, c’est-à-dire au miocène inférieur. Mais, au lieu de rechercher le nombre des espèces communes, arrêtons-nous maintenant à leur mode de groupement et à leur prépondérance relative, moyen plus efficace peut-être que le premier d’apprécier le caractère véritable d’une flore ; on remar¬ quera alors qu’à Armissan, de même que dans le bassin de Marseille-, et à Hæring en Tyrol, le Dryandra JBrongniartii est la forme la plus répandue, celle qui reparaît dans la plupart des couches, et, comme cette espèce se trouve limitée à une période assez courte, sa présence simultanée dans des conditions identiques démontre bien l’affinité qui relie les deux localités du midi de la France. Quant aux divergences qui les distinguent et qui sont assez saillantes pour attirer l’attention, elles tiennent peut-être à de simples accidents de localité, la distance qui sépare Armissan des dépôts de Provence étant beaucoup plus considérable que celle qui sépare ces dépôts les uns des autres; mais il est à remarquer également que, si l’on attache quelque importance à ces différences, elles sont toutes en faveur de l’opinion qui placerait Armissan sur un horizon encore plus moderne que l’étage P de M. Matheron et plus éloigné par conséquent de celui du gypse d’Aix. îles derniers caractères peuvent se résumer ainsi : absence ou rareté excessive des palmiers qui s’éloignent du bord des anciennes eaux ; rôle plus considérable attribué aux formes européennes et surtout aux essences à feuilles caduques ( Betula , Castanea , Acer, Jugions ), ampleur croissante du limbe foliacé dans la plupart des cas; enfin apparition ou fréquence relative de certaines formes ( Séquoia , Cinnamonium , Dryandroides , Acer). Tous ces caractères distinguent également la flore de Manosque, immédiatement pos¬ térieure à celle de Saint-Jean-de-Garguier, mais où ne se montre plus le Dryandra JBrongniartii ; ce sont également ceux qui distin¬ guent la mollasse inférieure de Suisse où cette espèce se montre encore sur quelques points ; de sorte qu’en s’attachant à ces données purement botaniques je me trouve porté à placer la flore d’Ar- NOTE DK M. DES CLOIZEAUX. M missan à côté de celle de Saint-Jean-de-Garguier, mais dans un âge un peu plus récent et intermédiaire entre celle-ci et celle de Manosque. Cette nuance est en tous cas peu prononcée ; elle perd même de son importance lorsqu’on cesse comme M. Matheron de se placer exclusivement au point de vue de la végétation, mais que l’on cherche à faire concorder dans un but de classification générale les diverses branches de la paléontologie. L’important pour moi était de démontrer que les vues nouvelles développées par mon excellent ami se trouvent confirmées dans ce qu’elles ont de plus saillant par l’observation des plantes fossiles, dont le rôle ne saurait être contesté ni amoindri dans l’étude des terrains lacustres du sud-est de la France, où leur importance, leur nombre et leur disposition en flores successives constituent un phé¬ nomène du plus grand intérêt. M. Des Cloizeaux fait la communication suivante : Observations sur les modifications permanentes et temporaires que V action de la chaleur apporte à quelques propriétés optiques de plusieurs corps cristallisés ; par M. Des Cloizeaux. D’anciennes expériences de MM. Brewster et Mitsclierlich ont montré que, dans certains cristaux, l’écartement des axes opti¬ ques et l’orientation de leur plan variaient avec la température à laquelle ces cristaux sont soumis. On n’a connu pendant long¬ temps que les phénomènes si tranchés produits par la glaubérite et le gypse. J’ai constaté récemment qu’un assez grand nombre de substances anhydres ou hydratées, telles que le feldspath or- tliose, la cymophane, la Brookite, la Heulandite, la Prelinite, le clinochlore, etc., subissaient aussi l’influence de la chaleur d’une manière plus ou moins marquée; mais, de plus, j’ai reconnu que si l’on élève suffisamment la température, ce qu’il est facile de faire pour les corps tels que le feldspath, la cymophane et la JBroo- kite, par exemple, les modifications optiques deviennent perma¬ nentes au lieu d’être simplement temporaires, comme elles le sont lorsqu’on ne dépasse pas 300 à ù00 degrés centigrades. Le minéral qui, par sa transparence et son homogénéité, se prête le mieux aux expériences les plus variées et les plus exactes, est un orthose vitreux qu’on trouve en fragments ou en cristaux disséminés au milieu des sables volcaniques de Wehr dans l’Eifel. SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. 42 En employant une plaque de cette nature, j’ai obtenu les ré¬ sultats suivants pour les modifications temporaires. L’écartement des axes optiques va toujours en augmentant, et l’augmentation est beaueoup plus rapide de 42° à i42° que de 142° à 342°. L’observation a été faite au moyen d’un goniomètre particulier installé sur un microscope polarisant, dont j’ai donné une courte description en 1859 dans le tome XYI des Annales des mines . La plaque était soumise à un courant d’air chaud fourni par une lampe à alcool et circulant dans une cheminée horizontale en cuivre placée sur le microscope ; l’écartement des axes optiques pouvait être mesuré à chaque instant à travers deux ouvertures pratiquées l’une au-dessus de l’autre, au centre des parois horizontales de la cheminée et munies d’une glace mince; la température de l’air était indiquée en même temps par deux thermomètres placés à droite et à gauche de ces ouvertures. Mais en employant ce procédé, je ne pouvais pas dépasser une tempé¬ rature d’environ 350°. Pour m’assurer si au delà de ce point les phénomènes suivaient toujours la même marche, j’ai placé mon microscope dans une position horizontale, et, sur le prolongement de son axe, j’ai disposé derrière l’éclaireur un prisme de Nicol servant de polarisateur. Entre l’éclaireur et l’objectif distants d’environ 2 centimètres, j’ai suspendu à l’aide d’une pince en platine de très petites lames d’orthose de Wehr, parfaitement lim¬ pides et homogènes, sur lesquelles pouvait être dirigé le dard d’un chalumeau à gaz (1) ; un cercle horizontal gradué, au centre du¬ quel passe la tige qui soutient la pince de platine, permettait de mesurer l’écartement des axes optiques; pour plus de facilité, l’opération avait lieu avec un verre rouge monochromatique. Une première plaque, qui, à 14° G., avait ses axes rouges écartés de 18° 30' dans un plan parallèle au plan de symétrie, a montré dès la première application de la chaleur deux systèmes d’anneaux dont le nombre augmentait rapidement, tandis que leur diamètre diminuait; leur forme, ainsi que celles des hyperboles qui les traversent, a conservé toute sa symétrie jusque vers la naissance du rouge, et à ce moment l’écartement des axes a été trouvé de 70°. Aussitôt que le rouge est devenu apparent, les anneaux et les hyperboles se sont déformés en se brisant, la mesure de l’écarte¬ ment ne s’est plus faite qu’avec difficulté, et vers 700° elle a donné successivement 2E=118°, 122°, 124°. L’expérience ayant (1) L’expérience a été faite au laboratoire de l’École normale, avec le bienveillant concours de M. H. Sainte-Claire Deville. NOTE DE M. DES CLOÏZEAUX. A3 été arrêtée afin de ne pas faire éclater les lentilles du microscope, la plaque s’est refroidie rapidement, les phénomènes optiques ont repassé par toutes les phases qu'ils avaient déjà parcourues, et à 15° C. j’ai retrouvé 2E=19°; il ne s’était donc produit aucune modification permanente. Cette plaque, soumise plusieurs fois aux mêmes épreuves, a toujours offert des apparences semblables; l'accroissement de température semblait augmenter son épaisseur, et sa structure au rouge se rapprochait de celle que présentent à la température ordinaire certains cristaux de Prehnite, de Heu- landite, etc., composés de lames irrégulièrement enchevêtrées. Il est probable qu’en poussant la calcination de certains échantil¬ lons jusqu’à une température suffisamment élevée, la bissectrice de l’angle réel aigu des axes optiques deviendrait la bissectrice de leur angle obtus. Plusieurs plaques d’adulaire du Saint-Gothard, chauffées au rouge faible sur une lampe à gaz, n’ont éprouvé aucun change¬ ment dans l’écartement de leurs axes optiques. Mais une plaque d’adulaire, donnant avant calcination à 16°, 5 C. 2E=108° pour les axes rouges orientés dans un plan parallèle à la diagonale ho¬ rizontale, a été calcinée pendant un quart d’heure au rouge vif (fusion de l’argent) sur un chalumeau à gaz ; elle est devenue lai¬ teuse et translucide par places, et à 18° C. l’écartement de ses axes n’était plus que de 102° 25'. Une plaque de pierre de lune de Ceylan a donné, avant calcina¬ tion à 15°, 5, un angle de 121° 15' pour l’écartement de ses axes rouges qui s’ouvrent aussi dans un plan parallèle à la diagonale horizontale; après une exposition d’un quart d’heure sur le cha¬ lumeau à gaz (fusion de l’argent), elle a perdu son reflet chatoyant et pris une teinte laiteuse, et à 18° C. l’angle des axes était réduit 117° 31\ Il me semble permis de croire que jusqu’à 400° environ la conductibilité calorifique n’éprouve pas de changement notable dans l’intérieur du feldspath ortliose, mais qu’à partir de l\ 00° ou 500° la propagation de la chaleur s’y fait d’une manière assez inégale pour provoquer une perturbation plus ou moins profonde dans l’équilibre de ses arrangements moléculaires. Cet équilibre peut reprendre son état primitif après le refroidissement, si la per¬ turbation n’a duré que deux ou trois minutes à une température qui ne dépasse pas 700°; mais, si elle a persisté pendant trente-six heures au rouge sombre ou même pendant une quinzaine de mi¬ nute au rouge blanc, il en résulte une nouvelle disposition phy- SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. !xh sique à laquelle correspondent des modifications permanentes dans l’orientation et l’écartement des axes optiques. Les modifications permanentes n’empêchent pas d’ailleurs les plaques qui les ont éprouvées d’être encore susceptibles de modi¬ fications temporaires lorsqu’on les place de nouveau dans des con¬ ditions d’échauffement convenables ; seulement, il est clair qu’alors les variations ont lieu entre des limites moins étendues. La calci¬ nation la plus forte et la plus prolongée à laquelle j’aie soumis mes divers échantillons n’a point paru modifier d’une manière appréciable l’inclinaison des deux axes cristallographiques obli¬ ques entre eux; ainsi, en mesurant sur plusieurs plaques d’ortliose de Wehr, avant et après calcination, l’angle dièdre compris entre une face naturelle parallèle au clivage basique et la face artificielle normale à la bissectrice aiguë, je n’ai jamais trouvé de différence dépassant une à deux minutes. L’orientation et la longueur des axes d’élasticité optique paraissent aussi n’éprouver que des varia- sions très légères ; mais on sait que ces légères variations peuvent en amener de très grandes dans la valeur de l’angle réel des axes optiques. Des essais directs ont prouvé que l’orthose de Wehr et l’adu- laire du Saint-Gotliard, calcinés au rouge blanc, ne perdent pas plus d’un milligramme par gramme. Mes premières recherches n’avaient porté que sur i’orthose vitreux de Wehr, sur l’adulaire du Saint-Gotliard, et sur la pierre de lune deCeylan; les conclusions auxquelles elles conduisent sont les suivantes : 1° Les plages laiteuses à axes optiques plus ou moins rappro¬ chés, qu’on rencontre dans Yadulaire du Saint-Gotliard, doivent sans doute leur existence à l’intervention d’une température plus élevée que les plages limpides à axes écartés au milieu desquelles elles sont enchâssées; 2° les fragments à'ortliosc, disséminés dans les sables volcaniques de Wehr, ont subi des calcinations très inégales, mais toujours assez faibles; 3° les faits constatés parais¬ sent en opposition avec l’opinion qui admet la nécessité de tem¬ pératures excessives pour expliquer la formation des roches où dominent l’orthose et le quartz. On sait du reste que M. Sorby a reconnu, dans des cristaux de quartz provenant de granités, la présence d’innombrables cavités remplies d’une substance liquide. Comme on va le voir, j’ai pu étendre mes observations et leur donner plus de généralité en opérant sur un certain nombre de NOTE DE M. DES CL012EAUX. I\ 5 cristaux susceptibles d’être fortement calcinés sans altération sen¬ sible. Les variétés d’orthose connues sous les noms de eisspath de la Somma, scinidinc des trachytes des bords du Rhin et de l’Auver¬ gne, loxoclase de New-York, microcline de Fredrikswarn (cha¬ toyant) ou de Bodenmais (vert non chatoyant), Murchisonile du Devonshire, hyalophane de Binnen, éprouvent toutes, sous l’in¬ fluence de la chaleur, des modifications permanentes et tempo¬ raires analogues à celles du feldspath vitreux de Wehr. Calcinés au rouge sombre ou rouge vif, les échantillons les plus transpa¬ rents et les plus homogènes, comme ceux de Wehr et de la Somma, conservent leur aspect primitif sans autre changement apparent que celui des fissures, parallèles à leurs deux clivages rectangulaires, qui deviennent plus prononcées; d’autres prennent une teinte laiteuse plus ou moins marquée; d’autres enfin, comme ceux des trachytes, deviennent presque complètement opaques. En adoptant pour forme primitive un prisme rliomboïdal oblique de 118° 48', le plan des axes optiques est tantôt parallèle à la diagonale horizontale de la hase, tantôt parallèle au plan de sy¬ métrie de ce prisme. A température égale, l’axe de plus grande élasticité optique, qui coïncide toujours avec la bissectrice aiguë , fait avec la diagonale inclinée un angle légèrement différent pour chaque variété; en opérant avec de la lumière rouge à 22° G., j’ai trouvé en effet cet angle de 4° 18' dans Vorthose de Wehr, de 5° 15' dans Vadulaire du Saint-Gothard, de 5° environ dans le loxo¬ clase de New-York, et de 10° 10' environ dans le microcline opa- lisant de Fredrikswarn. La dispersion du même axe paraît au con¬ traire sensiblement constante, car la bissectrice des axes rouges fait avec la bissectrice des axes bleus un angle égal à 0° 26' dans Vadulaire du Saint-Gothard et à 0° 28' dans Vorthose de Wehr. Les feldspaths du sixième système cristallin, tels que Valbite, Yoligoclase, le labraclorite et V anorthitet n’éprouvent par la chaleur aucun changement temporaire ou permanent dans leurs propriétés optiques biréfringentes. Les axes optiques y sont toujours orientés à très peu près comme dans l’albite, et leur bissectrice aiguë est positive; leur écartement dans l’air dépasse 135°. On est donc porté à supposer que, quel qu’ait été le mode de formation de ces feld¬ spaths, et malgré l’association assez fréquente des deux premiers avec l’orthose, ils n’ont peut-être pas été soumis dans la nature aux mêmes influences que ceux dont l’adulaire est le type. Les cristaux de cymophane (G10,A1203) du Brésil, et ceux de Brookite (Ti O2) delà Tête-Noire et du Dauphiné, offrent souvent llô SÉANCE BU 17 NOVEMBRE 18(52. des plages dans lesquelles les axes optiques présentent à la tem¬ pérature ordinaire des écartements très différents et une orienta¬ tion qui peut avoir lieu dans deux plans rectangulaires entre eux, avec une dispersion d’autant plus considérable que l’écartement est plus petit. Il existe donc une grande analogie entre la consti¬ tution physique de ces deux minéraux et celle des feldspaths du cinquième système cristallin. Aussi, quoique les axes d’élasticité optique coïncident nécessairement toujours avec les axes cristallo¬ graphiques et que leur longueur relative puisse seule varier, la calcination détermine-t-elle dans leurs propriétés optiques biré¬ fringentes des modifications permanentes et temporaires entiè¬ rement semblables à celles que j’ai découvertes dans l’orthose. Si l’on rapporte les formes de la cymophane à un prisme rhomboïdal droit de 119° Ô6', on voit, dans les cristaux du Brésil les plus transparents et les plus homogènes, que le plan des axes optiques est normal à la base et que la bissectrice aiguë positive est paral¬ lèle à la petite diagonale de cette face ; vers 20° C. l’angle des axes correspondant au rouge s’y élève jusqu’à 120° et celui des axes correspondant au violet jusqu’à 118°. Certaines plages à reflets opalins montrent des axes rouges réunis et des axes bleus séparés dans un plan parallèle à la base ; d’autres plages offrent les axes correspondant à toutes les couleurs séparés dans ce même plan. Une élévation de température a pour effet de rapprocher les axes orientés parallèlement à la base et d’écarter ceux dont l’orienta¬ tion lui est perpendiculaire. Jusqu’au rouge naissant les chan¬ gements ne sont que temporaires, mais une calcination de quinze minutes, à la température de la fusion de l’argent, suffit pour les rendre permanents et déjà considérables. La perte en poids n’est, comme pour l’orthose, que de 1 milligramme par gramme, et l’as¬ pect extérieur de la substance n’est nullement modifié ; seulement, dans la cymophane, ce sont les plages laiteuses intérieures qui semblent avoir été formées à une température notablement plus basse que les plages transparentes. Pour la Brookite , dont les formes cristallines peuvent être re¬ gardées comme dérivant d’un prisme rhombique de 99° 50', le plan des axes optiques est tantôt parallèle, tantôt perpendiculaire à la base; la bissectrice est positive et reste toujours parallèle à la petite diagonale de cette face. La dispersion est très considérable, et, lorsque les axes sont situés dans le plan de la base, les rouges sont plus écartés que les violets ; leur écartement augmente d’une manière temporaire par une calcination faible et d'une manière permanente par une calcination plus énergique. Dans un échan- NOTE DE M. DES CLOIZEÀUX. kl tillon du Dauphiné où l'angle des axes rouges était de 52° à 20° C. j’ai observé que l’écartement était devenu temporairement de 65° à 220° C. Une autre plaque, chauffée avec précaution au rouge vif dans un moufle, a éprouvé une modification permanente qui a porté l’angle de ses axes rouges de 42° à 47°. Les considérations présentées plus haut sur les perturbations permanentes que le changement de température amène dans I l’équilibre moléculaire du feldspath orthose sont évidemment applicables à la cymophane et à la Brookite ; ces perturbations sont donc entièrement indépendantes de la composition chimique; on ne peut pas d’ailleurs les attribuer à des effets de trempe à ; cause des expériences faites dans les fours de Sèvres où le refroi- | dissement dure plus de six jours, et elles paraissent n’avoir de re¬ lation qu’avec la disposition des molécules physiques dans les corps cristallisés. Par conséquent, on doit admettre que dans une même espèce minérale, et malgré l’absence de toute substitution isomorphe, l’écartement et l’orientation des axes optiques, loin d’être caractéristiques, peuvent varier avec la température à la- ! quelle les cristaux sont ou ont été soumis. M. Hébert fait observer que les nouvelles expériences de : M. Des Cloizeaux, rapprochées de toutes les données dont la i science s’est enrichie depuis quelques années, en assignant aux actions métamorphiques une cause analogue à celle des sources thermales, tendent à modifier singulièrement les consé¬ quences qu’on est habitué à tirer des rapports entre les roches stratifiées et les roches éruptives. Pour plus de précision, qu’on prenne pour exemple ces roches amphiboliques, véritables ' diorites, auxquelles on donne dans les Pyrénées le nom j ftophites, et dont il a été question dans la séance précédente. Ces roches sont bien éruptives ; elles se trouvent en général alignées le long de dislocations ou de failles très apparentes. Les roches stratifiées sont souvent fortement altérées dans le voisinage. Ainsi les calcaires jurassiques se trouvent, â Saint- Béat, transformés en marbre saccharoïde, dont la base, au contact du diorite, est pénétrée de cristaux de couzéranite. Faut-il en conclure que ces dislocations et altérations méta¬ morphiques sont le résultat de l’éruption du diorite, et qu’ainsi celui-ci est postérieur aux terrains modifiés? Si le diorite, et jusqu’ici rien ne prouve le contraire, est venu au 48 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. jour à l’état de fluidité ignée, sous forme de lave, les modi¬ fications qu’il aurait pu produire ne seraient pas de cette nature. La transformation du calcaire en marbre, le développe¬ ment de cristaux divers sont une conséquence de l’éruption, mais d’une époque fort éloignée peut-être de celle de l’éruption elle-même. N’est-il pas plus naturel de supposer que les dioriles sont venus au jour par suite de mouvements du sol, indépendants de leur action, mais intimement liés aux effets généraux de la contraction du globe terrestre. Les fissures qui leur ont livré passage sont si bien restées les conduits naturels de sources thermales, qu’elles en sont encore aujourd’hui le lieu géomé¬ trique. Les phénomènes de transformation produits par ces sources ne peuvent donc donner à l’époque de l’éruption au¬ cune date précise. Le Secrétaire donne lecture des notes suivantes de MM. Go- quand, Collenot, Aucapitaine et J. J. Bianconi. Sur la convenance d'établir uu nouvel étage dans le groupe de la craie moyenne , entre les étages angoumien et proven¬ aient par M. H. Goquand, professeur de géologie à la Fa¬ culté des sciences de Marseille. Lorsqu’en 1857 (1) je proposais l’établissement de nouveaux étages dans les groupes de la craie moyenne et de la craie supé¬ rieure, je ne possédais point de renseignements assez complets pour me prononcer sur la position exacte des grès d’Uchaux rela¬ tivement à mes étages provencien et angoumien. Au surplus, ces grès n’étaient point représentés minéralogiquement à Angoulème et dans les deux Charentes, et, comme les nouvelles divisions aux¬ quelles j’étais amené avaient surtout pour base la constitution géologique de la craie du S. O. de la France, je n’avais point à me prononcer, à l’époque de cette publication, sur l’extension de mes étages dans des contrées qui ne m’étaient connues qu’insuf- fisamment. Je n’avais voulu préjuger aucune question. Mais de¬ puis, ayant eu l’occasion de revoir la Provence et d’étudier dans le sud de l’Afrique française des types remarquables de la forma- (1) Bull, Soc . géol.y 2e sér., t. XIV, p. 745. NOTE DE M. COQUÀND» Û9 tion crétacée, j’ai eu à m’occuper des grès d'Uchaux, dont la faune a un cachet spécial qui n’a échappé à aucun des géologues que la distribution des espèces au sein des couches intéresse. Le problème à résoudre consistait à décider si les grès d’Uchaux appartenaient à l’étage provencien ou à l’étage angoumien, ou bien s’ils constituaient un étage intermédiaire indépendant. Cette question d’attribution exigeait, pour être tranchée, la discussion de deux éléments î le premier puisé dans la place qu’ils tenaient dans la série stratigraphique, le second dans la comparaison et la valeur des fossiles qu’ils renfermaient. Occupons-nous d’abord du premier élément ; mais qu’on nous permette auparavant de revenir en quelques mots sur la délimi¬ tation de nos étages angoumien et provencien et sur leur indépen¬ dance réciproque. Ainsi que nous l’avons établi dans nos écrits (1), on remarque sur les plateaux des environs d’Angoulême, dans les communes de Cliâteauneuf, de Cognac, de Saint-Même, de Pons et ailleurs, au-dessus de l’étage carentonien, caractérisé dans ses bancs les plus élevés par Y Inoceramus problematicus , d’Orb. , et la Tercbrcitella ccirentonensis , d’Orb., on remarque, disons-nous, un ensemble d’assises calcaires exploitées comme pierres de taille et littéralement remplies de Radiolites lumbricalis , d’Orb. On y trouve aussi , mais en moins grande abondance , le Radiolites corna - pastoris , la Sphœrulites ponsiana et la S. Beaumontiy Bayle. Ces divers fossiles indiquent, en en précisant les limites, la position véritable de notre étage angoumien et ne se montrent ni dans l’étage carentonien qui les supporte, ni dans l’étage provencien qui les recouvre. Ce dernier, qui est si admirablement représenté dans le midi et le S. O. de la France, ainsi que dans la chaîne des Corbières, termine le groupe de la craie moyenne et se fait remarquer par le grand nombre de Rudistes dont ses bancs sont quelquefois entièrement formés. Les Hippurites cornu-vaccinuni et organisans, les Sphœrulites Desmoulinsi et angeiodes , les Caprina Coquandi et Aguilloni , sont les espèces que l’on recueille le plus fréquemment et qu’on est bien certain de rencontrer toutes les fois qu’on met le pied dans l’étage provencien. Les environs de Cognac et d’Angou¬ lême, les carrières de Chez-Delaisse près de Châteauneuf et de Saint-Même, les carrières de Pons dans la Charente-Inférieure, (1) Formation crétacée de la Charente [Bull, de la Soc. géol . de France , 2e sér., t. XIV, p. 85). Soc. géol. y 2Ç série , tome XX. 4 50 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. montrent clairement la superposition des étages angoumien et provencien et la spécialité de la faune de chacun d’eux. Les grès d’Ucliaux, dont les Ammonites Requiem et Devcriœ , X Area Matheroni , d’Orb., la Trigonia scabira , Lam., peuvent être considérés comme les fossiles les plus caractéristiques, ou, si l’on aime mieux, les plus communs, manquent complètement dans les deux Charentes; je n’avais point, à l’époque de mes premières publications, de place à leur donner dans ma classification nou¬ velle, et d’un autre côté je n’osai point me fier à des souvenirs trop anciens pour me prononcer sur le rôle précis qu’ils remplis¬ saient dans le midi de la France. "Voilà l’état où était la question lorsqu’en 1859 la création d’une chaire de géologie à la Faculté des sciences de Marseille me rap¬ pela dans la Provence. La première de mes préoccupations fut de contrôler le mérite de mes divisions par des études comparatives dans une contrée où la formation de la craie tient un rang si considérable dans la constitution de son sol, et j’eus la satisfaction de retrouver tous mes horizons du S. O. affirmés, sinon par un même caractère pétro- graphique, du moins par une faune et une position identiques. Seulement, dans le midi s’interposait entre mon étage angoumien à Radiolites lumbricalis et mon étage provencien avec Hippurites organisons tout le système des grès d’Uchaux, représenté par une épaisseur de 80 mètres et par une faune nouvelle qui n’était ni la faune angoumien ne ni la faune provencienne. Comme les grès d’Uchaüx sont devenus classiques, surtout dans les environs de Mornas, où ils acquièrent un très grand dévelop¬ pement, je propose de donner à mon nouvel étage le nom d 'étage mornasien , et en cela je me trouve en plein accord avec mon savant ami M. Matheron, qui depuis longtemps comprenait la nécessité d’un pareil dédoublement et m’a laissé l’initiative d’une réforme qu’il avait l’intention d’établir lui-même. Je n’ai point à fournir ici la description des grès d’Uchaux, qui sont bien connus des géologues. On sait qu’ils se composent, à la base, de grès jaunâtres ou rougeâtres, fossilifères, alternant avec des calcaires ferrugineux, et, à la partie supérieure, de grès sans fossiles, multicolores, friables et passant par places à des sables meubles. Ils sont immédiatement recouverts par les calcaires provenciens. La coupe des montagnes opposées à celles de Mornas sur la rive droite du Rhône donne les mêmes relations. Les grès d’Uchaux n’occupent pas une place moins honorable dans les départements voisins du Var et des Bouches-du-Rhône. NOTE DE M. COQUAND. 51 Ainsi, dans le val d’ Arène, entre le Beausset et Ollioulet, ils for¬ ment entre les bancs supérieurs à Hippurites organisant et les bancs inférieurs à Radiolites cornu-pastoris uu bourrelet monta¬ gneux, remarquable autant par sa puissance que par la forme bizarre des rochers, à laquelle est due leur désagrégation partielle. Entre la Ciotat et Cassis, les mêmes grès, débordant toujours de dessous les calcaires provenciens, viennent expirer au promontoire dit cap Canaille, en s’appuyant encore sur les calcaires à Radio¬ lites cornu-pastoris et lumbricalis. Nous pouvons citer aussi les montagnes de Gueule-d’Enfer, près des Martigues, comme mon¬ trant de la manière la plus claire et la moins équivoque, au-dessus de l’étage carentonien , avec Sphœrulites joliaceus et Caprina adversa : 1° des bancs calcaires avec Radiolites cornu-pastoris (ét. angoumienj; 2° des sables ferrugineux, solides on agglutinés (grès d’Uchaux) ; 3° des calcaires solides et compactes avec Hippurites cornu-vaccinum et organisans, Sphœrulites Sauvagesi et Desmou - linsi. Enfin, si nous nous transportons sur la rive opposée de l’étang de Berre, entre Saint-Chamas et Lafare, les grès d’CJchaux nous apparaissent avec des caractères identiques et surtout dans la même position géologique. Mais une découverte inattendue vient d’être faite tout récem¬ ment par M. Gény dans les environs de Nice, où la série crétacée se présente aussi complète que dans la basse Provence. Cette découverte consiste en la présence, près du château de Drap, I commune du même nom, du Radiolites cornu-pastoris au-dessus I des assises carentoniennes avec Ostrea columba. Bien qu’on ne | soit point encore parvenu à affirmer au-dessus de ces assises l’étage provencien par des fossiles spéciaux à cet étage, il est cependant j permis de soupçonner et de reconnaître son équivalent dans les bancs placés entre l’étage angoumien [R. cornu-pastoris ) et les cal- j caires marneux avec Spondylus spinosus , Janira quadricostata , ; Ananchytes gibbus , Micraster brevis , etc., d’origine incontestable- ! ment santonienne. Les rudistes, comme on le sait, sont spéciaux à la craie moyenne de la basse Provence et ne dépassent pas le méridien de Brignolles. Ils y sont encore plus abondants que dans les deux Charentes et dans la montagne des Cornes (Aude), et logés dans des stations identiques. A partir de Brignolles, la craie moyenne, quoique privée de rudistes, conserve ses caractères paléontologiques tran¬ chés jusqu’au niveau de Y Ostrea columba ; mais il devenait diffi¬ cile, à cause de l’absence ou de la rareté des fossiles, de lire dans les bancs supérieurs à cette Ostrea et inférieurs au Micraster brevis 52 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 18G2. les dates précises des étages angoumien et provencien. Par consé¬ quent la découverte du Radiolites cornu-pastoris à Drap a le double mérite de doter d’un horizon méconnu jusqu’ici dans les départe¬ ments du Yar et des Alpes-Maritimes, et d’étendre jusqu’à la nais¬ sance de l’Apennin la zone occupée par les rudistes. Or, il est à remarquer qu’un fait semblable a été signalé à Saint-Cristopbe et dans la Sai llie pour le N. O. de la Fi ance, car on y a rencontré quelques exemplaires de Radiolites cornu-pastoris , vraies senti¬ nelles perdues d’un avant-poste placé bien en avant du gros de l’armée, campé dans la craie des deux Charentes (1). Il devient donc bien démontré que les grès d’Uchaux consti¬ tuent dans toute la Provence et dans le Gard un étage franche¬ ment tranché par ses caractères minéralogiques et par sa puissance, dans le groupe de la craie moyenne, comme il ne l'est pas moins par sa faune, puisque celle-ci diffère essentiellement des étages angoumien et provencien entre lesquels il est intercalé; son indé¬ pendance ressort de ce double fait, et le nom de mornasien qu’il reçoit ne saurait lui être contesté. (1) Les environs de Nice nous ont offert dernièrement plusieurs particularités intéressantes, et qui démontrent une fois de plus l’au¬ torité suprême de la paléontologie dans les questions de stratigraphie. Je possède un très bel exemplaire du Strornbus Sautieri , Coq., recueilli par M. Juge, ingénieur des mines, au-dessous des couches néoco¬ miennes, dans la carrière du Bon-Voyage, à la limite des deux com¬ munes de Nice et de la Trinité. Cette carrière fournit de très bons matériaux pour la fabrication de la chaux grasse et pour l’empierre¬ ment des routes. Elle est ouverte dans un calcaire compacte, attribué jusqu’ici à la formation jurassique. La présence du Stromlms Sautieri et sa position au-dessous des bancs à Ammonites Astieri et radiatus > indiquent très clairement, au contraire, qu’il représente l’étage va- lenginien des géologues suisses, comme le même fossile l’indique à Allauch, près de Marseille. Je dois faire remarquer aussi que M. Gény a découvert à Saint- Pons, toujours dans les environs de Nice, au-dessus des calcaires mar¬ neux à Ammonites biplex et tortisulcatus , un système puissant de calcaires blancs remplis de polypiers coralliens et de Diecras arietina , qui reproduisent, à s’y méprendre, le faciès de Saint-Michel et d’Oyonnax. Voilà donc deux étages, le valenginien et le corallien, offi¬ ciellement reconnus dans les Alpes provençales, au moment même où l’on semblait avoir démontré que pour la formation oolithique il n’existait rien de supérieur à l’étage oxfordien. Nous aimons à penser que les nombreux services rendus à la stratigraphie par la paléonto¬ logie aideront à réconcilier les stratigraphes non encore convertis avec l’étude des fossiles, NOTE DE M. COQUAND. 53 Certainement, M. Matheron et moi n’avons jamais hésité un seul instant à séparer les grès d’Uchaux des étages proven- cien et angoumien ; mais si, par impossible, un doute eut pu surgir dans mon esprit, à la suite de nos études dans le midi de la France, ce doute ne pouvait subsister après mes deux derniers voyages en Afrique, car j’ai retrouvé dans le sud de la province de Constantine le groupe de la craie moyenne, caractérisé par le tissant dans des étages semblablement superposés. Pour ne parler que de ceux qui nous intéressent, nous nous bornerons à citer les environs de Tébessa et de Batna, où l’étage mornasien dessine un horizon facile à reconnaître. Ainsi, en descendant de Djebel-Osmor sur Tébessa, après avoir laissé les calcaires marneux avec Inoceramus problematicus (étage carentonien supérieur), on marche sur des calcaires solides et subsaccharoïdes, pétris de Radiolites cornu- pastoris et de R . lum- bricalis , dont se compose l’étage angoumien ; puis, près des fours à chaux du génie, au système angoumien succède un ensemble puissant de marnes grises formant des dépressions bien marquées, des espèces de larges fossés au milieu des calcaires solides. Ces marnes sont riches en corps organisés fossiles, dont le plus grand nombre se retrouve à Ucliaux. C’était effectivement là l’équivalent des grès d’Uchaux et leur place; on va en juger par les fossiles suivants î Ammonites papalis , d’Orb. , A. Deveriœ , d’Orb., Area Matheroni , d’Orb., Cardium guttiferum , Math., Trigonia scabra , Lam., Fusas Requieni , d’Orb. Ces espèces, que recouvrent à Tébessa même les calcaires à Hippurites organisans , reparaissent dans les environs de Batna et constamment au-dessus des calcaires à Radiolites cornu-pastoris ; de plus, j’ai eu l’avantage d’enrichir la faune des grès d’Uchautf d’une quantité considérable d’espèces nouvelles, qui en doublent le nombre. Comme elles seront décrites et figurées incessamment, je me dispense de les citer ici. Yoilà en résumé une faune remarquable qui, dans le midi de la France comme en Afrique, est placée entre les étages angoumien et provencien , et n’offre rien de commun avec celle des étages contigus. Il y a certainement lieu à établir en sa faveur une sépa- j ration que rendent nécessaire les lois de la superposition et celles de la paléontologie. J’aime donc à penser que le nom d'étage mornasien que je propose pour distinguer l’ensemble de* SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. bli couches qui le constitue recevra l’assentiment des géologues paléontologistes (1). De la présence des Astéries dans la zone à Avicula contorta j par M. Collenot. M. Quenstedt, dans son ouvrage sur le Jura, p. 55 et suivantes, annonce que, dans les environs de Gmund, sur le plateau qui conduit à Welzheim, Frickenhofen et Hohenstadt, on remarque un grès scliistoïde, d’un gris verdâtre et à grain fin, se rappro¬ chant beaucoup du grès verdâtre du keuper. La surface des lits présente des ondulations et se trouve recouverte de tubes dé¬ primés, sous forme de rubans, ainsi que d’Astéries à formes très délicates (Huttingen, Dewangen). L’auteur allemand semble éta¬ blir que ce grès correspond à la zone à Ammonites antidatas , bien que le parallélisme des couches ne puisse être continué avec certitude dans tous les points. M. Quenstedt n’aurait-il pas été trompé par ce défaut de paral¬ lélisme ? Dans une excursion récente faite par MM. Bréon, Flouest, Bo- (1 ) Le sujet traité dans cette note m’amène à m’occuper du mémoire intéressant que mon ami M. Arnaud vient de publier tout récemment sur la craie de la Dordogne {Bail., 2e sér. , t. XIX, p. 465). Il est dit dans ce travail (p. 500) que les grès verts de Cognac et les calcaires marneux et poudinguiformes de Sourd-de-l’Arche sont contemporains des grès rouges d’Uchaux. Je ne saurais m’associer à cette conclusion, et je pense que c’est par inadvertance qu’elle aura échappé à l’auteur ; car M. Arnaud vient de prouver, une fois de plus, ce que j’avais déjà fixé, la complète séparation que les grès de Cognac établissent entre la craie moyenne (grès verts) et la craie supérieure. Or, les grès sont placés, et ajuste titre, par M. Arnaud, au-dessus de l'étage provencien avec Hippurites organisons et Sphœrulites foliaceus, et ils forment le piédestal de la craie blanche, ou, si l’on aime mieux, de la craie avec Micraster brevis (étage santonien). Les grès d’Uchaux supportent in¬ contestablement, dans les communes de Mornas et de Piolenc, les assises à Hippurites organisons , et celles-ci, à Piolenc, les grès ferru¬ gineux avec Ostrea auricularis (étage coniacien) ; ils sont donc une dépendance de la craie moyenne et ne sauraient être confondus avec les grès de Cognac et de Sourd-de-1’ Arche, Leur place, si leur équi¬ valent est jamais découvert dans le sud-ouest de la France, sera entre les couches à Radiolites lumbricalis et les couches à Hippurites organisons. NOTE DE M. COLLENOT. 55 chard et par moi, en compagnie de M. Terquem, aux carrières de Marcigny-sous-Tliil, nouvellement remises en exploitation et renfermant la plupart des fossiles décrits par M. Martin comme faisant partie de la zone à Avicula conforta , dans son mémoire in- tulé : Paléontologie de l'infra-lias du département de la Côte-d'Or , M. Terquem, le premier, a découvert sur des dalles, qui venaient d’être mises à nu par les ouvriers, des Astéries nombreuses et les tubes en rubans dessinés par M. Quenstedt, p. 62 de son ouvrage. Ces Astéries semblent appartenir à plusieurs espèces. Nous n’avons pas rencontré la plus grande qui figure sur le dessin de M. Quenstedt et provenant du ruisseau de Dewangen; mais la plupart des Astéries de Marcigny ressemblent à celles de la planche de l’auteur allemand, et leurs rayons sont, de même, presque tou¬ jours fort minces et flexueux. Depuis notre course à Marcigny, nous avons encore découvert des Astéries sur le grès à Avicula contorta , à Semur et à Montigny- sur-Armançon. Nous recevons de M. Terquem une lettre qui nous annonce qu’il vient également de les rencontrer dans des carrières, près de la station de Chalindrey, non loin de Langres, et au même niveau i stratigraphique que sur les bords de l’Armançon. Le fait avait déjà été constaté par de Bonnard dans sa notice géognostique sur quelques parties de la Bourgogne, lue à l’Aca¬ démie des sciences les 20 septembre et 11 octobre 182 A. En effet, on lit (p. 39 et suivantes) : « Sur la rive gauche de l’Armançon, près et au midi du village î> de Marpigny-sous-Thil, le psammite quartzeux se présente à » la surface du sol, sur une assez grande étendue, et il est exploité » pour en faire des pavés dans une carrière ouverte depuis peu » d’années. On observe dans cette carrière la variété de texture de » ses couches, et on y remarque les empreintes de coquilles que »> plusieurs couches renferment en assez grande abondance. Ces » coquilles sont des Peignes (1), des Trigonies (2), des Huîtres (3), » des Limes (4), etc., dont les espèces sont indéterminables (5). » Le granité se montre près de là, dans la vallée de l'Armançon » et dans celle du ruisseau de Beauregard. De l’autre côté de ce (1) Pecten valoniensis, Defr. (2) Myophoria inflata , Emmerich. (3) Ostrea marcigny ana } Mart. (4) Lima prœcursor, Quenst., Lima Bochardi , Mart. (5) De Bonnard aurait dû dire indéterminées. 56 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. » ruisseau, sur le plateau où est situé le hameau de Les Davrées, » on rencontre le psammite à une hauteur qui paraît correspon- » dante à celle de la carrière de Marcigny, et, sur une partie assez » étendue de ce plateau où les roches ne sont pas à nu, le sol est couvert de fragments innombrables de psammites rougis et at- » tendris par l’action atmosphérique, fragments qui présentent à » leur surface une grande quantité de reliefs de forme variée et » plus ou moins bizarre qui paraissent être des vestiges de corps » organisés. Plusieurs offrent des étoiles à cinq rayons, bien re- » connaissables pour des Astéries, d’autres des anneaux ronds et » évidés au centre, qui peuvent être rapportés à des Actinies ou à » des Ascidies, d’autres des tubes cylindriques assez gros qui pa- » raissent être des zoophytes indéterminables; d’autres présentent ï des cylindres très minces, assez longs, accolés deux à deux ou » entre -croisés ; d’autres rappellent, au premier aperçu, l’aspect » d’animaux analogues à des crustacés; mais cette apparence ne » soutient pas l'examen. On y voit aussi des empreintes de co- n quilles semblables à celles du psammite de Marcigny. » A Feutrée du hameau de Les Davrées, du côté de l’ouest, on » voit la superposition de la lumachelle au psammite... » M. Bréon, 31. 3Iartin et moi avions déjà trouvé à 3Iar- cigny et au village de Les Davrées une grande quantité de fos¬ siles dont quelques-uns avaient été indiqués par de Bonnard et appartenant tous à la zone de Y A vi eu la contorta , Portl., fossile assez fréquent dans ces carrières ; nous avions également trouvé les tubes cylindriques assez gros dont parle de Bonnard, ainsi que les anneaux ronds et évidés au centre reconnus également par 31. Quenstedt; mais ce n’est qu’après les récents travaux faits à la carrière de 3Iarcigny, que nous avons pu rencontrer les Astéries et les tubes en rubans accolés deux à deux, signalés par de Bonnard et dessinés p. 62 de l’ouvrage sur le Jura, de Quenstedt. La présente note a pour but d’établir : Que sur les bords de FArmançon les Astéries appartiennent sans aucun doute à la zone de Y Avicula contorta , et que 31. Quenstedt pourrait bien avoir été trompé par le défaut de parallélisme qu’il signale dans les couches allemandes, ce qui Fa conduit à placer ses Astéries dans la zone à Ammonites angulatus , tandis que leur ressemblance avec les Astéries de 31arcigny donne à penser qu'elles doivent être placées au même niveau stratïgraphique que ces der¬ nières. Elle a encore pour objet : De remettre en lumière le travail de de Bonnard, un peu NOTE DE M. ÀUCAPITÀINE. 57 oublié et remarquable, sauf de légères erreurs, par une grande exactitude dans ses descriptions stratigraphiques ; Et d’appeler l’attention des géologues sur la présence des Asté¬ ries dans la zone à Avicula contorta. Elles sont à peine visibles dans certaines localités, et il faut, comme à Chalindrey, tant elles sont frustes, une grande attention pour les reconnaître. Puisqu’on les trouve aux environs de Semur, à Chalindrey et dans la province allemande de Hohenzollern, il y a lieu d’espérer qu’on les décou¬ vrira au même niveau dans d’autres localités où elles n’ont pas en¬ core été signalées. Notice sur un dépôt d’ Huîtres dans V étang de Diane ( côte orientale de la Corse) ; par M. Henri Àucapitaine. J’ai dernièrement décrit, dans une note communiquée à l’Aca¬ démie des sciences (1), la constitution toute particulière d’un petit îlot huîtrier, situé sur la côte orientale de la Corse. En ajoutant quelques mots à la notice insérée dans les Comptes rendus , je prends la liberté d’attirer l’attention de la Société géologique de France sur cette formation que je crois de nature à intéresser quelques naturalistes. A l’est delà Corse, au nord du Tavignagno, se trouve un vaste étang d’une superficie de 570 hectares, connu sous le nom d’étang de Diane; c’est le Portus Dianœ de l’époque romaine, jadis le port de la colonie d’Aleria. Il n’est séparé de la mer que par une mince chaîne de collines peu élevées et communique d’ailleurs avec elle par une large embouchure près de laquelle on remarque des traces d’antiques constructions hydrauliques. Dans la partie nord-est de cet étang, à environ 700 mètres de l’embouchure de la petite rivière Arena, il se trouve un îlot ap¬ pelé par les pêcheurs l’ile aux Huîtres, et que je désignerai sous le nom d’île de Diane. I/île de Diane est exclusivement formée par des couches de co¬ quilles d’Huîtres appartenant aux espèces que l’on pèche main¬ tenant encore en grande quantité dans les environs de l’étang. Cette île a 350 mètres de tour et son sommet culminant 25 mè¬ tres d’altitude. La hauteur moyenne du sol sur le rivage est presque partout de 2 mètres au moins. Quelques beaux figuiers, de petits chênes, quelques tamarins, (4) Séance du 26 mars 1862. 58 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. au nord un épais gazon, composent la végétation. Une maison a été construite pour les pêcheurs dans la partie sud par laquelle on aborde (1). Le sol de l’île est, je Fai dit, exclusivement composé de co¬ quilles d’Huîtres ; nulle part on n’aperçoit le roc. Les matériaux qui ont servi à la construction de la maison ont été apportés des carrières voisines d’Aleria (2), et les marins ont du utiliser les pierres dont ils lestent leurs embarcations pour se construire un foyer. Récemment on a creusé, derrière la maison, une citerne, afin de recueillir les eaux pluviales. J’ai pu observer, grâce aux déblais retirés du fond de cette citerne (environ 6 mètres), que le terrain inférieur était également composé de coquilles d’Huîtres, décomposées presque entièrement en une sorte de tuf calcaire. Autour de l’île, partout où la vue peut s’étendre sous les eaux, on ne voit que des coquilles d’Huîtres. Sur la colline, ou pour être exact, je dirai partout , on trouve mêlés aux Ostrea edulis , Lk, O. lamellosa , Lk (var. Cyrnusii de Payreaudeau), de nombreux échantillons de Modiola barbata , Lk, Mytilus rninimus , Poli, ces dernières adhérentes encore par pa¬ quets aux blocs d’Huîtres, des Cardiurn edule , Lk, de nombreux Cerithium vulgatum , Brug., des Buccinum rnaciilosum , Lk, quel¬ ques Littorines, tous mollusques très communs dans l’étang de Diane et sur le littoral de la Corse. La régularité avec laquelle sont conservées les plus anciennes couches huî trières çà et là, leur agglomération par blocs assez con¬ sidérables, la présence en grande quantité de mollusques non co¬ mestibles, l’étendue de l’île, son éloignement des côtes voisines, la profondeur des eaux (3), l’accumulation réellement prodigieuse des coquilles entassées, leur état de conservation doivent, ce me semble, exclure toute idée de dépôt artificiel, d’autant plus, répé¬ terai-je, que partout, à toutes les profondeurs, même sous les eaux environnantes , on ne voit que des coquilles. (1) Une inscription sur marbre blanc placée dans la façade de cette maison rappelle, à la date de 4 611, la concession perpétuelle de l’étang de Diane par l’évêque d’Àleria à un personnage du pays. Comme me l’a fait remarquer mon ami M. Alexandre Grassi, il est probable que ce marbre aura été apporté de l’ancienne église de Sainte-Marie qui domine l’étang. (2) Aleria est une des trois localités de la Corse où l’on trouve le terrain calcaire. (3) 9m,75 est la plus grande profondeur indiquée sur la carte de Hell, citée par Robiquet, Recherches sur la Corse , p. 32. NOTE DE M. BIÂNCONI. 59 Du temps des Romains (1), disent les pêcheurs, on déposait en cet endroit les coquilles des Huîtres dont le mollusque salé et pré¬ paré était envoyé sur le continent... Si considérables que pussent être alors la consommation et surtout la production des Huîtres d’Aleria, je doute fort, même en tenant compte du temps, qu’on ait pu arriver à produire un pareil amas. Dans quel but, d’ail¬ leurs, les pêcheurs se seraient-ils dérangés, souvent de fort loin, pour entasser ces coquilles précisément en cet endroit où, et j’in¬ siste sur ce fait, les courants de la rivière d’Arena n’auraient pas tardé à les entraîner vers la mer, surtout à l’époque des mauvais temps ? Du reste, je tiens beaucoup plus à faire connaître Pîle de Diane qu’à me prononcer sur son origine. A ceux qui pourraient n’y voir qu’un dépôt artificiel, je dirai qu’une grande quantité de co¬ quilles, bien que placées dans des stations normales, ont leurs valves séparées. J’ai également observé dans des couches assez profondes plusieurs échantillons d’une espèce terrestre, V Hélix vermiculata , mêlésaux coquilles. Je crois néanmoinsque cette der¬ nière observation ne peut fournir aucun argument sérieux. Le jour où les alluvions, les travaux d’assainissement et de cul¬ ture combleront l’étang de Diane, cette île sera dans une position identique avec les buttes huîtrières de Saint-Michel-en-l’Herm (marais de la Vendée), si souvent décrites par les naturalistes, et sur lesquelles un membre de l’Institut a tout récemment encore appelé l’attention. C’est même à propos de la communication du savant M. de Quatrefages qu’il m’a paru intéressant de signaler, au moins comme terme de comparaison, la singulière formation de l’île de l’étang de Diane. Observations sur la note de M. Pareto : Coupes à travers V Apennin, etc. {Bulletin Soc . géol ., 1861, 16 décembre, page 239)*, par M. J. Jos. Bianconi. Par les coupes géologiques de plusieurs endroits de l’Apennin qu’il vient de nous donner, M. Pareto nous fait connaître un ta¬ bleau comparatif et d’ensemble qu’on ne possédait probablement pas encore. Ce savant travail offre beaucoup d’intérêt aux géo¬ logues, mais il a un intérêt tout particulier pour moi, car il re- (1) Dont le souvenir est parfaitement conservé dans ce pays cou¬ vert des ruines de leur domination. 60 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. garde des terrains que j’ai parcourus dès mes premières années, et auxquels j’ai porté une attention particulière ; j’ai même fait quelques observations sur plusieurs questions qui s’y rapportent, principalement sur celle bien complexe des argille scagliose. M. Pareto a repris la question sur ce point, et par ses coupes aussi bien que par ses descriptions soignées il l’a rendue remarquable ; il a montré quelle importance a ce terrain sur la constitution géognostique de l’Apennin central et septentrional, où, sans contredit, la formation des argille scagliose semble avoir pris son maximum de développement. D’après ses observations, M. Pareto est conduit à juger la for¬ mation des argille scagliose comme appartenant à la période éocène (p. 2Ù3), en même temps qu’il voit en bien des localités que c’est un terrain bouleversé et modifié par l’action des serpentines (p. 2 l[U et 277). Ce que dit M. Pareto à la page 287 est surtout re¬ marquable : « En parcourant ces parages on ne peut guère se re- » fuser à croire que la serpentine ne soit en grande partie la cause » des grandes altérations qu’on y observe ; car on aperçoit au rni- » lieu de ces argiles et calcaires décomposés d’assez nombreuses » buttes de roches ophiolitiques. » Il semble donc, par plusieurs passages du savant travail de M. Pareto, qu’on est d’accord pour considérer les argille scagliose comme un terrain métamorphique. On peut encore consultera ce propos les pages 265, 2ù8, 257 et surtout 244, où il dit: « En exa- » minant bien ces terrains on voit qu’ils ont souffert de très puis- » santés modifications et dislocations, et il est probable que c’est » à des émanations provenant originairement des éruptions ser- » pentineuses ou de certains Grunsteins qui se sont faites, ou dans » leur voisinage, ou à travers leur masse, qu’elles ont dû et leur » bouleversement, et plus encore les étranges apparences qu’elles » présentent, c’est-à-dire que le changement du calcaire en gypse, »» la présence du soufre, celle du cuivre et autres métaux, re- » montent à l’époque où les éruptions serpentineuses sont venues »» bouleverser ces argiles qui, en beaucoup d’endroits, présentent » l’aspect de masses de boues consolidées, dans lesquelles seraient » épars de nombreux fragments de calcaire et de certaines variétés » de macigno. » Et s’il faut ajouter d’autres preuves sur la réalité du métamorphisme des argille scagliose , on peut rappeler celles mentionnées lors de la première description de ce terrain en 1 8Ù0 (S tort a naturale dei terreni ardentit etc., p. 7Ù), de même que les observations qu’on va fournir plus loin. Cela posé, deux questions se présentent : 1° ou l’on considère NOTE DE M. BIANCONÎ. 61 le terrain tel qu’il était originairement, 2° ou on le considère tel qu’il est actuellement, c’est-à-dire un terrain épigénique, dans le¬ quel se sont entièrement effacées les qualités primitives. Je formu¬ lerai mon opinion en peu de mots : 1° Les argille scagliose sont la formation du calcaire à fucoïdes bouleversé et profondément métamorphosé par l’action des ser¬ pentines ; 2° l’éruption de la plus grande partie des roches ophio- litiques a eu lieu dans le commencement de la période miocène. Il s’ensuit que les argille scagliose sont éocènes , si on les consi¬ dère relativement à leur origine; elles sont miocènes, si on les ob¬ serve sous les apparences qu’elles ont actuellement, c’est-à-dire un terrain remanié, et contenant dans son sein quelquefois des élé¬ ments du terrain miocénique. Le terrain du calcaire à fucoïdes n’ayantpas été partout également dérangé et altéré, il s’ensuit qu’on trouve des lambeaux de la for¬ mation même du calcaire à fucoïdes encore persistants et plus ou moins en relation ou mêlés avec les argiles ; c’est ce qu’on voit très clairement à Porretta dans le haut Reno, et surtout dans le classique massif du Rio Maledetto au haut de la Samoggia. En conséquence, une apparence trompeuse peut quelquefois donner un aspect de superposition à ce qui est simplement un renversement. Les argille scagliose ont cependant d’autres rapports avec les terrains environnants, rapports très bien signalés par M. Pareto à Paderno, à Prati, à Pieve delPino, etc. Par ses observations, on trouve bien établie la superposition suivante, de bas en haut : 1° argiles ; 2° macigno mollasse ; 3° marnes pliocènes. Dans d’autres localités, il annonce encore la superposition sui¬ vante ; 1° argiles ; 2° calcaire à fucoïdes supérieurs ; 3° mollasse. J’ai visité pendant les années précédentes plusieurs des localités citées par M. Pareto, à propos de la dernière subordination, et je me rappelle avoir trouvé superposées aux argiles des couches que j’ai toujours jugées se rapporter à la période miocène. On trouve à S. Pellegrino et à Montecucolo la même roche qu’au Gimone et à Sajato. Toutes ces localités ont des couches arénoso-calcaires superposées aux argille scagliose . Jamais je n’ai trouvé une seule couche de calcaire à fucoïdes dans celles qui sur¬ montent les argiles, si ce n’est dans une stratification très dérangée. Le calcaire avec fucoïdes était toujours concassé et en fragments disséminés dans la masse des argiles. A Sajato, la moitié inférieure de la montagne est d ’argilla sca- gliosa parfaitement caractérisée, la moitié supérieure étant formée 62 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 4862. d’une grande série de couches presque horizontales sur lesquelles sont encore les ruines d’un de ces pittoresques châteaux qui cou¬ ronnaient jadis le sommet des montagnes des environs. Son côté méridional, coupé presque verticalement, va se terminer dans une vallée limitée par le Panaro. Les eaux qui s’écoulent par la pente vont délayer les argiles inférieures. Cette circonstance fait que la base des couches supérieures manque ; les fragments roulent au bas jusque dans la vallée. Chaque année s’opère dans la montagne une dégradation gigantesque, qui va bientôt engloutir encore les der¬ niers restes du château. Les couches superposées aux argiles sont une roche très grossière, composée de sable très gros relié par un ciment calcaire, souvent spathique et fossilifère. Les fossiles frag¬ mentaires sont des Astréides etdes Ophiures désarticulés. On extrait de Sajato, à la vérité, beaucoup de calcaires à fu¬ coïdes pour la cuisson de la chaux; mais on l’extrait des fragments ensevelis dans Y Argilla scagliosà ; jamais, que je sache, un seul morceau n’a été tiré des couches supérieures. Lorsqu’on descend du sommet du Cimone (sommet culminant de l’Apennin central), en suivant la route qui mène à Sestola, on trouve, de même qu’à Sajato, des couches arénoso-spathiques(grau- wacke, Brocchi) et presque horizontales, superposées aux argiles qui forment la base de cette montagne et de plusieurs autres des environs, dans laquelle argile il y a toujours les fragments du cal¬ caire à fucoïdes. Mêmes roches et même superposition à Montecucolo et à S. Pellegrino. J’évite de parler ici de cette dernière localité, de¬ vant y revenir plus bas. M. Pareto a signalé Porretta parmi les lieux qu’il a visités, pays célèbre pour ses eaux thermales et pour ses couches presque verticales de macigno. Sans doute, c’est un macigno éocène; il appartient à la formation du calcaire à fucoïdes. Ces couches, très nombreuses, sont presque verticales et entourées de tous côtés par les argille scagliose qui sont à leur tour appuyées au grand cône d’euphotide du Saggio dont on a donné la description il y a long¬ temps (Santagata, Discorsi sui serpentini , 1838, p. 27. — Bian- coni, Dei terreni ardenti , p. 59). Cette énorme suite de couches de macigno, soulevée et renversée, est inclinée d’un côté sur la masse des argille scagliose environnantes; cependant il n’y a pas là de superposition stratigraphique du macigno sur les argiles. J’ai nommé plus haut le classique massif du Rio Maledetto. Là, on voit la portion la plus belle, la mieux caractérisée et la plus instructive du calcaire à fucoïdes. Des couches de toute grosseur, du NOTE DE M. BIÀNCONI. 63 calcaire très fin à pâte de crème, ou marneux avec fucoïdes, alter¬ nant avec d’autres de macigno qui s’intercalent dans les pre¬ mières, et d’autres enfin de marnes calcaires et argileuses, sont élevées presque verticalement et divisées par d’énormes cre¬ vasses dans lesquelles coulent le Rio Mulecletto et le Torrente Sa - moggia. Cet immense massif de couches est environné par des argille scagliose sur lesquelles il s’appuie par un de ses côtés à raison de son inclinaison [voy. , pour plus de détails : Del ter¬ rent ardenti , p. 60). Je l’ai dit plus haut : je ne connais aucune localité où les argille scagliose soient recouvertes par le calcaire à fucoïdes, ou par d’autres éléments de sa formation. Toutes les fois que ces ar¬ giles sont recouvertes par quelque terrain en couches sédimen- taires, ce sont des terrains se rapportant à la période miocène, pliocène ou moderne ; c’est ce que j’ai toujours observé et ce qui résulte des remarques faites par M. Pareto (p. 246). Quant à Serra Mazzoni, je me réserve d’y faire une autre visite avant d’en parler. Lorsque le pliocène recouvre directement les argille scagliose , par exemple, à M. Siorgio, à Savigno, à S. Yenanzio, près de Ma- ranello, et autres localités, on trouve les fragments de calcaire à fucoïdes enclavés dans les argille scagliose , mais superficiel¬ lement perforés par des lithophages, Mytilas , etc. , dont les coquilles sont encore aujourd'hui très bien conservées. Les argille scagliose faisaient donc, en quelque lieu, la ligne du littoral de l’ancienne Méditerranée ou mer pliocénique. M. Pareto rappelle que quelques géologues ont jugé les argille scagliose miocéniques, plutôt qu’éocéniques (p. 249). J’ai soutenu cette opinion-là plusieurs fois en considérant les argille scagliose ce qu’ elles sont à présent, c’est-à-dire un terrain de métamorphisme constatant l’apparition des serpentines ; sous ce point de vue, il est probable que M. Pareto est aussi de cet avis; on peut le déduire encore de plusieurs parties de sa note. Par conséquent, ce me semble, on peut encore penser : 1° que l’épigénie a eu lieu dans la période post-éocénique, et 2° que l’appa¬ rition des serpentines et roches ophiolitiques largement entendues a eu lieu dans la même période, deux propositions qu’on peut dé¬ montrer facilement. Les matériaux qui composent les argille scagliose ont été fournis sans doute par la formation du calcaire à fucoïdes dérangé. Qu’est-ce que Y a rgi lia scagliosa ? M. Pareto nous le dit (p. 242), et, aux savantes démonstrations qu’il a données, on peut ajouter 64 SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1862. que les fragments de calcaire à fucoïdes, de macigno et de marnes éocéniques de toute sorte (c’est-à-dire les éléments que l’on trouve encore au Rio Maledetto ), ces fragments, dis-je, sont anguleux et fracturés. Ces roches donc étaient consolidées, car elles ont été fracturées; donc la formation du calcaire à fucoïdes était achevée, sa période était close, lorsque par le bouleversement apporté par les serpentines l’état des choses a été profondément changé. Ajoutez en¬ core que, par une profonde modification, les morceaux de calcaire ont été étrangement altérés et corrodés. Le fait suivant mérite entre autres d’être mentionné. J’ai gravi trois fois le mont S. Pelle- grino (en 1843, 1844, 1857). Une forêt vierge couvrait la mon¬ tagne; des coupes pratiquées pour faire une route avaient mis à jour le terrain ; la partie destinée à la route était déboisée et à découvert. Les argille scagliose , qui forment une grande partie de la montagne, avaient été mises à jour. On trouvait des mor¬ ceaux de la masse des argiles, qui, de loin, ressemblaient à s’y méprendre à de gros fragments de bois pourri. En s’approchant, on voyait des blocs d’ocre brune, un peu grenue, divisible par couches. On était bien surpris en les divisant de découvrir au centre un nucléus de calcaire à fucoïdes, ou bien de macigno inaltéré éocène ; les divisions naturelles de stratification de ceux-ci répondaient aux divisions externes de la masse ocreuse. Enfin, par un examen attentif, on comprenait qu’une substitution par¬ tielle de l’ocre avait remplacé la substance calcaire ou de macigno. On pourrait donc naturellement en conclure que l’époque de l’épigénie delà formation du calcaire à fucoïdes, ou, en d’autres termes, l’époque pendant laquelle les argille scagliose sont de¬ venues ce qu’elles sont actuellement était le commencement de la période miocène. Mais ce n’est pas tout. Je ne dirai rien de quelques arguments qu’on peut tirer de la considération de certains gctbbri , qui ont des rapports très intimes avec les argille scagliose , arguments que je pourrai exposer dans une note prochaine, si la Société veut bien le permettre. Je citerai seulement le fait très singulier de blocs de macigno mollasse que l’on trouve quelquefois empâtés et métamorphosés dans le corps des argille scagliose. A Casola Canina, à S. Martino, on trouve surtout dans les argiles couleur rouge de brique des nuclei de ma¬ cigno mollasse avec des fossiles caractéristiques. A Monte Paderno, au lieu dit Poggiuoli Rossi, dans les argille scagliose parfaitement caractérisées, on a trouvé, dès 17... jusqu’aujourd’hui, des dents de Lamna encroûtées de cuivre carbonaté. Le docteur Camillo NOTE DE M. BÎANCONÎ. 65 Salvani cite aussi des fragments de Cancer dans la même localité [Délia pietra fosforica bolognese , 1780, p. 19). Lors donc du remaniement des argille scagliose par l’épan¬ chement des roches ophiolitiques, avaient commencé à se dé¬ poser les premières couches du macigno miocène, dont quelques parties étaient englouties par les argiles qui se remaniaient en¬ core. En même temps, ou peu après, lapins grande partie de cette formation miocénique allait déposer en couches sur les sommités des argiles des roches ophiolitiques et des lambeaux de la forma¬ tion du calcaire à fucoïdes renversés. Les mêmes raisons qui précèdent, relatives aux argiles, sont applicables à quelques roches ophiolitiques, qui ont dérangé partiellement les plus anciennes couches du macigno mollasse (voy. Pareto, Bull., p. 2/i8), et ont graduellement soulevé les couches plus profondes, tandis que les supérieures tendent à l’ho- rizontalité. On peut encore rappeler ici le fait supérieurement dé¬ crit du cône d’eupliotide [granitone) de Saggio, qui, à deux tiers de sa hauteur, conserve empâté un grand fragment d’une couche de calcaire à fucoïdes, fait bien important et qui répand beau¬ coup de lumière sur les soulèvements et les phénomènes géogé¬ niques de l’Apennin. En présence de faits de cette nature, on est conduit à penser que toutes les théories sur les causes actuelles viendront à être abandonnées, lorsqu’il s’agit de problèmes tels que ceux qui remontent à l’origine et à l’apparition des serpentines et des argille scagliose , qui sont la cause et l’effet à leur tour de la débâcle qui a fait surgir notre Apennin. Il me reste quelques mots à dire sur la stratification des argiles que l’on trouve mentionnée dans la note de M. Pareto, et qui est représentée dans les planches qui accompagnent son mémoire. Lorsque la formation du calcaire à fucoïdes n’a pas été dé¬ rangée de fond en comble par les émersions serpentineuses, on voit clairement des couches de calcaire à fucoïdes avec ses marnes et ses macignos, contournées ou inclinées, mais conservant une stratification reconnaissable. Au contraire, lorsqu’on a les argille scagliose avec tous leurs caractères, c’est-à-dire avec baryte, avec manganèse, avec gypse, avec minéraux cuivreux et rognons de cargneule, toute stratification a complètement disparu. Cela se voit à Monte Paderno, près de Bologne, et dans beaucoup d’autres localités citées aussi par M. Pareto. Alors c’est le vrai terrain de remplacement, de remaniement, de métamorphose, contourné dans tous les sens. Les modifications chimiques aussi bien que celles mécaniques ont entièrement transformé le terrain. du cal- Soc. géol ., 2e série, tome XX. 5 66 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. caire à fucoïdes en un terrain presque tout à fait nouveau, les argille scagliose. Toute stratification donc, lorsqu’on en voit, représente toujours la stratification originaire de la formation du calcaire à fucoïdes, jamais celle du terrain des argiles avec leurs caractères. Pour ne pas dépasser les bornes que je dois m’imposer, je remets à une autre occasion le développement de plusieurs arguments qui se rattachent, soit aux argiles, soit à d’autres points très inté¬ ressants de la note de M. Pareto. Par ce travail, on verra encore que le terrain des argiles est plein d’intérêt et de faits qui mé¬ ritent la plus grande attention. Cent fois, en effet, je l’ai visité, et autant de fois j’en suis revenu avec quelques nouveaux éclaircis¬ sements sur sa très singulière constitution. Sans doute les géolo¬ gues y trouveront encore par la suite des faits précieux, mais les bases fondamentales déjà posées, le métamorphisme et les consé¬ quences nombreuses qui en découlent, seront toujours confirmés, je pense, par les observations futures. Les échantillons authentiques, relatifs aux faits exposés et à ceux qui ne sont pas mentionnés ici, font partie des collections géognostiques et topographiques de l’Apennin central. Je les ai ramassés dans mes courses, et ils sont déposés dans la section de géologie du Musée de l’Université. Séance du 1er décembre 1862. PRÉSIDENCE DE M. DELESSE. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal do la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Tourniaire (Jos.-Et.), fabricant de produits chimiques, rue Montorgueil, 51, présenté par MM. Danglure et Collomb. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part du Comité de publication des Suites à ta Paléon¬ tologie française , d’Alcide d’Orbigny, Paléontologie française, DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 67 terrain crétacé , t. VII} Échinides , t. II, par M. G. Colteau, 8e livr., Paris, 1862 • chez Victor Masson et fils. De la part de M. Ed. d’Eichwald, Der Griinsand in der Umgegend von Moskwa , in-8, 36 p., Saint-Pétersbourg, 10 septembre 1861. De la part de sir Roderick I. Murchison, Address to the geological section of the British Association , at Manchester , 5 septembre 1861, in-8, 25 p., Manchester, 1861 5 chez A. Ireland et Cie. De la part de M. J. J. d’Omalijis d’Halloy, Abrégé de géo¬ logie, 7e édit., in-8, 626 p., 2 pl., 1 carte, 1862, Bruxelles et Leipzig-, chez Aug. Schnée, Paris, chez F. J. Leiber. De la part de M. Henri de Saussure, Coup d’œil sur l’hydro¬ logie du Mexique , 1 ™ partie, in-8, 196 p., 1 carte, Genève, 1862; chez J. G. Fick. De la part de M. L. Zejszner, O mijocenicznych gipsach i marglach w poludniowo-zachodnich stronach Krolestwa pols- kiego , in-8, 50 p., Varsovie, 1862, Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 1862, 2e sem., t. LV, nos 20 et 21. Bulletin delà Société botanique de France , t. IX, 1862, n°6, juin et juillet. L’Institut , nos 1507 et 1508, 1862. Bulletin de la Société d’émulation du départ » de V Allier, t. VIII, 2e livr . , 1862. Mémoires de la Société L d’ agriculture, etc., d’ Angers, t. III 4e cahier, 1860} t. IV, lre, 2e, 3e cahier, 1861. Mémoires de la Société d’ agriculture , etc. , du départ, de l’Aube, t. XIII, 2e sér., nos 61 et 62. Mémoires de la Société Dunkerquoise , 1861-1862, t. VIIL Annales de la Société des sciences industrielles de Lyon , 1862, n° h, 20 novembre. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, octobre 1862. Société I. d’ agriculture, etc., de Valenciennes , octobre 1862. The Athenœum, nos 1830 et 1831, 1862. The journal of the Royal Dublin Society, janvier et avril 1862. 68 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. Revista de los progresos de las ciencias exactas , jisicas y naturales , t. XII, n° 8, novembre 1862. M. le Président présente un travail imprimé de M. Àbieh sur la géologie du Daghestan et en reproduit les caractères prin¬ cipaux. Il offre, en même temps, une note du même auteur sur une pierre météorique tombée à Staurowpol. M. Danglure fait don à la Société, au nom du Comité de la paléontologie française, de la 6e livraison des Echinides de M. Cotteau. M. Yiquesnel lit la note suivante de M. Fournet sur la carte géologique du Piémont, par M. Sismonda. Aperçus relatifs ci la carte géologique de la Savoie, du Piémont et de la Ligurie , de M . le commandeur An ge la de Sismonda , professeur à P Université de Turin ; par M. J. Fournet, correspondant de l’Institut. M. de Sismonda vient de livrer nu public la carte géologique de l’espace compris dans le quadrilatère, dont les angles sont le Saint-Gotliard, l’embouchure de l’Ain, Fréjus et Carrare, de façon qu’elle embrasse, avec les Alpes, les contrées subalpines de la France et de l’Italie. Pour son travail, il put mettre à profit la carte géographique dressée par les ingénieurs piémontais qui, après des peines infinies, étaient arrivés à produire une œuvre d’une remarquable précision, à laquelle se rattachèrent successive¬ ment des feuilles partielles, des topographies hachées de main de maître et d’exquis panoramas. On conçoit que ces éléments ont dû exercer leur influence sur le travail de M. de Sismonda, non-seulement pour la région essen¬ tiellement alpine, mais encore pour les parties adjacentes dont le régime général est moins ardu. Cependant les obstacles matériels que rencontrèrent les géographes devaient également s’opposer au géologue de Turin, comme ils s’étaient opposés à M. Élie de Beaumont, à de Saussure ainsi qu’à d’autres observateurs ; et, si ces empêchements n’ont pas rendu à jamais impossibles les études de certains points de ces montagnes, ils les entourent du moins de difficultés telles, que d’en avoir vaincu seulement une partie est déjà une cause de triomphe pour les savants dont l’éner- NOIE DE M« FOERNET • 69 gie n’a pas fléchi sous leur épreuve. Aussi les montagnards, bons juges en pareilles matières, ont accepté le nom de Signal Sismonda donné par le chanoine Carrel à une pyramide de 2546 mètres de hauteur absolue et placée non loin de la Becca de Nona, sur l’arête qui relie le Chamolé au Comboë, dans la vallée d’Aoste. De cette façon son nom sera immortalisé, de même que la Pointe Barrot , la Pyramide Vincent , la Cime Zumstein , le Rocher Pitschner conserveront ceux de quelques autres audacieux explorateurs de ces montagnes. Ceci posé, passons aux opérations de M. de Sismonda. En 1832, il avait commencé, dans son pays, l'étude des collines tertiaires dont la constitution géologique était demeurée jusqu’a¬ lors inconnue. La nature de leurs roches lui fit bientôt sentir le besoin d’étudier les Alpes d’où provenait une partie de leurs ma¬ tériaux. L’enchaînement des détails l’amena ensuite à les tracer sur une carte, et, lancé dans cette voie, il fonctionna si bien, qu’abstraction faite de la nécessité de se consacrer à d’autres occu¬ pations, il acheva son entreprise en sept ou huit années, durée qui démontrera certainement une grande activité, surtout si, indé¬ pendamment de la difficulté des trajets, on tient compte des comtes saisons durant lesquelles il est possible de se livrer aux escalades. Le surplus du temps jusqu’à la publication a été absorbé par la gravure, dont les frais furent faits par le gouvernement piémontais. Le but auquel tendait M. de Sismonda le mit en relation avec M. El ie de Beaumont. En effet, le bourrelet alpin n’étant que la suture par laquelle se rattachent la Fiance et l’Italie, nos deux observateurs devaient nécessairement être amenés sur cette ligne commune, en suivant, chacun de son côté, les formations dont ils étudiaient l'extension. Mais ici l’éminent Secrétaire perpétuel de l’Institut, ayant le bénéfice de l’avance, put, avec sa libéralité accoutumée, donner d’utiles renseignements au sujet de divers étages géologiques dont la détermination aurait pu retarder le travail du savant professeur de Turin, circonstance que celui-ci s’empresse de constater avec une franchise assez rare à notre époque. Au surplus, initié par ces deux savants, en 1838, pendant une excursion qu’ils dirigèrent depuis les environs de Moutiers à l’Aiguille de la Vanoise et de là au sommet du mont Thabor, j’ai pu moi-même largement apprécier l’avantage de ces communi¬ cations. Sous une forme plus matérielle, rheureux accord dont je viens de faire mention ressort de l’étude des cartes respectives. Les posi- 70 SÉANCE DE 1er DÉCEMBRE 1862. tions qu’elles assignent à certaines gibbosités primordiales ou cristallines sont tellement identiques que M. Elie de Beaumont dut faire ressortir cette concordance comme un fait capital, au moment où il soumettait à l’Institut les nouveaux tracés de M. de Sismonda. Elle confirmait immédiatement les applications de la théorie des soulèvements à l’ensemble alpin dont les mouvements successifs sont surtout figurés par les affleurements des roches en question. Ils sont là comme autant de grandioses jalons placés à dessein de mettre un jour les géologues à même de retrouver les directions des secousses, et c’est sans doute en se laissant guider par eux que, dès le début de ses études, M. Elie de Beaumont put signaler de ces côtés l’action, actuellement bien connue, de trois impulsions essentielles et consécutives. D’ailleurs, ces saillies qui, malgré leurs intermittences, constituent deux bourrelets curvi¬ lignes, et séparés par une sorte de fossé, laissent facilement com¬ prendre qu’elles sont les bases de l’échafaudage de ces montagnes, de sorte que, leur disposition étant définitivement arrêtée, le tra¬ vail de la coordination des enveloppes rocheuses, secondaires et tertiaires, se trouvait considérablement simplifié. En effet, les choses se passent à cet égard, dans notre science, comme quand il s’agit, en peinture, de représenter un être animé. Un artiste logique s’attache à préciser l’attitude de son squelette avant d’en arranger la musculature et les téguments extérieurs. Eh bien, les explorations dirigées dans ce sens ont démontré qu’à l’exception de quelques autres petites saillies éparses çà et là, le fossé mitoyen, son extrémité méridionale ainsi que les autres intervalles laissés entre les noyaux cristallins, sont comblés par un puissant revêtement sédimentaire qui, en définitive, pénètre de la France en Italie par toutes les issues. Particulièrement bouleversé, écrasé et modifié dans l’intervalle et sur les rampes des deux courbes précédemment définies, il y exerce et exercera longtemps encore la sagacité des géologues. Cependant les ambiguïtés pétra- logiques ou stratigraphiques actuelles ne doivent pas plus nous arrêter que certaines incertitudes des combinaisons atomistiques ne modèrent l’activité des chimistes. Il suffit qu’il soit bien compris comment d’excellents points de départ ont été définitivement acquis par suite des pénibles labeurs de MM. Elie de Beaumont et de Sismonda , et chacun s’empressera de leur accorder une large part de cette estime qui est la récompense des travaux scien¬ tifiques. Ceci posé, j’aborde l’analyse delà carte de M. de Sismonda, en rappelant ce que j’ai déjà mentionné dans une autre notice sur les NOTE 1)E M. FOURNET. 71 Alpes : c’est que, dans ses premiers mémoires (1), notre géologue faisait déjà sentir la nécessité de grouper dans un ensemble infra- liasique, ou autrement dit inférieur au lias , tout le paquet des roches gisant sous le lias normal et qui comprend entre autres le poudingue de Valorsine. De cette manière, il cherchait à éviter l’obscur problème de leur âge, tout en précisant leur position sous une formation qui à cette époque était la seule dont le rang fût bien reconnu dans la chaîne savoisienne. Les choses progressèrent depuis ce temps, car j’ai admis pour les Alpes l’existence des micaschistes nacrés, des schistes cliloriteux, et l’état métamor¬ phique de certaines autres couches qui seraient devenues les mélaphyres parfois plus ou moins amphiboliques indiqués du côté du lac Majeur et du lac de Lugano. On sait d’ailleurs que l’idée de la présence du terrain houiller était émise, et que M. Favre entre autres se prononça ouvertement en sa faveur. De mon côté, mû par la nécesssité de démontrer l’extension de cette formation jusque dans ces montagnes, je jugeai à propos d’établir le fait d’une façon plus rigoureuse en faisant ressortir son gisement sous le trias dont j’ai signalé les affleurements sur la zone comprise entre le Valais et le Champoléon. Enfin, il est reconnu que les membres de la réunion géologique de Saint-Jean-de-Maurienne ont mis fin aux doutes par suite de la découverte de X Àvicula conforta . Et tout cela est compris entre les micaschistes proprement dits et le lias normal de M. de Sismonda. Quant à son jurassique métamorphique, nous devons attendre les explications qu’il donnera certainement dans le volume qui doit accompagner sa feuille. Le jurassique proprement dit occupe une très grande surface dans la région alpine. La carte nous le montre sur les deux versants, mais plus évident de notre côté que de l’autre, où cependant il affleure à la Spezzia, à Nice, et ensuite près des lacs Majeur et de Lugano, de façon à établir sa continuité sous les dépôts plus modernes. Il se compose des principaux étages qu’on lui connaît dans la France méridionale. En effet, les Ammonites, les Téré- bratules, les Bélemnites m’ont permis de faire connaître l’existence de l’oxfordien à Chamoison, en Valais, et j’ai rattaché à la même subdivision les calcaires avec les marnes qui, à partir de la Porte de France, à Grenoble, fdent du côté de Meylan. A son tour, (1) Pour les mémoires de M. de Sismonda, voyez la seconde série des Mémoires de l’Académie des sciences de Turin , tomes II, m, v, IX, XI. XIX. etc. 72 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862, M. de Sismonda, fort de la découverte d’une nombreuse suite de fossiles du Perron des Encombres, a pu ranger les roches de cette station dans le lias moyen. Et d’ailleurs, devançant les autres géologues, M. Elie de Beaumont, à l’aide des mêmes moyens, avait reconnu l’ensemble basique dans diverses parties de ces montagnes. Les travaux futurs porteront donc sur la désignation précise de diverses subdivisions indéterminées de ce système complexe. Pro¬ visoirement, je fais remarquer que, loin de se laisser tracer sur une carte de l’échelle adoptée par M. de Sismonda, ses successeurs n’en ont pas même pu suivre les enchaînements au travers des violentes perturbations qui ont affecté la contrée. Le crétacé inférieur, ou, autrement dit, le néocomien, est tout aussi digne d’attention que la formation précédente. Sans doute il n’est en évidence, à l’est des Alpes, que dans les environs de Yarèse ; mais faut-il conclure de ce fait celui de l’émersion de la surface du Piémont pendant sa sédimentation ? La question n’est pas sans intérêt. Toutefois, laissant de côté les conjectures à ce sujet, je fais remarquer que la région de Nice, déjà signalée à cause de l’apparition du jurassique, est en même temps celle où sur¬ gissent nettement les épaisses assises néocomiennes. Sans cloute la théorie des soulèvements tirera un jour parti de cette indication. A partir de ce point, ces couches, plus ou moins fracturées et mor¬ celées, couvrent une partie de la Provence, et l’on sait assez que plus loin elles constituent les accidents les plus scabreux, les plus pittoresques des environs d’Orange, de la Drôme et du Dauphiné, d’où ses bandes pénètrent dans la Savoie pour aboutir au^lacde Genève. Les fières dents du Midi et de Mordes, ainsi que le Salève avec diverses culminances du Jura, se rattachent au même terrain. Au surplus, quelques lambeaux de craie blanche découverts près de Chambéry par M. l’abbé Chamousset démontrent suffisam¬ ment que la partie supérieure de la formation a été soumise à des démantèlements dont l’intensité se conçoit facilement quand on a égard à la faible cohérence d’une partie des matériaux qui la composent. En continuant notre revue ascendante, la carte de M. de Sis— inonda met en évidence de larges nappes nummulitiques du côté de la Toscane, du Parmesan et encore dans l’espace compris entre Gênes et Nice. Dans les Alpes, des segments de cette formation ont été soulevés aux grandes altitudes de l’Encliastraye ainsi que du coldeMaurin, et sur la déclivité française on la suit d’une façon à peu près continue depuis Roccasterone par Entrevaux, Colmars, Mont-Dauphiu et le Briançonnais. Enfin, des files d’apparitions NOTE DE M. FOURNET. 73 sont indiquées successivement près de Saint-Jean-de-AIaurienne, autour d’Annecy, deThônes, deThorens, d’où l’ensemble complète son circuit vers Thonon aux abords du lac de Genève. Concluons donc que, dans la période nummulitique, la mer avait de nouveau envahi la partie de l’espace dont elle semble se trouver écartée à l’époque de la sédimentation crétacée. Du reste, il convient de rappeler que notre perspicace observateur a confirmé l’idée de l’existence de deux séries nummulitiques. Celle dont nous venons de parler, et qui est indiquée avec la teinte jaune sur la carte, est antérieure au soulèvement des Apennins. Appartenant aux dépôts qui ont clos la période crétacée, elle est décidément postérieure à la craie blanche. Les Nummulites de la seconde série sont incon¬ testablement tertiaires. Telles sont celles que l’on trouve dans le calcaire de Gallino, près de la Superga, et dans la mollasse de Grognardo qui occupe la vallée de la Bormida. Il résulte des explications de mon début que les premières études de M. de Sismonda se dirigèrent sur les couches tertiaires des envi¬ rons de Turin, et qu’on leur est redevable de la carte dont je m’efforce de faire ressortir les traits fondamentaux. Elles ont abouti à démontrer l’exclusion de certains membres de l’éocène; mais, à l’époque de la constitution du miocène, la mer embrassait largement l’extrémité des Alpes maritimes de manière à pénétrer fort avant dans le Piémont. De là d’abord les lambeaux étendus le long du rivage actuel de la Méditerranée près d’Onéglia, Savone, Gênes, San- Margliérita et Sarzana. A quelque distance dans l’intérieur, le développement du groupe s’effectue large et puissant depuis le parallèle de Millesimo-Mondovi jusqu’à celui de Turin- Plaisance, le long du Pô, où finalement il s’enfonce sous les dépôts plus récents, de façon à ne plus montrer aucun vestige de son extension ultérieure vers le Nord. Du reste, ses assises rudement redressées à la Superga près de Turin se montrent en grande partie composées de détritus serpentineux, et dans leur ensemble AI. de Sismonda put recueillir de magnifiques coquilles marines, non moins remarquables par la belle conservation des pièces que par le nombre des espèces dont il a remis, en 1835, une riche collec¬ tion à la Faculté de Lyon. Et j’ajoute que, dans sa totalité, ce terrain correspond à la mollasse marine dont on voit affleurer les couches à Lyon et aux environs. En se rapprochant davantage des Alpes, il s’étend en forme de bandes parallèles allant en s’élar¬ gissant des Echelles à la limite du lac de Genève dont il garnit l’extrémité septentrionale, jusqu’à Vevey pour se prolonger ensuite dans la Suisse. SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. 74 L’étage pliocène se compose de deux parties, l’une supérieure et lacustre, l’autre marine et inférieure. Cette dernière, étant moins profondément enfouie que le miocène, laisse naturellement décou¬ vrir un plus grand nombre d’affleurements. On remarque ceux-ci déjà près de Nice, puis successivement à Monaco, Vintimiglia, San-Remo, Albenga et Pietra. Au nord, ses couches se relèvent, au pied des Alpes, à Castellamonte, Masserano, Varèse et Stabio, de manière à mettre en parfaite évidence l’extension de la mer génératrice jusqu’à cette limite qui ne peut pas être constatée à l’égard de la mer miocène. Du reste, l’idée de son développement vers l’est se trouve pleinement confirmée par l’apparition de la belle nappe qui, après avoir longé la Stura, depuis Fossano, se dilate si largement, à partir d’Asti, d’un côté sur Moncalieri et de l’autre jusqu’à Alexandrie, pour reparaître ensuite à Novi sous la forme d’une zone sinueuse qui se termine à San-Giorgio non loin de Plaisance. Au surplus, la position ainsi que la constitution de cet étage portent à le réunir au dépôt auquel appartiennent les assises à Buccins et autres fossiles du Dauphiné, dont j’ai précisé l’établissement sous les lignites lacustres de la Tour-du-Pin pour la station de la Fully près de Saint-Quentin, comme on pourra le voir dans ma Géologie lyonnaise. En admettant ce synchronisme, on comprendra que la mer, qui à cette époque couvrait encore l’Italie, pénétrait également dans le bassin du Rhône au moins jusqu’à la hauteur de Lyon. Ajoutons enfin que la période a certai¬ nement été close par suite d’intenses mouvements du sol. Les dislocations des couches tendent à en démontrer le rôle ; cependant il n’en serait pas moins intéressant de les voir se rattacher à d’autres faits parmi lesquels je choisis les perforations pholadaires que M. de La Bêche observa près de Nice à l’altitude de 330 mètres sur le flanc occidental du mont Cao. En quoi diffèrent-elles de celles qui ont été trouvées par M. Dumortier à la Fully, par M. Grisard dans le lias de la rive gauche de la Saône en avant de l’île Barbe, et par M. Itier sur les hauteurs du Jura? De si grands phénomènes ne sont plus admissibles à l’égard de l’étage supérieur auquel il faut attribuer une origine lacustre, puisqu’elle est indiquée par ses fossiles. D’ailleurs, sa brève cir¬ conscription ne comporte pas d'autre hypothèse^ son ensemble n’étant représenté que par deux nappes bien exiguës, comparati¬ vement à l’étendue des couches marines sous-jacentes. Toutefois, pour ne pas laisser croire qu’elles sont sans importance, je fais observer que chacune d’elles, prise isolément, présente une super¬ ficie au moins aussi grande que le serait celle des lacs de Lugano NOTE DE M. FOURNET. 75 et de Genève réunis au lac Majeur. L’une de ces fractions est en évidence dans le recoin où les rivières venant des Alpes maritimes et occidentales se réunissent au Pô avant son entrée à Turin, et elle s’étend en longueur depuis Mondovi jusqu’à Moncalieri. L’autre se développe sur le confluent des torrents tributaires du Tanaro, le premier des grands tributaires apennins du fleuve en aval de Turin. Du reste, les sables et les limons tertiaires qui se sont amoncelés dans ces bassins sont d’intéressants préludes des nou¬ veaux phénomènes hydrographiques qui vont affecter le Piémont et la Ligurie. En effet, il est à remarquer que les sédiments plio¬ cènes ne renferment point les détritus serpentineux si abondants dans le miocène. Ce fait parut d’autant plus curieux à M. de Sismonda qu’ils reparaissent en profusion à l’état de cailloux dans l’alluvion ancienne qui constitue le sous-sol des belles plaines de ces régions. Un intérêt d’un autre genre se rattache à ce lacustre supérieur, attendu qu’il contient des restes de Mastodontes, d’Eléphants, etc. Partant d’ailleurs de l’ensemble des données, M. de Sismonda le considère comme le produit de grands courants survenus à la suite du soulèvement qui fit émerger le subapennin marin, dont les assises furent recouvertes en stratification concordante par les nouveaux sédiments. En effet, les fossiles du dépôt supérieur con¬ stituent autant de représentants terrestres ou d’eau douce du règne animal de la période pliocène, dont les habitants de la mer sont confinés dans le subapennin inférieur. L’alluvion ancienne forme un large dépôt compris sous le nom général de terrains diluviens, et occupant la surface qui borde le pied des Alpes entre Varèse et Cuneo, d’où son contour suit, à peu de chose près, le cours du Pô jusqu’à Crémone. En v'ertu de sa composition essentiellement caillouteuse, elle paraît corres¬ pondre à une partie du conglomérat bressan. D’un côté comme de l’autre, les matériaux ont été ramassés dans les Alpes et charriés par des cours d’eau qui enfilaient les grandes comme les petites vallées comprises entre le Saint-Gothard et le Mercantourn. Cependant il faut rappeler que sur cette vaste nappe divers géologues cherchent à faire reconnaître des moraines glaciaires avec leurs masses erratiques, et dont la plus importante serait représentée par le grand bourrelet qui s’étend d’Ivrée vers Borgo- Masino. Dans cette hypothèse, ses éléments constitutifs doivent être détachés de l’ensemble des montagnes que domine le Mont- Blanc; mais il reste à savoir s’il ne serait pas tout aussi diluvien que l’est le courant charroyeur des gros blocs qui, venant du 76 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. Mont-Blanc, des montagnes du Valais, traverse la plaine de Genève et les défilés du Jura pour se dilater ensuite et s’étaler en forme d’éventail sur nos plaines, sur nos plateaux dauphinois et lyonnais, de Crémieux, la Tour-du-Pin , l’Isle-d’Abeau , Saint- Quentin, Croix-Rousse, Fourvières et Saint-Genis. Sans doute, on découvrira encore, dans les ondulations de ce sol, les espèces d’Ôsars, les vestiges des gradins indiquant plusieurs actions dilu¬ viennes consécutives, et enfin les placages tumultueux des rampes dont j’ai depuis longtemps signalé l’existence de même que les dispositions dans la plaine de la Guillotière, le long des Balnies bressanes et viennoises, comme sur les plateaux de Décines, le long des rives de l’Ain et de la Saône. Au dernier terme de la série sédimentaire, M. de Sismonda place les alluvions contemporaines qui ne sont pas de nature à nous arrêter longtemps. Il suffira de faire remarquer que leurs sables et cailloux comblent les évasements des vallées du Rhône, de l’Arve, de l’Eau-Morte, de l’Isère et de la Romanche, où ils servent souvent de support à la culture. Du côté italien, on les observe également dans les parties basses de la Toccia, du Cervo, de la Doire et du Pô; mais, à l’inverse des fleuves précédents, les divagations de ceux-ci font perdre aux alluvions des larges plaines de Borgo-Ticino, de Pavie et de Bassignana le caractère agricole qu’elles pouvaient posséder dans certaines parties de la montagne. Je laisserais incomplète mon analyse du beau travail de M. de Sismonda, si je passais sous silence les roche? éruptives dont il a pris soin de distinguer diverses espèces sur sa carte. Elles com¬ posent la série suivante : granités et protogines, syénite sphéni- fère, porphyre quartzifère, diorite, serpentine et euphotide. Autant qu’il m’est possible d’en juger par les résultats de mes propres études, il y aura lieu à séparer d’abord un granité très ancien, qui serait, par exemple, celui par lequel ont été si intime¬ ment feldpathisés les schistes micacés des environs de Martigny; encore n’oserai-je pas être très affirmatif à cet égard. Et que deviendront un jour les protogines du Mont-Blanc si souvent endomorphisées au point de se trouver méconnaissables? Elles pa¬ raissent avoir agi sur les schistes inférieurs au trias, mais nullement sur le trias proprement dit. Peut-être faudra-t-il les associer aux granités qui, au Creusot, recouvrent le terrain houiller après l’avoir replié, et qui de plus sont souvent chargés d’un mica vert tout en tendant à prendre la texture porphyroïde. Le porphyre quartzifère doit certainement être ancien, puisque, dans les environs de Lugano et du val Gana, il a converti les NOTE DE M. EOURNET. 77 schistes en mélaphyres dont j’ai trouvé les cailloux englobés dans les conglomérats triasiques, et naturellement la même date doit être assignée à ceux de Baveno, quoiqu’on leur donne habituelle¬ ment le nom de granité à cause du large développement cristallin de leur texture. Le groupe en question comprend aussi les roches d’Arona et de Crevacuore où abondent des modifications endomor- pliiques et exomorpliiques du genre de celle du val Gana. Du reste, l’ensemble de ces roches étant orienté à peu près dans le sens des Alpes occidentales a dû être mis au jour par leur soulève¬ ment, s’il n’en a pas été un prélude hâtif. La formation serpentineuse avec ses diorites fut certainement un objet d’études très spéciales pour M. de Sismonda, et l’on ne saurait assez admirer la patience avec laquelle il a recherché, jusque dans les endroits les plus difficultueux des Alpes, une foule de boutons de cette roche habituellement si négligée par les antres géologues. Ici l’indication de leurs positions deviendrait aussi fastidieuse qu'inutile ; mais il ne sera pas hors de propos de rappeler que leurs principaux groupes sont concentrés dans l’Apennin, vers Gênes, puis sur l’axe N. -S. de la Levanna. Enfin, d’autres grandes émissions sont répandues dans l’ensemble du Mont-Rose, et partout elles ont traversé tantôt les roches récentes, tantôt les roches anciennes. Cette indifférence aurait rendu leur classement difficile sans la précision de notre observateur qui est arrivé à constater l’existence de deux éruptions serpentineuses. La première a précédé les dépôts miocènes du Piémont, comme le démontrent les nombreux cailloux et monceaux de serpentines contenus dans les sédiments de l’époque. L’autre, plus récente, est contemporaine de la fin de cette période, c’est-à-dire de la révolution causée par le soulèvement des Alpes occidentales. D’ailleurs le résultat de l’examen comparatif des deux serpentines vient à l’appui de cette première donnée. En effet, la roche apennine est généralement diallagique, celle des Alpes n’étant pas brillantée par cette espèce minérale ; la première passe à l’euphotide à base de saussurite; la seconde tend à tourner à l’amphibolite. On voit d’après cela qu’il ne s’agissait plus que de déterminer l’âge de la plus ancienne à l’aide de nouvelles études. Elles m’ont occupé dans mes excursions en divers pays. Ainsi, autour de Rive-de-Gier, j’ai vu les serpentines, leurs amphibolites, leurs spilites constituer des filons dans le terrain houiller, et, comme dans les Alpes ces mêmes serpentines et spilites traversent le terrain jurassique, j’ai pu conclure que les roches en question sont au moins postérieures à ce dernier dépôt. D’autres recherches dirigées sur les ensembles 78 SÉANCE DU 4er DÉCEMBRE 1862. crétacés et nummulitiques établiront un jour la vraie limite à laquelle se sont arrêtées ces premières éruptions; mais provisoire¬ ment un fait important pour la théorie des gîtes métallifères est définitivement acquis, car j’ai vu que les serpentines diallagiques de la Saxe, de l’Angleterre, de l’île d’Elbe sont traversées par certains granités qui par cela même doivent être très modernes, et, comme ils ont leurs cortèges de filons, ceux-ci appartiennent déci¬ dément à l’époque tertiaire. Les protogines du Pelvoux sont bien certainement des roches granitoïdes très récentes, puisqu’elles se sont épanchées sur les cal¬ caires jurassiques du Chainpoléon et de Aillard-d’Areine, d’après les observations capitales de M. Elie de Beaumont. Et d’ailleurs, étant loin de ressembler à celles du Mont-Blanc, je maintiens, au moins provisoirement, mes indications précédentes. Enfin la syénite sphénifère de Traverselle et, mieux encore, celle du grand amas de la vallée du Sessera, en amont de Creva- cuore, étant associée aux serpentines non diallagiques de façon à en être inséparables, je ne vois aucune raison plausible pour les séparer des dernières protogines. En résumé, à l’endroit de l’exécution artistique, l’œuvre de M. de Sismonda est un tableau expressif dont le sens est aisément saisis- sable par le commun des hommes, et en cela elle s’accorde avec la carte géologique de la France pour contribuer à la diffusion des lumières scientifiques. A l’égard de sa précision géographique, j’ai rappelé la part des officiers du génie piémontais. Au point de vue géologique, ce travail jette un jour complet sur plusieurs pro¬ blèmes de la stratigraphie alpine, et surtout sur ceux qui concer¬ nent les formations récentes. D’autres questions ont été pressenties par notre savant confrère, et certes de pareilles opérations sont bien faites pour attirer l’attention des géologues. Quant aux incertitudes inhérentes aux granités, aux micaschistes, aux schistes amphibo- liques et aux roches métamorphiques, on ne doit pas oublier que, pendant la gravure, l’étude amenait de nouvelles idées, et j’ai cherché à faire ressortir les aperçus dont plusieurs tiennent actuel¬ lement en suspens et occupent les meilleurs esprits. En ne perdant pas le souvenir de la pensée exprimée par M. Elie de Beaumont lorsqu’il a dit que « la géologie n’est encore qu’une science en construction», on comprendra que les constructeurs qui se sont attachés à l’édifice générai sont loin d’en avoir posé les combles, et que surtout les savants dont l’activité s’est tournée sur la partie la plus pénible de la structure européenne ont dû forcément laisser à des successeurs de belles occasions de se distinguer. Mais à leur NOTE DE M. COQUAND. 79 tour ceux-ci auront à se préparer par de larges et solides études minéralogiques, car jamais n’ont été rencontrés ici les fossiles dont se prévalent les paléontologistes trop souvent dédaigneux de la pétralogie. C’est pourquoi il est interdit à ceux-ci de toucher à ! autre chose qu’au simple crépi alpin, et la carte de M. de Sismonda indique les espaces sur lesquels il convient qu’ils se maintiennent I prudemment, . Le Secrétaire donne lecture de la note suivante : Sur V existence de la craie blanche de Meudon et de la craie tuffeau de Maestricht dans le S. -O. de la France et de V Algérie; par M. H. Coquand. Les observations présentées par M. Hébert et consignées dans le volume XIXe, page 542, du Bulletin , à la suite de la communica¬ tion verbale que j’ai eu l’honneur de faire sur le résultat de mes explorations dans le sud de l’Afrique française, réclament une réponse de ma part, puisqu’il n’existe pas de trace de ma commu¬ nication dans le compte rendu de la séance où j’ai pris la parole, et que conséquemment on ignore complètement les détails sur lesquels elle a porté et à quoi on a répondu. Peut-être aussi ai-je à remercier mon honorable collègue de m’avoir ramené sur un terrain qui depuis douze ans fait l’objet presque exclusif de mes études, et que lui-même a étudié avec toute la sagacité qu’on lui connaît et qu’il apporte dans toutes questions qu’il aborde et qu’il discute. Au risque de voir taxer d’entêtement la persistance que je mets à défendre mes idées, je ne dois pas moins confesser que, malgré toute la déférence que je professe pour une opinion con¬ sciencieuse et autorisée, je ne reste pas moins attaché à mon schisme et que mes critiques n’ont aussi pour but que le désir d’arriver, avec le concours de M. Hébert, à une bonne classifica¬ tion du terrain crétacé. Le seul point sur lequel nous paraissons différer essentielle¬ ment, M. Hébert et moi, consiste à savoir si la craie blanche de Meudon et la craie tujjeau de Maestricht (pour me servir des déno¬ minations impropres que l’on tient à conserver) sont représentées dans le S. O. de la France et en Algérie. J’affirme leur existence; M. Hébert la nie. Seulement, quand mon savant contradicteur avance que, pour expliquer mes synchronismes, mon argument principal repose sur la présence de Y Ostrea vesicularis et de 80 SÉANCE DÜ 1er DÉCEMBRE 1862. l’ Ananchytes ovata> il interprète mal ma pensée, ou bien j’aurais commis la maladresse involontaire de m’expliquer dans mon improvisation d’une façon contradictoire avec tout ce que j’ai écrit à ce sujet, si, en reconnaissant dans les deux Charentes l’équivalent de la craie de Meudon, je m’étais appuyé unique¬ ment sur la dispersion de ces deux fossiles dans un étage qui n’aurait renfermé que la faune des couches à Micraster brevis et à Spondylus truncatus. On aurait pu m’objecter alors et avec raison que je sacrifiais arbitrairement la stratigraphie à la paléontologie. Mais il me sera permis de certifier, pour ma justification, que ce n’est point ainsi que j’ai procédé. Je crois avoir démontré, à l’aide de coupes que je suppose exactes, puisque dans la session extraordinaire tenue à Angoulême des juges compétents les ont trouvées telles, et à la suite de comparaisons minutieuses faites dans la Touraine et dans la Sarthe sous la direction de M. Triger, je crois avoir démontré, dis-je, que dans ces deux dernières contrées la faune santonienne était identique et occupait la même position que dans les deux Charentes, mais que dans les deux Charentes, au-dessus des assises à Ostrea santonensis , talmontiana, proboscidea, Spondylus truncatus , Ananchytes gibba , Micraster brevis , par lesquelles finit dans les départements de Loir-et-Cher et de la Sarthe la craie supérieure, il se développait plus de 85 mètres de craie dans lesquels les fos¬ siles précités disparaissaient complètement et étaient remplacés par les Ostrea vesicularis , larva, pyrenaica , cornu-arietis , laciniatat Ananchytes ovata (l’espèce de Meudon), Conoclypus Leskei , Hemiaster prunella , Hemipneustes radia tus, Orbitoli tes media, etc., toutes espèces spéciales à la craie blanche de Meudon et à la craie tuffeau de Maestricht (et je pourrais ajouter à la craie verte des Etats-Unis et à la craie noire de l’Algérie), et qu’on réclamerait vainement à la craie de Vendôme, de Villedieu, du Var et des Bouches-du-Rhône, bien que, suivant M. Hébert, la craie de ces dernières localités représente toute la craie des deux Charentes. De plus, j’ai constaté qu’au-dessus de la craie à Hemipneustes radiatus , qui est de consistance friable, il existait un système fort épais, en Dordogne surtout, de calcaires jaunâtres entièrement composés de rudistes, dont les plus abondants, Y Hippurites radiosus et le Radiolites Jouanneti , se retrouvaient dans les bancs les plus élevés de la craie tuffeau de Maestricht. Voilà donc solidement établie par les lois de la stratigraphie et de la paléontologie l’existence dans le S. O. de trois étages super¬ posés, dont le plus inférieur correspond à l’horizon du Micraster 81 NOTIC DE M . COQUAND, brevis (craie de Y illedieu, étage santonien) , le deuxième à l’horizon des Ananchytes ovatci , Conoclypus Leshei , Hemipneustes radiatus , Oslrcn vcsicularis , larva (craie de Meudon et de Maestricht, étage campanien), et dont le troisième, avec les rudistes déjà nommés, correspond aux bancs les plus élevés de Maestricht (étage dor- donien). Or, ces synchronismes préconisés au nom de pareils principes ne sauraient être confondus avec des questions de pure fantaisie ; ils reposent sur un fait matériel, tangible, qu’il me paraît impos¬ sible qu’on puisse nier. Que M. Hébert, puisqu’il exige à tout prix que la craie supé¬ rieure des deux Charentes doive être réduite aux assises de Ville- dieu, trouve dans les bancs à Micrasler brevis , c’est-à-dire dans mon étage santonien, les Ostreci larva et cornu-arietis, le Cono - clypus Leshei ou Y Hemipneustes radiatus , et je passe condamnation. Qu'il trouve Y Hippurites 7'adiosus et le Radiolites Jouanneti dans ces mêmes bancs à Micraster brevis ou dans la craie de Meudon, et je dépose les armes. Mais si les choses, relativement à la station des fossiles et à la superposition des bancs qui les contiennent, se passent exactement dans les Charentes comme à Maestricht, et si de plus je peux invoquer à l’appui de mon opinion des épaisseurs équivalentes ou supérieures, argument auquel je déclare n’attaclier qu’une mince importance, je confesse ne rien comprendre aux reproches qu’on dirige contre ma classification et mes synchro¬ nismes. Cependant j’ai en face une objection de M. Hébert. Il admet, et cela de la façon la plus arbitraire, que, excepté Y Ananchytes ovata et Y Ostrea vcsicularis qui sont de mauvais fossiles, probable¬ ment parce que, communs à Meudon, ils se rencontrent aussi dans les deux Charentes et en Afrique, tous les autres fossiles de Meudon sont d’une parfaite conduite et que seuls ils ont le droit d’arborer le drapeau de l’étage de la craie blanche. Donc, en dehors de la j Beleninitella mucronata et du Micrasler Brorigniarti point de craie blanche, point de craie de Meudon; donc, pour avoir de la craie blanche ailleurs qu’à Paris, il est nécessaire de montrer la Belem - nitella mucronata. Je répondrai à cette exigence, qui, si elle était admise en géo¬ logie, se convertirait en un véritable lit de Procuste, que l’argu¬ ment me paraît manquer complètement de portée, car, si M. Hébert admet le passage des fossiles d’un étage dans un autre, rien ne démontre qu’on ne puisse admettre à priori et constater plus tard, dans le S. O. de France et en Afrique, l’existence de la Belemnitella Soc. géol. , 2e série, tome XX. 6 82 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. mucronata ainsi que du Micrastcr Brongniarti , qui, s’il ne porte pas l’étiquette de sa provenance, ne peut être distingué des M. cor - anguinum et cor-testadinarium . Or, comme F Hippurites radiosus , les Ostrca larva , vesicularis, cornu-arietis et laciniata , le Conoclypus Leskei , F Hemipneustes radia tus, le Radiolites Jouanneti , FOr&ûfo- //tes media} F Ananchytes ovata , que M. Hébert reconnaît appar¬ tenir à la craie blanche de Meudon ou de Maestricht, se montrent incontestablement dans les deux Charentes et en Afrique, au- dessus des bancs à Micr aster brevis , je ne sais pas pourquoi la Belemnitella mucronata ne pourrait pas s’y montrer aussi un jour. Cette découverte, si elle s’opérait demain, amènerait fatalement alors M. Hébert à admettre la craie blanche là où la veille il n’aurait reconnu que le santonien. Ceci me paraît être une véri¬ table pétition de principes. Un fait négatif n’a jamais prévalu dans la méthode baconienne, et à coup sur il n’entre pas dans l’esprit de notre savant collègue de s’inscrire contre les préceptes qu’elle pose ou de demander des miracles. En raisonnant comme il le fait, je serais en droit à mon tour, pour établir ma craie blanche, de choisir V Hemipneustes radiatus au lieu de la Belemnitella mucronata , en prenant pour type Maestricht au lieu de Meudon , et d’exiger, pour qu’on m’amenât à reconnaître de la craie blanche en dehors de Mae¬ stricht, qu’on me représentât X Hemipneustes radiatus ; d’où la con¬ clusion forcée que la craie blanche devrait être supprimée à Meu¬ don, puisque jusqu’ici ce fossile n’y a point été signalé. Si, au lieu de Maestricht, je choisissais pour type la Charente, j’invoquerais le Radiolites craterijormis , et alors je nierais la craie blanche et à Meudon et à Maestricht. Cette prédilection pour tel ou tel fossile s’explique par le service qu’il a pu rendre dans certains cas à Fauteur qui le préconise, mais c’est à mon avis pousser les choses un peu loin que de l’imposer à l’adoration des autres géologues, surtout quand on opère à de grandes distances et dans des bassins distincts. Pour moi X Hemipneustes radiatus , la Belemnitella mu¬ cronata et le Radiolites crateriformis ont identiquement la même valeur et ils affirment tous également la craie blanche, lorsque je les vois occuper les mêmes niveaux géologiques, associés à une faune identique et surtout placés au-dessus de la craie à Spondylus truncatus et à Micraster brevis. Je puis invoquer au besoin en faveur de mon sentiment une double autorité que M. Hébert ne contestera certainement pas, c’est la sienne d’abord et celle de M. de Binkhorst ensuite, relati¬ vement à la craie de Maestricht. Ces deux savants y reconnaissent, NOTE DE M. COQUÀND. 83 à partir des sables d’ Aix-la-Chapelle jusqu'à la craie tuffeau de la colline de Saint-Pierre, l’équivalent de la craie sénonienne telle que l’entendait Aie. d’Orbigny. Je n’ai rien à contredire à cette opinion, qui est également la mienne. Sans nous préoccuper ici des espèces qui, suivant quelques géo¬ logues, peuvent passer de l’étage santonien dans l’étage campanien et réciproquement, ce qui peut tenir à la difficulté de bien établir leur séparation, surtout dans les pays cultivés comme la Charente, examinons les fossiles que M. de Binkhorst cite dans la craie tuf¬ feau de la colline de Saint-Pierre, que nous prétendons être équi¬ valente de nos étages campanien et dordonien pris en bloc. Rhynchopygus Marnini , Hemiaster prune lia, Hemipneustes radiatus, Conoclypus Leskei , Cyphosoma magnijîcum , Pseudodiadema Kleinii, Salenia heliopora , Ananchytes ovata, Micraster cor-anguinum , Bourgueticrinus œqualis , Orbitolites média , Cyclolites canccliata, Sphœrulites Hœninghausi , Radiolites royana , ■=» Jouannetiy Hippurites radiosus [H. Lapey- rousii) , Crania ignabergensis , Terebratella santonensis , Ostrea vesicularis , * — larva , — frons, — cornu-arietis , — acutirostriSy — hippopodium , Janira quadricostata , — striato-costata , — Dutemplei , Àvicula approximata , Lima semisulcala , Na tic a rugosa , Nautilus Dekayiy Scaphites cons trie tus , Baculites Faujasi. Or, nous faisons remarquer que toutes ces espèces, signalées par M. de Binkhorst comme étant spéciales à la craie supérieure de Maestricht, se retrouvent toutes, sans exception, et l’on pourrait en ajouter d’autres, dans nos étages campanien et dordonien des deux Charentes, que dans le Limbourg comme dans le sud-ouest elles sont toutes placées au-dessus de l’étage santonien. La seule absence regrettable que nous ayons à signaler, je dis regrettable parce que M. Hébert semble en faire une condition sine qua non , est celle de la Belenmitella mucronata , que nous n’avons jamais recueillie dans les deux Charentes ni dans l’Algérie, quoique nous ayons aperçu dans cette dernière région un fragment de Bélemnite indéterminable dans les bancs à Ostrea vesicularis et larva. De bonne foi, nous demandons en toute humilité si nous sommes bien coupable d’avoir établi l’équivalence de Meudon et de Maestricht avec le sud-ouest avec un nombre d’espèces communes aussi nom- SÉANCE DU lef DÉCEMBRE 1862. 8 h breux et auquel la faune de Meudon ne saura jamais prétendre, surtout lorsque nous démontrons de la manière la moins contes¬ table, d’un côté que notre étage campanien est supérieur à l’étage santonien, et d’un autre côté que les fossiles précités font défaut dans la Touraine et dans la Provence, où l’étage santonien seul est représenté. Lorsque nous avons proposé notre nouvelle classification du terrain crétacé, nous n’avions guère eu pour guide que notre expérience et nos faibles lumières, et, à ce titre, notre premier devoir était de nous défier de nous-même. Mais, quand, à la suite de nos publications, nous avons eu, sur les lieux mêmes où nous avions opéré nos divisions, l’assentiment de MM. Triger et Bayle et des membres de la Société géologique présents à la réunion extraordinaire d’Angoulême, nous avons dû puiser dans l’autorité des savants que nous citons une confiance que ne peut que corro¬ borer aujourd’hui l’opinion d’un géologue dont personne ne con¬ testera la compétence dans les questions qui se rattachent à la craie supérieure du Limbourg. Voici, en effet, en quels termes s’exprime M. de Binkhorst dans son excellente monographie de la craie tuffeau (craie supérieure) du Limbourg, p. 251 : «M. Triger, en rapportant les couches crétacées les plus an¬ ciennes de cette contrée à l’horizon du Micraster brevis, du Sport - clylus spinosus et de la Belemnitella quadrata , place les sables d’Aix dans un niveau correspondant à la craie des environs de Chartres et d’Octeville, horizon qui se présente immédiatement au-dessous de la craie de Meudon. » Il se propose plus tard de démontrer qu’il existe une identité parfaite entre les dépôts crétacés supérieurs de la province de Liège et ceux du département de la Manche et des environs de Paris, et que cette analogie n’est pas moins frappante avec certains dépôts du sud-ouest et du midi de la France, quoiqu’ils aient été consi¬ dérés jusqu’ici par beaucoup de géologues comme appartenant à un tout autre horizon. » Il tâchera de prouver que sur tous ces différents points, malgré leur éloignement, des assises parallèles présentent constamment les mêmes fossiles et très souvent, en outre, les mêmes caractères minéralogiques; de sorte qu’on peut en conclure qu’au moment même où une oscillation du sol plongeait sous les eaux de la mer les points où se trouvent aujourd’hui les villes d’Aix-la-Chapelle et de Maestricht, la même oscillation probablement se faisait sentir également près de Paris, dans la Manche et dans les environs SOTE DE M. COQUAND. 85 d’Angoulême, où cette mer a formé des dépôts parallèles que l’on peut facilement constater aujourd’hui à Paris même, à Néhou et à Sainte-Colombe dans la Manche, à la Valette, au Maine-Uoi et à Aubeterre dans la Charente, enfin sur une foule d’autres points inutiles à citer, dans le midi de la France. » Il lui sera facile, en effet, de démontrer qu’à Aubeterre et à Maestricht les couches supérieures de la craie offrent un parallé¬ lisme et une symétrie remarquables; que des marnes semblables par leurs caractères minéralogiques se trouvent intercalées dans ces deux localités entre des bancs d’ Ostrea vesicularis , petite et grande variété, qui occupent exactement les mêmes places; qu’entre ces bancs on trouve à la même place X Hemipneustes radia - tus j le Cyphosoma magnijicum , la Salenia heliopora , X Orbitolites | media , X Hemiaster pnuiella , le Pecten striato- costatus , X Ostrea larva , etc. ; qu’enfin des rudistes de même espèce et en assez grand nombre viennent en outre couronner ce dépôt dans les deux localités. » Ce serait affaiblir cette citation que de la commenter ou d’y ajouter quelques développements. Mais je vais plus loin. Je reconnais avec M. Hébert que dans le midi de la France nous ne possédons, comme à Villedieu d’ailleurs, que l’étage santonien. Aussi je mets quiconque au défi de me citer, depuis Nice jusqu’aux Corbières, un seul représentant de la faune campanienne des deux Charentes ou de Maestricht. Oui, dans le midi nous avons X Ammonites polyopsis , les Ostrea pro- boscidea , talmontiana , spinosa, santoncnsis , les Spondylus truncatus et spinosus , la V ulsella turonensis , le Radiolites fissicostatus , les Micraster gibbus et brevis , en un mot la faune presque entière de Villedieu, de la Sarthe et de Cognac ; mais, comme l’étage campa- nien nous manque, nous ne possédons ni les Ostrea vesicularis , larva , cornu-arictis, pyrenaica , laciniata , ni X Ananchytes ovata , ni le Conoclypus Leskei, ni l’ Hem ipn eus tes rad ia tus , ni X Orbitolites media, ni les Radiolites Jouanneti , royana , ni X Hippurites radiosus, en un mot, pas un seul des fossiles qui, dans les deux Charentes, à Meudon ou à Maestricht se montrent au-dessus de la faune santo- nienne. Et cependant la Provence est le pays des rudistes par excellence, et la Provence qui, toujours suivant M. Hébert, tient toute la craie supérieure des deux Charentes, ne présente aucun fossile de Maestricht tandis que les deux Charentes les repro¬ duisent presque tous î Cette anomalie est vraiment par trop cho¬ quante. En Afrique au contraire, où la craie se montre aussi complète 86 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862, que dans îa Charente et à Maestricht et plus complète par consé¬ quent qu’en Provence, je retrouve, au-dessus de Y Hippurites orga - nisans , d’abord un grand étage marneux avec Micraster brevis, Ostrea acutirostris , spinosci , proboscidea , santonensis , talmontiana , Vulsella turonensis , Micraster brevis , Lima ovata , donc toute la faune santonienne de la Provence et de Yilledieu, et ce n’est que dans un étage supérieur à celui-ci et épais de plus de 150 mètres que je recueillis Y Ananchytes ovata , les Ostrea larva , vesicularis , cornu-arietis , Y Orbitolites media , les Hemipneustes , etc., etc., exac¬ tement comme dans la Charente et à Maestricht, où j’admets seulement que la craie supérieure est plus complète qu’à Meudon. Si j’ai bien compris l’argument de M. Hébert, il faudrait admettre avec lui qu’en dépit de la superposition et de l’épaisseur de mes étages dans les deux Charentes le sud-ouest ne renferme que la craie santonienne et que j’ai été trompé par une question de puissance de couches. Si cela était, j’aurais peu de peine à justifier mon erreur, car j’aurais la paléontologie pour complice. Comment I M. Hébert, et je suis pleinement d’accord avec lui, établit dans la Savoie l’identité des marnes irisées sur l’autorité d’un seul fossile, Y Avicula conforta , reconnaît la craie de Meudon dans les Alpes d’après l’existence de la Belemnitella mucronata , et il ne réclame pas pour les Alpes ce qu’il exige de moi pour les deux Charentes et pour l’Algérie, c’est-à-dire la présence des bancs à B. quadrata au-dessous de l’étage campanien et au-dessous de ceux-ci les bancs à Micraster brevis ! Et quand je lui présente dans les deux Charentes mes trois étages santonien, campanien et dordonien normalement superposés et contenant, le premier la faune de Yilledieu, le deuxième et le troisième la faune de Meu¬ don et de Maestricht, les principes de superposition et de distri¬ bution des espèces que l’on trouve excellents pour Maestricht et Paris perdent toute leur valeur pour le sud-ouest et pour l’Afrique, bien qu’ils persistent les mêmes I La craie à Belemnitclla mucronata de la Grande- Chartreuse et d’Entremont repose sur des laves ou des lauzes sans fossiles et de peu d’épaisseur ; ces lauzes reposent à leur tour sur Fétage rhoto- magien, sans l’intermédiaire des étages santonien, provencien, angoumien et carentonien, et c’est de la craie blanche de par les B. mucronata , Ostrea vesicularis et Ananchytes ovata , tandis que dans la Charente, où ma série crétacée est complète et où mon étage campanien est supporté par la craie de Yilledieu, bien que j’aie à offrir deux fossiles sur trois de ceux recueillis dans les Alpes, et de plus, près de U0 espèces qu’on rencontre au même niveau à NOTE DE M. COQ ü AND. 87 Maestricht, je n’aurai que de la craie santonienne, par la seule rai¬ son que je n’aurai pas eu la fortune de mettre la main sur une Belemnitella mucroîiata ! Je serai donc condamné, parce que j’aurai démontré de la manière la plus évidente que, dans la Provence où j’affirme qu’on ne possède que l’étage santonien, on ne recueille que des espèces santoniennes, pas même YOstrea vesicularis qui, d’après M. Hébert, s’introduit partout; que si nous avons seulement les bancs infé¬ rieurs de Cognac à Micraster brevis , il nous manque d’autre part les étages campanien et dordonien, et qu’aussi nous n’y avons jamais recueilli les Ostrea vesicularis et larva , l’ Hemipneustes radiai us, le Conoclypus Leskei de Barbezieux, qui sont supérieurs au Micraster brevis de Cognac, et encore moins les Hippurites racliosus et Radiolites Jouanneti d’Aubeterre, qui à leur tour sont supérieurs aux bancs à Ostrea vesicularis de Barbezieux. J’ai donc bien raison, il me semble, d’affirmer qu'on saute à pieds joints sur la stratigraphie et sur la paléontologie, quand on prétend que nous avons en Provence toute la craie du sud-ouest, et qu’en Cha¬ rente nous n’avons que la craie de la Provence. Et qu’on veuille bien remarquer où conduirait cette interpréta¬ tion : à reconnaître que dans les deux Charentes où, suivant M. Hébert, il n’existe que la craie santonienne, cette craie ren¬ ferme justement la faune de Meudon et de Maestricht, tandis que, dans le midi de la France et dans la Sarthe où la même craie existerait aussi, on n’observe que des espèces exclusivement spéciales à mon étage santonien, sans qu’on puisse y trouver, et cela en y mettant la meilleure volonté, un seul exemplaire à' Ostrea larva , cornu-arietis , Conoclypus Leskei , Hemipneustes radia tus, Hippurites racliosus , etc., qui abondent dans le sud-ouest. Le dernier horizon des rudistes dans la craie santonienne de la Pro¬ vence est nettement indiqué par le Sphœrulites Coquandi et le Radiolites fîssicostatus. Ces deux espèces sont également santo¬ niennes dans les deux Charentes ; mais c’est en vain qu on récla¬ merait au midi les Hippurites radiosus et Lamarckii, les Sphœrulites alatus , Ilœninghausi , Saemanni , cylinclraceus , les Radiolites royana , ingens , Bournoni , craterijorniis , Jouanneti , qui sont si abondants dans la craie du sud-ouest, et qui, pour être retrouvés ailleurs, doivent être recherchés dans la région où se montre l’étage le plus supérieur de la craie blanche ; or, cette région est Maestricht, à l’exception de toute autre, parce qu’elle est le prototype des assises les plus élevées de la craie supérieure, et qu’elle partage ce privilège avec les deux Charentes et la Dordogne. 88 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 4862. Dans la Touraine et dans le midi de la France où je ne reconnais que l’étage santonien, il n’existe donc que des fossiles santoniens, et il ne reste aucune place pour la craie de Meudon, puisque les der¬ niers bancs à Micraster brevis sont directement recouverts par la formation tertiaire ; dans les deux Charentes au contraire, où il existe à la fois la craie santonienne, la craie campanienne et la craie dordonienne, les derniers bancs à M. brevis sont recouverts par 85 mètres de craie qui ne contiennent que les faunes de Maestricht. On voit en définitive que M. Hébert, pour affirmer ailleurs qu’à Paris la craie blanche de Meudon, n’a confiance que dans la Belemnitella mucronata , à laquelle il semble attribuer une infailli¬ bilité qu’aucun autre fossile ne possède. Fort heureusement pour nos collègues de l’Amérique du Nord, la craie verte de New-Jersey, parce qu’elle contient la B. mucronata , a le privilège de passer pour craie blanche. Sans ce céphalopode, la Terebratula Harlani , les Ostrea vesicularis et larva qu’elle possède aussi n’auraient pas été assez puissantes pour lui assurer son parallélisme avec Maes¬ tricht et Meudon; elle fût descendue au rang de la craie santo¬ nienne et peut-être de l’étage rhotomagien, tant Y O. vesicularis est un fossile de mauvais aloi ! Quelque confiance que m’inspire la Belemnitella mucronata , j’avoue qu’il me répugnerait beaucoup de traiter en enfants d’un autre lit le Conoclypus Leskeiy les Ostrea larva et laciniata , Y Hcmipneustcs radialus , auxquels je reconnais une origine aussi légitime que l’origine de la première et le droit de représenter la craie blanche à leur tour. Admettons par hypothèse qu’on ne fût point parvenu à signaler encore à Modane Y Avicula contorta et à la Grande-Chartreuse la Belemnitella mucronata . On eût donc pu conclure de ce double fait négatif que les gypses des Alpes n’étaient pas triasiques et que la craie de Meudon manquait dans le département de l’Isère. Pour cette dernière question M. Hébert se fût inscrit le premier parmi les opposants, car il n’aurait eu à combattre que Y Anancliytcs ovata et Y Ostrea vesicularis , mauvais fossiles à son avis, et il n’aurait pas consenti à faire remonter l’étage au-dessus du santo¬ nien, s’il eût refusé de se rallier à l’opinion de M. Gras qui fait descendre la craie d’Entremont au niveau du néocomien, ou à celle de M. Elie de Beaumont, qui, à cause de la présence des rudistes, ramène Maestricht à l’horizon des grès verts de Rouen. Et cepen¬ dant la craie d’Entremont et les gypses de Modane ne seraient pas moins, la première, craie blanche, et ceux-ci, triasiques. L’autonomie d’un étage ne dépend en aucune façon de la pré¬ sence ou de l’absence d’un fossile que chacun s’arrogerait le droit NOTE DE M. COQUAND. 89 de choisir à son gré. La superposition et les faunes seules ont le pouvoir de fonder un étage. Serait-on autorisé, par exemple, à nier que les bancs à Ostrea biciuriculatci du Mans ne soient les équivalents des bancs à O. biauriculata de la Charente et de la Provence, parce qu’on n’a pas signalé dans la première localité la Caprina adversa ou le Sphœrulites foliaceas qui abondent dans le sud-ouest et le midi de la France? Si les géologues provençaux procédaient à la manière de quelques-uns de leurs confrères du nord, ils auraient vraiment beau jeu contre eux de par les rudistes, et pourraient repousser à leur tour les synchronismes établis entre le nord et le midi, en les forçant, pour justifier leurs concordances, de leur montrer dans les bancs à Micraster brevis de la Sarthe les Radio li tes fissicostatus , Sphœrulites Coquandi , Hippurites Arnaudi , si communs pourtant à Cognac et à Martigues. Or, je le demande, si les rudistes, qui jouent un rôle si important dans le sud-ouest et dans le midi de la France, sont impuissants pour infirmer dans le nord où ils manquent les synchronismes que tous les géologues trouvent suffisamment et je dirai surabondamment établis sur les Ostrea proboscidea , santonensis , Micraster brevis, Spondylus tru ri¬ en tus, etc., en vertu de quel privilège la Belemnitella mucronata aurait-elle reçu un droit, une grâce d’état que l’on dénie aux rudistes? N’est-il pas alors plus rationnel de conclure, puisque tout y convie, que la B. mucronata est à la craie blanche du nord ce que les Radiolites Hœninghaasi et royana sont à la craie du sud- ouest, et deviennent les uns par rapport aux autres de véritables équivalents géologiques? Personne n’ignore avec quelle profusion les Bélemnites plates sont répandues dans l’étage néocomien des Basses-Alpes et du Var; or, à quelques kilomètres de ces deux départements, à Allauch près de Marseille, par exemple, que j’ai eu l’avantage de visiter en compagnie de M. Hébert, nous possédons toute la faune néo¬ comienne des Basses-Alpes et du Var, moins les Bélemnites plates. D’un autre côté, dans le département des Bouches-du-Rhône l’étage carentonien, c’est-à-dire la patrie par excellence des Ostrea columba, se trouve pétri de Caprina adversa et de Sphœru¬ lites joli accus, tandis que dans les Basses-Alpes aucun de ces rudistes ne se rencontre dans des bancs également pétris à' Ostrea columba. Je ne sache pas qu’aucun géologue ait jamais songé à attaquer le parallélisme de ces divers étages d’après ces mesquins arguments. Il me semble, en saine doctrine, que si l’on a le droit de se servir de la présence d’un fossile pour affirmer un étage, on n’a pas celui d’arguer de son absence pour le nier, et surtout de 90 SÉANCE DU J er DÉCEMBRE 1802, vouloir, pas plus pour la craie que pour les terrains tertiaires, que la création ait pris juste pour modèle des formations géologiques les environs de Paris. Aussi, avant de terminer cette réplique, je ne saurais me dis¬ penser à mon tour d’exprimer tous mes regrets de voir un géologue aussi éminent que M. Hébert ne pas partager mon opinion sur les divisions de la craie du sud-ouest et de l’Algérie ; mais qu’il me permette de le lui dire en toute franchise, puisque sa valeur scientifique ne saurait être en rien amoindrie par ma faible oppo¬ sition i je pense qu’avant de se rendre juge dans une question aussi grave et aussi délicate que celle qui nous divise et qui laisse contre lui l’opinion des géologues qui, en France comme dans le Limbourg, se sont occupés le plus de la craie, il serait peut-être utile qu’il connut plus à fond la craie des deux Charentes et qu’il comparât ensuite la craie du sud-ouest à la craie qui s’étend sous les méridiens de Tebessa, de Batnaet de Biskra. Je suis convaincu qu’il ressortirait alors de ses comparaisons la preuve déjà acquise pour moi, que la craie de Meudon et de Maestriclit, loin d’être confinée dans quelques coins des vallées de la Seine et de la Meuse, de l’Angleterre et des Alpes, occupe en Algérie, comme dans l’Amérique du Nord et dans l’Inde, des surfaces en rapport avec l’extension que prennent les formations secondaires dans les deux hémisphères. Au surplus, mon intention est de soumettre prochainement le résultat de mes découvertes récentes en Algérie à la Société géolo¬ gique, aréopage le plus compétent pour prononcer entre l’opinion de M. Hébert et la mienne. Quel que soit son jugement, il ne pourra qu’ajouter à la sincère estime que je professe pour le caractère et le talent de mon honorable contradicteur et à ma gratitude envers des collègues qui, depuis tant d’années, veulent bien me couvrir de leur bienveillante indulgence. Sur le non-synchronisme des étages campanien et dordonien de M. Coquand avec la craie de Meudon (1) et celle de Maestriclit . Réponse à M . Coquand ; par M. Hébert. Je remercie M. Coquand de la façon courtoise dont il veut bien accueillir mes critiques. Je le prie de croire qu’en les faisant (1) J’emploie les vieilles expressions craie de Meudon et craie de Maestricht, et non craie blanche de Meudon et craie tujjeau de NOTE DE M. HÉBERT. 91 j’ai voulu, non pas juger le débat, aucune des expressions employées dans la note de deux pages, qu’a publiée le Bulletin , n’exprime cette tendance ; mon intention a été tout simplement de dire que je ne partage point ses idées sur la classification des parties supé¬ rieures de la craie; et c’est un droit que M. Coquand, je l’espère, ne voudra pas m’enlever. Je ne suis donc disposé à le taxer ni d’entêtement ni d’aucun autre défaut, s’il persiste dans sa conviction. Je dirai plus; dans l’intérêt de la science, je souhaite cette persistance; elle aura pour résultat de nous obliger tous deux, ainsi que tous ceux qui tra¬ vaillent la craie, et le nombre s’en accroît chaque jour, à apporter dans leurs publications plus de précision, plus d’exactitude, afin de ne point fournir de nouvelles armes contre la vérité. Comme ce débat est très important, ainsi que le reconnaît M. Coquand, je demande la permission de reprendre les argu¬ ments de mon savant collègue et de leur opposer les miens. J’ai dit (t. XIX, p. 542) que M. Coquand, pour assimiler son étage campanien à la craie cle Meudon , s’était principalement servi de X Ostrea vcsicularis et de X Ananchytes ovata , espèces qui, telles qu’elles sont aujourd’hui définies, ont une extension verticale trop considérable pour pouvoir être employées à cet usage. M. Coquand proteste contre une pareille assertion, et cependant il la confirme pleinement par la preuve même qui doit la mettre à néant. Il dit qu’au-dessus des bancs à Micraster brcvis [et. santonien , Coq.), auquel il associe maintenant X Ananchytes gibba , ce qu’il ne faisait pas précédemment, car cette dernière espèce réunie à X A. ovata ne figure clans son Synopsis , p. 133, qu’à l’étage campanien, « se développent plus de 85 mètres de craie dans lesquels sont Ostrea vcsicularis , O. larva, O. pyrenciica , O . cornu- arietis, O. laciniata, Ananchytes ovata, Conoclypus Leskei , Herniaster prunella , Hemipneustes radiatus , Orbitolites media , etc., toutes espèces propres à la craie blanche de Meudon et à la craie Maestricht; mais je dois avouer que je préfère de beaucoup ces déno¬ minations impropres à celles qu’a imaginées M. Coquand, clordonien , campanien , santonien , coniacien , provencien , angoumien , caranto- nien, gardonien, rothotnagien , auxquels il vient d’ajouter [antè, p. 50) le mornasien : dix étages, rien que pour la craie proprement dite. En dehors de la craie, M. Coquand, entraîné par la fécondité du principe qui le guide, vient de créer (t. XIX) le barrémien ; je m’étonne de n’avoir point encore vu apparaître le bedoulien pour les calcaires à Ancyloceras Matheroni , dont la riche faune est si distincte de celle des marnes d’Apt. 92 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. tuffeau de Maestricht. » Laissons, pour le moment, de côté la craie de Maestricht, puisqu’il ne s’agit maintenant que de l’assimilation de la craie de Meudon à l’étage campanien; il n’y a dans cette liste que -FO. vesicularis et X Ananchytes ovata qui se trouvent à Meudon; aucune des autres n’y a jamais été recueillie. Donc aujourd’hui je puis dire, non de la façon la plus arbitraire, comme me le reproche M. Coquand, mais en m’appuyant sur ses propres expressions, que M. Coquand s’appuie pour son assimilation non plus principalement , mais exclusivement sur les deux fossiles pré¬ cités. Je sais bien que le Synopsis cite quelques autres espèces communes à l’étage campanien et à Meudon, mais c’est à dessein que je n’en parle pas, le silence de M. Coquand à leur égard pou¬ vant être interprété comme une sorte d’aveu d’incertitude. Mais si M. Coquand voulait recourir à ces espèces, qu’il me commu¬ nique, non pas la liste, mais les échantillons eux-mêmes des espèces qu’il croit se trouver à Meudon ; à mon tour, je lui enverrai les types correspondants, et de celte façon nous nous éclairerons mutuelle¬ ment, de manière à abréger le débat et à ménager le temps de la Société et les ressources de notre Bulletin . Quant à moi, le Synopsis de M. Coquand constate que j’ai recueilli dans la craie campa - nienne des espèces qui avaient échappé aux recherches de cet habile explorateur. C’est une preuve que j’ai recueilli les plus communes et qu’ainsi je connais cette faune, et que ce n’est point à la légère que j’avance qu’elle ne ressemble point à celle de Meudon. D’ailleurs chacun peut venir en juger dans les collections de la Sorbonne, où toutes deux sont très bien représentées. Je n’admets pas la confusion que M. Coquand établit entre la craie de Meudon et celle de Maestricht. Ces deux étages, si nette¬ ment séparés dans le nord de l’Europe (France, Belgique, Suède, etc.), le sont peut-être moins en Amérique ou dans l’Inde; mais n’allons pas si loin, de crainte de nous égarer, et tenons-nous en à l’Europe, les Charentes ne pouvant avoir la prétention de répudier non-seulement la France, mais l’Europe entière, pour aller chercher leur généalogie dans des pays lointains, peu ou point connus. Eh bien! dans toute l’Europe, et je m’étonne que M. Coquand n’en soit pas plus convaincu, la craie de Meudon et la craie supérieure ou de Maestricht ne sauraient être confondues. Chacune a sa faune spéciale bien distincte, quoiqu’il y ait, comme toujours, un certain nombre de fossiles communs. Pour s’en convaincre, prenez les dernières publications de M. de Binkhorst. Ce savant et zélé paléontologiste a déjà publié les céphalopodes et les gastéropodes de la craie de Maestricht; sur NOTE DE M. HÉBKUT. 93 19 céphalopodes, un seul, la B. mucronata , ce qui était bien connu, est commun avec Meudon, pas un seul ne se trouve dans les Charentes, et cependant M. de Binkhorst suit ses fossiles sur le globe entier. Sur 107 gastéropodes, un seul, Natica royana , est rapporté avec beaucoup de doute par l’auteur à une espèce de Royan; un autre, Ncrita rugosa, est cité dans le sud-ouest d’après M. Coquand; pas un n’est cité de la craie de Meudon; un certain nombre d’espèces au contraire sont communes au calcaire à Baeu- lites du Cotentin et au calcaire pisolitique des environs de Paris, véritables représentants de la craie de Maestricht. Yous avez entendu M. Deshayes (1) s’étonner de l’apparence tertiaire de la faune des gastéropodes de Maestricht, faune dont 9 genres descen¬ dent pour la première fois des terrains tertiaires dans la craie. Certes il n’éprouverait pas un semblable étonnement en présence des gastéropodes de Royan et d’Aubeterre , où abondent les Nerinea , Globiconcha , Pleurotomaria , Ptcrocera , etc. La faune de Maestricht repousse donc jusqu’ici toute analogie avec celle de l’étage supérieur de M. Coquand. Il y aura peut-être quelques espèces communes, mais elles seront en bien petit nombre. Attendons pour bien connaître ces rapports qu’elle soit complète¬ ment étudiée. Prendre, comme l’a fait M. Coquand, comme parfaitement exactes, les listes de fossiles que M. de Binkhorst s’est vu dans l’obligation d’introduire dans son esquisse géologique , avant d’avoir eu le temps d’en faire par lui-même une rigoureuse véri¬ fication, c’est s’exposer à de graves mécomptes. C’est ainsi qu’il faut déjà retrancher le Nautilus Dehayi de la faune de Maestricht d’après M. de Binkhorst lui-même, quoique M. Coquand continue à le porter sur sa liste de fossiles communs à Maestricht et à son étage campanien. Il introduit sur cette liste le Scophites constrictus , X Ostrca jrons, le Pseudodiadema Kleinii , qui ne figuraient point dans le Synopsis à l’étage campanien, mais à l’étage santonien, avec X Ammonites polyopsis et le Micraster brevis ; X Ostrea hippopodium que le Synopsis met beaucoup plus bas, à l’étage carentonien, etc. Evidemment il y a nécessité absolue de faire une étude compara¬ tive de ces espèces avant de savoir à quoi s’en tenir. Pour que des listes de fossiles soient utiles, il faut qu’elles soient autrement épurées que ne l’est celle que M. Coquand présente comme un argument sans réplique. Il ne faut pas qu’on y voie des espèces comme f unira quadricostatay J. striatocostata , Lima semisulcata , (1) Bull., 2e sér.,t. XIX, p. 397. 9!i SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. que M. Coquand lui-même a recueillis à la fois dans ses étages campanien, santonien et même coniacien, ni Conoclypus Leshei , qui est bien cité par Goldfuss comme originaire de Maestricht, mais que M. de Binkhorst (1) déclare n’avoir jamais été trouvé ni par lui ni par aucun des autres géologues de Maestricht, ni P Hippurites radiosus , Desm., dont JV1. de Binkhorst (2) nie l’exi¬ stence à Maestricht et qu’il remplace par une autre espèce bien différente, Radiolites Lapeyrousii (Gold. sp.), Binkh. ; ni Crania ignabergensis , qui, d’après une récente étude de M. Eug. Des- longchamps, descend dans le bassin de Paris jusque dans les cou¬ ches inférieures de la craie marneuse, les bancs à Micrcister cor - testudinariùm , Gold. ; ni Salcnia heliophorct (Peltastes , Cott.) de la craie de Maestricht, que M. Cotteau n’a point reconnu parmi les échantillons de la craie du sud-ouest , qu’on rapporte à cette espèce. Quand, 'sur une liste choisie de 33 espèces, plus du tiers prête ainsi matière, à première vue, à des critiques aussi graves, il est impossible d’avoir une bien grande confiance dans la valeur des autres. La Société remarquera que M. Coquand affirme que ces 33 es¬ pèces sont toutes placées au-dessus de l’étage santonien, ce qui est en contradiction formelle, pour plusieurs, avec ses précédents tra¬ vaux. Je ne lui en ferais point un reproche, s’il nous avait rendu compte des motifs qui Pont conduit à changer d’opinion, et s’il n’avait voulu établir que l’absence de la Belemnitella mucronata , dans la craie du sud-ouest, était Punique cause de mon opposition à son système de classification. Sans aucun doute, quand je vois ce fossile caractériser la partie supérieure du terrain crétacé, partout où cet étage existe sans contestation, c’est-à-dire, de l’ouest à l’est depuis l’Irlande, l’Angle¬ terre, le nord de la France, le Limbourg, la Westphalie, la Polo¬ gne, la Russie centrale et méridionale jusqu’au pied occidental de l’Oural, du nord au sud, depuis la Suède et le Danemark, la Poméranie, le Hanovre, laGallicie, la Moravie, la haute Autriche, jusqu’au Bouetz et la Crimée, et que dans ces régions si éloignées il s’y présente avec nos autres fossiles de Meudon, et dans une craie toute semblable, je puis bien professer une grande estime pour un tel guide , qui nous permet de suivre d’une manière presque continue l’étage qu’il caractérise sur d’aussi vastes sur¬ faces, et de nous rendre compte de la circonscription des mers, (1) Esquisse, p. 254. (2) Loc . cit. NOTE DE M. HÉBERT. 95 où l’animal auquel il appartenait, a pullulé. On voit comment la craie à Belemnitella rmicroncita des Alpes du Dauphiné ?a pu, : avant les dislocations récentes de la chaîne alpine, rejoindre celle de l’Autriche et de la Crimée, quand, du côté de la France, l’étude du sol prouve, de la manière la plus absolue, qu’elle ne pouvait avoir aucune communication directe avec la craie blanche du bassin de Paris. Je ne rougis donc pas de ma partialité en faveur de la Belem - nitella mucronata , qui jusqu’ici n’a jamais trompé aucun géologue, et qui d’ailleurs a toujours soin de se tenir à sa place et de garder auprès d’elle, à quelque distance qu’on la retrouve de Meudon, son point de départ historique, quelques-uns de ses compagnons de voyage. Voyez plutôt : en Europe, d’après le parcours que nous venons de lui faire suivre, les deux stations de ce fossile les plus éloignées l’une de l’autre sont Meudon et Entremont, et dans cette dernière elle est associée au Micrastcr Brongniarti , qui est, quoi qu’en dise M. Coquand, bien facile à distinguer du M. cor - anguinum ou du M. cor-testudinarium . Quelle est, parmi les espèces de la liste de M. Coquand, celle dont on pourrait faire un semblable éloge? Meudon renferme d’ailleurs une faune bien caractérisée, que tous ceux qui se donnent la peine d’y chercher quelque peu, possèdent dans leurs collections. Je citerai, entre autres, les espèces suivantes, également au nombre de 33: Scalpellum gcillicum , Héb. — maximum , Darw. Pollicipes s triât us, Darw. Aptychus oh tus us, Héb. — ■ insignis , Héb. — crassus, Héb. Belemnitella mucronata . Ha mi tes carolinus , d’Orb. Ancyloceras spinatus, Héb. Trochus Basteroti , Brong. Turbo Bervillei , Héb . Trochus Haimei , Héb. Cerithium Tombecki , Héb, Dentalium planicostatum , Héb, Pecten cretosus , Defr. — - campaniensis , d’Orb „ — Mantellianus , d’Orb. Spondylus œqualis, Héb. (1), Ostrea semiplana , Sow. Janira quinquecostata, d’Orb. Terebratula Heberti. d’Orb. | Terebratella parisiensis, d’Orb. (4) Bull. Soc. géol. de France , 2e sér. , t. XVI, p. 4 48, 4 858; M. Coquaûd, dans son Synopsis de 1860, p. 86, appelle à tort S. spinosus l’espèce de Meudon, et S. subspinosus celle qui ne porte d’épines que sur une seule valve. C’est cette dernière qui est le S. spi¬ nosus. | Sow. Quant à la distinction des deux espèces, on voit que je l’avais faite avant lui. 96 SÉANCE DU Ier DÉCEMBRE 1862. Argiope pes-anseris , Desl. Rhynchonella octoplicata , Sow. , sp. (1). — limbata, Davidson. Crama parisiensis . Ananchytes or ata. Holaster pilula. Micraster Brongniarti % Héb. Cidaris s errata, Desor. — pleracant/ia , Ag. — pscudohirudo , Cotteau. Salenia Hcbcrti , Cotteau (rare). Un certain nombre de ces espèces monte dans la craie de Maas¬ tricht, mais aucune jusqu’ici n’a été signalée à un niveau infé¬ rieur. Plusieurs accompagnent la Belemnitella mucronata dans le reste de l’Europe. J’en ai vu dans la collection de M. de Yerneuil qui proviennent de Crimée, et la craie de INorwich, en Angleterre, possède une faune tout à fait semblable, comme celle de Grave- send se montre le représentant parfait de notre craie de Chartres. Il faut remarquer que la faune de Meudon est loin d’avoir été complètement étudiée et que les résultats que produit cette étude la séparent de plus en plus des autres assises de la craie blanche ran¬ gées par Aie. d’ürbigny dans son étage sénonien. J’en vois la preuve dans ceux mêmes qui ont conservé la classili cation de d’ürbigny. Ainsi M. Cotteau publie les échinoderines de la craie; les maté¬ riaux dont il dispose sont considérables, plus que d’Orbigny n’en a jamais eu; son étude est faite au point de vue spécifique et non stratigrapliique. Après avoir soigneusement étudié chaque espèce, il se contente d’enregistrer les localités où elle se rencontre. Or, le volume, dont il poursuit la publication, n’établit jusqu’ici aucun lien entre les échinides de Meudon et ceux de la craie du sud-ouest; ce volume, en effet, renferme cinq espèces de Meudon, quatre Cida- ris et une Salénie. Ces espèces ne se trouvent qu’à Meudon, ou dans des localités du même niveau dans le bassin anglo -parisien ; pas une ne descend dans la craie à Micraster cor-anguinum , et à plus forte raison ne se rencontre dans les Charentes, tandis que, si l’on cherche les gisements des échinides provenant des couches à Corwclypus Leskci de Royan et d’Aubeterre, on voit que c’est à Villedieu, Limera y ou Bousse, ou bien, dans le bassin de Paris, à Dieppe et à Faloise près Breteuil, c’est-à-dire dans les couches à Micraster cor-testudinarium ; cela a lieu pour les espèces sui¬ vantes : Rolectypas turonensis , Desor., — - Royan, Aubeterre, Rousse, Villedieu. Cidaris sceptrijcra , Mantell. Aubeterre, Royan, Faloise, Dieppe, Villedieu. (1 ) Loc. cit.y p. 149. NOTE DE M. HÉBERT. 97 Cidaris subvesiculosa , d’Orb, — Aubeterre, Neuvic, Royan, Villedieu, Faloise, etc. — perla ta , Sorignet. — Royan, Limeray, Toucy. — Jouanneti , Desm. — Royan, Villedieu. — pseudopistillum, Cotteau. — ■ Aubeterre, Royan, Villedieu. D’après le Synopsis de M. Coquand, cette affinité des couches à Conoclypus Leskei pour la craie marneuse du bassin de Paris serait encore plus grande, car il faudrait ajouter à la liste précédente Cidaris clavigera , P'yrina ovulum , Catopygus elongatus , espèces communes à Villedieu, mais qui s’arrêtent bien au-dessous de la craie de Meudon. Je répéterai donc avec assurance, et conformément à l’opinion de MM. Elie de Beaumont, Dufrénoy et d’Archiac: Jusqu’à ce que M. Coquand nous ait fourni des preuves qui manquent encore dans ses publications, il n’y a rien dans les deux Charente s que Von puisse rapporter à la craie de Meudon ; et j’ajouterai que la faune de l’étage campanien, que M. Coquand croit parallèle à Meudon, indique un niveau inférieur, bien qu’elle renferme des espèces communes à la craie de Maestricht, comme Janira quadrieostata , /. striatocostata ; mais il ne faut pas oublier que ces espèces sont abondantes à Villedieu, que M. Coquand considère aujourd’hui, d’accord avec nous, comme inférieur à la craie de Meudon. Ces espèces, qui passent d’un étage dans un autre, en sautant quelque¬ fois par-dessus l’étage intermédiaire, n’ont rien d’anormal. Je citerai en particulier la J. quinquecostata , très commune à Rouen dans la craie à Ammonites varions , et à Meudon, bien que d’Or- bigny ne l’ait point mentionnée à ce dernier niveau, et qui manque complètement dans les divers horizons de la craie marneuse. Peut-être en sera-t-il ainsi pour l’ Hemipneustes radiatus , s’il est démontré que l’espèce du midi soit la même que celle de Maestricht; mais nous devons cependant faire observer que M. Desor n’est pas de cet avis, et que dans son Synopsis (p. 349) publié en 1858, il considère, comme l’avait fait M. Deshayes, l’espèce du midi et du S. O. de la France comme distincte de celle de Maestricht, et qu’il lui conserve le nom à' H. a f ricanas , Desli. On voit donc que ces espèces, rapportées à celles de Maes¬ tricht, ont besoin d’une nouvelle étude, et que, si le rapprochement avec la craie de Meudon ne repose sur aucun motif sérieux, il n’y a qu’incertitude au sujet des rapports avec la craie de Maestricht. Les seuls faits certains, ceux qui résultent des études les plus récentes et les plus approfondies, établissent, au contraire, d’incon¬ testables affinités entre les étages supérieurs de M. Coquand, la Soc. géol ., 2e série, tome XX. 7 98 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. craie de Villedieu et les assises de la craie du bassin de Paris, inférieures à la craie de Meudon. M. Coquand n’a donc pas démontré que la craie de Maestricht est représentée dans les Ciiarentes, pas plus que celle de Meudon; il ne l’a démontré ni stratigraphiquement, ni paléontologiquement. Après avoir discuté les synchronismes établis par M* Coquand entre les étages supérieurs et ceux de la craie du nord, qu’il me soit permis maintenant d’examiner ces étages en eux-mêmes. Commençons par le plus élevé, le dordonien , qui couronne l’édifice. Dans son Synopsis de 1860, dans lequel M. Coquand donne les faunes complètes des huit étages qu’il a créés dans la craie, on voit que l’étage dordonien renferme pour sa part dix- neuf espèces. M. Coquand appelle misérable la faune de Meudon, dont plus de cent cinquante espèces ont été publiées; quel nom donner à la faune dordonienne? Cette faune rachète-t-elle au moins la quantité par la qualité? A-t-elie ces caractères de précision qui font, par exemple, que le gault se reconnaît toujours, quelle que soit la faible épaisseur du dépôt qui le représente? Vous allez en juger. M. Coquand dit: « Que M. Hébert me cite Y Hippurites radiosus dans les bancs à Micraster brevis (santonien) ou dans la craie de Meudon (campa- nien), et je dépose les armes. » Or, voici un de nos confrères, que je n’ai pas rhonneur de con¬ naître, mais dont je salue volontiers la venue au milieu des tra¬ vailleurs de la Société, M. Arnaud (1), probablement un disciple de M. Coquand, qui prouve par une série d’exemples que les quatre étages supérieurs ont des faunes intimement liées les unes aux autres, et en particulier (p. 500) que les rudistes ne peuvent y déterminer des niveaux fixes et indépendants; le dordonien Hip¬ purites radiosus y donne la main au campanien Sphœrulites Hœ ninghausii (p. 498), celui-ci à la santonienne Rhynchonella vesper- tilio (p. 496). Le Radiolites Mauldei , espèce propre au coniacien, d’après M. Coquand, a été trouvé par M. Arnaud (p. 495) asso¬ cié au Sphœrulites Hœninghausi , qui ne devrait pas sortir de l’étage campanien, et qui saute ainsi à pieds joints par-dessus l’étage santonien. Mes observations, que l’on avait gardées en attendant le texte de la communication faite par M. Coquand le 2 décembre, et qui, par erreur, ont été jointes à un travail diffé¬ rent présenté le 5 février, eussent été bien autrement appuyées, si j’eusse eu à ma disposition la nombreuse série de faits cités dans (1) Bull., 2e sér., t. XIX, p. 465. 90 NOTE DE M. HÉBERT. l’important travail de M. Arnaud; mais aujourd’hui chacun l’a sous les yeux, et je puis répéter, comme M. Arnaud, ce que j’ai déjà dit bien des fois: « que je ne conteste pas l’utilité des divisions établies par M. Coquand, qu’elles sont de nature à faciliter l’étude, mais qu’il ne faut pas en exagérer le véritable caractère. » Le mémoire de M. Arnaud prouve, comme je l’ai toujours pensé d’après mes propres observations , que les quatre étages de M. Coquand ne sont que les parties d’un même groupe naturel, auquel seul le nom d’étage doit être réservé; il me fournirait le droit, si je voulais en user, de demander à M. Coquand de déposer ; les armes , puisque en réalité Y H ippurite s rcidiosus se trouve dans ce que M. Coquand assimile à la craie de Meudon. M. Coquand, malgré ses longues recherches dans le sud-ouest, n’a pas tout vu, à ce qu’il paraît, et ce qui semble lui avoir le plus échappé ce sont les affinités des couches entre elles, les fossiles communs; les travaux plus détaillés, dont il aura eu l’honneur d’inaugurer la série d’une manière brillante, viendront combler ces lacunes ; mais il est douteux qu’ils viennent modifier les rap¬ ports généraux tels que nous les soutenons. Il y a dans la note de M. Coquand un mode d’argumentation ! que je ne relèverai pas, cela m’entraînerait trop loin sans profit pour la science : c’est celui qui consiste à supposer ce qui n’existe pas, et à me battre par les conséquences qui découleraient de ces suppositions. Je dois cependant faire observer qu’en s’appuyant sur l’opinion d’autres géologues, M. Coquand a commis quelques animadver- tances. C’est ainsi qu’il donne, comme l’opinion personnelle de M. de Binkhorst, une citation que cet auteur a empruntée textuel¬ lement au Bulletin (t. XV, p. 208, etc.), pour faire connaître à son lecteur l’opinion de AI. Triger. Dans un autre endroit, M. Coquand me fait dire que dans les deux Charentes il n’existe que de la craie santonienne, tandis que j’ai dit que la craie santonienne, campanienne et dordonienne n’étaii qu’un riche développement de ce que nous appelons en Touraine la craie de Villedieu, ce qui est bien difïérent. Ailleurs, et par deux fois, il répète que dans mon opinion « la Provence tient toute la craie supérieure des deux Charentes » . Je n'ai pas dit cela; je n’ai point fait entre la Provence et l’Aqui¬ taine d’autre comparaison que celle admise par M. Coquand lui- même (t. XIX, p. 542, ligne 7). L’Aquitaine aussi bien que l’Afri¬ que peut offrir des assises plus élevées que celles de la Provence, mais, dans ma pensée, il n’est nullement prouvé qu’aucune de ces 100 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1802. assises doive être rapportée à la craie de Meudon ou à celle de Maestriclit; jusqu à preuve du contraire, je les considère comme un simple développement de la craie de Villedieu. L’argumentation de M. Coquand, pour démontrer qu’il y a en Charente quelque chose de plus qu’en Provence, ne prouve donc absolument rien contre moi. L’esprit de M. Coquand, frappé de la richesse de plusieurs couches superposées , les élève au rang d’étages. Si en Provence la partie supérieure de ces assises manque, cette lacune ne se fait qu’aux dépens d’un même tout, que M. Co¬ quand a divisé avec raison en quatre parties, très reconnaissables dans la contrée qu’il a étudiée spécialement ; mais il a eu le grand tort d’élever ces parties à une dignité à laquelle elles n’avaient aucun droit. Comment M. Coquand peut-il m’accuser, de sauter a pieds joints sur la stratigraphie et la paléontologie , en raisonnant ainsi, et de me servir d’arguments mesquins , quand, quelques pages avant mes observations, le Bulletin , dans le travail de M. Arnaud, don¬ nait tout au long ma complète justification, et répondait d’avance à toutes les objections actuelles de M. Coquand ? Enfin une dernière observation que je regrette d’être dans l’obli¬ gation de présenter. Il s’agit, entre M. Coquand et moi, d’établir le parallèle exact entre la craie du sud-ouest et la craie du nord de l’Europe. Nous ne sommes pas du même avis. Ai-je le droit d’ex¬ primer mon opinion, non pas comme un juge, je n’en ai jamais, je le répète, ni eu ni exprimé la prétention, mais comme un simple confrère, qui ne s’est pas hâté d’entrer dans le débat, puisque c’était pour ainsi dire la première fois que je déclarais nettement mes dissidences (1) ? Cependant M. Coquand me renvoie à l’école: « avant de se rendre juge , dit-il, dans une question aussi grave et aussi délicate que celle qui nous divise, et qui laisse contre lui l’opinion des géologues qui, en France comme dans le Limbourg, se sont le plus occupés de la craie, il serait peut-être utile qu’il connût plus à fond la craie des deux Charentes, etc. » Il voudrait même m’envoyer en Afrique. Si je m’étais permis, à mon tour, de dire à mon excellent collègue, qu’il n’a pas suffi¬ samment étudié la craie du nord, aussi bien en Touraine, dans le bassin de Paris, qu’en Belgique, pour pouvoir établir les syn¬ chronismes qu’il essaye de faire pénétrer dans la science, quelle tempête n’aurais-je pas soulevée! Et cependant, indépendamment - - - - - — - - - - - - - » (1) Voyez Bull., t. XVI, p. 143, ma Note sur les caractères paléon* tologiques de la craie de Meudoiu NOTE DE M. GUILLIER. 101 des erreurs que j’ai citées (t. XIX, p. 543), il y en a encore bien d’autres qui montrent que ses notions sur la succession de nos couches crétacées du nord ne sont ni complètes ni parfaitement exactes. La note qui précède en est une preuve. M. Coquand dit (p. 15) qu’en Touraine il ne reconnaît que l’étage santonien, et que les derniers bancs a Micraster brevis y sont directement recou¬ verts par la formation tertiaire, tandis que dans les deux Cha- rentes ils sont recouverts par 85 mètres de craie qui ne contiennent que la faune de Maestricht. Or, si à Tours même c’est le terrain tertiaire qui repose sur la craie à Micraster brevis , à quelques lieues en amont de la Loire la craie à silex de M. d’Archiac, caractérisée par ses spongiaires et par des fossiles spéciaux [Bull., t. XIX, p. 569, mém. de M. l’abbé Bourgeois) : Lima Hoperi: Pecten cretosus , Defr., etc., bien distincte de la craie de Meudon, d’après l'avis de MM. Elie de Beaumont, Dufrénoy et d’Archiac et aussi d’après le mien, surmonte la craie à Micraster brevis. C’est la craie à Micraster cor-an gui nam. Cette craie constitue un puis¬ sant massif, qui vient passer sous la craie de Meudon. M. Coquand ne fait point suffisamment attention à cette succession, sur laquelle M. d’Archiac a cependant bien insisté ( Histoire des progrès de la géologie , t. V, p. 609). Néanmoins je me hâte de déclarer que je ne suis point blessé des expressions de M. Coquand, parce que je connais trop l’auteur pour ne pas être persuadé que son intention n’était pour rien dans la part qu’il me fait. Seulement il m’oblige à justifier à ses yeux, comme aux yeux de tous nos lecteurs, mes titres pour entrer en lutte avec lui. Il y a bien longtemps que j’étudie la craie, celle du nord de la France et du Limbourg comme celle de l’Aquitaine et de la Provence. J’ai pu cette année compléter cette étude par les Pyrénées. Les matériaux que j’ai rassemblés, notes, coupes et fossiles, sont assez considérables pour que je puisse me faire sur les divers points en discussion une opinion fondée, sans être taxé de présomption; mon but est d’ailleurs d’arriver à la vérité, et sous ce rapport nous serons toujours, M. Coquand et moi, dans le plus parfait accord. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Guillier : Observations relatives à une note de M. V abbé Bourgeois sur le terrain crétacé du département de Loir-et-Cher ; par M. Guillier. La dernière livraison du Bulletin de la Société géologique (2° sér., t. XIX, p. 652 et suiv.) contient une note de M. l’abbé Bourgeois 102 SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. sur le terrain crétacé du département de Loir-et-Cher. Ce géologue propose une nouvelle délimitation des terrains turonien et sénonien d’Alc. d’Orbigny. Il propose de mettre la séparation entre la zone du Spondylus truncatus et celle du Spondylus spinosus, tandis que d’Orbigny la plaçait entre la zone de Y Ammonites peramplus et la zone du Spondylus truncatus. Outre l’inconvénient résultant de cette troisième valeur du mot sénonien (car il y a déjà sénonien d’Orb. et sénonien Dumont), cette conclusion de l’auteur nous semble tout à fait en désaccord avec les faits, ainsi que nous allons essayer de le démontrer. Et d’abord, si l’on considère le tableau des fossiles déterminés par M. Bourgeois, on voit que sur 22 espèces indiquées dans la zone du Spondylus spinosus , 17, c’est-à-dire|lesà/5 environ, existent également dans la zone du S, truncatus. Ces données numériques fournies par l’auteur sont donc elles-mêmes en contradiction avec le résultat auquel arrive M. Bourgeois. Voyons maintenant les raisons que l’auteur donne à l’appui de sa proposition : On lit page 667 : « L’étage que nous proposons d’appeler sénonien se distingue m de l’étage précédent ; » 1° Par l’apparition d’un grand nombre de spongiaires dont nous devrons bientôt la détermination à M. de Fromentel. » Les spongiaires ont été assez nombreux pendant toute la période crétacée. On en trouve en grande abondance dans la zone du Pecten asper dans la Sarthe et dans l’Orne. Ceux en question n’étant pas déterminés, nous ne pouvons nous en occuper. « 2° Par la présence de l’ Echinocorys vulgaris , variété gibba. » A ce fait nous en avons deux autres non moins importants à opposer pour faire conserver l’ancienne division, c’est que, avec la craie à Ammonites peramplus , a fini Y Ostrea columba , et que, avec la craie à Spondylus truncatus , a commencé Y Ostrea auricularis , fossiles aussi importants que Y Echinocorys vulgaris. « 3° Par une diminution sensible dans le nombre des bryo¬ zoaires. » M. Coquand (1) cite dans son étage campanien, qui est précisé¬ ment la craie à Echinocorys vulgaris , plus de cent espèces de bryozoaires. La diminution de ces mollusques, qui peut très bien avoir existé dans le département de Loir-et-Cher après le dépôt (4) Synopsis des fossiles observés dans les formations secondaires des deux Char entes et de la Dordognç. NOTE DE M. SAEMANN. 103 de la craie à Spondylus truncatus , n'est donc certainement pas un fait général. u k° Par la disparition complète des céphalopodes. » Les céphalopodes sont loin de s’être éteints à cette époque. M. Bourgeois a, sans aucun doute, voulu parler des Ammonites seulement ; mais ce caractère négatif, auquel l’auteur attache une grande importance, a perdu toute sa valeur, puisque M. Coquand, dans le travail déjà cité, décrit 3 espèces d’ Ammonites trouvées avec Y Echinocorys vulgaris. Mais ces considérations ne sont pas les seules qui doivent faire rejeter comme inadmissible la réunion de la zone à Ammonites peramplus avec la zone à Spondylus truncatus , horizons qui ont toujours été considérés comme appartenant à des terrains différents par les géologues qui se sont le plus occupés du terrain crétacé, Aie. d’Orbigny, MM. d’Arcliiac, Triger, Coquand, etc. Tout le monde sait, en effet, qu’il existe dans le midi de la France, entre ces deux horizons, un puissant dépôt, celui de la craie à Hippurites cornu-vaccinum et organisons , l’étage provencien tout entier de M. Coquand. Cette discordance nous semble un fait capital parfaitement suffisant à lui seul pour faire rejeter la classification proposée par M. Bourgeois. Note sur la succession des faunes dans le bassin tertiaire de Vienne ; par M. L. Saemann. L’important mémoire sur la géologie du terrain tertiaire de Bordeaux que M. Tournouër alu à la Société géologique dans ses dernières séances du mois de juin, et les observations verbales du savant professeur de Vienne M. Suess, à ce sujet, donnent un intérêt spécial à une communication que j’ai reçue peu de temps après de M. Hornes, l’auteur du grand ouvrage sur les fossiles tertiaires du bassin de Vienne. Le travail de M. Tournouër rectifie sur plusieurs points impor¬ tants ceux de ses prédécesseurs ; ses conclusions présentent d’avance un haut degré de probabilité, et nous pouvons espérer que le bassin miocène du sud-ouest fournira la clef pour la classification défini¬ tive des dépôts variés qui composent le terrain tertiaire moyen. L’auteur établit le synchronisme, s’il y a lieu, et la succession chronologique des faluns du bassin de la Gironde, principalement au moyen d’observations stratigraphiques. SÉANCE DU 1er DÉCEMBRE 1862. 104 M. Suess, de son côté, se basant sur ses études du bassin de Vienne, arrive à la conclusion : que ce qu’on distingue comme différents étages n’est, au moins en grande partie, autre chose que la variation d’une même faune produite par des circonstances locales, principalement par la profondeur variable de la mer, la nature du sol sous-marin et peut-être par d’autres causes de moindre importance. Quant à M. Hôrnes, tout en admettant la justesse des vues de son collègue dans certaines limites, appuyé sur les longues études dont son ouvrage restera un monument impérissable, il soutient cependant que les faits paléontologiques ne laissent aucun doute sur l’existence de faunes successives présentant des diffé¬ rences qui s’expliquent très bien par des changements de climat, comme la géologie des terrains tertiaires l’a toujours enseigné, et par des variations dans la configuration des mers et leur communication entre elles. Il paraît en effet évident qu’on ne saurait attribuer aux conditions locales d’un petit bassin la diffé¬ rence de deux faunes, quand l’une contient des espèces ou les analogues d’espèces vivantes dans la région subtropicale des côtes d’Afrique, et l’autre des types essentiellement méditerranéens. La conviction de M. Hôrnes n’a jamais varié sur ce point capital de la question, bien que le classement des nombreuses localités qu’il a explorées dans le bassin de Vienne ait subi des changements assez notables depuis la publication du premier volume de son grand ouvrage. Touchant enfin au terme de ce long travail, l’auteur prévoit le moment où il pourra donner le résultat définitif de ses études'; mais il tient à constater dès aujourd’hui que l’étude des bivalves; tout en laissant intact le principe, a notablement perfectionné le classement des diverses localités, comme le fait voir le tableau suivant des principaux dépôts en partant de la base du bassin : 1 . Sables et conglomérat de Loibersdorf avec Isocardia subtrans¬ versa, d’Orb., et Cardinal ci/igulatum , Goldf. Contient plusieurs espèces caractéristiques de l’étage oli¬ gocène supérieur (étage tongrien d’Orb.) et se rattache paléontologiquement pâr là à cet étage. 2. Sables jaunes de Gauderndorf et d’Eggenberg dont la faune est tellement identique avec celle de Léognan qu’on n’y a encore trouvé aucune espèce qui ne se soit également ren¬ contrée dans cette dernière localité. 3. Calcaire de la Leytha, puissant massif calcaire pétri de bryo¬ zoaires, renfermant des couches subordonnées d’argile riche en fossiles et qui sont ceux de la Superga, près Turin. DONS FAITS À LÀ SOCIÉTÉ. 105 Les fossiles bien connus de Steinabrunn et de Gainfahrn appartiennent à ce niveau ; leurs analogues vivent au Sénégal et ils indiquent un climat subtropical. 4. Tegel de Baden, Voeslau et Moellersdorf ; sa faune correspond exactement à celle deTortonaetde Saubrègues; elle approche du type méditerranéen sans cependant s’y confondre. Elle s’en distingue par les nombreux Pleurotomes qui se ren¬ contrent en égale abondance dans toutes les localités citées. 5. Sables de Grund, Enzesfeld, Poetzleinsdorf dont la faune présente le type méditerranéen pur, rappelant celle de l’étage subapennin. Ici finissent les dépôts purement marins; ceux qui suivent sont d’eau saumâtre. 6. Sables à Cérithes contenant, en quantité innombrable, un nombre très restreint d’espèces : Cerithiurn pictum , Tapes gregavea , Ervilia podolica , etc. Ce dépôt n’existe que dans l’Europe orientale. 7. Couches d’Inzersdorf. Sable argileux avec de nombreux Con- geria , Melanopsis , etc. 8. Sable à ossements du Belvédère à Vienne. Renferme des galets du grès de Vienne et des ossements d eMastodon, Dino¬ thérium, etc., appartenant aux mêmes espèces que celles d’Eppelsheim et de Pikermi. 9. Diluvium (Lœss), et I 0. Alluvium. Séance du 15 décembre 186*2. PRÉSIDENCE DE M. DELESSE. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance , le Président proclame «membre de la Société : M. Mène (Charles), chimiste, secrétaire général de la Société des sciences industrielles, place Napoléon, 6, à Lyon (Rhône), présenté par MM. Noguès et d’Archiac. Le Président annonce ensuite quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre d’État, Journal des savants, novembre 4862. 106 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. De la part deM. Buteux, Supplément à l’esquisse géologique du département de la Somme , ou additions et corrections , 1862, in-8, 2 lx p., 1 pl., 1 carte, Paris, 1862-, imprimerie L. Martinet. De la part de M. Albert Gaudry, Animaux fossiles et géologie de l’Attique , 3e livraison. De la part de M. J. Levallois, Aperçu de la constitution géologique du département de la Meurthe , in-8, 60 p., Nancy, 1862* chez veuve Raybois. De la part de M. Louis Figuier, La terre avant le déluge , in-8, 435 p., avec 25 vues, 310 fig. et 7 cart., Paris, 1862} chez L. Hachette et Cie- Carlsbad , Marienbad, Franzensbad und ilire Umgebung , in-8, 342 p., 1 carte et 4 portraits, Prag et Carlsbad, 1852, chez H. Dominicus. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 1862, 2e sem., t. LY, nos 22 et 23. Bulletin de la Société de géographie , 5e sér. , t. IV, n° 22, octobre 1862. L’ Institut, 1509 et 1510, 1862. Réforme agricole , octobre 1862, Annales de la Société des sciences industrielles de Lyon , 1862, n° 5, 4 déc. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , nov. 1862. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de V Yonne, année 1862, 1er et 2e trim. Mémoires de la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève , t. XVI, 2e partie, 1862. Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles , t. VII, n° 49, sept. 1862. The Athenœum , noS 1832 et 4833, 1862. Revista minera , t. XIII, nos 300 et 301, 15 nov. -1er déc. 1862. The American journal of science and arts , par Silliman, vol. XXXIV, n° 102, nov. 1862. The canadian naturalist and geologist , vol. VII, n° 5, oct. 1862. M. Levallois présente à la Société une nouvelle édition de NOTE DE M. HÉBERT. 107 son Aperçu de la constitution géologique du département de la Meurthe (voyez plus haut la liste des dons), note à l’appui de sa carte géologique de ce département. Cette nouvelle édition est notablement augmentée; elle ren¬ ferme 60 pages au lieu de 40. L’auteur a consacré un paragraphe à parler d’une assise fossilifère dont on s’occupe beaucoup depuis quelque temps : « C’est dans le grés infra-liasique (dit-il) qu’il faut chercher » la couche à débris de poissons et de sauriens correspondant » au Bone-bed (lit à ossements) des Anglais, qui est aujourd’hui )> l’objet de l’attention particulière des géologues. Je l’ai )) observée en un grand nombre de points de l’arrondissement » de Château-Salins, près de Yaxy, deGrémecey, deSalival, etc., )> aussi bien que de l’arrondissement de Nancy, nommément » au sud de Saint-Nicolas, vers le ruisseau du pré Lallemand, » et sur le coteau qui régne au nord du Sanon et de la Meurthe, » entre Sommemller et Yarangéville. Je l’ai observée aussi à » Kédange, département de la Moselle. Un échantillon que » j’ai recueilli du grès de Yaxy contient précisément V Avicula » contorta, qui est considérée comme caractéristique pour le » Bone-bed. Mais on trouve particulièrement en abondance, » dans cette sorte de grès, une autre bivalve, la Pholadomya » corbuloides , ainsi nommée, il y a près de vingt-cinq ans, par » notre savant confrère M. Deshayes. » M. Hébert, présentant au nom de l’auteur, M. Figuier, un volume récemment publié sous le titre de La terre avant le déluge , donne les explications suivantes : M. Figuier a, comme vous le savez, entrepris de répandre dans le public français le goût des connaissances scientifiques. Ses pu¬ blications jouissent d’une popularité bien méritée. Il veut aujour¬ d'hui, par une série de livres élémentaires, fixer d’une manière plus spéciale l’esprit de la jeunesse sur l’histoire naturelle. Il pense, et ce n’est pas nous qui le contredirons, qu’il est plus utile de se familiariser avec le monde physique, qui nous entoure, qu’avec les folies, les monstruosités de la mythologie, ou avec les fantastiques histoires composées pour l’enfance. Où trouver, en effet, plus de res¬ sources pour le développement des facultés de l’esprit et du cœur, que dans la contemplation des œuvres de la création? 108 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE J 86*2. Nous avons toujours pensé que l’homme doit être, dès sa plus tendre enfance, graduellement initié dans la connaissance de la nature. Les mauvaises combinaisons adoptées jusqu’ici pour l’in¬ troduction de l’histoire naturelle dans l’enseignement public ex¬ pliquent, mais ne justifient pas la défaveur qui s’attache à cet enseignement dans les hautes régions administratives. Les publications de M. Figuier sont destinées à commencer dans le public une réaction contre cet injuste et déraisonnable abandon de la plus belle partie des connaissances humaines. Ce premier volume est spécialement consacré à la géologie. L’au¬ teur a mis tout en œuvre pour lui donner de l’intérêt. Trois cents figures de fossiles, de nombreuses vues idéales de l’ancien monde empruntées aux meilleurs auteurs, sont destinées à frapper les yeux du lecteur, que des descriptions claires et animées achèvent de charmer. Pour nous personnellement, et nous pensons que la Société par¬ tagera ce sentiment, nous nous applaudissons de ce que la géologie soit ainsi recherchée par les écrivains qui ont le talent de se faire aimer du public. Le succès de pareilles œuvres, en concourant à la diffusion de la géologie, en lui recrutant de plus nombreux adeptes, tend évidemment à accroître la prospérité de notre So¬ ciété, en même temps qu'il accélère la marche de la science. M. Albert Gaudry fait don à la Société de la 3e livraison de son ouvrage intitulé : Animaux fossiles et géologie de V Attique. M. Melleville répond dans les termes suivants aux observa¬ tions de M. Hébert insérées dans le t. XIX du Bulletin, séance du 20 janvier 1862, pp. MO et M3, à la suite de sa commu¬ nication sur les Terrains de transport superficiels du bassin de la Somme : . M. Hébert affirme que les terrains de transport superficiels de la Somme ont été divisés depuis longtemps en deux étages, sous les noms de diluvium gris et de diluvium rouge. C’est précisément contre ces dénominations et les rapprochements qu’on en tire, que je m’élève, parce qu’elles tendent à faire croire que ces différents dépôts forment un seul et même tout, appartiennent à une seule et même époque, tandis qu’au contraire je les crois très différents de nature, d’âge et d’origine, l’un, l’inférieur, étant à mes yeux une formation fluvio-lacustre particulière à la vallée de la Somme, NOTE DE M. MELLEVÎLLE. 409 et sans analogue bien démontré dans le bassin de Paris, du moins dans la plaine de Grenelle ; l’autre, le supérieur, bien caractérisé dans cette même plaine de Grenelle, étant le produit d’une inondation générale postérieure. M. Hébert ne m’a donc pas compris. Ce géologue affirme ensuite que les cailloux du diluvium gris sont seuls émoussés et roulés, tandis que ceux du diluvium muge ne le sont jamais. Il suffit cependant de descendre dans l’une des grevières de Grenelle, n’importe dans laquelle, pour s’assurer aus¬ sitôt qu’il ne s’y trouve pas un débris, un seul , qui ne soit émoussé et même roulé. Il est vrai que M. Hébert range une portion des couches de Grenelle, sans dire précisément laquelle, dans le dilu¬ vium gris , les identifiant ainsi avec le dépôt inférieur de la vallée de la Somme. Or, c’est précisément dans le but de combattre cette confusion, pour le moins étrange, que mon mémoire a été écrit. Donc, sur ce point encore, M. Hébert ne m’a pas compris. Ce géologue affirme, en outre, que jamais personne n’a signalé d’ossements de grands mammifères dans le diluvium supérieur , oubliant que c’est précisément dans ce terrain qu’ont lieu jour¬ nellement les découvertes de ce genre, non-seulement dans le bassin de la Seine, mais encore dans ceux de l’Oise, de l’Aisne, etc. Une dent d’Eléphant n'a- t-elle pas été trouvée au moulin Quignon même, près d’Abbeville, c’est-à-dire dans des bancs caillouteux et arénacés, appartenant incontestablement au diluvium rouge ou su¬ périeur , puisqu’il recouvre directement le diluvium gris de ce pays, c’est-à-dire d’autres bancs caillouteux et arénacés renfermant des coquilles d’eau douce et des débris du même genre, circonstance d’où j’ai cru pouvoir conclure qu’il y a, en réalité, deux gisements différents d’ossements de grands animaux. M. Hébert ne m’a donc pas plus compris en ce point que dans les précédents. Enfin, ce géologue affirme encore que j’ai choisi pour mes ob¬ servations justement la carrière qui offre la série la plus incom¬ plète des dépôts quaternaires, tandis que toute autre m’aurait dé¬ montré la parfaite identité de ces dépôts avec ceux de la Somme ; mais il se garde bien de faire connaître ces carrières et de donner ainsi les moyens de contrôler son assertion. Eh bien! je répéterai ce que j’ai dit dans mon mémoire : c’est que les autres grevières de Grenelle, au nombre de dix à douze, que j’ai également étu¬ diées avec le plus grand soin, ne diffèrent en rien de celle de la Motte-Piquet. Al. Hébert avoue donc que l’analogie proclamée par plusieurs écrivains, et soutenue par lui entre les couches de trans¬ port de la Motte-Piquet et les bancs arénacés inférieurs de la 110 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. vallée de la Somme, n’a aucun fondement. Je n’en demande pas davantage. On le voit, ce géologue n’est nullement autorisé à m’accuser d’avoir une manière à moi d’observer les choses. Si, en m’adressant ce reproche, M . Hébert a cru produire un argument concluant con¬ tre mon mémoire, je crains bien pour lui qu’on n’y voie toute autre chose. S’il a voulu dire au contraire que nous différons d’opinion, lui et moi, sur certains points de géologie tertiaire, je déclare hau¬ tement que cela est vrai, attendu que des affirmations tranchantes ne suffisent pas pour me convaincre, contrairement au témoignage de mes yeux, que le sable blanc et les marnes lacustres de Rilly, par exemple, sont placés à la base des sables inférieurs, quand je les vois recouvrant partout, même à Châlons-sur-Vesle , les sables coquilliers de cette localité, ni que les lignites du Soissonnais sur¬ montent ces mêmes sables de Châlons, quand il est constant, pour tous ceux qui les ont étudiés sérieusement, qu’ils s’étendent con¬ stamment en dessous, etc., etc. M. Hébert termine sa note en cherchant à me mettre en con¬ tradiction avec moi-même. Selon lui, j’aurais dit dans mon tra¬ vail sur le diluvium , publié il y a plus de vingt ans (1), que les grands animaux enfouis sous les glaces de la Sibérie sont de l’époque des terrains tertiaires moyens. L’ensemble de mon travail est abso¬ lument contraire à cette assertion, qui équivaut à dire que la pé¬ riode pliocène n’existe pas pour moi. Mais du moment que je dis et affirme que le diluvium est quaternaire, n’est-ce pas dire et affirmer également que sa formation a immédiatement succédé à celle des terrains tertiaires les plus récents ou supérieurs? M. Hé¬ bert triomphe donc trop facilement d’une simple faute d’impres¬ sion, comme il me serait si facile d’en signaler plus d’une dans ses propres écrits, si ces petits moyens étaient à mon usage. M. Hébert réplique : Les géologues qui ont constaté que le diluvium du bassin de Paris se composait, au moins, de deux parties distinctes, le dilu¬ vium gris et le diluvium rouge , n’ont point prétendu par là, comme le dit M. Melleville, que ces dépôts ne formaient qu’un seul et même tout et appartenaient à une seule et même époque ; c’eût (1) Du diluvium. — Recherches sur les dépôts auxquels on doit donner ce nom et sur la cause qui les a produits. 1842; Roret libraire» NOTE DE M. HÉBERT. 111 été un singulier raisonnement. Ils en ont tiré la conclusion con¬ traire, et ont par conséquent devancé cet auteur. Le diluvium de la plaine de Grenelle tout entière appartient au diluvium inférieur, le diluvium gris à ossements d 1 Elephas primi- genius et Rhinocéros tichorhinus ; c’est pour cela qu’il est formé d’éléments roulés, comme le diluvium inférieur d’Amiens et d’Abbeville, auquel il correspond. Tout le monde sait cela, et est d’accord sur ce point, sauf M. Melle ville qui soutient seul le con¬ traire. Il était donc, et il est encore inutile d’entrer dans plus de détails. Où donc M. Melleville a-t-il vu que j'avoue que cette analogie est fausse ? Il est singulier que M. Melleville persiste à soutenir que c’est dans le diluvium rouge que se trouvent les silex taillés et les osse¬ ments de grands mammifères, et à exprimer cette prétention en disant: « M. Hébert a oublié que, etc., » quand MM. Gaudry, Delanoüe (1), Ëuteux (2), sont venus déclarer que jamais cela ne s’était vu jusqu’ici, que ces découvertes avaient lieu dans le dilu¬ vium inférieur ou diluvium gris. J’ai donc parfaitement compris M. Melleville; seulement je constate aujourd’hui comme auparavant, que tous les faits et rap¬ prochements avancés par lui et signalés par moi comme erronés le sont en effet. Dans sa note du 20 janvier 1862, M. Melleville place dans le pliocène le diluvium inférieur, avec ses Elephas primigenius , Hyena spelœa , Rhinocéros tichorhinus , et à cette occasion j’ai rappelé que, dans un travail publié il y a vingt ans, l’auteur considérait l’ Elephas primigenius de Sibérie comme contemporain des faluns de Touraine; aujourd’hui il regarde cette rédaction comme une simple faute d’impression. La Société peut en juger : voici le livre et le passage. L’auteur, après avoir décrit le diluvium, en cherche la cause. Il la trouve dans un refroidissement subit qui a condensé tout à coup les vapeurs qui saturaient l’atmosphère (p. 73). 11 veut prouver ce refroidissement subit et il écrit les lignes suivantes (p. 72) : « Il faut d’abord bien se représenter l’état du globe à cette époque; de l’examen des débris enfouis près des pôles (Éléphants et Rhinocéros qu’il vient de citer), il semble résulter que la Sibérie jouissait d’une température égale au moins à -f- 22° centigrades. D’un autre côté, X étude des coquilles des terrains tertiaires moyens , (1) Bull., t. XIX, p. 444 et 442, (2) Bull. 7 t. XX9 p. 30. 112 SÉANCE DU 15 DÉCEMBEÊ 1862. qui correspondent selon nous à cette époque , indique pour les régions moyennes d’alors environ -(- 27°, etc. » Je crois que je serai facile¬ ment excusé de n’avoir pas su reconnaître dans ce passage line erreur typographique. Loin d’avoir voulu mettre hauteur en con¬ tradiction avec lui-même, j’ai vu dans ces anciennes idées la source des erreurs actuelles. Les animaux considérés alors comme mio¬ cènes le sont aujourd’hui comme pliocènes; le progrès n’est pas encore complet. On trouverait encore à la suite du travail qui vient d’être cité et sous la date 1843 une théorie qui rend compte des idées de M. Melleville sur les siphons de la Montagne de Laon, idées récemment reproduites dans notre Bulletin. Quant à l’opinion qui lui fait placer les lignites bien au-dessous des calcaires de Rilly, je crois que pour la discuter il vaut mieux attendre que M. Melleville cite une seule des personnes qui les ont étudiés sérieusement , et qui, d’après lui, partageraient sa manière de voir. M. d’Archiac présente au nom de l’auteur, M. Dumortier, la note suivante : Sur deux nouveaux gisements du calcaire à fucoïdes de V oolithe inférieure; par M. E. Dumortier (Lettre à M. d’Archiac), Vous savez avec quelle attention j’ai suivi dans nos contrées les couches de calcaire avec empreintes de Chondrites scoparius Tliiollière (1), qui forment la séparation entre le lias supérieur et l’oolithe inférieure; permettez-moi de vous signaler deux nou¬ veaux points où j’ai pu reconnaître ces mêmes couches dans mes courses de cette année. Ces points peuvent présenter de l’intérêt, d’abord parce qu’ils sont fort éloignés les uns des autres, ensuite parce que leur situation, tout à fait en dehors, celle fois, du bassin du Rhône, donne l’assurance que l’horizon fourni par ces fucoïdes est encore plus étendu que je ne l’avais supposé. En sortant de Thouars (Deux-Sèvres) par la route d’Ârgenton, on traverse avant d’arriver aux carrières de Vérinnes un petit plateau sur lequel se trouvent plusieurs carrières. La première, à ( I) Voyez Note sur le calcaire à jucoïdes ( Bulletin de la Société géologique du 20 mai 1861) ; et Coup d'œil sur T oolithe inférieure du Var, aussi dans \e Bulletin, 28 avril 4 862, NOTE DE M. DUMORTIEIÎ. 113 droite de la route, creusée de quelques mètres seulement dans un calcaire blanchâtre, marneux, laisse voir, à sa partie inférieure, des empreintes du Chondrites scoparius, très reconnaissables, quoi¬ que moins profondes que celles des couches des environs de Lyon. On trouve avec les Fucoides une Trigonia et quelques bivalves, de plus Y Ammonites Murchisonœ acutus . Dans les couches supérieures on rencontre Terebratula globata, Rhynchonella cynocephalci , Pec- ten personatus assez grand, et surtout une petite Gryphœa plissée, dont la figure a été donnée il y a bien longtemps par Knorr ; c’est l’ Ostrea Knorri , Voltz, ou l’0. costata , Goldfuss, ou encore ; l’O. pictaviensis jeune, de M. Hébert. Cette petite coquille, d’une ! abondance extrême dans les Deux-Sèvres, paraît avoir un déve- ! loppement vertical considérable. Les échantillons provenant du 1 cornbrash de Bouxviller, que M. Engelhardt a bien voulu me ! communiquer, sont absolument identiques avec ceux de l’oolithe I inférieure de Thouars. Voyez, de plus, la note de M . Levallois {Bul¬ letin, 2eséi\, t. VIII, 1851, p. 327) qui signale la même petite Gryphée dans les couches qui surmontent le cornbrash. Quoi qu’il en soit, le calcaire à fucoides de Thouars est bien certainement placé au-dessus des couches du lias supérieur avec Ammonites opalinus , que l’on retrouve à quelques centaines de mètres de là dans les carrières de Vérinnes, et il est recouvert lui-même par les couches à Pecten personatus , c’est-à-dire qu'il est au même niveau géologique que sur tous les autres points où nous avons pu l’observer. La seconde localité que j’ai à signaler est Metz. Sur la colline de Saint-Quentin, du côté qui regarde la Moselle, au-dessus du grès fin micacé qui contient Y Ammonites opalinus , près d’une petite fontaine, au milieu des éboulis du calcaire ferrugineux de l’oolithe inférieure, on remarque que la roche formant le petit gradin sur lequel se trouve l’observateur consiste en un grès mar¬ neux, micacé, dont tous les joints de stratification sont couverts des empreintes du Chondrites scoparius. Ces empreintes, sans être très profondes, sont cependant nettes et distinctes, et notre savant collègue M. Terquem, qui avait eu la complaisance de m’accom- i pagner sur les lieux, les connaissait fort bien. En redescendant vers Plappeville, de l’autre côté de la colline, le chemin nouvellement reconstruit a mis à découvert les mêmes marnes à fucoides, et ce point est intéressant, parce que la couche, par une exception bien rare, contient des fossiles; je citerai : Soc. géol.y 2e série , tome XX. 8 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1802. 11 h Montlivaltia Delabechei [ Miln. Ed. et Haime), nombreux exem¬ plaires. Trigonia,... grandes et belles coquilles, 4 à 5 espèces. Rhynchonella.. . A s tarte excavata .. . Ostrea crenata. . . Perna,... grande espèce dont M. Terquem a bien voulu me donner un fort bel exemplaire bivalve; cette coquille, longue de 1 4 centimètres, est peu convexe, la charnière petite compa¬ rativement; les valves sont très largement arrondies sur la région palléale et recouvertes de grosses lamelles rugueuses, concentriques, irrégulières. La connaissance des couches à fucoïdes de l’oolithe inférieure, à Thouars d’un côté, et à Metz de l’autre, permet de supposer que Ton finira par retrouver les traces de cette curieuse végétation marine, soit en Angleterre, soit en Allemagne. M. Harlé fait la communication suivante : Deuxième note sur la 'vallée de la Seine dans le département de la Seine-Inférieure j par M. Harlé. En prenant connaissance du dernier numéro du Bulletin de lu Société géologique dans lequel se trouve insérée la note sur les dislocations de la vallée de la Seine aux environs de Rouen dont j’ai en l’honneur de donner lecture à la Société dans sa séance du 7 avril dernier, tome XIX, page 690, ainsi que les observations présentées à ce sujet par plusieurs membres de la Société, il m’a semblé qu’une addition serait nécessaire à ma réponse aux obser¬ vations de M. Laurent, réponse qui, d’ailleurs, se trouve tout entière dans la coupe de la page 698 du Bulletin , où l’on voit clairement que si les sondages de Sotte ville, cités par M. Laurent, n’ont pas accusé les dislocations , cela tient à ce que, quoique sur la rive gauche de la Seine, ils se sont encore trouvés dans l’intérieur de la masse des couches jurassiques servant de base à l’ensemble des hauteurs de la rive droite et recouvertes à cet endroit seule¬ ment par des argiles et sables crétacés des plus inférieurs et par les alluvions qui garnissent le fond de la vallée. Ce n’est qu’au delà de ces sondages, vers la gauche de la vallée, que se trouve la grande fissure dans laquelle sont tombés les son¬ dages de 1834, exécutés par M. Flachat, près de l’église Saint- Sever, et, au delà de la fissure, au petit Quevilly, le sondage de NOTE DE M. HÀRLÊ, 116 M. Malétra s’est retrouvé dans la craie refoulée en profondeur de 125 mètres par rapport au côté droit de la fissure, ainsi que le montre la coupe des sondages placés à la fin de ma première note. Qu’il me soit permis d'ajouter que depuis la présentation de cette note le nouveau sondage du Mont-Renard, dont il y est fait mention, a été arrêté dans des argiles à la profondeur de 106 mètres, soit au niveau de 43 mètres au-dessous de la mer, après avoir atteint et traversé les grès et sables de la base des couches crétacées dans lesquelles avait été commencé le grand forage pour recherches de houille entrepris par MM. Degousée et Laurent, à Sotteville, en 1850, et, comme ces grès et sables nous annonçaient que nous arrivions aux couches jurassiques, aussitôt après les avoir traversés sur 13 mètres d’épaisseur, du niveau de ( ~ 24 mètres) à celui de ( — 37 mètres), et être rentrés dans les argiles, nous avons arrêté le forage qu’il n’y avait aucun intérêt à poursuivre plus profon¬ dément. Ces grès et sables faisaient suite en profondeur à 28 mètres de marnes bleues, d’argiles et de sables argileux qui avaient com¬ mencé au niveau de 4 mètres au-dessus de la mer, aussitôt après la fin des bancs glauconieux. Ils ont été traversés, mais sans qu’on y ait trouvé dans les nappes d’eau la force ascensionnelle sur laquelle ou avait cru pouvoir compter, en sorte que le niveau de l’eau, que les nappes supérieures avaient établi dans le puits à 45 mètres au-dessus de la mer, ne s’est pas relevé, et que ce puits n’a pu servir comme puits artésien pour amener l’eau au jour. Quant aux observations présentées par M. Hébert, telles que je les trouve consignées dans le Bulletin de la Société , je crois pouvoir répondre que, si les couches de la craie se correspondent de chaque côté de la vallée de la Seine à des hauteurs sensiblement égales , en entendant par chaque côté de la vallée les escarpements soit de la rive droite, soit de la rive gauche où on peut observer ces couches dans les hauteurs entourant les convexités du cours du fleuve, comme à Saint-Pierre-de- Sauvray, à la côte des Deux- Amants, à Elbeuf, à Saint-Adrien, à Bonsecours, à Croisset, à Cau- mont, à Duclair, à Yville, à Caudebec, à Vieux-Port, c’est-à-dire dansles bords de la large bande de terrain dans l’intérieur de laquelle se sont ouvertes les sinuosités de la Seine, il ne s’ensuit nullement que la concordance de position des couches se conserve, entre les bords opposés du fleuve, dans l’intérieur même de la largeur de cette bande, là où, en face d’un haut escarpement, la surface de la craie dans une presqu’île se trouve recouverte de terrains superfi¬ ciels sous lesquels elle se relève en pente très douce à partir du 116 SÉANCE DU 15 DÉCEMBBE 186*2. bord de la Seine, et sans montrer d’affleurements qui permettent de reconnaître la position des bancs vers l’extrémité de la pres¬ qu’île par rapport à ceux de l’escarpement de la rive opposée. L’inclinaison générale du sol des presqu’îles reste alors depuis Gaillon jusqu’à Vieux-Port le seul caractère extérieur général qui fournisse des indications sur les mouvements du sol, et il faut convenir qu’on peut très bien être porté à considérer cette incli¬ naison comme annonçant un refoulement des presqu’îles qui, ainsi que je l’ai dit, est rendu évident à Rouen et à Elbeuf par le résultat des sondages. J’ajouterai que la continuité de stratification des couches de la craie sans rejet visible dans la masse même de la bordure courbe des hauteurs, qui depuis Saint-Adrien jusqu’à Croisset entourent la presqu’île de Saint-Sever en face de Rouen, montre que le contour tracé par la faille de Rouen est lui-même courbe, et que cette faille, avec rejet de 125 mètres, suit la courbure de la vallee sans pénétrer dans l’intérieur de ces hauteurs. Enfin, je ferai remarquer que, si l’inclinaison des couches n’est pas restée visible dans la craie qui se trouve généralement masquée dans les presqu’îles, elle se reconnaît cependant fort bien dans les terrains supérieurs qui, restés en place sur la craie, se sont abaissés avec elle en prenant l’inclinaison de l’ensemble des presqu'îles dont ils continuent à former le sol, ainsi que l’indique la nouvelle carte géologique de la Seine-Inférieure dressée par M. A. Passy, maintenant comme avant l’ouverture de la vallée de la Seine. Et cependant, si l’ouverture de cette vallée sur toute sa profon¬ deur était simplement due à des érosions, ces érosions, qu’il serait bien impossible de supposer antérieures aux argiles à silex, auraient commencé par enlever la totalité des terrains superficiels, tandis qu’on ne remarque leur action que tout au fond de la vallée, là où se sont ensuite déposés des terrains d’alluvion plus récents. Comme effet visible d’érosion nous pouvons citer la manière dont le bord des hauteurs de Bonsecours se trouve reporté à près de 1500 mètres de la fissure suivant laquelle la masse du terrain s’était ouverte. On ne doit pas non plus oublier ici le témoignage laissé par l’ouverture des vallées latérales, partant du fond des concavités du bord de la rive droite de la Seine, qu’il s’est produit au fond de ces concavités une pression assez forte pour y ouvrir de grandes fentes au travers de toute la masse des terrains, et, en présence de la répétition des mêmes accidents pour chaque presqu’île, depuis Gaillon jusqu’à Vieux -Port, nous ne voyons pas quelle raison NOTE 1)E M. HARLÉ* 417 plausible on pourrait avoir de considérer les efïets de l’accident dont on ne peut nier l’existence à Rouen comme n’ayant pas dû se faire sentir au delà de Pout-de-l’Arclie, en amont, ni de Du- clair en aval (et pourquoi plutôt Duclair que Caudebec), pour ne voir plus loin, en amont et en aval, que des effets d’érosions par lesquels on ne pourrait cependant expliquer ni l’abaissement des terrains superficiels, ni l’ouverture des vallées latérales. Au delà de Vieux-Port et de Quillebeuf, vers l’embouchure de la Seine, là où les presqu’îles disparaissent pour faire place à une baie qui s’ouvre vers la mer, on retrouve les couches se correspon¬ dant au même niveau sur les deux bords opposés, ce que montrent les bancs si connus d’ Ostrea deltoidea et virgula qu’on voit au cap de la Hève et à Criquebeuf, en face, au niveau même de la mer ; mais là encore il ne résulte nullement de cette concordance de niveau que la disparition de toute la masse du terrain qui s’éten¬ dait d’une côte à l’autre soit le résultat d’érosions plutôt que d’un grand affaissement en rapport avec celui qui a dû donner naissance aux hautes falaises crétacées du bord de la mer à partir du Havre. Je pourrais faire remarquer relativement à ce dernier affaisse¬ ment qu’à Fécamp la position de la ligne suivant laquelle la bri¬ sure a dû se produire paraît indiquée par l’extrémité du côté de la mer des bancs horizontaux de la base de cette falaise qui, résistant à l’action destructive de la mer, forment une plage horizontale, appelée le Roquet, découvrant à marée basse et s’étendant jusqu’à 300 mètres de la côte. Au delà, le fond de la mer s’abaisse immé¬ diatement en présentant des profondeurs d’eau de 7 à 8 mètres au- dessous des plus basses mers. On peut donc reconnaître à cet endroit la position primitive de la falaise et le point à partir duquel elle a dû commencer à être détruite par l’action de la mer. La falaise n’ayant par conséquent reculé que de 300 mètres depuis l’accident qui l’a produite antérieurement à l’époque actuelle, on voit que l’avancement de cette destruction dans lacôte de Fécamp doit être excessivement lent et infiniment au-dessous des évalua¬ tions qu’on en donne ordinairement. De son côté M. Relgrand a cité le cours de la Cure dans l’Yonne à l’appui de l’opinion soutenue par M. Hébert, que les sinuosités du cours de la Seine ne sont dues qu’à des érosions, mais il suffit de jeter les yeux sur une carte pour reconnaître qu’on ne peut établir aucun rapprochement topographique entre le cours de la Cure, donné en exemple par M. Belgrand, et les grandes sinuosités du cours de la basse Seine. M. Hébert a encore profité de cette circonstance pour reporter 118 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. l’âge du soulèvement du pays de Bray à une époque antérieure au soulèvement des Pyrénées. Je n’avais fait que rappeler à cette occasion une ancienne opinion de M. Elie de Beaumont sans la moindre idée de soulever un sujet de discussion ; mais, en présence des motifs mis en avant par M. Hébert à l’appui de son opinion, je pourrais faire remarquer que les lacunes que ce savant signale dans la suite des couches crétacées au pays de Bray, par suite de l’absence des couches néocomiennes d’une part et de celles de la craie supérieure d’autre part, ne peuvent nullement servir à établir le moment où la fente qui a donné naissance à cette vallée s’est ouverte dans la masse des terrains de la Seine-Inférieure, car les mêmes lacunes dans la suite des couches crétacées me paraissent exister dans tout le département. Ces lacunes n’annonceraient donc que des oscillations générales du sol de toute la contrée qui auraient arrêté, de ce côté, à certaines époques, l’extension de couches qui se déposaient ailleurs ; mais, quant à l’accident parti¬ culier qui a ouvert le sol du pays de Caux sur toute 1 épaisseur de la formation crétacée, en y donnant naissance d’un côté au pays de Bray, de l’autre au cours de la Seine et à ses vallées latérales, si on fait attention que les mêmes terrains superficiels s’étendent à peu près uniformément sur toute la surface du pays d’un côté et de l’autre de ces différents accidents, et, de plus, que ces mêmes terrains se sont abaissés en pente en suivant l’affaissement des presqu’îles de la vallée de la Seine dont ils forment le sol, on reconnaîtra que tout ce qu’on peut avancer de certain, c’est que l’accident a eu lieu postérieurement au dépôt des argiles à silex et autres terrains superficiels de la Seine-Inférieure et non anté¬ rieurement. Les alluvions du fond de la vallée établissent d’un autre côté l’époque avant laquelle la déchirure a dû se produire. Je crois donc devoir persister à considérer les sinuosités du cours de la Seine depuis Gaillon jusqu’à Vieux-Port, au delà de Gaudebec, comme le résultat d’une suite d’affaissements, et, de plus, je regarde ces affaissements comme postérieurs au dépôt des terrains superficiels de la craie dans la Seine-Inférieure. M. Hébert répond en ces termes à la note de M. Harlé : M. Harlé croit devoir relever les réserves fort inoffensives que j’avais faites lors de l’exposition de sa nouvelle théorie de la for¬ mation de la vallée de la Seine. Je dois donc ajouter qu’à côté des détails intéressants que la note de M. Harlé nous fournit sur NOTE DE M. HÉBERT. 119 la structure du sol des environs de Rouen, il ne me paraît réel¬ lement exister aucune preuve sérieuse de cette longue brisure dentelée, résultat du soulèvementdu pays de Bray (t. XIX, p. 693), et qui aurait donné naissance à la vallée de la Seine. Jusqu’ici tous les observateurs se sont parfaitement rendu compte de la forme sinueuse de cette vallée par un simple effet d’érosion. Tous les faits observés, à l’exception des dislocations de Rouen, con¬ firment cette opinion. Pour toute la région, qui s’étend de Paris à Mantes, la forma¬ tion de la vallée par voie d’érosion est prouvée par les observa¬ tions les plus précises, comme M. Delesse en adonné un exemple, et cependant les sinuosités sont aussi considérables que dans la Seine-Inférieure. S’il y a de ce dernier côté des failles encore inconnues , ce dont je ne conteste nullement la possibilité, elles doivent être dé¬ montrées directement, et leur étendue nous dira l’effet qu’elles ont pu avoir sur la forme de parties plus ou moins considérables de la vallée de la Seine. Dans sa note additionnelle, M. Harlé restreint ses conclusions sur l’origine de la vallée de la Seine à la partie comprise entre Gaillon et Caudebec, et abandonnant l’opinion que le soulè¬ vement du pays de Bray est contemporain de celui des Pyrénées, au lieu de le vieillir un peu, comme j’ai été conduit à le faire de¬ puis longtemps, il le déclare postérieur au dépôt des argiles à silex et des autres terrains superficiels de la Seine-Inférieure. Or, je ferai remarquer qu’au delà de Gaillon la presqu’île qui s’étend de Yenables aux Andelys montre le calcaire grossier à la même hauteur que l’escarpement de Vironvay qui la suit. Cette hauteur est parfaitement en rapport avec des lambeaux du même terrain qui existent de chaque côté de la Seine à Pacy, Ecos, la Roche-Guyon, Mantes, etc. Le calcaire grossier, aussi bien que les assises supérieures et inférieures jusques et y compris le calcaire pisolitique, dessine le long des pentes de l’extrémité S.-E. du pays de Bray des courbes de niveau, qui reportent la formation de ce bombement à une époque antérieure. Quant aux terrains superficiels qui, d’après M. Harlé, s’abaissent en pente, en suivant l'affaissement des presqu’îles de la vallée de la Seine dont ils forment le sol, il y a lieu de faire ici la même distinction que celle que j’ai récemment établie pour une contrée voisine (t. XIX, p. 446). La véritable argile à silex reste sur les hauteurs et ne suit aucunement la pente des presqu’îles. Le sol de celles-ci est formé non point par l’argile à silex, mais par le diluvium SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. 120 à ossements quaternaire, recouvert par le diluvium rouge , double dépôt qui ne s’élève jamais sur les coteaux. Tout cela est parfai¬ tement en harmonie avec l’ancienne idée du creusement de la vallée par les eaux au commencement de la période quaternaire. M. Harié fait ensuite la communication suivante : Note sur le niveau géologique des calcaires crétacés de Sarlat ( Dordogne ) $ par M. Harié. Le but de la note que j’ai l’honneur de présenter à la Société géologique serait la détermination exacte de la place dans la série des couches crétacées des calcaires jaunes formant la partie supé¬ rieure des hauteurs entre Gourdon et Grolejac, les mêmes que ceux sur lesquels est bâtie la ville de Sarlat, ainsi que Ta reconnu M. d'Archiac, et qui ont été considérés par ce savant géologue comme appartenant aux calcaires jaunes supérieurs dont il com¬ pose son premier étage crétacé comprenant la partie la plus élevée de cette formation dans le bassin du sud-ouest de la France ( Hist . des prog. de la géol . , t. IV, p. 396). Pour nous, ces calcaires jaunes sont l’équivalent, non des vrais calcaires jaunes supérieurs de l’arrondissement de Bergerac, mais des calcaires glauconieux formant la partie inférieure du deuxième étage de M. d’Archiac au-dessous des calcaires marneux tendres du même auteur (voy. Bull. Soc. géol. de Fr., 2e sér., t. XIV, p. 767); et, comme ces calcaires tiennent une place importante dans les terrains des environs de Sarlat, tant par leur grande épais¬ seur que par l’étendue de la superficie qu’ils occupent, nous avons pensé qu’il y aurait un certain intérêt, au point de vue géolo¬ gique, à fixer nettement leur position. Les caractères particuliers qu’affecte ce dépôt dans le Sarladais ont dû, très probablement, résulter de la disposition des lieux où il s’est formé; car, ainsi qu’011 doit le remarquer, tandis que les couches correspondantes qui en forment le prolongement au N. -O. se déposaient sur une côte toute droite et ouverte , lui, au contraire, s’est déposé au fond d’un golfe profond dont on peut suivre les contours jurassiques passant par Thénon, Aubas près de Montignac, la Cassagne, Jayac, Paulin, Evigues, Siineyrols, la Séguinie près de Payrac (Lot), Gourdon (Lot), Saint-Cibranet (Dor-dogne), Saint-Cyprien et Campagne près du Bugue. Entre Campagne et Thénon, l’entrée de ce golfe avait 27 kilo- NOIE DE M. HAHLÉ. 121 mètres de largeur, et sa profondeur mesurée de Plazae à la Sé- guinie était d’environ ù5 kilomètres. A Campagne se trouvait la pointe d’un promontoire très long et étroit qui s’avançait de près de 25 kilomètres dans la mer cré¬ tacée, en formant le rivage entourant le côté S. -O. du golfe, et on doit reconnaître de ce côté une notable extension des couches jurassiques au delà de la limite tracée sur la carte géologique de la France de MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont. En effet, au delà de la vallée du Céoux, les couches jurassiques supérieures s’étendent vers l’O. par Saint-Pompon où se trouvent des bancs assez bitumineux pour que la pierre puisse brûler avec flamme ; puis, sur les bords de la Dordogne, entre Saint-Cyprien et Mouzens, on les revoit se relever dans les hauteurs de la rive droite du fleuve dont le lit est entaillé dans la tranche même des couches redressées (1) ; enfin, on peut suivre les couches jurassiques au delà de la Dordogne dans les gorges et les hauteurs qui, de Mouzens, se dirigent vers Campagne, et on reconnaît leur présence jusque tout auprès de la vallée de la Yezère dans un affleurement rempli d1 2 * * * * 7 Ostrea virgula , au bas de la côte de la route venant de Siorac, sur le bord même de cette route, avant d’arriver à Campagne. La ville de Sarlat se trouve occuper une position assez centrale dans l’intérieur du golfe dont nous parlons et auquel on pourrait donner le nom de golfe crétacé du Sarladais. Dans cette région, la formation crétacée paraît avoir commencé ses dépôts par les couches à Ostrea columba , signalées par M. d’Ar- cliiac à la Séguinie. A Simeyrols, le même fossile a été recueilli par M. Marrot, et nous l’v avons retrouvé dans les déblais de puits foncés pour des recherches de lignite (2). Immédiatement (1) Près de Saint-Cyprien se trouvent des exploitations de pierre à chaux et à ciment où les Gryphées virgules abondent. (2) A Simeyrols se trouve dans le flanc d’un coteau une couche de lignite reposant sur les couches jurassiques et au-dessus de laquelle se voient des blocs calcaires avec Ostrea columba qui ont fait rapporter ce lignite à la base des terrains crétacés; mais, si on fait attention que des puits de recherche ont montré que la couche ne s’étendait pas dans les coteaux voisins où on a traversé les calcaires à Ostrea columba reposant directement sur les couches jurassiques sans aucune interposition de lignite, et que les blocs qu’on voit à Simeyrols au-dessus du lignite ne sont nullement en place, mais remaniés dans les argiles qui forment le toit de la couche en môme temps que le couronnement du coteau, si on remarque, de plus, que les fossiles recueillis dans les lignites (très 122 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. après avoir traversé des calcaires gris bleuâtre à Ostrea columba , ces puits ont rencontré les calcaires jurassiques. Dans d’autres parties des bords du golfe du Sarladais, le contact de superposition de terrains crétacés sur les terrains jurassiques se retrouve sur les côtés des vallées que les grandes érosions ont ou¬ vertes dans les plateaux crétacés en pénétrant jusque dans l’inté¬ rieur des couches jurassiques à une assez grande profondeur. Ainsi, en descendant la côte de Salignac, sur la route départementale de Sarlat à Brives, on traverse la suite des couches des étages crétacés inférieurs, à partir des calcaires jaunâtres de Gourdon et de Sarlat sur la partie inférieure desquels est bâtie la petite ville de Salignac, et au bas de la côte on se trouve dans les couches jurassiques. En remontant la côte opposée qui mène au village de Paulin, on retrouve toute la suite de couches qu’on avait parcourue en descen¬ dant la côte de Salignac sur une centaine de mètres d’épaisseur. Ces couches correspondent d’ailleurs exactement à celles de la descente de la route de Gourdon à Sarlat à la sortie de Gourdon. Le repère géologique qu’on peut le plus facilement suivre dans cette formation, et qui peut le mieux servir à en faire reconnaître la disposition stratigrapliique, est l’ensemble composé d’un banc marneux fossilifère, cité par M. d’Archiac à la sortie de Gourdon grandes Natices, Cérites, feuilles diverses) paraîtraient indiquer une faune plus récente que celle de la base des terrains crétacés, nous pen¬ sons qu’on sera porté à considérer ce petit dépôt de lignite comme de formation beaucoup plus moderne. Nous ne pouvons donc admettre quant à son âge l’opinion de M. Guillebot de Nerville rapportée dans un remarquable mémoire de M. Arnaud sur les terrains crétacés des environs de Périgueux (voy .Bull, de la Soc. géol. de France, 2e sér., t. XIX, p. 470). Nous serions bien plutôt porté à considérer ces lignites comme s’étant déposés dans un endroit où des érosions avaient mis à nu les couches jurassiques en enle¬ vant lacroûte crétacée, et postérieurement à leur dépôt serontsurvenues les grandes érosions qui ont creusé les vallées dans l’épaisseur même des couches jurassiques et qui ont ensuite produit les grands remaniements qui, en obstruant dans beaucoup d’endroits les débouchés des vallées, ont donné naissance aux énormes cavités en forme d’entonnoir si fréquentes dans le Périgord, surtout dans le massif jurassique au sud de Terrasson. « C’est au-dessous de ces remaniements que se trouvent au fond des entonnoirs des dépôts de minerais de fer exploités pour les besoins des forges. A Excideuil, les puits par lesquels on descend exploiter ces minerais ont jusqu’à 50 mètres de profondeur. NOTE DE M. HARLÉ. 123 sur la route de Sarlat, et des bancs de rudistes sur lesquels il repose immédiatement. A Paulin, la route départementale de Salignac à Brives suit sur une longueur de 2 kilomètres l’affleurement du banc marneux dans lequel elle est ouverte; aussi cet endroit est-il un de ceux où on peut le mieux observer ce banc. Dans la cote de Salignac le banc marneux reste caché ; mais on peut reconnaître la présence des couches de rudistes sur lesquelles il repose dans les rochers coupés par le tracé de la roche et la pré¬ sence des marnes se reconnaît elle- même un peu plus haut aux belles sources qui sourdent du fond de la gorge. Entre Salignac et Simeyrols, la route a coupé un autre affleure¬ ment du banc marneux au hameau appelé le Landre. Nous citerons encore ce banc à Sainte-Nathalène, au fond de la vallée sur le bord du chemin de Simeyrols à Sarlat; on le retrouve au jour à Montignac sur les bords de la Vézère, où il a été cité par M. d’Archiac, et, enfin, on le connaît, mais beaucoup plus mince, à Gourd-de-1* Arche, à 3 kilomètres de Sérigueux où il est mis à jour par une tranchée du chemin de fer de Limoges. Sur la route de Gourdon à Grolejac, de même qu’à Montignac ce banc marneux surmonte immédiatement les bancs d ' Hipparites organisais au-dessous desquels se voient près du moulin de Vaisse, indiqué par M. d’Archiac sur la route de Grolejac, les autres couches à rudistes identiques avec celles de la côte de Salignac. On y trouve en extrême abondance le Spherulites Sauvagesii si commun près de Périgueux dans la tranchée par laquelle le che¬ min de fer de Limoges passe de la vallée de l’Ile dans celle de la Beauronne. On reconnaît à la présence de ces rudistes la partie supérieure du troisième étage crétacé de M. d’Archiac (groupe des calcaires à rudistes de JV1. Manès), et la correspondance entre les couches de Gourd-de-l’Arche, près de Périgueux et celles de la route de Gourdon déjà établie par la comparaison des fossiles des couches à rudistes, est rendue évidente par celles des fossiles de la couche de marne elle-même cités par M . d’Archiac à Gourdon ( Hist . des progrès de la géologie, t. IV, p. 406) et par M. Arnaud à Gourd- de-l’Arche ( Bull . de la Soc. géol. de Fr., 2e séi\, t. XIX, p. 491). La position de ce banc marneux, qui marque la base des ter¬ rains crétacés supérieurs, en reposant sur les derniers bancs de rudistes des terrains crétacés inférieurs se trouve donc parfaitement déterminée dans les diverses localités que nous venons de citer ; mais, au lieu que ce banc soit recouvert dans le Sarladais, comme à 12 h SÉANCE DE 15 DÉCEMBRE 1862. Péri gueux, par des calcaires glauconieux, gris, micacés, à Ostrea c luricularis, à partir de Thénon on ne trouve plus au-dessus que les calcaires jaunes décrits par M. d’Archiac et qui, dans la côte entre Sainte-Nathalène et Sarlat, se présentent sur une épaisseur d’au moins 150 mètres. Le caractère le plus saillant de cette roche est d’avoir l’aspect d’un sable formé de débris de coquilles brisées à grains générale¬ ment' assez gros qui aurait été fortement agglutiné par un ciment calcaire jaune légèrement roussâtre. Les fossiles conservés et déterminables y sont rares. Nous en avons cependant recueilli quelques-uns à Montignac, dans les bancs inférieurs, entre autres la Terebrcitula Arnaudi , qui appar¬ tient dans la Charente au cognacien de M. Coquand. J’indiquerai comme endroits où on peut encore recueillir des fossiles, mais très mal conservés, les carrières autour de Sarlat et une tranchée ouverte par le chemin de Condat sur le côté de la vallée au-dessous de Saint-Géniès. Quant à l’inclinaison générale des couches, nous pouvons l’ap¬ précier par les altitudes des divers affleurements du banc marneux qui forme leur base. A Paulin, l’altitude de l’affleurement le long de la route dépar¬ tementale est d’environ 290 mètres; à Montignac, à 16 kilomètres de distance, elle n’est plus que de 70 mètres, ce qui donnerait dans cette direction une inclinaison de 1,A pour 100. A l’affleurement de Lelandre près de Salignac, nous trouvons une altitude de près de 260 mètres ; à Sainte-Nathalène, à 7 kilo¬ mètres de distance l’altitude n’est plus que de lâO mètres, soit 1,7 pour 100 de pente entre ces deux points. Combinant ces deux résultats et considérant le banc comme formant une surface plane, on reconnaît que sa plus grande pente serait de 2,2 pour 100 dans la direction de l’ouest 25° sud. Si l’inclinaison de ce même banc se prolongeait régulièrement au delà de Sainte-Nathalène dont l’altitude est la même que celle de Sarlat, la distance de Sainte-Nathalène à Sarlat étant de 6 kilo¬ mètres, le banc passerait à plus de 100 mètres dans la profondeur au-dessous de la ville de Sarlat. Nous venons de dire que la position des calcaires jaunâtres du Sarladais était la même au-dessus du banc marneux que celle des calcaires micacés de Périgueux. La correspondance complète de ces deux sortes de calcaires dans la série des couches crétacées est de plus établie par un lambeau de calcaire marneux blanchâtre, partie supérieure du deuxième étage de M. d’Archiac, entièrement NOTE DE M. HARLÉ. 125 semblable aux couches analogues des autres parties de la Dordogne et qui couronne les calcaires jaunâtres sur le haut de la côte entre Sarlat et Sainte-Nathalène où il est coupé par une tranchée de la route. Le même calcaire marneux, blanchâtre, se rencontre également dans les autres côtes qui dominent Sarlat vers l’ouest et vers le nord. Si, en partant de cette ville, on suit la route de Montignac, après avoir laissé les calcaires jaunâtres dans le fond de la vallée, on rencontre en montant la côte de Prendegarde ces mêmes calcaires blanc marneux dont nous venons de parler, et on peut y recueillir des Ostrea proboscidea , fossile le plus abondant à ce niveau dans toute la Dordogne. Que, sur la gauche de la route de Montignac, on prenne le che¬ min de Marquais, on rencontrera encore ces calcaires blancs à une certaine hauteur dans la côte (1) ; puis, qu’on monte jusque tout au haut de la côte de Prendegarde, et là on trouvera sur le bord de la route des bancs de sables et de grès remplis d 'Ostrea vesicularis silicifiées qui représentent enfin le premier étage de M. d’Archiac qu’on n’atteint qu’à ce niveau. Plus loin, du côté de la Bénagrerie, la route de Montignac se tient sur les faîtes, mais à un niveau inférieur, et on retrouve le sol formé de calcaire roussâtre en plaquettes appartenant comme ceux de la côte Saint-Géniès à l’étage des calcaires jaunâtres du Sarla- dais, celui dont nous cherchons à fixer la position. Au delà de Montignac, la route de Tliénon en remontant la vallée de la Laurence reste constamment dans les mêmes calcaires jaunâtres jusqu’à la côte de Tliénon vers le haut de laquelle, avant d’atteindre les terrains de transport qui couronnent toute la hau¬ teur, on rencontre un banc rempli de Radiolites fissicostatus et de Spherulites Hœningliausi , correspondant au passage des calcaires marneux blaucs aux bancs à Ostrea vesicularis. Le même niveau de rudistes se retrouve aux environs de Péri- gueux et sur les hauteurs de Lavalette (Charente). En résumé, on voit que les calcaires jaunâtres des environs de Gourdon et du Sarladais sont supérieurs à la couche marneuse qui, dans toute la contrée, forme la base de la formation crétacée (1) Le commencement des calcaires marneux blancs se rencontrant à une beaucoup moins grande élévation au nord de Sarlat que vers l’est au haut de la côte de Sainte-Nathalène, cette différence de niveau nous paraîtrait annoncer une faille dans laquelle le côté sud est forte¬ ment relevé par rapport au côté nord. 126 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. supérieure, immédiatement au-dessus des derniers bancs de rudistes des terrains crétacés inférieurs. Ces mêmes calcaires jaunâtres sont inférieurs aux calcaires marneux blancs, partie supérieure du deuxième étage de M. d’Archiac, ils correspondent donc exactement à la partie inférieure du deuxième étage crétacé de ce savant géo¬ logue, et ce dépôt s’est formé au fond d’un golfe où s’accumulaient sur de grandes épaisseurs les sables coquilliers des côtes voisines arrêtés par le promontoire jurassique que nous avons signalé comme s’avançant dans la mer crétacée jusqu’à Campagne, près du Bugue, tandis que les dépôts correspondants, vers le nord-ouest, étaient d’une autre nature et ne paraissent pas avoir acquis la même épaisseur. M. Dalimier fait la communication suivante : Essai sur la géologie comparée du plateau méridional de la Bretagne; par M. Paul Dalimier (pl. I). INTRODUCTION. Tous les géologues savent que la vaste presqu’île armoricaine qui forme la partie la plus occidentale de la France, est en majeure partie constituée par des roches éruptives ou par les plus anciennes assises sédimentaires. Limitée aujourd’hui par la mer et par le bassin parisien, cette région a été émergée dès les temps géologiques les plus reculés, et ne présente à la surface que des lambeaux insi¬ gnifiants de terrains plus récents. L’ancienne province de Bretagne n’est qu’une fraction de ce massif paléozoïque, qui renferme encore le Cotentin, et une partie de la Normandie, du Maine et de la Vendée. Il suffit de jeter les yeux sur la carte géologique de la France pour comprendre que cette presqu’île se partage naturellement en trois bassins géolo¬ giques, séparés l’un de l’autre par des chaînes éruptives. Le bassin septentrional ou normand dont j’ai eu l’honneur de présenter, il y a dix-huit mois, une description à la Société, est borné au midi par cette longue bande granitique qui, partant de la pointe extrême du Finistère, parcourt la côte nord de la Bretagne, et vient se terminer dans la Sartlie et dans l’Orne, aux portes d’Alençon. Les roches métamorphiques ou éruptives constituent aussi la côte sud' ouest de ce pays; mais, à peu près à la hauteur de Napoléonville, dans le Morbihan, et de Saint-Brieuc dans les Côtes-du-Nord, les roches granitiques se relient presque entre elles NOTE DE M. DÀLIMIER. 127 j suivant la direction du méridien; elles limitent ainsi un bassin ! restreint, celui du Finistère, qui est aujourd’hui fortement acci¬ denté, au sud par les Montagnes-Noires, au nord-ouest par les monts d’Arrez, et qui présente le plus grand intérêt au point de vue des étages primaires. Reste le troisième bassin, à la fois central et méridional, dont les assises vont se perdre dans le Maine et l’Anjou sous les dépôts jurassiques; il ne paraît pas avoir été en communication à l’ouest avec le Finistère, mais il se relie davantage avec le bassin nor¬ mand, et tous deux devaient communiquer avec une mer com¬ mune, située probablement du côté oriental. Sur les bords de la Loire, au sud, et à l’est, dans les départements de la Sarthe, de la Mayenne et de Maine-et-Loire, de vastes dépôts dévoniens, liouil- lers ou carbonifères viennent surmonter les terrains cambrien et silurien. Mon intention n’est pas de m’en occuper dans cette note : je veux seulement distinguer dans ce bassin une région naturelle, fort élevée, à laquelle M. Puillon Boblaye (1 ) a appliqué le nom de plateau méridional . Elle commence dans le Morbihan, à Saint-Adrien, près de Baud ; « là une profonde coupure ouvre un passage aux eaux du Biavet » qui se dirigent vers le midi, tandis que le plateau reprend la )> direction de l’est ou de Josselin. Dans ce trajet, la pente vers » l’intérieur est faiblement indiquée; elle l’est davantage sur les » bords des rivières de i’Oust, de Ploërmel et de Meu ou de Mont- » fort, vers laquelle descend rapidement le sol élevé du plateau » de Paimpont. » Entre Montfort et Rennes s’étend une plaine basse (///, carte géologique) peu ondulée, recouverte par les dépôts tertiaires ; au sud de cet ancien lac, on voit se dresser des escarpe¬ ments abrupts, d’une grande aridité, le plus souvent formés d'une pierre rouge (;3, carte géologique). C’est la continuation de notre plateau qui se poursuit à travers l’Ille-et- Vilaine jusqu’à la hauteur de la Guerche, pour s’abaisser ensuite au niveau du sol qui l’en¬ toure, et qui ne présente sur toute cette longueur qu’une seule grande cassure, celle de la Vilaine. Redon en est le point le plus méridional. Ainsi délimité, ce plateau nous offre essentiellement des roches cambriennes, surtout développées à l’ouest, et au nord, dans le bassin de Rennes; des lambeaux de roches dévoniennes, et enfin des assises siluriennes très épaisses, de natüre variée, généralement (1) Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne , par M. Puillon Boblaye. — Mém. du Muséum, t. XV. 123 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. alignées parallèlement les unes aux autres suivant une direction voisine de l’E. -O. Montrer, par des coupes choisies, quelle est, dans cette région, la succession normale des assises siluriennes, et de quelle manière elles se lient aux couches plus anciennes ou plus récentes; rappro¬ cher les faits que j’ai observés pendant les deux étés des années 1861 et 1862, de ceux que j’avais précédemment signalés dans la Manche, l’Orne et le Calvados; faire ressortir l’unité de composi¬ tion des terrains primaires dans tout l’ouest de la France ; tel est le but que je me propose dans cette courte notice. Je rappellerai d’abord les travaux qui touchent par quelque côté à cette question ; si je m’étends sur cette première partie, c’est pour essayer de suppléer, s’il se peut, auprès de mes lecteurs, à l’absence si regrettée des volumes qui doivent traiter des terrains primaires dans la savante Histoire des progrès de la géologie. Dans un second chapitre, j’établirai, d’après des faits positifs, quelques propositions stratigraphiques, et dans un troisième, résumant la série des assises, je montrerai quels sont, ailleurs, les représentants des assises reconnues dans le plateau méridional de la Bretagne. Chapitre I. — Opinions diverses émises jusqii à ce jour sur la succession chronologique des roches de Bretagne . M. Paillon Boblaye (1827). — M. Dufrénoy. — Carte du Morbihan , MM. Lorieux et de Fourcy (1 848), M. Huguenin (1862). — Mayenne , M. Blavier (1837). — Ille-et-Vilaine , M. Toulmouche (1835), M. Rouault, M. Durocher. — Histoire du grès armoricain . • — Loire- Inférieure, M. Cailliaud (1 862). C’est en 1827 que parut, dans les Mémoires clu Muséum , le remarquable travail de M. Pnillon Boblaye sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne (1). La description orographique du sol y est exposée avec une précision et une largeur de vues qu’ont su apprécier et reconnaître tous ceux qui ont par¬ couru ce pays; et, au point de vue de la géologie pure, ce n’est pas là un faible mérite. J’ai déjà insisté pour ma part, dans un autre écrit, sur la relation intime qui existe dans l’ouest de la France entre Page des roches et leur relief habituel : la compa¬ raison du mémoire de M. Boblaye avec les données actuelles de la science est la plus éclatante démonstration de cette vérité. (1) Essai , etc., déjà cit. NOTE DE M. DALI MI ER* 129 La stratigraphie des roches sédimentaires avait été aussi l’ohje des recherches de cet auteur, et il a formulé son opinion sur ce sujet, tout en avouant que bon nombre de points avaient été négligés ou trop rapidement visités par lui. Il groupe les assises anciennes en terrains primitifs et terrains de transition. Les pre¬ miers offrent à leur base des alternances multipliées de granité avec diverses roches mâclifères, micaschistes et gneiss; et au-dessus, des phyllades anciennes, comprenant des phyllades communes, à structure plus ou moins cristalline, mais sans trace de roches fragmentaires ou arénacées, et quelques phyllades talqueuses, micaschisleuses et feldspathiques. — Les terrains de transition commencent par l’assise du schiste ardoise , qui renferme les grès quartzeux et les phyllades souvent fossilifères; la question de superposition de ces deux roches est complètement passée sous silence. Au-dessus de ce niveau reposerait le terrain psamrnitique , violet et à grains roulés (Montfort), opinion que l’auteur, je dois le dire, ne semble pas soutenir avec une entière conviction. Voici donc le résumé de cette succession : Terrains (Terrain psammitique. de transition. (Schiste ardoise (et grès quartzeux). Terrains j Phyllades anciennes. primitifs. ( Roches mâclifères et granité. M. Dufrénoy est le seul géologue qui, après M. Boblaye, ait envisagé dans leur ensemble les terrains primaires de la Bretagne (1). Ses vues ont été exposées en détail dans le tome XIV des Annales des mines , et sont résumées dans un ouvrage devenu classique, X Expli¬ cation de la carte géologique de France ; elles concordent en tous points avec les opinions qu’ont formulées sur ces mêmes questions MM. les ingénieurs des mines qui ont dressé les cartes des Côtes- du-Nord, du Finistère et du Morbihan. On y trouve l’intro¬ duction d’une nouvelle lumière dans l’étude de la stratigraphie ; je veux parler de la direction des perturbations qui ont dérangé après leur dépôt les assises sédimentaires, et permettent ainsi d’assigner aux divers terrains des limites certaines, coïncidant avec une révolution du globe. Dans cette esquisse faite à grands traits, l’illustre et regretté géologue a su condenser en quelques pages (1) Mémoire sur l'âge et la composition des terrains de transition de V ouest de la France, par M. Dufrénoy. — Annales des mines, t. XIV, 3e sér., p. 213. — Voyez aussi X Explication de la carte géologique clc la France , t. I, presqu’île de Bretagne. Soc. géol ., 2e série, tome XX. 9 130 SÉANCE DU 1 5 DÉCEMBRE 1862. des observations qui n’embrassaient pas moins de dix départements, et de judicieux rapprochements lui ont permis d’arriver à cette expression simple de la composition des terrains de transition dans l’ouest de la France : terrains. assises. direction générale. Groupe anthraxifère. [ Anthracile de la Loire. Terrain dëvonien. . . [ Calcaire à spirifers (Izé). / Grauwacke lie de vin. ....... \ l Schistes de Feuguerolles, à Car- i E15°S _ O 15° N .... \ diola interrup^a . ((Montagnes Noires buttes Terram s,lunen - < Grès de May . . . . V de Clecy, côte ’sud de 1 Schistes noirs (Angers) . t Bretaene ) [ Grès blancs siliceux . \ metaSne-) \ Poudingue de Clecy . J {Schistes talqueux ou s'atinés, avec) . E. 25u N. — O. S. grès fin et grauwacke schisteuse, V (Echancrures de la côte et calcaire très rare . ) nord de Bretagne.) Outre les directions ci-dessus, dont la première (E. 253 N . — O. 25° S.) serait due aux granités à grain fin, et la seconde (E. 15° S. — O. 15° N.) aux porphyres quartzifères, M. Dufrénoy fait remar¬ quer avec beaucoup de raison que la direction générale des chaînes de Bretagne court généralement E. 10 à 15° N. à O. 10 à 15° S. La côte nord de la Brètagne doit sa forme à cette cause qui semble en rapport avec l’arrivée au jour des granités du centre de la Bretagne; mais aucune observation positive n’a permis de fixer l’âge précis de ce soulèvement, quoiqu’il paraisse cependant plus moderne que les deux précédents. La première orientation se rattacherait au système du Westmoreland et du Hundsrück; la seconde, au système des Ballons, des Vosges et des collines du Bocage normand. La troisième qui s’écarte peu d’une ligne E.-O. correspondrait au système des Pays-Bas et du pays de Galles (éruption des granités porpliyroïdes et syénitiques). M. Dufrénoy ajoute enfin aux précédentes la direction N. -S., qui paraît se rattacher aux roches amphiboliques et aux filons métallifères (système des îles de Corse et de Sardaigne); il pense néanmoins qu’il y a des amphibolites de plusieurs âges. Je ferai surtout remarquer que dans l’opinion de ce savant, les grès blancs siluriens, si communs en Bretagne sont inférieurs aux ardoises d’Angers, mais supérieurs au poudingue de Clecy; la grauwacke lie de vin des environs de Rennes est rangée par lui à la partie supérieure du terrain silurien. Comme j’aurai à appeler l’attention sur ce point, je reproduis ici textuellement le passage qui est relatif à cette assise. « Au-dessus des couches de grès et de » schistes qui leur sont associés, on trouve aux environs de Rennes » des grauwackes schisteuses d’un rouge lie de vin et vertes qui >* alternent ensemble un grand nombre de fois . La direction NOTE DE M. DALIMIER. iai » de ces couches, constamment la même, est à Rennes E. 12° S. ; » leur inclinaison ne s’élève pas au delà de 30 degrés: c’est sans » doute ce qui fait paraître cette assise du terrain silurien aussi « épaisse . Pour connaître les couches supérieures à la grau- » wacke, il faut se transporter sur leur prolongement à l’est de » Rennes . Les couches qui recouvrent cette grauwacke au nord » de la route de Laval à Rennes complètent donc la coupe que » donne la coupe de Nantes à Rennes. » Morbihan. — Telles sont les données que nous retrouvons appli¬ quées dans les cartes géologiques spéciales des trois départements occidentaux de la Bretagne. Pour ne parler que du Morbihan, le seul qui entre dans la constitution du plateau méridional , la des¬ cription en a été présentée en 1848 par MM. Lorieux et de Fourcy. Dans ce travail fort complet et accompagné d’une carte détaillée, nous retrouvons un terrain cambrien , formant la base des roches sédimentaires et un terrain silurien composé lui-même de trois assises qui sont de bas en haut : 1° Des amas de poudingues et de grès qui offrent souvent par leur grande étendue l’apparence de véritables couches. 2° Des schistes bleus fissiles dans lesquels on trouve des bancs d’ardoise. 3° Des grauwackes renfermant sur quelques points des amas calcaires et des schistes rouges. Ce dernier niveau est celui de la grauwacke de Rennes ou du terrain psammitique. Il est assimilé par MM. Lorieux et de Fourcy à « la grauwacke fossilifère du Finistère qui dans ce dernier dépar- » tement est pétrie d’Encrines, de Trilobites, de Spirifères, de » P ro duc tus , d’Orthocères. » Il n’en est pas de même dans le Morbihan où les schistes rouges qui la représentent ne contiennent aucun fossile. On me permettra de faire mes réserves sur cette assimilation. Le Morbihan, dans l’hypothèse que je propose, suffit à démontrer que, loin d’être les contemporains de la grauwacke dévonienne, les schistes rouges sont inférieurs à toutes les assises siluriennes. Ce même département vient d’être l’objet d’une publication récente de M. Huguenin, ingénieur des mines, qui en a étudié la géologie au point de vue des gisements métallifères et en a donné une nouvelle carte qui diffère des autres à certains égards (1). (1) Coup d’œil sur la géologie du Morbihan , considérée au point de vue des gisements métallifères , par Jules Huguenin, ingénieur des mines, Paris, 1862. 132 SÉANCE DE 15 DÉCEMBRE 1862. L’auteur donne comme excuse que « toutes les cartes géologiques » actuelles dit Morbihan diffèrent entre elles, chose facile à con- » cevoir, puisqu’on est sujet, dans un travail de ce genre, à com- » mettre des erreurs par sa faute personnelle, et qu’en voulant » donner trop d’exactitude aux études qu’on se propose de faire, » il est très facile de tomber dans des sophismes. » Interrogeant la chronologie des roches, j’y trouve ce qui suit : ! supérieur. . . { Calcaires et schistes rouges. moyen . J Terrain ardoisier. inferieur. . . [ Grès et poudingues. f cambrien. Si l’on en excepte la désignation particulière de silurien supé¬ rieur, ajoutée pour un motif que j’ignore, aux schistes rouges, cette succession est encore celle de Al. Dufrénov. On trouve dans ce mémoire des données intéressantes sur les gisements stannifères de la Villeder et plombifères de Baud, et sur les minerais ferrugi¬ neux. Je passerai ces derniers sous silence, me réservant de mon¬ trer plus tard, après avoir complété mes documents déjà nom¬ breux, que les dépôts ferrugineux se présentent à des niveaux géologiques constants dans tout l’ouest de la France. Mayenne. — Quoique le plateau méridional de la Bretagne perde ses caractères orographiques en pénétrant dans la Mayenne, je dois cependant rappeler ici que les roches primaires du Mor¬ bihan, après avoir traversé l’Ille-et-Vilaine, se continuent dans ce département. Or en 1837, il a été l’objet d’une statistique miné¬ ralogique et géologique par M. Ed. Blavier, accompagnée d’une carte géologique (1). La série slratigraphique adoptée dans cet ouvrage nous offre à la base un terrain primitif comprenant le granité, le gneiss, les diorites et syénites, les pétrosilex, eurites et porphyres, les talcs et stéatites, et en dernier lieu les schistes micacés et schistes mâclifères que l’auteur serait disposé à prendre comme assise inférieure de la série suivante. Vient ensuite le terrain de transition dans lequel on peut établir 3 sections : ]° Le groupe du quartz grenu, 2° Le groupe du schiste et de la grauwacke, 3° Groupe caractérisé par la présence du calcaire marbre et de l’anthracite. On rencontre encore dans la Mayenne d’autres terrains primaires (1) Essai cle statistique minéralogique et géologique du départe¬ ment de la Mayenne , par M. Ed. Blavier, Paris, 1837. NOTE DE M. DÀLIMIEU. 133 supérieurs à ceux-ci, mais ils ne se prolongent pas dans la Bretagne proprement dite. Ille-et-Vilaine. — Le département à’ Ille-et-Vilaine est le point central de notre plateau méridional; c’est aussi, il faut le dire, celui sur lequel nous possédons le moins de documents stratigra- phiques. Il faut remontera l’année 1835, pour trouver une carte géologique de cette région, dressée par M. Toulmouche et publiée, avec une courte notice, dans les Mémoires de la Société géolo¬ gique (1). Les explications qui accompagnent cette carte nous font connaître que l’auteur distingue pour les formations anciennes : 1° Un terrain primaire, avec granité, micaschistes, schistes mâclifères et amphibolites. 2° Un terrain de transition qui renferme des phyllades tendres, argileux, micacés, des schistes rouges, des schistes ardoises. Ces roches alternent avec des couches de quartz grenu. Si cet ordre d’énumération est l’ordre stratigraphique admis par ce géologue, je m’associe pleinement à ses vues pour les roches ci-dessus; mais par ailleurs je ne pense pas avec lui que les schistes ampéliteux à Graptolites, de Poligné, sont renfermés dans l’assise des schistes rouges : ils en sont séparés au contraire par une immense épaisseur de schiste ardoisier. Cette carte serait à modi¬ fier aujourd’hui dans la délimitation des terrains, et sur nombre de points aussi, dans l’interprétation de l’âge des roches. Le département d’Ille-et-Vilaine a cependant acquis une grande célébrité, grâce au paléontologiste connu de la Bretagne, M. Rouault. Je n’ai pas besoin de rappeler que l’on doit à ce savant la con¬ naissance de la faune si riche des ardoises à Calymene Tristani; celle non moins curieuse des grès de Bretagne et enfin celle des calcaires et des schistes du terrain dévonien inférieur de Galiard et d’Izé. Cette richesse fossilifère, inconnue avant les recherches de M. Rouault, fait d'autant plus regretter l’absence de données stratigraphiques dans les mémoires de l’auteur : je ne connais de lui qu’un seul exemple de succession des roches siluriennes, cité à propos d’une note sur une nouvelle formation découverte en Bretagne (2). Il a rapport aux environs d’Ercé et de Galiard où l’on verrait : 1° au nord d’Ercé, les schistes à Calymene Tristani ; 2° (en se dirigeant sur Gahard) des grès riches en fossiles contem¬ porains de ceux de 31 a y ; 3° puis un autre grès différent dont je (1) Carte géologique d'Ille-et-Vilaine, par M. Toulmouche. • — Mémoires de la Société géologique , t. II, première partie, 1835. (2) Bulletin de la Soc. géol., t. VU, 2e sér., p. 724. m SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. parle plus loin (grès armoricain). Cet ordre est celui dans lequel sont énumérées ces trois assises; cependant ailleurs M. Rouault regarde le grès armoricain comme inférieur au grès de Gahard à faune de May. Le terrain silurien inférieur se compose pour lui de deux étages : L’inférieur (étage des schistes arcloisiers fossilifères ) comprend à sa base des schistes azoïques (Rennes) et au-dessus des schistes argileux bleus fossilifères (Bain, Poligné, Angers, Aitré, etc.). Le supérieur (étage du grès armoricain ) est composé d’un schiste rouge passant quelquefois à l’état de poudingue (Montfort), et que surmonte un grès blanc offrant les mêmes fossiles que les schistes rouges. Une pareille classification, comparée aux précédentes, transpose deux des assises siluriennes, fort éloignées l’une de l’autre par les autres géologues, pour en composer une nouvelle formation. Grès armoricain. — M. Rouault annonçait en 1849 à la Société géologique la découverte de cette nouvelle assise des terrains anciens de la Bretagne (1). Il s’agissait d’un grès régnant en strati¬ fication discordante sur les systèmes silurien et dévonien et dont un type existe sur la butte de Bon- Air dans la commune de Gahard (Ille-et-Vilaine) . Ce grès renfermait d’ailleurs des fossiles spéciaux ; il constituait une seule et même formation répandue sur une très grande étendue de pays autour de Rennes, et postérieure aux terrains dévoniens de cette région déjà reconnus. Un an plus tard (2), M. Rouault précisait sa découverte : « A » l’appui de l’idée qui constitue cette roche en une formation » nouvelle, distincte de toutes celles déjà reconnues, nous avons » découvert ici une faune toute particulière nouvelle pour la science » comme pour le pays. Elle est nouvelle pour le pays en ce sens » qu’une ou deux seulement de ses formes ont été signalées ; elle est » nouvelle pour la science, puisque le plus grand nombre des êtres » organisés qui la composent ne rappellent rien de ce qui estconnu. » Cette faune a présenté les genres : Lingula , Frœna (bilobites, Cruziana , d’Orb.), Dœdalus , Humilis, Tigillites (fucoïdes, Scolithus linearis1 Hail.), For ali tes, V ermiculites. 1) Bulletin de la Soc. géol., séance du 4 9 mars 1849. 2) Bull, de la Soc. géol., séance du 17 juin 18S0. NOTE DE M. DALIMIER. 135 L’heureux et patient chercheur qui mettait au jour cette faune bizarre, revenant sur sa première opinion stratigrapliique, recon¬ naît que cette formation est inférieure au terrain dévonien ; il la place dans le terrain silurien inférieur, au-dessus du schiste ardoi- sier et il y rattache les strates de couleur rouge qui sontsi abondantes au sud du département d’Ille-et-Yilaine. Après une pareille découverte, M. Rouault avait certes le droit d’imposer à cette assise un nom caractéristique ; toutefois, en la baptisant, il revendiqua l’honneur de la découverte de cette assise, aussi bien que de la découverte de la faune. « En considérant » l’étendue que cette formation nous semble devoir occuper à la » surface de cette contrée, où elle est reconnue pour la première » fois, . et puisque cet étage ne peut être rapporté à aucun de » ceux qui composent la série connue des terrains paléozoïques, » nous proposons de le désigner sous le nom de grès armoricain. » Cette dernière opinion provoqua les réclamations de M. Duro- cher. A la suite d’une réponse à M. Rouault sur le test des Trilo- bites, ce géologue (1) ajoutait la note suivante : « IVI. Rouault » paraît croire avoir établi le premier l’origine sédimentairedes grès » quartzites de Bretagne ; mais les divers géologues qui ont publié » des mémoires sur l’ouest de la France, tels que MM. Dufrénoy, » Elie de Beaumont, Boblaye, Rivière, Frapolli, de Fourcy et » bien d’autres, n’ont jamais attribué une autre origine à ses » roches, ni prétendu qu’elles fussent complètement dépourvues de »> fossiles. » Cette réponse à laquelle je m’associe pleinement, pour ma part, peut néanmoins paraître spécieuse pour qui n’a pas appro¬ fondi la structure géologique de la Bretagne. Pour M. Rouault, en effet, le grès armoricain est un grès supérieur aux schistes ardoisiers et lié intimement aux schistes rouges des environs de Rennes. Pour les autres, il s’agit d’une roche inférieure aux ardoises à Calymene Tristani , ardoises qui supportent au contraire les schistes rouges (grauwacke lie de vin). Rien ne prouve, h priori , qu’il n’v a pas là deux niveaux différents, solution qui laisserait partiellement subsister les deux opinions. Malheureusement j’ai cru reconnaître que, de part et d’autre, il est question de la même roche, de la même assise, et dans ce cas la vérité ne saurait être à la fois dans les deux camps. Loire-Inférieure. — Dans une des dernières séances de la Société (2), M. Cailliaud a présenté une carte de la Loire-Infé- (4) Bulletin delà Soc. gêol. , séance du 4 3 janvier 4 851. (2) Séance du 4 7 nov. 4 862. 135 SÉANCE DE 15 DÉCEMBRE 1862, rieure, renfermant de nombreux et précieux détails sur la géolo¬ gie de ce département. D’après ce savant, la partie septentrionale est traversée par des bandes de terrain silurien qui viennent de l’Ille-et- Vilaine et se prolongent vers l’est. Sur les schistes méta¬ morphiques reposent les terrains de schiste argileux ardoisier auxquels les grès et quartzites seraient toujours supérieurs. M. Cailliaud se range donc complètement à l’avis de JYJ. Rouault : les grès de Derval, de Soulvaclie, de Sion, avec lingules, bilobites et tigillites , d’après leurs caractères stratigraphiques, aussi bien que paléontologiques ne seraient que des équivalents du grès armoricain. Que penserait aujourd’hui M. Dufrénoyde cette opi¬ nion qui est en contradiction si flagrante avec celle qui ressort de la coupe des terrains compris entre Rennes et Nantes? Nous arrivons enfin à cette conclusion que deux séries strati¬ graphiques seulement ont été proposées jusqu’à ce jour. Les nom¬ breux observateurs qui ont écrit sur la Bretagne ont adopté l’une ou l’autre, sans aucune restriction. Le tableau suivant pose nette¬ ment, je pense, la difficulté, et fait comprendre qu’en présence de ces deux hypothèses, il y avait lieu de rechercher la cause de cette dissidence. Je n’ose pas me flatter de l’avoir découverte, je soumettrai du moins les observations que m’ont fournies mes études. Succession des assises primaires dans le plateau méridional de la Bretagne . D’après MM. Dufrénoy, Loiieux, de Futcy, etc. D’après M. Rouault. d. Grauwacke lie de vin (silurien supérieur de M. Huguenin). c. Schistes ardoisiers, à Calymene Tristani. b. Grès silurien, à Scolitlius linearis. . . , a. Schiste cambrien . 4. Grès contemporain de May (silurien supérieur). 2 1 Grès a Scolitlius ( b ) . X ' * Grauwacke lie de vin ( d ). . J Schistes bleus ardoisiers, à f silurien Calymene Tristani (c). . (inférieur. Et schistes verts azoïques à î la hase . J t. Schiste cambrien [a). A part quelques points de détail que je signalerai chemin faisant, trois grandes questions se posent 'naturellement : 1° Les schistes ardoisiers sont-ils ou non séparés des schistes cambriens par les grès à Scolitlius linearis ? 2° La grauwacke lie de vin de Pont-Réan est- elle ou non séparée des grès à Scolitlius par l’assise des schistes ardoisiers ? 3° Le grès armoricain doit-il constituer un nouvel étage, ou bien n’est-ce pas un niveau déjà reconnu par les géologues? NOTE DE M. DALIMIER. 137 C’est ce que je vais essayer d’éclaircir dans le chapitre suivant, où je rapporte fidèlement le résultat de mes recherches person¬ nelles. Chapitre II. — Rappel des faits observés dans le Cotentin. — Jus¬ tification des idées générales de M. Dufrénoy. — 1° Coupes et observations faisant connaître les rapports du terrain cambrien avec les schistes rouges et les grès blancs à Scolitlius. - — 2° Obser¬ vations relatives au terrain silurien moyen. Conclusions : Tableau de succession des assises primaires dans le bassin méridional de la Bretagne. Avant d’exposer les résultats de mes observations en Bretagne, je demande à rappeler ceux que m’ont fournis jusqu’ici mes études du bassin normand, c'est-à-dire du Cotentin, du Bocage, et de la partie occidentale de l’Orne. L’ensemble des faits offerts par cette vaste région me conduisait partout à la même série stratigrapliique, à laquelle j’ai dû forcément m’arrêter, et que j’ai proposée, il y a plus d’un an. On comprendra aisément pourquoi, débutant dans la science par ce travail, je me suis mis en garde contre toute généralisation anticipée; pourquoi j’ai déclaré que, malgré cer¬ taines prévisions que l’avenir justifierait peut-être, je voulais restreindre mes conclusions exclusivement aux pays que j’avais moi- même visités. Ces conclusions, on les trouvera à la seconde colonne (Normandie) du tableau qui termine ce chapitre ; et la comparaison des deux séries permettra de reconnaître que je n’ai rien eu à modifier en ce qui touche à la succession réelle des assises. La voie était d’ailleurs mieux tracée pour la Normandie que pour la Bretagne : M. Dufrénoy avait beaucoup étudié le Bocage nor¬ mand et j’ai déjà eu l’occasion de reconnaître les services qu’il a rendus à la géologie de ce pays, ainsi que l’exactitude de ses vues générales. « Avec M. Dufrénoy commencent les études raisonnées » de la superposition des terrains de sédiment . Je déclare que » mes recherches ne m’ont conduit à aucun résultat qui soit en » flagrante opposition avec cette série stratigrapliique. Mais sur » un théâtre d’études aussi vaste, ce savant a du nécessairement » négliger les détails; il a eu le mérite immense de relier les obser- » vations de ses prédécesseurs et de comprendre nettement lui— » même la structure générale de la Bretagne. » (P. 11, Stratigra¬ phie des terrains primaires du Cotentin .) Beaucoup de membres de la Société géologique savent d’ailleurs que si j’ai eu à combattre çà et là quelques opinions de M. Dufrc- 138 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. noy sur des points de détail, je me suis constitué le défenseur de ses vues d’ensemble sur la Bretagne et je les défendrai par tous les arguments possibles contre d’autres opinions qui ont aujourd’hui quelques partisans. Dans ma modeste sphère, j’ai déjà réussi, je crois, à ébranler à cet égard les convictions de plusieurs géo¬ logues; ce sera encore là, j’espère, le résultat de ce nouveau mémoire. Laissons un instant de côté toute idée préconçue et demandons à la seule observation directe la réponse aux questions qui ter¬ minent le premier chapitre. 11 faut parcourir du nord au sud toute la largeur du plateau méridional, et suivre autant que possible les vallées perpendiculaires à la direction des couches pour rencontrer des contacts et des exemples de superposition. Je choisis, entre toutes, la ligne suivante qui m’a semblé des plus instructives. 1° De Bécherel a Montfort-sur-Meu , Paimpont , Plélan [Ille-et- Vilaine^] Beignon , Carentoir, etc. ( Morbihan ) (fig. 1). Je ne veux pas dire que cette coupe suffise pour éclairer complètement le géologue; je donnerai du moins les observations que j’y ai faites, espérant qu’un jour quelqu’un viendra les contrôler, et les rectifier au besoin. Or, si l’on monte, à Bécherel, sur le haut de la chaîne grani¬ tique qui sur la carte géologique de France court E.-O. , au nord de tiennes, on trouve en marchant au sud les assises suivantes. Le granité forme le sol de la route d’Irodouer, accompagné de roches et de minéraux variés; des boules d’amphibolite apparaissent particulièrement au niveau du village de l’Epine-Douce. Puis, à la roche éruptive succèdent des grauwackes grises, terreuses, avec des taches ferrugineuses et des points colorés : elles rappellent les roches analogues de Villedieu (Manche) que M. Dufrénoy a signa¬ lées comme inférieures au grès rouge de Clecy. A la hauteur du Rocher, ces phyllades renferment des quartzites compactes d’un blanc jaunâtre ou tirant sur le bleu : on les voit en fragments dans une terre argileuse, sans qu’il soit possible d’en lire la stratification. Plus loin, ce sont de véritables phyllades en lits minces, avec quartz noduleux ; puis des schistes bleuâtres alternant avec des grauwackes terreuses presque verticales, dirigées de E. 15° N. à O. 15° S. On observe dans ces schistes un gaufrage tout spécial formé de lignes parallèles légèrement ondulées qui, au premier aspect, rappellent des empreintes de tiges d’équisétacées : j’ai retrouvé ce caractère sur un grand nombre de points dans les roches cambriennes. Depuis Bédée jusqu’à Montfort-sur-Meu, les mêmes assises se con- NOTE DE M. DALIMIER. 139 tinuent présentant deux variétés de roches (1) : les schistes argileux ou phyllades (thonschiefer des Allemands) et les psammites schis¬ te ïd es (grauwaeken schiefer, grauwacke ancienne). On peut rap¬ porter à ces deux types toutes les roches comprises sous le n° 2 du tableau, en y joignant les accidents quartzeux qui ne sont que locaux . La ville de Montfort-sur-Meu est construite sur des schistes azoïques d’une couleur bleu verdâtre, dans lesquels coule le Meu. On les observe particulièrement en gravissant la côte qui domine la ville sur la route de Plélan; mais ici, on passe brusquement à une nouvelle assise. Une carrière est ouverte sur la hauteur dans un poudingue rouge dont je donnerai en deux mots la description, en disant qu’il n’est pas possible de le distinguer de celui de Clecy (Calvados). Il plonge de 70° au moins vers S. 15° E., sans qu’aucun doute puisse être élevé sur cette direction. Les assises qu’il supporte et auxquelles il se lie insensiblement, sont beaucoup plus schis¬ teuses, et d’une couleur pourprée ou lie de vin ; elles forment la surface du sol jusqu’au village de Bouillon. Si en ce point, on s’écarte un peu à gauche de la route pour atteindre les vastes carrières de l’Asnière, au-dessus des schistes rouges qui plongent constamment vers S. 15° E., mais de 25 à 30 degrés seulement, on rencontrera des bancs épais de grès, pétris par places de débris du Scolithus linearis (Hall.), c’est-à-dire de tiges perpendiculaires à la surface des bancs; la partie la plus profonde des carrières offre des grès rouges à la surface des bancs, plus bleus dans l’intérieur ; et la partie superficielle, au contraire, des grès blancs plus tendres alternant avec des lits d’argile blanche, caractère cjue nous retrou¬ verons ailleurs. Les bancs atteignent lm, 50 d’épaisseur ; leur sur¬ face, plane dans son ensemble, présente en détail de nombreuses irrégularités dont aucune ne m'a semblé rappeler des formes orga¬ niques. Ces grès couvrent la majeure partie de la forêt de Montfort et ils disparaissent dans la lande qui se trouve au delà du Haut du Coût. Hans cette partie plus profonde du sol se montrent de nouveau des bandes de schistes de couleur lie de vin, très quartzeux, toujours dirigés de E. 15° N. à O 15° S. et qui se continuent jusqu’au delà de Saint-Péran, formant çà et là de petites têtes de rochers, exploités pour l’entretien des roules a cause de leur dureté, et traversés d’un grand nombre de filets blancs quartzeux. J’y ai rencontré également des tiges de Scolithus . Au delà de Saint- (1) Stratigraphie des terrains primaires du Cotentin , p. 20. !ZiO SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. Péran, ils présentent cette anomalie, qu’ils plongent vers E. 15° O., mais après avoir dépassé le fond de la vallée ( . 108), on les retrouve avec leur plongeinent ordinaire vers S. 15° E. C’est donc là une cassure évidente; le ruisseau du Serein y prend sa source. L’immense forêt de Paimpont s’étend à la droite du voyageur, qui en découvre au loin les crêtes quartzeuses. En montant la côte qui conduit à la lande élevée de Halgros, on observe, au-dessus des schistes rouges, d’abord des grès roses, puis des grès blancs dans lesquels abondent les Scolithus : ils couvrent un vaste plateau qui se continue à l’ouest et à l’est. A l’ouest on les retrouve à Concoret et jusqu’auprès de Mauron dans le Morbihan; à l’est, si vous prolongez cette bande en inclinant un peu vers le sud, vous rencontrez Tréfendel, Goven, Guichen, Orgères etc., localités connues depuis longtemps soit pour la présence des schistes rouges, soit pour les Lingules, les Bilobites, les Scolithus et autres fossiles qui tous viennent nous apprendre que les grès qui sont sous nos yeux à Plélan constituent ce que M. Rouault a voulu désigner sous le nom de grès armoricain. Comme d’un autre côté, ce sont là les types des grès de Bretagne connus et cités de tout temps, il ressort de ce que je viens de dire, que le grès armoricain n'est pas un étage nouveau , et de plus, que ces grès se lient toujours dans cette région aux schistes et grauwackes lie de vin. J’ai parcouru dans plusieurs sens la forêt de Paimpont, et j’ai acquis la conviction que le sous-sol en est partout formé par les schistes rouges qui apparaissent dans les lits des ruisseaux : les grès à liges en forment toutes les parties culminantes, en présentant sur beaucoup de points à leur surface des minerais d’hydroxyde de fer (la Gelée, la ville d’Anet, etc.); ces minerais, ainsi que quelques autres du Morbihan, alimentent les forges importantes de Paimpont. Au delà de cette forêt, si on traverse le pont du Secret, pour mettre le pied sur le département du Morbihan, on retrouve les mêmes faits de succession, si ce n’est cependant que les roches semblent plus tourmentées. La lande de Beignon est constituée par des schistes rouges diversement inclinés, quelquefois verticaux, mais plongeant généralement vers le INf.-N.-O. Ils dessinent des crêtes pittoresques, c’est dire qu’ici, comme à Saint-Péran, ils sont quarlzeux. On voit sortir de dessous des. schistes généralement d’un vert clair, ou rose, un peu ardoisiers, qui alternent avec des lits de poudingue très quartzeux. Au delà de Saint-Malo-de-Bei- gnon, les schistes rouges reparaissent plongeant encore au nord, et là encore, ils sont couronnés sur le flanc nord par des grès qui NOTE DE M. DAL1MIER. 141 renferment des tiges et des bilobites. Sur le haut de Coquidan (Coat-quidam), on retrouve même un minerai ferrugineux, aujourd’hui abandonné (1). L’aspect général du pays est ici tout différent de ce que nous avons vu dans l’Ille-et-Vilaine ; le sol beaucoup plus bouleversé; la variation des roches, beaucoup plus grande. J’arrête ici la coupe que je viens d’esquisser, en faisant remarquer toutefois que c’est au sud que se présentent les bandes des schistes fossilifères à Calymene Tristani de Caro, de Monte- neuf, etc., et qu’on retrouve au sud plusieurs fois jusqu’à Redon. J’ai parcouru toute cette région ; mais je crois que beaucoup de découvertes restent encore à y faire; et ce n’est pas là que je cher¬ cherai des preuves solides relativement à la position des ardoises fossilifères. Pont-Réan , — Guichen (Ille-et-Vilaine), fig. 2 (B). — Pour en finir avec les schistes rouges, transportons-nous à 6 lieues à l’est de Plélan ; nous rencontrons une plaine basse recouverte par des sables, cailloux et calcaires tertiaires ou quaternaires : c’est le bassin de Rennes; le sous-sol est formé par des schistes verdâtres, prolon¬ gement de ceux de Montfort, schistes que l’on retrouve beaucoup plus loin encore à l’est, à Châteaugiron, par exemple et au delà. Ils sont azoïques ; j’y vois les équivalents évidents des phyllades de Saint-Lô. La limite méridionale de ce bassin nous les montre plongeant au sud, et sur eux nous voyons reposer des schistes et grauwackes lie de vin, associés à des lits de grès jaunâtres; il y a même alternance au contact avec les schistes inférieurs (M. Du- frénoy) (2). Les couches plongent au sud un peu est; elles sont exploitées dans d’immenses carrières à Pont-Réan ; c’est encore la continuation de la pierre rouge de Montfort. La roche offre moins de poudingues et en plus grande abondance ce qu’on appelle vulgairement Cahot ou pierre d' Orgères ; mais tout le monde s’est accordé et avec raison, à reconnaître là l’assise de Montfort. Au pied même du coteau les couches sont verticales; d’autres au- dessus sont plus faiblement inclinées; et en s’avançant dans le sens du plongement, c’est-à-dire au sud, on voit reposer directe¬ ment sur ces roches des grès riches en fossiles tels que Bilobites, Lingules, Scolithus, dont l’analogie avec les grès de Plélan est des plus frappantes. Icijnême, comme dans les carrières de l’Àsnière, (1) Un camp fut établi dans ces landes, il y a une vingtaine d’an, nées; nos soldats se servaient des déblais des carrières comme de rem¬ parts, et donnaient l’assaut sur ces terrassements. (2) Explication de la carte de la France , Presqu'île de Bretagne . SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862» 142 la partie supérieure des grès est composée de bancs moins épais séparés par des lits d’argile feldspathiques ; ces grès exploités dans plusieurs carrières sont voisins de la ville de Guichen vers laquelle ils plongent (de 25° vers S. 5° E,). Les roches lie de vin dont je viens de parler et dont les coupes précédentes montrent si nettement l’intercalation entre les schistes cambriens et les grès à tiges, disparaissent du côté de l’est dans le département de la Maye nne. C’est avec cette pierre qu’a été construit le célèbre monument druidique de la Roche-aux-Fées, situé à 3 kilomètres au N. O. de Rhetiers; l’étage des schistes rouges existe en effet non loin de là, circonstance qui ne suffit pas cependant pour expliquer le déploie¬ ment de forces qu’a exigé le transport de masses si importantes. 2° Route cle Derval [Loire- Inférieure') à Rennes (fîg. 2, A.). — P aligné , Bo u rg-cles- Comp tes , Guichen. — J’ai avancé en commen¬ çant que dans l’intérieur de la Bretagne, comme dans la Nor¬ mandie, où les faits sont évidents, le dépôt des grès à tiges est antérieur au dépôt des ardoises ; une note sur les environs de Fa¬ laise, insérée l’année dernière dans le Bulletin de la Société géo¬ logique était la confirmation de cette opinion ; on y voit en effet trois assises siluriennes rapprochées sur un faible espace, sans qu’il puisse être éievé de doutes sur l’ordre de succession. Or, depuis les travaux de M. Dufrénov, la coupe de Nantes à Rennes, qui élucide cette question, est devenue classique; mais comme ce savant géologue n’indiquait l’ordre stratigraphique que d’une manière générale sans préciser les points où il avait vu la superposition, la discussion est restée sur le terrain des généralités, et le problème n’a pas été définitivement résolu. Il me semble que si, profitant des découvertes récentes, on distingue les grès silu¬ riens d’âges différents, la vérité est dans l’opinion de M. Dufrénoy, modifiée de la sorte : Les grès à Scolithus qui constituent la masse principale clés grès siluriens sont antérieurs aux ardoises à Caly~ mene Tristani. Je ne veux examiner, pour le démontrer, que le bassin compris entre Bain et les hauteurs de Pont-Réan (Ille-et- Vilaine), bassin au centre duquel se trouvent un point culminant, Poligné, et les sommités gréseuses de Guichen. Partons du haut des crêtes quartzeuses de Bain qui nous servi¬ ront de point de repère à cause des Lingules et des Scolithus qu’elles renferment; en descendant au nord, nous ne tardons pas â ren¬ contrer les schistes ardoisiers fossilifères qui plongent vers N. 15 à 20° O. et se continuent jusqu’à Poligné. Les Calymene Tristani Orthocères, Trinucleus> Orthis reduxy etc., suffisent pour en carac- NOTE DK M. DALIMIER. 1A3 tériser l’âge. A la hauteur de Saint-Saturnin et de la Renoulais, on voit à l’ouest un escarpement de grès dans lesquels je n’ai pas découvert de fossiles. Je ne sais comment ils se relient au sud avec les ardoises, mais ce qui est certain, c’est que de l’autre côté ils plongent fortement vers le nord et supportent de la façon la plus évidente d’abord un minerai de fer, puis les schistes ardoisiers à Trinucleus qui sont exploités un peu plus loin sur les bords du Senmon. A quelques pas de là les roches se relèvent brusquement de l’autre côté de la rivière et forment un tertre dans lequel on découvre : 1° Des schistes charbonneux avec Graptolitcs colonus , employés pour des peintures grossières; 2° Au-dessous, des grès azoïques plongeant, comme l’assise pré¬ cédente, fortement au sud et formant des lits très minces, de véritables plaquettes. C’est dans ce tertre qu’est situé le prétendu volcan de Poligné. Au delà on voit les ardoises sortir de dessous les grès et plonger encore au sud, de sorte qu’en ce point on trouve la superposition des ardoises, de grès azoïques peu épais et de schistes ampéliteux. A peu de distance à l’ouest, les schistes se continuent, riches en fossiles, dans une coupe artificielle, le long des bords de la Vilaine, de Pléchatel à Bourg-des-Comples et au village du Glanret. Ici encore recommencent des grès ; mais remarquons qu’après avoir observé longtemps les ardoises plongeant au nord, on les voit se courber tout à coup en sens inverse, en dessinant un plissement des plus nets. Elles s’appuient sur des grès exploités en ce point, lesquels se retrouvent de l’autre côté à Bourg-des-Comptes et se relient aux hauteurs de Crevin : j’y ai trouvé des traces de fossiles animaux. Un plateau élevé nous sépare de Guichen; les grès en occupent la majeure partie ; mais au JN. de Guichen on voit de nouveau les ardoises reposer sur eux et plonger au nord pour redevenir ensuite verticales et se redresser vers les hauteurs de la Provostais. En ce lieu reprennent les véritables grès inférieurs, associés aux schistes rouges, dont j’ai parlé plus haut; ils supportent les ardoises fossilifères. Telle est, en tenant compte du véritable plongement des roches, la succession que l’on observe. Du côté de la Loire-Inférieure, mêmes faits de superposition dans les landes de Fougerais et à Derval, ainsi que dans le prolon¬ gement de ces couches en Maine-et-Loire où je les ai visitées tout récemment. Il me semble donc inutile de multiplier davantage les citations. SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. m Conclusions . — Les faits qui précèdent conduisent à des conclu¬ sions dont quelques-unes sont en contradiction avec celles qui ont été énoncées jusqu’ici sur la Bretagne. Je résume mes opinions, en ce qui touche aux points de dissidence. A. La grauwacke lie de vin des environs de Rennes n’est pas l’équivalent delà grauwacke dévonienne, pas plus que du silurien supérieur. Elle n’est pas antérieure, comme l’a affirmé M. Rouault, aux schistes bleus ardoisiers. Je l’ai toujours vue reposant en stra¬ tification concordante ou discordante sur les phyllades azoïques que tout le monde doit rattacher à notre terrain cambrien. On voit même l’alternance entre cette grauwacke et les schistes infé¬ rieurs dans la partie septentrionale de la bande marquée (/1 * 3) sur la carie de France, au sud de la ville de Rennes. — Je regarde cette assise comme synchronique des poudingues de Glecy; opi¬ nion fondée aussi bien sur les rapports stratigraphiques que sur le caractère lithologique (1). B. Les grès à Scolithus linearis (Hall), depuis longtemps signalés et les grès armoricains de M. Marie Rouault, sont un seul et même système, identique avec lui-même dans toute la Bretagne. Ils se relient au nord du plateau avec la grauwacke lie de vin, et montrent même des alternances au contact. On ne saurait donc en aucune façon les placer au-dessus des ardoises à Calymene Tris - tnni; les grès que l’on rencontre çà et là superposés à cette der¬ nière roche ne sont pas de l’âge des premiers et s’en distinguent par la faune. Il est vrai qu’au lieu de présenter des bandes d’une grande con¬ tinuité, ils sont fréquemment interrompus et constituent plutôt des amas que des couches régulières. C’est ce qui explique com¬ ment sur certains points les ardoises fossilifères semblent reposer directement sur les roches plus anciennes; Les fossiles y sont le plus souvent très rares et ne se rencontrent que par places : les Lingules, les Scolithus , les Bilobites sont les débris les plus impor¬ tants de ce niveau ; et ces deux derniers sont plus répandus que les autres. — - Un minerai ferrugineux repose souvent sur la partie supérieure de ces grès (Paimpont, Coquidan, comme à Morlain et à Cherbourg). C. Les schistes ardoisiers ne sont pas, comme on l’a affirmé, en relation directe avec les schistes verts azoïques ; ce fait peut se pré- (1) Depuis la communication de ce mémoire, la même opinion m’a été exprimée par M. Bonissent qui explore déjà depuis de longues années le département de la Manche. NOTE DE M. DALIMIER. 1Z|5 senter en effet; la cause en est dans l’absence des assises intermé¬ diaires. Au nord du plateau où la série est complète, on trouve, entre eux et les schistes verts, les assises 3 et 4 du tableau ci- contre. Les ardoises sont exploitables sur quelques points, parti¬ culièrement dans le fond de vallées étroites où les schistes ont dû se plier en Y d’un angle fort aigu. On trouve des grès intercalés dans cette assise, sous forme de grandes lentilles, accompagnés parfois d’un minerai de fer : c’est dans ces grès seuls que j’ai dé¬ couvert des espèces animales fossiles de la faune seconde. Quant aux ardoises, tout le monde connaît leur richesse à cet égard; il y aurait toutefois lieu d’étudier la distribution des genres dans les nombreux lambeaux de cette assise; étude qui serait profitable pour la classification des diverses couches d’ardoises. Sans vouloir rien préjuger sur cette question difficile et cl’une solution pénible, il m’a semblé cependant que l’abondance des Trinucleus caracté¬ rise les schistes les plus voisins des ampélites, c’est-à-dire la partie supérieure. D. L’étage des schistes ampéliteux à Graptolites , qui n’a pas été mis au jour aux environs de Gahard, mais qui est si développé à Poligné, se rattache là comme ailleurs, à une assise de grès où je n’ai jamais vu de fossiles. — Je ne les ai jamais rencontrés en Bretagne en relation directe avec les grès contemporains de ceux de May. Tels sont les quatre points sur lesquels j’appelle plus spécia¬ lement l’attention. Le tableau suivant résume d’ailleurs l’en¬ semble des étages et en offre la série complète, telle que je la con¬ çois aujourd’hui. On y trouve dans la première colonne une classification des ter¬ rains que je ne prétends appliquer qu’à la Bretagne et à la Nor¬ mandie. Les trois dernières colonnes indiquent seulement les assises que je crois synchroniques en Angleterre, en Espagne et en Amérique et ne doivent pas être regardées comme exprimant la série complète des terrains primaires dans ces trois pays. Soc . géoh, 2e série, tome XX. 10 Tableau général des assises 'primaires qui constituent le plateau méridional de la Bretagne. 1Z|6 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. NOTE DE M. DALIMIER. U7 Chapitre III. — I. Coup d'œil sur les dépôts synchroniques ( Nor¬ mandie ■, Espagne, Angleterre, Amérique). II. Comparaison avec les théories énoncées dans le premier chapitre. III. Idées théoriques sur la jormation des dépôts primaires en Bre¬ tagne. I. Dans le tableau qui précède, j’aurais pu multiplier les cita¬ tions de localités synchroniques, mais celles que j’ai indiquées suffisent pour montrer l’uniformité sur toute la terre, des lois géologiques. J’ajouterai d’ailleurs les explications suivantes sur chaque assise : 1 et 2. — Terrain cambrien. — Depuis quelques années, on a introduit dans la science les expressions de système laurentien (Canada) et humnien (bords du lac Huron), pour désigner des as¬ sises connues en France depuis plus de soixante ans. Les auteurs qui ont écrit sur la Bretagne à la fin du siècle dernier reconnais¬ saient déjà l’existence d’un gneiss à la base de toutes les roches stratifiées. Ce gneiss avait été compris par les géologues suivants dans les terrains prirnitijs , ou, plus récemment dans le terrain cam¬ brien. C’est donc là l’équivalent découvert depuis longtemps des gneiss laurentiens du Canada, ou du gneiss fondamental que M. Murchison indique dans l’Ecosse, et qu’il vient de retrouver sur quelques autres points du continent. Les assises qui fout suite au gneiss sont des phyllades luisantes généralement vertes, ou des grauwaekes terreuses : ces roches sont métamorphiques par places. Partout on y retrouve l’aspect des schistes de Saint-Lô (1) ; le bassin de Rennes, à Montfort ou à Châteaugiron, par exemple, nous en offre d’excellents types. L’avenir nous réserve peut-être de trouver dans ces phyllades la faune primordiale. Pour le moment, il est permis de les rappro¬ cher du Système huronien des géologues américains. 3 et h. — Schistes rouges et grès à Scolithus. — J’assimile la pre¬ mière de ces assises aux grès pourprés d’Ecosse, non que j’en aie des preuves paléontologiques, mais il est si frappant de voir dans ce pays les conglomérats et grès pourprés supporter les grès à aré¬ nicoles et ensuite les calcaires à faune seconde, que la coïncidence de succession de ces trois horizons permet un tel rapprochement. Je crois aussi que le poudingue de Clecy est l’équivalent de ces memes (1 ) Voyez mon Mémoire sur la stratigraphie des terrains primaires du Cotentin , chap. îl. SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. US schistes rouges; ce dernier repose comme celui de Montfort sur des phyllades cambriennes, en tous points semblables à celles deCondé- sur-Noireau; d’un autre côté, comme aspect minéralogique, il serait bien difficile de distinguer certains échantillons de Clecy d’avec ceux de la brèche de Talensac ou de Montfort. Lorsque je traversai cette dernière ville pour la première fois, je fus vivement frappé, .en voyant les maisons construites avec une brèche rouge qui me rappela immédiatement celle de Tliorigny-sur-Vire ou du Cal¬ vados, et la stratigraphie a confirmé pour moi l’exactitude de cette première pensée. Une analogie de plus, c’est l’existence, dans cette assise, dans le Morbihan, comme en Normandie, d’un calcaire compacte et azoique qui ne se présente d’ailleurs que sous forme d’amas très rares. Les grès à ScoUthus forment un horizon constant. Les Stiper- stoncs d’Angleterre (Schropschire) avec Bilobites semiplicata (1), et les Lingula flags du pays de Galles semblent en être les équi¬ valents. Quant au grès de Postdam, dans lequel on a récemment découvert des formes trilobitiques de la faune primordiale, ils renferment le véritable type du Scolithus linearis (Hall). Je ren¬ voie sur cette question à ma note sur les terrains primaires des environs de Falaise (2). Ces grès sont différents de ceux qui, en Amérique, renferment les bilobites (grès de Médina, appartenant au Clinton group ), car ces derniers ont été placés par M. de Verneuil à la base du terrain silurien supérieur. Cette position est à peu près celle des grès à bilobites de l’Espagne : je désire insister sur ce point. Pour les ha¬ biles observateurs qui nous ont fait connaître ce pays, les grès à fucoïdes (bilobites et tiges), sont immédiatement au-dessous des couches à Cardiolci interrupta (Sierra Morena, montagne de To¬ lède, province de Madrid de et Salamanque). Je ne sais pas toutefois, pour le dire en passant, si M. Paillette n’avait pas une opinion différente au sujet de la province des Asturies. Dans une note du 5 février 1855, M. Casiano de Prado ne se prononce pas d’une ma¬ nière positive sur les rapports de superposition des grès et des schistes à Calymene Tristani ; il reconnaît que les grès passent par¬ fois aux poudingues, qu’ils forment des crêtes découpées et souvent alternent avec les schistes. « Ce n’est, dit-il, que dans les grès situés » au milieu des schistes que l’on voit des fossiles animaux, Caly- (1 ) Voyez Siliiricin systcm et Silurin , par M. Murchison. (2) Bulletin de la Soc. géol.f séance du 5 mai 4 862. NOTE DE AI. DALIM1ER. ihO » mènes, etc., etc. (1). * Toutes ces remarques peuvent s’appliquer textuellement à la Bretagne ; mais ce qui est différent, c’est que, pour ce géologue, les grès à tiges sont supérieurs à tout ce système. On doit accepter un résultat appuyé d’autorités si compétentes. ]N’est-il pas permis toutefois de se demander pourquoi, dans la province de Léon, les grès à bilobi tes sont en contact avec les cal¬ caires qui renferment la faune primordiale, et pourquoi aussi dans la coupe de Los Cortijos de Malagon, on voit les grès à tiges repo¬ ser pour ainsi dire sur les couches à Ellipsocephcilus? Quel est le sens de ce rapprochement ? 5, 6, 7. — Embrassant dans leur ensemble les trois assises sui¬ vantes, je ferai d’abord remarquer la similitude parfaite dans toute la Bretagne des schistes à faune seconde silurienne, du moins au point de vue paléontologique. Quanta la roche, elle est tantôt une ardoise, tantôt un schiste terreux, jaunâtre et ferrugineux. L’identité avec l’Espagne est des plus frappantes; elle se poursuit jusque dans la présence des couches charbonneuses nommées Âmpelitcs, où abondent les graptolites. Elles y servent, dit M. Ga- siano de Prado, à fabriquer des crayons ou des peintures gros¬ sières : or, à Poligné, à six lieues au sud de Rennes, elles ont le même usage. Elles y sont associées à des grès sans fossiles, comme celles que j’ai signalées au nord-est de Mortain (Croix-Robine), ou celles que M. Michel a citées à la butte Gripon, au nord de Dom- front. Dès 1837, M. Blavier les avait rencontrées au milieu des bancs épais de quartzites du Chatellier (arrondissement de Dom- front). L’existence de ces fossiles coïncide avec ce que nous offre l’Amé¬ rique où les schistes d’Hudson-River abondent en débris de même nature. 8, 9. — C’est au nord seulement du plateau méridional de la Bre¬ tagne que l’on trouve, à l’état de lambeaux, d’abord les grès de Gahard que M. Rouault a assimilés à ceux de May; puis les grauwaekes et calcaires du terrain dévonien inférieur. Ce n’est pas ici le lieu d’en parler. On remarquera cependant l’absence du niveau de la Ccirdiolci interrupta qui ne se rencontre que beaucoup plus à l’est, et qui est si connue dans le bassin normand. Tous les rapprochements que je viens de signaler, en mettant de côté quelques points douteux peu importants, viennent nous montrer partout, à la même époque, l’apparition simultanée des animaux les plus minimes, les plus insignifiants en apparence. (4) Bull, de la Suc. , géol., séance du 5 février 4 855. 150 SÉANCE DU \ 5 DÉCEMBRE 1862. Iï. Après cette revue rapide des terrains synchroniques, à l’étranger, je reviens à la Bretagne pour signaler les résultats des différences qui existent entre les opinions que j’ai énoncées, et les précédentes théories. Je sais combien ont été consciencieux les travaux de MM. les ingénieurs des mines, chargés des cartes géologiques de Bretagne, «t cette raison même me faisait espérer de trouver dans leurs écrits des faits inexpliqués, de leur propre aveu, en partant de leurs idées stratigraphiques. C’est précisément ce qui arrive au sujet de l’assise des schistes rouges. MM. Lorieux et de Fourcy font remarquer que, dans la coupe du pont du Secret à la Gacilly, on voit une série de rides dont les sommets sont formés par les quartzites, et les creux par les schistes; et les schistes rouges semblent souvent reposer direc¬ tement sur les quartzites, sans l’intermédiaire des schistes argi¬ leux qui séparent d' ordinaire ces deux assises. Ce fait, pour eux, peut tenir à ce que le dépôt de ces schistes n’a pas recouvert en totalité l’assise des quartzites, ou à ce que la terre végétale masque en quelques points l’affleurement des schistes argileux. — Je de¬ mande ici la permission de proposer une explication qui se pré¬ sente d’elle-même, en partant de mon point de vue. Les schistes rouges du fond des vallées des environs du pont du Secret (forêt de Paitnpont, par exemple) supportent les quartzites au lieu de leur être de beaucoup postérieurs ; je me suis efforcé de le mon¬ trer dans le second chapitre : le contact de ces deux assises, dès lors, ne me semble plus une difficulté. Je trouve dans l’explication de la carte du Morbihan un fait bien plus significatif encore, et qui ajoute à mes raisons précé¬ demment exposées une preuve de saine induction. MM. Lorieux et de Fourcy rappellent que, lorsque M. Dufrénoy voulut tracer sur la carte de France la limite entre le terrain cambrien et le terrain silurien, à l’ouest du bassin central, il adopta une ligne s’écartant peu de la route de Ploermel à Dinan. A défaut d’autre motif, il s’était servi de celui-ci, à savoir que les bandes de grès quartzeux dirigées de l’est à l’ouest viennent toutes se terminer à peu près sur cette ligne. Plus tard les deux ingénieurs, dont je viens de citer les noms, ont fait aussi cette remarque que la même délimitation peut s’obtenir en se servant des schistes rouges. — Or si dans la série des temps la mer des grès siluriens et celle des schistes rouges avaient été séparées l’une de l’autre par l’im¬ mense dépôt des ardoises, on concevrait difficilement qu’elles eussent conservé exactement le même rivage occidental. Ce fait NOTE DE M. DALIMIER. 151 d’observation d’une remarquable exactitude, signalé par ces di¬ vers géologues, ne s’explique-t-il pas au contraire bien aisément, en regardant l’étage des schistes rouges comme intimement lié à celui des grès? Enfin les observations de directions ont fourni aussi des preuves démonstratives à ces deux géologues qui reconnaissent que la di¬ rection générale des schistes rouges est E. 12° S. et se rapporte ainsi parfaitement à celle du soulèvement qui a suivi le dépôt de la formation silurienne. Je pense que les localités auxquelles il est fait allusion ici, ne sont pas celles que j’ai moi-même visitées; car, j’ai le regret de le dire, malgré de patients efforts, je n’ai pas pu employer ce critérium dans mes recherches. — En consultant mon journal de voyages, je trouve comme directions des schistes rouges : A Montfort, plongement de 70° vers le S. 1 5 à 20° E. A Beignon, plongement généralement vers le N. -N. -O. (landes). A Pont-Réan, plongement de 45° N. jusqu’à la verticale vers le S. quelques degrés E. Je ne suis pas le seul à faire ces remarques : on lit en efïet dans la description du Morbihan, par M. Huguenin, que les schistes rouges, à Monteneuf, par exemple, ont la direction O. -E., et leur inclinaison varie entre 45° JN . et la verticale (p. à5 et ailleurs). — La route de Campénéac à Plélan coupe une formation étendue de schistes rouges, avec la même direction et la même inclinaison. L’auteur ajoute que, pour lui, c’est justement dans ce fait qu’il faut chercher la base du raisonnement qui conduit à faire de ces roches une troisième subdivision des dépôts siluriens dans le .Mor¬ bihan ; et, plus loin, il signale au nord de cette assise les schistes fossilifères de Monteneuf comme plongeant aussi vers le nord. Il est vrai que M. Huguenin a trouvé là une faune toute spéciale dans les ardoises : il cite : Calymene Blumenbachii , Orthoceras ludense} Strophonema grandis , Spirijer , etc. fossiles qui font tous supposer, dit-il, que cette formation appar¬ tient aux assises inférieures des dépôts siluriens. Je me propose de visiter cette localité qui fournirait ainsi des fossiles inconnus en Bretagne, caractéristiques des dépôts diluviens supérieurs. Mais s’il s’agit seulement, comme je le présume, des 152 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 18G2, ardoises à Calymene Tristani , c’est un fait de plus à ajouter à la liste de ceux qui font placer les schistes rouges à la base du terrain silurien. Le même ingénieur signale une autre anomalie (p, kl du Coup d'œil sur la géologie du Morbihan). « Les schistes rouges apparie - *> nant à la troisième période de la formation silurienne dans la » Bretagne, que nous avons vus entre Malestroit et Rochefort, » et que nous rencontrons près de la Villecler, se retrouvent dans » la formation cambrienne, au S. de Josselin, et ce fait demande » une recherche attentive. » La série que j’ai proposée résout encore cette difficulté ; c’est un fait constant et cité par M. Dufré- noy lui-même, que, dans l’Ille-et-Vilaine, il y a contact et sou¬ vent alternance entre la grauwacke rouge et les schistes verts de Bennes; ceux-ci sont cambriens; les schistes rouges qui, pour nous, constituent l’assise immédiatement supérieure, doivent donc se trouver en contact avec eux, et leur assigner une autre place, c’est méconnaître ce fait de superposition. Je me borne à ces quelques exemples ; mais on en trouve bien d’autres du même genre, dans les auteurs en question ; on pourra se convaincre qu’en admettant leur série stratigraphique, bien des faits demeurent inexpliqués; et pour parler le langage de l’un d’eux , « bien des problèmes resteraient encore à résoudre concer¬ nant la géologie de la Bretagne. » Pour passer à l’opinion de M. Rouault, qui diffère comme on l’a vu de la précédente, elle conduit à une conséquence que je re¬ grette de ne pouvoir admettre. C’est un fait acquis à la science, que les schistes rouges alternent au contact avec les grès à tiges, et M. Rouault a même montré qu’ils ont une faune commune. Or, ne pouvant séparer ces deux assises, nous devons forcément les placer toutes les deux au-dessus des ardoises, ou toutes les deux au-dessous. La première hypothèse est combattue, à mon avis : 1° par les relations qui existent d’un bout à l’autre du plateau méridional entre les schistes rouges et les phyllades cambriennes; 2° par la nécessité où l’on serait de placer la masse principale des grès de Bretagne au-dessus des ardoises, puisqu’ils renferment sur un si grand nombre de points une même faune et qu’ils doivent, en appliquant les lois élémentaires de la géologie, être regardés comme synchroniques. Reste la seconde hypothèse; c’est celle que je propose et qui me semble rendre compte des difficultés reconnues par les géolo¬ gues qui m’ont précédé dans ce pays : c’est aussi celle qui ressort de l’observation directe. NOTE DE M. DALIJïlIER. 15 3 111. Il y a dans toute la Bretagne un fait constant qui frappe dès l’abord les yeux du voyageur : c’est cette position des grès si¬ luriens sur les sommets les plus élevés, en même temps que celle des ardoises dans le fond des vallées. Du haut des crêtes quartzenses, reportant la pensée sur l’ancien état du bassin breton avant l’émergence complète du sol, j’ai souvent cherché à péné¬ trer les secrets des perturbations postérieures aux dépôts des cou¬ ches. Il m’a semblé qu’après le dépôt des schistes cambriens, le sol s’était ridé suivant des directions peu éloignées de la ligne O. E. , et je suis porté à croire que ce fait coïncida avec l’éruption d’une partie des granités de la côte septentrionale. Nous ne voyons en Bretagne qu’une portion de cette bande éruptive ; mais en Nor¬ mandie, au sud du Cotentin, nous la retrouvons dans toute son épaisseur, depuis Vire jusqu’auprès de Laval. Tandis qu’au nord se déposaient, sur les rivages, les poudingues de Ciecy et les schistes ou grès pourprés qui les continuent depuis Falaise jusqu’à Coutances, au sud, se formait l’assise des pou¬ dingues de Montfort et des grauvvackes lie de vin. Cette coloration ainsi que la nature schisteuse n’étaient toutefois que locales sur chacun de ces rivages, et, d’une manière générale, on peut dire que c’était l’époque du dépôt des grès pourprés et des grès blancs siliceux. Ces mêmes couches se déposèrent, par places, au milieu de la mer silurienne dont le fond était probablement bien inégal. Les grès des parties culminantes furent les premiers mis à décou¬ vert lorsque la mer se retira. C’est alors que vécurent les nom¬ breux arénicoles ou fucoïdes, à la fin du dépôt des grès. Leurs vestiges m’ont toujours apparu en effet à la partie supérieure de cette assise souvent fort épaisse, et j’ai naturellement cherché un rapprochement entre cette position constante et les analogies zoo¬ logiques de ces fossiles. Entre les îlots quartzeux, se fit ensuite le dépôt des argiles dans lesquelles vécut la faune trilobitique seconde. Sur les points nom¬ breux où n’existaient pas les grès, les argiles se trouvèrent en contact avec les schistes anciens qui contribuèrent peut-être beaucoup à leur formation. La mer se retirait du côté de l’est. A une certaine époque, elle occupait donc une série de golfes parallèles qui s’avancaient plus ou moins à l’ouest, mais dont aucun ne dépassait la ligne qui joint Ploërmel à Mauron et à Dinan. Ces golfes d’ailleurs étaient reliés entre eux sur beaucoup de points; toutefois la communica¬ tion entre le bassin central de la Bretagne et le bassin normand ne devait se faire que du côté d’une haute mer orientale. I5A SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. Après la formation des argiles à trilobites, restèrent çà et là, par suite d’un retrait continu de la mer, des lagunes étroites où pullu¬ lèrent des graptolites, que nous retrouvons sur des points isolés en lits peu épais, avec une constance remarquable dans les caractères extérieurs. Le plateau méridional de la Bretagne était alors com¬ plètement émergé; les eaux l’entouraient à l’est et au sud-est, et c’est de ce côté seulement que nous rencontrons les couches à Cardiola interrupta et les assises dévoniennes, et un peu plus loin, les calcaires carbonifères. Tout porte donc à croire qu’au-dessous du bassin parisien, on retrouverait, à une grande profondeur, il est vrai, les dépôts paléozoïques se reliant avec ceux de l’Ardenne et de l’Allemagne. La pointe extrême de la Bretagne (bassin du Finistère) ne recevait pas ses eaux du côté oriental ; elles devaient arriver de l’ouest et elles se sont retirées de ce même côté après avoir déposé les grauwackes et calcaires dévoniens inférieurs. Les plissements que l’on observe partout dans les gisements ardoisiers où les bancs affectent si souvent la direction verticale, n’ont pas dû s’effectuer avant le dépôt des schistes à graptolites. Les vallées où s’étaient déposés les schistes ardoisiers correspon¬ daient peut-être à d’anciennes failles qui ont dirigé l’orientation des cassures ultérieures; et, tandis que le sol était tourmenté par une force soulevante, ou qu’il s’affaissait, suivant ce qu’on voudra admettre, les assises de grès n’en éprouvaient qu’une simple incli¬ naison de leurs couches; les schistes au contraire se plissaient en zigzag et grâce à la pression latérale qui en résultait, formaient nos ardoises actuelles. J’ai souvent constaté, sur une petite échelle, cette tendance des roches schisteuses à se plisser en zigzag, quoique placées entre deux couches de grès qui, sous la même influence, étaient seulement courbés en arc de cercle. Dans un pareil ordre d’idées, il est sage, je crois, d’être sobre d’hypothèses. Les quelques opinions que j’ai hasardées me semblent cependant ressortir immédiatement et de l’observation et de la comparaison avec les phénomènes actuels, seul critérium raison¬ nable dans l’interprétation des faits géologiques qui ont précédé notre époque. M. de Verneuil donne lecture de la lettre suivante : LETTRE DE M. MURCHISON. 155 Quelques mots sur V existence du gneiss fondamental ou Inu- reritien , et sur le développement des dépôts de /’ âge per¬ mien en Bohême ; par sir R. Murchison, dans une lettre adressée à M. de Verneuil en novembre 1862. Mon cher de Verneuil, Vous savez qu’en 1860 j’ai présenté à l’Académie des sciences de Paris une esquisse de mes travaux dans le nord-ouest de l’Eu¬ rope, qui ont démontré l’existence d’un massif de roches cristal¬ lines plus âgées que toutes les autres roches des îles Britanniques. J’ai bien distingué ce gneiss inférieur ou fondamental des au¬ tres roches gneissiques qui le recouvrent, occupant la principale partie des montagnes du nord de l’Ecosse, et qui, d’après les restes organiques, trouvés dans des calcaires subordonnés, ne sont, en effet, que des roches siluriennes métamorphosées. Ayant d’abord développé ces faits dans une petite carte géologique des Highlands de l’Ecosse, j’ai depuis publié une carte géologique de tout ce royaume, préparée par mon habile collaborateur M. Geikie, et cet ouvrage, fruit de nos travaux d’ensemble, a été placé dans les bibliothèques de votre Académie et de la Société géologique de France. Dans cette dernière carte, tout aussi bien que dans des mémoires lus devant la Société géologique de Londres, et dans la notice que j’ai offerte à l’Académie, j’ai fait voir qu’il n’y avait pas seulement un ordre de superposition des plus clairs, depuis cette roche fondamentale jusqu’au calcaire silurien à fossiles (voyez mes coupes), mais qu’en outre il y avait la distinction la plus nette entre la direction des strates du gneiss fondamental et celle de tous les dépôts qui le recouvrent. En effet, tandis que toutes les roches paléozoïques de l’âge silurien, y compris leur base, le cambrien de notre pays (l’huro- nien du Canada), ont une direction du N.-E. au S. -O. ,cet ancien gneiss qui leur sert de fondement, se dirige du N. -O. au S.-E. Ayant eu l’occasion dernièrement de prendre les eaux de Ma- rienbad en Bohême, j’ai fait (après ma cure) quelques voyages pour rechercher si, dans une région où les roches siluriennes et quelques amas inférieurs out été si admirablement décrits par notre illustre ami M. Barrande, il n’y aurait pas moyen de sépa¬ rer leur base, c’est-à-dire les roches que Barrande désigne sous la lettre A de quelques autres roches cristallines qui leur sont voisines. Tous les massifs qui supportent le bassin silurien de la 156 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. Bohême, soit l’ancienne grauwacke azoïque que Barrande désigne par la lettre B, soit les roches cristallines qu’il désigne par A, dans lesquelles les autres passent et se confondent (surtout dans le voisinage des granités) ont une direction déterminée du N.-E. au S.-O., et sont concordantes dans leur stratification comme M. Barrande l’a bien démontré, avec les dépôts à fossiles siluriens qui les recouvrent. En jetant un coup d’œil sur les masses nommées par les géo¬ logues autrichiens Ur-thon-Schiefer , micaschistes, |etc., qui font à l’O. le bord concordant du bassin silurien, je n’y ai pu recon¬ naître que des modifications de schistes et grauwacke azoïques et paléozoïques. Par exemple, sur le flanc occidental du bassin silurien au N.-E. de la ville de Pilsen, les roches de grauwacke voisines des dépôts siluriens, que M. Barrande a classifiés sous la lettre B, et qui contiennent beaucoup de schistes aluni fères, Alaun -Schiefer, sans offrir jusqu’à présent aucun fossile bien déterminé, sont flanqués à l’O. et au N. -O. par une grande étendue de schistes plus durs qui sont indiqués dans la carte géologique du gouvernement au¬ trichien, si bien dirigée par M. Haidinger, comme Ur-thon- Schiefer ou schistes primitifs. Or, ces schistes qui sont développés aux alentours de la ville de Miess, et dont on voit de belles coupes sur les bords de la rivière de ce nom, ne sont que des grauwaekes légèrement modifiés comme on en rencontre dans les terrains silurien et dévonien. Pénétrées çà et là par des filons quartzeux chargés de plomb, elles n’ont pas l’aspect plus ancien que bien des roches de l’âge dévonien, soit sur le Rhin, ou dans le Harz, soit enfin dans les environs de Hof en Bavière, où elles con¬ tiennent des fossiles siluriens, dévoniens et carbonifères (1). (1) Sur ce point, permettez-moi de vous dire, par manière de digression, que j’ai eu la satisfaction de voir que dans les nou¬ velles cartes de l’Allemagne on a adopté les trois grandes divisions du terrain paléozoïque que nous avons établies ensemble après tant d’années de travail. Maintenant, si vous jetez les yeux sur la nouvelle carte générale de l’Allemagne par M. Ludwig, vous verrez que le grand massif de roches aux environs de Hof, autrefois confondues sous le nom de grauwacke, est subdivisé en silurien, dévonien et car¬ bonifère, comme nous l’avons toujours dit. En outre, je puis vous dire que certains fossiles, trouvés par M. Gümbel (de Munich) et soumis à l’examen de notre collaborateur M. Barrande, ont été reconnus par lui comme de vrais types de la zone primordiale du bassin silurien de Bohême. LETTRE DE M. MURCRISON. 157 Vu l’apparence de ces Ur-thon-Schiefer des environs de Miess, il est possible qu’après de plus longues recherches ils tombent dans la même catégorie que les roches autour de Hof. Mais puisque je n’ai fait que jeter un coup d’oeil superficiel sur ces roches, et que je n’ai pas pu observer leur jonction avec les dépôts B de Barrande ou la grauwacke de Przibran de la carte des géologues autrichiens, nous n’en parlerons pas davantage. De l’autre côté du bassin silurien de Bohême ou à l’est, M. Barrande a fait voir que son étage A ne forme que la base cristalline de son bassin, où ces roches sont associées avec beaucoup de granité. Puisque ce granité est décidément intrusif et d’une date posté- i rieure, on voit que de ce côté-là il ne peut être non plus question de trouver un gneiss fondamental dans le voisinage immédiat du bassin silurien, car toutes les roches cristallines qui forment les bords des roches siluriennes à fossiles sont, comme elles, dirigées du N.-E. au S.-O. De même en allant de Prague par Kolin à Pardowitz, c’est-à- dire du côté opposé du bassin silurien, on voit sous les dépôts siluriens inférieurs à fossiles, affleurer ces mêmes grauwackes et alaun-Schiefer suivis en stratification concordante par quelques roches plus ou moins cristallines qui n’en forment que la base naturelle. Bien que ces roches soient représentées dans les cartes géolo¬ giques comme gneiss et micaschistes, elles n’ont aucune ressem¬ blance même pétrographique avec le gneiss fondamental ou laurentien*. Le docteur Fritsch, curateur du musée de Prague, m’a accom¬ pagné pendant le voyage que j’ai fait dans le N.-E. de la Bohême, pour y reconnaître les dépôts de l’âge permien, et il m’a indiqué la place occupée par les roches qui forment les bases du bassin silurien. Je puis affirmer que nulle part autour de ce bassin je n’ai vu trace du gneiss fondamental ou laurentien. Il en est autrement si l’on passe sur les flancs occidentaux du bassin silurien, si admirablement mis au jour par le nouveau chemin de fer. 11 suffit là d’observer la succession descendante au S.-O. de Pilsen et en allant à Furth pour y trouver un gneiss tout à fait distinct de tout ce que j’ai vu aux environs immédiats des roches siluriennes (1). (4) Ne voulant pas entrer dans la discussion sur la position exacte des colonies de M. Barrande, et n’ayant pas le temps de faire un long 158 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. Arrivé à Furth, station limitrophe entre h Autriche et la Bo¬ hême, j’ai vu que là où la chaîne du Bohmerwald Gebirge est coupée par le nouveau chemin de fer, les collines de cette dépres¬ sion consistent en roches gneissiques ayant une direction du N.-O. au S.-E., et par conséquent transverse à tous les dépôts siluriens, dont nous venons de parler. Ces couches de gneiss contiennent assez d’amphibole et du quartz. M. Kresci, dé Prague, m’a assuré que le gneiss des environs de Furth, conserve cette direction dans les hautes montagnes adja¬ centes du Bohmerwald Gebirge. Ayant peu de temps à ma dis¬ position, je n’ai pas pu suivre ces couches de gneiss dans ces montagnes, occupées par des forêts immenses, travail que les géologues autrichiens seuls ont le temps et les moyens de faire. Mais ayant passé par B.atisbonne pour bien examiner la manière d’être d’une autre partie du même massif gneissique et granitique ou il est mis à nu dans les gorges magnifiques du Danube entre Passau et Linz, j’ai complètement trouvé mon affaire. Cet examen m’a fort satisfait en me démontrant que toute la partie méridionale de la grande chaîne de Bohême est essentielle¬ ment composée d’un gneiss primordial avec beaucoup d’amphi¬ bole et assez de quartz çà et là, associé avec des granités gris à gros grains auxquels le gneiss semble passer. A Passau, particulièrement sur la rive gauche du Danube où ses eaux reçoivent les affluents de l’Inn et de l’Inns, le gneiss con¬ serve la direction dominante du N.-O. au S.-E. qu’il affecte à Furth, quoique séparé par une grande distance de ce dernier endroit. Entre Passau et Linz le même phénomène est visible^ et près de cette dernière ville où je me suis arrêté deux jours, j’ai bien vu que les feuillets du gneiss qui est hornblendique et grani¬ tique, ont la même direction, et que cette direction persiste à travers les nombreuses ondulations des couches. examen du terrain, il est de mon devoir de dire, qu’à part ce point, toutes les recherches du géologue autrichien, M. Lipold, et de M. le docteur Fritsch, de Prague, n’ont fait que confirmer l’ordre exact de toutes les divisions établies par notre illustre ami. En effet, M. Hai- dinger a eu la bonté de m’expédier M. Lipold pour m’expliquer en place tous les détails que ce géologue avait insérés dans la nouvelle carte de la partie occidentale du bassin silurien entre Pilsen et Rokit- zan. J’ai eu le plaisir de reconnaître que partout ces messieurs ne parlaient des étages de Barrande que comme d’horizons bien déter¬ minés, et lui rendaient toute justice quant à ses grandes vues de classification. LETTRE DE M. MURCHISON. 159 Bien que je sois conduit à croire que le gneiss du sud du Bô- hemer Gebirge est de l’âge laurentien, soit par ses caractères minéralogiques, soit par sa direction si contrastante avec celle des dépôts de l’âge silurien, il reste^ à trouver quelque bonne coupe où l’on puisse voir, comme en Ecosse, les roches paléozoïques, et leur base métamorphique reposer sur cet ancien gneiss (1). Maintenant laissez-moi vous dire quelques mots sur les dépôts permiens. En attendant une description plus détaillée d’une coupe trans¬ versale que j’ai faite en compagnie de M. le docteur Fritscli, je veux vous entretenir un instant de la manière d’être de ces dépôts au N.-E. de la Bohême et au S. du Reisen Gebirge. Ces roches ont été décrites en partie par M. le professeur Reuss, et der¬ nièrement elles ont été représentées dans les cartes des géologues autrichiens par feu M. Jokelv, qui les comprend toutes sous le nom de Rothliegende . Cet auteur a séparé le groupe en trois grands étages qu’il a subdivisés en huit sous-sections, représen¬ tées chacune sur la carte par une couleur particulière. Or, puisque ces trois étages doivent, selon M. Geinitz, être ajoutés au Kupfer-Schiefer et au Zeehstein qui leur sont supé¬ rieurs, je n’ai pas besoin de vous faire remarquer combien un tel assemblage cadre mai avec le nom de Dyas qui vient de leur être appliqué pour la première fois l’année passée. Je me bornerai à vous dire qu’après avoir traversé ces dépôts du nord de Josephstadt jusqu’aux flancs méridionaux du Reisen Gebirge, je les envisage comme une succession d’une grande (1) J’apprends de mon ami le docteur Geinitz qu’en Saxe il existe du gneiss de deux âges. Dans Zeitschrift cler deutschcn geologischcn Gcsellschajt , vol. XIV, p. 23, le professeur Scheerer, de Freiberg, a donné les analyses respectives du gneiss gris et du gneiss plus mo¬ derne qui est rouge. Le gneiss gris contient de 65 à 66 pour J 00 d’ acide siliceux et le gneiss rouge de 75 à 76 pour 100 du même acide. Ce dernier est considéré plutôt comme une roche éruptive, ayant un caractère granitique. Sur ces distinctions d’âge, je dirai seulement qu’elles ne paraissent pas encore être déterminées par les mêmes procédés que dans le Canada et en Écosse, où l’âge de l'ancien gneiss est démontré par son infraposition à tous les dépôts paléozoïques et même à la formation cambrienne ou huronienne, dans laquelle on n’a encore découvert que des traces de la vie animale. Quant à la cou¬ leur de ces roches en Écosse, le gneiss inférieur ou laurentien est souvent rouge avec beaucoup de granité, tandis que le supérieur est gris. 160 séance du 15 décembre 1802. épaisseur de grès et de conglomérats, souvent rouges, dont la partie moyenne ou centrale est composée de schistes noirs, bitumineux, caverneux, chargés de poissons, de reptiles, de plantes, avec un peu de houille et des calcaires plus ou moins bitumineux. Quelques-uns de ces schistes alternent même avec les grès infé¬ rieurs ou arkoses de la carte autrichienne, bien que ces derniers reposent sur les masses énormes de conglomérats grossiers qui forment la base de tout le groupe. Il est difficile d’admettre que tous ces dépôts si variés, parmi lesquels on rencontre de grandes coulées contemporaines d’origine ignée, telles que des porphyres et des roches amygdaloïdes et basaltiques, puissent être laissés tous sous le nom de Rothliegende. Quant à moi, je suis d’avis que ce groupe doit être considéré dans son ensemble comme représentant tout le permien du sud de l’Allemagne. Notre nom de permien est donc particulièrement utile dans cette occasion, tout comme il convient en Russie, où la succession paléontologique ne s’accorde pas avec celle de la Saxe et du nord de l’Allemagne. Nous savons en outre très bien jusqu’à quel point les dépôts de cet âge en France et en Angleterre se distinguent entre eux à peu de distance les uns des autres, soit par leurs caractères minéralogiques, soit par leurs fossiles. En critiquant M. Geinitz sur cette question de nomenclature, je désire que l’on sache que je lui suis cordialement attaché comme ami, et que je le respecte infiniment comme géologue et comme naturaliste. Aussi, après mes courses en Bohême, je suis allé à Dresde pour mieux comprendre ses idées sur ce point, et trouvant que dans son second volume il avait désigné le permien comme l’équivalent de son Dyas, je n’ai rien à redire. Les géologues choi¬ siront et décideront si le nom géographique, si longtemps en usage, doit être abandonné et remplacé par un nouveau nom établi sur cette idée théorique qu’une moitié du groupe, c’est-à- dire le Zeclistein, etc., est d’origine marine, et l’autre partie ou le Rothliegende a été formé sous des conditions lacustres et terrestres. Si l’on admettait que dans la région allemande, si bien connue à M. Geinitz, cette double division existe, ce que je ne crois pas, serait-il bien d’adopter un nom qui ne convient nullement à la formation permienne telle qu’elle existe dans d’autres pays? Et, d’ailleurs, est-il donc bien certain que le Rothliegende soit essentiellement terrestre et lacustre? Est-il bien certain que les nombreux poissons et les sauriens des schistes du Rothliegende soient des êtres qui ont vécu dans des lacs d’eau douce, ou dans des rivières? A-t-on prouvé que les Palœoniscas ont une structure Sur la oéoloôie comparée du plateau méridional de la Bretagne par M Paul DALIMIER. Fi<£.l .Coupe de Béeherel (llle et Vilaine J à Coat- quidam, près Beionon (Morbihan) passant par Moal for 1- sur-Meu et Plélan. Echelle: Longueurs Jb'ôôoo. Hauieujs Spob § S Piô.2.(AÏ Coupe des em Echelle : Longue ou s de Poliqné U lie et / ï laine J • It-ooùo Mouleurs âiiôo Légende Fi$.2.(B) Coupe de Guichen à Ponl-Réan. L 1 Gr. Granité C Grauwacke cl sc/ustes cambriens P Grès pourpvçs et (fixiumacke lie lie oirt G Grès siluriens ci Scolitu & L cupules . Habiles, etc A Ardoises à Calymene Tristani G' Grès sans J ossiles Grapt Schistes à Graplolites M Minej'ai de/h‘ T Terrain- tertiaire _ _ _ 2e. Série TUT ni fiujcslMd 167 Note sur la position des calcaires caverneux autour du Morvan et du plateau central; par M Th. ÉBRAY dtif BernardùG ,tf l’ait NOTE DE M. ÉBRAY. 161 osseuse telle que M.Agassiz, M. Valenciennes, sir Philip Egerton et les naturalistes qui s’occupent des poissons fossiles puissent affirmer que ce sont absolument des animaux d’eau douce ? Ne serait-il pas difficile de prouver que les lézards du Rothliegende ne sont pas des animaux marins? On doit se souvenir que, d’après les vues théoriques de quelques auteurs, les poissons du vieux grès rouge de l’Ecosse ont été con¬ sidérés aussi comme ayant vécu dans des lacs. Mais la simple dé¬ couverte que nous avons faite en Russie, et qui a été étendue par notre collaborateur Keyserling, que les mollusques marins, de l’époque dévonienne, se trouvent dans les mêmes couches que les genres et les espèces de poissons qui caractérisent le vieux grès rouge de l’Ecosse, a mis fin à cette théorie lacustre. D’ailleurs les noms que nous donnons aux terrains doivent pouvoir s’appliquer sur le globe entier. Or le nom de dycis, pour désigner un terrain composé, dans un certain pays, d’une forma¬ tion lacustre et d’une formation marine, n’est pas susceptible de cette généralisation. Les formations d’eau douce ne sont qu’une exception sur le globe, et pendant que certains dépôts se formaient dans des lacs, d’autres tout à fait contemporains, et bien plus éten¬ dus ont dû se former dans les eaux de la mer. C’est dans ce sens que, même si l’on venait à y trouver des restes d’animaux terrestres ou lacustres, j’envisage le Rothliegende de Bohême comme un type particulier du terrain permien ; mais précisément parce que c’est un type particulier, il ne peut servir de base à cette dénomination de dyas qui viendrait remplacer le nom d e permien, si propre à toute généralisation, et si applicable à ce groupe au milieu de toutes les variations qu’il présente dans les différentes parties du monde, Le Secrétaire lit la note suivante de M. Ebray : Sur la position des calcaires caverneux autour du plateau central ; par M. Th. Ébray (pi. I). On trouve, à la base du lias, suivant une ligne qui coïncide assez bien avec les faîtes qui séparent les bassins de la Seine, delà Loire et du Rhône, des calcaires caverneux, plus ou moins dolomitiques qui ont été désignés sous le nom de cargneules; la bande de ces calcaires a plus de 600 kilomètres de développe¬ ment; elle passe par les départements de la Nièvre, du Cher, Soc, gcol., %e série, tome XX. \\ 162 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. de l’Indre, du Lot, de Saône-et-Loire et du Rhône. Il importe d’en fixer exactement la place dans la série des terrains. Ces calcaires ont été l’objet d’opinions fort contradictoires. M. Leymerie (1) donne une coupe du terrain du lias, dans la¬ quelle on remarque des calcaires cloisonnés au-dessus du choin bâtard; M. Scipion Gras (2) classe les cargneules et les gypses dans le lias. MM. Fournet et Drian (3) assimilent le choin bâtard au muschelkalk. Les auteurs de la carte de la France rangent les calcaires caverneux, les dolomies et certains gypses dans le lias. M. Jaubert [h) suppose que les cargneules représentent le mu¬ schelkalk, et conclut à la suppression complète du lias inférieur ; pour lui le lias moyen reposerait sur le trias. M. Favre (5) pense que les cargneules doivent être rangées dans le trias. Les géolo¬ gues présents à la session extraordinaire de Saint-Jean-de-Mau- rienne (6) adoptèrent les conclusions de M . Favre sur la découverte d’Avicules contournées au-dessus des cargneules. M. Hébert (7) est arrivé à un résultat semblable, et s’est basé sur la découverte de quelques fossiles. Sans examiner ici la cause qui a fait ranger les cargneules, tantôt dans le lias, tantôt dans les marnes irisées, tantôt dans le muschelkalk, je dois dire quelques mots sur la valeur de l’argu¬ ment mis en avant par M. Hébert. On sait que, depuis les travaux de MM. de Bonnard et Elie de Beaumont, on divise l’infra-lias ainsi qu’il suit : Lias à Gryphées arquées. Lumachelles ) . Grès du lias ï infra-lias. Ces divisions ont d’abord été établies sur des considérations stratigraphiques ; ensuite est venu l’examen paléontologique qui a (4) Mémoires de la Société géologique de France. Sur la partie inférieure du système secondaire du département du Rhône , 1840, p. 313. (2) Statistique minéralogique des Basses- Alpes, 1840. (3) Minéralogie des environs de Lyon. (4) Statistique minéralogique des Basses- Alpes. (5) Mémoire sur les terrains liasique et keupérien de la Savoie. (6) Réunion extraordinaire à Saint- Jean-de- Maurienne, 1861. (7) Du terrain jurassique delà Provence [Bull, de la Soc. gé >/., 1861). NOTE DE M. ÉBRÀY. 163 conduit à une classification semblable (1). Si j’examine les fossiles dans chacune de ces zones intimement liées entre elles, soit sous le rapport stratigraphique, soit sous le rapport lithologique, soit aussi sous le rapport paléontologique (2), je vois, en consultant le mémoire de M. Martin dont j’ai eu l’occasion de vérifier l’exac¬ titude, soit dans la Côte-d’Or, soit dans la Nièvre, que certains fossiles de l’arkose passent dans la lumachelle; parmi ces fossiles on remarque Y Avicula contorta (3), le Mytilus minutus(l\ ), le Pectcn valonicensis , YOstrea irregularis. D’autres fossiles, comme les Pli- catules et les Térébratules, paraissent spéciaux aux lumachelles. (Voyez Martin, page 57 ; de mon côté je n’ai jamais rencontré ces deux genres au-dessous des lumachelles.) Si maintenant je jette les yeux sur les fossiles trouvés par M. Hébert au-dessus des car- gneules, je vois que ce sont surtout des Térébratules et des Plica- tules qui, comme nous venons de le voir, ne se sont rencontrées que dans la lumachelle ; les autres fossiles principaux sont préci¬ sément en grande partie ceux qui se trouvent abondamment dans tout l’infra-lias. La note de M . Hébert ne prouve donc qu’une chose, que les cai gueules sont sous les lumachelles. Je me permets d’insister particulièrement sur cette remarque, car nous allons constater que partout où lacargneule n’a pas envahi l’infra-lias, et même le lias à Grypliées arquées, elle se développe entre la luma¬ chelle et les grès infra-liasiques et entre la lumachelle et le choin bâtard (5). Des départements de la Côte-d'Or, de l'Yonne et du nord de la Nièvre. Les diverses coupes que je vais donner (pl. I) prouvent qu’il n’existe de cargneules, ni au nord, ni au nord-est, ni au nord-ouest de la pointe septentrionale du Morvan ; je i appelle cependant un fait assez remarquable, qui a été signalé avec doute par (4) Martin, Paléontologie stratigraphique de l' Infra-lias. — Ébray, Études géologiques sur le département de la Nièvre , etc. (2) Voyez la fin de cette note. (3) Ce fossile a été rencontré dans les lumachelles de la Bourgogne par M. Martin, et dans celle de la Nièvre par moi. (4) Ce fossile a été rencontré par moi dans les lumachelles delà Nièvre. (5) Un seul fossile, la Myophoria injlata , a été recueilli, non pas en Provence, mais bien à Saint- Jean- de-Maurienne, sans que sa pré¬ sence ait été signalée dans les lumachelles; mais est-il possible de se former une opinion sur un ou même sur deux fossiles ? SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. m M. Martin : c’est la présence du gypse dans les grès à Avicula conforta; ce fait a peut-être des rapports avec la rencontre que j’ai faite de cristaux de gypse dans les argiles vertes infra-liasiques de la Nièvre. Côte-d'Or [suivant M, Martin). \ . Calcaire à Gryphées arquées. 2. Calcaire argileux gris bleu, avec marnes jaunâtres. 3. Calcaires lumachelles avec couches d’argile vert bleu ou grises. 4. Grès à fucoïdes, arkoses, marnes brunes, roussâtres, verdâtres et quelquefois rouges. Nord de la Nièvre [suivant M. de Bonnard) (1). 1 . Calcaire à Gryphées arquées. 2. Calcaire argileux à ciment avec couches de marnes bleues subordonnées. 3. Calcaires avec marnes vertes. Centre et sud du département de la Nièvre. A peine a-t-on dépassé le faîte qui sépare la Seine de la Loire que l’on rencontre entre les lumachelles et les grès infra-liasiques des indices de calcaires caverneux qui se développent aux dépens de l’argile verte; en même temps on constate à divers niveaux des perforations, indices d’oscillations fréquentes dans une mer fort peu profonde. Les environs de Saint- Reverien et de Moussy sont remar¬ quables à cause du grand développement de grès infra-liasiques exploités depuis fort longtemps pour faire des pavés ; les luma¬ chelles passent à un macigno qui, à Moussy, se transforme en une véritable arkose par la présence de fragments feldspathiques; on rencontre alors dans la roche de la galène et de la barytine, qui souvent se sont substituées au test des Cardinies; dans les an¬ ciens temps les macigno de Moussy étaient exploités pour la fa¬ brication des meules à bras; delà le nom de Moussy-les-Meules. J’ai pris la coupe suivante à Moussy (versant est) (pl. I, fig. 1). \ . Calcaire à Gryphées arquées. 2. Bancs de calcaire argileux gris (ciment) séparés par des couches (1) Sur la constance des faits géognos tiques qui accompagnent le gisement du terrain d’ arkose. NOTE DE M. ÉBRAY. 165 de marnes peu épaisses (nombreuses bivalves et quelques gasté¬ ropodes sans test), Lucina arenacect. 3. Macigno passant à l’arkose avec galène et barytine ; nombreux fossiles empâtés dans la roche. 4. Argile verte avec trace de calcaires caverneux. 5. Grès exploité à Saint-Reverien avec Mytilus minutus, Avicula conforta. 6. Marnes irisées recouvertes par des éboulis; le redressement des couches vers Saint-Franchy permet de constater en approchant de cette localité une grande épaisseur de marnes rouges sous les grès. P. P. nombreuses perforations. On remarque souvent à la base du calcaire à Gryphées arquées deux ou trois bancs contenant fort peu de Gryphées et beaucoup de petits gastéropodes ; mais les couches supérieures ne sont pas assez nettement tranchées pour permettre la constatation de ces bancs. En se dirigeant vers le sud, la présence des calcaires caverneux devient plus évidente ; déjà à 7 kilomètres de Moussy, aux envi¬ rons de Jailly, situé à l’ouest du petit massif porphyrique de Saint-Saulge, on relève la coupe suivante (pl. I, fig. 2), dont les assises affleurent dans les déblais de la route impériale de Nevers à Saint-Saulge à la jonction de celle de Jailly : 1. Débris de couches appartenant à la base du calcaire à Gryphées arquées [Orthoceras gracile , O. (4) exile , Cerithium verruco - suai, Turritella Dunkeri ). 2. Calcaire argileux en bancs de 0,20 à 0,25, fort réguliers (bancs à ciment). Fossiles très nombreux ( Lucina arcnacea et beau¬ coup de petits gastéropodes sans test et indéterminables (3m,00). 3. Deux bancs de calcaire légèrement sublamellaire; quelques fossiles empâtés (0,60). P. P. nombreuses perforations. 4. Calcaire gréseux et quartzifère présentant l’aspect d’une luma- chelle (0,40). 5. Calcaire lumachelle (les fossiles fort empâtés paraissent ici moins abondants qu’ailleurs) ; il se délite en plaques de 1 0 centimètres d’épaisseur environ (3m,00). 6. Calcaire sublamellaire lumachellique avec grains de quartz et nombreuses Cardinies (0,40). 7. Argile verte et calcaire caverneux avec quelques écailles de poisson (3m,00). (1) Ces fossiles ne deviennent déterminables que sur les pierres dégradées par le temps. 166 SÉANCE l)U 15 DÉCEMBRE 1862. 8. Grès infra-liasiques (ces derniers grès ne sont pas visibles au bas de la côte, mais on constate leur présence en se dirigeant vers les roches anciennes ; on les voit reposer sur les marnes irisées). Si, au lieu de nous diriger vers le sud à l’ouest du massif de Saint-Saulge, nous prenons la route de Saint- Reverien à Decise, nous remarquerons que, déjà à Crux-la-Ville, les cargneules appa¬ raissent avec une certaine puissance; les grès ne présentent plus la finesse des grès de Saint-Reverien ; ils deviennent plus grossiers, plus calcaires ; ils se divisent en fragments allongés; on pourrait les désigner par grès-lumachelles. Le village de Crux-la-Ville est bâti sur une faille qui a eu pour effet de placer le calcaire à Entroques au niveau de l’infra-lias ; tout le versant ouest de la colline, coupée en deux par cette faille, est infra-basique, et les déblais du chemin qui conduit de la route à cette commune laissent affleurer une série complète de couches dont l’inclinaison est assez forte et qui permet d’établir la succes¬ sion suivante : \ . Calcaire argileux avec nombreuses bivalves (bancs à ciment). 2. Lumachelles avec Mytilus } Avicala contorta , Lima exaltata , Os trea irregu l a ris . 3. Argile verte et calcaire caverneux. 4. Grès calcaire irrégulièrement stratifié, avec nombreux Mytilus minutus , Avicala contorta , Ostrea irregularis, o. Marnes irisées occupant le pied de la côte. A la sortie de Billy, sur la route de Nevers à Château-Chino n , on rencontre une tranchée infra-liasique qui montre de la manière a plus nette la partie supérieure de l’infra-lias ; c'est dans cette tranchée qu’apparaît une couche à polypiers très remarquable au- dessous des bancs de calcaire argileux; c’est aussi dans cette tran* chée que j’ai recueilli sous l’argile verte et les cargneules plusieurs échantillons de Diadema seriale que nous continuerons à ren¬ contrer à ce niveau. La tranchée de Billy offre la coupe suivante (pl. I, fig. 3) : \ . Nombreux bancs de calcaires argileux avec nombreuses bivalves et gastéropodes sans test (absence complète de la Gryphée arquée). 2. Banc sublamellaire avec grains de quartz, débris d’Entroques et fragments de polypiers. (Les espèces ne sont pas faciles à déterminer ; on reconnaît Isastrea basaltijormis et une autre espèce voisine delà Theco- smilia Martini ; on sait que cette dernière n’a été jusqu’à ce jour rencontrée que dans 1 q foie de veau.) NOTE DE M. ÉBRAY. 167 3. Argile verte et calcaire caverneux. 4. Argile bleue avec plaquettes de calcaire gréseux ; gisement du Diadema seriale. Les grès inférieurs n’ont pas été coupés par ce déblai. Dans les déblais du chemin vicinal de Rouy à Saint-Cy, ce sont au contraire les bancs inférieurs aux cargneules qui ont été tra¬ versés. Les assises inférieures qui correspondent aux grès de Saint-Re- veiien se composent de calcaires gréseux avec grains de quartz et de petites couches de grès, Dans la tranchée du chemin vicinal de Rouy à Saint-Cy on ob¬ serve les superpositions suivantes de haut en bas : 1 . Argile verte, calcaires caverneux (cargneules), bancs dolomi- tiques subordonnés (lm,50). 2. Grès calcaire, en petits bancs, avec peu de fossiles (2m,00). 3. Grès avec grains de quartz de 2 à 3 millimètres (0,40). 4. Grès lumachelles avec quelques Mytilus minutas (2m,00), 5. Banc de grès calcaire avec fossiles empâtés (0,40). 6. Grès lumachelliques avec nombreux Mytilus minutas (2m,00.) 7. Banc de grès calcaire. 8. Marnes irisées (rouges et vertes). A Châtillon-en-Bazois, l’infra-lias est remarquable par sa grande puissance et par son faciès minéralogique spécial ; certains bancs de la lumachelle passent à un véritable calcaire oolithique ; c’est le seul point de la France où cette texture a été observée. Le long du canal, sur le port de Châtillon, les bancs ont une inclinaison assez marquée vers le sud; le banc oolithique affleure non loin de la jonction des chemins qui relie le port à la route impériale. Voici les superpositions qu’on observe de haut en bas : 1 . Banc dur et épais de calcaire sublamellaire, avec nombreux Entroques présentant parfois entièrement le faciès du calcaire à Entroques de la Bourgogne; ce banc qui se divise souvent en deux ou trois autres est quelquefois très oolithique (oolithe analogue à l oolithe miliaire) et correspond aux lumachelles ou au banc à polypiers. 2. Bancs de calcaires à faciès magnésien, subcaverneux, marneux, avec petits bancs de lumachelles subordonnés. 3. Argile verte et calcaire caverneux , ce petit massif argileux forme une pente douce. 4. Grès lumachelliques, quelquefois schistoïdes et calcaires, avec nombreux Mytilas minutus et Avicules. 5. Argiles bariolées, vertes à la surface, rouges dans la profondeur. 168 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. En poursuivant notre direction plus loin vers le sud sur le chemin de Sainl-Benin d’Atzy, on remarque qu’aux environs du Pilât la partie inférieure de l’infra-lias correspondant aux grès infra-liasiques et au clioin bâtard offre un assez grand dévelop¬ pement de calcaires à faciès magnésiens. Sur le chemin de Saint-Benin à Cercy, vis-à-vis de la ferme de Lhouix, j’ai pris la coupe suivante (pl. I, fig. A): 0. Lias moyen. 4. Lumachelle avec Mytilus minutus, Cardinies, Avicula conforta , A. Dunheri. 2. Argile verte et calcaire caverneux (2m,00). 3. Grès tendre, avec peu de fossiles (1m,00). 4. Grès lumachelle avec petite couche d’argile verte et Mytilus minutas, Avicula Dunheri et A. conforta , (3m,00). 5. Couche d’argile verte, (lm,00). 6. Banc de calcaire gréseux sans fossiles, (0,40). 7. Argile verte, (2m,00). 8. Grès calcaire sans fossiles, (0,40). 9. Marnes irisées. Vers le sud du département, les calcaires caverneux augmentent d’épaisseur, et les carrières de Sougy, sur la route de Nevers à Decise, montrent clairement la succession suivante des strates de la partie supérieure de T infra-lias : 1. Calcaire à Gryphées arquées et à Ammonites bisulcatus. 2. Assises de 0,40, sans Gryphées, avec quelques rares Ccrithium verrucosum . 3. Petits bancs fort uniformes de 0,20 à 0,25 de calcaire argileux avec nombreuses bivalves (bancs à ciment), 1m,00. 4. Bancs exploités comme pierre de taille, texture légèrement sublamellaire et lumachellique, nombreuses Cardinies emp⬠tées dans la roche, 3m,00 (épaisseur des bancs, 0,30, à 0,40). 5. Calcaires caverneux et argile verte (ce calcaire n’apparaît au fond de la carrière que quand on fait fouiller). Les bancs inférieurs de l’iufra-lias s’étudient facilement dans les déblais de la route aux environs de Sougy ; on rencontre succes¬ sivement : \ . Calcaire à Gryphées arquées. 2,3, 4. Comme dans la coupe précédente. 5. Argile verte et calcaire caverneux, 2m,00. 6. Calcaire argileux avec quelques Diadema seriale. 7. Argiles vertes et grès lumachelles avec Mytilus minutus. NOTE DE M. ÉliRAY . 169 L’ infra lias a été largement exploité à Ternant tout à fait au sud du département, sur la limite de Saône-et Loire ; ce point est im¬ portant, car il permet de relever des coupes dont les assises se rap¬ prochent déjà beaucoup de celles que nous constaterons aux envi¬ rons de Maçon et de Lyon. Coupe clc C infra-lias de Ternant ( carrière et environs du jour à chaux dit Malabo jf) [pl. I, fi. 5]. 1. Calcaire à Gryphées arquées. 2. Petite épaisseur de 0,40 de calcaire argileux. 3. Gros banc se délitant en lumachelles plates sous l’influence de l’action atmosphérique, nombreuses Cardinies. 4. Argile verte, calcaire caverneux avec bancs dolomitiques subor¬ donnés. 5. Calcaire argileux avec Ostrea irregularis , Mytilus minutus, Lima exaltata , Pecten lugdunensis , Diadema seriale; ce banc correspond au choin bâtard du département du Rhône. 6. Calcaire gréseux et grès avec bivalves analogues à celles des grès de Saint- Reverien. Vers Saint -Pierre les calcaires qui se développent au-dessous des argiles vertes et calcaires caverneux (choin bâtard) augmen¬ tent considérablement d’épaisseur ; de grandes carrières sont tail¬ lées dans ces couches ; dans les carrières de Livry on remarque les superpositions suivantes : \ . Petits bancs de 0,20 à 0,25 de calcaire argileux avec nombreuses bivalves. 2. Couche ferrugineuse. 3. Banc de calcaire argileux à cassure conchoïdale. 4. Argile verte et calcaire caverneux. 5. Succession de bancs de calcaire concboïdal dans lesquels on ren¬ contre peu de fossiles; j’ai constaté cependant la présence du Nautilus striatus qui se rencontre habituellement plus haut. 6. Grès lumachelles à Mytilus minutus (ces grès se rencontrent en descendant la côte). Département du Cher . Les calcaires caverneux et les argiles vertes occupent dans le département du Cher exactement la même position que celle que nous avons signalée jusqu’ici ; les carrières de Sancoins offrent la disposition suivante : au-dessous du calcaire à Gryphées, exploité comme moellons et comme pierre d’appareil de petite dimension, s’observent les bancs à ciment dont nous avons constaté la parfaite 170 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. régularité; ils contiennent toujours des bivalves caractéristiques; puis viennent quelques bancs d’un calcaire conchoïdal peu fos¬ silifère , correspondant à la partie supérieure des lumachelles. Au-dessous affleure une couche de lm,50 d’argile verte et de car- gneules; à la base se remarquent des calcaires gréseux dolomi- tiques. Département de V Indre. Les déblais de la route de Châteauroux à la Châtre offrent une succession complète des couches de l’infra-lias au milieu desquelles les cargneules sont très développées. Au-dessous d’une série de strates qui occupent le haut de la montée et qui paraissent correspondre aux lumachelles à cause des nombreuses Cardinies empâtées dans la roche, apparaît une série assez puissante d’argile verte et de calcaires caverneux, accompagnée d’un banc fortement sublamellaire et traversé par de larges et profondes tubulures ; ces tubulures me paraissent plutôt provenir de la cause qui a donné aux cargneules leur aspect parti¬ culier que de l’action de corps animés, tels que les Pholades ou les polypiers. Le système de couches repose sur une succession assez puissante de calcaires sableux magnésiens avec petites couches de glaise verte et grès subordonnés. Ce n’est que dans les couches de grès que l’on rencontre quel¬ ques Mytilus et quelques Avicules. La composition de l’infra-lias du département de l’Indre est assez remarquable parce qu’elle sert de trait d’union entre le faciès de la Nièvre et du Cher, où la magnésie ne joue pas le rôle principal, et le faciès du Lot et de la Gironde, qui devient de plus en plus magnésien à mesure que l’on se dirige vers le sud. Département du Lot . Les terrains jurassiques contournent le plateau central en lais¬ sant constamment affleurer l’étage sinémurien à leur base; laGry- phée arquée, ce fossile si abondant dans le nord et dans le centre de la France, déjà réduit numériquement à la Châtre, devient de plus en plus rare. Les calcaires caverneux que nous avons vus augmenter progres¬ sivement et lentement depuis Moussy, où nous avons constaté leur première apparition, envahissent de plus en plus l’infra-lias et arrivent à des épaisseurs de 30 à 40 mètres en approchant du NOTE DE M. ÉBUAY. 171 département du Lot; leur position géologique ne varie pas, car ils sont toujours compris entre les grès infra-liasiques qui ne dispa¬ raissent jamais entièrement et le calcaire à Gryphées arquées. La présence de la magnésie a fait peu à peu disparaître la vie animale au milieu des strates infra-liasiques; c’est tout au plus si l’on rencontre de loin en loin quelques Diadema seriale ru. milieu des argiles vertes au-dessus des grès inférieurs et quelques dents de poissons dans ceux-ci. On observe aux environs du village du Bourg, en un point où la base du coteau a été déblayée pour faire une carrière, les superpositions suivantes : 1 . Grande puissance de calcaires caverneux, d’argiles vertes, de bancs dolomitiques subordonnés, quelques rares Mytilus minutas et Diadema seriale. 2. Grès infra-liasiques grossiers, gris, friables (3m,00) (quelques écailles de poissons). 3. Marnes rouges, 7m,00. 4. Grès bigarrés exploités. La partie supérieure de l’étage sinémurien s'observe à Figeac et à Capdenac ; dans cette dernière localité on relève la succession suivante à la montée de la route près du pont suspendu : 1 . Calcaire, parfois suboolithique, par fois sublamellaire (calcaire à Entroques) contenant Ammonites Parkinsoni , Ostrea sub¬ loba ta. 2. Lias supérieur argileux, Ammonites insignis , A. Falcotii , A. serpentinus. 3. Calcaire jaunâtre avec Belemnites niger, Pecten œquumlvis , 4. Argiles du lias moyen. 5. Grande masse de calcaire subdolomitique correspondant au cal¬ caire à Gryphées arquées et aux couches à Ammonites fini - briatus ; on observe un ou deux bancs avec quelques Gryphées arquées fort petites et quelques Térébratules difficiles à isoler ( Terebratula marsupialis ). De nombreux filons de barytine et de spath calcaire traversent ces bancs ; les filons paraissent s’arrêter aux argiles du lias moyen. Ici se termine notre étude à l’ouest du plateau central ; elle suffit pour montrer que les calcaires caverneux occupent une po¬ sition bien déterminée et constante au milieu de la série des ter¬ rains. Nous sommes arrivé à constater l’invasion de la dolomie non- seulement dans l’infra-lias, mais aussi dans le lias à Gryphées ar- 172 SÉANCE MJ 15 DÉCEMBRE 1862, quées, et il devient facile de suivre maintenant le progrès de cette dolomisation jusque dans le Var où le lias moyen repose sur une grande puissance de cargneules qui représente sans doute le lias à Gryphées arquées, l'infra-lias, et peut-être, comme nous le verrons à la fin de cette note, la partie supérieure des marnes irisées. Je vais maintenant reprendre l’étude des cargneules, en les sui¬ vant dans le département de la Loire, dans le Méconnais et dans le département du Rhône. Département de la Loire. Les terrains jurassiques viennent se terminer vers le nord du département de la Loire où leurs tranches dénudées n’offrent plus que des affleurements du lias et de l’oolithe inférieure (1). L’étude des étages jurassiques est assez difficile sur la lisière des terrains anciens de ce département ; d’une part, les sédiments ter¬ tiaires masquent rapidement les affleurements; d’autre part, les inclinaisons considérables des couches ne permettent pas toujours de reconnaître tous les détails des massifs argileux qui ont été ré¬ duits, pincés et dénudés au moment des cataclysmes. Je me bornerai à donner ici (pi. I, fig. 6) une coupe de l’infra- lias que j’ai relevée à Boyer, dans une série d’excavations qui ont été pratiquées à côté de l’église. Au-dessus du porphyre (B) qui occupe le fond et le côté gauche du ruisseau on remarque une petite excavation A dans laquelle on a extrait des grès infra-liasiques et principalement des sables roussatres qui proviennent de la décomposition sur place de ces grès, en général très friables ; au-dessus on remarque dans les champs des pierres éparses de calcaire carié, quelquefois cellu¬ leux, qui occupent ici la place des cargneules; au-dessus on voit dans l’excavation B, près du four à chaux, un macigno fortement calcaire et tout à fait analogue à celui que nous constaterons aux environs de Lyon ; ce sont les lumachelles avec Pecten valoniensis , et nombreuses Cardinies; puis au fond de l’excavation C affleu¬ rent des calcaires grenus dont le faciès minéralogique se rap¬ proche un peu de celui des calcaires à Gryphœa cymbium , mais qui contiennent tous les fossiles de ce dernier étage ( Ammonites bisulcatus , Spirifer hf^alcotii, Gryphœa arcuata , etc.) (2). (1) On remarque cependant quelques îlots de calcaire blanc jau¬ nâtre et de terre à foulon aux environs de Chandon et de Charlieu. (2) La Gryphée que l’on recueille dans ces couches appartient à NOTE DE M. ÉRRÀY. 173 Entre Mars et Chandon on rencontre à la base du calcaire à Gryphées arquées une petite couche contenant le Cerithium ver - rucosum . Département de Saône-et-Loire. Les calcaires caverneux reparaissent à l’est du Morvan au sud de la ligne de partage des eaux de la Seine et de celles de la Saône; aux environs de Maçon où l’infra— lias est fort bien déve¬ loppé on déchiffre assez facilement, et malgré l’irrégularité des couches, les subdivisions de la base de l’étage sinémurien. Les environs de Bussières permettent déjà de constater qu’il existe au-dessous du calcaire à Gryphées arquées quelques bancs pétris de gastéropodes ; la partie supérieure de ces bancs a été en général trouée par des coquilles perforantes; iis reposent sur une couche ferrugineuse avecoolithes très fines qui correspond entiè¬ rement au minerai de Nolay; puis viennent des calcaires quartzi- fères passant parfois au macigno et contenant de nombreuses Cardinies; c’est la partie supérieure des lumachelles dont nous avons constaté jusqu’ici la parfaite régularité ; la partie supérieure de ces bancs est aussi perforée. Entre celte lumachelle surmontée du minerai de fer et les cou¬ ches inférieures du calcaire à Gryphées s’observent des traces de calcaires argileux qui correspondent au calcaire à ciment; mais ces bancs sont loin d’avoir ici la puissance que nous avons ob¬ servée dans la Nièvre. Au-dessous des calcaires macigno à Cardinies affleurent des marnes vertes avec cargneules ; au milieu de ces cargneules, et surtout à leur base, se rencontrent quelques bancs de calcaires à cassure conchoïdale avec Pecten rJ'h/ollierii, P. lugdunensis , Lima exaltata , au-dessus desquels il y a des lumachelles avec nom¬ breuses Ostrea irregulans. Tout ce système repose sur les grès infra-liasiques offrant des em¬ preintes de bivalves difficiles à déterminer (on reconnaît quelques rares exemplaires de Pccten cloacimis , Quenst.). Les dents de pois¬ sons se recueillent principalement à la partie supérieure des grès infra-liasiques ; ce sont celles qui sont décrites dans l’ouvrage de deux types; 1° à la Gryphée arquée proprement dite ou typique; 2° à la Gryphœa obliqua qui occupe souvent la partie la plus haute de l’étage et même la base des calcaires à Ammonites Jîmbriatus ; cette dernière variété atteint souvent dans la Loire une assez grande taille, ce qui explique son assimilation erronée avec la Gryphœa cymbium. SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. 174 Quenstedt (le Jura) ; elles appartiennent aux espèces Hyboclus doacinus , H. minor , Acroclus minimus , Sargodon tond eus, Miro- lestes an tiquas. M. de Ferry a aussi rencontré des dents dans les cargneules. Yoici la superposition des assises de l’infra-lias à Bussières. 1 . Calcaires avec nombreuses Gryphées. 2. Trois ou quatre bancs de calcaires argileux bleu jaunâtre, pré¬ sentant entièrement l’aspect minéralogique du foie de veau de la Bourgogne ; nombreux gastéropodes qui deviennent apparents sur les pierres longtemps soumises aux actions atmosphériques ( Orthostoma oryxa , O. avenu, O. gracile , Cerithium verrucosum ), Thecosmilia Martini , Astrocœnia sinemuriensis , quelques Gryphées arquées) ; perforations à la partie supérieure. 3. Couche de minerai de fer de 0,30 d’épaisseur avec Cardinies ( Cardinia sinemuriensis , Panopea crassti)\ les fossiles sont beaucoup moins abondants qu’à Nolay. 4. Calcaires quartzifères et macigno a Cardinies (on rencontre dans cette couche beaucoup de Cardinies décrites comme apparte¬ nant à la lumachelle) ; ces calcaires correspondent aux pou- dingues de Moussy, aux macigno de Crux; perforations à la partie supérieure. 5. Argile verte et calcaires caverneux. 6. Calcaires analogues au choin bâtard. 7. Argile verte. 8. Grès infra-liasiques. 9. Marnes irisées. Département du Rhône. Au sud de Mâcon les étages jurassiques continuent à se redresser vers les montagnes du Charolais et des environs de Tarare, de telle sorte qu’en suivant l’extrémité de ceux-ci il devient facile de suivre les affleurements de l’infra-lias. M. Leymerie a déjà donné une description détaillée de l’infra- lias du département du Rhône ; on trouve dans son mémoire des coupes exactes de ce sous-étage ; mais, comme son attention n’était pas spécialement portée sur les calcaires caverneux, ce géologue les a souvent négligés. Cependant nous reproduisons ici sa coupe (p. 321) qui en fait mention et dans laquelle ils occupent la place que nous avons partout assignée aux cargneules : ] . Calcaire à Gryphées arquées. 2. Macigno et calcaire quartzifère avec calcaires cloisonnés vers le bas. NOTE DE M. ÉBRAY. 175 3. Choin bâtard. 4. Grès inférieurs. Aux environs de l’Arbresie et de Cliessy les calcaires caverneux sont très apparents; voici (pl. I, fig. 7) la coupe que nous avons relevée le long du chemin qui conduit à l’usine : 1 . Schistes métamorphiques. 2. Marnes rouges (marnes irisées) 3m,00 (la puissance de cet affleurement ne représente pas la véritable épaisseur de ces marnes qui doit être beaucoup plus forte dans l’intérieur des massifs. 3. Calcaire sableux dolomitique 1m,00; cette couche présente beaucoup d’analogie avec la couche 8. 4. Grès quartzeux légèrement feldspathiques faisant effervescence avec les acides (quelques rares empreintes de bivalves et d’écailles de poissons), 3m,00. 5. Cordon ocreux, 0m,20. 6. Calcaire gréseux dolomitique avec petites couches d’argiles vertes feuilletées, 3m,00 (quelques dents de Sauriens); je suppose que c’est ici que M. Fournet a trouvé la dent mentionnée dans la Minéralogie des environs de Lyon, page 473. 7. Bancs de calcaire conchoïdal avec Lima exalta ta , L.punctata ?, Pecten lugdunensis , stylolithes et perforations à la partie supérieure (choin bâtard). 8. Calcaire à faciès magnésien. 9. Argile verte et calcaire caverneux (cargneules). 10. Gros banc de calcaire quartzifère; le quartz est blanc laiteux, en grains de 2 ou 5 millimètres ; nombreux fossiles empâtés dans la roche ( Cardinia sinemuriensis , Pecten lugdunensis , Avicula Dunkeri ). Ces bancs correspondent, comme nous l’avons vu jusqu’ici, à la partie supérieure des lumachelles. 11. Petits bancs de calcaires marneux séparés par des couches d’ar¬ gile; ces petits bancs occupent exactement la position des bancs à ciment dont nous avons constaté la parfaite régularité ; ils offrent ici le même faciès que celui que nous avons signalé dans la Nièvre, mais les nombreuses bivalves contenues dans ces couches paraissent avoir disparu dans le Rhône. 12. Deux bancs de calcaires légèrement sublamellaires avec fossiles empâtés; ces bancs correspondent au foie de veau de la Bourgogne. 13. Calcaire à Gryphées arquées. P. P. Perforations. On constate à l’Arbresie la même succession; la partie infé¬ rieure est plus complète, car on rencontre au-dessous des grès infra-liasiques les marnes irisées reposant sur des grès bigarrés qui J 76 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. se distinguent des grès infra-liasiques par l’absence d’un ciment calcaire. Les niveaux perforés existent ici comme à Chessy et comme à Mâcon. Régime des eaux infra-liasiques et mouvements du sol. Les coupes que nous venons de donner de l’infra-lias vont nous permettre de déduire quelques conséquences sur le régime des eaux infra-liasiques des contrées que nous venons d’étudier. Je remarque d’abord que la présence de plusieurs lignes de Li¬ thopliages indique que ces dépôts se sont formés dans une mer fort peu profonde permettant aux oscillations, même faibles, de laisser des traces apparentes à la surface des sédiments; un pre¬ mier émergement a eu lieu à la fin du dépôt du choin bâtard, un deuxième à la fin du dépôt des iumaclielles, un troisième à la fin des calcaires infra-liasiques, un quatrième à la fin du foie de veau. Malgré l’irrégularité que l’on observe dans l’épaisseur des cou¬ ches, on reconnaît cependant dans l’ensemble du dépôt que nous étudions quelques subdivisions qui établissent de quelle manière le bassin azoïque des marnes irisées a été peu à peu envahi par les eaux marines susceptibles d’entretenir la vie des mollusques. En général, on remarque au-dessus des marnes irisées des grès résultant de l’action d’un courant animé d’une faible vitesse ; ce courant amenait avec lui des poissons et des reptiles qui, arrivés dans un milieu encore délétère, y périssaient ; de Là les dents de pois¬ sons et de reptiles que l’on rencontre déjà dans ces grès; dans certaines contrées, quelques mollusques commencèrent à naître, mais en petit nombre, et bientôt, après le remplissage du bassin, le calme se rétablit et la vie commença à se manifester d’une ma¬ nière plus régulière. Les couches du choin bâtard offrent en effet une faune assez nombreuse, mais géographiquement peu étendue, car pendant que dans Saône-et-Loire, dans le sud du département delà Nièvreet une partie du Cher, les eaux dépourvues d’un excès de magnésie entretenaient la vie, il se déposait des cargneules sur d’autres points (département de la Nièvre, département du Lot et midi de la France) ;la mer, encore saturée de principes dé¬ létères, s’en débarrassait pour préparer d’une manière définitive le règne si brillant des mollusques de l’époque jurassique et cré¬ tacée. Le dépôt des argiles vertes avec cargneules et gypses est donc une récurrence du régime qui a déposé les marnes irisées ; NOTE DE M. ÉBItAY. 177 car, après la formation des grès infra-liasiques et du choin bâtard, il y a eu un approfondissement des mers qui a ramené avec lui les eaux encore impures des marnes irisées. Les Litliophages delà partie supérieure du choin bâtard établissent bien un exhausse¬ ment, puis un abaissement du fond de la mer. Les eaux s’étant en partie retirées, les plages que nous étudions ne formaient que des lacs isolés où la magnésie se déposait (les sulfates s’étaient déjà en grande partie déposés); ces lacs ensevelissaient les animaux qui avaient suivi ces oscillations funestes, comme après une grande crue fie rivières les poissons se trouvent détruits dans les flaques d’eau qui se dessèchent. Pendant le dépôt des cargneules les eaux finirent par se débarrasser complètement des excès de magnésie et de sulfures qu’elles contenaient, et ce n’est qu’au commence¬ ment du dépôt des lumachelles que les animaux qui prirent déjà naissance dans les grès inférieurs (Ostrea irregiilaris , Mytilus mi¬ nutas, Aviciilci contorta ) pullulèrent en grand nombre; la nature minéralogique de la lumachelle (macigno) qui contient de nom¬ breux grains de quartz roulés, et qui se ' transforme même quel¬ quefois en un véritable macigno, indique que les bassins à car¬ gneules furent envahis par de nouveaux courants, comme le fut le bassin des marnes irisées. Les lignes de perforations de la partie supérieure des lumachelles démontrent qu’après l’oscillation des¬ cendante qui a donné naissance à ce dépôt, il y a eu une oscilla¬ tion ascendante qui l’a émergé, puis une nouvelle oscillation des¬ cendante qui a donné naissance aux couches à ciment; cette oscillation a dû arriver à son maximum dans le département de la Nièvre, où les couches à ciment sont fort développées et où certaines bivalves, comme la Lacina arenacea , étaient aussi abon¬ dantes que la Gryphée arquée dans le lias inférieur. Peu à peu les couches à ciment furent émergées, puis replon¬ gées au sein des eaux marines; c’est alors que se développèrent les couches dites du foie de veau aussi perforées à leur partie su¬ périeure; un régime plus stable s’établit ensuite pendant toute la durée du dépôt du lias inférieur. Vers le nord, le nord -est et le sud du Morvan, il a dû se pro¬ duire quelques fissures à la fin du dépôt de la lumachelle qui cor¬ respond à un point singulier dans le sens des oscillations devenues probablement plus brusques à cette époque; lesémissions ferrugi¬ neuses ont détruit les mollusques de la lumachelle, ce qui expli¬ que l’énorme quantité de fossiles que l’on rencontre dans ce dépôt. Soc. g col., 2e série , tome XX. 12 178 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. Subdivisions à introduire dans î infra-lias (pl . I, fig. 8). La paléontologie, la pétiologie et la stratigraphie indiquent que les couches désignées par infra-lias forment un ensemble qui parti¬ cipe plus ou moins, soit de la nature des dépôts supérieurs (lias à Gryphées arquées), soit de la nature des dépôts inférieurs (marnes iri¬ sées) ; cette participation n’est pas et ne doit pas être partout uni¬ forme ; dans certaines contrées L’infra-lias ressemblera davantage au lias, dans d’antres, au contraire, il se rapprocherades marnes irisées; il me paraît donc oiseux de s’occuper de la question de savoir si ce dépôt doit être rangé dans le lias ou dans le trias. Je considère donc l’infra-lias comme un dépôt transitoire et je conserve le nom ancien d’infra-lias, parce que ce terme exprime parfaitement la position du dépôt. Après une interruption fort longue et fort caractéristique dans la vie animale, nous avons vu à la base de l’infra-lias une première partie gréseuse résultant d’un régime spécial, grès calcaires plus ou moins effervescents qui contrastent avec les grès en général non effervescents et complètement azoïques du trias (on ne ren¬ contre dans ces derniers grès que des Calamites) ; ces grès inaugu¬ rent une nouvelle ère animale qui certainement a des rapports avec les faunes plus anciennes, mais qui se lie aussi à la faune plus récente du choin bâtard, des lumachelles et du calcaire à Gryphée; nous conservons pour désigner ce dépôt le terme de grèsinfra-lia- siques, tout en prévenant que nous sommes loin de croire ici à une limite de quelque valeur, puisque, comme nous le démontre¬ rons plus loin, aucun cataclysme violent n’a séparé les marnes irisées du lias. Nous avons remarqué au-dessus des grès infra-basiques un sys¬ tème marneux, magnésien et par exception calcaire (choin b⬠tard) ; nous désignerons ce système par Bone-bed , puisque souvent les restes de sauriens et de poissons se trouvent cantonnés à ce niveau. Nous avons vu ensuite apparaître une nouvelle série de cou¬ ches qui se lie intimement aux précédentes, et qui dénote aussi un changement dans le régime des eaux ; nous conserverons pour désigner ces couches le nom de lumachelles. Je désignerai par fer sinémurien la couche si constante que l’on remarque vers la partie supérieure des lumachelles, et je com¬ mencerai le dépôt du lias inférieur aux couches calcaires à ciment NOTE DE M. ÊBRAY. 179 du lias inférieur, que je désignerai par couches à Lucina arenacea . Je conserverai le terme de foie de veau pour les couches à gasté¬ ropodes qui se rencontrent entre les calcaires à ciment et le cal¬ caire à Gryphées arquées proprement dit, en rappelant ici que cette coquille commence à apparaître, quoique rarement, au mi¬ lieu de ces couches. Nous arrivons donc à la classification suivante de l’infra-lias : elle correspond aux mouvements du sol et en même temps au ca¬ ractère minéralogique et paléontologique ; les subdivisions peu¬ vent être complémentaires, c’est-à-dire avoir été forméesaux dépens les unes des autres, comme en général toutes subdivisions d’un système qui n’est pas séparé d’un autre par un cataclysme violent. Considérations sur la limite du lias et du trias . Un des auteurs allemands les plus recommandables commence son ouvrage sur le Jura en ces termes : « La question où il faut faire commencer le lias n’est pas aussi simple à résoudre qu’on pourrait le croire ; la première difficulté se rencontre dans le grès jaune sous le Bone-bed. » M. Elie de Beaumont, guidé par des considérations de concor¬ dances, sépare les grès infra-liasiques des marnes irisées et com¬ mence le lias par ces grès ; suivant lui, le Morvan a surgi à la fin des marnes irisées, et il y aurait discordance entre les marnes et les grès. M. Terquem classe le grès infra-liasique dans le trias parce que, d’après ce géologue, il serait discordant avec le calcaire gréso-bitu- mineux qui repose, suivant lui, sur le Bone-bed et concordant avec les marnes irisées. M. Oppel ( Formation du Jura français , anglais et allemand ) commence le lias immédiatement au-dessus des marnes irisées; dans l’impuissance d’établir un classement paléontologique, il s’appuie sur des considérations lilhologiques. M. Martin paraît assez embarrassé, car on lit dans son mémoire : « Nous avouerons thème que pour notre compte nous ne sommes pas encore parvenu à saisir d’une manière positive la ligne de démarcation qui sépare les deux terrains, d Ce géologue arrive cependant, par l’examen des fossiles, à conclure que les grès infé¬ rieurs doivent être rangés dans le lias, ce qui ne l’empêche pas (p. 56) de dire, à mon avis avec beaucoup de raison : « Les trois phases successives de développement organique que nous avons vues si intimement liées entre elles par un nombre considérable d'espèces 180 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. communes constituent donc dans leur ensemble une faune de transi¬ tion. » MM. Terquein et Piette, dans une note toute récente, insistent particulièrement sur la nécessité de classer leur étage du Bone-bed dans le trias, ce qui n’empêche pas ces géologues de dire (p. 329 de leur mémoire) : « En découvrant le Bone-bed , on a retrouvé un des anneaux de la chaîne immense qui unit les uns aux autres les terrains et les créations qu’ils recèlent. » M. Piette se fonde 1° Sur une discordance apparente des grès infra-basiques avec les assises marneuses qu’ils supportent et sur une soi-disant con¬ cordance des grès infra-liasiques avec les assises argileuses des marnes irisées ; 2° Sur l’aspect triasique de la faune du Bone-bed ; 3° Sur l’absence ou la pauvreté des fossiles qui passent dans les couches supérieures. Je reconnais d’abord avec M. Elie de Beaumont que, partout où j’ai pu saisir avec précision les relations des couches, j’ai toujours vules grès infra-liasiques concordant avec les couches supérieures. Dans certains cas, cependant, lorsque sur les affleurements ces dernières étaient séparées des grès par des couches de marnes ou d’argiles, et surtout dans le cas où ces couches non attaquées dans la profondeur occupaient des flancs de coteaux et des escarpements atteints par les dénudations, j’aurais pu être souvent trompé par des apparences de discordances, car, toutes les fois que deux sys¬ tèmes compactes séparés par des couches argileuses occupent des flancs de coteau et même des plaines, le système argileux a été inégalement attaqué par les courants; l’amincissement inégal de la couche d’argile a encore été exagéré par les pressions inégales des massifs compactes. Il n’est donc pas possible d’attacher une grande importance au cas accidentel de discordance cité par MM. Terquem et Piette. S’appuyant sur des considérations paléontologiques, M. Piette écrit (p. 329 de son mémoire) : « L’aspect tout triasique de la faune du Bone-bed aurait dû empêcher M. Martin de tomber dans une semblable erreur. Les d vieilles y sont contournées comme aux anciennes époques de la terre ; les Myophories , ces compagnons les plus constants des Cératites , si caractéristiques du trias , y ont laissé de nombreux débris. » Je demande dans ce cas, appuyé sur l’argument de M. Piette, pourquoi notre savant confrère n’a pas classé dans le trias l’étage sinémurien, l’étage liaeien et l’étage toareien à cause de la pré- NOTE DE M. ÉBBAY . 181 sence des formes si caractéristiques des terrains paléozoïques, telles que les espèces de la famille des Spirijeridœ et des Producliclœ . L’argument de M. Piette ne prouve qu’une chose, c’est que la faune du lias se lie avec les anciennes faunes par les Myophories, les Spirijcrina et les Leptœna. Quant à la troisième raison, je rappellerai que le Cerithium Scmele , X Avicula conforta , V J vie a la Dunkeri , le Mytilus minutas , le Pectcn valoniensis passent dans la lumachelle et quelques-uns d’entre eux dans les couches supérieures ; mais je remarque sur¬ tout qu’à part les Myophories qui peuvent être abondantes sur certains points, mais très rares dans d'autres, puisque je n’ai ren¬ contré qu’un seul échantillon dans la Nièvre, tous ces autres fos¬ siles sont ceux qui se rencontrent en plus grande abondance, soit dans les grès, soit dans les lumachelles, et j’attache plus de valeur au passage dans une autre formation de quelques formes abon¬ dantes qu’au cantonnement de beaucoup d’espèces rares. Après avoir combattu les arguments des géologues qui veulent absolument trouver des limites exactes, je vais examiner à mon point de vue les véritables affinités de l’infra-lias. Le système de montagnes, que l’on admet séparer en France le lias du trias est le Morvan ; mais, si l’on examine avec attention les relations des couches autour de ces montagnes, on ne tarde pas à voir que le Morvan n’a pas été élevé à l’époque assignée par l’auteur de la Théorie des soulèvements . En effet, M. Elie de Beaumont suppose que ces montagnes sont post-triasiques et anté-jurassiques, parce que l’on rencontre sur certains sommets des arkoses triasiques ; mais cette raison ne sau¬ rait plus être invoquée depuis que j’ai démontré que les dénuda tions ont atteint des chiffres qui permettent de supposer l’existence antédiluvienne de couches jurassiques sur ces montagnes. La deuxième raison qui a porté M. Elie de Beaumont à déter¬ miner ainsi l’âge du Morvan est l’existence de couches horizontales du lias au pied des pentes occidentales du Morvan. On remarque, en effet, quelques couches jurassiques qui paraissent appliquées contre les pentes occidentales du Morvan; mais, en suivant avec attention la limite de ces roches, on est bientôt convaincu que cette juxtaposition (non application) est due à une faille qui a relevé la lèvre est, c’est-à-dire le Morvan, et affaissé la lèvre ouest, c’est-à-dire le Pays-Bas; cette faille commence par Yézelay et Pont-Aubert sous forme de deux ramifications qui convergent vers Doinecy-sur-Cure, où elle devient unique et où elle met en con¬ tact et au même niveau la grande oolithe, à une altitude de près 182 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862, de 500 mètres, et le gneiss; elle se prolonge ensuite jusqu’au delà de Saint-Honoré, où l’on voit le calcaire blanc jaunâtre appuyé sur le calcaire à Entroques buter contre les roches ignées. Dans presque toute cette étendue le relèvement de la lèvre est et l’affaissement de la lèvre ouest se sont exécutés sans donner nais¬ sance à des actions mutuelles le long des bords des deux lèvres; aussi voit-on souvent les terrains de la lèvre ouest buter avec une faible inclinaison contre la lèvre est; mais ce fait n’est pas général, car le calcaire à Gryphées est relevé à Moulins-Engilbert, à Ter- nant et autres lieux. La faille du Morvan n’est que le premier terme d’un vaste sys¬ tème de ruptures dont l’extrémité septentrionale a déjà été recon¬ nue par M. Raulin, mais dont j’ai fixé toute l’étendue dans mes Études géologiques sur le département de la Nièvre; avec M. Kaulin je considère ce système comme s’étant formé à la même époque, à la fin de la craie. La faille du Morvan est une cause de la formation de ces mon¬ tagnes qui, comme elle, courent du sud au nord ; mais cette cause n’est pas unique ; le métamorphisme des schistes de la formation carbonifère, traversée par de nombreux filons de porphyre, prouve que ce pays a déjà été tourmenté à cette époque ; mais rien n’an¬ nonce un cataclysme violent à la fin des marnes irisées. Il faut donc admettre que ces dernièresselientintimement au lias, puisqu’en France aucun cataclysme violent n’a séparé ces terrains, et nous allons voir que la pétrologie et la paléontologie nous con¬ duiront au même résultat. Il y a déjà longtemps que M. Eournet a remarqué l’analogie qui existe dans la sédimentation des couches du trias et de celles de l’infra-lias ; on sait que cette analogie a porté ce géologue à ranger son clioin bâtard dans, le muschelkalk. Si les études strati- graphiques rendent aujourd’hui cette opinion inadmissible, la re¬ marque de M. Fournet ne disparaît pas pour cela; il s’agit seu¬ lement de l’interpréter autrement en voyant dans les couches de l’infra-lias, je dirai même du lias tout entier, la continuation d’une sédimentation soumise aux mêmes influences. Nous avons vu que le faciès magnésien envahit déjà à Figeac les roches encore très reconnaissables du calcaire à Gryphées ar¬ quées, traversé, comme nous l’avons vu, d’une multitude de filons de barytine et de spath calcaire; plus au sud les dépôts magné¬ siens du lias inférieur deviennent tellement importants qu’un de nos confrères a été porté à faire reposer le lias moyen sur le mus¬ chelkalk; ce faciès se poursuit en faiblissant jusqu’au calcaire à NOTE DE m. ÉBRAW 183 Entroques, car on sait que l’on rencontre des formations de gypses dans le lias supérieur. Ce n’est que peu à peu que le faciès jurassique a envahi irrégu¬ lièrement la série des terrains ; on commence à reconnaître dans les bancs lumachelles la première apparition du faciès oolithique et du faciès sublamellaire, puis arrivent les calcaires du lias moyen, véritable accident au milieu des puissantes formations argileuses des marnes à Bélemnites et du lias supérieur, enfin arrivent seu¬ lement les dépôts réguliers de roolithe. Cherchons maintenant à analyser les causes qui ont donné nais¬ sance à cette série lithologique si complexe et si variable. Après le dépôt des formations arénacées du terrain houiller, du grès rouge, du grès des Vosges et des grès bigarrés qui témoignent si vivement du régime dynamique prolongé auquel les mers, tou¬ jours en mouvement, étaient soumises en corrodant et dénudant les roches ignées; il a dû s’établir de grands lacs d’eau de mer analogues aux lacs gypsifères qui ont déposé les calcaires d’eau douce tertiaire (dans ces derniers l’eau de la mer a été plus rapi¬ dement ramenée à l’état d’eau douce). Il est possible de supposer que la production des marnes irisées a été le résultat de la sédimentation de grandes portions de mers restées isolées et dont les affluents n’étaient pas suffisants pour compenser les pertes dues à l’évaporation. Or, nous savons que quand on distille l’eau de mer, c’est-à-dire quand on aug¬ mente sa densité, on trouve : 1° à 7° de l’aréomètre, du carbonate de chaux. 2° à 1 6° du carbonate de chaux et de magnésie avec un peu de gypse. 3° à 20° du sulfate de chaux. 4° à 30° du chlorure de sodium et un peu de sel de magnésie. et, si nous examinons la succession des couches du trias et de l’in- fra lias, nous trouvons de haut en bas : 1° État correspondant à 7°, calcaires du lias lumachelles. 2° ] 6°, calcaires magnésiens, cargneules avec intermittence de gypse, grès infra-basiques dénotant le remplis¬ sage du bassin. 3° — 20°, gypses des marnes irisées. 4° — 30°, sel gemme des marnes irisées. 5° — 16°, calcaires magnésiens de la base des marnes. 6° — 7°, muschelkalk, calcaires. 18 h SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1862. Cette disposition remarquable des sédiments vient donc jeter un nouveau jour sur la formation des couches triasiques et liasiques. Ainsi, à la fin des grès bigarrés, le muschelkalk se déposa, et par suite de l’évaporation la densité de l’eau descendit à 16° en abandonnant les principes magnésiens que l’on rencontre à la base des marnes irisées, puis, l’évaporation continuant à augmenter ia densité, les gypses et les sels gemmes se déposèrent vers 20 et 30° qui représentent le maximum de densité que les eaux de la mer atteignirent alors. Les phénomènes se produisirent plus tard dans un ordre inverse; l’affaissement du bassin, appelant à lui les eaux marines, eut pour conséquence une diminution dans la densité ; à 16° se déposèrent en effet de nouveau de puissantes dolo¬ mies , puisa 7° et au-dessous les calcaires du choin bâtard, les lumachelles et le lias à Gryphées arquées (1). Les formations géologiques comprises entre le muschelkalk in¬ clusivement et le lias inférieur me paraissent donc résulter d’une grande oscillation qui, après avoir, par voie d’exhaussement, isolé une vaste partie de la mer jusqu’au point de faire arriver les les eaux à 30° l’a replongé par voie d’affaissement au sein des eaux marines. Le double mouvement s’est fait avec lenteur, mais avec irrégularité et par saccades. Les mouvements lents d’exhaussement ou d’affaissement ont pu ne pas se faire partout au même instant et avec la même intensité, et, comme ce sont ces mouvements qui modifient localement, soit les faunes, soit les sédiments, il y a lieu de supposer que les va¬ riations dans l’état pétrologique des roches et dans la succession des êtres organisés n’indiquent pas nécessairement une époque synchronique. Ainsi, pendant que dans une localité il se déposait des marnes irisées, sur d’autres points il pouvait se déposer de l’infra-lias. M. Delesse lit l’extrait suivant d’une lettre de M. Glifton Sorby. Influence de la pression sur les roches (Extrait d’une lettre de M. Glifton Sorby à M. Delesse). J’ai beaucoup étendu mes recherches sur l’influence que ia (1) Il est démontré aujourd’hui que la densité de l’eau de la mer augmentedans la profondeur ; on se demande alors si les dépôts calcaires, en général d’autant plus épais que les mers sont plus profondes, ne résultent pas tout simplement de cette augmentation de densité. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 185 pression exerce sur l’action chimique, et j’ai bien complètement prouvé que la solubilité d’un sel est fortement modifiée par la pression. Par suite, il en est de même pour l’action chimique ; et déplus il est très probable qu’il existe une relation entre l’action chimique et la force mécanique. Mes expériences paraissent devoir expliquer quelques faits curieux dont la cause était inconnue et qui sont en relation avec le clivage schisteux. Séance du 5 janvier 1863. PRÉSIDENCE DE M. DELESSE. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Deloisy, piqueur sur la ligne du chemin de fer de Paris à Mulhouse, à Maranville (Haute-Marne), présenté par MM. E. Royer et J. Barotte ; Fayn (Joseph), ingénieur aux mines de Pont-Péan, prés de Rennes (ïlle-et-Yilaine) ; présenté par MM. Horion et Bronne; * Ferrand de Missol (Amédée), ingénieur civil des Mines, rue Saint-Sulpice, 18, à Paris, présenté par MM. Daubrée et Ch. d’Orbigny -, Piaton, notaire, rue Ravez, 9, à Lyon (Rhône), présenté par MM. J. Fournet et A. Damour. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. d’Archiac, Cours de paléontologie strati - graphique professé au muséum d’ Histoire naturellei lre année, lre partie, 1 vol. in-8, h91 p., Paris, 1862-, chez F. Savy. De la part de M. Ch. Des Moulins, Quatre mémoires de Botanique (Extr. des Actes de la Soc. Lirin. de Bordeaux , t. XXIV, 2e li v.) , 10 nov. 1862, in-8, Bordeaux, 1862; chez Lafargue. 186 SÉANCE DU 5 JANVIER 1863. De la part de M. A. Favre, Explication de la carte géolo¬ gique des parties de la Savoie, du Piémont et de la Suisse voisines du Mont-Blanc , in-8, 37 p., Genève, 1862 $ chez J. G. Fick. De la part de M. B. Studer, Geschichte der physischen Géographie der Schweiz , in-8, 696 p., Bern, 1863. Comptes rendus hehd. des séances de V Acad, des sciences , 1862, 2e senti., t. LY, nos 2Z| à 26. Bulletin de la Société de géographie , 5e sér., t. IV, n09 20 et 21, août et sept. 1862, n° 23, nov. 1862. L’Institut , nos 1512 et 1513, 1862. Journal d’agriculture de la Côte-d’Or, octobre 1862. .Annales de la Société des sciences industrielles de Lyon , n° 6, 18 déc. 1862. Société imp . d’ agriculture , sciences et arts de l’ arrondisse¬ ment de Valenciennes. — Revue agricole , etc., nov. 1862. The Athenœum , n09 153Û à 1536, 1862. Revista de los progresos de las ciencias exactas, fisicas y naturales , t. XII, n° 9, déc. 1862. Revista minera, t. XIII, n° 302, 15 déc. 1862. Atti délia Société italiana di Scienze naturali , vol. IV, f. 10 à 17, déc. 1862. The canadian Journal of industry , science and artt nov. 1862. M. le Président annonce à la Société la mort de M. Degousée. M. d’Archiac offre à la Société la publication du cours de paléontologie qu’il a professé l’année dernière au Muséum. M. Ed. Collomb, trésorier, rend compte de l’état de la caisse au 31 décembre 1862 : Il y avait en caisse au 34 décembre 1 864 . . 523 fr. 65 c. La recette, du 4er janvier au 34 décembre 4 862, a été de . . . 20,407 70 Total. . . 20,934 35 La dépense, du 4er janvier au 34 décembre 4 862 , a été de . 20,1 43 4 0 84 8 fr. 25 c. Il reste en caisse au 34 décembre 4 862. . . ÉLECTIONS DK 1863. 187 La Société adopte successivement les nominations que le Conseil a faites, dans sa dernière séance, pour l’année 1863, dans les diverses Commissions. Ces Commissions sont composées de la manière suivante : 1° Commission de Comptabilité , chargée de vérifier la ges¬ tion du Trésorier : MM. Parés, le baron de Brimont, P. Mi- chelot, 2° Commission des Archives , chargée de vérifier la gestion de l'Archiviste : MM. Walferdin, Edm. Pellat, Clément- Mullei. 3° Commission du Bulletin : MM. le vicomte d’Archiac, Albert Gaudry, P. Michelot, Dalbrée, Damour. j© Commission des Mémoires : MM. Viquesnel, Deshayes, de Verne U il. Il est ensuite procédé à l’élection du Président pour l’année 1863. M» Albert Gaudry, ayant obtenu 64 voix sur 143 votes, est élu Président pour l’année 1863. La Société nomme ensuite successivement : Vice- Présidents : MM. Daubrée, Lartet, Barrande, Deshayes. Secrétaire: M. Jannettaz. Vice-Secrétaire : M. Alphonse Milne-Edwards. Membres du Conseil : MM. Delesse, d’Archiac, Grüner, de Verneuil, Viquesnel, Desnovers. Par suite de ces nominations, le Bureau et le Conseil sont composés, pour l’année 1863, de la manière suivante: Président. M. Albert Gaudry. V ice- Présidents. M. Barrande , M. Deshayes, Secré ta ires. Vice-Secréta ires . M. Danglure , jM. Paul Dalimier , M. Jannettaz. |M. Milne-Edwards (Alphonse). M. Daubrée , M. Lartet , 188 SÉANCE DU 1*2 JANVIER 1863. M. Ed. Coulomb. Trésorier . Archiviste . |M. le marquis de Roys. Membres du Conseil . M. Levàllois, M. DE BlLLY, M. Parés, M. Paul Michelot, M. Damour, M. Ch. Sainte-Glaire Deville, M. De LE SSE , M. le vicomte d’Archiac , M. Grüner , M. DE VeRNEUIL, M. Viquesnel, M. Desnoyers. Commissions. Comptabilité : MM. Parés, le baron de Brimont, P. Michelot. Archives : MM. Walferdin, Edm. Pellat, Clément-Mullet. Bulletin: MM. Paul Michelot, Daubrée, Damour, le vicomte d’Archiac, Albert Gaudiiy. Mémoires : MM. de Verneuil, Viquesnel, Deshayes. Séance du 12 janvier 1868. PRÉSIDENCE I)E M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. François, ingénieur en chef des Mines, présenté par MM. Levàllois et Daubrée. Gemellaro (Gaetano), professeur de géologie à l’Université, à Palerme (Sicile), présenté par M. le Baron Anca et Ed. Gollomb. Le Président annonce ensuite une présentation. LETTRE DE M. ROUÉ. 189 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre d’Etat, Journal des savants, déc. 1862. De la part de M. G. G. Bianconi, Del calore prodotto per V attrito fra Jluidi e solidi in rapporta colle sorgenti termali e cogli aeroliti , in-8, /18 p. , Bologne, 1862- chez Mareggiani. De la part de M. B. Studer, Observations géologiques dans les Alpes du lac de Thoune [Extr. de la Bibl. univ. de Genève ( Arch . des se . phys. et natj), déc. 1862], in-8, 15 p. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 1863, 1er sem., t. LVÏ, n° 1 . U Institut, n° 151Û \ 1863. The quarterly Journal oj the geologicai Society , n° 72, 1er nov. 1862. The Athenœum, n° 1837, 1863. 'Wurttem bergische naturw. Jahreshefte , 1862, 1er cahier. Revista minera , t. XIY, n° 302, 1er janv. 1863. Fifteenth animal report of the regents of the State of New- York, Àlbany, 1862-, chez G. Yan Benthu^sen. M. À. Gaudry dit qu’il croit être l’interprète des sentiments de la Société en remerciant M. Delesse des soins qu’il a donnés à ses fonctions de Président pendant l’année expirée } il exprime en même temps sa reconnaissance à la Société de l’honneur qu’elle lui a fait en le nommant son Président pour cette année. M. Yiquesnel communique l’extrait suivant d’une lettre, en date du 25 décembre 1862, qui lui a été adressée de Vienne ; par M. Ami Boué. Avez-vous reçu le grand volume in-4 en russe avec un atlas in-folio sur le Voyage le long (le f Amour (Pouteschestvie na Amour), par M. Maak? 11 l’a fait au compte de la Société impériale russe de géographie. 11 y décrit son voyage, ses aventures, ses observations géologiques et botaniques. Une carte géographique, une carte géologique des bords de l’Amour, ainsi que lit planches de vues et 17 planches botaniques, en forment l’atlas. Les terrains observés sont l’argile et le sable d’ailuvion, un calcaire ancien ou une dolomie de cet âge, savoir probablement carbonifère et en 190 SÊVNCE DU 12 JANVIER 1863, partie gréseux , des schistes cristallins, un vieux grès rouge, des schistes argileux, des micaschistes, des schistes chloriteux, des schistes siliceux, des schistes dioritiques, des granités, syénites et porphyres, des aphanites, des basaltes, des mélaphyres amygda- laires, des perlites, des laves, des houilles qu’on a exploitées çà et là. J’avais pensé à ajouter la distribution géographique de ces roches ; mais pour un pays presque sans villages ni bourgs, je n’aurais pu donner que des noms de rivières qu’on ne trouve encore presque sur aucune carte. 11 vous suffira donc de savoir que le long du dernier grand coude que l’Amour décrit du S. au N. avant d’arriver à la mer dominent les aphanites, le grès rouge et le terrain schisteux an¬ cien, avec très peu de granité ou de porphyre. Les alluvions sont considérables, surtout sur les bords de l’Amour entre ce coude et celui que la rivière décrit dans l’intérieur du pays du S.-E. au JN.-O. pour remonter vers ses sources. Sous ces alluvions ne paraissent que çà et là des granités ou des porphyres et surtout des schistes argileux ou cristallins avec un îlot de calcaire dolomitique. Au contraire, les basaltes, perlites, laves même avec des granités, syénites et porphyres, et quelques étendues de grès rouge, de schistes cristallins et d’alluvion constituent la grande branche de la rivière qui descend du N. -O. ou S.-E., dont nous venons de parler. Plus près de sa source et dans son parcours environ O.-E. régnent surtout le grès rouge avec des pointements de schistes cristallins, et plus près de ses sources les roches granitoïdes ou por¬ phyres, le calcaire carbonifère ou dolomitique, ainsi que quelques pointements de schistes cristallins. Huit petites coupes ajoutent encore quelques détails. On y voit du porphyre feldspatliique en contact avec du calcaire en lits contournés, du micaschiste avec des calcaires ou dolomies grenues en lits tourmentés, du quarzite recouvert d’argile schisteuse alternant avec de la houille, en re¬ couvrement du tout du grès, qui contient lui-même quelquefois des traces et de petits lits de houille, des perlites en contact avec des porphyres feldspathiques et des roches siliceuses ou Hornstein. Unger donnera un ouvrage sur Chypre avec une carte géologique. 11 a trouvé quelques fossiles de plus queGaudry; mais le terrain crétacé est toujours sans fossiles. Kotchi, qui l’a accompagné et qui, plus tard, a été dans la Syrie septentrionale et de là vers les sources de l’Euphrate, dans une partie encore non visitée de ces régions montagneuses, a manqué d’y périr, son domestique s’étant mis du parti des assassins. NOTE DE M. GOSSELET. 191 M. Hébert communique la note suivante de M. Gosselet : Observations sur U âge du calcaire de Blaye ; par M. J. Gosselet, docteur ès sciences. L’âge du calcaire de Blaye est encore sujet à discussion ; cepen¬ dant on l’assimile habituellement au calcaire grossier. J'avais commencé, pour fixer ce point de la science, des recherches que je ne puis poursuivre et dont voici les résultats. Quelque incomplets qu’ils soient, j’espère que les géologues les accueilleront avec in¬ térêt , car ils font connaître quelques relations encore obscures. La route de Blaye à Bourg donne une excellente coupe des di¬ verses couches supérieures au calcaire de Blaye; elles sont surtout bien développées des deux côtés du village de Plassac. Coupe des terrains tertiaires sur la route de Blaye a Bourg. N.-O. Plassac, Montuzet, S.-E. 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 1 — Calcaire de Blaye. 2 — Argile grise à Ostrea cochlearia ?. .... lm5S0 3 — Marne blanche . . 1 mètre. 4 — Calcaire siliceux d’eau douce . 6 à 10 mètres. 5 — Calcaire marin à Orbitolites . 1 à 2 mètres. 6 — Argile. Mollasse du Fronsadais . ». 20 à 25 mètres. 7 — Calcaire de Bourg. Le fond de la vallée où est construit ce village est formé par [1] le calcaire marin de Blaye à Orbitolites, Miliolites et Eehi- nolampas. En montant vers Se N.-O., on trouve au-dessus de ce calcaire : [2] Une couche d’argile grise, épaisse de lin,50, plastique à la base, sehistoïde plus haut et renfermant un banc d’une Huître très voisine de l 'Ostrea cochlearia. C’est là que Dufrénoy a trouvé des rognons de gypse et de sulfate de strontiane. C’est aussi dans cette couche, ou peut-être dans la suivante, que Jouannet a trouvé des dents de Paléothérium, de Gavial et des carapaces de Tortues. 192 SÉANCE DU 12 JANVIER 4863. [3] Une couche de 1 mètre de marne blanche alternant avec du calcaire marneux. [U] Le calcaire siliceux exploité pour faire de la chaux et ren¬ fermant Limnea longiscataï Planorbis rotundatusl Cyclostoma . En continuant la route dans la même direction, on redescend la série de ces couches qui toutes s’élèvent vers le N. -O., c’est-à- dire versBlaye. Pour trouver des couches plus récentes, il faut se diriger vers le S. -E., c’est-à-dire de Plassac à Bourg. Dans le village le sol est en grande partie caché par les constructions; cependant M. Tournouër y a reconnu le calcaire d’eau douce formant la berge d’un fossé. Après avoir dépassé la dernière maison, au pied de la butte de Montuzet on aperçoit : [5] Un calcaire marin avec Miliolites, fragments d’Huîtres, Anomies, Peignes, etc. A Berson (9 kilomètres au nord de Plassac) j’y ai trouvé des exemplaires d’ Echinolampas ovalis qui m’ont paru, ainsi que les Peignes, identiques avec ceux de la partie supérieure du calcaire de Blaye. Enfin ces jours derniers, M. Tournouër y a reconnu un Orbitolite, genre considéré jusqu’à présent comme caractéristique du calcaire de Blaye (1). Epaisseur 1 mètre en¬ viron. Le calcaire d’eau douce, intercalé entre cette couche et le cal¬ caire de Blaye, appartient par conséquent au même étage. [6] Une couche d’argile épaisse de 20 à 25 mètres qui forme la base de la butte de Montuzet, le puy de Berson, la partie inférieure du monticule de Cars. Elle renferme à sa partie infé¬ rieure des Anomies et une grande Huître, Y Oslrea crispata , Raulin et Delbos, si voisine de Y O. lot/ giros tris de Villejuif (2). M. Delbos rapporte cette argile au calcaire à Astéries ;*M. Raulin la désigne sous le nom de mollasse du Fronsadais. Je partage son opinion si on donne le nom de mollasse du Fronsadais, comme le font tous les géologues aquitains, y compris M. Delbos, aux argiles plus ou moins sableuses visibles près du pont de Cubzac. [7] Le calcaire de Bourg, sableux, peu cohérent, ne renfermant guère d’autres fossiles que des Anomies, et un lit rempli de petits Peignes qui le sépare de la mollasse. (1) « Nous devons à M. de Collegno la détermination précise des calcaires de Blaye et de Bourg; il reconnut que l’on pouvait les carac¬ tériser, l’un par la présence des Orbitolites, l’autre par la présence des osselets d’ Astéries. » (Delbos., Métn . de la Soc. gcol. de France , 2e sér., t. II.) (2) MM. Raulin et Delbos citent l’O. longirostris dans le même banc à Cars. NOTE DE H. GOSSELET. 193 J’ai démontré il y a quelques mois (1) qu’au JN.-E. du bassin tertiaire de l’Aquitaine le calcaire d’eau douce désigné par M. Delbos sous le nom de calcaire du Périgord devait se diviser en deux assises, comprenant entre elles les mollasses du Fronsa* dais. Le calcaire d’eau douce inférieur que j’ai désigné sous le nom de calcaire de Beaumont est superposé à des grès et à des argiles panachées, avec minerai de fer. ïl correspond par sa position stra- tigraphique (inférieur aux mollasses du Fronsadais) au calcaire d’eau douce de Blaye. Cependant il n’y a pas continuité entre ces deux calcaires ; il y a dans les environs de Libourne une inter¬ ruption assez large; mais dans ces points on retrouve encore quel¬ ques petits lambeaux isolés de calcaire d’eau douce. A Bonzac, par exemple, on voit un calcaire d’eau douce épais de 2 mètres et dessous des grès et de la mollasse sableuse renfermant une petite couche argileuse, où on a trouvé les ossements de Paléothérium, de Gavial et de tortues décrits par Cuvier. Si, comme tout l’indique, les calcaires d’eau douce de Blaye, de Bonzac. et de Beaumont appartiennent à un même horizon strati- grapliique, on doit rapporter à l’étage du gypse (éocéne supé¬ rieur) les argilesà Paléothérium et à Huîtres [Ostrea cochlearia?) de PJassac, les mollasses sableuses à Paléothérium de Bonzac, le gypse de Sainte-Sabine, les grès et argiles panachées avec minerai de fer de l’Allémance. Enfin, si l’examen scrupuleux des fossiles confirme mes pre¬ mières déterminations, le calcaire de Blaye lui-même doit aussi rentrer dans cet étage. Le tableau suivant résume les conclusions de celle note et d’un travail cité plus haut et présenté il y a quelques mois à la Société linnéenne de Bordeaux. (1) Note présentée à la Société linnéenne de Bordeaux au mois d’août 1862. Soc. géol ., 2e série , tome XX= 13 SÉANCE DU 12 JANVIER 1863 m g g > cène du sable g 3 | des Landes. COUPE DES TERRAINS TERTIAIRES dans le département de la Gironde ).F.taSJepli?; J Sable des Landes, graviers et i argiles rouges de Montuzet Etage mio¬ cène super, ou des faluns. Faluns de Salles. Faluns de Léognan, de Saucat (la Cassagne, etc,), du Hayan de Dax. j Calcaire d’eau douce de Sau ; cats. Étage mio¬ cène moyen ou I des calcaires du Bazadais. Couches à Cérites du moulin de l’Église (Saucats). Falun de Larriey. Calcaire arénacé de Labrède falun de Martillac, Argiles à Ostreu undata de Sainte-Croix-du-Mont. Argiles à Ostrea crispa ta de La Réole. [Calcaire d’eau douce de Caba- nac, calcaire d’eau douce ? de Labrède, calcaire d’eau douce de la Gra veilleuse (La Re'ole). Mollasse coquillière de Saint- Morillon, de Mondet (Mar' tillac). /Calcaire de Suint-Macaire, à JSatica crassatina. Etage mio- cèneinfèrieur ou du calcaire » n , . , n , . . à Astéries. I Calcaire maim de Pour§ (*) Calcaire d’eau douce de Sainte- Foy. \ Mollasse du fronsadais. Calcaire marin à Orbitoliles de Plassac. Calcaire d’eau douce de Blaye. COUPE DES TERRAINS TERTIAIRES dans la Dordogne, le Lot et le Lot-et-Garonne (rive droite de la Garonne). Calcaire noiiâtre d’eau douce de Nicolle. Argiles à Ostrea crispa la de Nicolle. Calcaire blanc d’Agen. Mollasse inférieuredel’Agenais, à Anthracothérium. al caire d’eau douce du Péri¬ gord, de Marmande. ollasse de Bergerac, meu¬ lières. Argiles à Paléothérium de Plas¬ sac, mollasse sableuse à Pa- léolherium de Bonzac. Calcaire marin de Blaye. Calcaire d’eau douce de Beau¬ mont. Grès de Bergerac, argiles pana¬ chées. Grès ferrugineux de Biron, mi¬ nerai de ter de l’Allémance. Gypse de Sainte-Sabine. M. Hébert donne connaissance à la Société de la réponse (1 ) Les relations du calcaire de Bourg avec les couches plus récentes ne me paraissent pas encore clairement démontrées. NOTE DE M. LE HON. 195 suivante de M. Le Hon aux observations qu’il a faites relati¬ vement à un travail de ce dernier sur le terrain tertiaire des environs de Bruxelles ( Bul /. , t. XIX, p. 80 h) : Système bruxellien. — Réponse de M, Le Hon aux observations de M. Hébert. Les observations de mon savant confrère et ami sur le clas¬ sement du système bruxellien n’ont pu porter la conviction dans mon esprit, et je le regrette, car je ne désire rien tant que Félu- cidation définitive d’un fait plein d’intérêt pour moi. Je vais ex¬ poser brièvement en quoi je ne puis accepter certains arguments de M. Hébert dans l’état actuel de la discussion. Si l’on ne considère que la faune générale du système bruxellien et du calcaire grossier, il semble que la question est d’une solution facile, et que ces deux systèmes sont parallèles dans la série ter¬ tiaire. Aussi ai-je hésité longtemps avant d’adopter l’opinion que j’ai publiée; mais d’autres considérations qui ne concordent pas ici avec l’analogie maxima des faunes m’ont paru devoir l’em¬ porter. D’abord, si je prends le chiffre 30 de M. Hébert pour les es¬ pèces communes aux étages bruxellien et suessonien, on trouvera sans doute que ce nombre mérite déjà d’être pris en sérieuse con¬ sidération, et les deux espèces spéciales aux deux localités et aux¬ quelles il faut joindre, je pense, le Buccinanops fissuration , ne sont pas non plus sans signification. Ces réserves posées, examinons un autre ordre de faits. Parmi les espèces caractéristiques des couches tertiaires infé¬ rieures, je pense qu’il n’en est pas pouvant présenter des horizons plus sûrs que certaines Nummulites; j’ai donc cru devoir surtout consulter ces foraminifères pour former mon opinion. Or, suivant la division des terrains d’Ale. d’Orbigny, l’étage suessonien se compose, entre autres dépôts, des couches inférieures aux Num - mutités Itèvigata, telles que celles de Soissons, de Cuise-la-Motte, de Laon, etc. Cet éminent géologue trace ainsi la limite infé¬ rieure de l’étage parisien, ou du calcaire grossier, à l’horizon des Nummulites lœvigata , lesquelles recouvrent partout en Belgique le système bruxellien et forment la base invariable du système laeke- nien. Il faudrait donc, pour distraire du suessonien supérieur les 20 à 30 mètres découches bruxelliennes, commencer par modifier la classification de d’Grbigny que je crois généralement acceptée. Si SÉANCE DU 12 JANVIER 1863. 49 6 mon savant contradicteur pensait, comme pour M. Melleville, que d’Orbigny m’a égaré, je me trouverais au moins en cette fâcheuse circonstance en assez nombreuse compagnie. Si nous examinons maintenant le niveau de gisement des Num- mulites planulata , une des espèces les plus inférieures du terrain nummulitique, partout nous les trouverons à une assez grande profondeur dans l’étage suessonien. À la montagne de Laon elles sont signalées, dans une coupe de M. Melleville, à 20 mètres au-dessous des couches parallèles à celles de Cuise-la-Motte. M. Hébert, il'est vrai, conteste l’exacti¬ tude des travaux de ce géologue ; nous nous appuierons donc sur la classification de M. Deshayes suivant lequel les Nummulites apparaissent à Aisy, à Laon, à Laversine et dans son quatrième étage, bien au-dessous des dépôts de Cuise-la-Motte, dont il forme le type principal de son cinquième étage. M. Deshayes ne désigne pas spécifiquement ces Nummulites ; je suis fondé à croire qu’elles ne peuvent être que la N. planulata. S’il en était autrement, et si les espèces signalées par le savant conchyliologiste ne se composaient que des N. nummularia , scabra , etc., il y aurait certes lieu à modifier mon opinion devant ces faits. Si, au contraire, le gisement profond dans l’étage suessonien, dit couches à Nummulites planulata , est reconnu, voilà pourtant bien les dépôts bruxelliens embrassant ceux de Cuise-la-Motte, et c’est ici où les objections de M. Hébert ne m’ont pas paru suffi¬ samment explicites, car il ne nie pas absolument deux niveaux pour cette espèce. Mais entrons dans le vif de la question ; n’y a-t-il pas de bancs de Nummulites planulata au-dessous des couches de Cuise-Ia -Motte? Alors j’aurais, en effet, été induit en erreur par des documents scientifiques inexacts, et ce serait chose utile de bien poser enfin l’horizon d’une espèce caractéristique aussi importante. Je ne puis passer sous silence une observation de mon savant contradicteur qui vient plutôt appuyer l’opinion que j’ai émise que la combattre; c’est au sujet des fruits fossiles de Nipadites . M. Hébert dit : « Il n’est pas jusqu’aux fruits si curieux et si » connus du système bruxellien ( Nipadites ), et que M. Le Hon » rapporte , il est vrai, au système laekenien, que je n’aie re- » trouvés dans nos carrières du calcaire grossier inférieur d’Issy, » près de Paris, associés avec les Echinolampas similis , Pygorliynchus » Cuvieri, et au-dessous des bancs qui renferment toute la faune « que je viens de citer plus haut. » (Cette liste citée par M Hé- NOTE DE M. LE HON. 197 bert est commune au bruxellien et au calcaire grossier); or, à Bruxelles c’est, exactement le contraire de ce qui a lieu à Issy ; les Nipadites et les Echinolampas Galeottianus , etc., gisent par¬ tout au-dessus de la faune bruxellienne. Ce fait, il faut le recon¬ naître, semble bien indiquer que la similitude des deux faunes bruxellienne et parisienne n’implique pas un synchronisme ri¬ goureux, et que les couches bruxelliennes devaient être déposées quand commencèrent à se former les assises du calcaire grossier. Le phénomène qui a entraîné les Nipadites dans les couches ma¬ rines de Paris et de Bruxelles doit, suivant toute vraisemblance, être identiquement le même. Quant à l’assise des sables jaunes à rognons de grès (têtes de chat), je m’empresse de reconnaître qu’elle peut très bien corres¬ pondre aux couches bruxelliennes ; mais qu’on veuille bien le remarquer encore, d’après la classification des terrains d’Alc. d’Or- bigny, ces sables jaunes seraient inférieurs à l’étage parisien et compris par conséquent dans l’étage suessonien. « Nous réunis¬ sons, dit ce géologue, sous le nom d’étage suessonien, l’argile plastique, les lignites et les sables inférieurs glauconieux du bassin parisien, placés au-dessous de la zone à Nummulites lœvigata. » Si les faits observés depuis ont nécessité des modifications au classement de d’Orbigny, je serais heureux de l’apprendre. Quoi qu’il en soit, je n’attaclie qu’une importance secondaire aux termes des nomenclatures et ne désire qu’une chose, déterminer d’une manière certaine lhorizon du système bruxellien, quelque nom qu’on lui donne d’ailleurs. Au reste, puisque M. Hébert m’accorde que parmi les couches que j’ai décrites comme compo¬ sant le système bruxellien de Dumont il s’en trouve une partie appartenant au système suessonien , nous sommes bien près de nous entendre. Voici le passage auquel je fais allusion : « Cette assise (sables jaunes) se trouve également à la partie » inférieure du système bruxellien; elle n’a aucun rapport avec » les assises de la montagne de Laon qui font partie des sables du » Soissonnais. A Bruxelles, comme dans le bassin de Paris, ces » sables jaunes à rognons de grès sont séparés des couches à Num- » nudités planuiata. par des sables gris, fins et doux au toucher, »* alternant avec des lits d’argile , qui constituent l’assise la plus » élevée de la série suessoniene. » M. Hébert m’accorde donc qu’à Bruxelles, au-dessus du banc des Nummulites planuiata , gisent les dernières couches de l’étage suessonien. Il est vrai qu’il ne reconnaît comme telles que celles qui surmontent immédiatement ces Nummulites; mais nous avons 198 SÉANCE DU 12 JANVIER 1863. bien examiné, -de bas en haut, avec M. Lyell , la série continue du système bruxellien, à la campagne Mosselman, et ce savant géologue n’a remarqué, non plus que moi, de temps d’arrêt ni de perturbation quelconque jusqu’aux Nummulites lœvigata et aux dents de squales roulées qui le surmontent et semblent bien mar¬ quer dans les deux pays la limite supérieur du suessonien. Mon savant confrère voudra bien, j’espère, accorder quelque valeur aux observations qui précèdent; mais il me ramènera sans doute à son objection principale : l’analogie des faunes. Cette analogie reste debout, c’est vrai, et cet argument est important, je le déclare volontiers. Néanmoins je ne le regarde pas comme étant de nature à primer à lui seul tous les autres faits qui me paraissent en discordance avec lui, et voici sur quelles considéra» lions j’appuie ma croyance. D’après l'important travail de M. Deshayes, trente-quatre espèces, parmi les mollusques acéphales seulement, passent des sables inférieurs dans le calcaire grossier, et l’on ne sera sans doute pas très éloigné d’une centaine d’espèces quand ce travail sera entièrement terminé. ïl faut avouer que de tels mélanges, dans des étages différents, doivent donner à réfléchir. Ils démontrent qu’on a souvent trop spécialisé les faunes, et semblent indiquer une tendance des espèces à s’étendre vers le sud. La comparaison des faunes situées à de grandes distances, ce précieux fil d’Ariane dans les mains du géologue, commence malheureusement à perdre beau¬ coup de son infaillibilité. Les idées nouvelles de M. Agassiz sur cette grave question, idées développées par M. Pictet, méritent bien d’être prises en sérieuse considération (1). Ainsi, comme le reconnaît très bien M. Hébert, la faune laekenienne diffère consi¬ dérablement de celle du calcaire grossier qui lui est contempo¬ raine ; mon contradicteur admet donc implicitement que la dis¬ semblance de deux faunes éloignées n’établit pas suffisamment un âge différent, ou, si on me permet le mot, leur anachronisme res¬ pectif. J’ajouterai comme corollaire à cette vérité : la similitude de deux faunes éloignées n’implique pas absolument leur synchro¬ nisme. Suivant M. Pictet, si une série de faunes identiques se retrouvent sur un long espace géographique situé sur un même méridien, cela peut résulter de ce que les conditions climatériques et biologiques se sont trouvées successivement les mêmes à ces diverses latitudes, permettant ainsi le développement de faunes (4) Discussion de quelques points paléontologiques ( Bibliothèque universelle de Genève ). NOTE DE M. LE HON. 199 similaires, bien que non contemporaines. Il cite, à ce sujet, le mémoire de M. de Strombeck sur les faunes crétacées du Hanovre, de la Germanie, de la Suisse, de la Provence et de l’Algérie, avec d’intéressantes considérations paléontologiques trop longues à dé¬ velopper ici. M. Hébert n’admet-il pas lui-même, à un certain point, cet ordre de faits, lorsqu’il avance que la plupart des espèces qu’il a citées du système bruxellien appartiennent à l’horizon du calcaire grossier à Ccrithium giganteum, tandis qu’il considère le bruxellien comme inférieur à ce calcaire? (p. 836-37 du Bull.) L’opinion que je viens d’émettre sous forme d’aphorismes n’est donc ni isolée ni en désaccord avec l’observation. De nouvelles lumières surgissent chaque jour, et il est permis de penser que, malgré l’analogie des faunes du système bruxellien et du calcaire grossier, la première a dû commencer à se développer vers le nord avant de s’étendre et de grandir plus au sud. Je citerai comme exemple les espèces suivantes : Rostellaria jîssurella , Fusus ficul- neus et bulbiformis , Buccinum stromboides , Lucina pulchelln , Car- dit a planicosta , Car di um porulosum , etc., espèces qui ont vécu dans les sables bruxelliens et suessoniens, et qui s’éteignent en Belgi¬ que, sans atteindre les sables de Laeken, tandis que, dans le bassin de Paris, elles ne présentent que plus tard leur maximum de déve¬ loppement, dans les couches du calcaire grossier supérieures au Cerithium giganteum . Je citerai encore : Solarium trochiforme , Voluta simplex , Cardium semigranulatum , espèces du système laekenien, qui n’apparaissent en France que dans les sables moyens. Ces faits, il faut le dire, ne manquent pas de signification et ne font du reste que confirmer cette loi générale du refroidissement graduel de l’écorce terrestre, loi qui a fait reculer, avec les temps, les Nautiles et tant d’autres genres bruxelliens jusqu’à l’équateur. Dans l’état actuel de la question , et en tenant compte des lumières nouvelles apportées par M. Hébert, voici les conclusions qui me paraissent les plus conformes aux faits constatés. Le système bruxellien comprend les couches situées dans le bassin de Paris entre l’horizon principal des Nummulites planulata et celui des Nummulites lœvigata inclusivement, ces dernières étant à Bruxelles remaniées à l’état fossile. Le système laekenien commence à partir de la zone à Nummu¬ lites lœvigata exclusivement et comprend le calcaire grossier à Cerithium giganteum. 200 SÉANCE DU J 2 JANVIER 1863, C’est dans des conditions analogues que M. Lyell et moi avons observé ces deux systèmes à la colline de Cassel. Quant au fait de la dénudation et des ravinements de la surface des sables bruxelliens par des courants venant du sud, je crois l’avoir suffisamment démontré par des preuves palpables que rien n’est venu infirmer. Il ne me reste donc qu’à respecter à cet égard les convictions de mon savant confrère et ami. A la suite de cette communication M. Hébert fait les remarques suivantes : l3 Les trente espèces communes aux étages bruxellien (Dumont) et suessonien (d’Orb.) n’ont aucune valeur dans le rapprochement que, dans son mémoire, M. Le Hon tentait d’opérer entre ces deux étages , puisqu’elles sont également communes au calcaire grossier; 2° La zone à Nummulites lœvigata ne forme pas la base du système laekenien (Dumont), comme semble le dire M. Le Hon (p. 195), mais, dans les idées mêmes de l’auteur, elle appartient au système bruxellien. 3° M. Le Hon prend la définition de l’étage suessonien dans le Cours élémentaire de géologie d’ Ale. d’Orbigny. M. Hébert ne pense pas que, dans ce cas au moins, ce soit à cette source qu’il faille aller puiser la précision scientifique. L’auteur de ce traité ne donne, en effet, nulle part la succession des couches qui consti¬ tuent son étage suessonien , et la ligne exacte de démarcation avec X étage parisien (d’Orb.) ; mais il n’y a rien dans le texte qui soit de nature à prouver que les sables et grès à rognons tuberculeux, supérieurs aux sables à Nummulites planulata , aient été compris par Ale. d’Orbigny dans l’étage suessonien. On voit, p. 740, les mots suivants : « Pour nous l’étage suessonien finit avec la zone de la Nerita Schmidelliana , de la Nummulites planulata ; et l’étage parisien commence avec la zone des Nummulites lœvigata , dans les glauconies grossières.... » Ce sont ces glauconies grossières, infé¬ rieures au calcaire grossier proprement dit, qui comprennent les assises 1 et 2 de la note de M. Hébert ( Bull 2e série, t. XIX, p. 835), et qui correspondent au système bruxellien. 4° M. Hébert n’a aucunement contesté l’existence, si connue de tous les géologues parisiens, de la Nummulites planulata à Aizy, Laon, Laversine, etc., c’est-à-dire sur l’horizon de X Ostrea rarila- mella^tms une couche inférieure à celle de Cuise-la-Motte j il a dit seulement qu’elle était beaucoup plus abondante dans l’horizon de NOTE DE M. JANNETTAZ. 201 Guise. Mais cela est complètement étranger au système bruxellien, puisqu’il nie qu’à Bruxelles la couclie à N. planulata doive être classée dans le système bruxellien. Il soutient au contraire que cette couche forme, comme il est facile de s’en assurer au mont Panisel (1), la partie supérieure du système panisélien (Dumont); et c’est ce dernier système, et non par le système bruxellien, qui correspond à la partie supérieure de l’étage suessonien de d’ür- bigny. Sans étendre davantage ces observations, M. Hébert se félicite de ce que les critiques qu’il s’est cru obligé de faire aux conclu¬ sions du mémoire de M. Le Hon aient conduit son savant confrère à modifier ses conclusions, de manière à faire disparaître toute divegence d’opinion sur les parties importantes de la question. M. Jannettaz fait la communication suivante : Note sur la présence d’une variété de cordiérite altérée dans les schistes siluriens de Bagnères - de - Luchon ; par M. Jannettaz. Dans une de ses excursions extraordinaires de l’année 1862, la Société géologique a visité les environs de Bagnères-de-Luehon, (1) Voici la coupe du mont Panisel, levée par M. Hébert, en 1852, sur le chemin qui descend du petit Belvédère vers Ciply : 1° Rognons de grès calcarifères du système bruxellien couvrant les champs. 2° Sables et grès glauconieux présentant quelques lits argileux et alternant, à la base , avec quelques lits de concrétions de cal¬ caire glauconieux, rempli de Nummulites planulata et autres fossiles non encore déterminés . épaisseur 2m,50 3° Argile sableuse, extrêmement glauconieuse, avec quel¬ ques lits de calcaire glauconieux à la base . 2m,00 4° Lit d’argile verte . 0m,15 5° Sable ferrugineux avec concrétions ferrugineuses. . . 1m,00 6° Sable gris avec zones ferrugineuses . 6m , 0 0 7° Sable argileux contenant deux lits de sable très glau¬ conieux . 1m,00 8° Sable gris jaunâtre, ferrugineux, argileux à la base. . 5m,00 9° Sable légèrement glauconieux. . . 4m,00 Total. . . . 21m,65 Le reste n’était pas visible. Cette série se rapporte aux sables supérieurs du Soissonnais, c’est- à-dire au système compris entre les lignites et les sables à rognons tuberculeux. 202 SÉANCE DU 19 JANVIER 1863 = Auprès de la tour de Castel-Vieil sont des schistes entrecoupés par des granités et surtout des pegmatites. M. Leymerie y a signalé à la Société l’existence de la gédrite. Cette matière se rencontre à la surface de nodules disséminés dans les schistes. Les nodules sont composés de mica, de quartz, de fedlspath, de gédrite et d’une substance grise, assez tendre, qui empâte souvent le quartz. Le mica y est déposé en feuillets dont le quartz et le feldspath troublent la régularité. La gédrite s’y ajoute en prismes radiés ; quant à la matière grise dont je veux parler spécialement, elle contient de l’alumine et de la magnésie. Elle enveloppe assez sou¬ vent le quartz et le mica, et l’on pourrait la regarder comme résultant d’une altération de cette dernière substance; mais d’après l’observation que j’ai faite du dichroïsme dans quelques fragments de la matière vitreuse qui ne se compose pas seulement de quartz, mais me paraît être uu mélange de quartz et de cor- diérite, je suis porté à croire que la matière grise et assez tendre pour être rayée au couteau est une de ces variétés altérées de cordiérites, connues sous le nom de pinite. Le secrétaire lit une note de M. Ébray sur le terrain juras¬ sique du département de la Loire. M. le Président annonce qu’il a reçu de M. Goquand un ' mémoire sur la constitution géologique du sud dè la province de Gonstantine qui sera renvoyé à la Commission des mémoires. Séance du 19 janvier 1866. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faste dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Lartet (Louis), attaché au muséum d’Histoire naturelle, rue Lacépède, 15, à Paris, présenté par MM. Daubrée et d’Orbigny. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 203 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Eugène Deslongchamps : 1° Etudes critiques sur des Brachiopodes nouveaux ou peu contins , 1er et 2e fascicules, août 1862, in-8, Paris-, chez Savy -, Caen, chez A. Hardel. 2° Lettrées sur les dépôts noduleux renfermant des animaux vertébrés , par MM. Eudes Deslongchamps père et fils (Extr. du t. VIII, du Bull, de la Soc Linn. de Normandie ), in-8, 16 p. ; Caen, chez À. Hardel, 1863. De la part de M. J. Dorlhac, Méthodes d’ exploitation des mines de houille et d’ anthracite des départements de la Mayenne et de la Sarthe (Extr. du Bull, de la Soc. d’ind. min, 9 1. VII, 1862), in-8, 196 p., 5 pl., Saint-Étienne, chez veuve Théolier aîné, etc. De la part de M. Gabriel de Mortillet, Revue scientifique italienne ; 1862, 5e livr. De la part de M. J. Vilanova y Piera, Manual de geologia aplicada a la agricultura y a las artes industriales , 2 vol. in-8, 1 atlas in-8, Madrid, 1860; imprimerie nationale. De la part de M. le professeur Figari-Bey, Aperçu théorique delà géographie géognostique de V Afrique centrale , 17 p., 1 carte, Paris ; chez Lainé et Havard. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences y 1863, 1er sem., t. LVI, n° 2. Bulletin des séances de la Société centrale d’ agriculture 2e sér., t. XVIII, n° 1,1862. L’Institut , n° 1515, 1863. Journal d’agriculture de la Côte-d’ Or, n° 11, novembre 1862. Mémoires de la Soc. Dunkerquoise pour V encouragement des sciences , des lettres et des arts , 1861-1862, t. VIII. Annales de la Société des sciences industrielles de Lyon , n° 7, Janvier 1863. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , décembre 1862. The Athenœum , nos 1838; 1863. SÉANCE DU 19 JANVIER 1863. 20 h Revis ta minera , t, XIV, n° 303, 15 janvier 1863. M. le Président annonce la mort de M. Dury, ancien profes¬ seur de mathématiques à Langres (Haute-Marne). M. de Yerneuil présente de la part de M. Vilanova un ouvrage en deux volumes avec atlas séparé, intitulé : Manual de geologia aplicada a la agricultura y a las artes industriales (voy. la Liste des dons)t et ajoute les explications suivantes : Après avoir passé trois années parmi nous et avoir parcouru en géologue la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse et l’Italie, M. Vilanova fut appelé à la chaire de géologie à l’Université cen¬ trale de Madrid. Peu de temps après sa nomination le gouverne¬ ment de la Reine eut l’heureuse pensée d’ouvrir un concours et de proposer un prix de 20,000 réaux pour le meilleur ouvrage sur la géologie appliquée à l’agriculture et à l’industrie. C’est de cette double circonstance qu’est né le livre qui est sous les yeux de la Société, livre qui a remporté à l’unanimité le prix décerné par l’Académie des sciences de Madrid, et qui était d’au¬ tant plus nécessaire qu’il n’existait dans la belle langue espagnole d’autre ouvrage élémentaire que celui de M. Lyell, traduit par Ezquerra del Bayo. Nous sommes heureux qu’en nous chargeant de vous présenter son ouvrage, M. Yilanova nous ait donné l’occasion de vous dire ici toute l’estime que nous avons et pour le livre et pour son auteur. Le titre dont M. Yilanova a dû se servir pour répondre au pro¬ gramme du gouvernement pourrait faire croire qu’il s’est borné à l’exposé des utiles applications de la géologie; mais il n’en est pas ainsi ; l’auteur a voulu faire et a fait un traité complet de géologie, riche de faits et de doctrines, où la science est envisagée dans son ensemble et où les plus récents progrès sont exposés avec autant de sagacité que de talent. Il a pour la plupart des lecteurs qui n’ont pas visité l’Espagne un intérêt tout particulier : c’est que l’auteur, faisant souvent allusion à la géologie de son pays, les met au courant des progrès que notre science y a faits dans ces derniers temps, et qui sont sont dus soit à ses propres explorations, ou à celles de ses compa¬ triotes MM. Casiano de Prado, Schulz, Ezquerra del Bayo, Ra- mon Pellico, Amalio Maestre et autres, soit aussi, nous croyons pouvoir le rappeler sans fausse modestie, aux nombreux voyages NOTE DE M. DE VERNEUIL. 205 et aux dix mémoires et notes qu’avec MM. Collomb, d’Àrchiac et G. de Prado nous avons publiés sur l’Espagne. L’ouvrage est divisé en quatre parties. Dans la première, l’au¬ teur donne les notions de géographie physique indispensables pour pénétrer dans l’étude de la géologie, puis, dans un intéressant cha¬ pitre sur les causes actuelles, il traite des différents agents qui ont modifié et qui modifient sans cesse la surface du globe. La deuxième partie est consacrée à la géognosie proprement dite. C’est la plus considérable de l’ouvrage, puisqu’elle n’occupe pas moins de 650 pages; les roches, les terrains et les fossiles qui les caractérisent, leur distribution et tout ce qui a rapport à la géographie zoologique, les lois aujourd’hui inattaquables de la paléontologie, tout cela est exposé dans un style clair et convenable à l’enseignement. La troisième partie est celle qui répond au programme du gou¬ vernement, en indiquant toutes les applications qu’on peut faire de l’étude de la géologie, soit dans l'art des mines par les relations qu’elle fait connaître entre les substances utiles et les terrains qui les contiennent, soit dans l’agriculture et dans les arts. Enfin, ce que M. Vilanova appelle la poésie de la géologie ou la théorie de la terre, avec la discussion des diverses opinions qui ont régné sur son origine, sur les vicissitudes de son histoire phy¬ sique et sur la concordance des livres saints et des découvertes modernes, forme la quatrième partie, la plus courte et la der¬ nière de l’ouvrage. L’atlas renferme 52 planches, dont les premières sont consa¬ crées aux phénomènes actuels, tels que volcans, tremblements de terre, geysers, etc., et les autres aux phénomènes anciens. Les vues idéales de l’aspect de la terre aux différentes époques géologiques, publiées par M. Unger, sous le nom de : le Monde primitif , ont été reproduites sur une petite échelle avec un véritable talent. Un certain nombre de planches représentent pour chaque terrain une coupe et des fossiles caractéristiques. Les fossiles sont bien choisis et, quoiqu’un peu petites, les figures sont assez reconnaissables. Enfin, M. Vilanova a joint à son atlas une copie légèrement modifiée de la carte géologique d’Espagne, que nous avions pré¬ parée il y a quelques années pour M. Dumont, sur les documents des géologues espagnols et avec nos propres observations, et que cet illustre savant a fait entrer, en la réduisant, dans sa carte géo¬ logique de l’Europe. 206 SÉANCE DU 19 JANVIER 1868. Le Secrétaire lit la lettre suivante de M. Boué, adressée à M. Albert Gaudry : Vienne, le 17 janvier 1863. Je prends aujourd’hui la plume pour être le premier à vous apprendre ce que Unger croit avoir découvert dans 1 île de Chypre. Il a tâché de suivre d’autres routes que vous. Il nous a présenté hier ses observations sur les temples de Paphos et de l’Aphrodite. Il prétend démontrer que le culte y avait pour objet un aéro- lithe . La carte géologique du Piémont de Sismonda est fort belle, mais entachée malheureusement de son idée systématique proba¬ blement fausse sur les terrains nummulitique et anthracitifère des Alpes. Peters nous a donné un mémoire intéressant sur les environs de Cinq Eglises (Hongrie), sur les houilles du lias de ce lieu, etc. (C. R. Ac. deVienne, 1862, V. 46.) Notre collègue Fitzinger devient directeur du jardin zoologi¬ que de Munich. Il pourra donc nous donner des renseignements ultérieurs sur les Ptérodactyles, qui abondent dans la collection de Munich. Il ne peut pas croire aux plumes d’oiseaux implan¬ tées dans les ailes du Griphornis d’Owen, mais il n’a pas vu l’é¬ chantillon en question et Owen est un homme capable. M. Jules Schmidt, astronome à Athènes, est ici. L’affaire de l impression du volume paléontologique suivant de Barrande est maintenant devant le forum de l’Académie. J’espère qu’on trouvera les fonds pour continuer cette belle publication. Le mémoire de Sluder sur les couches secondaires au-dessus du lac de Thoune [Bibl. univ. de Genève) est intéressant. On trouvera encore bien d’autres dépôts de fossiles dans les Alpes; patience. M. l’abbé Bourgeois donne lecture de îa note suivante : Note sur des silex travaillés trouvés dans une brèche osseuse d Vallières ( Loir-et-Chei •) ; par M. l’abbé Bourgeois. Si l’homme a été le contemporain de Y Elephas primigenius , du Rhinocéros tichorhinus et autres espèces disparues, ainsi que les découvertes de Saint-Acheul paraissent le démontrer, les preuves de ce fait ne doivent pas être locales, mais universelles comme le NOTE DK M. BOURGEOIS. 207 phénomène diluvien lui-même. Il n’est donc pas étonnant que la présence de silex taillés dans les dépôts quaternaires soit signalée sur plusieurs points, depuis que l’attention a été éveillée par IM. Boucher de Perthes. Je viens apporter un témoignage de plus. En 1 849, j’ai découvert, au hameau des Caves, commune de Vallières (Loir-et-Cher), une brèche osseuse dont j’ai donné con¬ naissance à la Société géologique peu de temps après (1). Pendant que j’y recueillais de nombreux ossements d’Hyène, de Cheval, de Bœuf, etc. , des silex travaillés purent bien passer sous mes yeux sans appeler mon attention, car la question soulevée dans le dé¬ partement de la Somme n’avait pas encore atteint le degré d’im¬ portance et de publicité qu’elle a aujourd’hui. Au printemps de l’année dernière, M. Bouvet, professeur à l’école de Pont-Levoy, s’avisa de continuer les fouilles après une si longue interruption, avec la pensée qu’il pourrait trouver cjuelques produits de l’industrie humaine. Ses espérances ne furent pas trompées, car il rapporta une petite hache en silex, simplement ébauchée comme celles de Saint-Acheul. Une seconde exploration faite quelques mois après par M. Bou¬ vet, M. l’abbé Delaunay et moi, amena la découverte de deux autres haches que nous retirâmes nous-même de la couche qui les enveloppait. Voulant donner à ce fait toute l’authenticité désirable, nous nous sommes adjoint, pour une troisième exploration, M. le mar¬ quis de Vibraye qui recueille avec tant de zèle et d’intelligence tous les matériaux propres à résoudre la question dont il s’agit. Ce jour-là, nous n’avons trouvé que de petits couteaux semblables pour la forme aux plus petits exemplaires des grottes d’Arcy-sur- Cure; mais le propriétaire du terrain nous a donné une très belle hache rencontrée parmi les débris provenant de la brèche. Tous ces instruments sont fabriqués avec des silex du pays ap¬ partenant à la zone du Spondylus spinosus (étage sénonien d’Orb.). Les arêtes ne sont point émoussées par le frottement, ce qui exclut toute idée d’un long transport, et la substance est si peu al¬ térée qu’on ne remarque à la surface ni dendrites, ni incrustations calcaires, ni la plus légère apparence de cacholong. Cette fraîcheur et cette pureté ont été observées sur quelques exemplaires bien authentiques des sablières de Saint-Acheul (2). (4 j Bulletin de la société géologique, 2e sér., t. AU, p. 795. (2) De /’ ancienneté de l’espèce humaine , p. \\ La coexistence, 208 SÉANCE DU 2 FÉVRIER '1863 La couche qui renferme ces vestiges de l’industrie antédilu¬ vienne est située sur le flanc d’une collinecrétacée (étage turonien d’Orb.), à 7 ou 8 mètres au-dessus d’un petit ruisseau. Elle est composée de lits minces et irréguliers d’argile, de limon sableux et de marne blanchâtre, dont l’épaisseur totale ne dépasse pas un mètre. La partie exploitée en 1849 présentait une puissance plus considérable. Les silex travaillés sont disséminés citons les niveaux, depuis la partie inférieure où se rencontrent plus fréquemment les gros ossements, jusqu’à la partie supérieure où dominent les os de petits rongeurs et de batraciens , les écailles et les vertèbres de poissons. Ils sont associés, comme dans le gisement de Saint- Aclieul, au Rhinocéros tichorhinus , au Bos pritnigenius , à V Equus adamiticus , et de plus à Y Hyœna spelœa , au Megaceros liybcrnicns , La simple inspection du terrain suffit pour démontrer qu’il est parfaitement vierge et que les objets travaillés n’ont pu y être in¬ troduits par une cause quelconque depuis sa formation. Nous engageons vivement les géologues qui sont en position d’étudier les dépôts quaternaires à porter une attention sérieuse et impartiale sur ces faits, auxquels se rattachent des questions his¬ toriques d’un si haut intérêt. Séance du 2 février 1863. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance , le Président proclame membre de la Société : M. le docteur Poyet, Chaussée du Maine, 36, à Paris, pré» senté par MM. de La Roquette et Albert Gaudry. Le Président annonce ensuite une présentation. dans des conditions parfaitement identiques, de haches dont la partie superficielle est transformée et d’autres qui sont demeurées intactes, n’autorise-t-elle pas à penser que l’altération est antérieure à l’en¬ fouissement ? NOTE DE M. ÉMIAY, 209 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit i De la part de M. J. Capellini, Geologia e pcileontologia del Bolognese. Cenno stovico , in-8, 27 p., Bologne, 1863. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 1863, 1er sem., t. LYI, nos 3 et h. Bulletin de la Société de géographie , décembre 1862. L’Institut , noS 1516 et 1517, 1863. Mémoires de l’ Académie imp. des sciences , etc., de Toulouse 9 5e sér., t. YI, 1862. Société imp. dé agriculture, sciences et arts de V arrondis sè¬ ment de Valenciennes , Revue agricole , etc., décembre 1862. The Athenœum , nos 1839 et 1840, 1863. Jahrbuch der K . K. geologischen Reichsanstalt, 1861 et 1862, t. XII, n° 3, mai à août 1862, Zeitschrift der Deutschen geologischen Gesellschaft , t. XIV, 2e cahier, février, mars, avril 1862. M. le Président annonce la mort de M. Rossi, directeur du gymnase de San Procolo, à Venise. Le Secrétaire lit la note suivante deM. Ébray : Stratigraphie de l’étage albien des départements de l’Yonne , de l’Aube , de la Haute-Marne , delà Meuse et des Ardennes ; par M. Th. Ébray, L’étude du gault du département de la Nièvre m’a démontré que cet étage se compose dans ce département d’une série de couches assez complexes et d’une grande puissance. En comparant cette série à celle que l’on relève dans le nord de la Meuse et dans les Ardennes, on est frappé de la différence qui existe dans la succession et dans le faciès des couches de ces points distants entre eux de 30 myriamètres environ. Nous mettons en regard, pour mieux faire saisir les différences, les coupes que l’on relève aux points extrêmes : Soc. géol, V série, tome XX0 210 SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1863. 1 — Craie chloritée. 2 — Argile bleue, avec grains de silicate de fer. 3 — Graviers avec bois cri¬ blés de Pholades. 4 — Sables ferrugineux. 5 — Argiles micacées du gault. 6 — Sables du gault. 1 — Craie chloritée. 9 — Gaize, 3 — Argiles ilu gault. 4 — Sables. 1 — Craie chloritée. 2 — Gaize. 3 — Cordon argilo- sableux’, de 8 mètres. La puissance totale des couches situées entre la craie chloritée et la base des sables verts ne diffère pas sensiblement dans toute l’étendue que nous allons étudier. L’examen de ces coupes fait pressentir déjà que la gaize s’est déposée en même temps que les sables ferrugineux et le gault supérieur; mais il était utile de rechercher de quelle manière les couches se sont successivement modifiées. C’est le résultat de ces études que j’ai l’honneur de faire connaître et de soumettre à la Société. Département de t Yonne. Il conviendrait peut-être de s’étendre un peu plus sur l’état actuel des connaissances géologiques et sur la manière dont les géologues ont interprété la succession des couches de l’étage albien; mais, pour abréger, je ne mentionnerai que les derniers travaux et principalement la statistique géologique du département de l’Yonne par M. Raulin ; ce travail résume l’état des connaissances jusqu’en 1858. En consultant cet ouvrage, on voit d’abord qu’à cette époque on ne s’était pas encore rendu compte de la différence radicale d’âge qui existe entre les sables verts de l’étage albien et les sables verts de l’étage cénomanien ; en effet, on lit, page 451 : cette assise (les sables verts ou ferrugineux) forme une bordure continue commençant à Hirson (Aisne), passant par Vassy, Cosne, Châtel- lerault, le Mans, et se terminant à la mer, an Havre. Or, nous sa* NOTE DE M. ÉBRAY. 211 vons aujourd’hui qu’à partir de Vierzon, vers l’ouest, il n’existe plus de sables verts analogues à ceux de la Puisaye, Ce qui a empêché les géologues de se rendre exactement compte de la composition de l’étage albien est l’absence de données sur la couche du gault supérieur, cependant bien visible dans le dépar¬ tement de l’Yonne, et sur laquelle M. Raulin s’explique en ces termes : « En montant sur la colline du petit parc, au-dessus de Seignelay, on voit une grande puissance de sables vert jaunâtre; le petit plateau situé au S. O. du sommet est formé par dessables jaunes et rouge de brique avec grès ferrugineux ; le sommet enfin est formé par des sables jaune brunâtre; sur la pente N. -O, vers la tuilerie du Pont-Galop, ceux-ci renferment dans leurs parties superficielles une grande quantité de nodules roulés et blanchis à la surface, de grès dur, vert-noirâtre, renfermant des fossiles, parmi lesquels M. Ricordeau a déterminé les espèces suivantes (suit une liste de fossiles qui contient beaucoup d’espèces spéciales à la couche du gault supérieur de Cosne). Mais M. Raulin ajoute ; les fossiles appartiennent évidemment à des couches plus inférieures, et il nous semble très probable qu’ils ont été rapportés, sur ce point, de parties plus élevées, situées au S.-E., lors des dénudations diluviennes. Ainsi M. Raulin, ne connaissant pas l’existence d’une couche fossilifère avec fossiles du gault au-dessus des sables ferrugineux, a été obligé d’avoir recours à une hypothèse pour mettre la réalité en rapport avec ses observations. La position des argiles bleues du gault n’a pas non plus suffi¬ samment attiré l’attention des observateurs, car ses assises forment l’horizon le plus constant et le moins altérable du gault; il se reconnaît depuis Yierzon jusque dans les Ardennes; sa puissance seule varie. En s’éloignant de la Loire vers FE. on reconnaît constamment les différents termes du gault; les sables ferrugineux augmentent d’épaisseur jusqu’à peu de distance de Saint-Sauveur, où ils attei¬ gnent de 100 à 150 mètres de puissance; en même temps, on re¬ connaît au milieu de ces strates des masses de grès rouges, qui ne sont autre chose que des sables réagglutinés; la petite couche du gault est visible partout où les terrains ont été nettement coupés; les fossiles les plus persistants sont Y Ostrea canaliculata, la Trigojiia cdiformis (1); les argiles bleues de la base de la craie chloritée (1) Les échantillons du gault supérieur diffèrent sensiblement de ceux du gault inférieur. 212 SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1863. augmentent de puissance, le fer se dissémine régulièrement dans la roclie, et les grains verts disparaissent en partie déjà vers Saint- Fargeau ; les argiles bleues inférieures du gault se chargent de fossiles; elles reposent, comme partout, sur les sables et les grès verts inférieurs, qui dans l’Yonne sont beaucoup moins fossilifères que dans la Nièvre. La couche du gault supérieur est souvent dépourvue de fossiles ; dans les carrières de Pourrain, de Parly, etc., l’ocre qui constitue la base de la craie chloritée repose sur les graviers (rocher des ouvriers) appartenant à cette couche; j’ai rencontré dans ces gra¬ viers quelques exemplaires d ' Ostrea canciUculcita ; plus à l’E. le gault supérieur se charge de nouveau de corps organisés. M. Per- riquet (d’Auxerre) a rencontré sur les sommets des collines des environs de Saint-Georges des bois criblés par les Pholades, Ammonites Delucii , Trigonia ciliformis , au-dessus des sables ferru¬ gineux. Les différents termes de l’étage albien sont surtout très appa¬ rents aux environs de Seignelay, dont je vais m’occuper avec plus de détails. La partie sud de la ville est bâtie sur les sables du gault infé¬ rieur avec Ammonites monile ; ils se redressent légèrement vers Gurgy, où apparaît l’étage urgonien. A peine a-t-on fait quelques pas vers la colline du Grancl-Parc, que l’on voit les sables verts se recouvrir de glaises bleues; au-dessus vient une épaisseur assez forte de sables ferrugineux recouverts à leur tour, au sommet de la colline, par la couche du gault supérieur qui a fourni à M. Ri- eordeau une belle série de fossiles; les plus abondants sont Am¬ monites Delucii , A. splenclens , Janira nlbensis , Cyprina ervyensist Thetis minor , Natica gaultina, Opis Hugardiana. Yoici quelle est la superposition des couches : 1. Gault supérieur, 0m,30 à 0m,40. 2. Sables ferrugineux, 50 mètres. 3. Argiles du gault inférieur, 4 0 mètres. 4. Sables et grès verts, 4 0 mètres. Nous remarquons déjà ici que les sables ferrugineux ont con¬ sidérablement diminué d’épaisseur; en se rapprochant du gault inférieur, la couche du gault supérieur perd quelques fossiles spéciaux à la craie, tels que Cardium Carolinum , Avicula Mouto - niana, Area Marceana , tandis qu’elle se charge d’une plus grande quantité d’espèces du gault inférieur; la liste de M. Ricordeau donne en effet Scalaria Clementina , Rostellaria Parkinsoni , Nucula .NOTE DE M. ÉBRÀY. 213 pectinata. D’un autre côté, l’argile bleue de la base de la craie chloritée augmente de puissance à Seignelay, où elle n’a pas moins de 50 mètres d’épaisseur. Sur la rive gauche de rArmançon, on relève entre Ervy (Aube) et Soumaintrain (Yonne) une coupe fort intéressante. La série des couches est donnée ci-après. On sait que le bourg d’Ervy repose sur une colline qui présente à la base les grès inférieurs du gault avec beaucoup de fossiles; ces grès ont permis à M. Dupin de former sa belle collection ; la partie moyenne de la colline est traversée par les argiles du gault qui forme la nappe d’eau qui alimente les puits de la ville; la partie supérieure est occupée par une faible épaisseur de sables ferrugineux. En se dirigeant sur l’inclinaison des couches vers Soumaintrain on recoupe les sables, les grès verts de la base et les argiles du gault. A peu de distance au N. de cette localité on voit les sables ferrugineux recouvrir les argiles du gault, et, en se dirigeant vers le bois, on ne tarde pas à rencontrer, au-dessus des sables ferru¬ gineux, des grès et graviers peu épais, mais contenant une grande quantité de fossiles, en général fort bien conservés : Opis Hugar - diana , Cyprina ervyensis , Area fibrosa , Ammonites Delucii , A. splendens; M. Dupin a aussi rencontré dans cette couche un bel exemplaire à? Ammonites monile. L’apparition de X Ammonites mamillaris au milieu de la petite couche que nous avons désignée à Cosne comme gault supérieur, mais qui occupe ici la partie moyenne de l’étage, vient nous montrer encore ici que les espèces qui passent du gault inférieur dans le gault supérieur sont d’autant plus nombreuses que la puissance des sables ferrugineux diminue; ces circonstances nous indiquent, en outre, que les variations des faunes au milieu des couches de l’étage albien résultent autant de la variation dans l’époque de leur formation que de la migration d’espèces. ■1 . Craie chloritée avec Ammonites Mantelli , A. varians, Holasler trecensis, etc. 2. Argiles et marnes bleues sans fossiles, 50 mètres. 3. Petite couche de grès grossier avec fossiles du gault, 1 mètre. 4. Sables ferrugineux, 30 mètres. 5. Argiles inférieures du gault, 30 mètres. 6. Sables et grès du gault, 20 mètres. Département de V Aube. Il serait nécessairement difficile au géologue qui n’a pas suivi les subdivisions de l’étage albien, depuis les points où elles sont BÉANCE DU 2 FÉVRIER 1863. 214 bien développées, d’étudier avec fruit la succession des couches dans le département de l’Aube, car ce département sert de trait d’union au faciès sablonneux du sud et au faciès argileux ou gai- zeux du Nord. Nous voyons, en effet, M. Leymerie ne pas faire mention du biseau des sables ferrugineux, qui, quoique fort peu épais dans l’Aube, ne constituent pas moins l’élément d’une puissante for¬ mation (La Puisaye). Cependant ce géologue décrit le monticule d’Ervy, qui, suivant lui, est composé à la base de grès friables alternant avec l’argile noirâtre; au sommet, le monticule est re¬ couvert d’une terre jaune avec fragments de silex dont l’âge serait inconnu. En faisant abstraction de la partie supérieure et mélangée par l’action diluvienne de quelques fragments de silex sénoniens et jurassiques, nous avons vu que cette formation représente les sa¬ bles ferrugineux de la Puisaye et qu’elle s’enfonce sous les assises de la craie vers Soumain train. M. Leymerie ne paraît pas non plus séparer les argiles du gault des sables inférieurs, et paraît même avoir quelquefois confondu les argiles tout à fait inférieures de l’étage aptien avec ces pre¬ miers dépôts. Nous avons, en parlant d’Ervy, donné les caractères de l’étage albien du sud du département de l’Aube ; ces caractères se main¬ tiennent avec assez de constance jusqu’aux environs de Pinay; les argiles du gault deviennent de plus en plus fossilifères aux dépens des grès inférieurs; il se développe à leur partie supérieure des rognons marneux grisâtres, qui contiennent en abondance (Ammo¬ nites Delacii, A . mamillnris) ; les argiles contiennent A. Lyelly , Tri go ni a aliformis , Nucula pectinata, N. bivirgata , Thetis minor; on voit partout que les sables ferrugineux surmontent ces der¬ nières argiles. En se dirigeant de Pinay vers Brevonne et de là à Gérodot, on constate à la base de la craie une grande masse de marnes bleues, dont l’épaisseur ne saurait être évaluée avec beaucoup de précision, mais qui doit atteindre en ce point près de 80 à 100 mè¬ tres; la couleur et le faciès des parties supérieures et moyennes commencent à se ^approcher de celles de la gaize ; par places ces marnes deviennent grises, sablonneuses; elles ne m’ont pas permis de constater la présence de fossiles; vers la ferme de la Goguette, déjà citée dans la statistique géologique et minéralogique du dé¬ partement de l’Aube, on rencontre sous ce grand massif marneux des traces d’une faible couche fossilifère; les fossiles sont peu NOTE DE M. ÉBHAY. 215 nombreux, mais dénotent l’existence de la couche qui à Cosne représente le gault supérieur et à Ervy le gault moyen, mais qui doit ici se rapprocher beaucoup du gault inférieur ; ce sont des Ostrea canaliculata ( Ostrea parvula ), des Belemnites miniums et des Serpules. Au-dessous de cette petite couche affleurent les sables ferrugi¬ neux forts réduits, d’une puissance qui ne doit pas dépasser de 6 à 10 mètres, et qui reposent vers Gérodot sur les argiles du gault inférieur. La petite couche fossilifère qui s'est jusqu’ici fait remarquer par ses bois perforés, ses Serpules et ses nombreuses petites Huîtres, et qui dénote certainement le point extrême d’une oscillation ascendante à partir des argiles du gault, se reconnaît aussi à Mon- tieramey ; c’est la couche nommée grainblain par les ouvriers des tuileries; cette couche contient encore ici une grande quantité de petites Huîtres. On observe entre Montieramey et la ferme de Saint-Martin les couches suivantes s 1. Grainblain. 2. Faible épaisseur de sables ferrugineux, 3. Argiles du gault inférieur. 4. Sables et grès verts inférieurs. 5. Argiles aptiennes. En passant par Pinay, la Goguette et Gérodot, on rencontre les couches suivantes : '1 . Craie chloritée. 2. Marnes bleues. 3. Couches à Ostrea canaliculata , Belemnites miniums. 4. Traces de sables ferrugineux. 5. Argiles du gault inférieur. 6. Sables et grès verts. Départements de la Marne et de la Haute- Marne. M. Cornuei a donné une bonne description des terrains qui composent l’arrondissement de Vassy; il a bien reconnu la posi¬ tion relative des argiles du gault et des sables verts qui leur sont inférieurs; il a montré que ces argiles atteignent des puissances de 100 à 150 mètres , épaisseur qui se trouve naturellement expli¬ quée par la superposition, sans l’intermédiaire des sables ferrugi¬ neux, des marnes de la base de la craie chloritée ou de la gaize et de Y argile du gault inférieur. En se dirigeant à partir de Pinay vers le N. , l’existence du gault 216 SÉANCE DU 2 FÉVRIER 18611» supérieur (1) et des sables ferrugineux devient de plus en plus pro¬ blématique; cette formation, déjà fort réduite à la Goguette, doit présenter la pointe de son biseau à fort peu de distance de cette localité; nous pensons cependant que les sables ferrugineux ne disparaissent pas subitement. Ce n’est qu’en tenant compte de la construction des puits qui se feront sur les affleurements extrêmes des argiles bleues du gault, que l’on saura si les rudiments de ces sables existent ou n’existent pas dans telle ou telle localité; mais cette question de la détermination exacte de la pointe du biseau n’est que secondaire, car on peut admettre qu’au N. de Pinay les sables ferrugineux n’existent plus qu’à l’état rudimentaire pour disparaître définivement dans le département de la Meuse, où il est certain que les marnes bleues de la base de la gaize reposent directement sur les argiles du gault. Cependant, en allant de Cha- vagnes aux tuileries de Berziilières, on voit les superpositions sui¬ vantes : -J . Craie chloritée. 2. Marnes bleues supérieures. 3. Traces de sables ferrugineux. 4. Argiles bleues inférieures avec fossiles du gault. 5. Sables et grès du gault, 6. Étage aptien. On voit donc que là on retrouve encore des traces des sables ferrugineux. En se dirigeant de Chavagnes vers les tuileries de Berziilières, on aperçoit que la base de la craie à Ammonites devient sablon¬ neuse ; les fossiles continuent à être fort rares; on rencontre des traces à' Ammonites in fia lus, d’ Area fibrosa , d’ A .carinata, d’ Ostrea canaliculata , de Trigonia spinosa ; ces fossiles rappellent le gault ou la couche transitoire des Brocs. Cependant les Ammonites De- lucii , A. splendens , A. Denarius, A. Boissyanas , qui donnent vers Cosne à cette petite couche un faciès qui rappelle davantage l’étage albien, n’existent pas dans la gaize. Au-dessous de cette craie sableuse s’observe une grande masse de marnes calcaires bleues sans fossiles; en approchant des tuile¬ ries de Lavault, on remarque des sables ferrugineux qui reposent (1) Nous appelons la couche fossilifère des Brocs (Nièvre), que nous avons suivie dans le temps, le gault supérieur, quoique cette déno¬ mination ne lui soit plus rigoureusement applicable dans l’Aube et dans la Marne. NOTE DE M. ÈBRAY. 217 sur les argiles du gault, avec Ammonites Lyelli , A. mamillarisf Nucula hwirgata , N. pectinata , Trigonia al for mis , etc. Les sables ferrugineux que l’on observe avant d’arriver aux tui¬ leries de Lavault et qui occupent ici la position des sables ferru¬ gineux de la Puisaye au-dessous de la craie et au dessus des argiles du gault sont-ils remaniés en tout ou en partie? C’est une question que je soumets aux géologues qui demeurent sur les lieux et qui pourront profiter de la construction de puits ou de toute autre excavation faite sur les affleurements extrêmes des marnes bleues supérieures; la solution de cette question devient plus intéres¬ sante, puisque l’étude des allures des sables ferrugineux indique qu’ils peuvent encore exister, quoique fort réduits, dans les loca¬ lités qui nous occupent. Quoi qu’il en soit, nous constatons encore un fait, en harmonie avec ceux que nous avons déjà signalés : à mesure que les sables ferrugineux disparaissent et que la couche du gault descend dans la série des terrains, en se chargeant de plus en plus de fossiles qui dominent dans le gault inférieur, on voit se développer sur l’horizon que ces couches abandonnent une autre série de dépôts de nature minéralogique différente. Certains fossiles , tels que Ammonites injlatus , Area carinata , Oslrea canaliculata , se maintiennent au même niveau ; d’autres descendent dans la série avec la couche qui à Cosne est du gault supérieur, à Soumaintrain du gault moyen, et qui se soude au gault inférieur aux environs de Chavagnes. La partie supérieure des sables ferrugineux, de même que les parties supérieures de la gaize, conservent en tous lieux un faciès paléontologique transitoire, qui" prouve qu’aucune perturbation violente n’a troublé les dépôts de la craie moyenne et de la craie inférieure; des oscillations irrégulières ont fait émigrer certains mollusques en modifiant aussi la nature des sédiments. En se dirigeant vers le N. du département, les argiles du gault diminuent d’épaisseur, tout en conservant les mêmes caractères minéralogiques et paléontologiques, reposant toujours sur des sables et grès verts; elles se soudent définitivement aux marnes de la base de la gaize. Ces deux massifs argileux sont toujours faciles à reconnaître; le massif supérieur est plus calcaire; les marnes exigent pour la fabrication des briques une manipulation (marchage) beaucoup plus longue; elles ne contiennent pas de fossiles, tandis que les argiles de la base sont plus onctueuses, quelquefois micacées, toujours très propres à la fabrication de la 218 SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1863. brique et souvent fossilifères. C’est au-dessus de ces premières marnes que se développe le massif de la gaize. A Saint-Marc, on rencontre sur le bord de la route de grandes excavations faites dans les marnes supérieures; en gravissant le coteau on rencontre bientôt les premières traces de la formation de la gaize avec les fossiles déjà énumérés; j’ai en outre trouvé un fragment de Bélemnite assez gros, mais trop incomplet pour motiver une description. A l’E. de Saint-Marc, on voit sortir vers Vaubecourt les argiles du gault proprement dit. \ . Craie chloritée avec Ammonites varians et A. Mantelli. 2. Gaize avec Ammonites injlatus , Area fibrosa , Terebrcitella identique avec celle recueillie dans le gault supérieur de Cosne. 3. Masse de marnes bleues sans fossiles. 4. Argiles onctueuses du gault (argiles tégulines). Département de la Meuse . M. Buvignier a étudié le département de la Meuse avec beau¬ coup de soin, et l’on connaît toutes les discussions auxquelles a donné lieu l’âge de la gaize. Cette formation a d’abord été classée par ce géologue, sans doute à cause de son faciès, dans la craie tuffeau ; quelque temps après, M. Buvignier, ayant trouvé l’équivalent de la craie cliloritée, annonce que la gaize diffère de cette dernière formation; j’ai, en effet, recueilli, et il est probable que M. Buvignier en a fait autant, dans la craie de Sainte-Menehould, les Ammonites Mantelli et varians , YHolaster trecensis et plusieurs autres fossiles rencontrés habituellement dans la craie à Ammonites de l’Aube et dans la craie chloritée de la Nièvre; mais alors, puisque la craie chloritée est considérée comme le terme le plus ancien de la craie moyenne, où serait la place d’un dépôt inférieur à celle-ci? Le gault supé¬ rieur, sans doute, et, si notre étude ne donnait pas de renseigne¬ ments plus positifs, l’affirmation de M. Buvignier n’en conduirait pas moins à ce résultat. Comme nous l’avons vu jusqu’ici, à travers tous les départe¬ ments que nous venons de parcourir, le gault supérieur, tout en contenant beaucoup de fossiles qui lui sont propres, offre des corps organisés que l’on rencontre dans la craie inférieure et d’au¬ tres que l’on rencontre dans le gault proprement dit; la propor¬ tion relative de ces fossiles varie avec les points où l’on considère NOTE DE IM. fiBRAY. 219 la couche; elle possède donc un caractère essentiellement transi¬ toire, qui est encore plus marqué dans le N., où les oscillations du sol n’ont pas laissé de traces de séparation aussi évidentes que dans le S. Au nord de Yarennes, le gault argileux s’amincit considéra¬ blement ; les marnes bleues de la base de la gaize, que nous avons vues encore si puissantes à Saint-Marc, disparaissent en un biseau assez obtus au sud de Yarennes; elles se transforment peu à peu en une roche sablonneuse et siliceuse ; c’est alors la gaize pro¬ prement dite. Au nord de Yarennes la partie argileuse du gault est peu épaisse. Yers Grand-Pré, la partie argileuse du gault n’affleure pas; elle est recouverte par les éboulis de la gaize ou par le diluvium ; les mineurs m’ont offert la coupe suivante : 2 4 \ — . Gaize altére'e el remaniée. 2 — Sables verts du gault. 3 — Banc à concrétions (banc de coquin des mineurs), avec Ammonites Milletianus. 4 — Sables ferrugineux, avec petites Huîtres. 5 — Minerai oolithique. Je ne suis pas disposé à classer les couches U et 5 dans le gault; X Ammonites Milletianus a toujours été rencontré par moi à la base de l’étage albien, au-dessus de l’étage aptien et de l’étage urgo- nien ; il serait possible que des études ultérieures amenassent à classer la couche 5 dans l’étage urgonien et le minerai dans l’étage néocomien ; de cette façon, ces deux derniers étages disparaîtraient de la même manière sur les affleurements extrêmes, soit du nord, soit du midi. Le département des Ardennes n’ofïre rien de particulier : la gaize continue à envahir le gault et se charge de plus en plus de fossiles albiens; la partie argileuse et sableuse de cet étage se réduit au minimum à des puissances de 8 à 10 mètres. La figure suivante résume toutes les modifications que nous venons de faire connaître; un des axes sert à mesurer les épais¬ seurs des sédiments; l’autre mesure les distances horizontales. 220 SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1863. AB — Axe des épaisseurs, AG — Axes des distances. m, m • — Lignes de propagation ou d’apparition de V Area carinata. A, fibrosa, Solarium ornatum , Hamites armntus (ces espèces suivent aussi la ligne de propaga¬ tion nn ), Ammonites inflatus (cette espèce descend dans les couches inférieures d’autres localités), Trigonia spinosa , Area carinata , Pecten quinquecostalus (ces espèces suivent aussi des courbes qui les conduisent dans la craie chloritée), Ostrea canaliculata. nn — Ligne de propagation des Ammonites Delucii , A. inlerriiptus, A. splendens, A. Roissyanus, Thetis minor (cette dernière suit aussi la ligne oo). oo — Ligne de propagation de l’ Ammonites monile. M, M — Extinction des espèces. 0 — Gaize. 1 — Marnes supérieures. 2 — Couche indiquant un maximum d’oscillation. 3 — Sables ferrugineux. 4 — Argiles inférieures. 5 — Sables et grès verts. Il faut noter que l’échelle des longueurs est beaucoup plus forte que celle des hauteurs; cette circonstance a donné à la limite des couches des inclinaisons très fortes, qu’elles n’ont réellement pas; mais, en combinant l’épaisseur en chaque point avec la distance horizontale, on calcule facilement l’inclinaison réelle et approxi¬ mative sous laquelle une couche disparaît ou se modifie. M. A. Dolifus fait la communication suivante : Sur une nouvelle Trigonie des grès verts supérieurs du cap de la Hève ; par M. A. Dolifus (PI. II). A la base de l’étage cénomanien, tel que le comprenait Alcide d’Orbigny, au-dessous des glauconies à Ostrea carinata , Pecten aspeiy Ammonites Mantelli , etc., on trouve au cap de la Hève des NOTE DE M. DOLLFUS. 221 assises puissantes, d’abord de calcaire gris bleuâtre très dur, alter¬ nant avec des marnes bleuâtres aussi, puis des marnes sableuses, quelquefois micacées et pyriteuses, passant graduellement au noir. Directement au-dessous se trouvent des poudingues ferrugineux, et des sables micacés incontestablement aptiens , comme le prou¬ vent les nombreuses Ostrea aquila , d’énormes dimensions, que l’on y a rencontrées dans ces derniers temps. La faune de ces calcaires et de ces marnes n’est pas très riche ; néanmoins on y rencontre assez communément les Ammonites inflatus , Hagardia - nus , Ma/orianus , Delucii , aurilus, splendens , latulorsatus , V Area fibrosa , Inoceramus concentrions de grande taille, une Trigoniequi pourrait bien être la Trigonia alijormis1 et quelques autres fossiles dont i’habitat ordinaire me paraît tout à fait de nature à donner quelque valeur à l’opinion de quelques personnes : que ces assises pourraient bien appartenir au gault. Quoi qu’il en soit de l’âge de cette couche, et sans vouloir rien préciser ici sur l’étage dans lequel on doit la faire rentrer, c’est d’elle que provient la remarquable Trigonie dont j’ai l’honneur de présenter à la Société une description et une figure (PI. II). Elle jugera s’il convient de lui donner un nom nouveau. Je pro¬ pose celui de Trigonia Heva , pour rappeler que c’est au cap de la Hève qu’elle a été trouvée pour la première fois. On n’a encore rencontré au Havre qu’un seul échantillon de cette espèce; il appartient à M. Lennier, conservateur de la collection d’histoire naturelle au musée du Havre, qui a bien voulu, avec son obligeance habituelle, me le communiquer pour le faire figurer. Je possède un échantillon de la même espèce, mais en moins bon état de conservation , provenant de la falaise d’Atherfield, dans l’île de Wight (Angleterre), où ces mêmes couches se déve¬ loppent avec une puissance assez considérable. Description de l'espèce. Les allures générales de la Trigonia Heva la rapprochent du groupe dont le type le mieux caractérisé est la Trigonia carinata , Agassiz, du terrain néocomien. L’espèce semble être de bonne moyenne taille; les deux exemplaires que j’ai pu mesurer ont pour dimension 75 millimètres dans la plus grande longueur et 51 millimètres dans la plus grande largeur. La forme est allongée et assez nettement trapézoïdale, un peu renflée en avant. Les flancs sont garnis de côtes, au nombre de neuf, régulière¬ ment espacées, bien accusées, saillantes et tranchantes. 222 SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1863. Leur intervalle est couvert de fines stries, qui, venant mourir à leur crête, y dessinent une légère dentelure. Les côtes sont toutes convexes en arrière, assez fortement obliques sur la carène mar¬ ginale; elles se dirigent toutes les neuf vers la face antérieure, qui se confond insensiblement avec le flanc de la coquille. Au mo¬ ment de l’atteindre, les côtes changent brusquement de direction, dessinent un angle nettement accusé, et se continuent sur la face antérieure, en s’abaissant doucement jusqu’au bord sur lequel elles viennent tomber presque normalement. Le corselet est séparé du flanc par une carène marginale très remarquablement élevée, qui le borde dans toute sa longueur. Cette carène dépasse le reste de la coquille d’un demi -centimètre et plus, en lui donnant un caractère particulier qu’il est impossible de méconnaître. Les stries qui garnissent l’intervalle des côtes s’accusent encore plus en ce point, et, venant aboutir à la carène, lui donnent l’aspect d’une scie. La carène interne, fortement indi¬ quée, est elle-même dentelée. Le corselet s’étale entre les deux carènes, largement développé, et couvert de stries longitudinales, armées encore de petites dents aiguës. Au milieu se dessine une strie plus vigoureuse et plus tuberculeuse aussi, qui contribue en¬ core à caractériser cette remarquable Trigonie. L’espace compris entre les carènes internes des deux valves, strié dans le sens de la longueur, présente une forte dépression. Une partie brisée de l’exemplaire que j’ai étudié m’a permis de constater une singularité du moule intérieur de cette espèce. Tandis que, comme je l’ai fait observer plus haut, la coquille possède une carène marginale extraordinairement développée, le moule intérieur ne présente aucun indice de ce caractère, et s’arrondit avec une courbure constante, sans aucun angle saillant, à la jonc¬ tion du corselet avec le flanc. La figure 3 (PI. II) fait très bien ressortir cette particularité, ainsi que l’épaisseur du test, propriété que cette Trigonie partage du reste avec toutes les autres espèces du même genre. On pourra y voir aussi qu’il s’aminçit considérablement vers la carène interne, sa partie la plus épaisse étant naturellement, d’a¬ près ce que je viens de dire, à la carène marginale. Les deux valves présentant quelques légères différences et che¬ vauchant un peu à leur extrémité comme chez les autres Trigo- nies, je les ai fait figurer l’une et l’autre (fig 2 et 3). La figure 1 laisse voir la largeur considérable et les autres par¬ ticularités du corselet. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 228 Séance du 16 février 1862. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRV. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Saint Just Dru, ingénieur civil, rue Rochechouart, 69, présenté par MM. Delesse et Mulot. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre d’Etat, Journal des savants , janvier 1863. De la part de M. G. Gapellini : 1° Balenottera fossile nelle argille plioceniche di S. Loren - zo in Collina, i n -- 8 , il p., Bologne, 1862; chez G. Vitali. 2° Conglomerato a Ciottoli improntati , in-8, h p., Bologne, 1862-1863. De la part de M. A. Humbert, Description d’un nouveau genre de mollusque pulmoné terrestre de Ceylan ( Tennentia ) (extr. de la Revue et magazin de zoologie , novembre 1862), in-8, 1 h p., 1 pl. De la part de M. Jules Martin, Especes nouvelles ou peu connues caractéristiques de V étage bathonien de la Côte-d' Or, in-8, 15 p., 5 pl., Dijon, 1862; chez J. E. RabutôL De la part de M. Gümbel, Die Streitberger Schwammlager und ihre Foraminiferen-Einschlüsse , in-8, pp. 192-238, 2 pl., Münich, 1862. De la pari de M. J. Kreyltmayr, Erstes Verzeichniss der Gypsabgiisse der K. palœontologischen Museeti in München und Stuttgart \ etc., in-8, 8 p., Munich, 1862; chez G. Wolf et fils. De la part de M. F. Freiherrn v. Richthofen, Die Kalkalpen von Vorarlberg und Nord-Tirol , 2e partie, in-4, pp. 87-26, 1 pl., Vienne, 1862; chez W. Braumüller. SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1863. 22 h Comptes rendus hebd . des séances de F Académie des sciences , 1863, 1er sem., t. LVI, nos 5 et 6. Bulletin de la Société de géographie , janvier 1863. L’Institut , nos 1518 et 1519, 1862. Réforme agricole , n° 168, décembre 1862. Bulletin clela Société industrielle de Mulhouse, janv. 1863. The Athenœum , nos 18/il et I8Æ2- 1863. The Transactions of the royal Irish Academy , part. 11, science, 1862. Neues Jahrhuch fiir Minéralogie, etc., par H. G. Bronn et G. Leonhard, 1862, 6e et 7e cahiers. Zeitschrift der Deutschen geologischen Gesellschaft, t. XI Y, 3e cahier, mai à juillet 1862. Jahrhücher des Nereins fiir Naturkunde in Herzogthnin Nassau , 1861 . Revista minera, t. XIV, n° 30 h, 1er février 1863. Revista de los progresos de las ciencias ex acta s, fisicas y naturales , t. XIII, n° 1, janvier 1863. The American journal of science and arts, par Silliman, janvier 1863. The journal o f the New-York state agricultural Society, janvier 1863. M. le Président donne lecture de deux lettres de MM. les Ministres d’Etat et de l’Instruction publique et des Cultes, annonçant, le premier, qu’il a souscrit à 30 exemplaires du Mémoire n° 1 du tome YHI des Mémoires, 2e série, le second qu’il a alloué à la Société une somme de 1000 francs destinée à subvenir à ses publications. La Société vote des remercîments à MM. les Ministres. M. Levallois fait la communication suivante : La question du Grès cl Hettange. — Résumé et conclusions ; par M. Levallois. Il y a plus de dix ans que j’ai soulevé devant la Société géologi¬ que la question du grès cl1 Hettange (1); et bien que, depuis lors, (1) Village do département de la Moselle. NOTE DE M. LE VALLOIS . 2*25 elle ait occupé plusieurs fois chaque année nos séances, la solu¬ tion était encore en suspens lorsque parut, en 1856, le tome VI de Y Histoire des progrès de la Géologie de M. d’Archiac, et M. Ter- quem constatait encore cette situation en répondant à M. Dewal- que dans la séance du 21 juin 1858. Cependant la solution ne s’en préparait pas moins par le travail de tous; et, depuis la publica¬ tion dans notre Bulletin (livraison de juin 1862) (1) du Mémoire sur le lias inférieur , par MM. Terquem et Piette, il est facile de con¬ clure sur la question si controversée du grès d’Hettange. La con¬ clusion est celle-là même que je proposais en ouvrant la discus¬ sion : Le grès d’Hettange n est pas le représentant du grès dit injra - liasique. Le grès d’Hettange est supérieur au grès dit infra- liasique (2). Je rappelle que, pour éviter que la question posée ne présentât d’équivoque, j’avais précisé ce qu'on devait entendre par grès in¬ jra- liasique, en disant : « le grès infra-liasique qui forme, au des- » sous du calcaire à Gryphées arquées, un horizon bien constant » en Lorraine comme en beaucoup d’autres contrées»; en nom¬ mant la localité de Rédange (3) comme celle où se trouve ledit grès au plus près d’Hettange ; et en ajoutant, avec M. Elie de Beau¬ mont (à), que c’est à Vie (département de la Meurthe) qu’il en faut chercher le type. Je rappelle encore que ma conclusion, en 1852, n’était pas autre que celle que j’avais formulée devant le congrès scienti¬ fique de Metz, en septembre 1 837, dans ma Notice sur le keuper et les grès keupériens (5). « Le grès d’Hettange et du Luxembourg fait partie du terrain » du lias. » Quant au grès de Rédange, il ne paraît pas possible, dans » l’état actuel des observations, de décider s’il n’est qu’une dépen- » dance du terrain du lias, ou s’il doit être rattaché au terrain » keupérien. » C’est aussi devant le congrès de Metz que j’indiquais pour la première fois l’existence (au-dessus du grès infra-liasique, je l’ap¬ pelais alors provisoirement grès keupérien supérieur ) d’une couche (1) T. XIX, 2e sér., p. 322, etc. (2) Bull, de la Soc., 2e sér., t. IX, p. 289. (3) Ibid., 2e sér., t. IX, p. 290 et 295. (4) lbid.r 2e sér., t. XIII, p. 219 et 220. (5) Congrès scientifique de Metz , p. 310, etc. Soc. géol.j 2° série , tome XX. 15 226 SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1863. de marnes rouges (1) de 3 mètres d’épaisseur, « et c’est seulement « au-dessus de celle-ci, ajoutais-je, que le calcaire à Gryphées » arquées, bien caractérisé, commence à se montrer.» Bref, la position relative des deux grès mis en parallèle répon¬ dait, dans mon opinion, à la coupe figurée ci-dessous : l«r et 2e e'tages liasiques (M. d’Archiac) iac). | Marnes brunes. 56 étage liasique (M. d’Àrchiac). < Calcaire Gryphées arquées. Grès d’Hettange (2). Gryphées arquées. Marnes rouges. Grès dit infra-liasique. Marnes irisées. La petite couche de marnes rouges est particulièrement à considérer; car elle fournirait, à elle seule, la solution de la ques¬ tion; placée qu’elle est intermédiairement entre les deux grès qui sçnt en cause, elle ne laisse pas de doute possible sur leur position relative. Si néanmoins de bons esprits se sont trompés à cet égard, c’est que, connaissant bien l’un des termes du problème, le grès des carrières d’Hettange, ils ne connaissaient pas suffisam¬ ment l’autre terme, le grès infra-liasique, et qu’assimilant ce der¬ nier a priori aux calcaires d’Osmanvilie et de Valognes , par exemple, ils comparaient ce qui n’était pas à comparer. Cependant le grès (lit infra-liasique, caractérisé à Yic, dès 1822, par sa situa¬ tion entre le lias bleu et les marnes irisées, desquels il se distingue facilement par ses caractères pétrographiques et orographiques, peut être suivi sans discontinuité sur une étendue de plus de quarante-cinq lieues, entre Kédange (Moselle) et la Côte-d'Or , (1 ) Ce sont en réalité des argiles. M. le professeur Rivot n’y a trouvé que 5 pour 1 00 de carbonate de chaux. (G2) J’avais d’abord placé le grès d’Hettange plus haut encore dans le lias, dans le 2e étage ; mais ce classement a dû être modifié pour tenir compte d’observations postérieures qui sont dues à nos honorables contradicteurs. NOTE DE M. LEVALLOIS. 2*27 pendant que je l’ai observé tout aussi bien dans la Souabe, où il a été décrit par M. d’Alberti (1) sous le nom de grès grossier (Grob- kôrniger sandstein) et classé à la partie supérieure du Keuper ; et assurément on ne saurait se refuser à voir, pour la géologie de l’est de la France, un horizon bien défini dans une couche qui règne toujours identique avec elle-même sur une pareille étendue de terrain. Mais toutes ces obscurités ont disparu par le fait de l’intervention du Bone-bed dans le procès. G’est là ce qui nous est révélé par le dernier mémoire de MM. Terquem et Piette : révé¬ lation précieuse, puisqu’elle émane d’auteurs dont le premier avait été jusqu’ici, dans la question du grès d’Hettange, l’un de nos plus inébranlables contradicteurs. Le Bone-bed , dont le nom avait encore fort peu retenti dans la science, lorsque s’ouvrit cette question, est, comme on le sait, un lit à ossements , signalé pour la première fois en Angleterre aux confins du lias bleu et des marnes irisées ; et si bien aux con¬ fins, que l’on est toujours en doute de savoir s’il doit être définiti¬ vement classé dans le Lias ou dans le Trias. Or, telle est aussi précisément la place qu’occupe le grès dit infrà-liasique dans l’échelle géologique; et de ce rapprochement naît tout naturelle¬ ment la pensée que le Bone-bed n’est qu’une partie intégrante dudit grès. A l’appui de cette pensée, les preuves directes ne font d’ailleurs pas défaut. Le grès infra-basique nous a présenté, en effet, des débris de poissons et de sauriens en un très grand nombre de points du département de la Meurthe, au midi comme au nord, dans la vallée de la Seille, comme dans celle de la Meurthe et de la Moselle; et j’ai montré, dans mon Aperçu delà constitution géologique du département de la Meurthe (2), que des observations, qui remontent à près de soixante et dix ans, indiquaient déjà la présence du lit à ossements dans les coteaux basiques des environs de Dieuze. Des observations pareilles ont été faites, relativement au département de la Moselle, par MM. Simon, Jacquot et Ter¬ quem; et la couche à ossements a été particulièrement reconnue dans le grès de Réclange(3). Je rappelle encore que Voltz avait signalé, il y a plus de trente ans, un conglomérat d’ossements de sauriens dans le grès infra -basique d’Oberbronh (Bas-Rhin), et (1 ) Géologie du W urtemberg , 1826. Monographie du trias, 1834. (2) Nouvelle édition, Nancy, 1 862, présentée à la Société le 15 décembre 1862, pp. 30 et 33. (3) Jacquot, Esquisse géologique de la Moselle, Metz, 1 854, p. 65. 228 SÉANCE DU 1 0 FÉVRIER 186S. qu’à pareille date aussi j’avais observé le grès infra-liasique avec dents de poissons sur le penchant du monticule dit Mont-Mmot , près Lons le-Saulnier (Jura). Ce qui est vrai pour l’Est de la France l’est également pour la Souabe ; car il est impossible de méconnaître le lit à ossements dans la couche qui a été décrite par M. d’Albertijdans son ouvrage de 183à, sous le nomàe grès riche en pétrifications (1), en la plaçant à la partie tout à fait supérieure de son grès grossier , le pendant, comme on l’a vu, de notre grès infra-liasique. M. d’Alberti ne l’avait indiqué qu’en trois points situés dans le Wurtemberg, et il n’y avait trouvé que trois espèces de mollusques fossiles. Mais les géologues, qui ont écrit après lui sur ce pays, ont reconnu plus de généralité au lit à ossements, en le caractérisant pétrographiquement sous le nom de grès jaune ; et M. le docteur Qppel, qui en a étudié particulièrement la faune, y a signalé douze espèces de coquilles, parmi lesquelles X Avicula contorta{X*on\.), dont il a fait la caractéristique du Bone-becl , classé par lui sous le nom de zone a Avicula conforta. Ainsi est bien établie l’identité du Bone-becl et du grès dit infra-liasique en Lorraine, et cela indépendamment du classement qui pourra être fait de cet étage géologique dans le lias ou dans le trias. Quoi qu’il en soit, MAI. Terquem et Piette s’expriment ainsi sur ce point (1) : «Le Bone-becl ne fait pas partie du lias. C’est » un étage distinct des marnes irisées. » Or, ces prémisses renfer¬ ment la solution de la question du grès d’Hettange ; car, comme nos auteurs ajoutent (2) : « le grès de Varangeville et celui de Ké- » c lange sont du Bone-bed , » et que, d’autre part, il n’a jamais été mis en doute par personne que la faune du grès d’Hettange ne fut basique, il s’ensuit cette double proposition : Le grès d' Hettange appartient au lias ; Le grès de Kédange , — Bone-bed > — grès dit infra-liasique, appartient au trias ; D’où sort la conclusion que nous avons toujours annoncée : Le grès cC Hettange est supérieur au grès dit infra-liasique. La faune du Bone-bed serait donc triasique suivant MM. Ter¬ quem et Piette; et telle est aussi, comme nous l’avons appris ré¬ cemment de lui-même, l’opinion, qui est pour nous d’un très grand poids, de M. le docteur Oppel; il classe la zone h Avicula (1) Der petrefactenreiche Sandstein. (1) Mémoire cité page 390. (2) Ibidem. NOTE DE M. LEVALLOIS. 229 conforta ( Bone-bed ) à la partie tout à fait suprême du trias. Ce¬ pendant ce classement est fort controversé, comme on le sait; et il est aussi des paléontologistes accrédités, M. l’abbé Stoppani et autres, qui considèrent comme basique la faune du Bone-becl. Mais nous allons montrer que la conclusion ci-dessus se dégage tout aussi nette en acceptant la manière de voir de ces derniers. JVI. l’abbé Stoppani (1), en effet, établit dans le lias la classifi¬ cation suivante : Lias. ~~ Zone à Ammonites Bucklandi. h\ 1 .2 | Zone à Ammonites angulatus. j j" Marnes de Jamoigne. — Grès d'Hettange. Infra- & u < 1 v 1 Q- , 1 s ! Zone à Ammonites planorbis . liasien fi-* l f 3 ’ I Zone à Terebratula gregarea. 1 Bone-bed. — Zone à Avicula conlorta f c9 , vs( ' Zone à Bactryllium. ' d’Oppel. Par où l’on voit que, tout en rattachant au grand système juras¬ sique le Bone-bed et les autres couches comprises entre la zone à Ammonites Bucklandi et les marnes irisées, le savant italien n’en fait pas moins de cet ensemble un étage distinct qu’il appelle infra - liasien , et de même importance que l’étage du lias : « un étage à part » dit- il (2). Et il y a plus : c’est qu’il divise encore son nouvel étage en quatre zones, qui différencient parfaitement le grès d’Hettange du Bone-bed , puisque le premier appartient à la pre¬ mière zone, la plus élevée, la zone à Ammonites angulatus , tandis que le Bone-bed appartient à la troisième, la zone à Terebratula gregarea , ce qui revient^ dire que la différence zoologique entre le grès d’Hettange et le Bone-bed tient à ce que la faune du grès d’Hettange est franchement basique, comme cela est admis par tout le monde, tandis que la faune du Bone-bed ne le serait, en tout cas, qu’à moitié. Et cela s’explique, indépendammeut de toute idée théorique, en considérant que c’est par \e Bone-bed que s’éta¬ blirait la transition entre les deux faunes, ainsi qu’en témoignent les quelques espèces identiques qui ont été trouvées à la fois dans la zone à Avicula conforta et dans les zones supérieures. L’expres- (1) Essai sur les conditions générales des couches à Avicula con- torta, Milan, 1861. (2) Page 40. 230 SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1863. sion de ce fait se trouve d’ailleurs dans le nom de précurseurs donné par M. Quenstedt à certains fossiles du Bone-bed, et dans la dénomination de couches de jonction (Grenzschichten) appliquée par d’autres auteurs à une partie au moins des couches du Bone - bed. Ainsi, que la faune du Bone-bed soit triasique ou qu’elle soit basique, elle se distingue toujours essentiellement de la faune du grès d’Iiettange; et ce grès correspond, dans un cas comme dans l’autre, à une zone notablement supérieure à la zone à Avicula contorta , au Bone-bed. C’est là ce qu’il fallait démontrer. Et me pardonnera- 1- on de ne pas conclure immédiatement, en présence de preuves paléontologiques aussi probantes, alors surtout qu’elles sont fournies par un de nos anciens contradicteurs? Mais, comme je l’ai fait remarquer ailleurs, les questions de superposition des masses minérales sont des questions essentiellement géométriques; et c’est toujours à ces caractères-là qu’il faut s’adresser avant tout, quand on peut les trouver dans l’observation directe. De cette façon seulement on est mis en garde contre les incertitudes et les vicissitudes des déterminations paléontologiques. Or, ce sont en¬ core MM. Terquem et Pietle qui nous fournissent la preuve géo¬ métrique, en constatant dans huit coupes détaillées, et dont deux (celles des pages 324 et 345) ont une importance capitale dans la discussion, parce qu’elles sont prises à Kédange, en constatant, dis- je, la présence, entre le lias-bleu et le Bone-bed , du banc de marnes rouges dont j’avais ainsi précisé la position au début de cette note, position déjà vérifiée d’ailleurs dès 1855, par MM. Daubrée et Jacquot, relativement au grès du pays de Luxembourg. En résumé, la question du grès d’Hettange est aujourd’hui par¬ faitement élucidée ; le procès entre ce grès et le grès dit infra- liasique est vidé conformément à nos conclusions, et il appartient à MM. Terquem et Piette d’avoir fourni les dernières preuves à leur appui. Cependant cette solution finale, bien évidemment contenue dans leur savant mémoire, n’y est pas mise en relief; et c’est pourquoi j’ai dû me donner la tâche de l’en dégager. Il m’incombait particulièrement, après avoir ouvert la porte à une discussion qui menaçait d’être éternellement obscure, il m’incom¬ bait de la fermer en montrant à la Société que, libre désormais de la question du grès d’Hettange, elle peut porter toute son atten¬ tion sur d’autres desiderata de la science. La présente note n’est d’ailleurs que les Résumé et Conclusions d’un travail plus développé, et dans lequel, pour que la portée de ces conclusions puisse être bien appréciée de tous les géologues, NOTE DE M. LEVALLOIS. 231 j’essayerai de donner une description détaillée du petit étage géo¬ logique qui est ici en cause sous le nom de grès infra-liasique. Que si ce grès ( Bone-bed ) devait être définitivement classé dans le trias, comme l’a toujours été, par M. d’Alberti, le grès corres¬ pondant de la Souabe, et comme le pensent M. Oppel et M. Ter- quem, en se guidant d’après les faunes, cela n’aurait d’autre con¬ séquence qu’un changement de nom; ledit grès s’appellerait supra-keupérien, si mieux on n’aimait lui donner le nom, presque univoque et qui ne compromet rien, de Bone-bed. La carte géolo¬ gique de la France, non plus que celle du département de la Meurthe n'en recevraient aucune modification, puisqu’un signe spécial y a été affecté au grès infra-liasique. Quoi qu’il en soit, j’insiste encore, en finissant, pour bien faire remarquer que les démonstrations que nous apportons, relativement à la question du grès d’Hettange, sont tout à fait indépendantes de la question de la faune du Bone-bed . Celle-ci a sans doute, d’une manière absolue, son importance; mais elle n’en a aucune rela¬ tivement à l’objet qui nous occupe en ce moment. Cette communication donne lieu à quelques observations de la part de MM. Hébert, Saemann et Delanoüe. Séance du 2 mars 1863. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Bouvet, professeur à l’École de Pont-Levoy (Loir-et-Cher), présenté par MM. le marquis de Yibraye et le vicomte d’Archiac. Flottes (Léon), rentier, rue de Montaigne, 32, à Paris, présenté par MM. Hébert et Collomb. Lavallée-Poussin (Charles de), place Saint-Aubain, à Namur (Belgique), présenté par MM. d’Omaiius d’Halloy et Albert Gaudry. Le Président annonce ensuite une présentation. 232 SÉANCE DU 2 mars 18(53. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit r De la part deM. G. Guiscardi, Contribuzioni alla geologia dei campi Flegrei, in -4, 7 p., 1 pL, Naples, 1862 -, chez Fibreno. De la part de M. Henri Hogard, Recherches sur les glaciers et sur les formations erratiques des Alpes de la Suisse , 18584862, planches, 31 pi., Paris ; chez F. Savy; Épinal, chez veuve Gley. . De la part de M. A. Passy : 1° Carte géologique de la Seine- Inférieure, h f. grand aigle, Paris, 1861} imprimerie E. Kæppelin. 2° Note sur la carte géologique de la Seine-Inférieure (extr. des Comptes rendus de V Acad, des sc , , t. LV, 11 août 1862), in-4, 5 p. De la part de la Commission géologique suisse, Matériaux pour la carte géologique de la Suisse (texte), lrc livr. Canton de Belle , par M. Albert Müller, in-4, 71 p., 2 pî., Neuchâtel, 1863-, chez F. Marolf. (Atlas) lre livr., Canton de Bâle , par M. Albert Müller, li f., 1862, Winterthur-, chez Wûrster etGie. De la part de M. le comte de Vignet, Note sur la formation des terrains stratifiés , in-8, 20 p.? Grenoble, 1862} chez F. Allier père et fils. Comptes rendus hebd. des séances de f Académie des sciences, 1863, 1er sem., t. LYÏ, nos 7 et 8. Bulletin des séances de la Société I. et cent, d’agriculture , 2e sér., t. XVIII, n° 2, 1862. Bulletin de la Société botanique de France , t. IX, n° 7, novembre 1862. L’Institut , nos 1520 et 1521, 1863. Réforme agricole, nos 167 et 169, nov. 1862etjanv. 1863. Société I. d’ agriculture, etc., de Valenciennes. Reçue agri¬ cole, etc., janvier 1863. The Athenœum, nos 1843 et 1844} 1863. Recista minera, t. XIV, n° 305, 15 février 1863. M. Passy offre à la Société la carte géologique du départe¬ ment de la Seine-Inférieure et donne quelques explications sur la nature des terrains qui s’y trouvent décrits I j Bull, de la Soc.Géol. de France CARTE GÉOLOGIQUE il iiijyifiiiJMs (HAUTES ALPES) par Cli. Lorj Professeur de Géologie Lia faculté des Sciences ée Grenoble ( FÉVRIER 1863 ) Carte géologique Au BRIAIVÇOWiVAIS .par M. CH.LORY. NOTE DE x>î. LORY. 233 M. Hébert présente, au nom de M. Lory, la note suivante ; Carte et coupes géologiques du Briançonnais (Hautes- Alpes) 5 par M. Ch. Lory (PI. III et IY). J’ai l’honneur de présenter à la Société une Carte géologique du Briançonnais , destinée à servir de rectification au feuillet provi¬ soire de ma Carte géologique du Dauphiné ; elle sera publiée pro¬ chainement avec la troisième partie de ma Description géologique de cette province. Je présente en même temps un ensemble de six coupes générales de cette partie des Alpes, que j’ai tâché de rendre aussi exactes et aussi précises que possible. Ces coupes sont toutes faites d’après des croquis exacts pris sur les lieux, et elles repré¬ sentent fidèlement, dans tous leurs détails importants, les relations mutuelles des couches, leurs inclinaisons visibles et leurs divers modes de bouleversements. Les raccordements non visibles sont indiqués en lignes pointées. L’échelle des hauteurs est la même que celle des distances horizontales. La classification des terrains adoptée dans cette carte et dans ces coupes du Briançonnais est celle qui a été établie par les ré¬ sultats de la réunion éxtraordinaire de la Société à Saint-Jean-de- Maurienne et à Briançon, en septembre 1861; elle ne me paraît pas avoir besoin d’une plus ample justification. Je la résume dans la légende suivante : A , alluvions modernes; — A1, alluvions anciennes. E , terrain nummulitique ; nous y avons fait rentrer les grès des Aiguilles d’Arves, du Goléon, des Trois-Evêchés, confondus pen¬ dant longtemps avec les grès h anthracite ; L, lias schisteux de l’Oisans et de l’Embrunais ; L', lias com¬ pacte , calcaires du Briançonnais. L’un et l’autre de ces deux faciès correspond à l’ensemble de la série basique ; le lias schisteux comprend des couches à Avicula contorta , à Champ, près de VL zille (1), des couches à Ammonites bisulcatus , au mont de Lans, et on y trouve surtout fréquemment des fossiles du lias moyen et du lias supérieur (col d’Ornon, col des Berches, col de la Made¬ leine, base des Aiguilles d’Arves, etc ); le lias compacte contient, à sa base, desfossiles de Y infra-lias, dans le massif des Encombres, au mont Genèvre, etc. (2), et, à sa partie supérieure, ceux du (1) Bull., 2e sér. , t. XIX, p 720. (2) Procès-verbaux de la réunion extraordinaire de 1861, Bull. , 2e sér., t. XVIII. 236 SÉANCE DU 2 MARS 1863. On a rencontré une nappe aquifère à 175m,5Q et une autre à 185 dans les sables landéniens inférieurs; un accident ayant in¬ terrompu le travail vers 300 mètres, on s’est aperçu que l’eau était plus chaude et plus abondante. La température à l’orifice était de 19 degrés; elle paraît n’avoir pas dépassé 15 degrés dans le prin¬ cipe; on a trouvé, depuis, 20°, 2 à 260 mètres, et une autre fois 22 degrés à 210 et à 295 mètres, la température à l’orifice étant respectivement 17°, 7 et 19°. Le débit qui a un peu varié, est, en moyenne, de 1200 hectolitres par vingt-quatre heures, à 7 mètres au-dessus de la basse mer moyenne. Cette eau n’est pas potable, mais elle est recherchée pour l’u¬ sage domestique. L’eau mixte qui sort du puits renferme, d’après divers dosages, 2 1]2 à 3 millièmes de sels, en grande partie alca¬ lins, où domine le chlorure de sodium. M. de Koninck y a trouvé, il y a trois ans, sur 1000 grammes s Chlorure sodique . 1,363 Sulfate sodique . 0,605 Carbonate sodique . 0,657 Carbonate magnésique . 0,034 Chlorure potassique . 0,023 Silice, alumine, etc . 0,005 Total. ...... 2,687 Les carbonates de chaux et de fer y ont été aussi constatés; il y a de l’acide carbonique libre. Le résidu total a varié et atteint 2,950. Note sur les fossiles siluriens de Grand-Manif près Gembloux (Belgique) j par M. G. Dewalque. La Société connaît trop les discussions soulevées à l’occasion des fossiles trouvés à Grand-Manil par M. J. Gosselet, puis par M. Ma¬ laise, pour que je doive en faire l’histoire ; je me bornerai à rap¬ peler en deux mots le sujet du débat. Dumont rapportait les roches fossilifères de cette localité, comme tout le massif ardoisier du Brabant, aux roches semblables dont il avait fait, dans l’Ardenne et sur les bords du Rhin, son terrain rhénan, terrain qu’il considérait, ainsi qu’il a essayé de l’indiquer dans la légende de sa carte de l’Europe, comme l’ex¬ pression, à faune dévonienne , d’une période importante, représentée ailleurs par une formation à faune différente, le silurien supé¬ rieur ou proprement dit. Il y a deux ans, M. Gosselet annonça NOTE DE JM. DEWALQUE. 257 qu’il avait recueilli dans cette localité divers fossiles siluriens : I c’étaient des Orthis indéterminés et des trilobites de genres silu¬ riens. J’engageai M. Malaise à explorer ce gîte, que je visitai moi même avec quelque soin. Les espèces qui y furent; recueillies ayant été soumises à l’examen de M. de Koninck, ce savant n’y reconnut que des fossiles du dévonien inférieur ou rhénan. Ce résultat fut communiqué à l’Académie de Belgique par M. Malaise dans une note où il rapportait les assises en question au système coblencien du terrain rhénan, comme l’avait fait Dumont par suite d’autres considérations. Telle est l’origine de la discussion. On remarquera que les douze ou quinze espèces déterminées par M. de Koninck sont pour la plupart des brachiopodes ; un seul échantillon fut rapporté à un trilobite du rhénan, le Phacops lati - jrons , tandis que M. Gosselet n’a jamais fait connaître ses espèces de mollusques, et que son principal argument, appuyé de toute l’autorité de M. Barrande, reposait sur des genres de trilobites, autres que ceux reconnus par M. de Koninck dans nos échantil¬ lons. On aurait pu croire à deux gîtes distincts. Comme je connais¬ sais les lieux, cette explication ne m’a jamais satisfait; d’ailleurs, elle emportait l’existence d’une zone silurienne dans ce pays. Il ne nous restait qu’à multiplier les recherches. M. Malaise s’y est livré avec persévérance; il m’a confié les fragments de trilobites qu’il a recueillis depuis ce débat, et, avec son autorisation, je me suis empressé de les communiquer à l’homme le plus compétent. M. Barrande, ayant bien voulu me prêter son concours avec une obligeance dont je lui suis très reconnaissant, a reconnu que la plupart des fragments appartiennent à des formes exclusivement siluriennes, tandis qu’aucune n’est exclusivement dévonienne. Voici le résultat sommaire de son examen : 1° Genre Trinucleus : Têtes incomplètes du groupe du T, seti - cornis ou T. Backlandi de Bohême; un fragment pourrait appar¬ tenir au groupe du T, ornatus ; 2° Genre Calymene: Fragments divers, têtes, pygidium et corps, très rapprochés de la C. incerta de Bohême. ; 4° Genre Lichas : Tête incomplète, analogue à diverses formes de la faune seconde de Bohême; 4° Genre Encrinums? Tètes et pygidium appartenant au groupe silurien des genres Encrinurus, Chromas, Zethus et Enclymene ; 5° Genre Homalonotus , pygidium en mauvais état. Il demeure donc incontestable que ce gîte renferme plusieurs espèces de trilobites, appartenant au terrain silurien inférieur. Voici un second fait, non moins important que le précédent, et 238 SÉANCE DU 2 MARS 1863. aussi nouveau. Cette localité de Grand-Manil renferme des Grap- tolithes, dans des assises voisines des précédentes, c’est-à-dire dans des phyllades fortement modifiés au contact de la masse euritique que l’on y connaît. M. Barrande y a reconnu des impressions scalariformes, analogues à certaines formes représentées dans son mémoire sur les Graptolites de Bohême. Ce fait confirme d’une manière éclatante la découverte intéressante que nous devons à M. Gosselet. Après ces communications, M. Dewalque déclare se mettre avec le plus grand plaisir à la disposition de la Société dans le cas où elle voudrait désigner la ville de Liège pour lieu de la réunion extraordinaire de cette année. M. le marquis de Vibraye donne lecture de la note suivante : Observations sur la note de M. l'abbé Bourgeois (séance du 19 janv. 1863, p. 206) relative à la découverte de silex taillés dans la brèche osseuse de Fallieres ( Loir-et Chez ■)} par M. le marquis de Vibraye. Vous avez entendu, messieurs, dans l’une des séances précé¬ dentes, une intéressante communication de M. l’abbé Bourgeois, sur la découverte de silex taillés dans une brèche osseuse de Val- lières; c’est un fait dont je suis loin de nier l’importance, puisque j’en ai moi-même été l’instigateur en provoquant les recherches ; toutefois, dans l’intérêt de la science, je regrette ces empressements qui précipitent et entraînent les questions, en divulguant prématu¬ rément les recherches, et forcent parfois les observateurs à revenir sur leurs pas. La question de la contemporanéité de l’homme et de quelques espèces éteintes est un fait depuis trop longtemps contesté pour qu’il ne soit pas nécessaire d’assurer, par la maturité d’un contrôle, la validité comme l’authenticité des recherches, au lieu de s’effor¬ cer de les individualiser. L’amour des collections doit être une aùection raisonnée et les explorations avoir moins pour but la satisfaction de s’approprier un échantillon rare, unique peut-être, que le désir de concourir à l’œuvre scientifique en lui procurant des matériaux. Sans doute, chacun de nous applaudit à une heureuse découverte ; mais trop d’empressement à proclamer un succès, comme le trop grand mys- NOTE DE M. DE VIBRAYE. 239 tère dans les recherches, compromettent, ou tant au moins re¬ tardent les progrès et la solution des questions. C’est ainsi que l’un des plus beaux gisements de pachydermes des bords de la Loire, celui de Tavers, a donné si peu de maté¬ riaux à la science ; c’est ainsi que la brèche osseuse de Vallières a disparu sans contrôle et malheureusement sans observations strati- graphiques, comme celles que je m’efforce de recommander à tous les explorateurs de grottes ou de cavernes. La science géologique ne saurait procéder autrement. Lorsqu’on a fouillé, sans autre pré¬ occupation que de collectionner des ossements, les faunes ont été confondues. La brèche osseuse de Vallières fut exploitée pendant plusieurs mois, en 1849, beaucoup trop discrètement (car personne autre que M. Bourgeois n’eut connaissance du gisement) ; et les instruments en silex n’ayant pas attiré son attention, les débris de cette brèche osseuse ont servi pour l’amendement des terres, et c’est parmi ces débris que le propriétaire du terrain a trouvé la hache mentionnée par M. Bourgeois dans son intéressante com¬ munication. Antérieurement, j’avais insisté fortement sur Futilité des re¬ cherches; c’est alors queM. Bouvet a pris l’initiative d’une explo¬ ration. Jusque-là, chacun niait la présence des silex ouvrés dans la brèche de Vallières, tandis que je l’affirmais a priori. Une grande abondance de coprolites d’Hyène et quelques débris du Rhinocéros tichorhinus se rencontrent dans un lambeau de brèche osseuse, mal exploitée pour la science, aux bords du Cher, à Saint-Georges. Probablement des recherches plus minu¬ tieuses y eussent fait découvrir, comme partout ailleurs, un cer¬ tain nombre de silex ouvrés: mais il fallait explorer les plateaux, et j’ai l’honneur d’annoncer à la Société géologique de France, que notre diluvium solognot offre des spécimens intéressants de l’indus- trieprimitive. Les recherches sont encore trop récemment dirigées dans cette voie pour qu’il me paraisse utile de prendre part à cette course rapide qui s’efforce de nous entraîner ou plus vrai¬ semblablement peut-être de nous dépasser. Sans doute, je ne pré¬ tends pas individualiser mes recherches, mais les faits à introduire dans la science ont besoin de méditation ; j’aurais voulu tarder encore ; mais, alors qu’on me force de parler, j’annoncerai la dé¬ couverte d’une hache en silex dans les terrains diluviens couron¬ nant les bords du Cosson, à la Brosse, dans ces dépôts de transport ou se rencontrent si fréquemment des troncs de palmiers roulés, les débris des roches cristallines, entremêlés de silex crétacés et de fragments siliceux appartenant au système lacustre de la Beauce ; SÉANCE DU 2 MARS 1863. 2âQ sept localités sur la rive gauche de la Loire me démontrent l'au¬ thenticité d’un fait qui se généralise et se reproduit invariablement dans des circonstances identiques, c’est-à-dire à la base du diluvium, bien qu’ils soient ramenés souvent à la surface, lorsque la charrue atteint presque les couches du falun. Un fait plus intéressant encore mérite également d’être signalé : je veux parler de la présence, à la base du diluvium des environs de Contres (Loir-et-Cher, sur la rive gauche de la Loire), à 124 mètres d’altitude, d’un dépôt de silex ouvrés reposant sur les premières assises falüniennes , j’allais dire lin atelier de fabrication, comme vous pouvez en juger par les échantillons que je mets au¬ jourd’hui sous vos yeux. Les silex arrondis portent les traces d’une percussion réitérée; c’étaient les instruments de fabrication. Un certain nombre de silex ont été étonnés par le feu, sont fendillés, craquelés comme certaines porcelaines chinoises ou japonaises. Mais un caractère de tous les instruments anté-diluviens, c’est de porter les traces d’un polissage que je dois sans doute attribuer au frottement, à la violente pression des blocs erratiques, soit même encore, sous toute réserve, à la chaleuv acquise par la rapidité de leur course, peut-être à l’ensemble de toutes ces causes réunies ; mais c’est un fait constant ; l’ensemble de tous ces phénomènes demande une observation plus attentive, un contrôle, une médi¬ tation; je ne prétendrai pas faire languir la question, mais nous n’avons pas encore entendu M. Bouvet qui, dans les environs d’Auxerre, pendant le cours des vacances dernières, procédait à l’exploration d’un atelier véritable de silex ouvrés, dont l’âge est encore un problème, de couteaux accompagnés des blocs dont on les a détachés, et des boules de silex employées pour obtenir ces éclats, avec les mêmes procédés usités de nos jours, à Meunes sur les bords du Cher, pour la fabrication des pierres à fusil, à la seule différence que le marteau de fer a remplacé la boule de silex, ou, comme je puis en offrir des exemples dans les grottes d’Arcy (assise du diluvium rouge), les galets de granité, arkose, pétrosiîex ou autres roches cristallines empruntées au Morvan, et portant également des traces de percussion réitérée. L’année 1862 n’a pas été plus que les autres infructueuse; j’ai recueilli dans les cavernes de nombreux matériaux. Toutefois et tout d’abord, il me fallait des termes de comparaison, des analo¬ gies ; c’est pourquoi j’ai cru devoir explorer la Suisse et me rendre compte des habitations lacustres enfouies dans les bas-fonds de ses lacs ou dans ces tourbes d’atterrissement qui tendent incessam¬ ment à les combler. NOTE DE M. DE YIRRÀYE . ni J’ai du visiter les musées de Zurich et de Lausanne, la précieuse collection de M. Troyon, et chercher à recueillir d’un infatigable explorateur, M. Messikomer, de Stegen-Wetzikon, quelques-uns des précieux débris qu’il a retirés des tourbes, à Robenhausen, au bord du lac de Pfeffîkon. Non-seulement on retrouve les armes de pierre de ces anciennes peuplades, mais les débris des animaux que la chasse leur a permis de s’approprier, les restes de leurs ani¬ maux domestiques, y compris le chien, fidèle compagnon de riiomme. Le principe astringent des tourbes a permis, par suite de Finso» lubilité des débris végétaux enfouis, de recueillir nombre de pro¬ duits de cette nature, notamment du blé, de Forge, des fruits, du pain grossier, des tissus, des filets de pêche, etc. Les haches polies de cette époque, plus récente que les deux couches inférieures des cavernes, puisqu’elles appartiennent à un âge postérieur au soulèvement des grandes chaînes de montagnes, se trouvent accompagnées parfois des grès et autres roches ayant servi à les polir; mais je ne prétends pas m’étendre davantage sur ce sujet, non plus qu’empiéter sur les droits de l’archéologie. Toutefois, j’ai cru devoir prolonger mes investigations jusqu’à l’époque des habitations lacustres, relativement trop récentes pour des études géologiques, parce que la couche supérieure des grottes d’Arcy, quelques spécimens provenant des explorations de M. Fontan, dans les grottes de Massat, d’autres débris recueillis par M. Alphonse Rlilne-Edwards en compagnie, je crois, de M. Lartet, dans la grotte de Lourdes, me semblent, sauf un plus mûr examen, appartenir à cette époque. Il en est autrement des deux couches inférieures des cavernes, si je dois en juger par l’exploration minutieuse des grottes d’Arcy que j’ai cru devoir continuer attentivement en 1862, pendant cinq jours et secondé par huit ouvriers. Beaucoup de précieux débris ont été recueillis, sont en voie de classification et devront concourir ultérieurement à élucider la question; mais qu’il me soit permis de réserver une appréciation que je désire préparer avec toute la maturité possible; de telles questions, je le répète, réclament des méditations sérieuses et la sévérité d’une critique approfondie; la science n’est pas un champ de course, et d’ailleurs on me signale trois gisements nouveaux dans la Charente, la Dordogne, le département de la Vienne. Des gisements? Appellerai-je de ce nom des localités que je n’ai pas encore explorées, qui m’ont été signalées par des archéologues, en me priant de les accompagner afin d’observer les ossements Soc . géol 2e série, tome XX. 4 6 2^2 SÉANCE DU 2 MARS 1863, qui se trouveraient associés en très-grande abondance à des silex ouvrés? J’ai dit que je prétendais réserver la question des cavernes; vous permettrez toutefois, messieurs, que je vous annonce que tous les faits nouveaux sont venus confirmer surabondamment les décou¬ vertes précédentes. Dans la couche du diluvium rouge parfaite¬ ment homogène, le Renne en abondance, principalement de jeunes individus; tous les ossements portent les traces d’un instrument ou d’une fracture intentionnelle ; on y trouve une abondance de débris de silex et des couteaux d’un travail assez parfait pour accuser une civilisation se rapprochant de celle des habitations lacustres. 11 en est, de même des poinçons en os, finement aiguisés; j’ai trouvé de plus un quartz grenu, dont le polissage est évident; il porte en outre des traces d’incisions régulières. Enfin, dans la couche du diluvium inférieur, j’ai pu découvrir comme dans les habita¬ tions lacustres de Moseedorf et de Robenhausen un fragment allongé de cristal de roche (quartz enfumé translucide et lim¬ pide), véritable couteau, mais que le clivage a dû rendre défec¬ tueux. Les silex ouvrés ont encore été retrouvés par moi-même dans la couche inférieure, accompagnant les débris à’Ursus spe- lœus , Hyœna spelœa , Rhinocéros tichorhinus , Elephas prirnigenius , à la base de l’assise inférieure dans une terre argileuse, humide et compacte, où les outils des ouvriers détruisant nombre de pré¬ cieux débris, force a été d’explorer cette partie de la grotte en divisant les terres avec le bout des doigts. Et qu’on ne prétende pas que les silex ouvrés ont pu s’introduire des couches supé¬ rieures dans une terre aussi compacte ; un nouvel obstacle vient encore s’ajouter à la nature rebelle du terrain. Un banc de roche, une assise tout entière de l’oolite inférieure s’est écroulée de la voûte entre les dépôts du diluvium rouge et du diluvium infé¬ rieur; c’est en déplaçant laborieusement ces rochers au moyen de la pince de fer, et souvent après les avoir brisés, que la faune du diluvium inférieur apparaît accompagnée des silex et d’un certain nombre d’ossements évidemment travaillés. Je m’arrête, mes¬ sieurs; j’ai sans doute une surabondance de matériaux; mais la maturité d’un jugement impartial et consciencieux me force à vous demander encore un attermoiement ; il faut essayer de se recueillir et classer avant de faire un travail complet sur une épi¬ neuse question, soulevée par des archéologues. Us ont sans doute convié les recherches paléontologiques à venir leur prêter un appui, comme à servir de contrôle à leurs dires; mais, je le répète encore en terminant, les observations stratigrapliiques me parais- NOTE DE M. BOUÉ. m sent avoir été jusqu’à ce jour trop négligées pour justifier un trop grand empressement à précipiter un jugement sans appel, et la prudence réclame qu’en présence de redoutables dénégations les preuves surabondent. M. Hébert certifie que la position stratigraphique de la brèche de Yallières a été exactement donnée par M. l’abbé Bourgeois, attendu qu’il l’a visitée avec lui 5 mais il n’y a pas trouvé de silex travaillés. M. le marquis de Vibraye, sur la demande de M. Melleville, indique quelle est la nature des couches qui constituent le diluvium dans le département de Loir-et-Cher. M. Duportal fait une communication sur une plaque de poisson appartenant au genre Myliobate trouvée dans les sables moyens à Passy. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Boue. Addenda au mémoire de M. de Haus la b sur la comparaison de la surface actuelle de la terre avec celle de la lune ( Bull 1862, vol. XIX, p. 778) -, par M. À. Boué. Si je me suis efforcé d’exposer les idées de notre confrère rela¬ tivement aux accidents orographiques et géologiques de notre terre, je n’ai pas fait mention du parti qu’il croit pouvoir tirer du cours des rivières. Plusieurs formations se succédant dans un bassin circulaire comme dans celui de Paris indiquent pour lui rem¬ placement ancien d’un vaste cratère ; plusieurs montagnes et chaînes situées isolément sur le pourtour d’un grand cercle lui pa¬ raissent les dernières traces du rebord de grands entonnoirs craté- riformes; comme dans les volcans actuels, il observe que dans l’intérieur de ces enfoncements circulaires s’élèvent des pitons, des montagnes et de petites chaînes; de même il y voit encore plus fréquemment les indices de l’existence ancienne de plus petites brèches volcaniques. Ainsi le cratère antique de la Tran¬ sylvanie serait un exemple du premier genre, et l’enfoncement cratériforme de la Hongrie un exemple de la seconde espèce, etc. En outre le cours combiné de quelcpics rivières , la forme arquée de certaines parties de leur cours , le plan et la forme en arc de cercle de certains lacs , lui fournissent des arguments pour recon¬ naître encore les dernières indications de pourtours cratérijormes. SÉANCE DU 2 MARS 1863. m Ainsi, par exemple,* le lac arqué du Léman n’est qu’une portion d’une ligne circulaire passant par la vallée du Rhône, au-dessus de ce lac jusqu’à Marlignac, par le Mont-Blanc et la vallée de i’Arve. Au milieu de ce’ cercle s’élève, comme dans un grand cra¬ tère de soulèvement, un groupe de hautes montagnes analogue au piton central de maint volcan. Comme le pourtour de ce cra¬ tère n’avait pas partout une égale hauteur, comme cela se voit souvent, la ligne de l’arc de cercle qui est occupée par le Léman est celle d’un pourtour bas ; le Mont-Blanc, au contraire, reste sur un rebord élevé. Pour cela, nous trouvons, d’un côté, une anfrac¬ tuosité profonde remplie d’eau, et, de l’autre, une très-haute som¬ mité. La vallée supérieure du Rhône dans le Valais n’est qu’une entaille dans le pourtour du cratère. Le lac de Chiem , en Bavière, forme le centre d’un cratère, dont le pourtour extérieur est encore indiqué par l’arc de cercle décrit par l’Inn depuis Kuff- stein, enTyrol, jusqu’à sa réunion à laSalza. Sur le côté oriental, ce rebord est également indiqué par le cours de la Saal, depuis Weidring jusqu’au nord de Salzbourg, ainsi que par une petite crête s’étendant depuis le confluent delà Saal dansla Salza jusqu’à la réunion de la Salza avec l’Inn. Le lit de la Salza n’a pu exister dans ce cratère qu’au moyen de deux brèches ou entailles, comme on observe encore de semblables accidents dans les cratères des volcans éteints. \d extrémité septentrionale de V Adriatique vers Trieste nous offre en grand un exemple analogue, car au nord de cet enfonce¬ ment les montagnes de l’Etat vénitien, du Frioul et de l’Istrie décrivent un grand arc de cercle qui ne reste ouvert qu’au sud, en mer et en pays plat, tandis que, si on prolonge le côté occidental de l’arc en cherchant à compléter le cercle, on arrive aux anciens volcans des Monts Euganéens, qui sont situés sur le pourtour de cet ancien cratère. Dans la Savoie , on obtient un grand cercle presque parfait par le cours des rivières de l’Arc, de l’Isère supérieur et du Doron. Au centre, se trouve Moutiers ou Villette. Une partie du cours de l’Isère est établie dans une entaille de cet ancien cratère. Dans le Dauphiné ou les Alpes occidentales , des séries d’arêtes combinées avec des cours de rivières, telles que la Romanche, le cours supérieur de la Durance, des parties du cours du Drac, de l’Ebron et du Buech, produisent un pourtour circulaire, qui ren¬ ferme dans son milieu de hautes montagnes, semblables aux pitons centraux des volcans; en même temps la ligne de circonvallation de ce cratère ayant été démantelée ou crevassée çà et là. le Drac t A MÉMOIRE DE M. LE YM ERIK . 245 et la Durance ne sortent de ces montagnes qu’au moyen de pareilles anfractuosités. Le cratère de soulèvement de la Bérarde ne serait qu’un petit évent dans cet énorme enfoncement ancien. Je me contente de ces exemples, me référant aux dessins que l’au¬ teur prépare et qui seront assez nombreux. Le Secrétaire donne lecture du mémoire suivant de M. Leymerie : Esquisse gèognostique de la vallée de VAriége; par M. A. Leymerie (PL Y). coup d’oeil d’ensemble. La vallée de i’Ariége, parmi les vallées transversales des Pyré¬ nées, est une des plus importantes. Elle dépend de la demi-chaîne orientale. On doit la considérer, ainsi que toutes les autres grandes vallées pyrénéennes, comme étant formée par la réunion d’une vallée de montagne ouverte par fracture, lors du soulèvement définitif de la chaîne, et d’une vallée de plaine qui est le résultat d’une érosion produite au sein du terrain miocène sous-pyrénéen par des eaux extraordinaires descendues, 'à l’époque diluvienne, principalement par la vallée de fracture. La vallée de montagne n’est réellement qu’une gorge rocheuse, évasée en quelques points, très-resserrée en d’autres, au fond de laquelle coule un torrent. La vallée de plaine s’ouvre largement dans le bassin sous-pyrénéen et offre un fond étendu, horizontal, envahi par la culture. L’Ariége y prend la forme d’une rivière ayant une moyenne largeur et dont le cours assez uniforme se maintient presque toujours au pied des coteaux, d’abord du côté gauche et ensuite du côté droit ou oriental. Il arrive ici que cette seconde division de la vallée générale suit immédiatement, sans changement de direction, la vallée de montagne dont elle semble n’être qu’un prolongement, concordance classique , on pourrait dire, qu’on ne retrouve, au même degré, dans aucune autre vallée du versant français de la chaîne. La longueur totale de la vallée, entre le point où se réunissent ses premières ramifications au sud de l’Hospitalet et celui où l’A- riège vient se perdre dans la Garonne à Portet, est de 126 kilo¬ mètres ou 31 lieues et demie. Cette longueur se trouve partagée en deux parties presque égales SÉANCE DU 2 MARS 1863. ne dans les deux grandes divisions dont l’ensemble constitue la vallée générale. îl n’en est pas de même, à beaucoup près, pour les dif¬ férences de niveau, comme on le voit par le petit tableau sui¬ vant : Points extrêmes des deux divisions. Altitudes. Différences. Distances. Pont-Cerdaausuddel’Hospitalet. 1 477 Saint-Jean-de-Verges à l’entrée 1119 mètr. 61 kilom. de lafdaine . 358 Portet au confluent de l’Ariége et 219 65 de la Garonne . 1 39 (1) 1 338 mètr. 1 26 kilom. Notre esquisse se rapporte principalement à la vallée de frac¬ ture; cependant nous ne négligerons pas l’autre division et nous lui consacrerons à la fin un article particulier. VALLÉE DE MONTAGNE. - CARACTÈRES GÉNÉRAUX. La vallée de montagne ou de fracture commence au pied de la crête, un peu au sud de l’Hospitalet, et se termine à Saint-Jean- de-Verges, à 6 kilomètres au nord de Foix, au point où com¬ mence la plaine. A son extrémité supérieure, elle pousse des ra¬ cines ou ramifications dont l’une, à l’ouest, conduit au pied du pic de Font-Nègre (2852 mètres), où se trouve la principale source de l’Ariége. Une autre radicelle qui se dirige du côté de l’Orient conduit au port de Puy-Morens (1931 mètres), passage naturel, par lequel on arrive facilement dans la vallée de Carol sur le ver¬ sant méridional de la chaîne. Au Pont-Cerda où nous pouvons placer l’origine de la vallée, la cote d’altitude indiquée par le dépôt de la guerre est 1677 mè¬ tres, tandis que la hauteur de Saint-Jean-de-Verges au-dessus de la mer peut être évaluée à 358 mètres. H y a donc, comme nous l’avons déjà vu plus haut, une différence de niveau de 1119 mè¬ tres entre le point le plus haut et le point le plus bas. Cette diffé¬ rence est loin de se répartir également sur toute la longueur de la vallée; la pente est naturellement beaucoup plus forte vers le haut que dans les points inférieurs. Cependant, même dans la der- (1) Ce chiffre que j’emprunte à la carte du dépôt de la guerre se trouve être plus faible que celui (1 42m,1 0) obtenu par M. Maguès père, au moyen d’un nivellement très-soigné. MÉMOIRE DE BI. LEYMERIE. 2/|7 nière partie de son cours, tant qu’elle reste dans la montagne, l’A- riége conserve une grande vitesse et un caractère torrentiel. Considérée dans son ensemble, la vallée de montagne offre évidemment une direction transversale relativement à la chaîne; mais son axe n’est pas droit; il a la forme d’une ligne brisée com¬ posée de trois parties sensiblement rectilignes, dont les deux ex¬ trêmes, dirigées à peu près du sud au nord, sont reliées par une partie intermédiaire ayant la direction N. -O. Ces parties de l’axe correspondent à trois sections de la vallée, dont nous donnons ici les indications avec leurs longueurs, la différence de niveau de leurs extrémités et la pente moyenne par mètre pour chacune d’elles. Points extrêmes. Altitudes. Différ. Distances. Pentes. 1resect. 9e _ 3e — Pont de Cerda. . . . 1477 Ax . 716 Saint- Jean-de-Verges. 475 Tarascon . 358 761 241 117 1 6 kilom. 0m,0475 25 0m,0096 20 0m,0053 1119 61 En général, cette vallée est étroite et comprise entre des parois rocheuses, rapprochées et abruptes dans les endroits où elle est traversée par des crêtes ou arêtes de roches très-consistantes, plus écartées et simplement inégales et rugueuses dans les intervalles compris entre les crêtes. Ces intervalles évasés correspondent le plus souvent à des assises plus ou moins susceptibles d’être atta¬ quées et désagrégées par des actions mécaniques; ils prennent la forme de petits bassins longitudinaux à fond horizontal dans les endroits où viennent déboucher des valions latéraux. C’est princi¬ palement dans ces bassins que vient se réfugier la culture. Les autres parties offrent quelques prairies et les montagnes sont géné¬ ralement boisées. L’aspect général de la vallée est très-propre à faire naître dans l’esprit l’idée d’une fracture; mais cette manière de se rendre compte de son origine et de sa formation s’impose comme une nécessité en présence des escarpements vifs et comme taillés à pic sur une grande hauteur entre lesquels la largeur de la vallée se trouve en certains points réduite à l’espace nécessaire pour le passage du torrent. Tels sont les grands caractères physiques de la vallée de mon¬ tagne envisagée dans son ensemble. Quant à la constitution géo- gnostique, nous nous en occuperons spécialement ci-après pour chacune des sections. Nous nous contenterons ici d’une notion très-générale. BÉANCE DU 2 MARS 1863. 248 La haute vallée est entaillée dans un grand massif granitique qui, partant de la vallée supérieure de Vicdessos ou d’Auzat, se prolonge d’ouest à l’est dans le canton de Quérigut après avoir formé les montagnes d’Aston et de Fontargente. La section intermédiaire est principalement caractérisée par des schistes et des calcaires de transition, dévoniens pour la plus grande partie, qui semblent combler une dépression entre les montagnes granitiques d’Aston et de Tabes. Dans la section inférieure appa¬ raît d’abord le calcaire jurassique aux environs d’Ussat et de Tarascon. C’est là le trait le plus saillant de cette partie de la vallée, bien qu’elle soit aussi remarquable par une réapparition du terrain granitique, que l’on doit considérer comme une dépen¬ dance du massif de Tabes, d’une part, et d’un autre côté, des montagnes de Gourbit, qui elles mêmes se rattachent au massif d’Aston. L’absence de grès rouge constitue un caractère négatif qui mérite d'être signalé. Enfin, entre Foix et Saint-Jean- de-Verges où la vallée se termine, ses deux côtés offrent une coupe très-nette et très-intéressante à travers les formations supérieures des Pyrénées. Les assises qui constituent le terrain crétacé et le terrain tertiaire inférieur s’y montrent régulièrement disposées du sud au nord dans leur ordre de superposition, avec une inclinaison constamment septentrionale, et les plus résistantes s’y font par¬ ticulièrement remarquer par leur relief prononcé en forme de crêtes rectilignes parallèles entre elles et à la chaîne des Pyrénées (voy. PI. Y, fig, A et 2), première section. *— Entre le P ont- Cercla et Ax. Nous venons de dire que cette haute section était tout entière au sein du terrain granitique. Ceci est rigoureusement vrai en supposant qu’on ne dépasse pas le Pont-Cerda où nous avons placé l’origine de la vallée ; mais en faisant seulement quelques pas au delà de ce point on rencontrerait le terrain de transition. La limite des deux systèmes passe, en effet, tout près et au sud de Pont-Cerda, en s’étendant à l’est et à l’ouest à peu près en ligne droite. Les dernières ramifications par lesquelles la vallée vient se rattacher à la crête sont dans ce nouveau système qui paraît être essentiellement schisteux. La montée au col de Puy-Morens se fait sur des phyllades argi¬ leux, gris, sub-luisants, avec quelques accidents quartzeux; mais il n’est pas toujours facile de les y observer à cause d,es nombreux blocs, la plupart granitiques, qui les recouvrent. Le pont lui-même MÉMOIRE DE M. LEYMEUIE « 2A9 est siu’ ces schistes que Ton ne tarde pas à quitter pour rentrer dans le granité en commençant à descendre la vallée de Carol sur le versant méridional (1). Entre le Pont-Cerda et l’Hospitalet, groupe de maisons qui oc¬ cupe un fond resserré au point où vient déboucher une gorge, la vallée est étroite, à parois rocheuses et assez escarpées; mais, plus loin, en se dirigeant vers Mérens, on la voit s’évaser un peu, de manière à permettre à l’air et à la lumière d’y pénétrer librement. Toutefois son fond reste inégal dans l’intervalle qui sépare les deux villages, et la végétation a de la peine à s’y établir. Les pentes couvertes d’éboulis et de blocs granitiques ne laissent voir que de loin en loin les roches vives en place. Ces roches, généralement granitoïdes, sont associées avec des gneiss et semblent même se les incorporer de manière à former avec eux des magmas qu’on pour¬ rait appeler granité- gneiss. Le felspath abonde dans ces roches, tandis que le quartz n’y joue qu’un rôle secondaire et presque ac¬ cessoire; le mica ordinairement de couleur brun foncé y est très- manifeste, mais peu abondant. Quant aux diverses espèces ou sortes, voici celles que j’ai pu distinguer dans ces roches grani¬ tiques : des granités proprement dits peu homogènes et sans con¬ tinuité, des granités passant au gneiss souvent grumeleux ou glan¬ duleux, par la présence de nœuds feldspathiques, et des gneiss habituellement veinés et offrant, sur les strates mis à nu par la cassure, des enduits bruns micacés plus ou moins ondulés. Ces roches et la pegmatite qui leur est habituellement associée, consti¬ tuent la masse du terrain ; on y voit aussi la leptynite et quelque¬ fois l’eurite avec ou sans mica. À Mérens, deux petits vallons qui descendent de part et d’autre semblent avoir déterminé un élargissement dont le sol inégal offre à l’œil l’agréable aspect des prairies et de quelques cultures. Dufrénoy a marqué là, sur la carte géologique de la France, une zone de terrain de transition à travers le massif granitique ; je n’ai pu y voir qu’une assise de gneiss légèrement verdâtre, moins vive et plus perméable qu’à l’ordinaire (2). (1) Les schistes de transition de Puy-Morens, près de leur contact avec le terrain granitique, renferment des minerais de fer oxydulé manganésifères assez riches pour être l’objet d’une exploitation sérieuse. (François, Recherches sur le gisement et le traitement des mines de jer de VAriège , p. 66 et 88.) (2) Dans les prairies à l’est de Mérens, sourdent en trois points des eaux sulfureuses à 39 degrés, non utilisées sans doute à cause du voisinage d’Ax. 250 SÉANCE DU 2 MARS 4863. On sort de ce nid de verdure par une gorge sauvage que l’on di- g rait avoir été entaillée à pic dans le terrain granitique, véritable t défilé où l’on a été obligé de faire une place pour la route aux dépens des rochers qui rencaissent. Les surfaces vives de ces escarpements naturels ou artificiels permettent une étude facile des éléments qui les composent. Ce sont des granites-gneiss francs et solides et du gneiss avec l’association habituelle des diverses roches feld- spathiques que nous avons citées. La pegmatite notamment vient ici s’incorporer dans les roches granitiques et s’y introduire sous forme de filons et de veines. Nous avons remarqué dans cette roche de nombreuses tourmalines noires, parmi lesquelles il se trouvait des individus bien cristallisés. 1 Quand on a franchi ce défilé granitique, on voit la vallée re¬ prendre à peu près la forme un peu évasée qu’elle avait au-dessus de Mérens ; mais elle est moins aride et l’on remarque avec plai¬ sir, à mesure que l’on approche d’Ax, que la verdure et la culture même disputent la place aux rochers, principalement du côté gauche où les pentes moins rapides et la présence d’un peu de ter¬ rain de transport ou de terrain détritique ont favorisé l’établisse¬ ment de plusieurs hameaux ou métairies. — Arrivés à Ax, nous nous trouvons avoir parcouru tout entière la première section que l’on pourrait appeler la Haute- Vallée, et cependant nous ne quittons pas encore le terrain gra¬ nitique. La ville d’Ax est située dans une sorte de fond assez res¬ serré, où viennent se rendre deux petits vallons qui descendent de l’est. Son sol inégal est composé, comme précédemment, de roches granitiques très-riches en feldspath. Cependant il y a lieu de signaler ici une particularité : c’est que la pegmatite qui se trouve associée au granité d’Ax offre un mica blanc argentin qui affecte quelquefois, et d’une manière très-marquée, la disposition palmée qu’on avait considérée jusqu’à présent comme étant exclu¬ sivement propre à Luchon. Cette circonstance doit nous porter à comparer le terrain que nous venons de parcourir avec celui qui apparaît immédiatement au sud de cette dernière ville, sous la forme d’un typhon auquel se lie étroitement la présence des eaux thermales sulfureuses. Le résultat de cette comparaison nous conduirait à un rapprochement qui, lui-même, pourrait peut-être indiquer une communauté d’o¬ rigine, et, par conséquent, le classement du terrain granitique de la Haute-Ariége dans la catégorie des granités éruptifs. En effet, le granité de Luchon, comme celui dont il est ici question, consiste en un magma très-riche en feldspath où l’on trouve à la fois du MÉMOIRE DK M. LÉYMERIE. 251 granité proprement dit, du granite-gneiss, de la pegmatite riche en tourmaline, de la leptynite _ L’un et l’autre de ces magmas offrent du mica palmé, et il sort de leur sein, à Ax comme à Lu¬ dion, des eaux sulfureuses très-analogues par leur nombre, leur composition, leur thermalité (1). Il existe trois forges dans cette région, sur les torrents qui des¬ cendent à Ax par les vallons d’Orlu et d’Ascou. deuxième section. — Entre Ax et Tctrascon, Un peu après la petite ville d’Ax se trouve le coude par lequel la vallée passe de la direction méridionale à la direction intermé¬ diaire N. -O. Ce coude est encore dans la formation granitique ; mais, en descendant la vallée suivant la nouvelle direction, on ne tarde pas à quitter les roches massives pour entrer dans une zone stratifiée composée de terrain de transition d’abord et ensuite de calcaire jurassique. Le premier de ces deux terrains occupe tout l’espace compris entre le coude et les Cabannes, espace dont nous ferons une sous-section à laquelle succédera une seconde subdivi¬ sion essentiellement jurassique formée par l’intervalle qui existe entre les Cabannes etTarascon. 4re sous-section. — Entre Ax et les Cabannes. C’est à 2 à 3 kilomètres d’Ax, non loin de Savignac, que l’ob¬ servateur qui descend la vallée voit le terrain stratifié ancien succéder au granité. La zone dans laquelle il va entrer et qu’il va parcourir dans un sens oblique, mais voisin du parallélisme, est dirigée O. un peu N. Elle occupe une dépression entre deux hauts massifs granitiques dont les caractères lithologiques sont presque identiques et qui certainement se rejoignent sous le remblai qui, actuellement, semble les séparer. L’un de ces massifs, au sud, est la montagne d’ Aston dont les principales altitudes sont voi¬ sines de 2000 mètres ; l’autre est la montagne de Tabes dont la (1 ) Les eaux d’Àx sont très-remarquables par leur nombre (53), par le volume de leurs eaux et par la variété qu’elles offrent dans leur composition et dans leur température (de 30 à 77 degrés). Ces sources sourdent du terrain granitique et certaines, parmi les plus chaudes, sont tellement abondantes qu’on laisse couler leurs eaux sur la voie publique où elles sont employées à plusieurs usages et notamment au lavage des laines. 252 SÉANCE DU 2 MARS 1863. partie culminante, le pic cle Saint-Barthélemy (2349 mètres), joue un rôle important dans l’orographie de cette partie des Pyrénées. Les premières roches que l’on rencontre après avoir quitté le granité d’Ax sont des schistes cristallins micacés ou maclifères que traversent des filons et des veines de granité et qui semblent avoir été pénétrés et durcis par des émanations granitiques. Cette assise cristallophyllienne forme ainsi, entre le terrain granitique et le terrain de transition, une sorte de pénombre où l’influence du gra¬ nité se fait encore sentir. C’est vers le débouché du vallon d’Unac que le terrain de transition se dégage définitivement sous la forme de schistes argileux et feldspathiques d’une couleur grise assez claire, tirant quelquefois sur le vert, avec un éclat luisant ou même argentin; ces schistes régnent d’abord et se développent seuls; mais, au voisinage des Cabannes, des assises calcaires’vien- nent s’y associer et les accidenter. Ce remblai de transition se manifeste topographiquement par des caractères particuliers. Les roches cristallophylliennes forment, à la base des montagnes granitiques, particulièrement de la mon¬ tagne de Tabes, de grandes rugosités de couleur rousse qui ren¬ dent les bords de la vallée inégaux et irréguliers. Les schistes de transition proprement dits correspondent à des évasements plus prononcés, tandis que la présence des assises calcaires, au voisinage des Cabannes, s’accuse au contraire par des formes plus hardies, plus abruptes et par des resserrements extraordinaires. Tels sont les grands traits orographiques de la sous-section comprise entre Ax et les Cabannes. Ses caractères géognostiques sont très-intéressants comme on va le voir par les indications par¬ ticulières que nous allons donner. En ce qui concerne la bande ou lisière cristallophyllienne, nous n’avons rien à ajouter, si ce n’est que les schistes qui la composent sont remarquablement ferrugineux, circonstance que M. François attribue avec raison aux pyrites, dont les émanations granitiques les auraient imprégnés. Par des transformations successives, ces pyrites auraient donné naissance, d’un côté à des efflorescences de sulfates alumino-ferrugineux, dont on tire parti pour la fabrica¬ tion du vitriol (sulfate de fer) et auraient produit, d’autre part, la limonite. Cet hydroxyde de fer est, en effet, assez abondant sur le territoire des communes de Perles et de Yaychis pour qu’on ait songé à l’exploiter comme ocre et comme minerai. Nous avons dit que le terrain de transition proprement dit commençait par des schistes principalement argileux peu modifiés. Ces schistes, dont la direction oscille de part et d’autre de E.-O. MÉMOIRE DE M. LEYMERTE. 253 avec line forte inclinaison au nord, passent en certains points à Pétât dephyllades tégulaires et sont exploités comme tels dans les communes de Garanon, de Vaychis et de Luzenac. Cette assise schisteuse constitue la partie inférieure du terrain de transition proprement dit de l’Ariége. Nous n’y avons trouvé aucun débris organique, et par conséquent nous ne saurions dire à quel étage de l’éclielle générale des terrains elle doit appar¬ tenir. Durocher a cité un trilobite dans le prolongement de ces schistes du côté de Vicdessos; mais ce genre peut indiquer aussi bien l’étage silurien que l’étage dévonien, et par conséquent la découverte de Durocher nous laisse encore dans l’incertitude. Nous n’éprouvons pas le même embarras à l’égard de l’assise supé¬ rieure qui se développe au pied du pic de Saint-Barthélemy au voisi¬ nage des Cabannes, et nous la classons hardiment dans l’étage dévonien. Elle contient aussi des schistes ; mais ce qui la caractérise surtout, c’est la présence des calcaires et des calschistes amygda- lins, parmi lesquels on distingue de véritables griottes et d’autres variétés marmoréennes où dominent les couleurs rouge et verte si habituelles dans les marbres de Cierp et de Campan. Ces couches dont le caractère dévonien est si marqué se montrent particuliè¬ rement dans un roc escarpé de forme conoïde au sommet duquel sont perchées les ruines pittoresques du château de Lordat. Elles affectent là, comme d’ailleurs les calschistes dévoniens le font par¬ tout, des courbures et des inflexions très-prononcées. Elles s’éten¬ dent ensuite par Albies dans la direction E.-O., qui paraît do¬ miner dans toute la contrée. Les observations que nous venons de faire à Lordat nous avaient éloigné de la route, c’est-à-dire du milieu de la vallée; si nous y revenons maintenant pour nous diriger ensuite vers le bourg et le petit bassin des Cabannes, nous verrons bientôt sc dresser de¬ vant nous une sorte de mur qui vient barrer la vallée en lui lais¬ sant seulement une largeur suffisante pour le passage du torrent et de la route. Cette muraille qui s’accuse hardiment sur la rive droite de l’Ariége par un pic dont la hauteur absolue atteint 287 mètres (Saint-Pierre) n’est autre chose qu’un filon déchaussé presque vertical ou dyke , composé de quartz avec calcaire spathique mat et dans lequel on trouve divers minerais : oligiste spéculaire et micacé , sidérose , limonitc , pyrite dejer, et des mouches de pyrite cuivreuse. C’est avec ces divers minerais que M. Alzieu, médecin au Cabannes, a découvert un minéral pierreux très- intéressant et tout nouveau pour nos Pyrénées et qu’il a bien voulu me commu¬ niquer. J’y ai reconnu une fluorine très-compacte, translucide, lé- 6ÊANCE DU 2 MARS 1863. 25A gèrement verdâtre et qui est réellement curieuse par les reflets chatoyants qu’il est aisé d’en faire sortir, lorsqu’on fait jouer à la lumière des morceaux arrondis, préalablement humectés. La région dont nous venons de faire connaître les principaux caractères est encore et tout particulièrement remarquable par la présence de i’ophite et de la lherzolite. Ces] roches y ont percé et comme lardé la bande dévonienne. Dufrénoy les a très-bien in¬ diquées sur la carte géologique de la France et je les ai observées moi-même en trois points où elles se présentent en masses ou ty¬ phons, savoir : l’ophite sous l’église de Lordat et sous le village de Vèbre, et la lherzolite sur le flanc sud-est du roc d’Appi, non loin du granité de la montagne de Tabes. L’ophite de Lordat est tigrée, épidotifère, en voie de décompo¬ sition dans certaines parties. On y trouve des minéraux intéressants, savoir : de Xasheste et de X amiante grossière, de la clilorite écail¬ leuse , des mouches de pyrite ferrugineuse et de chalhopyrite , et enfin un beau calcaire spathique d’un blanc laiteux ou légère¬ ment translucide à clivage rhomboïdal très-prononcé, qui est extrê¬ mement curieux par de larges lames d ' ali gis te spéculaire qui le traversent, tantôt suivant les plans de clivage et tantôt dans le sens du clivage surnuméraire. A Vèbre, la roche opliitique se présente à peu près avec le même aspect. J’y ai remarqué des veines d’épidote verte ( Thallite ), qui ressemble tout à fait pour la couleur et le faciès à la variété si connue du bourg d’Oisans en Dauphiné. Il serait assez difficile de ne pas rattacher à l’apparition de ces roches éruptives la présence du fer oligiste et des autres espèces ferrugineuses que nous avons signalées au pic de Saint-Pierre et à Lordat. Dès lors ne serait-il pas naturel de considérer ces mêmes éruptions comme ayant amené dans les environs des Cabannes les nombreux gîtes ferrugineux qui s’y trouvent, notamment à Urs, Luzenac, Lassur, Gudanes? Puique nous avons cité ces gîtes, nous devons prévenir qu’ils ont fort peu d’importance au point de vue industriel (1). Nous ajouterons, comme renseignement métallur¬ gique, la citation de plusieurs forges dans cette partie de l’Ariége, (1.) Ces gîtes de minerais se trouvent minutieusement indiqués dans l’important ouvrage de Dietrich sur les mines des Pyrénées et dans le travail de M. Jules François, intitulé : Recherches sur le gisement et le traitement des minerais de fer de /’ Ariêge, p. 62, 65 et 74. Ce dernier ingénieur, qui connaît si bien l’Àriége, admet comme nous l’influence des ophites, et rattache les minerais que nous venons de MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 256 notamment la forge d’Urs et celles de Gudanes, dans la vallée d’ Aston. 2e sous— section. — Entre les Cabannes et Tarascon . Les Cabannes. — Le petit bourg des Cabannes se trouve placé derrière le dyke de Saint-Pierre , à l’ouverture d’un petit bassin que l’on pourrait attribuer, au moins en partie, à l’intervention de la gorge d’Aston et dont le fonds constitue la première plaine que l’on rencontre en descendant la vallée à partir de son origine. Cette partie élargie de la vallée et celle plus resserrée qui lui suc¬ cède jusqu’à Bouan offrent cette circonstance remarquable que l’axe ou thalweg s’y trouve justement coïncider avec la ligne de séparation des schistes de transition qui continuent à régner à gauche jusqu’à Bouan, et du calcaire jurassique qui commence sur la rive droite de l’Ariége en face des Cabannes, pour ne se terminer du même côté qu’à Tarascon, et qui semble s’appuyer là sur le terrain granitique à la base du massif de Tabes; d’où il ré¬ sulte que l’observateur qui descend des Cabannes à Bouan, a dans ce trajet constamment le terrain de transition à sa gauche et à sa droite, du côté opposé de la vallée, le calcaire jurassique qui se laisse facilement reconnaître par ses teintes claires et ses surfaces escarpées. Sous le château de Gudanes, le premier de ces deux terrains est composé de schistes gris presque verticaux, orientés suivant la direction habituelle de l’est à l’ouest. Le val d’Aston vient dé¬ boucher au milieu des mêmes schistes qui paraissent se continuer plus loin, jusqu’à une certaine limite qui passerait un peu à l’ouest de Bouan et par Larnat en se dirigeant au S. -O. Ussat. — - Après avoir franchi cette limite, si l’on se dirige vers Tarascon en continuant à suivre la route impériale, on voit se dresser à gauche des escarpements calcaires qui jusque-là ne s’étaient montrés que sur la rive droite de l’Ariége, et l’on entre dans un véritable défilé à parois abruptes, presque verticales, très- élevées, qui porte tous les caractères les plus propres à imposer l’idée d’une fracture. C’est dans cette sorte de couloir, au pied de l’escarpe¬ ment du massif septentrional, qui n’a pas moins de 400 mètres de hauteur absolue, que sourdent les eaux thermales si connues sous signaler au riche dépôt de Yicdessos par des gisements intermédiaires et par un ensemble de caractères qui sembleraient indiquer, en effet, une analogie d’origine. 256 SÉANCE DU 2 MARS 1863. le nom d’Ussat, village situé beaucoup plus haut, au nord-nord- ouest dans une dépression du massif jurassique (1). Un peu après les bains d’Ussat, la vallée forme un coude et prend ensuite une légère courbure, qui la conduit jusqu’à Taras- con. Dans cet intervalle, elle ne cesse pas de conserver son carac¬ tère de défilé, que nous avons vu si prononcé à Ussat; seulement le fond offre un peu plus de largeur. La roche qui domine dans la nouvelle formation où nous . sommes maintenant engagés est un calcaire subcompacte, gris, accidenté fréquemment par des veines blanches de calcaire cris¬ tallin. Il est associé à des brèches de couleur pâle, qui rappellent celles qui accompagnent constamment les calcaires aux pics du Gar et de Cagire dans la Haute-Garonne. On trouve aussi dans cette région un calcaire dont les surfaces offrent des lignes courbes de couleur noire qui sont probablement des sections d’Huîtres ou de Gryphées. Enfin, le vallon dans lequel est situé le village d’Ussat est constitué par une assise noirâtre schistoïde, qui renferme quel¬ ques fossiles aplatis et difficilement reconnaissables, parmi lesquels on distingue toutefois des Bélemnites et de petites Ammonites. Il paraît que la même assise vient passer sous les calcaires escarpés qui s’élèvent au-dessus des bains. Cet ensemble de caractères conduit naturellement à assimiler cette partie de l’Ariége aux contrées jurassiques de la Haute-Ga¬ ronne. Cependant Dufrénoy l’a coloriée en vert sur la carte de la France, sans doute à cause des sections de coquilles que nous venons de signaler et que ce savant géologue aurait considérées comme indiquant des Dicérates (Caprotines). Cette coloration a d’autant plus lieu de surprendre lorsqu’on vient à jeter un coup d’œil sur la carte, que l’on y voit la teinte bleue (jurassique) sur les montagnes de Yicclessos, bien que les couches qui les composent soient évidemment dans le prolongement des calcaires d’Ussat et de Tarascon. (I) Les eaux d’Ussat appartiennent à la catégorie des eaux salines thermales. Elles sont regardées, parmi les eaux du même genre qui sont si répandues dans les Pyrénées, comme les plus efficaces pour guérir les maladies particulières aux femmes. Leurs principes domi¬ nants sont les sulfates de chaux et de magnésie et le carbonate de chaux. Elles contiennent aussi une matière organique qui leur com¬ munique une onctuosité remarquable. La température des différentes sources varie de 31 à 41 degrés. Elles ont été, il y a quelques années, l’objet d’un aménagement des plus ingénieux de la part de M. l’ingé¬ nieur François. MÉMOIRE DE M. LE Y ME RI E * 257 Avant de quitter le défilé d’Ussat, nous devons mentionner un amas de terrain de transport qui se trouve comme appliqué de part et d’autre de son entrée, surtout du côté droit, et qui s’élève même à 115 mètres environ sous le village d’Ornolac. Nous y re¬ viendrons plus tard. Tarascon. — A Tarascon même, les calcaires jurassiques de îa rive droite viennent se terminer par une protubérance conique composée de calcaire gris ou noirâtre, ordinairement bréchoïde, qui s’avance comme un cap dans la vallée et qui porte à son som¬ met la tour de l’horloge. Un peu au delà, sur la route de Foix, à droite d’un petit bassin qui correspond à l’entrée des ruisseaux de Vicdessos, de Gourbit et de Saurat, apparaissent les roches primor¬ diales; mais du côté gauche de la vallée celles-ci ne commencent à se montrer que plus loin et laissent encore se prolonger les cal¬ caires comme pour les dédommager de la place qu’ils avaient perdue de ce côté en amont de Bouan. La vallée de Yicdessos qui vient déboucher en face de Tarascon sépare, en effet, un troisième massif jurassique qui s’étend à l’ouest jusqu’au ruisseau de Saurat, où reparaît le terrain primordial. Les caractères géognostiques de ce massif, dont le relief s’accuse assez fortement au bord occidental du bassin de Tarascon, où il atteint 600 mètres de hauteur absolue, diffèrent peu de ceux que nous avons ci-dessus indiqués ; ils sont peut-être plus prononcés encore dans le sens jurassique. En montant de Tarascon à Bédeillac, par le chemin de Massat, on marche constamment sur des couches de cette formation, et de fréquentes écorchures du sol montrent des calcaires et des brèches identiques avec ceux qui, dans les Pyrénées centrales, sont connus comme étant de l’âge du Jura. Ce sont des calcaires noirâtres, veinés de blanc, passant au marbre appelé petit antique > des brèches à fragments bitumés de couleur noire, comme celles des environs d’Aspet, des calcaires impurs schisteux, teintés de violâtre, sem¬ blables à ceux qui, près d’Encausse, constituent une assise du lias. Enfin, la célèbre grotte de Bédeillac est ouverte dans un calcaire gris clair à lignes noires très-prononcées (calcaire à Dicérates, Dufrénoy), que j’ai reconnu comme étant un membre habituel de la formation jurassique dans les Pyrénées centrales. M. Alzieu, qui a formé aux Cabannes un petit cabinet des produits minéralogiques et géologiques de l’Ariége, a trouvé, dans plusieurs des calcaires que nous venons d’énumérer, des bivalves des genres Lima et Pecten que je n’ai fait qu’apercevoir chez lui, et qui m’ont rappelé des formes jurassiques connues, des Soc. géol 2e série, tome XX. M 258 SÉANCE ÏHi 2 MARS 1865. fragments de Bélemnites, et enfin de petites Térébralules (Rhyn- clionelles) qui sont tellement abondantes à Rabat, que certains bancs calcaires en sont comme pétris. J’ai vainement essayé de les rapporter à quelque espèce connue. Toutes ces couches d’ailleurs, dont l’ensemble paraît atteindre une grande puissance, sont habituellement très-inciinées et subis¬ sent des inflexions et d’autres perturbations provenant des agents souterrains. Ce massif calcaire que nous avons vu commencer brusquement au bord gauche de l’Ariége, dans le bassin de Tarascon, se pro¬ longe à l’ouest dans la direction des Pyrénées, jusqu’à une assez grande distance, sous la forme d’une bande qui semble combler une dépression dans le terrain granitique, entre les montagnes de Gourbit et de Montouiieu. Si nous réunissons les faits que vient de nous offrir cette dernière partie de la formation calcaire de Tarascon à ceux que nous avions déjà recueillis à Ussat, et si nous nous représentons les frappantes analogies qui les lient entre eux et aux couches reconnues comme jurassiques dans la partie centrale des Pyrénées, nous serons con¬ duits à cette conclusion, que tous les calcaires qui se développent au pied du massif de Tabes, depuis les Cabannes jusqu’à Tarascon, et qui s’étendent à partir de là au N. -N. -O. , vers Yicdessos d’une part, et d’un autre côté vers Rabat, sous la forme de deux bandes séparées par le massif granitique de Gourbit, appartiennent à une seule et même formation qui date de l’époque jurassique. Quant à la place précise que doivent occuper, dans la grande série du Jura, chacune de ces assises, nos études ne sont pas assez avancées à cet égard pour nous permettre encore de la fixer définitivement. Il nous a semblé reconnaître des analogies très-grandes entre cer¬ tains groupes et le lias supérieur ; d’autres pourraient être compa¬ rés à l’étage oxfordien ou même au corallien. Les calcaires des environs de Tarascon sont utilisés comme pierres de construction et pour la fabrication de la chaux grasse et delà chaux hydraulique. On y rencontre aussi quelques gîtes fer¬ rugineux, à part le dépôt exceptionnel de Yicdessos qui se trouve en dehors de notre cadre. Le plus important de ces gîtes se trouve sur le territoire de Rabat ; il présente cette particuliarité intéres¬ sante d’y être en relation directe avec un typhon opliitique. Il y a aussi dans cette contrée plusieurs forges catalanes à Rabat et à Surba, sur le ruisseau de Gourbit, et au-dessous de Niaux dans la vallée de Yicdessos. Nous ne quitterons pas la formation jurassique des environs MÉMOIRE DE M. LEYMERÎK. 259 d’Ussat et de Tarascon sans mentionner un fait accessoire à notre point de vue, mais qui a bien aussi son genre d’intérêt. Je veux parler des nombreuses cavités que cette formation renferme et | dont plusieurs constituent des cavernes remarquables par leur | étendue, par les débris d’animaux fossiles qu’on y rencontre, et | enfin par la beauté et la variété de leurs stalactites. Quatre de ces | cavernes surtout méritent d’être signalées, savoir : celle d’Ussat ou de Lombrive qui s’ouvre dans l’escarpement méridional du dé¬ filé en face des bains ; la caverne de JNiaux dont l’entrée se trouve i à une grande hauteur sur le versant droit du vallon de Yicdessos, | prèsdu villagedu même nom ; celle de Sabars, située à la pointe qui ! sépare la vallée de l’Ariége du point où vient déboucher le vallon ! de Vicdessos ; le massif particulier de Rabat ou de Bédeillae re~ j cèle dans ces flancs la quatrième caverne qui est la plus belle. Celle-ci, que l’on a l’habitude de désigner par le nom du dernier village que nous venons de nommer, s’ouvre, à l’est et près de ce village, dans une petite crête protubérante dirigée vers l’est. (. Saadour ). Elle est très-vaste et facile à parcourir. Son entrée con¬ siste en une belle arche regardant le nord, à laquelle succède un large vestibule ouvert dans un calcaire à Ricérales très-caractérisé. Les grottes de Lombrive et de ÏViaux portent sur leurs parois latérales des cannelures horizontales et d’autres indices d’érosion. Leur sol offre d'ailleurs des dépôts de sables et de cailloux roulés, qu’il semblerait naturel d’attribuer à l’intervention des eaux di¬ luviennes. La caverne de Lombrive mérite d’ailleurs une mention particulière pour les ossements d’ours et d'autres espèces de l’é¬ poque quaternaire, qui gisent dans ses couloirs en assez grand nombre, et pour les ossements humains qu’on y trouve aussi en abondance, et dont la présence, bien connue depuis longtemps des touristes, ne prouve en aucune manière la contemporanéité de l’homme et des espèces perdues que nous venons de signaler (1). La contrée de Tarascon, si digne d’intérêt par les faits géolo¬ giques qui viennent d’être exposés, offre encore une particularité des plus curieuses qu’il est indispensable de faire connaître : elle consiste dans la présence d’une formation gypseuse qui se trouve placée et comme alignée dans le sens des Pyrénées, à la limite du terrain jurassique, au contact du massif granitique de Mercus et de (1) Ces grottes ont été probablement habitées dans les temps his¬ toriques; on trouve aux environs d’Ussat, notamment à Bouan et à Ussat-le-Vieux, des cavités plus modestes et qui offrent des restes de murs crénelés qui servaient autrefois de clôture et de défense. 260 SÉANCE DU 2 MARS 1863. Montoulieu. Il ne s’agit pas ici d’une assise régulièrement stratifiée, mais bien d’une suite de masses gypseuses cristallines, qui, sans être continues, se rattachent cependant à un même phénomène par l’analogie de leurs caractères et par leur alignement déjà si¬ gnalé. Ces gîtes gypsifères peuvent être répartis en deux groupes séparés par la vallée. Le plus considérable se trouve du côté gauche de l’Ariége, de part et d’autre du vallon de Saurat, sur le terri¬ toire des communes d’Àrignac et de Bédeillac. L’antre, celui de droite, est situé un peu au nord du village d’Arnave, parallèlement au ruisseau de Cazenave et sur le versant droit. Ces gypses ont été observés par plusieurs géologues, à la tête desquels il faut citer Charpentier (1), et Durocher en a donné une courte description dans son mémoire sur le terrain de transition des Pyrénées (2). D’après cet ingénieur, la limite du terrain granitique et du cal¬ caire jurassique dans le bassin de Taraseon se trouverait occupée par une assise de calcaire, au sein de laquelle se serait formé le gypse par métamorphisme et qui serait devenu lui-même cristalllin par la même cause. Il existe, en effet, dans le vallon de Saurat, entre le calcaire de Bédeillac et le granité, un calcaire qui est habituelle¬ ment lamelleux, blanc ou légèrement teinté de couleurs agréables, renfermant une grande quantité de lamelles de mica, et qui semble alterner avec des schistes gneissiques. Durocher y signale même des injections de granité; mais la description qu’il fait de ces roches injectées me semble indiquer l’ophite. Le gypse d’Arignac forme des amas au milieu de cette assise calcaire. Il est cristallin, d’un blanc quelquefois pur, mais le plus souvent un peu grisâtre ou jaunâtre. Charpentier y cite des la¬ melles de mica et de talc , du calcaire cristallisé et des cristaux isolés, très-nets, de Umonite épi gène. Les gîtes d’Arnave dont nous avons fait connaître ci-dessus la disposition offrent des caractères presque identiques avec ceux de la rive gauche dans l’alignement desquels ils se trouvent situés, et il n’est pas douteux qu’ils n’aient, les uns et les autres, une com¬ mune origine. Le gypse est encore ici intimement associé à un calcaire marmoréen qui s’appuie sur le gneiss du massif primor¬ dial de Mercus, et dont les caractères cristallins et les accidents plutoniques sont encore plus prononcés que ceux déjà signalés dans le vallon de Saurat. Ce calcaire est ordinairement blanc et (1) Essai sur la constitution géognostique des Pyrénées , p. 334. (2) Annales des mines , 4e sér., t. VI, p. 86. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 261 même saccharoïde; mais en certaines parties il prend des teintes de rose et de violâtre fort agréables. On y trouve du mica, de la c/ilorite, de Yactinote.... Le gypse lui-même y jouit d’une cristallinité très- prononcée et passe à un albâtre d’une éclatante blancheur. Il s’y incorpore des masses laminaires ou lamellaires d’une belle anhydritc violâtre ou d’un bleu céleste très-clair. Il contient, en outre, des pyrites intactes ou passées à l’état de limonite , du mica , du talc , de la chlorite et même de Yactinote et de Y épi do ta? M, François y a rencontré des géodes de calcaire cristallisé, sous la forme du scalé- noèdre métastatique. L’ensemble de ces circonstances doit éloigner toute idée d’une origine sédimentaire pour le gypse de Tarascon, et il n’est vrai¬ ment possible d’expliquer sa présence au sein du calcaire que par une action métamorphique. L’est ainsi que MM. François et Du- rocher ont considéré les choses après une étude attentive. Il reste¬ rait à indiquer la cause de cette modification. Userait possible que le granité y ait contribué; mais nous serions plus disposé à croire que le principal agent de la formation du gypse est l’ophite. On sait que cette roche éruptive accompagne constamment le gypse cristallin dans les Pyrénées centrales, et que les relations qui lient ces deux roches sont tellement étroites, que tous les observateurs ont été amenés invinciblement à rattacher la présence de l’une à celle de l’autre. Nous avons donc ici en notre faveur une puis¬ sante analogie. Il est vrai que l’ophite ne se montre pas dans le bassin de Tarascon avec cette évidence et ces formes extérieures qui la rendent si remarquable à Salies, à Marsoulas, à Betchat.... Cependant on a cité cette roche à Arnave; à Rabat, elle perce le calcaire jurassique en donnant naissance, comme nous l’avons vu plus haut, à un dépôt ferrugineux. Enfin, nous avons dit ci-dessus quelle existait probablement dans une plâ trière au-dessous de Bédeillac. Le gypse dont nous venons de signaler le gisement et d’indi¬ quer l’origine est exploité à ciel ouvert dans un certain nombre de carrières. Celles d’Arignac et de Bédeillac consistent en de hautes entailles pratiquées de part et d’autre dans les berges es¬ carpées du vallon de Saurat. A Arnave, l’exploitation se faitmoins activement par des cavités cratériformes, sur la rive droite du ruis¬ seau de Cazenave. Ce gypse fournit un plâtre de belle qualité qui est connu spécialement dans le commerce sous le nom de plâtre de Tarascon. 262 SÉANCE DU 2 MARS 1863, TROISIÈME SECTION. — DE TARASCON A SAINT-JEAN-DE- VERGES. C’est à Tarascon que la vallée fait un second coude pour re¬ prendre la direction méridienne qu’elle avait quittée à Ax. C’est là, par conséquent, que commence sa troisième et dernière section. Nous la diviserons en deux parties ou sous-sections, en prenant la ville de Foix pour point de partage. !re sous-section. — De Tarascon à Foix . Si l’on part de Tarascon pour continuera descendre la vallée par la route impériale, on se trouve jusqu’à Bonpas au bord du bassin, entre deux formations-très distinctes. L’une, à gauche, consiste dans la protubérance jurassique que nous avons étudiée ci-dessus, entre Tarascon et Bédeillac, qui n’est autre chose réel¬ lement qu’un prolongement de la zone d’TJssat. L’autre formation, que l’on rencontre en sortant de la ville à 200 ou 300 mètres, est un granite-gneiss qui dépend de la montagne de Tabes. Ces deux ordres de terrain, au reste, se distinguent très-bien, même de loin, par leurs teintes et par la forme de leur relief. A l’extrémité du bassin, où descendent, d’un côté le ruisseau de Saurat, et, de l’autre, celui de Cazenave ou d’Arnave, le calcaire jurassique cesse brusquement, comme nous l’avons déjà vu, et l’on se trouve en plein au milieu du terrain granitique. Lavallée, dans cette partie, semble avoir été entaillée à travers un massif primordial qui se rattache à tous ceux que nous avons déjà signalés dans la section supérieure (!) ; toutefois elle conserve assez de largeur pour per¬ mettre l’établissement d’étroites bordures diluviennes et horizon- laies de part et d’autre de la rivière. Cet état de choses persiste jusqu’à Mercus ; mais au nord de ce village les roches granitiques cessent de se montrer sur la rive droite de l’Ariége pour céder la place à des formations stratifiées, tandis que du côté opposé elles continuent à constituer le sol sous la forme d’un massif qui se prolonge jusqu’à Foix et qu’on désigne (1) A vrai dire, il n’existe dans la vallée de l’Ariége qu’une seule formation granitique d’une composition assez uniforme, dont la con¬ tinuité serait simplement dissimulée ou cachée par une zone dirigée au N. -O., due à un dépôt de terrain de transition et de calcaire juras¬ sique, qui se serait opéré dans une dépression longitudinale, paral¬ lèle à la crête de la montagne de Tabes. MÉMOIRE DK M. LEYMERIE. 268 souvent par le nom du village de Montoulieu. Ces roches primor¬ diales offrent d’ailleurs, entre Tarascon et Mércus, les caractères que nous leur avions reconnus en amont d’Ax. Ce sont encore des granités assez variés, peu continus et peu homogènes, associés à des pegmatites à larges ou à moyens éléments, avec tourmaline, enchevêtrés avec des gneiss veinés, très-cristallins, souvent amyg- dalins. Nous ajouterons cependant ici une variété de granité ca¬ ractérisée par la présence de l’amphibole et que nous n’avions pas encore reconnue dans cette formation. Ces caractères con- viennentaussi au massif de Montoulieu où nous signalerons comme accident particulier remarquable, d’après M. François, des peg¬ matites assez riches en feldspath pour fournir aux fabriques de porcelaine du kaolin et du pétunzé. Lorsque l’on a dépassé la limite du granité en continuant à suivre la route de Foix, après Mercus, on ne voit pas clairement les roches stratifiées qui doivent lui succéder à droite de l’Ariége. Il est donc nécessaire de s’avancer un peu de ce côté dans l’intérieur, et d’y transporter momentanément ses investigations. Deux petits val¬ lons qui descendent de la montagne granitique de Mercus, dans la direction du nord, pour se rendre à Saint-Paul dans la petite v'allée de Belmont, sont très-favorables pour cette observation complémentaire et parallèle. Une étude rapide m’a fait connaître d’abord, vers le haut de ces vallons, une petite bande de terrain de transition qui est repré¬ sentée, au reste, sur la carte géologique de la France, et que l’on trouvera marquée sur notre coupe n° 2 par le signe (Dec). Cette bande est formée par des schistes en partie vert clair, avec des calschistes de même couleur imparfaitement amygdalins, carac¬ tères qui indiquent assez clairement l’étage dévonien. Cette assise, dont la puissance ne m’a pas semblé être très grande, se trouve comprise entre le terrain granitique de Mercus et un terrain nouveau dont le développement est considérable, puisque, d’après nos observations, il s’étendrait latéralement jusque dans l’Aude, par Fraichenet, Nalzen, entre Cazenave et Montferrier, Belesta. Ce terrain se compose d’une épaisse succes¬ sion de schistes terreux avec dalles de psammites à impressions végétales, et de quelques assises calcaires en partie bréchoïdes. Il a été considéré comme crétacé par Bufrénoy, et colorié en vert sur la carte géologique de la France ; mais j’ai quelque raison de penser qu’il y a là encore une conquête à faire en faveur de la formation jurassique. La petite vallée de Belmont, entre Celles et Saint-Paul, semble 26A SÉANCE DU 2 MARS 18615. correspondre à un pli synclinal des schistes terreux avec dalles de grès micacé. Les calschites noirâtres et les calcaires occupent le versant qui s’élève rapidement au sud, et dans lequel sont creusés les deux vallons que nous avons ci-dessus indiqués. De Saint-Paul, on voit notamment les calcaires s’accuser vers le haut de ce versant, à deux ou trois niveaux, sous la forme de crêtes courtes et proéminentes. En montant à ces crêtes par un petit chemin qui longe à l’est le vallon de Marcasse, on coupe d’abord les schistes et les dalles de grès qui les renferment; bientôt après on entre dans une assise de calcaires et de calscliistes impurs de couleur noirâtre, et ce n’est qu’à une assez grande hauteur que l’on atteint les assises saillantes qui consistent en bancs réglés et réguliers d’un cal¬ caire franc, de couleur presque noire. Tout à fait en haut pa¬ raissent enfin les schistes dévoniens. Tout ce système est incliné, au sud, par renversement. Ainsi, dans cette coupe que représente notre figure 2, les calcaires doivent être considérés comme étant les plus anciens, et les schistes de Saint-Paul comme plus modernes, malgré leur position inférieure. Du côté opposé de la petite rivière, ces dernières roches cons¬ tituent un talus très-rapide par lequel on arrive à une région mamelonnée qui paraît composée des mêmes schistes, et sur laquelle nous nous abstiendrons, quant à présent, d’exprimer une opinion, parce que nous n’avons fait que la traverser rapide¬ ment. Nous nous contenterons de dire pour l’instant que des couches schisteuses et argileuses du même genre nous ont paru passer sous la crête abrupte et saillante de calcaire et de brèches jurassiques, qui fait suite au pech deFoix et qui domine la contrée déprimée qui s’étend au nord-est de Montgaillard. Cette dernière observation, s’il était prouvé que les schistes dont il s’agit appartinssent au même terrain que ceux de Saint- Paul, suffirait pour établir l’âge jurassique et même liasique du terrain que nous étudions. Les caractères minéralogiques de cet étage considéré au sud de la vallée de Belmont, très-analogues à ceux du lias des Pyrénées centrales et particulièrement des envi¬ rons d’Aspet, viendraient appuyer cette détermination ; mais elle me paraît devoir acquérir un haut degré de probabilité par la dé¬ couverte d’un fossile, à l’état de fragment il est vrai, mais qui est heureusement assez caractérisé pour qu’il soit impossible de ne pas y reconnaître la grande variété du Pecten œquivcilvis qui ac¬ compagne souvent les Bélemnites dans le lias des Corbières et surtout dans les couches à Gryphœci cymbium de l’Aveyron. On pourrait s’attendre à retrouver ce terrain en prolongement MÉMOIRE DK M. LEYMER1E. 265 sur le bord de la vallée de l’Ariége à droite de la route, entre JVJercus et l’entrée du vallon de Saint-Paul; mais on n’y voit guère que des roches primordiales et des indices de terrain de transition plus ou moins modifié, et le cap même que la route est obligée de contourner avant d’atteindre la vallée de Belmont semble être formé par un fragment de ce dernier terrain relevé et pénétré par l’opliite (1). L’entrée de la petite \ allée de Belmont ou de Saint-Paul donne naissance à la formation d’une véritable plaine diluvienne qui se termine du côté septentrional à un nouveau cap formé par le rocher de forme conoïde qui supporte les ruines du château de Mont- gaillard. Ce pic rocheux d’un aspect si pittoresque et qui s’élève brusquement à 200 mètres au-dessus de la vallée et le rocher de Saint-Roch qui forme une moindre saillie à sa base, au bord de la route, semblent sortir du sein de la masse des schistes terreux qui forment une colline au S.-E. de Montgaillard. Ils sont princi¬ palement composés de calcaires en partie bréchoïdes. Le rocher de Saint-Roch particulièrement se fait remarquer par une brèche à fragments assez petits et très-anguleux dont la couleur noire tranche agréablement sur le fond gris clair du calcaire compacte subcristallin, dans lequel ces fragments se trouvent solidement empâtés. Si l’on continue à descendre la vallée après Montgaillard, on voit s’ouvrir à sa droite un large espace déprimé de forme triangu¬ laire qui se trouve comme muré au N.-E. par une crête très- saillante, qui, d’abord très-écartée de la rivière, s’en rapproche de plus en plus ensuite dans sa direction oblique, vers le N. -O. Elle atteint l’Ariége enfacede la ville de Foix, où elle semble s’arrêter net et se terminer par un escarpement considérable qui laisse à peine assez de place, au bord de la rivière, pour la route impé¬ riale. On connaît peu la composition fondamentale de la dépres¬ sion, parce queses roches constituantes sont cachées au pied de la crête par des éboulis et par des détritus, et qu’elle se trouve d’ail¬ leurs recouverte dans presque toute son étendue par un manteau diluvien. Nous en reparlerons un peu plus loin. Tel estl’état des choses du côté droit de l’Ariége, entre le bassin de Tarascon et Foix. Sur la rive opposée, tout se passe beau- (1) C’est à peu près au-dessous de ce cap, au bord de l’Ariége, quo se trouve l’importante fabrique d’acier, faux et limes, connue sous le nom de Saint- Antoine. A Saint-Paul et à Celles, dans la vallée de Bel¬ mont, il existe deux forges ordinaires. 266 SÉANCE DU 2 MARS 186S. coup plus simplement; la rivière s’y trouve bordée constam¬ ment et sans aucune interruption par le versant plus ou moins rapide et irrégulier du massif primordial de Montoulieu. Cette différence ou plutôt ce contraste entre la rive droite et la rive gauche, dans cet intervalle d’environ 10 kilomètres, n’est pas une des circonstances les moins curieuses de la vallée que nous étu¬ dions. Foi jl . — La ville de Foix, située sur la rive gauche de l’Ariége (altitude 379 mètres au pont), doit son aspect pittoresque aux cir¬ constances géologiques curieuses qui l’entourent. Nous venons de voir la crête qui s’élève à l’est de la vallée, à partir du parallèle de Montgaillard, se diriger vers Foix et s’arrêter d’une manière brusque au bord droit de la rivière. Cette partie terminale de la crête est considérée comme une montagne particulière par les habitants de TAriége qui lui donnent le nom de pech de Foix. L’altitude de cette montagne est 855 mètres et sa hauteur au-dessus du pont est 476 mètres. L’escarpement par lequel elle se termine est inégal et très-élevé et couvert de rochers calcaires tout prêts à se détacher et à rouler sur la route et sur une rangée de maisons appliquées contre sa base. Du côté opposé de la rivière existe un escarpement plus abrupt encore que le précédent, et qui semble plonger dans l’eau tant il en est rapproché. C’est une autre coupure qui termine une crête occidentale semblable à celle du pech de Foix, et qui est dirigée comme elle à rO.-N.-O. Cette nouvelle crête se prolonge dans la direction qui vient d’être indiquée, au moins jusqu’à Saint- Martin de Caralp, et la partie qui domine Foix peut être regardée comme une montagne particulière que l’on appelle dans le pays pech de Saint-Sauveur. Son altitude maximum est 724 mètres, et elle se trouve élevée de 345 mètres au-dessus de la vallée, au pont de Foix. Un accident pittoresque (voyez la coupe n° j) ca¬ ractérise particulièrement ce nouveau pic qui domine la ville au nord. Un rocher pyramidal et escarpé semble sortir de sa base du côté du midi, et s’en trouve cependant assez séparé pour qu’on soit tenté au premier aspect de le considérer comme un pic isolé, d’autant plus que la petite rivière du Larget passe dans l’in¬ tervalle pour venir payer à l’Ariége le tribut de ses eaux. Cette pyramide calcaire de 80 à 90 mètres de hauteur, qu’on appelle rocher de Foix , porte à son sommet 1 ancien château et ses tours. Les maisons de la ville se serrent tout autour dans le petit espace laissé libre au pied de ce roc escarpé, et réussissent à peine à ca¬ cher son pied. MÉMOIRE DE M. LEYMERIK . 267 La crête générale qui comprend le pech de Foix et la montagne de Saint-Sauveur, envisagée dans son ensemble, se présente comme une liante barrière qui sépare la partie moyenne de la vallée de fracture de la partie inférieure où nous allons bientôt trouver une série d’étages appartenant aux terrains les plus récents des Pyrénées. Cette crête elle-même offre des faits géologiques du plus haut intérêt et mérite une attention toute particulière. Nous nous en occuperons lorsque nous aurons dit quelques mots du territoire de Foix en particulier. Nous constaterons d’abord que le massif primordial que nous avons vu commencer au vallon de Saurat du côté gauche de l’Ariége, et que nous avons dit se prolonger jusqu’à Foix, se ter¬ mine, en effet, sous les murs de cette ville, au pied du rocher (voy. la coupe n° 1), et qu'il traverse la petite rivière du Larget immé¬ diatement en amont de cette pyramide calcaire, pour venir s’en¬ foncer sous la montagne de Saint-Sauveur. Cette partie extrême du terrain granitique de Montoulieu offre des caractères particu¬ liers. Elle consiste en un granité proprement dit d’une couleur sale légèrement grise ou verdâtre, très sujet à se désagréger et à se convertir en sable granitique ou arène. C’est à cet état que cette roche se présente à l’entrée du vallon de la Barguillère où coule le Larget, et au pied de Saint-Sauveur, sur la route de Saint- Girons. Au sud de cette limite, en remontant le vallon que nous venons de nommer ou sur la rive gauche de i’Ariége,on peut voir des roches schisteuses et principalement des schistes gneissiques s’associer au granité, et, si l’on continuait à marcher dans ce sens, on ne tarderait pas à retrouver le faciès de granite-gneiss varié et accidenté qui caractérise le terrain primordial dans toute la vallée. Le granité de Foix vient buter, ainsi que nous venons de le dire, contre le massif calcaire de Saint-Sauveur. Il serait intéressant de voir ce qui se passe au contact de ces deux terrains d’un ordre si différent ; mais ce contact est malheureusement caché par des éhoulis et des détritus. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que les apparences ne conduisent pas à l’idée d’une action éruptive que le granité aurait exercée sur le calcaire. Le pech de Saint-Sauveur est déjà connu des géologues par les coquillesjurassiqueset surtout par lesTérébratules qui s’y trouvent en grande quantité et dans un parfait état de conservation (1). il) M. d’Archiac a consacré un alinéa à cette montagne dans son Histoire des progrès de In géologie , t. VI, p, 535. Il y rapporte la 268 SÉANCE DU 2 MARS 1863. Ces fossiles néanmoins n’existent pas dans toutes les couches de cette montagne. Loin de là, on ne les rencontre jamais ailleurs que dans les parties centrales de l’escarpement qui descend dans l’Ariége. Il y a bien aussi des fossiles à l’extérieur, sur les versants de la montagne, tant ail nord qu’au sud ; mais ceux-ci appartien¬ nent à des espèces crétacées. Cet état de choses s’explique natu¬ rellement par cette circonstance que le pecli de Saint-Sauveur est le résultat d’une courbure très-prononcée et concentrique ou d’un pli affectant un groupe de couches qui appartiennent à deux formations distinctes. Un coup d’œil jeté sur la coupe n° 1 don¬ nera une idée de cette disposition. La partie centrale autour de laquelle les autres couches se contournent, consiste en un noyau de calcaire et de schiste terreux qui pourrait bien représenter le terrain que nous avons reconnu au sud de Saint-Paul. C’est immé¬ diatement autour de ce noyau qu’existe l’assise fossilifère (j t) ci-dessus signalée pour ses belles Térébratules. Elle se compose de calcaires plus ou moins marneux, en partie schistoïdes, formant une voûte qui s’élève jusqu’en haut de l’escarpement où elle se trouve avoir été crevée. Cette assise elle-même est flanquée de calcaires azoïques submarmoréens, teintés de rose ou de fleur de pêcher, avec dolomies, et enfin d’une petite assisse argilo-calcaire de couleur rouge, renfermant de nombreuses pisolites de fer oxydé argilifère. Telle est la composition de la masse du pech de Saint-Sauveur manifestée par l’escarpement oriental. C’est sur les flancs de la montagne, de part et d’autre, que se montre presque exclusive¬ ment un terrain supérieur où l’on trouve des fossiles crétacés. Ce nouveau système, qui a participé à la courbure du premier avec lequel il est en relation concordante, offre plusieurs variétés de calcaires parmi lesquelles celle qui domine ou qui, du moins, peut être regardée comme la plus intéressante, est représentée par un calcaire dur, subcompacte ou subgrenu, d’un gris très-clair, plus ou moins siliceux, à la surface duquel se montrent en relief des fossiles dont la substance a été remplacée ici par de la silice. Ce sont des polypiers, Astrèes , Lithodcndron ,.. et diverses coquilles sur lesquelles nous reviendrons tout à l’heure. Lorsque du pont de Foix on jette un regard sur la montagne dont nous nous occu¬ pons, on voit, au bord de l’escarpement, la première assise exté¬ rieure se dessiner sous la forme d’une bande très-inclinée, ondulée Térébratule dominante dont il s’agit à l’espèce T. subpunctata , Da¬ vidson» MÉMOIRE DE M. LEYMERÎE. 269 vers le haut, dans laquelle des lignes parallèles très-rapprocliées indiquent les couches dont elle est composée (voyez la coupe). Au point de vue de la chronologie géognostique, nous voyons d’abord dans le pech de Saint-Sauveur deux grandes formations qui se trouvent assez naturellement séparées par l’assise rouge fer¬ rugineuse. Cette assise et toutes celles qui gisent au-dessous nous paraissent se rattacher aux couches à Térébratules, et appartenir, par conséquent, au terrain jurassique, tandis que les couches supé¬ rieures à cet horizon rouge dépendraient du groupe crétacé. Nous avons en faveur de cette manière de voir des analogies pétrogra- phiqueset des preuves paléontologiques. Les fossiles de l’assise à Térébratules sont assez nombreux et assez variés. Nous n’avons pu en recueillir qu’en petit nombre dans les courtes visites qu’il nous a été permis de faire à ces localités à diverses reprises, mais ceux que nous possédons suffisent pour indiquer le lias supérieur. Ce sont : Terebratula subpunctata , Davids. Spirijer. — indentata , ou ornithocepha - Belemnites . la , Sow. ■ — variant ? Tharnianni ? ■ — ovum, Nobis? • — cpiadrijîda , Lamk. — globata , Sow. Lima , grande espèce. Pecten simplicosta , Nobis. — lisse. Giyphœa cymbium , Sow. Quant aux couches inférieures qui forment le noyau de la mon¬ tagne, il se pourrait qu’elles représentassent ici le lias de Saint- Paul; dans ce cas, elles se rattacheraient à l’assise des Térébratules. Les calcaires marmoréens avec dolomies et l’assise ferrugineuse ont un faciès qui rappelle celui de l’assise de l’Aveyron, que l’on rapporte à la partie inférieure du jurassique proprement dit (étage ooli tique inférieur). Si nous cherchons maintenant à déterminer les calcaires qui flanquent la montagne au nord et au sud, nous serons portés, par l’ensemble des indices et des analogies, à les considérer comme crétacés. Les fossiles seuls pourraient nous fixer à cet égard; or, le peu de temps que nous avons eu à notre disposition pour celte recherche ne nous a permis d’en recueillir qu’un petit nombre. Ce sont principalement des polypiers et quelques coquilles parmi lesquelles se trouvent deux Trigonies d’assez petite taille et bien caractérisées. L’une d’elles peut être rapportée avec certitude à l’es¬ pèce Tri go ni a spinosa, Park. , considérée comme cénomanienne par d’Orbigny, et tendrait à faire mettre le calcaire qui la renferme sur le niveau du grès vert du Mans et de l’île d’Aix ; mais elle ne 270 SÉANCE DU 2 MARS 1803. suffit pas pour établir cette détermination que nous considérons néanmoins comme très-probable (1). Dans tous les cas, cette assimilation des calcaires crétacés de Saint-Sauveur au grès vert du Mans porterait principalement sur l’assise inférieure. Les couches supérieures pourraient bien appar¬ tenir à un niveau plus élevé qui serait celui de la craie turonienne, J’y ai recueilli des têts d’Hippurites encore reconnaissables. Aplus forte raison devrait-on adopter cette opinion à l’égard du rocher de Foix, qu’il est naturel de considérer comme le témoin resté sur place d’une couche tout à fait extérieure qui aurait été enlevée. Dans le calcaire gris clair à pâte fine et serrée, qui constitue ce pic, j’ai cru reconnaître, en effet, avec des sections de Serpules assez nom¬ breuses, des indices de test de diverses coquilles et particulière¬ ment de Rudistes (2). L’aspect du défilé de Foix où l’on a pu à grand’peine conquérir un peu de place pour la gare du chemin de fer suffit pour faire naître dans l’esprit l’idée d’une fracture opérée par une cause vio¬ lente et énergique dans la muraille ou crête calcaire que nous avons ci-dessus signalée comme traversant la vallée de i’Ariége. Avant cette catastrophe, le pech de Saint-Sauveur et celui de Foix fai¬ saient évidemment partie de cette crête générale. Dès lors, on ne sera pas étonné de retrouver dans la dernière montagne les mêmes assises et la même disposition en ogives concentriques que nous avons reconnues dans la première. En effet, les fossiles jurassiques du pech de Saint-Sauveur se montrent aussi, avec leur bel état de conservation, dans l’escarpement de la rive droite de l’Ariége, et les dolomies, passant d’une rive à l’autre, se manifestent claire- (1) M. d’Archiac, dans l’article précédemment cité, a regardé les couches intérieures du pech de Saint-Sauveur comme du lias supé¬ rieur; en cela nous sommes parfaitement de son avis, comme on vient de le voir; mais nous cessons d’être d’accord avec lui, lorsqu’il rap¬ porte à l’étage néocomien les couches crétacées extérieures. (2) A cette occasion, il ne sera pas inutile de dire qu’il existe dans une contrée peu éloignée, à 8 à 40 kilomètres, à l’est de Foix, sur le versant méridional d'une crête de calcaire compacte soudée au pech de Foix, et particulièrement sur le territoire des villages de Saint- Cyrac et de Leichert, un gîte turonien des plus caractérisés, et dans lequel j’ai recueilli en abondance, les Hippurites , Spherulites , Cyclo - lllcs et les nombreux polypiers qui caractérisent la célèbre localité de la montagne des Cornes près les Bains de Rennes. J’ai retrouvé Ces couches avec les mêmes fossiles à Vilîenave près Lavellanet et à Be- lesta, d’où elles passent dans les Gorbières. MÉMOIRE DE M. LEYMER1K. 27i I ment dans les coupures qu’on a été obligé de faire au bord de la route impériale, pour faciliter les abords delà gare. Enfin, l’assise ferrugineuse dont la couleur rouge marque si nettement la sépa- tion des deux systèmes, l’un jurassique, l’autre crétacé, joue le I même rôle à droite de la vallée. Relativement à la formation crétacée, il y a lieu de faire une dis- ' tinction entre le versant nord et le versant qui regarde le sud (voyez la coupe n° 2). Du premier côté, qu’il faut regarder comme le côté normal, le terrain jurassique est recouvert par de grandes écailles de calcaires très analogues à ceux qui renferment les fossiles crétacés j à Saint-Sauveur, où l’on voit, avec de nombreux polypiers empâtés j dans la roclie, des tests peu déterminables de divers mollusques, et ( enfin une Orbitoline que nous considérons comme se rapportant à la petite variété de l’espèce du Mans ( Orbitolina conccivci ). Quant aux calcaires turoniens que nous avons vus occuper la place la plus extérieure de Saint-Sauveur, du côté du sud, ils I existent également de ce côté septentrional du pech de Foix, où I nous avons trouvé, avec des tests d’Hippurites bien reconnaissables, | Terebrutulci ou Rliynchonclld diffonnis , d’Orb., et la petite Orbi- ! toline citée ci-dessus, qui y est très fréquente. Il serait difficile de séparer les calcaires cénomaniens de ceux qu’il convient de rappor¬ ter à la craie turonienne; aussi les avons-nous compris ensemble dans nos figures sous un signe indicatif commun (ci), qui signifie craie injérieurè. Nous ajouterons que, en dehors de nos coupes, entre les villages de Lherm et de Pradières, il existe des gisements fossilifères très-intéressants qui peut-être appartiennent en partie à celte période crétacée (1). Telle est la manière dont les choses se passent sur le versant | - - - - - - (1) Le vallon de Pradières se trouve séparé de celui de l’Herm par une petite crête calcaire, qui doit appartenir à la craie proprement dite. C’est vers le haut de cette crête, du côté du nord, que se trouve | l’ouverture d’une grotte remarquable, qui vient d’être de la part de j M. l’abbé Pouech l’objet d’une étude très-sage et très-soignée ( Bulletin de la Soc. géoL. 2e série, t. XIX, p. 564), au point de vue des phé- I nomènes quaternaires; mais la circonstance la plus intéressante qu’elle | présente relativement à notre esquisse consiste dans la présence de fossiles marins qui s’y montrent en fortes saillies, parce qu'ils ont été préservés, à cause de leur nature siliceuse, de l’action corrosive des eaux acidulés auxquelles il est naturel d’attribuer l'agrandissement et les formes arrondies de cette vaste cavité. Ces fossiles constituent une faune toute particulière, riche en polypiers, et qui n’indique pas bien précisément une assise géologique connue. Parmi les espèces que nous avons vues, chez M. Alzieu, à qui on doit la découverte du fait curieux 272 SÉANCE DU 2 MARS 1863. nord du pecli de Foix. Si nous jetons maintenant un coup d’œil du côté du sud, nous y trouverons des rocs escarpés où il serait inutile de chercher les couches crétacées dont il vient d’être ques¬ tion. Il semble qu’ici la crête calcaire ait été brisée et abîmée. Les fractures montrent bien les calcaires, les dolomies et même l’as¬ sise ferrugineuse du système jurassique ; mais les calcaires à fossiles crétacés n’y paraissent pas. Existent-ils sous le manteau de dilu¬ vium que nous avons vu plus haut occuper la dépression comprise entre la crête, l’Ariége et Montgaillard, ou sous le talus d’éboulis et de détritus qui cache le pied de la crête? Le système basique argileux de Saint-Paul et de Montgaillard vient-il jusque-là pour passer sous les calcaires du pech ? C’est ce que nous ne pourrons savoir que par de nouvelles observations. 2e sous-section. De Foix à Saint- Jean-cle-Ferges. Nous venons de voir que la penne calcaire interrompue par le défilé de Foix offrait, au moins dans le pech de Saint-Sauveur, une disposition anticlinale très-manifeste. L’inclinaison des cou¬ ches crétacées sur le versant nord les fait passer sous les assises plus récentes qui constituent la région inférieure de la vallée de fracture, et dès lors il n’y a plus de ce côté qu’une pente constam¬ ment septentrionale, en vertu de laquelle les assises se montrent régulièrement superposées dans l’ordre de leur ancienneté relative. Les coupes figuratives (n° 1 et 2) qui traversent tout ce système du sud au nord de part et d’autre de la vallée montrent bien ces assises avec leur disposition relative elle relief qui leur correspond. On y voit clairement que ce relief consiste en deux crêtes qui traversent la vallée parallèlement à la penne de Foix et par conséquent dans la direction des Pyrénées, séparées l’une de l’autre et du pech de Saint-Sauveur par des dépressions ou combes qui sont constituées par des matières peu résistantes ou friables. Si nous suivons la première coupe en partant du versant septen¬ trional de Saint-Sauveur, qui descend vers le village de Vernajoul, nous trouverons les couches crétacées (ci) à fossiles siliceux déjà re¬ connues sur le versant sud. Les polypieis y sont abondants et j’y ai dont il s’agit, lesplus remarquables m’ont paru être une grande Nérinée, voisine de N. Gosœ, Rœmer, que M. Pouech signale aussi dans son mémoire et qui vient d’être retrouvée au pech de Saint-Sauveur par M. Paul Seignette, avec Ostrea fions, Lamk., Terebratula Lamarc - kiana , d’Orb., et une Sphérulite qui m’a paru très-analogue au S, polycon ilites. MÉMOIRE DE M. LEYMERÎE . 278 vu en plusieurs places une petite Exogyre voisine de Ëxogyra columbci. Nous ajouterons ici, comme renseignement particulier, que ces couches reposent sur un calcaire de couleur claire et d’une compacité telle qu’on a cherché à plusieurs reprises et qu’on cher¬ che encore à l’exploiter comme pierre lithographique. Sa pâte est, en effet, d’une finesse extrême ; mais il nous paraît difficile que l’on parvienne jamais, à cause des nombreuses fissures qui le traversent, à en tirer des dalles suffisamment étendues. Nous avons dit qu’une dépression succédait au pech de Saint- Sauveur. En effet, le village de Vernajoul se trouve situé dans une petite plaine, basse relativement au pech, mais élevée au-dessus de l’Ariége. Le terrain de transport; grossier qui forme le sol de cette plaine y cache les couches fondamentales; mais, vers ro. N. -O. , ce fond, qui d’abord était horizontal, se relève peu à peu pour constituer une sorte de col où l’on peut voir sortir de dessous le diluvium une argile grise exploitée pour la tuilerie de Sarda, qui semble appartenir encore par sa position à la craie turonienne. Cette combe est terminée et dominée du côté du nord par une crête boisée de forme arrondie, qui s’élève à peine à 120 mètres au-dessus de la vallée, vis-à-vis la tuilerie de la Barre et qui est composée d’une hoche qui ne rappelle en rien les assises rencon¬ trées précédemment. C’est un grès quartzeux jaunâtre ou grisâtre, quelquefois d’un blanc un peu sale, ordinairement peu solide et même friable, où l’on ne rencontre jamais d’autres débris orga¬ niques que des traces ligneuses qui ont plusieurs fois déterminé des recherches de lignite. Ces grès, dont la puissance est de 500 à 600 mètres au moins et que nous représentons dans nos coupes par les initiales (cg), for¬ ment des bancs régulièrement superposés et médiocrement inclinés dans le sens normal. Ils se prolongent à l’est, au delà de l’Ariége, et se présentent un peu au-dessus du hameau de la Barre en escarpements avancés. Notre coupe n° 2 les montre au sud du village d’Aribaux. Il serait assez difficile de dire ce que représentent ces grès par des observations faites seulement dans la vallée de l’Ariége ; mais, si l’on se reporte à la partie occidentale du département qui porte ce nom, vers les confins de la Haute- Garonne, on trouvera dans leur prolongement des grès et des sables où l’on a également re¬ cherché des gîtes de combustibles, et qui, par l’entremise d’un ciment calcaire, passent au calcaire Nankin à Orbitolites planes des montagnes d’Ausseing. Le grès de la Barre serait donc ici un faciès de la craie proprement dite. C’est du moins l’opinion à la- •S hc. géol.y 2* série , tome XX. 18 27/i 8ÉANCE DD 2 MARS 186S, quelle nous nous sommes arrêté. Nous devons dire toutefois que nous n’allons pas jusqu’à comprendre dans ce rapprochement la craie tout à fait supérieure qui semble disparaître un peu à l’est du massif d’Ausseing pour s’éteindre définitivement dans cette direction (1). En continuant à marcher au nord, toujours en suivant la coupe on descend de la croupe formée par les grès précédents dans une nouvelle combe bien plus étroite que celle de Vernajoul et qui doit certainement sa forme creuse à la présence d’une assise friable ou peu consistante. Il est difficile de reconnaître, dans la vallée même, en quoi consiste ce nouvel élément de notre coupe qui est évidemment plus récent que le grès de la barre. Cependant, si l’on se transporte du côté droit de l’Àriége, où cette combe se prolonge tout naturellement, on voit les couches supérieures du terrain qui la constitue passer, à une certaine hauteur, sous les calcaires de la crête suivante. Ce sont des argiles bigarrées où domine la couleui rouge, associées à quelques bancs de calcaire compacte sans fos¬ siles, qui me paraissent être ici un faible représentant du système garumnien qui est si bien caractérisé dans la Haute-Garonne, où il se trouve d’ailleurs exactement dans la même position et dans la même direction; on peut le voir dans nos coupes, où il est indiqué par le signe (gwr), passer sous les calcaires à Milliolites. Lorsqu’on a franchi cette sorte de fossé, on voit enfin se dresser devant soi une dernière crête très saillante, très régulière et ter¬ minée par une arête aiguë rectiligne, qui atteint dans sa partie orientale, entre Saint-Jean et Arabaux, une hauteur de 300 mètres, relativement à la vallée. Cette crête semble barrer et défendre la vallée de fracture au point même où elle va finir, en entrant dans la plaine à Saint-Jean-de-Verges, par un défilé analogue à celui de Foix et qui est évidemment comme celui-ci le résultat d’une coupure. Cette crête est formée par de nombreuses couches d’un calcaire que l’on pourrait prendre, au premier coup d’oeil, pour le calcaire lithographique garumnien, d’autant plus que ce der¬ nier offre dans la Haute-Garonne, et notamment dans les mon¬ tagnes d’Ausseing, des crêtes très-prononcées; mais, si l’on vient à examiner avec attention la roche de Sain t-Jean-de- Verges, on voit qu’elle est souvent parsemée de points blancs arrondis, qui ne sont autre chose que des Milliolites. Cette roche, en effet, est bien (1) Nous ne connaissons en effet à l’est de cette limite, ni dans les Pyrénées-Orientales, aucune localité qui offre les fossiles de Maës- tricht, si caractérisés dans la Haute-Garonne* MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 275 le calcaire à Milliolites, qui prend ici une consistance, un dévelop¬ pement et un relief qui, dans le massif d’Ausseing, appartiennent presque exclusivement au calcaire qui constitue la partie moyenne du système garumnien. Nous avons donc ici la première assise de l’éocène pyrénéen, et l’on peut en avoir une nouvelle preuve en franchissant la crête derrière laquelle on trouvera les bancs supérieurs de nos coupes entièrement pétris ou couverts d’Huîtres appartenant à l’espèce si caractéristique que nous avons depuis longtemps signalée sous le nom d ' Ostrca uncijera . Le calcaire qui constitue cette assise auquel nous avons affecté sur nos coupes l’indication En, et dont la puis¬ sance est d’environ 500 mètres, etc., est toujours plus ou moins compacte et offre, outre les Milliolites, des indices de coquilles marines. Sa couleur habituelle est le gris clair avec des places bleues, rosées ou légèrement violacées. Les nombreux bancs qu’il forme sont superposés, avec une grande régularité, dans la direc¬ tion pyrénéenne sous une forte inclinaison dans le sens normal, c’est-à-dire à l’extérieur. Ils sont exploités dans plusieurs carrières comme pierre de construction et pour la fabrication de la chaux. section intermédiaire. — Entre Saint- Jean et Varilhes. En passant derrière ce mur de calcaire à Milliolites par le défilé de Saint-Jean, on voit la vallée s’élargir en forme de plaine et les crêtes hardies disparaître. A droite et à gauche, il existe bien en¬ core des protubérances; mais leurs formes n’ont plus rien de la rigidité et de l’âpreté des précédentes; elles sont au contraire mol¬ lement arrondies, en conservant toutefois des altitudes assez con¬ sidérables. On n’est cependant pas encore en pleine vallée d’éro¬ sion: celle-ci ne commence réellement qu’à Varilhes, mais bien dans une partie intermédiaire dont les caractères participent à la fois de la fracture et de l’érosion. On peut acquérir la preuve, en effet, que les actions violentes provenant de l’intérieur de la terre ont produit leur effet dans cet intervalle de transition, en jetant un simple coup d’œil sur les montagnes dont nous venons d’indiquer les formes et dans les¬ quelles l’inclinaison des couches, encore très-prononcée, suffit pour avertir qu’elles appartiennent encore aux Pyrénées. D’un autre côté, la forme de plaine et le caractère diluvien de l’espace compris entre ces montagnes s’expliquent par la nature peu con¬ sistante des roches dont elles sont composées. Pour étudier ces roches qui dépendent, comme le calcaire à SÉANCE DU 2 MARS 1863. 2 76 Milliolites, de l’éocène pyrénéen, il convient de se porter vers les affleurements ou escarpements qui se montrent à la base des montagnes occidentales et dont notre coupe n° 1 représente la structure et la disposition. On peut facilement y arriver par la route de Saint-Girons, derrière la crête à Milliolites. A 2 kilo¬ mètres environ de Saint- Jean, au lieu dit la tuilerie , l’assise supé¬ rieure aux Milliolites (En) se montre, à gauche de la route, au pied de la crête, sous la forme d’un bourrelet légèrement saillant. Elle se compose de couches argileuses ou argilo-sableuses d’un gris jaunâtre ou tirant sur le verdâtre, comprenant des parties mar¬ neuses ou arénacées plus ou moins solides, qui forment au milieu de la roche argileuse des cordons et même des bancs. Tout ce petit système est d’ailleurs régulièrement dirigé et incliné, et re¬ pose d’une manière concordante sur le banc à Ostrea uncifera (H) qui constitue la partie la plus récente et par conséquent la plus extérieure de la crête à Milliolites. L’assise dont il s’agit occupe la place de celle qui, dans la Haute- Garonne, est comprise entre les marnes à Ostrea uncifera et le poudingue de Palassou, et qui comprend les couches à Mêlâmes et celles à Nummulites. La partie moyenne de cette assise offre de nombreux débris organiques qui indiquent le niveau des Num¬ mulites. Cependant, je n’y ai pas reconnu certainement ce fora- minifère dans les échantillons que j’ai rapportés; peut-être les couches qui le renferment existent-elles au niveau supérieur qui, malheureusement, est caché par des détritus. En revanche, les Operculines abondent dans le gîte qui nous occupe, et certains lits sont remplis de bryozoaires branchus ; les tarets sont aussi très communs en plusieurs places. Voici, au reste, l’indication des principaux fossiles que j’ai pu y recueillir : Spondylus coccnus , Leym. Teredo. Serpula. Operculina ammonea , Leym. — granulosa , Leym. Bryozoaires . Sur cette assise friable à faciès déprimé repose une puissante formation de grès, de marne avec calcaires marneux, et enfin le poudingue de Palassou qui constitue de hautes protubérances dont les couches à éléments plus fins que nous venons de citer occupent la base. Ce terrain qui forme ici, comme partout dans les Pyré¬ nées, la partie supérieure de l’éocène, est régulièrement stratifié Turritclla imbricataria , Lam. Cerithium (grande espèce). Tercbratula montolearensis , Leym. (à pli très-prononcé). Ostrea multicostata , Desh. Chaîna (très-commune à ce niveau). MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 277 avec une inclinaison médiocre ou même assez faible du côté du nord. On peut facilement l’étudier et couper toutes les assises qui le composent en longeant la base, souvent écorchée ou escarpée, des montagnes dont nous venons de parler, dans la direction S. -N. Il n’y a qu’à suivre pour cela un petit chemin qui conduit de la tuilerie au village de Crampagna, à la lisière de la vallée. L’observateur qui marchera conformément à ces indications rencontrera d’abord une assise de mollasse grise (Eg), passant, en certaines places, à un poudingue contenantdes cailloux quartzeux de diverses couleurs et d’un petit volume, roche qui rappelle sim gulièrement, par sa texture et par sa couleur d’un gris légèrement verdâtre, la pierre de Carcassonne si employée à Toulouse. Cette mollasse alterne d’ailleurs avec des lits marneux ou sableux. Plus loin, apparaissent des calcaires blancs ou teintés de rose, en partie concrétionnés, qui ressemblent beaucoup à certains bancs du cal¬ caire des environs de Castelnaudary. L’aspect de ces roches et les analogies que nous venons de signaler semblent indiquer une ori¬ gine lacustre (1). Cette assise renferme déjà, vers le haut, des bancs calcaires ou marneux contenant des cailloux calcaires. Au-dessus, ces cailloux deviennent plus abondants et finissent par dominer et même par régner presque exclusivement. C’est alors le conglomérat ou pou¬ dingue de Palassou (Ep), dont la masse puissante constitue toute la montagne arrondie qui domine Crampagna. Notre coupe montre cette montagne en projection et offre, au premier plan, une butte détachée, de forme allongée, qui se trouve coupée au bord de l’Ariége comme pour montrer les couches qui la com¬ posent. Lorsque l’on se transporte de l’autre côté de cette rivière, en face de cet appendice de la grande montagne, on voit nette¬ ment ces couches passer avec une inclinaison très-sensible sous la colline miocène que l’on appelle dans le pays pech de V cirilhes , et dont la stratification est horizontale. C’est là véritablement que se trouve, pour ainsi dire, la racine des Pyrénées, puisque les der¬ nières couches relevées par le soulèvementde cette chaîne viennent s’y enfoncer sous le soi parfaitement tranquille et horizontal de la plaine. (1 ) C’est probablement à ce niveau que M. l’abbé Pouech a fait l’in¬ téressante découverte de coquilles lacustres et terrestres dans les en¬ virons de Sabarat, à quelques lieues seulement à l’ouest du gîte que nous étudions. 278 SÉANCE DU 2 mars 1863. Ce contraste entre les stratifications de deux dépôts, dont l’un est antérieur et l’autre postérieur à la grande catastrophe quia donné à notre chaîne son relief actuel, est d’ailleurs en harmonie avec une différence non moins fondamentale dans la nature des matériaux qui les constituent. En effet, les cailloux dont le pou¬ dingue de Palassou est composé sont presque tous formés par des calcaires secondaires ou même tertiaires (à Milliolites); ils ont gé¬ néralement un faible volume et une couleur grise plus ou moins foncée, assez uniforme, tandis que le pech de Varilhes (M) offre, avec quelques strates marneux ou marno-sableux, un agglomérat d’éléments arrondis, très-variés aussi bien par le volume que par l’espèce. Il en est qui sont très-gros. Les plus abondants appar¬ tiennent aux roches granitiques de la haute Ariége; les autres sont des eurites, des quartz, des ophites, des lherzolites. Quant aux galets calcaires, ils sont presque complètement exclus de cette for¬ mation miocène. PHÉNOMÈNES DILUVIENS DANS LA VALLEE DE FRACTURE. Nous avons considéré la vallée de l’ Ariége, en tant qu’elle ne sort pas des montagnes, comme étant principalement le résultat d’une fracture. Le lecteur qui aura pris connaissance des faits qui viennent d’être exposés, et, plus encore, l’observateur qui aura pu les vérifier sur les lieux, n’hésiteront pas à adopter cette manière de voir. Nous ne prétendons pas cependant exclure toute partici¬ pation des eaux diluviennes. Nous pensons, au contraire, qu’elles ont été nécessaires pour déblayer cette fracture qui devait être dans l’origine encombrée de fragments et de blocs, et qu’elles ont agi efficacement pour l’élargir aux points où se trouvent actuelle¬ ment les bassins et dans les parties où les roches encaissantes avaient une assez faible consistance pour se prêter à l’érosion. Enfin, le diluvium a trouvé la vallée tout ouverte et son rôle a été de lui donner une dernière façon. L’article que nous ajoutons ici est spécialement destiné à com¬ pléter notre description de la vallée de fracture par l’indication rapide des phénomènes diluviens qui s’y rattachent. Si nous jetons d’abord un coup d’œil d’ensemble sur la vallée à ce point de vue, nous reconnaîtrons que la partie haute dépourvue de bassins n’offre que des faits dépendant de cette sorte de phé¬ nomènes de transport qu’on désigne par le nom d 'erratique. Ce sont des blocs dispersés sur les pentes ou accumulés en certaines MÉMOIRE DE Ms LÉYMERÏE. 279 places, surtout dans le lit du torrent et quelquefois sur des plans élevés, comme, par exemple, aux environs du coi de Puy-Morens, à l’origine même de la vallée (1). Ce n’est guère qu’aux Cabannes que le diluvium proprement dit commence à se manifester. A partir de ce point, la vallée, tout en conservant son caractère de gorge produite par fracture, offre, de distance en distance, des élargissements ou bassins peu considé¬ rables d’ailleurs, qui correspondent, ainsi qu’on le remarque en général danstoutes les vallées, aux endroits où viennent déboucher un ou plusieurs vallons latéraux. Ces bassins se terminent, tant en amont qu’en aval, par des parties très-étroites qui ne sont souvent que l’entrée d’une fente ou d’un défilé. Les bassins de la vallée de l’Ariége sont accompagnés et comme annoncés par une circonstance toute particulière, qui a été signalée tout spécialement par M. l’ingénieur Dupont, dans un petit tra¬ vail intitulé : Notice sur divers phénomènes diluviens dans le dé¬ partement de r Ariége ( Annales des mines , 4e sér., t. V, p. 481.) Je veux parler de la présence, près du point où vient confluer un torrent latéral, d’un roc abrupt, qui semble se détacher et se séparer même des massifs qui forment l’enceinte du bassin. Il est remarquable, en effet, que chaque bassin de la vallée que nous étudions présente un accident de cette nature, savoir : le roc de Saint-Pierre à l’entrée du bassin des Cabannes, celui de Tarascon pour l’évasement qui se montre en aval de cette ville, et enfin les rocs de Montgaillard et de Foix pour le bassin allongé qui s’étend entre ces deux localités. Ces rocs adhèrent par la base à un escarpement voisin de même nature, et je serais porté à expliquer leur séparation par une frac¬ ture, sans toutefois nier absolument la participation des eaux que M. Dupont regarde comme la principale ou Tunique cause du phénomène. Ces généralités vont trouver leur confirmation et leur applica¬ tion dans le parcours rapide que nous allons faire de la vallée dans le but d’y reconnaître, en passant, les principaux faits diluviens qu’elle présente. (1) Quant à la cause qui a produit le transport et l’accumulation ou la dispersion de ces blocs, une étude plus attentive et plus suivie serait nécessaire pour la déterminer précisément. Je me contenterai de dire ici que je n’ai eu l'occasion d’observer dans la vallée de TAriége aucun fait qui indique d’une manière marquée l'action des glaciers. 280 SÉANCE DU 2 MARS 1868. Nous partirons des Cabannes dont le petit bassin, situé vers le point où le val d’Aston vient déboucher dans la vallée, montre pour la première fois un fond plat et horizontal qui peut être considéré comme une plaine. La forme de cette plaine est ovoïde et sa longueur de l’E. à 1*0. atteint 2500 mètres. Son sol est formé par un dépôt composé de blocs arrondis, de cailloux et de sable grossier dont la nature rap¬ pelle celle des roches les plus consistantes de la vallée supérieure et surtout des roches granitiques. Un défilé précède le bassin des Cabannes, et son roc indicateur est le roc de Saint-Pierre. Un autre défilé ou plutôt un couloir compris entre deux murs calcaires le suit. C’est le défilé d’Ussat dont l’entrée est marquée, comme nous l’avons déjà dit, par un amas de blocs de cailloux et de gravier mêlé de sable, qui s’élève beaucoup au-dessus du niveau de la pe¬ tite plaine dont il vient d'être question. Ce dépôt est principale¬ ment appliqué contre le côté droit, où il couvre le calcaire juras¬ sique jusqu’à Ornolac à 115 mètres environ de hauteur. On en a profité pour le tracé du chemin par lequel on monte à ce village en partant des bains d’Ussat. ïi est évident que cet amas n’a pu être porté dans cette position que par des eaux torrentielles d’un volume extraordinaire, qui ne trouvant pas dans le défilé d’Ussat, encore encombré sans doute, une issue assez facile, se seraient accumulées en amont en s’éle¬ vant jusque sur les massifs rocheux qui forment ce couloir. Ce moyen d’explication est d’autant plus admissible, qu’il peut servir à rendre compte en même temps de la présence des sables et des cailloux qui gisent dans la grotte de Lombrive et des cannelures plus ou moins horizontales qui sillonnent ses parois. Une accumulation du même genre et qui, sans doute, a été produite à la même époque et dans des circonstances assez analo¬ gues existe dans le bas de la vallée de Vicdessos, principalement du côté droit. C’est celle que nous avons signalée au-dessous de la grotte de Niaux et qui forme un talus élevé et rapide que l’on est obligé de gravir péniblement pour arriver à l’entrée de cette vaste cavité. On se rappelle que cette grotte renferme des amas de sable et offre sur ses parois des sillons qui indiquent assez clairement l’action d’une eau érosive en mouvement. Le bassin de Tarascon est plus allongé, mais bien plus étroit et moins caractérisé que celui des Cabannes, dont il est séparé par le couloir d’Ussat. il semble avoir été principalement déterminé par l’entrée du vallon de Vicdessos, et c’est à peu près en face du point MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 281 où se fait cette entrée, du côté opposé de i’Ariége, que se trouve le rocher avancé qui supporte l’horloge de Tarascon. Malgré cette circonstance, il nous serait difficile d’admettre que l’influence du torrent qui descendait de Vicdessos ait été pour beaucoup dans la séparation de ce rocher, parce que cette séparation ne se fait qu’à une certaine hauteur et qu’elle est par conséquent très-impar¬ faite. Il n’y a pas de plaine continue dans le fond de l’évasement qui succède à ce rocher en aval, et ce fond ne mériterait pas réellement le nom de bassin. Le terrain diluvien n’y est représenté que par des amas de blocs granitiques gisant à diverses hauteurs du côté occidental et notamment au débouché du vallon de Gourbit. Jusqu’ici le phénomène qui nous occupe ne s’était pas accusé d’une manière très-continue, mais cet état de choses va changer au delà du bassin de Tarascon. En effet, depuis le point où nous sommes parvenus jusqu’à Foix, l’Ariége ne cesse pas d’être accom¬ pagné d’un appareil diluvien plus ou moins développé. Entre le village de Bonpas où se termine le bassin et la forge de Saint-Antoine, un dépôt assez épais de blocs et de cailloux com¬ mence à former, tantôt à droite, tantôt à gauche de l’Ariége, une bordure étroite. Le torrent, dans cet intervalle, coule dans un lit profondément encaissé. A la pointe avancée qui marque l’entrée du vallon de Saint-Paul, à peu près au-dessus de la forge de Saint-Antoine, la zone qui bordait la vallée du côté droit se trouve comme étranglée ; mais immédiatement après on la voit tout à coup s’épanouir pour former une petite plaine, et l’on découvre en même temps la cause de cet accroissement extraordinaire dans le vallon de Belmont ou de Saint-Paul qui vient déboucher en cet endroit et apporter à la vallée principale un contingent d’alluvions assez considérable. La route de Foix traverse cette plaine dans sa plus grande lar¬ geur, c’est-à-dire à sa base. De l’autre côté, les montagnes qui bordaient à droite le vallon de Saint-Paul, en s’avançant vers l’Ariége, ne laissent plus au diluvium qu’une zone étroite assez élevée pour qu’on soit autorisé à lui donner le nom de terrasse. Enfin, à Montgaillard, le roc pittoresque qui porte le nom de ce village et qui joue un si grand rôle dans l’aspect du pays, vient resserrer cette bordure au point de l’interrompre. Mais cette interruption n’a lieu qu’en ce point ; car, immédiatement après l’avoir dépassé, on voit s’ouvrir à droite un large espace où le dépôt diluvien de la haute Ariége offre son plus beau développe¬ ment. En effet, cet épanouissement du diluvium s’étend jusqu’à la 282 SÉANCE DU 2 MARS 1863. base des escarpements de la penne , dont le pech de Foix est la partie principale et forme là une plaine haute toute couverte de vignes. Le voyageur qui suit la route impériale en se dirigeant vers Foix laisse à sa droite cette large terrasse. Lui-même chemine sur un gradin un peu inférieur, enfin à sa gauche règne un troi¬ sième niveau encore plus bas. C’est celui de la vallée proprement dite dans laquelle semble avoir été creusé le profond fossé qui sert de lit au torrent. Ces terrasses sont très-nettes et très-régulières dans l’intervalle qui sépare Montgaillard de Foix et s’explique¬ raient tout naturellement par la théorie des érosions successives, dont nous avons eu ailleurs l’occasion d’exposer les bases (1). Le dépôt qui constitue ces terrasses paraît avoir beaucoup d’é¬ paisseur. Les principaux éléments qui le composent sont des blocs plus ou moins arrondis d’un volume quelquefois considérable et d’une nature granitique. On trouve aussi parmi eux du quartz commun et de i’ophite. La terrasse supérieure est principalement utilisée, avons-nous dit, pour la culture de la vigne. Les vignerons, pour se débarrasser des blocs qui les gênent beaucoup lorsqu’ils préparent la terre pour les plantations, disposent les blocs en certains points sous la forme de tas circulaires autour desquels ils groupent des ceps ou de petits arbres. La ville de Foix occupe principalement un espace resserré au niveau inférieur de la vallée sur la rive gauche. 11 faut donc des¬ cendre beaucoup pour y arriver. Aussi la route, au voisinage de cette ville, offre-t-elle une pente très-forte, et les coupures qu’on s’est trouvé dans la nécessité de faire pour son établissement offrent à droite un moyen de reconnaître la composition du diluvium qui constitue la haute terrasse. Elles montrent un puissant agglomérat de blocs et de cailloux mêlés de gravier et de sable grossier, avec des indices assez marqués d’une stratification horizontale. Vers le bas de cette descente le terrain diluvien n’existe plus, et les maisons du faubourg qui occupe le côté droit de l’Ariége sont immédiatement adossées à l’escarpement calcaire du pech de Foix. Il n’en est plus ainsi sur la rive gauche où se trouve la ville proprement dite. Là au pied du pech de Saint-Sauveur, entre l’Ariége et la petite rivière de Larget, le diluvium a trouvé une (1 ) Du phénomène diluvien dans la vallée de la Garonne [Bulletin de la Société géoL de France, 2e sér., t. XII, p. 4 299). — Esrjuisse géol. des Pyrénées de la Haute- Garonne, p. 79. — Éléments de mi¬ néralogie et de géologie , p. 587. MÉMOIRE DE M. LEVMERIE. 283 petite place pour se déposer tout autour du roc abrupt et escarpé à la cime duquel est situé le château. Le sol de la ville de Foix est, en effet, formé par un terrain de transport analogue à celui que nous avons ci-dessus indiqué. Ce dépôt même couvre les protu¬ bérances granitiques peu élevées qui séparent la vallée principale de celle de la Barguillère. Toutefois il ne faudrait pas le chercher bien loin de ce côté, et il n’est représenté même que par une étroite zone sur la rive gauche de l’Ariége en amont de Foix où la vallée est constamment bordée par le massif granitique de Montoulieu. Il ne saurait être question d’un dépôt diluvien digne d’intérêt dans le défilé que laissent entre eux les escarpements du pech de Foix et de celui de Saint- Sauveur ; mais à peine a-t-on mis le pied du côté nord au delà de cette coupure, que des amas consi¬ dérables de blocs et de cailloux se montrent de part et d’autre sur une grande épaisseur. En effet, si l’on quitte le faubourg de Foix pour passer derrière le pech du même nom par le chemin de Pradières, on marche bientôt sur une terrasse diluvienne assez élevée au-dessus du niveau de la route de Toulouse. Le chemin que l’on suit se trouve dans une certaine partie de sa longueur sur cette terrasse vers la ligne qui la sépare de la base du pech. Du côté gauche de l’Ariége, un dépôt du même genre correspond au premier; mais ici il s’étale d’une manière plus régulière et forme au pied du pech de Saint-Sauveur une plaine dans laquelle se trouve le village de Vernajoul (coupe n° 1). Cette plaine se ter¬ mine à une assez grande distance à l’O. N. -O., où le sol s’élève de manière à former un col; du côté de la rivière, elle cesse brusque¬ ment par une coupure à pic qui montre sur une grande hauteur un amas de blocs et de cailloux (D) laissant percer, comme nous l’avons dit ailleurs, quelques rochers en place dépendant du pech de Saint-Sauveur. Les abords immédiats de l’Ariége, à un niveau bien inférieur, offrent eux-mêmes des amoncellements de blocs, au milieu desquels le chemin de fer et le torrent ont con¬ quis le faible espace qu’ils occupent dans la largeur de la vallée. La présence de la protubérance allongée formée par le grès de Labarre met fin à ce dépôt, mais il se reproduit pour ainsi dire, bien que d’une manière plus faible, dans la combe qui sépare ces grès de la crête extrême et si saillante que constitue le calcaire à Milliolites. Là se termine le phénomène diluvien de la vallée de fracture proprement dite. Derrière la crête de Saint-Jean-de-Verges s’ouvre l’espace intermédiaire que nous avons dit plus haut former tran¬ sition entre le faciès de la montagne et celui de la plaine. A peine SÉANCE DU 2 MARS 1863. 284 a-t-on franchi cette barrière, que l’on voit le terrain diluvien s’étaler en plaine basse continue, avec une rivière assez large ayant un cours régulier, entre des coteaux peu rocheux, et prendre en un mot la forme qui caractérise les vallées d’érosion. VALLÉE d’éROSION. APERÇU TOPOGRAPHIQUE. En entrant dans la plaine, la vallée de fracture se continue, avons- nous dit, sans changement de direction par la vallée d’éro¬ sion. Une sorte de transition, due à la faible consistance des der¬ nières roches pyrénéennes, occupe l’intervalle qui sépare Saint- Jean-de- Verges de Yarilhes; mais au nord de ce bourg les effets de l’érosion régnent seuls et se dessinent largement. La vallée con¬ serve néanmoins sa direction méridienne jusqu’à Saint-Jean-de- Creu, un peu en amont de Saverdun ; après quoi elle forme un coude pour prendre une nouvelle direction N. -O. qu’elle ne quitte plus ensuite jusqu’à son entrée dans la vallée de la Garonne. On peut donc distinguer dans la vallée de la plaine deux parties dont voici les longueurs : Partie méridienne entre Saint-Jean-de-Verges et Saverdun . 28 kilom. Partie dirigée au N. -O, entre Saverdun et Portet. . 37 — ■ Total . 63 kilom. Nous joignons à ces chiffres quelques altitudes et les valeurs qu’il est facile d’en déduire pour la pente moyenne des espaces correspondants. Lieux. Altitudes. Varilhes (place) . 330m Pamiers (cathédrale) . 286 Saverdun . . 230 Venerque (route) . 138 Portet . 139 Pente par mètre. 0m,0053 0n\0035 0m,003 0m,001 5 La largeur de cette vallée est partout assez grande. C’est vers le coude qui détermine son changement de direction qu’elle atteint son maximum qui est d’environ 10 kilomètres. Dans la première partie, à Pamiers, elle est de 7 kilomètres. Plus bas, elle diminue, car au parallèle de Cintegabelle sa valeur ne s’élève qu’à 5 kilomètres. Au-dessous de ce point même, la vallée MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 285 I 1 se rétrécit encore ; mais, à la hauteur de Venerque, elle reçoit la vallée de Lèze qui détermine vers la gauche un épanouissement considérable. Cette seconde section diffère encore de la première en ce que son fond n’y offre qu’une plaine à un seul niveau, tandis que la section supérieure ou méridienne présente deux niveaux généraux dont le plus élevé appartient à une terrasse qui domine de quelques mètres la vallée proprement dite, réduite alors à une faible lar¬ geur, et qui s’étend au loin du côté droit ou oriental, et un niveau supérieur plus particulier qui n’est marqué que par des témoins entre la vallée du Lliers et celle de l’Ariége (coupe n° 3). Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte pour apercevoir la cause de ces différences qui existent entre les deux sections. 11 est évident qu’elle n’est autre que la présence du grand Lliers qui coule au bord oriental de la vallée dans la premièie section, tandis que l’Ariége jouit seule du privilège d’arroser la seconde. Le coude où la vallée atteint sa largeur maximum correspond à l’entrée de la petite rivière de Viziége, et la direction N.-O. de la section infé¬ rieure se conforme à celle du Lliers, augmentée par les eaux de cette petite rivière. Il semblerait donc que le Lliers a joué un rôle très-important dans la vallée de l’Ariége à l’époque diluvienne. En entrant dans la plaine, l’Ariége qui, en amont de Saint- Jean-de-Verges, n’était qu’un torrent roulant ses eaux dans un lit étroit, inégal ou encombré de blocs, prend des caractères plus ré¬ guliers et plus tranquilles. Son lit s’élargit, s’égalise, la vitesse de ses eaux diminue, ses berges s’abaissent, enfin elle passe à l’état de rivière proprement dite. Entre Saint-Jean-de-Verges et Saverdun elle coule constamment à gauche, au pied des coteaux tertiaires, et laisse à droite la plaine et sa grande terrasse; mais à Saverdun, elle laisse brusquement cette position pour aller s’établir à la base des coteaux opposés après avoir traversé obliquement toute la plaine. C’est un peu en amont de Cintegabelle, au point même où elle se réunit au Lliers, quelle commence à adopter la nouvelle allure qui était celle de cette dernière rivière. A partir de ce point, elle ne cesse de ronger les coteaux de la rive droite jusqu’à son embou¬ chure dans la Garonne. Cette dernière position de l’Ariége dans la vallée est conforme à la loi proposée par M. Babinet, qui assujettit les cours d’eau, d’une manière générale, à se porter autant que possible vers leur droite, loi qui se trouve confirmée d’une manière remarquable par la Garonne et par la plupart des rivières sous-pyrénéennes. L’allure tout opposée de l’Ariége entre Varilhes et Saverdun 286 SÉANCE DU 2 MARS 1863. semblerait fournir un argument contre la même loi ; mais remar¬ quons que dans cette section supérieure notre vallée a réellement deux rivières, puisque le grand Lhers, dont les premières ramifi¬ cations partent du massif de Tabes, y coule au pied des coteaux où la vallée se termine à droite. La place étant prise par cette ri¬ vière, l'Ariége ne pouvait l’occuper. Il y a lieu d’ailleurs de penser que le Lhers a contribué pour une grande part à la formation du dépôt diluvien de la plaine dans sa partie méridienne, et que c’est lui principalement qui a déterminé la terrasse et qui a refoulé les eaux de la rivière principale du côté gauche. La coupe n° 3 montre cet état des choses, et l’on y voit que la vallée du Lhers, au parallèle de Pamiers, n’est réellement séparée de celle de l’Ariége que par une terrasse supérieure assez étroite dont la composition est essentiellement diluviennne. A ce résumé topographique de la vallée de plaine, nous ajoute¬ rons que les coteaux entre lesquels cette longue plaine se trouve comprise et limitée ont généralement la forme de talus rapides, ravinés plus ou moins profondément, montrant d’ailleurs de nom¬ breuses écorchures et des surfaces mises à nu par des éboulements. Ces coteaux conduisent à des parties du grand plateau tertiaire, qui sont assez élevées entre Varilheset Pamiers (150 mètres à Pa¬ miers), et qui ne tardent pas à prendre plus loin une hauteur modérée et presque uniforme qui atteint rarement 100 mètres. APERÇU GÉOGNOSTIQUE. Avant de nous occuper du dépôt diluvien de la plaine, nous dirons d’abord un mot du terrain qui lui sert de support et de ré¬ ceptacle, et au milieu duquel la vallée a été creusée. Ce terrain, comme on le sait, est un dépôt lacustre formé après le dernier soulèvement pyrénéen et qui s’étend an pied de la chaîne sous la forme d’une vaste plaine ou bas plateau. Ce dépôt sous-pyrénéen, dont la puissance à Toulouse dépasse 300 mètres, est composé de marne, d’argile, de sable, d’un mélange intime d’argile et de sable souvent calcarifère (argerène), avec des lopins de grès mollasse ; le calcaire ne s’y trouve que d’une manière accessoire sous la forme de grumeaux impurs et grossiers disposés au milieu des marnes et des argerènes en cordons peu continus. Toutes ces matières, con¬ sidérées dans leur ensemble, n’offrent qu’une faible consistance, et sont, par suite, très-susceptibles de se laisser attaquer ou enta¬ mer par l’eau en mouvement. Cette formation montre partout une stratification horizontale et MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 287 ne porte nulle part la moindre trace d’un dérangementquelconque qu’elle aurait eu à supporter depuis son dépôt. Elle est donc pos¬ térieure aux Pyrénées et, par conséquent, à l’époque tertiaire éoeène. On sait d’ailleurs qu’elle appartient à la partie moyenne de la grande époque tertiaire (miocène) par les restes de mammi¬ fères fossiles qu’elle recèle et qu’on en extrait assez souvent en fai¬ sant des puits ou des recherches de marne pour l’agriculture. Les caractères géognostiques qui viennent d’être donnés appar¬ tiennent au grand dépôt miocène du bassin sous-pyrénéen consi¬ déré d’une manière générale, et il est facile de les vérifier dans les coteaux écorchés qui encaissent notre vallée de part et d’autre(l) ; cependant, à l’origine même de cette plaine, au point où elle se trouve pour ainsi dire en contact avec la montagne, les matériaux , qui constituent ce terrain sont plus grossiers et offrent un faciès ! diluvien par l’abondance et même par la nature des cailloux roulés i qui en constituent le principal élément. Tel est le caractère qui domine dans le pecli de Varillies que nous avons vu plus haut suc¬ céder immédiatement aux montagnes que constitue le poudingue de Palassou ; mais cette composition et cette structure grossières s’atténuent rapidement en aval de ce point et ne tardent pas à passer au faciès général que nous avons indiqué plus haut. A Pa- miers, déjà les limons argileux qui constituent les coteaux écor- I cliés qui s’élèvent immédiatement au bord de l’Ariége n’offrent plus que des rubans peu continus de cailloux quartzeux grani¬ tiques d’un faible volume, ces derniers toujours en décomposi¬ tion (2). Pat Ions maintenantdu terrain diluvien lui-même. Les éléments (1) A l’égard des fossiles même, ces coteaux pourraient nous apporter un contingent assez remarquable. M. Noulet, dans un mémoire où il | récapitule tous les débris organiques qui ont été signalés jusqu a ce jour dans le terrain dont il s’agit ( Mémoires de V Académie de Toulouse , 5esér., t. Y, p. 125), cite, entre Pamiers et Saverdun, Cainotherium Nouleti, Lartet, Anchitheriurn aurelianense , Gèrvais, Dicrocerus ele- gons, Lart. , Dremotherium, Rhinocéros , Emis, Tryonvx\ Hélix Lctr- teti , Noulet. A Auterive, le même paléontologiste signale Rhinocéros , Dicrocerus elegans , tortues; plus bas dans la vallée, il mentionne encore la plupart des espèces précédentes, notamment à Grépiac et aux environs de Yenerque. (2) On remarquera sur notre coupe n° 3 qu’à Pamiers le poudingue de Palassou gît sous ce dépôt miocène à une légère profondeur. Il affleure même au bord de l’Ariége avec une faible inclinaison, et c’est lui qui constitue essentiellement le petit tertre où se trouve la promenade du Castella. 288 SÉANCE DU 2 MARS 1863. qui le constituent indiquent un dépôt de transport, et sont d’autant plus grossiers que les points qui les présentent sont plus rapprochés des montagnes. Entre Saint-Jean et Varilhes, c’est-à-dire dans l’espace intermé¬ diaire qui semble former transition entre la vallée de montagne et celle de la plaine, les berges de l’Ariége et le lit de cette rivière montrent, avec des cailloux d’un volume considérable, des blocs volumineux généralement très-arrondis. A Pamiers, les blocs sont moindres et moins nombreux ; les cail¬ loux dominent, mais la plupart sont encore céphcilaires. Les ma¬ tières qui en forment la base peuvent toujours être rapportées aux roches que nous avons eu l’occasion d’observer à leur place dans la montagne, à l’exclusion de celles dont la dureté et la ténacité sont plus ou moins faibles, comme le schiste argileux, le calcaire, le gypse. Les roches que ces blocs et cailloux rappellent le plus fréquemment sont les divers granités, le granite-gneiss, la peg- matite, la leptynite, l’eurite, le quartz; l’ophite et la lherzolite se trouvent aussi représentés dans ce dépôt, mais plus faiblement. Au parallèle de Saverdun,le volumedeceséléments dudiluvium a encore diminué, et les blocs sont devenus assez rares. Enfin, à la station de Cintegabelle, des coupures faites dans le sol de la plaine pour des remblais du chemin de fer mettent en évidence une masse de petits cailloux serrés, associés toutefois à des matières terreuses ou sablonneuses, qui appelle, par son aspect, la dénomi¬ nation de gravier. Tel est encore à peu près le caractère du terrain diluvien dans tout le reste de la vallée en aval du point que nous venons de signaler. Partout les écorchures naturelles ou artificielles de la plaine montrent un gravier plus ou moins pur, souvent mêlé et recouvert d’un limon grossier, argileux ou sableux. Le nom mêmed’Ariége ( Aarigerum ) indique la présence de l’or. En effet, ce précieux métal a été rencontré en plusieurs points du terrain diluvien et alluvien, au voisinage des bords de cette ri¬ vière, sous la forme de petites paillettes et même de pépites d’un petit volume. A Pamiers particulièrement, la recherche de ces paillettes procurait, il n’y a pas longtemps encore, quelques béné¬ fices à un certain nombre d’orpailleurs. Cet or que l’on trouve également dans les alluvioos de plusieurs autres rivières pyré¬ néennes, provient certainement des Pyrénées. Palassou ( Essai sur la minéralogie des Pyrénées , p. 266) relate l’opinion d’anciens mi¬ néralogistes sur son origine qu’ils trouvaient dans la décomposition de pyrites aurifères. M. François a fait revivre cette explication qui est sans doute très-rationnelle et que nous adopterions entière* MÉMOIRE DE M. LEYMERTE , 289 ! : i ment si nous n’avions contre elle, dans la collection de notre Fa¬ culté des sciences, de petites pépites dont l’une, encore adhérente à un morceau de quartz, semblerait provenir d’un filon. il n’y a aucun fossile remarquable à signaler dans le terrain même qui constitue le sol de la vallée; mais, si nous étendons notre coup d’œil jusque sur les petits dépôts limoneux ou graveleux qui gisent dans certains ravins ou petits vallons latéraux, verslespoints où ils viennent déboucher dans la plaine, nous aurons à rappeler que dans une de ces entailles des coteaux tertiaires, près du vil¬ lage de Clermont, M. Noulet a fait la curieuse découverte de restesd’animaux perdus, caractéristiques de la période diluvienne : Elephas primigenius , Blumenbach, Rhinocéros tichorhinus , Cu¬ vier, Felis spœleci,Cervus giganteus , associés à des dents de cheval et de bœuf et avec des silex qui semblent avoir été entaillés par la main de l’homme (1). En présence de tous les faits qui viennent d’être exposés il serait difficile d’hésiter sur l’origine et sur le mode de formation de notre vallée de plaine. La forme plane, horizontale et la largeur du fond, la figure et l’état des coteaux qui rencaissent, la nature des ma¬ tériaux qui composent ces coteaux, identique avec celle du plateau tertiaire et du fond de la plaine, la présence au milieu de la vallée , entre les parallèles du "Verne t d’Ariége et de Saint- Jean-de-Créu, de la butte de Montaut qui, par sa hauteur et par sa composition géognostique doit évidemment être regardée comme un témoin attestant l’ancienne continuité du plateau tertiaire sur toute la largeur de la vallée actuelle, la direction de cette vallée dans le prolongement de la vallée de fracture, la forme et la nature pyré¬ néennes des blocs et des cailloux qui en constituent le sol, le vo¬ lume décroissant de ces fragments arrondis à mesure que l’on con¬ sidère des parties de la vallée plus éloignées de la montagne , tout enfin concourt pour indiquer clairement l’action d’eaux volumi¬ neuses et torrentielles tout à fait extraordinaires, autrefois descen¬ dues des Pyrénées. En cherchant à analyser cette action des eaux diluviennes, nous reconnaîtrons d’abord qu’elle a dû avoir des périodes de violence et de calme, auxquelles correspondent d’une part l’érosion et de l’autre le comblement. Cette dernière partie du phénomène exigeait l’emploi de matériaux considérables dont l’origine estfa- (1) Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse , 5e sér., t. IV, p. 265. Soc, géoi., 2® série, tome XX„ 19 290 SÉANCE DU 2 MARS 1863. cile à indiquer. En effet, si nous cherchons à nous représenter l’état primitif d’une vallée de fracture, pourrons-nous éviter d’y voir un encombrement de blocs et de fragments de toute grosseur? Faisons intervenir maintenant d’une manière soudaine des eaux considérables descendues des hauteurs, n’entraîneront-elles pas une grande partie de ces matériaux qui descendront plus bas dans la vallée en s’entre-choquant, se brisant et se réduisant même, les plus tendres, en poussière et en limon ! Ceux de ces matériaux qui, par leur dureté et leur ténacité, auront échappé à la tritura¬ tion, déposés d’abord, repris ensuite dans une nouvelle phase de violence des eaux, continueront à descendre en s’arrondissant par un frottement mutuel ou contre les parois du canal qui limite et dirige leur mouvement. C’est ainsi qu’ils finiront par arriver à la plaine à l’état de blocs arrondis et de cailloux, avec les matières plus fines qui résultaient de la trituration des matériaux tendres. Dans cette vue théorique de la formation delà vallée de plaine, nous n’avons fait intervenir que la vallée de fracture qui se trouve en relation directe avec elle et qui s’y trouve liée par la même rivière ; mais il est évident, ainsi que nous l’avons déjà vu plus haut, que la rivière de Lhers, dont l’origine se trouve sur le flanc du massif granitique de Tabes et qui entre dans la plaine un peu plus loin que l’Ariége pour couler à la base des coteaux de l’est, a puissamment contribué au phénomène diluvien dans la vallée générale. En effet, le petit plateau allongé, traversé par notre coupe n° 3 à l’ouest de Saint-Amadou, dont la composition est essentiellement diluvienne et qui semble appartenir au même ordre de choses que la butte de Montaut déjà signalée, doit être considéré comme un témoin d’un ancien dépôt diluvien qui aurait comblé la vallée générale, comprenant l’Ariége et le Lhers, jus¬ qu’à cette hauteur, et qui, plus tard, aurait été abaissé de part et d’autre par les érosions respectives de l’Ariége et du Lhers, au niveau des plaines qui correspondent présentement à ces deux rivières. Dans l’état actuel des choses, les alluvions des deux vallées se distinguent nettement par le volume et par la nature des éléments qui les composent. Les cailloux du Lhers, beaucoup moins gros que ceux de l’Ariége, sont, la plupart, composés de de calcaire et proviennent en grande partie du poudingue de Palassou. Il resterait à indiquer la source des eaux extraordinaires qui, en descendant par les vallées de montagne, ont pu produire dans la plaine de si grands effets. Nous avons déjà eu l’occasion de traiter ce sujet à l’occasion de nos études sur la vallée de la Ga- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 291 ronne et sur celle de l’Adour (1). Nous nous contenterons de rap¬ peler ici que nous attribuons ces eaux à la fusion de grands amas de neige et de glace qui auraient couvert les Pyrénées à l’époque re¬ marquable où un refroidissement extraordinaire de la surface du globe faisait avancer les glaciers des Alpes dans les plaines de la Suisse, pour les faire monter même jusque sur le flanc du Jura. Séance du 16 mars 1863. présidence de m. daubrée, vice-président . M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. le comte de Vignet, chef de bataillon du génie, à Grenoble (Isère), présenté par MM. Lory et Ed. Hébert. Le Président annonce ensuite deux présentations. . DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M . le ministre d’Etatj Journal des savants , février 1868. De la part de M. Bonissent, Essai géologique sur le dépar¬ tement de la Manche (suite) (extr. des Mém. de la Soc. 1. des sciences nat . de Cherbourg , t. IX), in-8, 68 p. De la part de M. James D. Dana, On the higher subdivisions in the classification of Mammals , in-8, 7 p., New-Haven, janvier 1863. De la part de M. G. Ibanez é Ibanez, Discursos leidos ante la R. Academia de Ciencias exactas , fisicas y naturales de Madrid , in-Zi, 58 p., Madrid, 1863-, chez E. Aguado. (1) Bulletin de la Soc. géol ., 2e sér., t. XII, p. 1299. — Éléments de minéralogie et de géologie, p, 583. — Mémoire sur le terrain di¬ luvien de la vallée de VAclour. Tarbes, 1 861 . 292 SÉANCE 011 16 MARS 1863. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 1863, 1er sein., t. LY1, nos 9 et 10. Bulletin de la Société de géographie , 5e série, février 1863. Annuaire de la Société météorologique de France , t. VIII, 1860. Tabl. météor. , f. 1-8. L’Institut , nos 1522 et 1523; 1863. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , février 1863. The Athenœum , nos 18A5 et I8/56; 1863. Report of the thirty first meeting of the British association jor the advancement of science, heldat Manchester in septern- ber 1 861, in-8. N eues JahrbUch fur Minéralogie, etc., par H. G. Bronn et G, Leonhard, 1862, 8e cahier; 1863, 1er cahier, Revista minera, t. XIV, n° 306, :1er mars 1863. M. Dalimier en offrant à la Société, au nom de l’auteur, la deuxième partie d’un essai géologique sur le département de la Manche, s’exprime en ces termes : J’ai l’honneur de présenter à la Société géologique, de la part de M. Bonissent, la seconde partie de son Essai géologique sur le département de la Manche ; il y est exclusivement question du ter¬ rain curnbrien. Ce travail présente une description minutieuse de toutes les variations minéralogiques des roches dans les diverses assises de ce terrain. Ces renseignements sont d’autant plus pré¬ cieux, qu’ils sont toujours accompagnés de l’indication exacte des localités, et qu’ils sont appelés à rendre les plus grands services, le jour où l’on s’occupera sérieusement de la carte géologique de ce département. Quoique l’auteur n’ait pas eu spécialement pour but d’étuuier les problèmes de stratigraphie qui se rattachent à ces assises, j’y vois avec plaisir qu’il a adopté et confirmé, par quelques nou¬ veaux exemples, les opinions que nous avons proposées, il y a deux ans, dans notre travail sur le Cotentin. C’est ainsi qu’il sé¬ pare du terrain silurien les poudingues qui, pour d’autres au¬ teurs, en représentaient la base, et il en constitue l’étage supérieur du terrain curnbrien sous le nom d 'étage des a nagé ni tes, pou¬ dingues et grès variés ; c’est notre assise des schistes et grès pourprés et des poudingues. Une conclusion sur laquelle j’appelle l’attention de la Société NOTE DE M. DK 3ÏQRTILLET . 293 est celle qu’on lit à la page 31 : « Les lits inférieurs des anagénites alternent ordinairement en stratification concordante avec les phyl- lades et les grauwackes, » Enfin, M. Bonissent démontre par de nouvelles coupes (p. 30 et 61) que les poudingues feldspathiques de Cou ville et les grès bleus compactes de Moncastre plongent sous les grès à Scolithus linearis. Ces faits viennent répondre, à notre grande satisfaction, à des objections que l’on a faites à notre classification des terrains pri¬ maires de l’ouest et nous donnent quelque raison d’espérer que les géologues qui nous suivront dans cette contrée adopteront nos conclusions. Je pense être l’interprète des sentiments de la Société, en expri¬ mant le vœu que l'auteur publie, le plus tôt possible, ses nom¬ breuses observations sur les dépôts fossilifères du département de la Manche. M. Peîlat présente au nom de M. de Mortiliet, la note suivante : Coquilles terrestres et d'eciu douce des sables blancs à Elephas primigenius et à silex taillés (V Abbeville ; par M. Gabriel de Mortillet. Lorsque j’ai visité Abbeville, j’ai recueilli dans les sables sili¬ ceux blancs des carrières de Mehcheeourt un assez grand nombre de coquilles terrestres et d’eau douce. M. Boucher de Perthes a eu l’obligeance de m’en remettre beaucoup d’autres. Toutes pro¬ viennent des sables blancs qui contiennent des süex taillés de main d homme associés à des débris d ' Èlephas primigenius et de R h i no c cro s ticli o rh i n us. Voici la liste détaillée de ces coquilles: 1° Vitrina elongtita^ D rap. Je ne sache pas qu’on l’ait citée vi¬ vante actuellement dans le nord-ouest de la France. Plus spéciale à la France montagneuse, à partir des Vosges jusqu’aux Pyrénées, elle descend cependant jusque vers Bordeaux. Elle aime les lieux boisés et très-humides, 2° Succiuea putris , Linn. , sp. De petite taille. 3° Zonités nitidulas, Drap, , sp. Se rapprochant du type qui vit actuellement dans le département de l’Oise; mais la spire est beaucoup plus aplatie. U° Hdlx nemoralis , Linn,, ou H. //o;7e/?5/rV,.Mull . Des fragments SÉANCE I)U 16 MARS 1863. 29 h qui ne m’ont pas permis cîe bien déterminer l’espèce. Plusieurs auteurs, du reste, regardent ces deux espèces comme de simples variétés de H. nemoralis , qui serait le véritable type. On voit en¬ core sur les fragments de test des traces de fascies. 5° Hélix arbustoru/n, Lion. Variété plus grosse que tout ce que je connais de vivant; ombilic pourtant entièrement recouvert; bouche élargie. 6° Hélix arbmtorum , Linn., var. alpicola, Fér, Un individu en¬ tier, en très bon état. Cette variété est plus petite que H. arbusto- ram des plaines et des plateaux ; la spire est plus élevée, la bouche plus étroite et plus arrondie. Il faut actuellement aller fort loin, sur les montagnes d’une certaine élévation, pour la retrouver. L ’//. nrbustoriim prend d’autant plus de développement qu’elle est dans une région à température plus douce et plus uniforme. La présence du premier type avec les Eléphants et les Rhinocéros est donc toute naturelle. Mais comment expliquer celle du type alpicola qui appartient aux régions froides, aux hautes mon¬ tagnes? 7° Hélix his pida , Linn. ; très-abondante. Variété fort remar¬ quable; à tours de spire très-emhrassants, le dernier fort étroit supérieurement, tombant subitement sur le côté, ce qui rend la bouche comme triangulaire. Ombilic petit pour l'espèce. De toutes les formes vivantes, celle qui s’en rapproche le plus provient de l’île de Rugen, dans la Baltique. Cette variété est assez caracté¬ risée et constante pour mériter un nom spécial. Je la dédie à M. Boucher de Perthes : Hélix hispida , var. Boucheriana. 8° Hélix pulchella , Midi. La plupart des échantillons, sinon tous, se rapportent à la variété H. costata , Midi. 9° Papa muscorum , Linn., sp. 10° Planorbis corneus , Drap. Variété. Spire plus embrassante, ce qui rend l’ombilic plus étroit et la bouche moins large. Je la dédie à M. Prestwich, qui a vulgarisé, le premier, les découvertes de M. Boucher de Perthes : P. corneus , var. Prestwichianus. 11° Planorbis complanaius , Linn., sp. P. marginatus , Drap. Comme le P. actuel du pays. Abondant. 12° Planorbis ... jeune âge? 13° Limnea palus tris, Midi., sp. Tout petit type du nord de la France. Assez commun. 1U° Limnea ovata , Drap. A spire plus ou moins allongée, gé¬ néralement de petite taille ; types qui se retrouvent encore dans le pays. Extrêmement abondante. 4 5° Cyclostoma elegans , Midi., sp. Plus gros que les individus NOTE DE M. DE MORTILLET. 295 actuels du nord de la France; comme ceux du littoral méditerra¬ néen et de l’Italie. Commun. 16° Paludina impura , Drap,, sp. P. tcntaculata , Linn., sp. Extrêmement abondante; type ventru, abouche ronde, qui se trouve encore vivant dans le pays. 17° Falvata piscinalis , Mull., sp. Plus aplatie et à ombilic plus large que les F. vivantes de France, d’Italie et de Prusse. Va¬ riété qui mérite un nom et que je dédie à M. Gaudry, dont les recherches à Saint-Acheul n’ont plus laissé aucun doute sur l’as¬ sociation des silex taillés et des ossements d’éléphants : F. piscinalis , var., Gaudry ana. Commune. 18° Falvata cristata , Midi. ; 19° Cyclas cornea , Linn., sp. Semblables à celles du pays. 20° Pisidium amnicum , Midi., sp. A sillons profonds pouvant se rapporter à la variété striolatum de Moquin-Tandon. Commun; 21° Pisidium pusillum , Gmel., sp. 22° Pisidium... Autre toute petite espèce. Cette faune contient quatre variétés remarquables qui paraissent éteintes : Zonites nitidulus , aplati. Je ne lui pas donné de nom n’ayant eu entre les mains qu’un seul échantillon; Hélix hispida, var. Boucheriana ; Planorbis corn eus, var. Prestwichianus ; Valvata piscinalis , \dX.Gaudryana. La taille du Cyc/ostoma elegans dénote une température plus élevée que la température actuelle du pays et se rapprochant de celle de la Provence ou de la Toscane. Cette température peut aussi se déduire de la présence d’une Cyrena , signalée par MM. Boucher de Perthes, Prestwich etLyell, et rapportée à la Cyrena fhmatilis , Midi., qui habite actuellement depuis la mer Caspienne jusqu’en Syrie. Mais je n’ai pas pu ren¬ contrer cette espèce, qui en tout cas n’est pas commune à Abbe¬ ville. Le grand type de Y Hélix arbustorum vient confirmer ces don¬ nées. Le seul fait contraire serait la présence de la variété alpicola de Y Hélix arbustorum . La présence de cette coquille doit avoir quel¬ que relation avec l’époque glaciaire, relation qui m’échappe maintenant, mais que des recherches ultérieures pourront peut- être faire découvrir. M. Mellevile dit, à propos de cette communication ; La 296 SÉANCE DU 16 MARS 1863. présence, dans le système caillouteux et arénacé inférieur de la vallée de la Somme, de coquilles qu’on ne retrouve plus que dans le midi de la France et en Italie, a été signalée depuis longtemps, et c’est sur ces observations que je me suis appuyé dans mon mémoire sur les terrains de transport superficiels de ce pays ( Bulletin , 2e série, t. XIX, p. Zi 35) pour les séparer du diluvium proprement dit, qui est quaternaire. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ebray : Sur le terrain jurassique des environs de la V erpillière ( Isère par M. Th. Ébray. On sait qu’il existe une profonde différence entre les terrains jurassiques du nord du bassin du Rhône et ceux situés vers le sud de ce même bassin. Cette différence est tellement considérable qu’il est aujourd’hui admis qu’à Privas, par exemple, l’étage oxfordien repose directe¬ ment sur le calcaire à Entroques et même, suivant certains auteurs, sur le lias supérieur, sans l’intermédiaire de la grande oolithe encore si puissante aux environs de Lyon et de la Verpillière. Dans le but de rechercher d’une manière rigoureuse de quelle manière s’accomplit le passage du faciès lyonnais au faciès des en¬ virons de Privas, je donnerai dans cette note des renseignements sur la stratigraphie des terrains jurassiques des environs de la Verpillière, qui forment une station importante entre les deux lo¬ calités qui restent à raccorder. MM. Lory, Cotteau et Goubert se sont déjà un peu occupés de ces terrains. Comme cela est indiqué dans la description géologique du Dau¬ phiné, l’inclinaison générale des couches de la Verpillière est vers l’est ; elles font partie de ce grand lambeau disloqué se terminant probablement par deux grandes failles qui ont déterminé, d’une part le cours du Rhône, d’autre part le cours de l’Isère, au nord de Grenoble, prolongement naturel et stratigraphique de la rivière du Drac, à l’est de laquelle les couches se redressent vers les sommités de la chaîne du grand Charnier et de celles du mont Pelvoux. Le grand lambeau est lui -même sillonné par une série de petites failles généralement dirigées vers le nord, c’est-à-dire perpendiculaires à l’inclinaison des couches; mais la plus grande partie de ces failles n’est que secondaire, et souvent leurs traces orographiques ont été complètement effacées par l’action dilu¬ vienne. C’est ainsi que les travaux souterrains ont rencontré, à la NOTE DE M. ÊBRAY. 297 Verpilliève, une série de petits accidents ayant produit des diffé¬ rences de niveaux de 2 à 15 mètres, et presque tous semblable¬ ment dirigés vers le nord. Un faible lambeau de schistes métamorphiques et de gneiss sur¬ monté d’un îlot de grès houiiler se rencontre à Chamagnieu ; à l’exception du petit trait d’union qui existe à Maupertuis, ce pre¬ mier est complètement isolé des terrains jurassiques qui se relèvent avec lui vers l’ouest. Les allures relatives des schistes métamor¬ phiques et des terrains jurassiques qui les recouvrent ne peuvent donc être étudiées qu’au col de Maupertuis où l’on relève la coupe suivante : Maupertuis. Serres. 8 G t — Schistes métamorphiques, gneiss, grès houiiler. 2 — Lias et infra-lias. 3 — Marnes du lias moyen. 4 — Calcaires sublamellaires et ferrugineux du lias moyen (couche mélangée des mineurs). K — Marnes et argiles du lias supérieur. 6 — Minerai de fer du lias supérieur (banc de mine et bauc coquilleux). G — Ancienne galerie. 7 — Calcaire à Entroques. 8 — Diluvium. Les schistes métamorphiques sont analogues à ceux de Tarare; ils passent, comme eux, à des gneiss qui occupent, tantôt des po¬ sitions inférieures, tantôt des positions supérieures, et qui sont surmontés par le terrain houiiler. A la partie la plus basse du col de Maupertuis, on a déjà, il y a quelques années, pratiqué un puits de rechèrche dont je n’ai pu me procurer la coupe exacte, mais les déblais extraits indiquent la présence de marnes vertes, de cargneules et de grès très-fins qui caractérisent la base de l’infra-lias. Au-dessus, le terrain est recouvert par la végétation et par des matériaux éboulés qui proviennent delà carrière supérieure; des pierres éparses dans les champs contiennent quelques Gryphées arquées, et le fond de la carrière supérieure démontre que celte dernière repose sur un sol argileux. Comme la position et les fos- 298 SÉANCE DU 16 MARS 1863. siles de cette carrière prouvent que ses bancs appartiennent à la partie supérieure du lias moyen, il y a tout lieu de croire qu’entre l’infra-lias et la partie supérieure du lias moyen il existe le lia^ à Gryphées arquées et les marnes sans fossiles; ce sont les couches ch et une partie des couches 2 du croquis. La carrière qui se rapproche du sommet du mamelon jurassique a été exploitée pendant longtemps; on en a extrait du minerai de fer de bonne qualité; elle fait partie des couches désignées par les mineurs sous le nom de couches mélangées. Ce minerai est toujours exploité à ciel ouvert parce que les assises qui le fournissent sont fort épaisses (4 à 5 mètres) et que les matériaux ont besoin d’un triage rigoureux, le fer étant disséminé dans cette masse en filons irréguliers de peu d’étendue et parallèles à la stratification des couches; les parties inférieures sont les plus riches et fournissent quelquefois du minerai qui contient 40 ou 50 pour 100 de fer. L’ensemble de la roche présente au premier abord l’aspect du cal¬ caire à Entroques pénétré d’une grande quantité de fer; mais la position de ce système, partout inférieur à la couche de minerai de fer oolithique, ne permet pas de s’arrêter à cette assimilation. Les fossiles viennent d’ailleurs spécifier la position occupée par la partie inférieure de ces couches dans l’échelle géologique ; on y rencontre : Belenmites niger , Panopœa stria tula , Pccten œquivalvis , Plicatula spinosa , Pentacrinus fasciculosus. Les calcaires se lient intimement et passent, à leurs parties supérieures, à des marnes et à des calcaires marneux qui contiennent déjà des fossiles du lias su¬ périeur ; ces derniers supportent la couche de minerai de fer qui a donné lieu aux grandes exploitations en galerie, et qui se divise elle-même en deux strates qui se distinguent entre elles, soit par des caractères paléontologiques, soit par des caractères litholo¬ giques. La couche inférieure est la couche de minerai proprement dite ; la couche supérieure qui contient souvent de grosses oolithes ferrugineuses est le banc coquilleux des mineurs, ainsi nommé parce qu’il contient en quantités considérables X Ammonites pri- mordialis ( opalinus ). La séparation de la couche du minerai en deux strates distinctes mérite d’être mentionnée, car chacune de ces strates correspond à un horizon particulier qui a conservé à la Verpillière sa position normale. Ces deux strates diffèrent aussi sous le rapport industriel ; la su¬ périeure (couche à Ammonites primordialis) fournit un minerai sulfureux et pauvre (10 à 15 pour 100) que l’on rejette dans les environs de Saint-Quentin; l’inférieure contient du fer, tantôt NOTE DE M. ÊBHAY . 299 oolithique, tantôt compacte, qui donne un bon minerai, d’une te¬ neur de 20 à 30 pour 100 ; c’est cette partie inférieure qui per¬ met de recueillir les beaux fossiles si estimés de la Yerpillière Ammonites JVcilcotii , A. cornu-eopiœ , A . variabilis , Belemnites irregularis , etc.). A Serres les deux strates sont soudées l’une à l’autre; mais, à mesure que l’on se dirige vers le sud, elles devien¬ nent de plus en plus reconnaissables. Dans cette dernière localité, le minerai de fer est surmonté par un calcaire siliceux qui peut être assimilé à la partie inférieure de l’étage bajocien ; il n’est pas fossilifère, mais il correspond au calcaire des environs de Saint- Marcel dans lequel j’ai recueilli (carrières de M. Vial) quelques fossiles caractéristiques du calcaire à Entroques. En se dirigeant vers le sud, la couche de minerai augmente d’épaisseur, la couche de mélange, toujours exploitée à ciel ou¬ vert, se maintient avec les mêmes caractères et se rapproche du fond de la vallée; la position stratigraphique de cette couche est très-évidente vers Saint-Marcel, où l’on rencontre, au-dessus des exploitations à ciel ouvert, un puits foncé sur la couche supérieure de minerai qui a traversé une épaisseur de 15 mètres de marnes supra-liasiques avant d’atteindre à la couche mélangée. Le calcaire à Entroques se modifie en se chargeant vers le bas de couches marneuses grises ou bleuâtres qui forment partout le toit du mi¬ nerai exploité en galerie. Le croquis suivant donne la disposition des étages aux environs de Saint-Marcel ; cette disposition ne diffère pas sensiblement de celle que l’on rencontre aux environs de Saint-Quentin. 300 SÉANCE DU 16 MARS 1863. 7-, 00 --- 0“,30 1 m,40 lm.00 lm,00 lm,00 0m,20 - 0m,50 15m,00. 6m,00~* B“, 00 — 1 — Calcaire blanc jaunâtre, marneux, siliceux, quelquefois légèrement sub-lameiiaire ( Ammonites Murchisonœ, Â. Humphriesianus). 2 — Cordon d’argile blanche. 5 — Calcaire jaune compacte. 4 — Marne bleue ou grise. 5 — Calcaire jaune. 6 — Marne bleue ou grise, feuilletée. 7 — Minerai de fer oolithique sulfureux, avec Ammonites primordialis (banc coquilleux des mineurs). 8 — Minerai de fer, à texture compacte ou oolithique, avec Ammonites bifrons, A. cornu-copiœ. 9 — Marnes supra-liasiques. 10 — Lias moyen, couche mélangée. 11 — Marnes inférieures du lias moyen. Les environs de Saint-Quentin permettent de rencontrer les couches inférieures au lias moyen ; M. Goubert a donné, dans le Bulletin de la Société géologique (Réunion extraordinaire à Saint- Jean-de -Maurienne) une coupe fort exacte des carrières du four Massard; on y voit, au-dessous du calcaire à Gryphées arquées, une série de bancs calcaires dont les plus inférieurs offrent la texture des lumachelles de la Bourgogne avec Ostrea irregularis ; nous avons vu que la portion la plus inférieure de l’infra-lias se compose au col de Maupertuis d’argiles vertes, de cargneules et NOTE DE AI . ÈBKAY. SOI d’une faible épaisseur de grès qui correspondent au ehoin bâtard, aux cargneules et aux grès infra-liasiques du Lyonnais. Les étages supérieurs du calcaire à Entroques s’observent en remontant la vallée de la Bourbe et celles de ses affluents. A u Temple affleurent les bancs compactes et siliceux dans lesquels ont été taillées les carrières des environs de Saint-Marcel ; ils ne contiennent pas, comme ces dernières, des fossiles caractéristiques ; au-dessus, on reconnaît, avant d’arriver à la Grive, une petite formation de lumachelles avec Ostreci acuminata qui correspond au ciret. Les couches sont elles-mêmes surmontées à la Grive par une puissante formation de calcaires rouges et un peu sublamellaires qui représentent la base de la grande oolithe (calcaires à Ammo¬ nites bidlatus et calcaire ooliihique de Tournus ou de Lucenay). En s’avançant vers Saint-Hilaire, on voit quelques bancs de cal¬ caires compactes qui surmontent les assises de la Grive, puis der¬ rière les fours à chaux hydrauliques une série de bancs oolithiques avec quelques rares Tcrcbrâtula cardium ; ces bancs sont couronnés par des assises de calcaire conchoïdal qui fournissent le ehoin de Yillebois ; elles forment un horizon géologique important depuis Clamecy jusque dans l’Isère ; c’est le calcaire conclioïde sur lequel de Bonnard s’est déjà très-étendu dans sa notice géologique sur quelques parties de la Bourgogne. Au-dessus des carrières de ehoin de Saint-Hilaire se présente une petite excavation, aujourd’hui abandonnée, qui permet de recon¬ naître quelques bancs de calcaire ferrugineux, un peu argileux et contenant Ammonites niacrocephalus, A. Bakeriœ , Collyrites ovalis ; c’est le cornbra/h qui correspond lui-même à la dalle nacrée et aux marnes à Ammonites macrocephalus ; ces assises sont recouvertes par quelques strates peu épaisses de calcaire moins ferrugineux avec Ammonites Bakeriœ , A. anceps , qui ne peuvent être assimi¬ lées qu’au Kelloway-rock. L’étage oxfordien supérieur et l’étage corallien sont bien visibles dans tout l’espace compris entre Trept et Morestel. Le premier est représenté par une série fort épaisse de marnes, de calcaires marneux , de calcaires grumeleux contenant en grande abondance des spongiaires, des Ammonites plicatilis , etc. L’étage corallien offre à la base des calcaires lithographiques qui correspondent aux calcaires analogues du Berry et de la Nièvre, de même qu’aux calcaires oolithiques inférieurs du département de l’Yonne; au sommet, on rencontre vers Morestel le coraLrag supérieur avec Terebratala insignis , Rhynchonella variabilis , Pin- 302 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. nigena Saussurii , Diceras arictina. Les couches les plus supérieures que l’on rencontre aux environs de Passins sont composées de calcaires blanchâtres, marneux, avec Ostrea virgula , Terebratula subsella , T. Leymeriei , que l’on peut rapporter au calcaire à As- tartes. M. Duportal annonce avoir trouvé une nouvelle plaque de poisson de la famille des Myliobatides dans les sables moyens de Passy. M. Deshayes dit que M. Tournoüer lui ayant dernièrement communiqué des fossiles de Blaye (Gironde) parmi lesquels se trouvaient des Limnées, il a reconnu la plus grande analogie entre ces dernières et d’autres qui lui avaient été envoyées de Castelnaudary (Aude). Séance du 13 avril 1863. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal do la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Dufour (Edouard), licencié ès sciences, professeur, rue Molac, 9, à Nantes (Loire-Inférieure), présenté par MM. le baron Bertrand* Geslin et Ed. Bureau. Bétout (Ernest), rue de P Arbre-Sec, 50, à Paris, présenté par MM. Aug. Baudon et Paul Michelot. Le Président annonce ensuite quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre d’État, Journal des savants , mars 1863. De la part de M. H. Grosse, Journal de conchyliologie , t. I et II, 1861 et 1862, in-8, Paris. De la part de M. de la Roquette, Notice sur la vie et les DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 303 travaux de M. J omar il , in-Zi, 23 p., 1 portrait, Paris, 1863. De la part de M. F. J. Pictet : 1° Discussion de quelques points des méthodes paléontoio - giques , in-S, 11 p., Genève, 1862. 2° Note sur l'étage harrémien de M. Coquand et sur la place qu’il doit occuper dans la série crétacée, in-8, i/i p., Genève, 1863. De la part de M. J. Preswtich : 1° On the corrélation o f the eocene tertiaries of England, France and Belgium , in-8, pp. 89-1 3Zg , 1857. 2° On the occurrence oftlie Cjrena fluminalis together with marine shells qf recent species in beds of s and and gravel over beds of boulder-clay near Hull , in-8, pp. àliQ-h 56- 1861. 3’ Theoretical considérations on the conditions under which the drift deposits containing the remains of extinct mammalia and flint -impie tuent s were accumulated, and on their geologiccil âge , in-8, 15 p., 1862. De la part de M. À. Stévart, Des meilleures méthodes d’ana¬ lyse des minerais qui en Belgique servent a V extraction du fer , du cuivre, du zinc et du plomb , in-8, 76 p., Liège, 1863; chez F. Renard. De la part de M. l’abbé Antoine Stoppani, Supplément à l’Essai sur les conditions générales des couches à Avicula conforta, in-Zi, 39 p., Milan, 1863- chez J. Bernardoni. De la part de M. Alexis Perrey : 1° Note sur les tremblements de terre en 1860 (extr. du t. XIY des Mémoires de l’ Académie R . de Belgique), in-8, 75 p. 2° Documents sur les tremblements de terre et les phéno¬ mènes volcaniques du Japon (extr. des Mém. de l’Ac . /. des sc ., etc., de Lyon), in-8, 110 p., 1832. Comptes rendus hebd. des séances de V Acad, des sciences 3 1863, 1er sem., t. LYI, nos 11 à 1 Zi. Bulletin de la Société botanique de France , t. IX, n° 8, déc. 1862. Bulletin des séances de la Soc. L et centrale d’agriculture , 2e sér., t. XY11I, n° 3, 1862, n° Zi, 1863. L’Institut , nos 1524 à 1527; 1863. 304 SÉANCE DU 13 AVRIL 3 8(53. Réforme agricole , n° 170, février 1863. Mémoires de la Société d'agriculture , etc., du départ, de ü l'Aube y 3e et 4e trim. de 1862. I f Journal d' agriculture de la Côte-d'Or , nos 1 et 2, janvier et février 1863. Société I. d' agriculture , etc., de Valenciennes , Revue agri¬ cole , etc., février 1863. ît The quarterly Journal of the geological Society of London, 1 p. n° 73, février 1863. fo Athenœum , nos 1847 à 1850-, 1863. E Alti délia Società Italiana di scienze naturali , t. IY, ! H livr. IV, f. 18 à 23, mars 1863. Revista minera , t. XIV, nos 307 et 308, 1 5 mars et 1er avril i 1863. i * Revista de los progrès os de las ciencias exact as, fis i cas y naturales , t. XII, n° 2, février 1863. Le Secrétaire lit la lettre suivante de M. Grosse ; Paris, 1 2 avril 1 863. Monsieur le Président, J’ai l’honneur de vous adresser et vous prie de vouloir bien j offrira la Société, en mon nom, les deux volumes du Journal de | conchyliologie qui ont été publiés depuis que j’ai pris la direction - de ce recueil scientifique. Je profite de la circonstance pour rectifier une erreur, ou plutôt une petite inexactitude que j’ai à signaler dans le Bulletin (séance i du 5 mai 1862, t. XIX, p. 849). J’y lis cette phrase (ligne 9): u La Guadeloupe a produit entre autres un Pleurotomaire » vivant et M. Petit de la Saussaye en connaît d'autres. » Le genre Pleurotomaire ne compte, dans l’état actuel des con¬ naissances, que deux représentants vivants, qui appartiennent à deux espèces différentes et qui ont été décrits et figurés dans le Journal de conchyliologie . Le premier ( Pleurotomaria Quoyana) a î été recueilli à la Guadeloupe et fait partie de la collection de notre confrère, M. Rolland du Roquan, de Carcassonne. Le second ( Pleurotomaria Adansoniana ), de provenance inconnue? fait partie de ma collection. Si j’insiste un peu sur ces détails, c’est à cause de l’importance paléontologique de ce genre si lar¬ gement développé dans les terrains anciens, et qui se trouve actuellement en voie de décroissance ou même d’extinction. NOTE DE M. GARRtGOU. 305 M. Garrigou fait la communication suivante : Mémoire sur les cavernes de Lherm et de Bouichéta ( Ariége ) j par le docteur Félix Garrigou, de Tarascon (Ariége). Nous avons exploré dans le département de l’Ariége les cavernes de Bédeillac, Bouichéta, Calamés, Babat, Niaux, Sabart, Ussat, Fontanet, Saleicb, Lherm, le Maz d’Azil, etc. Ces cavernes ont fourni les matériaux du travail que nous soumettons à la Société (1). Elles ont été visitées par nous plus de cinquante fois dans un an. Huit cavernes du département de l’Aveyron, situées aux environs de Bruniquel, nous ont également fourni plusieurs observations. Nous avons pu examiner dans le nouveau musée de l’Ecole de mé¬ decine de Toulouse des ossements de la caverne de Minerve (Aude) qui nous ont présenté des particularités curieuses. La première des cavernes que nous ayons à examiner est celle de Lherm (2), dans le canton de Foix (Ariége). Elle a été déjà l’objet d’un mémoire intéressant de M. l’abbé Pouecb, et, aupa¬ ravant, de plusieurs notes composées par nous et imprimées par l’Académie des sciences de Toulouse (3). Nous nous appuierons, dans le cours de notre travail, sur le plan de la caverne de Lherm qui a été donné par M. Pouecb. En lisant la partie théorique du mémoire de mon honorable collègue, celle dans laquelle il suppose que les plissements subis par le calcaire crétacé dans lequel est creusée la caverne de Lherm ont été déterminés dans deux temps différents et successifs, depuis la fin de l’époque secondaire et de l’époque éocène jusqu’à la pé¬ riode quaternaire, on se trouve embarrassé pour comprendre quelle est la série continue de ces mouvements géologiques. L’embarras augmente surtout, lorsqu’on sait que sur ce point de l’Ariége les couches redressées dont il est question sont alignées avec une (1) Ce travail a été commencé avec MM. Rames et Henri Filhol (de Toulouse). M. Filhol père nous a accompagné dans plusieurs ex¬ cursions. M. Joly a mis à notre disposition des documents précieux. Enfin M. Larlet nous a donné d’utiles conseils. (2) Voyez le Bulletin de la Société géologique de France , séance du 1 7 février 1 862. (3) Académie des sciences de Toulouse, décembre 1861, janvier 1862. Soc. géol.j 2e série, tome XX. 20 30e SÉANCE DU 4 3 AVRIL 1863, régularité parfaite dans le sens de La chaîne des Pyrénées O. 18° N., sur une étendue de plusieurs lieues, sans être en aucune manière changées de direction. Pour que ce ne soit qu'à l’époque quater¬ naire que ces mouvements successifs du sol aient cessé de se pro¬ duire, il faudrait que sur quelque point de la chaîne en ces lieux le terrain tertiaire moyen (1) fut soulevé et lui- même disloqué comme le terrain éocène et le terrain crétacé. Jusqu’ici je ne crois pas qu’on ait trouvé ce terrain tertiaire moyen comme faisant par¬ tie des couches soulevées. J’avais toujours pensé qu’à la limite du terrain éocène finissait la partie fracturée de la vallée de l’Ariége, et qu’avec le terrain miocène commençait la vallée d’érosion de cette même rivière. Je demanderai encore à M. Pouech ce qu’il entend par la grande débâcle qui a ouvert la vallée de l’Ariége et par le phé¬ nomène diluvien subit qui a submergé tout le pays, avant que l 'Ursus spelœus , le Lion et l’Hyène des cavernes, ainsi que le Rhi¬ nocéros. aient commencé à habiter la caverne de Lherm. Jusqu’ici la faune dont je viens de parler avait été admise d’une manière générale comme existant avant l’époque diluvienne, puisqu’on en a retrouvé les traces dans le diluvium, et que depuis cette époque cette faune était supposée éteinte dans nos contrées. Aussi cette grande débâcle opérée dans les vallées de l’Ariége, avant l’appari¬ tion des Ours, des Lions, des Hyènes des cavernes et du Rhinocéros, nécessite-t-elle une explication, de même que l’arrivée et l’ex¬ tinction de ces mêmes animaux, depuis qu’aucun grand cata- clysme n’a eu lieu dans nos vallées pyrénéennes. Je ne m’explique pas non plus ce que veulent dire les lignes suivantes relatives au même sujet : « Enfin le dernier mouve¬ ment arriva, ce mouvement subit et général des eaux dont on trouve partout la trace, et dont le résultat final fut l’état de choses qui dure encore, la fixation définitive des limites respectives des continents et des mers, telles qu’on les voit aujourd'hui. » C’est donc avec ce mouvement des eaux qu’aurait coïncidé le plus grand phénomène de dislocation de la montagne de Lherm, le premier dérangement des couches ayant été opéré à l’époque du soulèvement général de la chaîne, c’est-à-dire à la fin de l’époque éocène, et le dernier à la période quaternaire. Pour s’exprimer plus clairement : d’après cette théorie, avec le soulève- (1) L’étage miocène est l’étage le plus élevé du terrain tertiaire qui existe dans ces contrées. NOTE DE M. GARRIGOU. 307 ment principal de la chaîne des Pyrénées, auraient coïncidé les déplacements les moins considérables dans le calcaire crétacé de cette partie de l’ Ariége, et à l'époque diluvienne aurait eu lieu la dislocation la plus grande de ce calcaire. En d’autres termes enfin, j une cause très-puissante aurait produit un effet peu sensible, tandis qu’un effet considérable aurait été le résultat d’une cause presque nulle (1). Cherchons cependant si dans cette partie de l’Ariége une cause | modificatrice puissante n’aurait pas pu changer, après le soulève¬ ment général des Pyrénées, l’aspect du terrain crétacé. Parmi les causes de soulèvement les plus récentes je ne crois pas qu’on puisse en voir de plus grande, dans les Pyrénées du moins, que l’arrivée ; de l’ophite, Certains calcaires transformés en marbre, des brèches métamorphiques, d’autres formées au contact d’eaux thermo-mi¬ nérales, des bouleversements géologiques nombreux, sont là, dans tout le département, pour témoigner de l’arrivée et du passage des ophites à des températures plus ou moins élevées et sous des aspects variables. Mais est-ce bien à l’époque quaternaire que les changements dans les contours de nos montagnes ont eu à subir l’influence des ophites? Je ne le pense pas, car les cailloux roulés d’ophite ne sont pas chose inconnue dans le diluvium de nos vallées. Ils ont été retrouvés aussi dans le diluvium des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Garonne. J’ai vu cette roche roulée dans celui de plu¬ sieurs vallées des Basses-Pyrénées. Cette même roche, polie et arrondie par les eaux, m’a souvent embarrassé pour sa détermi¬ nation à cause de ses variétés d’aspect, dans nos vallées de la haute Ariége ; et sur la montagne de l’Abécède, à mon village de Tarascon (Ariége), j’ai trouvé des cailloux roulés d’ophite entrant en dé¬ composition à la surface. Bien plus, j’ai ramassé moi -même dans la montagne de Lordat, près des Cabannes (Ariége), non loin du chemin d’Axiat, un bloc d’ophite à l’état de roche burinée. Dans la caverne de Laubrive, au milieu d’un diluvium des plus anciens et des plus développés, (1) Si nous consultons aussi la planche XIV et les figures 2 et 3, nous voyons la figure 3 montrant la caverne et la montagne après l’époque quaternaire ; les couches redressées au nord ont une inclinaison double de ce qu’elles avaient après le soulèvement principal de la chaîne des Pyrénées, chose incontestablement accusée par la com¬ paraison de cette dernière figure avec la figure 2. 308 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. j’ai recueilli un fragment roulé de fer oligiste, exactement sem¬ blable à ce même fer dont on peut voir dans quelques-unes de nos vallées ariégeoises les rapports directs avec l’ophite. Il ne m’est donc pas possible d’admettre que, si l’ophite a modifié les contours des montagnes crétacées de l’Ariége, ce soit à l’époque quaternaire. Tout indique que l’ophite avait déjà fait son appari¬ tion lorsque l’époque quaternaire a commencé. Puisque l’ophite est la dernière roche éruptive que l’on puisse invoquer comme ayant soulevé et modifié nos terrains des Pyrénées, je ne puis admettre, comme le veut M. l’abbé Pouech, que ce soit à l’époque quaternaire que la montagne crétacée de Lherm ait subi la pro¬ fonde perturbation qu’il représente dans sa coupe n° 3. Supposons que la caverne de Lherm n’ait pu être accessible qu’après le commencement de l’époque quaternaire, c’est-à-dire au moment où a commencé l’état actuel des choses, et où se sont déposées pour la première fois les alluvions modernes. Il sera difficile d’expliquer l’apparition et la disparition de ces nom¬ breuses légions d’ Ursus spelœus, de F élis, d’Hyénes des cavernes, de Rhinocéros, etc., qu’on croyait (Cuvier du moins) déjà éteintes depuis des siècles? Puis encore, si l’on fait vivre ces animaux à notre époque, comment expliquer leur arrivée et motiver leur disparition ? Que notre collègue se charge de cette tache, car nous sommes, quant à nous, incapable de le faire. Pour la manière dont M. Pouech explique le remplissage de la caverne, nous y reviendrons plus bas. Je ne puis cependant aller plus loin sans m’arrêter quelque peu sur l’examen physique et chimique des os de la caverne. Je dirai que l’état de plus ou moins grande conservation du tissu osseux ne fait rien pour déterminer l’âge relatif des individus dont on exa¬ mine les dépouilles. Des os de mêmes individus, de même âge, mais enfermés dans le sol suivant des conditions différentes, peuvent subir des degrés d’altération variant du tout au tout, et pouvant être quelquefois si peu de chose, que certains os con¬ tiennent autant de matière organique qu’à l’état frais. J’ai fait briller des fragments d’os d’animaux d’espèces perdues et incon¬ testablement antérieures à notre époque, entre autres des Rhino¬ céros ticorhinus , et ces débris répandaient la même odeur orga¬ nique que des os frais. La présence de la matière organique n’est donc pas plus un signe certain de l’état frais d’un os, que le hap- pement à la langue n’est une preuve d’ancienneté. Ces phéno¬ mènes ne peuvent pas être pris en considération à l’exclusion des autres, pour dire si un os est fossile ou non. NOTE DE M. GARRIGOU. 309 Nous avons fouillé la caverne de Lherm (1) dans tous les couloirs indiqués par M. l’abbé Pouech, à part cependant dans le couloir I, J, K, L de son plan, couloir que nous avions cru infranchissable. L’un de nous, M. Henri Filhoî, s’est aussi avancé dans une fissure probablement inconnue à tous ceux qui ont visité la caverne, et que nous nous proposons d’étudier dans des courses prochaines. Nous avons trouvé partout des ossements et des débris de 1 ’Ursus spelœus dans les endroits même où M. l’abbé Pouech n'a pu en trouver. Ainsi, à l’entrée de la caverne, en fouillant le limon compris entre les points A. B, C, j’ai pu moi-même mettre à découvert une dernière molaire supérieure d’ours, presque en¬ tièrement passée à l’état de turquoise, et des ossements brisés et mâchés. Dans la grande salle, en G, nous avons trouvé, pour notre part, 15 crânes d’ours entiers, appartenant aux espèces des plus grandes dimensions et à des espèces intermediaires, jusqu’à ceux dont la taille n’est guère différente de celle des ours actuellement vivants. M. l’abbé Pouech a vu dans cette série d’ours de tailles différentes des espèces à mon sens beaucoup trop multipliées, puisqu’il en fait cinq. Pour ma part, je ne puis voir là que trois espèces franchement distinctes. D’abord le grand ours des ca¬ vernes, à front très-bombé, dont le crâne atteint une longueur de 50 centimètres; un second ours plus petit, à front moins brusque¬ ment bombé; et un troisième, de taille moins grande encore, ayant le front bombé de la même manière que le précédent, et tenant beaucoup de l’ours brun actuel. C’est sur 16 crânes entiers, sur plusieurs brisés en fragments, sur 250 canines, un nombre très-considérable de molaires et une multitude de membres et de vertèbres que j’ai pu faire porter mes observations. Cependant je ne donne pas encore les résultats de mes comparaisons comme définitifs. A ces animaux, nous ajouterons un Félis de taille bien au-des- dessus de la moyenne, représenté par quelques molaires et par un fragment postérieur de crâne, que j’ai pu voir chez un collection¬ neur de Foix ; un Félis plus grand encore, caractérisé par une se- (1) M. Alzieu, officier de santé aux Cabannes (Ariége), est le premier qui ait eu connaissance du gisement ossifère de la caverne de Lherm, et qui en ait parlé. Il a fouillé certaines parties de la caverne, surtout celles de gauche, avec un soin, une habileté et un tact particuliers. 310 SÉANCE DU 1 *6 AVRIL 1863. conde phalange du pied antérieur que j’ai eu en ma possession ; une Hyène très-grande, à en juger par un crâne fracturé, par les deux premières molaires inférieures en série, par un fémur et par des os de l’avant-bras ; trois animaux du genre Canis , dont 1 un pa¬ raît être le Loup, caractérisé par des tètes de membres et des mo¬ laires ; l’autre, un Chien plus petit de taille, reconnu à un crâne fracturé en avant et à deux branches de mâchoire inférieure ; le troisième enfin est le Renard dont je possède un fémur du côté gauche. On ti ouve encore là des ruminants difficiles à exactement dé¬ terminer, dont l’un me semble cependant être une Chèvre; avec cette Chèvre existent, dans le limon de la caverne, le Cervus ela - phus et le Cheval. Dans tous ies autres points de la caverne, surtout aux points F, O, N, P, Q, R, 8, T, et dans cette fissure inférieure et secon¬ daire t, comprise entre les points R et S, j’ai retrouvé toutes les variétés d'Ours déjà signalées. En N, M. Rames a trouvé des ca¬ nines d’Hyène; en O j’ai recueilli une première incisive inférieure de grand Félis. Dans toute la partie de la caverne comprise entre les points R, S, en creusant le soi jusqu’à une profondeur peu considérable, quelques centimètres seulement, on tombe sur une couche de terre friable, argileuse, contenant une énorme quantité d’une substance blanche, assez résistante, formant sur certains points comme un tissu réticulé au milieu de cette argile. Examinée avec grand soin dans le laboratoire de M. le professeur Filhol, cette substance nous a paru jouir des propriétés suivantes : elle est sans goût, ne faisant pas effervescence avec les acides, ne se dissolvant pas dans l’eau, soluble dans les acides, précipitée en gelée par les alcalis, donnant un précipité de phosphate d’argent quand on essaye sa so¬ lution par du nitrate d’argent. Nous avons affaire, d’après cela, à du phosphate de chaux sans carbonate. Quelle est sa provenance? A-t il été formé en place? Dans ce cas, quelle est la cause de sa formation, quel en est le point de départ? Sont-ce les os ou des coprolithes altérés? Ne pourrait-il pas être utilement employé? Je me propose d’étudier plus tard ce problème. Ce qu’il y a d’intéressant surtout dans la caverne de Lherm, ce n’est pas la présence de l’innombrable quantité d’ossements ap¬ partenant aux espèces que j’ai déjà signalées : c’est la présence des débris de l’industrie humaine et de l’homme lui-même. Comme débris de l’homme, nous avons trouvé sous une stalag- NOTE DE M. GARRIGOÜ. 341 mite très-dure et dont l’épaisseur varie entre 40 et 30 centimè¬ tres, qui n’avait jamais été brisée, et située entre les points O et IN, à l’endroit où la voûte s’abaisse subitement vers le sol, des molaires de lait, des molaires définitives, des incisives, des canines, une phalange, avec des débris d’Ours de toutes les tailles. Tout à côté, existaient en abondance des canines d’Hvène et des copro- îithes du même animal.—- Dans la salle de droite et dans les cou¬ ches tout à fait supérieures du limon, ainsi que dans la stalag¬ mite elle-même, existaient, comme nous l’avons le premier signalé à l’Académie des sciences de Toulouse, en séance du mois de jan¬ vier 1862, avec MM. Rames et Henri Filhol, des débris parfaite¬ ment reconnaissables de charbon. Sur deux points différents de ce gisement, dans notre première visite à la caverne de Lherm, j’ai trouvé deux couteaux de quartzite, complètement semblables à des couteaux de la même substance rencontrés par M. Noulet à la station antédiluvienne de Clermont (Haute-Garonne). Ces couteaux ont été malheureusement laissés dans la caverne, mais j’espère pouvoir les y retrouver. M. Rames possède du reste un fragment de quartzite paraissant parfaitement taillé. Avec ces ossements d’animaux d’espèces perdues, ces débris de charbon, ces couteaux de silex, ces débris humains, nous avons retrouvé des os, soit fragmentés, soit presque entiers, portant des traces que nous sup¬ posons avoir été laissées par la main de l’homme armée d’un instrument tranchant. Les premières pièces dont nous ayons à parler sont quatre crânes d’Ours, dont trois portent des fractures consolidées par un cal osseux. En même temps que ces fractures, existent sur les pariétaux de ces crânes des traits d’une finesse et d’une netteté parfaite, comme on peut en voir quelques-uns sur un crâne que je présente à la Société. Pour nous, nous ne saurions expliquer la présence de ces traits si délicats que par le passage d’un instrument très tranchant passé sur les pariétaux par la main de l’homme, dans le but de détacher la chair des os. On peut objecter, je le sais, et la chose est fort naturelle, que les traits dont je viens de parler sont l’empreinte des dents des carnassiers ayant rongé les os, ou le résultat de chocs subis par les os contre des pierres anguleuses. Je demanderai alors quels carnassiers peuvent avoir produit ces stries. Sont-ce les Hyènes? Je ne pense pas qu’on s’arrête longtemps à cette idée, surtout lorsqu’on sait que la trace laissée par la dent de ces animaux sur les os qu’ils ont rongés est large et profonde. Les grands Chats SÉANCE DE 13 AVRIL 18(33, 312 peuvent encore moins avoir produit des traits aussi fins. Je ne pense pas non plus qu’on puisse attribuer ces impressions à la dent d’un Chien quelconque. Elles ne ressemblent en rien à celles observées sur les ossements de Kjoekkenmoddings du Danemark, dont j’ai vu des échantillons dans des collections particulières de la Suisse, et que l’on attribue aux Chiens. De plus, si un grand carnassier avait rongé ce crâne, l aurait-il fait sans briser en quel¬ ques points la crête occipitale que nous voyons parfaitement in¬ tacte, et les os pariétaux eux-mêmes n’auraient-ils pas cédé sous les efforts de canines aussi formidables que celles des Lions, des Tigres et même des Ours. Mais, me dira-t-on encore, ces stries sur lesquelles j’insiste tant sont le résultat de chocs, de coups sur des corps aigus, au moment où le crâne, par une cause quelconque, aura été poussé en avant et entraîné au loin. Je répondrai que des chocs violents, brusques, saccadés n’auraient pas produit des traits aussi délicats, aussi ré¬ gulièrement dirigés que ceux que je signale? Nous arrivons à l’étude de ces mâchoires que nous avons sup¬ posées être taillées de main d’homme, et dont nous avons donné deux figures dans une brochure que la Société géologique nous a fait 1 honneur d’accepter. Lorsqu’avec la collaboration de mes deux amis, MM. Rames et Henri Filhol, nous avons publié notre travail, nous n’avions qu’un très-petit nombre de ces mâchoires ébréchées, que nous avons appelées des houes, nombre restreint, par rapport à celui que nous possédons actuellement, et qui, réuni à la quantité que j’ai pu voir et sauver chez quelques collection¬ neurs de Foix, peut aujourd’hui s’élever à plus de quatre-vingts, pour la caverne de Lherm. Dans ces mâchoires, deux faits saillants frappent immédiate¬ ment. Elles sont privées de leur branche ascendante, et la branche dentaire est taillée en pointe à partir de la moitié ou du tiers antérieur jusqu’à la partie la plus postérieure. Sur les faces de ces mâchoires, ainsi privées d’une partie osseuse considérable, se remarquent de nombreuses stries très-nettes, très-délicates, telles qu’on les obtiendrait en promenant sur un os frais un instrument tranchant. Presque toujours les canines sont en place sur ces mâchoires ; leur absence est une très rare exception. Si l’on examine l’aspect des bords de la partie osseuse enlevée, il reste incontestable, d’abord, que les animaux n’ont pas primiti¬ vement rongé ces os, car ils ne portent que très-rarement les traces d’impressions dentaires, et, lorsque ces traces se rencontrent, elles NOIE DE M. GÀRRIGOU. 313 s’y trouvent avec un caractère particulier que nous allons bientôt étudier. De plus, ces mâchoires ne peuvent pas avoir été brisées par des chocs reçus en tombant, ou étant soumises à une cause violente naturelle quelconque, car les détails que nous allons faire connaître n’auraient pas pu être produits toujours les mêmes, toujours d’une façon aussi régulière et aussi profonde par des causes variées. En étudiant les cassures et surtout leurs bords, nous les voyons tantôt ébréchés d’une manière étagée, tantôt formant une arête vive, allant d’une extrémité à l’autre de la cassure et s’arrêtant brusquement vers le tiers antérieur où existe presque toujours un angle rentrant vif. On dirait qu’une force agissant violemment, mais toujours dans le même sens, a détruit, en la fragmentant morceau par morceau, la masse osseuse. On dirait aussi que sur certaines mâchoires la même force, en agissant d’une manière plus brusque, a soulevé une lame osseuse dans la presque totalité de la longueur de l’os, et qu’une force conduite perpendiculaire¬ ment à la première, sur le point où la lame soulevée tenait en¬ core à la mâchoire, a détruit les points d’adhérence. Quelle explication peut-on donner d’un fait pareil? Pour nous, la seule manière d’expliquer ces cassures intelligentes, c’est de les attribuer à la main de l’homme, armée d’un instrument destiné à cet usage, et qui n’a pas été une scie, mais sans doute une petite hache spéciale. Je ne m’étendrai pas maintenant sur d’autres os fragmentés et travaillés venant de la caverne de Lherm ; nous en avons fait le sujet d’un article spécial dans notre brochure de l’homme fossile. Des deux savants qui ont aussi visité la caverne de Lherm, MM. Pouech et Noulet, ni l’un ni l’autre n’a refusé d’admettre la présence, dans cette caverne, d’ossements travaillés, car ils ont, de leur côté, parfaitement reconnu le fait. Pour ce qui regarde la théorie de l’un d’eux, dans laquelle il veut que les ossements aient été travaillés après coup, je ne ferai que mettre cette opinion en regard de l’étude de M. Milne Edwards sur la caverne de Lourdes, étude dans laquelle il prouve qu’il est impossible de travailler des os quand ils ont été enfouis déjà depuis un certain temps. Du reste, quand un os est-il plus propre à être travaillé qu’à l’état frais? A ce moment, une mâchoire taillée comme celles dont nous venons de parler ne serait-elle pas une arme redoutable par sa solidité et par la canine menaçante qui la termine? Un pa¬ reil outil ne pourrait-il pas aussi servir, à l’état frais et solide, à SÉANCE DU 18 AVRIL 1868. 3 Xk fouiller la terre, usage qu’il serait difficile d’en faire aujourd’hui sans risquer de voir l'os entier se briser dans les mains? 11 m’est très-facile de fournir une preuve aussi authentique que possible que ces mâchoires ont été travaillées à l’état frais. En effet, nous possédons deux de ces houes à bords artificiels parfai¬ tement nets_, incontestablement coupés et tranchés par la dent d’un carnassier. Ces traces dentaires coupant le bord tranchant sont un signe bien positif qu’il y a une différence d'âge dans les deux empreintes. Or, en géologie, on sait que de deux filons qui se coupent ou se croisent, le filon croisé est le plus ancien et le filon croiseur le plus récent. C’est ici le cas de mettre ce principe en application ; la coupure nette de la mâchoire est croisée, lacérée, mâchée par la dent d’un carnassier; cette coupure est donc plus ancienne que les traces des dents qui ont altéré sa netteté. Mais, pour qu’un animal ait rongé cette mâchoire, il fallait qu’elle fût assez fraîche pour qu’il pût en retirer quelque chose pour sa nourriture; si la mâchoire était fraîche à ce moment, à plus forte raison Tétait-elle lorsqu’elle a été ainsi façonnée par ia main de l’homme. D’autres mâchoires nous ont offert aussi des indications d’une autre espèce. Malheureusement nous n’en possédons que deux ; mais les caractères sont tellement nets que nous n’avons pu nous empêcher de les regarder comme des amulettes. Ces deux mâchoires nous ont présenté des trous parfaitement arrondis et par lesquels il était possible de faire passer un lien pour les suspendre. L’une d’elles est percée à trois endroits différents, deux fois dans la branche dentaire et une fois dans la branche ascendante. L’autre est percée d’un seul trou au sommet de la branche ascendante; de plus, toute la mâchoire étant parfaitement conservée et bien entière, le condyle seul est enlevé, probablement parce que la saillie qu’il faisait de chaque côté était gênante pour celui qui portait ce trophée. Ces deux intéressantes pièces appartiennent à M. Henri Filhol ; elles ont été trouvées avec les autres mâchoires, à toutes les hauteurs, dans le limon que nous avons fouillé. Tels sont les détails relatifs aux ossements que nous avons crus travaillés de main d’homme, et qui gisaient dans le sol de la ca¬ verne. Nous allons passer maintenant à l’étude d’une nouvelle série de faits, ceux relatifs à la présence du charbon et au mode de remplissage de la caverne et à sa formation. Pour MM. Raines, Henri Filhol et pour moi, il reste bien évi- NOTE DE M. GARR1GOU. ai 5 dent que la formation de la caverne date du soulèvement général des Pyrénées, époque à laquelle se rattache le redressement de cette longue ligne de calcaires crétacés dont nous avons parlé déjà. Nous n’avons pas encore retrouvé là ces immenses failles pouvant être souvent poursuivies jusqu’à la partie granitique de la chaîne, coupant chacune, suivant des angles différents, d’après le système auquel elle se rattache, la direction O. 18° N., qui est celle de la chaîne. Ici rien de pareil à la faille qui traverse la vallée d’Ussat et la grotte des Echelles, et qui a été le point de départ de cette caverne ainsi que de celles de Sabart et de Niaux ; rien de semblable non plus à ce que nous voyons à Bédeillac et à Boui- chéta, ni à ce qui s’est passé dans certaines cavernes des Hautes et des Basses-Pyrénées, toutes creusées dans des failles ou des pseudo-strates se rattachant à des systèmes de soulèvement. Nous admettons avec M. l’abbé Poueeh que c’est bien par suite du plis* sement de ce calcaire qu’a été fermée et ouverte cette caverne; nous pouvons admettre aussi les deux mouvements successifs dans les calcaires, mais le second ayant eu lieu bien avant l’époque quaternaire. Le mode de remplissage de la caverne de Lherm n’est pas in¬ différent et inutile à étudier, car il n’est pas le même dans toutes les salles. Dans les parties élevées, la stalagmite, quelquefois molle, un terreau noir et gras, une couche de guano, et du pospliate de chaux pur ou mélangé à une terre argileuse, forment le sol sur lequel on marche. Dans les parties déclives, salle G et salle N, O, P, les os, si souvent entiers, sont intimement mélangés au limon, contenant aussi des rognons de silex très-nombreux, de grosseurs différentes, des stalactites brisées, assez rares il est vrai, mais dont plusieurs fragments me sont passés dans les mains, et du charbon que l’on retrouve au niveau supérieur des couches argileuses. Le limon ossifère que M. le professeur Filhol a examiné est constitué par une argile grisâtre, qui, lorsqu’on la délaye dans l’eau, laisse un sable dans lequel on trouve de petits grains arrondis de fer oxydé, analogue au minerai de fer en grains qu on exploite dans bien des pays. L’acide azotique étendu produit une effervescence marquée lorsqu’on le verse sur cette argile. Le mode de remplissage par l’eau a été accepté par M. l’abbé Poueeh; mais comment explique-t-il la présence d’un limon dans certaines parties de la caverne? C’est par la pénétration à travers les fissures que l’eau provenant de la fonte des neiges et des pluies du printemps aurait comblé les parties déclives en entraînant devant elle charbon, limon, cailloux calcaires et siliceux, sia- 316 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. ladites brisées et ossements gisant déjà sur le sol de la caverne. Pour produire un phénomène comme celui-là, il faut qu’il soit arrivé d’un seul coup une masse d’eau très-considérable. Mais alors qu’est-ce donc que cette inondation pluviale? Si cette pluie est bien tombée, par où aura-t-elle pénétré? Est-ce par les fissures? Mais alors, au point où l’on peut atteindre ces fissures, et que M. l’abbé Pouecli n’a pas manqué de visiter, il doit exister des nids et des dépôts de limon. Qui a pu jusqu’ici en signaler? Est-ce l’entrée actuelle de la caverne qui a été le lieu d’introduction de ces pluies torrentielles? Mais alors où l’eau aura-t-elle puisé les matériaux que contient le limon et qui ne se trouvent pas dans les plateaux supérieurs, et pourquoi l’eau aurait-elle choisi pour point d’écoulement l’extrémité la plus éloignée de la montagne de Lherm, qui n’est certes pas la plus déclive, et précisément l’en¬ trée de la caverne? Des pluies annuelles, pénétrant aussi par des fentes supérieures, auraient-elles pu produire les effets dont nous venons de parler? Il faudrait toujours trouver sur le pourtour des fissures des nids de limon, que personne n’a encore vus, et de plus il est incontestable que des pluies pénétrant en abondance tous les ans au printemps, comme le dit mon collègue, en entraînant du limon et des ossements, auraient formé une série de couches se superposant d’une manière régulière. Or, je le demande, quelques-unes des nombreuses personnes qui ont fouillé dans la caverne de Lherm ont-elles pu distinguer plusieurs séries de couches superposées dans le limon? Pour ma part, je n’y en ai vu aucune. Quant au charbon que nous avons déjà signalé, voici quelle origine lui donne M. l’abbé Pouech. Pour lui, ce charbon pro¬ viendrait d’un incendie des forêts de l’Ariége, qui aurait eu lieu sous Théodoric, et notre collègue pense que le charbon peut avoir été entraîné dans la caverne par un courant d’eau assez violent pour éroder la terre sous la stalagmite, etqu’ainsi il n’est pas éton¬ nant de le trouver mêlé au limon et jusque dans les os d’animaux, car il en a retrouvé dans un fragment de fémur de grand Chat. Je supposais que la stalagmite avait été brisée et examinée par M. l’abbé Pouech sur une assez grande étendue pour lui per¬ mettre de voir que le charbon existe dans cette ouverture calcaire elle-même, ce qui détruit complètement son hypothèse. Mais en supposant que nous n’ayons pas porté notre attention sur ce fait, je pourrais opposer à la théorie de mon collègue un nouvel argument. Quel est le cours d’eau assez rapide qui aurait pu creuser la terre sous la stalagmite et remanier ainsi le limon abrité NOTE DE M. GARRTGOU. 317 par une couche calcaire de 30 centimètres d’épaisseur sur certains points? Je pense qu’on n’invoquera pas un cours d’eau supérieur disparu depuis les temps historiques, car où en aurait été le lit, que seraient devenues ses alluvions et ses cailloux roulés? On en retrouverait quelque part une trace. Admettons que ce cours d’eau supérieur ait existé, mais que, par une série d’événements particuliers son lit et ses dépôts et ses cail¬ loux roulés aient disparu, et que le limon de la caverne soit la seule trace de son existence. Je demanderai alors qu’on se rap¬ pelle un moment l’analyse de ce limon faite par M. le professeur Filhol, et la coupe géologique de M. l’abbé Pouech, coupe que l’on doit reconnaître comme exacte, car on connaît la haute va¬ leur de mon collègue dans ces éludes minutieuses et délicates. La partie inférieure du massif de la montagne de Lherm est formée par une dolomie grenue, et la partie supérieure parle cal¬ caire siliceux dans lequel est creusée la caverne. Entre ces deux couches et au-dessus de la caverne, puisque celle-ci se trouve dans le calcaire supérieur, est une couche ferrugineuse pisolitique. Puisque le limon de la caverne contient en abondance de ces pisolites, et cela à toutes les hauteurs, comment expliquer leur présence, si c’est un courant passant par les crêtes supérieures où n’existe plus cette couche ferrugineuse qui a causé le comblement de la caverne? Nous avons montré plus haut qu’il faut aussi renoncer à l’hy¬ pothèse des eaux pluviales qui, il faut bien le croire, n’ont jamais été assez fortes et surtout assez rapides sur ces points pour former des courants creusant la terre et remaniant le sol de la caverne sous la stalagmite elle-même. En admettant la supposition d’un cours d’eau ayant agi depuis les temps historiques, un seul peut être accusé des ravages théo¬ riques dont nous avons parlé. Ce cours d’eau, le plus rapproché, seul existant près de la caverne de Lherm, coule actuellement à 70 ou 80 mètres au-dessous de l’entrée de la caverne. Est-il pos¬ sible que, depuis les temps historiques, un cours d’eau, aujour¬ d’hui à peine visible, ait eu une crue assez forte pour faire monter son niveau à une telle hauteur, sans que le souvenir en soit resté parmi les peuples et nous ait été transmis par l’histoire? Et puis, enfin, si le cours d’eau invoqué avait introduit secondairement le charbon dans la caverne en en remaniant le contenu au-dessous de la stalagmite, trouverions-nous cette dernière toujours aussi intimement appliquée à la surface du limon, et faisant en quelque 318 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. sorte pries avec lui. N’y aurait-il pas des espaces complètement vides ayant permis le passage et l’écoulement de l’eau? Pour nous, nous supposons que la caverne de Lherin ouverte avant l’époque quaternaire a été habitée par les Ours, les Hyènes et les grands Chats, en même temps que l’homme vivait dans ces contrées. Pendant une certaine partie de l’année, ou peut-être même pendant toute l’année (il ne nous est pas possible de pré¬ ciser ici comme on l’a fait pour la caverne de Massat (Ariége) et autres), l’entrée de la caverne était sa demeure, tandis que les carnassiers pénétraient dans cet antre profond par une ouverture aujourd’hui inconnue, comme l’a si bien fait voir M. l’abbé Pouech. À cette entrée de la caverne, l’homme dépouillait les animaux qu’il tuait à la chasse pour se nourrir de leurs chairs et travaillait leurs os pour s’en faire des outils et des armes. Une par¬ tie de ces os travaillés ou non travaillés étaient laissés de côté, en¬ tassés dans quelque coin de la salle supérieure, A, B, C, ou au de¬ hors. Les Hyènes, probablement en l’absence de l’homme ou peut- être pendant la nuit, venaient dérober quelques-uns de ces débris encore recouverts de lambeaux de chair pour les dévorer non loin du pied de l’escarpement où l’on place actuellement les Echelles. C’est là, en efï'et, que nous avons trouvé, comme il est dit dans la brochure de l’homme fossile, des amas d’os brisés et de coprolites d’Hyène. Pendant que ce carnassier habitait ce point de la ca¬ verne, les Ours hivernaient peut-être, comme l’a dit M. l’abbé Pouech, dans le couloir J, K. Les choses duraient ainsi depuis un certain temps, lorsque commença l’époque quaternaire avec ses grands phénomènes diluviens. L’un de ces phénomènes, le premier probablement, se manifestant dans les vallées de l’Ariége, dont les niveaux n’étaient probablement pas alors les mêmes qu’aujourd’hui, les eaux purent atteindre, soit subitement, soit peu à peu, l’entrée de la caverne, et pénétrant dans les parties déclives elles entraînèrent surtout dans ces parties G. H. et F. O, avec le limon qu’elles amenaient, tout ce qui se trouvait sur leur passage et qui put être mélangé aux débris existant déjà dans ces salles. Pour moi ce grand phénomène diluvien ayant occasionné le remplissage de nos cavernes situées le plus haut au-dessus du ni¬ veau actuel de l’Ariége, et dont la faune est constamment la même, Ours, Hyène, Lion, Rhinocéros, etc., est le même que celui qui, érodant le miocène, donna à la vallée de l’ Ariége, dans la plaine, les gigantesques proportions que l’on peut encore étudier aujour- NOTE DE M, GARRIGOU, 319 d’hui. Aussi n’est-il pas surprenant de retrouver dans le diluvium de cette immense vallée des débris, fort rares il est vrai, se ratta¬ chant à la faune des cavernes que nous avons décrites. En s’appuyant sur ce phénomène, qui, je crois, est le seul que l’on puisse invoquer, il est facile de comprendre l’entassement confus des os dans le limon de la caverne de Lherm, la conserva¬ tion presque complète de bon nombre d’entre eux, car ils ne venaient pas de loin, et le mélange du charbon trouvé par l’eau à l’entrée de la caverne, dans un foyer probablement disparu à cette époque. On peut aussi expliquer aisément de cette façon la pré¬ sence de quelques stalactites ébréchées et légèrement roulées, de rognons de silex provenant du calcaire crétacé lui-même, et enfin aussi l’introduction jusque dans les couches supérieures de ces pisolites amenés du dehors avec le sable et l’argile que nous avons déjà signalés. A l’appui de notre manière de voir sur les ossements à la surface desquels nous avons cru reconnaître le passage de la main de l’homme armée d’un instrument tranchant, nous invoquerons certains faits relatifs à la caverne de Bouichéta, faits que nous n’avons pas encore publiés. Bon nombre d’ossements venant de cette caverne portent des empreintes que nous supposons avoir été produites par le tranchant d’un instrument de silex : ainsi un avant-bras à peu près complet d’un Bœuf, très-grand, qui pourrait bien être le Bison européen; une mâchoire de très-grand Fc lis avec sa denture, taillée i comme celles de Lherm, et portant aussi de nombreuses stries assez profondes, rectilignes, et fines; une série de mâchoires d’ U rsa s spelæus , taillées de la même façon que celles du Felis; trois demi-branches dentaires d’une Hyène. Avec ces objets, je possède encore une moitié inférieure d’hu¬ mérus de Rhinocéros tichorhinus , rongé sur la tête articulaire par un carnassier à dents larges et robustes, l’Hyène probable¬ ment, portant tout autour de la cassure du milieu de la diaphyse une série d’empreintes qui me paraissent être le résultat des coups frappés pour casser l’os ; de plus, sur les bords de la cassure, du côté externe, existe une série de traits longs, délicats et profonds, se croisant dans tous les sens, et paraissant semblables à ceux que j’ai déjà indiqués comme étant le résultat probable du passage d’un instrument tranchant. On trouve encore là des os de Bœufs, le Bison européen pro¬ bablement encore, fendus comme ceux de la caverne du Maz 320 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. d’Azil et de celle de Bruniquel, sans doute dans le but d’en extraire la moelle. Dans la caverne du Maz d’Azil (Ariége), comme nous l’avons déjà fait connaître à l’Académie des sciences de Toulouse, nous avons trouvé trois couches d’âges différents, l’une relative à l’Ours et au Lion, l’autre au Mammouth et au Rhinocéros, employée tout entière, avant qu’on ait pu l’étudier, pour l’empierrement d’une route, une troisième, enfin, de l’âge du Renne. Dans la couche où abondaient les ossements d’Ours et de Felis, a été trouvée, par M. Henri Filhol, une phalange d’Ours percée de part en part aux deux têtes articulaires, et portant sur les côtés laté¬ raux de la diapliyse une série de traits également distants, et ayant incontestablement la même origine que les trous des extrémités. Dans le gisement de l’âge du Renne, nous avons trouvé avec des silex taillés des ossements de Renne portant de nombreuses entailles, d’autres sciés sur une partie de leur longueur, d’autres enfin très-nettement cassés dans la diapliyse, les têtes articulaires étant restées parfaitement intactes. Je me résume ainsi : 1° La caverne de Llierm date, quant à sa formation définitive, d’une époque antérieure à la période quaternaire. 2° Puisque les débris de l’homme et de son industrie se trouvent pêle-mêle à toutes les hauteurs (à part le charbon qui est dans les couches supérieures) atteintes jusqu’ici, dans un même limon non remanié, il faut les considérer comme datant de la même époque. 3° La partie de la caverne contenant le phosphate de chaux et qui est plus élevée a été comblée d’une façon particulière et que nous ne connaissons pas encore aujourd’hui. â° Le remplissage de cette caverne dans les parties déclives, et contenant pêle-mêle, dans un limon particulier, l’Ours, le grand Chat et l’Hyène des cavernes, ainsi que des ruminants et d’autres animaux, avec les traces d’une industrie humaine et de l’homme lui-même, est dû à un phénomène diluvien ayant atteint des proportions considérables, et probablement au commencement de l’époque quaternaire. 5° Mes recherches, faites en commun avec MM. Rames et Henri Filhol, tendent à confirmer les faits prouvant déjà l’existence contemporaine de l’homme et de certaines espèces animales per¬ dues quand commença l’époque quaternaire. M. Emile Benoît fait la communication suivante : NOTE DE M. BENOÎT. 321 Note sur les dépôts erratiques alpins clans l’intérieur et sur le pourtour du Jura méridional ; par M. Emile Benoît. (PI. YI.) La formation des terrains les plus récents est encore un sujet de controverse en géologie, parce que l’intervention du phénomène erratique glaciaire est tantôt admise, tantôt niée ou trop restreinte. Il faut donc chercher les éléments de la question dans les faits qui prouvent l’extension des glaciers et décèlent les fonctions du phé¬ nomène erratique. Le Jura méridional offre des particularités très-favorables à l’étude du phénomène erratique. Je vais essayer de les faire con¬ naître. Il y a longtemps que de Saussure a distingué les diverses pro¬ venances des cailloux et blocs erratiques des environs de Genève, de tout le cours du Rhône et des vallées qui descendent des Alpes. Il est évident que les matériaux alpins sont descendus par plusieurs passages, et que l’un d’eux franchit, à l’ouest de Belley, la pointe méridionale du massif jurassique réduit là à une seule chaîne (quant au relief), celle du bas Bugey. On trouve dans le Jura méridional les débris de toutes les roches des Alpes, depuis les Pennines jusqu’à la Tarentaise. 11 y a eu convergence sur le bassin de Belley suivant la déclivité géné¬ rale des contre-forts des Alpes, et il y a ici cela de particulier, qui ne se retrouve nulle part ailleurs, c’est que les matériaux erra¬ tiques ont franchi la barrière jurassique non par la cluse du Rhône, qui est sinueuse et très-étroite, mais par-dessus la barrière en question et dans tout l’espace compris entre la cluse du Rhône et le Molard-de-Don. On trouve, en effet, sur les deux flancs et sur l’axe de cette chaîne des matériaux erratiques alpins de toute nature, de toute grosseur et à toutes les hauteurs. On peut en poursuivre la piste sans interruption jusqu’à leurs points de départ dans les Alpes et jusqu’à leurs points d’arrivée dans la vallée dauphinoise et bressane. Les matériaux erratiques alpins sont répandus à profusion dans le bassin de Belley et font suite à ceux des vallées subalpines ; la plaine dauphinoise est toute parsemée de matériaux alpins que l'on poursuit jusque sur les collines de Lyon, jusque sur le plateau de la Bombes, jusqu aux collines qui bordent la Saône, jusqu’aux environs de Châtillon-sur-Chalaronne, jusqu’à la colline du Seillon près de Bourg en Bresse. Soc. géol ., 2e série , tome XX. 21 322 SÉANCE DU 13 AVRIL 18(53, Il y a encore des recherches à faire au sujet de la dispersion des matériaux erratiques dans la vallée du Rhône; par exemple, il y a des raisons pour penser que les blocs des environs de Lyon ne sont pas tous venus par le passage du Bugey. Dans tous les cas, l’agent de transport qui a passé par le Bugey était un glacier, qui, comme i ceux d’aujourd’hui, obéissait à la déclivité de sa surface et s’évasait en éventail sitôt que cessait l’encaissement par les montagnes. La chaîne du Bugey, vue de la plaine dauphinoise, apparaît comme le représente la première figure de la planche ci-jointe. 4 La crête est ondulée et offre en face de Groslée et Saint-Benoît une large dépression, dont la plus faible altitude est de 533 mè¬ tres, c’est-à-dire de 316 mètres au-dessus du cours du Rhône, près de Belley. Une vallée longitudinale toute parsemée de blocs i alpins innombrables et souvent énormes, suit le flanc de Molard- de-Don, depuis Inimond jusqu’à Charvieux; l’altitude la plus élevée où l’on trouve les matériaux alpins étant de 950 mètres, ce n’est pas trop d’assigner une altitude de 1100 mètres à la sur¬ face de l’agent de transport. Or, si l’on tire une ligne horizontale il AB à cette altitude de 1100 mètres par-dessus l’axe de la chaîne du bas Bugey, on aura sur la partie la plus basse de cette chaîne, altitude 533 mètres, une épaisseur de 567 mètres à donner à i l’agent de transport, cette épaisseur allant en diminuant de chaque | côté sur un front de 21 kilomètres que l’on compte du Molard à t la cluse du Rhône. Avec ces données, on peut calculer la section du k courant qui passait par là. Etait-ce de l’eau? Etait-ce de la glace? 1 Aux partisans de i’idée de transport torrentiel, je dirai de multi- i plier la section du courant par une vitesse quelconque, mais ca- : pable de transporter des blocs, et de chercher ensuite les sources ^ de l’alimentation. A moins de verser les mers sur les Alpes . ; , cette idée nous conduit à des choses incommensurables, à des ] quantités qui effrayent l’imagination. J’aime bien mieux suivre l’idée simple et naturelle de i’exten- ü sion des glaciers, phénomène dont la cause, il est vrai, est encore < inconnue, ce qui, d’ailleurs, n’a rien d’humiliant pour l’espèce : humaine. Si l’on admet qu’il n’y a eu, comme je le crois, qu’une seule il époque glaciaire, l’extension de tous les glaciers du globe, telle que nous pouvons l’apprécier et même Lexagérer, n’aurait pas i absorbé une quantité d’eau équivalant à un abaissement d’un millimètre du niveau des mers. Or, en y mettant le temps, il n’est pas absurde de supposer que, dans des conditions climatériques particulières et transitoires, les agents atmosphériques ont pu i NOTE DE M. BENOÎT. 323 accomplir sur quelques points très- restreints de la surface du globe une accumulation de glace suffisante pour combler les dé¬ pressions jusqu’à une certaine hauteur, et laisser aux couches su¬ perficielles de ces masses congelées cette plasticité fluante qui aurait fonctionné d’une façon si grandiose et partout si conforme aux lois qui régissent l’allure des glaciers actuels. Quant à l’époque de grand froid dont on a parlé, je n’y crois pas. De nombreuses considérations tirées de la paléontologie des animaux et des végétaux terrestres me portent à penser qu’il n’y a pas eu d’interruption dans les conditions cosmiques, mais seule- ; ment un abaissement passager des divers niveaux des lignes iso¬ thermes, cet abaissement ayant été plus prononcé dans les zones supérieures que dans celles rapprochées de la surface terrestre, ou la chaleur solaire a eu sans interruption la même action , sauf, bien entendu, les influences contraires dues au voisinage des glaciers. La cause de cet abaissement des lignes isothermes, ou de ce rétrécissement des zones thermales atmosphériques, est, je le répète, encore inconnue, et il ne faut pas la chercher dans quel¬ ques perturbations des lois de la nature. Dans toute la région qui nous occupe, l'arrangement des maté¬ riaux erratiques dans les montagnes, les vallées et les plaines, atteste les fonctions des glaciers. Depuis les moraines encore actuellement en voie de formation jusqu’à l’extrême migration des blocs, c’est partout la même chose; bien que les faits soient variables, iis sont partout répétés identiquement. La part qui revient à l’agent gla¬ ciaire est partout distincte de ce qui peut être attribué, soit à des transports torrentiels antérieurs ou précurseurs, soit à des lavages et remaniements par des cours d’eau sous-glaciaires, soit à l’agita* tion aqueuse qui a naturellement succédé aux glaciers. Il y a donc dans les terrains les plus récents diverses conditions de formation qu’il faut dégager de la complexité apparente dans l’agencement i des dépôts. Sur le terrain, avec l’idée de transports exclusivement j torrentiels, on est arrêté à chaque pas par des contradictions; au ! contraire, avec l’idée de l’extension des glaciers, combinée avec une action torrentielle concomitante et inévitable en pareilles con¬ ditions, on se rend compte facilement et partout des faits les plus compliqués en apparence, mais réellement disposés d’une façon très-simple et très-naturelle. La séparation des terrains quaternaires et tertiaires est quelque fois difficile à établir, parce que la série mollassique se termine çà et là par des couches graveleuses, et parce que l’époque quaternaire débute par de puissants ravinements et remaniements. Il y a trois SÉANCE DU 1 3 AVRIL 1863. 324 sortes de dépôts caillouteux à distinguer : 1° ceux qui sont tertiaires et qui sont toujours formés d’éléments roulés, en majorité cal¬ caires, quelquefois impressionnés, provenant en grande partie des chaînes extérieures des Alpes; 2° ceux qui sont transgressifs sur tous les terrains stratifiés; ils contiennent beaucoup de quartzites | et autres roches du voisinage de l’axe des Alpes et sont les précur¬ seurs du phénomène glaciaire; 3° ceux qui sont nettement erra¬ tiques, avec houe et blocs, et proviennent autant des contre-forts que de l’axe même des Alpes. Quelquefois il y a une ligne non équivoque de séparation entre ces trois natures de dépôts, mais le plus souvent il y a enchevêtrement par suite de remaniements. Dans les montagnes, tant des Alpes que du Jura, ce sont les dé¬ pôts purement erratiques, glaciaires, qui dominent en surface et en épaisseur; dans les grandes vallées, ce sont les couches caillou¬ teuses qui prennent le plus d’ampleur ; il y a transition de l’un cà l’autre de ces deux états de choses dans les vallées afflüentes ; mais partout les deux dépôts sont arrangés de telle sorte que l’un paraît évidemment comme le précurseur de l’autre, et que tous deux sont inséparables. Or, le dépôt inférieur, qui a tous les ca¬ ractères deformation torrentielle, qui est, comme l’erratique pro¬ prement dit, différent d’une vallée à l’autre par l’association de ses éléments, peut se poursuivre de proche en proche jusque dans les grandes vallées extérieures, où il fait cesser l’incertitude sur la ligne de séparation de ce qui est quaternaire d’avec ce qui est tertiaire, y compris surtout les couches graveleuses qui terminent la série mollassique et qui sont quelquefois relevées sur le flanc des chaînes. Il faut donc tenir compte d’une intervention de mou¬ vements orographiques successifs et probablement lents, combinés avec une action torrentielle croissante, mais interrompue pendant un temps indéterminé rapportable à la fin de l’époque tertiaire. En résumé, je crois que l'invasion des quartzites indique le com¬ mencement de l’époque glaciaire ; que leur grande abondance hors des Alpes s’explique par la préexistence, dans les hautes vallées alpestres, de cailloux arrondis ou disposés à l’être par une décom¬ position épigénique, comme on en voit à présent. Lors de l’extension des glaciers, les Alpes avaient au moins leur relief actuel. Y a-t-il eu concordance entre cet exhaussement des grandes chaînes et l’extension des glaciers? C’est probable. Alors les deux phénomènes se sont produits assez brusquement, car l’ar¬ rangement des matériaux erratiques étant identique sur de vastes surfaces, les glaciers ont dû débuter à la fois sur les petites et sur les grandes chaînes, à la fois sur le Jura et sur les Alpes. Il faut NOTE DE M. BENOÎT. 325 savoir que toutes les surfaces envahies par les glaciers offrent des dépôts caractérisés par un mélange confus de matériaux de di¬ verses provenances, de toute grosseur, de boue et de blocs, situés à toutes les hauteurs et à toutes les distances, même les plus extrêmes. Après l’extension des glaciers, vient le retrait, par temps d’ar¬ rêts indiqués par des moraines échelonnées et encore en place. Une modification, peut-être faible, dans la cause paraît avoir suffi pour anéantir les glaciers sur de grandes surfaces. Les dépôts erratiques sont partout placardés de telle sorte, qu’on ne peut se refuser à reconnaître que le véhicule qui les a charriés obéissait avec une plasticité extrême à toutes les ondulations du sol; que les glaciers se sont moulés sur tous les détails des reliefs; qu’ils n’ont que très-faiblement modifié, et seulement par un travail torrentiel sous-glaciaire , le fond sableux et peu cohérent des grandes vallées; que pendant et après leur ablation, il n’y a eu aucune action torrentielle violente capable de modifier les reliefs des vallées. En d’autres termes, je crois que dans les régions en¬ vahies par les anciens glaciers, le relief actuel du sol est tel qu’il a été abandonné par les glaciers. Pour mieux préciser encore, je dirai que je ne crois pas qu’il y ait eu des époques singulières où l’action torrentielle ait alternativement changé de rôle et se soit traduite tantôt par le creusement, tantôt par le comblement des vallées. Je pense, au contraire, que partout l’ensemble des terrains les plus récents montre que les transports torrentiels et les érosions sont deux choses toujours dépendantes l’une de l’autre ; que dans chaque localité l’analyse des couches fait rapporter chacune d’elles à l’une ou à l’autre des phases initiale, moyenne et finale d’un phénomène géologique, cosmique peut-être, complexe, tempo¬ raire, dans lequel l’extension des glaciers sur quelques points du globe vient s’intercaler et marquer en quelque sorte un maximum d’intensité dans la cause et les effets. S’il en a été ainsi, la cause de l’extension des glaciers étant na¬ turellement corrélative avec une surabondance d’alimentation pluviale, combinée avec un abaissement passager des lignes iso¬ thermes supérieures, on concevra que de vastes surfaces, plus ou moins éloignées des grandes montagnes, aient subi une influence climatérique telle, que l’époque où elle s’est manifestée est géné¬ ralement appelée diluvienne (1). (1) Il y a dans les dépôts de cette époque bien des choses qui ne sont pas encore expliquées. Par exemple, dans les vallées de la Seine, 326 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. La dernière configuration du relief des vallées s’est faite à l’époque de l’extension des glaciers; la preuve se trouve dans la disposition du limon post-glaciaire , sorte de manteau limoneux ou sableux, nullement de formation torrentielle, qui couvre de ses lambeaux lacérés tous les détails du relief des basses vallées et qui s’élève jusqu’à une certaine hauteur partout assez nettement marquée, par exemple à 330 mètres d’altitude sur les chaînes et vallées jurassiques qui bordent la Bresse, soit environ 160 mètres au-dessus du Rhône à Lyon. Là où il repose sur les dépôts erra¬ tiques, ce limon s’y lie toujours par des passages insensibles, par des mélanges intimes et même par des intercalations de blocs, cailloux et graviers, ce qui indique une succession immédiate et une concomitance dans l’apport de gros matériaux encore erra¬ tiques, et dans la déposition de matériaux fins, boueux, limoneux, résultant d’inondations qui ont suivi le commencement du retrait des glaciers. Ce limon est répandu superficiellement sans traces de stratification, bien que l’eau ait ici recommencé son rôle sédi— mentaire; il est donc un dépôt calme, nullement torrentielle dernier venu dans la région qui nous occupe (1). Il est variable de composition minéralogique selon les bassins et les affluents; ainsi, quand il est sableux, on en trouve toujours la cause dans la nature sableuse des terrains tertiaires ou erratiques des collines voisines ou des bassins situés en amont. Il existe ou manque par places et plus ou moins largement sur les bordures des cours d’eau de l’Yonne, de la Marne, comment ont été transportés les nombreux blocs ayant jusqu'à 3 et 4 mètres cubes qui sont noyés dans les couches sableuses et graveleuses de ce qu’on appelle diluvium gris et diluvium rouge , deux choses qui me paraissent inséparables? N’y aurait-il de probable que des radeaux de glace et des débâcles peut- être annuelles? L’époque de ces transports coïnciderait- elle avec celle de l’extension des glaciers? Peut-on voir dans tout cela autre chose que les effets variables d’une cause générale ayant eu des phases de croissance et de décroissance ? (4) Une particularité qui prête à l’équivoque doit être expliquée ici; c’est que dans la Bresse, surtout dans la partie élevée de la Bombes, le limon superficiel [limon jaune ) englobe çà et là des cailloux de quartzites épars dans sa masse, bien qu’il n’offre nulle part des traces de stratification ou des indices d’actions torrentielles. Il faut remarquer que ces cailloux rayonnent un peu autour des buttes gra¬ veleuses ou erratiques, et affectent toujours une diffusion plus grande dans la direction du sud au nord, comme si leur dispersion s’était faite par quelques glaces flottantes détachées des flancs des buttes par des débâcles périodiques. NOTE DE M. BENOÎT. 327 actuels, où il s’est fait, soit clés érosions capricieuses, soit diverses fluctuations à la fois érosives et sédimentaires, soit encore des terrasses riveraines disposées suivant l’allure décroissante des cours d’eau et placées en retrait d’autres terrasses formées partiellement de lits graveleux lavés et de lentilles avec boue et blocs, qui sont évidemment de formation sous-glaciaire et antérieure; le tout formant un ensemble de faits continus qui nous donnent la tra¬ duction de ce qui s’est passé depuis l’inondation boueuse qui a suivi le retrait des glaciers jusqu’à l’établissement du régime actuel des eaux; on voit, en effet, encore intactes les traces des dernières divagations des cours d’eau et les berges aujourd’hui insubmer¬ sibles des dernières phases de l’époque quaternaire. Le dépôt limoneux post-glaciaire doit être et est, en effet, abon¬ dant sur les surfaces planes et les petites dépressions; il se placarde sur les pentes douces, mais devient très-diffus ou manque sur les pentes plus prononcées ou plus élevées de niveau. Il est répandu infiniment plus loin que les dépôts erratiques de fort volume. Très-développé dans la Bresse, la plaine dauphinoise et la vallée du Rhône, il l’est peu à l’est du Jura, sauf sur quelques fonds des grandes vallées de la basse Savoie et sur les basses collines et petits plateaux voisins du Rhône depuis Fort-l’Ecluse jusqu’aux portes de Genève et au delà par Ferney, Divonne, Nyon, jusqu’à Rolle, de même que sur le bas plateau du Chablais, rive gauche du lac de Genève ; mais dans ces régions au delà du Jura il est beaucoup plus calcaire et grisâtre qu’en deçà dans la Bresse et le Dauphiné, i où il est généralement jaune, ferrugineux et argileux, ce qui s’explique par l’emprunt qui a été fait aux résidus argileux et ferrugineux résultant de la désagrégation séculaire des roches de l’oolite du Jura voisin, résidus encore très-abondants partout et que l’on voit descendre de la montagne dans la Bresse sur plusieurs points semés de fragments siliceux et poreux provenant de la dalle nacrée , et appelés charveirons par les gens du pays. Il est évident, pour moi du moins, que le limon post-glaciaire est le résultat d’une lévigation peu agitée par des eaux réparties en divers bassins, et provenant, soit de la fusion des glaciers qui a été certainement assez lente, soit de la continuation affaiblie ou modifiée du phéno¬ mène atmosphérique qui alimentait ces mêmes glaciers. Cependant l’établissement d’une nappe d’eau lacustre sur la Bresse et la plaine dauphinoise est impossible avec l’écoulement actuel de la vallée du Rhône. Je ne présume pas qu’une barrière existait vers le bas de cette vallée, là où elle se rétrécit beaucoup; il est plus probable que le fond bressan et dauphinois était un 328 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. peu plus bas qu’actuellement. Ce qui peut le faire penser, c’est que dans l’intérieur des chaînes du Jura, les traînées de blocs alpins pénètrent si loin et se maintiennent à de telles altitudes, qu’un assez faible exhaussement régional du massif jurassique devient probable, mais sans modification des détails des reliefs; la Bresse, voisine du Jura, aurait naturellement participé un peu à cet exhaussement^ qui n’a pu être que lent et postérieur à l’ex¬ tension des glaciers, dont il aurait déterminé le retrait si, par un mouvement de bascule, un abaissement même faible des Alpes y a correspondu et fait diminuer l’alimentation des glaciers, ques¬ tion encore bien hypothétique, je l’avoue. Cependant §cette hypothèse concorde avec des faits d’un autre genre. Par exemple, dans la Bresse, tout ce qui est quaternaire a eu un cheminement de S. au N., en sens contraire des cours d’eau actuels. Le dépôt de cailloux roulés, sables et graviers où les roches alpines, surtout les quartzites dominent, qui constitue ce qu’on appelle le conglomérat bressan , s’étend du S, au N., au delà de Bourg et finit en plusieurs pointes de menu gravier, qui ne dépassent pas une ligne transversale, tirée du Jura à la Saône, par Coligny et Pont-de-Vaux (1). Le terrain erratique, avec boue et blocs alpins, se superpose au précédent, mais ne va pas tout à fait si loin; il s’arrête brusquement avant Bourg, à la colline de Seillon, qui est une véritable moraine frontale avec gros blocs alpins. Ces deux dépôts ont ici une telle conformité d’allure et de progression, une telle constance d’association et de liaison intime, même quand ils sont en lambeaux isolés, qu’il est impossible d’y voir autre chose que les effets successifs d’une même cause. Le limon superficiel de la Bresse, que j’ai appelé limon jaune , parce qu’il est jaune, qu’on connaît dans le pays sous la dénomination de terre à pisé , passe par-dessus tout et se propage très-loin vers le N., en conservant longtemps tous ses caractères physiques et minéralogiques; il pénètre même dans la vallée jurassique du Surand, jusqu’à Yilléreversure et dans celle de l’Ain, jusqu’aux environs de Poncin, mais ne s’y élève pas au delà d’une altitude d’environ 330 mètres (2). (1) Esquisse de la Bresse (Bull, de la Soc. géol 2e sér. , t. XV, p. 329). (2) Il y aurait encore des choses bien intéressantes à étudier dans la région qui s’étend de la Bresse à l’Alsace. Par exemple, à la latitude de Lons-le-Saunier des dépôts de gros cailloux et de graviers appa¬ raissent de nouveau, mais on voit par la collection des roches qu’ils ne viennent pas des Alpes. Ce sont des quartzites, des granités, des NOTE DE M. BENOÎT. 329 Les considérations qui précèdent suffisent, je pense, pour donner une idée de l’état des choses et pour montrer qu’e/z deçà du Jura il y a encore beaucoup de choses à coordonner, qui exigeraient d’autres explications difficiles à introduire dans cette note que je m’efforce d’abréger. Passons maintenant au delà du Jura. Du Jura jusqu’aux Alpes les dépôts erratiques, glaciaires, sont partout répandus, et les preuves de l’extension des glaciers sont partout multipliées. Je ne répéterai pas les judicieuses descriptions qui ont été données par les nombreux auteurs qui se sont occupés des terrains récents de la contrée, depuis de Saussure qui cher¬ chait les ornières du char qui a transporté les blocs. Il me semble que c’est entre le Jura et les Alpes que le phéno¬ mène erratique, glaciaire, montre le mieux à la fois sa grandeur porphyres et d’autres roches cristallines très- variées, en fragments arrondis et roulés quelquefois de plusieurs décimètres cubes. Provien¬ draient-ils du plateau central? Je le crois. Généralement ils sont recouverts par le limon sableux, superficiel, diffus, dont nous avons parlé, mais ils se mélangent en bas avec des galets calcaires de prove¬ nance jurassique dispersés sur le bord de la Bresse par les latitudes de Poligny, Arbois, Mouchard. Le tout va en s’atténuant au loin vers le nord par la forêt de Chaux à l’est de Dole, et pénètre dans les vallées jurassiques jusque dans le voisinage de Besançon, où l’on trouve encore quelques cailloux et graviers épars. Mais le dépôt limoneux et sableux superficiel continue encore plus loin en empruntant une partie de ses éléments aux collines jurassiques de la contrée et en marquant des traînées visiblement dirigées du sud au nord, ainsi qu’on peut le remarquer dans la vallée qui va de Saint-Yît à Palente en touchant aux fortifications de Besançon. Des environs de Palente à Baume-les- Dames et même jusqu’à Clerval il y a interruption, et l’on ne voit dans les vallées et sur les pentes qu’un limon local plus ou moins sableux et caillouteux, exclusivement formé de débris de roches jurassiques et de résidus de leur décomposition séculaire. Mais à partir de Clerval, on commence à trouver des placards de cailloux vosgiens, venus du nord au sud, qui se multiplient au delà de Lille, deviennent plus abondants et plus mélangés de sable et de limon vosgien dans les environs de Montbéliard et, de là, vont se relier, à Belfort, à une espèce de barrage formé d’un entassement confus de menus et de gros fragments de roches exclusivement vosgiennes, très - décomposées , lequel barrage est, pour moi, une moraine frontale, la plus extrême de l’ancien glacier descendu du ballon d’Alsace, car elle se relie, des deux côtés de la vallée de la Savoureuse, par des traînées de blocs et menus matériaux, aux moraines intactes et parfaitement caractérisées de Giromagny et de la vallée du Puix. 330 SÉANCE DU J 3 AVRIL 1863, et sa simplicité, son unité et ses phases de croissance et de dé¬ croissance. Dans cette région, les dépôts postérieurs à tout ce que Fou connaît de plus récent en fait de terrains tertiaires, forment un ensemble de, parties différentes mais inséparables au point de vue de la chronologie géologique. Ces dépôts, les derniers venus, sont arrangés de telle sorte, qu’autant on a d’embarras quand on y cherche des époques alternatives et indépendantes d’érosion et de comblement, autant on voit les choses se simplifier quand on n’y cherche que les phases successives, également d’érosion et de comblement, d’une seule et unique époque géologique, remplie par le phénomène erratique glaciaire, avec ses préludes et son agonie. Il faut placer ici une autre question connexe, celle de l’orogra¬ phie. Je crois que les grands reliefs se sont produits ou ont achevé de se produire à l’époque de l’extension des glaciers et en ont peut-être été la cause ou une des causes. Dans la région jurassique et alpine, on ne connaît rien qui puisse représenter sûrement l’époque dite pliocène ; les terrains miocènes à faune falunienne sont fortement relevés au pied des Alpes et portésà de très-grandes altitudes dans l’intérieur du Jura (1), mais il y a incertitude sur l’époque de ces mouvements orographiques. On sait seulement par la disposition des dernières assises tertiaires (2), qu’ils ont été lents et successifs. Tout ce qui est quaternaire au delà du Jura ayant des carac¬ tères erratiques, on peut dire que c’est l’extension des glaciers qui a commencé l’époque quaternaire. Que la base des terrains de cette dernière époque soit souvent indécise, on le conçoit, puisque le phénomène erratique a naturellementcommencé par une action torrentielle et des remaniements ; mais qu’il y ait eu disconti¬ nuité ensuite, c’est ce qu’on ne voit nulle part, car on trouve par¬ tout une liaison intime entre tous les dépôts de transport. El en effet, l’extension des glaciers intervenant, ce n’est pas un motif pour exclure Faction torrentielle, au contraire. H y a donc eu concomitance des deux fonctions, et l’on conçoit que les enchevê¬ trements ou alternances de dépôts purement glaciaires, avec boue et blocs , et de lits sableux et graveleux résultant de matériaux glaciaires lavés et remaniés , soient plus fréquents dans les grandes vallées que dans les montagnes, où les dépôts purement glaciaires existent seuls à toutes les hauteurs et dans toutes les positions (1) Bull, de la Soc. géol.y t. XV, p. 326 et t. XVI, p. 378, (2) Ibid., t. XVII, p. 408. NOTE DE M. BENOÎT, 331 jusqu’aux moraines actuellement en voie de formation. Cela est surtout évident sur le bas plateau qui s’étend de Meillerie à Genève., sur celui de Saint-Julien, entre Genève et le Vuache, dans la vallée des Usses, dans toute la plaine ondulée du pays de Gex. Dans le pays de Gex, on voit très-bien que le long de la grande chaîne rectiligne du Jura, il y a eu de nombreux petits affluents torrentiels, puis glaciaires, qui ont fourni leur contingent pure¬ ment calcaire et qui ont fait connivence pendant longtemps avec l’agent plus énergique descendu des Alpes. La différence des ma¬ tériaux montre, en outre, qu’avant l’arrivée des blocs alpins au • pied du Jura, le Jura avait déjà ses glaciers propres, si grandement manifestés dans l’intérieur du massif ; on voit encore qu’à l’époque du retrait des glaciers, il y a eu divorce et nouvel isolement des glaciers du Jura, puis agonie de courte durée (1). S’il s’agissait de désigner une localité qui offrît le moins de complications pour l’étude du phénomène erratique et tous les éléments du problème, j’indiquerais le pays de Gex et la plaine adjacente jusqu’au lac de Genève, parce que là les matériaux al¬ pins et jurassiques ont convergé sur une direction d’écoulement qui longe le pied du Jura du N, au S. C’est en face qu’est le dé¬ bouché de l’ancien glacier du Rhône, d’où l’on peut suivre, comme l’a fait si judicieusement M. Guyot, la dispersion en éventail des blocs et menus matériaux descendus des Alpes. Le front du glacier est venu heurter le Jura et se déverser à droite et à gauche, au N. et au S. Dans la direction du N., les roches charriées ont fait jonction avec celles du glacier de l’Aar et pénètrent dans les val¬ lées du Jura suisse; c’est un sujet dont nous ne nous occuperons pas ici. Dans la direction du S., on reconnaît facilement que les matériaux erratiques ont d’abord cheminé suivant l’écoulement du lac de Genève et ont été alors très-mélangés de cailloux roulés ; qu’ils ont ensuite progressivement envahi la plaine, puis sont arrivés au pied du Jura en s'élevant de niveau et en devenant de plus en plus caractérisés par ce mélange extraordinaire de boue et de blocs, qui exclut absolument toute idée de transport torren¬ tiel. Tous les faits concourent sans exception à une solution très- simple et à la confirmation d’une cause unique, manifestée par l’extension des glaciers avec toutes ses conséquences naturelles et (J) Les glaciers des Vosges et de la forêt Noire se sont anéantis indubitablement à la même époque; dans les Pyrénées il y a sans doute analogie. 332 SÉANCE DU n AVRIL 1863. sujettes aux influences locales des reliefs et des cours d’eau de l’époque. Par exemple, dans le pays de Gex, où les choses sont très-sim¬ ples, on voit très-bien que lorsque le glacier du Rhône couvrait la contrée et longeait le pied du Jura, en laissant couler bas çà et là des boues, de menus fragments et des blocs, il y a eu aussi très-fréquemment des intercalations ou alternances de lits sableux ou graveleux évidemment dus à un lavage sous-glaciaire par une multitude de petits cours d’eau résultant de la fusion estivale ou diurne des nappes de glace; on voit encore qu’alcrs plusieurs petites rivières qui prenaient naissance sur les flancs du Jura, opé¬ raient aussi un travail de remaniement sous-glaciaire, creusaient leur lit dans les terrains meubles et préparaient largement les canaux qui sont encore parcourus par les rivières actuelles, com¬ parativement très-réduites. On voit encore que le limon post¬ glaciaire n’a nullement comblé ces canaux, bien qu’il en revête souvent les dépressions aussi bien que les collines de la plaine, qui est très-ondulée. Cet enchevêtrement de dépôts boueux et lavés, que l’on voit bien sur les grandes berges, prouve plutôt la simul¬ tanéité des fonctions diverses d’une même cause, que l’intervention de phénomènes géologiques différents et antagonistes. On voit encore très-bien dans le pays de Gex, de même qu’aux environs de Saint-Cergues, de Neuchâtel, etc., une particularité remarquable du phénomène erratique glaciaire : c’est l’apport au pied du Jura et jusque assez loin dans la plaine de matériaux erratiques, glaciaires, purement jurassiques ; c’est leur mélange progressif avec les matériaux alpins; c’est enfin la prédominance de ceux-ci avec leur cortège de blocs innombrables et souvent énormes. Il y a aussi, sur quelques points, le retour superficiel de nappes graveleuses et limoneuses à éléments purement calcaires, visiblement effectué lors du divorce des glaciers alpins et juras¬ siques; ce fait a son importance. Bans le ruz du Journan, près et en amont de Gex, on voit très- bien sur les berges du torrent (fig. U) que les matériaux jurassiques sont les premiers venus, et que le cirque elliptique qui s’ouvre au-dessous de la Faucille et du Colomby-de-Gex, a été le bassin d’alimentation d’un petit glacier qui a fourni son contingent de débris de roches et de blocs charriés jusqu’au delà de Gex ; ïoolite, qui affleure dans l’axe du cirque, a fourni les plus gros blocs, dont quelques-uns ont jusqu’à U mètres cubes. Entre Gex et Yesancy jusqu’au pied du Jura au-dessous de la fontaine Napoléon, on voit encore la préexistence des matériaux NOTE DE M, BENOIT. 338 erratiques calcaires avant l’arrivée des matériaux alpins. Un contre-fort néocomien, qui s’avance dans la plaine entre Yesancy et Divonne (fig. 3) et qui rompt ainsi la ligne droite du flanc du Jura, a joué un certain rôle et offre des particularités qui ne permettent pas l’équivoque et sont très-propres à limiter la discus¬ sion sur un espace étroit, tout en réunissant les éléments princi¬ paux du problème. Ce contre-fort, sorte de promontoire, est parsemé de blocs alpins innombrables et souvent énormes; la plupart sont à angles vifs; quelques-uns sont émoussés et striés; ceux de 1 à 10 mètres cubes ne sont pas rares ; le plus gros bloc que j’aie remarqué est situé en dessus de la route près de Yesancy en allant à Divonne; c’est un talcite dont les trois diamètres sont 3, 5 et 7 mètres, ce qui donnerait un cube de 105 mètres, qu’il faut réduire de moitié à cause de la forme irrégulièrement poly¬ édrique du bloc (1). Les blocs les plus nombreux sont des talcites, des protogines, des micacites, des grès micacés, des calcaires noirs, des quartzites, quelques euphotides et quelques roches dolomi- tiques. C’est, d’ailleurs, la même collection que dans tout le pays de Gex, où ils sont distribués avec une grande profusion, princi¬ palement le long du Jura où ils sont aussi généralement plus gros que dans la plaine. Sur la colline de Divonne il n’y a pas que des blocs, mais bien aussi de très-nombreux et très-épais placards de matériaux erratiques de toute grosseur y compris les blocs ; c’est, comme à l’ordinaire, un magma incohérent lié çà et là par une boue glaciaire abondante et souvent impalpable. Il est tout naturel qu’ici ces placards entourent et couvrent uu relief isolé au milieu d’une plaine, qu’ils soient mêlés à la base de lits graveleux et lavés, que le tout soit arrangé conformément à la poussée du glacier et à la résistance de l’obstacle, c’est-à-dire qu’il y ait en amont, à Divonne, une accumulation de matériaux placardés contre l’obstacle, et en aval, à Mourex, une autre accumulation plus diffuse se continuant en une traînée dans la plaine. Ces formes sont fréquentes. Au pied du Jura, à Yesancy, la traînée est déjà plus courte ; sur la partie élevée du contre- fort, là où il commence à se raccorder avec les escarpements grandioses du Jura, la traînée cesse brusquement, et cependant il y a là un revêtement si consi- (1 ) Il existe ailleurs de bien plus gros blocs erratiques ; par exemple, celui de plus de 100 mètres cubes qui repose sur la mollasse au bord de l’Arve en dessous de la route qui monte au Salève par Mornex; dans la vallée de Chamounix i! en est de bien plus gigantesques; on en cite un dans le bas Valais qui supporte une chapelle. SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. SBA durable de gros blocs et de menus matériaux alpins, que cela a tout l’air d’être une moraine déposée par le bord du glacier du Rhône, qui probablement subissait là une fusion plus ou moins active par la chaleur solaire concentrée dans le cirque de Gex formé par le contre- fort lui-même. Si ensuite on s’élève encore plus haut par le contre-fort sur le flanc du Jura, on voit les blocs alpins diminuer de grosseur, se mêler de plus en plus avec les éboulis de la roche jurassique, et enfin disparaître à une altitude que j’ai calculée être de 500 mètres au-dessus du lac de Genève ; ceci n’est pas une limite maximum, à cause de la rapidité de la pente et parce qu’on trouve des blocs alpins à une hauteur bien plus grande sur d’autres points du Jura. Le contre-fort de Divonne est coupé en deux masses par une petite vallée parallèle au Jura ; cette vallée n’a jamais pu avoir de cours d’eau et cependant les matériaux erratiques y sont arran¬ gés en terrasses assez nettement marquées en dessous de la route qui va de Vesancy à Divonne. C’est un très-petit exemple des terrasses sous-glaciaires, qui ont été modelées pendant l’extension des glaciers et qui sont restées en place et intactes, même dans les grandes vallées, où elles sont encore caractérisées par ce mélange incohérent de menus et gros matériaux intercalés plus rarement qu’on ne croit de lits graveleux et lavés, sans compter que ces terrasses sont disposées dans leur ensemble de manière à exclure l’intervention unique des agents torrentiels. Les stries sur les roches en place sont invoquées comme une preuve non équivoque du passage des glaciers. La colline de Divonne était donc bien disposée pour en recevoir. Il y en a, en effet, sur beaucoup de points de la surface dorsale, et on les voit bien sur les calcaires du néocomien inférieur et moyen, au bord des carrières, au fur et à mesure qu’on enlève les matériaux meubles et erratiques; souvent la roche est nivelée, comme rabotée ; les stries s’entrecroisent sous des angles très-aigus et leur direction générale est du N. E. au S, O, conformément à la poussée du glacier du Rhône en cet endroit, c’est-à-dire suivant une courbe à peu près concentrique à celle du lac de Genève ; cette courbe, depuis la vallée du Yalais, passe donc sur la colline de Divonne et devient tangente au Jura un peu au sud de Gex, où d’immenses entassements de matériaux erratiques, boue et blocs, tapissent la plaine et le pied de la montagne et, où l’on voit très-bien comment le glacier du Rhône à racolé sur son passage les matériaux jurassiques. Le pied du Jura à Gex est un point d’observation très-favorable NOTE DE M. BENOIT. 835 pour uo coup d’œil d'ensemble. Là le géologue a sous ses pieds les débris des dômes majestueux, des aiguilles gigantesques des crêtes des Alpes, qu’il voit se profiler au loin sur le ciel; il con¬ temple l’immensité des bassins d’alimentation découpés dans le réseau des Alpes par les profondes vallées du Rhône et de l’Arve et leurs innombrables ramifications. Des plaines et de basses collines tertiaires et erratiques entourent le lac de Genève. De l’autre côté du lac s’étend le bas plateau du Chablais, si unifor¬ mément nivelé et montrant partout les trois divisions cîu terrain erratique enchevêtrées et intimement liées entre elles, mais laissant toujours les lits caillouteux à la base, la boue et les blocs au milieu et le limon post-glaciaire à la superficie. Vers le nord au milieu de la vallée, le Jorat domine Lausanne et n’a pu faire obstacle à l’envahissement du glacier du Rhône dans la grande vallée des lacs de la Suisse. En deçà est la moraine de Roi le et de Bougy, bordant le lac et laissant entre elle et le Jura une large dépression toute parsemée de blocs, de boue et de limon; moraine latérale, montrant dans ses échancrures l’énorme épaisseur de ses couches graveleuses inclinées vers le Jura et déposées latéralement à l’époque initiale de l’envahissement des glaciers. Et le lac de Genève, pourquoi n’est-il pas comblé, puisqu’il est entouré d’immenses dépôts de transport? Tout simplement parce qu’il n’y a pas eu que l’intervention exclusive des agents torren¬ tiels; parce que, lors de l’envahissement des glaciers, le lac, peut- être plus grand qu’aujourd’hui, a probablement gelé d’abord, puis supporté le glacier du Rhône, eî, la surcharge aidant, parce qu’il s’est formé, dans tous les cas, un culot de glace compacte ou devenu compacte et immobile, qui a toujours rempli la dépression du lac. Voilà pourquoi la profondeur du lac est brusquement très- grande près de la rive convexe (elle tombe à pic à plus de 350 mètres à Meillerie), tandis que les matériaux ont été rejetés sur la rive concave pour former la moraine de Rolle, d’où la pente s’étend doucement sous les eaux du lac, contrairement à ce qu’aurait fait un cours d’eau ou même la poussée du glacier, si les glaciers avaient pu agir de façon à creuser les plaines. Le glacier du Rhône a donc suivi d'abord la direction du lac, puis fait jonction avec celui de l’Arve. Alors les deux glaciers, pro¬ gressant dans la plaine, ont mêlé leurs matériaux de transport diversement lavés et remaniés par une action torrentielle crois¬ sante, permanente et sous-glaciaire. Les matériaux de l’Arve restent bien distincts surtout par l’abondance des sables siliceux empruntés aux montagnes tertiaires du Chablais et du Faucigny, ainsi qu’on 336 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. le voit bien à Genève et autour de la colline de Cologny. L’arran¬ gement des matériaux en aval de Genève jusqu’au fort l’Ecluse, le triage et l’enchevêtrement des couches graveleuses, sableuses ou boueuses avec blocs, tout s’accorde bien avec les phases succes¬ sives de cette époque initiale de la formation du terrain erratique, époque à la fois d’érosion et de comblement, alors que des causes simples produisaient des effets bien variés suivant les accidents des reliefs, l’affluence des cours d’eau, le calme ou l’agitation en cer¬ tains lieux, la variété des roches charriées de toute part, au fur et à mesure que les glaciers progressaient en avant, se joignaient entre eux, ravinaient et remaniaient par leurs torrents sous-gla¬ ciaires aussi bien leurs premiers dépôts que les terrains tertiaires des vallées. Mais si les glaciers ont envahi la vaste plaine qui est entre le Jura et les Alpes, on pourrait croire qu’ils ont labouré les terrains meubles, tout culbuté devant eux, et finalement comblé cette plaine de matériaux erratiques jusqu’à la hauteur des blocs les plus élevés. Ce serait là une erreur. La plaine n’a pas été comblée de débris de roches, mais de glace seulement, car on ne trouve ni ici ni ailleurs les traces d’un creusement postérieur aux glaciers. Au contraire, tout est en place ; la boue glaciaire est encore dans les vallées, sur les collines, sur les flancs des montagnes; les stries n’ont pas été effacées sur la roche en place de la colline de Divonne ; on voit encore partout les intercalations capricieuses de couches graveleuses et boueuses, quelquefois contournées autour de blocs isolés. Partout ailleurs c’est la même chose. Il est évident que les glaciers se sont moulés avec une plasticité extrême sur les reliefs même les plus délicats des grandes vallées; que par suite d’une plus abondante alimentation ou d’un plus grand abaissement de la zone glaciale atmosphérique, ils ont brusquement pris posses¬ sion de leur domaine, envahi toute la plaine suisse, et sont venus se joindre à ceux, plus modestes, qui pendaient déjà sur les flancs du Jura. Alors leur masse fluente s’étale et serpente au milieu des reliefs, reçoit de tous côtés de nouveaux tributs, s'accumule et monte sans cesse entre les Alpes et le Jura. Des Alpes pennines à la Tarentaise, tout converge vers la partie la plus déclive de l’immense bassin, et se réunit dans le cirque de Belley ; mais bientôtla barrière de la chaîne du Bugey est surmontée et dépassée ; un plan général de glaces mobiles distribue ses inclinaisons depuis la crête des Alpes jusque sur la Bresse, et jusque sur les collines de Lyon, où la collection des blocs erratiques marque le point extrême de l’extension des glaciers alpins, y compris celui de l’Isère, qui a NOTE DE M. BENOÎT. 337 eu sa jonction avec celui du Rhône, à travers cette vaste plaine dauphinoise où les cours d’eau sous-glaciaires avaient quelquefois, dans leurs sinuosités, des directions inverses ou obliques à la poussée générale des glaciers, directions encore parcourues par les cours d’eau actuels. C’est donc une idée inapplicable que celle de cailloux déposés dans un grand lac , si déjà il n’y avait pas contra¬ diction entre la tranquillité des eaux d’un lac et la violence tor¬ rentielle capable de transporter des cailloux et des blocs. Combien de temps a duré l’extension des glaciers? Peu importe, probablement longtemps. Dans tous les cas, rien autre chose n’est possible avec l’arrangement actuel des terrains superficiels, qui est encore tel qu’il a été abandonné par les glaciers, tel qu’il résulte des fonctions du phénomène glaciaire. Le caractère le plus général de cet arrangement, c’est que les dépôts erratiques, avec boue et blocs, tout en étant partout répan¬ dus, sont cependant plus abondants sur les reliefs et les pentes que dans le fond des dépressions, où ils n’existent pas ou presque pas, et où l’on ne rencontre que quelques blocs épars ou très-rare¬ ment réunis en petits groupes isolés. Ces dépressions n’ont pas plus été comblées, puis creusées, que le lac de Genève. A cet égard on peut remarquer, par exemple, l’encaissement du Rhône entre Fort- l’Ecluse et Seyssel, le marais de Laveurs près de Culoz et la plaine adjacente jusqu’au lac du Bourget, la vallée de Virieux-le- Grand et celles qui entourent le massif mollassique de Belley, la plaine marécageuse qui s’étend d’Aoste à Morestel en Dauphiné, les plaines graveleuses qui entourent le confluent du Rhône et de l’Ain, etc.; nulle part on ne trouve des accumulations de blocs erratiques disposés comme résidus d’une érosion après un comble¬ ment, ni des ravinements ou des atterrissements torrentiels attes¬ tant que l’arrangement glaciaire a été modifié. On ne voit seule¬ ment çà et là que le ravinement encore en activité de quelques petites portions de berges qui deviennent escarpées; mais ce qu’on voit bien et fréquemment, tant dans la région montagneuse que dans les grandes vallées, c’est l’état intact et en place des dépôts erratiques, avec boue et blocs, depuis les rives des cours d’eau actuels jusque sur les collines ou chaînes encaissantes. On aura, selon moi, une explication très-simple et très-naturelle de tout cela, si l’on admet (la partie inférieure des glaciers actuels nous donne des indices à cet égard) que les couches inférieures des anciens glaciers, probablement par des causes d’immersion ou d’imprégnation aqueuse, de congélation diurne ou annuelle, per¬ daient leur plasticité, devenaient compactes et immobiles et, au Soc. géol. , 2e série, tome XX. 22 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. 338 fur et à mesure de l’avancement des glaciers, comblaient de puis¬ sants culots et de vastes nappes de glace inerte toutes les plaines des régions basses, comme cela a eu lieu dans l’emplacement des lacs de Genève, du Bourget, d’Annecy, de tous ceux de la Suisse (1), et cela, sans cependant faire obstacle à l’écoulement des eaux sous- glaciaires, en les aidant même dans leur travail de ravinement et de lavage. Alors, dans les hautes chaînes, toute la masse de glace restait mobile et fluente, comme dans les glaciers actuels, et obéis¬ sait à la poussée de sa masse même, aidée peut-être par une sorte de pulsation diurne probablement déterminée, soit par l’amplification de volume de l’eau des pores gelant et dégelant plus facilement sous l’influence encore peu connue des gaz dissous, soit par la pression de ces mêmes gaz alternativement dissous par l’eau d’infiltration et expulsés par la gelée. Mais dans les vallées profondes et dans les basses régions, la surface seule des glaciers gardait cette plasticité sur des épaisseurs plus ou moins grandes, variables selon les temps et les lieux, le tout se traduisant en une résultante ou poussée générale dans toutes les directions déclives. Alors cette surface mobile sur un vaste plan incliné cheminait sur un nivellement général de glace massive, profitait seule de l’abon¬ dance d’une alimentation incessante, et portait la boue et les blocs jusque sur l’extrême front des glaciers. C’est, en effet, une chose incompréhensible en dehors de la théorie des glaciers, que la similitude des dépôts erratiques avec boue, blocs et stries, sans aucun indice de triage et de stratifica¬ tion, sur tout le parcours, c’est-à-dire depuis la Bresse et les collines de Lyon jusqu’aux Alpes. Si les glaciers, chemin faisant, se sont déchargés par les bords sur les flancs des chaînes et ont laissé couler bas quelques blocs par quelques crevasses, on voit aussi que la charge complète est arrivée jusqu’aux extrémités, conti¬ nuellement grossie qu’elle a été par chacun des affluents, surtout par ceux des contre-forts des Alpes, qui arrivaient en contre-haut sur la traînée principale, s’y superposaient plus souvent qu’ils ne s’y accolaient. Tel a été, je crois, le mode de transport par les glaciers; il n’exclut pas l’action torrentielle, mais la réduit à son rôle réel, secondaire, accessoire, incapable de former des cônes de déjection, (4) La Baltique, gelée d’abord, n’a-t-elle pas supporté les glaciers de la Suède et de la Finlande et fait l’office d’un pont pour la migration des blocs sur la Russie, la Pologne et le nord de l’Allemagne? NOTE DE M. BENOÎT. 839 forme qui, d’ailleurs, n’existe pas dans notre contrée ni dans d’autres probablement. Plus tard, quand vint le retrait des glaciers, l’état actuel des terrains superficiels nous force encore à admettre que l’ablation des glaces s’est faite sans débâcle, mais seulement avec une crue d’eau qui a opéré avec calme une lévigation de toutes les surfaces et déposé le limon post-glaciaire dans les grandes vallées seulement et jusqu’à un niveau relativement faible. La cause des glaciers continuant de s’affaiblir et le niveau de la zone glaciale atmos¬ phérique se relevant progressivement, il s’est produit, soit une fusion nécessairement lente des glaces, soit des pluies encore abondantes au lieu de neiges, et par suite un entraînement sur les pentes et les plateaux des matériaux fins des surfaces montagneuses, qui ont ainsi fourni leur contingent au limon post-glaciaire. C’est, en effet, seulement dans cet ordre d’idées qu’on trouve l’explication rationnelle des variations incessantes de la nature minéralogique du limon superficiel selon les lieux et les conditions de son dépôt. Ainsi, quand on parcourt les lieux qui ont été envahis par les glaciers, on rencontre à chaque pas des particularités qui sont à la fois la négation de l’intervention exclusive des agents torren¬ tiels et l’affirmation des fonctions concomitantes, mais majeures et prédominantes, d’un agent solide et mobile, qui portait son action simultanément sur les sommets, sur les pentes et clans les vallées, avec une telle continuité et une telle similitude d’allures, qu’on ne peut, en fin de compte, se soustraire à la logique des faits et à l’accumulation des preuves au fur et à mesure que l’on étend ses investigations et que l’on se donne la peine d’explorer les détails locaux dans leur invariable répétition de formes. Nous avons traité des terrains erratiques qui sont en deçà , puis de ceux qui son au delà du Jura; voyons maintenant ceux qui sont dans le Jura. Le massif jurassique forme autour de Beiley (fig. 1 et 2) la bor¬ dure échancrée d’un bassin qu’il faut considérer comme un cloaque où convergeaient tous les glaciers descendant du long rideau des Alpes depuis les Pennines jusqu’à la Tarantaise, et c’est une chose remarquable que si cette mer de glace a eu son détroit par-dessus la chaîne du bas Bugey et s’est répandue de Lest à l’ouest sur la Bresse et la plaine dauphinoise jusqu’à Lyon, elle a aussi envoyé du sud au nord et au N. O. des traînées de matériaux, boue et blocs, dans les dépressions du Jura, ce qui implique un entasse¬ ment énorme de glaces dans le bassin de Beiley, c’est-à-dire en amont de l’obstacle formé par la chaîne transversale du bas Bugey. SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. SZÏO Cette localité est, d’ailleurs, tout à fait comparable à celle du bassin de Genève, et le mont de Parves près de Belley, est, par sa position, par l’abondance de ses placards erratiques, par la grosseur de ses blocs alpins, la répétition du Salève. Nous avons dit en commençant que l’altitude à laquelle est par¬ venue la surface des glaciers réunis sur le col jurassique de la chaîne du bas Bugey peut être fixée à 1100 mètres au minimum, c’est-à-dire à 883 mètres au-dessus du cours du Rhône. Au delà du Jura méridional l’altitude des blocs alpins augmente progressivement dans la direction des Alpes. Ainsi, au N. E. du Mollard-de-Don, qui est la dernière et la plus méridionale des crêtes jurassiques contournées par les glaciers des Alpes, s’élève le Grand-Colombier, qui porte de nombreux et volumineux blocs alpins jusqu’à une altitude de 1200 mètres (1) et est également un curieux témoin de l’ancien état de choses. Ces repères de l’ancien ne surface des glaciers des Alpes sont incontestables et parfaitement coordonnés. Partout l’arrangement des matériaux erratiques au milieu des détails des reliefs démontre que la surface des glaciers a serpenté au milieu des saillies montagneuses sur un nivellement général de glace compacte et immobile remplissant les dépressions. Le Jura méridional est coupé de l’est à l’ouest par une suite de gorges ou cluses profondes, étroites, sinueuses, qui livrent passage au chemin de fer de Genève à Lyon. Les dépôts erratiques alpins sont largement développés aux deux issues, à Rossillon et à Ambérieux, mais il n’y en a pas trace dans tout le trajet intermédiaire, sauf sur un seul point, à Tenay, où quelques rares cailloux alpins marquent la fin d’une traînée dont il sera question tout à l’heure et que l’on poursuit au nord sur la montagne par Chaney, Evoges et Haute- ville. Il est tout naturel que le fond du cirque de Belley à Rossillon soit encombré de dépôts erratiques. Mais Ambérieux est en deçà du Jura, sur le bord de la Bresse; il y a là les moraines avec boue et blocs d’Ambutrix et de Saint-Germain, le fond de cailloux et gros blocs de la gare du chemin de fer, la traînée qui supporte le village d’ Ambérieux et qui va s’étaler dans la plaine en prenant de plus en plus la forme cl’une terrasse et la structure des matériaux lavés et disposés en lits graveleux enchevêtrés. Puisque ces dépôts alpins ne sont pas venus là par la vallée du chemin de fer, qui est cependant le chemin le plus court et le plus direct, il faut qu’ils aient contourné la pointe méridionale du Jura; et en effet dans cette direction leur piste n’est pas interrompue. (1) Bull, de la Soc . géoL , 1858, t. XV, p. 335. NOT£ DE M. BENOÎT. m Dans le Jura, comme dans les Alpes, les dépôts erratiques sont partout semblables, à toutes les hauteurs et à toutes les distances; ils ont partout les mêmes allures et des arrangements qui deviennent parfaitement explicables quand on rétablit par la pensée les anciens glaciers sur tous les détails des reliefs. Seulement il faut comprendre aussi que le Jura a eu ses glaciers propres ; que dans sa partie méridionale ils ont été pendant un certain temps en connivence d’action avec les glaciers des Alpes; qu’enfin ce qu’il y a de plus différentiel, c’est la variation des collections de roches selon les bassins d’alimentation, selon l’isolement des traînées ou leur conju¬ gaison avec d’autres provenances. Il faut considérer aussi que les glaciers du Jura ont fonctionné isolément avant l’arrivée des glaciers des Alpes sur le flanc oriental du massif, avant le passage de ceux-ci par-dessus la chaîne du bas Bugey, avant et pendant l’évasement et l’insinuation des coulées alpines dans les dépressions béantes du réseau orographique du Jura. Il est donc tout naturel que les débris erratiques alpins soient quelque part superposés et mélangés aux débris erratiques purement jurassiques, et c’est, en effet, ce qui a lieu dans la terminaison méridionale des grands reliefs jurassiques dont le Molard-de-Don est la sentinelle la plus avancée. Il est donc tout naturel aussi que là où les glaciers du Jura n’ont pas pu s’étendre ou produire des atterrissements bien marqués, comme sur la chaîne du bas Bugey et ses pentes du côté de la Bresse, les glaciers des Alpes aient seuls déposés des matériaux erratiques mélangés seulement de débris racolés au passage, et c’est ce qu’on voit bien, par exemple, dans les environs de Seillonnaz, Onglas, Benonces, Soudon, Souclin et surtout à Lagnieu, où les moraines frontales qui se plient en arcs au nord de la ville, sont formées d’un mélange intime et confus de matériaux alpins, boue, cailloux et blocs, de roches de l’oolithe et du lias prises dans les flancs de la montagne voisine, et même de marnes bleues basiques remaniées avec la boue glaciaire. Quant aux glaciers propres du Jura, ils exigeraient, en raison de l’immense surface qu’ils ont envahie, une description spéciale qui ne peut entrer dans le cadre de cette notice. Dans le Jura, en dehors de la série des terrains stratifiés finissant à la mollasse marine sur un petit nombre de points, il n’y a rien qui ne soit erratique. Il y a dans le Jura la répétition de tout ce qu’on trouve dans les Alpes quant à l’agencement des matériaux de transport, de telle sorte que l’explication admise pour telle localité entraîne forcément les mêmes conclusions pour les localités voisines. Pour M2 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. peu qu’on veuille poursuivre les faits de proche en proche, on trouvera, je pense, le moyen de synchroniser, même dans les régions lointaines, tous les dépôts quaternaires, et l’on finira par reconnaître qu’il faut beaucoup moins les subdiviser qu’on ne l'a fait, que partout il y a eu unité et continuité de formation dans le temps et dans l’espace, mais avec des variations dans les effets d’une même cause, selon qu’il s’agit de surfaces élevées où les glaciers ont pu s’établir, ou de surfaces plus ou moins soustraites à l’intensité de la cause des glaciers, soit par leur faible altitude, soit par leur éloi¬ gnement des grands sommets, soit par leur position plus méridio¬ nale. Il est, en effet, impossible de concevoir, par exemple, que les glaciers des Alpes aient pu s’étendre j usqu’en deçà du J ura sans que le Jura lui-même ait eu aussi des glaciers à sa façon, sans que les con¬ trées environnantes aient subi au moins l’influence du voisinage. En poursuivant sur le terrain ce raisonnement logique jusque dans les contrées les plus lointaines, on est forcé d’admettre que la cause cosmique ou climatérique de l’extension de tous les glaciers du globe a été générale, et qu’il y a là, dans l’échelle géologique des terrains, un dernier trait bien marqué, après lequel le passage à l’époque actuelle ne se fait plus que par quelques dépôts très- restreints, à coquilles actuellement vivantes et presque toutes terrestres, tels que le lœss du Rhin, tels que quelques terrasses limoneuses insubmersibles des bords de la Saône, de l’Oignon, du Doubs et du Rhône en amont de Lyon, qui sont du même âge, tels encore que la couverte limoneuse des marais qui s’éten¬ dent des environs de Bourgoin au coude du Rhône près Cordon, et dont la formation s’est continuée jusque dans les temps actuels, de même que la terre argileuse des étangs de la Bresse, de même que les revêtements argilo-sableux qui descendent continuellement sur les pentes des terrrains meubles. Dans le Jura, les glaciers ont eu des allures très-variables dans la multiplicité des dépressions anticlinalesou convergentes. Comme dans les Alpes, l’abondance des matériaux erratiques est en raison de l’ampleur des bassins d’alimentation, de même que l’associa¬ tion des roches est en relation avec chaque bassin affluent. Dans l'ensemble orographique du Jura il y a çà et là quelques cirques isolés, quelques plateaux diversement ondulés et limités, sans pente bien sensible, où les glaces n’ont pas ou presque pas eu de mouvements, et où il n’y a pas de ces grands entassements de matériaux erratiques qui encombrent les grandes vallées et y figurent tantôt des moraines frontales barrant nettement le fond, tantôt des moraines à la fois frontales et latérales remontant très- NOTE DE M , BENOÎT. 3 1\% haut sur l’un ou l’autre côté des vallées étroites, tantôt des placards diffus et éparpillés sur les flancs des montagnes à toutes les hau¬ teurs et dans toutes les positions, lesquels placards constituent un sol meuble toujours indiqué par les taches de cultures et les fermes i isolées au milieu des surfaces rocheuses dénudées et déboisées. C’est, en effet, une chose digne de remarque, que la plus grande abondance des dépôts erratiques, avec boue, blocs et stries, soit i concentrée dans le haut Jura; que les chaînes moyennes n’y parti¬ cipent plus autant ; que les chaînes basses ou occidentales en soient presque privées ou n’offrent çà et là que des atterrissements gra¬ veleux, lavés, dépourvus de boue glaciaire, mais renfermant encore des blocs volumineux. Ces derniers dépôts marquent l’ex¬ trême limite du champ d’action des glaciers; ils prennent encore j des positions élevées sur les pentes tout en s’étalant à l’issue des | gorges; en les poursuivant vers les hautes régions on peut les relier de proche en proche et sans grandes interruptions aux dépôts glaciaires bien caractérisés ; au contraire, quand on les poursuit vers 1 aval on les voit prendre de plus en plus un nivellement par voie aqueuse ; tantôt ils sortent du massif, comme à Neuville, à l’issue des gorges de l’Ain; tantôt ils restent avec leur caractère mi-parti glaciaire et torrentiel dans les vallées intérieures, comme à Clairvaux et Champagnole ; tantôt ils s’étalent dans les plaines élevées, comme celle de Frasne à Pontarlier, comme celle de la Brevine, et s’y distribuent en nappes alternativement planes et ondulées avec des expansions moulées et relevées sur les dépres¬ sions du relief environnant, le tout étant arrangé de telle sorte, à divers niveaux au milieu du massif, qu’il faut l’intervention d’autre chose que les eaux courantes pour expliquer l’origine et les formes transitoires de ces dépôts superficiels. Ainsi, en généralisant les faits, on voit que les terrains quater¬ naires descendent des Alpes et du Jura, où ils ont des caractères purement erratiques et glaciaires, dans les vallées environnantes, où l’arrangement torrentiel devient progressivement dominant, mais se manifeste simultanément à des niveaux très-différents. Comme la cause d’un pareil phénomène n’a pu être restreinte à une seule petite portion de la surface du globe, on arrivera à reconnaître que l’époque glaciaire , comme nous l’avons dit, marque un dernier trait tout spécial dans l’échelle géologique des terrains. La question de l’extension des glaciers est depuis longtemps posée en géologie. Si, dans la région jurassique et alpine, l’am¬ pleur et la continuité du phénomène peuvent démontrer que tous SÉANCE DU 13 ÀVÎUL 1863. Wi les dépôts quaternaires viennent se ranger dans les phases succes¬ sives de cette époque glaciaire, singulière, qui a été unique, c’est dans le Jura méridional qu’il faut en chercher les plus belles preuves. Il y a là des faits particuliers, nulle part ailleurs [aussi bien marqués et groupés, qui établissent cet ensemble de causes et d’elfets, et montrent sans équivoque la concurrence des glaciers des Alpes et du Jura dans l’arrangement des terrains superficiels depuis les grands sommets jusque dans les plus basses vallées. Dans le Jura méridional, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est à la fois la grande altitude à laquelle les blocs et menus matériaux erratiques alpins ont été déposés et la longueur de leurs traînées dans l’intérieur du massif. Voyons ce qu’il en est à cet égard, en commençant par les plus grands reliefs. La chaîne du Reculet se termine brusquement à Bellegarde (fig. 5) par un dernier sommet qu’on appelle le Sorgia (Grand- Credo de la carte de l’état-major) et au pied duquel est un contre- fort enveloppant qui est le vrai Grand-Credo, masse à base mollassique percée par le tunnel du chemin de fer. L’énorme entas¬ sement de blocs et matériaux erratiques alpins du Grand-Credo a été signalé depuis longtemps. La collection des roches y est la même que dans le pays de Gex et provient aussi du glacier du Rhône; cependant au sud de Bellegarde, tant sur la Michaille que sur les basses collines de la Savoie, les roches du Rhône se mélan¬ gent bientôt avec un autre assemblage qui devient dominant dans les environs de Seyssel et provient du rideau des Alpes de la Tarentaise. Bien que les espèces soient à peu près partout les mêmes, on distingue facilement les provenances par l’abondance relative ou les variations de texture de telle ou telle roche, et il y a là un intéressant sujet d’études. Le Sorgia est très-peu contourné par les matériaux erratiques alpins, qui n’ont pas pénétré dans la vallée de la Valserine, car s’ils sont encore abondants à Lancrans, ils cessent à Confort, de même qu’à Châtillon-de-Michaille sur l’autre rive de la Valserine. Au-delà de cette limite il n’y a plus que des dépôts erratiques purement calcaires, jurassiques et néoco¬ miens, très- largement répandus des deux côtés de la Valserine, à Confort et à Montanges; ils proviennent du glacier de la Valserine, qui prenait naissance dans la vallée des Dappes au pied de la Dole et suivait le canal étroit, profond, rectiligne, qui longe le flanc occidental de la chaîne du Reculet. Cependant dans la petite combe longitudinale de Mantière, suspendue au flanc du Sorgia, à 500 mètres au-dessus de la Valserine, on trouve quelques cailloux et petits blocs alpins qui ont un peu dépassé la ligne de Confort NOTE DE M. BENOÎT» 3Zl5 et ont été apportés évidemment par une expansion du bord du glacier du Rhône, puisque la traînée part du Grand- Credo en entourant à mi-hauteur la montagne du Sorgia. Cette disposi¬ tion, la jonction bien nette sur le plateau de Confort et Lancrans de matériaux erratiques alpins venus à l’encontre de ceux du Jura, la boue, les blocs et les stries dans les dépôts des deux provenances, la configuration des reliefs locaux, tout enfin s’accorde avec l’ex¬ tension des glaciers et exclut toute autre explication. Ajoutons qu’il est difficile de savoir jusqu’à quelle hauteur les glaciers des Alpes se sont élevés sur les flancs du Sorgia du côté de Bellegarde, tant les pentes de cette montagne sont rapides et souvent abruptes entre 800 et 1200 mètres d’altitude. Les cailloux alpins les plus élevés que j’aie rencontrés sont au-dessus du Grand-Credo dans le bord inférieur du bois qui forme la ceinture du Sorgia, à environ 1000 mètres d’altitude, ou 700 mètres au-dessus de la perte du Rhône ; mais il est probable que les débris charriés n’ont pu se maintenir sur des pentes si roides, et que le niveau des glaciers montait un peu plus haut. Du Sorgia, la plaine de la Micliaille nous conduit au Grand- Colombier et nous montre les dépôts erratiques partout dispersés; les blocs y sont très-multipliés, et c’est en tout la répétition du pays de Gex quant à l’arrangement des matériaux jurassiques et alpins. La chaîne du Grand-Colombier (fig. 6 et 7) forme un long pro¬ montoire qui se détache du massif jurassique au sud et un peu à l’ouest du Sorgia. Les deux chaînes jouent un rôle semblable quant au relief, mais il y a cette différence, c’est que le Grand- Colombier est flanqué de matériaux erratiques alpins des deux côtés sur toute sa longueur qui est de 35 kilomètres, et, de plus, que ces matériaux ont cheminé du nord au sud sur le flanc oriental, c’est-à-dire suivant le cours du Rhône, et du sud au nord sur le flanc occi¬ dental, c’est-à-dire dans le Val-Romey. L’extrémité méridionale du Grand-Colombier à Culoz a donc été contournée, comme le témoigne un semis de blocs et cailloux alpins sur les saillies rocheuses de la montagne. Il y a donc autour du Grand-Colombier, dans les allures des dépôts erratiques, d’autres combinaisons que celles signalées autour du Sorgia ; elles sont aussi simples qu’évi¬ dentes sur le terrain. Le Val-Romey est une large vallée qui s’ouvre sur le cirque de Belley. Lorsque la surface des glaciers réunis dans ce bassin atteignait l’altitude de plus de 1200 mètres, puisqu’il y a des blocs alpins à près de 1200 mètres au Grand-Colombier, il est tout naturel qu’une expansion détachée delà masse glaciaire SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. 3 Â6 ait pénétré dans le Val-Romey, qui semble être un appendice du bassin de Belley, et dont le fond n’est qu’à 500 mètres d’altitude. Il est tout naturel aussi que ce rameau des glaciers des Alpes ait remonté le Val-Romey à l’encontre du petit glacier jurassique qui s’y était établi préalablemennt et y avait déjà déposé des matériaux purement calcaires, ainsi que cela se voit bien sur tout le pourtour du val, surtout le long du Grand- Colombier, où les matériaux alpins sont très-abondants, recouvrent les débris cal¬ caires en s’y mélangeant plus ou moins, et offrent une collection nombreuse de diverses roches, les blocs dépassant rarement 1 mètre cube et restant plus superficiels que les menus matériaux. Le petit glacier du Val- Romey a donc été annihilé, et la coulée alpine a pu franchir, au delà de l’Abergement, le point culminant ou col du val, altitude 1045 mètres, ainsi que l’attestent quelques cailloux et blocs, très-rares cependant, semés sur le parcours. On peut même rétablir sur le flanc du Grand-Colombier l’ancienne surface du glacier en notant de distance en distance la plus grande altitude des blocs. C’est ainsi, par exemple, qu’entre l’altitude de 1045 mètres au col du val et celle de 1200 mètres au Grand-Colombier, on trouve en un point intermédiaire, sur la colline d’Hotonne, entre les fermes la Raie et Ossèche, à 1100 mètres d’altitude, quelques petits blocs alpins qui marquent là un niveau de repère normal de la surface du glacier, dont le bord a été un peu dévié par la saillie de la colline, ce qui a produit aux environs d’Hotonne d’énormes entassements d’erratique où les blocs alpins de 1 à 2 mètres cubes ne sont pas rares (fig. 6). J’ai remarqué entre Hotonneet Songieu deux blocs demi-métriques de calcaire basique avec gryphées arquées, ce qui fait présumer que les gryphées du lias existent dans les Alpes dans la direction de la Tarentaise, où ce fossile n’a pas encore été signalé. A partir du col du val, la pente inverse du fond de la vallée conduit sur le plateau du Poizat, altitude 800 mètres, où les blocs alpins redeviennent un peu nombreux et très-éparpillés, en restant anguleux pour la plupart et atteignant au plus un demi-mètre cube; on en voit surtout une collection au bord de la forêt de sapins qui est au haut de la montée du Peney, chemin qui conduit de Nantua au Poizat; la partie du plateau où se trouve le village de Lalleyriat est aussi toute parsemée de cailloux alpins, d’où ils descendent sur Tacon. Le plateau en question se termine brus¬ quement par un abrupt échancré et des pentes rapides qui descen¬ dent au fond de la gorge suivie par la route de Nantua à Châ- tillon-de-Michaille; les blocs et cailloux alpins sont tombés assez NOTE DE M. BENOÎT. 3/j7 nombreux jusqu’au fond de cette gorge, comme on le voit au bas du lac de Silan, dans le ravin de la Tour, à Saint-Germain et à Tacon. De Tacon à Châtillon-de-Michailie, il n’y a pas de débris alpins, mais seulement des dépôts erratiques calcaires et locaux, ! ce qui prouve que les glaciers des Alpes n’ont pas pénétré par cette cluse ouverte cependant de l’est à l’ouest. Plus loin, vers le nord, on trouve encore quelques rares cailloux alpins dans la vallée de ! Belleydoux et Désertin; la pente générale ne s’opposerait pas à une telle extension des glaciers venus des Alpes et aidés par l’acti¬ vité des glaciers jurassiques environnants; mais il faudrait que la cluse transversale de Silan et Saint-Germain eût été comblée de glaces, ce qu’il n’est pas absurde de supposer, maintenant que nous connaissons les énormes épaisseurs des glaciers sur certaines grandes dépressions ou dans les grandes vallées. Dans ce cas, les glaciers des Alpes auraient pénétré jusqu’à une distance de 50 kilo¬ mètres dans l’intérieur du massif jurassique, par le Val-Romey et suivant une direction du sud au nord. Cette traînée est encaissée tout le long par le relief des grandes chaînes. Les matériaux alpins, boue et blocs, sont très-abondants dans le Val-Romey proprement dit finissant à l’Abergement, c’est-à-dire sur 18 kilomètres du parcours; il n’y a plus que des blocs et des cailloux de l’Aberge- ment à la cluse de Silan, c’est-à-dire sur un espace de 17 kilo¬ mètres; au delà il n’y a plus que quelques très-rares cailloux alpins sur les 15 derniers kilomètres. Une autre longue traînée de matériaux erratiques alpins pénètre dans le Jura à l’ouest du Val-Romey. Elle prend aussi naissance dans le cirque de Belley, à Virieux-le-Grand. Dans les environs de Virieux les matériaux alpins sont partout répandus ; c’est le bord et le fond du cirque. Au nord de Virieux est une gorge, d’abord étroite et ascendante, puis plus large et presque horizon¬ tale, qui conduit sur les hauts plateaux jurassiques. Jusque près de Thézillieu elle est encaissée par des pentes rocheuses très- rapides, couvertes d’éboulis encore actuellement en voie de for¬ mation et qui masquent tout ; cependant on trouve encore çà et là quelques cailloux et blocs alpins. A Thézillieu, altitude 850 mètres, le chenal devient une vallée encaissée par deux chaînes, et les blocs et cailloux alpins apparaissent plus fréquents. Quand on arrive à Cormaranche, Hauteville et Lompnes, les blocs et cailloux alpins sont réellement innombrables, surtout sur le flanc occidental de la chaîne qui fait la séparation d'avec le Val- Romey (fig. 8). Les matériaux erratiques alpins sont ici composés seulement de cailloux et blocs de moins d’un mètre cube; leur SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. 348 plus grande altitude à Ilauteville est de 900 mètres; ils sont épars sur les roches en place et quelquefois superposés à des placards d’erratique jurassique purement calcaire avec ou sans boue gla¬ ciaire. Si l’on se rappelle que la surface des glaciers des Alpes attei¬ gnait une altitude d’au moins 1300 mètres dans le centre du cirque de Beiley, où la plus grande alimentation provenait des Alpes de la Tarentaise, on trouvera tout naturel qu’une coulée se soit détachée de la masse, ait obéi à la poussée générale, et se soit épanchée sans obstacle jusqu’à Hauteville, en perdant 400 mètres d’altitude sur 17 kilomètres de parcours. Hauteville est au bord de la partie la plus large et la plus déclive (altitude 800 mètres) d’une vallée dont le fond plat n’a qu’une très-faible pente. Cependant les blocs alpins qui sont à 900 mètres sur le flanc de la vallée, à Hauteville, ne vont guère au delà de 3 kilomètres vers le nord et cessent en travers de la vallée entre Hauteville et Champdor; l’étude des lieux montre qu’ils ont été arrêtés là par l’occurrence d’une nappe de glaces jurassiques che¬ minant du nord au sud suivant la pente de la vallée, ainsi que l’attestent les nombreux placards de matériaux erratiques purement calcaires sur les bords et le fond de la vallée, comme sur les pentes des deux chaînes encaissantes. La résultante des deux coulées glaciaires, jurassique et alpine, s’est dirigée nécessairement à l’ouest sur un plateau qui n’a que 830 mètres d’altitude et qui raccorde le bas de la vallée de Brenod et Hauteville avec le haut de la vallée d’Aranc. Celle-ci ayant son écoulement du sud au nord, la chaîne des monts d’Ain, qui est séparative des deux vallées, s’abaisse et s’anéantit sur le plateau en question (fig. 8). Les nappes glaciaires réunies et dont la surface était au moins à 900 mètres d’altitude, à Hauteville, se sont donc transvasées à l’ouest, et c’est ce que démontre un semis de blocs alpins, assez rares, il est vrai, sur le plateau qui nous occupe et dans deux directions déclives qui en dépendent. L’une de ces directions se dévie au sud-ouest et conduit à Évoges (fig. 8), village placé dans une sorte de cuvette élevée et entourée de toute part de gorges profondes, excepté du côté de l’est par où elle se rattache au plateau erratique. A Évoges il y a de nombreux blocs alpins; les plus gros dépassent un demi-mètre cube ; plusieurs sont encastrés dans les murs des maisons et des jardins. Si l’on explore le pays très-accidenté entre Évoges et Tenay, en passant par Chaney, on rencontre encore çà et là quelques petits blocs et cailloux alpins qui continuent la traînée. L’autre traînée partant du plateau situé entre Hauteville et NOTE DE M. BENOIT. m Aranc va beaucoup plus loin et se dirige vers le nord, dans une large vallée bordée de grandes chaînes, celle des monts d’Ain à l’est et celle de Corlier à l’ouest. Cette vallée est tout encombrée de matériaux erratiques jurassiques, mais on y trouve aussi quelques cailloux alpins, très-rares, il est vrai; c’est un véritable bassin glaciaire jurassique, d’une longueur de 24 kilomètres depuis Aranc jusqu’au delà du lac de Nantua, où (fig. 9) la vallée est barrée par une large moraine frontale qui joinl la chaîne de Montréal à celle des monts d’Ain, et, à l’ouest (fig. 10], par une autre moraine frontale, arquée, parfaitement caractérisée, dont le goulet situé au moulin de Béard livre passage à l’Oignin, rivière qui prend naissance à Aranc et qui était autrefois le torrent sous- glaciaire de l’un des glaciers jurassiques les mieux limités et encaissés par les montagnes. Ce glacier avait naturellement, comme les rivières actuelles, son cçmal de décharge à l’ouest dans la vallée d’Yzernore, qui conduit sur le cours de l’Ain. Le fond de toutes ces vallées est partout encombré de matériaux erratiques jurassiques remontant sur le flanc des montagnes et se dispersant en placards isolés à toutes les hauteurs ; si ces dépôts sont en géné¬ ral très-sableux, surtout dans la moraine de Montréal et, plus bas, dans la vallée d’Yzernore, c’est parce que dans la région le coral¬ lien est très-crayeux, le kiinméridien très-dolomitique, tous deux peu cohérents et très-développés en surface. Il y a ici, dans l’agencement des terrains erratiques au milieu des accidents orographiques, un fait singulier à observer. Pour¬ quoi le lac de Nantua (fig. 10) n’est-il pas comblé? Il est caché presque en totalité dans la cluse étroite et escarpée des monts d’Ain, mais il entame un peu la plaine graveleuse qui longe le flanc occidental de la chaîne, et qui fut autrefois le fond du grand glacier qui nous occupe ; pourquoi les matériaux de transport qui se sont élevés à une grande hauteur autour de cette plaine, ne sont-ils pas descendus dans la dépression du lac, puisqu’à quelques mètres du bord de la plaine la profondeur du lac devient brusque¬ ment très-grande ? La raison en est bien simple : c’est parce que, comme le lac de Genève, le lac de Nantua a été tout d’abord comblé par un culot de glaces compactes, inertes et persistantes, qu’une alimentation venue de l’amont a renflé au point de faire combler le fond de la cluse et de constituer un obstacle à l’intru¬ sion des matériaux de transport dans la dépression du lac. Une action exclusivement torrentielle étant ici impossible, la théorie glaciaire s’affirme d’autant. Cependant dans toute la région qui est en vue à l’ouest du lac 350 SÉANCE DU 18 AVRIL 1863. de Nantua, on rencontre encore çà et là quelques rares cailloux et petits blocs alpins épars sur les roches en place, sur ou dans la croûte superficielle des placards erratiques, autour des moraines, au fond des vallées et sur les pentes des montagnes. Mais il est un point où les blocs alpins sont assez nombreux et assez gros pour marquer nettement un des bords du glacier à l’époque de sa plus grande extension; c’est celui (fig. 11) que j’ai signalé près de là crête et sur le revers oriental de la chaîne qui court entre Volo- gnat et Leissard (1). Il y a là une collection de petits blocs épars; presque tous sont anguleux ; les plus gros sont d’un quart de mètre cube ; les plus nombreux sont des talcites bien caractérisés, ou des talcites passant à la protogine, des diorites et des quartzites. Cette station de blocs alpins est à 44 kilomètres du bassin erratique de Belley et à une altitude de 760 mètres. La plaine du lac de Nantua étant à 4 80 mètres, c’est donc au moins 280 mètres qu’il faut donner à l’épaisseur de la nappe de glace qui couvrait cette plaine à l’époque de la plus grande extension des glaciers; l’am¬ pleur du bassin d’alimentation donne, d’ailleurs, la raison de cette épaisseur. Si l’on poursuit dans l’encaissement montagneux du glacier, on trouve encore quelques cailloux alpins épars dans la vallée d’Yzernore et sur le flanc de la montagne qui la sépare de celle du cours de l’Ain. Le témoin un peu volumineux le plus éloigné et le plus élevé que j’aie rencontré, est un bloc anguleux de talcite de 3/4 de mètre cube, qui gît près et à l’ouest du village d’Heyriat, à une altitude de 610 mètres et à une distance de 50 kilomètres du bassin erratique de Belley, d’où il provient, comme tous les autres débris alpins de la contrée qui nous occupe. La vallée d’Yzernore débouche sur l’Ain en amont de Thoirelte; l’encaisse¬ ment est partout très-escarpé; l’erratique jurassique est encore abondant au fond et sur le flanc des vallées; par places on remarque encore quelques cailloux et petits blocs alpins très rares aux envi¬ rons de Thoirette et, plus en aval, dans la vallée d’Hautecour, où je les ai signalés dans le temps (2). Si ces derniers débris alpins sont la suite et la fin de la traînée que nous poursuivons, ils ont suivi dans l’intérieur du massif jurassique un chemin sinueux de 85 kilomètres, sur lequel la surface des glaciers s’abaissait depuis l’altitude de 1300 mètres dans le bassin de Belley jusqu’à 300 mètres à Hautecour. Sur ce trajet, il faut bien remarquer 1) Bull, de la Soc. géol., 1 858, t. XVI, p. 1 1 8, fig. 3 et 4. 2) Ibid., 1858, t. XVI, p. 117. NOTE DI M. BENOÎT. 351 qu’à partir de Hauteville et Aranc il y a une véritable intrusion de blocs et cailloux alpins dans un glacier jurassique, de telle sorte qu’on peut dire que les glaciers du Jura ont relayé le transport des matériaux alpins après l’introduction de ceux-ci dans les hautes vallées béantes sur le bassin de Bclley. Ce fait se répète ailleurs dans le Jura et il est très-important à considérer; il explique l’étonnante dispersion des blocs alpins dans tout le Jura. Ces blocs existent, en effet, ailleurs que dans le Jura méridional; il y en a dans les enviions de Pontarlier. sur le plateau du Russey à l’ouest de la Chaux-de-Fonds et du cours du Doubs, et dans la plupart des vallées du Jura suisse. Les glaciers des Alpes, continués par ceux du Jura, ont été le seul agent de transport possible. Peut- être, comme nous l’avons dit, est-il survenu postérieurement un faible exhaussement régional dans le milieu de la longueur du massif jurassique, mais l’état des lieux laisse encore maintenant une pente suffisante et continue à la surface des glaciers supposés rétablis depuis les crêtes des Alpes jusque dans le Jura. Il existe dans le Jura méridional une troisième traînée de maté¬ riaux alpins bien plus curieuse encore; c’est la plus occidentale, sauf celle qui borde le massif du côté de la Bresse et se rattache à la plaine; c’est la plus courte, mais aussi la plus évidente, la plus continue, la plus pittoresque, la plus facile à étudier, enfin celle qui fournit les preuves les plus incontestables de l’extension des glaciers des Alpes dans le Jura. Cette traînée (fig. 12 à 18) suit l’axe rectiligne de la chaîne du bas Bugey, depuis le plateau d’ini- mond (fig. 13) dominé au N. E. par le Molard-de-Don, jusqu’à Charvieux (fig. 12), village placé au fond d’une gorge dominée au S. O. par la montagne de la Chartreuse de Portes. Cet axe n’est pas une arête, mais une combe étroite, une sorte de gouttière très-peu encaissée, presque horizontale, à fond un peu ondulé et restant à une altitude moyenne de 910 mètres. Ce chenal est litté¬ ralement tout parsemé de matériaux erratiques alpins épars ou rassemblés en entassements considérables. Sur le plateau d’Ini- mond les blocs alpins sont très-nombreux et souvent volumineux, depuis le bord de l’abrupt qui domine Belley jusqu’à mi-chemin de la Rivellière. Dans le voisinage de la Rivellière il y a des pla¬ cards formés d’un mélange de matériaux de toute grosseur, boue et blocs, provenant à la fois des Alpes et des flancs du JMolard, avec traces de lavage par de petits ruisseaux sous-glaciaires. De la Rivollière à Charvieux, les blocs alpins, souvent énormes, angu¬ leux ou émoussés, sont réellement innombrables. Il y a ici une collection particulière de roches alpines, différente de celle du 852 SÉANCE DU 18 AVRIL 1863. Yal-Romey, différente de celle qui est arrivée sur la Bresse et sur les collines de Lyon, au moins quant à la prédominance de telle ou telle roche; les blocs de protogine ne sont pas rares; les talcites sont les plus nombreux et les plus gros, car il y en a de 1 à 8 mètres cubes à une altitude de 890 mètres à l’est du signal de Portes; les quartzites sont aussi très-répandus et sont de toute grosseur, depuis le grain de sable jusqu’au bloc de 1 à 2 mètres cubes; la collection se complète par des diorites, des mioacites, des euphotides, des roches serpentineuses, des conglomérats quartzeux, des calcaires noirs, des schistes noirs, etc., etc. C’est, je crois, M. Thiollière qui a cité le premier un bloc de protogine à la Chartreuse de Portes, qui est bâtie sur un sommet isolé de toute part, à 1000 mètres d’altitude; comme on ne trouve autour du cloître aucun autre débris alpin, ce sommet étant évidemment resté au-dessus de la surface des glaciers, je crois que le bloc en question a été amené là par les anciens chartreux pour un usage inconnu, et qu’il a été pris sur le versant oriental de la montagne de Portes, où l’on voit d’autres blocs de protogine. Ce bloc a été récemment cassé pour servir à la reconstruction des fours de la Chartreuse, mais il en reste près de la porte principale deux morceaux qui forment ensemble 2 mètres cubes. La traînée en question a une longueur de 16 kilomètres depuis Inimond à Charvieux. Dans le milieu de son trajet, à la Rivollière, une petite interruption du bord du chenal a permis à une partie du bord du glacier de se déverser latéralement sur le flanc de la montagne et de déposer de nombreux et gros blocs alpins à Qrdon- naz et un peu plus bas sur le replat occupé par le hameau de Fays (fig. 19). La plus grande altitude des blocs alpins est de 950 mètres dans le voisinage de Portes et sur le flanc du Molard qui se raccorde avec le plateau d’Inimond. Mais ce flanc du Molard est trop escarpé pour que les blocs aient pu se maintenir au-dessus de ce niveau. Il nous reste à suivre une dernière traînée de matériaux erra¬ tiques alpins, c’est celle qui suit le versant occidental de la chaîne du bas Bugey. Les longs détails qui précèdent nous permettent d’abréger. Il ne s’agit, en effet, ici que de la bordure de la grande nappe de glaces qui s’est extravasée sur la plaine dauphinoise et bressane. Qu’il nous suffise de dire que les dépôts erratiques de la plaine se raccordent çà et là et sans interruption avec ceux qui sont placardés jusqu’à de grandes hauteurs sur les flancs de cette dernière chaîne jurassique; que les matériaux erratiques sont NOTE DE M. BENOÎT. 355 presque exclusivement alpins; qu’ils ont cheminé du S. E. au IN. O., tant sur le flanc de la chaîne, que sur la plaine adja¬ cente; que l’on rencontre partout, soit des placards avec boue et blocs, soit des blocs épars et souvent énormes ; que dans la plaine et la montagne des environs de Groslée et Lhuis les dépôts erra¬ tiques sont peu abondants, les blocs assez rares, parce que cette localité est placée sur le thalweg du courant glaciaire, occupé jadis par les glaces immobiles du fond; qu’au contraire les dépôts riverains des glaciers sont bien développés, avec boue et blocs, sur les flancs de la chaîne du bas Bugey, suivant une ligne qui passe sur les plateaux étagés de Cirin, Marchamp, Chosaz, Lomp- nas, Seillonnaz, Onglas, Benonces, Soudon, Souclin, Bessey etSo- lan près de Lagnieu (fig. 14 à 18). Ces localités intéressantes offrent les preuves les moins équivoques de l’ancienne extension des gla¬ ciers. Par exemple, à Lagnieu des moraines concentriques coupées par la route qui va à Ambérieux joignent la chaîne jurassique à îa colline de Bollerin, qui est toute parsemée de gros blocs et d’erratique boueux ; le cours du Rhône coupe des collines erra¬ tiques avec boue et blocs jusqu’au château de Ruffieux, qui est placé sur un pointement corallien raboté par les glaciers. Si l’on fait l’ascension de la montagne, on voit que le chemin qui monte de la plaine (altitude 200 mètres) sur la corniche oolithique qui supporte les ruines du château deSaint-Sorlin (altitude 280 mètres), coupe de petits placards d’erratique où l’on remarque quelques blocs et beaucoup de cailloux roulés alpins, jurassiques et néoco¬ miens, en lits inclinés et enchevêtrés avec d’autres lits d’éboulis local des roches oolithiques de la montagne. A partir du château jusque sur le plateau de la ferme Bessey (altitude 450 mètres), on marche sur un large et puissant placard d’erratique presque exclu¬ sivement formé de matériaux alpins, avec boue, blocs et nombreux cailloux roulés, les plus nombreux de quartzites. A la ferme ! Bessey, le dépôt a au moins 5 mètres d’épaisseur et se renfle en un bourrelet longitudinal sur lequel la ferme est bâtie. Là les I blocs alpins sont innombrables, presque tous anguleux ; plusieurs j atteignent de 1 à 4 mètres cubes; c’est la même collection de roches que dans le bassin de Belley ; les blocs de talcites sont les ! plus nombreux et les plus gros ; il y a aussi des micacites, des ! diorites, des euphotides, des protogines, des quartzites, etc. ; j’ai remarqué un bloc demi-métrique d’un grès mollassique très- micacé, et un autre bloc métrique provenant du trias des Alpes, formé d’un conglomérat de fragments roulés de diverses roches, telles que micacite à grandes lames de mica, grès et quartzites .SW. géoL, 2e série , tome XX, 23 354 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. ferrugineux et jaunâtres, rognons d’un beau vert et probablement de serpentine ou d’euphotide, etc,, le tout soudé par une pâte siliceuse grésiforme. Au milieu des blocs alpins sont aussi quelques blocs et fragments de roches oolithiques, coralliennes, kimméri- diennes, qu’on peut supposer de provenance locale, et de roches néocomiennes, dont la provenance paraît plus lointaine puisque le néocomien n’existe pas sur cette partie de la chaîne du Bugey. Le plateau erratique de Bessey montre les matériaux alpins s’élevant très-haut contre le pied d’un abrupt qui le domine dans la direction de Fay ; en suivant l’arête de cet abrupt vers le sud, on voit bientôt les matériaux alpins reparaître brusquement sur l’arête même ; le point précis est un petit plateau culminant (alti¬ tude 660 mètres) se raccordant à son tour avec la pointe d’une sorte de contre-fort ou promontoire qui descend du sommet de la chaîne du Bugey, entre Fay, où il n’y a pas trace d’erratique, et Souclin, où l’erratique alpin, avec boue, blocs et cailloux roulés, est largement développé. L’aspect des lieux et la position des matériaux erratiques montrent que le bord du glacier passait par¬ dessus les villages de Soudon et Souclin, en frottant le flanc escarpé de la montagne ; qu’il a été dévié à Souclin par un obstacle, le contre-fort en question, ce qui a déterminé à Souclin un dépôt de blocs, cailloux et boue analogue à celui de Bessey; que le point culminant du chemin qui va de Souclin à Fay par le petit plateau en question est l’endroit précis du passage du bord du glacier. Je signale ce point, cette petite plate-forme de quelques hectares de surface, comme offrant la preuve la plus simple et la plus incon¬ testable de l’ancienne extension des glaciers. Il y a là une traînée de placards d’erratique alpin, avec boue, blocs et cailloux, nette¬ ment limitée sur une corniche jurassique; cette traînée ne se propage pas du côté de Fay, malgré la déclivité immédiate de la plate-forme, parce que la poussée générale du glacier étant paral¬ lèle à la chaîne du Bugey, le bord s’est déversé sur le plateau de Bessey en coupant obliquement l’abrupt intermédiaire (fig. 15 et 16). Je mets une certaine intention à signaler sur cette plate-forme, près du chemin, un certain bloc de micacite, que je peux citer comme la pierre d’achoppement des théories diluviennes ; il est polyédrique et a 8 à 10 mètres cubes. C’est donc un témoin d’un poids très-respectable et avec lequel il faudra compter. Il s’est arrêté dans une position très-pittoresque, sur une saillie rocheuse, isolée, étroite, de 660 mètres d’altitude, ce qui donne 470 mètres au-dessus du cours du Rhône au pied de la montagne, 270 mètres NOTE DE M. COTTEAU, 355 au-dessus du point culminant du triangle oolithique qui forme la pointe septentrionale du département de l’Isère, sur l’autre rive du Rhône, &03 mètres au-dessus de la colline erratique du Seillon près Bourg en Bresse (distance 36 kilomètres, pente minimum de la surface du bord du glacier lm,12 pour 100), 321 mètres au- dessus de la butte de Chalamont en Dombes, butte erratique avec blocs alpins (1), la plus élevée du plateau de la Bresse (distance 22 kilomètres, pente minimum de [la surface du glacier lm,è6 pour 100). On pourrait faire une foule d’autres calculs analogues en prenant divers points de repères incontestables pour rétablir l’ancienne surface des glaciers lors de leur plus grande extension ; mais il est temps de mettre fin à cette note. M. Hébert expose divers échantillons Y Hemipneustes radia - tus recueillis dans la craie blanche, soit de Maeslricht, soit des Pyrénées, et fait remarquer les différences de conformation qui existent entre les individus de ces deux contrées : Y Hemipneustes africanus, dit- il, ne leur ressemble pas non plus, et il en serait peut-être de meme de Y Hemipneustes du S. 0. s’il était produit. Il en conclut que l’on a tort d’établir dans la craie blanche une zone caractérisée par Y Hemipneustes, et que par conséquent il n’est pas démontré que la craie de Maestricht existe dans les Pyrénées et dans le S. 0. M. Hébert ne croit pas que le Micraster brevis recueilli dans la craie des Pyrénées appartienne à cette espèce. M. Gotteau fait la communication suivante : Considérations s trati graphique s et paléontologiques sur les Echinides de l’étage néocomien du département de l’Yonne ; par M. Gotteau. Je viens de terminer, dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne , la description des Echinides de l’étage néocomien du département, j’ai pensé qu’il ne serait pas sans intérêt de présenter quelques considérations stratigra- phiques et paléontologiques sur l’ensemble de ce travail. L’étage néocomien parallèle à la formation jurassique traverse, comme elle, le département de l’Yonne du sud-ouest au nord-est, (l) Bull . de la Soc. géol 1858, t. XV, p. 332, fig, 6. 356 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. et forme une bande assez irrégulière, quelquefois interrompue, empiétant d’un côté sur les calcaires portlandiens, et sur d’autres points, recouverte çà et là par les sables si puissants de l’étage albien. Le terrain néocomien affleure et est exploité dans un grand nombre de localités ; partout il renferme des fossiles abon¬ dants et variés remarquables par leur belle conservation. Le point de contact entre la formation jurassique et la forma¬ tion crétacée est curieux à observer : bien que la stratification ne soit pas toujours discordante, on reconnaît à l’aspect de la roche qu’un temps assez long a dû s’écouler entre ces deux époques. Lorsque les premiers dépôts du terrain crétacé se sont formés dans le département de l’Yonne, les calcaires portlandiens qui servaient de rivage avaient acquis une certaine résistance, comme l’indique une surface inégale, corrodée, sur laquelle adhèrent souvent des Huîtres, des Serpules, et qui dans quelques localités est visible¬ ment perforée par des Pliolades. L’étage néocomien, étudié dans son ensemble et dans les pays où il est le plus largement développé, se divise en trois groupes distincts : 1° le néocqmien inférieur ou valangien ; 2° le néocomien moyen, ou calcaire à Echinospatagus cordiformis ; 3° le néocomien supérieur ou urgonien, comprenant les argiles ostréennes et les argiles bigarrées. Le néocomien inférieur ou valangien, si puissant en Suisse, aux environs de Sainte-Croix et de Neuchâtel, paraît manquer com¬ plètement dans le département de l’Yonne, ou du moins il n’est représenté que par une couche très-mince, blanchâtre, calcaréo- marneuse, riche en zoophytes et en bryozoaires, apparente seule¬ ment sur quelques points, notamment aux environs de Bernouil et de Cheney près de Tonnerre, et qui correspond assez bien aux mar¬ nes à bryozoaires signalées par M. Pictet à la partie supérieure du groupe valangien. Il est probable que la contrée qui nous occupe, à la fin de la période jurassique, émergeant du sein des eaux, constituait un vaste continent qui ne fut envahi par les mers néocomiennes qu’à l’époque où les dépôts du groupe valangien achevaient de se former. Si le terrain néocomien inférieur fait presque entièrement défaut dans le département de l’Yonne, il n’en est pas de même du néocomien moyen. Malgré le peu d’épaisseur de ses couches, il s'y montre avec une grande profusion de corps organisés fossiles : indépendamment des sauriens et des poissons dont les débris ne sont pas très-rares, nous connaissons plus de quatre cents espèces appartenant aux crustacés, aux mollusques, aux annélides, aux NOTE DE M. COTTEAU. 857 zoophytes, aux écliinodermes. C’est du néocomien moyen que pro¬ viennent la plupart des Oursins que nous avons décrits; quelques- uns, notamment Y Echinospatagus cordijormis , sont extrêmement abondants. Cette espèce, mentionnée par Lamarck sous le nom de Spatangus retusus , placée plus tard par Agassiz dans les genres Holaster et Toxaster , et à laquelle d’Orbigny a restitué le nom à' Echinospatagus cordiformis que Breyn lui avait donné en 1668, occupe un horizon constant, et caractérise parfaitement cette partie du terrain néocomien qu’on a désignée pendant longtemps sous le nom de calcaire à Spatangues. Le néocomien moyen présente, sur certains points du département de l’Yonne, un grand déve¬ loppement de zoophytes. Les genres et les espèces sont très-variés, et le plus souvent d’une admirable conservation. En même temps on voit se multiplier tous les genres qui se plaisent dans les stations coralligènes, des Gastéropodes, des Peignes, des Limes, des Spon- dyles et de nombreux Echinides. Le néocomien supérieur est beaucoup plus puissant dans l’Yonne que le néocomien moyen. Il est représenté par les argiles ostréennes et les argiles bigarrées, et paraît correspondre au groupe urgonien de l’est et du midi de la France. Les argiles ostréennes, comme l’indique le nom qui leur a été donné depuis longtemps par MM. Cornuel et Leymerie, renferment une quantité prodigieuse âl Ostrea de toute taille, et qui, à de certains niveaux, agglomérés par milliers, forment à elles seules des bancs de lumachelles, alternant avec des couches plus ou moins épaisses d’argile. Les fossiles sont beaucoup moins variés que dans le groupe moyen. A l’exception des Huîtres, ils sont presque tous à l’état de moules intérieurs, tantôt libres au milieu des argiles, mais le plus souvent empâtés dans la roche dure des lumachelles et visibles seulement à la surface des dalles. Les argiles contiennent quelquefois des plaques argilo-sableuses et grisâtres, sur lesquelles se montrent en relief des empreintes curieuses de végétaux : ce sont des tiges ou des racines cylindriques, irrégulièrement con¬ tournées, marquées de cannelures longitudinales, très-apparentes. Les argiles bigarrées qui se développent au-dessus offrent des caractères minéralogiques très-constants; elles se composent de sable et d’argile aux couleurs les plus vives et contrastant par leur teinte blanche, jaune, rouge, violette, amaranthe, avec les argiles ostréennes toujours grises et bleuâtres. Aucun fossile déterminable n’a été jusqu’ici recueilli dans les argiles bigarrées du département de l’Yonne. Ce même dépôt se prolonge dans l’Aube et sur plusieurs points de la Haute-Marne Aux environs 353 SÉANCE DU 4 3 AVRIL 1863, de Vassy, à droite et à gauche de la route de Moutier en Der, on a découvert, dans un minerai de fer exploité et faisant certaine¬ ment partie des argiles bigarrées, des ünio, des Paludines, des Bulimes, des fruits de conifères convertis en hydrate de fer. Ces fossiles ne laissent aucun doute sur l’origine lacustre de ce dépôt qui termine, suivant nous, l’étage néocomien et le sépare de l’étage aptien. Cependant les limites qui divisent les deux étages sont loin d’être partout nettement tranchées : sur plusieurs points, et notamment aux environs d’Auxerre, existe à la partie supé¬ rieure des argiles bigarrées une couche ferrugineuse, rougeâtre, où abondent les fossiles marins dont plusieurs s’étaient déjà montrés dans les couches moyennes à Ecliinospatagus cordiformis et dans les argiles ostréennes. Nous avons considéré longtemps cette petite assise comme appartenant encore à l’étage néocomien. Nous revenons aujourd’hui à une autre opinion, et cette assise nous paraît constituer la base de l’étage aptien. Associées à des espèces néocomiennes se rencontrent déjà des formes parfaitement caractéristiques de l’étage aptien , Ostrea aqui/a , Tcrebratella Astcriann et beaucoup d’autres. Aussi nous paraît-il plus naturel de terminer, dans nos contrées du moins, l’étage néocomien avec la formation lacustre des argiles bigarrées, et de rattacher à l’étage aptien la couche marine désignée dans la Haute-Marne sous le nom de couche rouge , dépôt intermédiaire qu’on peut placer soit à la partie supérieure de l’étage néocomien, soit à la base de l’étage aptien, et qui nous fait voir combien, sur certains points, sont vagues et incertaines les limites qui divisent les deux premiers étages du terrain crétacé. Telle est, en résumé, la composition stratigraphique de l’étage néocomien du département de l’Yonne. Il nous a fourni trente- quatre espèces d’Echinides dont voici la liste : Cidaris Lardyi , Desor. — - muricata , Roem. Rtiabdocidaris Salviensis , Cot. Hemicidaris clunijera , Des. Pseudodfadema rotulare , Desh. — Boiirgueti , id. — Autissioclorense , Cot. — - Raulinij Desor. — Picteti , Desor. Cyphosoma neocomiense , Cot. Acrocidaris Icaunensis, id. Hemipcdinn mini ma, id. Goniopygus peltatus , Ag. Codiopsis Lorini , Cot. Psammechinus jallax , Des. Salenia jolium querci , Des. P el tas tes stellulatcy Ag. Holectypus macropygus , Des. Pyrina incisa , d’Orb. Nucleolites Archiaci , Cot. Echinobrissus Olfersi , d’Orb. — Salviensis , Des. Phyllobrissus Gresslyi , Cot. — Ebrayi , id. Clypeopygus Paultrei , d’Orb. — Robinaldinus , id. NOTE DE M. COTTEAU. 559 Potryopygus obovcitus , d’Orb. ■ — minor , id. Pygurus Montmolini , Ag. Ho las ter intermedius, Ag. — conicus, d’Orb. | Echinospatagus cordiformis , Breyn. i — - neocomiensis , d’Orb. | — RicordeaniiSy Cot. Quatre de ces espèces ont été rencontrées dans les calcaires blancs inférieurs : Cidaris Lardyi (ind. jeune). j Salenia folium querci . Acrocidaris Icaunensis . j Peltastes stellulata. Deux seulement sont propres à cet horizon : Acrocidaris Icau¬ nensis et Salenia folium querci ; les deux autres se retrouvent dans les calcaires à Echinospatagus cordiformis , ou néocomien moyen proprement dit, qui renferme en outre vingt-huit autres espèces. Le néocomien supérieur est beaucoup moins riche et ne contient que trois espèces : deux qui lui sont propres, Pseudodiadema Picteti et Echinospatagus Ricordeanus , et la troisième, Pseudodia¬ dema rotulare , qui s’était déjà montrée dans le néocomien moyen. Sur les trente-quatre espèces signalées dans le département de l’Yonne, aucune n’existait avant le commencement de la période crétacée. Deux espèces seulement, Cidaris Lardyi et Holectypus macropygus , se rencontrent dans les couches inférieures de l’étage aptien, et cela dans des localités situées en dehors du département. Trente-deux espèces sur trente-quatre peuvent donc être considé¬ rées jusqu’ici comme essentiellement caractéristiques de notre étage néocomien ; et à l’égard de la distinction des espèces, nous pouvons nous prononcer avec une certitude presque absolue. Le test des Oursins n’est pas, comme dans les Mollusques par exemple, une simple enveloppe. Ainsi qu’on l’a constaté depuis longtemps, c’est un véritable squelette intimement uni aux organes les plus essentiels de l’animal, reproduisant dans sa structure externe les modifications plus ou moins profondes qu’ils éprouvent, et nous offrant, par cela même, une série de caractères que la fossilisation a conservés, et qui nous permettent d’ établir des déterminations génériques ou spécifiques presque toujours rigoureuses. Onze espèces appartiennent exclusivement au département de l’Yonne : Rhabdocidaris Sahiensis. Pseudodiadema Raulini. Cyphosoma neocomiense . Acrocidaris Icaunensis. Hemipedina minima. Codiopsis Lorini. Nucleolites Archiaci . Echinobrissus Salviensis . Phyllobrissus Ebrayi. Clypeopygus Pciultrei . - — Robinaldinus, 360 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. Ces espèces étaient inconnues avant nos recherches : plusieurs d’entre elles, considérées soit au point de vue géologique, soit au point de vue zoologique, ont un intérêt réel et méritent à ce double titre de fixer l’attention des naturalistes. Nous citerons le R/iabdo- cidaris Salviensis dont les pores sont unis par un sillon et les tuber¬ cules dépourvus de crénelures, formant, dans le genre Rhcibdoci - dciris , un groupe particulier qui sert d’intermédiaire entre ce dernier genre et les véritables Cidaris ; le Cyphosoma neocomiensc , espèce fort rare et premier représentant d’un genre qu’on a vu longtemps limité aux couches crétacées moyennes et supérieures ; Y Hemipedina mini ma, oursin microscopique, placé successivement dans les genres Arbaeia et Psammechinus , et que nous avons regardé, malgré la petitesse de sa taille, en raison de ses tubercules perforés et dépourvus de crénelures, comme appartenant au genre Hemipedina ; le Codiopsis Lorini , plus petit et plus sensiblement costulé que le Codiopsis doma , et chez lequel nous avons constaté l’existence, à la face supérieure, de tubercules caduques qui se détachent du test au fur à mesure que l’animal vieillit ; le Phyllo- bressus Ebrayi , dont nous avons fait, avec le Phyllobrissus Gresslyi une coupe générique nouvelle, voisin à la fois des Ecliinobrissusy des Clypeopygus et des Catopygus ; et enfin le Clypeopygus Paultreiy si remarquable par sa forme aplatie, son sommet très-excentrique,, ses ambulacres pétaloïdes et flexueux, son périprocte triangulaire et profond, et qui, sans contredit, est un des oursins les plus curieux du terrain néocomien. Lorsqu’en 1851 nous avons fait connaître pour la première fois cette belle espèce, nous l’avions provisoirement réunie au genre Clypeus ; depuis elle a servi à d’Orbigny à établir le genre Clypeopygus que tous les naturalistes ont adopté. Associés à ces onze espèces se montrent, dans le département, vingt-trois autres Échinides déjà connus et signalés sur d’autres points du terrain néocomien. La plupart d’entre eux, dans toutes les localités où ils ont été observés, se développent à la même hauteur stratigraphique : c’est ainsi que nous voyons les Pseudodiadema Bourgueti et rotulare , Y Holectypus macropygus , le Phyllobrissus Gresslyi , YHolaster Lardyi , Y Echinospatagus cordijormis ;, l’un des fossiles les plus abondants du terrain néocomien, occuper, sur de très-grandes étendues, en France, en Suisse, en Allemagne, un niveau à peu près identique et caractériser partout les couches moyennes de l’étage. Mais il n’en est pas toujours ainsi : à côté de ces espèces essentiellement caractéristiques on en rencontre d’autres qui suivent une ligue de propagation toute différente et NOTE DE M. COTTEAU. B61 existent dans des localités plus ou moins éloignées, à des hauteurs qui ne sont pas toujours les mêmes : tels sont, notamment, le Cidaris Lardyi et Y Hemicidciris clunijera. Dans l’Yonne et les départements voisins, ces espèces apparaissent à la base du terrain néocomien moyen et s’éteignent avant d’arriver aux argiles ostréennes, tandis que dans le Jura, en Suisse et dans le midi de la France, ces mêmes espèces se montrent pour la première fois dans le néocomien supérieur (urgonien). Par suite d’une évolution en sens inverse, le Pseudodiadema Picteti, le Peltastes stellulata , qui, en Suisse, paraissent exclusivement propres au terrain infé¬ rieur ou valangien, ne se rencontrent dans l’Yonne que dans le néocomien moyen et même supérieur. Ces migrations d’espèces, s’accomplissant du reste dans de certaines limites, sont intéressantes à constater, et peuvent jeter quelque jour sur les développements successifs de la nature organique. Si nous considérons les Echinides néocomiens de l’Yonne au point de vue de la distribution des genres, nous arrivons à des résultats qui méritent également d’être signalés. Les trente-quatre espèces que nous avons décrites sont réparties en vingt-deux genres. Espèces. Cidaris , Klein . 2 Rhabdocidaris , Desor. ... 1 Hemicidaris , Agassiz. ... 1 Pseudodiadema , Desor, . . 5 Cyphosoma , Agassiz. ... 4 Acrocidaris , id . 1 Hemipedina , Wright. ... 1 Goninpygus , Agassiz . 1 Codiopsis, id . 4 Psammechirms , ici . 4 Salenia , Gray . 4 Espèces. Peltastes , Agassiz . 4 Holectypus , Desor . 4 Pyrina , Des Moulins. ... 4 Nucleolites, Lamarck. ... 4 Echinubrissus , Brogn. ... 2 Phyllobrissus , Cotteau. ... 2 Clypeopygus , d’Orbigny. . . 2 Botryopygus , id . 2 Pygusus , Agassiz . 4 Ho /aster, id . 2 Echinospatagus , Breyn. . . 3 Sur ces vingt-deux genres dix seulement s’étaient déjà montrés dans le terrain jurassique : Cidaris , Klein. Rhabdocidaris , Desor. Hemicidaris , Agassiz. Pseudodiadema , Desor Acrocidaris , Agassiz. Hemipedina , Wright. Holectypus , Desor. Echinobrissus , Brong. Clypeopygus , d’Ofbigny. Pygurus, Agassiz. A l’exception du genre Cidaris , le plus ancien de tous les Échinides, qui commence à se développer dans les couches pé- 362 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. néennes, parcourt toute la série des terrains jurassique, crétacé et tertiaire, et aujourd’hui encore est répandu dans toutes les mers, ces genres, d’origine jurassique, n’ont, dans la période crétacée, qu’une courte durée : les Acrocidaris , les Hemipedina , les Clypeo- pygus s’éteignent avec le terrain néocomien , les autres disparais¬ sent successivement, et aucun d’eux ne dépasse les couches céno¬ maniennes. Restent douze genres qui se développent pour la première fois et impriment aux Ecliinides de cette époque un caractère nette¬ ment tranché : Cyphosoma , Agassiz. Goniopygus , id. Codiopsis , id. Psammechinus , id. Salenia , Gray. Peltastes , Agassiz. Pyruia , Des Moulins. Nucleolites , Lamarck. Phyllobrissus , Cotteau. Botryopygus, d’Orbigny. Holaster} Agassiz. Echinospatcigus, Brogn. Parmi les genres qui s’éloignent le plus du type jurassique, nous citerons les Goniopygus , si remarquables par la structure de leur appareil apicial, les Codiopsis dont la face supérieure est garnie de tubercules caduques, les Salenia , les Peltastes que l’ex¬ centricité de leur périprocte rapproche un peu des Acrosalenia% mais qui en diffèrent par tant de caractères importants. Nous ci¬ terons surtout les Holaster et les Echinospatagus : ces deux genres représentent la grande famille des Spantangidées qui n’existait pas encore dans la formation jurassique, et qui, depuis l’étage néoco- inien jusqu’à l’époque actuelle, a multiplié avec tant de profusion ses genres et ses espèces. En raison de leur forme allongée et de leur partie antérieure nettement accusée par un ambulacre différent des autres, les Spa- tangidées ont toujours été considérées comme les plus parfaits des Ecliinides, et leur apparition dans les mers du globe, coïncidant avec le commencement d’une période nouvelle, est, suivant nous, au pointde vue paléontologique, un des caractères les plus impor¬ tants qui séparent le terrain crétacé du terrain jurassique. Cette apparition, du reste, a cela de remarquable qu’elle ne se manifeste pas par quelques rares individus rencontrés dans des localités isolées. Dès l’origine, nous voyons les Spatangidées acquérir un développement considérable, non-seulement dans la contrée qui fait l’objet de ce travail, mais encore partout où le terrain néo¬ comien a été observé. Si, d’un autre côté, nous examinons les Echinides néocomiens de acôn 'c ChMiliort 'iCiyéniiew \ I/O \ /S v '■'V M or estel 'y Syrriph arien. Vpherme ici erg o ui JfâaLVOLSiro ! Piatecau A'' ' \le,3orixi£va^:fa,-€ôt&-St'Arü^^^ \. . . Meugcns M&tïpzyÿ&inWïP . V F‘; ’^SHtarœlhAsy . Grenoble, l/e,.Dra.c/P, Note IHbmi SU*! dépôts.tertiairès e.t quaternaires du Bas Dauphiné Æ/77../A.. 1». . fOni&iol. de-Irance.. 2e- Série, T.JTST PlIÈPage,364! . Paris. SxOtSicqUet rù& desihyers Grant. die*. jtvrdjPr . des Bemccrdyns ï8 Farts ■ CARTE de l'extension DES ANCIENS GLACIERS dansle Bas Dauphiné et la Bresse. "F lits des aruiens glaciers: : . lBou.es glaciaires œ cailloux, striés Plaines couoèrtes cl 'cdk/Mwris glaciaires et/ post-glaciaires Coupe de la Vallée duDraé entre Avignonet et la Motte -le s -Bain s ■ Avcgiwnetr Plateiuo cie, MorubeynccriL E Dépôts e.rr6ibiçites a, blocs a,ruyidé.ita>' sA cedllouss striés. A' .Âllfcbtonj (liicienries., es ciœillù upc ro niés ■ t AivcimmM edliaotœs torrekib&lM locale, i NOTE DE M. LORY. 363 l’Yonne dans leurs rapports avec les autres étages du terrain cré¬ tacé, nous arrivons à constater des différences génériques beaucoup moins tranchées que celles qui les éloignent du terrain jurassique. Sur les vingt-deux genres indiqués plus haut, quatre seulement, Acrocidaris , Hemipedina , Phyllobrissus et Clypeopygus , disparais¬ sent avec les dernières couches du terrain néocomien ; les dix-huit autres genres remontent plus ou moins haut dans les étages sui¬ vants, tout en étant pour la plupart limités à la formation crétacée. En résumé, nos études sur les Echinides néocomiens de l’Yonne viennent confirmer pleinement les principes qu’exposait, l’année dernière, devant la Société géologique de France, l’illustre auteur de la Description des animaux invertébrés du bassin de Paris , et con¬ courent à nous démontrer qu’il existe, sous le rapport organique, dans le département de l’Yonne, entre le terrain jurassique et le terrain crétacé, des différences profondes, incontestables, beau¬ coup plus tranchées que celles qui séparent les étages dont se compose chacune de ces deux grandes formations. Cette conclusion, vraie pour le département de l’Yonne, l’est également pour l’en- semble de tous les dépôts néocomieus. Nous connaissons aujour¬ d’hui dans ce premier étage de la formation crétacée environ cent soixante espèces d’Echinides réparties en trente-quatre genres. Aucune des espèces ne s’était montrée avant la période crétacée. Sur les trente-quatre genres, quinze remontent à l’époque juras¬ sique, restent dix-neuf qui apparaissent pour la première fois et impriment, comme nous le disions plus haut, aux Echinides de cette époque une physionomie particulière. M. Lory fait une communication sur les dépôts quaternaires du département de l’Isère. JS ote sur les dépôts tertiaires et quaternaires du bas Dauphiné; par M. Ch. Lory (pl. VII). Les pays de plaines et de plateaux qui forment la moitié nord- ouest du département de l’Isère et le midi de la Bresse renferment, comme tout le monde le sait, des terrains de transport extrême¬ ment développés, qui ont fixé depuis longtemps l’attention des géologues. Depuis les célèbres mémoires de M. Elie de Beau¬ mont (1), ces terrains ont été l’objet de nombreux travaux de (1) Ann . des sc. nat ,, 4re sér., t. XVIII et XIX. Zôti SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. MM. Leymerie (1), Fournet, Jourdan, Tliiollière, Drian, Rau- lin (2), Collomb (3), et en dernier lieu de mémoires très-étendus deM. Sc.Gras(fi) et de M. Benoît (5). J’aieumoi-mêmeà m’occuper attentivement de ces terrains pour le tracé de ma Carte géologique du Dauphiné, et j’ai exposé à plusieurs reprises la classification que je croyais devoir établir pour ces divers dépôts caillouteux, sou¬ vent confondus entre eux (6). Mes vues, au sujet de leur succes¬ sion et de leurs modes de formation, s’accordent complètement avec celles de M. Collomb sur les environs de Lyon, avec celles de M. Benoît dans la Bresse, avec les conclusions de MM. Martins et Gastaldi pour les terrains superficiels du Piémont, et celles que M. G. de Mortillet a formulées récemment avec une netteté re¬ marquable dans sa Comparaison des terrains du versant italien des Alpes à ceux du versant fiançais (7). J’ai eu l’occasion de répéter, au contraire, plusieurs fois, que je récusais de la manière la plus complète les observations et les coupes de M. Gras, et que sa classification des terrains quaternaires du bassin du Rhône ne me paraissait reposer que sur une confusion perpétuelle entre les pou- dingues du système de la mollasse , les allumions anciennes caillou¬ teuses, enfin les dépôts erratiques boueux à cailloux striés . Cette confusion me paraît même tellement inexplicable, et les observa¬ tions de M. Gras me paraissent avoir si peu de points de contact avec la réalité, qu’il serait très-long et inutile, je crois, au progrès de la science, d’entreprendre une réfutation détaillée des nom¬ breux écrits que cet ingénieur a fait paraître, dans ces dernières années, sur les terrains quaternaires, et qui ont tous pour but d’é¬ tablir et de généraliser les cinq époques qu’il croit pouvoir distin¬ guer dans les phénomènes quaternaires du bas Dauphiné. Je me bornerai donc à résumer en peu de mots la structure très-simple de ce dernier pays, et j’insisterai seulement sur les dépôts erra¬ tiques et sur X extension des anciens glaciers dans le département de l’Isère, jusqu’aux environs de Lyon. Structure des plateaux du bas Dauphiné . — La masse intérieure des collines et des plateaux de cette région nord-ouest du Dau¬ phiné, que Guettard appelait région caillouteuse et sablonneuse , (1) Bull., 1re sér., t. IX. (2) Ibid., 2e sér., r VIII. (3) Ibid., 2e sér., t. IX. (4) Ibid. , 2e sér., t. XIV, XV et XVI. (5) Ibid., 2e sér., t. XV. (6) Ibid., 2e sér., t. XV, p. 41 à 69; t. XVI, p. 824. (7) Ibid., 2e sér., t. XIX. NOTE DE M. LORY. 365 n’est pas formée, comme l’indique la Carte géologique de la France , par un dépôt d’eau douce complètement indépendant de la mol- l lasse, et postérieur au redressement et à la dénudation de celle-ci : I le terrain des plateaux dauphinois, représenté sur cette carte par le signe p et rapporté au terrain tertiaire supérieur, est bien différent de celui des falaises bressanes des environs de Lyon, de ! celui de la terrasse de Saint-Fous et d’autres terrasses d 'alluvions anciennes de la vallée du Rhône, qui ne s'élèvent guère à plus de 120 mètres au-dessus des alluvions actuelles, et qui sont aussi re¬ présentées par le même signe p ; les nappes caillouteuses qui for¬ ment ces terrasses ont été évidemment déposées au pied des pla¬ teaux dauphinois, dans une grande vallée d’érosion creusée au sein de ces plateaux, et dont la vallée actuelle du Rhône n’est qu’un reste trës-amoindri. Ces plateaux et ces collines du bas Dauphiné, qui atteignent jusqu’à 964 mètres d’altitude, près des montagnes de la Grande- Chartreuse, ne sont pas non plus formés, dans leur masse inté¬ rieure, comme le suppose M. Sc. Gras, par un diluvium h cailloux rayés et à blocs anguleux mêlés à du sable et à des galets roulés, et composant un immense cône de déjection d 'alluvions glaciaires , épaisses de plus de 587 mètres dans le voisinage des montagnes (1), et qui auraient été entassées dans la mer , à la suite d’un affaisse¬ ment général de 8 à 900 mètres (2). Sans m’arrêter à faire ressor¬ tir l’invraisemblance d’un pareille formation, je dirai simplement qu’on ne rencontre, dans le bas Dauphiné, comme dans toutes les autres contrées subalpines, des cailloux rayés et des blocs an¬ guleux que dans les dépôts glaciaires, toujours superficiels , et que ces dépôts, comme on le verra plus loin, ne se trouvent même pas dans toute la partie basse du département de l’Isère ; ils se rencontrent, à toutes les hauteurs, dans l’arrondissement de la Tour-du-Pin, et sur la direction de Voiron à Lyon; mais ils manquent complètement sur les vastes plateaux situés entre Saint- Marcellin et Vienne, et à l’ouest de cette direction. Les plateaux et les collines du N. O. du Dauphiné sont formés tout simplement, comme je les ai figurés sur ma Carte géologique du Dauphiné, par un puissant dépôt de mollasse sableuse et cail¬ louteuse, limité à l’ouest par les montagnes granitiques du Lyon¬ nais et du Forez, s’appuyant, au nord, sur le premier seuil du (1) Bull., 2e sér., t. XIV, p. 226. — Voy., plus loin, la structure de la colline de Morsonna. (2) Bull. , 2e sér., t. XIV, p. 239. 866 SÉANCE DU 13 AVRIL 1868. Jura, aux environs de Bourgoin et de Morestel, et se relevant graduellement vers 1*E. N. E., jusque sur les flancs des premières chaînes crétacées et dans les replis de ces chaînes, dont la mollasse a partagé les dernières dislocations. Mollasse , poudingu.es et lignite s. — - Dans son ensemble, ce ter¬ rain est àe formation marine ; mais on y trouve, à divers niveaux, de petites couches de marnes et de calcaires marneux, à coquilles lacustres ou terrestres , des argiles et des dépôts plus ou moins étendus de lignites: tels sont le petit dépôt de lignite jayet de Pommiers, près de Yoreppe, et surtout les dépôts bien plus vastes de lignites feuilletés et de bois fossiles des environs de la Tour-du- Pin, d’Hauterives (Drôme), etc. Ces dépôts supposent l’interrup¬ tion de la sédimentation marine, sur les points où on les rencontre ; mais en admettant même (ce qui est loin d’être prouvé), que tous les lignites des plateaux dauphinois soient rigoureusement con¬ temporains, comme ils s’amincissent extrêmement ou manquent sur une foule de points intermédiaires, et que les nappes de pou- dingues qui en forment le toit sont exactement semblables et con¬ cordantes à celles de dessous, il est évident que ce n’est qu’une petite formation lacustre intercalée dans une grande formation marine beaucoup plus étendue, qui s’est continuée en même temps et encore après. Les lignites et les argiles bleues sont des dépôts formés clans des espaces délaissés temporairement par la mer, devenus d’abord des étangs d’ean douce , puis des marais tourbeux ou des forêts , qui ont été, plus tard, envahis de nouveau par la mer, et recouverts de nappes de galets et de sables, pareilles à celles qui en formaient le fond. Tons ces dépôts se lient sans discontinuité à la mollasse, marine bien caractérisée, et je les rapporte tous à la période miocène. Sur la lisière des montagnes de la Chartreuse, j’ai montré que les dis¬ continuités indiquées par M. Elie de Beaumont entre la mollasse et les poudingues tertiaires n’étaient pas réelles ; que ces poudin- gues étaient inséparables de la mollasse , de formation marine* comme elle, alternaient avec elle, et avaient été affectés, comme elle, par les dernières dislocations alpines (1). Le lignite de Pom¬ miers, petit dépôt d’eau douce intercalé dans la partie supérieure des poudingues de Yoreppe, est recouvert par des argiles conte¬ nant des coquilles d’eau saumâtre, des céritheSj d’espèces mio¬ cènes (2). (1) Bull., 2e sér., p. 44 à 50. (2) Ibid., 2e sér., t. XIV, p. 221 ; t. XV, p. 45, t. XIX, p. 897 NOTE DE M. LOKY. 367 En dehors des montagnes, les poudingues alternent avec la mollasse sableuse an Pont de -Beau voisin (1), et l’on trouve, au- dessus, au Sablon, à Ghimilin, etc., un horizon de sables coquil- liers, qui se représente dans beaucoup d’autres parties du bas Dauphiné. Cet horizon est caractérisé surtout par l’abondance de deux fossiles, Buccinum Michmidi , Thioll. , et Dendrophyllia Co~ longeoni , id., avec lesquels on trouve ordinairement Area turonica, et une grande variété d’autres espèces moins communes, en par¬ tie identiques avec des espèces de faluns de la Touraine. Ces sables à Buccins , assez riches en fossiles à Chimilin, le sont beaucoup plus à Tersanne, près Hauterives (Drôme), et sur plusieurs points des collines au nord de Romans. On les retrouve à Charvieu et sur divers points des environs de Vienne, d’Heyrieu, etc. Un de leurs gisements les plus remarquables est celui de la Fuly, près de Saint-Quentin, visité par la Société géologique en 1859 (2), et dans lequel les Buccins et les Dendrophyllia se trouvent emballés dans un sable fin, pêle-mêle avec des galets criblés de trous de Pholades. Dans tous ces gisements, les fossiles en question caractérisent un horizon miocène , de formation marine, inférieur aux argiles bleues a lignites. A Chimilin, il existe plus de 100 mètres de couches intermédiaires entre les Buccins et les lignites; à Hauterives, cette épaisseur paraît moindre, et les couches de mollasse sableuse ou caillouteuse qui supportent immédiatement l’argile bleue à lignite renferment encore abondamment Y Ostrea undata , Goldf. A la Fuly, les argiles à lignite ne sont séparées des sables à Buc¬ cins que par quelques mètres de poudingues. A Septême, près de Vienne, M. Jourdan a trouvé les mêmes Buccins accompagnés d’hélices identiques avec celles des argiles bleues d’Hauterives. Enfin plusieurs des fossiles d’eau douce de cette dernière localité, considérés par M. Michaud comme espèces nouvelles, paraissent, suivant M. Deshayes, pouvoir être rapportés à des espèces miocènes de la Touraine (3). Tous ces faits concourent, on le voit, pour établir Y unité de l’ensemble composé de la mollasse marine , des poudingues et des argiles bleues à lignite , et à le faire rapporter à la période miocène ; et bien que nous ne connaissions jusqu’ici aucun gisement bien authentique de fossiles marins au-dessus des lignites de la Tour- (1) Ann . des sc. nat 1re sér., t. XVIII, p. 334. (2) Bull., 2e sér., t. XVI, p. 1096. (3) Ibid. , 2e sér., t. XIV, p. 221. 368 SÉANCE DU 13 AVRIL 1868. du- Pin, les poudingues et#les sables qui les recouvrent sont si évidemment semblables à ceux de dessous, qu’il est impossible de douter de leur identité de formation. Le soulèvement des Alpes occidentales n’aurait pas été, suivant nous, une révolution brusque, survenue à la fin de la période miocène ; nous le considérons comme le résultat d’une série de mouvements lents ou saccadés qui auraient eu lieu pendant le dépôt de la mollasse, de manière à redresser sur les flancs des premières chaînes alpines les assises inférieures et moyennes de la formation et à rétrécir en même temps le bassin miocène , de ce côté, de telle sorte que les assises supérieures ne se sont déposées qu’en dehors de la zone montagneuse. Par suite même de cet exhaussement progressif, il est arrivé un moment où de grandes parties du bassin, dans le département de l’Isère, ont été isolées de la mer et occupées par les eaux douces, dans lesquelles se sont déposés les argiles bleues et les lignites. Puis un léger tassement du sol a remis de nouveau sous les eaux de la mer ces plages marécageuses, et les lignites ont été recouverts de nouvelles couches de sables et de galets marins. La structure de poudingue ou de mollasse caillouteuse [nagelflué), c’est-à-dire l’abondance des galets mêlés à la formation sableuse générale, existe à tous les niveaux dans la mollasse marine , sur la lisière des montagnes de la Chartreuse (1). La mollasse de Provey- sieux, près de Grenoble, est toute à cet état; celle de la vallée de Voreppe l’est en grande partie. Mais à mesure qu’on s’éloigne vers l’ouest, l’état sableux ou argilo-sableux domine dans les parties inférieures et moyennes du terrain, et les nappes caillouteuses ne forment plus que la partie supérieure : elles vont en s’amincissant beaucoup, depuis les collines des Terres-Froides (Saint-Geoire, Milieu, etc.) où elles ont plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, jusqu’aux environs de Vienne, où elles n’ont guère qu’une trentaine de mètres, en moyenne, et souvent moins. Dans les parties inférieures et moyennes, les cailloux appar¬ tiennent, en assez forte proportion, à des roches du Forez ( jaspes , porphyres, etc.) mêlées à des roches des Alpes ; mais dans les assises supérieures, celles-ci dominent à peu près exclusivement. Cela s’explique par le relief croissant que prenaient les Alpes et l’inclinaison que le fond de la mer miocène acquérait en se rele¬ vant insensiblement de ce côté. Par suite de ce soulèvement gra- (1) Bull y 2e sér., L XV, p. 42. NOTE DE SI. LORY. 869 duel, la mer fut progressivement repoussée à quelques lieues de distance des chaînes calcaires. Galets cle quartzite. — G’est principalement pendant ces derniers temps de la période miocène , ou de l’occupation de notre région par les eaux de la mer, que furent amenées d’immenses quantités de cailloux de quartzite , lesquels, parfaitement arrondis par le mouvement des vagues, forment aujourd’hui ces galets si connus dans toute la vallée du Rhône, et employés généralement comme pavés. Ces quartzites n’ont pu venir que des hautes montagnes de la Tarantaise et de la Maurienne, formées principalement de grès houillcrs que surmontent encore, en beaucoup d’endroits, des lambeaux de grès quartzeux triasiques , passant à l’état de quartzite : ces lambeaux ne sont plus, sans doute, que de faibles restes de masses beaucoup plus étendues, dont le démantèlement a donné lieu aux galets quartzeux arrondis par les derniers flots de la mer mollassique. On trouve de ces galets de quartzites alpins remaniés dans les diverses formations quaternaires, et jusque dans les plus récentes : ils y sont même souvent à peu près seuls, parce que toutes les autres roches ont été triturées, désagrégées ou dissoutes; mais leur origine principale me paraît remonter à la fin de l’époque miocène, dont nous parlons ici. On trouve aussi des restes épars de ces quartzites parfaitement arrondis, à de grandes distances des pla¬ teaux dauphinois, par exemple sur le sommet de la montagne de Crussol, près de Valence, à 380 mètres d’altitude (1), et au col de la Barollière, sur le mont d’Or, à 500 mètres (2). Ce sont, à mes yeux, des témoins de l’extension de la nappe de galets quartzeux qui a terminé la série des dépôts marins du terrain de mollasse. Fossiles marins remaniés . — La période miocène a fini par une retraite définitive de la mer, qui a abandonné tout le bassin de la Bresse et du N. O. du Dauphiné. Nous ne connaissons , dans ces pays , aucun indice cl'un séjour ultérieur ou d'un retour des eaux marines . Les débris de fossiles marins que M. Joui dan a découverts, à tous les niveaux, dans les sables et graviers des environs de Lyon, me paraissent pouvoir être attribués à des remaniements de fossiles miocènes : quand ces débris sont reconnaissables, ils paraissent provenir du Buccinum Michaudi (3) ou d’autres espèces de la mol- (1) Bull., 2e sér., t. XI, p. 728. (2) Ibid., 2e sér., t. XVI, p. 4 057. (3) Cette coquille est très-peu fragile et ou la trouve remaniée Soc. géol., 2e série, tome XX. 24 87 0 SÉANCE DU J 8 AVRIL 1868, lasse , et je ne sache pas qu’on y ait trouvé, jusqu’ici, aucune espèce marine pliocène ou quaternaire. Ainsi, loin de prouver l’intervention de la mer dans la formation des graviers qui les contiennent, la conservation de ces débris d’une époque anté¬ rieure, dans un terrain qui n’offre point de fossiles marins plus récents, tend à montrer que la mer n’a été pour rien dans la for¬ mation des graviers de divers âges où ils peuvent se trouver re¬ maniés. On peut en dire autant des cailloux percés de trous de pholades, qui sont aussi arrachés à des couches miocènes , telles que celles de la Fuly ; on trouve de ces cailloux remaniés jusque dans les alluvions actuelles du Rhône. Cailloux impressionnés — J’ai indiqué plusieurs fois, comme un caractère empirique très-constant des poudingues miocènes du bas Dauphiné, le phénomène des empreintes en creux produites sur certains cailloux, et surtout sur ceux de calcaire compacte, par le contact d’autres cailloux de nature plus résistante. Ce phé¬ nomène suppose nécessairement qu’ après avoir été usés et parfai¬ tement arrondis par le mouvement des eaux, les cailloux, entassés dans le dépôt sableux, ont éprouvé un certain degré de ramollisse¬ ment, plus ou moins prononcé, suivant leur nature, et ont été soumis à des pressions très-énergiques. Sur certains cailloux de nature siliceuse, tels que les jaspes rouges ou verts, ces pressions ont produit des fendillements et de véritables déformations par écrasement. Sur les cailloux calcaires, l’impression, quelquefois aussi profonde que large, est souvent striée , ce qui indique un glissement du caillou plus dur, avec pression considérable. Le ramollissement des cailloux me paraît devoir s’expliquer simple¬ ment par celui qu’éprouvent toutes les roches à la suite d’une sub¬ mersion prolongée, surtout dans l’eau de mer : quant à la pres¬ sion nécessaire pour produire la pénétration des cailloux calcaires par les cailloux quartzeux ou autres qui se ramollissent beaucoup moins, elle s’explique naturellement par l’énorme épaisseur des dépôts du groupe de la mollasse. Aussi les cailloux sont-ils, en général, d’autant plus impressionnés que le terrain est plus épais et qu’ils appartiennent à des assises plus inférieures. On a proposé d’expliquer le creusement du caillou calcaire, à son contact avec le caillou siliceux, par la concentration capillaire de l’eau chargée d’acide carbonique à ce point de contact. Cette explication me paraît suffisante pour rendre compte d’impressions iusque dans les alluvions modernes du Rhône (vov. Bull,. 2e sér., t. XVI, p. 4100). NOTE DE M. LORY« 371 peu marquées qui se produisent quelquefois dans des amas de cailloux roulés, tous d’un assez gros volume, sans sable ni gravier fin : alors les cailloux laissent entre eux des vides, et les eaux, filtrant à travers la masse, se fixent en ménisques aux points de contact et y exercent leur corrosion. Ce phénomène actuel se pro¬ duit quelquefois dans les nappes caillouteuses d’anciennes ailu- vions, et nous l’avons observé sur plusieurs points, à Eybens, près de Grenoble, à Saiut-Fons et à Fontaine, près de Lyon, etc. Mais ces empreintes diffèrent beaucoup d’aspect de celles des poudingue» miocènes', dans ceux-ci, tous les interstices des cailloux sont remplis d’un sable fin, calcarifère, fortement tassé, qui s’imbibe uniformément, et il n’y a plus de force capillaire qui puisse con¬ centrer l’eau en ménisques aux points de contact des galets. Du reste, les impressions s’observent quelquefois sur les cailloux non calcaires. L’étude attentive des cailloux impressionnés dans leur gisement même, me conduit à penser que les impressions ne doi¬ vent être attribuées, comme je l’ai dit ci-dessus, qu’à une pression très-énergique, combinée avec le ramollissement inégal des cail¬ loux enfouis dans un dépôt submergé pendant une longue période géologique. Sans attribuer à ce phénomène des cailloux impressionnés , la valeur d’un caractère géologique précis, je persiste à l’indiquer comme très-constant, et d’une importance pratique très-réelle, pour distinguer nos poudingues miocènes d’avec les dépôts cail¬ louteux plus récents, d’origine fluvialile. Je n’ai jamais trouvé ce caractère en défaut. On a ciié, il est vrai, dans quelques localités, des cailloux impressionnés, trouvés dans les allumions ancien¬ nes (4); j’en ai moi-même rencontré quelquefois; mais, ou bien ils m’ont paru ne pas avoir été impressionnés sur place et pouvoir provenir d’un remaniement de cailloux miocènes, aussi bien que les coquilles et les cailloux perforés cités plus haut; ou bien ils avaient un aspect bien différent de ceux des poudingues miocènes et se trouvaient dans des nappes purement caillouteuses, où les impressions avaient pu être produites par le phénomène actuel dont nous avons parlé. Dépôts post-miocènes et anté-glaciaires. Après ia retraite de la mer, le bas Dauphiné et la Bresse for¬ maient une vaste surface unie, se relevant avec une pente gra- (4) Bull., 2e sér., t. XIX, p. 904. 372 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. duellement croissante au sud-est, du côté des Alpes. Les érosions ultérieures ont profondément entamé et découpé ce sol : cepen¬ dant, en raccordant les sommités actuelles, on peut, par la pensée, restituer l’ancienne intégrité de la formation et reconnaître l’an¬ cienne existence d’un vaste plateau incliné, s’abaissant vers l’O. N. O. avec une pente moyenne de 1 pour 100 (1). Les plateaux de Chambaran, de Bonnevaux, de Cour et de Jardin, entre Saint- Marcellin et Vienne, ont conservé cette configuration du sol, prin¬ cipalement parce qu’ils ont échappé, comme on le verra ci-dessous, aux phénomènes glaciaires , qui ont labouré la surface des pays situés sur la direction de Lyon aux montagnes de la Chartreuse. Glaises clés plateaux dauphinois . — Après la retraite de la mer, la Bresse et le bas Dauphiné furent encore occupés, pendant un certain temps, par un lac, ou plutôt par un ensemble de lacs et de marécages dont les parties incultes et non desséchées de Cham¬ baran, de Bonnevaux et des Bombes semblent conserver encore, en petit, l’ancienne physionomie. C’est alors que s’est formée (tout simplement, je pense, par Y épuisement des conglomérats miocènes supérieurs, décomposés par les actions atmosphériques et rema¬ niés par les filets d’eau superficiels) cette nappe de glaises entiè¬ rement dépourvues de carbonate de chaux, qui recouvre, quel¬ quefois avec un épaisseur de plus de ôO mètres, les plateaux dont nous parlons (2). Ces glaises contiennent, à leur base, beaucoup de cailloux de quarlzite et très-peu d’autres roches, parce que pres¬ que toutes les autres ont été désagrégées ou dissoutes par épuise¬ ment et ont contribué à la formation de la glaise. Cà et là, dans des fonds de lacs plus limpides, il s’est formé des dépôts de sables purs ou d’argiles pures, exploitées les unes comme terres réfrac¬ taires (Chambaran), d’autres pour poteries (Bonnevaux), d’autres enfin comme terres à foulon (argile de Septême). Les concrétions ferrugineuses qui se trouvent abondamment dans ces glaises, sont encore des produits du même régime, analogues aux minerais de fer des marais qui se forment encore actuellement. Nous rapportons, avec M. Elie de Beaumont, ces nappes de glaises des plateaux dauphinois et du nord de la Bresse à la pé¬ riode pliocène. Le régime sous lequel elles se sont formées a suivi immédiatement le retraite des eaux marines. Il me paraît pro¬ bable que les soulèvements des Alpes n’étaient pas encore com¬ plètement terminés à cette époque, et l’on s’expliquerait ainsi, par (1) Bull, 2e sér., t. XV, p. 50. (2) Ibid. , 2e sér., t. XV, p. 51. NOTE DK M. LORY. 373 une continuation de l’exhaussement vers les Alpes, la grande élé¬ vation (735 mètres) et la pente assez rapide que le plateau de Cliambaran présente sur son rebord sud-est. Les derniers exhaus¬ sements, survenus pendant la période pliocène , auraient eu pour conséquences, comme l’a indiqué M. Elie de Beaumont, l’établis¬ sement de la pente actuelle du bassin du Rhône, l’écoulement des lacs bressans et dauphinois et la répartition des eaux descendant des Alpes en bassins hydrographiques qui correspondent à peu près à ceux des rivières actuelles. — En même temps, commen¬ çait un grand phénomène géologique, qui appartient encore, pro¬ bablement, à la période pliocène , le phénomène du creusement des vallées dans les terrains tertiaires des plaines subalpines. Creusement des vallées. — Les grandes vallées parcourues au¬ jourd’hui par les rivières, à l’intérieur des Alpes, présentent, comme l’a fait voir depuis longtemps de Saussure, des bassins suc¬ cessifs communiquant entre eux par des gorges étroites : il est manifeste qu’elles consistaient primitivement en une série de lacs étagés, se déversant les uns dans les autres par des cataractes qui ont progressivement creusé les gorges où les eaux s’écoulent au¬ jourd’hui avec une pente à peu près uniforme. De là résulte, comme l’a fait très-bien observer M. G. de Mortillet (1), que, pen¬ dant une partie plus ou moins considérable de la période plio¬ cène, les débris des Alpes ont été employés à combler les bassins intérieurs de ces montagnes, et que les eaux, subissant dans ces bassins des décantations successives, devaient arriver dans les plaines à l’état de rivières à peu près limpides, capables de creuser et non de former des atterrissements. Bassin du Rhône ; a durions anciennes de la Bresse. — La prin¬ cipale rivière qui a dû sortir des Alpes françaises, probablement dès le commencement de la période pliocène, a été celle qui cor¬ respondait au Rhône actuel et qui était formée par les eaux amassées entre le Jura et les Alpes savoisiennes. Ces eaux arri¬ vaient dans la plaine tertiaire, comme aujourd’hui, à la pointe méridionale du Jura, à Cordon, point-limite du Dauphiné, du Bugey et de la Savoie. Elles passaient naturellement, soit par la gorge qu’elles suivent aujourd’hui, de Cordon à Lagnieu, soit au midi du seuil jurassique de Morestel et de Crémieu, et probable¬ ment par ces deux endroits à la fois. Ces eaux du Rhône pliocène ont creusé, au sein du sol tertiaire, un grand bassin d’érosion qui (1) Bull., 2e sér., t. XIX, p. 900. SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. llk sépare encore aujourd'hui les plateaux dauphinois de ceux de la Bresse : c’est le bassin des plaines lyonnaises. Plus tard, à une époque qui appartient encore, peut-être, à la période pliocène , le Rhône est arrivé dans ce bassin qu’il s’était creusé, chargé des sédiments qui ne se déposaient plus dans les dépressions déjà comblées de son lit supérieur, et qui passaient plus librement à travers les gorges du Jura, dont le fleuve avait corrodé les barrages. Alors il a commencé à atterrir et il a formé, au débouché de la gorge de Lagnieu, un immense talus d’allu- vions qui s’étalait, probablement, dans un lac, comme celui que le Rhône actuel forme en arrivant dans le Léman. Telle serait, à nos yeux, l’origine des allumions anciennes de la Bresse , formées de nappes de cailloux roulés, de sables et de graviers, qu’il faut avoir bien soin de distinguer, et des poudingues miocènes plus anciens, et des dépôts erratiques plus modernes. Ce terrain de transport, évidemment formé par un grand fleuve, est aujourd’hui entamé et mis à nu sur une grande épaisseur dans les falaises des bords du Rhône et de la Saône, aux environs de Lyon. Dans le nord du département de l’Isère, il a été presque partout dénudé et recouvert par les dépôts glaciaires, et on ne le voit plus que dans une partie des falaises du Rhône, entre Anthon et Jonage, et surtout dans celles de Saint-Fons et de Sérézin, au sud de Lyon. Son extension au nord, dans la Bresse, a été nette¬ ment circonscrite, par M. Benoît, à la vallée de la Veyle et à Marboz, un peu au nord de Bourg (1). Si de Lagnieu, comme cen¬ tre, on décrit un arc de 50 kilomètres de rayon, s’étendant du Jura aux collines granitiques de Vienne, on embrassera complètement l’étendue de ce dépôt, dans la Bresse comme dans les directions de Lyon et de Sérézin. Nous n’en connaissons aucune trace en dehors du secteur ainsi délimité, si ce n’est la suite des terrasses d 'allàvions anciennes qui se rencontrent en aval de Vienne et qui rattachent ce dépôt à celui des allumions anciennes descendues des Alpes dauphinoises. L’âge des allumions anciennes de la Bresse peut, d’ailleurs, flotter entre des limites assez vagues : elles peuvent être de la dernière partie de la période pliocène , comme semblent l’indiquer quel¬ ques ossements trouvés dans la Bresse et les environs de Lyon ; elles peuvent aussi (et je serais porté à le croire) s’être continuées dans la période quaternaire , en même temps que se formaient les grandes allumions anciennes du nord de l’Italie, postérieures au (1) Bull., 2e sér., t. XV, p, 328. NOTE DK Mo LORY. 375 retrait de la mer subapennine . Ces deux époques, si distinctes au midi des Alpes, me paraissent n’en former qu’une seule sur le versant français, où la mer a été expulsée plus tôt et le régime continental établi dès la fin de la période miocène . Bassin de l'Isère : vallée de la Côte-Saint- André ; allumions anciennes. — Les eaux descendant des Alpes dauphinoises et du midi de la Savoie, c’est-à-dire celles du bassin actuel de l’Isèrey allaient peut-être, pendant la première partie de la période pliocène , rejoindre celles du Rhône par la cluse de Chambéry et la vallée du Bourget. C’est alors que se produisaient les glaises de Chambaran et de Bonnevaux, qui ont dû former autrefois une nappe continue et doivent être antérieures au creusement des vallées dans cette partie du bas Dauphiné. Plus tard, dans la deuxième partie de la période pliocène , les pentes du sol étant définitivement établies par les derniers exhaussements alpins, l’effort de ces eaux s’est porté vers l’issue de la cluse de Grenoble, et elles ont creusé leur lit à travers le plateau tertiaire, depuis Yoreppe jusqu’au Rhône. La direction de ce premier canal d’érosion n’était pas celle de l’Isère actuelle; et on le comprend facilement. En effet, la cluse de Grenoble à Yoreppe, ouverte par les dernières dislocations des Alpes dauphinoises, ne devait pas s’arrêter brusquement à la tra¬ versée de la dernière chaîne crétacée ; elle se prolongeait encore, sans doute, jusqu’à une certaine distance, à travers les couches de la mollasse qui s’appuie et se redresse sur cette chaîne. Le prolon¬ gement de cette cluse devait donc conduire les eaux au N. N. O., jusque vers un débouché situé entre Yoiron et Rives. Là, les eaux, cessant d’être guidées dans leur écoulement par des déchirures du sol, ont coulé tout naturellement dans le sens de la pente du plateau vers la vallée du Rhône. C’est ainsi qu’elles ont creusé, de Yoiron à Saint-Rambert, la grande vallée de la Côte-Saint- André, dans une direction O. 10° S. environ; cette direction se retrouve, il convient de le remarquer, dans toutes les petites vallées d’érosion creusées dans l’intérieur même des plateaux de Cham¬ baran et de Bonnevaux, par les petites rivières qui en découlent i la Galaure, le Bancel, la Sonne, la Yaraise, etc. Creusée rapidement par les eaux de la période pliocène, cette vallée d’érosion fut ensuite remplie, peut-être dès la fin de cette période et pendant la première partie de la période quaternaire , par des alluvions caillouteuses faisant suite à celles qui avaient comblé les bassins étagés de la région montagneuse. En amont de la cluse de Grenoble, ces dernières forment la terrasse d’Eybens 376 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. et de Champagnier, où elles ont une altitude d’environ 500 mètres : en aval de cette cluse, les alluvions caillouteuses s’élèvent, autour de Yoiron et dans la plaine de Bièvre, partie culminante de la vallée de la Côte-Saint-André, à l’altitude de 450 mètres; et elles vont, en s’abaissant régulièrement vers l’O. , se raccorder avec les niveaux des terrasses de Roussillon et de R.eventin (260 mètres environ), dans la vallée du Rhône, entre Saint-Rambert et Vienne, Telle est la distribution des alluvions anciennes formées dans les grandes vallées de la région montagneuse et dans les plaines sub¬ alpines, antérieurement à l’époque glaciaire , c’est-à-dire à l’en¬ vahissement de ces grandes vallées et de ces plaines par les glaciers qui ont donné lieu aux phénomènes erratiques. Les caractères des alluvions anciennes anté-glaciaires sont entièrement ceux de dépôts fluviatiles ou torrentiels : ainsi que nous l’avons dit plus haut, nous ne connaissons, dans la région qui nous occupe, aucune preuve réelle de l’intervention de la mer dans leur formation. Elles ne contiennent ni cailloux striés , ni gros blocs transportés loin de leur origine, à des distances plus grandes que celles où les entraîneraient les torrents actuels. Ce n’est qu’à leur partie supérieure qu’elles prennent ces caractères d’ alluvions glaciaires ; et c’est seulement au-dessus que viennent les dépôts glaciaires proprement dits, les dépôts boueux, non stratifiés, à cailloux striés et à blocs anguleux , formés, sur place, par l'extension des anciens glaciers, dans la deuxième partie de la période quaternaire. Dépôts erratiques ou glaciaires. Les dépôts erratiques , de formation purement glaciaire , c’est-à- dire ayant les caractères particuliers qui prouvent leur transport par les glaciers seuls, à F exclusion de toute intervention d’eaux fluviatiles ou torrentielles, ont, dans le N. O. du département de l’Isère, une importance plus grande que dans tout autre pays du versant français des Alpes. Cependant ils ne sont pas disséminés indifféremment sur toute la partie basse du département, et leur distribution est circonscrite dans des limites qu’il importe de pré¬ ciser rigoureusement. Ces dépôts comprennent, en premier lieu, les blocs erratiques épars , transportés à de grandes distances de leur origine, sans avoir été roulés ni usés, et conservant encore leurs arêtes vives; en d’autres termes, les blocs transportés sur la surface des gla¬ ciers. Sur les montagnes calcaires de la Chartreuse et du massif de Lans, au nord et à l’ouest de Grenoble, les blocs provenant des NOTE DE M. LORY. 377 chaînes granitiques des Alpes se rencontrent jusqu’à l’altitude de 1200 mètres (1). Ils sont répandus sur tous les plateaux et les collines les plus élevées des Terres-Froides (signal de Baracucliet, sur Saint-Geoire, 964 mètres), et l’on en rencontre jusque sur les hauteurs de Lyon et dans le département de l’Ain. Les depots boueux , à cailloux striés , sont plus caractéristiques encore de l’extension des anciens glaciers, dont ils représentent les moraines profondes ; ils sont formés d’un amas confus de débris de toute grosseur, de provenances diverses, plus ou moins loin¬ taines, les uns anguleux ou simplement émoussés, d’autres usés par leur frottement mutuel, polis et burinés de stries par le frotte¬ ment de graviers plus durs, sous l’influence d’une forte pression; le tout ne présente aucune trace de triage ni de stratification, et est empâté dans une boue ferme, peu perméable à l’eau, qui ré¬ sulte évidemment de la trituration simultanée de toutes les roches dont les fragments y sont enveloppés. Dans tous les lieux où ces amas reposent sur des roches compactes, on voit ces roches usées, moutonnées, polies et couvertes de stries parallèles, dans le sens du transport de la masse glaciaire (vallée de l’Isère, de Grenoble à Voreppe; roches de Foliénas près de Tullins; Saint-Gervais ; environs de Morestel, et tout le plateau calcaire de Morestel et de Crémieu (2) ; calcaires jurassiques des environs de Bourgoin et de la Yerpillière, à 6 lieues seulement de Lyon). Étendue des dépôts glaciaires. — Ces dépôts se rencontrent sur les pentes des environs de Grenoble, jusqu’à des altitudes de près de 1200 mètres; puis dans toute la partie basse du département qui serait circonscrite, au sud-ouest, par une ligne passant par Saint-Gervais, Rovon, Yinay, l’Osier, Morette, le sommet de Morsonna près de Parménie, Saint-Pierre de Bressieu, Yiriville, Thodure, Beaufort, Faramans, Champier, Meissiès et Jardin, près de Yienne ; — c’est-à-dire dans tout l’arrondissement de la Tour- du-Pin, la majeure partie de celui de Yienne, une partie de celui de Saint-Marcellin, et toutes les parties basses de l’arrondissement de Grenoble, jusqu’à des niveaux qui ne dépassent pas 1200 mètres aux environs de cette ville, mais qui vont en s’élevant à mesure que l’on pénètre plus avant dans les Alpes. En dehors de la ligne que nous venons de tracer, on ne ren¬ contre plus de dépôts boueux à cailloux striés ; et les blocs erra¬ tiques ne se trouvent plus que dans les allumions glaciaires ou (1) Bull., 2esér., t. XV, p. 58. (2) Ibid. , 2e sér., t. IX, p. 49, 378 SÉANCI DU 13 AVRIL 1863. post-glaciaires , aux environs de Beaurepaire et dans la vallée de l’Isère, en aval de Yinay. Les dépôts erratiques manquent complé¬ ment sur les plateaux de Chambaran, de Bonnevaux, de Cour, de Jardin, etc. Terre végétale d'origine glaciaire . — Les dépôts boueux à cail¬ loux striés forment un type de sol agricole très-répandu dans le nord-ouest du département de l’Isère, et que l’on désigne, à la Tour-du-Pin, aux Avenières, etc., comme à Chambéry, sous le nom de marc. C’est un genre de terre végétale tout particulier, puisqu’il est formé par une trituration simultanée de toute espèce de roches, et non par une décomposition du sol sous-jacent. Dans son état naturel, le marc est peu perméable, et la partie fine est principalement formée de roches calcaires pulvérisées. Aussi la proportion du carbonate de chaux, dans cette partie fine, est tou¬ jours très-forte; sur un grand nombre d’analyses, je l’ai trouvée variable de 20 à 75 pour 100. Par une action prolongée des eaux pluviales et de la végétation, et surtout après un certain temps de culture, le carbonate de chaux est peu à peu dissous; en même temps , les stries des cailloux calcaires sont effacées, et le dépôt erratique vierge, le marc , passe à une terre caillouteuse ordinaire. — Le marc, impropre à beaucoup de cultures, convient très-bien à celle de la vigne : la plantation en vignes a fait la richesse du coteau des Avenières, autrefois presque stérile, dont le sol super¬ ficiel est presque entièrement formé de boues glaciaires. Indépen¬ damment du carbonate de chaux pulvérisé , il est très-probable que ce terrain, dans son état naturel, doit renfermer des sels alca¬ lins solubles, provenant de la décomposition que les roches feld- spathiques éprouvent par la simple trituration , suivant les belles expériences de M. Daubrée. Cette remarque peut faire comprendre encore l’aptitude de ce genre de terre à la culture de la vigne. Extension des glaciers jusqu'à Lyon et dans la Bresse . — D’après la distribution des amas boueux à cailloux striés dans le nord- ouest de l’Isère, les environs de Lyon et le département de l’Ain, on peut tracer exactement le contour du lit occupé par les glaciers quaternaires, à l’époque de leur plus grande extension. Le nord du département de l’Isère était le lit d'un immense glacier, résul¬ tant clu confluent de celui qui débouchait par Grenoble et Voiron, entre les montagnes du massif de Laos et celles de la Chartreuse, et de celui qui débouchait par Chambéry, entre ces dernières et le massif des Bauges. La nappe principale de ce vaste glacier se dirigeait exactement vers Lyon, et venait se terminer au pied des montagnes du Lyonnais, sur une largeur de quelques lieues au NOTE DE M. LOKY. 379 nord de Lyon et de quelques lieues au sud, jusqu’à Vienne. Au nord, sur le plateau des allumions anciennes de la Bresse, elle s’é¬ talait, d’après les recherches de M. Benoît (1), jusqu’à Châtillon- sur-Chalaronne, et jusque auprès de Bourg. Sur les collines des environs de Lyon, la limite supérieure des dépôts erratiques pa¬ raît être à 350 mètres environ; la surface du glacier s’est donc élevée au moins à ce niveau, à l’époque où il arrivait jusque sur les hauteurs de la Croix-Rousse et de Fourvières. La nappe de glace qui s’est étalée sur la plaine bressane, jusque auprès de Bourg, a laissé, comme témoins de cette extension maxima, des boues glaciaires d’une grande étendue : mais, comme elle s’étalait librement en tous sens sur une vaste plaine, elle n’y a pas formé d’accumulation saillante en forme de moraine termi¬ nale bien caractérisée. Les eaux provenant de la fusion formaient un grand fleuve qui s’écoulait par la vallée actuelle de la Saône et du Rhône, entre le glacier et les montagnes du Lyonnais. Le niveau des eaux de ce fleuve était nécessairement déterminé par le niveau du glacier qui formait sa rive gauche, à l’ JS. , jusqu’à Vienne : il a dû varier, par conséquent, suivant l’épaisseur de ce glacier. Les eaux de ce fleuve tenaient en suspension une grande quantité de limon et de sable fin, provenant de la lévigation des boues glaciaires; et ces limons ont été déposés sur les points re¬ couverts par cette nappe d’eau, en même temps que les boues à cailloux striés sur les pays recouverts par le glacier. Telle est à mes yeux l’origine du leh/n, limon d ' alluvion gla¬ ciaire contemporain des dépôts glaciaires proprement dits. Dépôt du lehm. — Ce limon, ordinairement d’un jaune nan¬ kin, et assez riche en carbonate de chaux, quand il n’a pas été épuisé par les eaux superficielles, se reconnaît facilement par un ensemble de caractères qui sont ceux du lehm de la vallée du Rhin, des environs de Paris, etc. C est à lui seulement qu’il convient d’appliquer le nom de lehm , nom géologique que l’on a donné à tort à plusieurs dépôts limoneux de tout âge, et même à de sim¬ ples terres végétales résultant d’un épuisement sur place de cal¬ caires argilo-siiiceux, dans les environs de Lyon ( Bull . , 2e sér., t. XVI, p. 1050). Le limon jaune de la Bresse , de M. Benoît, me paraît n’être autre chose que le lehm plus ou moins complètement épuisé par les actions atmosphériques et les infiltrations aqueuses. Le lehm, tel que je viens de le définir, est un dépôt exclusive¬ ment propre au midi de la Bresse et aux autres parties de la vallée (1) Bull. , 2e sér., t. XV, p, 330. 380 SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. que le Rhône a parcourue pendant l'époque glaciaire : le lit et le niveau de ce fleuve ont changé avec la plus ou moins grande ex¬ tension des glaciers, et le dépôt de le! an a subi des déplacements correspondants. Dans le Dauphiné, je ne connais l’existence du lehm que sur des points peu éloignés de la vallée actuelle du Rhône, savoir : dans les cantons de Meyzieu et de Saint-Sym- phorien (coteaux entre Anthon et Jonage, Janneyriat, Puzignan, Meyzieu, Gênas, Saint-Priest, Venissieux, Feyzin, Solaize, etc.), puis sur les coteaux les plus rapprochés de la vallée actuelle du Rhône, aux environs de Vienne, des Roches, de Roussillon, de Saint-Vallier, de Tain; enfin, sur le versant ouest de la montagne de Crussol, en face de Valence ( Bull ., 2e sér. , t. XI, p. 727). Sur les collines lyonnaises, le lehm s’élève à une altitude de 600 mètres, au pied du mont Ceindre, à Saint-Didier ( Bull 2e sér., t. XVI, p. 1057) ; près de Saint-Vallier, il forme le som¬ met du plateau de Beausemblant, à 367 mètres; sur le revers de Crussol, son altitude est encore de près de 350 mètres. Ces cotes indiquent approximativement les niveaux les plus élevés atteints sur ces divers points par le fleuve qui a transporté cette alluvion limoneuse. La rive droite était formée par les collines du Lyon¬ nais, du Forez et de l’Ardèche; la rive gauche, par le glacier lui- même, jusqu’à Vienne, et plus loin par les plateaux tertiaires de Jardin (àlO mètres) et des autres anciennes stations télégraphi¬ ques situées à peu près au même niveau, jusqu’au confluent de l’Isère. Ce fleuve, dont la pente n’était pas plus forte que celle du Rhône actuel, ne transportait que des limons fins: aussi je n’ai jamais rencontré de blocs erratiques , dans la vallée du Rhône, au delà de Vienne. Creusement des plaines lyonnaises. — L’extension du glacier sur la Bresse, jusque auprès de Bourg, n’a eu lieu que pendant une petite partie de la période glaciaire : elle a été précédée d’une phase d’accroissement et d’avancement progressif du glacier, et suivie d’une phase de retraite successive. Pendant la première, à mesure que la masse des glaces augmentait sur les Alpes et sur le Jura, le volume des eaux du Rhône allait en diminuant, le niveau de ce fleuve baissait, et il en était de même de celui de l’Ain. Ces deux cours d’eau, à leur sortie des gorges, à Lagnieu et à Pont- d’Ain, se sont bientôt trouvés plus bas que les alluvions anciennes entassées durant l’époque précédente. Dès lors, ils ont dû travailler à se frayer des lits d’écoulement au sein de ces alluvions mêmes, et c’est ainsi, par leurs efforts réunis, que les alluvions anciennes de la Bresse ont été profondément entamées et déblayées, depuis NOTE DE M. LOUY. 381 Pont-d’Ain et Lagnieu jusqu’à Lyon, pendant la phase d’accrois¬ sement des glaciers. De là l’origine du bassin actuel des plaines lyonnaises , moins étendu que celui qui avait été creusé par les mêmes cours d’eau dans la période pliocène , puis rempli par les allumions de la Bresse. Puis les glaciers ont envahi et arrêté le cours du Rhône et celui de l’Ain dans le haut Jura ; ils sont arrivés peu à peu sur le seuil du Jura, au bord du bassin, et les eaux limoneuses qui s’en écou- i laient ont formé, dans cette dépression, de puissants dépôts de lehm confusément stratifié (cantons de Meyzieu et de Saint-Sym- phorien). A mesure que le glacier avançait par-dessus, cette même nappe de lehm s’étendait vers le nord, à des niveaux de plus en plus élevés, et couvrait les hauteurs de Lyon et les plateaux de la Bresse; le glacier avançait toujours en la recouvrant, jusqu’à Châtillon et jusque auprès de Bourg. Cailloux striés et blocs dans le lehm. — Le lehm formé au bord du glacier est souvent entremêlé de blocs et de cailloux, qui, ayant été enveloppés par ce limon fin, ont conservé leurs angles vifs et même leurs stries glaciaires , bien qu’ils fassent partie d’un dépôt remanié dans les eaux et plus ou moins stratifié. Ce fait s’observe dans le nord du Dauphiné, à Janneyriat, à Feyzin et surtout dans l’amas de lehm plaqué sur la pente orientale de la Croix-Rousse, à l’extrémité du faubourg Saint-Clair, à Lyon. Retraite du glacier; moraines. — Enfin a commencé la phase de retraite : le glacier, comme l’a remarqué M. Benoît, a dû reculer rapidement depuis Bourg jusqu’au bord du Jura, à Lagnieu. Il a abandonné alors, sur la Bresse et sur les plaines lyonnaises, les débris de sa moraine profonde, les boues glaciaires à cailloux striés. La retraite du glacier éprouva un temps d’arrêt bien marqué, lorsqu’il eut reculé jusqu’au bord du Jura et des plateaux dau¬ phinois, c’est-à-dire à la ligne passant par Lagnieu, Saint-Quentin et Saint-Symphorien. Ce temps d’arrêt est marqué par de grandes accumulations en forme de moraines terminales , placées surtout en face des débouchés des vallées, où le glacier était plus épais et sans doute plus déprimé : à Ambérieu et à Lagnieu , puis sur les territoires de la Baluie, de Blie et de Saint-Jean de Niost (Ain), enfin à Satolas, Grenav et Saint-Quentin, au débouché de la vallée de la Bourbre. Le reste de la phase de retraite du glacier sur les plateaux dauphinois n’offre rien de particulier à signaler. Ramifications du glacier principal dans le bas Dauphiné. — Eu même temps que la nappe principale du glacier delphino-savoi- 882 SÉANCE DU 18 AVRIL 1868. sien s’étendait vers Lyon et la Bresse, deux branches détachées de cette nappe s’étaient engagées dans deux dépressions du sol du département de l’Isère et y donnaient lieu à des phénomènes très-intéressants. Branche de la Côte-Saint- André . — L’une de ces branches du glacier se détachait près de Rives et remplissait la vallée de la Côte-Saint-André, creusée, comme nous l’avons vu, dans le cours de la période précédente et remplie d’alluvions ante -glati air es. Cette branche du glacier s’est élevée, au-dessus de la vallée de la Côte, jusqu’au niveau du signai d’Ornacieux (528 mètres) où l’on trouve encore des blocs et des ^cailloux striés ; et elle se terminait, à l’époque de sa plus grande extension, entre la Côte et Beaure- paire. Son extrémité est parfaitement indiquée par une grande moraine terminale qui forme, en travers de la vallée, un barrage très -saillant, concave du côté du glacier : cette moraine s’étend principalement sur les communes de Faramans et de Beaufort, sur un développement de 9 kilomètres; son relief accidenté, tout hérissé de gros blocs erratiques , contraste avec les plaines de la Côte et de Beaurepaire, entre lesquelles elle s’élève. La partie la plus saillante de cette moraine est la colline d’ Antimont, entre Faramans et Pajay, qui domine de près de 100 mètres les plaines environnantes, et qui s’élève en effet (ainsi que semble l’indiquer son nom) comme un barrage transversal, en regard des montagnes , dans une direction toute différente de celle des coteaux tertiaires qui forment les flancs de la vallée. La continuité de cette moraine n’est interrompue que par l’étroite coupure qui donne passage aux eaux, ainsi qu’à la route et au chemin de fer, en face du Village de Beaufort. Le flanc méridional de la vallée, depuis Beaucroissant jusqu’à Thodure, présente une large et abondante traînée de boues gla¬ ciaires et de gros blocs erratiques , qui forment une moraine laté¬ rale. Ces dépôts sont surtout développés près de la jonction de la moraine terminale, à Viriville et à Thodure; au sud de ce dernier village, le sol présente des coupes bien nettes, dans lesquelles on voit les dépôts erratiques à cailloux striés reposer sur Xallùvion antienne dont les galets sont arrondis et jamais striés ; ou bien, directement, sur V argile bleue à lignite , miocène , qui affleure pres¬ que au niveau de la plaine. Les dépôts erratiques forment un gradin qui s’élève, à Thodure et à Viriville, jusqu’à l’altitude de 415 mè¬ tres seulement; iis sont plaqués à la base du plateau de Chain- baran ; mais il est bien facile de voir qu’ils ne passent point sous ce plateau, comme l’a supposé M. Gras, qui a confondu avec ces NOTE DE M. LORY. B8S amas de débris glaciaires, les poudingue s tertiaires parfaitement stratifiés et parfaitement caractérisés de Roybon et de la côte de Murinais, au-dessus de Saint-Marcellin [Bull. , 2e sér., t. XIV, p. 218 et 225). Branche de Tullins et de Saint- Gerçais. — Une autre branche secondaire du glacier dauphinois, se détachant aux environs de Tullius, s’étendait entre les montagnes calcaires de Saint-Quentin et de la Rivière et les hautes collines tertiaires de Morette et de Vatillieu, extrémité nord-est du grand plateau de Chambaran; elle ne s’est prolongée que jusqu’à Saint-Gervais et Rovon, le long des montagnes, et jusqu’à Notre-Dame de l’Osier, du côté du plateau tertiaire. L’étendue du lit de ce glacier est indiquée par les boues glaciaires a cailloux striés et les gros blocs anguleux que l’on trouve depuis Tullins jusqu’à l’Osier, en passant par Crafs, et d’autre part, sur le flanc des montagnes jusqu’à Saint-Gervais; dans cette dernière localité, au pied du rocher qui porte les ruines de la tour d’Armieu, on voit la boue glaciaire reposer sur une roche polie et striée par le glacier, au bord même de la route , à une vingtaine de mètres au-dessus de l’Isère. Près de Tullins, les tra¬ vaux du chemin de fer ont mis à découvert des boues glaciaires à cailloux striés , presque au niveau des alluvions modernes de la vallée. Ces faits sont très-importants, comme on le verra plus loin, en ce qu’ils montrent que la vallée n’a pas été approfondie depuis l’époque glaciaire, et que la glace y a été encaissée, au moins jusqu’à la profondeur de l’Isère actuelle. Quant au niveau supérieur atteint par ce glacier, il est donné par l’altitude des blocs anguleux qu’il a laissés sur les flancs de la vallée. Au point où il se séparait du glacier général, au nord-ouest de Tullins, on trouve des blocs anguleux jusqu’à plus de 700 mè¬ tres d’altitude sur la colline tertiaire de Morsonna ; toutefois, le mamelon supérieur de cette colline (787 mètres) en est complète¬ ment dépourvu, et ne montre que les galets parfaitement arrondis du poudingue miocène , qui forme toute la masse de la colline. Les blocs manquent de même également sur le haut plateau cène situé entre Morette et la Forteresse; ce plateau, en partie re¬ couvert de glaises semblables à celles du plateau de Chambaran, se relie manifestement à ce dernier par le col de Toutes-Aures. Quelques blocs erratiques seulement ont passé par le petit col si¬ tué au sud du sommet de Morsonna et se sont dirigés sur Saint- Paul d’Izeaux. A l’extrémité opposée, on trouve les blocs erratiques, jusqu’au sommet des roches de Poliénas (àà6 mètres) ; au-dessus de Saint» m SÉANCE DU 13 ÀYRIL 1863. Gervais, jusqu’à 500 mètres environ; et enfin jusqu’au sommet de la colline de Bergerandière (56û mètres), entre l’Albenc et l’Osier. C’a été, probablement à peu de chose près, le niveau le plus élevé de cette nappe de glace, à son extrémité, au moment de son plus grand avancement. A Rovon, l’extrême avancement du glacier est marqué par une grande quantité de gros blocs alpins, anguleux, reposant sur le calcaire néocomien qui supporte le village, et formant un frag¬ ment de moraine terminale. En aval de la transversale qui joindrait Rovon à l’Osier, on ne trouve plus, dans la vallée de Saint-Mar¬ cellin, aucune trace de boues glaciaires à cailloux striés , et les blocs erratiques ne se rencontrent plus que roulés , dans des terrasses d 'allumions caillouteuses, où leurs arêtes sont toujours émous¬ sées. Creusement de la vallée actuelle de V Isère par le glacier . — La vallée de l’Isère , dans la direction qu’elle suit aujourd’hui , de¬ puis Moirans jusqu’au Rhône, date seulement de la période gla¬ ciaire , et le glacier secondaire, dont nous venons de déterminer l’étendue, paraît avoir eu la plus grande part dans le creusement de cette vallée. Avant la période glaciaire , les eaux des Alpes dauphinoises s’écoulaient, comme on l’a vu ci-dessus, par la vallée de la Côte-Saint- André; l’espace aujourd’hui creusé entre Tul- lins, Saint-Quentin et Saint-Gervais était rempli par un puissant dépôt de mollasse , qui se redressait, à l’est et à l’ouest, sur les roches néocomiennes de la Rivière et de Poliénas. Aucune grande vallée ne paraît avoir été creusée dans cette direction, avant l’époque glaciaire; c’est tout au plus si l’on peut reconnaître, au- dessus de Tullins, dans la direction de Cras, la trace d’une combe sans issue, d’une impasse où sont venues s’accumuler des nappes de cailloux roulés, peut-être anté-glaciaires , se rattachant à ceux de Beaucroissant et de la plaine de Bièvre. Quand est survenu le changement de climat qui a donné lieu à la grande extension des glaciers, les gorges étroites d’où viennent l’Isère et ses affluents, l’Arc, la Romanche, le Drac, ont dû être, en un très-petit nombre d’années, encombrées par les avalanches, et le remplissage de ces vallées supérieures par les glaciers a dû se faire avec une grande rapidité. Dès lors, la rivière qui s’écoulait de Grenoble à Saint-Rambert a dû être réduite à un très-petit volume, et n’a plus donné lieu qu’à des alluvions ou des corro¬ sions insignifiantes. Mais lorsque les glaces, descendant de toutes les hautes montagnes du département de l’Isère, sont venues se réunir à l’entrée de la gorge de Grenoble, elles s’y sont trouvées NOIE DE M. LORY. 385 resserrées dans un espace très-étroit, et elles ont formé, par leur accumulation, un glacier dont l’épaisseur s’est élevée à 700 mètres au-dessus de la nappe d 'allumions anciennes qui en formait le fond. Ce glacier était encore pressé, en face de l’entrée de la gorge, par les neiges perpétuelles accumulées jusqu’à 15 ou 1800 mètres au-dessus de sa surface, sur la grande chaîne de Belledonne. Dans ces conditions, le glacier de Grenoble a dû faire, avec une inten¬ sité dont il serait difficile d’assigner la limite, ce que font encore les glaciers actuels, lorsque, en s’avançant, ils sont obligés d’en¬ filer une vallée très-étroite; alors, ils labourent profondément le sol, et en poussent devant eux les débris, jusqu’à ce qu’ils arrivent à s’établir dans un espace plus large, où ces débris du vallon su¬ périeur se retrouvent alors dans la moraine terminale. Ainsi, le grand glacier, en enfilant la gorge de Grenoble, a dû presser avec une grande force contre les allumions anciennes , pousser devant lui ces matériaux meubles, et il a approfondi la gorge de plusieurs centaines de mètres, c’est-à-dire au moins la profondeur qu’elle présente aujourd’hui. Au sortir de la gorge de Grenoble, à Moirans. ce glacier rejoi¬ gnait les glaces descendant du massif de la Chartreuse, et surtout la vaste nappe de glaces qui, débouchant par la gorge de Cham¬ béry, passait par-dessus les chaînons peu élevés des Echelles et d’Aiguebelette, et venait s’étaler sur les plateaux des Terres- Froides. Le glacier, sortant de la gorge de Grenoble à un niveau inférieur à celui de cette nappe, se trouvait pressé latéralement et obliquement vers la gauche ; et de là un effort d’érosion qui s’est porté de ce côté. Une partie du glacier, se rejetant ainsi vers le S. O., creusa profondément son lit dans les collines de mol¬ lasse tendre qui rattachaient alors Saint-Quentin à Tullius. Resserrée bientôt entre les montagnes de la Rivière et les roches calcaires de Poliénas, cette branche du glacier continuait d’agir comme le soc d’une charrue, et ouvrait ainsi le premier sillon de la vallée de l’Isère, avec sa profondeur actuelle, jusqu’à Saint- Gervais et Rovon, limite à laquelle se sont arrêtées les glaces. Sur l’autre revers des roches de Poliénas, les glaces, moins encaissées, s’étalaient sans approfondir autant leur lit, et se sont prolongées ainsi jusqu’à l’Osier. Allumions glaciaires; terrasses cle la vallée de l'Isère. — Au mo¬ ment de cette extension maxima, la rivière qui provenait de ce glacier coulait, à partir du niveau de A50 mètres à l’Osier, et se dirigeait vers Saint-Marcellin, en formant une première terrasse d’alluvions caillouteuses. Cette terrasse, qui a un niveau d’environ Soc . géol.y 2e série, tome XX. 25 886 SÉANCE DU 18 AVRIL 1868. 400 mètres à l’O. de Yinay, se continue jusqu’à Saint-Yérand ; elle est encore représentée, au-dessus de la ville de Saint-Mar¬ cellin, par le petit lambeau d’alluvions caillouteuses qui forme la terrasse de Joux (330 mètres); et il en existe encore quelques autres traces, sur le flanc des collines tertiaires, au delà de Saint- Marcellin. Cette première terrasse, dans les nappes caillouteuses de laquelle on trouve beaucoup de blocs erratiques roulés, n’a pas été signalée par M. Gras (1) : elle est cependant plus puissante et presque aussi étendue que les terrasses inférieures qui forment les divers gradins entre Saint-Marcellin et l’Isère. A mesure que le niveau du glacier baissait, le niveau de son écoulement baissait aussi; et comme ce glacier se terminait sur le sol très-accidenté des roches de l’Albenc et de Poliénas, les blocs qu’il abandonnait roulaient sur la pente de ces rochers et ne restaient pas accumulés en moraine terminale . La rivière se creusa alors dans la mollasse tendre, plusieurs lits successifs qu’elle re¬ couvrit d’autant de terrasses caillouteuses. Au-dessous de la pre¬ mière, mentionnée ci-dessus, on peut en distinguer au moins trois autres, dont la plus élevée porte la ville de Saint-Marcellin et y a une altitude de 287 mètres ; la plus basse domine encore le cours de l’Isère actuelle d’environ 70 mètres. Toutes ces terrasses, comme la première, contiennent beaucoup de blocs erratiques, mais roulés , émoussés , remaniés par les eaux ; on n’y trouve plus ni boue glaciaire , ni aucun caillou strié. Leurs formations successives marquent les phases décroissantes du phé¬ nomène glaciaire dans cette vallée. Enfin, le glacier baissant de plus en plus, son extrémité s’est trouvée encaissée entre le promontoire méridional des roches de Poliénas et les roches du Lignet, en amont de Saint-Gervais : c’est alors qu’il burinait, sur les roches d’Àrmieu, les marques de la profondeur à laquelle il avait creusé la vallée. Alors la rivière résultant de sa fusion a Mû se creuser un nouveau lit encore plus profond et plus étroit que tous les précédents, celui qu’elle con¬ tinue d’approfondir aujourd’hui. Ainsi, l’Isère nous présente l’exemple remarquable d’une grande rivière dont le cours a été complètement changé, au sortir des montagnes, par les phénomènes de la période glaciaire ; et ce changement de cours, le creusement de sa nouvelle vallée, avec sa profondeur actuelle, ne me paraissent pas pouvoir s’expliquer autrement que par cette ingénieuse théorie de X afjouillement gla- (4) Bull., 2e sér. , t. XIV, p. 223. NOTE DE M. LORY. 387 ciaire , que M. G. de Mortillet a proposée et appliquée avec une grande probabilité, pour expliquer le creusement des lacs du nord de l’Italie et de beaucoup d’autres lacs des Alpes (1). Des preuves semblables à celles qu’il a données se présentent, comme nous venons de le voir, pour attribuer à cette action érosive des anciens glaciers le creusement de la vallée de l’Isère à sa profon¬ deur actuelle jusqu’à Saint-Gervais. Par suite s’expliquent aussi l’abandon de l’ancien lit, représenté par la grande vallée de la Côte- Saint-André, et d’autre part la différence de configuration que la vallée actuelle de l’Isère présente en amont et en aval de Saint-Gervais ; les terrasses successives des environs de Saint- M arcellin, dont la formation a commencé à partir de la plus grande extension des glaciers; la concentration de l’Isère dans des lits de plus en plus bas et étroits, à mesure que le niveau de son glacier baissait et qu’il fournissait un moindre volume d’eau, jusqu’à ce qu’enfin la fusion et la retraite définitive de ce glacier ait inauguré, pour la vallée, le régime qui subsiste aujourd’hui. Ce régime est celui des rivières et des torrents actuels. C’est alors, comme l’a fait très-justement remarquer M. Sc. Gras, dans une notice déjà ancienne (2), qu’ont dû être formés ces nom¬ breux lits de déjection , qui s’étalent dans la vallée de l’Isère et dans toutes les grandes vallées des Alpes, et sur lesquels coulent aujourd’hui, soit des torrents encore actifs, soit des ruisseaux qui ne transportent plus de débris. Allumions post-glaciaires ; gisement d’éléphants fossiles. — Une tranchée ouverte récemment, près de Tullius, pour le passage du chemin de fer, a mis à découvert la superposition d’un de ces an¬ ciens lits de déjection aux boues glaciaires de la période précédente, et dans ce lit de déjection on a trouvé plusieurs défenses, deux por¬ tions de molaires et des ossements d ' Elcphas primigenius. Cette tranchée, dite de la Peyraude, est située en dessous de la ville de Tullins, à quelques mètres seulement au-dessus de la plaine d’al- luvions modernes de l’Isère. La partie la plus basse montre, sur une hauteur de lm,50 à 2 mètres, le dépôt boueux erratique , à cailloux polis et striés et à blocs anguleux. Par-dessus vient une assise de lm,50, formée de lits sableux irréguliers, à stratification torrentielle, modelée sur les irrégularités du sol sous-jacent; puis 2 mètres environ de graviers et de cailloux roulés, grossièrement stratifiés, entremêlés de petits lits discontinus de sable ou de (L) Bull., 2e sér., t. XVI, p, 903, et t. XIX, p. 903. (2) Bull, de la Soc. de stat. de l'Isère , -1847. 388 SÉANCE BU 13 AVRIL 1863. marne, et représentant les dépôts successifs de plusieurs crues du torrent; la partie supérieure de la tranchée, sur lm,50, offre la continuation des mêmes dépôts, mais remaniés par les ruisseaux modernes et passant à la terre végétale caillouteuse. C’est entre l’assise sableuse et l’assise caillouteuse qu’ont été trouvés les osse¬ ments : leur bel état de conservation, sauf une friabilité extrême dans certains points, indique bien évidemment qu’ils n’ont pas été roulés, ni arrachés à un terrain plus ancien, et que les élé¬ phants ont dû. vivre sur place, à l’époque de la formation de ce lit de déjection, sur lequel est bâtie en grande partie la ville de Tullins et qui n’est plus arrosé aujourd’hui que par un filet d’eau insignifiant. Les nombreux ossements d ' Elephas primigcnius , trouvés aux environs de Lyon, paraissent aussi être postérieurs à la période glaciaire (1). Quant à la molaire de la même espèce trouvée, il y a quelques années, entre Moirans et Voiron, je l’avais rapportée aux allumions anciennes anté-°laciaircs [Bail. , 2e sér., t. XY, p. 62). Mais des renseignements plus précis sur le gisement où a été trouvé ce fossile me donnent des doutes à cet égard, et je suis porté à admettre, sur ce point, la possibilité d’un remaniement du dépôt caillouteux, après l’époque glaciaire. Ces faits ne sont d’ailleurs nullement inconciliables, à mon avis, avec ceux qui indiqueraient l’existence de XElephas primigcnius antérieurement à la période glaciaire, ou pendant cette période, sur des points qui n’ont pas été recouverts par les anciens glaciers. Carte de l' extension des glaciers dans le bas Dauphiné . — Nous croyons avoir résumé nettement, dans ce qui précède, tous les faits importants qui se rapportent aux dernières périodes géolo¬ giques dans le bas Dauphiné. Si quelques parties de nos conclu¬ sions laissent encore des doutes dans l’esprit des géologues, nous appelons de tous nos vœux leurs observations et une discussion sérieuse sur un des pays où les phénomènes quaternaires se sont développés avec la plus grande intensité. La petite carte ci-jointe (pl. Vlî) indique, conformément aux faits que nous avons exposés, l’extension des anciens glaciers dans la partie N. O. du département de l’Isère et dans la Bresse, au mo¬ ment de leur plus grand développement. Remarques au sujet des coupes de M . Gras. — Pour ne point embarrasser mon exposé, je me suis abstenu, comme je l’ai dit (1) Do même, ceux du canton de Vaud (Morlot, Bull, de la Soc. Vaudoise des sc. nat 1853 et 1854). NOTE DE M. LORY. 389 en commençant, de discuter les mémoires de AJ. Gras. J’ai publié précédemment (Bull., 2e sér., t. XV, pi. I, fig. b) une coupe qui répond suffisamment aux coupes 1 , 2 et 7 de son mémoire (Bull., 2e sér., t. XIV). J’ai reproduit cette coupe avec d’autres détails et plus complète dans ma Description géo - logique du Dauphiné , pl. III, fig. 8. Sans revenir sur les faits établis ci-dessus, je dirai seulement que si les conclusions de M. Gras diffèrent, en général, de celles des autres géologues, cela me paraît provenir d’une méthode d’observation qui lui a fait sou¬ vent confondre les juxtapositions avec les superpositions . Pour n’avoir pas reconnu les juxtapositions par suite défailles, il a été conduit à admettre, dans les montagnes de la Chartreuse, les contradictions les plus étranges aux lois de la paléontologie (voy. Bull., 2e sér., t. XVIII, p. 806) ; de même aussi, pour avoir pris des juxtapositions par placage pour de véritables superpositions, il a confondu ensemble, comme nous l’avons dit, les boues gla¬ ciaires à cailloux striés, les allumions anciennes et les poudingucs miocènes. Les boues glaciaires d’Apprieu (Bull., t. XIV, p. 215) ne passent pas sous les poudingucs de la colline qui domine ce village; elles sont plaquées à sa base et sur ses flancs. Les boues glaciaires de Thodure, comme on l’a vu ci-dessus, ne passent pas sous le plateau de Chambaran ; elles sont plaquées seulement à la base, sur le flanc de la vallée de la Côte. Les amas confus de lehm, de blocs erratiques, de cailloux striés et de graviers plus ou moins roulés, dans lesquels sont ouvertes les sablières de la gare de Saint-Clair, à Lyon (voy. Bull., 2e sér., t. XIV, p. 233, et t. XV, p. 151, note; t. XVI, p. 1029, etc.), sont, comme nous l’avons dit ci-dessus, des allumions glaciaires formées au bord même du glacier; elles sont simplement plaquées sur les pentes de la Croix-Rousse, aussi bien contre les allumions anciennes de la Bresse que contre la mollasse ou contre le gneiss. Il me suffira de renvoyer, pour ce point, à la coupe théorique donnée par M. Col- lomb, d’après AL Fournet (Bull., 2e sér., t. IX, p. 242); cette coupe est entièrement d’accord avec nos conclusions, sauf pour la place des lignites de la Tour de Pin, qui appartiennent, comme on l’a vu, au terrain de la mollasse (1). (1) Ces remarques concernent la division appelée par M. Gras dilu¬ vium alpin, ou diluvium inférieur à cailloux striés, dans laquelle il réunit pêle-mêle les boucs glaciaires à cailloux striés , les alluvions glaciaires, les alluvions anciennes, anté-glaciaircs , de la Bresse, de Saint-Fons, de Moirans, d'Éohiroîles, etc., enfin les poiulingues mro - 890 SÊANÔJS DU "J 8 AVRIL 1808, Alternance prétendue des allumions anciennes et des dépôts erra¬ tiques. — De tous les faits allégués par M. Gras pour classer les dépôts à cailloux striés à la partie inférieure des terrains quater¬ naires, je n’en connais qu’un seul où l’erreur de ce géologue pro¬ vienne d’une autre cause, et exige une réfutation spéciale : c’est la coupe qu’il a faite avec le plus grand soin ( Bull . , t. XVI, p. 1033) dans la vallée du Drac, près d’Avignonnet, et dans la¬ quelle on voit les alluvions anciennes de la vallée du Drac, k' (pl. VII), recouvertes par une grande épaisseur de boues gla¬ ciaires ou dépôts erratiques bien caractérisés E ; et, d’autre part, ces mêmes alluvions A' reposent sur un dépôt local t , qui n’appa¬ raît que sur ce point de la vallée du Drac, et qui paraît s’amincir et disparaître à une très-petite distance. D’après M. Gras, ce dé¬ pôt inférieur t contiendrait des cailloux striés et serait de même origine que le dépôt supérieur E. En examinant attentivement ce point, je n’ai trouvé, dans ce dépôt, tout à fait local, aucun caillou de caractère glaciaire ; il est composé de sables et de gra¬ viers, de cailloux généralement peu volumineux, enveloppés d’un limon sableux rougeâtre; mais il n’a nullement la structure d’un cènes de Morsonna, de Parménie, des Terres-Froides, ceux de Muri- nais, supportant le plateau de Chambaran, et alternant avec des cal¬ caires d'eau douce et des lignites. Quant à son diluvium bressan ou lehm ancien , c’est, suivant les localités, soit la glaise pliocène de Chambaran, soit le vrai lehm glaciaire, soit, plus souvent encore, le résultat de l’épuisement et du remaniement superficiels, par les agents actuels, de terrains de tout âge formant les plateaux. Et quant à ce qu’il appelle spécialement lehm et qu’il fait correspondre à celui de la vallée du Rhin, c’est, purement et simplement (on aura peut-être de la peine à le croire), la nappe superficielle des terrasses dé allumons glaciaires ou post -glaciaires, épuisée et rubéfiée sur environ un mètre d’épaisseur, et souvent moins, par les phénomènes actuels de l’atmos¬ phère et de la végétation (voyez Bull., 2e sér., t. XIY, p. 215, 223, 225, 236, etc.; t. XV, p. 153, 155, 184, etc.). Enfin je n’ai pas besoin d’ajouter que M. Gras est le seul géologue (sans excepter M. Morlot) qui ait cru nécessaire d’imaginer deux époques glaciaires distinctes, dans le massif des Alpes, la première pour apporter les dépôts erratiques à cailloux striés , en d'autres termes les dépôts gla¬ ciaires ayant le caractère de moraines profondes {Bull., 2e sér., t. XIV, p. 240); et la seconde pour apporter (seulement) des blocs anguleux épars, qui auraient été déposés délicatement par des glaciers sans doute impondérables ; car ces glaciers n’auraient pas même égratigné superficiellement la pellicule ocreuse que M. Gras appelle lehm, sur les terrasses d’all avions de l’Isère et du Rhône [Bull., t. XV, p. 185). NOTE DE M. LORY. 391 depot glaciaire. C’est tout simplement un dépôt torrentiel , dont les éléments, bien différents de ceux de Y alluvion ancienne A1 et du grand dépôt erratique E , viennent exclusivement des roches du vallon de la Motte, qui débouche en face, au même niveau, de l’autre côté de Drac. Avant le creusement de la gorge où coule aujourd’hui le Drac, un torrent, descendant de ce vallon, a poussé son lit de déjection jusqu’à ce point et a formé ce dépôt local t , composé exclusivement de débris des micaschistes, des grès houil- lers et des calcaires du lias qui se trouvent dans le bassin de la Motte. Puis le Drac est arrivé, a emporté en grande partie le lit de déjection et en a recouvert les restes par ses alluvions Ar for¬ mées de cailloux roulés arrondis, dans lesquelles on trouve toutes les roches du bassin supérieur de cette rivière. Plus tard est sur¬ venue l’époque glaciaire , où s’est formé le dépôt erratique E. Enfin depuis, dans la période moderne , le Drac actuel a creusé son lit beaucoup plus profondément que tous ces dépôts meubles, et la gorge où il est encaissé aujourd’hui, au sein des calcaires du lias, isole d’une manière très remarquable l’ancien dépôt torren¬ tiel £du bassin de réception du torrent qui l’a formé autrefois. Ce fait géologique est curieux et m’a paru mériter d’être remis dans son véritable jour : il serait difficile de dire, au juste, à quelle époque remonte la formation de ce petit dépôt torrentiel t , anté¬ rieur aux alluvions anciennes. Je ferai seulement remarquer, en terminant, l’extrême analogie qu’il présente avec le conglomérat local de cailloux lyonnais que l’on observe à Lyon, sur quelques points seulement, au-dessous des alluvions anciennes de la Bresse (voyez la coupe de M. Fournet, citée ci-dessus). La similitude de gisement est frappante : ce sont évidemment des produits d’un même ordre de choses , d’une même époque géologique, dans ces deux stations si différentes, l’une située dans la plaine, au pied des vieilles collines granitiques du Lyonnais, l’autre située dans l’inté¬ rieur des Alpes, en dedans de la zone où se produisaient encore peut-être, à la même époque, les derniers exhaussements des chaînes crétacées et des plateaux tertiaires. Je serais porté à considérer ces alluvions locales , antérieures aux grandes nappes àé alluvions an¬ ciennes , comme contemporaines de la formation, également lo¬ cale, des glaises de Chambaran et autres plateaux tertiaires du bas Dauphiné. M. Collomb demande à M. Lory s’il a reconnu les traces de dépôts glaciaires de diverses époques. 392 SÉANCE DU 18 AVRTL 1863. M. Lory répond qu’il n’en existe qu’un dans le département de l’Isère, au-dessus des cultivions anciennes. M. Ed. Coîîomb, trésorier, dépose sur le bureau les comptes de 1862. L’examen de ces comptes est renvoyé à la Commission de comptabilité. M. Collomb présente ensuite le projet de budget pour 1863, adopté par le Conseil dans sa séance du 9 avril courant. Projet de Budget pour 1863. RECETTE. désignation des chapitres de la recette. Nos des articles, jj NATURE DES RECETTES. RECETTES prévues au budget de 1862. RECETTES effectuées en 1862. RECETTES prévues pour 1865. 1 Droits d’entrée et de diplôme. 300 )> 780 G00 [ 2 5 f de l’année cou- § 1. Produits or- 1 I 1 ranle . 7.000 » 7,770 » 7,500 ,> dinaires des< 3 > Cotisations < des années pré- réceptions . . J \ 1 1 cédentes. . . 3,000 )> 2,505 » 5,000 » 4/ \ anticipées. . . . 300 » 120 » 300 » \ . a ! Cotisations une fois payées. . 1,800 » 1,770 » 1,800 „ / f 6N 1 / Bulletin . 1,210 » 1,170 » 1,5 00 » 1 7i 1 i Mémoires. . . . 800 » 855 80 800 » § 2. Produits des j 8 > Vente de . . J Histoire des pro- publications . 1 1 1 | j grès delà géo- 1 v >. * t logie . 650 » 608 CO 500 „ § 3. Capitaux ( I 91 Arrérages de rentes 3 °/0. . . 1,870 » 1 ,870 » 1,870 » placés. . . . I ! 10 Arrérages d’obligations. . . . 510 » 510 » 510 /Il Allocation du Ministre de l’In¬ struction publique pour les publications de la Soc. 1,000 » 1,000 )) 1,000 » l 12 Reliquat de l'allocation de l’année dernière . 500 » B » 500 g 4. Recettes di- , ! 15 Souscription du Ministre verses. . . . . 1 d’Étut à 50 exemplaires i des Mémoires . 600 » 600 » 600 » f 14 | Recette extraordinaire rela- j tive au Bulletin . 400 » M » 500 » i 15 Recettes imprévues . 220 » 768 » 20 M \46 Loyer de la Soc. météoro¬ 1 logique . 400 » 400 » 400 B Totaux. . . . 20,760 » 20,407 70 21,000 » § 5. Solde du compte de 1862. . . . | Reliquat en caisse au 31 décembre 1862 . 818 25 Total de la recette prévue pour 1863. 21,818 25 NOTE DE M. DELESSE. 393 Projet de Budget pour 1863. DÉPENSE. DESIGNATION des chapitres de la dépense. NATURE DES DEPENSES. § 1. Personnel..' § 2. Frais de lo¬ gement. . . . § 3. Frais de hu-^ reau, . § 4. Magasin. . . §5. Publications § G. Emploi de capitaux. . . (son traitement. . . . travaux extraordi¬ naires . gratification. . . . indemnités de loge ment . f ses gages. . . . ^ l gratification ordi Garçon de ] ° v / naire ruic gratification e: \ traordinaire. Loyer, contributions, assu rances . , . . . Chauffage et éclairage . . . Dépenses diverses . Ports de lettres . Impressions d’avis et circu laires . . Change et retour de mandats Mobilier . Bibliothèque, reliure, port. (impression , pa pier et planches port . Mémoires, impression, pa pier et planches . Placement des cotisations un ques . . Dépenses imprévues. . , Totaux. . . BALANCE. DÉPENSES prévues au budget de 1862. DÉPENSES effectuées en 1862. DÉPENSES prévues pour 1863. 1,800 » 1,800 » 1,800 » 300 » 500 » 500 „ 200 » 200 » 200 » 200 200 1) 200 » 800 » 800 40 800 » 100 » 100 » 100 » 100 » 100 » 100 » 2,850 » 2,577 45 2,600 » 650 » 766 70 700 » 550 » 554 70 500 » 250 » 518 05 500 » 150 » 98 10 200 » 20 » 15 15 20 » 550 » 531 70 150 » 900 » 1,117 05 1,000 » 7,900 7,893 45 8,200 900 » 840 CO 900 » 2,400 » 2,512 15 5,0ü0 » 900 » » » » » 80 » 10 » 50 » 21,200 » 20,113 50 20,900 » .... 21,818 1 t. 25 c. La dépense à . 20,900 Il y aura un excédant de recette de . 9 1 8 fr. 25 c. Ce projet de budget est adopté par la Société. M. Delesse fait la communication suivante : Carte agronomique des environs de Paris ; par M. Delesse. Les premières tentatives de cartes agronomiques sont dues à M. de Gaumont qui, dès l’année 1842, a présenté au Congrès SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. 391 scientifique de Strasbourg une carte agronomique du départe¬ ment du Calvados; c’est à lui, par conséquent, que revient incon¬ testablement l’honneur d’avoir fait la première carte agronomique qui ait été publiée en Fiance. Des travaux du même genre ont paru depuis cette époque, et nous citerons particulièrement ceux de MM. Belgrand, Eugène Jacquot, Richard de Jouvence, Scipion Gi as, de Sainte-Claire. Il en est encore beaucoup d’autres qui sont préparés en ce moment, car l’exécution de cartes agronomiques a été décidée par un assez grand nombre de départements. Ajoutons enfin que des cartes agronomiques se font aussi à l’étranger, no¬ tamment en Irlande, sous la direction de sir Robert Kane et de M. Sullivan. Un intérêt tout spécial s’attache donc à ces cartes, et je me propose d’indiquer très-sommairement à la Société quelle méthode j’ai employée pour exécuter la carte agronomique des environs de Paris. Mode de recherches . — La terre végétale peut être étudiée à des points de vue très- différents, et ses qualités dépendent d’un grand nombre de variables. Elle subit, en effet, les influences de l’air, de l’eau, de l’atmosphère, en un mot, du climat dans lequel elle se trouve; toutefois, ses caractères tiennent essentiellement à sa nature même; par suite, il importe surtout de connaître ses propriétés physiques et chimiques, c’est-à-dire sa composition minéralogique. C’est cette composition que je me suis proposé de représenter par une carte. Pour y parvenir, des échantillons de la terre végétale ont d’a¬ bord été pris à une profondeur moindre que 0m,30, et choisis dans un endroit où le sol était bien naturel; en outre, on a eu le soin de les espacer convenablement et de les multiplier d’autant plus que leurs variations de composition étaient plus grandes. Les substances qui constituent essentiellement la terre végétale sont l’humus, l’argile, la marne, le calcaire, le sable, le gravier, les débris pierreux. On commençait par constater la présence de chacune d’elles, puis on déterminait approximativement leurs proportions. L’humus existe toujours dans la terre végétale; mais quand il est abondant, il lui donne une couleur brune ou noirâtre. Le cal¬ caire se reconnaît tout de suite à l’effervescence qu’il produit avec un acide, en sorte qu’il était toujours facile de tracer la limite entre la terre végétale qui est avec calcaire et celle qui est sans calcaire. De plus, on a eu soin de doser la proportion d’acide carbonique pour un assez grand nombre d’échantillons. Les matières argileuses, sableuses et pierreuses ont, du reste, été NOTE DE M. DELESSE. 395 déterminées par la lévigation et par le tamisage. Pour cela, on pesait d’abord une certaine quantité de terre végétale, après l’avoir fait dessécher ; puis on la délayait dans un vase à précipité en l’agitant avec de l’eau qu'on laissait ensuite reposer; on décantait cette eau à plusieurs reprises, de manière à entraîner seulement l’argile et les parcelles microscopiques, et alors il restait au fond du vase le sable avec les débris pierreux. Lorsque ce résidu était sec, on en prenait le poids, puis on le secouait sur un tamis dont les mailles offraient un intervalle ayant environ 1 millimètre suivant leur diagonale, et qui laissait seulement passer le sable ; enfin, on pre- I nait également le poids de la partie restée sur le tamis, qui consistait en gravier et en débris pierreux. Système de notation. — Comme la terre végétale présente une composition complexe et variable dans des endroits même très- rapprochés, il est fort difficile d’indiquer à la fois la nature et la proportion de ses éléments. D’un autre côté, ses éléments varient plutôt dans leur proportion que dans leur nature, en sorte qu’il n’est guère possible d’avoir recours à des teintes. Yoici quel est le système que j’ai suivi pour la carte agronomique des environs de Paris. La terre, très-riche en humus, est représentée par des hachures bleues et très-fines qui sont inclinées à degrés; ces hachures s’étendent généralement sur la région calcaire. Maintenant la terre sans calcaire est accusée par une teinte rose, et celle avec calcaire par une teinte jaune. Le sable, le gravier, les débris pierreux qui forment le résidu de la lévigation sont figurés par des signes rouges disposés paral¬ lèlement à la méridienne de l'Observatoire. L’argile, la marne, l humus et les parcelles entraînées dans la lévigation sont, au contraire, figurés par des signes bleus qui sont disposés perpendiculairement à cette méridienne. Pour faire connaître la proportion des substances qui compo¬ sent la terre végétale, on a eu recours à une légende inscrite au point où a été pris l’échantillon essayé. Cette légende donne le sable ainsi que le résidu grossier de la lévigation; souvent aussi elle donne la proportion d’acide carbonique contenu dans la terre. Pour avoir le carbonate de chaux correspondant, il suffit alors de multiplier l’acide carbonique par 2,27. Tous ces résultats se rap¬ portent, du reste, à la terre végétale desséchée à l’air, et ils sont exprimés en centièmes. En outre, on s’est proposé de rendre bien sensible aux yeux la proportion des principales substances qui entrent dans la terre SÉANCE DU 13 AVRIL 1863. 396 végétale, et de la figurer sur toute l’étendue de la carte. Dans ce but, les signes conventionnels ont été distribués méthodiquement. J On les a répartis sur des lignes perpendiculaires entre elles, qui se à coupent suivant des carrés ayant pour côté 0,75 de centimètre. e Comme l’échelle de la carte est 1 /ZiO 000, chacun des carrés présente 1 300 mètres de côté sur le terrain. Ces lignes perpendiculaires ont i d’ailleurs pour point de départ l'Observatoire et la méridienne u qui y passe. Pour noter approximativement la composition de la * terre végétale qui est comprise dans chaque carré, on a disposé, 1 parallèlement aux deux côtés consécutifs formant l’angle sud-est, t les signes conventionnels qui représentent les diverses subtances i contenues dans cette terre. Toutefois, on n’a pas tenu compte des |( subtances dont la proportion était moindre qu’un dixième. L’ar- I gile, la marne et l’humus sont figurés par des signes bleus sur le 1 côté sud du carré ; tandis que le sable et les pierres qui forment s le résidu du lavage sont figurés par des signes rouges sur le côté est. Quand une substance dépassait la moitié du poids de la terre végétale, il était impossible de placer sur un même côté du carré tous les signes conventionnels qui la représentent. Dans ce cas, on a distribué ces signes, en partie sur le côté du carré qui leur est attribué, et en partie sur une deuxième ligne parallèle passant par son centre; de cette façon, le signe correspondant à la substance dominante appelle l’attention d’une manière tonte particulière, car, sur la surface d’un même carré, il devient plus nombreux, et, de plus, il occupe une position spéciale. Les signes parallèles aux deux côtés formant l’angle sud-est du carré sont toujours au nombre de dix ; par conséquent, ils donnent la composition de la terre végétale exprimée en dixièmes. Il peut arriver que la terre végétale varie notablement dans les limites d’un même carré, et c’est, en particulier, ce qui s’observe sur le flanc des coteaux abruptes ; on conçoit qu’ai ors les indica¬ tions de la carte seront seulement approximatives. Résultats principaux. — La terre végétale change le plus sou¬ vent d’une manière graduée, en sorte qu’il est assez difficile de tracer des limites nettes entre ses variétés. Toujours elle contient de l’argile, du sable et très- fréquemment encore des débris pier¬ reux. L’humus, qui la constitue essentiellement, est surtout très- abondant dans les vallées et dans toutes les dépressions du sol, même lorsqu’elles sont sur les plateaux et sur le flanc des collines, il s’est particulièrement concentré dans le fond des vallées hu¬ mides, et partout où le soi est imbibé par les eaux. NOTE DE M. DELESSE. SD7 Calcaire. — Le calcaire se rencontre en proportions variables dans la terre végétale, mais sa répartition est cependant soumise à des lois. Il manque généralement sur le haut des collines qui environnent Paris, notamment sur celles de Sceaux, Meudon, Versailles, Garches, Saint-Germain, Monlmaguy, Mitry, Mont- fermeil, Villiers-sur-Marne, Sucy en Brie, Limeil et Villejuif. Il manque également sur les terrasses qui bordent le cours de la Seine et de la Marne, en particulier à Neuilly-sur-Marne, dans h prescju’ile de Saint-Maur, dans une partie des bois de Vin- connes, de Boulogne, du Vésinet, de Saint-Germain. Il manque même dans le haut de la vallée de Bièvre. Ainsi, dans les environs de Paris, la région sans calcaire occupe le sommet des collines et le haut des plateaux, qu’ils soient formes par le terrain lacustre de la Beauce ou par celui de la Brie ; elle descend le long de quelques terrasses, jusqu’au niveau des plus grandes crues de la Seine et de la Marne; elle s’étend même jusque dans les vallées de la Bièvre et de ses affluents. La région avec calcaire comprend au contraire les thalwegs, les dépressions des plateaux, les flancs des coteaux et surtout le fond des vallées. L’examen de terres végétales provenant de localités très-di¬ verses, m’a montré d’ailleurs que le calcaire y manque non-seule¬ ment quand le sous-sol n’en a pas, mais même lorsqu’il en con¬ tient beaucoup. En effet, je n’ai pas trouvé de calcaire dans des terres végétales prises près de Semur et provenant de la décom¬ position du granité, ni dans les terres sableuses de Saint-Avold qui reposent sur le grès vosgien, aux dépens duquel elles sont formées, ni dans certaines terres argileuses superposées aux marnes irisées de la Moselle, non plus que dans les terres qui recouvrent le terrain tertiaire des environs de Londres, no¬ tamment à Kensington, à Rew, à Sydenham. D’un autre côté, les terres végétales des plateaux crétacés de la Picardie et de l’Yonne, près de Sens, ainsi que des bords du Cher, sont fréquemment dénuées de calcaire ; il en est encore de même pour celles des plateaux jurassiques, comme je l’ai constaté à Alise- Sainte-Reine, en Bourgogne. Enfin, en Angleterre, sur le haut des collines crétacées du Kent, vers Maidstone et Rochester, les terres végétales consistent, comme autour de Londres, en une argile rouge plus ou moins sableuse ou pierreuse, mais elles ne font généralement pas effervescence avec un acide. Ainsi, la terre végétale qui couronne des hauteurs formées de calcaire peut très- bien en être elle-même complètement dépourvue. 398 SÉANCE DU 18 AVRIL 1868. Argile. — L’argile se retrouve dans toutes les terres végétales j des environs de Paris, tantôt elle est pure, tantôt, au contraire, | elle est à l’état de marne et associée avec du calcaire. Les terres f qui recouvrent les plateaux formés par le terrain lacustre de la Beauce et de la Brie, sont particulièrement riches en argile, et par cela même elles donnent lieu à un grand nombre de mares. A Cœuilly et à Villejuif, la proportion d’argile est supérieure à 1 50 pour 100, et elle peut s’élever jusqu’à 90. Sur les flancs des coteaux, les terres végétales deviennent argilo-marneuses, par suite de ce qu’elles sont mélangées avec des marnes, surtout avec celles des collines gypseuses ; elles offrent alors des zones assez régulières qui s’observent, soit au niveau de ces marnes, soit à un niveau inférieur. Mais l’argile s’est surtout concentrée vers le fond des vallées sèches ou humides; car à cause de la facilité avec laquelle elle se laisse délayer et entraîner, elle a rempli toutes les dépressions du sol, qu’elles se trouvent dans les plaines, sur les hauteurs ou sur le flanc des coteaux. Résidu de la lévigation. — Considérons maintenant le résidu donné par la lévigation de la terre végétale. Il est essentiellement formé de sables provenant surtout de l’étage de Fontainebleau, de gravier quartzeux et hyalin, ainsi que de meulières de la Beauce et de la Brie. Les débris calcaires sont plus rares; les grains de minerai de fer et de feldspath le sont encore beaucoup plus. Sur les plateaux, le résidu de la lévigation est très-variable pour la terre végétale qui recouvre un même terrain. Ainsi, sur l’argile à meulières de Beauce, il est considérable vers le haut des plateaux, notamment au-dessus de Garches, de Marnes, de Sè¬ vres, de Meudon, et il s’élève alors jusqu’à 70 pour 100. Mais plus au sud, vers Saclay, il peut se réduire à quelques centièmes. Sur les hauteurs qui sont couronnées par les sables de Fontaine¬ bleau, et immédiatement au-dessous de ces sables le résidu est toujours considérable; c’est ce qu’on observe près de Sceaux, Versailles, Viroflay, Saint-Cloud, Garches, Montmartre, Belle- ville, Sucy, Villejuif. Il peut accidentellement s’élever à 90 pour 100. Au-dessus des plateaux formés par le terrain lacustre de la Brie, le résidu est encore très-variable. Par exemple, sur le pla¬ teau de Villejuif il se réduit sur certains points à quelques cen¬ tièmes, tandis que sur les plateaux de Romainville, de Chene- vrières, de Villiers-sur- Marne, il est généralement supérieur à 50 et ne descend pas au-dessous de 20 pour 100. Sur des plateaux ayant NOTE DE M. DELESSE. 399 la même altitude et formés des mêmes terrains, le résidu de la lévi - gation est donc très-différent. Il dépend d’autant plus des roches sous-jacentes que le terrain diluvien auquel appartient la terre végétale, offre moins d’épaisseur. Sur les coteaux, le résidu de la lévigation est également très- variable ; cependant, lorsque ces coteaux présentent un plan in¬ cliné, on peut constater qu’il augmente à mesure qu’on descend. C’est particulièrement bien visible sur le coteau de Châtillon; car, tandis qu’à Châtillon même le résidu n’est que de 30 pour 100, il dépasse 60 un peu plus bas, et pius bas encore, à Mon- ( trouge et à Vaugirard, il peut s’élever à 80 pour 100. Il en est de même lorsqu’on suit le coteau qui s’incline du mont Valérien vers Nanterre. Quant aux roches formant le résidu, elles pro¬ viennent surtout des environs et notamment des parties qui do¬ minent les coteaux. Si nous descendons actuellement jusque dans les vallées, nous trouverons que le résidu de la lévigation varie non-seulement dans des vallées différentes, mais encore dans une même vallée; en outre, il varie à la fois dans le sens longitudinal et dans le sens transversal. Considérons, par exemple, la Marne. Près de ses bords et dans le fond de la vallée, le résidu est faible et reste même inférieur à 30 pour 100 ; mais, en s’éloignant des bords et en s’élevant sur les parois de la vallée, le résidu de la lévigation augmente considéra¬ blement, et il peut atteindre 80 pour 100. C’est facile à constater dans le bois de Vincennes et dans la presqu’île de Saint-Maur ou de Champigny. La Seine nous donne encore les mêmes résultats, car le résidu de la lévigation est de 25 à Saint-James, au bord du fleuve, tan¬ dis qu’il est de 65 près du grand lac du bois de Boulogne, et de 75 un peu plus haut vers la porte Dauphine; à Champerret il atteint même 80 pour 100. Ces faits s’observent, d’ailleurs, sur les deux rives et sur un grand nombre d’autres points de la vallée de la Seine. Lorsqu’une vallée n’est pas encaissée, on voit donc que le résidu de la lévigation va généralement en augmentant à mesure qu’on s’éloigne de ses bords pour s’élever sur ses parois. 11 est facile de séparer par le tamisage le sable fin du résidu grossier, c’est-à-dire du gravier et des débris pierreux. On trouve alors que ce résidu grossier est ordinairement en proportion beau¬ coup moindre que le sable. Sur les plateaux et sur les coteaux il devient quelquefois assez &00 SÉANCE DU 13 AVRIL 18G3. considérable, et même sur certains points des plateaux de Marnes ou de Meudon, il dépasse accidentellement 50 pour 100. Sur les plateaux de Villejuif et de Satory, aussi bien que sur les plateaux de Gonesse et de Mitry, le résidu grossier peut, au con¬ traire, devenir à peu près nul. Quelquefois il en est encore de même pour la terre végétale qui repose sur les sables de Fontainebleau, et pour celle qui se trouve dans les parties qu’ils dominent; car, bien que le résidu de la lévigation soit alors considérable, il peut être presque entièrement formé de sable fin. Dans les endroits où le sol est réputé pierreux, comme à Cour¬ bevoie, à Nanterre, dans le bois de Boulogne, le rapport du ré¬ sidu grossier au sable fin est plus grand qu’un dixième; toutefois, généralement, il ne dépasse pas quelques dixièmes. 11 est rare, d’ailleurs, que le résidu grossier devienne égal et surtout supérieur au sable. Dans les vallées, le résidu grossier est toujours très-faible, mais il augmente lorsqu’on s’élève sur leurs parois. Quant à la proportion du sable fin, elle est encore très-notable, même dans le fond des vallées; car, sur les bords de la Seine et de la Marne, elle varie depuis quelques centièmes jusqu’à 30 et jusqu’à 50 pour 100. — La terre végétale des environs de Paris ne s’est pas formée simplement par la désagrégation sur place des roches sous-ja¬ centes; elle appartient au terrain de transport qu’on retrouve avec des épaisseurs variables à toutes les hauteurs et elle en forme la partie supérieure. Elle résulte du mélange de ce terrain avec les débris d’animaux et de végétaux qui ont vécu à sa surface. — On voit que la carte agronomique fait connaître, d'après un système particulier de notation, quelle est la composition minéra¬ logique de la terre végétale en un point quelconque des environs de Paris. En outre, elle indique la région qui est sans calcaire ou pauvre en calcaire, c’est-à-dire celle qu’il est avantageux de mar¬ ner; elle indique aussi la région argileuse ou fortement mar¬ neuse, c’est-à-dire celle qu’il convient de drainer. En terminant, j’ajouterai que les recherches nécessaires pour exécuter cette carte agronomique m’ont conduit à étudier avec quelque soin le terrain diluvien des environs de Paris, qui est, comme on le sait, fort complexe. J’en ai même dressé une carte spéciale qui représente les différents dépôts de transport, au moyen d’un système de signes conventionnels analogue à celui qui a été employé pour la carte agronomique. NOTE DE M> GUUNEIt, /j 01 À la suite de la communication de M. Delesse, M. Grüner présente les observations suivantes : L’absence de la chaux dans les terres végétales des plateaux, même lorsque le sous-sol est calcaire, est un fait assez général. Notre collègue M. Fournet (de Lyon) a constaté il y a long¬ temps que les terres qui couvrent le mont d’Or lyonnais ne ren*» ferment plus un atome de chaux, quoique le sous-sol immédiat appartienne au calcaire oolithique inférieur. Plus récemment M. Albert le Play a constaté, dans un travail qui a paru l’an dernier dans les Annales cle physique et de chimie , que le sol meuble provenant des gneiss décomposés de la Haute- Yienne contenait du carbonate de chaux, ainsi que les sources qui en sortent, tandis que les parties superficielles et élevées de ce même sol, formant la terre végétale proprement dite, en sont entièrement dépourvues. Les deux auteurs attribuent ce fait, avec raison, je crois, à l’action prolongée des eaux pluviales plus ou moins chargées d’acide carbonique. Cette action dissolvante, que personne d’ail¬ leurs ne nie, se manifeste aussi, au pied de tous les plateaux du Jura, par les nombreuses sources qui y déposent du tuf calcaire incrustant. M. Hébert est disposé, avec M. Delesse, à considérer la terre végétale comme un dépôt spécial dont l’origine ne saurait, dans beaucoup de cas, s’expliquer par une simple décomposition sur place du sous-sol. Il a souvent observé, en effet, dans des points où la terre végétale repose sur une épaisseur assez considérable de loess, qu’elle présente tous les caractères d’un dépôt spécial opéré par voie de transport, et qu’elle renferme à la base quelques cailloux qui n’existent point dans le loess. Ce motif et d’autres, dont il faudrait poursuivre plus minutieusement l’examen, portent à croire que, malgré les modifications qu’elle a subies par l’action de l’homme et des agents atmosphériques, la terre végétale est le produit d’un phénomène géologique particulier. Mais il pense, avec M. Grüner, que l’absence du carbonate de chaux dans les lieux où le sol est calcaire n’est pas une raison suffisante pour admettre cette indépendance. Tous les observateurs savent combien est puissante l’action des eaux Soc. géol. , 2e série, tome XX. 26 m SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. pluviales sur les calcaires. Dans les lieux où des masses nues de calcaires compactes sont exposées à Pair sans intervention de l’homme, comme dans certaines montagnes des Pyrénées, il en est résulté de telles érosions, que la surface de ces marnes figure en petit les grandes inégalités de l’écorce terrestre avec leurs pics et îeurs arêtes montagneuses, avec leurs systèmes de vallées. Si la roche renferme des fossiles silicifiés, ceux-ci se présentent en saillie, et le collecteur se réjouit du travail que la nature a fait à son profit. Une terre végétale peut donc avoir été chargée de carbonate de chaux et n’en plus renfermer un atome. Le marnage des terres, sans cesse renouvelé et sans cesse nécessaire, est une nouvelle preuve de cette rapide disso¬ lution du carbonate de chaux par les eaux pluviales. Séance du 20 avril 1863. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Agniel, ingénieur des mines, rue des Blancs-Mouchons, 45, à Douai (Nord) ; présenté par MM. Grüner et Goubert • Eudel (Émile), capitaine au long cours à Saint-Pierre (île de la Réunion) ; présenté par MM. Bureau et Milne Edwards; Gabb, à San-Francisco, Californie (États-Unis); présenté par MM. l’abbé Bourgeois et E. Lartet ; Laurent (le très-révérend P.), provincial des frères mineurs capucins, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 71, à Paris; présenté par MM. Albert Gaudry et Danglure. ' M. Bonnardot (Léon), à Ghâtenoy-le-Royal, par Châlon-sur- Saône (Saône-et-Loire) , ancien membre de la Société , est admis sur sa demande à en faire de nouveau partie. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 405 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part du Comité de la paléontologie française : f 7e Iwr. des Echinides crétacés , par M. G. Cotteau ; 2° 3e lier. des Zoophytes delà formation crétacée, par M. de Fromenleî. De la part de M. Albert Gaudry, Animaux fossiles et géo¬ logie de ï Attique, 4e livr. De la part de M. Edouard Dupont, Sur le calcaire carboni¬ fère de la Belgique et du Hainaut français (extr. du Bull, de VAc. R. de Belgique , 2e sér., t. XV, n° 4), in-8, 55 p. De la part de MM. E. Billings et T. Devine : 1° On the parallelism ofihe Quebec group with the Llan- deilo of England and Australia , and with the Chazy and calciferous formations ; 2° Description of a new trilobite from the Quebec group ; 3° On the remains of the fossil Eléphant fourni in Canada , in-8°, 36 p., Montréal, 1863; chez J. Lovell. Comptes rendus hebd. des séances de V Acad, des sciences . 1863, 1er sem., t. LVI, n° 45. Bulletin de la Société de géographie , mars 1863. Bulletin de la Soc. industr. de Mulhouse , mars 1863. U Institut, n° 1528; 1863. U Abbevillois, 9 et 8 avril 4 863. Proceedings of the Royal Society , t. XII, nos 52 et 53. The Athenœum , n° 1851; 1863. Reoista minera , t. XIV, n° 309, 15 avril 1863. The Canadian journal of indus try , science and art , févr. 1863. Annual report of the geological Suivey of India and of the Muséum of geology, for the year 1861-1862, in* 8, 9 p. , 4 carte. Calcutta, 4 862 ; chez A. Dozey. Memoirs of the geological Suivey of India , vol. IV, p. I, m-b, Calcutta, 1862. P alœontologia irulica, t. II, n09 1 et 2, grand in-4, Calcutta, 4 862. M. Danglure offre à la Société, au nom du Comité de la 40/i SÉANCE DE 20 AVRIL 1863, paléontologie française : 1° la 7e livraison desEchinides crétacés» par M. Gotteau; 2e la 3e livraison des Zoophytes de la même formation, par M. de Fromentel. M. Élie de Beaumont fait don à la Société, au nom de M. le docteur Yilüarn G. Rice (de Boston) de moules galvano-plas- tiques de quelques fossiles de la collection de M. le docteur Charles T. Jackson (de Boston). M. Albert Gaudry, en remettant à la Société la he livraison de son ouvrage sur les Animaux fossiles et la géologie de VAttique , présente les remarques suivantes : Sur les liens que les Hyènes fossiles établissent entre les Hyènes vivantes ; par Albert Gaudry. J’ai déjà entretenu la Société des fossiles de Grèce, qui forment des intermédiaires entre des genres bien distincts dans la nature actuelle. Aujourd’hui, j’attire son attention sur des fossiles qui semblent établir des liens étroits entre des espèces du même genre, le genre Hyène. Dans la nature vivante, il existe trois espèces d «y ènes : Y Hyène tachetée , Y Hyène rayée (ou vulgaire), Y Hyène brune. Les deux pre¬ mières diffèrent tellement l’une de l’autre, au point de vue de la dentition, que d’habiles naturalistes croient pouvoir considérer l’une d’elles (Y Hyène tachetée) comme formant un sous-genre au¬ quel on donne le nom de Crocotta. Cette Hyène, comme on le sait, a une petite tuberculeuse supérieure, et sa carnassière infé¬ rieure n’a pas de denticule interne contre le second lobe ; au con¬ traire, Y Hyène rayée a une grande tuberculeuse supérieure, et sa carnassière inférieure a un denticule interne. Entre ces deux formes extrêmes, Y Hyène brune établit un intermédiaire, car elle a une grande tuberculeuse supérieure, et cependant le denticule interne de sa carnassière inférieure est réduit à un état très-rudi¬ mentaire. A l’état fossile, nous connaissons plusieurs Hyènes : l’une, Y Hyène de Montpellier , est tellement voisine de Y Hyène rayée , qu’il faut pent-être la confondre avec elle; une autre, Y Hyène des cavernes , est bien proche de Y Hyène tachetée ; enfin l’Hyène de Pikermi, nommée Hyœna eximia , rentre dans le groupe de Y Hyène brune , et elle établit encore mieux que celle-ci un intermédiaire entre Y Hyène tachetée et Y Hyène rayée , car, tandis qu’elle a une grande NOTE DE M. D’OMALIUS d’iIALLOY. 405 tuberculeuse supérieure, elle n’a plus aucun rudiment de denli- cule contre le second lobe de sa carnassière inférieure. La ma¬ gnifique tête de Y Hyœna brevirostris , trouvée près du Puy par M. Aymard, et donnée par lui au musée de cette ville, présente les mêmes particularités de dentition que l’espèce de Grèce. Ainsi, les caractères dentaires, généralement considérés comme ayant une valeur générique parmi les carnassiers, varient dans des animaux singulièrement voisins les uns des autres. Presque toutes les découvertes paléontologiques révèlent tantôt entre les familles, tantôt entre les genres, tantôt même entre les espèces, des dilférences moins tranchées que les naturalistes ne l’avaient supposé à l’origine. M. d’Omalius d’Halloy fait la communication suivante : Résumé cl* un mémoire de M . Édouard Dupont sur le calcaire carbonijére de la Belgique et du Hainaut français; par M. d’Omalius d’Halloy. Etant chargé de présenter à la Société un exemplaire d’un mémoire de M. Edouard Dupont, Sur le calcaire carbonifère de la Belgique et du Hainaut français, je crois devoir, en même temps, indiquer les principaux faits annoncés dans ce travail. M. Dupont, quoique bien jeune encore, avait recueilli, dans les environs de Dinant-sur-Meuse, une grande quantité de fossiles dont il avait, l’année dernière, publié la liste dans une notice qui a aussi été offerte à la Société, et où il faisait ressortir les diffé¬ rences que présentent les faunes des principaux gîtes qu’il avait explorés, mais sans donner aucune notion sur les rapports strati- graphiques de ces gîtes. C’était une lacune que l’auteur a senti la nécessité de combler, et il s’est livré, depuis lors, k l’étude de la stratigraphie avec un zèle qui a été couronné de succès, car il est parvenu à distinguer, dans les environs de Dinant, six assises suc¬ cessives caractérisées par des faunes particulières , ce qui n’était pas facile dans une contrée aussi disloquée, et ce que M. Dupont n’aurait pu faire s’il n’avait été guidé par ses observations paléon¬ tologiques. D’un autre côté, pour que ce résultat eût un véritable intérêt scientifique, il fallait qu’il ne demeurât pas circonscrit aux en¬ virons de Dinant ; aussi l’auteur s’est-il empressé de l’étendre à tout le bassin carbonifère d’entre l’Escaut et la Roer. SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. â06 Voici l’indication sommaire des six assises dont il s’agit, en commençant par la plus inférieure t 1° L’assise d’Etroeungt est caractérisée par l’abondance descri- no'ides et formée d’un calcaire de couleur foncée, quelquefois ar¬ gileux, d’autres fois magnésien, qui alterne, dans sa partie infé¬ rieure, avec des schistes, et dans sa partie supérieure, avec des phtanites. M. Dupont a pris Etrœungt pour type de cette assise, parce que cette localité du Hainaut français avait déjà acquis une certaine célébrité par la visite que la Société y avait faite en 1853 et par la description que M. Gosselet en a donnée dans son beau travail sur les terrains primaires de ces contrées. Peut-être qu’il aurait été préférable de prendre ce type dans les carrières de Soignies et des Ecaussines qui fournissent les magnifiques pierres de taille qui ornent les monuments de Bruxelles, ainsi que le marbre connu sous le nom impropre de petit granité, carrières qui pourraient bien aussi acquérir une réputation paléontologique, M. Winqcs ayant découvert dernièrement, à Soignies, des fossiles qui ne sont pas encore déterminés, mais qui paraissent être des ichthyoduri- litlies. D’un autre côté, le gîte d’Etrœungt, situé sur la limite du bassin, ne présente que la partie inférieure de l’assise, et les fos¬ siles dévoniens y sont plus abondants que les fossiles carbonifères, ce qui est cause que la Société et ensuite M, Gosselet l’ont rangé dans le groupe de ce nom; mais, comme dans les localités où l’assise est plus complète, il n’y a que des fossiles carbonifères dans les parties supérieures, M. Dupont croit devoir considérer cette assise comme la base du terrain carbonifère. 2° L’assise d’Avesnelles, qui vient ensuite, est formée de cal¬ caire compacte gris, de dolomie et de marbre noir. Ce dernier, qui est exploité dans les environs de Dinant et à Bachant, renferme quelquefois des rognons et des bandes de phtanite noir, ainsi que des noyaux et des veines de calcaire cristallin blanc. Les fossiles sont rares dans cette assise ; M. Dupont cite le Productus Beberti comme le plus caractéristique. 3° L’assise de Tournay, caractérisée par l’abondance du Spirifer mosquensis , renferme une grande quantité d’autres fossiles, parmi lesquels M. Dupont cite comme les plus communs, dans la partie inférieure : Y Orthis Michelïni , le Productifs Flemingii , la Fenes- tella pAebeia} et dans la partie supérieure : Y Orthis resupinata, Y Athyris Roissy i, la Phillipsia gemmulifera , le Spirifer convolutus } le Productus mesolobus. 4° L’assise de Waulsort, près de Dinant, se compose d’un cal- NOTE DE M. D’OMALIUS d’hALLOY. 407 caire grenu à teinte ordinairement pâle, contenant souvent des noyaux de calcaire radié de couleur blanche et entouré d’un bord, bleu foncé. Ses fossiles caractéristiques sont les Spirifer striatus et cuspidatus. L’auteur cite, en outre, comme fossiles dominants, savoir, dans la partie inférieure ; Coriocardium alœjorme , Pro- ductus semireticulatas , P. pustulosus, P. aculeatus ; et dans la partie supérieure : Orthoceras munsterianiim , Goniatites belvalianus , Evomphalus pentagulatus , RhynchoneUa pleurodon , Productus fini - briatus , Cardiomorpha oblonga, Amplexus coralloides . 5° L’assise de Namur est caractérisée par l’abondance d’une dolomie, souvent celluleuse, renfermant fréquemment des géodes tapissées de cristaux, et dont la cohérence varie depuis l’état meuble, jusqu’à celui d’une roche très-tenace. Les fossiles ne sont pas abondants dans cette assise, surtout dans les parties dolomi- tiques, mais ils y atteignent souvent une taille plus considérable que ceux des autres assises. M. Dupont cite, entre autres, de grands Evomphales et X Hcirmodites catenatus. 6° Enfin I’assise de Yisé est principalement composée d’un cal¬ caire à cassure conchoïde, d’un gris bleuâtre passant au gris de cendre et au blanc, prenant quelquefois, dans les parties supé¬ rieures, la texture bréchiforme. Les fossiles y sont extrêmement abondants et présentent un grand nombre d’espèces. Les plus communs sont les Productus cor a et giganteus. Je ne reproduirai pas ici les longues listes de fossiles que M. Du¬ pont donne comme formant les faunes particulières de ses six as¬ sises, et je me bornerai à mettre sous les yeux de la Société le ta¬ bleau où il fait voir comment certaines espèces se répartissent entre les diverses assises. A08 séance du 20 AvniL 1863. Tableau de la répartition de quelques espèces de Jossiles dans les diverses assises du calcaire carbonijère de la Belgique . Les lettres c, ac. cc, r, rr signifient, respectivement, commun, assez commun, très-com¬ mun, rare, et très rare; le signe % indique que le degre' de fréquence de l’espèce «’a point encore été constaté, et le signe ? que l’espèce n’a point encore été observée à ce niveau, mais qu’elle s’y trouve probablement. ESPÈCES. ASSISE D’ÉTROEUNGT. |j | ASSISE D’AVESNELLES. | ASSISE de TOURNAY. ASSISE de WAULSORT n? P S < A » P w S Sow. . ac . ? . r • ? . . ? . rr — pinguis ( rotundatus ), id . rr ? r ac * c * cc — cuspidalus, Mart . rr ac c — striatus , id . rr rr ac cc . ? . rr — mosquensis Fiscb. ........ r cc ac r Rliynclionella pleurodon , Phill . rr * r ac c cc . ? . ac Orthis resupinata, Mart.. . . r * ac cc c c * c — crenistria , Phill . . . . . . ac ? * rr rr rr . ? . * — IVtirhe.lini, Lev . . . . cc r * rr ? rr Chonetes papilionacea , Phill . r ? ac ? c — variolata , d’Orb . ac ? . r 9 ’ 9 rr Productus aculeatus , Mai l . . . . ac ac CC c . ? C — fimbriatus , Sow . r ac c cc ? . c — punciatus , Mart . rr . ? . rr ! ? . c — pustulosus , Phill . r . ? . r ac ac c . ? ac — Flemingii , Sow . ac ? ce ac ac ac ? ] ac — semireticulatus , Mart. ...... rr * ac ac c cc c c | — Cora , d’Orb . rr * r r ac c c cc — giganteuSy Mart.. ......... ac cc Cnnac.ardiiLtn alat forme , Phill. .... r . ? . cc c ? ac Cardiomorpha oblonga , Sow . rr r . ? . cc . ? . * Per.te.n mar.tat.ux , de Kon . r r r c — - Sowerbyis M’C . . , rr * ? ac . . . Amplexus coralloides , Sow . * . ? . r ac c cc ac ac L’auteur s’occupe ensuite de la manière dont ces diverses assises sont disposées dans le bassin carbonifère d’entre l’Escaut et la NOTE DE M. D’OMALIUS d’hALLOY. Z|09 Roer. On sait que cette contrée a été fortement disloquée et plissée, de manière que les dépôts carbonifères y sont divisés en un grand nombre de petits massifs, souvent terminés par des digitations et séparés par des voûtes dévoniennes. Or, il résulte des observations de M. Dupont que les couches de calcaire, au lieu de s’être unifor¬ mément étendues sur toute la surface du grand bassin carbonifère, formaient, déjà avant leur dislocation, des bandes plus ou moins étroites, déposées irrégulièrement sur le terrain dévonien. Aussi sur les douze massifs dont l’auteur décrit la composition, il n’y en a qu’un, celui de Florenne, qui présente les six assises, tandis qu’un autre, celui de Yisé, n’en présente qu’une seule. Du reste, cette disposition se retrouve dans tous les dépôts postérieurs et an¬ térieurs de ces contrées. C’est ainsi qu’à Yisé le calcaire de ce nom repose immédiatement sur le calcaire dévonien, de sorte qu’il y manque non-seulement les cinq assises inférieures du calcaire car¬ bonifère, mais aussi les psammites du Condros et les schistes de Famenne. M. Dupont termine son travail par des considérations sur le développement des espèces animales, en faisant voir que celles-ci présentent ordinairement très-peu d’individus lors du commen¬ cement de leur apparition, qu’elles prennent ensuite un grand développement numérique et qu’elles diminuent successivement jusqu’à leur disparition. Il fait enfin remarquer qu’il y a une liaison intime entre toutes ces faunes, et que, si l’on a cru qu’il existait une séparation tranchée entre la faune de Tournay et celle de Yisé, c’est que l’on ne connaissait pas les faunes intermédiaires de Waul- sort et de Namur. M. Hébert fait remarquer que, dans cet intéressant travail, les idées émises par M. Gosselet, au sujet du mélange des fossiles dévoniens et carbonifères au point de contact des deux terrains, sont confirmées. M, Deshaves rappelle que M. de Yerneuil avait déjà cité des faits de même nature et qu’ils sont fréquents dans le bassin de Paris, On voit aussi, dit-il, des espèces passer de la partie infé¬ rieure d’un terrain à la partie supérieure. Il en résulte qu’une séparation nette des terrains, telle que M. Murchison a voulu l’établir pour les terrains anciens, est contestable. M. d’Omalius d’Halloy cite aussi certains fossiles que l’on trouve dans une région à la partie supérieure d’un terrain et qui descendent à la partie inférieure dans un autre. Il se SÉANCE DU 20 AVRIL 1863, MO félicite de voir progresser une opinion déjà bien ancienne de lui sur le défaut de séparation tranchée des terrains. M. Terquem indique quelques caractères qui servent à dis¬ tinguer la Gryphée arquée de la Gryphœa obliqua et de la Gry- phæa cymbium . Il cite notamment une ligne droite placée à la partie supérieure de la petite valve de la Gryphée arquée. Il croit que l’étude sérieuse de l’ouvrage de Goldfuss éviterait de com¬ mettre des erreurs à ce sujet. M. Deshayes fait remarquer que c’est Sowerby qui a déter¬ miné la Gryphœa obliqua et que Goldfuss et lui ne se sont pro¬ bablement pas entendus sur sa description. Le secrétaire lit la note suivante de M. Meugy : Note géologique sur quelques terrains crétacés du Midi ; par M. Meugy. Il existe sur les confins de l’Ardèche et du Gard, à quelques kilomètres au nord de Barjac, une localité qui présente beaucoup d’intérêt sous le rapport géologique, parce qu’on y trouve réunis sur une surface très-restreinte tous les termes de la série crétacée du midi, ainsi que des terrains plus modernes sur l’âge desquels on ne paraît pas d’accord. Je veux parler de l’intervalle compris entre les deux villages de Vagnas et de Salavas qui ne sont distants que de 5 kilomètres. Sans presque s’écarter de la grande route dirigée du sud au nord qui joint ces deux villages, on peut passer en revue tous les étages du terrain crétacé, depuis le calcaire néocomien ou urgonien jusqu’au calcaire à Hippurites, et observer, même au-dessus de ce dernier calcaire, des couches plus récentes au milieu desquelles se trouve un gisement de lignites et de schistes bitumineux exploités pour la fabrication de l’huile. Je me propose de faire connaître les faits que j’ai recueillis dans cette localité, de les relier à d’autres faits que j’ai été à même de constater en quelques points de l’arrondissement d'Uzès, et d’en déduire des conséquences au point de vue du rapprochement qui peut être établi entre les couches crétacées du midi et celles du nord. Cette étude est d’autant plus intéressante que la concession de Vagnas comprend deux systèmes de lignites : l’un à un niveau inférieur, l’autre à un niveau supérieur aux Hippurites, et que NOTE DE M. MEUGY. AU certaines personnes croyaient contemporains en admettant l’exis¬ tence d’une faille qui aurait relevé le calcaire à Hippurites, en sé¬ parant la formation supérieure en deux parties. Nous ferons voir que non-seulement il n’y a pas de faille, mais que les deux dépôts charbonneux, bien que rapprochés l’un de l’autre, appartiennent à deux formations essentiellement diffé¬ rentes. La route de Yagnas à Salavas peut être considérée comme à la séparation de deux étages crétacés qui se distinguent bien nette¬ ment entre eux sous le rapport minéralogique : d’un côté, à l’est de la route, le grès vert ou les systèmes aptien et albien, et de l’autre côté, à l'ouest, un système argiio-sableux h lignites recouvert par le calcaire à Hippurites. Nous supposerons que nous partions de Salavas, point le plus éloigné par rapport à Barjac, et que nous revenions vers Yagnas en suivant la route. Colline de Salavas. — - Le village de Salavas, bien connu par ses carrières d’argile réfractaire, est bâti sur une crête de calcaire relevé presque verticalement sur le bord méridional de la vallée de l’Ardèclie et dirigé sensiblement au nord-ouest parallèlement au cours de la rivière. Il incline au nord-est. Ce calcaire a dans ce point 15 mètres de puissance, et sa masse est précédée par des alternances de calcaire semblable, de sables grossiers et de pou- dingues quartzeux. Il est compacte, jaunâtre, cristallin et a été rapporté par M. Emilien Dumas, le savant auteur de la Carte géologique du Gard , au calcaire à Hippurites. Il se trouve en effet sur le prolongement naturel de ce dépôt qui règne presque sans discontinuité de Yagnas à Salavas. Je n’ai pu y découvrir d’Hippu- rites ; mais on y observe un assez grand nombre de polypiers sur le sommet de la montagne, à l’est du village. En descendant la côte au midi, on remarque d’abord sous le calcaire à Hippurites des grès argilo-calcaires et des sables argileux d’un gris verdâtre qui plongent vers le nord-est comme le calcaire lui-même, puis des glaises bariolées et des sables micacés plus ou moins gros jus¬ qu’au fond de la vallée dont le versant opposé est formé par le calcaire néocomien. Yers le bas de la côte, on a percé deux galeries horizontales dans un sable jaune cohérent, à très-gros grains, pour aller recouper, à une douzaine de mètres de l’entrée, une couche de terre réfractaire rosée de 1 mètre d’épaisseur environ. Il existe au-dessus de ce gros sable une veine de sable blanc très-fin comme de la poussière, et mêlé de grains quartzeux assez gros, qui est exploité ailleurs comme sable réfractaire. /|1 2 SÉANCK DU 20 AVRIL 1863. De Salavcis a Rieusset et au champ des Pauvres. — En sortant deSalavas par la route qui conduit à Vaguas, on rencontre d’abord, alternant ensemble, des marnes sableuses grises et jaunâtres, des sables argileux et calcaires et des grès schisteux micacés en petits bancs plus ou moins durs (grès vert). Ce système supporte une formation sablo-argileuse qui se montre à droite sur le versant de la montagne où des exploitations de terres réfractaires sont ouvertes depuis longtemps. On voit d’abord au bas de la côte : Un sable à gros grains gris ou jaunâtre avec lits de gravier quartzeux . Puis successivement, des couches de sables rouges, jaunes, blancs (réfractaires) avec veinules de glaise . Une glaise jaune et noire . Des grès ou des sables agglutinés à gros grains jaunâtres ou blanchâtres . Des glaises de différentes couleurs, grises, jaunes, rosées, violacées, à pâte très-fine, plus ou moins réfractaires, avec veine intercalée de sable gris à gros grains. . . . On y observe en certains poins des traces de lignite. Tout le système plongeant au sud-ouest, on exploite la glaise au moyen de galeries horizontales pratiquées dans les sables qui la supportent. Ces terres glaises servent à la fabrication des creusets de verrerie, des briques réfrac¬ taires, de la faïence, et s’exportent au loin. On les vend jusqu’à 3 francs les 100 kilogrammes sur place. Au-dessus vient une masse de sable jaune argileux avec petits galets quartzeux, à la partie inférieure de laquelle existe encore une couche de glaise rougeâtre de 2 mètres d’épaisseur . Enfin le tout est recouvert par le calcaire à Hippurites qui couronne le sommet de la colline . 8m,00 7m,00 1 m,50 3m,00 6m,00 8m,00 10m,00 Sur la rive d’un petit ruisseau qui traverse la route à 500 mètres en deçà du hameau de Rieusset, on voit des alternances de grès argilo-calcaires, de marnes sableuses micacées et de grès calcaires avec points verts (greensand). De là au hameau de Rieusset on marche sur le sable jaune, puis, arrivé à ce point, on observe sur la rive droite du ruisseau le cal¬ caire néocomien bouleversé, sur lequel repose en stratification complètement discordante une marne noirâtre, la même que celle qui affleure dans le ravin voisin du champ des Pauvres, et dont il sera question plus loin. Cette marne, dont l’épaisseur est d’environ 10 mètres, est faiblement inclinée vers la route et supporte une masse de grès calcaire solide de 5 mètres de puissance, qui passe à NOTE DE M r MEUGY. as un grès argilo-calcaire moins consistant. Elle renferme des lits subordonnés de grès argileux grisâtres dans lesquels on trouve un assez grand nombre de Spatangus, des valves d’une grande Huître, de petites térébratules et d’autres fossiles. A ces roches aptiennes ou albiennes, que nous considérons comme appartenant aux grès verts et au gault réunis, succèdent de gros sables alternant avec des couches de grès solide . 8m,00 j Ce sont évidemment les mêmes que ceux qui sont infé¬ rieurs aux argiles réfractaires de Salavas. Puis viennent des sables jaunes plus fins avec veines de glaise grise renfermant des débris de végétaux fossiles et préludant au terrain à lignite . 10™, 00 Enfin des sables argileux avec bancs de grès solides subor¬ donnés . 4 0m,00 Tous ces faits peuvent s’observer sans qu’on s’écarte de la roule de Vagnas. On arrive alors à une petite maison habitée par un nommé Antoine Anjoulas et située en face du champ des Pauvres. Nous nous sommes arrêté à ce point pour faire une coupe du terrain perpendiculairement à la chaussée. Côte du champ des Pauvres. — Dans un ravin situé à 200 mètres à l’est de la route, on voit affleurer les roches du terrain crétacé inférieur qui consistent, de bas en haut : 4° En une marne noire (la même que celle de Rieusset) dont la stratification est indiquée par des lits minces de grès argileux verdâtres glauconifères inclinés vers l’ouest qui affectent en se délitant une forme noduleuse. . . . 12m,00 Au fond du ravin on remarque des plaquettes éparses de grès vert bien caractérisé. 2° En des sables argileux effervescents de couleur gris verdâtre passant à une glaise de même couleur et super¬ posés à la marne noire . 5 à 6m,00 3° En des grès argileux verdâtres et calcaires qui font suite à la couche précédente et couronnent la petite crête voisine de la route . 8m,00 Toutes ces roches font effervescence avec les acides. On y trouve d’assez nombreux fossiles, et notamment une grosse Huître, des Spatangus, des Plicatules, des Bucardes, des Rhyn- chonelles, etc. En revenant vers la route, en face de la maison Anjoulas, on observe des sables jaunes avec gravier superposés aux grès et annonçant une nouvelle formation distincte de la précédente. SÉANCE DU 20 AVRIL 186B. hïh De l’autre côté de la route, au champ des Pauvres, le même sable jaune à gros grains est bien développé. Il incline à l’ouest magnétique sous un angle de 30 degrés environ. Yoici, du reste, la j série des couches qui se succèdent de bas en haut jusqu’au plateau supérieur : Au niveau du ruisseau, sur les sables jaunes dont il vient d’être question, et qui ont 4 0 à 15 mètres de puissance, repose un système ligniteux avec glaises dont l’ensemble a 5 à 6 mètres d’épaisseur. . . 5 à Viennent ensuite de nouveaux sables jaunes . Puis, marne grise . Sable argilo-calcaire gris avec de grosses Huîtres . Marne gris jaunâtre. . . Marne sableuse gris blanchâtre, avec concrétions calcaires. Grès à gros grains de quartz et à pâte calcaire, avec em¬ preintes de Trigonies. ... . . . . . . . Lit de marne grise . Grès calcaires micacés verdâtres et glauconifères plus ou moins consistants, avec divers fossiles ( Cardium , Area , Prctunculus, grosses Huîtres, etc.) . Sable argileux gris jaunâtre . . Gros sable avec grès . Marne glaiseuse jaunâtre plus ou moins sableuse . Sables argilo-calcaires verdâtres plus’ou moins consistants. On les voit reposer directement sur le terrain néocomien à l’est de la route et à peu de distance du ravin où affleure l’argile noire du gault. Calcaire à Hippurites et à Nérinées cristallin et jaunâtre jusqu’au bord du plateau . . Total. ..... 77m,50 Ce calcaire existe avec les mêmes caractères pétrographiques et paléontologiques sur tout le plateau jusqu’à la fabrique d’huile de schiste de Sagriès. J’estime qu’eu égard à son inclinaison, son épaisseur peut être évaluée à 15 ou 20 mètres. Les Hippurites sont répandues à profusion à la surface du sol, et on les trouve encore en grand nombre avec des JNérinées, près de la cantine, avant de descendre à l’établissement. C’est à ce point que le calcaire commence à s’enfoncer sous une formation plus récente dont nous allons donner la description. Coupe du terrain lignitijère de Sagriès [commune de V a gn as'). — Voici la série des couches superposées au calcaire à Hippurites : Sables agglutinés jaunâtres à grains variables . 5 m , 0 0 Glaise grise . . . 6m,00 6m,00 4 0m,00 8 m , 0 0 4m,00 4nî,00 4m,00 0m,50 4 0m,00 3m,00 3m,00 3m,00 4 0m,00 6m,00 6m,00 NOTE DE M. MEUGY. M5 Roche siliceuse compacte et à pâte très-fine blanche ou rosée . Affleurement de schiste charbonneux exploité comme lignite . «... La couche de lignite exploitée a 1m,20 de puissance à l’intérieur des travaux et se compose comme suit : schiste en haut. 0m,40 nerf pyriteux. . 0m,10 lignite . 0,70 2m,00 0m,80 Elle est dirigée à très-peu près au nord magnétique. Glaises blanches, grises et jaunes . 2,n,00 Sable blanc micacé très-fin . 2m,00 Glaise . 8m,00 Sable jaune à grains moyens . 3m,00 Glaise grise et rosée avec veine de schiste noir de quelques centimètres à la partie supérieure . 6m,00 Glaises grises avec schistes noirs micacés et couches subor¬ données de sables fins. On y trouve du fer carbonaté qui est argileux dans les glaises et micacé dans les sables. . 20m,00 Sable fin terreux et blanchâtre, recouvrant une couche de glaise, avec veine de schiste noir de 0m, 10 . 1 m,50 Glaises de diverses couleurs (grises, jaunes, rosées, rou¬ geâtres), avec plaquettes ferrugineuses. ........ 4m,00 Sable fin micacé blanc rosé . 3m,00 Glaise noirâtre de Champcrebat ou Champcrevé. .... 10m,00 Schiste bitumineux exploité pour la fabrication de l’huile (1m,50 dont 0m,30 de stérile) . . 1m,50 Glaise noirâtre un peu calcaire . 1 5m,00 Calcaire gris rougeâtre cristallin à structure compacte, légèrement saccharoïde et à cassure esquilleuse . 3m,00 Sable jaune . . . 3 à 4m,00 Conglomérat quartzeux et calcaire . 2m,00 Sable micacé agglutiné par un ciment calcaire blanc. . . 0m,50 Alternances de marnes glaiseuses de sables argileux, et de calcaires gris jaunâtres, rougeâtres et blanchâtres. . . 3m,00 Tuf calcaire blanchâtre avec fossiles d’eau douce, en couches inclinées vers l’ouest (exploité comme pierre de con¬ struction)... Ainsi, en résumé, on observe, entre Salavas et Vagnas, sur les roches du grès vert, un système sableux comprenant des glaises avec lignites, puis un système marno-sableux, puis le calcaire à Hippurites, auquel succède une nouvelle formation ligniteuse où les glaises prennent un grand développement et qui se soude aux couches tertiaires lacustres des environs d’Alais. Les deux terrains à lignites se trouvent donc à des niveaux très-différents, puisqu’ils sont séparés par une centaine de mètres de dépôts divers régulièrement stratifiés qui se succèdent sans SÉANCE DU 20 AVRIL 1803. m interruption et sans aucune faille. Les roches qui les constituent n’ont d’ailleurs, entre elles, aucune similitude, et le calcaire à Hippuriles qui les sépare démontre suffisamment qu’ils appar¬ tiennent à deux formations bien distinctes. Les fossiles sont abondants au-dessous de ce calcaire, tandis qu’ils sont très-rares au-dessus. On n’a, en effet, trouvé jusqu’ici que quelques ossements de petites dimensions dans les schistes bitumineux de Yagnas. Ces ossements n’ont pas été déterminés, mais paraissent appartenir à la famille des Rongeurs. La surface du calcaire à Hippuriles porte aussi des traces évi¬ dentes d’érosion, de dénudation. La formation îigniteuse qu’il supporte doit donc appartenir à une époque géologique posté¬ rieure. Remarquons enfin que ce même calcaire est généralement re¬ gardé comme le terme le plus élevé dans la série des terrains crétacés du midi. Aussi sommes-nous disposé à rapporter le terrain à lignites et à schistes bitumineux, dont il est question, à la période tertiaire, d’autant qu’il a beaucoup plus de rapports avec les couches qui le suivent qu’avec celles qui le précèdent. Il serait probablement l’équivalent du terrain ligniteux du Soissonnais. Ce bassin charbonneux de Sagriès semble se trouver, par sa position et ses caractères, sur le même horizon que celui de Pio- lenc (Yaucluse), qui a été décrit par M. Scipion Gras; car ils repo¬ sent tous deux sur le calcaire à Hippurites. AI . Gras a cru devoir classer ce terrain dans la craie. Quant à nous, nous ne pouvons y voir qu’un représentant de la période éocène par les motifs que nous venons de donner. On retrouve aussi dans le département de Vaucluse, au-dessous du calcaire à Hippurites, qui est pour nous un précieux jalon, le système ligniteux de Montdragon, dont l’existence établit une liaison plus intime encore entre les deux localités. Les lignites de Montdragon nous paraissent, en effet, tout à fait analogues à ceux du champ des Pauvres de Vagnas, puisqu’ils sont non-seulement inférieurs aux Hippurites de Mornas, mais placés comme ceux-ci au-dessus des roches du greensand. 11 résulte encore des faits observés entre Yagnas et Salavas, que le calcaire à Hippurites se détache nettement des étages inférieurs, qu’il recouvre en stratification transgressive ; car nous l’avons vu à Salavas reposant immédiatement sur les sables à lignites, tandis qu’à Yagnas, au contraire, il est séparé des mêmes sables par une épaisseur assez considérable de terrains marno-sableux. De sorte NOTE DE M. MEUGV. hï 7 que si l’on rapporte le calcaire à Hippurites au système turo- nien, en raison des fossiles qui s’y trouvent, on est conduit à faire entrer le terrain à lignites inférieur de Vaguas dans le système cénomanien, avec lequel on peut déjà lui reconnaître quelque analogie au point de vue minéralogique. Les faits qui vont suivre tendront à confirmer cette opinion. Transportons-nous maintenant dans l’arrondissement d’Uzès, et décrivons d’abord ce qu’on observe près du village de Con- naux. Coupe du monticule des Costes à Connaux. — On jouit du haut de ce monticule, qui touche au village, d’un magnifique pano¬ rama dans la direction du mont Ventoux. Yoici, en procédant de haut en bas, la succession des couches qui le constituent : Bancs calcaires minces remplis de petites Huîtres et alter¬ nant avec quelques veines de glaise . . . 5m,00 Marne glaiseuse . 1m,00 Deux bancs de grès calcaires rougeâtres résistants composés de grains de sable cimentés par une pâte calcaire, avec couche de sable gris fin et de marne intercalée . 3m,00 Marne grise avec lits de grès calcaire subcristallin . 4m,00 Affleurement de lignite (couche exploitée) . 0m,20 Marne glaiseuse grise . 3 ni , 0 0 Calcaire d’eau douce compacte gris blanchâtre . 5m,00 Marne glaiseuse grise . 0m ,50 Affleurement de lignite (couche exploitée) . 0m,30 Sable gris jaunâtre . 2m,50 Marne d’un gris foncé avec plaquettes de fer carbonaté. . 3 m , 0 0 Banc de calcaire sableux à grains fins avec empreintes de Turritelles et autres coquilles. . . . . . 0m,50 Sable blanc . . . 0m,30 Sable jaune à grains moyens . . ... ) g01 00 Banc de grès à gros grains semblable à ceux de dessous, j J Marne grise . . ^“><>0 Sable fin argileux gris veiné de jaune, avec concrétions fer¬ rugineuses . 3m,00 Grès ou sables à gros grains. . . 3ai,00 Sable blanc . ) Argile sableuse fine d’un gris pâle, avec concrétions fer- V 3m,00 rugineuses. . . * . . . J Sable jaune veiné de rouge, avec bancs de grès solide. . . 3m,00 Gros bancs de grès rougeâtre composé de sables à assez gros grains, faiblement agglutinés (ce grès passe parfois à un minerai de fer siliceux) . 10m,00 A reporter. . . 53m,80 27 Soc. géol ., 2e série, tome XX. hiS SÉANCE DU 20 A Y ML 1868. Report. . . 53m,80 Bancs de grès calcaire, avec de minces couches de sable intercalées . 5m,00 Sables jaunes avec lits discontinus subordonnés de calcaire rougeâtre noduleux . 5m,00 Grès à pâte calcaire subcristallin et sables argileux bleuâtres ou jaunâtres, avec nodules calcareux en bancs minces alternatifs. . . . . 10m,00 Total . 73m,80 Des sables jaune orangé à grains moyens ont été extraits d;un puit creusé au bas de la côte, dans le village même de Connaux. Ces couches inclinent au sud 30 degrés ouest. Elles sont recou¬ vertes à la base de la colline par le sable argileux du limon qui renferme des coquilles d’eau douce (Cyclostomes). Les deux bancs de lignite, dont les affleurements sont indiqués dans la coupe précédente, sont exploités dans les communes de Connaux, Gaujac, le Pin, etc. ; ils sont à 8 mètres d’intervalle l’un de l’autre. La couche supérieure a 0m,65 et la couche inférieure lm,35, divisée par un nerf de 50 centimètres en deux bancs, dont le plus élevé a 0,60 et le plus bas 0m,25 d’épaisseur ; il y a aussi à 7 mètres en dessous des précédentes, une troisième couche inexploitée qui ne paraît pas aux affleurements. On m’a montré de beaux échantillons de terre de Sienne qui ont été trouvés sous forme de nodules, empâtés dans un sable ver¬ dâtre, à plusieurs mètres au-dessus des lignites exploités. Les fossiles sont nombreux dans les couches de lignite; ils ont pour la plupart conservé leur tèt parfaitement blanc; mais ils sont souvent déformés, aplatis et méconnaissables, quand ils se trouvent au milieu même du combustible ; ils sont plus entiers dans la marne grise durcie qui forme le toit des couches. Si L’on compare la coupe précédente à celle de Salavas, on re¬ marque qu’ici la formation sableuse à lignites est beaucoup plus développée. Il y a des monticules assez élevés aux environs de Connaux, qui sont entièrement sableux; mais la glaise qui ac¬ compagne les lignites n’est pas pure comme à Salavas; elle est, au contraire, mélangée de carbonate de chaux ou imprégnée de fer. Toutefois, à part ces circonstances minéralogiques qui, du reste, sont purement locales (car nous verrons que la glaise est exploitée aussi comme terre réfractaire dans T arrondissement d’Uzès), c’est bien le même ensemble à Connaux et à Salavas. La NOTE DE M. MEUGY. M9 situation géologique des deux terrains est tout à fait semblable, puisqu’ils sont tous deux supérieurs au calcaire néocomien, qui affleure à peu de distance dans les deux localités; seulement il ne faut voir dans la coupe précédente de Connaux que le système argilo-sableux à lignites inférieur aux roches du champ des Pauvres. Nous trouverons l’équivalent de ces dernières, y com¬ pris le calcaire à Hippurites qui les surmonte, dans une colline opposée à celle des Costes, de l’autre côté du village de Connaux, et dont nous allons donner la description. Les couches qui forment la base du monticule des Costes et qui figurent dans la coupe précédente, sous les noms de grès à pâte calcaire, sables argileux bleuâtres ou jaunâtres, etc., pourraient être parallèles aux roches de même nature que nous avons remar¬ quées sous la masse sableuse en sortant de Salavas, près de Kieusset, et en face du champ des Pauvres ; et comme ces der¬ nières semblent se lier au grès vert par leur composition miné¬ ralogique et par les fossiles, nous serions porté à admettre aussi comme probable que le greensand existe à Connaux sous les sables à lignites, bien que nous n’y ayons pas remarqué de fossiles caractéristiques. Mais nous n’exprimons cette opinion qu’avec réserve, attendu que nous n’avons pu constater la relation de posi¬ tion qui doit exister entre les couches inférieures du monticule des Costes et les sables jaune orangé extraits au pied de la côte. De Connaux au camp de César . — - Le plateau du camp de Cé¬ sar est situé à 3 kilomètres environ au nord-est du village de Connaux, près de la route de Bagnols. En suivant cette route, à partir de Connaux, on rencontre d’abord, dans une tranchée au delà d’un ruisseau, des bancs épais de calcaire cristallin sableux gris ou jaunâtre. Ces calcaires sont supérieurs aux lignites du Figon, qui sont exploités près de là au pied de la montagne et qui se trouvent dans le prolongement de ceux de Connaux, de sorte que les calcaires dont il s’agit doivent être considérés comme su¬ périeurs au système sableux à lignites de la colline des Costes dont nous avons donné la coupe. On oblique à droite, en quittant la route pour tourner un ma¬ melon conique dû à un relèvement des couches précédentes, et l’on arrive au pied d’un grand talus formé de deux gradins, qui borde le plateau du camp de César. On remarque d’abord dans le fond d’un petit ravin, une marne sableuse à pâte fine, bigarrée de gris et de jaune sous un sable jaune qui, à quelque distance de là, recouvre les lignites du Figon (10 mètres); puis, en montant la côte, un système de marnes argilo- SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. &20 sableuses, gris jaunâtre et glauconifères plus au moins consistantes, avec lits ou rognons subordonne's de calcaire argilo-sableux plus dur. Un peu plus haut, les bancs durs renfermés dans la marne sableuse sont plus calcaires ; on y voit beaucoup de fossiles parmi lesquels abonde surtout T Os trea colamba (20 mètres). Le calcaire finit enfin par prendre le dessus et forme des bancs solides qui terminent le premier gradin (6 mètres). Le deuxième talus est formé des mêmes roches marno-sableuses compactes, présentant des alternances de bancs durs et tendres, comme plus bas (10 mètres). A ces roches succèdent des grès ar- gilo-calcaires en couches minces (15 mètres), et le plateau supé¬ rieur est couvert par 8 ou 10 mètres de calcaire cristallin jau¬ nâtre en gros bancs durs coupés verticalement. Tout ce système de couches penche légèrement vers le nord-est. Bien que les calcaires de la partie supérieure ne m’aient pas fourni de fossiles, je suis disposé à penser qu’ils appartiennent à la for¬ mation à Hippurites, tant à cause de leur composition minéra¬ logique, que de leur position relativement aux couches infé¬ rieures. L’ensemble des faits observés à Connaux et au camp de César paraît être l’équivalent exact de ceux que nous avons reconnus sur une plus petite échelle, il est vrai, de Salavas au champ des Pauvres, près de Vagnas. On voit, en effet, dans les deux localités, le même système sableux àlignites, supportant une formation marno® sableuse, couronnée par un calcaire cristallin; seulement, au champ des Pauvres, le sable à lignites repose sur les roches du grès vert, tandis qu’à Connaux, l’existence de ces roches n’étant plus aussi évidente, il semble reposer directement sur le terrain néocomien qu’il est aisé de reconnaître à distance à sa couleur blanchâtre et à la nudité du sol. Ce système est aussi beaucoup plus développé dans l’arrondissement d’Uzès qu’aux environs de Vagnas. Il arrive qu’en certains points de cet arrondissement, les terres glaises ou les sables blancs qui les accompagnent sont sus¬ ceptibles d’être exploités avec avantage comme à Salavas; ainsi, à Saint-Victor des Ouïes, à 5 kilomètres au nord-est d’Uzès, on exploite par puits la terre glaise pour la fabrication des briques réfractaires destinées à la construction des hauts fourneaux et des fours à pudcller et à réchauffer. Le village de Saint-Victor est bâti sur une éminence sableuse placée au centre d’un petit bassin, dont les deux versants sont formés de grès ferrugineux à gros grains, et la terre glaise repose sur le fond d’une espèce de cuvette formée par ces grès. Lapins estimée est une terre noirâtre, connue NOTE DE M. MEUCi Y. /i 21 sous le nom de pègue, qu’on extrait aux enviions du village de la Capelle, à 3 kilomètres à l’ouest de Saint-Victor des Ouïes. A Saint-Quentin, petit village au nord d’Uzès, on exploite un beau sable blanc réfractaire à grains fins, peu ou point glau- conifère, sous des sables jaunes et rougeâtres avec bancs de grès, recouverts par un calcaire coquiller où VOstrea columba est très- commun. Ces sables paraissent être aussi inférieurs à une espèce de tuf sableux et calcaire faiblement agrégé qui affleure dans le village même. Ainsi, les caractères de superposition et ceux fournis par les fos¬ siles s’accordent pour indiquer aux environs d’Uzès, ainsi qu’à Vagnas, le système cénomanien à Ostreci columba , ainsi que le système turonien à Hippurites. Quant à déterminer la ligne de séparation entre ces deux systèmes au camp de César, c’est une question assez délicate. Minéralogiquement , le système céno¬ manien ne comprendrait que la formation sableuse, et le système turonien les marnes et les calcaires supérieurs. Mais cette ma¬ nière de voir ne serait pas en harmonie avec les faits observés; car, au point de vue géologique comme au point de vue paléon- tologique, le calcaire à Hippurites paraît distinct des marnes superposées aux sables ligniteux, comme nous l’avons observé entre Vagnas et Salavas, tandis que ces marnes semblent se lier aux sables par les fossiles. Mais au camp de César, la difficulté naît de ce que toutes ces couches se succèdent l’une à l’autre d’une manière régulière et sans interruption apparente. Toutefois, nous regarderons les calcaires du camp de César et du champ des Pauvres comme parallèles à la craie marneuse ou au système nervien du nord de la France et de la Belgique, les sables et grès à lignites, ainsi que les marnes qui les surmon¬ tent nous paraissant devoir être assimilés aux grès du Mans, qui pour nous sont placés à la partie supérieure de la gaize de Vou- ziers et au-dessous des marnes nerviennes. Nous terminerons cette description en donnant une dernière coupe du terrain à lignites, que nous avons prise à Saint-Julien de Peyrolas, au nord-ouest de Pont-Saint-Esprit. Saint- Julien de Peyrolas. — Le lignite exploité à Saint-Julien affleure sur le versant sud de la colline où sont ouverts les puits d’extraction. Ces puits, d’une trentaine de mètres de profondeur, présentent la série suivante qu’on peut vérifier à l’extérieur dans un ravin rapproché de la mine : Sable argileux gris jaunâtre du limon avec concrétions cal¬ caires . . . . 8m,00 SÉANCE DU 20 AVRIL 1868. â22 Nous citons d’abord pour mémoire cette nappe d’argile jaune ou de limon quaternaire avec fossiles d’eau douce et terrestres (Hélices, Gyclostomes), qu’on observe aussi le long du chemin en montant la côte et qui forme comme une sorte de manteau à la surface du terrain. Calcaire sableux compacte, ou grès calcaire gris jaunâtre avec une grande quantité de Pectunéiilus à l’état de moules . . . 4m,00 Sables argileux grisâtres coquillers peu consistants . 2m,00 Alternances de bancs calcaires et d’argiles marneuses fossi¬ lifères avec lits ou nodules subordonnés de grès argilo- calcaires renfermant des coquilles de divers genres (Turritelles, etc.) . 5m,00 Marnes glaiseuses bleuâtres et jaunâtres . 3m,00 Alternances de bancs calcaires ou de grès argilo- calcaires plus ou moins durs (certains bancs portent des em¬ preintes de petites Cyclades et peut-être aussi de Lymnées) . 4m,00 Sable glaiseux d’un gris cendré très-fin. ......... 1m,00 Sable jaunâtre à grains moyens. . . . 2m,00 Couche de lignite exploitée . 1m,50 Sables blancs et jaunes entremêlés jusqu’au fond du ravin, 5 à 6m,00 La couche de lignite a pour toit une marne durcie bleuâtre qui renferme plusieurs fossiles d’eau douce parmi lesquels on peut citer des Cyrènes et des Ampullciria. Cette coupe rappelle parfaitement Connaux et représente bien le talus inférieur de la côte du camp de César. Ce sont les mêmes roches avec les mêmes caractères de gisement. Aussi, quoique ces deux points soient assez éloignés l’un de l’autre (5 lieues) et que je n’aie pas fait d’observations dans l’intervalle qui les sépare, je n’hésite pas à les placer sur le même horizon. Observations générales. — Le premier fait général qui frappe quand on parcourt le département du Gard, c’est la séparation nette et tranchée qui existe entre le terrain néocomien et les cou¬ ches crétacées postérieures. On observe partout, en effet, les montagnes néocomiennes si arides, s’abaissant vers les plaines par des pentes abruptes et les couches aptiennes ou cénomaniennes déposées à leur base sous des inclinaisons relativement faibles. Il paraît évident que les rivages néocomiens étaient déjà très-élevés quand la mer ap¬ tienne s’est avancée jusqu’aux pieds de leurs falaises. Serait-ce pour ce motif que le terrain aachénien du nord ne se serait pas produit au midi, ou au moins ne se serait pas produit avec les caractères d’une formation fluvio-marine? On serait tenté de le NOTE DE M. MEUGY. supposer d’après la différence qui existe des deux côtés dans l’in¬ clinaison des rivages. Au nord, en effet, plaines basses ne présen¬ tant que de faibles pentes; par conséquent, possibilité de grands fleuves communiquant avec la mer. Au midi, au contraire, escar¬ pements élevés, terrain montagneux et tourmenté excluant toute idée de transport lacustre ou fluviatile. Un ordre de choses inverse s’est produit ‘pendant la deuxième période de la formation cré¬ tacée. En effet, nous voyons apparaître au commencement de l’époque nervienne du midi, un système argilo-sableux à lignites tout à fait analogue, par ses caractères minéralogiques, à celui qui s’était formé antérieurement dans le nord; tandis que le bassin de Paris nous présente à la même époque une petite épaisseur de sables et un développement considérable de roches marneuses et crayeuses, révélant, tant par leur puissance que par leurs fossiles, une mer profonde. On s’explique d’ailleurs qu’une fois les bas- fonds remplis par les premiers dépôts aptiens du midi, la surface du sol se soit aplanie, et que des cours d’eau aient pu prendre naissance dans les nouvelles vallées résultant du comblement des aspérités néocomiennes. La discordance si profondément marquée entre le néocomien et le terrain aptien n’est pas la seule qui soit démontrée par l’observation des faits. Les niveaux différents auxquels on aperçoit le contact des sables avec les roches inférieures, l’irrégularité de la surface sur laquelle ces sables sont venus se déposer, leur isolement fréquent de l’étage inférieur, font voir que ce dernier a subi des érosions pro¬ fondes avant leur dépôt. A un niveau plus élevé, les bancs de calcaire à Hippurites qui, tantôt reposent sur les sables, comme à Salavas, tantôt sur les marnes argilo-sableuses, comme au champ des Pauvres, établissent encore une ligne de démarcation bien nette entre ce calcaire et les couches marneuses et sableuses qui lui sont inférieures et où domine X Ostrea columba, Ici, la stratigraphie est d’accord avec la paléontologie; car X Ostrea columba est regardée comme appar¬ tenant à la zone cénomanienne et X Hippurites à la zone tu io¬ nienne. Enfin , le système à lignites supérieur de Vagnas recouvre aussi le calcaire à Hippurites en stratification discordante. On reconnaît facilement, en effet, que ce calcaire a été dénudé avant le dépôt des couches à lignites; seulement l’orientation paraît se maintenir au nord magnétique, depuis le champ des Pauvres jus¬ qu’à la fabrique d’huile de schiste de Sagriès. Cette circori- séance du 20 avril 1863. hn stance, probablement tonte locale, serait de nature à embarrasser pour la détermination des âges relatifs des deux terrains, s’il n’était permis de supposer que le soulèvement du mont Yiso, auquel cette orientation paraît devoir être attribuée, a continué à faire sentir son influence en ce point jusqu’aux premiers dépôts de la période tertiaire. Quoi qu’il en soit, ces lignites sont complètement distincts de ceux du champ des Pauvres, de Saint-Julien de Peyrolas, de Connaux, etc., qui sont évidemment crétacés. On ne doit pas les confondre non plus avec les lignites du calcaire asphaltique de Barjac (arrondissement d’Alais), et encore moins avec ceux de Célas qui reposent immédiatement sur ce calcaire. Ainsi donc, sans, pour ainsi dire, sortir du département du Gard, on peut observer plusieurs couches ligniteuses à des niveaux géologiques très-différents. Les plus inférieures sont celles de Connaux, Saint-Julien, etc., que je regarde comme cénoma¬ niennes; puis, beaucoup au-dessus, à la base des terrains ter¬ tiaires, celles de Vagnas supérieures aux Hippurites, et qu’à défaut de fossiles nous considérons provisoirement comme éocè- nes, parce qu’elles paraissent ne se trouver que par exception au- dessous du calcaire lacustre miocène, et que cette circonstance semble impliquer un changement, une modification dans la con¬ figuration du bassin où se sont déposés les premiers sédiments tertiaires. Tiennent ensuite les lignites de Barjac, associés au calcaire lacustre asphaltique de l’arrondissement d’Alais, qui ont été dé¬ crits depuis longtemps par Dufrénoy dans son mémoire sur les terrains tertiaires du midi de la France (1), et qui se poursui¬ vent dans le département des Bouclies-du-Rhône (Gardanne) et dans celui de l’Hérault (Saint-Paul, la Caunette, Minerve, etc.); puis, enfin, les lignites de Célas (à 7 kilomètres à l’est d’Alais), superposés au calcaire à asphalte et qui sont les plus récents que l’on connaisse dans cette partie de la France. La comparaison des terrains crétacés du nord et du midi est extrêmement difficile et délicate; car ces terrains appartenant à deux bassins distincts, sans communication entre eux, on manque du caractère principal qui peut servir à établir un parallélisme certain entre les étages et les couches des deux régions opposées. On ne peut guère invoquer le caractère minéralogique à des dis¬ tances aussi considérables. Les fossiles même peuvent tromper en (1) Annales des mines, 3e sér., t. Vil, 1835. NOTE DÊ M, MEUGY. 425 ce sens que les conditions de latitude et de profondeur n’étant pas les mêmes, certains animaux ont pu naître et se développer plus facilement et plus tôt dans telle contrée que dans telle autre, comme nous le voyons de nos jours. Ainsi, cette famille d’Hippuvites, si nombreuse dans les mers méridionales de la période crétacée, n’est presque pas représentée dans le bassin anglo-parisien. On est donc réduit à se laisser guider à la fois par la nature des couches, par l’ordre dans lequel elles se succèdent et par les fossiles. Mais on ne peut pas affirmer qu’un rapproche¬ ment établi sur ces bases soit bien exact et à l’abri de critiques. Aussi le parallélisme que nous établissons entre les divers termes des étages crétacés du nord et du midi, n’est-il à nos yeux que purement hypothétique. Conclusions . — - Il résulte de tous les faits consignés dans cette note : 1° Qu’il existe dans l’arrondissement d’TJzès, au-dessus du terrain néocomien, un dépôt crétacé qu’on peut diviser en deux parties : l’une inférieure, principalement sableuse et fluvio-marine, l’autre supérieure, principalement calcaire. Ce dépôt paraît avoir son analogue dans le département de Yaucluse, à Montdragon pour la partie inférieure, et à Mornas pour la partie supérieure. Les deux étages dont il se compose se retrouvent également entre Vagnas et Salavas (Ardèche). 2° Qu’il y a discordance de stratification entre ce dépôt et les roches du grès vert et du gault auxquelles il est quelquefois superposé. 3° Qu’au-dessous de la formation fluvio-marine inférieure de Vagnas, se trouvent, en effet, des grès argilo-calcaires et des marnes noirâtres qui reposent sur les tranches relevées du terrain néocomien en stratification complètement discordante et qui sem¬ blent être l’équivalent du lower green sand, du gault et de l’upper green sand des Anglais ou du système hervien de Du¬ mont. 4° Qu’il y a aussi discordance entre les marnes argilo-sableuses qui recouvrent le système ligniteux inférieur de Vagnas et le cal¬ caire à Hippurites qui leur succède. 5° Que, par conséquent, le système sableux à lignites des envi¬ rons d’Uzès, comme celui de Saint-Julien de Peyrolas et celui du champ des Pauvres de Vagnas, avec la formation argilo-caleaire qui le surmonte, y compris le calcaire à Hippurites, correspon¬ drait aux systèmes cénomanien et turonien d’Alcide d’Orbigny, ou au système nervien de la Belgique, 426 SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. 6° Enfin, que la formation ligniteuse supérieure de Vagnas qui paraît être contemporaine de celle de Piolenc (Vaucluse), appar¬ tient à une époque distincte de celle du calcaire à Hippurites, et se rapporte vraisemblablement à la base des terrains tertiaires. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Goquand : Sur V existence des assises à Avicula contorta dans les dépar¬ tements du Far et des Bouches-du-Rhône ; parM. H. Goquand, professeur à la Faculté des sciences de Marseille. Dans un mémoire fort important que M. Hébert a publié tout récemment sous ce titre : Terrain jurassique de la Provence , sa division en étages , son indépendance des calcaires dolornitiques as¬ sociés aux gypses (1), ce savant, auquel revient le mérite d’avoir circonscrit d’une manière plus précise les limites de quelques ho¬ rizons géologiques signalés avant lui, mais mal définis, est loin cependant, à notre avis du moins, d’avoir atteint le but qu’il s’é¬ tait proposé dans ses recherches. Ainsi , il nous sera facile de dé¬ montrer, et c’est là l’objet principal de cette note, que, relative¬ ment au terrain triasique, il nie pour la basse Provence ce qu’il affirme pour les environs de Digne, bien que dans les deux ré¬ gions les arguments invoqués soient les mêmes, les différences portant exclusivement sur les caractères pétrologiques, lesquels, à cause de leur variabilité, perdent de leur valeur, quand il s’agit de les appliquer à des localités éloignées les unes des autres. Je me suis constamment efforcé, dans diverses publications déjà anciennes, dans mes leçons, et notamment au mois de janvier der¬ nier, en présence de la Société d’émulation de la Provence, de démontrer que la série jurassique était aussi complète dans le midi que dans le nord de la France, et que la grande difficulté, pour en bien délimiter les étages, tenait à l’absence presque ab¬ solue de fossiles au sein de grandes masses calcaires et dolomi- tiques qui se succédaient à différents niveaux. Mon avis était que M. Hébert avait eu tort d’attribuer aux marnes irisées seules, dans les départements du Var et des Bou¬ ches-du-Rhône, le puissant sytsème de dolomies et de cargneules qui s’interposent entre lès gypses keupériens d’un côté et le lias (1) Bulletin de la Soc . géoh de France , 2e sér., t. XIX, p. 100. NOTE DE M. COQUAND. h 27 moyen avec Pecten œquivalvis de l’autre. J’ajoutais que l’absence ou la rareté des fossiles, bien que regrettable pour tous, mais sur- tout pour les géologues qui, ne résidant pas dans la contrée, sont forcés de voyager rapidement et n’ont pas le temps de tout voir, n’imposait pas pour cela l’obligation de négliger la question des épaisseurs, et de rejeter dans un étage contigu, inférieur ou supé¬ rieur, parce qu’il était fossilifère, un étage intermédiaire qui ne l’était pas. Ainsi, pour le cas plus spécial qui me préoccupe en ce moment, je dirai que si jamais j’avais pu hésiter un instant, je n’aurais pas ba¬ lancé, tant étaient démonstratives les coupes du travail précité de M. Hébert, à reconnaître dans les dolomies de la basse Provence, supérieures au keuper, les équivalents sans fossiles de l’infra-lias et du lias inférieur des environs de Digne, et cela parce que je trouvais, entre deux horizons communs, des épaisseurs à peu près égales, une position identique. En agissant comme l’a pratiqué M. Hébert, c’est-à-dire en supprimant l’infra-lias et le lias infé¬ rieur, j’aurais été placé dans la nécessité d’exagérer, au détriment de ces derniers, la puissance des marnes irisées d’une quantité de plusieurs centaines de mètres, produit de l’annexion forcée, et d’introduire, sans motifs aucuns, un défaut d’équilibre et de pon¬ dération entre la haute et la basse Provence, tandis que par la méthode contraire, que j’appelle rationnelle, l’harmonie se mon¬ trait parfaite. Puisqu’il est reconnu que les marnes, les argiles, les grès, les calcaires et les dolomies jouissent de la propriété de se substituer les uns aux autres, suivant les localités, sans que pour cela l’étage change de nom, à la condition que ces diverses roches occupent la même position dans l’échelle stratigraphique, je cherche, sans les trouver, les raisons qui, à priori, peuvent amener le géologue à troubler l’ordre des séiies régulières dans une même contrée, parce que sur un point il aura rencontré des calcaires, et que les dolomies prédomineront sur un autre. Jusqu’au mois de janvier dernier, j’avais appelé l’analogie à l’appui de mon raisonnement, et la note lue par moi à la Société d’émulation était rédigée suivant cet esprit de méthode. Mais, désirant voir les choses par moi-même, je me suis mis à la re¬ cherche du bone-bed dans la basse Provence, parcourant, à cet effet, tous les gisements de marnes irisées. J’ai visité en premier lieu les plâtrières de Solliès, de Cuers, de Belgentier, que M. Hé¬ bert avait visitées à son tour, et dont l’étude lui avait suggéré l’idée que l’infra-lias et le lias ipférieur manquaient dans le dépar- SÉANCE DU 20 À VE IL 1863, 428 tement du Var, le bone-bed ayant échappé à la perspicacité bien connue de cet habile observateur. Cependant, avant d’aller plus loin, un sentiment de justice m’oblige de déclarer que M. Jaubert avait donné, en 1858 (1), c’est-à-dire trois ou quatre ans avant le travail de M. Hébert, une coupe de Saint-Nazaire à Bandol, dans laquelle il signalait la présence d’une couche fossilifère dans l’épaisseur même des do¬ lomies et des cargneules placées au-dessous du lias moyen à Pcc- ten œquivalvis. Or, comme les fossiles indiqués étaient des Penta- crinites , des Osirea , des Pholadomyes et des Ciclaris , il devenait presque certain pour moi que cette couche devait être une dé¬ pendance du lias inférieur. Voici, d’ailleurs, en quels termes s’exprime M. Jaubert, page 328 : « Au-dessus de la couche argileuse à Avicula socialis (muschel- kalk), reparaissent quelques bancs de calcaire, puis, sur les flancs qui bordent la dépression qui forme la petite baie de Portissol, on ne voit plus que des marnes empâtant des blocs énormes de cargneules. L’épaisseur de cet amas est d’environ 183 mètres, puis reparaissent quelques bancs calcaires entremêlés de bancs de cargneules. v> Dans les bancs calcaires j’ai trouvé une Encrine dont la sec¬ tion offre une étoile à cinq branches, un Cidaris et des piquants, une grosse Pholadomye et de petites Huîtres fortement constituées; vient ensuite un amas de cargneules largement cloisonnées. » M. Jaubert place les marnes, les dolomies, les cargneules et le banc fossilifère dans le muschelkalk, et il ne reconnaît dans ce vaste ensemble ni les marnes irisées, ni l’infra-lias, ni le lias inférieur. Ainsi, d’après lui, et en cela il est d’accord avec M. Hé¬ bert, la formation basique n’aurait d’autre représentant que le lias moyen et le lias supérieur. Nous aurons occasion de faire toucher du doigt, dans quelques lignes, l’erreur dans laquelle sont tombés ces deux observateurs. Plus tard, en 1861, M. Jaubert (2), revenant sur le même sujet, sans déserter précisément sa première opinion, paraît dis¬ posé néanmoins à croire qu’elle est susceptible d’être modifiée. Il avoue qu’il ne peut trouver jusqu’à présent des motifs pour (1) Matériaux pour la géologie du département du Var ( Bulletin de la Société d'étucles de Draguignan ). (2) Note sur la grande ôolithe de la Provence ( Bulletin de la Soc . géol. de. France , 2e sér,, t. XVIII, p. 599). NOTE DE M. COQUAND. Z| 29 séparer les dolomies du musclielkalk, mais qu’il ne serait pas im¬ possible qu’on pût y voir un représentant altéré du lias inférieur, et que cette idée, que M. Matheron a émise déjà, lui paraît par¬ tagée par MM. Coquand et d’Archiac. « Quoi de plus séduisant, en effet, ajoute l’auteur (p. 606), que d’arriver à recomposer dans ce coin de terre toute la série des terrains. L’étage des marnes irisées prenant sa place naturelle au- dessus du musclielkalk, puis les bancs calcaires avec marnes inter¬ calées faisant l’équivalent du lias inférieur, recouverts par l’étage liasien avec Ostrea cymbium, c’était réellement tentant... Peut- être de nouvelles observations pourront-elles me faire changer d’avis. Je ne demande pas mieux; mais jusqu’à preuve contraire, je suis forcé de m’en tenir à l’opinion et au classement que j’ai adoptés. » On voit, en définitive, que M. Jaubert fait appuyer son lias moyen sans l’intermédiaire des étages inférieurs sur les assises du musclielkalk, et qu’il adopte à cet égard le sentiment de M. Elie de Beaumont. En effet, l’illustre auteur de la carte géologique de la France s’exprime en ces ternies (1) : « Sur les trois membres dont se compose le sytème du trias, deux seulement, le grès bigarré et le musclielkalk, se présentent avec évidence dans le département du Yar. On a cependant cru y reconnaître aussi les marnes irisées; on a désigné sous ce nom des marnes bariolées de rouge et de gris bleuâtre qui accompa¬ gnent les gypses intercalés dans le musclielkalk; ce rapproche¬ ment nous paraît hasardé. Il est fondé sur l’identité de couleur des marnes dont il s’agit et des marnes irisées; mais nous avons dit précédemment que ces couleurs sont généralement celles de toutes les marnes associées aux gypses épigènes, et nous pensons que les gypses enclavés dans le musclielkalk du Var, comme ceux enclavés dans les calcaires jurassiques des régions alpines, sont le résultat d’une épigénie. L’existence du sel gemme ne serait pas une objection contre cette conclusion. » Yoilà à peu près où en était la question des rapports établis par les divers géologues qui ont écrit sur les formations triasiques et basiques du midi de la France, les uns, comme M. Matheron et moi, reconnaissant le lias inférieur dans les dolomies superposées aux gypses keupériens, les autres faisant de ces mêmes dolomies et gypses une dépendance du musclielkalk, lorsque M. Hébert (I) Explication de la carte géologique de la France , t. II, p. 152, SÉANCE DI) 20 AVRIL 1863. m publia son mémoire de 1861. Ce ne fut pas sans un grand éton¬ nement, je l’avoue, que je vis ce géologue distingué reléguer les dolomies, que je considérais comme infra-liasiques, dans l’étage des marnes irisées, et si, à cette époque, je n’avais eu tous mes mo¬ ments pris par la rédaction de mon grand travail sur le sud de l’Algérie, je me serais mis immédiatement en quête de nouvelles preuves pour combattre une opinion consciencieuse, sans doute, mais qui froissait violemment celle des géologues qui, depuis plus de trente ans, s’occupaient de la géologie de la Provence. Je remarque dans ce mémoire deux parties distinctes : la pre¬ mière s’occupant du keuper et du lias de la haute Provence, qui présente ce qu’on pourrait appeler un Jades alpin , et la deuxième du keuper et du lias de la basse Provence, qui présente ce qu'on pourrait appeler l e faciès littoral , et qui se montre également dans les départements de la France centrale (Aveyron, Lozère, Charente et Dordogne). Dans les basses Alpes la série entière du lias se montre fossi¬ lifère, depuis le lias supérieur jusqu’aux assises inférieures du bonc-beil, tandis que, dans les départements du Yar et des Bou¬ ches-du-Rhône, les bancs fossilifères, d’après l’auteur, ne descen¬ draient pas au-dessous du lias moyen avec Ostrea cymbium et Pcc- ten œquivalvis. M. Hébert a constaté que dans les environs de Digne l’étage des marnes irisées se présente avec une puissance de 100 mètres, et qu’il est recouvert presque immédiatement par les calcaires et Jes schistes à Aviculci contorta avec le bone-bed à la base. L’infra- lias, dont il détaille tous les accidents, se continue au-dessus avec une puissance de 83m,10. Enfin, le lias inférieur ou calcaire à Gryphées arquées, a une épaisseur de 43 mètres, ce qui donne en tout 126 mètres pour ces deux termes de la formation liasique. C’est, à coup sûr, un grand service rendu à la science que d’avoir établi avec tant de netteté la séparation des marnes irisées d’avec le lias inférieur, et surtout d’avoir découvert l’infra-lias avec fos¬ siles dans une contrée où personne, avant M. Hébert, ne l’avait soupçonné. On peut donc dire que la présence de Y Avicula con- torta dans les basses Alpes a toute la valeur d’un événement. L’auteur a été moins heureux dans la zone littorale du Var. Le fil conducteur qui l’a guidé avec tant de sûreté depuis la Savoie jusqu’à Digne, il le perd sur les rivages de la Méditerranée, et une première erreur le fait tomber dans d’autres contradictions que nous aurions hésité à relever peut-être si la bonne foi et la franchise de notre honorable collègue ne nous eussent rassuré par NOTE DE M. COQUÀNB. kM avance, et affermi clans notre conviction qu’il aurait été le pre¬ mier à provoquer une rectification faite dans l’intérêt de la science. «A Solliès-Pons, près de Toulon, dit M. Hébert ( loc . cil ., p. 114), le trias qui offre, à la partie supérieure, des assises gypseuses associées à des calcaires compactes ou cloisonnés, est recouvert di¬ rectement par le lias moyen rempli de Gryphœa cymbium , Pecten œquivcilvis , etc., et surmonté lui-même par du lias supérieur bien caractérisé par les Ammonites radians, primordialis , etc. Ici l’ infra- lias et le lias inférieur manquent complètement. » Nous lisons plus loin (p. 121) : « Quoi qu’il en soit, on voit qu’à Solliès, si le terrain jurassique est incomplet par sa base, il est bien plus complet qu’à Digne pour sa partie moyenne. » L’opinion de M. Hébert, on le voit, est des plus catégoriques et ne permet pas de se méprendre sur la portée qu’il convient de lui attribuer. Occupons-nous en ce moment des faits d’observation qui ten¬ dent à en montrer le peu de fondement, et pour cela interrogeons les localités, dont quelques-unes ont été étudiées par M. Hébert lui-même. Le cap de Portissol, au sud de Saint-Nazaire, est constitué en grande partie par le muschelkalk qui recouvre le grès bigarré à la pointe du Baou rouge . M. Jaubert y a recueilli le Gervillia so~ cialis et le Terebratula vulgaris. Le muschelkalk, dont les couches sont presque verticales, supporte, à l’extrémité méridionale de la baie de Portissol, un ensemble assez puissant de marnes bariolées entremêlées de cargneules rougeâtres dont la vivacité des teintes attire le regard d’assez loin. Ces marnes appartiennent au keuper, et ont, suivant M. Jaubert, une puissance de 185 mètres. Vers l’extrémité opposée de la baie , les marnes irisées se terminent par des argiles grisâtres mêlées de couches minces de grès micacé, lesquelles admettent quelques bancs d’un calcaire compacte gris à cassure conchoïde, irréguliers dans leurs allures et remplis d’une quantité innombrable de fossiles qui, malheureusement, font corps avec la pâte et peuvent difficilement en être détachés. Ce¬ pendant, en y donnant les soins nécessaires, et en dégageant la surface des bancs des argiles qui les encaissent, il est facile de rencontrer, faisant saillie, quelques espèces déterminables qui se laissent enlever au ciseau. J’y ai recueilli plusieurs exemplaires d ’Aoicula contorta , deux valves d’une grosse Huître, qu’on pren¬ drait, au premier coup d’œil, pour des valves ventrales de YOstrea SÉANCE EU 20 AVRIL 4 863. 432 arcuata , mais qui se rapportent à Y Ostrea irregularis figurée dans !i le mémoire de M. Terquem, une Ostrea qu’on ne peut distinguer de Y O. marcignyana (Martin), le Spondylus liasînus , Terquem, i un Mytilus , des Pentacrinites , et une grosse Pholaclnmya allongée. ! C’est dans cette même couche que M. Jaubert a recueilli un Cida- \ ris dont je n’ai aperçu que les piquants. On pourrait certainement y réunir une intéressante faunule si les coquilles, au lieu de for¬ mer lumachelle, pouvaient être dégagées de leur gangue. Le calcaire à Avicula contoria ne dépasse pas 2 mètres d’épais¬ seur, et, comme il est noyé dans des argiles, les épontes en sont irrégulières et mal définies. Mais ce qu’il nous importe le plus de relever ici, c’est moins la richesse de la faune que la position qu’occupe le calcaire qui la j contient, ainsi que la signification que lui donne la présence de Y Avicula conforta et du Spondylus lias in us, puisqu’elle affirme si nettement la base de l’infra-lias de l’Allemagne, de l’Italie, de la Savoie, de la France et de l’Angleterre. Ce fait bien établi, il s’ensuit, comme conséquence nécessaire, que toutes les assises supérieures à cet horizon ne sauraient être ; rangées dans les marnes irisées, et que dès lors il y a lieu de rc- I pousser d’emblée les conclusions de M. Hébert, qui enlèvent au littoral le bénéfice de posséder le lias inférieur et l’infra-lias. Des dolomies grisâtres en couches courtes auxquelles succèdent des cargneules à larges cloisons, et que couronnent d’autres dolo¬ mies grisâtres, le tout atteignant une puissance de 150 mètres, s’interposent entre les assises à Avicula contoria et le lias moyen à Pecten œquivalvis. N’oublions pas de parler de quelques bancs intercalés d’un calcaire grisâtre ou brunâtre qui mesurent ordi¬ nairement de 3 à 4 mètres, et que l’on recoupe à quelques mètres au-dessus des assises à Avicula contorta , et nous en aurons fini avec les particularités lithologiques les plus saillantes de l’étage. Comme nos recherches ont été infructueuses pour découvrir un seul fossile dans le grand système dolomitique, il nous serait im¬ possible de tracer une limite rigoureuse entre ce qu’il convien¬ drait d’attribuer, au-dessous du lias moyen, au lias inférieur, et à l’infra-lias au-dessus des calcaires à Avicula contorta . Nous avouons regretter d’autant moins de ne pouvoir établir cette sépa¬ ration que M. Hébert reconnaît, de son côté, que dans les coupes qu’il donne des environs de Digne, où cependant toutes les cou¬ ches sont fossilifères, il n’existe aucune séparation bien tranchée entre l’infra-lias et le calcaire à Grypliées arquées, et que la limite qu’il a cru devoir adopter peut ne pas être tout à fait exacte. NOTE DE M. COQUAND. Zl 3 3 En l’absence de toute indication paléontologique, rapportons- nous*en aux épaisseurs, et admettons que celle de 150 mètres, que l'on reconnaît aux dolomies supra-keupériennes dans les environs de Saint-Nazaire et de Solliès, correspond aux 126 mètres des calcaires et des marnes supra-keupériennes des environs de Digne ; or, puisque les dolomies du littoral ont le même toit et le même mur, c’est-à-dire le lias moyen et les bancs à Avicula conforta , que les calcaires et marnes fossilifères des basses Alpes, et que ces der¬ niers représentent incontestablement l’infra-lias et le lias infé¬ rieur, on nous fera bien la concession d’admettre avec nous que les dolomies de Saint-Nazaire représentent à la fois et l’infra-lias et le lias inférieur; les seules différences se traduisent par un chan¬ gement dans le caractère pétrographique. accident assez fréquent dans l’histoire des terrains d’origine sédimentaires, et dont on n’in¬ voque plus guère l’autorité aujourd’hui. Je ne veux point abandonner les falaises si instructives de Saint- Nazaire et de Bandol sans placer ici une réflexion et montrer la part que le hasard a souvent fournie aux progrès de la science. M. Jaubert est, sans contredit, le premier qui ait découvert, dans le midi de la France, les couches à Avicula conforta , puisque sa découverte remonte à l’année 1859; seulement, parce qu’il n’a pas su interpréter sa coupe des environs de Saint-Nazaire, il laisse à M. Hébert l’honneur de la proclamer dans les basses Alpes en 1861. Ce dernier, à son tour, se méprenant complètement, sur le littoral, sur la valeur d’un horizon qu’il crée à Digne, qui le poursuit jus¬ qu’à Solliès, et dont le mémoire de M . Jaubert lui indiquait l’exis¬ tence de la manière la plus évidente, tombe dans la même erreur qu’il reproche aux auteurs dont il combat les idées, et place le lias inférieur et l'infra-lias dans les marnes irisées, sur le lieu même où il foulait de son pied Y Avicula conforta. Les études faites à Saint-Nazaire simplifiaient singulièrement ma besogne. Je n’avais plus qu’à procéder à des vérifications de contrôle dans les localités mêmes qu’avait décrites M. Hébert. Je me rendis donc à Solliès-Pons où affleurent les grès bigarrés, et de là à Solliès-Toucas où affleurent les marnes irisées. Après avoir dépassé les dernières maisons de ce village, on rencontre, sur la route de Yallauris, une carrière de pierre à chaux hydraulique, ouverte dans les dolomies infra -basiques. Sur la halde même du four, la ligne de séparation des dolomies et des marnes irisées est franchement établie, comme à Portissol, par un banc d’une lu- machelle calcaire de près de 1 m, 50 de puissance, dans lequel M. Matheron et moi nous avons observé et recueilli sur place Soc. géol. , 2e série, tome XX. 28 SÉANCE DU 20 AVRIL 1803. /iB/i Y A vicula contorta et le Spondylus liasinus. Ce banc calcaire est constant et apparaît sur les flancs de la vallée de Font-de-Ton jusqu’à l’endroit où l’inclinaison des couches ne permet plus qu’aux dolomies infrà-liasiques de se montrer au jour. Pour retrouver les mêmes relations, il convient de franchir le Gapau et de remonter cette rivière jusqu’à la hauteur de Belgen- tier. Dans ce parcours, sur la rive gauche de la vallée, où l’on peut pénétrer dans des plâtrières ouvertes de distance en distance, la lumachelle à Avicula contorta se rencontre toujours à sa place, A 2 kilomètres avant d’arriver à Belgentier, on exploite, pour l’empierrement de la route, des bancs de calcaires subordonnés aux dolomies, et dans lesquels M. Reynès a reconnu le caractère distinctif de l’infra-lias de l’Aveyron. Ainsi tombe encore l’opi¬ nion de M. Hébert qui, ne voyant dans les dolomies et les calcaires cloisonnés que les représentants des marnes irisées, avoue qu’il n’y a guère de différence notable entre le keuper des Alpes et celui de Solliès, que dans la présence de ces calcaires siliceux en bancs réguliers qui remplacent les dolomies terreuses des environs de Digne [loc. cit p. 115). ïl ne nous restait plus, pour dernière démonstration, qu’à re¬ voir les plâtrières de Cuers que nous avions déjà vérifiées en 1831 , et que nous avions, depuis cette époque, placées dans l’étage des marnes irisées. Cette seconde visite, faite à un si long intervalle de temps, n’a fait que confirmer notre premier jugement, en nous montrant, au-dessus des anciennes carrières taillées à ciel ouvert, à la gauche de la route de Brignolles, la lumachelle avec Avicula contorta en contact immédiat avec les marnes irisées, et recou¬ verte par les dolomies et les cargneules infra-liasiques. Là encore nous recoupions les grandes assises calcaires subordonnées aux cargneules, mais dépourvues entièrement de fossiles. Si le département du Yar devait attirer le premier notre atten¬ tion, à cause des conclusions que son étude avait suggérées à M. Hébert, nous ne devions pas négliger cependant un départe¬ ment voisin, celui des Bouches-du-Rhône, où l’exploitation delà pierre à plâtre dans les gisements d’Auriol, de Géménas, de Roquevaire et de Saint-Jullien, à quelques kilomètres de Marseille, donne aux marnes irisées une importance industrielle très-consi¬ dérable. Les carrières de Roquevaire, sur les bords de riluveaune, sont ouvertes à 1 kilomètre au plus à l’est de la ville ; elles ont fouillé, dans toutes les directions, un grand amas de gypse entre¬ mêlé d’anhydrite, enclavé au milieu de marnes grises et rouges, de dolomies compactes et terreuses , et de cargneules jaunâtres. Le NOTE DE M, COQUAND. 43 5 gypse est recouvert par des masses puissantes de dolomies gris⬠tres que l’on voit former, à la pointe sud de la plâtrière, un mamelon montagneux couvert de pins. Un sentier tracé sur le bord des escarpements conduit à ce mamelon et à un poste à feu ruiné que l’on aperçoit à la base. On rencontre d’abord des argiles rouges appartenant à la partie supérieure du keuper, que recouvrent immédiatement de gros bancs de dolomie grise bré- chiforme; puis, dans quelques champs cultivés, on commence à observer, dans les murs de pierres sèches qui retiennent les terres, des blocs arrachés au sol et provenant de la lumachelle à Avicula conforta. En se dirigeant vers la maison de campagne qui touche à ces cultures, et en ayant soin de rechercher le rocher en place, on aperçoit, engagée dans les dolomies, la lumachelle infra-lia- sique qui donne au gisement de Koquçvaire une signification sur laquelle il est inutile d’insister. Nous n’insisterons pas davantage sur les plâtrières d’Auriol et de Saint-Zacharie, où la lumachelle à Avicula conforta figure également dans les murs qui sillonnent les coteaux que la culture a livrés à la vigne et à l’olivier. A Ro- quevaire, comme à Auriol, on observe les mêmes bancs calcaires grisâtres et compactes qui sont enclavés dans les dolomies infra- liasiques, et dont les communes de Guers, de SoÜiès-Toucas et de Belgentier nous ont montré des exemples si constants. Malgré des recherches attentives, il nous a été impossible de découvrir aucun débris organique dans cet horizon géologique; c’est regrettable, car la présence de quelques fossiles déterminables aurait, sans au¬ cun doute, fixé la place que cette station calcaire occupait dans la série basique, et permis de trouver son équivalent dant les cou¬ ches fossilifères des environs de Digne. Mais c’est là un détail qui ne saurait toucher en rien à la légitimité des conclusions auxquelles nous conduit l’étude de l’ensemble. Dans une tournée récente que je viens de faire dans les environs de Saint-Jullien, banlieue de Marseille, où il existe, ainsi que dans la commune voisine d’Allauch, de nombreuses exploitations de pierre à plâtre, j’ai recherché, mais vainement, la lumachelle à Avicula conforta. Le lias n’est pas représenté dans ces régions intéressantes, car le plateau sur lequel est bâti Saint-Jullien est occupé par un dépôt très- puissant de travertin solide ou carié, dans lequel on observe des Hélix et quelques tiges de plantes. Ce même travertin est exploité comme pierre à chaux grasse, en face du hameau des Martigaux, au nord de Saint-Jullien. Les pl⬠trières de Saint-Jullien, des Caillols et d’Allauch, sont ouvertes dans les marnes irisées où abondent les cargneules ; mais ce qui SÉANCE DU 20 AVRIL 1868. m est encore intéressant à constater, c’est que le keuper repose directement et en concordance de stratification sur le muschelkalk qui consiste en un calcaire fuligineux, fouetté de flammules noirâtres et qu’accompagnent des dolomies et des cargneules. Le muschelkalk se présente en couches épaisses et bien réglées, et affleure dans la traverse qui longe la propriété de M. Mourren et qui aboutit au chemin qui conduit aux fours à chaux. Dans le i jardin même de M. Mourrep, c’est-à-dire au sud des affleurements du calcaire, la pierre à plâtre a été rencontrée au fond d’un puits à 10 mètres de profondeur etsubordonnée à des marnes qui sont la continuation de celles qu’on recoupe dans les exploitations voisines. Mais le point où l’on peut observer le plus beau déve¬ loppement de ce calcaire, c’est en suivant la traverse qui des fours à chaux aboutit au chemin de grande communication des Olives. Quand on est parvenu à un ruisseau qui descend du vallon de Fondacle, en face même d'un réservoir qu’on rencontre à sa 1 gauche, on a devant soi un coteau qui est entièrement composé de muschelkalk dont les couches penchent au nord, tandis qu’elles plongent au sud vers Saint-Jullien. Il est facile de s’assurer que cette inclinaison en pente opposée est due à un bombement de couches, dont l’axe est le vallon même de Fondacle, et qui fait que les marnes irisées se trouvent rejetées à droite et à gauche et constituent de chaque côté de l’arête culminante formée par le muschelkalk deux bandes parallèles, dont l’une, la plus méri¬ dionale, renferme les plâtrières de Saint-Jullien et des Caillots, et la seconde celles des Olives et d’Allauch. A quelque distance du réservoir dont nous avons parlé plus haut, le muschelkalk a été exploité pour l’empierrement des routes. Ainsi le second terme de la formation triasique que l’on croyait spécial au département du Var envahit, comme on le voit, celui des Bouches-du-Rhône, et vient expirer sous les mollasses miocènes à 2 kilomètres de Marseille. Il est à peine utile d’ajouter que la bande triasique dont nous nous occupons ici, se lie sans interruption au muschelkalk et au keuper de Roquevaire, d’Auriol et de Saint-Zacharie, car on peut la suivre sur les points intermédiaires, soit au-dessus de la Treille, près de Camoins-les-Bains, soit sous les abruptes de Garlaban, entre ce pic et Aubagne. La question se trouve donc résolue, et nous avons vu la paléon¬ tologie ratifier les divisions que depuis si longtemps nous avions admises dans la formation basique de la basse Provence, où nous avions toujours séparé des gypses du keuper les dolomies supé- NOTE DE M. COQUAND. li 37 vieures que nous considérions comme parallèles au lias inférieur. Certainement il est heureux de rencontrer sous sa main des fossiles, et surtout ceux dans lesquels certains géologues ont une foi aveugle, puisque ces découvertes deviennent à la fois pièces de conviction et un moyen d'apaiser les scrupules. Mais admettons que je n’eusse pas eu la bonne fortune de recueillir Y Avicula contorta à Solliès, à Cuers ou à Roquevaire, je demande si l’auto¬ nomie de l’infra-lias était absolument liée à l’existence de cette misérable couche d’un mètre. Ainsi, avant que ce fait me fût révélé, je cherchais la valeur des raisons sur lesquelles on s’ap¬ puyait pour faire perdre dans le Var, aux dolomies supérieures, au keuper, le droit de représenter l’infra-lias. Aujourd’hui que Y Avi¬ cula contorta a été signalée, les dolomies sont proclamées infra- basiques, et hier elles étaient keupériennes, parce que ce fossile n’était pas encore découvert! Il me paraît de bonne philosophie de protester contre cette interprétation des terrains, et de poser résolument ce principe, qui veut que l’indépendance des étages ne soit pas subordonnée à l’absence de telle ou telle espèce de co¬ quille, et je pense que celui-là serait mal venu, qui voudrait affirmer aujourd’hui que les marnes irisées gypsifères de la Franche-Comté et de la Provence, quoique sans fossiles, ne sont pas les équivalents des couches fossilifères de Saint-Cassian. On conçoit qu’on puisse se servir d’un nom de fossile pour affirmer un étage ; mais est- il permis de s’appuyer sur un fait négatif pour le nier? Je ne le pense pas; car, si cette méthode prévalait, la géologie rationnelle serait anéantie et les géologues du Chili pour reconnaître officiellement le lias inférieur en Europe croiraient avoir le droit de nous demander Y Ostrea Darwini par exemple, tandis que les géologues européens croiraient avoir celui de demander Y Ostrea arcuata pour le reconnaître en Amérique. Personne plus que moi ne professe un culte plus respectueux pour la paléontologie, car c’est à elle que revient le principal mérite de fixer les limites des étages; et si grand est le secours fourni par l’étude des corps organisés, que, si ceux-ci disparaissent ou échappent à l’œil, des géologues du plus grand mérite, qui ne tiennent compte que des fossiles, sont entraînés à proclamer des suppressions complètes d’étages, là où ces étages sont solidement représentés. Pour interpréter les faits en Provence d’après cette méthode, il aurait été convenable, ce me semble, d’établir préalablement que les masses considérables de dolomie qu’on observe dans le Yar entre les marnes gypsifères du keuper et le lias moyen appartenaient £33 SÉANCE DU 20 AVRIL 1863, réellement ail keuper et ne pouvaient pas représenter l’infra- lias et le lias inférieur, si ces deux étages, en un mot, de nature cal¬ caire ou marneuse à Castellanne et à Digne, ne pouvaient pas être remplacés ailleurs par des assises équivalentes de dolomies sans fossiles. Une manière de procéder différente serait au moins téméraire, car elle aurait contre elle les règles de l’analogie et l’autorité de la chose jugée sur d’autres points. Ainsi il est démon¬ tré depuis longtemps que sur le pourtour du plateau central, et notamment dans les départements de l’Aveyron, du Tarn, de la Lozère, de la Charente et de la Dordogne, il est démontré, dis-je, qu’au-dessous du lias moyen si riche en fossiles et dont l’âge par conséquent est si nettement déterminé, on ne trouve que des dolo¬ mies sans fossiles, qu’on ne saurait confondre avec celles du keuper. Je me bornerai à en citer deux exemples. Dans le département de la Charente (1), le lias se trouve repré¬ senté par quatre étages qui sont : 1° Le grès infra-liasique (arkose) qui, entre Cherves et Cliatelard, a une puissance de 25 à 30 mètres. 2° Le lias inférieur consistant en calcaires doiomi tiques jau¬ nâtres; puissance 15 à 20 mètres. 3° Le lias moyen avec Pecten œquivalvis , Ostrea cymbium , con¬ sistant en des calcaires compactes remplis de silex; puissance 18 mètres. U° Enfin le lias supérieur composé de marnes bleues avec Ammonites bifrons , radians , primordialis , etc. Sur un seul point le hasard nous a fait découvrir dans le grès infra-liasique une couche mince renfermant la Natica subangulata , d’Orb., et le Turbo littorinœformis , Kock, espèces qui sont spéciales au grès infra-liasique des environs d’Hettange. Mais cette indica¬ tion, quoique très-précieuse, était pour ainsi dire surabondante, puisque dans cette partie du sud-ouest de la France le terrain triasique fait complètement défaut, et que l’horizon tracé par les bancs à Ostrea cymbium assignait d’office leur véritable place aux deux étages qui les supportaient et que différenciait aussi leur composition minéralogique. J’ai eu l’occasion d’étudier dernièrement les environs de Mende et de Florac dans le département de la Lozère. La commune d’Ispagnac n’est pas moins remarquable par les nombreux filons de galène qu’elle renferme que par le développement qu’y (1) H. Coquand, Description géologique du département de la Charente, t. I, p. 151. NOTE DE M. COQUAKD. Z| 39 acquièrent les divers étages du lias et qui sont également au nombre de quatre. Le plus inférieur, qui correspond à l’infra-lias, consiste en des bancs plus ou moins puissants de poudingues et de grès quartzeux dont les fragments sont retenus dans un ciment dolomitique. ïl est le représentant des arkoses de la Charente. Celui qui lui succède immédiatement est composé d’un système puissant de dolomies brunâtres disposées en couches minces, et contenant des filons de baryte sulfatée et de manganèse peroxydé. Il ne renferme aucun fossile; mais il n’en doit pas moins être considéré comme l’équivalent du lias à Ostrea arcucitci , puis¬ qu’il supporte le lias à Pccten œquivalvis d’un côté, et que de l’autre il repose sur un étage de poudingue et de grès. Dans cette partie de la Lozère, comme dans la Charente, le keuper n’est point représenté, ni aucun autre terme du trias, et les grès infra-liasiques s’appuient directement sur le granité. Je ne pense pas que la classification que j’ai adoptée pour ces divers membres de la formation basique ait jamais été critiquée, et même qu’on puisse élever des objections sérieuses sur des pa¬ rallélismes qui s’imposent d’eux-mêmes, tant ils sont naturels et évidents. Or, ce qui n’est pas contesté pour la Charente doit être admis également pour la Provence, les faits se trouvant identi¬ ques dans les deux régions. Puisqu’il devient établi par l’observation que tous les étages de même date ne sont pas également fossilifères sur tous les points du globe, pas plus qu’ils 11e sont formés d’éléments identiques, il est donc nécessaire d’établir des équivalences entre ceux qui con¬ tiennent des fossiles et ceux qui en sont privés, et, pour que ces équivalences soient justifiées, il s’agit de partir d’un terme com¬ mun incontestable, d’arriver à un second terme commun égale¬ ment incontestable, et de voir ensuite si l’intermédiaire non fos¬ silifère à classer comprend une épaisseur correspondant avec celle de l’intermédiaire fossilifère classé. On pourra espérer de cette ma¬ nière atteindre une certitude analogique. Or, c’est justement la méthode que j’ai suivie pour le trias de la Provence, et qui m’a permis de voir dans les calcaires dolomitiques et les cargneules du Var, qui sont supérieures au keuper, non pas les dolomies terreuses des environs de Digne, qui sont keupériennes et que l’on retrouve au-dessous, dans les environs de Marseille et de Toulon, mais bien les calcaires infra-liasiques et le lias inférieur des Basses- Alpes et de la Charente. Et l’on voit que la paléontologie a donné plus tard raison à mes déductions. Toutes les choses rentrent alors dans SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. MO leur ordre normal et naturel, et, au lieu de supposer que dans le Var deux étages liasiques sont supprimés, on n’aura à constater qu’une simple modification minéralogique de ces mêmes étages, donc un lias créé à l’image de celui de l’Aveyron, de la Lozère et de la Charente. Ainsi, M. Hébert a commis une erreur véritable en disant que, si à Solliès le terrain jurassique est incomplet pour la base, il est bien plus complet qu’à Digne pour sa partie moyenne. Les détails qui précèdent et surtout la découverte des assises à Avicula contorta , dans les départemeuts du Yar et des Bouches- du-Rhône, nous obligent donc de distinger dans le midi de la France un lias inférieur et un infra-lias avec faciès alpin, et un lias inférieur et un infra-lias avec faciès doîomitique ou du pour¬ tour du plateau central. Celui de Digne représente le premier, tandis que celui du Yar représente le second ; l’un est fossilifère dans toute son épaisseur, et l’autre ne l’est qu’à sa base. Sans parler ici des assises à Avicula contorta , qui ont échappé aux recherches de M. Hébert dans le Yar, on voit que cet obser¬ vateur, dans la comparaison qu’il a faite des différents étages lia¬ siques des environs de Digne et de ceux des environs de Solliès, semble n’avoir pas tenu assez compte de l’éloignement dans lequel ils se trouvent les uns par rapport aux autres. Je ne doute pas que, si l’on pouvait saisir sur quelques points intermédiaires des affleurements de l'infra-lias, il ne devînt facile de constater les changements graduels qui ont affecté la composition minéra¬ logique de l’étage, tandis que les différences sont réellement ra¬ dicales lorsqu’il s’agit de comparer les deux points extrêmes. Dans tous les cas, les conclusions du débat paraissent acquises en plein en faveur de l’opinion que je soutiens; elle a la triple sanction de la paléontologie, de la stratigraphie et de l’analogie, car, sous ce dernier point de vue, l’identité de l’infra-lias et du lias inférieur de la basse Provence avec ceux de la Lozère et de la Charente est presque complète. Il me sera donc permis de conclure en me servant des termes mêmes de M. Hébert, mais en tournant contre son propre travail l’argument qu’il invoque contre ceux des autres géologues: « que le géologue ne doit pas chercher à constituer pour les pays qu’il étudie une géologie spéciale, admettre des phénomènes particu¬ liers, des interversions ou des modifications aux lois généralement admises, avant une comparaison attentive avec les régions clas¬ siques, faite non dans les livres, mais sur le terrain, et que l’uni¬ formité qui a régné à la surface du globe est vraiment extraor- NOTE DE M. ÉBRAY. !\l il dinaire quand on suit dans tous leurs détails les phénomènes de la période jurassique. » Dans une deuxième note que nous rédigeons en ce moment, nous nous proposons d’établir que la série jurassique est aussi complète dans la Provence que dans le nord de la France, et que les étages corallien , kimméridgien et portlandien y sont représentés par un système calcaire d’environ 400 mètres de puis¬ sance, dont les bancs les plus élevés supportent en concordance de stratification, comme dans la chaîne du Jura, les assises les plus inférieures du terrain néocomien , celles que les géologues suisses ont décrites sous le nom d 'étage valengien et que caractérise, dans le Jura comme dans la Provence, le Strombus Sautieri , Coquand. Dès lors on ne serait pas mieux fondé à maltraiter le jurassique supérieur dans le Midi, qu’on ne l’a été en y méconnaissant les quatre étages de la formation basique. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray : Sur le terrain jurassique du departement de la Loire , et sur les dislocations des environs de Saint-Nizier [Loire) ; par M. Th. Ébray. § 1er. — Sur le terrain jurassique du département de la Loire . Un massif fort intéressant de terrains jurassiques, échappé aux grandes dénudations, se remarque au sud-ouest du Morvan, appuyé sur le revers occidental des montagnes du Beaujolais; il est aujourd’hui isolé des autres massifs jurassiques, et l’on serait porté à le considérer comme le dépôt d’une mer isolée, si la déformation des anciens rivages ne permettait pas de voir en lui le prolonge¬ ment des couches de même âge du Nivernais et du Maçonnais. La composition minéralogique, la distribution des fossiles, même les allures des étages sont tellement identiques de part et d’autre de cette contrée montagneuse, que leur formation au sein d’une même mer soumise aux mêmes influences et par conséquent non interrompue par de grandes barrières ne me paraît plus douteuse (1). (4) Je suis loin de prétendre qu’au milieu des anciennes mers jurassiques il ne devait pas exister quelques îlots émergés de terrains anciens, mais ces îlots devaient présenter une bien moins grande importance que le massif primitif actuel. SÉANCE I>U 20 AVRIL 1863. hlx 2 Je décrirai dans cette note l’extrémité méridionale de cet affleu¬ rement jurassique qui vient se terminer aux environs de Charlieu. On sait que les terrains jurassiques du département de la Loire ont déjà été décrits par M . Grüner (1) qui, après avoir cru constater une discordance transgressive des argiles à jaspes, classées par cet, auteur à la base du calcaire à Entroques, sur le lias moyen, et une autre discordance de même nature de ce dernier terrain sur le lias à Grypliées arquées et sur les terrains anciens, a conclu « que la lisière nord du plateau central a dû s'affaisser lentement depuis l' origine de la période jurassique jusqu à la fin du dépôt des argiles à jaspes ; qu’a partir de ce moment le sous-sol ancien se soûlera gra¬ duellement pendant tout le reste de la période secondaire. » Amené à étudier le massif jurassique du Cliarollais pour y déterminer la position des cargneules, j’ai cherché à m’orienter au milieu d’un pays inconnu pour moi par les travaux déjà existants; j’ai donc commencé mon étude à l’aide de la carte géologique de M. Grü¬ ner, mais je n’ai pas tardé à reconnaître dans ce travail des erreurs fort graves que je crois devoir rectifier dans l’intérêt de la science. La recherche des lacunes stratigraphiques qui se sont glissées dans la confection des cartes départementales constitue au fond une étude assez ingrate, peu agréable et en même temps d’une utilité peu générale ; tel n’est pas le but du présent travail, et je ne me serais certainement pas décidé à critiquer un ouvrage d’ailleurs consciencieusement fait, si les erreurs que je vais signa¬ ler n’avaient pas été prises comme base de déductions plus géné¬ rales que l’auteur aurait pu perpétuer dans la science, et cela à son détriment. Pour rendre la description plus claire et plus facile à comparer avec les résultats annoncés par M. Grüner, je suivrai un ordre analogue à celui qui a été suivi dans la description géologique du département de la Loire. Environs de Maisilly. Les environs de Maisilly, quoique offrant des couches assez tourmentées, permettent de se rendre exactement compte de la succession des étages. En descendant, à partir de la croix dite de justice, le chemin de Mars à Saint-Denys, sur le revers de la vallée du Sornin, on ne tarde pas à rencontrer une carrière qui fournit de la pierre à (1) Carte géologique du département de la Loire. NOTE DE M. ÉBRAY. kl iâ cliaux. L’étage a été attaqué sur 5 ou 6 mètres de profondeur; les bancs ont de 0m,35 à Qm,40 d’épaisseur; la pierre offre une texture grenue, une couleur gisâtre ; par la cuisson on obtient une chaux grasse ; vers la partie supérieure du découvert il se trouve quelques bancs argileux. Cette carrière est décrite dans l’ouvrage de M. Grimer, et le massif classé dans le calcaire à Gryphœa cymbium ; ce géologue énumère les fossiles suivants : Gryphœa cymbium , grande petite. Terebra tu la num ismalis. — ornitfiocephala. — rirnosa. et Uni o concinna. Plagiosloma giganteum. Pholadomya ambigua . Spirifer IValcotii . Lima duplicata. Il y a d’abord quelque chose qui frappe le paléontologiste dans l’assemblage de ces fossiles: Utiio concinna , Plagiosloma giganteum ( eclule , d’Orb.), Spirifer PUalcotii , caractérisent spécialement le lias à Gryphées arquées. Pholadomya ambigua se rencontre en même temps dans l’étage sinémurien et dans l’étage liasien. Terebratula numismalis et J. rirnosa caractérisent la base du lias moyen. Lima duplicata , Munst. se rencontre dans l’oolithe inférieure. Terebratula ornithocephala caractérise l’étage bathonien. On obtient donc : 3 espèces spéciales à l’étage sinémurien. \ espèce commune à l’étage sinémurien et à l’étage liasien. 3 espèces spéciales à l’étage liasien. \ espèce spéciale à l’étage bajocien. \ espèce spéciale à l’étage bathonien. Mais, si nous examinons les fossiles de cette carrière d’un peu plus près, nous verrons que la Grypliée, rapportée par M. Grüner à l’espèce cymbium, présente deux types différents : 1° la Gry- pliée arquée typique; 2° la Gryphée oblique. Cette dernière atteint souvent une assez grande taille, circonstance qui a sans doute induit M. Grüner en erreur. Les Térébratules appartiennent à plusieurs espèces; on ren¬ contre bien la Terebratula numismalis et la Rhynchonclla rirnosa au-dessus des bancs de carrières, mais ceux-ci contiennent Rhyn - chonella varia biïis:, Terebratula cor, T. Causoniana , spéciales au calcaire à Gryphées arquées. SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. MA Je n’ai rencontré aucune trace de Terebratula ornithocephala et de Lima duplicata. Par contre, j’ai trouvé des fragments d’ Ammo¬ nites bisulcatus , Pinna Hartmanni , Lima pcctinoides encore spé¬ ciaux au calcaire à Gryphées arquées. L’examen des fossiles ne laisse donc aucun doute sur l’âge de ces couches qui ne peuvent être assimilées qu’au calcaire à Gry¬ phées arquées. En continuant à descendre obliquement la côte, dans le sens de l’inclinaison des couches, on rencontre bientôt, à l’angle d’un chemin qui monte dans une ferme, de nouvelles excavations moins profondes que les précédentes. On y remarque quelques pierres extraites et un petit affleurement du côté du chemin ; la roche est argileuse, légèrement ferrugineuse, divisée en petits bancs de 0m,20 à 0m,30, et pétrie de fossiles parmi lesquels les Bélemnites sont surtout abondantes; les espèces sont les sui¬ vantes : Belemnites umbilicatus. — longissimus. — clavatus. Terebratula numismalis. Rhynchonella rimosa . Ammonites fimbriatus , — planicosta . — Henleyi . Ostrea obliqua. Ces fossiles appartiennent à la base du lias moyen, qui repose donc ici régulièrement sur le lias à Gryphées arquées. Si, à partir de cette petite carrière, on se dirige vers le hameau de Chervier, on constate une puissante formation marneuse par¬ tout recouverte par la végétation ; nous verrons plus loin que cette formation représente les marnes pauvres en fossiles du lias moyen, les bancs compactes de la partie supérieure do cet étage, ici comme dans le Maçonnais fort réduits, et le lias supérieur, A Chervier même on exploite le calcaire à Entroques identique avec celui des carrières de Saint-Denys (1) ; le plateau est occupé par les chailles. A Maizillv on exploite les grès infra-liasiques dans une carrière située au-dessus d’un petit lambeau d’arkose triasique qui a été mis à nu par les déblais de la route de Charlieu. Le croquis sui¬ vant donne la succession des couches que nous venons de men¬ tionner. (1) 11 existe' quelques polypiers à la partie supérieure des bancs. NOTE DE M. ÉBRÀY. hl\b Fig. \ . Chervier. Carrières. : 3 5 ; 1 — Argile à chailles. 2 — Calcaire à Entroques. 3 — Lias supérieur et lias moyen. 4 — Calcaires à Ammonites Jimbriatus , 5 — Calcaire à Gryphées arquées. 6 — Grès infra-liasiques. 7 — Porphyre. Cette série si complète de couches est coloriée sur la carte de M. Grüner par les teintes qui indiquent les calcaires à Gryphœa cjmbiuni, les marnes supra- liasiques et les argiles à jaspes. Environs de Mars et de Ch an don. Les environs de Mars et de Chandon offrent des points dont l’étude jette une vive lumière sur la succession des couches juras¬ siques et sur l’âge des argiles à chailles. Nous les étudierons en descendant, à partir de Mars, la rive droite du Chandonnet. Le massif primordial vient mourir à une centaine de mètres en aval de la jonction du chemin qui conduit à Mars et de la route de Charlieu; il est composé d’un porphyre quartzifère avec gros cristaux d’orthose, à l’extrémité duquel on remarque une sorte d’argilopliyre ressemblant à une argile rouge comprimée et des- séchée. A peine a-t-on fait quelques pas sur la route, que l’on rencontre dans les fossés des affleurements de grès friables roussâtres, entiè¬ rement identiques avec les grès infra-liasiques du Lyonnais; cette formation a été fort peu attaquée par les déblais de la route, et les quelques strates des fossés ne donneraient qu’une idée incomplète [\llQ SÉANCE DU 20 AVRIL 1863, de son ensemble, si une excavation, dans laquelle on a extrait une certaine quantité de matériaux de construction, ne venait pas offrir une coupe plus étendue et plus profonde. Cette excavation est située derrière un four à chaux aujour¬ d’hui en ruine ; elle montre quatre à cinq bancs qui se redressent fortement vers le nord-est et au milieu desquels on voit quelques parties caverneuses. Quand on casse la roche, parallèlement à la stratification, on voit que chaque petit vide correspond à un bivalve dont le test a été détruit ; les espèces sont difficiles à déter¬ miner; elles se rapprochent du Cardium docicinum , Gervillict prœ- cursor , Anatina prœcursor , Avicula conforta, Pecten do acinus ; on rencontre aussi une Chemnitzia non décrite et quelques fucoï- des. Au-dessus de ces bancs affleurent dans le fossé des calcaires durs, à cassure conchoïdaîe, qui pourraient bien représenter ici le choin bâtard. Vis-à-vis du four à chaux le plus rapproché de Mars, on a essayé d’extraire de la pierre à une petite distance au-dessus de la route; les excavations ont mis au jour un calcaire sableux avec nombreuses Cardinies ( Cardinia concinna , C . sinemuriensis, C. hy¬ brida ), à la partie supérieure duquel on remarque déjà quelques Gryphées arquées unies au Cerithinm vsrrucosum : les calcaires sableux correspondent, par leur position, leur faciès et leurs fos¬ siles au macigno du Lyonnais, aux poudingues de Moussy et à la partie supérieure de la lumachelle ; le Cerithium vermcosum in¬ dique, avec quelques Gryphées arquées, la base du lias inférieur (foie de veau). En descendant le cours du ruisseau, on voit un deuxième four à chaux en activité, vis-à-vis duquel il y a deux carrières, séparées par un chemin rural qui monte dans une ferme. La carrière la plus rapprochée de Mars est aujourd’hui abandonnée, mais les bancs, coupés sur une certaine hauteur et usés par le temps, offrent à leur surface et en relief une certaine quantité de fossiles spé¬ ciaux au lias à Gryphées arquées ; ces fossiles se rapportent aux espèces suivantes : Bdcmnites acutus, Ammonites bisulcatus , Picu- rotomaria anglica , Pholadomya ambigua , Cardinia seeuvijormis, Rhynchonella variabilis , Spirijerina Walcotii , Terebratiila Cau - soniana. L’autre carrière offre un grand développement de couches à la partie supérieure desquelles se remarque un nombre prodigieux deBélemnites appartenant aux espèces umbilicatns et elongatus , des Ammonites planicosta ; à la partie inférieure on recueille sur¬ tout des Gryphées obliques et des Ammonites Jimbriatus. Nous NOTE DE M. ÊBRAY. hkl rencontrons donc en aval de Mars la même succession que celle que nous avons décrite à Maizilly. En se rapprochant des premières carrières à pierres de taille de Chandon, on voit un espace couvert de prairies dont les ondula¬ tions allongées et peu sensibles indiquent un sous-sol argileux ; c’est la place des marnes sans fossiles, de la petite formation du lias à Gryphœa cymbium et du lias supérieur, que nous aurons l’occasion d’étudier en détail aux environs de Saint-Nizier. Sur cette formation argileuse repose le calcaire à Entroques exploité qui plonge comme les autres étages vers l’ouest; le cal¬ caire à chailles continue à recouvrir les étages ; il s’est surtout développé derrière les éperons, comme cela a lieu pour toutes les formations de transport. A l’extrémité de la carrière, ou voit reposer sur le calcaire à Entroques une formation argilo-sablonneuse, de couleur jaunâtre; le faciès est identique avec celui du ciret de Mâcon; les fossiles sont fort rares, car je n’ai trouvé qu’un exemplaire de X Avicula inœqui- vcilvis ; au-dessus vient le dernier terme des terrains jurassiques du département de la Loire, le calcaire blanc jaunâtre de Bon¬ nard, dont les assises ont été mises à nu par les déblais de la route. Une assez foi te épaisseur d’argile à jaspes vient recouvrir ces derniers bancs, en prouvant, d’une manière irrécusable, que les argiles à jaspes ne sont pas inférieures au calcaire à Entroques ; cette observation est surtout importante à consigner ici, parce que la formation a été découverte par un déblai profond, ce qui ne permet pas de supposer un remaniement. Je suis loin de prétendre qu’il n’existe pas à la base du calcaire à Entroques des silex, mais ces silex font partie de la masse cal- caire, comme cela se remarque dans le Lyonnais, et ne reposent nulle part en discordance de stratification sur les autres étages jurassiques (1). L’âge des argiles à chailles est encore indiqué par les fossiles; en cassant les silex on rencontre des fossiles de tous les étages, depuis les fossiles contenus dans les charveyrons (silex bajocien) [Pecten personatus , P seiido-cliadema depressum') et ceux contenus dans les chailles bathoniennes ( Echinobrissus clunicalaris ), jus- (1) M. Grüner cite encore les chailles des environs de Poitiers; elles occupent dans ce département la partie supérieure de l’étage bajocien et la grande oolithe; comme partout ailleurs elles font partie de la roche calcaire. SÉANCE DU 20 AVRIL 1863, MB qu’aux fossiles de la craie blanche ( Micraster cor-anguinum). Cette formation a son analogue dans le Mâconnais, où M. de Ferry a recueilli une collection complète de fossiles sénoniens et céno¬ maniens ; elle résulte de la grande dénudation post-crétacée qui a jeté pêle-mêle les silex de tous les étages; les silex les moins usés ont quelquefois l’apparence d’êtie en place lorsqu’ils ne sont pas fort éloignés de leur point de départ. Si, enfin, nous examinons d’une manière générale les allures de l’argile à chailles, nous verrons aisément sur la carte de M. Grimer que cette dernière suit les affleurements du terrain tertiaire, et, si nous rapprochons cette circonstance des autres observations que nous venons de faire, nous serons conduits à supposer que cette formation constitue, sur la rive droite de la Loire, la base des terrains tertiaires, comme les poudingues de Nemours forment la base des terrains tertiaires des environs de Paris ; ces derniers sont également situés au nord-est des poudingues dans le sens du courant diluvien qui a amené les matériaux. La disposition des terrains entre Mars et Chandon est représentée par le croquis suivant : Fig. 2. Carrière. Four n* 2. Four n° 3. 1 — Argile à chaillès. 2 — Calcaire blanc jaunâtre. 3 — Ciret. 4 — Calcaire à Entroques. 5 — Lias supérieur. 6 — Calcaire du lias moyen. 7 — Marnes sans fossiles. 8 — Calcaires à Ammonites fimbriatns. 9 — Calcaire à Gryphées arquées. 10 — Couches à Cérithes. 11 — Lumacbelles. 12 — Choin bâtard. 13 — Grès infra-liasiques, 14 — Porphyres, NOTÉ Î)Ê fBfUV* à'49 Celle coupe nous montre donc comme les précédentes î 1° Que les étages se succèdent régulièrement et sans lacunes; 2° Que M. Grüner a confondu le calcaire à Gryphées arquées avec le calcaire à Gryphœa cymbium ; que cette première erreur a été le point de départ de sa théorie erronée ; 3° Que les argiles à jaspes appartiennent au terrain tertiaire. Environs de F il 1er s. Examinons maintenant la coupe donnée page 590 de la Des¬ cription géologique du département de la Loire , dans laquelle on voit le calcaire à Gryphœa cymbium reposer directement sur le porphyre, puis, au-dessus, un terrain couvert marneux, au-dessus encore une nouvelle formation avec grandes Gryphées, des marnes grises avec Ammonites Valcotii , des grès ferrugineux mec Bel cm ni tes digitalisa des marnes avec rognons calcaires, enfin les argiles à jaspes et les terrains tertiaires qui recouvrent le tout. Je dois faire remarquer ici, en comparant la coupe de M. Grüner avec sa carte, c’est-à-dire le plan 3 et la coupe à, FIG. 3. FIG. 4. J5 J2Î ViUers. T — Tertiaire. | J3 — Argile ù jaspes. | J2 — Marnes supra-liasiques. que ce géologue place son argile à jaspes, suivant qu’il s’agit d’un plan ou suivant qu’il s’agit d’une coupe, tantôt dans les terrains tertiaires, tantôt dans les terrains jurassiques. Cette circonstance prouve que ce géologue était embarrassé quand il s’agissait de classer son argile à jaspes. En suivant le chemin qui conduit du Pilon à la ferme des Combes, on remarque, avant d’arriver à la carrière située entre Soc. géol. , 2e série, tome XX. 29 Zs 50 SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. cette ferme et la route, des affleurements de grès infra-liasiques reposant sur le porphyre ; la carrière de pierre à chaux a été ou¬ verte à la jonction des lumachelles et du calcaire à Gryphées arquées. Ici, comme ailleurs, le doute n’est pas possible; les lumachelles contiennent , en très-grande abondance, de nom¬ breuses Cardinies avec d’autres fossiles caractéristiques ( Cardinia concinna, C. sinemuriensis , C. trigona , C. hybrida , Ostrca irregu - loris y Pecten valoniensis ); c’est un calcaire subcristallin dont le faciès résulte d’une innombrable quantité de fossiles dont le test est transformé en carbonate de chaux cristallisé. Sur ces luma¬ chelles reposent dans la carrière même les couches à Gryphées arquées et à Ammonites bisulcatus. Le terrain étant recouvert au- dessus de la carrière, on ne peut pas constater la présence des marnes à Belemnites iimbilicatus. Au-dessus de l’espace couvert, on constate une petite épaisseur de calcaire compacte, avec grandes Gryphœa cymbium et Pccten œquivalvis , qui représente stratigraphiquement et paléontologique- ment le véritable calcaire à Gryphœa cymbium ; puis on reconnaît au-dessus, dans leur position rationnelle, les assises à Ammonites fValcotii et les bancs à Ammonites variabilis. Nous arrivons encore ici à une succession complète et normale depuis les grès infra-liasiques inclusivement jusqu’au lias supé¬ rieur; remarquons encore un fait qui aurait dû prévenir le savant auteur de la Carte géologique du département de la Loire contre les erreurs qu’il a commises : dans aucun pays, en effet, on ne rencontre deux calcaires à Gryphœa cymbium séparés par une puissante formation marneuse, et ce géologue, après avoir rencontré de grandes Gryphées à un niveau supérieur, aurait dû examiner de plus près si la formation inférieure ne représentait pas le cal¬ caire à Gryphées arquées. Environs de farnosse. Si nous continuons à suivre les affleurements, nous rencontre¬ rons sur le chemin qui se détache de la route de Cuinzies pour desservir le village de Jarnosse, la formation des argiles à chailles qui masque une grande partie des étages jurassiques; au-dessous de cette argile affleure le puissant dépôt marneux, comprenant le lias supérieur et le lias moyen ; le calcaire à Gryphées n’a pas été découvert en ce point, mais les pierres éparses au milieu des champs NOTE DE M. ÉBRAY. 451 démontrent son existence sous la terre végétale ; il repose sur les grès infra-liasiques qui ont été coupés par les talus et les fossés du chemin. Tout à fait à la base, on constate l’existence d’une épaisseur assez forte de schistes verdâtres identiques avec ceux des environs de Tarare. Nous mettons en regard la coupe que nous obtenons et celle de M. Grimer. Coupe cle M. Grüner. FIG. 5. FIG. 6. 1 — Argile à jaspes. 9 — Marnes supra-liasiques. 3 — Calcaires à Gryphcea cymbium. 4 — Porphyre. \ — Argile à jaspes. 2 — Marnes supra-liasiques, calcaire à Gryphæa cymbium , marnes à Bé- lemnites. 3 — Lias à Gryphe'es arquées. 4 — Grès infra-liasiques. 5 — Schistes. 6 — Porphyre. Environs de Boyer . Les environs de Boyer nous font arriver aux mêmes conclu¬ sions. Près de l’église, on rencontre une série d’excavations dont la plus rapprochée des terrains primitifs offre des grès infra-lia¬ siques friables et quelquefois entièrement désagrégés; à côté de cette première excavation, derrière le four à chaux, affleure un macigno entièrement semblable à celui des environs de Lyon ; entre ces deux excavations, ou remarque à la surface des champs des calcaires cariés que la charrue arrache au sous-sol et qui occupent la place des cargneules ou du choin bâtard ; les fossiles rencontrés dans le macigno caractérisent la lumachelle; au-dessus de cette dernière formation affleure au fond de la troisième carrière le calcaire à Gryphées arquées; il est recouvert par des 6trates assez nombreuses de calcaires à Ammonites fimbriatus et à Belemnites umbilicatus ; les fossiles sont très-abondants dans cette dernière carrière; ils caractérisent, comme ceux que nous avons /j52 sêàncè du 20 avril 1863. rencontrés à la partie supérieure des carrières de Chandon, la base du lias moyen. On remarque la série de couches suivantes : ■1 . Porphyre. 2. Grès infra-liasiques. 3. Choin bâtard. 4. Lumachelles. 5. Calcaire à Gryphées arquées. 6. Marnes à Belcmnites umbilicatus. Plus au sud, vers Coutouvre, le manteau tertiaire recouvre com¬ plètement les étages jurassiques, et les argiles à jaspes s’étendent transgressa veinent sur les terrains anciens jusqu’aux environs de Pradine; cette grande accumulation de matériaux, que les eaux diluviennes n’ont pas pu réduire, témoigne de l’ancienne étendue des mers jurassiques dont les véritables rivages nous sont aujour¬ d’hui en grande partie inconnus. Si maintenant nous continuons notre étude, depuis notre point de départ, en descendant la rive du Sornin, nous rencontrerons jusqu’à Charlieu la formation du calcaire à Entroques qui affleure dans tout ce massif, en présentant un faciès identique avec celui du Maçonnais; à la base seulement se remarquent quelques bancs qui rappellent le faciès type de la Bourgogne. A l’ouest de Charlieu, cette formation continue à affleurer; elle est recouverte au hameau de Rouge-Fer par le ciret (terre à foulon) et par le calcaire blanc jaunâtre sur lequel les argiles à jaspes s’étendent transgressive- ment; les affleurements du calcaire blanc jaunâtre s’observent très-bien à la gauche d’un petit ravin qui débouche dans la vallée vis-à-vis de Rouge-Fer. À la droite de ce petit ravin, les affleurements annoncent l’exis¬ tence d’une faille, perpendiculaire à la vallée, et qui aurait eu pour effet d’abaisser le calcaire blanc jaunâtre au niveau du lias supé¬ rieur, car à mi-côte, dans les vignes, on trouve une grande quan¬ tité d? Ammonites vciriabilis , A. insig/iis , A. coniucopiæ , Belemnites tripartitus . A partir de ce point, les terrains doivent s’affaisser vers l’ouest, car on rencontre ces mêmes couches à environ 1 kilomètre plus loin dans le fossé du chemin. Entre Rouge-Fer et Saint-Nizier, on constate derrière une maison dite au Creux , et appartenant au sieur Devercher, une ancienne carrière de calcaire à Entroques recouverte par les argiles à chailles; pour me rendre compte de la nature des couches sur NOTE UE 91. ÉBRÀY. Zi 53 lequel le calcaire à Entroques repose, j’ai examiné les déblais de la cave de la maison du Creux ; elle est précisément taillée à la jonction du lias supérieur et du calcaire à Entroques; ces déblais prouvent que ces deux étages se succèdent ici sans l’intermédiaire de silex. A Saint-Nizier même, on relève la coupe figurée page 579 de la Description de la Loire; à la base se rencontrent bien les marnes sans fossiles de l’étage liasien ; vers la ferme de Cour, on voit une carrière taillée dans la petite formation du calcaire à Gryphœa cymbuim qui ne se compose que de deux ou au maximum de trois bancs de 0m,60 à 0ra,80 d’épaisseur, et qui contient Gryphœa cym - | biu/nt Pccten œquivalvis. Sur cette formation reposent les calcaires à chaux hydraulique du lias supérieur, les argiles à Ammonites IValcotii et les bancs ferrugineux du lias supérieur. Le diagramme suivant donne la coupe longitudinale de la côte j de Saint-Nizier. FIG. 7. 1 — Argile à chailles. 2 — Ciret el calcaire blanc jaunâtre. 5 — Calcaire à Entroques. 4 — Lias supérieur. 5 — Calcaires à Gryphœa cymbium . 6 — Marnes et argiles du lias moyen. 7 — Lias à Gryphées arquées. 8 — Couches à Cérithes 9 — Lumachelles. Nous croyons donc avoir prouvé d’une manière positive que les étages jurassiques se succèdent régulièrement et sans lacunes dans tout le département de la Loire; que la prétendue oscillation qui aurait affaissé lentement la lisière nord du plateau central, depuis l’origine de la période jurassique jusqu’à la fin du dépôt des argiles SÉANCE DU 20 AVRIL 1868. hhh à jaspes, résulte de deux erreurs stratigraphiques : l’une qui con¬ siste à considérer les argiles à jaspes comme inférieures au calcaire à Entroques, l’autre qui a eu pour conséquence de confondre le lias moyen avec le lias inférieur. La deuxième supposition de M. Grimer, relative au soulèvement graduel du sous-sol ancien pendant tout le reste de la période secondaire, n’est pas plus admissible que la première, attendu que la disposition en retrait des affleurements résulte tout simplement de la section diluvienne opérée par les anciens courants confor¬ mément au profil suivant : FIG. 8. Soient æ, b , c, d une succession d’étages qui ont été déposés d’une manière quelconque sur un ancien rivage R, R, et dérangés ensuite par un cataclysme, la section diluvienne D D formera, quelle que soit la disposition des couches sur ce rivage, les affleurements ni m\ m' m" s etc,, qui seront en retrait les uns sur les autres. § 2. — Sur les dislocations des environs de Saint- Nizier [Loire). Dans le paragraphe qui précède, Sur le terrain jurassique du département de la Loire , j’ai appelé l’attention des géologues sur la régularité des superpositions que l’on rencontre aux environs de Pouillÿ, de Yillers et de Charlieu; j’ai cherché à prouver que tous les termes du lias et de i’infra-lias affleurent avec leurs carac¬ tères habituels au-dessus des terrains cristallisés, et que la seule anomalie (si cela en est une) se remarque dans la position parti¬ culière de Y Ostrca obliqua qui descend, comme cela se voit ail¬ leurs, dans les couches du lias inférieur, toujours accompagnée du cortège habituel de fossiles caractéristiques, parmi lesquels on NOTE DE M. ÉBRAY. A55 peut citer : Ammonites bisulcatns ? Belemnites brevis , Pleurotomaria anglica, Cardinia hybrida , C. securiformis , Pinna Hartmanni , rifer iValcotii , Pentacrinus tuberculatus , etc. (1). J’examinerai dans ces lignes les dislocations qui se remarquent à l’ouest de Charlieu. Je me reporte d’abord à la Description géologique du départe¬ ment de la Loire, par M. Grüner ; cet habile géologue s’exprime ainsi, page 579 : Passons maintenant sur Vautre rive du Sornin. Là nous ne trouverons en face de Saint-Nizier qu’un seul sous-groupe , celui du calcaire à Gryphæa cymbium, et cela à un niveau beau¬ coup moins élevé. A la côte de Saint-Nizier , nous venons de le voir entre 35 et h 0 mètres au-dessus du Sornin , tandis que sur la rive opposée , au moulin de la Roche , la base du calcaire paraît au niveau même de la rivière. Et comme , d’après la plongée des cou¬ ches sur les deux rives , la différence de niveau devrait plutôt être inverse , on en doit conclure naturellement quil y a ici, le long du Sornin , une grande faille qui a fait remonter le terrain du côté du nord; au reste ce rejet se lie a une autre faille qui longe le cours de la Loire du sud au nord. Mais si l’on compare attentivement les carrières de la rive droite du Sornin à eelles.de la rive gauche, on reconnaît tout de suite des différences profondes. Les carrières situées sur la rive droite du Sornin, à peu de distance de la ferme de la Cour, ne présentent que de gros bancs, séparés par des couches argileuses; on reconnaît facilement le faciès minéralogique assez constant des calcaires à Gryphæa cym¬ bium; au-dessus des bancs de carrière existent quelques strates de grès calcaire très-fin, sur lequel se trouvent des empreintes d 'Ammonites serpentinus de grande taille ; le calcaire à Gryphæa cymbium contient, outre la G ry pliée caractéristique, des Pecten œquivalvis et Pecten disciformis qui se rencontrent toujours à ce niveau. Les carrières situées sur la rive gauche du Sornin offrent, au contraire, une grande hauteur de bancs calcaires exploités; le découvert diffère complètement de celui des carrières de la rive droite; il permet de constater au-dessus des bancs exploités une couche de marne ferrugineuse avec Ammonites fimbriatus , A. pla - (l) Pour abréger, nous avons pris le nom des espèces dans le Pro¬ drome cle paléontologie de d’Orbigny, sans nous préoccuper de la synonymie que l’on trouvera en partie dans cet ouvrage. SÉANCE fl U 20 AVRIL 1363. £5 6 nieostij, Bslemnites niger, B. sulca tus , B. umbilicatus ; cette petite couche ferrugineuse est elle-même recouverte par des marnes qui contiennent les mêmes fossiles et par des argiles calcaires sans fossiles. Les bancs de carrière contiennent : Ammonites bisulcatus , Pinna Hartmannii , Cardinies nombreuses, spéciales à l’étage siné- m arien, Serpula soda lis. Il est donc évident, et nous pensons que ce fait sera constaté par tous les géologues qui visiteront cette contrée intéressante, que les carrières de la rive droite représentent la partie supérieure de l’étage liasien (lias à Gryphœa cymbiiun ), supportant la base du lias supérieur, taudis que les carrières de la rive gauche repré¬ sentent la base de l’étage sinémurien (1) (lias à Gryphées ar¬ quées) supportant la base du lias moyen (marnes à Bélemnites). Les terrains se succèdent donc régulièrement sur les deux rives, et la plongée des couches se trouve d’accord avec les affleurements que je représente dans le diagramme suivant : FIG. 9. Saint- Carrières. Le Sornin. Nizicr. Cour. ;1) Je remarque qu’Alc. d’Orbigoy [Paléont. franc., Terr.jur., p. 190) constate la présence de Y Ammonites bisulcatus à Pouilly- sous-Cliar lieu, et que ce géologue ne considère la Gryphœa obliqua que comme une variété de la Gryphœa arcuata ( Prodrome de paléon¬ tologie e un i t cr sel le) . NOTE DE M . ÉBRAY. 457 D’un autre côté, certains indicés paraissent prouver que le massif jurassique, situé entre Charlieu et Saint-Nizier, est coupé par une série de petites failles qui ont fait apparaître à plusieurs reprises le calcaire à En troques et le ciret à Ammonites Par- kinsonï , à la suite des parties inférieures du lias supérieur et même à la suite du lias moyen. Ainsi, le calcaire à Entroques surmonté du ciret et des argiles à jaspes se remarque depuis Charlieu jusqu’à Rouge-Fer; en amont d’un petit ravin situé vis-à-vis de cette dernière localité, on voit apparaître les marnes ferrugineuses de l’étage toarcien, à une altitude de 30 mètres supérieure au calcaire du ciret, dont on voit des affleurements sur le bord de la route. Par suite de l’inclinaison des couches vers l’ouest, on rencontre de nouveau, à peu de distance en aval de Rouge- Fer, les bancs du calcaire à Entroques et du ciret, auxquels succède subitement le lias moyen séparé de ces premières couches par la faille du ravin de la maison Gonnard, située un peu au-dessous de celle du sieur Devercher. Cet affleurement du lias moyen est de courte durée, car bientôt après, et à peu de distance en amont de Saint-Nizier, apparaît de nouveau l’oolilhe inférieure qui se maintient sur une longueur de 300 à 400 mètres pour être remplacée derrière Saint-Nizier par le lias moyen et le lias supérieur. Nous remarquons donc ici, le long de la vallée du Sornin, une série de gradins stratigrapliiques qui font partie d’un système de failles, dirigé du sud au nord, et qui paraît être en concomitance avec la faille de la Loire, dont s’est déjà occupé M. Grüner. Le croquis suivant donne la disposition des couches entre Char¬ lieu et Saint-Nizier. 458 SÉANCE DU 20 AVRIL 1863» FIG. 4 0. Maison Maison Rouge- Gonnard, Devercher. Fer. 1 — Argile à jaspes. 2 — Ciret (terre à foulon). 3 — Calcaire à Entroques. A — Ocre du lias supe'rieur. fî — Argiles supra-Iiasiques. 6 — Calcaires à Grypliœa cymbium. 7 — Argiles et marnes du lias moyen. 8 — Calcaire à Gryphées arquées. En se dirigeant vers Iguerande , les terrains s’inclinent régu¬ lièrement vers l’ouest ; le calcaire à Entroques et le ciret affleurent jusqu’à Maizilly , où l’on constate de nouveau la présence du lias supérieur. Dans tout cet espace, la formation siliceuse (argile à jaspes), frès-développée, repose sur la terre à foulon à Ammo¬ nites Pcirkinsoni ; cette superposition est surtoutévidente(l) derrière la ferme de la Rivoyère, à 1 kilomètre en aval d’ Iguerande . Plus au nord, à la montée de Semur, on voit cette même superposition, de telle sorte que, depuis Coutouvre jusqu’à Semur , les argiles à jaspes conservent leur caractère trangressif, non-seulement sur les étages inférieurs au calcaire à Entroques, mais encore sur les étages supérieurs à cette formation. Le calcaire à Gryphées arquées reparaît à la descente de Saint- Maurice et vers le village de Versaux avec les caractères que nous avons déjà fait connaître; c’est ici que M. Grimer admet la première apparition du calcaire à Gryphées arquées; mais quand (l) Les silex proviennent principalement, comme nous l’avons constaté avec M. de Ferry, de la désagrégation du ciret, qui contient des parties chargées de silice, et de la base du calcaire à Entroques dans laquelle on rencontre parfois quelques silex ; mais, lorsque ces derniers sont en place, ce qui se reconnaît facilement par la stratifica¬ tion régulière des bancs calcaires qui les contiennent, ils ne sont jamais transgressifs. NOTE DE M. GRUNER. h 59 on étudie ces strates, en les suivant pas à pas à Laide de la strati¬ graphie et de la paléontologie, on reste entièrement convaincu qu’elles n’appartiennent qu’à une seule et même formation, qui est le lias inférieur, les couches à Gryphées arquées ou l’étage sinémurien. Observations sur la note ci-dessus de M . Éhray (p. l\l\ 1) * par M. Grüner. M. Ebray me reproche deux erreurs : 1° avoir confondu le lias moyen avec le lias inférieur, et 2° avoir méconnu les argiles à jaspes qui, selon M. Ebray, seraient exclusivement tertiaires. 1° Quant au premier point, je ferai remarquer d’abord que, n’étant pas paléontologiste, je ne me suis jamais fié à mes propres lumières pour ce qui concerne la détermination des fossiles. Lors de mes premières courses, en 1838, j’ai adressé mes fos¬ siles à Dufrénoy, en les classant soigneusement par localités, et ces fossiles ont été déterminés par notre savant confrère M. d'Archiac. Plus tard, je me suis adressé à Y. Thiollière. Or, j’ai encore en main les notes de M. d’Archiac; elles con¬ statent que, sur un très-grand nombre d’individus, il ne s’est trouvé qu’une seule Gryphée arquée proprement dite, qui pro¬ vient des environs de la Clayette (Saône-et-Loire), où le banc à Gryphées arquées a tous les caractères de celui de Saint-Fortunat, près de Lyon (mont d’Or). Tous les autres individus (et ils vien¬ nent tous du département de la Loire même) sont des Gryphœa cymbium , Lam. , avec des Gryphœa obliquata et Maccullochi. J’ai fait remarquer avec soin dans ma description, que le banc calcaire dans lequel on trouvait la Gryphœa cymbium (dans la Loire) était bien différent de celui qui fournit la Gryphée arquée un peu plus au nord, à la Clayette. Cette même différence se reconnaît au mont d’Or. M. Du- mortier, dans son énumération des fossiles et zones qu’offre le terrain jurassique du mont d’Or, place dans la quatrième zone du sinémurien les bancs à Gryphœa arcuata (14 à 15 mètres de puissance) généralement bleus, puis, immédiatement au-dessus, sa cinquième zone avec Gryphœa cymbium , Tcrebratula numis- malis , etc. Cette même Gryphée se retrouve encore dans la sixième zone du sinémurien, puis dans la partie inférieure du lias moyeu avec les Belemnites paxillosus , et même jusque dans la deuxième zone du lias moyen avec les Ammonites margaritatus , SÉANCE DU 20 AVRIL 1863. Zi 60 fimbriatus , etc. Enfin, c’est plus liant seulement que se rencontre la Gryphœn gigantca (dans la quatrième zone du lias moyen). On voit donc par là que la Gryphœa cymbium n’est pas aussi éloignée de la Gryphée arquée que M. Ebray semble le croire, et en second, lieu que la Gryphœa cymbium s’étend beaucoup plus verticalement que la Gryphée arquée. — Le mélange de fossiles qui étonne si fort M. Ebray n’est donc pas aussi étrange qu’il veut bien le dire; et, je le répète, les listes de fossiles que j’ai données sont littéralement copiées sur les notes de M. d’Archiac, que je pourrais an besoin soumettre à la Société, sans que j’entende évidemment rendre notre savant confrère respon- sable d’un mélange de fossiles de diverses localités qui serait de mon fait, mais que j’ai toujours cherché à prévenir avec le plus grand soin. En tout cas, je ne vois pas que les bancs à Gryphœa cymbium puissent être appelés la « petite » formation à Gryphœa cymbium (terme deM. Ebray), puisque précisément celle-ci s’étend beau¬ coup plus loin verticalement que la zone à Gryphées arquées. La grande extension de la Gryphœa cymbium , constatée par M. Dumortier, peut, d’ailleurs, très-bien être observée aussi dans la Loire. Elle se trouve dans les carrières de la Roche (entre Pouilly et Charlieu) avec les Belemnites paxillosus et clavatus , d’une part, et les Ammonites de la Jamille des Arictes , et la Cardinia concinna de l’autre. Au sujet du mélange des fossiles que M. Ebray critique, je ferai observer encore que la Lima duplicata , Goldfuss, que M. Ebray place dans l’oolithe inférieure, se trouve, selon Thiollière (p. 573), dans le lias inférieur et moyen, et que la Terebratula ornithocephala , qui caractériserait l’étage bathonien, se trouve aussi, selon Thiollière, dans le lias moyen. Au surplus, je ne me crois pas infaillible ; et, de même que les bancs à Gryphées arquées se voient près de la Clayette, ils pour¬ raient se présenter aussi çà et là plus près de Charlieu. — Mais, je le répète, je n’ai pas eu le bonheur de les rencontrer, car toutes les Gryphées, provenant des localités que cite M. Ebray, et que j’ai décrites dans mon volume sur le département de la Loire, ont été déterminées comme des Gryphœa cymbium , obliquata et Ma- cullochi. — Je maintiens donc aussi que les lias moyen et supérieur ont débordé le lias inférieur, et reposent directement sur le ter¬ rain porphyrique. — Cette extension transgressive que je n’ai jamais appelée discordance , comme me le fait dire M. Ebray, me NOTE DE Sî, GltlNËR. m pavait donc évidente. — Au reste, sur toute la lisière sud du dé¬ partement de la "Vienne, on voit les marnes supra-liasiques reposer directement sur le granité. Venons à la question des argiles à jaspes. Elle n’est pas aussi simple que le croit M. Ebray. — En tout cas, il ne devrait pas me prêter des opinions que je n’ai pas émises. • — Je n’ai dit nulle part que les argiles à jaspes reposent en dis¬ cordance de stratification sur les autres étages jurassiques , mais simplement que les argiles les débordaient ou s’étendaient au delà, ce qui est bien différent. M. Ebray admet cependant qu’il y | a des silex à la base du calcaire à Entroques; je ne dis pas autre chose; seulement je crois que sur bien des points le calcaire est ; devenu argileux, et est même remplacé par de l’argile, et cela en I général près des rivages, là où la formation repose sur le terrain J cristallin. C’est ce que j’ai constaté dans l’ouest de la France. Là, en se | dirigeant de Poitiers (où le calcaire à Entroques avec silex se montre au-dessus des marnes supra-liasiques) vers le Limousin ou la Vendée, on voit le calcaire devenir insensiblement plus ar¬ gileux et passer enfin aux argiles, en renfermant toujours les mêmes silex ou jaspes. Je citerai aussi JNontron, Tbiviers, Confolens, dans la Cha¬ rente, etc. Sur tous ces points, il y a des argiles à jaspes à la base, ou près de la base de l’oolithe inférieure ; c’est l’opinion de M. d’Archiac (voy. Histoire des progrès de la géologie , t. VI, p. M. Ebray me prête ensuite bénévolement une bien grande distraction , pour ne pas me servir d’un autre terme; il cherche à établir une sorte de contradiction entre une coupe et ma carte, prétendant que je place à volonté, et tour à tour, les argiles à jaspes dans le terrain tertiaire et dans le terrain jurassique. Il se serait épargné cette injuste attaque s’il avait lu la page 568 de mon ouvrage, où j’indique avec soin la différence entre le dépôt à jaspes primitif , qui est jurassique, et le dépôt à jaspes re¬ manié, qui est tertiaire, et où je dis en propres termes que, si les deux dépôts sont faciles à distinguer à une cei laine distance de leur limite commune, cela n’est pas toujours le cas au point de jonction même, et qu’il est impossible de dire exactement où finit le dépôt tertiaire et où commencent les assises non remaniées des argiles à jaspes. — Je n’ai donc pas la prétention d’avoir tracé rigoureusement sur ma carte la limite commune. Quoi qu’il en soit, je maintiens mes conclusions quant à l’argile 462 SÉANCE DU 4 MAI 1863» à jaspes qui remplace souvent le calcaire à Entroques et se trouve ailleurs à sa base. Je dois faire observer encore que sous le titre, environs deJar- nosse , M. Ebray m’attribue une coupe que je n’ai publiée nulle part. Il est facile ainsi de trouver un auteur en défaut. J’ai rappelé, page 569, que Dufrénoy avait également constaté, entre Saint-Amand et le bois de Meillant, l’oolithe inférieure, à Y état de meulière , entre les marnes à Bélemnites et le calcaire à Entroques. J’ai retrouvé le même fait dans le département de la "Vienne, à Chéroux,où il y a un banc de silex non remanié, de 4 à 5 mètres. — - Les faits du département de la Loire ne sont donc pas aussi exceptionnels que M. Ebray veut bien le dire. M. de Ferry fait remarquer que la Gryphœa arcuataùu dé- partement de la Loire présente un caractère particulier qui a pu très-bien induire M. Grüner en erreur et la lui avoir fait confondre avec la Gryphœa cymbium . Il confirme du reste l’opinion de M. Ebray. Séance du 4 mai 1863. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal d© la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de MM. Élie de Beaumont et de Chancourtoîs : 1° Carte géologique du département de la Haute-Marne , par M. Duhamel, 4 f. grand aigle, 1857-1860. 2° Études s trati graphique s sur le département de la Haute- Marne faites pendant la publication de la carte géologique de M. Duhamel , in-4, 84 p. , Paris, 1862-, chez M. Mallet- Bachelier. De la part de M. Farge, Le terrain jurassique des environs de Durtal. — Actèonines de Montreuil- Bellay ( Maine-et - DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. Ü63 Loire), in-8, 31-6 p., 3 pi., Angers, 1863; chez Cosnier et Lachêse. De la part de M. P. de Loriol, Description des animaux invertébrés fossiles contenus dans V étage néocomien moyen du Mont-Salève , 2e et dern. liyr., in-Zi , Genève, 1863, chez H. Georg. De la part de M. Gh. Mène, Bulletin du laboratoire de chi¬ mie scientifique et industrielle, in-8, avril 1863, Lyon ; chez Chanoine. De la part de M. J. B. Rames, Réponse à la note de M. l’ abbé Pouech sur la grotte ossifère de l'Hérm , in-8, 12 p., 1863, Paris; chez F. Savy ; Aurillac, chez Ferary frères. De la part de MM. Rud. Kner et Fr. Steindachner, N eue Beitràge zur Kenntniss der fossilen Fische Osterreichs , in-Zi, I 20 p., 7 pl., Vienne, 1863; chez K. Gerold’s Sohn. De la part de M. A. Oppel, Ueber das Vorkommen mon jurassischen P osidonomyen-Gesteinen in den Alpen , in-8, 30 p., I 3 pl., Berlin, 1863. De la part de M. K. A. Zittel, Die obéré Nummulitenforma* j lion in Ungarn , in-8, A3 p. , 3 pl., Vienne. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences, 1863, 1er sem., t. LVI, nos 16 et 17. Bulletin de la Société botanique de France , t. VII, 1860, I n° 8. L'Institut , n08 1529 et 1530; 1863. Journal d'agriculture delà Côte-d' Or, mars 1863. Bulletin de la Soc. des sc. hist . et naturelles de l'Yonne , année 1862. Y Argus Soissonnais , 21 avril 1863. The Athenœum, nos 1852 et 1853; 1863. Revista de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales , t. XIII, n° 3, mars 1863. Revista minera , t. XIV, n° 310, 1er mai 1863. Atti délia Societa Italiana di scienze naturali , t. V, f. 1-3. M. le Président annonce la mort de M. Bouësnel, ancien inspecteur général des mines en Belgique. La Société, convoquée en séance extraordinaire conformément Z|6& SÉANCE DU /] MAI lt>63. à l’art. 12 du règlement, se trouvant composée de 52 membres, nombre suffisant d’après le même article pour pouvoir délibé¬ rer, M. le Président annonce que le Conseil d’administration a cru devoir soumettre à l’approbation de la Société des modi¬ fications à l’art. 57 du règlement, tendant, d’une part, à accé¬ lérer la publication du Bulletin, et, de l’autre, 5 mettre les membres qui ne résident pas à Paris à même de répondre, s’ils le jugent convenable, avant l’impression, aux observations qui sont faites lors de la lecture d’une note ou d’un mémoire qu’ils ont envoyés. Le Secrétaire donne lecture de l’art. 57 du règlement. Il lit ensuite le nouvel article que le Conseil propose d’y substituer, et qui est ainsi conçu : Article 57. «Les mémoires, notes ou manuscrits communiqués à la » Société, devront être déposés sur le bureau, séance tenante, faute de quoi » leur publication sera ajournée suivant l’époque de leur remise au Secré- » tariat. » Toute discussion verbale qui aura lieu à la suite d’une communication » sera reproduite dans ce qu’elle a d’essentiel par le Secrétaire, d’une ma- » nière très-sommaire, d’après les notes qu’il aura prises, ou qui lui auront » été remises dans le délai de quarante-huit heures à titre de renseigne- » ment. » Si la lecture du travail d’un Membre non résidant ou absent donne » lieu à des remarques critiques de la part d’un ou de plusieurs Membres » présents, il en sera donné immédiatement connaissance à l’auteur, afin qu’il » puisse y répondre s’il le juge à propos. Sa réponse devra être parvenue au » Secrétariat dans les huit jours qui suivront celui où la lettre d’avis lui » aura été adressée, sinon elle ne sera mentionnée par le Secrétaire que dans » le procès-verbal d’une séance ultérieure. » Quelques membres semblent craindre que certaines commu¬ nications qu’ils indiquent n’aient pas été prévues parle nouvel article-, M. d’Archiac les rassure, en démontrant que les termes de cet article peuvent s’appliquer à tous les cas de communica¬ tion-, il fait remarquer que, d’ailleurs, la plupart des nouvelles mesures proposées ne sont qu’un retour aux anciens errements de la Société. La Société approuve et adopte le nouvel article du règlement proposé par le Conseil. La Société approuve la proposition du Conseil de fixer Liège aOTÈ m ’î. DÉ CBASOOUftTOîS. S6Ê (Belgique) comme lieu de la .réunion extraordinaire de cette année. La première séance se tiendra, en cette ville, le dimanche 30 août prochain. M. de Chancourtois fait hommage à la Société d’un exem¬ plaire de la Carte géologique de la Haute-Marne exécutée par feu M. Duhamel et publiée par 31. Élie de Beaumont et par lui. Il rappelle en ces termes les explications qu’il avait données sur l’exécution et la publication de celte carte, en la présentant à la séance du 3 novembre : M. Duhamel, ingénieur en chef des mines en résidence à Chau- moût, avait été chargé, en 1837, de dresser la Carte géologique du département de la Haute-Marne. Il y a travaillé jusqu’à sa mort, survenue le 3 novembre 1850. Il avait exécuté primitivement tout son tracé sur la Carte de Cassini , la seule carte détaillée qui existât alors pour tout le département. Plus tard, les feuilles de la nouvelle carte de France qui correspondent à la Haute-Marne ayant été publiées par le Dépôt de la guerre. M. Duhamel avait senti la nécessité d’y transporter, en le perfectionnant, son tracé primitif, et il avait déjà commencé cette opération pour Farron- dissement de Saint- Bizier. Après sa mort, madame Duhamel, sa veuve, qui depuis lors l’a suivi dans la tombe, avait demandé à l’administration des mines que le travail de 31. Duhamel fut complété et publié, et elle avait exprimé le vœu que la direction de cette opération fût confiée à M. Elie de Beaumont, ancien ami de son mari. Par décision de 31. Lefébure-Duruflé, alors ministre des tra¬ vaux publics, 3131 . Elle de Beaumont et de Chancourtois reçurent cette mission, qui se rattachait naturellement à leurs fonctions de professeurs de géologie à l’Ecole impériale des mines. Ils ont tenu a honneur de la remplir jusqu’au bout. En terminant le travail de 31. Duhamel, sur line topographie mieux faite que celle qu’il avait eue entre les maius, 3131. Elie de Beaumont et de Chancourtois ont été naturellement appelés à le compléter. Ils ont notamment ajouté le tracé d’un grand nombre de failles et autres accidents stratigraphiques aux indi¬ cations du même genre que 31. Duhamel avait déjà recueillies. Les directions de tous ces accidents stratigraphiques sont résumées dans une rose des directions , qui a été gravée dans un des angles de la carte. Les observations particulières de 3131, Elie de Beaumont et de Soc. géol.t série, tome XX. 30 466 SÉANCE DU à MAI 1863 Chancourtois leur ont donné lieu de produire des mémoires qu’ils ont réunis sous le titre d 'Études stratigraphiques faites pendant la publication de la carte de la Haute-Marne , avec une explication de la légende, de manière à en former une sorte de texte provisoire; M. de Chancourtois fait également hommage à la Société d’un exemplaire de ces études stratigraphiques. Un exemplaire de la carte, exécutée à l’imprimerie impériale par report sur pierre de la carte de France de l’état-major, avec les contours, notations et orientations géologiques, complètement gra¬ vés, mais avec le coloriage fait à la main, a été présenté à la séance de l’Académie des sciences du 10 septembre 1860; un autre exemplaire, dans les mêmes conditions, a figuré à l’exposition de de Saint-Dizier de la même année. Enfin la carte imprimée en couleur a été présentée à la séance de l’Académie des sciences du 14 juillet et à la séance de la Société du 3 novembre 1862. M. de Chancourtois, en remettant aujourd’hui l’exemplaire de la carte et des études stratigraphiques, dont l’hommage définitif avait dû être différé par égard pour certaines convenances admi¬ nistratives, les accompagne du résumé suivant des observations qu’il avait développées à la séance du 3 novembre dernier, concer¬ nant la distribution des gîtes de fer et des gîtes minéraux en géné¬ ral, d’abord dans le département de la Haute-Marne et ensuite dans le tiers nord-est de la France. Il est à peine nécessaire d’insister sur la concordance parfaite des alignements et des directions des failles par coïncidence ou parallélisme. Elle est frappante, mais toute naturelle, les minerais de fer étant des produits d’émanation, qui doivent se trouver nécessairement sur les lignes de fissure de l’écorce terrestre et surtout aux croisements. On peut seulement s’étonner que la remarque n’ait pas été faite plus tôt. NOTE DE M. DE CHANCOURTOIS. /l67 » Mais il faut noter avec intérêt la présence, parmi les aligne¬ ments, de directions diverses propres à des systèmes de soulève¬ ment plus ou moins antérieurs aux terrains qui comprennent les gites, par exemple, de la direction du système du Rhin, très-fré¬ quente dans les minerais du terrain néocomien. C’est là une preuve bien manifeste de la persistance ou de la réouverture des anciennes fractures. Et quoi de plus simple? Les assises des terrains stratifiés ne sont-elles pas assez exactement aux fissures d’émana* nation ce que les couches de badigeon sont aux lézardes d’un mur récrépi. » Une autre preuve du même phénomène résulte de la distribu¬ tion sur une même ligne de divers gîtes compris dans des terrains différents. » On voit, par exemple, sur une ligne N. O. S. E,, qui part des minières de Nijon (près Bourmont), une série de gîtes compris dans les différents étages des terrains jurassiques et crétacés, ou au moins reposant sur ces étages en relation intime. » Je touche là un point délicat et je dois prévenir une objection. » Parmi les gîtes signalés sur la carte, il y en a de notoirement interstratifiés dans les terrains comme les gîtes néocomiens; d’autres sont superficiels, et dits par certains géologues d’alluvion ou de remaniement, parce qu’on les a considérés comme résultant de la destruction d’un étage supérieur à celui sur lequel ils reposent. » N’aurait-il pas fallu distraire ces sortes de gîtes avant de tracer les alignements, pour ne faire porter ceux-ci que sur des gîtes de minerais géodiques ou en poches, c’est-à-dire sur les gîtes fran¬ chement adventifs? » Je ne pense pas. Je crois, au contraire, que la régularité même du réseau d’alignements, établi sur l’ensemble des gîtes sans dis¬ tinction, conduit aune proposition assez importante, savoir : que les dépôts de minerai de fer , alors meme qu’ils se présentent interstra¬ tifiés, sont essentiellement locaux et correspondent avec précision aux points de bâillement des fissures inférieures. » Il me paraît probable que les gîtes horizontaux formés dans les bassins de sédiment autour de chaque orifice d’émanation ferreuse sont ordinairement très-ci rëonscrits, et que, si dans des lieux hachés de fractures il a pu se former accidentellement des assises de minerai douées d’une certaine continuité, la diffusion des émanations fournies par un système de fissures contemporaines, pendant une formation, n’a produit en général qu’une imprégna- ■SÈAffCS 15 îj h MA! 1868, AGS tion de l’horizon sédimeniaire Correspondant insuffisante pour y constituer une couche exploitable. »> Je rapproche ainsi la loi de distribution du fer de celle qui pré¬ side à la distribution des autres métaux moins communs, en ce sens que, dans la détermination des lieux géométriques de concen¬ tration, j’enlève l’importance prédominante à la coordonnée verti¬ cale pour la restituer aux coordonnées horizontales, ou, pour parler un langage plus conforme aux habitudes géologiques, j’augmente la continuité du gisement du fer dans le temps aux dépens de sa continuité dans l’étendue. » Dans cette manière de voir on fait facilement droit aux récla¬ mations des paléontologistes qui protestent contre le placement des gîtes de fer en horizons géologiques absolus. » La disposition des gîtes dits d’alluvlon ou de remaniement, comme ceux que l’on rencontre au pied des terrasses de l’Oxford- clay, cesse aussi d’être une difficulté; ces gîtes, souvent fort peu remaniés, sont là sur la faille dont le jeu, postérieur ou non à leur formation, a découpé le contour de la terrasse. On en voit un exemple très-frappant entre Rimaucourt et Prez-sous-la-Fauche au pied des talus oxfordiens. » On comprend aussi très-bien pourquoi on trouve du minerai de fer dans les plus petits lambeaux d’argiles oxfordiennes encastrés comme des pièces de marqueterie entre les failles, au milieu de la grande oolithe, près de Donnemarie et Mont-Saugeon, au sud du département, tandis que de grandes nappes des mêmes argiles n’en contiennent pas. En ces points, les failles préexistaient comme fissures d’émanation avant de servir à la dislocation. » M . Elie de Beaumont avait fixé depuis longtemps des directions d 'alignement pour les amas gypseux des marnes irisées. Le tracé des alignements de ces amas dans la Haute-Marne vient confir¬ mer pleinement ses anciennes déterminations, et, chose à noter, plusieurs ligues sont communes au gypse et au minerai de fer. Les sources minérales et les dépôts de tuf servent aussi de jalons. « On voit donc que les gîtes de fer, en y comprenant les minières » des dépôts stratifiés , sont alignés suivant des parallèles aux di - » rections des soulèvements , et que les alignements jalonnés par ces i> gîtes représentent ainsi , comme ceux des autres gîtes minéraux , » les traces de fissures de l'écorce terrestre en concordance avec les » systèmes de montagnes. » » M. Elie de Beaumont ayant publié (mémoire inséré aux Comptes rendus de C Académie des sciences , séance du 1 h juil- NOTE DE M. DE CMaNCOUUTOIS. ZlG9 leL 1862, et reproduit dans les études stratigrapliiques) la rose des cercles du réseau pentagonal qui intéressent le nord-est de la France, j’ai pensé qu’il était à propos d’utiliser la portée générale des orientations ainsi précisées, pour étendre l’application de mon principe dans le plus grand rayon possible par une recon¬ naissance graphique faite avec la règle , ayant remarqué que l’usage de la règle sur la carte au — 0tïï (réduction de la carte de Cassini) est théoriquement juste pour le tracé des grands cercles perpendiculaires au méridien de Paris, et ne donne lieu, aux ex¬ trémités des deux feuilles réunies ici, dans la représentation des j grands cercles de directions voisines de la méridienne, qu’à un écart maximum de 3 millimètres environ, dont il est facile de I tenir compte. » Les vingt-cinq directions que j’ai mises en expérience sont rangées en allant du nord au sud par l’est dans le tableau suivant, extrait du tableau général donné par M. Elie de Beaumont pour les cercles du réseau, rapportés à un point situé près l’îlot grani- i tique de Bussières-lez-Belmont, par A7°à5M5", latitude nord-est 3° 12' 15" longitude est de Paris, — point qui est le centre de la rose gravée sur la carte de la Haute-Marne. o y yy 1 . Auxiliaire HcmH (Minorque, Norvège). . . . N. 0. 26. 1 4,56 E. 2. Auxiliaire Tæ, Vercors . N. 7. 8.1 0,23 E. 3. Primitif de la Nouvelle-Zemble, Rhin. . . . N. 1 8.36.46,1 9 E. 4. Auxiliaire De, Alpes occidentales . N. 26.51 .46,59 E. 5. Auxiliaire T abc, Longmynd . N. 28.50. 4,82 E. 6. Bissecteur DH de l’île d’Alboran, Mont-Seny. N. 36.34. 2,59 E. 7. Auxiliaire D«, Côte-d’Or . E. 42. 6.58,20 N. 8. Auxiliaire IV, Hundsruck . E. 32. 2.28,23 N. 9. Auxiliaire Tb, Sancerrois . E. 23.43.36,6 1 N. 10. Auxiliaire H ba, Alpes principales . E. 1 6.52.29,86 N. 11. Auxiliaire DTà, Finistère . E. 1 3.1 0.1 4,29 N. 12. Auxiliaire D«. Pays-Bas . E. 6.12.47,27N. 13. Auxiliaire Tr/, Tatra (M. Pomel) . E. 3.29.17,87N. 14. Primitif du Land’s End . E. 0.25.37,07 S. 15. Auxiliaire Dtf, homologue des Pays-Bas. . . E. 7. 4.20,35 S. 16. Auxiliaire DTA, Ballons . E. 14. 2.47,24S. 17. Octaédrique du mont Sina'i, Pyrénées. . . . E. 1 8.53.4 1 ,22 S. 18. Primitif de Saint-Kilda, Thuringerwald. . . E. 36.29. 4,44 S. 19. Auxiliaire IT, Morbihan . S. 44.46.37,70 E. 20. Bissecteur DH des îles Ioniennes . S. 35.27.1 4,96 E. 21. Auxiliaire TV, homologue du Sancerrois. . . S. 28.53.1 4,1 1 E. 22. Auxiliaire IT, mont Viso . S. 23.42.58,73 E. 23. Auxiliaire D a, Forez . S. 14.38. 2,12E. 24. Perpendiculaire à D^v , Pays-Bas . S. 6.12.47,27E. 25. Auxiliaire DTà, Corse et Sardaigne. . , . . . S. 3.45.50,03E* 470 SÉANCE DU k MAI 1863. » Elles méritent toutes d’être prises en considération, et la plu¬ part s’appliquent d’une manière remarquable aux points d’exploi¬ tation du fer, dont le nombre est environ 750, et en même temps aux accidents géographiques et géologiques. J’en donnerai ici quelques preuves, après avoir prévenu une objection théorique. » Au premier abord, la concordance des alignements de gîtes et des directions de fracture ne me paraît motivée à l’égard des gîtes interstratifiés que pour les systèmes antérieurs à l’époque marquée par la superposition sédimentaire. Mais si l’on réfléchit que les nouvelles fissures doivent tendre naturellement à s’établir en pas¬ sant par les canaux de dégagement qu’ont creusés dans les parois des plus anciennes les courants producteurs des accumulations notables de minerais, on reconnaît que l’antériorité de la frac¬ ture n’est pas une condition nécessaire de l’ajustement raisonné d’une ligne sur un point jalon. Par cette considération, jointe aux principes de la réouverture des fentes et de la récurrence pro¬ bable des directions, je me suis cru autorisé à passer outre dans l’application, pour ainsi dire brute, des alignements, en m’affran¬ chissant, quant à présent, de toute préoccupation concernant les âges relatifs. » Je soumets à la Société les feuilles 2 et 4 de la carte géolo¬ gique de la Fiance, sur lesquelles j’ai exécuté mon travail, en m’aidant des cartes départementales et des travaux de détail, publiés par MM. Tliirria, Levallois, de Billy, Daubrée, Guillebot de Nerville et Jacquot. » Un bon type de la direction importante Minorque-Norvége (N. 0°26/E. ) est offert par la ligne qui, partant des minières de Laharmand, près de Chaumont, rencontre au nord celles de Cha- tonrupt, d’Aulnois, de Fains; puis encore trois dans les Ardennes. Une ligne parallèle, qui en est presque le prolongement, passe à deux minières de la Côte-d’Or et aboutit, dans l’Isère, au gîte de la Yerpillière. » On peut prendre comme type de la direction du Vercors (N. 7° 8' E.) l’alignement qui, du gîte de Yillebois (Ain) au groupe d’Hayange, près de Tliionville, s’appuie sur dix points, en mar¬ quant le cours de la Moselle au coude au-dessous de Toul et au- dessus de Metz, et réglant de ce côté le contour du lias. » Une des lignes les plus frappantes de la direction du Rhin (N. 18° 37'E.) part des minières de Saint-Pancré (Moselle), passe dans la Haute-Marne aux minières de Nant-le-Grand, de Cha- tonrupt, de Nomecourt, de Latreeey, et atteint celles de Perrecy (Saône-et-Loire), Elle forme à peu près l’axe d’un faisceau où l’on NOTE DE M. DE CHANCOURTOIS. 471 peut noter, entre autres lignes, celle qui réunit les minières de Montgérard (Ilaute-Marne) à cinq autres points. Parmi les ali¬ gnements de l’est, qui sont‘naturellement très-bien marqués, je citerai une ligne qui, bien appuyée dans la région des Vosges et passant par la minière la plus voisine d’Audincourt, va ensuite rencontrer les sources minérales d’Aix en Savoie, puis encore l’axe principal de la vallée du Rhin, qui, après avoir longé le cours moyen du fleuve, atteint le petit groupe de minières au sud d’Alt- kirch, placé absolument comme un point sur un i, puis arrive aux mines d’Allevard. » La direction des Alpes occidentales (N. 26° 52' E.) fournit, par exemple, un alignement joignant les minières d’Aumetz et d’Au- dun-le-Tiche (Moselle), où les plans détaillés de M. Jacquot l’accusent d’ailleurs très- nettement, aux exploitations voisines du Donjon (Allier), passant par les minières de Thonnanges, de Fée et le gîte de la Roclie-Millay, en Morvan. » Je donnerai comme type de la direction de la Côte-d'Or (E.42°7'N.) une ligne qui joint l’exploitation d’Avèse (Puy-de- Dôme) à la minière marquée près d’Haguenau (Bas-Rhin), en pas¬ sant par le gîte de Nolay, trois points de la Franche-Comté et deux dépendants du groupe de Framont. Parmi plus de cinquante alignements de cette direction, je citerai encore le faisceau qui, appuyé sur les groupes d’Allevard et de Vizille, s’applique aux principales crêtes des massifs du mont Blanc et de l’Oberland. » La direction du Hundsruck (E. 32° 2' N.), naturellement très- accusée par les groupes du nord et bien visible dans les plans des minières de Saint-Pancré, donne une ligne parfaitement jalonnée, allant des minières de Narcy aux gîtes de Creutzwald. » Celle des Alpes principales (E. 16° 52'N.), déjà sensible dans le nord, est parfaitement marquée par une ligne partant des mi¬ nières de Poissons (Haute-Marne), par une autre qui joint le groupe de Château-Vilain à celui de Framont, en passant par Nijon, et enfin naturellement par le faisceau des gîtes de Ville- bois, qui s’applique d’une manière frappante dans les Alpes, au delà du Saint-Gothard, aboutissant du côté opposé aux gîtes de l’Auvergne, entre Pleaux et Bort. »» La direction des Ballons (E. 14° 3' S.), bien marquée par plusieurs lignes partant des Vosges, s’observe encore, par exemple, dans le Morvan, du gîte de Nolay à celui d’Arleuf. » Celle des Pyrénées (E. 18° 54' S.) est particulièrement repré¬ sentée par un faisceau dont une ligne réunissant les minières de Rimaucourt à celles de Nijon dans la Haute-Marne et à un point du 472 : SÊANciî bu 4 mai 18(53, groupe de Thann et Gucbwiller, va passera Montmartre, et offre en quelque sorte l’axe des gypses parisiens. » Pour la direction très-importante et très-générale du Morbihan (S. 44° 47' E), je citerai l'alignement qui joint cinq points des gîtes de la Moselle à un point du groupe de Framont et la ligne qui, passant par les minières voisines de Prauthoy (Haute-Marne) et jalonnée par huit points, trace exactement la grande cluse d’Ornans, puis le faisceau appuyé près de Joinville, dont une ligne passe par les gîtes pyriteux deslignites du Soissonnais. » Enfin la direction du mont Viso (S. 23° 43' E.), aussi très- importante, notamment au point de vue de la détermination des sillons de rivières dans le Nord, est très-bien représentée par un alignement de douze points depuis le groupe du Hainaut jusqu’au gîte de Métabief, dans le Jura, en passant par les minières de Poissons, près de Joinville, et aboutit d’ailleurs au massif serpen- tineux le plus important des Alpes piémontaises. » Toute personne qui aura suivi sur la carte les itinéraires dont je viens de donner des spécimens demeurera convaincue que l’ajustement des lignes de grand cercle est fondé en détail comme en thèse générale, et sera, je l’espère, disposée à admettre la pro¬ position que j’ai énoncée. » Les fissures dont je pense démontrer l’existence, et qui sont les conséquences nécessaires des actions mécaniques d’où résultent les bourrelets montagneux, apportent au géologue, par les aligne¬ ments qui les décèlent, un immense contingent de documents géométriques. A quelque point de vue, à quelque échelle que l’on étudie la surface du globe, une observation attentive fait aperce¬ voir les traces d’un réseau de lignes entrecroisées de directions plus ou moins nombreuses, mais nettement définissables ; et ces traces régulières sont la traduction d’une sorte de craquelé de la croûte inférieure qui, se propageant toujours à travers les couches successives des sédiments ou des épanchements superficiels, non- seulement ouvre le passage aux émanations de la masse interne pour l’alimentation continue des dépôts communs et l’accumu¬ lation adventive des matières exceptionnellement utiles, mais encore, alors même qu’il ne donne pas lieu à des arêtes saillantes par des dénivellations de ses compartiments, prépare en tailladant le sol tous les accidents du relief dont les érosions ne viennent ensuite que déblayer et modeler les contours. » On voit ainsi se développer avec toute son importance le système des surfaces de séparation voisines de la verticale, dont la prise en considération complète la partie géométrique de la géo- NOTE DE M. DE CBANCOtRTOlS. Zi 73 gnosie, désignée sous le nom de stratigraphie . Si maintenant, dans l’étude de l’écorce terrestre, à la notion déjà usuelle de l’épaisseur comparativement moindre que celle de la coquille de l’œuf, on joint la conception de cet état de division, qui, toute réserve faite sur la diversité et la multiplicité des causes, offre les premiers termes de la série de fendillements habituels, de fissilités, dont on peut suivre le développement successif dans les masses de roches de toute espèce, en se rattachant aux manifestations les plus frap¬ pantes, la structure prismatique hexagonale des basaltes et le riple ou parallélipédique feuilletage des schistes, n’est-on pas conduit à considérer la croûte soi-disant solide comme le type naturel de la fragilité et de l’inconsistance? Et dès lors, quelle flexibilité, quelle plasticité ne faut-il pas attribuer à son ensemble dans les spéculations relatives à son équilibre et à ses mouve¬ ments ? » A un tel point de vue, les études géologiques ne doivent-elles pas, par une sorte de réaction nécessaire, contribuer à faire pro¬ gresser la théorie physique de ces mêmes propriétés dont les masses minérales présentent les effets, réels ou simulés, grossis au point que l’analyse de leur mécanisme devienne affaire de réduction plutôt que d’amplification. » Cette manière de voir, que je ne puis qu’indiquer ici, m’a été en partie inspirée par la lecture du beau travail de M. Tynclall sur la glace observée en roche, travail qui me paraît donner la clef théorique de la viscosité, quoique son exposé soit en intention, si je ne me trompe, contraire à l’usage fait de cette propriété dans la théorie géologique des glaciers. » Tous les genres de travaux se tiennent; on en voit ici une preuve d’un autre ordre, puisqu’un simple relevé statistique de pratique administrative figuré par les soins de RI. Salomon, chef de la division des mines, lors de l’exécution de la carte géologique, se trouve conduire à une extension de la théorie des soulèvements et des émanations, qui, à son tour pourra, je l’espère, contribuer au progrès de l’exploitation des matières minérales utiles, à com¬ mencer par les minerais de fer. » M. d’Archiac donne lecture de la lettre suivante de M. Cal- land, bibliothécaire à Soissons : hik SfiÀNCB DU 4 MAI 1863. Monsieur, Soissons, 27 avril \ 863, Je réponds aux deux questions que vous m'avez fait l’honneur de me poser : 1° Je ne pense pas que le calcaire de Jouy corresponde au cal¬ caire marneux dont vous me parlez. Le banc qui surmonte et recouvre la couche où se trouve le lit ossifère est, d’après une nouvelle inspection des lieux, un calcaire marin supérieur, carac¬ térisé par la Lucina saxorum et le Cerithiuni lapicium. Le banc qui se trouve au-dessous appartient au calcaire moyen marin ; il est rempli de Miliolites. C’est entre ces deux bancs marins que se trouve interposée une couche de calcaire marneux et cl’eau douce, qui contient un lit ossifère, assez mince, de 4 à 35 centimètres d’épaisseur. La partie qui reste à déblayer peut avoir 25 mètres de long; la largeur est inconnue, mais on peut supposer qu’elle n’est pas moindre de 3 à 4 mètres. 2° JNous avons recueilli une dizaine de dents qui paraissent appartenir au Lopliiodon, plusieurs ossements et un doigt de pied du même animal, une dent et des ossements de Crocodile, le tout entremêlé de lignites, ou décomposition végétale. Ces végé¬ taux paraissent être des roseaux et plantes marécageuses. Voici une coupe du banc de Jouy. Elle est grossière, mais exacte. Si j’ai l’occasion de retourner avant peu sur les lieux, je vous expédierai les échantillons que vous désirez. Fig. 4 . — Carrière de Jouy. 1 — Terre végétale. 2 — Calcaire marin brisé, \ mètre. 5 — Calcaire marin exploité, 1 mètre. h — Calcaire marneux fluvio-marin, contenant un lit ossifère, 1 mètre. 5 — Calcaire marin exploité, 1 mètre. Les chiffres des épaisseurs des couches sont approximatifs. NOTE DE M. DAMOUR. 1 — Partie à déblayer et dont la largeur est inconnue. 2 — Partie déblayée. MM. Hébert et Goubert font remarquer que des ossements de vertébrés mélangés à des mollusques lacustres et terrestres ont déjà été recueillis dans les environs de Paris, dans les marnes du banc vert, à la base du calcaire grossier supérieur. M. Hébert ajoute que le Lophiodon ne détermine pas un hori¬ zon distinct -, il en a été recueilli non-seulement dans la position précitée, mais aussi entre le calcaire grossier et les lignites. M. Matheron dit que, dans le Midi, des Lophiodons ont également été trouvés dans les lignites. M. Damour présente, au nom de M. Payen, avocat à la Basse-Terre (Guadeloupe), divers fossiles trouvés aux environs de cette résidence, et lit la note suivante : ' J’ai ITionneur de présenter à la Société divers fossiles trouvés aux environs de la Basse-Terre (Guadeloupe), près du lieu dit le Vieux-Fort. Ces fossiles, qui se rapportent aux genres Pecten , Terebrcitula , Cyprœa , Spatangus , Echinas, ont été recueillis en place par M. Payen, avocat près le tribunal de la Basse-Terre, qui s’occupe avec distinction de l’étude des sciences naturelles. Je demande la permission d’exposer ici les observations que M. Payen a bien voulu me transmettre sur leur gisement. Les coquilles fossiles se trouvent en deux gîtes différents situés à une centaine de mètres l’un de l’autre. Elles sont engagées dans une pierre calcaire blanche ou blanc grisâtre ayant l’apparence de la craie. L’un de ces gîtes est situé à 50 mètres de distance des bords de la mer et à une altitude de 40 mètres environ. Il paraît adossé au flanc d’une montagne composée de tufs volcaniques. L’autre gîte, qui seul est exploité pour la fabrication de la chaux, est à une distance de 200 mètres des bords de la mer et à une altitude d’environ 100 mètres. Il occupe le sommet d’une butte Ix 76 SÉANCE DU h MAI -1803. conique, et y constitue des couches horizontales reposant sur le terrain volcanique. Notre savant confrère, M. Deshayes, à l’examen duquel j’ai soumis les échantillons que j’ai reçus de M. Payeu, considère ces fossiles comme se rapportant aux terrains de la période quater¬ naire. Il semble donc que les deux gîtes fossilifères que je viens de mentionner auraient été soulevés du fond des mers à l’époque géologique assez récente qui a donné naissance au relief actuel de la Guadeloupe. Il résulte également de l’examen de M. Deshayes que la Térébratule, dont je joins ici quelques échantillons, doit constituer une espèce distincte. Jusqu’à ce moment on n’a pas trouvé de Térébratules vivantes sur les côtes de la Guadeloupe. Voici ce qu’écrit à ce sujet M. Schram, employé aux douanes,! très-versé dans la connaissance de l’histoire naturelle et spécialement des productions des Antilles. « Je n’ai jamais rencontré de Térébratules vivantes sur nos côtes de la Guadeloupe, et je n’ai pas connaissance qu’il en ait été trouvé dans nos mers. Pourtant j’ai reconnu, à l’état vivant, une coquille voisine des Térébratules, c’est-à-dire du même ordre des brachiopodes, une Orbicule que j'ai trouvée en rade de la Pointe-à- Pître sur des madrépores et sur de vieux débris madréporiques. Cette coquille a été décrite par Ale. d’Orbigny sous le nom d ’ Orbicula Anlillarum , et figure dans le catalogne de la Guadeloupe de Beau. Il s’en trouvait sous le n° 160 six exemplaires dans ma collection de l’exposition, aujourd’hui entre les mains de M. le chevalier Bernardi, à Paris. » On ne connaît guère que 10 à 12 espèces de Térébratules à l’état vivant, la plupart pélasgiennes. Les courants peuvent amener sur nos plages des Térébratules, d’une manière accidentelle, comme des Hyales et des Spirules, où ces dernières sont assez communes. » En terminant cet exposé, je dois rappeler ici que la belle carte topographique levée en 1842, et publiée en 1855 par notre savant confrère M. Charles Sainte-Claire Deville, fait mention d’un lam¬ beau de terrain calcaire, aux environs du Vieux-Fort, près de la Basse-Terre, et vers le point où les nouveaux fossiles ont été décou¬ verts et recueillis par M. Payen. M. Charles Sainte-Claire Deville a mesuré, au baromètre, l’altitude de ce gîte et l’a trouvée de 65 mètres. Séance du 18 mai 1863* PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAÜDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : mm. Jourdy (Emile), rne des Arènes, i/i, à Dole (Jura) - présenté par MM. Eug. Peron et Paul Michelot; Ludwig (Rudolph), directeur de la banque, ù Darmstad (Hesse) -, présenté par MM. Delesse el Goubert. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre d’Etat, Journal des savants, avril 1863. De la part de M. J. B. Noulet, Etudes sur les fossiles du terrain èocène supérieur du bassin de VA goût {Tarn), in-8, 28 p., Toulouse, 1863; chez Ch. Douladoure. De la part du P. Laurent, Etudes géologicjues , philologiques et scripturales sur la cosmogonie de Moïse , in-8, 359 p., Paris, 1863; chez veuve Poussielgue-Rusand. De la part de MM. le marquis de Raincourt et Munier- Ghaîmas, Description d'un nouveau genre et de nouvelles espèces Jossiles du bassin de Paris et de Biarritz, 10 p., 2 pl., Paris, avril 1863. De la part de M. l’abbé A. Stoppani, Les pétrifications d’Esino, in h, 152 p., 31 pl.. Milan, 1858-60; chez J. Ber- nardoni, Paris, chez J. Rotschild. De la part de M. L. Zejszner, O mijocenicznych gipsach, in-8, 22 p., Varsovie, 1863. De la part de M. S. Haughton, Experimental researches on Z|78 SÉANCE DU 18 MAI 1863. the granités of lreland, part. III. — On the granités of Done - gai, in-8, 18 p., Londres, nov. 1862. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 1863, 1er sem., t. LVI, n° 18 et 19. Annuaire de la Société météorologique de France, t. VIII, 1860. Tableaux météorologiques , f. 9-15. Bulletin des séances de la Soc. centrale d’agriculture , t. XV11I, n° 5, 1863. L’Institut , nos 1531 et 1532 -, 1863. Réforme agricole, mars 1863. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, avril 1863. Société I. d’ agriculture, etc., de Valenciennes , mars 1863. The Athenœum, nos 185Zi et 1855- 1863. Journal of the geological Society of Dublin , vol. IX, part. 2, 1861-1862. Zeitschrift der deutschen geologischen Gesellschaft , août à oct. 1862, nov. et déc. 1862 et janv. 4 863. Verhandlungen des naturhistorischen Vereines der pr eus sis- chen Rheinlande und W ’estphalens , 1862, 1er et 2e cahiers. Revis ta minera, t. XIV, n° 311, 15 mai 1863. The American journal of science and arts, par Silliman, mars 1863. The Canadien journal , 1863. M. J. Barrande fait la communication suivante : « Faune primordiale aux environs de Hof en Bavière .par M. J. Barrande. Nous venons aujourd'hui communiquer à la Société quelques faits nouveaux relatifs à la faune primordiale des environs de Hof, en Bavière. En 1851, durant un séjour à Munich, nous avions reconnu, dans la célèbre collection du comte Munster, quelques fragments des fossiles de cette faune provenant des environs de Hof. L’année suivante, M. le professeur Geinitz nous communiqua quelques autres fossiles de même nature trouvés dans la même localité, et qu’il a décrits sous le nom de Conocephalus , dans son bel ouvrage intitulé : V erstein . der Grauwackenjorm ., Il, p. 25, pl . I, fig. U- 5-6, 1853. NOTE DE M. BÀÏtRÀNDE • h 79 Nos convictions étaient ainsi établies depuis longues années, lorsque, en 1860, dans la séance du 5 mai, nous les rappelâmes, à l’occasion de la faune primordiale récemment découverte dans la chaîne Cantabrique, par notre honorable ami M. Casiano de Prado. En même temps, nous fîmes un appel à nos savants con¬ frères les géologues allemands, afin qu’ils voulussent bien diriger leurs études sur la contrée de Hof (Bull., 2e sér., t. XVII, p. 542). Notre appel a été entendu et sérieusement pris à cœur par l’un des plus habiles observateurs de l’Allemagne, par M. Guembel, ingénieur royal des mines et. géologue de la cour de Munich. Tout le monde sait que ce savant a récemment publié un grand et excellent ouvrage sur la géologie de la Bavière. Personne n’était donc, ni plus apte, ni mieux placé que lui pour entreprendre cette honorable tâche. Dès le mois de janvier 1862, M. Guembel nous communiqua les premiers résultats de ses recherches près de Hof. Durant le mois de mai suivant, après de nouvelles fouilles encore plus productives, ce savant nous fit parvenir à Prague ses fossiles les plus distincts. Un second envoi de même nature nous a été fait en février 1863. Ces deux envois, se confirmant et se complétant l’un l’autre, nous ont permis de reconnaître les principaux éléments de la faune qui caractérise les schistes anciens près de Hof. 1. — Nous avons d'abord été frappé par ce fait, que la grande majorité des fossiles qui nous ont été communiqués, représente des Trilobites. Les Trilobites prédominent dans ces schistes, non- seulement sous le rapport du nombre des espèces, mais encore par le nombre absolu des spécimens recueillis par M. Guembel. Ce fait, considéré seul et indépendamment des caractères spécifiques, suffirait pour indiquer la faune primordiale, ou le commencement de la faune seconde. 2. — Les Trilobites que nous avons déterminés, et que nous nous proposons de décrire et de figurer plus tard, nous offrent un mé¬ lange des types caractéristiques de la forme primordiale, tels que Conocephalites et Olenus, avec d’autres types caractéristiques de la faune seconde, savoir : Calymenc , lllœnus et Che intrus, Aces types contrastants s’ajoutent quelques formes jusqu’ici inconnues et qui paraissent propres à cette localité. Ce mélange des types habituels de la faune primordiale avec ceux de la faune seconde ne peut nous indiquer qu’un étage supérieur de la première faune, ou, si l’on veut, un horizon de transition entre la faune primordiale et la faune seconde. Sur cet horizon, la faune primordiale prédominait encore par le nombre 480 SÉAKCE BU IB MAI 18(50* de ses espèces trilobi tiques, dont nous avons reconnu 1), savoir ï 5 Conocephalitcs et k Olctuis. Les 3 types de la faune seconde n’ont fourni, au contraire, que h espèces, savoir : 1 Calymene , 1 Illœnuse t2 Cheirurus. LesTrilobites de forme nouvelle paraissent appartenir à deux espèces. 3. — Les classes diverses des Mollusques ne sont représentées dans cette localité que par les formes qui se rencontrent presque partout dans la faune primordiale, savoir : les Ptéropodes et les Bracliiopodes. Les Ptéropodes ne fournissent qu’une seule espèce, Pugiunculus primas , que nous avons citée plusieurs fois parmi les formes de ce type qui caractérisent la faune primordiale de Bohême. Les Bracliiopodes consistent en 2 espèces de Lingula et 2 autres formes qui appartiennent au genre Discina. Les Echinodermes sont représentés par 2 fragments de Cystidée. Enfin, nous avons reconnu parmi ces fossiles un fragment de fucoïde. D’après cette énumération, les fossiles, autres que les Trilobires, concourent, comme ces Crustacés, à nous indiquer que les schistes de Ilof appartiennent encore à la période primordiale, car toutes les formes signalées sont celles qui se rencontrent presque partout dans cette faune. Ces faits, que nous exposons le plus succinctement possible, nous induisent à quelques intéressantes déductions. On sait que la ville de Hof est peu éloignée de la frontière de la Bohême, et par conséquent de notre bassin silurien. Nous évaluons à 160 kilomètres, au maximum, la distance qui sépare la localité explorée par M. Guembel des schistes qui renferment notre faune seconde aux environs de Rokilzan, et qui sont voisins de ceux qui contiennent notre faune primordiale de la bande de Skrey. Mais il faut remarquer qu’entre la Bavière et la Bohême s’élève une barrière naturelle, consistant dans une chaîne de roches cristal¬ lines, gneiss et granité, sur lesquels reposent les formations semi- cristallines ou azo'iques de notre bassin. Il paraît que cette barrière naturelle séparait déjà les deux con¬ trées comparées au temps de la faune primordiale. C’est ce que nous indiquent les faits suivants : 1° Parmi les espèces de Hof que nous connaissons, et qui sont au nombre d’environ 22, une seule, Pugiunculus primus, existe également en Bohême. 2° Parmi les types primordiaux des Trilobites, un seul est commun aux deux pays voisins, savoir : Conocep halites. Mais NOTE DE M. BARRÀNDE. 481 comme ce genre cosmopolite est représenté par de nombreuses formes dans toutes les contrées primordiales, sur les deux conti¬ nents, il n’indique pas nécessairement une communication ouverte, à cette époque, entre la Bavière et la Bohême. Au contraire, si nous comparons les formes spécifiques de ce genre, nous voyons que la plupart de celles des environs de Hof appartiennent à des groupes qui ne se trouvent pas en Bohême et qui caractérisent les contrées de la zone septentrionale, soit en Scandinavie, soit en Amérique. 3° Le second type primordial des trilobites, Olenus , qui a déjà fourni quatre espèces près de Hof, n’existe ni en Bohême, ni dans aucune des contrées de la zone centrale d’Europe. Par contraste, il caractérise les formations primordiales de la Scandinavie et de l'Angleterre, où il est représenté par de nombreuses espèces. Des formes de ce type ayant été aussi annoncées comme existant dans l'Amérique du Nord, il semble former un lien commun entre les I contrées de la grande zone septentrionale. U° Les types trilobitiques de la faune seconde, Calymene, Illœ • , nus et Cheirurus, coexistant avec la faune primordiale près de Hof, n’ont apparu que plus tard en Bohême, dans la phase initiale ' d\ de notre faune seconde, c’est-à-dire à une époque où tous les ! types des Crustacés de notre faune primordiale avaient déjà disparu, à l’exception du seul genre Agnostus. Ainsi, tout porte à croire que la mer occupant la contrée de Hof, à l’époque en question, était géographiquement bien distincte de celle qui couvrait la Bohême. En outre, d’après les connexions paléontologiques que nous ve¬ nons d’indiquer, la contrée de Hof paraît avoir appartenu au sys- I tème des mers du Nord, tandis que la Bohême faisait partie des I I mers de la grande zone centrale d’Europe. A cette occasion, nous rappelons que les fossiles siluriens de i Grand-Maniletde Gembloux,en Belgique, sur lesquels MM. Gos- selet et Dewalque ont appelé notre attention à diverses reprises, ! représentent certains types de trilobites qui n’ont été observés, ni I ; en Bohême, ni dans les autres contrées de la zone centrale, tandis J qu’ils sont communs dans les pays de la zone septentrionale. Ce | fait tendrait donc à nous indiquer que la Belgique appartenait )t| également au système des mers de la zone du Nord. Au contraire, U? I les connexions spécifiques jusqu’ici reconnues nous montrent que | le bassin silurien le plus voisin, c’est-à-dire celui du nord-ouest de la France, appartenait, comme celui de la Bohême, à la zone centrale de l’Europe. Soc. gêol . , 55e série, tome XX. 31 SÉANCE BU 18 MAI 1863. m Malgré le contraste très-saisissable qui existe entre les faunes primordiales de ces deux grandes zones, considérées dans leur en¬ semble, et plus particulièrement encore entre cellesde la Bavière et de la Bohême, nous reconnaissons cependant certaines connexions zoologiques qui existaient entre elles et qui nous font soupçonner quelques connexions géographiques, plus ou moins indirectes ou détournées. En effet, outre Pugiunculus primus déjà signalé comme se trou» vant à la fois près de Hof et dans notre bassin, nous devons en¬ core constater que l’espèce du Ccilymene, indiquée ci-dessus comme coexistant avec les types primordiaux en Bavière, est pré¬ cisément Ccilymene Tristnni , c’est-à-dire le trilobitele plus commun dans la faune seconde de France et d’Espagne, contrées égale¬ ment situées sur la grande zone centrale. Toutefois, comme cette espèce n’a jamais pénétré en Bohême, cette circonstance contribue encore à nous montrer combien les faunes primordiales des en¬ virons de Hof et de notre bassin se trouvaient relativement isolées l’une de l’autre, malgré leur proximité géographique. Cet isolement relatif de deux mers si voisines et uniquement séparées, dans la direction de Hof, vers Rokitzan, par un isthme moins large que celui de Suez ou de Panama, peut seul nous faire concevoir le contraste singulier que nous avons encore à signaler entre les faunes des deux contrées comparées. En Bohême, il reste bien constaté, comme nous l’avons annoncé depuis si longtemps, que les faunes primordiale et seconde sont absolument tranchées, puisque aucune espèce ne se propage de l’une à l’autre. Près de Hof, au contraire, il y a eu une transition continue entre ces deux faunes, puisque la faune primordiale en¬ core prédominante coexistait avec des formes caractéristiques de la faune seconde. Il faut remarquer qu’une semblable coexistence partielle des types de ces deux faunes, sur un horizon de transition, a été déjà signalée en Angleterre par M. Saiter, et dans l’Amérique du Nord par M. Billings. Il semble donc que, dans la zone septentrionale, ce passage, continu de la faune primordiale à la faune seconde est un fait général et résultant des circonstances qui ont présidé à la succession des grandes faunes siluriennes dans ce système de mers. Si nous comparons les faunes seconde et troisième dans les deux grandes zones septentrionale et centrale, nous observons un con¬ traste de même nature sous le rapport de leurs connexions. Par exemple, en Bohême, si l’on fait abstraction des colonies, ces deux NOTE DE M. LEYMERIE. A83 faunes sont remarquablement dénuées de liaisons spécifiques. En Angleterre, au contraire, elles possèdent au moins 115 espèces communes, que nous avons signalées d’après le tableau de la Siluria (. Bull ., 2e sér., t. XVII, 1860, p. 635). Ces considérations concourent également à nous faire supposer que, par suite de la configuration des terres et des mers, le bassin de la Bohême se trouvait notablement isolé, ou du moins ne pos¬ sédait que des communications très-indirectes avec les mers de la zone septentrionale. L’inévitable influence de cet isolement relatif soumettait donc cette contrée à une sorte de régime particulier, sous le rapport de la succession des faunes. N’oublions pas que, d’après un grand nombre de faits déjà signalés par nous et dont il nous reste à compléter l’énumération , la zone septentrionale paraît avoir joui d’un certain privilège d’an¬ tériorité relativement à l’apparition des nouveaux types, tandis que la plupart des êtres siluriens semble avoir apparu plus tardi¬ vement en Bohême ( Parallèle entre la Boh. et la Scandin 1856, p. 66, etc.). Ainsi, l’isolement géographique de la Bohême, combiné avec les fréquentes oscillations clu sol, à une époque où ont eu lieu de si nombreux déversements de trapps, doit contribuer à nous faire concevoir la possibilité des immigrations accidentelles et par¬ tielles, qui ont donné lieu au phénomène des colonies. M. Leymerie fait la communication suivante : Note sur le système garumnien ; par M. Leymerie. La montagne d’Ausseing est un petit massif soulevé en avant de la chaîne des Pyrénées, comme pour offrir à l’observateur les terrains pyrénéens supérieurs que la chaîne proprement dite ne montre pas au moins dans sa partie centrale et qui, sans cette heureuse circonstance, seraient restés cachés et inconnus sous Je dépôt horizontal miocène qui constitue la plaine. Cette petite montagne dont la forme rappelle celles qui caractérisent particu¬ lièrement le Jura, offre une voûte centrale flanquée de part et d’autre et dominée par de larges écailles, dont l’une, celle du nord, est renversée, tandis que l’autre, du côté méridional, offre, avec une inclinaison normale et modérée et à niveaux décroissants, une série complète de la craie et de l’éocène pyrénéen. Cette montagne intéressante se trouve représentée en plan et en coupe dans le compte rendu des travaux de la Réunion extraordinaire de la SÉANCE BU 18 MAI 1863. !M Société dans les Pyrénées en 1862; nous ne reproduirons pas ici ces figures, et il nous suffira, pour le but que nous nous proposons, de rappeler les éléments qui constituent ce petit massif. Voici les tableaux de ces éléments, placés dans leur ordre de superposition ou d’ancienneté. Èocène. g. Colonie (marne glauconieuse). f. Calcaire lithographique à silex. e. Argiles bariolées, sables, calcaire. cl. Calcaire à Hemipneustes (craie de Maëslricht). c. Calcaires nankins à Orbitolites, etc. b. Calcaires gris argilifères. ci. Argiles grises avec dalles calcaires. L’assise a, la plus inférieure de toute la montagne, celle qui forme la voûte déprimée qui occupe la partie centrale du soulè¬ vement, est une argile grise avec dalles calcaires, couvertes quelquefois d’Orbitolitcs. On y trouve principalement Terebratula qlata et Ostrea vesicularis (variété énorme); mais c’est principale¬ ment dans les calcaires b que se montrent les fossiles ordinaires de la craie blanche avec Ananchytcs ovata. L’assise c, qui apparaît ici sous la forme d’un crêt très-prononcé, est peu fossilifère ; mais, dans celle que nous avons représentée par d, et qui passe immédiatement sous le village d’Ausseing, se montrent une grande quantité d’espèces qui rappellent, pour la plupart, celles qui sont connues pour caractériser la craie de Maëstriclit. Nous citons ici les principales qui sont d’ailleurs les mêmes que celles qui existent avec profusion dans la partie supé¬ rieure de la craie de Gensac. Baculites anceps , Lam. Thecidea radia ta, Lam. Nerita rugosa , Hæning., sp Ostrea larva , Lam. L’analogie de cette craie d’Ausseing avec celle de Maëstriclit est réellement frappante; aussi M. de Binkhorst, l'un des membres de la Société qui assistait à la réunion pyrénéenne, a-t-il mani¬ festé, à différentes reprises, la satisfaction qu’il éprouvait en retrouvant si loin de son pays, après un intervalle de 300 lieues, la faune qui fait en ce moment l’objet de ses études. M. Hébert a été frappé de cette ressemblance en 1849 et allait plus loin que nous-même clans ce sens, lorsqu’il écrivait dans le Bulletin[ 2esér., Janira striatocostata , Goldf. , sp. Hemipneustes radiatus , Goldf., sp. ? Étage garumaien. Craie. NOTE DE M. LE Y ME RIE » *85 t. YI, p. 570), que la craie de Gensac, que nous comparions alors dans son ensemble à la craie proprement dite, et dont il avait vu les fossiles à l’Ecole des mines où j’en avais envoyé une suite, représentait uniquement la craie de Maëstricht. Aujourd’hui notre honorable confrère, comprenant la portée de cette détermination, nie la présence de la craie de Maëstricht dans nos montagnes; et sur quelle base appuie-t-il ce changement si complet dans sa manière de voir? Sur des différences qu’il croit avoir reconnues entre nos Hemipneustes et ceux du Limbourg. En vérité, cette base nous paraît bien étroite, d’autant plus que le genre Hemi¬ pneustes , dont nous n’avons pas d’ailleurs nécessairement besoin pour motiver notre assimilation, n’a jamais été rencontré, que je sache, au-dessous du niveau de la craie tout à fait supérieure. Je ferai remarquer d’ailleurs que cette faune d’Ausseing, de Gensac, de Saint-Marcet, caractérise une craie tout à fait supé¬ rieure qui se trouve comme surajoutée à la craie ordinaire, à la base des Pyrénées centrales. Partout ailleurs on n’en retrouve pas de trace et l’on ne rencontre que la craie ordinaire à Ananchytes, à Inocérames, etc., avec la craie turoniennedans la partie orientale de la chaîne; mais un fait plus curieux et plus extraordinaire encore, et que la réunion a vu avec un certain étonnement, con¬ siste dans l’existence, à Ausseing, au-dessus de cette craie supé¬ rieure à toutes les autres, d’un terrain puissant qu'il est rationnel toutefois, dans l’état actuel de nos connaissances, de rattacher encore à la série crétacée. Ce terrain se compose de trois assises ayant chacune de 100 à 150 mètres d’épaisseur. La première (e), qui repose immédiatement à Ausseing même sur les couches à Hemipneustes et qui corres¬ pond à une dépression, est composée d’argiles bariolées, de sables, avec des bancs calcaires subordonnés. On n’y trouve pas de fossiles à Ausseing même ; mais non loin de là, au sud, on y a rencontré à Marsoulas des Huîtres avec des débris de vrais Crocodiles, et à Aurignac et à.Auzas, du côté gauche de la Garonne, il existe des coquilles remarquables parmi lesquelles une Sphérulite (Sp. Ley- merii , Bayle), décrite et figurée au procès-verbal de la Réunion extraordinaire de la Société à Saint-Gaudens (1862). L’assise suivante (/) se manifeste par un relief prononcé ou crête qui constitue un épaulement relativement au crêt principal d’Ausseing. Elle consiste en un calcaire lithographique renfermant de gros silex meulièriformes, mais sans débris organiques déter¬ minables. Enfin, derrière cette crête, sur ses dernières couches et en strati- SÉANCE DU 18 MAI 1863. 486 fication parfaitement régulière et concordante, quand on croit en avoir fini] depuis longtemps avec la craie, on voit reposer une assise, principalement marneuse, piquetée de points verts, qui renferme beaucoup de fossiles parmi lesquels on est étonné de voir de nombreux oursins et des coquilles de la craie, et, chose très- remarquable, ces espèces crayeuses ne sont plus celles d’Ausseing qui rappellent si bien Maastricht, mais appartiennent à la craie blanche ordinaire, c’est-à-dire à un niveau paiéontologique infé¬ rieur, et certainement c’est ainsi qu’elles seraient placées dans une collection par la seule considération de leurs caractères zoolo¬ giques. Le trait le plus marqué de cette faune est offert par les oursins, et ceux de ces fossiles qui dominent dans l’assise sont étrangers à la contrée. Ils semblent être venus là on ne sait d’où pour occuper une place qui, normalement, ne leur appartient pas. C’est donc une véritable colonie , et nous pensons qu’il n’en existe pas ailleurs, pas même en Bohême, d’aussi caractérisée (1). J’ai étudié avec beaucoup de soin, et j’ai décrit et figuré les fossiles de cette curieuse assise; sa faune se compose jusqu’à pré¬ sent de 54 espèces, dont 31 sont nouvelles et particulières à nos contrées. Parmi les 13 espèces que j’ai pu rapporter à des types connus, 9 appartiennent à la craie blanche, et 4 se retrouvent dans le terrain éocène méridional, soit dans les Pyrénées, soit à Nice, Les espèces crayeuses sont, parmi les mollusques: Crassatella Dufrenoyi , Leym. Ostrea uncinellci , Levm. Venus Lapeyrusana , Leym. Terebratula alata , Lam. Ostrea vesicularis , Leym. Ces espèces sont assez rares dans la colonie ; mais on les trouve fréquemment dans la craie proprement dite de nos contrées, et, chose singulière, il ne s’y mêle aucun représentant de la faune d’Ausseing ou de Maëstricht. Voici les principales espèces d’échinodermes : Micrasler brevis ou Matheroni . Hemiaster punctatus , d’Orb. Ananchytes ovata , Lam. Nous répétons ici que ces oursins, qui appartiennent au niveau (1) Cette assise existe partout dans la même position. Dufrénoy l’a bien distinguée à Marsoulas et en a donné une courte description dans son grand mémoire sur la craie des Pyrénées. 11 la considérait oomme du grès vert. NOTE DE H. LEYMERIE. 487 de la craie ordinaire, sont inconnus dans la craie ordinaire des Pyrénées centrales ; je n’excepte pas même Y Ânanchytes ovata qui offre dans la colonie une taille petite et une forme ovoïde qu’on ne rencontre pas ailleurs. J’ai dit que la colonie m’avait offert quatre espèces éocènes. J’ai peu insisté sur ce fait curieux pour ne pas trop effaroucher nos puritains paléontologistes; mais il n’en est pas moins réel et nous le croyons incontestable. Ces espèces sont ; Terebratula te nui s tri cita , Leym. Terebellopsis ou Terebellum Venus striatissima , Bellardi. Brauni , Leym. Natica brevispira , Leym. Natica brevispira , notamment, est assez fréquente dans la partie inférieure de l’assise. Je necroispas l’avoir rencontrée encore dans les couches supérieures, où il serait cependant plus naturel de la supposer. Les Micraster , très-abondants partout dans la colonie, ont été regardés comme appartenant à l’espèce Micraster brevis par les paléontologistes les plus compétents pour cette partie des animaux rayonnés. M. Hébert pense que la profondeur des ambulacres doit les faire rapporter à une autre espèce très-voisine, M, Matheroni , qui, dit-il, se trouve dans les Corbières. Je ferai remarquer que cette observation critique, en la supposant fondée, n’altérerait en rien mes conclusions, puisque la craie la plus récente de l’Aude s’élève très-peu au-dessus de l’étage turonien d’Alc. d’Orbigny. Pour en finir avec la colonie, j’ajouterai que l’assise qui la pré¬ sente se lie d’une manière intime avec le calcaire à Miliolites qui constitue la première assise éocène, soit par la stratification, soit par la nature de la roche, de telle manière que l’observateur, qui descend du crêt d’Ausseing pour traverser le versant sud de la montagnejusqu’à Belbèze, ne peut s’apercevoir qu’il passe du sys¬ tème crétacé à l’éocène que par le changement de la faune, qui se fait, il est vrai, d’une manière marquée. Un mot, en terminant, sur le parti que j’ai dû prendre à l’égard des trois assises comprises entre la craie de Maëstricht et le cal¬ caire à Miliolites, et sur les phases par lesquelles il m’a fallu passer pour arriver enfin à une conclusion dans laquelle je me crois solidement établi. Il résulte de mes études sur l’ensemble de la chaîne, en excep¬ tant, si l’on veut, les Corbières, que la craie proprement dite con¬ stitue presque tout le terrain crétacé des Pyrénées, les étages aptien et cénomanien n’y jouant qu’un rôle secondaire ou accès- A88 SÉANCE DU 18 1UAI 1863, soire. Ce n’est que dans la Haute-Garonne et dans les parties ad¬ jacentes des départements voisins que cette craie générale, et prin¬ cipalement celle que caractérisent les Ananchytes, est surmontée d’une autre assise qui, occupant la place de la craie de Maëstricht, en contient aussi les fossiles les plus caractéristiques. C’est un fait très-curieux que j’ai reconnu il y a longtemps et qui m’avait porté naturellement à rejeter dans le système nummulitique tout ce qui était supérieur à ce type. C’est alors que je créai le mot êpicrétacé pour représenter le passage et la liaison que la colonie semblait établir entre les deux ordres de choses, Je disais alors qu’il y avait une colonie crétacée dans l’épicrétacé ; mais, plus tard, ayant trouvé des Sphérulites dans l’assise e des argiles bariolées, j’ai dû faire ren¬ trer cette assise dans la série crétacée. C’est ainsi que j’ai consi ¬ déré les choses dans mon Esquisse clés Pyrénées de la Haute- Garonne et dans mes Éléments de géologie. Enfin, tout récemment, après avoir revu encore ces terrains, j’ai pris le parti d’arrêter la série crétacée là où les fossiles de la craie s’arrêtaient eux- mêmes, et par conséquent d’y comprendre les calcaires compactes à silex/ et la colonie g. Mais alors il fallait faire quelque chose de ces trois puissantes assises interposées entre la craie d’Ausseing, la plus ré¬ cente qui soit connue, et le calcaire à Miliolites où commence la série de l’éocène, et j’ai créé le système garuninien , ainsi nommé parce qu’il ne se montre avec des caractères paléontologiques pro¬ noncés que dans le département de la Haute-Garonne. La colonie d’ailleurs n’est pas nécessaire à son existence ; ce n’est réellement qu’un accident curieux propre aux basses montagnes des Pyré¬ nées centrales. La réunion a pu voir à Aurignac qu’elle s’y trouvait remplacée par une assise de sable quartzeux sans fossiles. Je crois que ce nouveau type est appelé à rendre un véritable service à la géologie des Pyrénées; déjà j’en ai tiré un parti qui m’a surpris moi-même pour la carte géologique delà Haute-Garonne, et j’en¬ trevois la possibilité de lui rapporter plusieurs étages sur la déter¬ mination desquels les géologues sont restés indécis, comme, par exemple, les couches à Terebratula tenuistriata , Serpula spiru- lœa, etc., qui, dans les Landes, se trouvent entre la craie et l’éocène, et qui renfennentquelques fossiles crétacés. Dans le même cas pourrait aussi se trouver cet étage de grès et de poudingues inférieur au calcaire à Miliolites des Corbières, que M. d’Archiac a désigné par le nom de groupe cl’Alet . M. Barrande fait la communication suivante : NOTE DE M. BARRÀNDE. 489 Représentation clcs colonies de Bohême dans le bassin silurien du nord-ouest de la France et en Espagne; par M. J. Barrande. INTRODUCTION. La Société peut se rappeler qu’au U juin 1860, lorsque nous avons eu l’honneur de lui communiquer un extrait de notre ou¬ vrage manuscrit sur les Colonies de Bohême , l’heure avancée nous a empêché de passer en revue tous les phénomènes analogues. Nous avons donc préféré jeter un coup d’œil sur les pays étran¬ gers, naturellement moins bien connus des géologues français, en ajournant nos rapprochements relatifs aux faits semblables qui existent sur le sol de la France. N’ayantpas pu toucher ce dernier sujet à la séance du U juin, nous nous sommes scrupuleusement abstenu de l’introduire dans notre communication insérée au Bulletin . Nous avons ainsi voulu éviter d’avoir l’air de chercher à soustraire ces faits importants aux objections de nos savants confrères qui ont étudié les contrées siluriennes de la France. A ce motif s’ajoutait l’espoir de voir prochainement étendre et confirmer les documents sur lesquels nous avons fondé nos rap¬ prochements, faute d’observations personnelles sur le terrain. Cet espoir s’étant récemment accompli par la publication de la der¬ nière livraison du Bulletin (XX, p. 81 à 192), nous n’hésitons pas à venir rappeler à la Société un ensemble de faits qui dé¬ montrent que les colonies de Bohême sont représentées dans le bassin silurien du nord-ouest delà Fiance. Nous jeterons ensuite un coup d’œil sur les faits analogues qu’on observe en Espagne. Jusqu’ici, toutes les fois que nous avons eu l’honneur d’exposer dans cette enceinte les résultats de nos propres recherches, malgré les convictions que nous avions acquises par de sérieuses études sur le sujet de nos communications, nous devions toujours con¬ server une certaine défiance de notre capacité personnelle. Au¬ jourd’hui, au contraire, nous sommes exempt de tout sentiment d’hésitation, car les observations que nous allons invoquer ne sont pas les nôtres. Ce sont les résultats des travaux de plusieurs de nos confrères, dont nous sommes accoutumé à reconnaître toute l’exactitude et qui, en cette occasion plus qu’en toute autre, sont évidemment à l’abri de tout soupçon de préoccupation en faveur de nos vues. Nous allons mettre en regard les documents qui nous semblent 490 SÉANCE DU 18 MAI 186$, démontrer que les colonies de Bohême sont représentées en France et en Espagne. Afin de fixer les idées et d’établir des relations fa¬ cilement saisissables entre les diverses séries de dépôts que nous devons comparer, nous sommes obligé de disposer, sur des zones horizontales, celles de ces formations qui se représentent Tune ou l’autre dans les différentes contrées. Mais nous prions la Société de bien remarquer que, par cette disposition graphique, nous n’en¬ tendons nullement établir la contemporanéité, ni même une correspondance absolue, entre les formations que nous plaçons sur une même zone. Bien que nous considérions les séries compar rées comme semblables par leurs principaux éléments, nous pen¬ sons, comme par le passé, que les étages locaux ne se correspondent point un à un, ni sous le rapport de leur nombre, ni par la durée de leur dépôt, ni par leurs limites extrêmes, ni par leurs faunes particulières. Les phénomènes que nous allons signaler ne sont donc ni exactement contemporains, ni identiques ; mais ils sont analogues, et ils ont. eu lieu, en France et en Espagne comme en Bohême, dans la hauteur verticale occupée par la faune seconde. Nous énoncerons même en passant un fait remarquable, que nous espérons pouvoir exposer plus complètement un jour, savoir, que la faune seconde, considérée sous le rapport de ses phases succes¬ sives, est notablement moins variée et moins développée en Es¬ pagne et en France qu’en Bohême et surtout qu’en Angleterre et en Amérique. Passons maintenant en revue la Bohême et ensuite les diverses contrées de France et d’Espagne qui offrent des phénomènes ana¬ logues à nos colonies. I. - BOHÊME. La première colonne à gauche de notre tableau représente la série des formations ou étages de la Bohême, telle que nous l’avons publiée à diverses époques, et notamment en 1852, dans notre Esquisse géologique ( Syst . sil. de B oh . /), et, en 1862 [Défense des colonies , II, p. 12). Nous n’avons pas à nous arrêter sur les termes principaux de cette série qui sont déjà suffisamment définis. On sait que nous comprenons dans la base du système silurien les deux étages azoï- ques A- B. Immédiatement au-dessus de cette base se trouve notre étage C, renfermant la faune primordiale. L’étage D, qui suit dans l’ordre ascendant, est verticalement subdivisé en cinq bandes fossilifères, distinctes par certaines espèces, bien que liées • 1 . 1 ,'mÆ) .3lïé^-33 .808.E-028Î’ J ; .o«/.aa - ;,t3î ,, :, . ; r °',7*î ' -i ■ '■ • ! >>l ♦ 1 •• i ‘ . ' V.' .-wO jauri toI'-oi gTiimhn . • ; siV«;âR) ■•'V-osn V-Ai>iV< •X ■ ' (.?>■;,. :>kO . - ; i:i;? ; vu. 1 . . u ,W^%Vv‘V »jv.uvAsV » ■; : . ■ . ■ t ■ • •••" :i . • : i a «Sn.4OTrt,:,. V i),; •• ,'n : V, . . XX, p. *9U.) NOTE DK M. BARRANDE* â9l par de grandes connexions et constituant ensemble la faune se¬ conde. La bande inférieure r/1 renferme la phase initiale de cette faune, contrastant de la manière la plus absolue avec la faune primor¬ diale, avec laquelle elle n'a pas une seule espèce commune. La faune seconde continue à se développer verticalement dans les bandes d2 — dZ — dlx—d5. Elle offre les variations habituelles qui résultent des extinctions partielles et des substitutions successives de nouvelles espèces, ce qui constitue une sorte de rénovation con¬ tinue et progressive, jusqu’à la disparition finale et complète de cette faune, vers le sommet de la bande d5. Les enclaves que nous nommons colonies se trouvent seulement dans la hauteur des deux bandes supérieures dk et r/5. En 1860, nous avons décrit la colonie Zippe comme intercalée dans la bande dl *, et les colonies Haidinger etKrejci comme également enclavées dans la bande d5. Nous rappelons que nous avons rangé ces trois colonies dans deux catégories distinctes. La colonie Zippe constitue jusqu’ici à elle seule la première de ces deux catégories, parce qu’elle seule présente le mélange des types caractéristiques des faunes seconde et troisième. Ce fait, con¬ staté dans une couche calcaire de 25 centimètres d’épaisseur com¬ posant toute l’enclave, et même dans un fragment de ce calcaire gros comme le poing, rend incontestable la nature de cette co¬ lonie. Dans la seconde catégorie, nous plaçons les colonies Haidinger et Krejci , déjà décrites en 1860, avec plusieurs autres qui nous restent à décrire et qui sont également enclavées dans la bande d5. Toutes les colonies de cette seconde catégorie renferment unique¬ ment des espèces de la faune troisième, sans qu’aucun mélange avec celles de la faune seconde ait été constaté dans leurs roches, jusqu’à ce jour. Elles sont composées de schistes à Graptolites, ren¬ fermant quelquefois des sphéroïdes calcaires. Ces schistes, souvent très-puissants, sont ordinairement associés, mais non pas toujours, avec des coulées de trapps. Parfois aussi, on voit dans la masse de la colonie des couches intercalées de schistes gris et de quartzites, qui sont identiques avec les roches de la bande d5. Il nous a été facile d’établir les relations verticales entre les deux colonies Hai¬ dinger et Krejci , parce que ces enclaves sont seulement éloignées l’une de l’autre de quelques centaines de mètres. Mais, comme il est impossible de suivre un même niveau, c’est-à-dire une même couche, sur une grande étendue, dans un terrain disloqué, il se- Æ92 SÉANCE OU 18 MAI 1863. rait très-difficile de déterminer le nombre des horizons divers sur lesquels les colonies à décrire sont verticalement distribuées dans cette bande. Ces horizons nous paraissent très-variées. Les colonies que nous avons à signaler en France nous sem¬ blent uniquement représenter celles de Bohême que nous rangeons dans la seconde catégorie. Avant d’aller plus loin, nous appellerons plus spécialement l’at¬ tention sur un fait important, qui est relatif à la série silurienne de la Bohême et que nous avons déjà indiqué en passant. Ce fait consiste en ce que les faunes seconde et troisième, quoique succes¬ sives, ne se trouvent réellement en contact dans le sens vertical sur aucun point de la surface accessible de notre bassin. En d’autres termes, la faune troisième n’a pas immédiatement succédé à la faune seconde en Bohême. Entre la disparition de la faune seconde et l’apparition définitive de la faune troisième, il a dû s’écouler un temps très-considérable et dont la durée nous est indi¬ quée par les circonstances suivantes : 1° La formation de quartzites et schistes qui couronne notre bande r/5, et, par conséquent, l’étage D, est complètement dé¬ nuée de fossiles de nature animale et ne présente que des traces de fucoïdes. La puissance de cette formation est très-variable, mais elle dépasse 100 mètres dans certaines localités. Nous avons longtemps hésité à signaler l’absence absolue des fossiles de cette nature sur cet horizon, parce que nous pouvions toujours espérer y découvrir quelques traces de la vie animale. Mais aujourd’hui, après des recherches qui durent depuis vingt-cinq ans, nous nous croyons en droit de considérer ce fait comme bien établi. 2° Les déversements de trapps très-nombreux, mais restreints et locaux, qui ont eu lieu durant le dépôt de la bande d5, pourraient bien expliquer la disparition totale de la faune seconde, avant les derniers sédiments siliceux ou schisteux de l’étage D. Mais, de plus, si l’on considère qu’à la base de notre étage E, il existe une masse presque continue de trapps, recouvrant toute la surface alors immergée de notre bassin, et que les coulées de cette roche se ré¬ pètent verticalement jusqu’à cinq fois, dans certaines localités, sur cet horizon, il sera évident qu’aucun être de nature animale, appartenant à la faune seconde, n’a pu échapper sur place à une influence délétère d’une telle puissance et tant de fois renouvelée. 3° La séparation stratigraphique que nous signalons entre les faunes seconde et troisième est en parfaite harmonie avec le con¬ traste frappant que nous avons déjà constaté tant de fois dans leur composition zoologique. En effet, si nous faisons abstraction des NOTE DE M. BARRANDE. Æ93 espèces coloniales qui reparaissent dans la faune troisième, nous pouvons à peine indiquer six espèces de la faune seconde, qui se propagent isolément jusque dans notre étage E. Ce chiffre exigu pourrait encore être réduit, si nous imitions dans nos détermina¬ tions les rigueurs exclusives de certains paléontologues. On peut aisément concevoir que ces rares espèces, qui ont vécu à l’état de mélange avec celles de la faune seconde, ont pu émigrer de notre bassin à une époque quelconque, avant le développement des influences fatales qui ont anéanti cette faune. Les documents que nous allons exposer tendent à montrer qu’en France l’existence des faunes seconde et troisième a été séparée par un notable intervalle de temps, analogue à celui que nous venons de signaler en Bohême. II. - FRANCE. Bien que les terrains paléozoïques n’aient pas été explorés en France avec autant de détails ni d’ensemble que dans d’autres contrées, ils ont été cependant l’objet d’études locales, qui méri¬ tent toute notre considération. Ainsi, notre honorable confrère M. Triger, ici présent, a depuis longtemps établi les relations stratigraphiques entre les terrains anciens, non-seulement dans le département de la Sartlre, dont il a admirablement illustré la géologie, mais encore dans plusieurs des départements voisins. Par suite de ces études comparatives, M. Triger avait été amené, dès 1830, à reconnaître l’existence des roches ampéliteuses sur deux horizons très-distincts. Il nous a cité aujourd’hui les environs de Pouancé et de l’abbaye de la Meilleraye, dans le département de Maine-et-Loire, comme la contrée où il avait constaté, dès cette époque, la présence de la zone inférieure des ampélites. 11 avait, au contraire, observé la zone supérieure à Saint-Jean-sur- Erve, dans le Maine, et à Saint-Sauveur- le- Vicomte, en Nor¬ mandie. Dès lors, la zone supérieure lui avait paru caractérisée par la présence de sphéroïdes calcaires, qui ne se rencontrent pas dans la zone inférieure. Celle-ci, par contraste, était distinguée, à à ses yeux, par des minerais de fer oolithiques, qui renferment divers trilobites. Nous regrettons vivement qu’à cette époque M. Triger n’eût pas encore cultivé la paléontologie, car cet excellent observateur n’aurait pas manqué de reconnaître l’existence de semblables fos-* silessur ces deux horizons. Il aurait donc paisiblement fondé la doctrine des colonies, et il nous aurait épargné la peine qu’en- SÉANCE DU 18 MAI 1868. h 94 traîne l’introduction d’idées nouvelles, opposées à des idées reçues. En nous donnant ces renseignements intéressants sur ses an¬ ciennes observations, M. Triger nous a fait aussi remarquer que Boblaye avait signalé depuis longtemps l’association des am- pélites avec des minerais de fer en diverses localités du nord-ouest de la France, et notamment à Fresnay-le-Vicomte, dans la Sartlie. En même temps, il avait observé , sur cet horizon, l’existence de trilobites , indiqués par lui sous les noms de Calymene de Tristan et d ' Asaphes , dans Tune des séances de la Réunion extraordinaire de la Société, à Alençon, en 1837 [Bull.. lre série, t. VIII, p. 338). Les mêmes indications ont été reproduites par Boblaye devant la Société dans la séance du 15 avril 1839 (Bull., lre série, t. X, p. 229). Nous nous faisons un devoir de rappeler ces anciennes observa¬ tions de Boblaye, mais nous ne pouvons les faire figurer dans notre tableau ci-joint, parce qu’elles n’ont pas été formulées d’une manière suffisamment définie, sous le rapport stratigrapliique. Exposons maintenant les documents plus explicites, en suivant l’ordre de leur publication. 1837. — Observations de M. Blavier dans la Mayenne et t Orne. Le plus ancien document que nous rapprochons de la série stra- tigrapliique de la Bohême remonte aux années que nous venons d’indiquer, et il a été publié, en 1837, par M. Edouard Blavier, dans son Essai de statistique minéralogique et géologique du dépar¬ tement de la Mayenne. Après avoir décrit le groupe qu’il nomme du quartz grenu , ce savant ingénieur ajoute, p. 63 : * En général, pourtant, ce terrain se compose de couches stra- » tifiées d’un quartz blanc, grenu et quelquefois friable, qui al- » ternent avec du schiste argileux, le plus souvent jaunâtre et » quelquefois micacé. » Sur quelques points, au milieu des bandes de quartz grenu, on « rencontre des bancs d’un schiste charbonneux, ampélite, très- >* noir, surtout quand il est mouillé. » Bans cette section des terrains de transition, nous n’avons pu » découvrir de traces de corps organisés, et nous croyons pouvoir » affirmer que, s’il en existe, elles sont fort rares. » Au bas de la page 64, nous lisons la note suivante : - « Dans des courses entreprises, depuis la rédaction du présent « travail, dans le département de l’Orne, dans le but d’étudier sa constitution géognostique, nous avons trouvé, au milieu des NOTE DE M. BÀRRANDE. m » bancs épais du quartz grenu du Ghâtelier (arrondissement de » Dom front), des couches d’ampélites renfermant des empreintes » assez nombreuses de fucoïdes. » Nous ferons remarquer que, parmi ces empreintes assez nom¬ breuses de fucoïdes observées par M. Blavier, près du village de Châtelier, M. Michel, que nous allons citer tout à l’heure, a re¬ connu, en 1855, de nombreux fragments de Graptolites colonus. Les couches de quartz grenu alternant avec du schiste argileux, le plus souvent jaunâtre et quelquefois micacé, qui sont indiquées ci-dessus par M. Blavier, rappellent singulièrement les roches qui constituent la bande d5 en Bohême, c’est-à-dire des quartzites alternant avec des schistes gris jaunâtres. Les relations stratigraphiques entre le groupe du quartz grenu et les autres groupes du terrain de transition n’ont pas été nette¬ ment déterminées par M. Blavier, qui n’avait pas principalement en vue les études purement géologiques de cette contrée. 1850. — - Études de M. Triger, confirmées par la Réunion extraor¬ dinaire de la Société géologique , au Mans . En suivant l’ordre chronologique, nous plaçons, dans la troi¬ sième colonne de notre tableau, la section du département de la Sartlie, entre Sillé-le-Guillaume et Sablé. Ce document mérite toute notre attention sous deux rapports distincts. D’abord, la série verticale qu’il représente, et dont nous ne re¬ produisons que la partie inférieure ou silurienne, comprend les trois systèmes que la science moderne, principalement éclairée par les travaux de nos illustres maîtres sir Rod. Murcliison, prof. Sedgwick, Ed. de Yerneuil et vicomte d’Archiac, a distingués dans les dépôts dits de transition, savoir : les terrains silurien, dévonien et carbonifère. Or, en Europe, il existe très-peu de contrées qui permettent d’observer à la fois, comme dans la Sarthe, ces trois terrains superposés et formant une série pour ainsi dire continue, malgré certaines lacunes dans les subdivisions. En second lieu, cette section nous montre un terrain longue¬ ment étudié par l’un de nos meilleurs observateurs, M. Triger. Le résultat de ses études, exposé par lui, à la Réunion extraordi¬ naire de la Société au Mans, en 1850, a été reconnu exact par les géologues les plus compétents, et parmi lesquels nous n’avons qu’à nommer MM. de Yerneuil et Saemann, ici présents, et MM. Michelin, Desnoyers, le comte Keyserling, de Lorière, Marie Rouault, etc., etc. D’après ces circonstances, nous trouvons tout simple que la SÉANCE DU 18 MAI 1863. A96 coupe entre Sillé-le-Guillaume et Sablé ait été considérée par M. de Yerneuil comme une coupe modèle a laquelle on devra avoir égard désormais dans l'étude du terrain paléozoïque de la Bretagne et de la Normandie. Nous empruntons ces expressions textuelles au rapport sur la réunion de 1850 [Bull. , 2e sér., t. VII, p. 770). Nous retrouvons dans cette section, à partir des porphyres qui en forment la base, la représentation de tous les éléments impor¬ tants qui constituent aujourd’hui le système silurien. 1. — Les formations azoïques, que nous comprenons dans ce sys¬ tème et que d’autres géologues nomment système cambrien , sont représentées par les nos 1, 2, 3, k et 5. 2. — C’est peut-être dans la hauteur de ces formations qu’on découvrira un jour la faune primordiale, dont on n’a reconnu jusqu’ici aucune trace certaine dans cette contrée; car les quart- zites à Lingules qu’on trouve à Saint-Léonard des Bois, au-dessus de la formation n° 5, n’ont encore fourni aucun des trilobites qui caractérisent la première époque de la vie animale. 3. — La série des dépôts renfermant la faune seconde est large¬ ment représentée par la masse des schistes argileux et des schistes ardoisiersde Païennes, c’est-à-dire par les nos 6-7 de la section. Ces formations ont fourni, en effet, Calymene Tristani et beaucoup d’autres fossiles caractéristiques de celte faune. A la partie supé¬ rieure de ces schistes, on a récemment trouvé dans une tranchée, près du village du Creux, de très-beaux fossiles, qui nous ont été communiqués par notre honorable confrère M. Albert Guillier. Nous reconnaissons parmi eux les espèces suivantes, mais nous laissons sans nom quelques formes que nous croyons déjà nom¬ mées par M. Marie Rouault. Nous indiquons dans la colonne à droite les subdivisions de l’étage D de Bohême, dans lesquelles se trouvent, soit les mêmes espèces, soit les espèces les plus analogues. NOTÉ DE M. BARRANDE, 407 BOHÊME. • — ÉTAGE D. d\ d2 d3 dk dS Calymene pulchra , Barr . * * * — Arago, Rou . Dalmanites, forme intermédiaire entre D. atavus , Barr., et oriens , Barr. . . * Asaphus nobilis, Barr. . . . * * * * — sp. (spécimen bien conservé) . . . lllœnus hispanicus, Vern. — Barr., analogue à di¬ verses formes de . Cheirurus, sp. ■ — Tête analogue à C. pater, Barr. . . * Placoparia Tourneminei, Rou., représentée par P. Zippei . * Ortlioceras, fragment indéterminable . 1 Redonin Desliayesi , Rou . * |i Nuciila boliemica?, Barr . *- S Bellerophon bilobatus, Sow. . . * * é Il est impossible de méconnaître les rapports qui existent entre ces fossiles et ceux de la faune seconde de Bohême. Outre diverses identités, les apparences de toutes les espèces indiquent une très- proche consanguinité entre les êtres qui peuplaient les mers silu¬ riennes du nord-est de la France et de la Bohême. Ces affinités rappellent surtout les formes qui caractérisent la première phase de la faune seconde en Bohême, tandis que les Trinucleus et Re~ mopleurides qui apparaissent durant les phases postérieures de la même faune semblent jusqu’ici manquer dans la localitédu Creux. On sait que Trinucleus existe en France dans diverses localités, signalées par MM. Marie Rouault, Dalimier, etc. La formation n° 8 de cette coupe, recouvrant les schistes ardoi- siers, est un poudingue formé de galets de quartz blanc et qui, suivant les renseignements verbaux que nous devons à M. Triger, n’a qu’une importance secondaire, parce qu’il est accidentel, local et dénué de fossiles. La formation n° 9, au contraire, mérite toute notre attention par son étendue, son grand développement vertical et surtout par la nature des roches dont elle est composée, et par les fossiles qu’elle renferme. D’après la légende de la coupe, ce sont des grès et schistes avec plusieurs couches et amp élite s contenant des Grapto - | lites. Suivant les expressions de M. de Verneuil, empruntées au | rapport de la réunion (p. 772) : « Les fossiles les plus communs dans ces schistes paraissent être » les Graptolites colonus et testis de M. Barrande. M. Triger nous » a fait remarquer, ce qui n’est pas sans intérêt, que la couche Soc, gèoLy 2e série, tome XX. 32 â98 SÉANCE DU 18 MAI 1868. n inférieure des ampélites est comprise entre deux bancs de grès » quartzeux (Neuvillette et Saint-Céneré). » Le nom de Graptolites colonus est assez significatif pour que nous n’ayons pas besoin de le faire remarquer. G. testis est une autre espèce de la faune troisième de Bohême. Ainsi, d’après ce document, ces fossiles de notre faune troisième se trouvent dans des ampélites régulièrement intercalés dans la hauteur occupée par la faune seconde, dans la Sarthe. Afin de mettre ce fait complètement hors de doute, nous avons récemment demandé de nouveaux renseignements sur ce sujet à notre honorable confrère M. Triger, qui nous écoute. M. Triger nous a immédiatement répondu, avec la précision et la libéralité qu’on lui connaît. Dans sa lettre datée du 14 de ce mois, il con¬ state les faits suivants, qu’il nous a encore confirmés de vive voix aujourd’hui, et avec plus de détails. « Les schistes noirs à Graptolites existent entre des couches de » grès bleu quartzeux, maculé de rouge. Ces couches sont égale - » ment caractérisées par la présence d’un minerai de fer oolithique, » renfermant Placoparia Tourneminei . Ce trilobite a été ainsi » nommé par M. Marie Rouault, en l’honneur de M. Tourne^ »> mine, curé de Saint-Victor, qui l’avait recueilli dans cette loca- » lité, il y a très -longues années. M. Tournemine avait été ! » vivement excité à ces recherches par Boblaye et par moi, à » l’époque de notre visite, au sujet des minerais de fer. Les schistes » à Graptolites sur cet horizon ne renferment pas de sphéroïdes » calcaires. » En présence de tels faits, nous répéterons avec notre maître, M. de Verneuil : Ce n est pas sans intérêt qu’on peut observer dans cette contrée des schistes noirs renfermant des Graptolites de la faune troisième dans des alternances de schistes avec des grès quartzeux et des minerais de fer, offrant les trilobites de la faune seconde, car cette combinaison stratigraphiqué et paléontologique reproduit exactement celle que nous avons désignée par le nom de colonie dans le bassin de la Bohême. Pour qu’il ne manque rien à l’exactitude de notre comparaison, nous ferons remarquer que la puissante formation n° 9, composée des alternances des grès et schistes à Graptolites, est recouverte par la formation n° 10, définie dans la légende comme un grès ferrifère rouge, analogue au grès de May en Normandie, et dans lequel on n’a pas encore trouvé de fossiles. Ainsi, la division silurienne inférieure est couronnée dans la Sarthe, comme en Bohême, par un dépôt où prédominent les roches siliceuses et NOTE DE M . B ARRANGE. m qui paraît dénué de traces de restes de nature animale. Ce fait nous démontre que, dans les deux contrées comparées, la faune seconde s’était totalement éteinte, par suite d’influences quel* conques, avant l’apparition régulière et définitive de la faune troisième. U. — Dans la formation, n° 1 1 de la coupe, cette faune troisième apparaît, en France comme en Bohême, avec des circonstances que nous pouvons dire identiques. En effet, la formation n° 11 est définie dans la légende de la section, comme composée de schistes avec ampélites et nodules calcaires, contenant la Carcliola interrupta , l’ Orthocet atites pelagium et des Graptolites (Saint-Jean- sur-Erve, Saint-Aubin de Loquenay). En Bohême, la faune troisième se présente de même à son ori¬ gine, c’est-à-dire à la base de notre étage E, dans des sphéroïdes calcaires, parsemés dans des masses de schistes graptolitiques. Les fossiles qui caractérisent cet horizon sont identiques ou extrême¬ ment semblables à ceux qui viennent d’être cités et à divers autres j qui proviennent du même bassin silurien du nord-ouest de la France. Les uns ont passé plusieurs fois sous nos yeux dans la riche collection de M. de "Verneuil, et les autres nous ont été libéralement communiqués par MM. Eudes Deslongchamps. Ainsi, la section de Silié-le-Guillaume à Sablé offre, dans le même ordre qu’en Bohême, une masse azoïque au-dessus de laquelle la faune primordiale n’a pas encore été découverte. La ! faune seconde, reposant sur cette base, est largement développée et elle est séparée de la faune troisième par une masse de grès et schistes sans fossiles. La faune troisième est suffisamment repré¬ sentée pour qu’on ne puisse pas la méconnaître. De plus, entre les limites verticales de la faune seconde, cette même section nous montre une zone ampéliteuse, dans laquelle des Graptolites de la | faune troisième alternent ave des couches renfermant des fossiles de la faune seconde. Cette zone inférieure à Graptolites représente donc à nos yeux la zone des schistes graptolitiques qui constituent j nos colonies dans l’étage D de la Bohême. Ces harmonies si frappantes sous le double point de vue strati- graphique et paléontologique ont vivement excité notre attention dès le premier jour où nous avons lu dans le Bulletin, le rapport sur la Réunion extraordinaire au Mans, rédigé avec tant de clarté et de concision. 185 A. — - Études de MM . Hébert et Triger . N os convictions étaient ainsi établies depuis 1850 au sujet de 500 SÉANCE DU 18, MAI 1863. ia coupe en question, que nous aimons à considérer comme un modèle , lorsque nous avons entendu dire, il y a peu de jours, que M. Hébert exposait, dans ses cours à la Sorhone, une autre section du même terrain relevée par lui en 1854. Sur notre demande verbale, M. Hébert s’est empressé de nous communiquer la section originale qu’il explique dans ses leçons. C’est celle qui a été tracée par sa plume sur la feuille que nous avons l’honneur de mettre en ce moment sous les yeux de la Société. Nous exprimons hautement à notre savant ami M. Hébert, ici présent, toute notre gratitude pour la grande libéralité avec laquelle il a bien voulu nous confier ce document, qui est de la plus grande importance dans cette question. Tout le monde concevra cette importance en apprenant que la coupe de M. Hébert confirme, de la manière la plus satisfaisante, J celle qui a été publiée en 1850 dans le Bulletin et que nous venons ij de discuter. Cette concordance a été immédiatement constatée par ; M. Hébert et par nous. La comparaison de ces deux coupes nous i a été d’autant plus facile, que les formations correspondantes sont indiquées dans l’une et dans l’autre par les mêmes numéros d’ordre; savoir, du n° 1 au n° 11, comprenant toute la série silurienne. Les seules diftérences que nous ayons reconnues consistent i| dans des faits purement secondaires et que nous allons signaler. 1° Les formations 1 à 8 sont indiquées d’une manière identique dans les deux coupes. Mais, entre 8 et 9, M. Hébert figure deux i formations 6 bis et 4 bis , qui ne sont pas marquées dans la section de 1850. La première (6 bis) se compose de schistes argileux, tandis que la seconde (4 bis) est un calcaire magnésien, exploité. L’omission de ces deux formations dans la coupe de 1850 nous a été très-naturellement expliquée ce matin par M. Triger, qui a servi de guide, aussi bien à M. Hébert qu’à la Réunion extraordi¬ naire. Les schistes et calcaires en question n’ont pas été signalés en 1850, parce que le temps n’a pas permis à la réunion des géologues de faire un assez long détour pour aller voir ces roches en place. M. Triger s’est donc fait un scrupule de les indiquer sur sa section, comme si elles eussent été reconnues par la Société. Au contraire, en 1854, M. Hébert, ayant pris tout le temps néces¬ saire pour visiter en détail les localités, a pu s’assurer par ses yeux de l’existence de ces assises. ïl les a donc placées sur sa coupe dans leur véritable position, constatée par M. Triger durant ses longues explorations. Ces formations n’ont fourni jusqu’ici aucun fossile, et elles paraissent simplement intercalées dans la hauteur NOTE DE M. DA H RA N DE. 501 occupée par la faune seconde. 11 resterait à chercher si elles ne pourraient pas être considérées comme des répétitions de certaines formations inférieures. Dans tous les cas, elles ne peuvent avoir aucune influence sur la question qui nous occupe. 2° En ce qui touche les formations indiquées par les nos 9-10-11 , les seules qui jouent un rôle dans le parallèle que nous établissons aujourd’hui, M. Hébert les reproduit exactement suivant l’ordre de superposition constaté par la coupe de 1850. Seulement, par suite de l’étude plus prolongée du terrain, le savant professeur a signalé avec plus de détail les alternances des diverses roches qui nous intéressent, c’est-à-dire les alternances des ampélites ou schistes à Graptolites, soit avec les grès et schistes sans fossiles, soit avec les couches de minerai de fer, qui renferment des trilobites de la faune seconde. Yoilà les deux seules différences que M. Hébert et nous avons pu constater entre les deux coupes comparées. On voit que la pre¬ mière ne peut exercer aucune influence quelconque sur nos rapprochements, tandis que la seconde est tout entière à l’avantage de nos vues dans cette question. À cette occasion, nous ferons remarquer que la série des formations 9 et 10 présente une énorme puissance d’après la coupe de M. Hébert. Cette puissance ne serait point au-dessous de 3 à â000 mètres. C’est dans cette hauteur verticale, représentant un immense laps de temps, que les ampé¬ lites ou schistes à Graptolites auraient été déposés, à diverses reprises, entre les roches qui représentent la période de la faune seconde. Parmi les roches placées vers le sommet de la formation n° 10, M. Hébert indique particulièrement des schistes alternant avec des grès rougeâtres, remplis d’empreintes de végétaux. Nous savons, d'après ses communications verbales, que ces végétaux sont simplement des fucoïdes. D’un autre côté, suivant les renseigne¬ ments que nous avons reçus ce matin de M. Triger, les ampélites alternant avec les grès renferment de nombreuses impressions, que M. Rouault a reconnues en 1850 pour des bilobites. D’après ces faits, il existerait donc des bilobites dans certaines formations très-rapprochées de la limite supérieure de la faune seconde. Ces fossiles ne seraient donc pas exclusivement concentrés au-dessous des schistes à Calymene Tristani. La formation n° 11, qui représente la division silurienne supé¬ rieure et renferme la faune troisième, est exactement figurée dans la coupe de M. Hébert comme dans celle du Bulletin. Elle est définie presque dans les mêmes termes, comme composée de schistes 502 SÉANCE DU 18 MAI 1863. avec ampélites, contenant des nodules calcaires avec Orthocères et Cardiola interrupta. Il est évident que la faune troisième n’a pas pu se développer dans cette contrée aussi largement qu’en Bohême et en Angleterre, mais cette infériorité tient uniquement à des circonstances locales, dont l’influence semble déjà s’être fait sentir sur la faune seconde. En somme, les observations de M. Hébert confirment, de la ç manière la plus complète, l’ordre de succession et de superpo- sition des formations, antérieurement établies par les études de I M. Triger, et reconnues par la Réunion extraordinaire de 1850. Ainsi, nous pouvons considérer l’ensemble de ces témoignages, ■■ dérivant des sources les plus authentiques et les plus respectables, comme établissant, d’une manière incontestable, que, dans la partie supérieure des dépôts occupés par la faune seconde, il existe di- verses alternances d’ampélites ou schistes à Graptolites, renfermant | des Graptolites de la faune troisième avec des bilobites, et alter¬ nant avec des schistes, des grés, et aussi avec des minerais de fer qui renferment des trilobites de la faune seconde. Cette zone, constatant une coexistence partielle entre les formes de la faune seconde et celles de la faune troisième, représente exac- 4 tement à nos yeux la zone de nos colonies. Mais, tandis qu’on a prétendu que nos colonies ne sont que des lambeaux de notre i étage E, accidentellement intercalés par des plis ou dislocations d entre les formations plus anciennes de notre étage D, aucun des géologues expérimentés qui ont étudié le terrain silurien de la Sarthe n’a songé à faire dériver, de la même manière, la zone inférieure des Graptolites, de la zone supérieure des mêmes roches I ou formation n° 11, renfermant la faune troisième. Il est évident que ces nombreux observateurs, exempts des préoccupations ma¬ nifestées par nos contradicteurs en Bohême, ont tous été également frappés de la régularité avec laquelle les formations se succèdent dans cette partie de la série, sans plissements ni dislocations. Il faut aussi remarquer qu’il existe des circonstances locales qui caractérisent d’une manière particulière les ampélites des deux i zones inférieure et supérieure. Nous avons vu, en effet, que les ampélites de la zone inférieure, outre les Graptolites, renferment encore des bilobites, et quelques autres empreintes que M. Triger nous a indiquées, mais qui ne sont pas encore suffisamment défi¬ nies. Ces bilobites et autres formes indéterminées n’existent pas dans les ampélites de la zone supérieure. Par contraste, cette der¬ nière zone renferme des nodules calcaires, qui ne se rencontrent pas dans la zone inférieure. Ces caractères distinctifs des deux NOTE DE M. BARRANDEo 50$ horizons d’ampélites ne permettent pas de confondre l’un avec l’autre, et s’opposent en même temps à toute velléité qui ten¬ drait à faire dériver l’un de l’autre. 1855. — Études de M. Michel . En suivant l’ordre des dates, le document que nous avons maintenant à invoquer remonte à l’année 1855; mais, par suite de quelques circonstances, il n’a été publié dans le Bulletin qu’en 1860 , sous le titre de : Coupe du terrain silurien aux environs de Domfront (Orne), par M. Michel ( Bull 2e sér., t. XVII, p. 698). Le 10 janvier 1855, M. Michel, jeune ingénieur des ponts et chaussées, que nous avions vivement engagé à faire des recherches aux environs de Domfront, nous remit la feuille originale que nous plaçons en ce moment sous les yeux de la Société, et sur laquelle il avait tracé de sa main les deux sections publiées dans \e Bulletin, à la page 700. Les indications et le texte manuscrit qui accompa¬ gnent ce profil reproduisent en substance, mais avec quelques détails de plus, la communication imprimée. Nous avons ajouté de notre main, à la même époque, sur cette feuille, les noms des fossiles qui nous ont été présentés parM. Michel, comme recueillis par lui dans certaines couches indiquées sur sa section, entre Domfront et le hameau de la Bartelière. Cette section , dont nous reproduisons la légende écrite par M. Michel, plus complète que celle du Bulletin , nous montre une longue série de couches parallèles et consistant en quartzites ou grès alternant avec des schistes de nature et d’apparence di¬ verses. Les trilobites et autres fossiles que nous avons reconnus dans ces couches caractérisent la faune seconde. Ils proviennent du val Nicole, près de Domfront. Nous nous bornons à citer Calymene Tristani et Placoparia Tourneminei, qui semblent avoir le privilège de se retrouver dans presque toutes les localités fossili¬ fères de la division silurienne inférieure, dans le nord-ouest de la France. Ici, comme dans la localité du Creux, dans la Sarthe, les dernières phases de la faune seconde semblent manquer, ou du moins n’ont pas été découvertes. Vers le bas, il manque évidemment les formations qui corres¬ pondraient à l’horizon de la faune primordiale et aux formations azoïques, qui sont notablement développées sur d’autres points du même bassin. Yers l’extrémité supérieure, les roches, qui renfer¬ ment la faune troisième dans la Sarthe, ne sont pas représentées; et la cause vraisemblable de leur absence se manifeste dans une masse granitique, qui apparaît au droit de la Bartelière. Cette 504 SÉANCE DU 18 MAI 180 3. » masse semblerait avoir surgi, à la surface du sol, postérieurement au dépôt des couches siluriennes qu’elle a comprimées et redres¬ sées. Les dénudations, à la suite de ce redressement, ont pu en¬ lever les couches renfermant la faune troisième. En ayant égard à ces deux troncatures, on reconnaît d’ailleurs, par la nature des roches, principalement composées de quartzites, de grès et schistes sableux, qu’elles représentent, avec une frap- v pante analogie, la série des roches que nous venons de passer en revue dans la Sartlie. Cette série reproduit, vers son extrémité supérieure, les formations sans fossiles, composées de grès et de schistes sableux, sur l’existence desquels nous venons d’attirer « l’attention à plusieurs reprises, comme tendant à séparer d’une manière tranchée les faunes seconde et troisième. Au milieu de cette masse considérable de roches sans fossiles, on voit un dépôt peu épais de schistes très-feuilletés, renfermant des Graptolites, et , notamment, Graptolites colonus. Nous y avons également observé des fragments d’Orthocères et un petit gastéro- pode. Ces schistes sont situés au pied de la butte Gripon, à 4 kilo¬ mètres au nord de Domfront. Mais M. Michel ajoute que les mêmes couches de schistes à Graptolites se retrouvent un peu plus loin de Domfront [Bull., p. 702). Nous ignorons si c’est une nouvelle alternance ou bien le prolongement des mêmes couches. Dans tous les cas, il nous paraît que cette assise mince de schistes à Graptolites correspond à la zone coloniale dont nous venons de constater la position dans la section précédente. En 1856, M. Michel nous communiqua une série de nouveaux fossiles recueillis sur un autre point de la même couche schisteuse par M. delà Tournerie, ingénieur des ponts et chaussées à Dom¬ front. Parmi ces fossiles, nous avons distinctement reconnu Grap¬ tolites colonus et des fragments d’Orthocères comme en 1855; mais, en outre, nous avons déterminé G. bohémiens , Cardiola inter- rupta , et divers cardiacés, très-semblables à ceux qui caractérisent l'étage E de Bohême. Les schistes qui renferment ces fossiles sont donc les représen¬ tants de nos colonies les plus riches. Il n’est pas inutile, en pa¬ reille circonstance, de rappeler un détail qui pourrait paraître minutieux en toute autre occasion. C’est que l’un des exem¬ plaires de G. colonus , recueilli par M. de la Tournerie, était aussi parfaitement conservé que ceux que nous trouvons quelquefois dans les sphéroïdes calcaires de Butowitz, et qui se distinguent par une pointe très-fragile , placée sur le bord de l’oriSce. Nous avons fortement engagé M. Michel à déposer ce NOTE De m. barkànde. 505 spécimen à l’Ecole des mines, afin qu’il puisse y servir de type pour l’espèce G. colo/ius. Le plus souvent, ces petites pointes ont disparu, sans laisser aucune trace. Userait fort à désirer que des recherches plus étendues fussent faites aux environs de Domfront, dans le but de mettre au jour toute la richesse des gîtes que nous venons d’indiquer, et qui nous semblent promettre autant d’espèces que les gîtes correspondants de la Bohême. Nous ferons remarquer que la communication de M. Michel renferme le paragraphe suivant (p. 702): « Près du village du Châtelier, à droite de la route de Dom- » front à Fiers, se trouve un plateau sur lequel on a fait creuser, » il y a quelques années, un puits dans les schistes noirs très- » feuilletés. Ces schistes renferment, comme ceux delà butte Gri- » pon , de nombreux fragments de Graptolites colonus. » Cette observation confirme les indications données en 1837 par M. Blavier, et qui figurent sur notre tableau. Les observations de M. Michel aux environs de Domfront sont confirmées à leur tour par notre honorable collègue M. Dalimier, qui nous a dit, il y a peu de jours, en avoir reconnu l’exactitude en étudiant les mêmes localités. 1861-1862. — Études de M . Paul Dalimier. Nous avons maintenant à invoquer des travaux très -récents et dus à l’un de nos jeunes confrères, que la Société a déjà distingué, en l’appelant aux honorables fonctions de secrétaire. Ces travaux, très-recommandables par eux-mêmes, nous promettent aussi, pour un avenir prochain, de fructueux développements, parce que M. Dalimier semble bien comprendre qu’aujourd’hui la science exige de plus en plus le concours indispensable et le contrôle ré¬ ciproque des deux ordres d’observations stratigraphiques et pa- léontologiques. M. Dalimier a successivement publié les mémoires suivants, que nous avons lus avec soin et avec fruit, parce que, outre la tendance de l’auteur à des vues d’ensemble, ils nous ont appris des faits nouveaux, qui viennent prendre place dans les archives siluriennes. 1861. — Stratigraphie des terrains primaires dans la presqu’île du Cotentin . 1862. — Sur les terrains primaires des environs de Falaise (Calvados) (Bull., 2e sér., t. XIX, p. 907). 506 SÉANCE DU 18 MAI 1863, 1862. — Essai sur la géologie comparée du plateau méridional de la Bretagne [Bull., 2e sér., t. XX. p. 126). Le tableau qui accompagne le dernier mémoire [Bull., 2e sér., t. XX, p. 146) présente, sous la forme la plus simple, tous les faits principaux qui résultent des observations de M. Dalimier, ainsi qu’il l’annonce lui-même page 145 : « Le tableau suivant résume d’ailleurs l’ensemble des étages et » en offre la série complète, telle que je la conçois aujourd’hui. » On y trouve, dans la première colonne, une classification des » terrains que je ne prétends appliquer qu’à la Bretagne et à la » Normandie. Les trois dernières colonnes indiquent seulement » les assises que je crois synchroniques en Angleterre, en Espagne » et en Amérique, et ne doivent pas être regardées comme expri- * niant la série complète des terrains primaires dans ces trois » pays. » Nous avons simplement reproduit les colonnes du tableau de M, Dalimier, qui montrent la série des étages dans le plateau mé« ridional de la Bretagne et en Normandie. En jetant un coup d’œil sur ces deux colonnes, il est aisé de reconnaître qu’elles offrent une série d’étages en parfaite harmonie avec celle qui est représentée, pour la Sarthe, dans les deux co¬ lonnes précédentes. Il est bien entendu, selon nos doctrines sou¬ vent répétées dans cette enceinte, qu’il ne s’agit pas ici de la re¬ présentation une à une de toutes les formations, dans chacune j des contrées comparées, mais seulement de la correspondance de toutes les principales subdivisions stratigraphiques ou paléontolo- giques de la série. î. — Les formations nos 1 et 2, en Normandie et en Bretagne, représentent les étages azoïques de la Sarthe, 2. — Immédiatement au-dessus de cette base azo'ique, M. Dali¬ mier indique l’horizon sur lequel il conçoit que pourrait se trou¬ ver la faune primordiale, qui n’a été découverte jusqu’à ce jour, ni en Normandie, ni en Bretagne. L’assise n° 3 consistant en schistes rouges et poudingues, et qui n’a fourni jusqu’à ce jour aucune trace organique, est rangée par M. Dalimier dans ce qu’il nomme silurien inférieur. Mais on conçoit qu’elle pourrait tout aussi bien faire partie des étages azoï¬ ques, et que la faune primordiale pourrait se trouver aussi bien au-dessus qu’au-dessous de cette formation. 3. — Laformation, n°4, des grès blancs à Scolithus et à Lingules, semble représenter le même horizon que les grès à Lingules de NOTE DE M. BAllRANDE. 507 Saint-Léonard des Bois, dans la Sarthe, et, d’après ce que nous avons dit, il est très-vraisemblable que cette formation est à la limite inférieure de la faune seconde, ou, si l’on veut, à la limite supérieure de la faune primordiale. Nous rappelons en passant que les Scolithus par lesquels M. Da- limier caractérise cette formation, sont des fossiles dont la nature spécifique est à peine déterminable, et qui paraissent se trouver aussi bien dans la faune primordiale que dans la faune seconde. Ainsi, on les a signalés dans les grès de Potsdam, en Amérique, tandis que nous n’observons leur apparition qu’à l’origine de la faune seconde, en Bohême, c’est-à-dire à la base de notre étage D. Il ne nous appartient pas de discuter l’un des faits principaux que M. Dalimier cherche à établir dans son mémoire du 15 dé¬ cembre 1802, savoir: que les formations nommées grès armori¬ cain par M. Marie Rouault sont constamment placées sous les schistes à Calymene Tristani, c’est-à-dire à la base de la faune seconde. Si les bilobites ont droit aussi bien que les Scolithus à être considérés comme des fossiles caractéristiques de cette forma¬ tion, nous rappelons que des bilobites ont été reconnus par M. Marie Rouault dans les ampélites de la Sarthe, à l’époque de la Réunion extraordinaire de 1850. Or, personne n’a songé jusqu’ici à placer cette zone ampéliteuse de la division silurienne infé¬ rieure sous les schistes à Calymene Tristani. Il semble donc certain qu’il existe des bilobites au-dessus de ces schistes, tandis qu’il pourrait en exister ailleurs au-dessous de cette même formation. JNous laissons à notre honorable confrère M. Marie Rouault, le soin de maintenir ses vues à ce sujet, mais personne ne trouvera hors de propos que nous ayons fait entendre quelques mots en faveur d’un absent. Les formations 5, 6, 7, 8, constituant le silurien moyen de M. Da¬ limier, sont celles qui, suivantnotre nomenclature habituelle, em¬ brassent l’étendue verticale de la faune seconde, dans le nord- ouest de la France. Nous avons vu comment cette grande faune est nettement caractérisée dans la Sarthe par Calymene Tristani , Placoparia Tourneminei et autres fossiles. Les mêmes espèces se retrouvent également en Bretagne et en Normandie, selon les ob¬ servations répétées de M. Dalimier, qui a découvert plusieurs nou¬ veaux gîtes des fossiles de cette époque. Remarquons maintenant que l’harmonie entre la série de la Sar¬ the et celle qu’établit M. Dalimier en Bretagne et en Normandie ne se borne pas à la correspondance de cette grande unité paléon- tologique que nous nommons faune seconde. Elle s’étend, au ÔOS SÉAKCli DU 18 MAI 1863. contraire, jusqu’aux subdivisions stratigraphiques qui ont parti¬ culièrement attiré notre attention et qui ont provoqué le parallèle partiel que nous esquissons aujourd’hui entre la France et la Bohême. Entrons dans quelques détails : A. — M. Dalimier nous présente, dans son tableau (p. 146), les schistes ardoisiers à Calymene Tristani (5) comine immédiatement recouverts par une formation complexe de grès blancs sans fos¬ siles (6) et de schistes à Graptolites (7), spécialement signalés à Poligné, en Bretagne, et aux environs de Mortain, en Normandie. Or, la coupe de la Sarthe montre que les schistes ardoisiers de Païennes, caractérisés par le même fossile, C. Tristani , sont semblablement recouverts par un poudingue formé de galets de quartz blanc, au-dessus duquel apparaissent les grès alternant avec des ampélites ou schistes à Graptolites. C’est donc précisément la zone ampéliteuse inférieure de la Sarthe que nous retrou¬ vons dans la formule stratigraphique de M. Dalimier. Ce jeune savant confirme lui-même cette correspondance en nous indiquant dans ces ampélites l’existence de G. colonus , depuis longtemps signalée dans les ampélites du même horizon, dans la Sarthe et dans l’Orne. B. — En étudiant le mémoire de M. Dalimier, nous avons été frappé de l’insistance avec laquelle il indique les connexions inti¬ mes entre ces deux formations de grès blanc et de schistes à Grap¬ tolites qui, au premier abord, sembleraient simplement superposées d’après son tableau. En effet, outre l’accolade par laquelle ces deux formations sont liées dans le tableau en question, M. Dalimier s’exprime ainsi page 145: « L’étage des schistes ampéliteux à Graptolites, qui n’a pas été » mis au jour aux enviions de Gahard, mais qui est si développé » à Poligné, se rattache, là comme ailleurs, à une assise de grès où » je n’ai jamais vu de fossiles. Je ne les ai jamais rencontrés en » Bretagne en relation directe avec les grès contemporains de ceux » de May. » A la page 149, M. Dalimier, revenant sur le même sujet, ajoute : « Elles (les ampélites de Poligné) y sont associées à desgrèssans » fossiles, comme celles que j’ai signalées au nord-est de Mortain » (Croix-Robine), ou celles que M. Michel a citées à la butte » Gripon, au nord de Domfront. Dès 1837, M. Blavier les avait NOTE DE M. BAR1UNDE. 500 » rencontrées au milieu des bancs épais de quartzites du Châtelier » (arrondissement de Dom front). » Ces indications sont reproduites d’une manière encore plus si¬ gnificative dans la note insérée par M. Dalimier dans les Comptes rendus de /’ Académie des sciences , et dans laquelle nous lisons le passage suivant : « Les ardoises à Calymene Tristani renferment dans leur épais- » seur des amas cîe grès qui peuvent présenter la même faune. » Dans certains points, très-rares au centre de la Bretagne, plus » communs vers l’est, elles sont surmontées d’autres grès azoïques, » liés intimement à des schistes ampéliteux pétris de Graplolites. » Cette liaison intime , indiquée à diverses reprises par M. Dali¬ mier, ne semble pas signifier une simple superposition des deux formations réunies par une accolade. Elle nous porte naturelle¬ ment à supposer entre les grès sans fossiles et les schistes à Grap- tolites des connexions ou alternances plus ou moins semblables à celles qui ont été signalées par tous les observateurs dans la Sarthe. C. — En étudiant les sections figurées ou décrites par M. Dali¬ mier dans ses divers mémoires, il semblerait que, par suite des dénudations locales, les schistes ampéliteux qui nous occupent ne sont pas partout recouverts par d’autres formations. Mais il paraît que les circonstances locales ont permis à notre honorable confrère de constater que l’horizon de ces roches était notablement au- dessous de la limite supérieure de la faune seconde, c’est-à-dire de son silurien moyen. Ainsi, en suivant les schistes à Graptolites des environs de Mortain ( Stratigraphie du Cotentin , 4e section, n° 1), M. Dalimier s’est assuré qu’ils passent sous les grès et schistes sableux de la butte de Gripon, indiqués sur la section de M. Mi¬ chel. Ainsi, ces ampélites, qui paraissent sans recouvrement, ne sont que le prolongement des couches à Graptolites régulièrement intercalées dans les grès aux environs de Bomfront. Nous devons ces détails importants à une communication verbale récemment reçue de M. Dalimier. D. — Enfin, pour bien constater la position de ces schistes à Grap¬ tolites dans la série stratigraphique de M. Dalimier, il suffit de remarquer que, dans son tableau comparatif, p. 146, la formation complexe des grès sans fossiles (6) et des schistes à Graptolites (7) est placée immédiatement sous l’horizon desg-my deCaradoc de la série d’Angleterre, et, par conséquent, beaucoup au-dessous de la limite supérieure de la faune seconde. On sait, en effet, que l’étage de Caradoc est séparé de celui de Wenlock ou de la faune troisième 510 SÉANCE DU 18 MAI 1868, par l’étage de Llandovery, qui n’a pas moins de 2 à 3000 pieds d’épaisseur ( Siluria ). D’après ces considérations, ii ne peut rester aucun doute sur ce fait : que la formation complexe des grès blancs sans fossiles et des schistes à Graptolites de la formule stratigraphique de M. Dali- mier correspond aux puissantes formations de schistes, grès et ampélites qui, dans la Sarthe, alternent ensemble et avec des cou¬ ches de fer oolithique, renfermant des trilobites de la faune se¬ conde. D’après ces rapprochements, il est presque superflu de répéter que la zone ampéliteuse de Bretagne et de Normandie, recouvrant les schistes à Calymene Tristani , représente également la zone des colonies de Bohême. Mais il ne sera pas inutile de signaler ici une particularité qui rend cette représentation encore plus frappante: c’est que, suivant le passage de M. Dalimier, extrait ci-dessus des Comptes rendus , la formation complexe des grès blancs sans fossiles (6) et des schistes à Graptolites (7) n existe que sur certains points, très-rares au centre de la Bretagne et plus communs vers l’est. Cette circonstance nous rappelle l’isolement semblable des masses lenticulaires de schistes à Graptolites qui constituent nos colonies, soit seules, soit accompagnées par destrapps. Par une coïncidence fortuite, ces masses sont principalement distribuées sur la partie orientale de notre bassin, comme dans le nord-ouest de la France. Au-dessus de la formation ampéliteuse, M. Dalimier indique comme couronnant cette division silurienne, le grès de May, en Normandie, et le grès silurien de Gahard, en Bretagne, qui ren¬ ferme la même faune. Nous ferons remarquer en passant que, dans la localité typique de May, il n’existe qu’une couche fossi¬ lifère de peu d'épaisseur, et qui est recouverte par une masse considérable de grès et de schistes sans fossiles. Ainsi, dans cette contrée, comme dans la Bohême et dans la Sarthe, la faune se¬ conde est visiblement séparée de la faune troisième par une masse puissante de dépôts sans traces organiques. Ces détails relatifs à la localité de May nous ont été récemment communiqués par notre honorable confrère M. Eugène-Eudes Deslongchamps, ici présent, et à qui nous offrons tous nos remercîments. U. — Pour terminer la série silurienne, M. Dalimier présente les schistes à Cardiola inlerrupta de Saint-Sauveur, en Normandie, comme constituant le silurien supérieur qui, jusqu’à ce jour, n’a pas été observé dans le plateau méridional de la Bretagne. Ces schistes ampéliteux, représentant la zone supérieure des schistes NOTE DE M. BARRANDE. 511 à Graptolites, sont considérés depuis très-longtemps comme cor¬ respondant à ceux de Saint-Jean-sur-Erve (Sarthe), qui renferment les sphéroïdes calcaires avec la même Cardiola intermpta et autres fossiles de la faune troisième. En somme, tous les éléments principaux qui caractérisent la série silurienne dans la Sarthe, soit suivant l’ordre stratigraphique, soit suivant l’ordre paléontologique, se retrouvent exactement et dans le même ordre, dans les deux colonnes du tableau où M. ûa- limier expose la série concordante de la Bretagne et de la Nor¬ mandie. Quant aux éléments secondaires de cette série, il est tout naturel qu’ils diffèrent, soit par leur développement relatif, soit parleurs apparences, dans les divers parages de ce bassin, qui offre une assez grande étendue géographique. Ces variations locales n’infirment en rien la correspondance et la succession semblable de toutes les formations principales et de leurs faunes. D’après ces considérations, que nous aurions pu étendre davan¬ tage, nous devons nous étonner de ne pas voir la section de la Sarthe figurer à côté de celle de la Normandie et de la Bretagne, sur le tableau de M. Dalimier. Dans un Essai cle géologie com¬ parée, o1 eût été, selon nous, la comparaison la plus indispensable et la plus fructueuse. Il est clair, en effet, que la formule stratigra¬ phique d’un bassin quelconque ne peut résulter que de la compa¬ raison des diverses contrées de ce bassin. D’ailleurs, cette compa¬ raison, bien facile d’après les documents que nous avons repro¬ duits, soit de 1850, soit de 1854, aurait convaincu M. Dalimier que les résultats de ses études récentes avaient été formulés long¬ temps d’avance par des observateurs, que nous aimons à appeler nos maîtres, parce qu’ils ont toujours laissé une vive lumière sur leurs traces, partout où ils ont passé. M. Dalimier étant absent, nous n’étendrons pas plus loin nos observations sur ce sujet. Nous constaterons seulement que la Bo¬ hême, qui aurait pu lui fournir des rapprochements plus saisis- sables et plus complets que ceux qu'il a cherchés en Angleterre, en Espagne eten Amérique, a été également exclue de son Tableau comparatif \ Sans chercher à pénétrer les motifs de cette exclusion, nous ne saurions nous empêcher de penser que notre honorable confrère, qui connaît parfaitement la série de Bohême, n’a pas pu fermer sa haute intelligence à l’évidence des analogies que nous exposons aujourd’hui. Mais il aura voulu, sans doute, nous réser¬ ver, dans toute sa primeur, le plaisir de faire des rapprochements si favorables à nos colonies. C’est une délicate attention, dont nous le remercions. 512 SÉANCE DU 18 MAI 1863. m. ~~ ESPAGNE. Dans plusieurs occasions, notre éminent ami M. de Yerneuil et nous, avons signalé de remarquables analogies entre les régions d'Espagne, de France et de Bohême, qui paraissent avoir appar¬ tenu à un même système des mers paléozoïques. Il est donc naturel que nous retrouvions, dans la péninsule, les traces des mêmes phénomènes dont nous venons de constater la représenta¬ tion en France comme en Bohême. Les belles et laborieuses recherches de MM. de Yerneuil, Ca- siano de Prado et de leurs compagnons, nous ont révélé l’existence en Espagne des trois grandes faunes qui constituent le système silurien. Mais, par suite des dislocations multipliées que cette contrée a éprouvées, et qui paraissent remonter jusqu’aux temps où se déposaient les formations paléozoïques , il a été jusqu’ici impossible à ces savants de présenter une section continue, dans laquelle la série silurienne complète soit exposée dans son ordre naturel, tel qu’on le voit dans divers pays. Le plus souvent, en effet, on ne rencontre cette série qu’avec des lacunes très-considé¬ rables etavec des renversements, contournements et redressements, qui ont l’air d’associer et de faire alterner le terrain dévonien avec les divers étages du terrain silurien. Cependant, malgré les dislo¬ cations du sol, les trois grandes faunes siluriennes se retrouvent dans des localités relativement rapprochées, dans la région de la Sierra- Morena. Nous reproduisons dans notre tableau les résultats obtenus par les savants investigateurs de l’Espagne, soit d’après les documents qu’ils ont publiés, soit d’après leurs communications amicales. Nous citons principalement les localités de la Sierra-Morena, à cause de leur rapprochement relatif ; mais nous pourrions en citer d’autres, distribuées çà et là sur la surface de la péninsule. En jetant un coup d’œil sur cette colonne, on y reconnaît les quatre grands termes de comparaison sur lesquels nous avons appelé l’attention dans ce travail. 1° Les étages azoïquessont représentés par des masses de schistes maclifères, reposant immédiatement sur les granités dans la Sierra- Morena et dans la Sierra de Guadarrama. 2° Grâce aux découvertes de M. Casiano de Prado, l’existence de la faune primordiale en Espagne, dans les montagnes dites de Tolède, a été signalée dans cette enceinte dès 1855 [Bull., 2e sér., t. Nil, p. 968). En 1860, d’après les fossiles recueillis par le même savant, il a été constaté de même que cette faune, bien caractérisée NOTE DE M. ËARRANDE. 513 par les Paradoxides et autres trilobites primordiaux, se trouve dans la chaîne cantabrique, sur une étendue d’environ 100 kilomètres {Bull. , 2e sér., t. XVII, p. 516) . Enfin, dans son dernier voyage, en 1862, notre maître, M. de Verneuil, a découvert un nouveau gîte de Paradoxides à Murero, au nord de Daroca, en Aragon. Mal¬ heureusement, jusqu’ici, nous ne connaissons en Espagne aucune localité qui montre immédiatement les relations entre la faune primordiale et la faune seconde. 3° La faune seconde a été reconnue, depuis longues années, parles mêmes investigateurs, notamment dans la Sierra-Morena, aux environs d’Almaden , d’Almadenejos et de Santa-Cruz de Mudela. Partout elle est caractérisée par ses fossiles habituels, parmi lesquels nous nous bornons à citer Calymene Tristani et Placoparia Tourneminei, qui sont les espèces les plus communes en France, sur le même horizon. Il avait été aussi constaté depuis longtemps, par les mêmes ob¬ servateurs, que des ampélites ou schistes à Graptolites se trouvent associés aux quartzites, dans la contrée d’Almaden. Mais les rela¬ tions stratigraphiques entre ces roches ne nous paraissant pas assez nettement établies dans le mémoire très-intéressant, publié dans le Bulletin en 1855, nous avons eu recours à notre savant ami M. Casiano de Prado, pour obtenir des renseignements plus détaillés à ce sujet. Il s’est empressé de nous envoyer, à la date du 11 de ce mois, une section très-détaillée des formations, suivant une ligne passant par Almaden, et dirigée à peu près du nord vers le sud. Cette coupe très-instructive, que nous espérons pouvoir publier plus tard dans le Bulletin, nous montre diverses alter¬ nances des ampélites avec les quartzites, qui renferment le cina¬ bre, et qui sont exploitées dans les célèbres mines de mercure, dont M. Casiano de Prado a été directeur. Dans les fragments des schistes noirs extraits de ces mines, cet attentif observateur a con¬ staté lui-même la présence des Graptolites. Il est donc hors de doute que les schistes graptolitiques alternent avec les quartzites dans cette contrée. Ainsi, lorsque nous considérons sur cette section l’ensemble des formations parmi lesquelles se répètent des bandes qui présentent les fossiles caractéristiques de la faune seconde, malgré l’insuffi¬ sance des apparences stratigraphiques, dans une localité où toutes les couches sont à peu près verticales , il nous semble indubitable que les environs d’Almaden reproduisent des phénomènes sem¬ blables à ceux que nous avons signalés ci-dessus en France et en Bohême, durant la même période. Soc, géol 21e série, tome XX. 33 5 U SÉANCE DU 18 MAI 1868. U° La faune troisième fait son apparition définitive en Espa¬ gne, comme en France et en Bohême, dans des schistes à Grapto- lites, avec des sphéroïdes calcaires. Ces sphéroïdes renferment Cardiola interrupta , Orthocercis bohemicum et autres fossiles ca¬ ractéristiques de cet horizon , dans les deux pays comparés. D’après les explorateurs que nous avons cités, la formation pré¬ sentant la première phase de la faune troisième se rencontre dans di verses localités, notamment dans la Sierra-Morena et à Ogasa, près de San-Juan de las Abadesas, en Catalogne. En somme, l’Espagne nous présente, non-seulement tous les éléments principaux du système silurien, mais encore la trace très-reconnaissable du phénomène de l’apparition des Graptolites, durant la période de la faune seconde, comme en France et en Bohême. IV.— RÉSUMÉ. Les nombreux documents que nous venons de rapprocher dans notre tableau présentent entre eux une remarquable harmonie. 1° Les roches azoîques observées dans toutes les contrées con¬ sistent généralement en conglomérats et schistes plus ou moins métamorphiques, dont la puissance et les apparences varient beau¬ coup suivant les contrées. 2° La faune primordiale, qui est très-caractérisée en Bohême, semble jusqu’ici manquer en France, tandis qu’elle se retrouve en Espagne, dans diverses provinces et sur une étendue géographique considérable. 11 serait impossible de désigner aujourd’hui dans le nord-ouest de la France la formation dans laquelle on peut espérer de trouver cette faune. Mais comme partout, entre les roches cristallines et la limite inférieure de la faune seconde, il existe des formations schisteuses plus ou moins altérées, un heureux hasard peut y faire découvrir les trilobites primordiaux. 3° La faune seconde, au contraire, est connue en France et en Espagne, comme en Bohême, sur une vaste surface horizontale et sur une grande étendue verticale. En outre, il existe entre les es¬ pèces qui représentent cette faune, dans les trois pays, une frap¬ pante analogie qu'il serait impossible de méconnaître. Enfin, malgré les distinctions de plus en plus minutieuses par lesquelles la science peut aujourd’hui différencier les formes spécifiques, nous reconnaissons un assez grand nombre d’espèces identiques en Bohême, en France et en Espagne. Nous rappelons que la faune seconde est, parmi les trois grandes NOTE DE M. BARRANDE. 515 faunes siluriennes, celle qui se présente sur tout le globe avec la plus grande extension géographique, combinée avec la plus grande hauteur verticale. U° En France et en Espagne, comme en Bohême, la faune troi¬ sième succédant à la faune seconde manifeste son identité par des signes non méconnaissables, c’est-à dire par la présence de cer¬ tains fossiles, tels que Ccirdiola interrupta et divers Graptolites, qui caractérisent partout sa première phase, dans les trois pays com¬ parés. Si l’on prend la Bohême pour type, les phases suivantes de cette faune paraissent ne pas exister, ou bien sont peu développées, en France et en Espagne. Cependant, il faut bien remarquer que certaines de leurs formes caractéristiques sont représentées ou rap¬ pelées par des formes identiques ou très-semblables, dans la phase initiale de la faune dévonienne, principalement en France. 5° Les trois grandes faunes primordiale, seconde et troisième, qui constituent le système ou trinôme silurien, se retrouvent inva¬ riablement sur tout le globe exploré. Elles sont aussi nettement caractérisées sur la grande zone paléozoïque qui occupe la partie septentrionale des deux continents que sur la zone presque paral¬ lèle qui s’étend sur l’Europe centrale. Les diversités spécifiques presque constantes qui existent entre les faunes correspondantes sur ces deux zones, et même un certain privilège d’antériorité que nous avons souvent signalé en faveur de la zone du Nord, n’em¬ pêchent pas de reconnaître l’empreinte de la contemporanéité re¬ lative entre ces trois grandes unités paléontologiques. 6° Sur chacune de ces zones, les contrées siluriennes, quoique distinctes entre elles sous beaucoup de rapports, sont reliées l’une à l’autre par certaines ressemblances ou affinités particulières, ré¬ sultant des connexions originaires qui ont existé entre les bassins divers qu’elles représentent dans chacun des grands systèmes des anciennes mers. Le but de notre communication d’aujourd’hui est précisément de signaler une des connexions de cette nature entre les trois con¬ trées de Bohême, de France et d’Espagne, qui appartiennent à la zone centrale d’Europe. Cette connexion consiste dans l’apparition pour ainsi dire anti¬ cipée et plusieurs fois répétée, durant l’existence de la faune se¬ conde, de certaines roches ampélitiques, ou schistes à Graptolites. Les fossiles caractéristiques de cette roche, en France, en Espagne et en Bohême, sont des Graptolites qui prédominent par la fré¬ quence innombrable des individus, représentant un petit nombre d’espèces. Quelques autres formes appartenant aux mollusques 516 SÉANCE DU 18 mai 1863. apparaissent çà et là avec les Graptolites sur cet horizon ; mais leur présence, beaucoup moins constante, ne peut être considérée que comme accidentelle. Les plus remarquables de ces coquilles sont Cardiola interrupta et divers Orthocères. Ce qui rend très-remar¬ quable la présence de ces fossiles dans les ampélites, c’est qu’ils ont reparu dans des roches offrant les mêmes apparences, à l’époque de l’établissement final de la faune troisième, dans les trois con¬ trées comparées. Il est important de remarquer que les Graptolites et les mol¬ lusques qui les accompagnent quelquefois ne se rencontrent pas ordinairement dans les roches qui alternent avec les ampélites et qui renferment les espèces de la faune seconde. Il est constant, au contraire, que les fossiles caractéristiques de cette faune et qui sont le plus souvent renfermés dans des schistes, se retrouvent égale¬ ment dans les grès ou quartzites, intercalés dans les masses schis¬ teuses, ou alternant avec elles. Cette observation a été faite en France par notre honorable confrère M. Dalimier, comme par nous en Bohême. 7° L’apparition réitérée des ampélites avec certains fossiles de la faune troisième, durant l’existence de la faune seconde, en Bo¬ hême, en France et en Espagne, nous indique l’existence de quelque grande cause exerçant son influence à diverses reprises dans l’étendue de la zone centrale d’Europe, sans qu’il y ait lieu de penser que les effets de cette influence aient été simultanés dans toutes les contrées appartenant à cette zone. Il y a là deux phé¬ nomènes distincts, quoique liés ensemble par une intime con¬ nexion, savoir : un phénomène sédimentaire ou stratigraphique consistant dans le dépôt des ampélites qui contrastent avec les ro¬ ches schisteuses ou quartzeuses, renfermant la faune seconde ; et, en outre, un phénomène paléontologique dans l’apparition spo¬ radique et transitoire de certains êtres qui ne font pas habituelle¬ ment partie de cette faune. C’est à ce phénomène complexe que nous avons donné le nom de colonie. Il ne faut pas perdre de vue qu’entre les faunes seconde et troi¬ sième, dans les régions comparées, il existe une masse plus ou moins puissante de roches dénuées de fossiles de nature animale. Cette masse représente une époque d’assez longue durée, pendant laquelle la faune seconde avait cessé d’exister, tandis que la faune troisième n’avait pas encore fait son apparition définitive. Cette circonstance achève de bien caractériser le fait des intermittences locales d’une même faune partielle; fait qui a beaucoup contribué à nous inspirer notre interprétation des colonies. NOTE DE M. BARRANDE. 517 Ainsi, les colonies clc Bohême qui se présentent avec des cir¬ constances singulières et locales, n’offrent réellement qu’un cas particulier des phénomènes stratigrapliiques et paléontologiques qui ont eu lieu à diverses reprises dans la zone silurienne du centre d’Europe, durant l’existence de la faune seconde. 8° Lors même qu’en France et en Espagne, on ne retrouverait pas à cette époque les mêmes espèces comme avant-coureurs de la faune troisième, les remarquables analogies que nous signalons n’en subsisteraient pas moins et elles suffiraient pour confirmer les phénomènes semblables antérieurement signalés en Bohême. L’identité des espèces dans des parages situés à des distances géo¬ graphiques un peu considérables n’est, à nos yeux, qu’une har¬ monie accidentelle et secondaire à laquelle nous n’attachons pas une importance absolue. Cette harmonie pourrait donc disparaître sans infirmer nos rapprochements. 9° Durant la grande époque représentée par la faune seconde, les phénomènes stratigrapliiques que nous venons d’indiquer dans la zone centrale de l’Europe ne paraissent pas avoir eu lieu d une manière saisissable et générale dans la zone septentrionale. Si nous prenons pour exemple l’Angleterre, nous ne retrouvons pas dans celles de ses formations qui renferment cette grande faune les intermittences marquées des ampélites. Mais, malgré cette différence, le phénomène paléontologique signalé par nous s’est manifesté d’une manière évidente dans cette région. Par exemple, nous constatons que deux espèces de Graptolites de la faune troisième de Bohême existent également en Angleterre, et sont énumérées dans le tableau de la Siluria (2e édit., p. 5A2). La première, Graptolites Nissoni , n’a été reconnue que dans l’étage de Llandeilo, c’est-à-dire vers l’origine de la faune seconde. La seconde, G. priodon ., apparaît aussi dans cette faune, mais dans les étages plus élevés de Caradoc et de Llandovery, c’est-à- dire sur des horizons comparables à ceux qu’occupent nos colonies en Bohême. En outre, pour confirmer nos rapprochements, cette espèce se propage, en Angleterre comme en Bohême, jusque dans la faune troisième, car elle est signalée sur le même tableau comme se trouvant dans les deux étages de Wenlock et de Ludlow, qui renferment cette faune. Nous rappelons, à cette occasion, que ces deux Graptolites sont loin d’être les seuls avant-coureurs de la faune troisième durant la faune seconde en Angleterre, car nous en avons signalé 115, d’après le tableau de la Siluria , dans notre communication du U juin 1860 ( Bull 2e sér., t. XVII, p. 635). 518 SÉANCE DU 18 MAI 1868. 10° L’Angleterre n’est pas la seule contrée de la zone septen¬ trionale dans laquelle nous puissions signaler des analogies avec les phénomènes paléontologiques de la zone centrale. Dans le mémoire que nous venons de citer, nous en avons déjà indiqué quelques-unes résultant des faits constatés par l’habile paléonto¬ logue officiel du Canada, M. E. Billings. Mais nous avons aujour¬ d’hui à signaler un fait nouveau que nous devons à la même source scientifique. Dans un mémoire très-intéressant de M. E. Billings, publié au commencement de cette année par le Geological Survey du Canada, sous le titre de : Parallélisme du groupe de Québec , nous lisons le passage suivant signalé à notre attention par sir W. E. Logan, directeur ; « Lorsque nous trouvons, comme dans le cas de Black River et » de Trenton , une apparition soudaine d’un grand nombre de » nouvelles espèces, nous devons supposer que toutes ces formes » nouvelles ont été subitement créées à l’époque où les couches » dans lesquelles nous les observons pour la première fois ont été » déposées ; ou bien nous devons admettre qu’avant le dépôt de » ces couches, ces espèces vivaient dans d’autres parages de >* l’Océan. Je suis disposé à adopter cette dernière supposition. » Dans le groupe de Québec, à Terre-Neuve, des bancs, placés au- « dessous de ceux qui renferment Batkyurus Safjordi et des Grap- » tolites composés, ont fourni diverses espèces qui peuvent à » peine être distinguées des formes bien connues du Black River » et du Trenton. Elles sont toutes un peu différentes, mais cepen- « dant si intimement alliées, que je suis dans un grand embarras » pour décider si elles doivent recevoir ou non de nouvelles » dénominations. Cette difficulté ne peut être résolue qu’en déci- » dant d’abord la question de la différence entre les variétés et les » véritables espèces. Les fossiles en question sont identiques avec » les espèces suivantes, ou bien en sont des variétés : Murchisonia gracilis. — bellicincta. — bicincta. Orthoceras allumettense. — Bigsbyi. Ormoceras tenuifilum , Hall. » Les trois premières espèces sont notoirement communes dans » le Black River et le Trenton. Orthoceras allumettense se trouve » à la fois dans le Chazy et le Black River , mais n’a pas encore » été rencontré dans le Trenton , tandis que O. Bigsbyi semble » appartenir exclusivement au Black River. Je pense que ces NOTE DE Mo BARRANDE. 519 » espèces vivaient dans la région du sud-est pendant le temps où » le groupe de Québec se déposait, et que ces mêmes espèces ou » leurs descendants modifiés ont émigré vers le nord-ouest, durant » -les périodes du Chazy et du Black River. » Ce fait, si clairement exposé dans la juste mesure des certitudes scientifiques, n’a pas besoin de commentaire. Il contribue, avec les faits invoqués par nous en 1860, à nous convaincre que, dans la zone septentrionale, il y a eu aussi migration et coexistence partielle de certaines espèces appartenant à des faunes qui, considérées dans leur ensemble, sont cependant successives. 11° Dans une lettre que notre savant confrère M. Jules Marcou nous a fait l’honneur de nous adresser et qu’il a publiée sous la date du 2 août 1862, il considère comme des centres de création analogues à nos colonies certaines masses calcaires enclavées dans les schistes siluriens aux environs de Georgia et de Philipsburg, Etat de Vermont, et à la pointe Lévis, près de Québec, au Canada. Notre honorable ami nous ayant annoncé l’intention d’exposer et de discuter avec plus de détail les faits sommairement annoncés par lui et qui ont été différemment interprétés par MM. les offi¬ ciers du Geological Survey du Canada, nous nous bornons à signa¬ ler en passant les vues indiquées dans la lettre citée. 12° Si nous prenons maintenant en considération tous les faits que nous venons de rapprocher, nous reconnaissons que, d’un côté, la double influence des phénomènes stratigraphiques et paléontologiques qui ont produit les colonies en Bohême, se manifeste à la fois et sous des apparences, sinon identiques, du moins très-semblables, en France et en Espagne, c’est-à-dire sur la surface de la même zone centrale d’Europe. D’un autre côté, au contraire, l’influence des phénomènes paléontologiques se montre seule et sous d’autres apparences, en Angleterre et dans l’Amérique septentrionale, c’est-à-dire dans la zone du nord, représentant un autre système des mers paléozoïques. 11 est très-concevable que les phénomènes stratigraphiques ou sédimentaires n’aient pas fait sentir simultanément leur influence sur les deux grandes zones siluriennes, car ils dérivent de cir¬ constances plus ou moins limitées dans leur étendue géographique ou horizontale. Par contraste, les phénomènes paléontologiques, devant leur origine aux causes et aux lois les plus générales de la nature, ont imprimé leurs traces, relativement contemporaines, dans les deux zones paléozoïques et sur les deux continents. M. Saemann, ayant été cité par M* Barrande parmi ceux 520 SÉANCE DU 18 MAI 1863. qui ont découvert ou constaté sans le savoir l’existence de ses nouvelles colonies, croit devoir faire les réserves suivantes à ce sujet : La théorie de M. Barrande, dit-il, à l’état latent depuis 1841 (1), a été rendue publique, pour la première fois, dans la séance du 13 janvier 1851, et le Bulletin de la Soc. géol. (2) rend exactement compte de l’émotion produite par cette graude hérésie, émotion que le monde savant tout entier a ressentie pendant dix ans. M. Saemann tient à constater qu’il a été constamment, et dès le premier moment, du côté de ceux qui ont considéré la théorie des colonies comme insuffisamment établie. Il s’y est trouvé en très-bonne compagnie, et lorsque M. Bayle, en 1860, dans son cours de l’Ecole des mines, a publiquement déclaré à M. Barrande qu’il ne croyait pas aux colonies, il n’avait évidemment pas d’autre colonie en vue que celle établie en 1851, ayant 100 mètres d’épaisseur, enterrée à 1200 mètres de profon¬ deur dans le terrain silurien inférieur, affleurant sur le pourtour du bassin, et présentant, par sa nature minéralogique et paléontolo- gique, la plus parfaite image de l’étage E du terrain silurien su¬ périeur. En comparant cette colonie de 1851 qui, pendant neuf ans, n’a subi d’autre changement qu’un fractionnement en deux, et plus tard en cinq colonies distinctes, avec les explications données à M. Bayle en 1860 (3), on peut facilement se convaincre que l’op¬ position faite à la théorie des colonies, à son début, était parfai¬ tement fondée, puisque cette théorie reposait sur des observations qui ont été profondément modifiées depuis, et dont quelques-unes encore aujourd’hui ne peuvent être classées dans les faits incontes¬ tables, par la bonne raison qu’elles continuent à être vivement contestées. Il n’en est pas ainsi du fait matériel mentionné en dernier lieu par M. Barrande, c’est-à-dire de l’existence desGraptolites à diffé¬ rents niveaux des quartzites du terrain silurien inférieur. L’apparition, pour ainsi dire capricieuse, de ces fossiles dans ces conditions, a été souvent signalée, même par M. Barrande (4). La (1) Bull, de la Soc. géol., 2e sér., vol. XVII, p. 605. (2) Ibid. , vol. XVIII, p. 150 et suiv. (3) Ibid,, vol. XVII, p. 602 et suiv. (4) Parallèle entre les dépôts siluriens de Bohême et de Scandi¬ navie. Prague, 1856, p. 53, 60 et 61. NOIE DE M. SAEMANN. 521 singulière nature charbonneuse de la roche qui renferme habituel¬ lement les Graptolites, et qui en facilite l’observation, indique assez qu’il fallait des conditions spéciales pour recevoir les émi¬ grants, si colonie il y a, ou pour favoriser le développement des germes flottants. Un changement de niveau, plus souvent un sim¬ ple changement des courants marins, une barre même protégeant pendant quelque temps un espace restreint de l’invasion du sable, ont dû suffire pour provoquer les « colonies ». Qui osera dire, en voyant la tranche de terrain observable dans une carrière, quels sont l’étendue et les rapports avec le reste du bassin d’un si mince affleurement. Le géologue a l’habitude de le considérer comme une branche de l’arbre généalogique que la marche des espèces trace dans la série ascendante des sédiments; c’est une ex¬ pression simple et suffisante qui ne préjuge rien sur les relations cachées des gisements. Plus on descend vers la racine de cet arbre imaginaire et plus on aura de chance de découvrir, non des colo¬ nies, mais le berceau même de l’espèce. Appeler colonie tout ce qui se trouve au-dessous de la zone de son plus grand développement, c’est raisonner contre nature et s’exposer gratuitement à méconnaître, lorsqu’on la rencontrera, la métropole, le centre de création de l’espèce qui intéresse au plus haut degré l’avenir de la science. Il reste établi que parmi les faits compris en dernier lieu par M. Barrande, dans ses colonies, il y en a deux qui sont incon¬ testables : 1° L'apparition des Graptolites dans le terrain silurien infé¬ rieur de France, et, par analogie, la colonie Haidinger ; 2° La colonie Zippe. Bien ne s’opposera à l’admission de la colonie Krejei, le jour où sa position stratigraphique passera à l’état de fait incontestable. Ces trois colonies principales intéressent la science à des titres très-divers; leur moindre mérite est celui d’être des colonies de souche incertaine, mérite qu’à l’état actuel elles partagent mal¬ heureusement avec tous les fossiles connus. L’intérêt de la colonie Zippe réside, au contraire, en ce qu’elle se présente avec de bons caractères d’un véritable centre de création à ceux au moins qui n’exigent pas qu’on leur montre le premier individu créé. En continuant à combattre les colonies non plus comme fait, j mais parce que l’application du mot à ce fait est pleine d’inconvé¬ nients, nous nous sentons plus à l’aise que par le passé, trouvant à nous abriter sous la haute autorité d’un savant éminent, esprit sobre et profond et critique expérimenté : M. F. D . Dana. Dans 522 SÉANCE DU 48 MAI 1863. son Manual of Geology , publié récemment à Philadelphie, il a ré¬ duit à une seule ligne et à sa plus simple expression l’état vrai de la question en disant (p. 262) : « En Bohême, 57 espèces passent de l’étage silurien inférieur dans le supérieur. » M. Barrande répond en ces termes aux observations ci-dessus de M. Saemann : Réponse aux observations de M . Saemann sur les colonies; par M. J. Barrande. Nous remercions sincèrement M. Saemann d’avoir bien voulu nous donner si explicitement la véritable mesure des divergences qui existent entre sa manière de voir et la nôtre, au sujet des co¬ lonies. Dans les questions scientifiques qui excitent quelque émotion , suivant l’expression de notre honorable confrère, lorsque les diffé¬ rences d’opinion sont tenues dans l’ombre ou vaguement indiquées, elles semblent s’élever entre les camps opposés comme des monta¬ gnes infranchissables qui empêchent de se voir et de s’entendre. Au contraire, lorsqu’elles sont exposées au grand jour, nettement définies, et réduites à leur plus simple expression, elles s’abaissent souvent au niveau des plus humbles collines qui n’empêchent ni de se voir, ni de se comprendre, ni même de se tendre cordiale¬ ment la main. C’est précisément ce qui doit avoir lieu, ce nous semble, en cette occasion. Passons en revue les observations de M. Saemann, en commen¬ çant par celles de moindre importance. I. — M. Saemann nous reproche d’avoir fractionné notre colonie initiale de 1851, d’abord en deux, et plus tard en cinq colonies distinctes. Il pense que l’opposition faite à la théorie des colonies, à son début, était parfaitement fondée, puisque cette théorie reposait sur des observations qui ont été profondément modifiées depuis, etc. Nous sommes tout disposé à reconnaître ce qu’il y a de fondé dans ce reproche, en signalant ce qui est simplement erroné. Nous devons d’abord rappeler que notre communication du 13 janvier 1851 n’a été qu’une réponse impromptu à une question complètement imprévue qui nous fut adressée par notre respec¬ table président, IV] . le vicomte d’Archiac, au moment où nous mettions le pied dans la salle des séances, pendant un court séjour à Paris. Nous n’avons donc pu, ce jour-là, donner sur nos colonies que des indications sommaires et très-incomplètes. NOTE DE M. BÂRRÀNDE. 523 Il est très-vrai que, dans cette communication improvisée, nous avons eu la mauvaise inspiration de supposer que les colonies si¬ tuées près de Mottol, sur le bord nord-ouest de notre bassin cal¬ caire, formaient une masse continue avec la colonie qui est près de Kuchelbad, sur le bord opposé, et qui porte aujourd’hui le nom de colonie Krejci. Mais cette illusion n’a pas été de longue durée, car, dans notre Esquisse géologique imprimée durant la même année 1851 et publiée en 1852, ces colonies sont décrites comme réciproquement indépendantes ( Syst . silur. de Boh., t, I, p. 69). Il y a donc eu fractionnement en deux, suivant l’expression de M. Saemann. Quant à un fractionnement postérieur en cinq, il n’a pu nous être reproché que par suite de quelque malentendu, puisque la position topographique et stratigraphique de nos autres colonies oppose un obstacle insurmontable à leur dérivation de la colonie indiquée par nous le 13 janvier 1851. Il serait inutile d’insister sur cette erreur. Yoilà à quoi se réduit la seule modification que nous avons ap¬ portée à nos observations primitives. Il serait donc difficile de concevoir que cette modification ait pu fournir un argument quelconque contre notre doctrine des colonies. II. — A l’appui de sa manière de voir, M. Saemann invoque les noms de MM. Bayle et Dana. Ce sont des noms très-respectés dans la science et nous sommes très-honoré qu’ils soient cités dans cette discussion, lors même qu’ils devraient figurer dans les rangs de nos contradicteurs ; mais il nous semble qu’il n’en est pas ainsi. D’abord, il est notoire qu’après la publication de notre commu¬ nication du h juin 1860 M. Bayle nous fit l’honneur d’enseigner à son cours de l’Ecole des mines les faits relatifs aux colonies de Bohême, tels que nous les avons exposés dans ce mémoire. Si, dans l’interprétation de ces faits, il exprima quelques vues un peu différentes des nôtres, ce que nous ignorons, nous savons du moins que ces différences ne peuvent être que minimes, car nous sommes autorisé, par M. Bayle lui-même, à les caractériser ainsi. Quant au passage de M. Dana, qui a été cité par M. Saemann, nous sommes obligé d’entrer dans quelques détails qui ne seront pas sans intérêt. Suivant M. Saemann, « M. J. D. Dana, dans son Manuel de géo- » logie, a réduit à une seule ligne et à sa plus simple expression » l’état vrai delà question, en disant, p. 262 : En Bohême , 57 es- » pèccs passent de V étage silurien inférieur dans le supérieur . » La haute autorité scientifique de M. Dana nous impose l’obli- 524 SÉANCE DU 18 MAI 1863. gation de discuter ce passage, afin de prévenir toute interprétation mal fondée. Nous ferons d’abord remarquer que cette ligne de M. Dana, prise littéralement, M’exprime rien de plus que le fait matériel que nous avons toujours constaté et à peu près dans les mêmes termes, comme point de départ de la question ; car nos colonies sont bien réellement comprises dans la division silurienne inférieure, et leurs espèces reparaissent dans la division supérieure. Mais, entre cette simple expression du fait et la négation absolue de nos vues sur l’origine et la nature de nos colonies, il y a bien loin, et, si la question est réellement posée comme le pense M. Saemann, du moins elle n’est nullement résolue par cette ligne. Maintenant, pour faire apprécier toute la portée du passage qui nous est opposé, nous sommes forcé de montrer, fort à contre cœur, que la ligne citée par M. Saemann ne s’accorde pas avec un pas¬ sage beaucoup plus explicite du même ouvrage, et qu’ainsi cette ligne doit être considérée comme non avenue dans la question des colonies. En effet, à la page 260, M. Dana établit entre le silu¬ rien supérieur d’Amérique et celui de Bohême un parallèle claire¬ ment exprimé dans les termes qui suivent : « En Bohême, les époques de Médina et de Clinton sont repré- » sentées principalement par des grès ou quartzites, et la partie » plus récente du silurien supérieur par les calcaires et les schistes » des formations E — F — G — H de Barrande. >» Pour faciliter l’intelligence de ce passage, nous mettons en pa¬ rallèle la série silurienne figurée par M. Dana, p. 131, avec la série connue de la Bohême. C’est une excellente occasion pour placer ce tableau sous les yeux de la Société, et nous sommes cer¬ tain que tous les lecteurs du Bulletin nous en sauront gré. Ils re¬ marqueront, d’ailleurs, combien cette série d’Amérique concorde dans tous les points importants avec celle qui nous a été enseignée en 1847 par notre maître et ami M. de Verneuil, et qui a été en particulier pour nous l’origine de nos connaissances sur le terrain silurien du nouveau continent 2esés\, t. IV, 1847). NOTE DE M. BARRANDE. 526 Série silurienne. BOHÊME. ÉTAGES | FAUNES. H. Schistes culminants. \ G. Calcaire supe'rieur. f F. Cataire moyen. 1 o E. Calcaire inférieur. y 1 * Troisième. 1 /dS.\ (Colonies.) l d3. j (Colonie.) , D.< d3. S Quartzites. 1 di. \ 1 \dl.J j ^Seconde. C. . Schistes protozoïques. { Primordiale. * | Azoïques. AMERIQUE. H 5 " W g s EPOQUES. Heidelberg » _ tHelderberg inférieur. j inférieur. c ( 66. Salifèrc. Salina, . . . j 6rt. Leclaire. Niagara. . 5 ci. Niagara. 5c. Clinton. 5 b. Médina. 5a. Oneida. Hudson. , Trenton . Potsdam. . ' 4 b. Hudson River 4a. Utica. ! Trenton. Black River. Birdseye. 3a. Chazy. 26. Calcilère. 2a. Potsdam. Azoïque. . | 1. INous prions la Société de bien remarquer que la correspon¬ dance indiquée dans ce tableau, entre les étages de Bohême et ; ceux d’Amérique, est uniquement celle qui résulterait du texte de ; M. Dana que nous allons discuter, et qu’elle diffère notablement de celle qui a été généralement admise jusqu’à ce jour. Pour nous, J nous continuons à penser, sauf meilleur avis, qu’il conviendrait I de maintenir au même niveau les lignes de séparation oo — oo — tracées entre les deux grandes divisions siluriennes, sur les deux colonnes d’Amérique et de Bohême. D’après le passage de la page 260, nos étages de Bohême E — F — G — H ne correspondraient qu’à la partie la plus élevée du silurien supérieur américain, c’est-à-dire aux quatre époques de Niagara, Leclaire, Salifère et Heidelberg inférieur, tandis que les époques de Clinton et de Médina, sans compter Oneida oublié dans ce parallèle, seraient représentées principalement par des grès ou quartzites , dans notre bassin. Or, les époques de Clinton, Médina et Oneida, sur la section idéale de M. Dana, p. 131, occupent un peu plus de la moitié de la bailleur verticale assignée par ce savant au silurien supérieur américain. 526 SÉANCE DU 18 MAI 1863. De plus, chacune de ces époques a sa forme distincte, plus ou moins considérable. Il ne s’agit donc pas ici d’une simple masse physique que M. Dana aurait sans doute pu négliger dans son pa¬ rallèle ; mais, au contraire, il est question d’un ensemble de dépôts représentant trois époques, c’est-à-dire suivant la définition donnée p. 127, trois subdivisions historiques indiquées par des change¬ ments ou transitions dans les formations des roches et dans leurs fossiles. Il faut donc trouver en Bohême, au-dessous de notre étage cal¬ caire inférieur E, les grès ou quartzites qui représentent principa¬ lement , c’est-à-dire avec d’autres roches, cette large moitié du silurien supérieur d’Amérique. Or, si l’on jette les yeux sur notre série, il est évident que cette niasse quartzeuse si considérable ne peut être prise que dans la partie supérieure de notre étage D, qui est immédiatement sous- jacente à notre étage E. On sait, en effet, que cette partie de D est réellement composée de quartzites alternant, selon toutes les combinaisons imaginables , avec des schistes dans les bandes d5—dl\. Or, pour pouvoir rencontrer à la fois la représentation stratigraphique et paléontologique des trois époques américaines, Clinton, Médina et Oneida, la tranche qui doit être empruntée à l’étage D doit indispensablement remplir les deux conditions sui¬ vantes : 1° Il faut qu’elle représente au moins très-modestement par sa puissance la grande moitié verticale du silurien supérieur amé¬ ricain, dont le maximum dépasserait 4000 pieds, selon les indica¬ tions de M. Dana. 2° Cette tranche doit renfermer une faune qui possède des affinités marquées avec celle du silurien supérieur dans laquelle elle doit être incorporée, car, il serait évidemment contre toute convenance et contre tout principe scientifique d’adjoindre à la faune troisième une phase de la faune seconde toute pure et con¬ trastante, ou, s’il était permis de le dire, une phase de la faune se¬ conde pur sang. Ces deux conditions ne peuvent être remplies qu’en enlevant à notre étage D la zone de nos colonies, la seule qui offre des con¬ nexions spécifiques avec la faune troisième. Mais si, par cette combinaison, M. Dana incorpore la zone de nos colonies dans le silurien supérieur , il est évident que les 57 espèces de nos colonies ne peuvent plus être comptées d’une façon quelconque dans notre division inférieure. Nous deyons donc considérer comme un simple lapsus calami NOTE DK M. BARRANDK. 527 la ligne de la page 162, indiquant que ces 57 espèces passent du silurien inférieur au silurien supérieur de Bohême. Remarquons que la combinaison destinée à faire concorder le silurien supérieur de Bohême avec celui de la série américaine n’est pas la seule de cette nature qui ait été indiquée par M. Dana. En effet, à la page 178 de son Manuel , ce savant insinue que la partie inférieure de l’étage D de Bohême pourrait bien représen- j ter l’époque du grès calcifère. On voit sur le tableau ci-dessus que le grès calcifère forme une partie constituante de la période de Potsdam ou période primordiale en Amérique. D’après la concep- ! tion de M. Dana, notre étage D devrait donc encore être tronqué par la base, pour fournir un supplément à notre faune primor¬ diale et rendre celle-ci plus comparable à la période primordiale | d’Amérique. Il serait inopportun de discuter en ce moment cette ! question. Nous constatons en passant que la combinaison qui transpose- I rait la zone de nos colonies dans la division supérieure n’est pas ; nouvelle; car elle nous a été proposée, il y a plus de douze ans, par un éminent géologue anglais, le révérend professeur Sedgwick. Poursuivant maintenant notre discussion, admettons pour un ! moment que cette zone des colonies soit détachée de l’étage D pour être incorporée dans le silurien supérieur, et demandons- nous quelle serait l’influence de ce nouveau groupement sur la | question des colonies. I Cette influence serait totalement nulle. En effet, en adjoignant la zone des colonies au silurien supé¬ rieur, les dépôts puissants qui comprennent une partie de dl v et la bande <75 tout entière, et qui contiennent de si nombreuses espèces de la faune seconde pure et sans mélange, restent toujours inévi¬ tablement interposés entre les colonies et la faune troisième ren¬ fermée dans les étages E, F, G et H. Par conséquent, on aurait toujours à résoudre, comme par le passé, la série des questions suivantes ; 1° D’où sont venus les avant-coureurs de la faune troisième ! dans nos colonies, au temps où la faune seconde florissait en Bo¬ hême et occupait tout le bassin? 2° Pourquoi ces avant-coureurs de la faune troisième, au lieu d’être mêlés avec les espèces de la faune seconde, sont-ils invariable¬ ment cantonnés dans des enclaves distinctes ? 3° Pourquoi ces enclaves sont- elles principalement composées de schistes graptolitiques avec nodules calcaires, tandis que ces 528 SÉANCE DU 18 MAI 1863. roches n’existent pas dans les sédiments renfermant la faune seconde ? 4° Pourquoi ces avant-coureurs de la faune troisième ont-ils disparu avec les schistes et les calcaires ? 5° Gomment ont-ils pu échapper aux causes de destruction qui ont complètement anéanti la faune seconde, dans notre bassin ? 6° En quels parages ces espèces coloniales, après avoir disparu de la Bohême, ont-elles continué à exister durant tout le temps qu’a exigé le dépôt d’une partie de la bande dk et de toute la bande d 5 ? 7° Par quel phénomène ces mêmes espèces, après une si longue absence, ont-elles reparu dans notre bassin sans ramener avec elles aucune des formes caractéristiques de la faune seconde, 7W- nucleus , Asnphus , etc., avec lesquelles elles avaient coexisté dans la colonie Zippe? Par quelle combinaison de circonstances physiques et zoologi¬ ques les formes de la faune troisième ont-elles reparu à la base de l’étage E, dans les mêmes schistes à Graptolites et à sphéroïdes calcaires qui renferment leurs avant-coureurs dans les colonies ? En un mot, il resterait à résoudre, comme auparavant, toutes les questions relatives aux colonies et auxquelles nous avons essayé de donner une solution provisoire par notre interprétation connue, en attendant une solution plus satisfaisante et finale. Si nous nous sommes étendu sur ce sujet, nous le répétons, c’est à cause de la haute considération que mérite le nom de M. Dana, sous l’autorité duquel notre honorable contradicteur M. Saemann a voulu s’abriter. Mais nous avons encore eu à rendre un hommage plus direct à l’éminent géologue américain, en invoquant à l’appui de nos vues l’un des principes généraux qu’il a formulés en tête de la troisième partie de son Manuel intitulée Géologie historique. Par son importance et sa généralité, ce principe a été placé au second rang parmi les six principes exposés par M. Dana, comme devant guider les savants dans la détermination des âges, périodes et époques géologiques. Il est ainsi conçu (p. 126) : 2° Le commencement d' un âge se trouvera dans le milieu d'un âge précèdent , et les signes de l'avenir qui se dispose à paraître doivent être considérés comme prophétisant cet avenir. En appliquant ce principe longtemps avant le jour où nous avons eu la satisfaction de le voir si nettement formulé par M. Dana, nous avons signalé comme avant-coureurs ou comme formes prophétiques de notre faune troisième quelques espèces NOTE DE M. BÀRRÀNDE; 529 apparaissant au milieu des formations occupées par la faune se¬ conde, en Bohême. Nous avons reconnu le caractère prophétique de ces espèces, non -seulement dans leurs formes considérées au point de vue zoologique, mais encore dans les circonstances singulières de leur gisement dans la série stratigrapliique. Nous avons été surtout frappé par ce fait, que ces espèces ne sont pas disséminées au hasard parmi celles de la faune seconde, mais qu’elles sont, au contraire, exclusivement cantonnées dans les enclaves de certaines roches représentant d’une manière également prophétique les roches dans lesquelles devait apparaître plus tard notre faune troisième. En vérité, si nous n’eussions pas encore hasardé, avant 1863, une interprétation des colonies, la méditation du deuxième prin¬ cipe de M. Dana aurait certainement contribué beaucoup à nous inspirer celle que nous avons proposée en 1851, Il nous serait donc difficile de supposer que le savant éminent, qui nous enseigne un tel principe, pût différer notablement avec nous, s’il cherchait à expliquer le phénomène auquel nous avons donné le nom de colonie , à cause de ses apparences toutes parti¬ culières en Bohême. Avant de quitter ce sujet, nous sommes heureux d’avoir l’occa¬ sion d’exprimer, d’une manière aussi simple que significative, l’im¬ pression que nous avons éprouvée en étudiant le Manuel géolo¬ gique de M. Dana, en tout ce qui touche la matière habituelle de nos études. Nous désirons vivement que chacune des grandes ré¬ gions géologiques du monde, et nommément la France, jouisse bientôt d’un manuel de géologie générale et appliquée, aussi luci¬ dement écrit et aussi élégamment illustré que celui de M. Dana. III. — Abordons maintenant les passages les plus graves des observations de notre honorable confrère. M. Saemann nous accuse d’hérésie. Pour pouvoir constater s’il y a réellement hérésie dans notre doctrine des colonies, il faudrait avant tout qu’il existât une formule de l’orthodoxie géologique absolue, et, comme il pourrait y avoir dans notre science des or¬ thodoxes bien différentes, il serait au moins indispensable de connaître la profession de foi de M. Saemann. Or. si notre hono¬ rable confrère voulait formuler son orthodoxie, en y introduisant la croyance avouée par lui que les espèces en nombre indéfini passent d’un étage à un autre étage supérieur, que les espèces sont intermittentes dans une même localité, c’est-à-dire reparaissent après avoir disparu, etc., ne courrait-il pas le risque d’êtreaccusé lui- Soc. géol ., 2e série, tome XX, 34 580 SÉANCE DU 18 MAI 1868. même d’hérésie contre la doctrine d’orbignyenne, par exemple? j Suivant nous, l’orthodoxie et l’hérésie géologiques sont pure¬ ment relatives et transitoires. Après une première divergence, souvent éclatante, souvent la suite d’un malentendu, l’orthodoxe et l’hérétique vont constamment en se rapprochant par l’effet du temps et de l’étude, et ils finissent par confondre leurs opinions dans les croyances de la science plus avancée. Ce rapprochement est surtout manifeste dans la question qui nous occupe aujourd’hui. Pour nous en convaincre, mettons en regard les croyances actuel¬ lement avouées par M. Saemann et notre doctrine au sujet des colonies. Nous toucherons d’abord la question des faits, et nous discuterons ensuite celle de leur interprétation. IV. — Question des faits. — Après la profonde émotion éprou¬ vée par M. Saemann en 1851, au premier énoncé du nom de colonies et des faits en apparence si étranges que ce nom lui paraissait représenter, notre honorable confrère, sous l’influence de sa haute intelligence et de sa bonne foi, ne revient-il pas à nous de bien loin, lorsqu’il nous déclare textuellement., dans sa note que la Société a entendue : a II reste établi que, parmi les faits compris en dernier lieu par » M. Barrande dans ses colonies , il y en a deux qui sont incon- » testables: » 1° L’apparition des Graptolites dans le terrain silurien infé- » rieur de France, et, par analogie, la colonie Haidinger ; » 2° La colonie Zippe. » Rien ne s’opposera à l'admission de la colonie Krejci, le jour » où sa position stratigraphique passera à l’état de fait incontes- » table. » Ainsi, M. Saemann admet avec nous aujourd’hui l’existence de certaines colonies en France et en Bohême, et, de plus, il paraît disposé comme nous à admettre tout fait de même nature lors¬ qu’il sera suffisamment établi. Cette première concession est vraiment bien large, et la réserve modeste qui l’accompagne est parfaitement admissible. Nous ne saurions donc exiger de notre honorable confrère une adhésion plus complète à nos vues, en ce qui touche la question des faits, question bien autrement importante à nos yeux que celle de l’in¬ terprétation théorique des colonies. V. — » Interprétation des colonies. — La concordance de nos opi¬ nions sur les faits les plus importants étant ainsi établie, il nous reste maintenant à chercher en quoi M. Saemann diffère de nous NOTE DE M. BARRANDE. 5M sous le rapport de leur interprétation. Afin de rendre plus saisis- sable la comparaison de nos conceptions respectives, nous allons figurer sur le tableau ce que nous savons de l’interprétation de M. Saemann, en mettant en regard nos propres combinaisons. SUIVANT J. BARRANDE. CONTRÉE ÉTRANGÈRE. BASSIN SILURIEN DE LA BOHÊME. SUIVANT M. SAEMANN. CONTRÉE ÉTRANGÈRE. ; ; . - - es— TI H H g -W r 2 G O es F H r K — es . . - : : d5\ X di j Colonie Zippe. g dt\ D g 1 w dZ\ g < dl J Y Nous représentons par une coupe idéale les formationssiluriennes qui renferment les faunes seconde et troisième, en figurant au mi¬ lieu le bassin de la Bohême et de chaque côté une contrée étran¬ gère quelconque. Nous prenons pour exemple la colonie Zippe que M. Saemann considère aussi bien que nous comme incontes¬ table et qui est la véritable basede notre doctrine, d'après les motifs suffisamment expliqués dans notre mémoire du U juin 1860 (Bull., 2e sér., t. XVII, p. 602). 1° M. Saemann voit dans cette colonie un centre de création de la faune troisième à l’époque où la faune seconde florissait et occupait encore exclusivement le bassin de la Bohême. Nous admettons très-volontiers cette conception de M. Sae¬ mann, en lui demandant seulement la permission de concevoir un semblable centre de création, à peu près contemporain, hors de la Bohême, sur un point quelconque X, où la faune seconde n’existait pas. Nous insistons sur l’absence de la faune seconde au point X, pour un motif qui doit se manifester tout à l’heure. Il y a parité évidente entre nous sur ce premier point. 2° Les espèces de la faune troisième, créées, selon M. Saemann, 532 SÉANCE DU 18 MAI 1863. dans la colonie Zippe, n’ont eu qu’une courte existence en Bo¬ hême, puisque cette colonie consiste uniquement dans une couche calcaire de 25 centimètres d’épaisseur. On sait, d’ailleurs, que ces espèces ne reparaissent plus dans notre bassin jusqu’à l’époque où la faune troisième s’est définitivement établie à la base de notre étage E. M. Saemann est donc obligé d’admettre que les espèces du centre de création, ou colonie Zippe, ont émigré de la Bohême, pour aller s’établir dans des parages étrangers quelconques, Y. Cette émigration est entièrement conforme à nos idées, et elle nous donne le droit de concevoir de même que les espèces de notre centre de création supposé, X, ont pu immigrer en Bohême, pour y former la colonie Zippe. Il y a donc encore parité entre nous sur ce second point. Nous ferons cependant remarquer, à l’avantage de notre con¬ ception, que le centre de création de M. Saemann étant en Bo¬ hême, il est étonnant que les espèces nouvellement créées n’aient pas rayonné dans le bassin lui-même, et qu’elles aient émigré complètement, sans laisser quelques retardataires. Leur émigra¬ tion aurait été évidemment complète, puisqu’il n’existe aucune trace des formes nouvelles de cette colonie, ni dans la bande dl\y ni dans la bande d5. Dans notre interprétation, nous expliquons aisément l’absence de toute trace de ces espèces dans dl\ et dans r/5, en disant que la colonie, venue de l’extérieur en petit nombre et une fois rendue en place, y a vécu quelque temps et qu’elle y a péri tout entière par suite du changement des circonstances. 3° Pour repeupler le bassin de Bohême, après l’extinction totale de la faune seconde, M. Saemann est obligé d’y faire revenir les descendants des émigrants qui s’étaient établis dans la localité étrangère Y. Nous admettons de même que notre centre de création X, placé à l’extérieur, a fourni une nouvelle colonie qui a pénétré en Bohème et qui, plus favorisée que la première par les circon¬ stances, s’y est solidement établie et a pris possession de tout le bassin, où elle a constitué notre faune troisième. Il y a ici non-seulement parité, il y a même identité entre les conceptions de M. Saemann et les nôtres. ù° Considérons maintenant un fait remarquable et bien con¬ staté, savoir, que la faune troisième, en s’établissant définitive¬ ment en Bohême, à la base de notre étage E, n’amène avec elle NOTE DK M. BAURANDK. 5^a aucune des formes caractéristiques de la faune seconde, telles que TrinuclciiSy Asaphas , etc., qui existaient aussi dans la colonie Zippe. Au contraire, les avant-coureurs de la faune troisième, c’est-à-dire les trilobites et les brachiopodes, qui avaient coexisté avec les Vrinucleus et les Asaphus dans la même colonie, se retrou¬ vent tous sans exception dans l’étage E. Aucune de ces espèces prophétiques n’a fait défaut durant le long intervalle de temps qui s’est écoulé entre la disparition de cette colonie et le dépôt de l’étage E. Comment interpréter ce fait? Selon nous, il dérive naturellement et simplement de ce que notre centre de création X n’a renfermé, dès l’origine, que les formes de la faune troisième, sans aucun mélange. Ce centre n’a donc pu fournir à l’immigration en Bohême que des espèces de la faune troisième, aussi bien à l’époque de l’étage E, qu’à l’époque antérieure de la colonie Zippe. Au contraire, si la colonie Zippe est le véritable centre de création de la faune troisième, comme le suppose M. Saemann, il est difficile de concevoir pourquoi les Trinucleus , Asaphus , etc., coexistant non-seulement dans cette enclave, mais encore sur toute la surface du bassin, n’auraient pas émigré en même temps que les avant-coureurs de la faune troisième. Ils auraient pu aussi émigrer plus tard, puis qu’ils ont continué à exister en Bohême durant la fin du dépôt de dix et durant le dépôt de d 5. Mais si l’on suppose que ces types de la faune seconde ont émigré vers la 'région Y, soit en même temps que les avant- coureurs de la faune troisième, soit à une époque postérieure quelconque, il est bien difficile de concevoir pourquoi ils ne sont pas retournés en Bohême avec leurs compagnons de cette faune troisième. D’après ces considérations, notre hypothèse d’un centre de création de la faune troisième sans mélange hors de la Bohême nous semble expliquer les faits plus simplement et plus complète¬ ment que la supposition de M. Saemann, qui place ce centre dans la colonie Zippe, au milieu des espèces de la faune seconde. 5° En concevant notre centre de création X extérieur à la Bohême, et en supposant que la première phase de la faune troi¬ sième s’y est développée durant le dépôt des bandes dh et r75 de notre étage D, nous avons dû admettre comme conséquence inévi¬ table de cette combinaison la coexistence partielle de la faune troi¬ sième avec la faune seconde., chacune dans une contrée distincte. Sans doute, cette supposition de la coexistence partielle de deux 53/i SÉANCE DU 18 MAI 1863. faunes qui, considérées dans leur ensemble, sont évidemment successives, a du éprouver une vive répulsion dans l’esprit de certains géologues encore sous l’empire des idées d’orbignyennes combinées avec la doctrine des cataclysmes périodiques. Mais nous devons faire remarquer que la coexistence partielle que nous admettons pour les faunes seconde et troisième résulte comme conséquence nécessaire aussi bien des conceptions de M. Saemann que des nôtres. En effet, d’après ce qui vient d’être dit, la région étrangère Y n’ayant fourni pour repeupler la Bohême, à l’époque de l’étage E, aucune des espèces caractéristiques de la faune seconde, nous devons bien admettre que ces espèces n’existaient plus en Y, ou qu’elles n’y avaient jamais existé. Dans ces deux cas, la faune troisième occupant seule la contrée Y, durant un laps de temps plus ou moins long, avait été néces¬ sairement contemporaine des phases de la faune seconde, qui ont apparu dans les bandes dl\ et d5 de Bohême. Les conceptions de M. Saemann ne conduisent donc pas moins que les nôtres à admettre la coexistence partielle des faunes seconde et troisième dans des contrées distinctes. En résumé, dès qu’il est admis par notre honorable adversaire, que la colonie Zippe est un centre de création de la faune troisième et que les formes créées dans ce centre ont disparu durant un certain temps de notre bassin, pour y reparaître à la base de notre étage E, ces prémisses l’entraînent forcément à des combinaisons, soit identiquement semblables aux nôtres, soit un peu moins vraisemblables que les nôtres, en certains points. Ainsi M. Saemann, qui vient d’admettre largement comme nous, que certains faits que nous nommons colonies sont incon¬ testables, ne diffère réellement de nous, dans leur interprétation, que par des nuances très-peu sensibles. YI. — En définitive, il ne resterait donc entre M. Saemann et nous, d’autre divergence d’opinion que celle qui est relative au nom de colonie, dont l’application lui paraît pleine d’inconvé¬ nients. Nous croyons, au contraire, que cette expression figurative s’applique parfaitement aux phénomènes de la Bohême, dont elle renferme la plus courte interprétation. Mais si cette dénomination offrait réellement de graves inconvénients qui ne nous semblent pas constatés jusqu’à ce jour, et si l’on voulait lui substituer un autre nom à l’abri de toute objection, nous serions le premier à l’adopter, car personne n’attache moins d’importance que nous NOTE DE M. BOURGEOIS. 556 aux questions de nomenclature, très-secondaires, selon nous, dans une science de faits telle que la géologie. Après avoir dûment pesé les considérations que nous venons d’exposer, si quelqu’un vient nous demander sérieusement en quoi consiste aujourd'hui la différence entre l’orthodoxie de M. Saemann et notre hérésie, au sujet des colonies, nous répon¬ drons naïvement que nous n’en savons rien et que probablement notre loyal adversaire n’en sait pas davantage. Le Secrétaire donne lecture, au nom de l’auteur, de la note suivante : Note sur des silex taillés trouvés à Pont-Levoy (. Loir-et-Cher ) $ par M. l’abbé L. Bourgeois. Le 19 janvier dernier, j'ai donné connaissance à laSociété géo¬ logique de quelques instruments en silex trouvés dans la brèche osseuse de Vallières (Loir-et-Cher) avec les ossements de Y Hycena spelœa , du F élis spelœa , du Rhinocéros tichorhinus , du Bos primi - genius et autres espèces quaternaires. Aujourd’hui je viens signaler un fait de même genre qui se pro¬ duit dans des conditions différentes. Le 30 janvier, dans une excursion géologique sur la commune de Thenay, près de Pont-Levoy, j’ai rencontré à la surface du sol un de ces éclats de silex nommés couteaux par les archéologues. La pensée me vint d'en chercher d’autres et j’en trouvai tout de suite une vingtaine. Depuis, des explorations nombreuses poursuivies avec une grande activité par M. l’abbé Delaunay, par M. Bouvet et par moi, sur plusieurs autres localités voisines, nous ont permis de recueillir plusieurs milliers de silex travaillés appartenant à des types divers. Pendant longtemps j’ai foulé aux pieds ces premiers débris de l’industrie humaine dans nos contrées, sans les remarquer ; je suis donc porté à croire qu’on les trouverait presque partout en Eu¬ rope, si l’on s’avisait de les chercher sur la terre végétale où ils ont été naturellement amenés par les travaux de la culture, comme je l’expliquerai plus loin. Ma première pensée fut de rapporter ces instruments grossiers à la période celtique, ou plutôt à une période plus ancienne encore, que l’archéologie reconnaît sans la désigner par aucun nom (1). (4) Les explorations intéressantes de M. Boucher de Perthes dans 536 8ÉA.MCE DU 18 MAI 1863. Mais ensuite plusieurs considérations m’autorisèrent à supposer qu’ils appartenaient à l’époque antédiluvienne : 1° Je les trouvais associés à des quartz roulés du Morvan qui caractérisent le diluvium de nos contrées. Or, la cause qui faisait monter ces galets à la surface pouvait exercer la même action sur les silex travaillés renfermés dans les couches diluviennes. 2° Sous le double rapport de la matière et de la forme, ils me paraissaient complètement semblables à ceux qui ont été trouvés à Vallières, soit en place dans la brèche osseuse, soit au milieu des champs où ont été transportées les marnes provenant de cette brèche (1). 3° Enfin, j’avais recueilli, également sur le sol, un os de bœuf (fragment de métacarpien), dont la couleur noire et le poids spé¬ cifique accusent l’origine diluvienne, et sur lequel on remarque plu¬ sieurs incisions profondes faites avec un silex ébréché. Mes présomptions ont été confirmées par une fouille que M. l’abbé Delaunay, M. bouvet et moi, nous avons fait exécuter à Pont-Levoy, sur la rive droite du ruisseau des Anguilleuses, en en face du clos des Vignes, à 15 mètres environ au-dessus du fond de la vallée. Les couches sont ainsi disposées de haut en bas : 1° Terre végétale avec blocs du calcaire de Beauce érodés sur une seule face (2). . . . . . . 0m,35 2° Argile sableuse jaunâtre et galets quartzeux . 0 m , 45 3° Même argile avec taches noires ferrugineuses, 0 . . . . 0m,10 les tourbières de la Somme prouvent qu’il faut admettre la distinction de ces deux périodes historiques. (1 ) Il est important de savoir qu’on ne rencontre pas de silex taillés, à Vallières, en dehors des localités où le propriétaire a fait porter les décombres de la brèche. (2) Ces blocs, dont le poids est plus ou moins considérable, ont été érodés in situ avant d’avoir été détachés de la roche, autrement les marques d’érosion se montreraient sur toutes les faces. C’est ainsi que le calcaire lacustre de la Beauce présente une surface ondulée et arrondie par les eaux sur plusieurs points, notamment sur la ligne d’Orléans entre Blois et Menars. Mais comment ces fragments ont-ils été déplacés? M. Prestwich, qui les a étudiés en ma présence, fait intervenir le transport par les glaces. J’attache une haute importance à l’opinion d’un savant aussi compétent ; mais, comme ces blocs viennent d’une très-petite distance et que la surface par laquelle ils adhéraient à la masse n’est pas sans quelques traces de frottement, je crois qu’il suffit pour expliquer ce phénomène géologique de recourir à l’action d’un grand courant. NOTE DE M. BOURGEOIS» 537 4° Assise de galets siliceux et quartzeux. . . . 0m,S0 5° Sable argileux jaune (alluvion probablement antérieure au diluvium), . . . '1m,00 6° Falun blanc avec nombreux débris de coquilles. Nous avons trouvé des silex travaillés dans les assises nos 1, 2, 3 et ù, avec la même nature, la même forme, la même couleur, le même degré d’altération, le même cachet de fabrication, que ceux de la surface, de sorte que la contemporanéité paraît bien pro¬ bable. Nous n’avons pu faire cette comparaison sur tous les types, mais nous espérons la compléter en donnant à nos explorations souterraines un développement plus considérable. Comment se fait-il que ces objets soient confondus avec la terre végétale? La raison en est toute simple. Abandonnés à la surface ou enfouis à une légère profondeur par les eaux diluviennes, ils ont dû se trouver en contact avec les premières couches d’humus qui se formèrent après la grande catastrophe, puis le mélange s’est opéré peu à peu par Faction des instruments aratoires. Pourquoi refuserait-on d’admettre pour ces débris d’industrie primitive ce que l’on admet forcément pour les quartz diluviens qui se trouvent également sur le sol? Du reste, dans les localités où ils sont le plus nombreux, la couche de terre végétale est si mince, que la charrue atteint souvent le diluvium. La coupe suivante, prise à 20 mètres au-dessus du ruisseau de Thenay, en face du Roger, rendra notre explication plus claire. 1 — Terre végétale. 2 — Alluvion caillouteuse (diluvium). 5 — Sables et grès des faluns ravinés par le diluvium (1). Malgré ces considérations, je n’oserais cependant pas affirmer d’une manière absolue, que, parmi les objets recueillis sur le sol, aucun n’appartient à la période postdiluvienne qui a précédé l’époque celtique proprement dite, car M. Boucher de Perthes a (O Peut-être ne faut-il admettre ici que de simples poches rem¬ plies par les sables diluviens. 538 SÉANCE DU 18 MAI 1863, prouvé pardes faitsque, pendant cette période innommée, l’homme a fabriqué certains instruments en silex analogues à ceux du dilu¬ vium. Parmi ces instruments que nous avons trouvés à la surface du sol ou en place dans le diluvium, il en est qui ont conservé leur couleur primitive et toute leur fraîcheur, de sorte qu’on les dirait fabriqués d’hier. Mais il en est d’autres dont l’extérieur est couvert d’une patine blanche plus ou moins épaisse. Nous sommes de plus en plus convaincu que cette transformation du silex en cachalong n’est pas due au milieu, mais à l’action de la lumière, car il arrive quelquefois qu’une face de l’objet a été altérée et l’autre pas, quoique toutes deux fussent en contact avec des sub¬ stances de même nature et dans des conditions complètement identiques. L’altération des surfaces commence-t-elle à se produire peu de temps après la cassure? Je n'ai pas de données assez positives pour formuler une opinion. M. l’abbé Delaunay, M. Bouvet et moi, nous avons visité dans la commune de Meusnes un tas énorme d’éclats provenant de la taille des pierres à fusil et abandonnés depuis un siècle peut-être à Faction de la lumière et des agents atmosphériques. Or, nous n’avons pu en trouver que deux ou trois présentant quelques traces d’altération. Pour faciliter aux géologues qui se livrent à ce genre de recher¬ ches le moyen d’établir des comparaisons toujours si utiles à la science, je vais décrire sommairement les types que j’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société. Plus tard, unissant nos efforts à ceux de M. le marquis de Vi¬ bra ye, nous ferons figurer ces types dans un travail plus étendu. M. l’abbé Delaunay et M. Bouvet, qui possèdent de riches collec¬ tions en ce genre, nous prêteront leur concours. N° 1. Haches. On est convenu de nommer ainsi des instru¬ ments de forme très-variée qui ont plus ou moins de ressemblance avec les haches de l’époque celtique. Nous avons remarqué les variétés suivantes : A. Hache en forme d’amande, finement travaillée, de forme régulière et offrant la plus grande similitude avec certains exem¬ plaires de Saint-Michel. Longueur, 10 centimètres. B. Hache grossière, taillée par larges éclats et affectant la forme triangulaire. Longueur, 12 centimètres. C. Hache lancéolée, présentant un côté plat qui n’est pas tra¬ vaillé et un autre convexe façonné par petits coups. NOTE DK M. BOURGEOIS* 530 D. Hache voisine pour la forme delà variété B, mais offrant un commencement de polissage. L’existence des haches polies dans le diluvium n’ayant pas encore été constatée d’une manière au¬ thentique, je n’oserais pas dire que cet exemplaire à physionomie diluvienne n’a pas été retouché à une époque subséquente. M. Boucher de Perthes, dans ses Antiquités celtiques et antédilu¬ viennes, cite plusieurs faits de ce genre. J’ai aussi rencontré des haches entièrement polies, mais leur forme allongée, épaisse, et la matière (1) dont elles sont faites, accusent une époque moins reculée; c’est le type celtique. N° 2. Hachettes. Je désigne sous ce nom un très-grand nombre de petites haches ou de petits coins dont les formes sont trop variées pour que je puisse entreprendre de les décrire. N° 3. C’est un véritable ciseau très-tranchant et façonné avec beaucoup de soin. Longueur, de 6 à 8 centimètres. N° k. Ce type, que je ne sais comment nommer, est une hache triangulaire très-épaisse à la partie postérieure, et dont la partie antérieure, au lieu d’un bord tranchant, présente une pointe plus ou moins acérée ; c’était sans doute un instrument de guerre. N° 5. Grattoirs. C’est une lame plus ou moins longue, arrondie à l’une de ses extrémités, et présentant presque toujours en dessus une arête longitudinale qui la divise en deux parties égales. Quel¬ quefois elle est taillée de manière à ménager un manche dans la partie postérieure; je ne connais pas de formes dont le travail soit plus évident. Longueur, de U à 10 centimètres. M. Boucher de Perthes a signalé ce type remarquable parmi les instruments des tourbières (2). Il ne le signale pas dans le diluvium, mais il a été trouvé par M. l’abbé Delaunay dans la brèche osseuse de Vallières. Quelle était sa destination ? Peut-être servait-il à préparer les peaux, à polir l’os ou le bois, comme encore aujourd’hui, dit-on, chez certaines peuplades sauvages. N° 6. Couteaux ou éclats. Ces formes sont très-communes et très-variées. Je vais citer les plus caractérisées. A. Lame très-mince avec une ou deux arêtes longitudinales sur la partie convexe. La longueur varie de 2 à 20 centimètres. B. Lames plus épaisses, généralement arrondies à l’extrémité (1) La matière de ces haches est constamment une substance étran¬ gère au pays, comme le granité, la serpentine, ou un silex blanchâtre qui pourrait bien être d’origine jurassique et dont l’usage paraît avoir été très-répandu. (2) Antiquités celtiques et antédiluviennes , t. I, pi. 4 6, n° 32. 540 SÉANCE Dû 18 MAI J 863, antérieure, et dont la partie convexe a été façonnée au moyen de petits coups nombreux. C. Eclat très-étroit, épais, à face convexe très-prononcée, et terminé par une pointe mousse. D. Eclats très-robustes en forme de prismes triangulaires. N° 7. Têtes de lance. Ce sont des prismes triangulaires ou des lames épaisses dont les pointes ont été façonnées avec une inten¬ tion évidente. Leur longueur varie de 8 à 15 centimètres. N0 8. Pointes de flèche. Eclats allongés ou triangulaires, avec une pointe très-aiguë. Dans certains exemplaires, cette forme n’a pu être obtenue que par un grand nombre de petits coups de marteau, et alors le travail est incontestable. Longueur, de 4 à 6 centimètres. Parmi ces pointes de flèche, il en existe une très-petite, fine¬ ment travaillée et présentant deux ailes comme celles du Dane¬ mark. C’est un type d’une époque plus récente. N° 9. Eclat assez épais, présentant l’aspect d’une feuille d’orme. 7 centimètres de longueur sur 6 de largeur. N° 10. Scies . Eclats allongés à dos épais et à tranchant denté. Longueur, 9 centimètres. J\° 11. Silex en forme de croissant dont la courbure interne paraît avoir servi à polir des corps cylindriques. N° 12. Silex de forme irrégulière avec une ou plusieurs pointes dues le plus souvent à une transformation des tubercules qui exis¬ taient naturellement dans la pierre. Ces instruments qui pèsent jusqu’à 2 kilogrammes pouvaient former une arme redoutable. J\° 13. Massues ?. Gros silex simplement équarris et dans les¬ quels on a ménagé un éperon court et très-fort ou une espèce de bec un peu recourbé; on y remarque quelquefois des traces de percussion. N° 14. Haches très-grossières présentant de chaque côté du tran¬ chant deux ailes qui leur donnent l’apparence d’une fleur de lys. N0 15. Pierres de jet. Silex grossièrement taillés, conservant des arêtes tranchantes et affectant la forme sphérique. J’en ai vu de semblables provenant des kjôkkenmoddings du Danemark, dans l’intéressante collection de M. Lartet. N° 16. Petits blocs à cassure rubanée, desquels on a évidemment détaché des éclats. Ce sont les nuclei des archéologues. N° ] 7. Silex de forme oblongue, taillés grossièrement en prismes ou conservés dans leur état naturel. Les nombreuses traces de per¬ cussion qu’on y remarque prouvent que ces instruments étaient des marteaux. Ces marteaux nous révèlent, en partie du moins, les procédés NOTE DE M. BOURGEOIS. 5/il employés pour la fabrication des autres instruments. Ce n’était pas au moyen d’une pression, mais par un choc, une percussion, que les éclats étaient enlevés. En frappant sur un silex avec un autre silex, j’ai obtenu, dès la première tentative, plusieurs couteaux parfaitement caractérisés, et le bloc dont je les ai détachés a pris la forme des nuclei décrits sous le n° 16. Comme je m’en suis con¬ vaincu en observant la taille des pierres à fusil dans notre dépar¬ tement de Loir-et-Cher, l’habileté consiste principalement à bien choisir le point sur lequel on doit frapper pour opérer la cas¬ sure (1). La nature de la pierre n’est pas non plus indifférente. Les silex à pâte fine et dure, à cassure nettement conchoïdale, sont ceux qui offrent le plus de chances de succès. C’est pour cela sans doute que les artistes grossiers de la période antédiluvienne re¬ cherchaient de préférence, pour leurs travaux, certains galets cré¬ tacés bruns ou noirs, dont il serait difficile de préciser l’étage et le gisement primitifs (2); ils employaient aussi les nodules siliceux jaunâtres de l’étage sénonien qui affleurent au fond des petites vallées, le silex lacustre de la Beauce et les grès roulés de l’épo¬ que tertiaire. (1) Les tailleurs de pierre à fusil font sécher les silex au soleil sur le bord des puits d’extraction ou au feu de leurs appartements, jus¬ qu’à ce que l’eau de carrière soit évaporée. Des ouvriers, envoyés d’Égypte par Mehemet-Ali pour se former à ce genre d’industrie, s’exercèrent pendant plusieurs semaines, sans obtenir aucun résultat, parce que les gens du pays qui les voyaient avec déplaisir se gardaient bien de leur faire connaître cette précaution indispensable. L’ouvrier, tenant le nodule dans la main gauche, frappe avec la droite et le sépare en deux parties égales au moyen d’un gros marteau à deux pointes mousses, nommé assommoirs. Il divise ensuite successivement chacune des deux moitiés en éclats longs et minces qu’il obtient en frappant avec un marteau plus petit sur le bord de la surface vive. Le nucléus est naturellement le résultat de cette percussion opérée tout autour du bloc siliceux. Pour subdiviser les éclats en tronçons, l’ouvrier les pose sur une petite enclume de fer non trempé, tranchante comme un ciseau et solidement fixée. Ensuite il frappe sur le silex un peu en deçà du point qui porte sur l’enclume, au moyen d’un petit marteau discoïdal à manche court, nommé roulette. Par ce procédé, il devient facile d’enlever de petits éclats d’une grande finesse et d’imiter la plupart des formes anciennes les plus remarquables. On arrive promptement au même résultat avec des enclumes et des marteaux de pierre; mais la fabrication des haches devait exiger un mode bien différent. (2) Ces silex pourraient bien appartenir à la zone de l’ Inoceramus problematicus, comme ceux que l’on exploite pour la pierre à fusil. 542 SÉANCE DU 18 MAI 1868. Je ne signalerai en fait de poterie qu’un Fragment formé d’une pâte noire très-grossière, au milieu de laquelle sont semées des parcelles de feldspath blanc. Je ne sais à quelle époque il faut le rapporter, mais sa composition paraît accuser une très-haute antiquité. Des morceaux de charbon (1) trouvés à Vallières dans la brèche osseuse, et à Pont-Levoy, entre la terre végétale et le di¬ luvium, font augurer que nous découvrirons quelque chose de plus complet. Tous les autres débris sont de l’époque gallo-romaine. Depuis la rédaction de ce travail, nous avons fait une excursion dans les terrains quaternaires de la Somme, et nous avons trouvé par nous-même ou par les ouvriers, dans les sablières de Saint- Acheul, presque tous les types recueillis sur le sol à Pont-Levoy. Nous avons rencontré ces mêmes types à la surface, sur les hauteurs qui dominent Amiens et Abbeville. M. Charles Sainte-Claire Deville présente, de la part de l’auteur, la note suivante : Supplément à la géologie pratique de la Louisiane . Ile Petite- Anse ; par M. R. Thomassy (PI. VIII) . La grande découverte géologique survenue en Louisiane depuis 1860, année de la publication de ma Géologie pratique , est la découverte d’une mine de sel gemme dans Pile Petite-Anse. Cette île, comprise dans la pointe sud-ouest du grand delta du Mississipi, est entourée de marais dont le fond de tourbe repose sur une argile bleue et marine. En 1857, j’y avais observé des sources salées et j’en avais signalé les rapports avec la formation insulaire, dont l’origine est volcanique, en ce sens qu’elle provient d’un volcan d’eau, de boue et de gaz, causes si fréquentes de soulèvements sur les littoraux. Cette origine, rapprochée du fait des sources salées, m’avait fait dire ce qui suit, comme si j’avais deviné la prochaine découverte du sel gemme en question : « Le rapprochement de ces sources salees et du volcan de Petite- » Anse s’explique d’autant mieux ici, cjue ce volcan, quand il fit » sa première explosion, était bien plus rapproché de la mer, s’il » n’y était entièrement. Communiquant avec le grand réservoir (1) Parmi les nombreux silex que nous avons recueillis à la surface du sol, quelques-uns sont fendillés comme s’ils avaient subi l’action du feu. Fig.» du sol sous forme de sources salées. » En 1857, je n’avais vu que le tiers de l’île. Je la visitai de nou¬ veau, en 1862, avec le juge Avery, qui en est le principal proprié¬ taire. M. Avery y avait tout récemment découvert la mine de sel en question presque au niveau du golfe du Mexique, et il en récoltait 40 boisseaux de sel par jour, production qu’il a décuplée depuis lors et peut accroître indéfiniment. J’ajoute aussi que la description primitive contenait quelques erreurs : c’est ainsi qu’au lieu du seul lac dont j’ai parlé il y en a trois et quatre, comme on le voit sur la carte ci-jointe (PI. VIII)j laquelle dispense de toute autre description. Analyse du sel en question ; par M. Jules Lefort. « La solution de ce sel ne précipite pas la plus légère trace de » sulfate de baryte par l’addition du chlorure de baryum. » Avec l’oxalate d’ammoniaque, nul indice de chaux. » Avec le phosphate de soude ammoniacal, traces à peine appa- » rentes de magnésie. » Le dosage du chlore m’adonné, pour 100 parties, 59,42 p. 100. » Le calcul indique. .............. 60,68 » D’après cela, ce sel contient • » Chlorure de sodium pur. . . . 97,92 » Eau, matières étrangères. . . . 2,08 100,00 » Tout le monde sait que l’on a encore constaté dans les diffé- » rents sels gemmes la présence du carbonate de chaux, de l’alu- » mine et même de l’oxyde de fer; l’échantillon que j’ai analysé » ne renfermait pas la plus légère trace de ces substances et j’en » conclus qu’il était d’une pureté remarquable. » J’aurais bien voulu y rechercher le brome, mais je n’avais » pas assez de matière à ma disposition pour cela. » 5M SÉANCE DU 18 MAI 4863. Légende de la carte et des coupes de Vile Petite-Anse (PI. VIII). Fig. 1. Ile Petite-Anse. Petite-Anse a bien changé depuis 1856. Le lac Willow s’est en partie comblé et presque entièrement couvert de saules et de roseaux plats. D’un autre côté la plupart des sources d’eau douce ont tari depuis le progrès du déboisement et de la culture. Certaines de ces sources ont jadis produit des concrétions ferrugineuses; d’autres ont formé des dragées calcaires. Sans ces changemenis survenus depuis 1 856, Petite-Anse ressemblerait beaucoup plus à l’île voisine de Grand’Côte. Les principaux caractères de Petite-Anse sont : ses mines de sel de roche au bas d’une petite vallée qui est le fond de cuve d’une chaudière volcanique; cette roche rappelle celle de Nor- wich, près de Liverpool, et on l’atteint à 17 ou 19 pieds de pro¬ fondeur. Des puits voisins donnent des eaux salées de 12 à 1 3 degrés. Ces sels de roche ne présentent aucune espèce de stratifications et sont mêlés de cristaux cubiques de diverses gros¬ seurs, indiquant une précipitation puissante et confuse. Le sol superficiel présente la coupe fig. 3. Fig. 2. 2V. B. Le sous-sol des marais entourant Petite-Anse du côté de la mer n’est que de l’argile bleue ou marine, recouverte par un pied et demi ou 2 pieds de tourbe, et, du côté de la terre, par 3 ou 4 pieds de cette même tourbe, végétant entre les hautes et les basses marées. (La hauteur des montagnes est exagérée comparativément à la largeur de File, dont la superficie est de 2400 acres, environ 1 000 hectares.) Fig. 3. a. 3 pieds. Dépôt sablo-argileux des collines environnantes. b. 3 ou 4 pieds de tourbe ou fonds de marais. c. 12 à 15 pieds de sable rose violet bigarré. d. Sel de roche, d’épaisseur inconnue, à teintes grises rouges, et mêlé de cristaux transparents. (Voyez l’analyse de ces cristaux par M. Jules Lefort, ci-dessus, p. 543.) Fig. 4. Dans le reste de l’île le sol découvert par les puits se compose : 1° d’un terrain léger, gris et sablonneux ; 2° d’argile grise, entre¬ coupée dans tous les sens par des veines de sable perpendiculaires, comme si ces sables avaient rempli les fissures et crevasses de l’argile inférieure, à l’époque du soulèvement. a. 2 à 4 pieds. Sol gris et sablonneux. b. Argile grise, entrecoupée de veines sablonneuses perpendicu¬ laires. î)ONS fAÎTS A LA SOCIÉTÉ. 54 5 Séance du 1er juin 1863. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-Yerbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Van der Capellen (A.), pharmacien, à Hasselt (Belgique), présenté par MM. Dewalcjue et Albert Gaudry -, Falsan (Albert), à Colonges-sur-Saône, prés de Lyon (Rhône), présenté par MM. E, Lartet et Albert Moreau. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Boucher de Perthes : 1° Note sur la mâchoire humaine découverte par M . Bou¬ cher de Perthes dans le diluvium d} Abbeville , par M. de Quatrefages, in-A, 12 p., Pfig. 2° Deuxième note sur la mâchoire d' Abbeville, par M. de Quatrefages, in-A, 8 p. 3° Troisième note sur la mâchoire d' Abbeville , par M. de Quatrefages, in-A, A p. A0 Observations sur la mâchoire de Moulin-Quignon, par M. de Quatrefages, in-A, 3 p. 5° Note sur les résultats fournis par une enquête relative à V authenticité de la découverte d'une mâchoire humaine et de haches en silex dans le terrain diluvien de Moulin- Qui gnon, par M. Milne Edwards, in-A, 13 p. Ces cinq brochures extr. des Comptes rendus de P Académie des sciences , t. LVI, 1863. De la part de M. le docteur F. Garrigou, Étude chimique et médicale des eaux sulfureuses d’Ax {Ariége), in-8, 2A3 p. Paris, 1862, chez J. B. Baillière *, Toulouse, chez Delboy. De la part de M. J. Gosselet, Sur les terrains primaires de S>c. géol.j 2* série , tome XX, 35 5Æ0 SÉANCE DU 1er JUIN 1863. la Belgique . — Lettre adressée à M. d'Omalius d’Halloy 3 in-8, U p. Bruxelles, 1862 • chez Hayez. De la part de M. Th» Yon Zollikofer, Die geologischen Ver- hàltnisse des siidôstlichen Theiles von U nter-Steiermark , in-A, pp. 311-366, 1 carte. Vienne, 1862 ; chez Braumüller. Comptes rendus hebd. des séances de V Acad» des sciences ; 1863, 1er sem., t. LVI, n08 20 et 21. Bulletin de la Société botanique de France , t. VII, 1860, n° 9. L’Institut , n08 1533 et 153/t , 1863. Bulletin des séances de la Soc. imp. et centrale d’agriculture , 1863, n° 0. L’Abbevillois, 21 mai 1863. The quarte rl y journal of the geological Society oj London , n° 7/i, 1er mai 1863. Proceedings oj the geological Society , vol. Xll, n° 5 A. The Athenœum , n° 1857, 1863. Neues Jahrbuch für Minéralogie , etc. , de MM. G. Leonhard et H. B. Geinitz, 1863, 2e cahier. Reoista de los progrès os de las ciencias exactas , fislcas y nat lirai es, t. XIII, n° h , avril 1863. The American journal of scieikce and arts , par Silliman, n° 105, mai 1863. M. Saemann annonce à la Société la mort de M. le général Albert de la Marmora. M. Barrande demande que M. A. Sismonda soit prié de vou¬ loir bien faire une notice nécrologique sur cet éminent géo¬ logue. La Société adopte cette proposition. M. Hébert offre au nom de fauteur, M. Gosselet, une note imprimée sur les terrains primaires de la Belgique (voy. ci- dessus la liste des dons). M. Deshayes annonce que M. Zittel vient de publier un tra- vail sur les terrains nummulitiques de la Hongrie, dans lesquels il dit avoir trouvé les fossiles caractéristiques du calcaire gros¬ sier associés à quatre espèces également caractéristiques des sables de Fontainebleau. M. Deshayes voit dans ce fait la con- HOTE DE M. MELLEVlLLE. 547 firmation d’une opinion depuis longtemps émise par lui : que l’ensemble zoologique du bassin de Paris, qu’il regarde comme appartenant à la première époque tertiaire, forme un tout bien complet. M. Hébert ne partage pas l’opinion de M. Deshayes; mais la longueur de l’ordre du jour ne permettant pas d’entamer une discussion à ce sujet, il demande que la question ne soit pas préjugée. M. Deslongchamps présente à la Société, au nom de 3\î. Des» planches, chirurgien de la marine, des fossiles et des roches modernes provenant de la Nouvelle-Calédonie. M. Barrande désirerait que M. Desplanches pût envoyer quelques coupes des terrains de cette contrée. M. Deslongchamps dit qu’il communiquera cette demande à M. Desplanches. M. le Président invite M. Deslongchamps à transmettre à M. Desplanchei les vœux de la Société pour l’achèvement de ses travaux si intéressants sur la Nouvelle-Calédonie. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Melle ville : La dernière livraison du Bulletin de la Société géologique , t. XX, contient, à la page 110, à la suite d’une réponse que j’ai faite à M. Hébert, dans la séance du 15 décembre 1862, une note de ce géologue qui n’a point été lue en séance et à laquelle, par conséquent, je n’ai pu répliquer dans le moment même. Aujour¬ d’hui qu’elle m’est connue, la Société voudra bien me permettre d’y répondre brièvement. Avant tout, rappelons en peu de mots les causes de la discussion» Dans mon mémoire sur les terrains de transport superficiels de la Somme (. Bulletin , 2e sér., t. XIX, p. 423), j’ai dit qu’on faisait une ! confusion évidente en assimilant, sous ie nom commun de diluvium gris , les couches arénacées et caillouteuses inférieures de ce pays, aux couches de transport de la vallée de Grenelle, attendu que, si les deux dépôts sont également de couleur grise, s’ils renferment l’un et l’autre des ossements de grands animaux, avec des diffé¬ rences toutefois de gisement et d’espèces, ils diffèrent essentielle¬ ment entre eux par leur position, par leur origine, par leur allure* par leurs éléments complètement roulés dans la vallée de la Somme, de l’aveu même de mon contradicteur, et à peint 548 SÉANCE DU 1er JUIN 1863. émoussés à Grenelle, et surtout par cette faune si remarquable, composée de nombreuses coquilles terrestres et d’eau douce, dont on n’a jamais trouvé un seul individu dans les gravières de Grenelle. J’ai dit encore que les couches de transport de cette plaine sont pour moi l’exemple le plus complet de la formation diluvienne proprement dite ; qu’elles offrent un ensemble indivisible, malgré les différences de nature et de couleur que présentent leurs diverses parties, et qu’on y trouve un second gisement de débris de grands animaux, parfois associés à de rares silex taillés. Enfin, j’ai ajouté que cette dernière formation se retrouvait, moins développée qu’à Grenelle, il est vrai, dans la Somme, au Moulin-Quignon par exemple, recouvrant en stratification con¬ trastante les dépôts caillouteux précédents, et y pénétrant même par de larges sillons, double fait qui démontre, selon moi, que ces deux systèmes ne se sont déposés ni dans le même temps, ni de la même manière, et qui exige, à mon avis, leur complète séparation. M. Hébert n’adopte pas ma manière de voir et me reproche d’être seul de mon opinion. Je répondrai à ce dernier sujet qu’il y a plus de vingt ans, m’appuyant sur des considérations purement géologiques, je sou¬ tenais, dans mon mémoire sur le diluvium cité par M. Hébert, l’existence de l’homme antérieurement au phénomène diluvien ; l je rencontrai comme aujourd’hui une vive opposition, et je restai à peu près seul de mon avis. Les belles et concluantes découvertes de M. Boucher de Perthes sont venues depuis ; à qui ont-elles donné raison ? Ce savant n’a-t-il pas été lui-même seul de son avis pendant i plus de vingt ans, et peut-on croire que M. Hébert ait des pre¬ miers reconnu l’exactitude de ses observations, quand la Société l’a entendu dans la séance où M. le marquis de Vibraye a com¬ muniqué une quantité de silex taillés découverts par lui, je crois, en Bourgogne, soutenir que la plupart de ces silex n’é¬ taient pas taillés de main d’homme, mais devaient leurs formes au hasard I Combien enfin ce géologue compte-t-il de partisans à l’opiniop plusieurs fois émise par lui que le diluvium serait un produit marin ! ! I etc. Au surplus, rien ne me paraît plus logique que la supposition qu’il existe un terrrain correspondant à la période de tranquillité durant laquelle l’homme et les grands animaux ont vécu et multi¬ plié ensemble. Or, ce terrain ne saurait être le diluvium de NOTE DE M, MEUGY. 5A9 Grenelle, puisqu’il est le produit d’un phénomène de bouleverse- ment violent et passager, tandis qu’au contraire les dépôts infé¬ rieurs de la Somme présentent toutes les conditions d’âge, de gisement, de nature et d’origine qui caractérisent la période de tranquillité dont je parle. Yoilà pourquoi je les proclame anté¬ rieurs à ceux de Grenelle, dont ils se distinguent d’ailleurs si nettement au point de vue stratigraphique et paléontologique, comme je le prouverai bientôt et plus complètement encore par des exemples pris aux environs de Paris même. On comprend dès lors pourquoi j’ai dit que les ossements des grands animaux se trouvent particulièrement dans le diluvium rouge. C’est que, pour moi, les couches de Grenelle appartiennent toutes, malgré leur couleur, à cette seule formation et qu’elles n’ont rien de commun avec les bancs inférieurs de la Somme pris pour type du diluvium gris. Or, personne ne l’ignore, les couches de Grenelle, et toutes celles qui leur correspondent véritablement en France ou à l'étranger, renferment en abondance de ces osse¬ ments. Mais je n’ai jamais dit, comme le prétend M. Hébert, qu’ils sont le principal gisement des silex taillés, de la manière qu'il l’entend, du moins; car en présence de ces silex taillés, polis ou demi-polis qu’on ramasse journellement par centaines à la surface ou dans le diluvium rouge de tous les pays, on serait parfaite¬ ment en droit de le dire. Quant à la théorie des siphons appliquée par moi à la mon¬ tagne de Laon et qui paraît si fort choquer M. Hébert, je suis prêt à la défendre quand il le désirera, et en attendant je me permettrai de lui dire que cette théorie n’est pas de moi, mais qu’elle appar¬ tient à Buffon, M. Hébert regrette que M. Melleville persiste à l’attaquer seul, quand MM. Gaudry et Delanoüe ont aussi combattu son opinion sur le diluvium de la Somme. M. Hébert dit n’avoir rien à ajouter aux preuves qu’il a données du peu de fonde¬ ment de la manière de voir de M. Melleville. Le Secrétoire lit la note suivante de M. Meugy. Sur un nouveau gisement de craie phosphatée ; par M. A. Meugy. Je crois devoir donner connaissance à la Société géologique d’un nouveau gisement de phosphate de chaux que j’ai récem- 550 SÉANCE DU 1er JUIN 1863. ment constaté, auprès de Péri gueux, dans le terrain crétacé. Ce gisement se trouve immédiatement au-dessus des calcaires à rudistes, entre la zone à Ammonites peramplus et celle à Spondy - lus trancatiis , c’est-à-dire entre le turonien moyen et le turonieh supérieur. Je l’ai observé dans la tranchée de Gourd-de- l’Arche, sur le chemin de fer de Périgueux à Limoges. On voit, à la partie inférieure de cette tranchée, des calcaires marneux compactes, bleuâtres ou grisâtres, quelquefois jaunâtres et cristallins, avec Il i p pari tes organisons et cornumccinum de grandes dimensions, recouverts par un système glauconieux qui se compose prin¬ cipalement de calcaires blanchâtres compactes ou noduleux, en couches alternatives, mêlés de grains verts en plus ou moins grande quantité et avec divers fossiles (ostracées, Ptérodon tes, Trigonies, Mytilus , Ammonites , Lima , Tenus , Cyprines, Actéo «elles, etc.). Ce sont les couches noduieuses dans lesquelles j’ai soupçonné la présence du phosphate de chaux, à cause de la ressemblance ) qu’elles présentent avec celles de la côte Sainte-Catherine, à Rouen. J’ai recueilli quelques échantillons que j’ai soumis à un ! essai qualitatif sommaire en suivant le procédé, aussi simple ' que rapide, indiqué par M. Malaguti, et qui consiste à attaquer quelques grammes de matière par l’acide nitrique et à verser dans la liqueur filtrée de l’acétate de soude en excès, puis quelques gouttes de chlorure de fer. Comme la solution nitrique renferme toujours un peu de fer, l’acétate de soude produit ordinairement un léger précipité de phosphate de fer blanc jaunâtre et flocon¬ neux, dont le volume s’accroît par l’addition de gouttes de chlo¬ rure. Le premier échantillon que j’ai essayé m’a donné un précipité notable. Cet échantillon était d’un blanc un peu jaunâtre, com¬ pacte, légèrement micacé, avec grains verts disséminés et concen¬ trés en masse en certains points. Cinq autres échantillons, pris à i divers niveaux, ne m’ont donné que de très-faibles précipités. Je me hâte d’ajouter que la présence des coquilles ne peut m’avoir fait prendre le change â cé sujet, car les échantillons où elles étaient le plus nombreuses n’ont fait reconnaître en quelque sorte que des traces d’acide phosphorique. La plus grande proportion de cet acide semble coïncider avec la présence des grains verts et la compacité de la roche. Les nodules très-durs et sans grains verts sont, au contraire, les moins riches. Dans tous les cas, on peut recommander aux agriculteurs du pays d’employer de préférence J NOTE DK M. MEUGY. 551 la chaux provenant de ces calcaires pour le chaulage de leurs terres. Maintenant, quel est l’âge de ce terrain? Il repose sur le cal» caire à Hippurites et est recouvert par une craie glauconieuse exploitée comme pierre à bâtir et renfermant, entre autres fossiles : Ostrea auricularis , Rhynchonelles, Pentacrinites, Lima , Micraster brevis et Spondylus truncatus. A cette craie glauconieuse succèdent des calcaires plus friables, toujours avec grains verts, un calcaire bleuâtre à Sphérulites, puis des craies marneuses à silex avec Ostrea vesicularis et Matheroniana , puis enfin des craies jaunâtres avec Hippurites radiosus et autres rudistes. La faune du terrain qui nous occupe est différente de celle qui i caractérise par ses rudistes les couches turoniennes inférieures. Mais ce terrain se rapproche beaucoup, au point de vue minéra¬ logique, des couches glauconieuses qui recouvrent, dans le nord de la France, les cornus de Valenciennes et de Mons. Ainsi les craies micacées parsemées de grains verts des environs du Cateau me paraissent tout à fait analogues aux craies friables de même nature qu’on observe, à Périgueux, sur la rive gauche de l’Isîe. La présence des nodules phosphatés serait encore un caractère qui permettrait l’assimilation des deux terrains. Un fait générai qui m’a frappé, c’est l’analogie qui existe entre les couches crétacées du bassin pyrénéen et celles du bassin de Paris sous le rapport minéralogique, analogie qu’on ne reconnaît plus dans le bassin de la Méditerranée, ou au moins dans le dé¬ partement du Gard. Un second fait, qui a aussi sa valeur, c’est que nulle part, sur le terrain crétacé de la Dordogne, on ne rencontre des sols nus, arides et dépourvus de bois comme dans la Champagne. La cause en est que la craie blanche pure n’existe pas, et que pres¬ que partout les couches crayeuses sont de natures diverses et plus ou moins mêlées d’argiles, ce qui leur permet de retenir une cer¬ taine quantité d’eau à l’avantage de la végétation. Si la craie sénonienne existait dans la Dordogne, on se demande comment il se ferait qu’elle ne s’y présentât pas avec le caractère qu’on lui connaît aux environs de Paris, lorsqu’il y a tant de rap¬ ports minéralogiques, d’ailleurs, dans l’ensemble des couches cré¬ tacées des deux bassins. Je suis donc porté à penser que la craie blanche n’est pas re¬ présentée dans ce pays, mais que la craie glauconieuse, souvent phosphatée, placée à la partie tout à fait supérieure de l’étage nervien et qui n’a qu’une faible épaisseur dans le Nord, ou elle 552 SÉANCE DU 1er JUIN 1863. est connue sous le nom de tun , prend au contraire ici un grand développement. Cette opinion concorderait avec les indications de la carte géo¬ logique de la France, où l’on a compris dans la craie inférieure (C1) toutes les couches giauconieuses inférieures à la craie blanche proprement dite, et dont la plus élevée est celle qui surmonte les silex cornus de Valenciennes. Quoi qu’il en soit, j’ai jugé utile de signaler les craies phospha¬ tées des environs de Périgueux, parce qu’elles peuvent servir à établir un lien entre les terrains qui les renferment et ceux d’au¬ tres contrées, et aussi permettre de retrouver les mêmes nodules en d’autres points. Je vois signalée, par exemple, dans une note de M. l’abbé Bourgeois ( Bulletin de la Société géologique , 1862, p. 659 à 662), une craie noduleuse ou un calcaire compacte noduleux, caverneux, à la partie supérieure de la zone à Ammo¬ nites pcramplus et sous la zone à Spondylus truncatus , c’est-à-dire au même niveau géologique que les calcaires phosphatés de Péri¬ gueux. Or, il serait intéressant de rechercher si ces calcaires nodu¬ leux et plus ou moins glauconieux de la Touraine renferment aussi de l’acide phosphorique. Jusqu’ici, les nodules phosphatés ont été reconnus à plusieurs niveaux dans le terrain crétacé, savoir de haut en bas : 1° A la partie supérieure du système nervien ou à la base de la craie sénonienne (Bouvines, Annapes, près de Lille, tunnel de Perthes, près de Rethel, Rouen); 2° A la base des marnes crayeuses nerviennes (le Havre, Mon- thois, près de Vouziers, diverses localités dans le Nord) ; 3° Dans le greensand inférieur (Grand-Pré, près de Vouziers, et autres localités le long de l’affleurement des sables verts, Sasse- gnies, près de Berlaimont (Nord). Les plus élevés ne se distinguent pas aussi bien par leur teinte que ceux des autres niveaux ; mais ils présentent d’autant plus d’intérêt que, placés au milieu d’une roche ordinairement stérile, ils constituent un amendement précieux pour les terrains argileux, sablonneux ou humifères. M. Triger croit que M. Meugy a tort de placer sur l’horizon de la montagne Sainte-Catherine de Rouen la couche où il a trouvé le phosphate de chaux, car jamais cette couche ne s’étend aussi loin dans le sud. Le Secrétaire lit la note suivante de M. Coquand : NOTE DE M. COQUAND. 553 Du terrain jurassique de la Provence, et surtout des étages supérieurs de ce' terrain; par M. H. Coquard, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Marseille. Tous les géologues qui ont fait de la Provence l’objet de leurs éludes ont été frappés du caractère particulier qu’imprime à la physionomie de ses montagnes la majesté sauvage des calcaires chauves et blancs, qui sillonnent la contrée de rides parallèles à la direction des grandes Alpes, et qui, depuis le massif de Tende jus¬ que sur les bords du Rhône, se dessinent sous forme de grands escarpements au-dessus des vallées qu’elles circonscrivent. Comme exemples les plus frappants, à cause de la hauteur à laquelle on les voit s’élever, nous citerons le mont Ventoux, la chaîne de Sainte-Victoire au nord d’Aix, la chaîne de la Sainte-Heaume, les montagnes à stratification rubanée qui courent entre Digne et Barrême, et la chaîne qui, à partir des gorges d’Ollioules, s’étend jusqu’au-dessus de Nice, parallèlement au rivage de la Méditerra¬ née, en constituant les sommités de Pharon, de Coudon , et les grandes barres sous lesquelles les vallées littorales s'abritent contre les vents du nord. Dans les diverses cartes géologiques que l’on a publiées sur les départements qui constituent l’ancienne Provence, et dans les di¬ vers travaux rédigés sur la constitution géologique de cette pro¬ vince, ces calcaires sont généralement rattachés à l’horizon de la Chaîna ammonia et rangés, par conséquent, dans la formation néo¬ comienne. Le but de cette notice est de démontrer que cette opi¬ nion a été avancée à tort par des auteurs qui, trompés par le ca¬ ractère pétrogi aphique, ont confondu ces calcairesqui représentent les étages corallien, kimméridgien, portlandien et valangien, avec les calcaires à Chaîna ammonia , dont ils sont séparés par toute l’épaisseur des étages néocomien et barrêmien. Dans la notice que nous venons de publier tout récemment, nous croyons avoir démontré jusqu’à la dernière évidence que la forma- I tion basique est représentée dans toute la Provence par les quatre étages qu’on lui reconnaît dans le nord de la France. Le mémoire de M. Hébert sur ic terrain jurassique de celte contrée (1) a prouvé d’un autre côté que, dans la coupe de Soiiiès- Toucas à la chapelle Saint-Hubert, le bas supérieur à Ammonites primordial! s est surmonté de calcaires marneux contenant les (1) Bull, de la Soc. géol ., 2esér., t. XIX, p. 101. SÉANCE DU ieï JUIN 1863. 554 A. Humphriesianus, Sowerbyi, \di Myoconcha crassa , etc*, qui leur assignent le rang de i’ooiithe inférieure. Seulement, une particularité qui paraît avoir échappé à M. Hé- bert consiste en la présence, immédiatement au-dessus de cet ho¬ rizon, de quelques assises de calcaire d’une couleur rougeâtre très-prononcée, entièrement pétries d’articles d’Encrines et repré¬ sentant à ne pas en douter, et par leur position et par leurs fossiles, le fameux calcaire à Entroques de la Franche-Comté et de la Bour¬ gogne, lequel est placé, comme on lésait, entre les argiles à Ostre *• acuminata , et les bancs à Tcrebratula per o va lis et Belemnites gigan- teus. On peut en suivre un large développement surtout à la base des grands escarpements qui barrent l’horizon au nord de la ville de Cuers et que la carte de Cassini inscrit sous le nom de mon¬ tagne de Dau et de roc de la Font-Jouvenaut. La découverte de Y Ostrea acuminata recueillie dans deséboulis qui ont roulé sur l’oolithe inférieure tend à faire reconnaître que l’horizon dessiné par ce fossile est également représenté dans les environs de Toulon. L’oolithe inférieure supporte un peu plus haut d’autres calcaires un peu moins marneux, dans lesquels on recueille les Ammonites cliscus , poljmorphus et arbustigerus , espèces que M. Hébert consi¬ dère comme constituant la base de la grande ooîithe. Presque au pied de la grande barre, qui s’arrondit en cercle demi-circulaire au-dessus de Solliès-Toucas, les calcaires deviennent jaunâtres, plus solides, et ils contiennent des oolithes de grosseur moyenne, mal définies, et d’une teinte un peu plus foncée que la pâte dans laquelle elles sont emprisonnées; de plus, ils admettent de distance en distance quelques couches subordonnées de marnes argileuses qui renferment en très-grande quantité, outre de nom¬ breux polypiers, les Terebratula coarctata , Pavk., T. Jlabel/um, Sow., la Rhynchonella concinna , d’Orb., Y Ostrea costata, Sow, , et la légion de bryozoaires qui ont rendu célèbres les environs de Ranviile. On franchit la barre en recoupant la partie supérieure de ces mêmes calcaires oolithiques dans lesquels persistent des polypiers, et une fois parvenu sur les crêtes on voit se dresser devant soi de grands rochers nus, à surface profondément corrodée, formés de couches épaisses et noirâtres, dont un des pics les plus saillants supporte la chapelle ruinée de Saint-Hubert. Pour arriver au pied des escarpements on est obligé de descendre suivant un plan in¬ cliné représentant le plongement des couches, et la séparation entre ces escarpements et les assises les plus élevées du jurassique NOTE DE M. COQUAND. 555 inférieur est très-nettement indiquée par une dépression ouverte au milieu d’argiles jaunâtres et pendant vers l’ouest. Ces argiles, qui appartiennent à l’état keliovien , ainsi que l'a très-bien reconnu M. Hébert, contiennent une très-grande quan¬ tité de fossiles, parmi lesquels dominent les : Pholadomya carinata , Goldf. Cèromya clegans , d’Orb. Thracia Chaiwiniana , d’Orb. Lavignon ovalis , d’Orb, Pcc.ten de m issus Bean. Ho le dy pus s triât us , d’Orb. Ammonites Backèriœ. - — rnacrocephalus . — anceps. ïl est facile de faire une ample moisson dë ces fossiles en suivant les affleurements des assises argileuses qui frangent la base des es¬ carpements dont elles sont surmontées. Au-dessus de l’étage keliovien , qui me paraît devoir être rap¬ porté au keliovien ferrugineux de Montbizot dans la Sarthe, se développe un imposant système de dolomies disposées en bancs épais, de couleur grise ou brunâtre, jouissant de la propriété de se désagréger jusqu’à une certaine profondeur et de se convertir en un sable meuble dont chaque grain est un petit rhomboèdre de carbonate double de chaux et de magnésie. Les parties saines présentent dans la cassure Une structure gre¬ nue et cet aspect scintillant et gras à l’œil qui les fait ressemblée beaucoup à un grès. Aussi , trompé par cette apparence particu¬ lière, MAL Hébert et Jaubert ont écrit que les argiles kelloviennes étaient recouvertes par un puissant dépôt de grès qui n’est autre chose que les dolomies dont nous parlons ici. Le premier observa¬ teur reconnaît que ce système est encore une dépendance de l’ox- fordièn inférieur, et je suis de son avis, avec cette légère différence toutefois, que je crois qu’elle correspond aux assises à Ammonites Làmberti et hecticïis. Cela étant, il eût été fort surprenant que, lorsque dans toute la basse Provence l’oxfordien est presque con¬ stamment marneux ou calcaire, il eût été constitué par des grès dans les environs de Toulon. A part cette légère rectification, ôn voit que les divers étages de la formation jurassique se succèdent dans cette partie du midi de la France avec la régularité et dans l’Ordre qu’on lui a reconnus dans le Nord. Les différences ne consis¬ tant que dans de simples conditions d’épaisseur ou dans le faciès pé- trograpliiquè ne sauraient atteindre en aucune façon, dans ce qu’ils présentent de général, les caractères qui ressortent des faits si clai¬ rement établis au nom de la stratigraphie et de la paléontologie. Les dolomies oxfordiennes, que l’âpreté de leurs lignes termi¬ nales permet de séparer nettement des masses environnantes, sont 556 SÉANCE DU 1er JUIN 1863. recouvertes, dans la direction du nord-ouest, par des calcaires blancs, à cassure creuse, dont l’épaisseur dépasse 300 mètres , et qui, je le répète, forment dans la Provence un des horizons géolo¬ giques le plus accentué, mais aussi le plus difficile à définir exac¬ tement à cause de la rareté des corps organisés fossiles. Toute¬ fois, avant de poursuivre notre description, nous devons faire remarquer que le recouvrement n’est pas immédiat, mais qu’il s’interpose entre les dolomies et les calcaires un étage marneux, de couleur bleuâtre, qui correspond aux marnes oxfordiennes proprement dites, lesquelles se développent dans le quartier des Bessons, et de là jusqu’aux alentours de mont de Gautier, sur le chemin deTourris, et sont mieux encore représentées dans la vallée de Vauvenargues et de Rians, où Ton recueille abondam¬ ment les Ammonites biplex , tortisulcatus , Belemnites hastatus^e te. En effet, quand on descend le vallon creux ouvert entre les do¬ lomies et le revers septentrional de la barre formée par les cal¬ caires à Terebratula Jlabellum , et qu’à travers quelques sentiers pour les piétons on atteint le chemin charretier qui de la Poura- que conduit aux Bessons, on voit les dolomies de Saint-Hubert s’abaisser brusquement et venir buter par faille contre un étage argileux appartenant à l’oxfordien supérieur et les calcaires blancs supérieurs. Cette interruption brutale de la chaîne dolomitique et le changement radical dans la composition de la roche, chan¬ gement qui se manifeste au delà de la faille, deviennent pour le géologue habitué à parcourir les montagnes si tourmentées de la Provence des avertissements dont il doit tenir compte et qui l’obligent à voir les choses de très-près et à ne réclamer la sécurité dans ses jugements qu’à l’étude minutieuse de chaque couche. Pour constater surplace les dénivellations opérées par la faille, il n’y a qu’à remonter les escarpements, 200 mètres environ à Pest du chemin qui aboutit à une carrière de pierre dure ouverte au-dessous des Bessons. On y aperçoit très-distinctement le pla¬ cage des bancs dolomitiques contre des marnes bleuâtres, se déli¬ tant promptement au contact de l’air, et auxquelles succède un calcaire marneux disposé en couches minces et régulières, éta¬ blissant un passage ménagé entre les argiles et les grandes masses calcaires qui les oppriment. Ce nouveau système se prolonge sans interruption dans les crêtes montagneuses qui dominent à l’ouest le chemin de Tourris, et il forme le promontoire de Coudon re¬ marquable autant par sa masse imposante que par la blancheur et l’aridité de ses flancs. Aussi, jusqu’à Tourris, on marche alter¬ nativement sur les argiles et les calcaires marneux oxfordiens, ou NOTE DE M. COQUANDé 557 bien sur les dolomies qui les supportent, en laissant les calcaires blancs sur la droite. Les détails de la coupe précédente montrent avec la dernière évidence que la faille a eu pour résultat d’opérer l’affaissement des dolomies, puisque depuis la chapelle Saint-Hubert jusqu’aux alentours des Bessons elles dominent de plusieurs centaines de mètres le vallon kellovien et qu’au delà de l’accident elles sont remplacées au même niveau par un système qui leur est supérieur, comme on peut s’en assurer au-dessus de la fontaine de la Tourne, dans le quartier de la Galère par exemple, ainsi que sur tous les points où la succession des étages se montre normale et continue. Il est facile de procéder à une vérification de contrôle d’où ressorte cette vérité, en se dirigeant droit à l’est de Paranque, vers l’ancien prieuré de Valory, c’est-à-dire en recoupant les affleure¬ ments des couches suivant l’ordre descendant, et l’on ne tarde pas, après s’être affranchi des marnes oxfordiennes, à rencontrer les dolomies avec leur physionomie toute spéciale. Le diagramme suivant indique l’ordre des étages qui se succèdent depuis le niveau du Capau , près de Solliès-Toucas, j usqu’aux hauteurs des Sardouires, et qui représentent la série jurassique complète. iolliès-Toucas. Barre. Saint-Hubert. Sardouires. A — Marnes irisées. B — Lumachelle à Avicula contorla. C — Lias inférieur dolomitique. D — Lias moyeu à Peclen œquivalvis. E — Lias supérieur à Ammonites primordialis. F — Oolitbe inférieure à Ammonites Humpbriesianus. G — Grande oolithe à Ammonites arbustigerus, H — Calcaire à polypiers de Ranville. I — Calcaire marneux, kellovien, à Ammonites anceps. J — Dolomie oxfordienne. K — Oxfordien marneux. L — Oxfordien supérieur, calcaire à Ammonites plicatilis, M — Étage corallien. N — Étage kimméridgien. 0 — Dolomies portlandieunes. SÉANCE DU 1er JUIN 1863. 558 Comme les argiles bleues K et les calcaires marneux L contien¬ nent, entre autres fossiles', les Ammonites torlisulcatus , plicati- Us, etc., il va sans dire qu’ils représentent l’oxfordien supérieur et que, par conséquent, les 300 mètres de calcaires blancs M, N et O, qui les surmontent, et dont les escarpements de Coudon offrent un magnifique exemple, constituent essentiellement quel¬ que chose de supérieur à l’oxforclien. Or, je prétends établir que ce quelque chose représente à la fois les étages corallien , himmé - ridgien et portlanclien. Sans me prévaloir ici de quelques empreintes que M. Mathe- ron et moi nous avons remarquées dans les blocs roulés des som¬ mités que nous rencontrions près de la Pouraque, et dans les¬ quelles on peut affirmer l’existence de polypiers et de quelques bivalves ressemblant à des sections dei^/c• non pas au-dessous de cette couche. » Ces points n’ont pu être sérieusement discutés dans la séance même, à cause des sujets auxquels l’ordre du jour donnait la priorité. Je dois donc faire disparaître tous les doutes par un com¬ plément d’éclaircissements. I. — - Signes dynamiques de la ligne de séparation des deux étages du groupe. 1° La première assise de ce groupe est courte, et la seconde est très-longue; c’est l’indice d’une oscillation descendante. La troi¬ sième assise est un peu moins longue que la précédente, et la qua¬ trième est courte, principalement à son sommet; c’est l’indice d’une oscillation ascendante, complément de la première, cha¬ cune de ces oscillations partielles marquant un sous-étage, et toutes deux formant une oscillation complète qui embrasse et distingue l’étage néocomien tout entier. Les assises qui viennent ensuite reprennent plus de longueur que la dernière de l’étage néocomien; elles constituent l’étage aptien, qui est le second du groupe. Quoique les deux assises du milieu de l’étage néoeomien se suivent de près pour la longueur, la troisième n’a pas été remar¬ quée sur la seconde à Sancerre, Bué et Subligny (Cher), ni dans les nombreuses excavations de la rive gauche de la Loire ; et, tandis que la seconde conserve une épaisseur de 8 mètres à San- 576 SÉANCE BU 1er JUIN 1863. cerre, la troisième n’en a plus qu’une très-faible dans la berge droite de la Loire, en amont de Myennes (Nièvre), sa puissance décroissant plus rapidement au sud-ouest que celle de l’assise précédente. A son tour, la quatrième assise va moins loin que la troisième {Mèm., 2e sér., II, p. 24 et 223 ; — Bull., 2e sér., XIX, p. 184 ); et l’on se souvient que, dans l’Yonne et dans la Meuse, elle n’a pas été remarquée aussi loin que l’étage aptien (1). 2° Les couches courtes, moins dénudées latéralement que les longues qui les protégeaient en les dépassant, ont moins perdu de leur biseau littoral et des sinuosités marginales que devaient leur donner les anfractuosités de l’ancien rivage. Elles doivent dès lors présenter, dans leur affleurement, plus d’interruptions que les longues et plus de ces corps flottants qui s’échouaient principale¬ ment sur le rivage. Or, les couches 1 et ] 1 , la première et la der¬ nière de l’étage néocomien, qui sont les plus courtes de la zone d’affleurement, sont précisément plus interrompues et plus char¬ gées de fragments de lignite, épars ou localement agglomérés, que que toutes les autres de leur étage. La faune marine lève l’incertitude que pourrait laisser l’igno¬ rance des limites précises des biseaux extrêmes des couches avant la dénudation. En effet, dans la première assise, elle est restreinte en espèces, cantonnée et interrompue. Dans la seconde, elle est très-ample et très-variée, plus même que dans le reste du groupe. Dans la troisième, elle s’appauvrit. Dans la quatrième, elle dis¬ paraît. Elle reparaît, au contraire, avec un assez grand dévelop¬ pement, dans la couche n° 12, pour ne plus disparaître au delà comme elle l’avait fait en deçà. Ainsi et successivement, appari¬ tion, augmentation, diminution, puis disparition de la faune marine : c’est le premier étage ; retour et continuation de cette faune : c’est le second étage. Voilà des faits généraux, puisqu’on les a constatés dans toutes les parties connues du golfe parisien. Je n’ai fait que leur appliquer la méthode de classification ensei¬ gnée par M. Hébert, en y ajoutant, comme correctif complémen¬ taire, que, dans tout bassin qui a oscillé sur un de ses diamètres ou sur une ligne transversale, il faut prendre les maxima d’exhaus¬ sement d’un seul côté, attendu que, de l’autre côté, les effets se (4) Quand même une étude minutieuse de la faune des couches de Grandpré (Ardennes) porterait à penser que le minerai de fer de l’ar¬ rondissement de Vouziers se rapporterait plutôt au fer oolithique n° 4 4 qu’aux sables veris, dans lesquels on l’a placé, cette couche 4 4 reste¬ rait toujours courte et interrompue. NOTE DE M. CORNÜEL. 577 sont produits en sens inverse. Pour rester vraie et conserver sa va¬ leur, cette méthode exige que la couche n° 12 soit laissée en dehors de l’étage néocomien, parce que la faune marine prouve, par son re¬ tour dans cette couche, qu’elle est le premier résultat d’une seconde oscillation descendante. L’allure générale de cette faune aurait donc suffi, en grande partie, pour la division du groupe en étages, par imitation de ce qu’a fait M. Hébert pour le terrain jurassique du bassin de Paris, dans lequel l’eau douce n’a pas tracé de divisions. Je dis en grande partie, car la dernière assise néocomienne manque d’espèces marines, et sa composition minéralogique la faisait rapprocher du lower green sand supérieur d’Angleterre et éloigner du terrain néocomien de M. de fVJonlmollin. Aussi, sans sa faune fluvio- lacustre, elle n’aurait pas pu être placée, sans contestation, dans l’un plutôt que dans l’autre des deux étages du groupe. Sans cette faune particulière, on aurait pu supposer que le fer dissous dans les eaux avait détruit les êtres marins. Quoique ceux-ci, qui ont persisté jusqu’à la cessation subite de l’argile ostréenne, n’aient recouvert cette argile d’aucun banc pourri pour attester ce genre de destruction, et qu’il y ait, dans les couches 8 et 9 de différentes localités, des lits non ferrugineux aussi dépour¬ vus de fossiles océaniques que tout le surplus de l’assise, le doute aurait pu subsister. Avec la faune fluvio-lacustre, ce doute n’est pas possible, parce qu’elle prouve clairement que c’est bien un maximum d’exhaussement qui a éteint la vie marine sur le littoral. Cette dernière faune confirme donc les faits biologiques et strati- graphiques généraux ; elle les complète en faisant disparaître une cause d’incertitude ; et c’est ainsi qu’en augmentant leur valeur elle est par elle-même un fait capital. A la vérité, elle est locale, au moins d’après ce que l’on sait, quoiqu’elle sbit déjà connue, çà et là, sur une ligne de plus de huit lieues, à travers l’ancienne baie orientale du bassin. Elle est en cela comme toutes celles qui ne proviennent pas de lacs d’une grande étendue, ce qui ne l’empêche pas d’attester un maximum d’exhaussement. Et cet exhaussement n’a pas été simplement lo¬ cal, puisqu’il a déterminé la disparition complète des espèces marines, après leur diminution générale dans toute l’étendue des affleurements connus. Elle aurait encore la même valeur si l’on dé¬ couvrait quelques espèces marines avec elle ou à côté d’elle, car ces dernières ne seraient sans doute que littorales ou d’eau saumâtre. II. — Liaisons zoo logiques des deux étages. J’ai fait voir ailleurs que les espèces caractéristiques de chaque Soc . géol,t 2e série, tome XX. 37 578 SÉANCE DU let JUIN 1863. étage sont peu nombreuses. Par leur présence, par les associations qu’elles forment, ou par la prédominance de telle ou telle autre d’entre elles, elles permettent seulement de reconnaître les parties principales de l’étage auquel elles appartiennent ; mais elles sont insuffisantes pour déterminer la ligne ou le plan de contact des étages, surtout quand on ne s’attache qu’à une seule espèce. Je vais le prouver plus rigoureusement que je ne l’ai Fait; car, au lieu de restreindre ma démonstration aux espèces communes aux deux régions de bassin anglo-français, et de discuter des hypo¬ thèses contraires, je vais considérer cette fois toute la faune marine de l’ile de Wight de préférence à celle de la région française, parce qu’elle a sur celle-ci l’avantage de n’être pas interrompue au point de jonction des deux étages. Les assises I et II de l’île de Wight appartiennent incontesta¬ blement à l'étage néocomien, et les assises IV à XIV inclusivement à l’étage aptien. Entre ces deux parties est l’assise III (les crackers ), que j’ai dû attribuer à l’étage néocomien d’après le sens de l’os¬ cillation, quoique je l’aie dite mixte par ses caractères paléonto- logiques. Le tout contient 139 mollusques, tant céphalopodes et gastéropodes qu’acéphales et brachiopodes, d’après le tableau du docteur Fitton (1) sur lequel j’ai basé mes comparaisons; et, comme ce tableau les dénomme tous et indique les diverses places qu’ils occupent, je n’en donne ici que la répartition numérique : Assises I et II, Assise III, Assises IV à XIV, Totaux néocomiennes. mixte. aptiennes. partiels, 27 ... . » . . . . v . 27 * .... 30 ... . » . 30 (2) » .... » .... 48 . 48 47 .... » .... 47 47 (3) 4 8 .... 4 8 .... 4 8 . 4 8 44 .... 44 .... » . 44 0 .... 4 5 .... 4 5 . 4 5 Total: 76. Total: 77. Total: 68. Total général : 4 39. (4) N08 4 5 à 4 55 inclusivement, y comprise la petite liste supplé¬ mentaire, et excepté les nos 4 50 et 4 54 qui sont des bryozoaires. (2) Dans ces 30 espèces confinées dans l’assise III, il y a 3 cépha¬ lopodes et 4 2 gastéropodes, ensemble 4 5, tandis que 4 7 acéphales en sont exclus, ce qui prouve, d’une part, qu’à l’évolution normale de la faune se joint l’effet des changements de niveau, et, de l’autre, que, comme je l ai dit (2>«//., 2e sér., t. XVII, p. 764-765), l’accroisse¬ ment d’une classe se fait dans des conditions physiques qui tendent à l’appauvrissement d’une autre classe. ^3) Ces 17 espèces sont les acéphales exclus de l’assise III. HOTE DE M. COïtNUBL, 579 Sî Rassise III n’existait pas, i 'étage néocomien et l’étage aptien du groupe anglais auraient 35 espèces communes (17 -J- 18) ; mais ils se distingueraient nettement l’un de l’autre par 41 (27 -f* 14) qui resteraient propres au premier et par 33 (18 — f— 1 5) qui se¬ raient propres au second. Pour 35 caractères d’assimilation, il y aurait 41 plus 33 ou ensemble 74 caractères de séparation; de sorte que les étages seraient très-distincts. Mais l’assise III modifie les rapports des deux séries partielles entre lesquelles elle s’interpose, en réduisant leurs caractères de séparation à 65 espèces, dont 27 dans la première et 18 dans la seconde. Ces 65 qui lui restent étrangères, les 30 qui lui sont pro¬ pres, et les 17 autres qui lui manquent quoique ayant paru au- dessous et au-dessus d’elle, ne donnent à cette assise III que des caractères d’isolement, ne lui laissant que sa position stratigra- phique intermédiaire, et ne pouvant pas la faire rapporter à un étage plutôt qu’à l’autre. Il en est autrement quand on considère toutes celles de ses espèces qui ne lui appartiennent pas exclusi¬ vement et qui, au nombre de 67 (1 8 -j- 14 -f- 15), forment les || ou presque les § de sa propre faune. En effet, de ses 47 espèces com¬ munes, 18 -f- 16, soit |y ou un peu plus des §, la rendent néoco¬ mienne, et 18 -f- 15, soit || ou un peu plus des § aussi, la rendent aptienne au même degré, à une seule espèce près. Par consé¬ quent, sous le rapport paléontologique, l’assise III (les crackers) est rigoureusement mixte, la preuve mathématique en étant donnée par la discussion de toutes ses espèces comme par celle de ce qui lui est commun avec la région française du bassin total. Donc, la limite zooîogique des deux étages n est pas plus au-des¬ sous qu’au-dessus de cette assise. Cependant on ne la trouve pas non plus dans son intérieur quand on F y cherche avec le tableau du géologue anglais, par suite de la manière dont ses espèces sont distribuées dans les couches qui la composent; d’où il suit qu’au point de vue biologique l’étage néocomien et l’étage aptien se soudent intimement et n’ont pas de ligne de séparation. Ce qui est vrai pour un côté du bassin anglo-français ne peut pas ne pas l’être pour l’autre, ainsi que je l’ai d’abord prouvé par un autre mode de discussion. C’est, comme je l’ai dit, la consé» quence de Vanité de groupe , unité qui empêche les étages d’être zoologiquement indépendants. A la vérité, la couche rouge n° 12 de FE. n’est pas absolument mixte comme l’assise des crackers , car j’ai fait remarquer qu’elle est, par ses espèces, plus néocomienne qu’aptienne. Mais, si l’on 580 SÊÀNC2 DU 1er JUIN 186 S. examine l’assise XIV, qui est la plus haute des assises fossilifères de l’étage aptien de Wight, et dans laquelle il est survenu une petite affluence d’espèces, suivant l’expression du docteur Fitton, on voit que des 33 espèces de cette assise XïY, y compris le n° 155, 27, c’est-à-dire les sont néocomiennes; de sorte que, s’il n’y avait qu’elle de visible, on ne manquerait pas de dire que l’étage aptien n’existe pas dans l’île de Wight. Il n’est donc pas extraordinaire que l’aspect néocomien se continue dans le bas de l’étage aptien d’Angleterre. Quand on essayerait de placer l’assise IIÏ dans l’étage aptien an¬ glais, ce que rien ne justifierait, voici ce qui en résulterait. D’abord, ce serait appuyer la réunion que j’ai faite de la couche 12 de LE. à l’étage aptien, réunion qui se ferait cette fois par parallélisme et non par alternance. Ensuite, l’étage aptien anglais, qui aurait alors 112 espèces au lieu de 68, conserverait à une unité près, le même rapport numérique avec l’étage néocomien, car il aurait de com¬ mun avec celui-ci 4 9 espèces (17 -f* 18 —J— 14) au lieu de 50 (17 -f~ 1 8 — J— 1 5) qu’il a dans le classement que j’ai fait. Enfin, l’as¬ sise XIY serait mixte, car elle resterait encore néocomienne par 17 ou la moitié plus une de ses 33 espèces. Des assises mixtes peuvent d’ailleurs se produire à différents ni¬ veaux, comme conséquence de la non-indépendance zoologique des étages et du degré d’oscillation du sol. Je reviens, à ce propos, sur un exemple qu’en a trouvé M. d’Arcliiac dans un bassin diffé¬ rent du nôtre (Menu, 2e série, VI, p. 379 et suiv. et 419), exemple auquel j’ai déjà fait allusion. Ainsi, un concours d’espèces néoco¬ miennes et d’espèces aptiennes rend mixtes les couches sur les¬ quelles reposent les calcaires à Caprotines des Corbières, ce qui a empêché de déterminer l’âge précis de ces couches. Or , de deux choses l’une, ou ces couches mixtes sont aptiennes, et alors les calcaires à Caprotines des Corbières ne sont ni contemporains de ceux de la Provence, ni en alternance transgressive avec eux, ce qui est peu probable, puisqu’ils seraient séparés de ceux de la Provence au moins par l’étage aptien; ou bien les calcaires à Ca¬ protines des deux contrées sont synchroniques, comme M. d’Ar- chiac est porté à le croire, et, dans ce dernier cas, les couches mixtes des Corbières, qui se composent de deux parties principales, représenteraient les couches 5, 6 et 7 de la Haute-Marne et ce qui leur correspond dans File de Wight. L’état mixte, survenu plus tôt dans les Corbières que dans le bassin anglo-français , s’expli¬ querait par le sens et le degré des mouvements du sol , et aurait NOTE DE M. CORNUKL. 581 même des rapports moins éloignés avec la base du lower green sand marin de Wight qu’avec les couches 5, 6 et 7 du golfe pa¬ risien. Ainsi, il est évident que l'ensemble de la faune marine s’oppose à ce que l’on trace une limite zoologique entre les deux étages du groupe. Ce que l’on ne peut pas 'faire avec toutes les espèces est impossible avec le secours d’une seule. Le Toxaster oblongus, Ag. ( Heteraster oblongus , d’Orb.}, ne fait pas exception, les échino- dermes ayant subi les mêmes vicissitudes que les mollusques. Se fondant sur les observations de MM. Albin Gras, Pictet et Lory, Alcide d’Orbigny attribue ce fossile à la région supérieure de l’é¬ tage néocomien contenant les Caprotina Lonsdctlii et ammonia . De son côté, M. Renevier l’indique dans son étage rhodanien de la perte du Rhône, qu’il place plus haut que le calcaire à Capro- tines et au niveau de la couche rouge n° 12 de l’E., laquelle con¬ tient aussi cette espèce (Bull., 2e série, t. XII, p. 94). Or, puisque l’assise à Caprotines du Midi appartient au sommet de l’étage néo¬ comien et la couche rouge à la base de l’étage aptien , la consé¬ quence à en tirer est que le Toxaster oblongus est commun aux deux étages du grès vert inférieur. Ce n’est pas le seul exemple que l’on en ait. En ayant cité beaucoup dans ma notice, je ne rappellerai ici que les quatre suivants. Dans le bassin de la Seine, les Ammonites Deshayesi et Cornuelianus sont exclusivement de l’étage^ aptien. Cependant, la première de ces espèces appartient aux deux étages dans l'ile de Wight, et la seconde n’y a été trouvée que dans l’assise mixte que j’ai rapportée stratigraphiquement à l’étage néocomien. Réciproquement, Alcide d’Orbigny a cité, dans son Prodrome , comme propres à l’étage aptien, le genre Conoteu- this et le Nautilus plicatus, Sow. (TV. Requienianus , d’Orb.), tandis qu’ils sont communs aux deux étages du groupe, le N. plicatus ayant été rencontré dans l’argile ostréenne de la Haute-Marne et dans la couche n° 12 à Cheminon (Marne), le Conoteuthis Dupi - nianus dans l’argile à Plicatules n° 13, et un Conoteuthis d’une autre espèce dans l’argile ostréenne supérieure de Wassy. Au reste, le Toxaster oblongus n’a fait que suivre la loi com¬ mune en paraissant dans le haut de l’étage néocomien du midi, où la faune marine continuait son évolution, et en ne paraissant pas au sommet de l’étage néocomien du golfe parisien, où cette faune s’éloignait du littoral pour faire place à des espèces d’eau douce, puis en se montrant simultanément dans l’étage aptien de ce golfe et dans celui delà Suisse occidentale, qui sont tous deux exclusivement marins. 582 SÉANCB DU 1er JUIN 1868. Ainsi, les espèces caractéristiques d'un étage y dessinent des ni¬ veaux zoologiques dans les parties du bassin qui ont été soumises aux mêmes conditions physiques, mais elles n’indiquent pas la li¬ mite précise des étages, surtout quand on les considère isolément, parce que les niveaux semblables ou analogues ne sont pas tous contemporains, les balancements du sol ayant rendu la faune tan*» tôt alternante et tantôt partagée. Rien n’infirme donc les moyens que j’ai employés, et qui con¬ sistent à choisir un horizon très-uniforme et très-étendu, commun à tout le bassin et même à des bassins différents, à compter, en partant de là, les principales variations de longueur des affleure¬ ments, les modifications de la faune et les séries partielles de changements sédimentaires qui correspondent à ces modifications de la faune, sans s’arrêter aux différences de composition miné¬ ralogique qui ont affecté contemporainement des localités éloignées, et à faire du tout une échelle chronologique dont on trace les di¬ visions suivant le degré d’importance des faits constatés. III. — Assise du golfe parisien qui représente le calcaire h Caprotines du Midi . Que l’étage néocomien du bassin parisien soit complet ou non, cela importe peu pour la fixation de sa limite supérieure, car il n’en faut pas moins décider, dans un cas comme dans l’autre, si c’est par telle ou telle autre des couches existantes qu’il se ter¬ mine. Mais est-il réellement incomplet? Si ce mot signifie seulement que les Caprotines y manquent, le fait est exact. Les Caprotines ne pouvaient pas plus se développer que les autres espèces marines dans l’eau douce d’une embouchure ou d’un lac ou dans une la¬ gune. On ne sait pas si elles ont vécu vers le centre du golte, qui est inexplorable. Quoi qu’il en soit, si elles n’ont pas pullulé élans le bassin anglo-français, ce ne doit être que faute d’un sol ou d’un niveau convenable pour leur fixation , car elles n’y ont pas man¬ qué d’une manière absolue, puisque la Caprotina Lonsdalii , d’Orb. ( Diceras Lonsdalii , Sow,), a été trouvée dans le grès vert inférieur du Wiltshire. Personne ne conteste d’ailleurs que le calcaire à Ca¬ protines soit représenté dans le Jura et le Doubs; et cependant il n’y contient pas de Caprotines, quoique les circonstances géolo¬ giques y aient été moins défavorables à leur développement que dans le bassin de la Seine. Si le mot incomplet veut dire, au contraire, que le bassin pari- NOTE D£ M. CORNÜEL. 58S sien n’a aucun sédiment synchronique du calcaire à Gaprotines du midi, c’est ce qu’il est difficile de concéder. Alcide d’Orbigny et MM. d’Archiac et ïlenevier admettent que ce calcaire y a un équivalent, et ils ne diffèrent que sur la hauteur à laquelle il existe. Pour le premier de ces savants géologues, c’est l’argile ostréenne. Il en jugeait ainsi alors que l’assise qui est au-dessus, manquant de fossiles marins, ne montrait pas encore nettement la faune fluvio-lacustre qui la fait rentrer dans l’étage néocomien [Cours de géol. et de paléont. stratigr . , t. Il, p. 606 et 608). Pour M. d’Archiac, c’est tout le sous-étage néocomien supé¬ rieur (couches 7 à 11 inclusivement) sous la dénomination de second étage du groupe [Hist. des progr. de la, géol. , t. IV, p. 278, 482, 484, 487, 544, 568 et 573); enfin, pour M. Renevier, ce sont les couches 10 et 11 de ma coupe, ainsi qu’on peut le voir dans sa comparaison paléontologique du grès vert inférieur delà Haute-Marne avec celui de la Suisse occidentale (j Bull., 2e sér. , t. XIÎ, p. 89), comparaison très-intéressante à laquelle je renvoie pour ne pas l’affaiblir par une analyse. Il ne s’est pas prononcé sur les couches 8 et 9, parce qu’on n’y connaissait aucun fossile [Ibid., p. 94-95). Mais cette réserve ne doit plus être gardée ; car, outre les Unio que M. Hébert a trouvés à Sermaize (Marne) dans un des grès ferrugineux inférieurs à la couche 11, j’ai con¬ staté récemment l’existence du genre Unio dans un conglomérat de lignite à ciment argilo-sableux enclavé dans la couche 8 de cette dernière localité (1). Ainsi, d’après les comparaisons déjà faites, le calcaire à Capro- tines a un représentant dans le bassin parisien, et ce serait la der- (1) Je dois à l’obligeance de M. Pergant, secrétaire de !a Société des sciences naturelles de Vitrv-le-Français, d’avoir pu voir en place, débarrassé des éboulis fossilifères de l’étage aptien, le conglomérat charbonneux dont il m’avait, montré un specimen avec valve d 'Unio. Ce conglomérat, dont des morceaux ont été jetés dans le ruisseau de l’Allaume lors d’une première fouille, se trouve dans une des échan¬ crures de la berge droite de ce ruisseau, en aval de la fontaine miné¬ rale, à moins d’un mètre au-dessus du courant et bien au-dessous du niveau d’anciennes minières de fer oolithique. Dans le lit même du ruisseau, à son coude voisin du chemin qui descend à la fontaine, on voit émerger de dessous la couche 8, qui contient le conglomérat, un dernier alternat marno-calcaire de l’argile ostréenne n° 7, rempli de Corbis cordiformis , d’Orb. (C. corrugata, id., Prodr.). M. Tombeck a recueilli, aux abords de la fontaine, un cône de Pin dans un feuillet jaune ocreux inférieur à la couche 10. m 8ÊANCB DU 1er JUIN 1865. nière des quatre assises néocomiemies, d’après les rapprochements suivants : BASSIN PARISIEN. HAUTE-MARNE ET MEUSE. Groupe du gault. Etage aptien, avec la couche 12 à sa base. BASSIN MEDITERRANEEN. VALLEE DE N02ER0Y, DANS LE JURA SÀLINOIS (d’après M. J. Marcou). Vestiges du gault?. (d’après M. Escher du la Linth). HAUTE -COMBE, ENVIRONS DE CHAMBÉRY (d’après la Société géologique). (Gault en Provence). (Étage aptien eu Pro¬ vence). 11. Fer oolithique. 10. Sable etgrès ferru¬ gineux supérieurs. 9. Argile rose mar¬ brée. 8. Grès et sable pi¬ quetés. ,( 7. Argile oslréeuue. Calcaire blanc, ou pre¬ mière zone de ru- distes. Calcaire blanc jaun⬠tre, avec nombreux débris de fossiles dont quelques - uns rappellent la Capro- tina ammonia. Calcaire blanc avec des bivalves ( Caproti- nes?). Calcaire jaunâtre, avec des échinodermes. Calcaire blanc à Ca- protina ammonia. Calcaire à grains verts, avec alternatives , daus le haut, de min¬ ces couches de mar¬ ne gris bleuâtre ren¬ fermant souvent en abondance des dé¬ bris de fossiles tritu¬ rés et méconnais¬ sables. 6. Marne argileuse jaune. 5. Calcaire à Spatan- gues, et marne calcaire bleue. \i 4. Sable blanc. 3. Sable etgrèsferru- ginenx inférieurs. 2. Fer géodique. 1. Marne argileuse noirâtre (souvent sans fossiles du rè gne animal). Marnes très -fossilifè¬ res, plus ou moins sableuses, bleu gri sâtre , quelquefois jaunâtres, surtout à la partie supérieure ; avec quelques inter¬ positions de couches calcaréo-marneuses, surtout à la partie supérieure. Calcaire jauuâtre com¬ posé 47“. c. Craie grise dure . 4 4; 628 SÉANCE DU 15 JUIN 1863. 2° Craie marneuse à Inoceramus labia tus : Niveau inférieur (marnes) . Niveau supérieur (craie à silex noirs et à Rhynchonella Cuvieri . 35*' 75 4 3° Craie grise sans silex (Craie à Ammonites Prosperianus , craie de Touraine.) Il reste pour les assises supérieures 362 mètres, que les données du sondage ne permettent pas de diviser; mais, en attendant des observations plus précises, on peut être certain qu’en partageant ce chiffre en trois parties égales on ne s’éloignera pas beaucoup de la vérité. Ces épaisseurs paraissent également convenir à la craie du sud- est du bassin de Paris. A Saint-Florentin la craie de Rouen a environ 40 mètres d’après mes observations, etM. Raulin attribue à ses craies moyenne et supérieure qui comprennent tout ce qui est au-dessus de la craie de Rouen une puissance de 300 mètres; .chiffre que je crois trop faible. Les épaisseurs de chaque assise, aussi bien que leurs extensions, varient dans les diverses parties du bassin de Paris, et, bien que les documents manquent encore pour établir ces variations d’une manière complète, on peut tirer de ce qui est connu des indica¬ tions générales, qui ne seront pas sans intérêt. 1° La craie de Rouen atteint son maximum d’épaisseur (60m,?) au nord-ouest, vers l'embouchure de la Seine. Elle s’étend, comme on sait, sur une partie de la Normandie et dans le Perche, sans presque changer de caractères. Dans la Sarthe, elle devient plus arénacée et correspond aux assises inférieures aux grès à Orbitolites, à Anorthopygus orbicularis , Codiopsis dama, etc. (2). Ces dernières assises, dont la gare du Mans montre les couches les plus élevées, pourraient même être rapportées à la craie de Rouen, dont elles constitueraient la partie supérieure. Je persiste à considérer comme plus récent que la craie de Rouen tout ce qui es£ au-dessus, quel que soit le nombre des fossiles communs aux deux horizons, (1) C’est avec beaucoup de réserve que je donne ce chitïre, beau¬ coup plus élevé que dans les affleurements du nord ; mais dans le sud (Yonne) la craie à Inoceramus labiatus me parait plus puissante. (2) Les grès à Orbitolites concava , Anorthopygus orbicularis , Co¬ diopsis cloma , etc., si riches en échinides, constituent un horizon très-remarquable et très-constant, que j’ai observé avec soin dans lo nord de l'Aquitaine, vers Rochefort, Fouras, etc , et dans le midi de la France. Le lit à Échinides occupe la partie supérieure et presque la surface du grès à Orbitolites. Pa.ns l'Aquitaine ces couches sont di- NOTE DE M. ÜÉBfiRT. 629 fossiles d’ailleurs extrêmement rares et dont la réunion est le résultat des recherches assidues de collecteurs très-habiles pen¬ dant des années entières. Bien que les couches à Orbitolites se retrouvent de l’autre côté de la Vendée, il ne paraît pas qu’il y ait eu communication directe entre l’Aquitaine et le Maine. La mer de la craie de Rouen au¬ rait alors formé un golfe complètement fermé dans le bassin de Paris. 2° Les grès du Maine qui s’étendent dans le Perche et la Tou¬ raine, que l’on retrouve au sud à Chatellerault, à Vierzon, man¬ quent à l’est de la haute Loire et dans tout le nord du bassin de Paris. Ces contrées étaient alors émergées et la mer pénétrait par¬ la vallée de la basse Loire dans la partie qu’elle occupait au sud- ouest du bassin. 11 résulte de là que, postérieurement au dépôt de la craie de Rouen, un mouvement général du sol a émergé le nord-est du bassin de Paris jusqu’à une ligne tirée de Sancerre à Mortagne, sauf les irrégularités de la dépression centrale, et immergé la vallée de la Loire au-dessous d’Angers. 3° La craie à Inoceramus labiatus recouvre, soit la craie de Rouen dans le N. E. , soit les grès du Maine au S. O., mais au N. O. elle a laissé à découvert et définitivement émergées, pour tout le reste de la période crétacée, les régions situées à l’ouest d’une ligne tirée du Havre à Mortagne. Elle conserve partout, d’une façon remarquable, des caractères constants, et, comme son épaisseur n’est nulle part, sauf peut-être dans le S.E., bien consi¬ dérable, elle indique que le bassin tout entier, mais un peu réduit au N. O., a été à cette époque recouvert par des eaux parfaitement uniformes; cela suppose un nouvel affaissement au N. E., le S. O, restant d’ailleurs immergé. 4° La craie de Touraine s’est déposée par-dessus la craie à Ino¬ ceramus labiatus. Les sédimeuts plus sableux, micacés, dont elle rectement recouvertes par les calcaires à Ichthyosarcolithes infé¬ rieurs, et en Provence par des grès à Ostrea columba , qui correspondent aux grès du Maine , déduction faite des grès de Ballon et des couches inférieures. De part et d’autre il y a une séparation assez tranchée au-dessus des couches à Orbitolites concava ; et, comme en Provence, ces couches renferment exactement la faune de Rouen et qu’elles sont comprises, ainsi que dans le bassin de Paris, entre les argiles à Ostrea vesxculosa , Sow. , et les grès à Ostrea columba , je suis disposé à les rattacher à la craie de Rouen. 630 SÉANCE DU 15 JUIN 1863. se compose, les nombreux lits de fossiles différents qu’elle ren¬ ferme sur une épaisseur qui n’a pas moins de 80 mètres dans certains points, l’absence de cette craie dans les régions où les grès du Maine ne se montrent pas, tout indique un nouvel état de choses, bien distinct de celui qui a précédé. En admettant que le banc de craie compacte à Ammonites deFécamp et des Àndelys, qui n’a que quelques décimètres dans ces deux localités, qui, dans tous les cas, ne saurait dépasser quelques mètres, doive être rapporté à la craie de Touraine, soit à la partie inférieure (craie de Bourré) en raison de l’analogie de Y Ammonites Prosperianas avec le jeune de Y A. peramplus , soit à la partie supérieure (craie de Ville- dieu) en raison de Y Holaster planus, si voisin de Y H. subplanus , Cotteau, de Villedieu, il n’en est pas moins vrai que ce ne serait qu’un représentant tout à fait rudimentaire, et que le nord-est du bassin de Paris a dù être, à cette époque, comme à l’époque des grès du Maine, émergé pendant un temps très-long. 5° La craie à Micraster cor-testudinarium , très-dé veloppée au nord du bassin de Paris et dans l’est, est à peu près limitée vers l’ouest par une ligne tirée du Havre à Blois. Elle s’arrête donc bien en deçà de l’assise précédente au S. O. et de la craie de Rouen au N. ü. 11 y a donc encore eu un mouvement oscillatoire qui, émergeant la partie occidentale, immergeait le nord et l’est. Il est à remarquer que ces phénomènes d’émersion ou d’immer¬ sion constituent, depuis le commencement des dépôts crayeux, un mouvement presque régulier de bascule autour d’une char¬ nière dirigée S. E., N. O. ; toutefois, il ne faut pas donner à cette charnière une rectitude mathématique, ni même une direction tout à fait invariable. 6° Au moment où commence la craie à Micraster cor-anguinumt la mer occupe dans le bassin de Paris une étendue moindre qu’à l’époque précédente ; le mouvement de retrait est bien marqué tout autour du bassin, et rien n’indique jusqu’ici qu’il le soit plus dans une direction que dans une autre. Il en résulte que le nord de la France a été soumis à un mouvement général d’exhaussement après le dépôt de la craie à M. cor-testudinarium. 7° Le même phénomène se représente, et d’une manière bien plus considérable, après le dépôt de la craie à M. cor-anguinum ; car la craie à Bélemnites est limitée par une ligne qui, partant d’Amiens, vient toucher le pays de Bray, un peu à d’ouest de Beauvais, contourne la pointe de cette région, passe un peu au nord de Gisors, pour, de là, se diriger presque directement sur Nemours, coupe l’Yonne un peu au-dessus de Sens, la Seine vers NOTE DE M. DE MERCEY . <531 Méry, la Marne au-dessous de Châlons, et, contournant à distance le bord du terrain tertiaire, vient sortir du bassin de Paris vers Saint-Quentin. On sait, et je me suis attaché à le montrer il y a déjà longtemps, que ce mouvement d’exhaussement a continué après le dépôt de la craie à Bélemnites, et même après celui de la craie supérieure. Telles sont les principales données que nous fournit l’étude de la craie, considérée dans ses grandes parties ou assises, carac¬ térisées chacune par une faune spéciale, et par une extension dif¬ férente. Les limites de ces assises, aussi bien que les phénomènes d’émersion auxquels ces limites sont subordonnées, sont accusées par ces bancs de craie dure, compacte, noduleuse, à surface sou¬ vent percée de tubulures (i ). Il a fallu pour cela une émersion de la craie, une exposition à l’air, un remaniement par des eaux basses; en un mot, ces lignes de démarcation présentent tous les carac¬ tères de rivages, et elles sont souvent accompagnées de conglo¬ mérats. Les côtes de la Manche mettent ces phénomènes dans une par¬ faite évidence, mais je ne doute pas, et j’en ai donné des exemples, qu’ils ne se retrouvent dans les autres parties du bassin de Paris. Les géologues qui s’occupent de la craie, et qui s’attacheront à les rechercher et à les constater, verront bien vite les résultats de leurs études gagner en netteté et en précision, et ils arriveront à déter¬ miner avec exactitude, entre les diverses parties de la masse crayeuse, ces limites que n’ont pu donner les cartes les plus récentes et les mieux exécutées. M. N. de Mercey fait la communication suivante : Note sur la craie dans le nord de la France ; par M. N. de Mercey. Dans les pages qui précèdent, M. Hébert a divisé en plusieurs niveaux caractérisés par des fossiles spéciaux la masse de craie appelée jusqu’à présent craie marneuse et craie blanche. Ces niveaux, pour la description desquels nous renvoyons à ce travail, sont les suivants : (1) Mais la réciproque ne serait pas vraie; et toutes les fois qu’il existera une semblable ligne de démarcation , il ne s’ensuit pas qu’on ait affaire à l’une des limites des grandes assises considérées dans ce travail. 632 SÉANCE DU 15 JUIN 1863. I Craie à BdcmnitcAla mucronata d’Orb. (craie de Meu- don) (1). Craie à Belenmitella mucronata. d'Orb., et à B. qua- drata , d’Orb. Craie Ivraie & Micraster cor-angui/ium, Agass. /Craie à Micraster cor-testudinarium , Goldf. marneuse. |£raj0 ^ Jnoccramus labiatus , Brong. M. Hébert a montré, par une coupe qui, parlant du pays de Bray, traverse la ligne de partage des bassins de l’Oise et de la Somme, que la constatation précise de ces niveaux permettait de reconnaître les plis presque toujours peu accusés que présente la craie au nord, aussi bien qu’au sud du pays de Bray. Déjà Graves, dans sa Description gèognostique de l'Oise, pla¬ çait un relèvement de la craie entre l’Oise et la Somme. Mais Graves s’était fondé sur un caractère minéralogique trompeur. Il constatait la présence d’une craie dure et noduleuse entre l’Oise et la Somme, sur beaucoup de points jusqu’à Compiègne. Il avait cru reconnaître là un des niveaux inférieurs de la craie, sa craie noduleuse (craie à Micraster cor-testudinarium) . Cette craie dure s’élève à Margny, en face de Compiègne, à une assez grande hauteur au-dessus de l’Oise et de la ville qui est bâtie sur une craie très-blanche et très-tendre. Graves, comme M. Elie de Beaumont, probablement pour la même raison (2), avait vu là l’indice d’un relèvement très-prononcé. Nous avons pu nous assurer qu’à Margny la craie dure était dans le niveau à Belcmnitclla quadrata et B . mucronata et reposant sur la craie blanche et tendre à Micraster cor-anguinutn qui lui est toujours inférieure. Le calcaire noduleux auquel Graves rapportait cette craie doit exister à plus de 100 mètres au-dessous du niveau de l’Oise (3). Si l’on peut arriver à constater entre l’Oise et la Somme un relèvement certain, ce n’est que par la présence du Micraster cor-anguinum qui se trouve d’une manière continue sur la ligne (1) Nous n'avons pas à nous occuper dans cette note de la craie de Meudon. (2) Mémoires de la Soc. géol. de France , 1 re sér., t. V, p. 317. (3) La craie à Micraster cor-an guinum , à peine visible à la base de la colline de Margny à environ 60 mètres, s’observe sur la route d’Amiens, à la descente qui termine le plateau séparant la vallée de l’Oise de celle de l’Aronde, à Baugy, depuis 55 mètres jusqu’à 70 mètres d’altitude. ROTE DE M. DE MERCK Y. 633 de faîte entre l’Oise et la Somme, de Grandvilliers (Oise) à Saint- Just (Oise). La craie magnésienne de Beynes appartiendrait peut-être à ce niveau; mais nous n’avons pu encore en avoir la preuve certaine. Depuis longtemps déjà M. d’Archiac a fait connaître l’existence dans la craie blanche de l’Aisne de bancs magnésiens jaunes et durs. Plusieurs des points du département de la Somme, où M. Buteux indique de la craie mai moresce'nte, offrent une craie analogue. Dans l’Oise aussi Graves a signalé l’existence d’une craie très-magnésienne dans plusieurs points, Bimont, etc., etc. Nous avons pu reconnaître que ces craies plus ou moins dures et magnésiennes, renfermant quelquefois 20 pour 100 de magné¬ sie, se présentent tantôt dans le niveau à Micvastcr cor-anguinum et tantôt dans le niveau immédiatement supérieur à Belemnitclla quadrata et B. mucronata. Si l’on part d’Herchies (Oise), sur la rive droite de la vallée du Thérain, vers laquelle plongent les couches relevées de la craie qui borde le pays de Bray, et que l’on passe par Houssoy-le-Farcy, Coizeaux, le Plessier-sur-Bulles, Saint-André-Farivillers, Bimont près Breteuil, Domeliers, on retrouve dans tous ces points une craie très-magnésienne, jaune, dure et toujours dans le niveau à Micraster cor-anguinum. La même craie paraîtrait se retrouver dans les vallées d’Aré et de l’Aronde ; mais, en approchant de Compiègne et particulièrement à Alargny, ainsi que nous l’avons dit, la craie dure est dans le niveau de la craie à Belcmnitella quadrata et B. mucronata . Ces craies magnésiennes ne paraissent pas exister dans le niveau à Bélemniteiles des environs de Montdidier (Somme) visible dans les vallées du Dom et de l’Avre, ni dans le niveau à Micraster cor - anguinum dont le contact avec la craie à Bélemniteiles peut être observé au Hamel, près de Pierrepont (Somme). La craie magnésienne reparaît dans le niveau à Micraster cor-an¬ guinum à Caix (Somme), au contact du niveau à Bélemniteiles et dans la même position au sud de Péronne, à Villers-Carbonnel. La craie magnésienne se retrouve dans le niveau à Bélemniteiles à Nesle et à Ham (Somme). On voit que ces accidents magnésiens apparaissent toujours dans des régions voisines du point de contact des deux niveaux à Micras¬ ter cor^anguiniun et à Bélemniteiles. On peut les attribuer à des sources magnésiennes qui ont apparu après le dépôt de la craie à Micraster cor-anguinum et l’ont fortement pénétrée (craie très-ma¬ gnésienne de Bimont, etc.). SÉANCE DU 15 JUIN 1863. 634 On reconnaît surtout dans cette localité la disposition et les effets d’une source thermale. La colline de Bimont forme une éminence ovalaire et au-dessus de laquelle on voit s’élever au nord et à l’ouest la craie blanche à Micraster cor-angitinum. Les bords de la colline sont formés d’une craie sans silex assez dure , dans laquelle nous avons trouvé le Micraster cor-anguinum , et dont les bancs plongent assez régulièrement vers un point central. En ap¬ prochant du centre de la colline, on voit, dans les carrières qui y sont creusées, la craie passer à l’état de calcaire magnésien très-dur, jaune et légèrement spathique. Les bancs de ce calcaire dur sont de plus en plus comme corro¬ dés entre les joints de stratification remplis d’une terre dolomi- tique sableuse, jaune, et qui finit par former au centre de la colline une masse épaisse et étendue dans laquelle sont disséminés de nombreux rognons de ce calcaire très-dur. Cette terre remplit plusieurs cheminées dont la profondeur est inconnue et dans le voisinage desquelles les phénomènes que nous venons de décrire ont été produits avec le plus d’intensité (1). Ces sources auraient aussi pénétré, mais avec moins d’intensité, les premiers dépôts de la craie à Bélemnitelles (Margny, Ham). Ces résultats nous paraissent concorder avec ce que M. Hébert enseigne sur la circonscription de la mer de la craie à Bélemni¬ telles à laquelle il donne dans ces régions des limites beaucoup plus restreintes qu’aux mers des craies inférieures. Ces sources ma¬ gnésiennes se seraient produites en des points peu éloignés des rivages et paraîtraient manquer dans l’espace où le golfe devenait plus profond (environs de Montdidier). Deux autres faits, que nous ne ferons qu’indiquer sommaire¬ ment, paraissent aussi répondre à la manière de voir de M. Hé» bert. Nous croyons avoir reconnu deux points qui paraissent avoir dû (1) La craie à Micraster cor-testudinarium offre généralement dans sa partie inférieure des bancs d’une craie plus ou moins dure (craie noduleuse) et dont M. Hébert attribue l’endurcissement à des arrêts dans la sédimentation* Nous avons observé dans ce niveau, sur la rive droite de la vallée de la Noyé, à Chirmont (Somme), quelques ro¬ chers d’une craie très-dure, jaune, spathique, contenant une forte proportion de magnésie et identique par tous ses caractères physiques et chimiques avec la craie magnésienne de Bimont. Nous serions disposé à voir là les traces les plus profondes que nous ayons pu observer des effets de ces sources magnésiennes, qui ne se laissent voir ordinaire¬ ment que dans les niveaux supérieurs. NOTE DE M„ DE MERCEY. 635 être très-peu profonds au commencement du dépôt de la craie à Bélemnitelles. L’un de ces points est à Hardivilliers, près de Breteuil (Oise). Déjà Graves y avait signalé, dans une craie grise et granuleuse, une prodigieuse abondance de Belemnitella quadrata . Il faisait reposer cette craie grise sur la craie noduleuse (craie à Micraster cor - tesludinarium ). Nous avons constaté que cette craie noduleuse n’était autre que la partie supérieure de la craie à Micraster cor-cinguinum. La sur¬ face de cette craie, quelquefois percée par des pholades, est recou¬ verte d’un enduit brun nacré. La craie est endurcie et très-com¬ pacte jusqu’à une profondeur qui paraît atteindre plusieurs mètres; de nombreuses tubulures y pénètrent profondément. Entre Breteuil (craie à Micraster cor-testudinarium inférieure) et le point où la craie à M. cor-anguinurn disparaît sous la craie à Bélemnitelles, dans la grande carrière d’Hardivilliers, l’épaisseur de la craie doit atteindre au moins 100 mètres. La différence d’altitude entre ces deux points n’étant que d’environ 40 mètres, les couches plongent vers l’ouest sur une étendue d’environ 4 kilomè¬ tres d’au moins 60 mètres. Ce plongeaient est des plus apparents et probablement a son maximum dans la grande carrière d’Hardi¬ villiers, où il dépasse 5 centimètres par mètre. La craie grise et granuleuse à Bélemnitelles (1), passant bientôt dans le haut à une craie blanche avec silex laminiformes et digitiformes, repose en ce point en stratification très- discordante sur cette craie à Micras¬ ter cor-anguinurn endurcie, tubulée et formant le dernier niveau de la craie marneuse. Cet endurcissement de la craie sous-jacente ne paraît pas s’étendre loin et l’on observe rarement un plongeaient aussi appa¬ rent. Nous avons pu cependant, d’après les caractères paléonto- logiques, nous assurer que la craie à Bélemnitelles d’Hardivilliers formait un lambeau circonscrit à l’E., au N. et à l’O. par la craie à Micraster cor-anguinurn qui s’élève jusqu’à la ligne de faîte entre l’Oise et la Somme. Ce lambeau incline vers le bassin de la Somme et est compris au S. entre le pli qui sépare l’Oise de la (1) Graves n'avait trouvé là que la Belemnitella quadrata; mais nous avons reconnu que la B. mucronata n’y est pas rare et commence dès la base du dépôt. Si dans quelques parties de la région que nous étudions la B . mucronata est plus rare que la B. quadrata , elle existe cependant toujours, et dès la base du dépôt de la craie à Bélemni¬ telles. 636 SÉANCE DU 15 JUIN 1863. Somme, et à l’£. et à l’O. entre deux plis passant l’un par Breteuil et l’autre par Domeliers. Ces plis, perpendiculaires au premier, paraissent n’en être que des expansions latérales; à Domeliers et à Bimont, près de Breteuil, les sources magnésiennes sont placées dans le voisinage des parties les plus saillantes de chacun de ces plis. L’autre point dont nous avons à parler est à Beauval près Doullens (Somme). Depuis longtemps M. Buteux (1) y avait trouvé des Béiemnites « dans une craie phosphatée, sableuse et ensuite » plus dure à mesure qu’on descendait. » Nous avons reconnu la parfaite identité de la craie sableuse de Beauval avec celle d’Hardivilliers, ainsi que la présence à Beauval comme dépôt sous-jacent de la craie à Micraster cor-cin guinum , sur laquelle la craie à Bélemnitelles paraît reposer en stratification discordante. Ces deux localités, séparées par une distance de 54 kilomètres et isolées toutes deux du reste de la masse de la craie à Bélemnitelles, offrent donc des caractères complètement identiques. Nous allons ajouter quelques mots sur la direction générale des ondulations de la craie entre l’Escaut, l’Oise et la Seine. Dans l’explication de la carte géologique de la France, M. Elie de Beaumont fait observer que les points, où par suite de l’enfon¬ cement graduel des dépôts jurassiques il a du s’opérer un gonfle¬ ment latéral, doivent être placés sur les lignes où l’écorce terrestre présentait le moins de résistance, par exemple, sur les lignes qui avaient été des axes de soulèvement antérieurs au dépôt du terrain jurassique. L’axe de soulèvement du système du Thuringerwald et du Morvan, s’étendant de Domptail au pied des Vosges à Ferques dans le Boulonnais, était éminemment propre à subir pendant le dépôt du terrain jurassique dans le bassin de Paris un bombement graduel. Aussi M. Elie de Beaumont prouve-t-il par le résultat des son¬ dages, que du Boulonnais à l’Ardenne la limite du bassin juras¬ sique ne doit s’écarter que fort peu d’une ligne qui, partant d’Hardhingen dans le Boulonnais, passerait un peu au nord de Bapaume pour aller aboutir, après une légère inflexion, vers Hirson dans i’Ardenne. Cette ligne se confond avec l’axe de sou¬ lèvement du système du Thuringerwald. Cette ligne a été appelée par M. d’Archiac, dans ses considéra- (1) Esquisse géologique clu département de la Somme , p. 25. NOTE DE M. DE MERCEY . 037 tions sur les niveaux de la craie inférieurs à ceux qui nous occupent, ligne de l’Artois (1). Sur le côté opposé et extrême du bassin, la ligne de Bayeux à Sées offre aussi une direction parallèle à celle des axes de soulève¬ ment des systèmes du Thuringerwald et du Morvan. C’est la ligne du Merlerault de M. d’Archiac. Peut-être s’est-il établi sur une ligne peu différente un second axe de flexion pénétrant dans le bassin parisien un peu au midi de Mamers et se dirigeant de là vers l’E. A0° S. C’est peut-être à son influence qu’est du le peu de développement qu’ont pris dans toute cette partie les couches jurassiques supérieures. Ce bombe¬ ment s’est peut-être continué suivant cette ligne pendant toute la période des dépôts crétacés, et même des terrains tertiaires infé¬ rieurs, comme le font voir les travaux de M. d’Archiac et surtout la coupe que M. Hébert a donnée à travers les collines du Perche de Souancé à Senonches et qui montre une série de plissements de la craie dirigés vers l’E. AO 0 S (2). M. Elie de Beaumont pense aussi que, le soulèvement dont les déchirures ont été l’origine de la dénudation du pays de Bray tout en étant beaucoup plus récent que le système du Thuringerwald et du Morvan auquel il a rapporté l'émersion des deux rivages du détroit jurassique, on peut cependant y reconnaître plusieurs séries de dislocations et croire que son allongement de l’E. A0° S. à 10. A0° N. est dû au moins en partie à l’influence d’accidents stratigraphiques souterrains cachés par le terrain jurassique et ap¬ partenant réellement au système du Thuringerwald et du Morvan. M. Elie de Beaumont ajoute que ces bombements ont pu se continuer pendant la période des terrains crétacés. Nous allons essayer de démontrer par la constatation précise des altitudes très-diverses où l’on peut observer un même niveau de la craie, que le plissement du Boulonnais se prolonge jusqu’à l’Ardenne, et qu’entre le Boulonnais et la Seine il y a, outre le pli du pays de Bray, au moins trois autres plis saillants. Nous nous occuperons d’abord du pli dont la direction générale se confond avec celle du plissement des terrains primaires déjà signalée par MM. Elie de Beaumont et du Souich. Si l’on se dirige d’Hirson (Aisne), au pied de l’Ardenne, vers (1) Mêm . , 2esér., t. II, p. 116 et 117 et pl. I, fig. 1 ; ffist. des progrès de la géologie , t. II, t. IV et t. VI. (2) Bulletin de la Société géologique de France , 2e sér., t. XIX, p. 445 et suivantes. 638 SÉANCE DU 15 JUIN 1863. Guise (Aisne), on voit les couches inférieures du terrain crétacé plonger sous la craie qui les recouvre à Guise. Vers le Catelet (Aisne), on a teinté sur la carte de la France plu¬ sieurs affleurements des grès verts supérieurs; mais nous avons constaté que le dépôt qui avait été probablement pris pour de la craie glauconieuse, en raison des grains verdâtres dont sont parse¬ més plusieurs bancs de craie plus ou moins dure, n’est autre chose que la partie inférieure de la craie à Micraster cor-testudinarium (la craie noduleuse). Ce niveau, dont la base n’est même pas visible, est séparé de la craie glauconieuse par la craie à Inoceramus labia - tus dont l’épaisseur en ce point dépasse peut-être ùO mètres. Si, du Catelet, on suit la ligne de partage des deux versants de la Manche et de la mer du Nord, ligne qui se confond avec la crête qui a servi de limite au terrain jurassique et au terrain crétacé inférieur, comme l’a montré M. d’Archiac, on est, au-dessous des terrains tertiaires et alluviens, d’abord sur les bancs supérieurs de la craie à Micraster cor-testudinarium [Bapaume, (Nord)], puis sur les bancs moyens [Saint-Fol (Pas-de-Calais)]. On arrive enfin, en s’approchant du Boulonnais, sur le contact de ce niveau avec la craie à Inoceramus labiatus [Fruges, Hucqueliers (Pas-de-Calais)]. La craie glauconieuse, reposant sur les terrains primaires, est visible à l'origine de presque toutes les vallées dont les eaux cou¬ lent vers la mer du Nord, comme l’a montré M. du Souich. Les couches qui forment la bordure extérieure du Boulonnais montrent, par suite du relèvement brusque de ceüejrégion, la craie à Micraster cor-testudinarium à des hauteurs assez grandes. Si l’on s’écarte au nord-est ou au sud-ouest de la ligne de partage des eaux des deux versants, il est facile de s’assurer que les diffé¬ rentes couches de la craie plongent rapidement dans l’une ou l’autre direction. Au cap Blanc-Nez, Al. Hébert a observé un plon¬ geaient très-rapide vers le nord-est des couches de la craie glau¬ conieuse et des niveaux, à Inoceramus labiatus et à Micraster cor- testudinarium. Nous avons observé un plongement aussi prononcé de l’autre côté du Boulonnais, entre Dannes et Etaples, où, dans l’espace de 8 kilomètres et depuis une altitude au-dessus de la mer d’environ 60 mètres, et à laquelle affleure la craie glauco¬ nieuse, on passe successivement sur les niveaux à Inoceramus labiatus , à Micraster cor-testudinarium , pour arriver à Etaples, à quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer dans la craie à M. cor-anguinum. On observe, par suite d’un plongement semblable vers le S. O., la craie à M. cor-testudinarium à Montreuil, Hesdin, Frevent (Pas-de-Calais). NOTE DE M, DE MERCEY . 689 Vers le N. E., la craie plonge vers Arras, craie à Micraster cor- testudinarium , et, surtout vers Douai et vers Cambrai , craie à Micras¬ ter cor-anguinum (1). Nous venons de montrer que les couches de la craie plongent régu¬ lièrement à droite et à gauche d’une ligne qui se confond avec la ligne de partage des deux versants de la Manche et de la mer du Nord. Vers le N. E. la craie disparaît bientôt sous les terrains ter¬ tiaires ; mais vers le S. O. , où la craie est visible sans interruption jusqu’aupayscleBray, leplongementse continue-t-il loin? Le résultat d’un plongement même atténué, mais continué loin, serait de nous faire arriver bientôt sur des couches de plus en plus récentes. Ce n’est pas ce qui a lieu ; le plongement s’arrête bientôt, et tout va nous prouver que la craie comprise entre le point où il cesse et le point , où le plissement du pays de Bray commence à se faire sentir ! n’est pas exempte de nouveaux plis. 11 suffit pour s’en assurer de quitter la vallée de la Canehe, par exemple entre Saint-Pol et Hesdin (Pas-de-Calais), de s’élever sur les plateaux qui la séparent de la vallée de l’Authie, et de descen¬ dre dans cette dernière vallée à la hauteur d’Auxy-le-Château (Pas-de-Calais). On voit alors la craie à Inoceramus labia tus attein¬ dre un niveau assez élevé, et qui dépasse celui où Ton observe la craie à Micraster cor-testudinarium dans la vallée de la Canehe. Ce niveau à Inoceramus labiatus est visible depuis Auxy-le-Château jusque vers Frohen-le-Grand (Somme). Tout nous porte donc à admettre que FAuthie, dont la direction est parallèle à la ligne de partage des versants de la Manche et de la mer du Nord, coule dans la déchirure d’un pli saillant parallèle à celui qui nous a occupé d’abord, et avec lequel il paraît se confondre après une légère inflexion entre Doullens et Bapaume. La première arête dont nous avons parlé se bifurque donc à peu près en ce point ; ce serait à son influence, depuis l’Oise jusqu’au point où elle se bifurque, que serait du le plongement très-apparent par suite duquel on voi t apparaître la craie à Micraster cor-anguinum à Saint-Quentin, Vermand (Aisne), Péronne (Somme), et la craie à Bélemnitelles à Ham, Nesle, Villers -Carbonnel, Caix, Boye et Pierrepont (Somme). Il est facile de s’assurer que la craie plonge au sud-ouest de l’arête qui, partant des environs de Bapaume, suit la direction de la vallée de l’Authie, par la présence de la craie à Micraster cor-anguinum à Amiens et à Abbeville, à une faible hauteur au-dessus du fond de la vallée de la Somme. (1) Le Micraster cor-anguinum a été trouvé à Douai parM. Goubert. CZjO SÉANCE DU 15 JUIN 1863. Nous 3 vous déjà parlé, au commencement de cette note, d’un pli placé entre l’Oise et la Somme. C’est à son influence qu’est due l’ apparition à Compïègne de la craie à Micr aster cor-anguinum , sous une épaisseur considérable de craie dure à Bélemni telles. Ce relèvement se reconnaît surtout par la présence du Micrastcr cor-anguinum sur la ligne de faîte, depuis Saint-Just (Oise) jusqu’à l’est de Grandvilliers. Entre cette dernière localité et Poix on arrive sur la craie à M. cor-testudinarium , puis sur la craie à Tnoce- ranius labiatus qui forme sur une grande hauteur les bords de la vallée de la Bresle du sud-est de Blangy jusque'auprès d’Eu (Seine- Inférieure). Si l’on s’écarte de cette arête en se dirigeant vers l’Avre et vers la Somme, on voit les couclies de craie plonger vers ces deux vallées. On est en effet dans la craie à Bélemni telles à Montdidier. La craie à Micrastcr cor-testudinarium , visible au fond de la vallée de la Noyé, entre Breteuil (Oise) et Ailly (Somme), disparaît bientôt sous la craie à M. cor-anguinum à Moreuil, Thezy, Longueau près Amiens. À Blangy (Seine-Inférieure), la craie k lnoceramus labiatus dépasse 75 mètres d’altitude; à Abbeville (Somme), par suite de la présence de la craie à Micrastcr cor-anguinum , à environ ÙO mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer et à environ 30 mètres au-dessus du fond de la vallée, on peut supposer que la craie à lnoceramus labiatus ne commence qu’entre 80 ou 90 mètres au-dessous du fond de la vallée, ce qui s’accorde parfaitement avec les sondages cités par M. Buteux dans son supplément (1), et qui ont traversé sous Abbeville environ 150 mètres de craie. Il y a donc de la vallée de la Bresle à la vallée de la Somme un plongement des couches de la craie de plus de 160 mètres. Nous avons déjà dit que la craie plongeait aussi d’Auxy-le- Château dans la vallée de l’Authie , vers Abbeville. La partie su¬ périeure de la craie à lnoceramus labiatus atteint à Auxy au moins 55 mètres d’altitude. La distance de cette localité à Abbeville est à peu de chose près la même que celle de Blangy à Abbeville ; il en résulte que les couches de la craie plongent à peu près égale¬ ment de la vallée de l’Authie et de la vallée de la Bresle vers la vallée de la Somme, qui se trouve ainsi couler depuis le point où elle reçoit l’Avre, entre deux plis saillants. Un plongement au sud-ouest du pli placé entre l’Oise et la (O Supplément à V Esquisse géologique du département de la Somme , p. 2. NOTE DE M. DE MERCKt. 641 Somme est très-sensible à Froissy, craie à Micraster cor -cm gui num , à Beauvais, craie à Bélemnitelles (1). Le petit et le grand Thérain coulent jusqu’à une faible distance de Beauvais dans la craie à Micraster cor-anguinum , et comme la Somme dans une dépression existant entre deux plis, dont l’un est le pli placé entre l’Oise et la Somme, et l’autre le pli bien ap- parent dont les déchirures ont été l’origine de la dénudation du pays de Bray. Si en effet, en amont de Beauvais, on quitte la vallée du Thérain , et que l’on traverse les hauteurs qui la sépa¬ rent du pays de Bray, on voit les couches de la craie à M. cor-an - guinarn , qui forme le fond de la vallée du Thérain , manquer à une grande altitude sur le couronnement de la falaise du Bray. A Beauvais, le Thérain coule presque sur le contact du niveau à M. cor-anguinum et du niveau à Bélemnitelles, et la base du niveau à Micraster cor-anguinum affleure à peine sur le bord de la falaise du Bray, à une hauteur d’au moins 200 mètres plus considérable que celle où un sondage la rencontrerait sous Beauvais. De l’autre côté du pays de Bray, un plongement des couches de la craie vers le sud-ouest est des plus sensibles dans tout le pays de Thelle, et fait affleurer la craie à Micraster cor-anguinum à Pouilly, Gisors (Oise), puis la craie à Belcmnitclla quaclrata et B. mucronata. Si enfin nous arrivons jusqu’à la vallée de la Seine, nous voyons ce fleuve couler sur des niveaux de la craie toujours moins récents que ceux que l’on devrait s’attendre à rencontrer si le plongement du pays de Bray se continuait, même très-atténué jusque-là. Nous serions donc disposé à voir là un nouveau plisse¬ ment parallèle à ceux dont nous avons parlé jusqu’ici et dans les déchirures duquel coulerait la Seine. Si maintenant nous continuons toujours à nous diriger vers le sud-ouest , nous rencontrons les plissements observés par M. Hé¬ bert dans le Perche, de Senonches à Souancé, et dont la direc¬ tion est parallèle à tous les plissements dont nous venons de parler (2). Tous ces plissements , dont la direction générale paraît assez ré¬ gulière, ont dû offrir des renflements latéraux, comme cela avait (1) Voyez la coupe donnée ci-dessus par M. Hébert, p. 613. (2) Pour M. Hébert l’origine de ces plissements serait même anté¬ rieure au dépôt des craies à Micraster , Soc. gèol.% 2e série, tome XX. 41 642 SÉANCE DU 15 JUIN 1863. déjà eu lieu pour la crête primaire qui limite le bassin jurassique depuis le Boulonnais jusqu’à l’Ardenne. C’est à de semblables renflements que nous attribuons les poin- tements des niveaux inférieurs de la craie à l’ouest de Vernon, aux Andelys et à Rouen. Le pays de Bray offre aussi certainement beaucoup de ces points, à Hodenc-l’Evêque, par exemple, et surtout vers le centre du Bray, qui paraît avoir toujours été, depuis une époque très-ancienne, un point saillant. On y observe, en effet, deux protubérances ju¬ rassiques, l’une entre Gournay et Forges (Seine-Inférieure), et l’autre à l’ouest de Forges. Le pli que nous faisons passer du nord de Compiègne, par Grandvilliers et Blangy jusqu’à Eu , paraît se renfler à la hauteur de Breteuil (craie à Micrcisler cor-testudinariuni). En effet, les couches de la craie plongent à l’est vers Montdidier (craie à Bélem- nitelles) et à l’ouest vers Hardivilliers (craie à Bélemnitelles) (1). Il y a à partir de là une série de renflements latéraux auxquels on peut attribuer la grande altitude à laquelle s’élève la craie à Mi- craster cor-tcstudinarium , à l’origine de tous les ravins qui, du nord de Crèvecœur à l’ouest de Granvilliers, se dirigent vers la Selle, et probablement aussi la séparation des eaux de la Selle et de la Bresle. Nous avons déjà dit que la partie de la vallée de FAuthie, où le relèvement était le plus sensible, se trouvait située entre Auxy-le- Château et Frohen-le-Grand. Ce renflement s’étend latéralement et élève assez haut dans la vallée de la Nièvre la craie à Micrastcr cor-testudinarium. La partie du cours de la Somme entre Amiens et Abbeville, quoique comprise dans une dépression, comme nous l’avons dit, a cependant subi l’influence de ces deux renflements latéraux de deux plis entre lesquels elle coule ; c’est ce qui explique l’altitude relativement considérable de la craie à Mi çr as ter çpr-testudinarium entre Amiens et Abbeville (2). C’est à un renflement semblable du pli qui se dirige du Bou- (-1 ) Voyez page 635. (2) M. Hébert a remarqué, à la carrière de Saint-Maurice à Amiens, dans la partie supérieure de la craie à Micraster cor-tcstu¬ dinarium , et à environ 35 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer, un banc dur qui paraît former la limite entre ce niveau et la craie à Micraster cor-anguinum exploité derrière la citadelle, à droite et à gauche de la route de Doullens (voyez la note déjà citée). NOTE DE M, DE MERCEY . 643 lonnais vers l’Ardenne et qu’indiquent les pointements du terrain primaire visibles aux origines de la vallée de la Lys que nous attribuons l’apparition de la craie à Inoceramus labiatus à Beu- rainville dans la vallée de la Canche. Sur tout le littoral, depuis Eu jusqu’à Etaples, les couches de la craie paraissent plonger vers la Manche depuis une certaine dis¬ tance dans l’intérieur des terres; la craie à Micraster cor-anguinum occupe toute cette région. Cette disposition des couches tient aux renflements des plis dont nous venons de parler et peut-être aussi à ce qu’avant le creusement du canal de la Manche il y avait sous la craie aujourd’hui disparue des points renflés dans le prolonge ¬ ment des plis que nous venons d’indiquer, et à partir desquels les couches de craie plongeaient vers la région où est aujourd’hui le littoral. Ces renflements, alignés comme ceux que nous venons de signaler, souvent dans une direction constante d’un pli à un autre, paraissent encore accusés par le peu de profondeur des eaux au milieu de la Manche suivant une ligne à laquelle M. d’Arcliiac a donné le nom de ligne de la Manche. En résumé, le massif de craie compris entre l’Escaut, l’Oise et la Seine, a été plissé suivant des directions parallèles aux deux rivages du détroit jurassique. Ces plis offrent des points où le renflement a été plus prononcé et s’est alors étendu latéralement. Le premier pli paraît se confondre avec celui dont la direction avait déterminé, depuis le Boulonnais jusqu’à i’Ardenne, la limite des dépôts jurassiques et du terrain crétacé inférieur. Il ne serait, dû qu’à l’accroissement de ce bombement dans la direction duquel se trouve aujourd’hui la ligne de partage des versants de deux mers. Le second pli ne se sépare nettement du premier qu’à l’ouest de Bapaume et suit la direction de la vallée de l’Authie. La vallée de la Canche coule donc dans la dépression existant entre deux plis. Il en est de même pour l’Avre et pour la Somme, depuis le point où elle reçoit l’Avre. Ces deux rivières coulent dans la dépression comprise d’un côté entre le pli de l’Ardenne au Boulonnais jusqu’à la hauteur de Bapaume, puis le pli de L’Authie jusqu’à la mer, et de l’autre côté entre le pli qui d’abord sépare l’Oise de la Somme et prend ensuite la direction de la vallée de la Bresle. Ce dernier pi; est le troisième. Le quatrième pli est des plus apparents: c’est le pays de Bray. Comme la Somme, le Thérain coule dans une dépression existant entre deux plis. 6M séance du 22 juin 1863. Enfin le cinquième pli est celui flans les déchirures duquel coule la Seine. Nous comptons donc de Rouen (Seine-Inférieure) à Fruges (Pas-de-Calais) cinq plis parallèles et plus ou moins renflés. M. Triger insiste sur l’importance qu’il y aurait à pouvoir obtenir des compagnies des chemins de fer le profil de leurs voies, que l’on convertirait en coupes géologiques. M. de Mercey répond à l’observation de M. Triger, qu’il a relevé les divers niveaux de la craie sur le profil publié par la compagnie du chemin de fer du Nord -, mais, par suite des courbes du tracé du chemin de fer, les ondulations de la craie ne peuvent être indiquées exactement. Il se propose, du reste, de donner, dans un travail détaillé, de nombreuses coupes dont il a réuni la plupart des éléments. Il a en effet déjà observé ces niveaux de la craie dans plus de quatre cents localités différentes. Il a essayé de calculer le plus exactement possible l’altitude de ces points au-dessus du niveau de la mer, en s’aidant des cotes marquées sur la carte du Dépôt de la guerre. L’étendue de cette partie de son travail n’en a pas permis l’insertion dans le Bulletin. M. le Président soumet à la Société la proposition de savoir si, à raison des nombreuses communications qui restent encore à l’ordre du jour, elle ne jugerait à propos d’avoir une séance supplémentaire. La Société décide qu’une séance supplémentaire aura lieu lundi prochain, 22 du mois. Séance supplémentaire du 22 juin 1863. PRÉSIDENCE DE M. ALBERT GAUDRY. M. Danglure, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 645 MM. Chaper (Maurice), ingénieur civil, quai de la Tournelle, 27, à Paris, présenté par MM. Bayle et Deshayes -, Jausions, ingénieur des mines, à Rodez (Aveyron), présenté par MM. Bayle et Michelot; Sand (Maurice), à Nohant (Indre), présenté par MM. Deshayes et Hébert. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Directeur du Dépôt de la guerre, 26e livraison de la Carte de France à g-Q-fôlr De la part de M. H. Abich, Uber eine ira caspischen Meere erschienene Insel nebst Beitràgen zur Kentniss der Schlamm- vulcane der caspischen Région , in-A, 156 p., h pl.- Saint- Pétersbourg, 1863. De la part de M. D. T. Ansted, The varieties of combus¬ tible minerais us ed economically , etc., in-8, 8 p. Londres. De la part de M. G. Gapellini, Caria geologica dei dintorni del golfo délia Spezia e -val di Magra i/iferiore, à 1 feuille, Bologne, 1863. De la part de M. A. E. B. de Ghancourtois : 1° Vis tellurique , ou classement naturel des corps simples ou radicaux , in-A, 21 p., 1 tableau, Paris, avril 1863 ; chez Mallet-Bachelier. 2° Fis tellurique. — Classement naturel des corps simples ou radicaux obtenu au moyen d’un système de classification hélicoïdal et numérique (extr. du mémoire présenté à l’Acad. des sciences le 7 avril 1862), in-A, 21 p. Paris, 6 avril 1863 5 chez Mallet-Bachelier. De la part de M. G. P. Deshayes, Description des animaux sans vertèbres découverts dans le bassin de Paris , XXXIIIe et XXXIVe livraisons. De la part de M. L. Grüner, Dieu et la création révélés par la géologie (extr. delà Revue chrét. du 15 mai 1863), in-8, 2 h p. Paris, 1863 -, chez Gh. Meyrueis et Gie. De la part de M- Henri de Saussure, Coup d’œil sur l’hydro- 6A6 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. logie du Mexique , in-8, 96 p., 1 carte. Genève. 1862 ^ chez J. G. Fick. Delà part de M. J. Tennant, Diamonds ; by W. Pôle; — with a note on the imp. state crown and its jevels , in-8, 16 p. Londres, 1861. De la part de M. J. D. Wiihney, Notice of the progress of the geological Survey of California , up to may 1863, in-8, 8 p. De la part de M. L. Zejszner, O mijocenicznych Gipsach y Marglach w P oludniowo - Zachodnich stronach Krolestwa Polskiego , in-8, 58 p. Varsovie, 1862. De la part de M. J. D. Dana : 1° Manual of geology , in-8, 798 p., 1 carte et 9Sh figures. Philadelphie, 1863, chez Th. Bliss et Cie. 2° On the higher subdivision in the classification oj niarnmals (extr. de The amer, journ. of science and arts , vol. XXXV, janv. 1863), in-8, pp. 65-71. De la part de M. R. Hunt, On the mines , minerais and miners of the united kingdom , in-8, 16 p. Londres, 17 dé¬ cembre 1862. De la part de M. Perny de Maligny, De V exploitation des richesses minérales de la France , in-8, 52 p. Paris, 1863* chez N. Ghaix et Cie. Comptes rendus hebd. des séances de V Académie des sciences , 4863, 1er sem., t. LVI, n° 2/i. L'Institut , n° 1537, 1863. Bulletin de la Société de géographie , 5e sér. , nos 28 et 29, avril et mai 1863. Annuaire de la Société météorologique de France , t. X, 4862. Bulletin des séances , f. 13-23. Annales de la Société linnèenne de Maine-et-Loire. 5e année, 1862. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , mai 1862. The Athenœum , n° 1860 ; 1863. Proceedings of the geologists Association , 1861-1862 et 1862-1863. De la part de la Société autrichienne Alpestre, Mittheilungen K OTE S DE MM. DE CHANCOURTOIS ET CÀPELLINI. 64 7 der ôsterreichischen Alpen-Vereines ■ t. I, in-18, Vienne, 1863 j chez Braumüller. Bericht (X, XI et XII) des geognostisch-montanischen Vereines fur Steiei'mack, Gratz, 1861, 1862 et 1863. Revista minera , t. XIV, n° 313, 15 juin 1863. M. Abich présente un ouvrage en allemand sur les volcans de boue de la mer Caspienne (voy. ci-dessus la liste des dons) • il indique les faits principaux qui s’y trouvent mentionnés. M. Deshayes offre à la Société les 33e et 3 4e livraisons des Animaux sans vertèbres du bassin de Paris (voy. ci-dessus la liste des dons) . M. de Chancourtois fait hommage d’un T ableau du classement naturel des corps simples , dont il a eu l’honneur de donner connaissance à la Société, et qu’il présente aujourd’hui accom¬ pagné des extraits des mémoires explicatifs insérés aux Comptes rendus de V Académie des sciences (voy. ci-dessus la liste des dons). Le nom de vis tellurique donné à ce classement rappelle à la fois son principe héliçoïdal et son origine géologique. Le travail dont il est le résultat et qui a pour base la note sur les émanations volcaniques et métallifères de M. Elie de Beaumont (insérée au Bulletin de la Société du 5 juillet 1847), a été en effet entrepris accessoirement pour résoudre quelques- unes des difficultés inhérentes à la systématisation des notions de lithologie, mais il a pris de tels développements qu’une production distincte est devenue nécessaire. Les conséquences de la vis tellurique sont même encore loin d’être exposées complètement, mais l’auteur a voulu prendre un temps d’arrêt sur cette première conclusion générale : Les propriétés des corps sur les propriétés des nombres . Il espère ainsi avoir contribué, par son invention, à faire ressortir l’une des fonctions de la géologie qui, avec 1 "hydro¬ logie et la météorologie , lui semble refermer le cercle de la philosophie naturelle. Le Secrétaire présente au nom de l’auteur, M. Gapellini, professeur à l’Université de Bologne, la Carte géologique des environs de la Spezia , construite à l’échelle de (voy. c*" SÉANCE DU 22 JUIN 1863. m dessus la liste des dons). Il rappelle que M. Capellini a fait précéder la publication de cette carte de celle d’un mémoire offert par lui à la Société dans la séance du 3 novembre 1862, et portant pour titre : Studj stratigrafici e pcileontologici suir infra-lias tielle montagne délia Spezia, « Dans ce travail l’auteur attirait l’attention de la Société sur » la variété de composition qui rend cette région si intéressante » pour la géologie italienne. En effet, on peut y traverser, en » parcourant un faible espace, les terrains d’alluvion, le terrain » miocène et l’éocène, le terrain crétacé supérieur, représenté )> en Italie par la pielra forte , le lias, l’infra— lias, qui, d’après » M. Capellini, constituerait la plus grande partie de la chaîne » occidentale du golfe, enfin le trias et les terrains métamor- » phiques que les Italiens ont groupés sous le nom de ^ verra - » cano, et sur lesquels notre zélé confrère espère pouvoir jeter » quelque lumière, comme il l’a déjà fait pour quelques ques- » tions jusqu’ici obscures. » Sur la carte des environs de la Spezia, M. Capellini signale » une grande faille, qui a donné lieu au beau golfe de ce nom, )> et des filons de chalkopyrite, de galène, de fer oligiste, » d’oxydes de manganèse; puis il fait remarquer un beau gise- » ment de lignite, exploité à Sarganello et à Caniparolla, qu’il » a décrit en 1859 dans un mémoire présenté à l’Académie des w sciences de Turin. Une petite masse serpentineuse, inter- » calée au milieu des terrains de la Spezia, ajoute M. Capellini, )> confirme l’opinion de M. le marquis Pareto, que les serpen- » tines n’ont jamais touché à des terrains plus anciens que le » crétacé supérieur. » L’auteur a déjà publié la flore et la faune du terrain mio- » cène de cette région ; actuellement il s’occupe des fossiles de » l’infra-lias. » M. Capellini termine en reconnaissant qu’il est très-difficile » de séparer, aux environs de la Spezia, les couches éocènes de » celles du terrain crétacé supérieur. » M. Tournouër fait la communication suivante : NOTE DE M. TOLRNOÜÊR. 6l\9 Note sur la présence des N ummulites dans V étage a Nalica crassatina du bassin de VAdour; par M. R. Tournouër. Dans la note que nous avons communiquée l’année dernière à la Société géologique sur les faluns de la Gironde, nous avons ap¬ puyé notre étude stratigrapliique et la classification qui en résul¬ tait par des considérations paléontologiques qui nous ont amené à parler de la faune si intéressante et si riche, dans le sud-ouest, des calcaires et des marnes à Natica crassatina. Nous avons dit que cette faune, qui se relie, principalement dans le département de la Gironde , à celle des premiers dépôts faluniens, était liée d’un autre côté à la faune antérieure des terrains tertiaires par un certain nombre d’espèces de mollusques au moins très-voisines de celles du terrain éocène parisien, et, dans le bassin de l’Adour, par la présence de plusieurs Nummulites. C’est sur ce dernier point que nous désirons réunir de nou¬ velles observations nous permettant maintenant d’exposer ce fait avec plus de détail et plus de précision, et de donner en même temps pour l’étage qui nous occupe la distribution des fossiles les plus caractéristiques et les traits généraux de sa composition pa- léontologique. § i- Lorsqu’on se dirige de la chaîne des Pyrénées vers Dax et vers la plaine des Landes , on passe géologiquement des terrains plus anciens aux terrains plus modernes; de façon que , pris en grand, et abstraction faite des irrégularités premières de ces lignes et de celles qui sont survenues par suite des phénomènes éruptifs de la contrée ou de la transgressivité accidentelle des terrains récents, on observe que les terrains crétacés (jusqu’au gave de Pau), puis les terrains nummulitiques (entre le gave de Pau et l’Adour), puis les terrains miocènes (au delà de ce dernier fleuve) et les sa¬ bles des Landes, forment des zones successives de plus en plus ex¬ térieures à la chaîne. Conformément à cette disposition, c’est entre les terrains nummulitiques proprement dits et les faluns, c'est-à-dire près de l’Adour, que se trouvent les affleurements de l’étage dont nous avons à parler. Ils n’y forment point une bande suivie, mais des lambeaux isolés par des soulèvements ou par des dépôts plus modernes qui en masquent la continuité. M. Delbos, dont les travaux sur le bassin de l’Adour nous ont servi de guide et sont si utiles à tous les géologues qui s’occupent 650 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. après lui de la reconnaissance et de la classification de ces terrains, a rattaché ces lambeaux à deux groupes principaux : l’un, près et au sud de Dax , dans la direction de Peyrehorade ; l’autre plus à l’est, dans la petite vallée du Louts, depuis les environs de Mont- fort jusqu’à l’Adour. Le premier groupe , celui de Dax , est plus restreint d’ailleurs encore probablement que ne le pensait M. Delbos, qui y compre¬ nait (Thèse, p. 319, etc.) des marnes « à débris de coquilles » des environs de Bel us, qui, d’après nos observations récentes et l’étude des fossiles plus complets que nous avons pu y recueillir, appartiendraient à un horizon beaucoup plus récent, et d’autres marnes sur Caignotte-Cazordite qui appartiennent au contraire incontestablement, pour ce que nous avons vu du moins, à l’étage nummulitique proprement dit ( Or bi toi de s stellata et radians , Ser~ pula spirulœa , Pentacrinus didactylus} etc.). Notre étage ne com¬ mencerait véritablement à se montrer que tout près de Caignotte et sur la commune de Gaas, où il affleure le long du petit ruis¬ seau de Jouanin, dans une direction nord-sud et sur une étendue de 2 kilomètres, dans une suite de marnières et de petites carrières dont les nombreux fossiles ont été en partie décrits et figurés par Grateloup ( Atlas , Univalves, etc.). Ces affleurements se présentent dans ce petit espace sous des aspects minéralogiques très- variés , comme M. Delbos l’a indiqué déjà, marnes calcaires, marnes argileuses, marnes sableuses, cal¬ caires friables, calcaires très-compactes, etc.; la continuité des couches est par suite difficile à suivre, et la distribution des fos¬ siles y semble assez incertaine et obéir à des conditions variées d’habitat plutôt qu’à une loi générale et uniforme. Cependant on peut saisir dans cet ensemble géologique ou paléontologique quel¬ ques traits saillants. En effet, en prenant la formation du côté du nord, vers la mé¬ tairie de Garanx, et en se dirigeant au sud, on observe la disposi¬ tion suivante : Sur le terrain communal de Gaas, on exploite pour l’amende¬ ment des terres et sur une profondeur de 4 à 5 mètres, des marnes bleues et blanches, plus ou moins calcaires, qui semblent donner la base de l’étage. On y trouve très-abondamment des branches de Stylopora costulata , Edw. et H., Porites digitata , de From., et Ste - phanocœnia elegansi Edw. et Haime (1), associés à la Natica angus- (1) Notre savant confrère, M. de Fromentel, a eu l’obligeance de déterminer nos polypiers. NOTE DE H. TOURNOUER. 651 ta fa , Grat. , et au Cerithium lemnïscatam , Grat. , si caractéristiques de notre formation, avec une petite Turriteila [carinifcra ?, var.), une Anomia , une Cytherea très commune (C. Si s mondai, May.), etc. Cette marnière du communal supporte la carrière de Garanx, dont 1° le sol est formé par un calcaire marneux, blanchâtre, sans fossiles et incliné faiblement mais sensiblement cependant vers le sud-ouest; au-dessus, 2° vient une marne bleue de 1 mètre environ, avec veinules blanches, coquilles brisées et polypiers ( Trochosmilia corniculum , Edw. et Haime), qui est surmontée par 3° une argile jaune ocreuse, à rognons calcaires, où l’on trouve abondamment une Huître que MM. Raulin et Delbos ont rap¬ portée ( Monogr .) à XOstrea Marti nsii ?, d’Arch., de Biarritz. C’est dans cette argile qu’apparaît, et par places en très-grande quantité, la Nummulitcs garansiana , Leym. (IV. garansensis , d’Arch.), avec la N. intermedia, plus rare, V Echinocyam us piriformis , X Asterias lœvis , etc. ; â° l’argile à rognons calcaires passe à une roche très- dure, exploitée, où l’on retrouve la même Nummulite, associée à une foule de fossiles caractéristiques dont la liste a été donnée par Grateloup [in Dufrénoy), comme liste de fossiles du calcaire grossier. Ce sont principalement, outre le grand polypier des cal¬ caires de Bordeaux (? Cladocora manipulaturn , Edw. et H.), des moules de grand Strondms [S. auriculariiis , Grat.), de Conus deperditus , Grat., ISatica cr as s a tin a , Trôchus Benettiœ? , T. Boscianus, Lima garansiana , Mayer, etc. L’ensemble de la roche et des argiles a 5 à 6 mètres au plus. Au sud de Garanx , il faut franchir un petit vallon pour re¬ trouver dans les bois de Lesbarritz , et à un niveau qui semble un peu inférieur, d’autres calcaires de la même formation. Ici l’inclinaison est très-sensible ; elle est de 15 degrés environ au sud- ouest. Les calcaires , très-durs dans le bas , renferment des masses spathiques d’un beau polypier ( Prionastrœa iriegularis?) avec quelques moules de fossiles, grosses Natices, etc., et passent dans le haut à des bancs de calcaires marneux très-friables. Supérieurement à cette petite carrière, et à très-peu de distance, on trouve les grandes marnières de Laplace et de Tartas qui sem¬ blent reposer sur ces bancs calcaires et qui sont surmontées par \e dépôt puissant des argiles fauves et rouges superficielles. C’est me masse de marnes bleues, très-fines, sans stratification , et très- rche en fossiles. À la base, on trouve un banc de grosses Natices etdeTurbos (Natica crassalina , JY. angustata , Grat. (et ses variétés, poiderosa, striatula , etc.), Turbo Parkinsoni . Bast. ; un peu plus hait, un lit cXOstrea rudicula, Raul. , Delb. La masse supérieure 652 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. abonde en polypiers et en mollusques des genres Cérite, Mélunie, Troque, Lucine, etc. : Lucina columbella , L. ciliformis , May., L. globulosa , L. or/uita, Cythcrea Paretoi , May., Car dit a Basteroti , Desh., Cardium discrepans , Bast. , Trochus Boscianus, Brong., 7’. monilifer, Grat. (? Lucasanus , Brong.), Melania ( Diastoma ) costcllata, Grat. , Cerithium gibberosum , var. A et var. B, Grat., C. terebellum, Grat. , C. lemniscatum, Brong., Grat., /7. Charpentier Bast., C. di aboli, Brong., Fasciolaria polygonata , Brong. Grat., Cyprœa splendens , Grat., Strornbus auricularius , Grat., etc., etc. La Natica angnstata et le Turbo Parkinsoni se trouvent d’ailleurs jusqu’en haut. Pour les polypiers : un beau Placocœnia) nov. sp. des Slylophora costulata, Edvv. et H., Madrepora , etc. La petite marnière de Larrat qui vient ensuite présente, de bas en haut : 1° une marne très-fine, bleue, avec nombreux Madrépores ( Madrepora lamndulina , Mich.), Stylophora raristellata, Edw. et H., etc. Cardita Basteroti , Trochus labarum , Bast., et 7\ Boscianus , Brong., Turbo Asmodei , Brong., Grat., Delpliinula scobina , Brong. Z>. rnarginata , Grat., Pleurotoma crassinoda , Des M., etc. ; 2° une couche marneuse, jaune, à grosses Natices, Venus Aglaurœ , Brong., côtes de Manatus , etc. Après Larrat, les couches semblent tomber au niveau de la prairie où l’on retrouve, dans des calcaires blancs friables, l’ Ostrca Martinsii et la Numrnulites garansensis ; et se relever ensuite jusqu’aux marnières de la métairie d’Espibos (Lesbarritz de Gra- teloup), qui succèdent aux calcaires marneux précédents. Ici le banc de marne jaune avec Natica crassatina , iV. angnstata , Cerithium calculosuni , Bast., etc., occupe la partie supérieure, comme à Larrat ; au-dessous viennent d’autres marnes jaunes plus ou moins fossilifères, et inférieurement une marne bleue, très-calcaire et extrêmement riche en fossiles, en gastéropodes surtout. C’est particulièrement ici et à ce niveau inférieur qu’on trouve les espèces « parisiennes » de Grateloup : Murex triptc - roides , Voluta ambigu a, Harpa mu tic a. Conus deperclitus , Plcu- rotorna Gratelupii , Des M., P. Jilosa , Terebellum convolutum , Crassatella tumida (Delb., Æ«//., 2e sér., t. V, p. 421), et autres espèces éocènes ou de formes voisines , mais associées à la faunî particulière de l'étage (grosses INatices, Turritella strangulatc , Turbo Parkinsoni , Fasciolaria polygonata , Strornbus auricularits, Cassis mamillaris , etc.), et bien plus à ces formes d’un caractère si moderne : Turbinella pugillaris , Grat., Triton corrugaturn , T. clathratum , 71. larnpas ?, Murex erinaceus , M. fistulosus , Aurcula Judœ , Grat. , etc. NOTE DE fit. TOURNOUÉÎt. GÔ3 C’est dans cette marne inférieure et dans cette singulière asso¬ ciation de fossiles qu’on trouve aussi assez abondamment une petite Nummulite qui a été rapportée par M. d’Arcliiac à la iV. planulata , var., du bassin de Paris, avec une Operculine qui ne semble pas différer de Y O. complanata des faluns. En somme, dans ces divers gisements, comme nous le disions, la distribution des fossiles est assez irrégulière et témoigne de con¬ ditions locales très-variées ; mais on trouve assez généralement partout les espèces caractéristiques pour que l’unité paléontolo- gique de la formation soit évidente. Et en résumé, et en combi¬ nant les observations faites dans les divers endroits, nous voyons à Gaas, sans qu’il y ait rien d’absolu assurément dans ces divi¬ sions : A la partie supérieure, des marnes, bleues généralement, riches surtout en Natices, Turbos, Troques, Mélanics et Cériles; c’est le niveau, par exemple, du C. dialoli ; — à la partie moyenne, un banc assez constant de grosses Natices; au-dessous, des marnes ou des calcaires très-riches en fossiles d’espèces variées ; c’est le niveau des Numrnuliles (TV. planai a ta, var. N. garansiana)\ — et enfin, à la partie tout à fait inférieure, des marnes bleues et blanches, avec les mêmes Natices et quelques polypiers particu¬ liers. Les couches, en marchant vers le nord, semblent s’abaisser et se relever ensuite, de manière à plonger assez sensiblement vers le sud-ouest et à décrire par conséquent dans leur direction géné¬ rale une ondulation assez marquée. Le tout enfin semble avoir pour substratum, du côté de la mar- nière communale, des couches de calcaire gris blanc, marneux et argileux, qu’on exploite un peu plus bas, près du petit ruisseau de Haubardin et qui plongent également vers le sud-ouest, avec une inclinaison plus forte, d’environ 30 degrés : on y trouve quelques Nummulites [N. variolaria , Sow. , N. Rauaulti ?), des Lycophrys , et le Bourgaeticrinus Thorenti? Nous avons aussi observé à Gaas, au-dessous du lieu dit le Luc, un affleurement de calcaires où nous avons retrouvé les polypiers caractéristiques de notre étage (Madré¬ pores, Stylophores, etc.) et une empreinte de grosse Natice qui ne peut être que la N. angustata , associés à des moules d’un très-grand Cérite [C. giganteum ? vel C. garumnicum ?) et à des empreintes cle Fimbria lamcllosa ; la roche était surmontée par une couche de petites Huîtres [Ostrea? vulsellœjormis , d’Arch.), formant lu- machelle. Tels sont les gisements de Gaas qui n’offrent pas la faune com- 654 SÉANCE DU 22 JUIN 1868. plète de l’étage, mais qui en offrent du moins la plus grande par¬ tie , et dans un heureux état de conservation. Non loin de ces gisements, droit au nord de la carrière de Ga¬ ra nx, on en retrouve un autre sur la commune de Benesse, au lieu dit Pribat-Juzan, qui mérite d’être mentionné. C’est un affleure¬ ment très-restreint des marnes et des calcaires marneux de l’étage, où l’on retrouve, avec des débris très-abondants de Stephanocœma elegans et de Mcidrepora lavaridulina , la Natica angustatci , les Delphinula mcirgincita et scobina, Turbo Parhinsoni, Strombus auri- cularius , etc., mais qui doit être noté surtout parce que les couches, que nous n’avons d’ailleurs observées que sur un très-petit espace, nous ont semblé s’y présenter sur leur tranche, et avec un plon- gement de 60 à 70 degrés vers le nord-est, c’est-à-dire dans une direction tout opposée à celle des couches si voisines de Gaas dont nous avons pu constater l’inclinaison. Ces affleurements de Gaas et de Benesse sont isolés. Entourés à l’ouest et au sud-est par les terrains nummulitiques auxquels ils sont superposés dans la série chronologique, ils ont devant eux, au nord et au nord-est, les éminences ophitiques de Montpeyroux, du Puy d’Arzew, de Saint-Pandelon et les terrains plus anciens soulevés à l’entour ; il faut franchir cette sorte de barrière à l’appari¬ tion de laquelle il est difficile au premier abord de ne pas rattacher l’inclinaison des couches de Benesse et de Gaas, pour étudier près de Dax, sur les bords de l’Adour, les carrières de Lesperon. Ces affleurements ont été déjà signalés et étudiés à diverses reprises, à cause du voisinage du soulèvement ophitique et crétacé deTercis, et de la forte inclinaison de leurs strates qui semble également en relation plus ou moins directe avec ces soulèvements. C’est au point de vue paléontologique où nous nous sommes placé, que nous les décrirons rapidement. Ces roches qui forment à l’est des falaises de Tercis, dont elles sont séparées par un marais, une petite éminence contournée par l’Adour, sont soulevées par leur angle sud-ouest de manière à pré¬ senter un plongement opposé de 35 degrés environ ; elles sont constituées par de nombreuses alternances de marnes calcaires et de calcaires marneux miliolitiques avec quelques lits charbonneux intercalés, dont nous tâcherons de saisir les traits principaux. En prenant la formation par la base, c’est-à-dire du côté du soulève¬ ment, on observe d’abord une masse assez considérable, exploitée sur plusieurs points, de marnes bleuâtres et blanchâtres, surmon¬ tées par une argile panachée, où nous n’avons pas trouvé de fossiles, mais où cependant on rencontrerait, d’après notre confrère NOTE DE M. TOURNOUBR. 655 M. Alph. Milne Edwards (1), des Cancers et des Térébratules qui feraient rentrer ces marnes dans un étage différent de celui qui nous occupe et plus ancien. Après ces marnes commence la succession des strates dont nous parlions, et qui appartiennent certainement à notre étage. C’est d’abord une argile micacée avec débris de coquilles et de polypiers ( Stephanocœnin elegans ), où nous avons reconnu la Cytherea Sismondai , May; viennent ensuite quatre ou cinq bancs peu épais de marnes et de calcaires marneux , dont le dernier contient une grande quantité d’empreintes de fossiles carctéristiques: Natica an - gustata, Cerithium Ciiarp entier i, Cardium diserepans , Bast., Cythe¬ rea Sismondai?, Lucines diverses, etc. Au-dessus vient une couclie charbonneuse assez irrégulière, feuilletée, grise et noirâtre dans le bas, marneuse et jaunâtre dans le haut, à coquilles généralement écrasées, mais intéressantes ( Melania tarhelliana , Grat., Deshaye- sia cochlearia, Héb., Ren., Natica Beaumonti ?, Héb., Ren., Turbo A s mode i, Brongn., Trochus Luc a s amis , Brongn.?, Pterostoma, nov. sp., Turritella asperula, Grat. ? , Cerithium angulo s uni, Grat., Pec- tunculus voisin du P. angusticostatus? , Cardium diserepans , Cytherea Sismondai , Mayer?, etc., polypiers divers, Stephanocœnin , etc. La couche à Deshayesia est intimement liée à un banc de grosses Natices [N. crassatina , N. angustata ), et surmontée par un banc calcaire jaunâtre qui contient abondamment des gros tubes de Teredo , divers polypiers, etc. C’est ici egalement qu’on trouve quelques petits individus du Cerithium elcgans et du C. plicatum qui semblent manquer à Gaas, et qui sont si abondants dans certaines couches analogues des Alpes, de la Savoie ou du Valais, ou, à un niveau supérieur, dans les couches aquitaniennes de Bazas et de Saint-Avit. Vient ensuite une nouvelle couche charbonneuse, puis une succession nouvelle d’assises marneuses ou calcaires, alternantes, et d’épaisseurs diverses : les premières avec boules d’argiles, quelques Echinides mal conservés, un petit Pecten très- abondant et caractéristique ( P .? subdiscors , d’Arch.), une grande Lucine, très-transverse et très-remarquable [L. Delbosi , d’Orb. var. ?) ; les dernières très épaisses, de stratification plus confuse, avec Milioliles , Echinocyamus pirijormis , Spondyles, Natices, etc. Enfin les dernières couches sont formées par un calcaire distinct, plus grossier, plus tendre, et très-coquillier, qui renferme abondam¬ ment, avec le grand polypier ordinaire et le Stephanocœnin ele- (1) Bull., 2e sér., t. XVIII, p. 660. 656 SÉANCE DIJ 22 JUIN 1863. gans, des empreintes et des moules de grand Strombus , de Trochus Benettiœ, de Cerithium angulosum , Grat., et surtout de C. diciboli ( C . trochleare , Héb.) que nous retrouvons ici, comme à Gaas, à la partie supérieure de la formation. Cet affleurement peut donc se résumer ainsi, à grands traits : A la partie supérieure, le Cerithium diciboli , avec les strombes, les polypiers, etc., dans des calcaires qui terminent une grande masse d’assises calcaires et marno-calcaires généralement milioli- tiques. — A la partie moyenne, d’autres bancs calcaires alternant avec des couches charbonneuses à Deshaeysia , Nntica crassatina et ançustata , etc., qui surmontent elles-mêmes des calcaires à Cm- thium Charpentier /, etc., — enfin, inférieurement des marnes argi¬ leuses à Cytherea Sismondai , etc., et peut-être les premières marnes sans fossiles dont nous avons parlé. C’est à peu près, sauf les épaisseurs des couches naturellement très-variables, la même distribution de fossiles qu’à Gaas. Il y a ici quelques espèces particulières, mais nous n’y avons pas retrouvé encore les Nuinmulites. Tels sont les gisements de Gaas et de Lesperon qui forment le premier groupe. Si nous passons maintenant au deuxième groupe, celui des affleurements de la vallée du Louis, nous les trouvons disposés par lambeaux peu étendus et non reliés encore les uns aux autres, dans une contrée essentiellement nummulitique. C’est d’abord, à l’est de Montfort, l’affleurement de Laliosse et de Lourquen. A Lahosse les calcaires sont exploités dans plusieurs carrières, qui nous donnent la coupe suivante : 1° A la base, une marne bleue noirâtre, très-foncée, de 1 mètre environ, avec quelques fossiles en mauvais état, parmi lesquels cependant nous avons reconnu incontestablement le Cerithium lemniscatum , et la Nat ica angustata , etc. 2° Au-dessus, un calcaire marneux et argilo-marneux, blan¬ châtre et tendre, de h mètres environ d’épaisseur, miliolitique. On y trouve abondamment le petit Pecteri subdiscors? et l'Echi- nocyanuis piriformis , si caractéristiques de Lesperon et des calcaires de Bordeaux, un Spondyle, etc. Ici aussi se retrouvent les Num mulites ( N . garansensis ), qui, sans y former de banc, y sont cependant répandues assez communément. 3° Enfin, supérieurement, une masse de calcaire grossier, dur, spathique, de couleur jaune, et caverneux, de 5 mètres environ de puissance, qui renferme de grands et nombreux polypiers ( Stcpha - nocœnia elegans , etc.), des Miliolites et beaucoup d’empreintes et de NOTE Î)E M. TOUfiNÔUÊiL 657 moules de coquilles [Cardium Brougniarti ?, Ma, y. , Lima garant sana , May., Turbo Parkinsoni ?, Strombus , etc.). Notons que les couches semblent parfaitement horizontales. Au nord de ces carrières, il s’en trouve d’autres sur la commune de Lourquen, dont M. Delbos a donné une coupe sommaire (Thèse, 1855), et auxquelles nous n’avons pas pu étendre nos obser¬ vations. M. Delbos incline enfin à rattacher au même petit groupe les grès sans fossiles de Mugron. Pour retrouver notre étage, il faut descendre la petite vallée du Louts, au-delà des terrains nuunnulitiques de Montfort, jusqu’à Gousse et jusqu’à Précliacq. C’est près de Gousse que se termine assez brusquement une étroite et longue crête de petits coteaux, allongée dans le prolongement des affleurements crétacés de Saint- Sever, de l’E. S. E. à l’O. N. O., qui sépare le Louts de l’Adour, et qui depuis Mugron jusqu’ici oblige cette rivière à tenir cette même direction. A partir de Gousse, l’Adour, qui vient de recevoir l’affluent considérable de la Midouze. change de direction et prend son cours vers le S. S. O. jusqu’à Bayonne. C’est à ce petit promontoire, appelé le Tue du Saumon, que nous retrouvons un affleurement de notre étage, auquel M. Delbos n’a pu consacrer que quelques lignes, et qui mérite de nous arrêter. La disposition des lieux est extrêmement simple, mais il y a quelque intérêt à la donner avec précision. Le Tue du Saumon est coupé brusquement, à l’ouest, avons- nous-dit; cette coupe présente, en bas, une masse de calcaires creusés par des excavations naturelles et exploités, en haut, une masse de sables fauves. Les couches, qui du côté du sud semblent assez horizontales, plongent du côté du nord avec une inclinaison de 18 à 20 degrés au N. N. E. 1° La masse calcaire, d’une stratification confuse, et qui peut atteindre une épaisseur totale de 8 à 10 mètres, présente d’abord inférieurement comme un banc puissant de ces gros polypiers ( Cladocora manipulatum P) que nous avons vus partout signalés par M. Delbos, avec de petits lits de Numinulites vers la base que nous n’avons pas retrouvés. Mais à cette partie inférieure, on trouve de grandes empreintes et de grands moules de la Natica crasscitlna , etc. , et principalement au-dessus des polypiers la roche est riche en moules et en empreintes d’espèces variées, parmi les¬ quelles, nous avons reconnu incontestablement : la Naiica cingus~ taia , une grande Delphinula ( D . scobina? probablement) le Turbo Asmodei , Brong., le Trocheus Benettiœ , Grat., le Ce.rithium Chur- pentieri , Grat., le C. gibberosum ?, le C, Konitickii , des Cônes, Cy- Soc « géol., 2e série, tome XX. 42 658 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. prées, etc. Ges fossiles caractéristiques ne peuvent laisser aucun doute sur l’âge de ce calcaire et sur l’étage auquel il appartient ; ce sont les calcaires de Garanx, de Lesperon et de Lahosse. 2° La masse sableuse qui surmonte ces calcaires, et qui tranche tout à fait avec eux par son aspect comme par sa composition minéralogique, peut être prise au premier coup d’œil pour une dépendance de ces formations arénacées tout à fait supérieures qu’on est habitué dans cette contrée à trouver à tous les niveaux pour ainsi dire, et recouvrant indistinctement toutes les roches et tous les étages géologiques. Mais il n’en est rien ; cette formation arénacée est nummulitique. Au-dessus des calcaires, elle se pré¬ sente dans la coupe du Tue du Saumon sous l’aspect d’un sable gris, assez consistant, fauve, ou brunâtre, d’une épaisseur de 5 à 6 mètres, alternant avec des lits plus solides qui de loin prennent l’apparence d’une roche et qui dessinent, à la partie supérieure, plusieurs cordons irréguliers ou corniches saillantes. Le sable est sans fossiles; mais le premier de ces cordons de sable agglutiné qu’on trouve à quelques décimètres au-dessus des calcaires ren¬ ferme déjà, à le regarder de près, quelques petites Nummulites et des Lycophris. Plus haut ces corniches deviennent plus dures, et les derniers lits, d’un accès difficile ou impossible, sont formés par une véritable roche ou grès pétri d eNunimulina intermedia, d’Arch. , dont les débris tombent sur le toit de la masse calcaire ou au pied de la carrière. Il est d’ailleurs facile de s’assurer du fait en montant sur le Tue ou en observant ses deux flancs. En eflet, sur le revers sud et tout près de l’extrémité, on trouve ces sables num- mulitiques exploités sur 3 ou 4 mètres dans deux sablières; ils y sont, comme nous venons de le dire, fauves, rougeâtres ou bruns, micacés, avec quelques lits ferrugineux comme ceux qu’on trouvé dans le sable des Landes, ou argileux par places, et évidemment surmontés et terminés par des plaques irrégulières et des rognons de grès à Nummulites mêlés à quelques poudingues et galets où l’on trouve des fragments de polypiers et des Ostrea roulés, comme sur un rivage. Les Nummulites des couches meubles s’échappent et tombent dans le sable sous-jacent ; sur le dos même, sur l’épine du Saumon, le sol en est jonché, et plus encore sur le flanc septentrional. De ce côté, en effet, les sables prennent rapide¬ ment les allures d’une véritable formation nummulitique, à l’état de roche plus ou moins régulière, très-grossière et très-divisée dans le haut, plus compacte dans le bas, et dans laquelle des carrières sont ouvertes (commune de Saint-Jean de Lier) sur une longueur de 2 kilomètres environ du côté de Gassen. On retrouve NOTE DE M. TOURNOUER. 659 jusque-là la même composition : des bancs durs pétris de petites Nummulites alternant avec des bancs sableux, et des lits ferrugi¬ neux accidentellement; à moitié de la longueur, les parties hautes sont occupées par un banc assez puissant de petites Huîtres, Osirea fimbriata , d’après MM. Raulin etDelbos (Mo/iogr.).T$ ous n'y avons pas vu d’autres bivalves, ni de gastéropodes. Dans toute cette étendue, les couches semblent horizontales. A la hauteur et à partir de Cassen, où l’on trouve tout d’un coup, à un niveau égal, les couches de l’étage des marnes à Térébratules de M. Delbos inclinées vers le N. E. sous un angle de 20 degrés, notre formation est masquée par le sable des Landes. De cette description il résulte évidemment que nous avons ici le calcaire à Natica crassatina surmonté par une véritable forma¬ tion nummulitique qui a tout l’aspect d’une formation très-régu¬ lière et parfaitement en place et qui n’a de bien nouveau, à tout prendre, que ses proportions, puisque nous avions constaté déjà la présence et, jusqu’à un certain point même, l’abondance des Nummulites à Lahosse et à Gaas. Quel est le substratum des calcaires du Saumon ? Le pied même du promontoire est entouré de tous côtés et comme baigné par un sable qui ne nous semble pas pouvoir être autre chose que le sable de l’immense plaine des Landes pénétrant dans la vallée du Louts, où il est exploité activement, à l’état de grès superficiel (au Bucliuron, près de Gamarde, à Préchacq, et ici même, à quelques cents pas des carrières du Tue). Faut-il chercher plutôt ce substra¬ tum dans une carrière qui est ouverte à 300 mètres à l’ouest du Tue du Saumon, précisément au-dessous de ces grès sans fossiles superficiels, au lieu dit Bouheben, et où nous avons trouvé des marnes et des calcaires avec Nummulites irregulctris , Desh., et ZV. granulosa , var. d’Arch., 2 espèces de Bos-d’Arros? nous en doutons. Il faut plutôt le chercher, selon nous, et comme le pense M. Delbos, dans « les grès à Operculines » qui se trouvent eux aussi, d’après ses observations, dans le voisinage du Tue. Mais nous n’avons pas pu voir ces relations, qui sont masquées par les sables. Voici d’ailleurs la coupe des lieux (sans avoir égard aux pro- j portions ni aux distances). 000 séance du 22 juin 1868. Préchacq, au lieu dit le Couture, le calcaire à Natica crassatina exploité immédiatement au-dessous du sable des Landes et presque au bord et au niveau de i’Adour, par conséquent à un niveau inférieur à celui du Tue. Les couches nous ont semblé horizontales ; la roche est riche en moules et en empreintes de coquilles, et nous y avons reconnu les espèces caractéristiques ( Ccrithium Charpentier! , C. gibberosum, Natica an gus ta ta , Trochus Lucasianus ?1 Strom- bus , etc.) ; nous n’y avons pas constaté de Nummulites. Enfin, nous pensons que c’est au même étage qu’il faut rappor- ï ter les roches à Nummulites (ZV-. planulata , var.) et à Operculines [O. complanata ) avec Ostrea Martinsii ?, Raul., Delb., qui se montrent entre Thétieu et Pontons, sur la rive droite de l’Adour, en face de Préchacq , et dont nous devons la connaissance à l’activité et à l’obligeance éprouvées de M. Serres (de Dax); ce gisement intéressant relierait ainsi d’assez près avec celui de Préchacq les affleurements de Lesperon et du Tue du Saumon. Ces deux groupes, dont nous venons d’achever la revue, renfer¬ ment les seuls affleurements qu’on ait jusqu’à présent rapportés < dans le bassin de l’Adour à l’étage à Natica crassatina. Mais l’aspect particulier, le faciès nummulitique, on peut le dire, sous lequel nous venons de voir cet étage au Tue du Saumon, nous porte à croire qu’il faut encore y rattacher des roches nummuli- ! J’ NOTE DE M. TOURNOUER. 661 tiques fort éloignées vers le nord-est de celles-ci, et qui ont été découvertes et signalées récemment par M. Raulin (1) auprès du massif crétacé de Roquefort, sur l’affluent le plus septentrional de l’Adour. C’est un ensemble de « mollasses, de sables et de pla¬ quettes irrégulièrement concrétionnées de grès calcaires » renfer¬ mant en abondance la Nummulites intermedia , et ayant souvent absolument le même aspect que les grès du Tue du Saumon que nous venons de décrire. Cette similitude minéralogique et la pré¬ sence de la même Nummulite ne suffisent peut-être pas pour établir d’une façon incontestable la contemporanéité des deux roches, puis¬ que, dans l’état actuel du moins des connaissances géologiques sur le bassin de l’Adour, la N. intennedia s’y montrerait, comme nous le verrons, à différents niveaux. Mais nous pouvons ajouter que ces mollasses cldoritées de Roquefort renferment une petite Huître que nous connaissons déjà dans une mollasse identique dépendant du calcaire à Natica crassatina de Beaupuy, dans la vallée infé¬ rieure de la Garonne ( Ostrea rudicula? jRaul., Delb. ), et ce fait vient fortement à l’appui, jusqu’à preuve contraire, de l'assimila- tion que nous proposons (2). Il en résulterait qu’on aurait ici, au milieu des Landes, un jalon, un trait d’union précieux pour ratta¬ cher l’une à l’autre les deux formations de l’étage à Natica crassa¬ tina du bassin de la Garonne et du bassin de FAdour, jusqu’ici séparées par un intervalle géographiquement considérable. § 2. Nous avons établi par les descriptions qui précèdent , et avec autant d’exactitude que nous avons pu , la place qu’occupent les Nummulites dans la formation des calcaires et des marnes à Natica (1) Actes Acad, de Bord., 1862. (2) 11 faut d’ailleurs distinguer à Roquefort même les roches à N . intennedia dont nous venons de parler et qui y sont développées au sud du bourg, sur une étendue d’un kilomètre au moins, d’une I roche nummulitique très-différente minéralogiquement que nous y | avons reconnue nous-même à l'état de banc irrégulier, en contact avec I la craie supérieure fossilifère des carrières de Badeho, et qui contient, I avec des empreintes assez nombreuses de coquilles, des Alvéolines, des Orbitoïdes etdes Nummulites particulières ( Aeeolina oblonga? , d’Orb., Nummulites Rarnondi , Defr. , N. Leymeriei , d’Arch., N. Guettardi , d'Arch., etc.). Ces roches, qui semblent avoir participé au soulèvement des roches crétacées elles-mêmes auxquelles elles sont liées de très- près, représentent évidemment un étage nummulitique différent et considéré comme généralement plus ancien. 662 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. crassatina du bassin de PAdour. La présence des Nummulites dans cet étage n’est pas un fait nouveau ; il a été indiqué sommaire¬ ment par M. Delbos qui, même, sous la première impression 1 des faits tels qu’ils se présentent au Tue du Saumon , avait rat¬ taché d’abord cet affleurement particulier à son terrain nummuli- tique dont il formait la quatrième et dernière partie. Mais nous avons voulu mettre ce fait en relief à cause de son importance locale d’abord, et ensuite parce qu’il a sans doute un intérêt plus général pour la connaissance de l’étage et la classification des ter¬ rains tertiaires du Midi. Il est difficile en effet, croyons-nous, de ne pas reconnaître dans les terrains que nous venons de décrire, et dans les indications des fossiles les plus communs que nous avons données chemin faisant, des analogies frappantes sous le rapport paléontologique avec certains terrains nummulitiques , moyens ou supérieurs, soit du Yicentin, soit de la Ligurie, soit des Alpes du Dauphiné et de la Savoie ou du Valais, etc., et dans les uns et les autres, les traits généraux tout au moins d’une même formation caractérisée par les grosses Notices et certaines espèces généralement petites de Nummulites , formation dont M. d’Àrchiac signalait encore récemment ( Bull . , t. XVIII, p. 555) le prolongement jusqu’en Asie Mineure. Mais nous ne voulons i pas ici revenir autrement sur ces rapports, qui voudraient être étu¬ diés de très-près et très-complètement (1). Nous voulons nous borner à l’exposition de ce que nous avons vu dans le bassin de i’Adour. Pour nous résumer , nous avons donc constaté ici la présence et la position des Nummulites dans l’étage à Natica crassatina . Ces Nummulites, toutes petites, appartiennent à plusieurs espèces et à plusieurs petits niveaux ; elles sont localisées, comme dans les Alpes d’ailleurs, d’une façon singulière. La N. platmlota se trouve, à l’état de petite variété (voy. Haime et d'Arch.), à Gaas. Elle s’y trouve communément, mais sans former de bancs, à la partie inférieure ou moyenne de la forma¬ tion, associée à toute la faune des marnières d’Espibos (particuliè- ‘ rement dans l’intérieur des grosses Notices , des Strombus ouricu- (1) En traitant incidemment de cette question [Bull., t. XIX, p. 1075, etc.), nous avons indiqué d’une façon peu complète, et par conséquent peu exacte, les travaux des géologues italiens, et nous avons semblé les mettre en opposition avec ceux de MM. Hébert et Renevier. Nous nous empressons de reconnaître ce qu’il y a de défec¬ tueux et d’erroné dans ces appréciations bibliographiques. NOTE DE M. TOURNOUER. 663 larius, Grat., etc,); c’est une distribution d’espèces, comme on le voit et comme nous l’avons indiqué déjà, très-différente de celle qu’on observe dans le bassin de Paris. C’est à ce niveau que se trouve aussi, mais rarement, à Gaas, la IV. Lucasanci et la IV. Rouaulti (voy. Haime et d’Arch., Monogr .). La N. garansensis se trouve également à Gaas au même niveau, ou du moins associée à la même faune, à la carrière de Garanx, où elle forme même une sorte de banc particulier par son abon¬ dance. Au Tue du Saumon, elle est beaucoup plus rare et à un niveau un peu supérieur. La IV. intermedia se trouve à Gaas abondamment, d’après les communications que nous devons à M. Perris ; mais nous n’avons pas pu constater nous-même son gisement. Au Tue du Saumon elle surmonte la masse calcaire et se trouve, en banc puissant, à un niveau assez élevé au-dessus de celui de la Natica crassatina. Mais peut-être n’avons-nous pas ici toute la formation ; les cou¬ ches à Qerithium trochleare paraissent manquer, et, en définitive, la Nummulites intermedia , qui semble occuper la partie supérieure, n’est peut-être, ici comme ailleurs, qu’a la partie moyenne et dans la masse de la formation . Ces diverses Nummulites relient l’étage à IV. crassatina aux ter¬ rains nummulitiques inférieurs du même bassin. En effet, la IV. Lucasana se trouve à Bos-d’Arros, la IV. planulata à Biarritz et à Bos-d’Arros également ; la IV. garansensis , qui a pris son nom à une carrière de Gaas, et qui forme des bancs puissants dans les montagnes de l’Inde, se trouverait elle-même, d’après nos recherches et d’après des déterminations que nous devons à la précieuse obligeance de M. d’Archiac : 1° dans les calcaires à Ser- pula spirulœa de Bacheré, près de Gaas, avec les Orbitoides stellata et radians ; 2° dans les couches à grandes Nummulites de Montfort. La IV. Rouaulti se trouve aussi dans cette dernière localité; enfin, quant à la IV. intermedia, qu’on y rencontre également, on sait en quelle quantité elle est répandue dans la falaise de Biarritz et quel rôle elle y joue. Il y a donc liaison par les espèces de Nummulites entre l’étage qui nous occupe et les étages plus anciens (deuxième et troisième étage nummulitiques de M. Delbos); et nous avouons que si l’on voulait, par exemple, relier directement la faune deGaas à celle de Bos-d’Arros, deux faunes connues et parfaitement distinctes, on serait embarrassé de le faire autrement que par les foraminifères que nous avons cités. Mais Bos-d’Arros n’est pas sans doute le terme immédiatement inférieur à Gaas, ce gisement isolé a été mu SÉANCE DU '22 JUIN 1863, en effet rapporté avec sagacité par M. Delbos à l’étage de la Serpula spirulœa (attribution qui est conforme aux observations que nous avons faites à Peyrehorade et à Cazordite, où cette faune spéciale se retrouve en partie) ; et la coupe si instructive de la falaise de Biarritz montre que ces couches à Serpula spirulœa sont suivies par d’autres couches nummulitiqués très-nombreuses, qui s’étendent depuis le port des Basques jusqu’à la Chambre-d’Amour et dans lesquelles il faudrait chercher, selon nous, les assises de transition qui annoncent l’étage à N. crassatina et qui relient ces divers dépôts marins. En effet, pour ce qui est de la N, intermedia qui, avec la N. biar- ritzensis , caractérise ces couches, nous avons vu quelle position et quelle importance elle a au Tue du Saumon et ailleurs; il faut se rappeler aussi qu’en Italie son véritable niveau semble être dans ces couches liguriennes qui sont tout au plus l’équivalent de Gaas (à Acqui, Dego, Cadibona, etc.), et que c’est probablement l’espèce signalée dans les couches miocènes de la Superga (voy. Haime et d’Archiac, Monogr.). Pour la N. biarritzensis , elle se trouve aux Diablerets, dans le Vicentin et dans le Véronais, associée à beaucoup de fossiles de Gaas également. Quant à Y Eupatügus ornatus , si ré¬ pandu dans les mêmes couches de Biarritz, on ne l’a trouvé, en de¬ hors de cette localité, qu’à Préchacq, près de Dax, où nous venons de décrire un affleurement des calcaires à N. crassatina , et à Bor¬ deaux , où l’on a rencontré dans le falun de Terre-Nègre et dans le calcaire des coteaux de la Garonne une forme si voisine, que M. Cotteau hésite à en faire une espèce. Dans les mêmes localités (Bordeaux, Préchacq, Loner, etc.) on trouve aussi une grande Huître de Biarritz (O. gigantea , var. A, Delb., O. rarilamella , Desh.?), dont la présence à différents niveaux relierait entre elles les différentes assises nummulitiqués. Enfin, quant aux gastéro¬ podes de la falaise du Phare et de la Chambre-d’Amour, décrits et figurés en partie par M. d’Archiac, et que nous avons pu voir dans la belle collection de notre confrère M. Pellat, nous croyons que pour une partie au moins (Turritelles, Scalaires, Volutes, Cônes, etc.) ils ont leurs analogues, sinon leurs identiques, dans la faune de Gaas. Si nous ne sommes point ici au niveau de Gaas, ce que nous ne «voulons .pas affirmer sans une étude plus précise des espèces qui nous semblent communes et en l’absence évidente d’ailleurs des grosses espèces si caractéristiques et généralement si répandues de cet étage, nous en sommes du moins très-près pro¬ bablement; et ces dernières couches de Biarritz peuvent être considérées comme le premier niveau de plusieurs espèces de NOTE DK M. TOURNOllER. 665 forami ni fères, d’échinides et de mollusques qu’on rencontre encore dans les couches à N. crassatina. Nous ne pouvons pas, d’ailleurs, nous étendre ici davantage sur ces relations paléontologiques ; mais ce que nous avons dit suffit peut-être pour montrer que si la faune de l’étage à N. crassatina se relie dans la Gironde à celle des faluns, comme nous avons cherché à ie prouver dans notre précédente note, elle se relie éga¬ lement d’un autre côté, dans le bassin de l’Adour, à l’ensemble de la faune nummulitique inférieure, et spécialement sans doute à celle des dernières falaises de Biarritz (1). Stratigraphiquement, nous avons vu, chemin faisant, en donnant la description des affleurements de notre étage, que, surtout dans le groupe de Dax, les couches en sont visiblement inclinées, sous des angles divers et dans des directions quelquefois très-différentes et tout à fait opposées, quoiqu’à de très-petites distances. Ainsi la direction et l’inclinaison ne sont pas les mêmes à Lesperon qu’à Gaas, ni à Gaas qu’à Benesse qui se touchent cependant. Ces inclinaisons des couches à Natica crassatina dans ie bassin de l’Adour, et notamment près de Dax, sont un fait aussi incontestable que celui de la présence des Nummulites dans ces mêmes couches; mais quels sont les rapports de ces inclinaisons et de ces directions avec celles des terrains environnants de la même contrée, et quels ont été les agents et les époques de ces pertur¬ bations? Ce sont des questions que nous ne pouvons pas traiter inci¬ demment dans une étude paléontologique et dont la solution (1) M. Delbos, à qui les rapports de quelques-unes de ces espèces n’avaient pas échappé (Thèse, in fine , p. 426), rapproche cependant les dernières assises de Biarritz des assises à Serpula spirulœa , et les sépare de l’étage à N. crassatina par un très-grand hiatus, correspon¬ dant à tout le dépôt des mollasses lacustres du Fronsadais et du calcaire grossier cle Blaye , ce que nous aurons de la peine à admettre, les mollasses du Fronsadais pouvant être représentées précisément par les dernières couches marines de Biarritz dont nous parlons. C'est à M. Delbos d’ailleurs qu’on doit l’observation importante, que, dans toute la série tertiaire du bassin occidental de l’Adour, les dépôts la¬ custres manquent complètement; l’absence de ces dépôts intercalés, si commodes pour la division des terrains, rend plus difficile encore, et plus hypothétique ici, l’établissement de coupures, que rien ne nous prouve avoir été parfaitement synchroniques de celles des bassins du Nord, tout au contraire. Nous ajouterons que, dans la région des Alpes, il semble qu’on retrouve le même défaut de dépôts lacustres, le même caractère mixte dans les faunes marines qui en résulte peut-être, et par conséquent les mêmes difficultés de synchronisation. 066 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. exigerait l’observation complète, à tous les points de vue, de tous les terrains du bassin de l’Adour. Nous nous contenterons des observations suivantes : les terrains nummuli tiques propre¬ ment dits (marnes à Térébratules ou calcaire à Serpuhi spirulœa de M. Delbos) forment autour ou au milieu des affleurements à Natica crassatina , des collines qui se trouvent portées à la même hauteur ou à une hauteur supérieure (Caignotte-Cazordite près de Gaas, collines de Gibret, Montfort, Gamarde, Cassen, etc., près de Lahosse et du Tue du Saumon); les couches en sont in¬ clinées dans des directions différentes, N. E. généralement, mais pas toujours, et sous des angles très- variables; nulle part notre étage ne les surmonte visiblement, si ce n’est peut-être à Lesperon, comme nous l’avons dit. Il faut donc supposer qu’elles formaient déjà rivage pour celui-ci, comme nous inclinons à le croire, ou qu’elles ont été généralement dénudées. En tout cas, et c’est là tout ce que nous voulons dire, quel qu’ait été l’agent et quel qu’ait été le nombre des secousses qui ont constitué le sol accidenté de la Clialosse, secousses qui nous paraissent avoir été nombreuses et prolongées et avoir eu le caractère de commotions locales, les terrains à N. crassatina y ont participé tout comme les terrains nummulitjques antérieurs, et au contraire les dépôts subséquents des faluns semblent y avoir généralement (1) échappé; de sorte que ces deux étages, vus en grand, sont constitués en discordance de stratification, quoique les points de contact soient masqués par le sable des Landes. En effet, les faluns de Saint- Avit (prolongement des faluns de Bazas) qu'on peut suivre sur une longue étendue le long de la Douze depuis les soulèvements crétacé et nummulitique de Saint- Justin et de Roquefort jusqu’à Mont-de-Marsan ; —les faluns jaunes de Saint-Paul de Dax (correspondants des faluns de Bordeaux) autant qu’on peut les observer depuis les forges d’Abesse jusqu’à Mees sur l’Adour, presque en face de Lesperon (2) ; — les faluns et (4) Nous faisons cette réserve, parce que les collines nummulitiques sont surmontées quelquefois par les marnes bleues supérieures dont nous avons parlé en commençant (Peyrehorade, Bois-d’Orthes, etc.) et dont la présence à ce niveau n’est pas sans intérêt. (2) Dans le bassin inférieur de l’Àdour, près de Dax, les couches d’eaux saumâtres à Cyrena Brongniarli , Cerithium plicatum , etc., qui, dans le département de la Gironde, reposent immédiatement sur les assises du calcaire à Natica crassatina et les relient insensiblement aux faluns de Bordeaux, manquent jusqu’à présent ; les mêmes causes qui ont soulevé ici les calcaires à N. crassatina se sont opposées NOTE DE M. TOURNOUER. 667 mollasses de Mont-de-Marsan (équivalent du falun de Salles) qui s’étendent sur un très-grand espace depuis Audon en face du Tue du Saumon au confluent de la Midouze et de l’Adour jusque dans le département du Gers; — et enfin les mollasses bleues ossifères qui pénètrent comme des digitations dans les vallées basses de la Chalosse et en ont comblé les fonds ; tous ces terrains, qui forment la plaine des Landes, sont étendus horizontalement aux pieds des terrains nummulitiques ou crétacés dont ils contournent les sinuo¬ sités comme celles d’un rivage. Si donc on considérait isolément le bassin tertiaire de l’Adour, on serait amené, comme conclusion des observations paléontolo- giques et stratigraphiques que nous venons de faire, à le diviser en deux grands groupes qui y semblent naturels : Les terrains supérieurs ou faluniens, marnes bleues/ de Saubrigues, etc., etc. (à sous- et mollasses/ diviser) < supérieures. de Mont-de-Marsan, sous -divisés en :[ faluns jaunes. . ?ax ’ . .. \ J (de Saint-Avit; etc. et les terrains inférieurs ou nummulitiques, sous-divisés en : ' /les faluns et calcaires à Natica ! crassatina et Nam midi Le s in- groupe nummu-1 termedia , de Gaas, Tue du litique supé-1 Saumon, etc. ; rieur, com- \ les grès et calcaires à Operculi- prenant : . . J nés, Eupatagus ornatus, Num- ( mulites intermedia , etc., de ^ Biarritz, etc. groupe nummulitique inférieur, à Serpula spiru- lœa , grandes Nummulites et Orbito'ides (à sous- diviser). Cette classification, qui semble un pas fait en arrière sur celle de M. Delbos, et qui revient à celle qui a été donnée incidemment par M. Leymerie, dans son Mémoire sur les Nummulites (Roll. et Leym., Toulouse), ou même, sous d’autres noms, à celle de la sans doute au dépôt des couches dont nous parlons. Tandis que, près de Bordeaux et même entre Saint- Justin et Mont-de-Marsan, ces cal¬ caires semblent avoir été lentement émergés, puis lentement recou¬ verts par des dépôts lacustres, d’eaux saumâtres et d’eaux marines tranquilles; près de Dax, au contraire, les seuls dépôts faluniens que l’on rencontre sont ceux de Saint-Paul de Dax et d’Abesse, dépôts tourmentés, remaniés sur place sans doute, et dont les fossiles, roulés pour la plupart, présentent incontestablement pour nous un mélange de la faune de Bazas et de celle de Léognan, 668 SÉANCE i)\j 22 JUIN 1863. carte géologique de la France et aux divisions paléontologiques de Grateloup, nous semble l’expression assez juste des faits particu¬ liers au bassin de l’Adour étudiés sans parti pris, et elle donne peut-être comme classification locale, tout au moins, la valeur qu’il mérite à ce fait de la présence des Nummulites dans l’étage à Natica crassatina, fait dont l’importance ne doit pas être exagérée, mais ne doit pas être non plus méconnue ; à lui tout seul, il ne suffit pas pour classer un terrain; mais ici les Nummulites ne sont pas à l’état sporadique ; elles sont à l’état de banc et de véritable formation, et mêlées à des espèces de mollusques et de polypiers qu’en tout autre pays on a appelées jusqu’à présent nummulitiques. Quoi qu’il en soit de cette question de classification générale, notre étage est certainement, par tous ces faits, un étage bien caractérisé, qui ne se confond ni avec l’éocène d’une part, ni avec le miocène de l’autre, mais qui se relie cependant à tous les deux ; et c’est ce caractère mixte qui le rend difficile à synchroniser, mais aussi qui le rend intéressant au point de vue de la transformation des espèces et de l’évolution des faunes (1). Quant à la persistance, à la longévité des Nummulites dans les terrains de l’Adour, elle pourrait s’étendre plus loin encore que nous ne l’avons dit. Nous avons en effet reconnu récemment au nord et au-dessus de Peyrchorade, et reposant sur les calcaires et les marnes à Serpula spirulœa avec lesquelles on peut d’abord les confondre, des marnes fossilifères dignes d’attention à ce point (1 ) De deux choses l’une : ou Gaas (pris ici comme type de toutes les assises homologues) est parfaitement contemporain des sables de Fon¬ tainebleau, avec lesquels il n’a que quatre ou cinq espèces communes, mais très-caractéristiques, et les particularités de sa faune, persistance de formes anciennes, anticipation de formes nouvelles, etc., s’expli¬ quent par une très-forte localisation dans un bassin indépendant; ou Gaas est plus ancien que Fontainebleau, et contemporain de l’éocène parisien supérieur (marin et lacustre), et il est alors, toujours bassin indépendant, la mère patrie de certaines formes qui plus tard ont émigré vers le nord. Mais la vérité n’est peut-être pas dans ce dilemme rigoureux qui fait passer toutes les assises sous des alignements un peu systéma¬ tiques, et nous sommes disposé à croire qu’il faut entendre le syn¬ chronisme dans un sens plus large, tout au moins pour l’époque ter¬ tiaire, et admettre que diverses régions, pendant une même grande période géologique, ont pu avoir une assez grande inégalité dans la durée des dépôts, inégalité qui expliquerait elle-même aussi, et pour sa part, les modifications et les transformations qu’on observe dans ces faunes locales. NOÎË r>£ M. ÏOURNOUEK.» 669 de vue^Nous y avons recueilli déjà environ 80 espèceâ de mol¬ lusques, qui, d’après une première inspection qu’en a bien voulu faire avec nous M. Deshayes, appartiendraient généralement au terrain miocène proprement dit, et qui se trouvent associées, chose étrange, à des Orbitoïdes et à des Nummulites fort abondants et fort bien conservés, que, de son côté, M. d’Archiac rapporte à l’ Orbitoicles Fortisii , O. sella? (de Bos-d’Arros, etc.), et à la Nummulites Rouaulti. Nous ne voulons pas engager autrement Ja responsabilité de ces deux maîtres à l’égard d’un fait qui serait intéressant, mais qui a besoin d’être vérifié de très-près, et sur lequel nous ne pouvons nous-inême nous exprimer encore qu’avec réserve. Ainsi, dans le bassin de l’Adour, les Nummulites pullulent dans les terrains tertiaires inférieurs ou éocènes; elles abondent encore dans les couches qu’on qualifie généralement de miocène inférieur, ou tongrien, et elles se retrouveraient même plus haut jusque dans le véritable miocène. Yoilà pour la longévité du genre. Quant aux espèces, nous rap¬ pellerons que : 1° elles ne sont pas toutes localisées dans certaines couches géologiques; elles peuvent au contraire occuper plusieurs niveaux et traverser plusieurs étages, et elles forment en défini¬ tive des horizons chronologiques assez peu certains. 2° Elles sont au contraire très-localisées dans l’espace. Les es¬ pèces abondantes de Gaas ne sont pas celles du Tue; à Gaas même, elles varient à des distances minimes ; ailleurs, et tout près, elles manquent complètement. Il en est de même dans les Alpes; les Nummulites de Faudon, par exemple, ne sont pas celles des Diablerets, et celles des Diablerets sont associées à des espèces plus anciennes du bassin de l’Adour, etc. Et à cet égard nous ne finirons pas sans indiquer un dernier et remarquable exemple de cette localisation : c’est le dévelop¬ pement extrême des Nummulites dans le bassin de l’Adour et leur rareté extrême ou leur absence totale dans le bassin de la Garonne, pourtant si rapproché. Dans ce dernier bassin , en effet, on n’a encore rencontré de Nummulites qu’à l’embouchure de la Gironde, à Saint-Palais, où l’on a trouvé des fragments de roches avec N. planulata , au-dessus du terrain crétacé ; mais, ni dans le calcaire éocène de Blaye, ni dans les calcaires à Natica cras- satina de Bourg et de Saint-Macaire, dont les dépôts sont bien autrement étendus cependant que ceux du bassin de l’Adonr et offrent d’ailleurs exactement la même faune malacologique, on n’a encore signalé avec certitude aucune Nummulite. 670 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. Ce fait singulier (les Echinides prêtent à une observation ana¬ logue) doit s’expliquer évidemment par quelque circonstance de la géographie géologique locale, par une certaine séparation des eaux si voisines cependant des deux bords du golfe. iNous voyons en effet qu’entre Marmande, sur la Garonne, et Roquefort, sur un affluent de l’Adour, les dépôts marins dont nous parlons disparaissent en¬ tièrement ; nous pensons, profitant des dernières et intéressantes observations de MM. Raulin et Jacquot, que les crêtes ou plissements crétacés de Roquefort, au nord-est de Mont-de-Marsan et de Villa- grains, au sud de Rordeaux, dont ils ont déterminé la direction générale sud-est-nord-ouest , pouvaient diviser le golfe , alors concave, de l’Aquitaine en trois parties ou régions, à l’époque au moins des dépôts à Nation crassatina dont nous parlons. Au sud, près des Pyrénées, cette mer, encore nummulitique,. s’étendait du côté nord jusqu’à la crête ou île de Roquefort. Au nord, au con¬ traire, du côté du plateau central , la mer tertiaire contemporaine formait un golfe entre les dépôts crétacés de la Saintonge et la crête ou île de Landiras et Yillagrains, qu’elle contournait d’ail¬ leurs. Et entre ces deux crêtes ou îles ou banquettes, débouchaient déjà probablement par plusieurs deltas, avec lagunes latérales, étangs salés ou d’eau douce, ces grands cours d’eau qui ont déposé les vastes dépôts mollassiques de la partie supérieure et orientale du bassin de la Garonne, alternant sur le rivage avec des dépôts marins ou d’eaux saumâtres compliqués. M. Edm. Pellat fait la communication suivante : Note sur les falaises (le Biarritz ; par M. Edmond Pellat. Dans sa note sur la présence des Numnmlites au milieu de C étage à Natica crassatina du bassin de f Adour , M. Tournouër revient sur une opinion qu’il a déjà formulée l’année dernière [Bull. Soc. géol. de France , 2e sér., t. XIX, p. 1035), et d’après laquelle le terrain miocène inférieur de 1 Aquitaine, dont font partie les couches de Gaas, se relierait au terrain éocène. Comme conclusion de ses observations paléontologiques et stratigraphiques dans le bassin de l’ Adour, M. Tournouër propose, pour les terrains ter¬ tiaires de ce bassin, les divisions suivantes : Terrains supérieurs f marnes bleues et j Saubrigues. ou S mollasses su-] faluniens j périeures. (Saint-Jean de Marsac. sous-divisés en : \faluns jaunes de Dax. NOTE DE M. PELLAT, 071 ■ Fciluns et calcaires à Natica crassatina, Nummulites in¬ termedia, de Gaas , Tue du Saumon, etc. Grès et calcaires h Opcrculi- nes , Nummulites interme¬ dia, Eupatagus ornatus, de Biarritz . tique inférieur à Serpula spi- ;s Nummulites (à sous-diviser Cette classification toute locale, que l’auteur ne donne que comme lui paraissant l’expression assez juste de faits particuliers au bassin de l’Adour, amènerait, si elle était généralisée, à faire, dans les terrains tertiaires, la division dont il parlait en terminant son précédent travail [Bull., 2e sér., t. XIX, p. 1088) : Terrains tertiaires r le terrain pliocène; supérieurs < comprenant: ( le terrain miocène. - Terrains tertiaires^ les couches inférieures du terrain miocène, inférieurs J sous le nom d’oligocène, ou sous un autre ; comprenant: (.le terrain éocène. Le terrain miocène, comme on le voit, serait scindé et ses cou¬ ches inférieures seraient groupées avec le terrain éocène. C’est ainsi que, dans le bassin de l’Adour en particulier, M. Tournouër est disposé à réunir les couches inférieures du terrain miocène ( Jaluns et calcaire à Natica crassatina) au terrain éocène, pour en former les terrains tertiaires inférieurs ou nummu- litiques, et que, même, pour rendre la liaison plus étroite entre le miocène et l’éocène, il range dans un même groupe nummuliti- que supérieur ces couches inférieures du terrain miocène et des couches du terrain éocène [grès a O percalines et calcaires à Eupa¬ tagus ornatus dn Biarritz . La faune des Jaluns et des calcaires ci Natica crassatina de Gaas et la faune de couches a Opcrculines et à Eupatagus ornatus de Biarritz sont-elles pourtant au même niveau? M. Tournouër n’ose l’affirmer « en l’absence évidente des grosses espèces caracté- » ristiques et généralement si répandues de Gaas (1), et sans une (1) M. Tournouër a pu voir, en effet, en examinant nos collections, que nous n’avons jamais trouvé, à Biarritz, les grosses Natices, par exemple, si communes à Gaas. Terrains inférieurs ou nummulitiques sous-divisés en : groupe nummulitique supérieur. \ groupe nummuli rulœa , grosse aussi). 6 n SÉANCE DU 22 JUIN 1863. » étude plus précise des espèces qui semblent communes* *> mais ces deux faunes lui paraissent se relier l’une à l’autre; elles auraient quelques espèces communes (des Nummulites principale¬ ment), et l’on trouverait, dans les deux, des formes analogues, sinon identiques (1). C’est à propos de ces espèces, servant à relier les deux faunes, que nous nous bornerons à ajouter quelques réserves à celles que fait déjà M. Tournouër. D’après notre confrère, cinq espèces de Nummulites seraient communes aux deux faunes. Le fait de l’existence de Nummulites dans le terrain miocène inférieur ne saurait être nié; constaté ailleurs que dans le bassin de l’Adour, il a été cité en 1853, par le savant auteur de la Monographie des Nummulites , M. d’Archiac, qui indique deux Nummulites du terrain miocène, l’une qui serait peut-être la Nummulites intermedia, l’autre qui est la Nummulites garahsensis. Ces rares exemples, dit-il, « sans détruire l’unité de » l’ère nummulitique, prouveraient seulement que l’existence des » derniers représentants du genre a pu se prolonger un peu » après que la faune tertiaire inférieure avait disparu (2). » M. Delbos (Thèse, p. 321) mentionne, dans l’étage de Gaas, la Nummulites garansensis qui tire son nom d’une carrière de Gaas et, avec point de doute, la Nummulites intermedia. La première est spéciale au terrain miocène inférieur (3) ; la seconde, qui pul¬ lule à Biarritz et qui est l’une des plus récentes espèces de Num¬ mulites dans l’ordre d’apparition (A), était douteuse pour M. Delbos, comme espèce de terrain miocène. Avec ces deux Nummulites, suivant M. Tournouër, on trouverait, à Gaas, les Nummulites Lucasana et Rouaulti , ainsi qu’une variété de petite taille de la Nummulites planulata , espèces qui, avec la Nummulites intermedia , sont plus ou moins abondantes, à Biarritz, Bos-d’Arros et ailleurs dans des couches plus anciennes. Ces Nummulites sont-elles bien, à Gaas, dans l’étage à Natica crassatina ? Ne se (1) Dans le mémoire intitulé trop modestement Essai d'une des¬ cription géologique du bassin de V Adour , M. Delbos signalait, dès 1855, une certaine analogie entre les terrains nummulitiques propre¬ ment dits et le terrain miocène inférieur, et citait (page 426), comme se retrouvant dans le terrain miocène, deux fossiles nummulitiques dont nous allons parler, V Eupatagus ornatus et X Ostrea gigantea. (2) D’Archiac, Monographie des Nummulites , p. 79. (3) Sauf une variété qui, d’après M. Tournouër, se retrouve, tout près de Gaas même, dans le terrain nummulitique inférieur. (4) D’Archiac, Monographie des Nummulites , p. 79. NOTE DE M. PE LL AT o 673 trouvent-elles pas, autour de Gaas, dans des couches plus anciennes, leur station normale ? Notre confrère affirme qu’elles sont dans l’étage à Natica crcisscitina , et, devant les descrip¬ tions locales qu’il donne, on ne saurait le contester. Resterait donc seulement cette autre question : les diverses Nummulites de l’étage de Gaas se rapportent-elles aux types cités plus haut? en un mot, les déterminations sont-elles assez certaines pour établir sûrement ce fait de la persistance des mêmes espèces de Nummulites à deux niveaux? En présence des difficultés qu’offre la spécification de ces foraminifères (surtout lorsque, comme à Gaas, ils sont de petite taille), nous espérons que notre confrère nous pardonnera le doute que nous sommes tenté de hasarder ici. Nous douions également que Y Eupatagus ornatus , si abondant à Biarritz, passe du terrain nummulitique ou éocène dans dans le terrain miocène. M. Tournouër , sans prétendre, du reste, qu’il s’agisse bien réellement du même Eupatagus , rappelle que Y Eupatagus ornatus a été trouvé, en dehors de Biarritz, à Préchac, dans le calcaire à Natica crassatina , et dans le falun de Terre-Nègre près Bordeaux. M. Cotteau, dans son récent et bel ouvrage sur les Echinides fossiles des Pyrénées, s’exprime ainsi (p. 147) sur cet échinide :... « Tout récemment M. Gosselet nousa » communiqué un très-bel échantillon d 'Eupatagus provenant du >» du calcaire à Astéries de Langoiran (Gironde). Il offre, assuré- » ment, au premier abord, beaucoup de ressemblance avec l’es- » pèce de Biarritz; il nous paraît, cependant, s’en distinguer par » sa taille plus forte, sa forme plus large, sa face supérieure plus » épaisse, ses tubercules interambulaeraires plus nombreux et » moins gros et le fasciole qui les entoure plus large et plus » flexueux. C’est à ce même type qu’appartient probablement » Y Eupatagus ornatus signalé par M. Raulin à Terre-Nègre près » Rordeaux ». h' Eupatagus des calcaires à Astéries et des faluns inférieurs ne serait donc peut-être pas Y Eupatagus ornatus de Biarritz, et nous ajouterons qu’à Biarritz même, dans les couches à Serpula spirulœa du rocher du Goulet, il existe un autre Eupa¬ tagus ( Eupatagus Des Moulinsl , Cotteau). M. Tournouër cite aussi, comme se retrouvant dans des couches qui correspondent à Gaas, « une grande Ostrea (O. gigantea , O. » rarilamella , Desh.) dont la présence à différents niveaux relie les » assises nummulitiques ». Nous ne savons pas si les Ostrea de l’étage de Gaas peuvent se rapporter à quelques Ostrea de Biarritz, mais nous pouvons dire que les Ostrea de Biarritz nous paraissent fort peu connues, et il serait peut-être prudent d’attendre, pour Soc. géoh, 2e série, tome XX. 43 Ô7A SÉANCE DC 22 JUIN 1863. les citer, qu'une étude plus complète en ait été faite. Nous avons, en effet, montré à 31. Tournouër. sous le nom d 'Ostrea rariln- mella . Desli. , une graude Ostrea du rocher du Goulet pi es Biarritz ; 31. Deshayes, à qui nous venons de communiquer nos échantillons, n’a pas hésité à y reconnaître Y Ostrea rarilamelia , espèce du ter¬ rain éooène qui se trouve, dans le bassin de Paris, à la base des sables de Cuise; nos Ostrea rarilamelia proviennent des couches inferieures à Serpula spirulæa ; nous n'oserions pas appliquer ce nom aux Ostrea des couches supérieures à Operculines de Biarritz et. à plus forte raison, aux Ostrea du terrain miocène inférieur de Gaas. Enfin 31. Tournouër s’appuie , pour relier les couches de Gaas aux couches supérieures de Biarritz, sur plusieurs gastéro¬ podes qu’il a vus dans notre collection et qui lui paraissent ana¬ logues, sinon identiques, à des espèces de Gaas In Scalaire de Biarritz, récemment décrit par 3131. de Raincourt et Munier, dans le Journal de conchyliologie [avril 1863 . est, en effet, très- voisin d'un Scalaire de Gaas; mais un examen attentif a fait voir quelques différences, et il en sera de même, peut-être, des autres gastéropodes de la falaise de la Chambre -d’ Amour 3 olutes, Turrilelles, Cônes, etc.) qui sont représentés à Gaas par des formes bien voisines, mais encore peu connues. N ous ferons remar¬ quer que les gastéropodes de Biarritz cités par 31. Tournouër appar¬ tiennent tous, comme nous le lui avons dit, aux couches les plus élevées grès à Operculines de 31. Delbos . Aussi serait-ce dans ces couches, suivant 31. Tournouër, qu’il faudrait chercher, sinon tout à fait Gaas, du moins les couches de transition qui annoncent l’étage à Satica crassatina. Nous croyons donc, quant à nous, que lafaune de Gaas, dansl’état acruel des connaissances paléontologiques, n’a, tout au plus, en fait d’espèces communes avec la faune de Biarritz, que quelques Num- mulites ; mais nous nous empressons de faire remarquer que notre confrère >1. Tournouër, après avoir dit qu’il y a liaison d’espèces de N’ummulites entre l’étage de Gaas et les étages nummulitiques plus anciens, ajoute, en réclamant, comme nous, l’étude compara¬ tive des deux faunes, que ces liens sont même à peu près les seuls qui les rattachent pour le moment. A cette occasion , nous dirons quelques mots des différents ni¬ veaux fossilifères de Biarritz, et nous y signalerons un gisement de lafaune de Bos-d’Arros. 31. Alex. Rouault a décrit, en 1850. dans ]es Mémoires de la Société géologique de France 2e série, t. III . la ROTE DE M. PELLAT. 675 faune de Bos-cTArros, prés de Pau. Cette faune, qui compte \UU espèces, aurait 38 espèces communes avec le terrain éocène pari¬ sien; mais la place exacte qu’elle devait occuper dans la série num mu li tique restait incertaine; en effet, la belle conservation des fossiles, l’abondance des gastéropodes, l’isolement du lambeau de Bos-d’Arros, tout concourait, ainsi que le faisait remarquer M. JJelbos (Thèse, p. 318), et avant lui M. d’Arcbiac (Histoire des progrès de la géologie, t. III), a donner à ce gisement un caractère anormal; aussi AI. JJelbos ajoutait-il qu’il ne pouvait le faire rentrer dans les règles générales qu’il établissait pour le bassin de l’Adour, mais il n’hésitait pas à le rapportera son étage moyen (calcaire à Numrnulites) à cause de la présence des Serpula spiru- lœa. Nous montrerons la place exacte qu’il occupe dans la série nummulitique de Biarritz. Les falaises de Biarritz ont fait l’objet de plusieurs travaux. AJ. Thorent, en 18A6 ( Mém . de la Société géologique de France , 2e série, t. 1), Al. JJelbos, en 1855 (Essai d'une description géolo¬ gique du bassin rie C Adourp Aï. Kœchlin-Schlumberger ( Bull, de la Société géol . , 2f; série , t. XII), ont décrit successivement cette localité célèbre. Apres une pareille étude, comme ie disait déjà AI. Kœchlin-Schlumberger, on ne peut plus que glaner. AJ. Thorent a reconnu dans les falaises de Biarritz , depuis la. Chambre-d’ Amour jusqu’à Bxdart : 4° Jusqu’au phare, des calcaires sableux et marneux, à Turritella inibrîcaiâria ; 2° Du phare au vieux port, des calcaires sableux, à Spatangus ornât us ; 3° Du vieux port au delà du rocher du Goulet, des marnes et des calcaires à Serpula spirulœa ; 4° Au delà du Goulet , des calcaires marneux et sableux avec Térébratules, Pygorhyrichus , polypiers. Le tout aurait près de 2000 mètres de puissance. AI. JJelbos a divisé les terrains nummulitiques du bassin de l'Adour en : 3° Étage supérieur: j 2° Étage moyen : j Grès à Operculines. Calcaires à Eupatagus ornatus. Calcaires à Numrnulites et Serpula spi¬ rulœa. 4° Étage inférieur: j AJarnes à Térébratules. Enfin, Al. Kœchlin-Schlumberger, dans une intéressante notice nous fait suivre les falaises de Biarritz, depuis le phare jusqu’à 676 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. Bidart, et, sans nous proposer de divisions ou de sous-divisions, nous indique les principaux fossiles qu’il a recueillis pendant une courte, mais fructueuse exploration. Il s’occupe surtout des cou¬ ches qui paraissent, vers Bidart, commencer la série nummuli- tique, ou dont la position serait encore incertaine. Nous renverrons, pour les calcaires siliceux et le gypse de Bidart, aux descriptions qu’il donne , nous arrêtant aux couches les plus basses de la série caractérisée par la Serpula spiralœa . Le tableau suivant, dans lequel nous résumons nos observa¬ tions, n’ajoutera donc pas beaucoup à ce que l’on sait déjà sur Biarritz, mais nous pensons qu’il ne sera peut-être pas tout à fait inutile de caractériser les deux grandes divisions que l’on peut établir à Biarritz, et qui se distinguent aussi bien par leur faune que par leur composition minéralogique : 1° La division supérieure, composée, surtout, de sables et de grès jaunâtres, plus ou moins calcarifères, avec les Opercu- lines, en haut, et une multitude de petites Nummulites, en bas ; 2° La division inférieure, composée presque uniquement de marnes et de calcaires grisâtres ou bleuâtres, avec de grosses Nummulites et une prodigieuse quantité de Serpula spiru- lœa , dans laquelle viennent s’éteindre, au milieu de nom¬ breuses formes tertiaires, quelques formes crétacées ( Guet - tarclia , Bourgueticrinus , Cyphosoma , Salcnià). Nous espérons nous servir, plus tard, des nombreux fossiles que nous avons recueillis à Biarritz, pendant trois séjours, pour recher¬ cher s’il n’y aurait pas quelque rapprochement à y faire avec le bassin de Paris; mais ce rapprochement, qu’on ne pourra peut- être jamais établir, serait aujourd’hui bien hasardé; car, parmi les fossiles de Biarritz, il y a peu d’espèces que l’on rapporte à des types des sables moyens, du calcaire grossier ou des sables infé¬ rieurs, et, à supposer que les déterminations ne laissassent aucun doute, il faudrait encore chercher si ces espèces sont groupées à Biarritz dans le même ordre qu’aux environs de Paris. Prise dans son ensemble, la faune de Biarritz rappelle à première vue le cal¬ caire grossier plutôt que tout autre étage du bassin de Paris; ce¬ pendant , en voyant les couches à Eupatagus , la faune du port- des Basques, et, au-dessous, les Ostrea rarilamellu , nous ne pouvons nous empêcher de songer aux Eupatagus du calcaire grossier in¬ férieur, à la faune des sables inférieurs et aux Ostrea rarilamella du Soissonnais. GROUPE SUPÉRIEUR ou A OPERCULINES et A EUPATAGUS ORNATUS. NOTE DE RI* PELLAT. (577 Calcaire sableux rempli de Cylheren Verneuili , d’Arch. (à l'état de moules) et d’autres Cythérées ; — plusieurs espèces d'Ostrea quelque¬ fois de grande taille (Oslrea gigantea , Brand.??); nombreux exem¬ plaires d’Ostrea identiques avec l’échantillon figuré par M. d’Archiac (. Mém . Soc. géol -, 2c sér., t. III, pl. XIII) sous le nom d'Ostrea ve- sicularis , var. ; — quelques moules de gastéropodes. Plaquettes pétries d’Operculines [ Opei culina ammonea , Leym.) et autres foraminifères, avec baguettes de Cidaris , Pecten Michetot- tii , d’Arch., etc., etc. « s -a - |i | 3 « H -3 'O Plusieurs alternances de grès durs calcarifères, grisâtres, intercalés en bancs rognonneux dans des sables gris ou jaunes à Operculina ammonea. Les sables sont facilement enlevés par les vagues et les bancs de grès font saillie; ces bancs forment sous le phare comme des marches d’escaliers. C’est dans ces bancs rognonneux que se trouvent de nombreux gastéropodes ( Turritella carinifera ? ?, Desh ; Scalaria Pellati, Raine, et Mun., Voluta, Conus , etc.}, et des acéphales ( Cy - t/ierea Verneuili , d’Ârcb. avec le test, Pholadomya Pitschii, Goldf.) ; — Les mêmes bancs, sous le phare, renferment de magnifiques exem¬ plaires des Scliizaster vicinalis, Ag., et S. rimosus , Desor, ainsi que P Hemipalagus Pellati , Cott.. Les sables qui séparent les bancs en¬ durcis renferment les memes Ostrea que les couches les plus élevées, et de nombreux Pecten ( Pecten Michelottii , d’Arch., P. Gravesi , d’Arch., P. Tliorcnti, d’Arch.). — Les rognons durs finissent par former des couches continues qui remplacent, sous le phare, les couches sableuses, et renferment alors (rochers sur lesquels est bâtie la villa Eugénie) Y Eupa tagus ornatus, si abondant plus bas. Ces dernières assises relient les grès à Operculines et les couches à Eupalagus. Les Operculines, dans toute la série de couches dont nous venons de parler, paraissent remplacer presque complètement les Nummu- lites; les Operculines, au contraire, sont rares dans les couches à Eupatagus ornalus , pétries de Nummulites, auxquelles nous arri¬ vons, et dans le groupe inférieur à Serpula spirulœa. Calcaires sableux, bleuâtres vers le bas, jaunâtres et très-friables vers le haut, avec cailloux de silex; — quelques lits argilo-sableux renferment des empreintes de végétaux (rochers devant la place Neuve à Biarritz); certains bancs sont uniquement composés de Num¬ mulites intermedia , d’Arch. ; — quelques rares Operculines, nom¬ breux Eupatagus ornatus, Ag., Scutella sultetragona, Grat., spé¬ ciale à ce niveau et que M Delbos signale, sans doute par erreur, aussi bien dans son 2e étagé (calcaire à Serpula spirulœa) que dans son 3e étage (calcaire à Eupatagus 1 ; Cidaris striato-granosa , d’Arch., dont le Cidaris subcylindrica , d'Arch., ne serait qu’une vuiiété, d’après M. Cotteau (Echinides fossiles des Pyrénées, l8oô, p. 77); — quelques acéphales : Pecten , Cytherea ; c’est dans ces cou¬ ches que M. Krechlin-Schlumberger signale une Unio (Unio Meriani, Kœchl.) (Bull, de la Soc. géol ., £e sér., t. XII); quelques gastéro¬ podes; — crustacés; — nous n’avons jamais rencontré à ce niveau le Bourgueticrinus Thorenti , d’Arch., qu’y cite M. Delbos (Thèse, p. 306); il nous paraît caractéristique, avec d’autres formes crétacées, de la division inférieure à Serpula spirulœa. Les bancs sableux de celle formation se laissent entamer par l’ac¬ tion de la mer, et c’est à celte cause qu’est dû l’aspect si pittoresque de la falaise qui supporte Biarritz, 678 SÉANCE DU 22 JUIN 1863 s Marnes à Turbinolia calcar et gastéropodes (niveau de Bos-d’Arros). Marnes bleues avec alternances de calcaires marneux peu consis¬ tants, formant la longue falaise dite du port des Basques, qui contracte par sa parfaite régularité avec la falaise, toute déchirée, de l’Atalay et du port vieux On peut dire que cette falaise est, dans son ensemble, dépourvue de fossiles. MM. Delbos et Kœchlin-Schlumberger, en effet, n'y sigualent que quelques rares Serpula spirulœa. M. d’Archiac a pourtant décrit et cité, comme se trouvant au poi t des Basques des Turbinolies quiysont très-communes ( Turbinolia calcar, T. Dufre- noyi ), et quelques autres fossiles. Nous avons trouvé vers le milieu de la falaise, associée aux espèces ci-dessus citées et avec une prodigieuse quantité de Serpula spirulœa , Lara., toute la faune de bos-d’Arrosv décrite par M. Rouault ( Mém . Soc. géol ., 2« sér., t. TU ) : Phcatula Beaumontiana , Spondylus palensis, Trigonocœlia striata , Denta¬ lium te nuis tri a tum, Solarium , Turritella , Pleurotoma , etc., avec Nummulites assez rares. — Vers le commencement de la falaise, on ob¬ serve un banc où abondent les Orbitolites Fortisii, d’Arch., et O. ra¬ dians, d’Arch. En marchant au sud, vers la fin de la falaise, les Serpula spirulœa sont plus rares. On rencontre alors, disséminées dans ies marnes, des lumachelles pétries d’Orbitolites et d’autres fossiles brisés. Les échi- nides, si abondants plus bas, paraissent manquer ici complètement. La faune du port des Basques n’est reliée à celle du Goulet que par les Serpula spirulœa , les Orbitolites et quelques Nummulites. Falaise du port des Basques. « Sü 05 Calcaires gris-bleuâtres, assez durs, formant le rocher dit du Goulet, exploités à marée basse comme pierre à bâtir, et s’enfonçant sous la falaise du port des Basques. C’est là, sans aucun doute, le gisement le 1 plus riche des falaises de Biarritz. Nous y avons recueilli, comme nos ! M % prédécesseurs, un grand nombre d’Echinides nouveaux, et nous don- o* 3 nons ici, d’après l’ouvrage de M. Cotteau, le liste des principales es- Û5 O pèces qui s’y trouvent (toutes, sauf YHemiaster Pellati , Colt , et 1 Echinolampas subsimilis , d’Arch., qui se retrouvent sous le phare, dans le groupe supérieur, sont spéciales au niveau du Goulet) : Psammechinus biarrilzensis , Cott., Micropsis biarritzensis , , •< 3 3 O I => 1 o s> Cott,., Cypliosoma cribrum , Agass., C. Pellati , Cott., Cœlopleurus Agassizi , d’Arch. , Cidaris subularis, d’Arch., Salema Pellati, Cott ., « 1 ”3 S >= g Ecliinocyamus biarritzensis , Cott., Sismondia planulata , Desor. o o 1 s Ecliinanthus Pellati, Cott., Pygorhynchus grignonensis , Ag., P. Desorii, d’Arch., Echinolampas biarritzensis, Cott , E. ellipsoida- ! ^ ■§ *£ 5 lis , d’Arch., E. subsimilis , d’Arch., Amblypygus Arnoldi, Ag., He- (D s miaster Pellati, Cott. .Periaster verticalis , Desor, P. Heberli , Cott., JS P. biarritzensis, Cott., Prenaster Julieri , Desor, Maeropneustes o S Pellati , Cott., M. pulvinalus, Ag., Brissopalagus Caumonti , Cott., es s | O Eupatagus Des Moulinsi, Cott., et de nombreux Schizaster. ! W ÇC ✓3 Les principaux fossiles que l’on trouve associés à ces oursins sont : O ô Guettardia Thiolati , d’Arch , Orbitolites sella, d’Arch., Bourgueti- crinus Thorenli , d’Arch. ( Conocrinus , id., d’Orb.), Terebratulina tenuislriata , d’Orb., Ostrea rarilamella , Desh., nombreux Pecten, Spondyles, Pholadomyes, Crassatelles, etc,, avec quelques Nummulites ( Nummulites biarritzensis) et beaucoup de Serpula spirulœa. C’est à ce niveau et plus bas que l’on remarque des formes crétacées ( Salenia , Cypliosoma , Bourgueticrinus). Calcaires marneux et sableux, jaunâtres ou bleuâtres, avec nom¬ ■§ j, a 'âT breux polypiets et beaucoup de Serpula spirulœa ; — grandes Vul- o — ï Cj c? -e zz selles [Vulsella falcata, Munster?); — Pecten , Spondyles, Guettar¬ dia Thiolati , d’Ai ch. — Les oursins, moins nombreux qu’au rocher ~ o a vd •v 2* t_ ta© C 4) du Goulet, sont : le Porocidaris serrata, Desor, l 'Ecliinanthus sopi- S S •e ^ O -N tianus. Desor, qui paraît caractériser ce niveau, et le Schizaster 2 g ^ o Leymeriei , Cott. ; on y trouve aussi la Terebratula œqailaieralis , -i Z « d’Arch., et (très-près du Goulet) des Nummulites ( Nummulites cras- ■2 Z ^ ï B sa??, Boubée). s %'E ■a .2 Ces calcaires, et des marnes à Terebratulina tenuistriata, dont on o S voit quelques traces dans les ravins en allant vers Bidart et vers le es Eu. u 2 dépôt de gypse, pourraient correspondre aux marnes à Térébratules £ 'B «> [Ire division de M. Delbos (1) ]. XJ (1) Nous ne parlerons pas ici des blocs de calcaire sarcharin à grosses Nummulites que l’on voit sur la plage, entre le rocher du Goulet et le ruisseau de Sopite. — Ces blocs appartien¬ nent probablement à des couches plus anciennes du terrain nummulilique ; ils ne paraissent pas eu place et ils doivent peut-être leur aspect tout particulier à l’ophite qui se trouve à quelques mètres sous la forme de petits rochers battus par la mer. N’ayant fait que passer très-rapidement devant les couches qui restent à e'tudier jusqu’à ce que l’on arrive à la craie de Bidart, nous ne pouvons que renvoyer aux. descriptions si exactes qu’en donne M, Kœehlin- Schlumberger ( Bull 2* sér., t, Xll;. NOTE DE M. WÀTELET. (379 M. Goubert ne pense pas que M. Tournouër ait voulu com¬ parer la partie supérieure du terrain tertiaire de Biarritz à la formation de Gaas -, son but a été seulement de prouver que la faune de cette dernière était du miocène inférieur. M. Deshayes fait remarquer que beaucoup des espèces fos¬ siles de Gaas sont plutôt communes aux espèces des faluns qu’à celles des terrains sous-jacents. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante ; Note sur une découverte de Lophiodons à Jouy {Aisne} • par M. Ad. Watelet. Le bassin de Paris a été tellement fouillé, qu’il est maintenant assez rare d’y faire des découvertes présentant un grand intérêt. Cependant, le Soissonnais, qui a été moins souvent parcouru, révèle de temps à autre des faits qui attirent l’attention des géolo¬ gues et qui avaient échappé aux observations. Nous pourrions citer la localité d’Aizy-Jouy que nous avons fait connaître et qui a fourni tant de belles et importantes espèces de mollusques à la paléontologie, ainsi que la flore tertiaire des envi¬ rons de Soissons, dont nous parlerons plus en détail dans une autre occasion, et qui dépasse en espèces les plus riches localités connues. Aujourd’hui nous en avons un nouvel exemple ; en effet, des fossiles d’un autre ordre viennent d’être mis au jour dans le village de Jouy, près de la petite ville de Vailly, situé à 20 kilo¬ mètres au nord de sSoissons. Sur le terroir de cette commune qui touche à Aizy, on exploite depuis plusieurs années une carrière ouverte dans le calcaire supé¬ rieur ; rien de particulier n’y avait été observé, lorsque, dernière¬ ment, les propriétaires, hommes très-intelligents, nous ont fait savoir qu’on avait trouvé des dents entre deux assises de pierre. Examen fait des pièces et des lieux , nous avons reconnu un gisement important de Lophiodons ; mais malheureusement lorsque nous sommes arrivés, tout avait été bouleversé; les ossements avaient été brisés et les marnes qui les contenaient jetées aux décombres. Nous avons pu obtenir des propriétaires l’abandon pour le musée de Soissons de dents assez bien conservées et de quelques parties ostéologiques encore assez complètes; d’ail¬ leurs, nos propres recherches ont aussi produit des choses intéres¬ santes. Nous pensons que ce gisement pourra faire connaître des parties encore inédites de Lophiodons, car il est loin d’être mis 680 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. complètement à découvert, et nous suivrons les travaux afin de profiter des occasions qu’amènera l’exploitation du calcaire qui recouvre les marnes ossifères. Le calcaire suit en cet endroit la marche qu’on a observée par¬ tout ailleurs; mais nous avons relevé la coupe des parties qui con¬ tiennent les ossements, parce qu’elle présente quelques circonstan¬ ces particulières relativement aux fossiles que nous avons obser¬ vés. La voici : 1° Terre végétale . 0“,30 2° Calcaires et plaques brisés . 0m,40 3° Calcaire avec Cciithiiim lapidant et marnes. ... 1 m , 3 0 4° Banc de calcaire dur avec Ccrithium lapidant et Lu- cina saxoram . 0m , 8 0 5° Marnes calcaires. . 0m,20 6° Couche de marnes à Bithynies avec mélange de Cm- thiam , de Natices et autres mollusques marins: la partie inférieure est noire et alors ossifère .... 0ra,60 7° Couche composée de débris fins de coquilles avec ci¬ ment marneux . 0m,35 8° Calcaire dur avec Miliolites qui forme le sol de la carrière exploitée. En cet endroit les bancs de calcaire ne se suivent pas; on observe fréquemment des ravinements larges de 4 ou 5 mètres remplis de sables rouges et renfermant parfois des blocs assez considérables de grès sans fossiles. Sur les bords de ces ravinements les couches de marne et de calcaire s’inclinent en s’arrondissant brusquement. Cette coupe reproduit quelques particularités que M . d’Archiac avait constatées dans sa description géologique du département de l’Aisne. Ce savant géologue n’a pas eu l’heureuse chance de tomber sur une localité qui montre la couche ossifère, quoique ses obser¬ vations aient porté sur des localités rapprochées de Jouy. La couche ossifère a offert des débris de Lopliiodons, un frag¬ ment de mâchoire d’un animal encore indéterminé, des plaques de tortues, des dents de Crocodiles, des écailles de poissons, des mollusques d’eau douce en mélange avec des espèces marines , un morceau de bois silicifié et roulé et de nombreuses empreintes de végétaux méconnaissables. Lorsque nos recherches dans l’intéressante localité de Jouy se¬ ront plus avancées, nous examinerons les restes de ces animaux; aujourd’hui, nous essayerons de jeter un coup d’œil seulement sur les Lopliiodons, en donnant un extrait du mémoire que nous avons lu à la Société archéologique et scientifique de Soissons. NOTE DE M. WA TE LE T. 681 Lophiodons. — Les Lophiodons constituent un genre distinct, quoique trës-rapproché des Tapirs; ils ont aussi des ressemblan¬ ces avec les Palœotherhun , quoique s’en éloignant davantage. Cuvier les avait d’abord considérés comme formant une simple di¬ vision parmi les Tapirs; de Blainville observa de notables diffé¬ rences et leur imposa un nom particulier, et Cuvier, adoptant cette manière de voir, choisit le nom de Lophiodon , que de Blainville lui-même a consacré. On sait qu’ensuite ce genre a été démembré et qu’on en a séparé les Corypbodons et les Pachyno- lophes. Tous les auteurs n’admettent pas ces différents genres : de Blainville ne reconnaît pas les Corypbodons comme genre distinct des Lophiodons et ne fait aucune mention des Pachynolophes; M.Gervais, sans admettre positivement la distinction générique, inscrit ces trois genres et en énumère séparément les espèces dans la Zoologie et Paléontologie françaises . Ces animaux sont encore si peu connus, qu’il est prudent d’at¬ tendre qu’on ait réuni plus de pièces ostéologiques pour faire un travail de révision générique. Il est cependant juste d’admettre que les Corypbodons sont mieux connus que les autres, et qu’ils offrent dans la dentition des différences notables, ainsi que l’a prouvé M. Hébert dans un beau travail sur ces genres. Il existe de grandes divergences sur le nombre des espèces qu’on doit admettre dans les Lophiodons vrais. Cuvier en reconnais¬ sait 12 que de Blainville discute un à un, et qu’il propose de réduire à 2 espèces distinctes. M. Gervais est loin d’admettre une opinion aussi radicale, et il conserve au moins provisoirement les espèces de Cuvier; il en ajoute même deux autres le L. sautricense , Noulet, et le L. parisiense , tous deux découverts assez récem¬ ment. Laurillard ne rejette qu'un très-petit nombre des espèces admises par les auteurs cités ci-dessus; tel est en résumé l’état des choses. Yoici la liste des espèces proposées avec l’énumération des piè¬ ces qui s’y rapportent ; 1 . Lophiodon ou Tapirotherium. — Localité, Issel. 1° Une mandibule presque entière dans ses deux branches hori¬ zontales ; 2° un fragment de mâchoire supérieure du côté droit; 3° une portion supérieure du fémur (J). (1) Nous n’énumérons pas les parties qui font double emploi, ni les pièces non figurées. 682 SÉANCE DU 22 JUIN 1863, 2. L. occitanum. — Localité, Issel. Il n'a été figuré qu’une tète inférieure du tibia; on connaît ce¬ pendant une portion de mandibule, avec d6nts, et une tête supérieure de fémur, mais non figurée. 3. L. isselcnse. — Localité, Issel. 1° Un fragment de mandibule portant la dernière molaire en place ; 2° une dent intermédiaire enchâssée dans un frag¬ ment de mandibule ; 3° une tête articulaire d’omoplate ; 4° une moitié extérieure d’astragale. 4. L. tapir aides. — .Localité, Buchweiler. Extrémité antérieure de mandibule du côté droit; 2° un petit fragment de mâchoire du côté droit, portant les deux der¬ nières molaires. 5. L . buxovillanum . — Localité, Buchweiler. 1° Plusieurs morceaux de mandibule portant des dents molaires ; l’un des fragments en présente trois en série ; 2° un morceau de mâchoire supérieure avec trois molaires en série. 6. L. giganteum. — Localité, Orléans. •1° Un fragment de mandibule portant une dent usée et brisée ; 2° un astragale du côté gauche. 7. L. aurelianen.se. — Localité, Orléans. Les seules pièces figurées sont deux extrémités inférieures d’hu¬ mérus. 8. L . medium. — Localité, Argenton. 1° Une mâchoire inférieure ; 2° plusieurs canines ; 3° une tête inférieure de tibia; 4° une portion de cubitus. 9. L. minus. — Localité, Argenton. 1° Une mâchoire inférieure ; 2° plusieurs canines ; 3° une tête inférieure de tibia; 4° une portion de cubitus. 10. L. minimum. — L. Argenton. 1° Une molaire supérieure gauche; 2° une pénultième de m⬠choire inférieure ; 3° une canine ; 4° un fragment de cubi¬ tus ; 5° un fragment de tête inférieure de fémur; 6° deux parties d’os métatarsiens. 11. L.?. — Localité, Argenton. Deux germes de molaires. 12. L. monspessulanum. — Localité, Montpellier. 1° Deux molaires intermédiaires usées; 2° une molaire anté¬ rieure; 3° deux canines aiguës et arquées. 13. L. lautricensr , Noulet. — Localité, Lautrec. Portion onsidérable de mâchoire inférieure avec traces de trois paires d’incisives; une paire de canines fortes et à couronne conique et plusieurs molaires ( Mémoires acad ., Soc. Toulouse , 1831, p. 245). 14. L. parisiense , Robert. — Localité, Nanterre, M. Gervais a figuré plusieurs pièces de cette espèce. Le Muséum possèçle une belle mâchoire inférieure presque complète. 15. M. Gervais cite comme provenant de Lophiodons indéterminés NOTE DE M. WÀTELET» 683 deux dents molaires figurées par de Blainville et trouvées à Cuise et une dent molaire supérieure trouvée à Gentilly. 16. Quelques autres fragments ont été trouvés dans d'autres parties de l’Europe, mais ne sont pas assez caractéristiques pour pouvoir être rapportés avec sûreté aux Lophiodons. Nous avons cherché, à l’aide des documents qui précèdent, à déterminer les diverses pièces que nous avons trouvées à Jouy ; voici le résultat de nos comparaisons : Trois espèces de Lophiodons paraissent exister à Jouy : l'une peut être comparée au L. isselense , la deuxième au L. parisien.se et la troisième est de très-petite taille. La plus grande, que nbus rapprochons de l’ isselense, a fourni les pièces suivantes : 1° portion de symphyse de mâchoire infé¬ rieure avec les racines des dents; les couronnes ont été brisées; 2° deux molaires inférieures et une dernière avec trois collines ; 3° deux scolaires supérieures ; 4° deux incisives ; 5° un fragment de canine; 6° un astragale. Nous reprenons en détail chacune de ces pièces. 1° La portion de mâchoire du L. isselense dont on trouve le dessin, planche 73, figure 3, des Ossements fossiles de Cuvier, porte une dernière molaire, et notre symphyse présente les racines des premières molaires; la grandeur de ces pièces semble bien en rapport, quoique peut-être un peu plus grande. 2° Des deux molaires que possède le musée de Soissons, l’une est incomplète et l’autre présente la couronne bien entière ; si on les compare avec la seule qu’ait figurée Cuvier, elles diffèrent quant au rang et à la forme ; la dimension est aussi plus considérable. La dernière est plus grande que celle figurée en grandeur naturelle planche 73, figure 1. 3° Aucune molaire supérieure du L . isselense n’a été figurée. Si l’identité des espèces était établie, ce seraient deux pièces nou¬ velles. Comparées aux dents supérieures des autres espèces, elles sont bien différentes pour la taille. 4° Aucune incisive n’a encore été figurée. Les nôtres diffèrent notablement de celles du Coryphodon ; elles ne sont pas ailées comme ces dernières. 5° Fragment de canine trop incomplet pour qu’on en puisse rien dire. 6° Enfin l’astragale est presque une pièce inédite, puisque Cuvier n’en a figuré qu’une moitié. La nôtre a des rapports de forme avec ce fragment, mais elle a un diamètre d’une fois et demie celui de Y isselense. L’astragale du L. giganteum , planche 81 > figures i 68/j séance du 22 juin 1863. et 2, se rapproche pour la grandeur, mais diffère beaucoup pour la forme. Le musée de Soissons possède encore un fragment de tête de fémur trop incomplet pour être déterminé; il est d’une très-grande dimension. La seconde espèce paraît se rapprocher notablement du L. parisiense dont M. Robert a découvert une mâchoire à Nanterre, et qui fait partie de la collection du Muséum. Ces espèces se composent ainsi : 1° une dent molaire supérieure ; 2° une canine supérieure aussi; si notre rapprochement est fondé, ce sont des pièces nouvelles; 3° un fragment de mandibule; l\° une dent mo¬ laire inférieure bien conservée, avec l’une des racines; 5° quatre échantillons incomplets de canines inférieures. Toutes ces parties sont un peu plus grandes que leurs correspondantes du L. pari - siense , mais la comparaison rigoureuse est difficile et ne peut se faire qu’au Muséum, puisqu’on ne possède presque aucune figure. La troisième espèce est représentée par deux dents molaires d’une très-petite dimension. C’est incontestablement une espèce ; différente des deux autres. Nous ne terminerons pas sans remercier M. d’Arcliiac de sa grande bienveillance et M. Albert Gaudry de la complaisance sans borne qu’il a mise à nous faciliter les comparaisons avec la collection du Muséum et à nous aider de ses bons conseils. M. de Verneuil fait la communication suivante ; Note sur le calcaire à Lychnus des environs de Segura ( Aragon )} par MM. Ed. de Verneuil et Louis Lartet (PI. X). Ên 1853, l’un de nous, voyageant avec M. de Lorière, découvrit à Segura, à quelque distance au nord-ouest de Montalban, des fossiles lacustres parmi lesquels il était facile de reconnaître des Lychnus analogues à ceux décrits par M. Matheron et qui, suivant ce bon et sagace observateur, caractérisent les dépôts éocènes de la Provence. Si les calcaires de Segura, disions-nous alors (1), sont véritablement éocènes, ce serait le premier exemple de ter¬ rain lacustre de cet âge trouvé dans l’intérieur du plateau de l’Espagne, exemple qui, d’ailleurs, s’y concilie très-bien avec l’absence de dépôts marins de la même époque. (4) Bull., Soc. géol V sér., t. XI, p. 673, dl. delà. S oc. G é ol.de France . Note de MM. deV eTHeilll et Louis Lartet : Calcaire àlycllTlllS des environs de S egura 2 e S éri e , T. XX , PL . X , Pa$$ e 684. . P: 1,2,5. Lyclmus Prado anus, nol. Pi g. 7. Oyclostoma Vilanovaninn,not). 4. id. moule intérieur. „ 8 . C. _ V. _ ? 5. id. co quille reconstituée. „ 9 . Moule de Pâltldine ? 6. Moule dePaludine. „ to. Moule d; Hélix ? u , 12 , 15 . Ly chinis CollomPi , nbb . NOTE DE MM. DE YERNEUIL ET L. LARTET. 685 Nous avons souvent fait remarquer, en effet (1), qu’un des traits distinctifs du groupe nummulitique en Espagne, c’est qu’il suit le bord gauche de l’Ebre et le littoral de la Méditerranée sans pénétrer dans ce que nous appelons le plateau intérieur, et comme, dans ce même plateau où n’a pu atteindre la mer num¬ mulitique, il existe des dépôts crétacés, nous en avons déduit qu’à la fin de la période crétacée, et avant les premiers dépôts de la mer tertiaire, il s’était produit un soulèvement ou un mouvement quelconque assez considérable pour avoir mis à sec une partie de la Péninsule. Sur ce sol émergé, la mer fut remplacée par des amas d’eau douce, mais cette substitution a-t-elle été immédiate ou non? Les lacs ont-ils existé dès l’époque éocène, ou se sont-ils formés après ? Il paraît assez naturel de croire que, suivant une marche progres¬ sive dans sa transformation, l’Espagne s’est désséchée graduelle¬ ment et que, succédant immédiatement à la mer crétacée, des lacs s’y sont établis dès les premiers âges tertiaires. Mais jusqu’à pré¬ sent les preuves paléontologiques faisaient défaut. Tous les fossiles d’eau douce trouvés sur ce plateau intérieur de l’Espagne (2) sont ou miocènes ou pliocènes. Les grands dépôts de grès, de poudingues et de sables, que l’on y rencontre au-dessous du terrain miocène, sont en général dépourvus de restes organiques. Deux localités seulement nous en ont offert, et ce sont les Lyclinus que nous allons décrire; comme ces fossiles révèlent l’existence de lacs à l’époque éocène, on conçoit l’intérêt que nous y attachons. Aussi nous trouvant l’année dernière près de Segura, la plus importante de ces deux localités, n’avons-nous pas manqué d’y retourner. Quoique dans cette seconde visite nous n’ayons rien découvert de plus que dans la première, nous nous décidons à publier le peu que nous possédons afin d’appeler l’attention de nos amis de | Madrid sur cette question de l’existence des lacs pendant la ! période éocène. La petite ville de Segura est située à 24 ou 26 kilomètres au nord-ouest de Montalban, en Aragon. La coupe que nous don- I nons ci-après va de Josa jusqu’au sommet du plateau tertiaire, j (4) Bull. Soc. gêol., 2e sér.,t. XI, p. 696, et t. XVII, p. 401. (2) II est entendu que nous ne parlons pas du revers sud des Pyré- I nées où les dépôts supérieurs au calcaire à Nummulites offrent quel- | quefois des alternances de grès, de poudingues et de calcaires à Lim- ' nées ou Planorbes qui rappellent ce qui a lieu à Sabarat, dans le j versant nord (ce sont toutefois des cas rares). 686 SÉANCE DU 22 JUIN 1863, point le plus élevé du pays, en passant par las V ueltas de Segura où se trouvent les calcaires à Lychnus. Cette contrée est si intéres¬ sante, que nous ne saurions trop conseiller aux géologues de la visiter, et c’est pour cela que nous faisons précéder notre coupe de quelques détails sur les environs de Montalban et sur la route 1 2 3 que nous avons suivie depuis cette ville jusqu’à Obon et Josa. La contrée dont nous allons parler est devenue célèbre depuis quelque temps par des dépôts de lignite assez abondants, exploités principalement à Utrillas et à Gargallo à la base du terrain néo- ■ comien, et qui sont en ce moment l’objet d’un mémoire publié dans la Revista minera par M. Lucas de Aldana (1). Si l’on jette les yeux sur la carte géologique de l’Europe par Dumont (2), on voit une grande bande de terrain paléozoïque accompagnée de dépôts triasiques, jurassiques et crétacés, qui, partant du Mon- cayo non loin de Saragosse, va se terminer à Montalban. Tous ces terrains dirigés du N. O. au S. E. se redressent fortement, et occupent moins d’espace à mesure qu’ils s’approchent de Montal¬ ban, en sorte que, sur ce dernier point, ils sont concentrés dans i une area très-limitée. La ville même est bâtie sur les gypses et les marnes du trias, et sur des calcaires durs, à cassure esquilleuse, pénétrés de fdons spatbiques qui représentent le musclrelkalk. Derrière, et à l’est, s’élève la montagne où est située la chapelle ruinée de Santa-Barbara. Le sommet en est composé de calcaires durs, compactes, recouverts sur les pentes par des couches plus marneuses où l’on trouve le Spirifer rostratus , la Rhynchonella tetraedra , la Terebratula punctata , le Pecten œquivalvis , la Mactromya liasina et l 'Harpax Parkinsoni ( Plicatala spinosa ) caractéristiques du lias moyen. Les couches sont verticales et même renversées, de sorte qu’en descendant au sud vers la vallée les assises néocomiennes semblent sortir de dessous les calcaires liasiques. Mais les fossiles ne permettent aucune méprise et ils sont parfaitement distincts quand on les extrait des couches mêmes; le mélange dont parle M. Aldana (3), dans une localité voisine, n’a lieu, sans doute, que par suite d’éboulements sur les pentes. Les premières couches néocomiennes qui succèdent au lias sont (1) Revista minera , t. XIV, p. 277. (2) L’ Esquisse géologique de l' Espagne qui figure dans cette carte est la réduction d’une carte manuscrite que l’un de nous avait prépa¬ rée expressément sur la demande de M. Dumont. (3) Revista minera , t. XIV, p. 268. WTE DE MM, DE VEHNEUIL ET L. LARTET. 687 des calcaires arénacés, mêlés d’argile, colorés fortement par le fer. On y trouve Y Ostrea Boussingaulti , d’Orb., une autre Ostrea très-grande et assez plate, la Lima Cottaldina , espèce qui en Espagne s’étend du néocomien jusque dans l’aptien, une grande espèce de Murçhisonia que M. Vilanova a nommée M. Pizcüe- tana (1), des grandes JNatices, et enfin deux belles Trigonies dont l’une est la T. caudata , Agass., et l’autre ne paraît pas se distinguer d’une espèce de Santa-Fé de Bogota que d’Orbigny a figurée sous le nom de T. Boussingaulti, mais que plus tard il a reconnue être identique avec la T. hondaana de M. Lea (2). C’est une coquille élégante d'une parfaite conservation et qu’on est étonné de trouver j avec des caractères d’ornementation si semblables en Amérique | et en Espagne. Ces couches sont surmontées par l’étage, important au point de vue industriel, des sables et des marnes avec lignites | qui forment le fond de la vallée. Tout cet ensemble, comme nous | l’avons clairement vu à Aliaga et sur d’autres points, est inférieur au calcaire à Chanta ou à Caprotina Lonsdalei. C’est par suite d’une | illusion produite par un plissement, que, lors de notre premier j voyage, nous avions cru les lignites superposés au calcaire à Chanta (3). Après avoir étudié la disposition des terrains sur le versant sud de la montagne de Santa-Barhara, nous en fîmes le tour en suivant le rio Palomar. Ce ruisseau traverse un étroit défilé qui coupe les couches perpendiculairement à leur direction, et qui permet de les voir affleurer successivement. Elles sont verticales et pré¬ sentent une série assez complète, depuis le néocomien inférieur et le lias moyen jusqu’au trias. En sortant de cette gorge profonde et pittoresque, nous revînmes à Montalban par la vallée de la | rivière Martin qui sépare le trias des schistes paléozoïques, excepté sur un point, où ceux-ci passent de la rive gauche à la rive droite et se voient en contact avec les argiles rouges et les calcaires magné¬ siens du trias. (-1) Geologia de la provincia de Castellon, pl. II, fïg. 12. (2) D’Orbigny, Coquilles fossiles de Colombie , p. 50, pl. IV, fig. 1-3. (3) Nous nous empressons de corriger l’erreur où nous étions tombé. Supérieurs au calcaire à Chaîna , les lignites auraient appartenu au terrain aptien, tandis qu’inférieurs à ce même calcaire ils sont véritablement néocomiens. Les marnes fossilifères d’Utrillas, ainsi que les calcaires ferrugineux à Trigonies de Montalban, de Josa et d’Oliete, sont intimement liées aux sables à lignites, et forment un horizon qui a une importance scientifique et industrielle. 688 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. De Montalban à O bon on peut prendre à travers la montagne le sentier qu’ont suivi dans un premier voyage MM. Collomb et de Lorière, et où ils ont trouvé de beaux fossiles néocomiens dans la zone à Trigonies, ou bien suivie, comme nous l’avons fait, les contours de la rivière Martin; dans ce cas il faut que ses eaux soient basses, car les fentes à travers lesquelles elle circule sont tellement étroites, qu’on est obligé de passer à chaque instant d’une rive à l’autre ou de marcher au milieu du torrent, mais les scènes grandioses qu’offrent ces déchirures profondes font vite oublier les difficultés de la route. En quittant la petite vallée de Montalban, la rivière Martin entre dans des schistes et des quartzi tes paléozoïques que nous allons voir reparaître dans la coupe de Josa à Segura, et qui forment une bande d’environ 2 kilomètres de large, puis elle pénètre dans les masses imposantes de grès rouges où est situé le village de Peîiaroya, et qui, semblables aux grès si communs en Espagne à la base du trias, sont connus partout sous le nom de Rocleno (1). À ces grès succèdent le muschelkalk, puis les calcaires et marnes du lias, dominés sur les hauteurs par le terrain néocomien. Les couches si bouleversées à Montalban où, jusqu’au poudingue tertiaire, tout est vertical, reprennent peu à peu leur horizontalité à mesure qu’on s’approche d’Obon, situé dans le voisinage des grandes plaines de l’Èbre. Le village d’Obon, placé sur une terrasse au-dessus de la rivière Martin, est dominé par des hauteurs dont les premiers escarpe¬ ments sont basiques. C’est une des localités les plus riches en fos¬ siles de cette époque. Il faut s’élever jusqu’à l’ermitage de San- Miguel ou descendre la rivière Martin jusqu’à Arcaine pour ren¬ contrer le terrain néocomien. Ce dernier se montre aussi au sud, à Esterquel et à Gargallo, où les ligni tes sont exploités; mais il est bientôt caché à l’est par les poudingues tertiaires dont les éléments désagrégés couvrent, comme d’un manteau diluvien, les grandes plaines qui s’étendent vers Àleaniz et vers l’Ebre, et qui seraient complètement stériles, si leur uniformité n’était in¬ terrompue par la petite chaîne jurassique et crétacée d’Arino et d’Andorra (2). Entre Obon et Josa, la distance n’est que d’environ 12 kilomè¬ tres, mais, sur la route même, les fossiles basiques se présentent en (1) Des grès analogues existent dans les Pyrénées, mais ils n’y sont pas, comme ici, surmontés par le muschelkalk. (2) Cette petite chaîne, ainsi que les diverses bandes de terrain NOTE UÈ Ntf. Tjfe TER3ÎECIL ET L. LARTET. 6$0 telle abondance qu’on pourrait s’y arrêter des jours entiers, si, au lieu de faire, comme nous, une reconnaissance géologique, on se livrait exclusivement à la recherche des fossiles. Nous y avons recueilli les espèces suivantes : Ammonites bifrons , .A . thouar- sensis , insignis, Pecten œquivalvis , Harpax Pcirkinxoni , Ostrea gregarea, O. monoptera , Terebratula punctata , 7. Edwardxi , Rhynchonella tetraedru , Spirijer rostre/ tu* , S. Hartmanni , .S. 0#/- optychus , etc., etc. En prenant par Josa pour aller a Segura, quand il nous aurait été plus facile de nous y rendre directement de Montalfcan, notre but était de couper, perpendiculairement à la direction des cou¬ ches, cette bande de terrains si variée et si intéressante qui s’étend depuis Montalban jusqu’au Moncayo. Josa est donc le point de départ de la coupe que nous donnons ici (voy. p. 690,. En sortant du village par la route qui conduit à Lalioz de la Yieja, on trouve à droite des calcaires ferrugineux un peu arénaces qui contiennent de beaux fossiles du groupe néocomien inférieur de ce pays. Nous y avons recueilli quatre Trigonies très-élégantes, dont deux sont d’espèces nouvelles et deux autres se rapportent aux Tri gord ex caudata et hortelacirtei , déjà citées; puis un assez grand nombre d’autres espèces, telles que Panopcea P revers li , Corbis corelijormis , Murchisonia Pizcuetanat des Astarles, des Pin- nes, etc., etc. Ces couches néocomiennes s’abaissent au nord-est sous d’épai.s poudingues tertiaires, tandis qu’à l’ouest elles repo¬ sent sur des calcaires jurassiques qui prennent tout à coup une forte inclinaison. Dans un pays aussi disloqué, nous attachons peu d'importance à cette discordance qui peut n’êlre qu’appa¬ rente, et qui, dans tous les cas, serait tout â fait exceptionnelle. Les calcaires jurassiques sont durs, compactes et peu fossilifères. Nous n’y avons trouvé que des Pholadomya . Ils dessinent une ligne de collines que l’on traverse par une cluse pour descendre dans une vallée à contours arrondis, creusée dans les marnes du keuper. De l’autre côté de cette vallée, qui peut avoir 1 kilomètre et demi de large, se trouve le village de Lalioz de la Vieja, â l’entrée duquel se redressent des massifs imposants de rnuschelkalk, La route passe au pied d’un grand escarpement qui présente un magnifique secondaire qui sont entre Obon et le3 plaines de l’Èbre sont, comme la chaîne paléozoïque, dirigées du N. O. au S. E. Les couches y sont très-disloquées ; ce sont comme autant d'aies de redressement paral¬ lèles entre eux. Soc . géol., 2’ série , tome XX. ii Coupe géologique de la Josa à Torre los Negros (Aragon). 690 SÉANCE DU 22 JUIN 1863 NOTE DE MM. DE VERNEUIL ET L. LÀRTET. 691 exemple de plissement, par suite duquel les têtes de couches sont renversées sur elles-mêmes. Les calcaires, de couleur jaunâtre, en couches minces et bien régulières, sont couverts de fucoïdes qui attirèrent notre attention. Nous savions, par une longue expé¬ rience, que lorsqu’on a le bonheur de trouver des fossiles dans le muschelkalk d’Espagne, où ils sont si rares, c’est dans des couches analogues à celles que nous avions sous les yeux. Aussi, après quelques recherches, nous ne tardâmes pas à reconnaître, soit dans les débris, soit sur les grandes surfaces des couches, certaines espèces caractéristiques, telles que la Myophoria lœvigata, le My- tilus eduliformis et la petite Lime striée figurée dans un de nos précédents mémoires (1), et qui est un des fossiles les plus abon¬ dants du muschelkalk de la Péninsule. Le village de Lahoz est donc véritablement sur le muschelkalk; mais à peine en a-t-on franchi les limites, que l’on entre dans les terrains anciens composés de schistes et de quartzites, qui forment, ainsi que nous l’avons dit, une bande étroite et allongée allant de Montalban jusqu’au Moncayo. Dans nos précédents voyages, nous avions traversé plusieurs fois ce terrain sans pouvoir y rencontrer de fossiles, mais nous fûmes plus heureux cette année. En efïet, après avoir passé les premiers schistes, coupés par de nombreux filons de quartz dans lesquels il existe une mine de plomb, nous arrivâmes à d’autres schistes plus tendres, à des espèces de phyllades vacuo- laires, ferrugineuses, semblables aux roches dévoniennes de l’ouest de la France et à celles des bords du Rhin, où nous trouvâmes des polypiers du genre Petraia , des tiges d’Encrines enroulées, une tête de Phacops et un petit Spirifer analogue au S. Bouchardi. C’est peu sans doute; mais en combinant la nature de la roche et la signification de ces fossiles, nous crûmes pouvoir reconnaître le terrain dévonien. Cette intéressante localité est un des points les plus élevés de la région paléozoïque. C’est un col que les gens du pays appellent Ganteras de Fuendemonia (2). Après avoir tra¬ versé d’autres schistes sans fossiles, nous arrivâmes de l’autre côté de l’axe paléozoïque à une seconde bande de trias, peu développée (1) Bull. Soc. géol., 2e sér., t. X, pl. III, fig. 2. (2) C’est sur le prolongement de cette même chaîne paléozoïque qu’à Murero, au N. de Daroca, nous découvrîmes quelques jours après les Paradoxides et Conocephalus de la faune primordiale (voy. Ré¬ sista minera, t. XIII, p. 479). Un fragment de trilobite qui paraît un Paradoxides a été aussi trouvé par nous près Veraton au pied du Monçayo. 692 séance du 22 juin 1863, là où passe notre coupe, mais qui se voit bien mieux au Nord, au pied du beau cirque de Segura, ou à Rudilla, localité d’où JVÎ. Vi- lanova , notre ami, a rapporté à Madrid des fossiles analogues à ceux de Lalioz de la Vieja, et qui démontrent la symétrie des dépôts triasiques sur les deux flancs des rocbes anciennes. Ce trias disparaît bientôt au pied d'une ligne d’escarpements calcaires dont la base est crétacée (1), mais dont la partie supé¬ rieure est éocène. C’est à cet escarpement qu’on donne le nom de Vueltas de Segura , et c’est sur le revers occidental que nous avons trouvé les intéressants fossiles que nous figurons dans la planche X. Le calcaire qui renferme les Lychnus est dur, compacte, et n’a pas les caractères ordinaires des calcaires d’eau douce qui les font si facilement reconnaître. Il contient quelques rares fragments de roches étrangères qui en font une brèche imparfaite, et est en stratification si concordante avec la craie, que, sans les fossiles, l’idée ne viendrait pas de l’en séparer. C’est dans les couches supérieures plus marneuses que l’on trouve les fossiles. Ils sont assez faciles à détacher de la roche, mais il est bien rare de les avoir entiers. Les couches plongent fortement à l’ouest, vers la petite ville de Segura, et sont recou¬ vertes par des grès et des poudingues à petits cailloux, très-forte¬ ment redressés, qui forment plusieurs collines isolées autour de la ville. Au delà de Segura le sol s’élève graduellement, et le terrain tertiaire y atteint des hauteurs considérables. Des fcarêts ne nous permirent pas de suivre toujours la série des couches, mais nous traversâmes une épaisseur considérable de poudingues, de grès et d’argiles mêlés d’un peu de calcaires siliceux , dont l’inclinaison va toujours en diminuant. Après plusieurs heures de marche, nous atteignîmes le pied d’une pente assez longue qui nous con¬ duisit au sommet d’un plateau d’où l’on domine toute la contrée. Ce plateau est formé par des couches parfaitement horizontales de calcaire blanc lacustre semblable à celui qui couronne les bassins tertiaires de Madrid et de Teruel. Il renferme quelques silex et des fragments de petites Paludines, et l’on ne saurait douter qu i1 ne soit miocène. Dans ces calcaires et dans ceux de Segura, nous avons donc (4) Le calcaire crétacé ne contient pas ci de fossiles, mais, dans un précédent voyage, nous avons trouvé que'ques traces de fossiles néo¬ comiens sur le prolongement de cette ban^de. NOTE DK MM. DE VERNEU1L ET L. LÀRTET, 693 deux horizons bien déterminés , dont l’un est miocène et l’autre éocène ; mais la question est de savoir ce que représentent les grès, les poudingues et les argiles qui les séparent, car c’est de là que dépend l’idée que nous devons nous faire de l’état de l’Es¬ pagne à l’époque éocène. En effet, si les calcaires à Lychnus sont rares dans la Péninsule et n’ont encore été découverts par nous que dans deux localités [à Segura et à Fortanete (1)], il n’en est pas de même des poudingues et des grès souvent rougeâtres qui leur sont associés. Dans les bassins des deux Casti lies, comme dans celui de Teruel, les calcaires et les marnes lacustres avec fossiles miocènes repo¬ sent presque toujours sur des grès et poudingues semblables à ceux de Segura, et, si ceux-ci sont éocènes et représentent, comme les grès de Carcassonne ou ceux des Pyrénées espagnoles, la partie supérieure du terrain nummulitique, il faudrait faire remonter au commencement de la période tertiaire l'établissement des lacs qui, plus tard, ont joué un si grand rôle en Espagne pendant les époques miocène et pliocène. Quoi qu’il en puisse être, les calcaires à Lychnus ne nous repré¬ sentent qu’un dépôt de rivage, si nous en jugeons par le peu d’étendue qu’ils occupent. En effet, si nous avions prolongé notre coupe au delà de Torre los Negros jusqu’au rio Pancrudo, on aurait vu, en descendant de l’autre côté du haut plateau, le cal¬ caire lacustre reposer sur des argiles et des marnes rougeâtres horizontales d’une grande épaisseur (plus de 100 mètres) au-des¬ sous desquelles affleurent au fond de la vallée les sables blancs à galets quartzeux du terrain crétacé, sans traces de grès ni de cal¬ caire à Lychnus. Observation . — - La coupe qui accompagne la description qui précède (p. 690) embrasse une étendue d’environ 25 à 28 kilo¬ mètres. Les hauteurs relevées au baromètre n’y ont été inscrites que pour faire saisir un des traits orographiques les plus ordinaires en Espagne, savoir, cette intumescence de la partie centrale de la Péninsule, par suite de laquelle les terrains tertiaires forment des plateaux horizontaux, dont l’altitude est plus grande que celle des dépôts secondaires ou même des chaînes plus anciennes composées de couches siluriennes et dévoniennes très-redressées. (1) Un seul échantillon de Lychnus a été trouvé par MM. Collomb et de Lorière, dans les environs de Fortanete au sud-est d’Aliaga (pro¬ vince de Castellon de la Plana) où le terrain néocomien prédomine, et où le tertiaire est peu développé. 69 li SÉANCE DU 22 JUIN 1863. Nous allons passer maintenant à la description des trois espèces de mollusques terrestres trouvés dans les calcaires éocènes de Segura. Lychnus Pradoanus (4), Nob. PI, X, fig. 4, 2, 3, 4, 5. Description. - — Testa ellipticâ , depressâ , striis minutis conjertis- que longitudinaliter regulariterque ornatâ, transversim tenuissimè striata , ad peripheriam carinatâ , sinus arcuatum atcpie jais uni umbilicum ojferente subtils , anfractibus , 6. — XJltimo majore , alios omnes cooperiente prœter 3, atcpie dernissè recurvente . Aperlurâ subovatâ , obliqud , paràni lunata. Peristomate crasso9 labro rejlexo.. Coquille de forme elliptique, déprimée, ornée longitudinalement de petites stries très-fines, serrées et régulières, offrant, en outre, d’autres stries à peu près semblables qui divergent obliquement du centre à la périphérie. Carénée, imperforée, munie en dessous d’un faux ombilic d’où part un sillon arqué qui se recourbe jusqu’au bord columellaire. Six tours de spire, le dernier plus grand, embrassant tous les autres, à l’exception des trois premiers qui font saillie au centre de la coquille, et se repliant ensuite vers la base. Ouverture ovalaire, oblique, peu échancrée par l’avant-dernier tour. Péristome réfléchi, muni d'un bourrelet extérieur très-épais. Diamètre longitudinal . 38 millimètres. — transversal . 26 — Hauteur . 45 Localité. — Segura (Aragon), dans le calcaire éocène Observations. — Cette coquille est bien moins carénée que le Lychnus Matheronii , Requien. Elle est aussi plus petite, moins déprimée et présente un péristome plus épais. Sur un échantillon où une partie du têt se trouve parfaitement conservée, nous avons pu observer des traces de coloration qui nous font supposer que cette coquille était ornée d’une large bande qui couvrait sa carène. La figure 3 est purement théorique et représente avec une exagération intentionnelle, sur un individu reconstitué, la direc¬ tion des stries transverses et longitudinales ainsi que la bande brune dont cette coquille était ornée. Les stries sont bien plus serrées et moins prononcées sur nos échantillons que dans cette figure. (4) Nous nous empressons de dédier cette espèce à notre savant confrère, M. Casiano de Prado, comme un faible hommage de notre reconnaissance et de notre admiration pour ses beaux travaux. NOTE DE MM. DE VERNKUIL ET L. LÀRTET. 695 La figure 5 s’applique à un moule du L . Pradoanus ; c’est dans cet état qu’on le trouve communément. Enfin les figures 1, 2, U, représentent sous trois aspects différents un échantillon mieux conservé dans lequel la bouche et une partie du têt sont conservés. Lychnus Collombi (1), Nob. PI. X, fig. 1 1 , 1 2, \ 3. Description. — - Testa ignotâ. Nucleo elliptico , depresso , anfractibus , 5. — TJltimo majore , alios omnes cooperiente prœterZ. — Aperturœ loco ovato parùm lunato. Coquille inconnue. Moule intérieur elliptique, déprimé. Tours, 5. — Le dernier, plus grand, recouvrant tous les autres à l’exception des trois pre¬ miers. Diamètre longitudinal . . 45 millimètres. — transversal . 30 — Hauteur . 23 — Localités. — Segura (Aragon), dans le calcaire éocène. Fortanete près Canta-Vieja (Aragon). Observations . — Les divers moules de Lychnus Collombi que nous avons recueillis à Segura, offrent des traces de sillons larges et régulièrement alignés dans le sens de l’enroulement. Des frag¬ ments de têt qui sont restés adhérents à certains échantillons montrent ces sillons plus accentués et nous ont permis de consta¬ ter vers la partie médiane la présence de deux sillons un peu plus profonds que les autres. Ces sillons sont coupés obliquement par des stries longitudinales. Outre les échantillons qui proviennent de Segura, l’un de nous possède dans sa collection un moule de L. Collombi recueilli par MM. Collomb et de Lorière, à Fortanete, dans des calcaires iden¬ tiques avec ceux de Segura, comme le prouve la gangue de cet échantillon. Cette coquille ressemble beaucoup au Lychnus ellip- ticus de l’éocène lacustre de la Provence, et nous avons hésité avant d’en faire une espèce nouvelle. Il a fallu, pour nous convaincre des différences qui existent entre ces deux Lychnus , l’aide bienveillante de notre éminent paléontologiste M. Deshayes, dont l’opinion pleine d’autorité est venue corroborer, à cet égard, (1) Nous prions notre savant compagnon de voyage, M. Ed. Collomb, qui a tant contribué à faire connaître la géologie de l’Espagne, de vouloir bien accepter la dédicace de cette espèce. 696 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. celle de M. Matheron, le créateur du genre Lychnus , qui considère également notre coquille comme devant former une espèce à part. Presque tous les moules de L. Collombi que nous avons entre les mains se font remarquer par l’impression profonde qu’a laissée le bord inférieur, ce qui dénofe une grande épaisseur dupéristome et l’existence d’une sorte de bourrelet. Cette impression est moins marquée dans le L. ellipticus. Les moules du L . Collombi ont d’ailleurs une forme générale plus allongée que celle qu’affectent les espèces analogues de la Provence, et la bouche paraît être, dans notre espèce d’Espagne, plus rétrécie d’avant en arrière que dans le L. ellipticus. Cyclostoma V ilanovanum (1), Nob. PI. X, fig. 7, 8. Description. — Testa ignotâ. jSuclco oblongo} apice obtuso , anfractibus, 6, convexis ultimo paululum majore , marginc leviter clilatato. Coquille inconnue. Moule intérieur, oblong conique, obtus au sommet, tours, 6, convexes, le dernier à peine plus grand proportionnellement. Bord légèrement évasé. Hauteur Largeur Localité. — Segura, dans le calcaire éocène. Observations. — La figure 8 s’applique à un moule de Cyclostome qui affecte la forme du C. Vilanovanum et ne diffère des autres échantillons qui représentent cette espèce, que par une taille beaucoup plus grande ; nous ne nous croyons donc pas autorisés à en faire une espèce distincte de la précédente. Cet échantillon a conservé une partie de son têt qui offre des stries longitudinales extrêmement fines et tout à fait comparables à celles du C.formo- sum. Il se rapproche assez du C. disjunctum , Math. La figure 7 représente un moule beaucoup plus petit qui ressemble par son port, sa taille et son sommet un peu obtus, au C. picturn qui vit actuellement à Cuba. Les calcaires de Segura nous ont fourni encore d’autres vestiges de coquilles, mais leur mauvais état de conservation ne nous permet pas de les décrire; nous nous contenterons de les figurer, (1) Nous dédions cette espèce à notre jeune ami M.Vilanova y Piera, professeur à la Faculté des sciences de Madrid, dont le nom est déjà si avantageusement connu par sa description de la province de Castellon et son beau traité de géologie générale et appliquée. 25 millimètres. 12 — NOTE DE MM. DE VERNEUIL ET L. LÀRTET. 697 espérant attirer ainsi sur eux l’attention des géologues espagnols qui pourront consacrer plus de temps que nous à la recherche d'échantillons mieux caractérisés. Nous croyons reconnaître dans ces échantillons des coquilles qui peuvent se rapporter à des genres lacustres et surtout ter¬ restres. Parmi ces dernières il en est une que nous rapproche¬ rions volontiers des Cyclostomes : les premiers tours de spire sont recouverts par le têt qui est orné de sillons dirigés suivant l’en¬ roulement de la coquille; mais, comme la bouche et le dernier tour nous sont inconnus, nous croyons prudent de n’en donner aucune détermination générique. Un autre moule, figure 10, paraît également appartenir à un genre terrestre et se rapproche des Hélices; ce moule a conservé la trace de stries longitudinales obliques. Enfin, les figures 6 et 9 représentent des moules dont les coquilles devaient être palustres et appartenaient probablement au genre Paludine. Résumé. — Les conclusions auxquelles nous mène l’étude paléontologique des calcaires lacustres de Segura sont d’accord avec celles que nous avions déduites de leur étude géologique. En effet, si d’une part ces couches, ainsi que nous l’avons prouvé, sont inférieures non- seulement aux calcaires miocènes, mais aussi à des dépôts arénacés et argileux d’une grande puis¬ sance, s’il est juste en conséquence de les rapporter au terrain éocène et de les considérer comme les équivalents synchroniques du terrain nummulitique de la Catalogne, de Yalence et de Murcie, d’autre part la présence du genre Lych/ius qui caracté¬ rise ces calcaires vient confirmer cette opinion. Jusqu’à présent on n’a trouvé de Lychnus qu’en Provence ; ils y sont, comme à Segura, accompagnés de Cyclostomes très- voisins de notre espèce, et les couches qui les contiennent correspondent, d’après M. Matheron, à la partie supérieure des lignites du Sois- sonnais (1), c’est-à-dire à la base du terrain nummulitique. Le genre Lychnus que M. Matheron a créé en 1832 (2) n’est plus représenté dans la faune actuelle; très-abondant en Provence dans les assises éocènes, il y occupe un niveau constant. On ne le trouve ni au-dessus ni au-dessous de cet horizon, En Espagne, (1) Matheron, Recherches comparatives sur les dépôts fluvio-la¬ custres de la Provence, de l'Aude, etc., p. 101. (2) Annales des sciences naturelles et de V industrie du midi de la France , t. III, p. 60. 698 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. il n’existe aussi qu’à un seul niveau. Quoique les espèces ne soient pas identiques de part et d’autre, deux cependant sont extrêmement voisines, et d’ailleurs la présence seule de ce genre singulier, qui jusqu’ici n’a encore été trouvé que dans les couches éocènes, nous paraît motiver suffisamment notre conclusion, que les calcaires de Segura sont en Espagne les véritables équivalents des calcaires à Lychnus de la Provence, et sont, comme eux, con¬ temporains du terrain nunnnulitique inférieur. M. Louis Lartet fait la communication suivante : Note sur un silex taille trouvé dans le diluvium des environs de Madrid; par MM. Ed. de Verneuil et Louis Lartet (PL XI) . On a depuis longtemps signalé, en France et en Angleterre, la pré¬ sence de silex taillés dans les dépôts quaternaires de ces deux pays. En France, on en a successivement trouvé dans le diluvium des vallées de la Somme, de l’Oise et de la Seine, et tout récem¬ ment M. Rames vient d’en découvrir dans les vallées de la Jordance et de la Cère, près d’Aurillac (Cantal). En Angleterre, les recherches de MM. John Frere, Witburne, Leach, Wyatt, Prestwich et Evans, ont également établi la pré¬ sence dans les assises quaternaires de cette contrée de silex ouvrés associés à des espèces éteintes de mammifères. Nous venons appeler l’attention des géologues sur un troisième pays, où il nous a été donné, l’an passé, de constater un fait de la même nature : nous voulons parler de l’Espagne. De chaque côté de la chaîne granitique du Guadarrama s’étalent, sur une vaste étendue, des dépôts quaternaires qui couvrent, au sud -ouest de cette sierra, le plateau de la nouvelle Castille, jusqu’aux portes mêmes de Madrid. Sur le flanc de la vallée du rio Manzanares , opposé à cette ville, on voit également des dépôts de transport que M. Casiano de Prado, le savant auteur de la carte géologique de la province de Madrid, considère comme étant inférieurs au diluvium général du plateau. On a recueilli dans ces couches inférieures des restes de Bœuf, de Cheval, quelques fragments de dents de Rhinocéros, et enfin les débris d’une tête d’Ëléphant, avec des portions de molaires assez bien conservées pour que l’on ait pu les rapprocher spécifiquement de celles de l’Éléphant actuel d’Afrique (1). (1 ) Ed. Lartet, Comptes rendus de V Acad, des sc. , 22 fasc., 1 858, t. XLYI. Id., Bull. Soc. géol.y 2e sér., t. XV, p. 557 et 568, 1858. Note de MM. de Verneuil et louis Lartet. Silex taillé trouvé, dans le diluvium de Madrid. note de mm. de verneuil et l. lartet. 699 C’est aussi dans ces mêmes dépôts que nous avons pu constater, le 30 avril 1862, la découverte d’un outil de silex taillé, de forme analogue aux haches du diluvium de Saint-Acheul. Ce même jour, après nous avoir fait visiter les couches tertiaires qui affleurent sur les bords du rio Manzanares, M. Casiano de Prado, qui avait bien voulu nous servir de guide, nous conduisit jus¬ qu’aux sables quaternaires qui leur sont superposés et qu’il nous fut facile de voir dans la carrière de San-Isidro, où ils sont entaillés sur une profondeur d’environ 10 mètres. Yoici la coupe que présente cette carrière : 1 — Terre ve'ge'tale. 2 — Sable limoneux, jaune. 7> — Sable limoneux, rougeâtre, avec graviers. 4 — Alternance de marnes colorées en vert foncé et de sables micacés. (a — Position de la bâche. ) 5 Sables micacés, gris, parfois fortement colorés en rouge et eu noir par des oxydes de fer et de manganèse. L’un de nous ayant demandé à l'ouvrier galicien qui travaillait dans cette carrière, s’il n’avait rien trouvé de remarquable, cet homme alla chercher chez lui une pierre qui lui paraissait, disait- il, avoir été travaillée par les hommes , et qu’il avait trouvée quelque temps auparavant dans les sables, à une place et à un niveau par lui indiqués fort exactement, Il nous fut aisé de reconnaître à l’instant que c’était une hache de silex se rapprochant, à certains 700 SÉANCE DU 22 JUIN l86tJ. égards, d’un type assez communément représenté dans le diluvium d’Abbeville et d’Amiens. Cette hache a 15 centimètres de long, sa plus grande largeur est de 10 centimètres, enfin son épaisseur ne dépasse pas 4 centi¬ mètres. L’une de ses faces présente, comme d’habitude, un certain nombre de facettes de taille plus ou moins concaves et inégales, tandis que l’autre côté, uniformément convexe, paraît avoir été obtenu d’un seul coup, eu utilisant la cassure conclioïdale du silex. Dans la plus grande étendue du contour de la hache, le bord est aminci et festonné par des coups de taille dirigés à celte inten¬ tion; mais ce qu’il y a de plus remarquable dans la forme de ce silex ouvré, c’est que. l’une de ses extrémités ayant des bords limités suivant une courbe elliptique presque circulaire, comme ceux de Saint-Acheul, l’autre bout, qui dans la majorité des haches du diluvium de la Somme, se termine en pointe, affecte dans celle-ci la forme d’un biseau rectiligne, très-aigu, qui n’a pas moins de 6 centimètres de long et a du être régulièrement tran¬ chant à l’origine. \j Elephas africanus vivant encore de nos jours dans les parties centrales et australes de l’Afrique, on paraît être tenté de tirer de sa présence dans le diluvium de Madrid la conclusion que ce dépôt date d’une époque plus récente que celle que l’on assigne en général aux alluvions erratiques de nos vallées; mais nous ferons remarquer que des dents molaires de ce même Eléphant d’Afrique ont également été recueillies en Sicile par M Yi. Alessi (1), Anca (2), Charles Gaudin (3), soit daus des cavernes, soit dans des dépôts quaternaires extérieurs. Dans la caverne de San-Theodoro , explorée avec tant de bonheur par M. le baron Anca, les restes de Y Elephas ajricanus se sont trouvés associés à ceux de deux espèces éteintes d’Hippopo- tames [H. Pcntlandi , H . ) et aussi à des dents molaires d’un autre Eléphant ( Elephas antiquas , Falc. ) qui, retrouvé également dans certains dépôts pliocènes de l’Italie, ne remonte pas, dans le centre et le nord de l’Europe, au-dessus des assises inférieures du diluvium. Nous croyons devoir rappeler ici que dans cette même caverne de San-Theodoro, M. Anca a recueilli, mélangés avec (1) Atti deir Acad. Gioenia di sc. nat . , t. VII. p. 223. (2) Bull. Soc. gêoL de France , 2e sér. , t. XVII, p. 689 et 694, pl. XI, fig. 5 et 6. (3) Falconer, On the American fossil Eléphant [Nat. hist. Rev.% janvier 1863, p 67). NOTE I)E MM. DE VERNEUIL ET !.. LARTET. 701 les débris de ces deux Éléphants, des couteaux de phonolite que l'homme avait dû tailler à défaut du silex qui manque dans cette contrée. De tous ces détails on peut conclure qu’à la même époque où se déposaient, en France et en Angleterre, les alluvions quater¬ naires dans lesquelles on a constaté l’association de produits de l’industrie humaine avec les restes de plusieurs espèces éteintes cle mammifères et entre autres ceux de l’ Elephas primigenius , l’homme avait également pris possession du sol de l’Espagne; car c’est aussi au milieu d’alluvions formées dans des circonstances analogues et très-probablement synchroniques, qu’a été recueillie la hache dont nous venons de parler. Ici aussi, l’homme a donc été contemporain d’un Éléphant, mais celle fois, d’un Éléphant d’une espèce encore vivante qui, aprèsavoir disparu de cette partie de notre continent, à une époque inconnue, se retrouve pendant les temps historiques dans la région méditerra¬ néenne de l’Afrique, d’où plus tard elle a été définitivement re¬ foulée vers les parties centrales et australes de ce continent , devenues sa patrie actuelle. Note additionnelle . Dans la matinée du jour où nous présentions cette note à la Société géologique, l’un de nous recevait deM. Casiano de Prado l’annonce de la découverte d’une seconde hache dans le diluvium de San-Isidro. Notre savant confrère de Madrid lui donnait en même temps sur les terrains quaternaires de la nouvelle Castille d’intéressants détails que nous croyons utile de placer ici. La bande de diluvium qui s’étend dans la province de Madrid sur une longueur de 21 à 30 kilomètres, est composée de sables et d’argiles renfermant des cailloux et graviers, surtout à la partie supérieure où se rencontrent en outre des blocs de granité et de gneiss. Ces assises diluviennes ont, à l’endroit le plus élevé de Madrid, 36 mètres de puissance. Il se peut même qu’elles atteignent jus¬ qu’à 100 mètres d’épaisseur dans les collines qui sont situées au centre de ce vaste dépôt erratique. A San-Isidro, à 150 mètres de la rive droite du Manzanares et à 30 mètres au-dessus de cette rivière, on voit au-dessous de ce diluvium général un autre dépôt sableux et argileux très-régu¬ lièrement stratifié. Les cailloux quartzeux dont les sables sont SÉANCE DU 22 JUIN 186S. 702 presque exclusivement composés sont tous très-roulés et très-petits. C’est dans ces assises que l’on a rencontré dans les quinze dernières années les restes de grands pachydermes. C’est aussi là que nous avons pu, il y a un an, constater la découverte d’un outil de silex, et que M. Casiano de Prado vient de signaler un fait du même genre. M. Triger adresse la lettre suivante : Monsieur le Président, Le Mans, \ 8 juin I 863. Ne pouvant assister à la réunion prochaine et désirant malgré cela prendre date, j’ai l’honneur de vous adresser les minutes de plusieurs profils de chemin de fer transformés en coupes géolo¬ giques dont j’ai entrepris depuis longtemps des copies que je destine à la Société, mais que le manque de temps malheureuse¬ ment ne m’a pas encore permis de terminer. Comme ces coupes sont à une très-grande échelle et par consé¬ quent peu portatives, veuillez, je vous prie, avoir la bonté de pré¬ senter de ma part un essai de réduction que je viens de tenter pour ces coupes au moyen de la photographie, afin de les rendre d’un usage commode et de pouvoir en obtenir des exemplaires à bon marché. 11 me sera facile de démontrer plus tard que je viens d’obtenir ce double résultat, et que la photographie par conséquent est appelée à rendre de grands services à la science, puisqu’elle per¬ met ainsi de mettre à la portée de tout le monde des coupes géologiques d’une longueur immense, d’une exactitude géomé¬ trique rigoureuse et d’un tracé on ne peut plus facile à contrôler. Je tiens d’autant plus à prendre date, monsieur le président, que la publication d’une de ces coupes, celle de Paris à Rouen, doit paraître très- prochainement sous les auspices de M. le ministre des travaux publics, et qu’acceptant la responsabilité de la partie géologique de cette coupe, je ne puis au contraire rien accepter quant à ce qui concerne sa nomenclature, attendu qu’elle n’est pas de moi. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante : NOTE DE M. NOGUÊS. 703 Note sur les sédiments inférieurs et les terrains cristallins des Pyrénées-Orientales ; par A. -F. Noguès , professeur d’his¬ toire naturelle à l’école Saint-Thomas-d’Aquin (Oullins). Dans cette note je décrirai les plus importantes des roches cris¬ tallines des montagnes qui forment les parties élevées des vallées du Tech et de la Tet. Les roches sédimentaires de transition, nor¬ males ou modifiées, seront examinées soit en elles-mêmes, soit au moyen des relations qu’elles ont avec les terrains cristallins. Ces relations nous permettront de déterminer l’époque relative de l’éjection de quelques-unes de nos roches ignées ou éruptives. Enfin, je signalerai quelques faits se rapportant au trias et au ter¬ rain jurassique de la chaîne des Pyrénées-Orientales. I. — Vallée du Tech. La vallée du Tech ou Vallespir ( vallis aspera , vallée âpre) a 20 lieues d’étendue de l’est à l’ouest. Elle est bornée à l’est par la Méditerranée, au nord par la petite vallée du Réart et par le Canigou, au sud et à l’ouest par la chaîne des Pyrénées, qui la sépare de l'Espagne. Le Tech traverse la vallée dans toute son étendue ; la haute vallée est très-montagneuse; elle est coupée par de petites vallées peu étendues, arides, rudes et escarpées. Le terrain cristallin ou massif (granités, gneiss, etc.) forme une grande partie du département des Pyrénées-Orientales; à lui seul, il constitue le sol primordial des trois grandes vallées rous- sillonnaises. Les roches granitiques se montrent en montagnes de premier ordre, qui forment les barrières les plus élevées du pays et les faîtes des petits chaînons dont l’ensemble constitue la chaîne orientale des Pyrénées. La chaîne qui sépare la vallée de l’Ariége de celle de la Tet est essentiellement granitique; des masses considérables s’en déta¬ chent pour pénétrer dans les parties élevées du département des Pyrénées-Orientales. Vers Mont-Louis, elles se réunissent en un faisceau commun. De Mont-Louis, le massif granitique s’étend vers Molitg, Mosset, Eus, etc. , sur la rive gauche de la Tet, et de là pénètre dans la vallée de l’Agly. Sur la rive droite de la Tet, il va se terminer et se renfler au Canigou; une autre ramification se détache de ce grand massif granitique ; elle franchit la vallée du 704 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. Tech à la tour du Cos, pénètre par un isthme très-étroit dans la vallée de Saint-Laurens de Cerdans, dont elle forme le faîte de la chaîne , se dirige à l’est vers Bellegarde, et de là aux Albères (1), dont elle forme l’axe et la plus grande partie du chaînon, du Per- tlius à la mer. La limite des départements des Pyrénées-Orientales et de l’Aude, dans la vallée supérieure de l’Aude, est tracée sur les montagnes granitiques de Puyvalador, de Fontrabiouse, deQuérigut, du Roc- de l’Escale, du Pla-del-Pons. Lorsqu’on remonte le Tech jusqu’au Boulou, la vallée est lar¬ gement ouverte; mais, à partir de là, la rivière s’encaisse entre des rives qui vont en s’élevant de plus en plus. A la hauteur de Céret, la vallée se resserre et forme une gorge étroite bordée par une double ceinture de montagnes dont les parties élevées sont granitiques. A Céret, les schistes siluriens, métamorphisés en grand, forment le lit rocheux du Tech. Ils se dressent presque verticalement, ou sont inclinés au sud-ouest d’environ 80 à 85 degrés; ils sont devenus très-durs et passent à des roches pétries de quartz ou de feldspath ayant l’apparence de granwackes grossières. Les schistes arrivent jusqu’aux Capucins, au pied delà mon¬ tagne qui renferme les plâtrières de Céret; ils sont bleuâtres ou à teintes ferrugineuses; ils sont fortement relevés et plissés, et re¬ courbés en certains endroits. Aux environs des Capucins se montrent des calcaires cristallins blanchâtres ou gris bleuâtre exploités comme pierre à chaux. Ces calcaires recouvrent les schistes; ils semblent s’être déposés sur les têtes des couches ou sur les tranches des schistes, quand ceux-ci étaient déjà solidifiés. Nous rapportons ces calcaires à la période dévonienne. Du reste, la position constante que gardent les calcaires dans toute la vallée du Tech et de la Tet suffit pour les faire ranger dans le groupe de transition moyen ou dévonien. La coupe suivante donne la disposition des schistes et des cal¬ caires à la montagne de Céret. (1) Pour le terrain cristallin et de transition des Albères, dans la vallée du Tech, voyez Bulletin de la Société géologique , 2e série, t. XIX, p. 144. NOTE M M » NOGliiâ 705 C.éret. S. Tech. 17081 Capucius. % 6G2" Niveau du Tech au pont de Ce'ret (ISO mètres d’altitude). 1 — Roches granitiques ou igne'es. 2 — Schistes siluriens. ô — Calcaires dévoniens avec poches de gypse. 4 — Dépôts récents (cailloux roulés). Cependant tous les calcaires de transition que l’on trouve dans les vallées du Tech et de la Tet n’appartiennent pas à l’étage supérieur du groupe primaire du pays. Avant la formation des calcaires dévoniens il s’en était déjà produit des couches acciden¬ telles alternant avec les schistes siluriens. Ces calcaires, profondé¬ ment métamorphisés comme les schistes, prennent en général une structure schisteuse, comme on peut s’en convaincre par les cou¬ ches intercalées dans le schiste des environs de Saint-Sauveur, près de Prats-de-Mollo, non loin du Pla-del-Mener, au sommet de la vallée de Montalba, et dans la vallée de la Tet, entre Olette et les Graus. Dans la vallée du Tech, les calcaires cristallins du groupe dévo- nien forment, à partir d’Amélie-les-Bains, des masses qui se pré¬ sentent en escarpements abruptes, verticaux, brisés et déchiquetés, contenant sur certains points des poches et des crevasses qui for¬ ment des grottes. A Amélie-les-Bains, la gorge resserrée donne à peine passage au Tech et à la route qui lui est parallèle. Le village est protégé de toute part par une ceinture montagneuse. A l’est s’élève la colline secondaire de Costa-Boja et Puig-d’Olou, au sud, le Serrat-d’en- Merle, au pied duquel sourdent les eaux thermales par une fente ouverte dans un gneiss ou micaschiste très-variable d’aspect et de structure. | Ce micaschiste, sur certains points, présente une structure qui se rapproche, jusqu’à un certain point, de celle du gneiss. Il offre Soc. géol.y 2e série, tome XX. 45 706 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. deux micas ; le mica noir s'est déposé en rangées parallèles comme dans le gneiss, tandis que le blanc est épars dans la masse de la roche. Le quartz s'y montre en grumeaux sans cristallisa¬ tion bien franche; probablement c'est le mica qui l’a gêné. Des lames cristallines de feldspath apparaissent sur certains points de la roche. Le mamelon conoïde qui porte le fort est lié au Serrat-d’en- Merle ; il s’avance dans la vallée comme un promontoire que le Tech doit tourner ; le gneiss qui le forme est moucheté de mica vert qui lui a été fourni par une roche éruptive dont nous allons parler tout à l’heure. Les eaux minérales d’Amélie-les-Bains existent exclusivement sur le versant droit de la vallée , à une faible hauteur, et presque immédiatement au-dessus du village ; la nappe aquifère est com¬ prise entre la gorge de Mondony et le mamelon qui porte le fort. Sur quelques points de la gorge d’Amélie , et sur les deux rives du Tech , se montre une roche éruptive particulière signalée par MM. d’Archiac, Leymerie et moi ; c’est un porphyre quartzifère blanc, ou elvan, qui présente la plus grande analogie lithologique avec le porphyre du granité ilvaïque que M. Fournet a distingué dans nie d’Elbe. Le porphyre quartzifère d’Amélie possède une structure semi- granitoïde, semi-porphyroïde ; il est composé d’une pâte cristalline de feldspath blanc au milieu de laquelle se montrent des cristaux d’oligoclase, accompagnés de nombreux grains vitreux ou de cris¬ taux de quartz, et des paillettes d’un mica vert de poireau passant à la chlorite. On y remarque de nombreuses macules rougeâtres, ferrugineuses ; en général , les surfaces de cassure de ce porphyre sont enduites d’une matière olivâtre serpentineuse. Sur certains points, les parties serpentineuses se développent assez pour consti¬ tuer des veines assez épaisses, comme on peut le voir derrière l’établissement militaire et dans la tranchée du chemin qui con¬ duit de la partie basse du village d’Amélie aux Bains. Le porphyre quartzifère affleure sur plusieurs points des envi¬ rons d’Amélie. La montagne du fort en est pour ainsi dire lardée; on le voit dans la tranchée que je viens d’indiquer ; il affleure aussi à l’entrée du village, sur la route de Céret, en face de la première maison, à environ 20 mètres au-dessus du niveau de la rivière, sur le bord droit d’un petit ravin; l'affleurement se con¬ tinue derrière et sur l’emplacement de l’hôpital militaire. Le porphyre quartzifère d’Amélie affleure aussi sur la rive gauche du Tech ; il forme deux filons qui efflanquent une masse I NOTE DE M. NOGUÊS. 707 d?un granité à petits grains ou granulite. Le porphyre pénètre le schiste de transition et le grès rouge de la colline où. se trouve tracé le chemin de Montbolo, comme le montre le croquis sui¬ vant : Tech, rivière. 1 — Calcaire compacte noir, avec veines de calcaire blanc. 2 — Calcaire noir en feuillets épais. 3 — Calcaire schistoïde. 4 — Grès gris, rougeâtre, schistoïde. 5 — Grès rouge, avec cailloux de quartz passant au poudingu 6 — Grès rouge, quartzeux. 7 — Grès rouge, ferrugineux. 8 — Schiste de transition. 9 — - Porphyre. 10 — Roche granitique. e. ! La fente profonde par laquelle la rivière de Montalba ou Mon- dony pénètre dans le vallon d’Amélie peut bien être due à l’érup¬ tion du porphyre quartzifère, qui, pour arriver à l’extérieur, a dû briser et fracturer les couches minérales qui, par leur résistance, s’opposaient à son éjection. L’éruption du porphyre a eu pour ré¬ sultat, en disloquant les micaschistes, les gneiss et le granité à petits grains, d’amener au jour les eaux thermo-minérales sulfu¬ reuses qui font aujourd’hui la fortune de la contrée. Le porphyre quartzifère blanc d’Amélie a fait son éruption à une époque géologique antérieure à la craie. En effet, cette roche éruptive s’est injectée à travers les schistes siluriens, et jusqu’au grès rouge du trias. Mais elle n’a pas traversé les couches calcaires qui recouvrent les grès rouges , du moins à Amélie. Cependant, ces calcaires jurassiques ont éprouvé, soit par la présence du porphyre quartzifère, soit par celle d’autres roches ignées plus récentes, des modifications qui leur donnent l’aspect d’une méta¬ morphose en grand. Mais ce qui est important, ce qui a pour les lithologistes la même valeur que les fossiles pour les paléontolo- Jurassique. 708 SÉANCÉ BU 22 JUIN 1863. gistes, c’est que dans les couches de grès qui recouvrent les caU caires foncés de la tranchée de la route de Céret à Amélie, avant d’arriver à ce dernier village, on trouve des fragments de porphyre quartzifère. Ce grès, qui forme les couches du sommet de la col¬ line secondaire qui s’élève à l’est d’Amélie-les-Bains, est essentiel¬ lement constitué par les cristaux de quartz et les débris des lames cristallines du feldspath du porphyre quartzifère. Cette dernière roche était donc déjà soulevée lorsque ces couches de grès très- quartzeux se sont formées dans la vallée du Tech, en partie aux dépens de la roche éruptive. Entre Amélie-les-Bains et Arles, sur la rive droite du Tech, se dessine une suite de crêtes gneissiques, tandis que la rive gauche est formée principalement par des strates de calcaires marmoréens qui recouvrent les schistes de transition. Aux portes de la petite ville d’Arles-sur-Tech, sur le chemin qui conduit à Amélie-les-Bains, on aperçoit, dans les tranchées qu’a entaillées la route, une roche schisteuse métamorphisée, péné¬ trée de feldspath, minéral qui forme la plus grande partie de sa pâte ; elle montre à l’œil nu des points noirs qui sont des mâcles en voie de formation. La roche schisteuse, plus ou moins méta¬ morphisée, affleure dans le ravin de Bonabosc , ainsi que sur les hauteurs qui bordent ce ravin. En suivant la route, parallèlement au cours descendant du Tech, on trouve une roche granitoïde composée d’un mica blanc argentin, qui montre ses lamelles sur les tranches vives et sur les surfaces de cassure, ce qui lui donne l’aspect d’un micaschiste, pourtant peu riche en mica. Son feld¬ spath ne présente pas une structure franchement cristalline; les lames feldspatliiques, rarement bien distinctement cristallisées, n’ont ni l’éclat ni la couleur qu’elles affectent dans les véritables granités. Le quartz y est rare et s’y montre en grumeaux. Cette roche granitique a probablement soulevé les masses de schistes métamorphisés qui s’appuient sur les deux versants opposés de la colline qu’elle forme. Dès que l’on a dépassé les affleurements de la roche éruptive que je viens de décrire ci-dessus, on arrive sur un schiste argileux verdâtre, rougeâtre ou oereux à la surface, pénétré de quartz et de feldspath, ce qui est l’indice d'une profonde altération produite par les roches granitiques qui l’avoisinent. Un peu plus loin, en suivant toujours le bord gauche , on s’aperçoit que le schiste a passé à une roche noire, compacte, dure, feldspathisée, ayant l’as¬ pect d’une fine grauwacke; localement, le schiste passe à un mica¬ schiste nacré; il s’imprègne de mica, devient onctueux au toucher, et présente un aspect luisant et satiné. NOTE DE M. NOGUÈS. 709 En face du coude prononcé que le promontoire granitoïde qui porte le fort fait dans la vallée , sur la rive droite du Tech , on trouve, sur le bord opposé, un granité à petits grains ou granu- lite, qui a fait éruption à travers le schiste. Ce granité offre un mica vert noirâtre, peut-être chloriteux ou amphibolique, des lames de feldspath fort petites et du quartz non transparent et bien disséminé dans la masse granitoïde. Avant d’arriver au ravin qui descend des hauteurs de Mont- bolo, le petit sentier qui longe la rive gauche du Tech coupe un filon de porphyre quartzifère que nous avons déjà décrit. A partir de ce ravin, jusqu’en face d’Amélie-les-Bains, la base de la mon¬ tagne est formée par les schistes anciens métamorphisés, recou¬ verts par les grès rouges, plus ou moins vivement colorés, qui passent à des poudingues formés par des cailloux de différentes roches de la contrée. Ces grès sont généralement inclinés vers le nord-est; les schistes sous-jacents, comme eux, sont traversés par des filons de porphyre. Dès que l’on quitte Arles pour remonter le Tech, on traverse un puissant système schisteux qui forme des montagnes de troi¬ sième ordre. Ce système schisteux finit à environ 500 mètres au delà du pont du Pas-du- Loup. A la fontaine qui sourd au bord de la route commence le granité dont la nappe s’étend jusqu’au delà de Saint-Laurens de Cerdans jusqu’à la métairie Lafage. Le granité sur lequel est tracé le chemin de Saint-Laurens de Cerdans, à partir du Pas-du-Loup, est composé de feldspath blanc pur en gros cristaux , ce qui donne à la roche un aspect porphy- roïde. Le mica y est noirâtre, avec des reflets bronzés ou ver¬ dâtres ; il y forme des agglomérations qui semblent entourer de préférence les gros cristaux de feldspath. Le quartz y forme plutôt des grumeaux épars dans la masse que des cristaux bien définis. Sur beaucoup de points de la vallée de Saint-Laurens de Cer¬ dans on remarque une altération dans la structure et dans la composition du granité normal qui forme la masse du plateau granitique. La roche passe à une pegmatite grenue à petites la¬ melles de feldspath et à grumeaux de quartz vitreux. Cette modi¬ fication du granité se fait surtout remarquer au voisinage des roches sédimentaires modifiées par l’action des causes ignées. Le granité du vallon de Saint-Laurens de Cerdans éprouve, sur une grande étendue superficielle, une décomposition sur place; il se désagrégé et se décompose par l’action des agents atmosphé¬ riques. Dans ce granité se voient, sur certains points, des cristaux 710 SÉANCE DU 22 JUIN J 863. noirs qui ressemblent à la pinite; quelquefois ils deviennent si nombreux, que le granité prend alors un aspect particulier. Sur les points où ces cristaux se développent , le granité s’appauvrit en mica, qui finit par disparaître complètement au voisinage des agglomérations des cristaux noirs. Les schistes de transition se voient au fond de la crevasse où coule la rivière de Saint-Laurens de Cerdans; quelques couches arrivent jusqu’à la hauteur de la route. Ces schistes ont éprouvé une altération profonde dans leur composition et dans leur état physique. Le schiste était donc déjà déposé lors de l’éruption du granité modificateur du vallon de Saint-Laurens de Cerdans; mais cette même roche ignée n’a pas altéré les couches du grès rouge tria- sique qui le recouvrent à la métairie Lafage. Donc, l’époque de l’éruption de certains granités de la vallée du Tech est postérieure au terrain de transition que représentent les schistes et les cal¬ caires qui les recouvrent dans la vallée du Tech, et antérieure au grès rouge pyrénéen (trias). Lorsqu’on compare l’époque de l’éruption du granité éruptif de la vallée du Tech à celle du porphyre quartzifère blanc d’Amélie, on voit que la roche porphyroïde des Bains est plus récente, ce qui porte à conclure que le porphyre quartzifère est indépendant des granités de la vallée du Tech, et qu’il ne s’y lie pas comme le fait le porphyre blanc de l île d’Elbe , qui est une roche se rattachant au granité ilvaïque. Dans les montagnes des Pyrénées-Orientales j’ai reconnu plu¬ sieurs variétés de granités; les uns constituent le sol primordial, les autres ont percé à travers les granités anciens et ont disloqué les roches sédimentaires. Dans un travail spécial, je décrirai tous nos granités pyrénéens et les autres roches ignées des vallées roussillonnaises. A Amélie-les-Bains on voit affleurer le schiste de transition sur les deux rives du Tech ; mais ces affleurements sont très-cir- conscrits, surtout sur la rive droite, où ils sont recouverts presque en entier par des roches plus modernes. Celui qui se montre sur la rive gauche, au-dessous du chemin de Montbolo, affecte des teintes vertes ou ferrugineuses; il est traversé par un filon de por¬ phyre quartzifère blanc qui pénètre même le grès rouge. Lorsque , à partir d’Arles , on remonte le Tech , pendant un trajet de plus de 6 kilomètres, on chemine sur un puissant système schisteux qui forme le lit de la rivière et s’élève sur ses deux bords à des hauteurs assez considérables. Sur la rive gauche, la route le NOTE DE M. NOGUÊS. 711 coupe en tranchées profondes. L’ensemble de ce système schis¬ teux s’incline au sud-est en formant des angles qui varient de 45 degrés jusqu’à 90 degrés; il constitue des montagnes de troi¬ sième ordre, en mamelons arrondis, que l’on aperçoit tout le long du Tech, qui en baigne les pieds. Les roches schisteuses de la vallée d’Arles reposent, en général, sur les micaschistes normaux , les gneiss ou le granité. Elles sont chargées de mica en lamelles très-petites et serrées , ce qui leur donne un éclat nacré ou satiné. Les schistes nacrés des bords du Tech dérivent certainement du schiste argileux par l’introduction du mica dans leur masse ; sur certains points ils passent à des micaschistes nacrés, talqueux, quartziteux, même à des grauwackes. Mais ce qui indique surtout que ces schistes satinés ont subi une métamorphose postérieure¬ ment à leur dépôt, ce sont ces points noirs que l’on y aperçoit en grand nombre, et qui sont des màcles en voie de formation. Au delà du Pas-du-Loup, les schistes nacrés maclifères forment le fond du vallon étroit où coule la rivière de Saint-Laurens de Cerdans ; ils arrivent, en s’appuyant sur le granité, à la hauteur où la route est creusée. Le schiste nacré et les schistes argileux, au contact du granité , ont éprouvé une modification profonde ; en partie, sur certains points, ils se sont transformés en mêla- phyres. Le mélaphyre de la vallée de Saint-Laurens de Cerdans ne se montre point, comme dans le Lyonnais , les Vosges, le Tyrol, en grandes masses ou en nappes étendues; il forme, au contact du granité, comme des enclaves dans la roche éruptive et sont pressés par elle. On peut suivre, dans la vallée du Tech, toutes les méta¬ morphoses que subissent les schistes de transition, depuis le schiste argileux normal jusqu’à sa transformation en mélaphyre, en pas¬ sant par les micaschistes nacrés et par les schistes maclifères. La pâte du mélaphyre est d’un vert très-foncé, éminemment feldspathique. Sa teneur en feldspath diminue à mesure que l’on s’éloigne du contact de la roche ignée. A une certaine distance, tout en conservant une pâte feldspathique, la roche prend une structure schistoïde avec un peu de mica et de l’amphibole. De gros cristaux blancs de feldspath du sixième système cristallin s’y développent et tranchent par l’éclat de leur blancheur sur le fond sombre de la pâte du mélaphyre. Ces cristaux présentent les stries qui caractérisent l’oligoclase. On voit dans toute la chaîne des Pyrénées un grès d’une cou¬ leur rouge de brique ou lie de vin, associé à des poudingues SÉANCE DU 22 JUIN 1863. ■HS quartzeux et à des schistes rouges argilo-arénacés. On peut suivre ce grès rouge depuis les Basses-Pyrénées, où il est si largement développé, jusque dans la vallée du Tech, dans les Pyrénées- Orientales. Sur la route de Céret, avant d’arriver à Amélie-les-Bains, on rencontre un promontoire dont la base est entaillée par le lit du Tech et par la tranchée de la route ; il est formé de grès rouge du trias recouvert par des calcaires jurassiques. Le grès rouge du trias réapparaît un peu plus loin , à l’est d’Amélie, aux plâtrières dites de Mèlciou. La montagne qui s’élève sur la rive gauche du Tech, entre Palalda et Amélie, montre aussi à sa base le grès rouge du trias recouvert par les calcaires noirâtres jurassiques. Les grès rouges du trias (grès bigarré) n’ont été vus encore, dans la vallée du Tech, qu’entre Amélie et Céret. Mais si l’on s’ap¬ proche du versant espagnol , on les retrouve déjà dans la vallée de la Muga. C’est à 2 kilomètres environ de Saint-Laurens de Cerdans, à la métairie Lafage , que réapparaissent les couches de grès rouge inclinées au sud-est et reposant sur le granité. On voit partout le grès rouge pyrénéen aux environs de Coustouges, de Yilleroja, de la Manère. Les grès rouges du trias, qui prennent un si grand développe¬ ment dans les Basses-Pyrénées, n’acquièrent, dans la vallée du Tech, qu’une puissance peu considérable. Mais si Ton pénètre dans les Pyrénées espagnoles de la vallée du Sègre, l’étage acquiert un développement en épaisseur d’environ 700 mètres. On peut le bien étudier en descendant, de Pla à Organga, le cours du Sègre, qui le coupe perpendiculairement; les calcaires jurassiques les recou¬ vrent de leurs assises puissantes en escarpements abruptes. Les sédiments secondaires de la vallée du Tech, formés par trois groupes de terrains, trias, jurassique et crétacé, n’acquièrent qu’une faible épaisseur, tandis que les mêmes terrains forment dans la vallée du Sègre des strates puissantes qui atteignent à des épaisseurs de plus de 2000 mètres. Pendant la longue période de sédimentation de ces dépôts se¬ condaires les parties du pays où ils se montrent aujourd’hui, dans la vallée du Tech, ont été un rivage peu élevé, tandis que la vallée du Sègre était en mer profonde. IL — Vallée de la Tet. La Tet prend sa source au-dessous du vallon appelé Couma- NOTE DE M. NOGUÈS. 713 davall-Marans, au bas du Puig-Péric , à 2825 mètres d'altitude. Cette rivière, très-resserrée dans son origine, se précipite sur des rochers immenses et tombe dans le vallon de Pla-d’Als-Abeillans; sa direction est du nord-ouest au sud-est jusqu’à Mont-Louis. Après avoir parcouru depuis sa source une longueur de 18 kilomètres, elle tourne de l’ouest sud-ouest à l’est-nord-est, parcourant 58 kilo¬ mètres jusqu’à Millas; elle change encore de direction pour la seconde fois, tourne de l’est à l’ouest et arrive à son embouchure après un parcours total de 106 kilomètres. La vallée de la Tet, très-resserrée dans son origine, prend les plus larges proportions au débouché du col de Ternère; aux envi¬ rons de Perpignan elle se développe en une vaste plaine qui se confond avec les vallées parallèles de l’Agly, du Tech et du Réart. Vers Millas la vallée commence à se resserrer entre des collines subapennines; les montagnes qui s’élèvent sur la rive gauche prennent un relief de plus en plus prononcé; Force-Réal montre déjà sa cime schisteuse à 507 mètres d’altitude. En s’approchant cl’Ille la vallée se rétrécit encore; de cette dernière petite ville à Vinça elle s’étrangle en une gorge étroite ; au-dessous de Rhodés, c’est à peine si le courant peut se frayer un passage à travers les roches abruptes. Mais aux environs de Prades elle s’élargit pour donner naissance à une petite plaine entourée de toute part de cimes montagneuses , parmi lesquelles règne, au sud, le mont Canigou. Le granité des environs des Bains-de-Molitg, qui forme les mon¬ tagnes qui s’étendent vers Eus et Sournia, est formé d’un mica légèrement jaunâtre ou verdâtre qui s’y montre en lamelles éparses. Son feldspath est d’un blanc de lait ou à teintes rosées ; parfois même il se colore légèrement d’une teinte de vert pâle. En général les cristaux de feldspath n’atteignent pas à de grandes dimensions, ce qui ne donne pas à toutes les parties du granité l’aspect franchement porphyroïde. Sur certains points le mica disparaît; alors de gros cristaux de feldspath se dévelop¬ pent dans la roche. Le quartz se montre dans le granité de Moligt en agglomérations vitreuses à cristallisation ébauchée. Pancol est posé sur un cône de granité qui s’élève de 109 mètres au-dessus du niveau de la Castellane, qui coule dans une fente profonde. Le granité que je viens de décrire peut s’observer sur la rive gauche de la Castellane, à la route de Prades, après avoir dépassé les dernières maisons des Bains. Sur certains points cette roche a subi une modification impor- 714 SÉANCE DU 22 JUIN 1863 tante dans sa structure ; ainsi, au contact des couches que la roche Ignée a métamorphisées, le granité passe à un granulite à grains fins, blanchâtre, sans mica. Avant d’arriver au coude prononcé que fait la route après avoir quitté les Bains, on aperçoit une roche verdâtre ou rougeâtre, serpentineuse, enclavée entre deux tranches de granité, comme un filon en coin injecté dans la roche cristalline. C’est surtout au contact de cette roche enclavée que le granité se dégrade et passe à un granulite. Lorsqu’on descend des Bains-de-Molitg vers Brades, à environ trois quarts de kilomètre des Bains, on aperçoit un puissant sys¬ tème schisteux, à couches fortement relevées, composé de roches verdâtres ou noires, à pâte feldspathique fine et serrée. Au premier abord ces roches frappent l’observateur par leurs teintes sombres et par leur ressemblance avec certaines roches éruptives; mais en les examinant avec attention, on reconnaît qu’elles sont strati¬ fiées. Certaines parties , qui ont échappé à l’action métamorphi- sante de la roche ignée, conservent encore leur caractère original de schiste argileux. D’autres s’imprègnent de mica et présentent les caractères des schistes micacés; des points noirs ou mâcles en voie de formation se sont développés sur certaines parties de la roche; enfin, sur d’autres points, la roche s’est fortement chargée d’une pâte feld¬ spathique et s’est transformée en une grauwacke à l’aspect fritté. Au contact de la roche éruptive les roches schisteuses de la vallée de la Castellane (affluent de la Tet) prennent des teintes et l’aspect serpentineux ; quelquefois elles sont traversées par des veinules de quartz, ou bien ce minéral s’y montre en filons qui atteignent 1 mètre et demi d’épaisseur à la surface. Ce puissant système de couches métamorphisées si profondé¬ ment se continue jusqu’à Catllar : du vallon de la Castellane elles passent dans la vallée de la Tet, où elles affleurent, à partir de Prades jusqu’aux environs de Bia. Seulement, à mesure qu’elles s’éloignent de la roche métamorphisante , leur altération est de moins en moins marquée. Tandis que dans le vallon de la Castellane elles commencent par affecter les formes et l’aspect d’une roche serpentineuse, pour passer à celles de schistes micacés et feldspathiques plus ou moins frittés; dans les environs de Ria, elles prennent l’aspect de schistes durcis ou de grauwackes. Cette roche métamorphisée se trouve aussi, comme je l’ai in¬ diqué, dans la vallée du Tech, avant d’atteindre aux premières maisons de la petite ville d’Arles-sur-Tech, NOTE DE M. NOGUÈS. 715 A Taurinya on voit le schiste affleurer dans le lit de la Litera ou Rivérète ; vers l’extrémité sud du vallon la roche passe au schiste mica ou micaschiste, avec un plongeaient au sud-est. Les schistes micacés, d’un aspect satiné, sont en général forte¬ ment relevés ; ils atteignent parfois à la verticale ; ils sont re¬ dressés contre les micaschistes normaux et les gneiss, qui, eux, s’inclinent normalement vers le nord 60 degrés ouest , ce qui indique un renversement pour les schistes micacés. Le chemin de Taurinya à Clara est tracé, à partir du moulin, sur les schistes de transition plus ou moins modifiés, relevés ver¬ ticalement ou inclinés un peu au nord-ouest. Ce schiste est très- ferrugineux; il contient de nombreuses veines de quartz bleuâtre; quelquefois il devient grenu et passe à une grauwacke compacte. Clara, Villarach et toute la colline comprise entre Taurinya et le premier village ont un sol schisteux plus ou moins déchiqueté. La montagne qui sépare Corneilla de Fillols contient une grau¬ wacke analogue aux grauwackes dévoniennes du Cotentin et de la Bretagne; elle renferme des empreintes de Stromcitopora concen- trica , Goldf., des moules d’une Térébratule ( Terebratula pugnus? ), des Fénestrelles, des Favosites, des Bérénices. Ces grauwackes fossilifères concordent avec les calcaires et sont* pour nous, dévoniennes comme eux. Dans les parties inférieures de la vallée de la Tet le schiste de transition forme la montagne de Force-Réal et les autres monti¬ cules élevés sur lesquels s’appuient les dépôts subapennins des en¬ virons de Millas et de Nefïiach. Le schiste qui forme la montagne de Force-Réal est d’une cou¬ leur verdâtre, avec des teintes ferrugineuses sur la surface de sé¬ paration des feuillets schisteux. Sa pâte est grossière, parsemée de veines de quartz qui pénètre en parties très- ténues dans la roche et lui communique un aspect quartzeux bien apparent à la loupe. Si l’on descend dans la vallée de l’Agly, on trouve un granité grenatifère qui a pénétré dans le schiste et l’a disloqué. Le terrain de transition, plus ou moins recouvert des dépôts récents, se voit le long des rives de la Tet, à partir des pentes de Force-Réal. Peu à peu le sol s’élève à des hauteurs où n’arrivent point les terrains tertiaires. Après avoir dépassé Prades, à Villefranche, se montrent de puissantes assises de calcaires marmoréens qui forment les monta¬ gnes nues et escarpées qui longent les deux rives de la Tet, depuis les environs de Ria jusqu’au delà de Villefranche. Ces calcaires, qui recouvrent les schistes, s’enfoncent au nord-est en faisant des 716 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. angles variables, dont les plus faibles inclinaisons sont de U 5 degrés. Ils sont diversement colorés; en général ils sont blancs ou rouges; sur certains points ils contiennent des fossiles de la faune dévonienne et se rattachent aux grauwackes fossilifères de Fillols. Leur position constante sur les schistes plus ou moins modifiés, leurs allures un peu différentes de celles de ces schistes, nous les font ranger dans le groupe dévonien. On a vu précédemment que nous rapportons au même groupe, d’après leur faciès minéralo¬ gique et leur position stratigrapliique , les calcaires de transition de la vallée du Tech. Parfois la pâte calcaire semble servir de ciment à des noyaux calcaires ou de schistes. Cet empâtement du schiste par le calcaire prouve que, lorsque les dépôts calcaires de Villefranche se sont formés , le schiste silurien et les calcaires qui alternent avec lui étaient déjà consolidés. Les schistes et les calcaires étaient entraînés, à l’état de cailloux, dans la mer dévonienne, où ils ont été pris et empâtés dans le calcaire qui se déposait dans cette mer. Le calcaire de Villefranche couronne les hauteurs de Jujols et de Flassa, recouvre les schistes des environs d’Olette et s’avance du côté de Nohedès, en présentant sur la rive gauche du ruisseau les escarpements les plus bizarres. D’un autre côté, il se relie, par¬ les collines de Sirach, aux buttes de Fillols et de Taurinya, tandis qu’on le voit disparaître sous le terrain récent des vallées de Vernet et de Fulhà. C’est dans ce calcaire que sont ouvertes les grottes de Fulhà, de Sirach, etc. Au-dessous des calcaires marmoréens colorés en blanc, gris ou rouge, de Villefranche, se trouvent des calcaires noirs avec veines blanches qui passent à des calschistes inclinés au nord-est. Bien¬ tôt la roche passe à un schiste plissé et contourné, bleuâtre ou à teintes ferrugineuses, s’imprégnant dans les parties inférieures d’éléments quartzeux en gros morceaux. Lorsqu’on est sorti de Villefranche pour suivre le chemin, on voit le schiste affleurer dans le lit de la rivière et les hauteurs environnantes recouvertes par les calcaires marmoréens du groupe dévonien. Sur certains points les schistes que coupe la route sont mas¬ qués par des dépôts détritiques provenant de la désagrégation des roches anciennes. Sur la route de Joncet à Olette le schiste af¬ fleure partout ; il forme les montagnes qui s’élèvent sur les deux rives de la Tet; au ravin qui descend des hauteurs de la rive gauche, avant d’arriver à Clavanell , il prend une teinte bleuâtre NOTE DE M. NQGüfcS. 717 et forme des aiguilles d’un effet très-pittoresque ; ses strates plon¬ gent de 45 à 50 degrés vers le nord-est. Sur certains points des environs d’Olette le schiste est très- fissile , se divise facilement en feuillets, ce qui permet de l’em¬ ployer comme ardoise. Dans le ravin qui descend des hauteurs de Jujol il devient graphiteux ou bitumeux , parfois micacé. Les hauteurs où se trouve Souanyes sont formées par les schistes siluriens, dont l’ensemble du système s’incline, dans cette partie de la vallée de la Tct, vers le nord-est, en faisant des angles variables. La direction des strates de transition , nord-ouest-sud-est , se maintient constante dans toutes les parties de la vallée que j’ai explorées; mais les caractères physiques de la roche subissent des variations notables d’un point à un autre. Aux environs d’Olette le schiste devient verdâtre, à grain compacte, moins tabulaire que près de Joncet. Au-delà de la petite ville d’Olette la roche passe à un schiste ferrugineux, satiné, luisant, un peu micacé. On voit au-dessus de Jujol, sur les crêtes des montagnes, les bancs de calcaire de Yillefranche qui recouvrent le schiste; ces épaisses assises calcaires se continuent vers le Capcir et passent dans l’Ariége. Il faut distinguer cette large nappe calcaire, si dé¬ veloppée aux environs de Viliefranclie et qui recouvre constam¬ ment le schiste, des bandes calcaires qui alternent avec lui. On voit une de ces bandes à Cabrils; elle passe dans le lit de la Tet, monte à Maryans, se dirige vers Nyer; une branche passe sur la montagne qui porte le village d’Enn , va à Thués, Canavailles et aux Graus-d’Olette. Au-dessous de Canavailles le schiste devient très-quartzeux ; il est pénétré par des veines métallifères; on y voit des indices de cuivre. A la borne kilométrique 61 s’ouvre un tunnel d’une longueur de 30 mètres, percé dans un calcaire métamorphique à couches alternatives de blanc et de noir. Ce calcaire se déjète; il s’ouvre comme un éventail en émettant des palmures dans diverses direc¬ tions ; il est enclavé entre des couches de schiste micacé avec les¬ quelles il alterne. Il montre aussi des indices de cuivre; il est comme le schiste dirigé nord-ouest-sud-est. Au-dessous du tunnel la rivière coule dans une large fente produite dans une roche gra¬ nitique. Le croquis suivant indique la position relative de ces diverses roches : 718 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. 6 U *2 5 J3 U ^ '3 fl I 1 1 1 1 * „ ■ • ■ * Lorsqu’on a dépassé les Graus-d’Olette on rencontre une roche porphyroïde analogue au mélaphyre que j’ai signalé dans la vallée de Saint-Laurens de Cerdans, mais qui en diffère par sa teneur en mica et par son quartz. Cette roche est composée d’un mica gris à très-fines lamelles, de quartz non cristallisé et de gros cristaux de feldspath ; elle est pénétrée de parties serpeotineuses qui lui donnent une teinte gris verdâtre. Cette roche, stratifiée en grand, se trouve en contact avec une roche serpentineuse verte où étaient ouvertes autrefois les exploitations de cuivre de Cana- vailles* NOTE DE M« NOGUÊS. 719 On sait que les filons cuprifères de Sain- Bel et de'Chessy (Rhône) sont liés aux serpentines qui les entourent. Les eaux thermo-mi¬ nérales des Graus-d’Olette ou de Thués sourdent sur la rive droite de la Tet d’une roche granitique à mica blanc, d’un aspect ar¬ gentin, à quartz grumeleux. Cette roche granitique est essentiel¬ lement feldspathique ; le feldspath s’y montre en nombreux cris» taux d’un blanc gris. En résumé : 1° On distingue dans les vallées du Tech et de la Tet deux étages du terrain de transition (dévonien et silurien). 2° Les roches éruptives ou pyrogènes (granités, porphyres, ser¬ pentines) de ces vallées ont fait leur éruption à des époques diffé¬ rentes. 3° Les schistes de transition ont été, par le granité, successive¬ ment ou simultanément transformés en schistes nacrés, mica¬ schistes, en grauwackes et en mélaphyres à pâte peu foncée, mais le granité n’a pas altéré le grès rouge du trias déposé postérieurement à SGn éjection. k° Le porphyre quartzifère blanc d’Amélie-les-Bains a fait son éruption après que le grès rouge s’était consolidé. 720 SÉANCE DU 22 JUIN 1863 Compte des recettes et des dépenses effectuées pendant Cannée 1862 pour la Société géologique de France , présenté par M. Ed. Gollomb, trésorier. RECETTE. DÉSIGNATION <2 RECETTES G O fl des -2 RECETTES O U a NATURE DES RECETTES. prevues effectuées G 3 chapitres rz au budget en 1862. o S G i de la recette. m de 1862. G 3 2. -< $ 1 . Produits ordi¬ naires des ré- 1 Droits d’entrée et de diplôme . . 500 }} 780 }) 280 » 2 Ç de l’ann. courante. 7,000 » 7,770 » 770 » » » » Cotisations < desaun, pre'céd. . . 3,000 » 2,203 » » » 795 » 4 (. anticipe'es . 300 » 120 )> » » 180 » i 2. Produits extr. | 5 Cotisations une fois paye'es. . . . 1,800 » 1,770 » B » 30 » / ' 6 1 /Bulletin . 1,200 » 1,170 » » » 50 )) 1 J 3. Produit des \ publications. . \ ?| ! 1 Mémoires . 800 » 833 80 55 80 » » 8 9l > Vente des ^ Cartes coloriées. . . i f Histoire des progrès 10 » » » » 10 » f , j \ de la géologie.. . 650 » 608 90 » » 41 10 § 4. Capitaux pla- j 10 Arrérages de rentes 3 °/o. . . . 1,870 » 1,870 » B » » 1 1 Arrérages d’obligations. . . r . 610 » 510 j) / 12 Allocation du ministre de l’Ins¬ truction publique pour les pu¬ blications de la Société. . . . 1,000 » 1,000 » » » » t 13 Reliquat de l’allocation de l’an¬ § 5. Recettes di- verses, . . . . . ' 14 née dernière . Souscription du Ministre d’Etat, à 30 exempt, des Mémoires. 500 » » > M » 500 * 600 » 600 » » » » 1 13 Recettes extraordinaires relatives au Bulletin. . . . r . 400 » 400 1 16 Recettes imprévues . 220 h 768 400 }) 548 D \ 17 Loyer de la Société météorolog. . 400 » « » • § 6. Solde du com¬ Total de la recette. . . . 20,760 » 20,407 70 1,633 80 1,986 10 pte 1861. .... 18 Reliquat au 31 décembre 1861. . 523 65 523 63 Totaux de la recette et du reli¬ quat en caisse . 21,283 65 | 20,931 35 1 1 COMPARAISON. La Recette présumée était de . . . 21,283 65 La Recette effectuée est de . 20,931 35 Il y a diminution de Recette de . 352 30 RAPPORT DE LA COMMISSION DÊ COMPTABILITÉ. 721 DÉPENSE. DESIGNATION des chapitres de la dépense. NATURE DES DEPENSES. 5 I. Personnel. § 2. Frais de ment. . , 3. Frais de bu-' reau. . . , . . . ' S 4. Matériel. . . . S 5. Publications S 6. Emploi capitaux . . 1 \ f traitement . 2 / . 1 travaux exlraordinai 3 A&ent j gratification . 4; \ indemnité de logeme 5)Garçonde(sesS“8ef:*- * \ 7j bureau [ gm. Loyer, contributions, assurances. Chauffage et éclairage. . . Dépenses diverses . Ports de lettres . Impression d’avis et circulaires. Change et retour de mandats. Mobilier, déménagement. . Bibliothèque. — Reliure , port ! Impression, papiers planches . . Port . 18 \ r Impression, papier, J \ mentaires. . 20 Dépenses imprévues . 21 Placement de cotisations ur.iq DEPENSES prévues au budget de 1862. 1,800 500 200 200 800 100 100 2,850 650 350 250 150 20 550 900 7,900 900 2,100 » 80 900 DEPENSES effectuées en 1862. 1,800 500 200 200 800 100 100 2,577 45 766 70 554 70 518 05 98 10 13 15 351 1,117 7,893 45 840 60 2,512 15 10 » 21,200 » ), I ! 5 10 116 70 68 05 217 03 112 15 513 95 472 55 15 50 » 51 90 6 83 18 30 6 55 59 40, 70 900 85 COMPARAISON. La Dépense présumée était de . 21,200 » La Dépense effectuée est de . . 20,113 10 Il y a diminution de . 1,086 90 RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1862. La Recette totale étant de . 20,9.31 35 Et la Dépense totale étant de . 20,113 10 Il reste en caisse audit jour ... .... . 818 25 Soc. géol. , 2e série, tome XX. 46 722 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYÉES ET DES PLACEMENTS DE CAPITAUX, EXERCICE 1862. NOMBRE DES COTISATIONS. VALEURS. fr. c. p (antérieurement à 1862. . . . . 154 46,138 55 000 0 \ pendant l’année 1 862 . 6 1.770 » Totaux . 160 47,908 55 Legs Roberton . 12,000 » Total des capitaux encaissés. . . 59,908 55 PLACEMENT. fr. c. fr. c. 1,870 » Rentes 3 0/0 et frais de mutation \ 4 '1/2 en 3 0/0 . 47,699 25 i 435 » Intérêts de 29 obligations de I chemins de fer, antérieure- >57,557 25 ment à 1860 . 8,387 151 75 » Intérêts de 5 obligations de che- 1 mins de fer, achetées en 1 860. 1,470 85/ 2,380 » Excédant de la recette sur la dépense. 2,341 30 MOUVEMENT DES ENTRÉES ET DES SORTIES DES MEMBRES AU 1er MAI 1863 (1). Au 1er janvier 1862, le nombre des membres inscrits sur les listes officielles s’élevait à 508, dont : 378 membres payant cotisation annuelle) 1 30 membres à vie . I ci 508 Les réceptions du 1er janvier 1862 au 1er mai 1863 ont été de . 62 Total . 570 A déduire, pour cause de décès, démissions et radiations. 39 Le nombre des membres inscrits sur les registres, au 1er mai 1863, s’élève à . 53 /j . (398 membres payant cotisation annuelle, bavmr: j^33 membres à vie> Les 531 membres de la Société se divisent encore de !a manière suivante : membres résidant à Paris . 14.1 j membres résidant dans les départements. 201(531 membres résidant à l’étranger . 189 1 (1) La date du ler mai 1863 est prise pour terme de comparaison, parce qu a celte e'poque on a publié la dernière liste des membres de la Société, liste qui a été revue avec soin et qui donne par conséquent un résultat plus exact que si l’on eût pris la date du 1er janvier RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 723 M. Parés, au nom de la Commission de comptabilité, pré¬ sente le rapport suivant, sur les comptes du Trésorier pour l’année 1862. Rapport de la Commission de comptabilité , sur les comptes du Trésorier , pour Vannée 1862. Messieurs, Le dernier rapport de notre Commission vous signalait les dépenses extraordinaires occasionnées par la translation du siège de la Société $ et il manifestait l’espérance de voir bien¬ tôt renaître l’état régulier ; cette espérance a été réalisée au¬ tant qu’elle pouvait l’être-, elle ne pouvait l’être en entier, parce que le changement de local a entraîné un excédant de charges permanentes, qui appellent l’attention de la Société, et spécialement de ses administrateurs. Il serait sans intérêt de suivre pas à pas les nombreux ar¬ ticles du Compte qui vous est soumis , et dont les détails com¬ posent les tableaux annexés au présent rapport 5 la plupart ne demanderont que des observations générales -, un petit nombre exigera un examen plus détaillé. Dans les recettes , comme dans les dépenses , i! y a trois élé¬ ments distincts : le fixe , l’éventuel indépendant de notre volonté, et l’éventuel où l’action de la Société peut se faire sentir $ nous suivrons cette distinction. I. Recette. Les recettes fixes ne comprennent que les arrérages de rentes - les intérêts d' obligations et le loyer de la Société météo¬ rologique. Là, rien de changé, rien à dire. Les recettes éventuelles , mais indépendantes (jusqu’à un certain point) de notre action , se rapportent : aux encou¬ ragements que MM. les Ministres veulent bien accorder à la Société, à des titres divers -, à la 'vente de nos publications , aux recettes imprévues , aux recettes extraordinaires relatives au Bulletin 9 enfin aux droits d'entrée et de diplôme , conséquence de l’arrivée de membres nouveaux. Cette catégorie provoque trois observations : SÉANCE DU 22 JUIN 1868. 724 La première, que, par des motifs d’administration, i 'alloca¬ tion du Ministre de l’Instruction publique , arriérée de 500 fr. l’année précédente, l’a été encore en 1862, de sorte que les I 500 fr. portés au budget provisoire ont fait défaut dans nos .| recettes. Ils figurent au projet pour 1863. La deuxième, que les recettes imprévues ont eu un excé¬ dant de 548 fr. (768 fr. au lieu de 220). En troisième lieu, que les recettes extraordinaires du Bulle- \ tin n’ont rien produit, et qu’il y a donc déficit des 400 fr. por¬ tés au budget provisoire. On a lieu d’espérer mieux pour 1863, où il a été prévu une recette de 500 fr. Les recettes éventuelles soumises plus particulièrement à notre action se renferment dans les cotisations . C’est la branche principale de nos ressources, celie qui demande au Trésorier des soins de tous les instants, celle où il peut acquérir plus de titres à la gratitude de la Société. En groupant, comme l’ont fait les précédents rapports, les i quatre éléments des cotisations ( courantes , arriérées , anti¬ cipées, à vie), nous trouvons un chiffre de recette moindre qu’au précédent exercice (11,865 fr. au lieu de 12,729), diffé¬ rence 864 fr. Ce résultat, qui justifie les prévisions du rapport sur 1861, permet d’espérer que l’exercice prochain présentera un accroissement. Cette différence s’atténue d’ailleurs, à con¬ currence de 180 fr. , par la diminution des cotisations antici¬ pées , prévues pour 300 fr., et qui n’ont produit que 120 fr.; c’est là, en effet, un élément entièrement indépendant des soins du Trésorier. Nous en dirions autant des cotisations ci vie, où la conve¬ nance des membres agit seule , si le chiffre réalisé n’était le même qu’en 1861. Il parait être inférieur (1770 fr. au lieu de 1800), mais ce n’est qu’une apparence, un membre nouveau s’étant, lors du payement de sa cotisation de 30 fr., réservé de l’imputer sur sa cotisation à vie, qu’il allait effectuer, et qu’il a effectuée réellement peu après. Ces 30 fr. de différence, replacés au chiffre à. vie , diminuent d’autant le chiffre des cotisations courantes , lequel se réduira à 7740 fr. au lieu de 7770 fr. Cotisations courantes , cotisations arriérées , tels sont, en RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 725 définitive, les seuls éléments de cette catégorie, sur lesquels se concentre l’action du Trésorier. Or, nous savons qu’elle n’a pas été épargnée, et si le chiffre total de ces deux éléments est moindre de 560 fr. qu’au précédent exercice (9945 au lieu de 10 505), nous devons faire remarquer que le chiffre 7740 fr., des cotisations courantes pour 1862 forme 0,78 du total, tan¬ dis que le chiffre correspondant de 1861 n’a représenté que 0,70-, et il n’est pas douteux que tout ce qui tend à prévenir l’arriéré ne soit à la fois l’indice d’une situation plus régulière et la preuve d’un zèle soutenu. Tel est, dans son ensemble, l’état de nos recettes au dernier exercice : matériellement, à peu près le même chiffre qu’en 1861 (20,/j07 fr. 70 c. , au lieu de 20,760 fr.) -, moralement, une preuve nouvelle de la vigilance du Trésorier. II. Dépense. En reprenantla distinction établie plus haut dans les recettes , nous trouvons d’abord les dépenses fixes , qui comprennent les traitements , loyers , contributions , assurances. Ce sont là des dépenses invariables, où il n’y aurait rien à relever, si un cer¬ tain état d’incertitude, à l'époque où fut dressé le budget pour 1862, n’eût fait porter à 2850 fr. la somme des trois premiers articles, qui n’ont demandé pourtant que 2377 fr. 45 c., différence en moins, 472 fr. 55 c. Les dépenses éventelles et indépendantes se rapportent à une série d’articles peu importants [dépenses diverses , ports de lettres , impression d'avis et circulaires , change et retour de mandats , dépenses imprévues). Leur chiffre total, en 1861, avait été de 650 fr. -, il s’est porté, en 1862, à 775 fr., diffé¬ rence, 124 fr., que l’on ne saurait mettre moralement à la charge de personne. Restent les articles importants composant les dépenses éven¬ tuelles soumises à l’action de la Société : le chauffage et éclai- ragey le mobilier, la bibliothèque , le Bulletin , les Mémoires , le placement des cotisations. Quelques mots sur chacun de ces articles : L’article chauffage et éclairage a reçu une augmentation 726 SÉANCE 1)U 22 JUIN 1863. marquée dès l’entrée de la Société dans son local actuel ; il y a là des besoins nouveaux qui seront permanents, et c’est déjà un article (bien que de peu de portée) où nos charges futures vont s’accroître. Le mobilier , qui avait nécessité, en 1861, une forte dé¬ pense, heureusement accidentelle, est rentré dans son état normal ; il n’a même pas absorbé les 350 fr. qui lui avaient été alloués dans le budget provisoire. La bibliothèque avait, dans l’ancien local, une allocation de 400 fr. environ , la plus grande partie pour reliures-, en 1862, l’allocation a été portée à 900 fr., et la dépense l’a excédée de 207 fr. ; le budget pour 1863 alloue 1000 fr. C’est un article sur lequel il sera possible et utile de faire quelques économies. Enfin, voici le Bulletin et les Mémoires , qui, par le rôle qu’ils jouent dans nos finances, appellent de plus prés notre attention. Si nous remontons aux dix dernières années, nous trouvons une dépense moyenne, pour le Bulletin , de 6481 fr., pour les Mémoires , de 1428 fr., indépendamment des frais de port. Or, en 1862, le premier a dépensé 7893 fr., les seconds 2512 fr.; c’est une augmentation, pour l’un, de 1412 fr., pour les autres, de 1084 fr. Nous nous empressons d’ajouter que ce sont à peu près les chiffres du budget provisoire. Nous devons dire aussi, quant aux Mémoires , que depuis trois ans ils coû¬ tent plus cher, par suite des changements de régime que la Société a été obligée d’opérer. Certes, nous sommes loin de nous plaindre d’un emploi aussi utile de nos ressources; nous savons que les publications sont la vie des Sociétés ; et c’est pour pouvoir leur conserver une dotation suffisante, que nous croyons utile de jeter un coup d’œil général sur l’ensemble de notre budget de 1862. Ce qui en ressort clairement, c’est ce que nul ne pouvait empêcher, un accroissement de nos dépenses futures. Indépen¬ damment de la légère augmentation que nous vous avons signalée sur le chauffage , il en est une plus importante, celle du loyer ; nous subissons la loi commune, et c’est 900 fr. à ajouter à nos charges. C’est donc, en tout, environ 1000 fr, de plus. RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 727 1000 fr. de plus , comme dépense permanente , sont de na¬ ture à rompre un équilibre basé sur les besoins antérieurs. Aussi, qu’est-il arrivé ? Le dernier article de dépense dont nous avons à vous entretenir va nous l’apprendre ; nous voulons par¬ ler du placement clés cotisations à mie. Il n’est pas besoin de rappeler que ces cotisations, diffé¬ rentes des autres, devaient avoir un régime à part, et le régime adopté était leur placement immédiat et intégral. En 1861, les besoins exceptionnels du moment obligèrent à suspendre cette mesure ; mais, en vous signalant cette suspension , votre Commission vous en faisait remarquer la nature toute tempo¬ raire. Aussi, le budget provisoire de l’année suivante porta-t-il une sortie de caisse destinée à cet objet. Ce n’était pas pour le montant total de la recette prévue-, mais enfin, une somme de 900 fr. y était portée en dépense ; les charges nouvelles et quelques lacunes dans les recettes, y mirent obstacle ; rien n’a été placé en 1862, et le budget pour 1863, influencé par les mêmes nécessités, a bien prévu la recette, mais n’a rien alloué en dépense. Nous n’ignorons pas que ce n’est point là un principe établi pour l’avenir, mais uniquement une mesure de circonstance. Toutefois, nous sommes rentrés dans une situation normale; nos dépenses de premier établissement sont soldées ; nous n’a¬ vons plus affaire qu’au courant -, et puisque malgré cela il a fallu recourir à cette mesure ; c’est qu’il doit y avoir quelque part des réformes à faire. Si nous étions assurés d’un accroissement considérable et permanent dans le nombre des membres, l’inconvénient serait nul, parce que, les frais généraux restant les mêmes, les cotisa¬ tions nouvelles satisferaient aux nouveaux besoins; mais, malgré une légère augmentation toute récente , le fait signalé par votre Commission il y a deux ans, que depuis quatorze années ie chiffre demeurait à peu près invariable, ce fait com¬ mande la prudence. Comment donc résoudre le problème? Votre Commission estime qu’on peut y arriver par l’emploi de deux moyens. Le premier, c’est qu’il soit fait des économies là où des éco¬ nomies sont possibles. Sans rien spécifier, nous nous adresse- 728~ sêaxck du 22 juin 1863. rons à ceux de nos confrères qui ont une aclion quelconque sur nos finances. Le deuxième moyen consisterait à établir une règle nouvelle pour les cotisations à yie. N’en placer aucune, c’est sacrifier favenir au présent j les placer toutes, c’est gêner le présent au profit de l’avenir-, d’ailleurs, notre situation actuelle ne s’y prêterait pas. Nous pensons qu’il serait utile de donner une destination nouvelle à ces fonds, par un partage dont nous n’indiquons pas le chiffre, qui , même, pourrait être modifié selon les circonstances-, en d’autres termes, on ne placerait pas tout, mais on placerait une partie, et le Conseil fixerait tous les ans la proportion. Grâce à ce double moyen, dont le Conseil sera le premier juge, il serait pourvu aux charges de toute nature, sans qu’il fallût recourir à des mesures extrêmes, dont heureusement les finances de la Société n’ont nul besoin. Elles sont en bon état, bien administrées -, seulement, nous nous trouvions en présence d’une situation nouvelle, née uniquement des circonstances, mais à laquelle il fallait pourvoir $ et nous devions vous la si¬ gnaler, sans nous en préoccuper d’ailleurs qu’autant qu’il le faut pour y parer et pour résister à l’entraînement de dépenses, même utiles, qui pourraient affecter notre équilibre financière En l’état, voici la balance du compte : Recette (y compris le reliquat de 1861). . 20,931 fr. 35 c. Dépense . 20,113 10 Restant en caisse , au 31 décembre 1862. 818 25 Ce reliquat, qui, à la rigueur, eût pu servir à recommencer le placement des cotisations , a été prudemment réservé pour les premières dépenses de l’année future, notamment pour le loyer. Nous vous proposons, messieurs, d’approuver les comptes du Trésorier pour l’exercice 1862 et de lui voter des remer- cîments. Le rapporteur , T. Parés. La Société approuve les conclusions du rapport et vote des NOTE DK A1. tiOUHERT» 729 remercîments à M. Ed. Collomb, trésorier, et à M. Parés, rapporteur de la Commission de comptabilité. M. Goubert fait les trois communications suivantes : Nouveau gisement de calcaire grossier jossilijere ,* par M. Émile Goubert. Je crois pouvoir appeler rattention de la Société sur une tran¬ chée assez intéressante, en ce moment ouverte à Mortcerf (Seine-et- Marne), 156 kilomètres de Paris, sur le nouvel embranchement de Gretz-Armainvilliers , ligne de Mulhouse à Coulommiers, chemin de fer de l’Est. Il est remarquable, je pense, de trouver une coupe complète du calcaire grossier, riche d’ailleurs en fossiles bien conservés, dans cette région extrême du bassin, où l’on ne connaissait à jour que le calcaire de Brie , les marnes vertes et les calcaires lacustres sous-jacents. Je résume de la manière suivante les principaux détails du profil que j’ai mis au tableau. On a d’abord le calcaire grossier inférieur à Cerithium gigan- tcum , à l’état de sable assez meuble, blanchâtre, dont les fossiles caractéristiques ou les plus abondants sont : Turritella imbrica - taria , T. abbreviata , Fusus Noe , F . lœvigatus , F. bulbus ( bulbi - formis ), F. longœms , Strombus ca/wlis, Ancillaria buccinoides , Rostellaria fissurella) Cardita imbricataria , Cytherea semisulcatay Pectunculus pulvinatus , Limopsis granulatus. Le calcaire grossier moyen vient au-dessous ; c’est encore un sable calcaire blanchâtre, assez riche en Lucina Menardi , Cardium aviculcire , Orbitolites complanuta . Il est recouvert parle banc vert avec ses nombreux Cerithium lapidant . Enfin, nous trouvons des bancs de calcaire marneux à Turritella Jasciata, Cerithium thiaray C. echidnoides et variétés, C. denticulatum, JSatica Studeri ( muta - J bilis), Voluta rnusicalis; la coupe se termine par des rocailles et | des marnes à Cerithium lapidum , recouvertes de caillasses sans > fossiles. Coupe de la nouvelle ligne de Paris à Montargis , par Corbeil; par M. Émile Goubert. L’administration du chemin de fer de Lyon, ayant acheté le petit embranchement de Juvisy à Corbeil, l’a, d’une part, relié à 730 SÉANCE DU 22 JUIN 4 863. Villeneuve-Saint-Georges avec la voie principale, de l’autre, fait continuer jusqu’à. Montargis. Les trains qui iront dans le Bour¬ bonnais par Montargis auront ainsi leur trajet fort abrégé en passant à Corbeil. J’ai suivi la voie depuis la gare de Paris jusqu’à Boutigny, au sud de la Ferté-Aleps, à l’est d’Etampes, où s’arrêtent en ce mo¬ ment les travaux. La ligne suit la Seine et repose sur le diluvium ou le calcaire de Brie jusqu’à Villeneuve-Saint-Georges et de là jusqu’à Juvisy, point où l’on rejoint l’ancienne ligne de Corbeil. De Juvisy à Corbeil, petit parcours ouvert depuis longtemps sur la rive gauche de la Seine, on rencontre quelques talus, mais qui sont plaqués de végétation. 1500 mètres avant la gare actuelle de Corbeil, on trouve, à gauche, une excavation parallèle à la nouvelle voie et qui a servi à en former les remblais. Elle est encore dans le diluvium de la Seine; le fleuve coule du reste à 500 mètres à gauche. C’est un diluvium gris, avec gros blocs, quelques-uns assez volu¬ mineux, en silex meulier, d’aspect de la pierre de Château-Landon , blanc, blond ou jaune, ou bien en grès tertiaire. Cà et là des mor¬ ceaux de silex riches en Limnées du niveau de Montmorency avec test (entre autres L. Brardi ), rognons de granités rares, pas de fragments de calcaire grossier, quelques concrétions cependant de carbonate de chaux, des caillasses, ainsi que des rognons de sul¬ fate de baryte du système marneux supérieur au gypse. — Au-dessus de ce sable caillouteux, on a un mètre d’argile grise, avec petits galets, en général roulés, parfois encroûtés de carbonate de chaux, comme les Unio actuels de la Seine, et rares petits blocs de calcaire siliceux. Cette argile est séparée de la terre végétale, ici très-riche en coquilles, notamment en grands Hélix, ayant encore leur cou¬ leur, par un cordon de concrétions calcaires blanches, friables, parfois tubuleuses, dont le centre est souvent un galet. L’argile fournit, comme la partie supérieure rougie par l’hydroxyde de fer ou noircie par le peroxyde de manganèse, des sables caillou¬ teux sous-jacents, mais en bien plus grande abondance, un certain nombre d’espèces lacustres et terrestres vivant encore dans la ré¬ gion : Neritina Jluviatilis , c., conservant encore quelque peu de couleur, Lirnnea ovata , a.c., Succinea oblonga , ce., Bithynia tenta- culata , cc. , Ferussacia subcylindrica , a.c., Hélix ericetorum , id., H. cela ta, Stud. {cire inata des auteurs) a.c., B. sericea, id., H. his- pida , c., H. dubia , Hart., a.c., Zonites miens , a.c., etc. Cette argile est distincte du lœss qui se montre plaqué sur les coteaux vis-à-vis; elle se relie au diluvium sous-jacent, qui l’en- NOTE DE M. GOUBERT. 731 clave sur plusieurs points. Elle correspond aux bancs fluvio-ter¬ restres de Joinville près Vincennes, d’Amiens, etc. Les travaux de la future voie de Corbeil à Montargis commen¬ cent un peu après la gare actuelle de Corbeil, par le percement complet de la colline d’Essonnes dite des Terterets, sur une hauteur de près de ù0 mètres dans l’endroit le plus élevé. Toute cette épaisseur comprend un calcaire blanc, grisâtre, tra¬ vertin, compacte, sans bancs réguliers, avec blocs très-durs, gris clair, offrant des poches d’argile grise et disséminés dans une marne blanche non suivie. On y trouve de très-rares débris de Limnées. Au-dessus se montre une marne calcaire [crayon blanc des ouvriers) résultant du remaniement par place du calcaire, puis un lœss fort puissant qui fait, dans l’intérieur du calcaire, de larges poches de près de 15 mètres de profondeur. De l’autre côté du coteau, dans le fond dit le Clos Lecomte , cette puissante assise de calcaire irrégulier, analogue à la pierre blanche qu’on exploite pour chaux grasse dans les carrières d’Es¬ sonnes, se montre, près du pont d’Essonnes, traversée par la route de Paris, recouverte par les marnes vertes supérieures au gypse, qui paraissent ici glissées un peu du coteau. Ce recouvrement indique suffisamment que le calcaire de Corbeil, considéré par la plupart des auteurs comme du calcaire de Brie, est inférieur à ce calcaire et correspond au gypse à P alœotherium de Paris, comme le travertin ou pierre à chaux de Champigny, avec lequel ce cal¬ caire a beaucoup d’analogie minéralogique. Pour bien constater les marnes vertes au-dessus de ce calcaire, on peut monter la route de Paris (route impériale n° 7), et là où elle croise la route départementale n° 3 on trouve, vers le milieu du coteau, la tuilerie de M. Barthélemy, exploitant les marnes vertes. Au-dessus de cette couche, existe un banc de marnes blan¬ ches d’un mètre, assez pures, utilisées pour la fabrique de couver¬ tures de M. Buffault (d’Essonnes). Le tout est surmonté d’argiles ocreuses, sableuses, employées par la tuilerie, remplies de fragments de meulière sans fossiles, de l’aspect des meulières de Montmorency, mais qui sont des ; meulières de Brie. Ces meulières rousses, poreuses, cristallines j ( caillasses des ouvriers de la localité), sont, en effet, recouvertes par les sables de Fontainebleau, soit dans cette butte, soit surtout dans la butte sise de l'autre côté d’Essonnes, et traversée égale¬ ment par la route de Paris. Dans cette dernière, au-dessus du cimetière, sur la route, au Carbaumier et au Pressoir-Pront, on voit les meulières caverneuses de Brie au-dessous d’un sable 732 SÉANCE DU 22 JUIN 1563. jaune, meuble, fin, micacé, à rognons de sable très-ferrugineux agglomérés en grès. Ces sables sont exploités notamment à la sablière de M. Maillot. Les meulières de Brie sont assez dévelop¬ pées en ce point; on en fait de beaux moellons piqués pour le bar¬ rage du Coudray sur la Seine. Les bancs portent 6 mètres, 3 mè¬ tres, 2 mètres, selon les points de la carrière. La coupe des coteaux d’Essonnes et de Corbeil donne donc la série suivante : Calcaire blanc, irrégulier, à chaux grasse (gypse). Marnes vertes, ici très- développées. Marnes ocreuses, à meulières de Brie. Sables de Fontainebleau. Meulières de Montmorency, peu épaisses. Nous n’avons pas trouvé, à la base des marnes vertes, les lits à Cyrcna semis tria ta, Desli. ( convexa , Brongn., Hébert), que nous n’observerons au reste sur aucun point du parcours de ce nouveau chemin de fer. Il est, en outre, intéressant de constater ici les assises lacustres de la Brie à l’état de meulières contenues dans des argiles ocreuses, comme près de Paris; au delà de Mennecy, nous ne trouverons en effet à leur place, au-dessus des marnes vertes, qu’un calcaire irrégulier, assez puissant, minéralogique¬ ment semblable à celui de Corbeil et d’Essonnes. A partir du pont d’Essonnes, la ligne traverse de part en part les larges prairies tourbeuses de l’Essonnes, et nous ne retrouvons de tranchées qu’au moment où la voie vient de gagner, pour la suivre bien longtemps, la rive droite de cette petite rivière, tri¬ butaire de la Seine à Corbeil, et si importante pour les usines et surtout les exploitations de tourbes. Jusqu’à Mennecy, les travaux entament le flanc occidental de coteaux dirigés S. N., qui se dressent entre l’Essonnes et la Seine ; ces coteaux sont séparés eux-mêmes par la ville d’Essonnes de la colline des Terterets, où nous nous trouvions tout à l’heure, sur la rive gauche de la rivière dont nous remontons le cours. De ce point à la station de Mennecy, la coupe reste toujours la même dans le calcaire blanc de Corbeil ( crayon des ouvriers), pierre à chaux d’Essonnes, qui représente, pour nous, le gypse de Paris : pas de fossiles, pas de lits réguliers; fréquents blocs presque caverneux, à belles géodes de chaux carbonatée en cris¬ taux ; épaisseur visible, 25 mètres. Au niveau de la papeterie dite d’Essonnes, et près du Moulin- Galant , le calcaire se montre recouvert par les marnes vertes su- NOTE DE M. GOUBERÎ. 753 périeures au gypse ; les tuileries exploitent ces glaises vertes çà et là, au milieu clés vignes, sur le coteau que nous longeons, jusqu’à Mennecy, soit au coteau de Roissy-sur-Orinoy et à la tuilerie de Mennecy. Ces marnes, assez épaisses, sont recouvertes de quelques lits de glaise blanche, presque pure à la partie supérieure. Si, abandonnant le chemin de fer momentanément, nous mon¬ tons plus haut, à notre gauche, sur le coteau, voici, par-dessus les marnes vertes, les meulières de Brie, exploitées le long de la route impériale n° 191 (qui passe à Etampes), soit au niveau du Plessis, pour les besoins du nouveau chemin de fer et du barrage de la Seine au Coudray. Les meulières sont ici encore à l’état de fragments de silex meulier poreux, ocreux, contenues dans une argile ferrugineuse ou verdâtre, irrégulière. Les sables de Fontai¬ nebleau surmontent le tout, soit à la sablière de Mennecy. C’est donc la même coupe qu’à Essonnes et à Corbeil. De la future gare de Mennecy jusqu’au parc de Fontenay-le- 'Vicomle, nous marchons sur le plateau qui longe la rive droite de l’Essonnes. Nous ne rencontrons que de petites tranchées dans les marnes vertes, surmontées par un calcaire semblable, miné¬ ralogiquement, au calcaire d’Essonues, au point qu’on ne saurait distinguer ces deux calcaires en l’absence des marnes vertes. Ce calcaire, par sa position au-dessus de cet excellent horizon de marnes, nous paraît représenter cependant, après Mennecy, à deux lieues seulement de Corbeil, le niveau des meulières de Brie, ici complètement sans meulières. Nous retrouverons ce calcaire irré¬ gulier, sans fossiles, presque jusqu’à la Ferté-Aleps ; le calcaire de Corbeil ne dépasse pas, au contraire, Mennecy, sur notre trajet du moins. Le calcaire de Brie a ici 15 mètres en moyenne. Après le parc de Fontenay, nous ne trouvons de temps à autre que de petites coupes dans le calcaire de Brie, exploité çà et là pour les besoins du nouveau chemin de fer. A la future station de Ballancourt, qui desservira la poudrerie du Bouchet et les importantes exploitations de tourbe des deux bords de l’Essonnes, voici une coupe assez longue dans les marnes vertes, qui sont ici remarquablement onduleuses et sinueuses. Dessous ces glaises, 0m,15 de marne très-brune, pétrie de frag¬ ments, brisés et luisants, de test d’une grande Lininea et d’un Pla- norbis ; toujours absence de Cyrena sernistriata à ce niveau, dans cette région. Plus loin, au niveau du Petit-Saulçay, une série de petites coupes montrant les marnes vertes qui alternent avec de petits bancs blancs marneux, et sont recouvertes par le calcaire blanc SÉANCE DU 22 JUIN 1863. 73 à de Brie, toujours sans fossiles, sans bancs réguliers, sans stratifi¬ cation apparente. Quelques-uns de ses blocs sont assez durs pour qu’on en fasse des moellons piqués. Quant aux marnes vertes, là comme ailleurs, on les exploite activement pour tuileries. A Baulnes, près de la Ferté, pour la première fois nous aperce¬ vons, au-dessus du calcaire de Brie, et présentant au reste encore le même faciès lithologique, un troisième niveau de calcaire, cal¬ caire épais un peu mieux réglé dans sa stratification, distinct des autres, au reste, par ses innombrables moules et empreintes de Cerithium plicatum et Cytherea splendida. C’est le niveau nommé calcaire grossier de Montmartre par les géologues de Paris ; mais ce calcaire est bien plus épais ici qu’à Montmartre, Ecouen, Ver¬ sailles, Etampes, etc.; il y est moins désagrégé, plus exploitable. Enfin, il n’est pas recouvert, comme près de Paris, par des marnes à fossiles marins et par des glaises à Ostrea cyathula. L’O. cyatkula pullule ici, mais en plein calcaire; quelques lits marneux blancs en sont presque exclusivement formés. Au-dessus de ce nouveau et troisième calcaire de la région, on a soit le diluvium gris qui l’a dès lors remanié au contact, soit les sables de Fontainebleau. Après le pont de Baulnes, nous longeons de pittoresques coteaux boisés, flanqués de rochers audacieusement groupés en tous sens. Ce sont les grès de Fontainebleau, sans fossiles, tapissés ici comme partout de lichens [Imbricaria , etc.) et de mousses ( Redwigia ciliata , Weissia viridula , etc.). Au moment d’arriver à la gare de la Ferté-Aleps et au parc de la Ferté traversé par la nouvelle voie, nous retrouvons les cal¬ caires à empreintes de Cérithes et de Cythérées, ici beaucoup plus épais que nous n’avions pu le soupçonner encore. De l’autre côté du parc de la Ferté, la tranchée est assez haute et assez nette pour nous fournir une coupe complète de calcaires de la contrée, troisième horizon de calcaires de la ligne depuis Corbeil. On a d’abord 5 mètres de calcaire blanc, grisâtre, irrégulier, ici bonne pierre à chaux marneuse et tendre, à côté très-dure et devenant un vrai silex bleuâtre, comme ceux des meulières de Brie de la plupart des gisements. Ce calcaire avec veines et poches nombreuses de cristaux de carbonate de chaux, souvent fort beaux, est pétri d’empreintes et de moules : Cytherea splendida, ccc, Ceri - thiuni plicatum type et quelques variétés, ccc., Cardtàm tenuisul- catum , cc. , Natica crassatina , a.c, Syn dos/nia, a.c, Lucina Heberti, a.c., Area, a.r. En cassant les blocs, on trouve les Cérithes avec NOTE DE M. GOUBFRT. 735 test fort frais, spathique. Au-dessus, banc marneux, blanchâtre, rempli d’ Ostrea cyathula , 0m,25. Deuxième calcaire criblé de Cerithium (notamment C. pli¬ catum). Marne blonde et verte, très-riche en jeunes Ostrea cyathula, 0m,40. 0m,25, rognons verdâtres, aplatis, de sulfate de strontiane, avec très-jolis retraits prismatiques à cinq ou six pans, isolés les uns des autres, et hauts quelquefois de 0m,15. J’ai analysé ces ro¬ gnons qui m’ont donné jusqu’à 25 pour 100 de strontiane, le reste étant du carbonate de chaux, avec un peu de magnésie, d’alumine et de fer. Ce banc à rognons de sulfate de strontiane est très -con¬ stant dans la contrée où les marnes vertes ne renferment d’ailleurs pas de Septaria strontian itères, contrairement à ce qui a lieu le plus souvent ailleurs. Puis 0m, 25, banc sablo-calcaire, gris ou jaune, avec Ostrea cya - thula nombreux. Calcaire irrégulier, fragmentaire , à Cerithium plicatum en moules et empreintes, 0m,20. Calcaire siliceux, d’aspect de meulière, à Cerithium plicatum et autres, 0m,15. Calcaire tendre, pétri à sa base de Cythcrea splendida , Cardium tenuisulcatum , Cerithium , 2 mètres. Au-dessus sont des assises argilo-sableuses, devenant plus haut un sable meuble, gris. Cette coupe du chemin de fer, si intéressante pour l’épaisseur du calcaire grossier de Montmartre , se complète par celle de la grande sablière ouverte sur le coteau de la Ferté, et qu’on aper¬ çoit de tous les points de ce bourg. Cette sablière présente 35 mè¬ tres de sable exploité, d’un blanc assez pur. Les meulières de Montmorency couvrent les points les plus élevés du coteau. De la Ferté-Aleps à Guigneville, nous ne traversons que des remblais. À Guigneville, petite tranchée calcaire reproduisant la série de la Ferté. Le calcaire est recouvert, à Clercy, par le lœss, entamé sur plusieurs points, et, à Jouy, par les sables de Fontainebleau, soit rouges, soit jaunes, parfois blancs par place, très-fins, meubles, surmontés par quelques rognons de grès tendre. A la base de ce sable, on suit un cordon pétri de Cytherea splendida avec test, mais très-fragile, et un mince lit de petits galets noirs ou blancs, s’agglutinant çà et là en un poudingue bréchifonne. A Jouy, le sable est recouvert par un diluvium gris, argileux, souvent très- 736 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. foncé, à grains de quartz. Ce sable grossier fait des poches assez curieuses dans le sable tertiaire sous-jacent. C’est près d’ici que s’arrêtent en ce moment les travaux, qui, de là à trois lieues vers le sud, rencontreront toujours le même sol, d’après nos observations. Coupe du nouveau chemin de fer de Saint- Cyr à Dreux ; par M. Émile Goubert. Je crois utile de tracer sur le tableau la coupe du nouveau chemin de fer de Saint-Cyr près Versailles (Seine-et-Oise) à Dreux (Eure-et-Loir), nouvelle voie dont le point extrême sera Gran¬ ville (Manche). Cette coupe, que j’ai relevée pas à pas, sur une étendue de 20 lieues environ, me semble intéressante : 1° en ce qu’elle fait connaître aux chercheurs parisiens quelques nouvelles localités fossilifères pour le calcaire grossier, deux d’entre elles (tranchée de la Chapelle près Neauphle-le-Chàteau, et tranchée du pont de Houdan) prenant place parmi les plus belles que nous connaissions pour la richesse et la fraîcheur de leur faune (1 ) ; 2° en ce qu’elle montre combien les faunes tertiaires peuvent être dissemblables sur de petites étendues, les espèces qui prédo¬ minent à la Chapelle manquant à Houdan, 7 lieues plus loin, dans le calcaire grossier inférieur, où nous trouvons une petite faune presque spéciale ; 3° en ce qu’elle donne une suite sans inter¬ ruption du terrain tertiaire et de la craie de cette partie ouest de la région parisienne, où les couches affectent des ondulations fort remarquables, et comme je n’en avais jamais constaté dans le bassin de Paris. (1) Grignon, la ferme de l’Orme, Damery et environs, Parnes, Chaumont, Fercourt, conservent leur charme pour beaucoup d’espèces rares ou manquant ailleurs; mais les tranchées de Houdan et surtout celle de la Chapelle qui est bien plus riche, fournissent, de leur côté, bon nombre d’espèces qu’il est fort difficile de recueillir ailleurs. Les ouvriers qui ont travaillé à ces deux tranchées en ont extrait de ma¬ gnifiques Cerithium giganteum, Pointa cithara , Nautilus , etc; , et les petites coquilles qui leur sont passées inaperçues, suffiraient, quel¬ ques-unes, pour faire l’ornement d’une collection tertiaire de Paris. Au dire de M. Lebrun, de M. et de Mme Loustau, qui connaissent tous trois comme personne la richesse de Grignon, la tranchée de la Cha¬ pelle (ou de Saint-Germain de la Grange) serait au moins aussi fossi¬ lifère que cette belle localité de Grignon, située seulement, au reste, à quelques kilomètres. NOTE DE M. GOIÎBEIIT . 787 L’examen de cette série de tranchées du nouveau chemin de fer montre qu’il n’y a pas trace, sur ce parcours, de Craie à Beleninitellci mucronata (craie de Meudon). Calcaire pisolitique (craie de Maëstricht supérieure). Sables de Bracheux et de Rilly. Lignites du Soissonnais et argile plastique. Sables à Num nudités planulata d’Aizy et de Cuise. Bancs à Nuniniulitcs lœvigata , avec les sables calcaires à têtes de chat qu’ils recouvrent. Sables moyens (dits de Beauchamp). Calcaire marneux de Saint-Ouen. Gypses de Pantin. Marnes à Cyrena semis triata , Desh. ( convexa , Brongn., Héb. ) Marnes à Ostrea cyathula. Le calcaire grossier inférieur repose directement sur la craie à Ancinchytes gibba par un banc à Ostrea elegarts , tenant ici lieu du banc à dents de Lamna , qu’on trouve le plus souvent au-dessus des sables de Cuise, à la base du calcaire grossier. C’est la première fois que je trouve bien visiblement ce contact de la craie et de l’éocène moyen, contact que je soupçonnaisdepuis longtemps à Grignon, localité si peu éloignée de la tranchée de la Chapelle. La coupe du pont de Houdan ne permet aucun doute à l’égard de ce contact. La coupe donnée par les terrassements est la suivante : Terrain crétacé. Basodel’éo cène moyen de M. Hébert / Craie à Micr aster cor-anguinum . ) Craie à Ancinchytes gibba et Cardias ter, niveau des Be- I lemnitclla quadrata. ( [ ) c U* j Banc à Ostrea elegans . f 60 g l Sable à Cerithium giganteum . ( — -i 1 /o = Calcaire hlanc, calcaires à Orbitulites corn- j C. g. <( planata . j moy. grossier 1 Calcaire vert à Cerithium lapidum. \ ^ Marnes et cale, fragm.à C. denliculatiim I ^ £ — — - — echidnoides > • "Ç / o -a) — — — lapidum. ^ Caillasse. w P. tout à fait/" sup. de l’éo- S Marnes blanchâtres, semblables aux marnes hydraul. à cène supér. j Limnea de Pantin. Hé bert). \ Soc. géol. , $e série , tome XX. 47 738 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. ! Marnes vertes. Miocène \ Meulière de Brie. inférieur. ( Sables de Fontainebleau, sans fossiles. (Hébert.) j Meulières de Montmorency recouvertes par le diluvium V des plateaux de Paris. Enfin, épais dépôt quaternaire d’argile rouge à silex, recouvrant la craie. Ce diluvium, dont l’aspect est fort difiérentde notre dilu¬ vium gris de la Seine, et qui se poursuit sur le chemin partout identique et partout très-épais, n’est pas un des accidents les moins intéressants de la coupe, ainsi que les poches et injections de toutes sortes qu’il pousse dans des sédiments sous-jacents. Les auteurs de la carte de la France feraient de ce dépôt des plateaux crayeux du miocène et non du diluvium. Il paraît, d’autre part, bien distinct de Y argile rouge à silex que nous avons vue, dans le Maine, recouvrir la craie, mais être çà et là inférieure aux sables tertiaires, et représenter ainsi l’argile plastique de Meudon. Nous n’avons vu, au-dessus de cette argile du chemin de fer, aucun autre sédiment, même à Dreux, où elle est si puissante, et nous n’avons pas pu la surprendre au-dessus des dépôts tertiaires de la voie. Les plus récents de ces dépôts tertiaires du chemin sont recouverts çà et là de diluvium , comme à Tacoignières ; mais ce diluvium est distinct minéralogiquement de ce curieux dépôt rouge supérieur à de la craie, avec lequel, au reste, il ne nous a pas été possible de suivre ses rapports. Détails de la coüpe. ( Suivre sur la carte de C Etat-major , feuilles de Paris , dY Evreux, de Chartres.) — La nouvelle voie commence un peu au-dessus de la station de Saint- Cyr (chemin de fer de Paris à Chartres, Rennes) , au pont de la route d’Alençon-Brest, et se dirige d’abord N. E., S. O. jusqu’à Neauphle-le-Château, Nous suivons une belle tranchée cle .sables de Fontainebleau, sables sans fossiles ici, meubles, micacés, jaunes, rouges, gris ou très-blancs, selon les places. Ces sables ne sont pas surmontés de grès; au-dessus d’eux on trouve une argile grise ou plus souvent rouge, remplie de plaquettes de meulières sans fossiles. C’est la meulière de Montmorency, exploitée plus loin dans le bois de Plaisir, de Neauphle, des Essarts, des Molières, de Chevreuse, et ne présentant pas ici, à sa base, cette assise de marne blanche qu’on voit à Cernay près Dampierre (U lieues d’ici), où elle est très-riche en Limnea , Bithynia , Planorbis , et aux Essarts, où elle est azoïque. Au-dessus s’étend un dépôt irrégulier d’argile bigarrée, criblée de petits galets inégaux de quartz; c’est le diluvium des NOTE DE Mo GOUBERT. 739 plateaux de Paris, très-développé à Plaisir, près de la station de Trappes (carrière de la Maison des bois'). Entre l’argile à meulières et les sables, cordon mal suivi d’hy¬ droxyde de fer en rognons mamelonnés, noir, comme dans tous les environs (vallée de la Juine aux Vaux-de-Cernay, etc.). La coupe se continue toujours la même jusqu’à la tranchée de Fontenay ; celle de Villepreux en est la répétition. La plaine qui vient ensuite nous montre les marnes vertes à 6 mètres au-dessous du remblai où nous marchons. Les sables de Fontainebleau ont environ ici 40 mètres. Nous arrivons ainsi, sur un long remblai, à la future station des Clayes, la première du parcours, dont la gare est bâtie avec du calcaire grossier supérieur, exploité près de là, à droite, àSavenay, et dont les moellons sont riches en fossiles avec test : Natica Studeri , Quenst. ( mutabitis , Desli.), Lucina sùxorum , Cultellus fr agi lis, Cerithium cristatum, C. lapidant, lisse et à côtes. Après la station, nous rencontrons, à gauche, des emprunts faits dans les caillasses. Ainsi, nous n’avons pu voir ici le contact des sables de Fontainebleau et des couches sous-jacentes, contact que nous trouverons plus loin (station de la Queue-Galluis) ; mais il est permis d’affirmer, par l’aspect des lieux, qu’il n’y a pas 10 mètres d’épaisseur entre la base des sables, observée tout à l’heure avant ce malencontreux remblai, et les caillasses que nous avons ici sous les yeux. Ces caillasses sont à l’état de marnes irrégulières, blanches, avec veines discontinues de sable calcaire, petits cordons argileux diver¬ sement colorés, rognons de silex gris noir, creux intérieurement, assez semblables à ceux de la craie peu éloignée d’ici ( n’en venant certes pas d’ailleurs), et bancs de calcaire marneux brisaillé. A la base de cette petite coupe, gros rognons de calcaire couverts d’em- j preintes et de moules de Cardium obliquum , avec quelques Fusas bulbus ( bulbiformis ), Cultellus , etc. Ensuite, petite tranchée dans les caillasses, jusqu’au pont. Près du pont, sable marneux avec rognons de calcaire gréseux; c’est la partie du calcaire grossier supérieur que recouvrent immédiate¬ ment les caillasses. Comme partout à ce niveau, fossiles (ici avec test) nombreux en individus, mais non en espèces, et qu’on trouve sur la voie tout détachés par les agents atmosphériques: Cerithium cristatum , cc., C. lapidum lisse et var. à côtes, passant au C. crista¬ tum , ccc., C . denticulatum , a.c, C, echidnoides , a.r, C.thiarae tvar. , cc. , Natica Studeri , c., Pyrula lœvigata , Lk. (c’est un Frisas , a.c, F. SÉANCE DU 22 JUIN 1868. 7li0 polygonus , a.r. , Cyclostoma murnia, a.c. (très-frais), Cytherea elegans , a.c., Venus texta, a.c., Lucina saxnrum , id. , Z. elegans , a.c. (1). Un peu plus loin, pies du pont que traverse le chemin de Cha- venay à Plaisir, au niveau de la ferme des Ebisois, bien avant la station des Petits-Prés, calcaire vert ( banc vert des géologues pari¬ siens, base du calcaire gross. supér.) à Cerithium lapidant , et dessus sable calcaire avec C. denticulatarn , c., Turritella jasciata, c., Lu¬ cina voisine de concentrica, c. , Cerithium thiara , c., C. mûri coi des, a.c., ISatica Studeri, c., N. cœpa , a.r., Fu sus , a.c., Pleurotoma (ftesp.jLja.c., Defpkinulanov. sp.,a.c,, Voluta musicalise t var.,a c., Cerithium semicoronatum , a.c., Murex calcitrapoidcs , id., Bifrontia marginata , id., Phasianella pullus, id., Cyrena , a.r., Cardium impeditum , a.c., Cardita asperulata , id. , Cytherea nitida , a.c. , Venus scohinellata , id., Diplhclia Solancleri ( Defr. sp. ) , d’Orb., a.r. La tranchée cesse malheureusement ici, et, à la station des Petits-Prés, qui desservira l’école de Grignon, nous tombons sur une craie blanche, marneuse, à silex noirs à l’intérieur, souvent à nodules sphériques, creux en dedans, avec rares Ananchytes gibba , Lk. (. Echinochoris vulgaris , Breynius, sp., Colteau, var. gibba). Cette craie est inférieure à la craie de Meudon ; elle ne renferme pas de Bélemnitelles, malgré des recherches prolongées et des renseignements pris dans le pays; elle est certainement su¬ périeure à la craie à Micraster ; elle représente la craie à Be/em- ititella quadratr. Ici, encore contact invisible; maison peut être certain, par l’aspect du terrain et la coupe d’un puits fait dans la contrée, 1° qu’il n’y a pas 10 mètres entre la base du calcaire grossier supé¬ rieur et la craie; 2° que les calcaires grossier, moyen et inférieur, sont peu développés ; 3° que ces calcaires reposent directement sur la craie, comme nous le verrons, dans la tranchée même, à la Chapelle et surtout à Houdan. Après la station, tranchée surmontée par le pont que traverse le chemin vicinal de Thiverval à Plaisir; nous sommes pour la première fois, dans un épais diluvium argileux rougeâtre, à gros silex de la craie, surmontée par une puissante argile marneuse, un peu sableuse parfois, que jVrapporterais volontiers au loess. Ce di¬ luvium argileux roux recouvre la craie ici comme sur tout le reste (!) Le même calcaire grossier supérieur, à fossiles très-frais, se montre dans le chemin de Lavignon au cimetière, à quelques kilo¬ mètres à gauche de la station suivante (Petits-Prés). NOTE DE M. GOUBEUT. na du chemin de fer, jusqu’au delà de Dreux, et constitue, non loin, de vastes et épaisses nappes, notamment sur tousles coteaux crayeux, entre Beynes et Saint-Germain de la Grange. Nous traversons ensuite la plaine qu’on peut appeler de Beynes ou deSaint-Germain, sur un long remblai de craie, et nous entrons dans la belle tranchée de Beynes, toute en craie blanche, recou¬ verte du même diluvium argilo-sableux, rouge de briques, à silex de la craie; au contact, craie remaniée et pleine de poches souvent très-profondes et très-sinueuses. Cette craie, à gros rognons de silex, avec très-rares lits de ces rognons, et lits assez horizontaux, nous fournit deux Pectcn quinq accostât us , trois Car di aster, voisins du C. Heberti de Meudon, espèce extrêmement rare ailleurs, et une quarantaine d 'Ananchytes gibba couverts souvent de jeunes Ostrea et de bryozoaires ( Berenicea , Celleporà). Ces Ananchytes, sauf une variété fort petite ou fort jeune que je ne connais pas d’ailleurs, appartiennent à deux ou trois formes plus spécialement propres, pour l’œil habitué aux fossiles de notre craie moyenne du bassin de Paris, à la craie à Bdemnildla quadrata. Aussi rap¬ portons-nous cette craie et même celle de la vallée de Beynes, qui est plus basse et qu’on croit cependant, en général, du niveau de Meudon, à l’horizon des Belemnitella quadrata , horizon recouvert ailleurs par les bancs à B. nmeronata et Ananchytes avala (Meudon), recouvrant la craie dite souvent de Chartres, caractérisée par le Micraster cur-anguinum , non M. c. a. des auteurs, qui est le cor - testudinarium spécial au niveau inférieur à la craie à M. cor- an gain uni . Nous ne trouvons cependant aucune Bélemnitelle, malgré des restes de recherches réitérées ; mais on sait combien ces céphalo¬ podes sont rares dans certains endroits. Nous n’observons aucun banc dur, injecté de dolomie, sem¬ blable à ceux qu’on connaît dans cette même craie, à 3 ou h kilo¬ mètres à notre droite, dans la vallée de Beynes, classique pour cet accident, comme l’est aussi la craie magnésienne et à nodules de Bimont, près de la station de Breteuil (Oise). Quand on sort de ce long encaissement entre deux murs de craie, on aperçoit, à cent cinquante pas devant soi, une nouvelle tran¬ chée de même hauteur. On croit, par avance, retomber dans le terrain secondaire, et l’on est tout étonné d’arriver dans le calcaire grossier, qui recouvre directement la craie, ici comme à Houdan et aux Clayes. Nous sommes à la tranchée de la Chapelle, située entre Beynes, que vous trouveriez à 3 kilomètres, à votre droite, dans le fond 7A2 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. des coteaux crayeux qu’ont transpercés les terrassements, et Saint-Germain, Yilliers, Saint-Frédéric et Neauplile-le-Château, espacés à gauche, à peu près à même distance, sur des plateaux tertiaires. Nous sommes tout d’abord dans le calcaire grossier inférieur, ici tout entier à l’état de sables gris de loin, légèrement verts et assez glauconieux de près, présentant plusieurs bancs pétris de fossiles, les uns meubles, les autres un peu plus durs. Un des lits supé¬ rieurs, dans la coupe gauche, qui est la meilleure , nous fournit un beau Cerithium giganleupi avec test et plusieurs parties de ce même grand gastéropode caractéristique, des Voiuta cithara, V. spinosa , Corbula galliea, etc. Directement au-dessus est un lit où quelques-unes de ces espèces sont mêlées à d’assez nombreux individus des Cerithium serratum et echiclnoides . Au-dessous du lit à Cerithium gigantcum , le plus exploitable parce qu’il est le plus meuble, sont plusieurs autres cordons fossilifères, blanchis par leur surabondance de coquilles ; l’un d’eux est caractérisé par d’innombrables Pectunculus pulvinatus mêlés à de plus nombreux encore Limopsis grnnulatus. Ce commencement de la tranchée présente d’ailleurs, de haut en bas, à peu près le même fond de fossiles du calcaire grossier inférieur, fossiles dont on trouve les plus communs, tout secs, tout nettoyés, en grande quantité, sur le sol de la voie et sur les remblais voisins qui en sont blanchis. Le sable, vu à la loupe, se montre plein de petites bivalves, de foraminifères ( Triloculinci , Robulina , etc.), d’entomostracées ( Cypridina , etc.). Bien que plus préoccupé de voir que de ramasser, nous avons rapporté de cette première partie de la coupe plus de cent cin¬ quante espèces, aussi fraîches qu’on peut les avoir dans les meil¬ leures localités. Nous citerons : Débris d’ossements de? chélo- niens, a.r. Pinces de crustacé, a.r. Entomostracées, a.c. ( Cypridina elegans , d’Orb., etc.). Serpula , a.r. ( helicij . , à carènes multiples — 0m, 01 diam. , à l’entrée de la bouche d’une Na- tica Studeri). — a.r., très-lisse, libre, à trois tours superposés, avec orifice libre et déjeté en avant, rappelle la S. helicijormis , Goldf. , du néocomien. Serpula , a.r. , quadrilatère, serpen- tiniforme, à grosses stries paral¬ lèles, et perpendicul. aux trois carènes de la face supérieure, 0m,05. Dans l’intérieur de Po¬ inta spinosa. — a.r., sur Natica Studeri ; en demi-cylindre. — a.c., contournée, 0m,01, à grosses stries perpendic. à la ca- NOTE DE M. GOUBERT 7AB rêne saillante. Sur l’extérieur d’une Cytherea lœvigata , à l'entrée d’une Nation Studeri, dans un Fusus longœvus , etc. Serpula , a.r., hélicif. , libre, à sur¬ face ridée. — a.r., delphinuliforme, lisse, libre, à tours de spire déprimés, une carène. Spirorbis nov. sp., cc., dans l’in¬ térieur de Pectunculus pulvin ., sur Limops. granul. , dans Cy- rena cyclad ., etc. Solen gracilis , r. (1). cultellus , r. ■ — grignonensis , r. — r r. — psamrnobia effusa et P.spa- thulata , r. Mactra sernisulcata , r. — Levesquei , r. Crassatella plombea , r. — grignonensis , et très -jeu¬ nes, cc. — lamellosci , et très-jeunes, c. — compressa , a.r. Dana parisiensis , a.r. Teîlina patellina , r. — sinuata , r. — scaiaris , r. — donacialis , r. — corneola, r. — subtilisy r. — exclus a, a.c. — ros traits, a.r. — - rostralina , r. — subrottinda , r. — altéra , r. — o va lis , a.r. Syndosmya pellucida , c. Corbula gallica, c. — anatina, a.c. — ru go sa, cc. — Lamarchii, cc. — minuta , cc, Corbula pisum , c. Sphœnia angusta , a.r. Fimbria lamellosa , a.r. Goodhalia obscura , a.r. Lucina gibbosula , a.r. — callosa , a.c. — - albella , a.r. — saxoruniy a.r. — scaiaris, a.r. — concentrica , a.r. — eleganSy&.r. ■ — pulchella , a.r. — ambigua , a.r. — emendata , a.r. — biparti ta, var. a.r. — parnensis, r. Cyrena cycladiformis, cc. — ovalina, a.c. Cypri cardia grignonensis , r. Cytherea nitidula, a.r. — lœvigata , ccc. — tellinaria, a.r. — deltoidea, a.c. — sernisulcata , ccc. — gibbosula , ce. — parisiensis , a.c. — ovalina , et var., cc. — grignonensis , a.c. — elegans, et var., c. Diplodonta bidens , a.r. Venus texta , a.r. — scobinella, a.c. — puellafa , r. — turgidula, a.r. — de le ta , r. — obliqua, a.r. Venerupis striatula, a.c. Cardita imbricata , cc. — acuticostatay a.r. — calcitrapoides , a.c. — décris s a ta , r. — oneratay r. — squamosa , r. — asperUy a.c. ■ — pulchella , c. (1) Nous joignons à cette liste les espèces de la même tranchée qui ont été trouvées et déterminées par M. et Mme Loustau. 7hh SÉANCE DU 22 JUIN 1863. Cardita serndala etvar., ccc. Cardium parisiens e, a.r. — scobinella , r. — granulosum , r. — obliquum etvar., cc. — impeditum , r. — porulosum , a.r. — sublima , a.r. — verrucosum , a.r. z/rcÆ biangula , r. — an gus ta, a.c. — quadrilatera , a.c. — barbatula , a.r. — Caillati , a.c. — lœvigata , c. — planicosta , a.r. — scapulina , a.c. — condita , r. Pectunculus pulvinatus , et var., ccc. Limopsis granulatus, etvar. ccc. Nucula parisiensis, a.c. Leda striata , r. Trigonocœlia deltoidea , a.r. — cancella ta , a.c. — media, a.r. Modiola cordata , a.c. (dans l’in¬ térieur du test des coq. épais¬ ses; tronçons de Fusus Ion - gcevus'j . — sulcata , r. Gastrochœna ampullaria , a.r. (dans le test des coq. épaisses). spathulata, a.r. — bulloides , r. Pecten plebeius , a.r. Chaîna calcarata , a.c. Ostrea flabelluta jeunes, c. — un ci na ta, a.r. Anomya tenuistriata , a.c. Parmophorus ovalis , r. Fissure lia labia ta, r. — squamosa, r. Hipponix cornu-copiœ , a.r. Pileopsis rctortella , r. — squamœjormis , a.r. Calyptrœa lamellosa, a.r. Bul la cylindr ouïes 5 a.r. Bulla lighària , a.r. — Bruguieri , c. Helicina dubia, r. Melania lactea , c. — canicularis , a.c. — cochlearella , r. Diastoma cos te lia ta , a.c. Keilostoma marginata, a.c. Ampullaria acuminata , a.c. — s p ira ta, a.r. — conica , r. Nat ica label la ta , r. — epiglottina, cc (avec oper¬ cules). — cœpacea, c. — patula , a.c. — sigarctina , a.c. — acuta , r. — Studcri, Quenst. ( mutabilis , Desh.), et var. ccc. — canaliculata, a.c. — FVillemetii , a.r. Si gare tus canaliculatus , a.c. Tornatella elongata, a,c. Pyramidella terebellata , r. Scalaria crispa, r. — decussata, r. — costellata, r. Delphinula calcar, a.r. — conica , a.r. — turbinoides , a.r. — marginata, a.r. — striata, a.c. — nov. sp. (2), a.r. Solarium patulum, a.c. — canaliculatum , c. Trochus spiratus ( Solarium ), a c. • — crenularis , r. — Lamarckii, r. Xenophorus parisiensis , a.c. Turbo denticalatus , r. — helicinoidcs , r. Bijrontia bifrons , cc. — marginata , a.r. — serra ta, id. — disjuncta, id. Phasianella pullus, a.c. — turbinoides , c. NOTE DE M. GOUBERT. Opercules de Phasianella. c. Turritella inibricataria , a.c. — cariniferû, a r. — j unie aies a , r. — abbreviata , et var., ccc. — intermedia , a.r. — sidcata , a. r. — perfora ta, r. Gadus parisiensis , a.r. Etalonia cytharella , r. Ter c do, a.r. Sili quaria, a.r. Turbonilla acicula, r. Dentalium fissura , ac. — eburneum , c. — circinatum, cc. Odostomya , r. Buccinum decussatum, r. — stromboides , a.r. Terebellum sopitum [ convolulum ), a.c. Truncatella parisiensis , r. Cerithium gi gante um , a.c. — detritum , a.r. — s erratum, c. — echidnoides, et var., c. — calcitropoides, a.c. — cancellatum, a.c. — semigranulosum , a.c. — fraS^et a-c- — subulatum , r. — lamellosum, c. — unisulcatum , et var., c. — melanoides. — muricoides , a.r. Plcurotoma c/avicularis , c. — rugosa, a.r. * — elongata , a.r. — antiqua, r. — lineolata , c. — punctata , c. — marginata , r. — filosa, a.r. — transversaria, r. — bicatenci , r. — cos tel la ta, r. — - simplex, a.r. — un data, a.r. 7Z| 5 Plcurotoma angulosa, a.r. — breoicauda, c. — de n ta ta, c. — curvicosta , a.c. — granulata , a.r. — carinata , a.C. — pyrulata , r. — margaritula, a.c. — polygona, r. — nodularis , r. — harpula, r. — plicata, a.r. — (cinq autres espèces). Cancellaria costulata. — clegans. Fusus (3 nov. sp. ) . — acicula tus, r. — ru go s us, r. — angulatus , r. — tuberculosus, a.r. — longœvus, a.r. — Noe, a.c. — breviculus , a.r. — uniplicatus, et var., c. — lævigatus, Desh., a.r. — scalaroides, r. — in tort us, a.r. — muricoides , a.r. — costulatus, r. — polygonus , a.r. — bulbus [bulbijormis], a.c. • — Jjculneus , r. — funiculosus, r. — coronatus , a. r. — turgidulus , a.r. Py rula lœvigata , Lk. [Fusus), et var. passant au F. bulbus , cc. — nexilis , r. Murex ca Ici trapa , a.r. — crispus , r. — contabulatus , r. • — tricarinatus, a.c. Typhis fistulosus, r. Triton nodularium, r. — reticulosum, r. Rostellaria fissurella, cc. Slrombus canalis , c. j Cas salaria carinata, r. 746 SÉANCE DU 22 JUIN 1868. Cassis harpœformis , r. Terebra plicatula, a.c. Mitra plicatella , a.c. — fusellina , a.c. — terebellum , c. — marginata . — • crassidens , a.r. ■ — elongata , a.r. - — labratuïa, a.r. Vola ta cithara , a.c. — bulbula , a.c. — spinosa, et très-jeune, cc. — mur ici na , a.r. — co s tari a, a.r. — harpula , a.c. — variculosa, r. Marginella eburnea , c. — ovula ta , cc. — angistoma , a.r. — (deux nouv. esp.). V olvaria bulloid.es , a.c. Ancillaria buccinoicles , cc. — dubia, 0. — - car? ali fer a, a.c. — olioula, cc. Olivula nitidula , cc. — mitreola , a.c. Cor? us de per di tus , r. - — stromboides , etvar., a.c. Conus (deux nouv. esp.). Ringicula ringens, a.r. Rissoina clavula , a.r. Bryozoaires microscopiques [Qua- dricellaria , nov. sp., etc.). Echinocyamus inflatus , Ag., a.r. Scutellina nuinmidaria , Ag., a.c. — nov. sp. , a.r. Lunulitcs r a dia ta, a.r. Stylocœnia monticularis , a.r. Poritcs Deshayesiana , Michelin, a.r. Turbinolia dispar, a.r. Diplhelia Solanderi (Defr. sp. ), d’Orb. (Oculina)} a.r. Sphenotrochus sulcatus , c. — crispas , cc. Orbitoliles complanata , c. Ovulites oblonga, a.r. Fabularia discolites, a.c. Triloculina trilobata, d’Orb., Rotulina , a.c. Nombreux autres foraminifères très-petits. (plusieurs espèces, d’après la régularité et le diamètre des trous, sur Dentalium , Voluta , Cerithium giganteum , etc.). Mais l’intérêt paléontologique de ce gisement est peu de chose, à mon sens, auprès de son immense intérêt stratigraphique. En con¬ tinuant, en effet, à examiner la tranchée, surtout celle de gauche qui est restée plus nette jusqu’à ce moment, on constate : 1° une coupe complète, classique, du calcaire grossier et des caillasses ; 2° un plongement insolite des diverses assises de ce système, plongement h plus de 50 degrés , vers le S. O. La voie suit sans doute, depuis deux lieues à peu près, la vallée de la Maudre (1), qui est à notre droite, et que l’on sait curieuse pour la stratigra¬ phie de ses couches tertiaires; mais nous n’avons vu nulle part, dans cette vallée, de plongements aussi forts que celui-ci, et nous avons certainement sous les yeux la plus grande exception que (1) Cette petite rivière, qui coule du sud au nord, se jette dans la Seine, une lieue environ en amont de Mantes. NOTE DE M. GOUBEKT. 747 nous connaissions à l’horizontalité générale des couches tertiaires du bassin de Paris. Les assises tertiaires étaient encore à peu près horizontales, ou plutôt assez légèrement relevées vers le N. E. (Paris), entre Saint- Cyr et les Petits-Prés. Dès cette station, où elle s’est montrée à jour pour la première fois, et jusqu’à la Chapelle, nous avons vu la craie constituer de petites buttes de plus en plus élevées, et dont la dernière a été ce grand coteau de Beynes traversé par le chemin de fer de part en part. Puis, sur le revers sud-ouest, opposé à Paris, de ce monticule crayeux, nous constatons les divers bancs du calcaire grossier, imbriqués très-obliquement les uns par-dessus les autres, si bien que la voie les coupe les uns après les autres. Nous n’aurons plus de craie jusqu’à Houdan. Cette bosse crayeuse de Beynes, au milieu des sédiments tertiaires et au-dessus des sédi¬ ments tertiaires déposés presque horizontalement à ses pieds, sur le versant parisien, est d’autant plus intéressante, qu’elle constitue certainement l’axe principal autour duquel s’est opéré le redresse¬ ment des couches de cette partie de la vallée de la Maudre. Ce relèvement est, sans aucun doute, postérieur ici au calcaire gros¬ sier (1), puisqu’il n’a pas affecté le système des sables de Fontaine¬ bleau que nous verrons en couches parallèles une lieue plus loin. Quoi qu’il en soit, en poursuivant dans la tranchée, et en exa¬ minant les couches au fur et à mesure qu’elles descendent vers la voie par suite du plongement S. O., ou, ce qui est récipropre, du redressement N. E., nous trouvons, au-dessus des sables verdâtres (calcaire gr. inf.), qui mesurent environ 10 mètres, et qui cessent au premier quart de la coupe, une assise de 4 à 5 mètres de sables blanchâtres, passant presque à une masse de calcaire tendre, et caractérisée par l’abondance des Orbitolites complcinata et des fo- raminifères. C’est le calcaire grossier moyen des géologues de Paris, ou calcaire à foraminifères (Miliolites), ou lambourde des carrières de la capitale. Comme à la Ferme-de-l’Orme, localité classique, distante à peine d’une lieue sur notre droite, et où les couches sont cependant horizontales, tant est localisé le redresse¬ ment tertiaire de Beynes, le calcaire grossier moyen montre à sa base des cordons très-riches en fossiles, Naticu cœpacea , iV. patula , Melania lactea , Calyptrœa lamdlosa , Pleurotoma , Tercbellum sopitam ( convolutum ), Pileopsis , Cardium obliquum, (1) Les sables moyens, le calcaire de Saint-Ouen, le gypse propre¬ ment dit, manquant ici, rien ne dit qu’il ne soit pas postérieur au gypse, comme le soulèvement des Pyrénées, par exemple» SÉANCE DU 22 JUIN 1863. 748 Anomya tennis tria , Pinna margaritacea , pour ne citer que les principales et les plus grosses espèces (1). Comme à la Ferme- de-l’Orme, ce calcaire grossier est également plus riche à sa partie supérieure qu’en son milieu; c’est le niveau principal du Cardium aviculare, ici comme presque partout [banc royal des ou¬ vriers de Paris). La masse de ce calcaire blanc fournit des Lacina Menardi doubles et relativement nombreuses, des L. Defrancii et mutabilis , même remarque, et quelques autres grandes Lucines. Au-dessus du calcaire grossier moyen, lit de calcaire vert, bien suivi, pétri de Cerithium lapidum , C. cristatum. C’est le banc vert des géologues et des ouvriers de Paris, base du calcaire grossier supérieur, excellent niveau partout, et qu’on retrouve dansjla meme position à la Ferme-de-l’Orme. Là, comme ici, au-dessous de lui, est un lit de sable calcaire à Cerithium denticulatum, cc., Natica Stu- deri , c., etc.; au-dessus de lui, se montrent, comme dans toutes les coupes classiques (Ferme-de-FOrme, Grignon, Chambord près Gisors, Passy, Vaugirard, Maison-Rouge près Laon sur la route de Reims, etc.), des cordons de marnes verdâtres et ligniteuses, avec nombreuses Bithynia conicay B. Desmaresti , B. nitens , Desh., B. sextonus , id., B. rnicrostoma , B. in/lata, quelques Planorbis , F Auricula ovalis et VA. ringens. Le banc vert plonge sur, puis sous le sol, un peu avant le milieu de la tranchée, qu’il sépare ainsi nettement en deux parties, la septentrionale, faite de calcaire grossier inférieur et moyen (deux systèmes qu’on devrait bien confondre en un seul, tant leurs fos¬ siles sont communs, le Cerithium giganteum étant seul cantonné), la méridionale, composée de calcaire grossier supérieur et de caillasses. Plus haut que ces diverses couches, 0m,50 de marnes blanch⬠tres remplies de Turriteila fasciata , très-bien conservées, avec toutes sortes de variétés, comme acuité et nombre de stries, Ceri¬ thium denticulatum , c. , Natica Studeri et var., c. Plus loin, 2 à 3 mètres d’un sable calcaire, un peu ferrugineux à la base, gris plus haut, presque agglutiné en un calcaire tendre. Cerithium cchidnoides , c. , et var. , C. calcitrapoides , a. c. , L ucina saxo- rum, ccc., bivalves à test très-frais, L. callosa , a.c., L. concentrica , (1) A vrai dire, le calcaire grossier moyen n’a pas plus ici qu’ail- leurs d’espèces spéciales et doit être rattaché à l’inférieur, ses plus constants fossiles, comme le Cardium aviculare , et même ses grandes Lucines bivalves, se trouvant dans les lits à Cerithium giganteum , de telle ou telle localité. NOTE DK M. GOUBERT. 71x9 Cardium obliquum , c. , Pyrula subcarinata , a.r. , /'à iy/wta spinosa , a. c. , Cerithîiun muricoidcs , a.c., C cmarginatum , c. , C cinctam , a.c,, C. clavus , r., C. angulosum , a.c., C. Bonclli, a. r. , C. Gravesii , id., (?. tricarinatum , avec sa bouche, a r., C. contiguum , r., C. semicoro- natum , C. clavus, r. , C. plicatulum , r., C.thiara, a.c., C. heæagonum , a.r., C. incompletum. a.r., C. interruptum , a.r., C. scruposum, a.r., C. cuspidatum , a.r., C. crispum , a.r., C. conflue ns, id., Venus turgi- dula, id., Donax parisiens!*, id. (1). Ce niveau existe dans la partie la plus élevée de la carrière de la Fernie-de-l’Orme, mais il est bien plus développé ici. Sable calcaire blanc à Cerithium cchidnoides et variétés nom¬ breuses, dont une à côtes disposées en séries linéaires divergentes, ccc., C. cafcitrapoides , c. C’est le banc que recouvre immédiate¬ ment la terre végétale à la Ferme-de-l’Orme. Cordon de calcaire brisé, 0m,15. Marne violacée, 0m,30. Cerithium lapidum , cc., var. à côtes, et C. cristatum. Alternats de marnes et de calcaire (lacustre par ses caractères minéralogiques eux-mêmes). Cerithium lapidum type (lisse), Cÿ- clostoma manda , a.c. Nous sommes ici à un peu plus de la moitié de cette tranchée de la Chapelle, qui a plus d’un kilomètre. Le reste de la coupe appartient aux caillasses, qui sont aussi dé¬ veloppées à elles seules que le reste du calcaire grossier. On a d’abord une masse de lits de calcaire en morceaux à cassure con- clioïde (lacustres), avec des bancs de marnes, et quelques cordons de silex noir, tabulaire. Puis une dizaine de mètres de marnes alternant avec des lits d’argile marneuse verte, brune, etc. ; puis des marnes blanches, propres à nettoyer, et semblables à celles que l’on nomme tripoli dans les caillasses de Paris (Nanterre, anc. barr. de Passy, etc.). Puis, calcaire marneux brisaillé, marnes avec calcaire grési- forme en fragments, gros rognons de calcaire cristallin, les uns à épigénie de gypse en carbonate de chaux, d’autres paraissant im¬ prégnés de sulfate de strontiane. Le Cerithium lapidum , le Cardium obliquum , se trouvent çà et là dans presque tous ces bancs, des caillasses jusqu’à la fin de la tranchée. * (1) Ajoutons qu’en taillant le sable au couteau, on en obtient de nombreux Cultellus jragilis bivalves et des Avicula , nov. sp., d’une fraîcheur admirable. 750 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. Cette coupe (p. 751), qu’on peut prendre pour^classique quant au calcaire grossier moyen, supérieur etcaillasseux (1), peut être com¬ plétée, si l’on veut avoir une idée générale du pays, par l’examen de la montagne ou plutôt du coteau de Neauphle-le-Château, couronné par les meulières de Montmorency, au-dessous des¬ quelles sont de puissants sables de Fontainebleau , recouvrant d’épaisses marnes vertes exploitées pour tuileries (Chenevières) et supérieures à des marnes blanches, fendillées (Chenevières), ana¬ logues aux marnes à Lirnnea s tri go s a de Pantin, mais sans gypse sous-jacent. La petite tranchée de Villiers-Saint-Frédéric, qui suit celle de la Chapelle et qui précède celle de la future station de Neauphle, est ouverte dans les caillasses avec poches de diluvium, parfois assez intéressantes. Après la station de Neauphle, la voie se dirige de l’E. à l’O. jusque vers la Queue-Galluis, en tenant d’assez près à sa gauche la grande route de Paris à Brest par Alençon et Versai lies. Nous rencontrons d’abord une coupe dans la base des caillasses et le calcaire grossier supérieur complet; le banc vert est au ni¬ veau du sol. Nous ne sommes guère qu’à l\ kilomètres de la Cha¬ pelle, et cependant les couches sont presque horizontales, comme à la Ferme-de-rOrme qu’on trouverait à notre gauche, sur la route de Neauphle-le- Vieux que nous venons de couper. Le détail des bancs est d’ailleurs le même que précédemment, et nous n’au¬ rons rien à signaler que d’assez curieuses ondulations, souvent même des sinuosités en zigzag, de certains bancs de marnes lacus¬ tres des caillasses (2), ainsi que de belles poches de diluvium dans ces dépôts tertiaires. La tranchée suivante, plus longue, mais plus basse, sur le ha¬ meau de Saint-Aubin, présente encore le calcaire grossier supé¬ rieur et les caillasses ; celles-ci sont surmontées d’un sable argilo- calcaire, brun, qui me paraît quaternaire, qui n’a rien de commun avec les sables moyens absents sur ce trajet, et qui constitue quel- (1) Je n’ajoute pas le calcaire gr. inférieur qui ne présente pas ici le beau développement qu’il atteint dans l’Oise et l’Aisne, où l’on trouve, au-dessous de la couche à C. gigcinteum : 1° des bancs à Di- trapa strangulcita ; 2° des bancs à Nam nullités lœvigatci; 3° d’épais bancs de rognons grési formes (tête-de-chat) ; 4° des lits de petits gra¬ viers ou galets, avec dents de Squales (. Lamna , Corax , Otodus , etc.). (2) Le même fait se présente souvent ailleurs dans certains lits de marne colorée des calcaires de Saint-Ouen à Limnea longiscata. NOTE DE M. GOUBERT 751 O 752 séance du 22 juin 1863. ques petits talus jusqu'à la station de l’Espérance, commune de Meré. Le chemin se continue, montrant, au-dessus du calcaire gros¬ sier, non pas les sables moyens, non pas le calcaire de Saint-Ouen, ni le gypse, mais des marnes blanches (6 à 8 mètres), sans fos¬ siles, et qui me paraissent représenter les marnes supérieures au gypse, vu qu’à Chenevières (revers S. E. de la montagne de Neau- phle) elles sont inférieures à un lit, d’aspect remanié, riche en Cerithium plicatum (type), Cyrcna semistriata ( convexa ), Ostrea cyathula , banc qui manque sur notre parcours. Comme aspect minéralogique, ces marnes rappellent les marnes blanches des buttes Chaumont et de Pantin (Paris), employées pour chaux hy¬ draulique, assez riches, localement, en Limnea strigosa , Ptanorbis lens , et surmontées par les marnes jaunes à empreintes de Cyrcna semistriata , Cerithium plicatum. Nous rencontrons ensuite une tranchée montrant à jour, au- dessus des marnes blanches du gypse, 45 mètres de marnes vertes, dites à rognons de sulfate de strontiane, et recouvertes, comme dans la tuilerie presque voisine de Galluis, comme aussi à Essonnes près Corbeil (1), par des marnes blanchâtres, irrégulières d’épaisseur (1 mètre). Toutes ces couches sont horizontales, et ne participent pas au redressement qu’affecte le calcaire grossier à Beynes. La tranchée de la Queue-Galluis, qui précède la station de ce nom, nous montre encore de puissantes marnes vertes, percées de poches diluviennes, et alternant, à leur partie supérieure, avec des marnes blanches et brunes. Pas de banc à Cyrcna semistriata à la base. Même coupe à la gare de la Queue, où ce système de marnes est recouvert de 0m,50 de plaques d’une meulière compacte, à grains fins, violacée, sans fossiles, de l’âge des meulières à Ptanorbis de- pr es sus , Limnea, de Romainville, de Yîlliers-le-Grand (près de Paris tous deux) et de la Brie. Directement au-dessus, sans traces du calcaire grossier à Ceri- thium plicatum , Natica cra s satina, etc. (c. gr. de Montmartre), sans trace même de l’argile, bien plus constante, à Ostrea cyathula et longirostris , commencent les sables de Fontainebleau, un peu ar¬ gileux et verdâtres à leur base, et présentant, un mètre plus haut, (1) Voyez, p. 729, ma coupe du chemin de fer de Paris à Mon- targis par Corbeil et Essonnes. NOTE DE M. GOUBEIlT • 753 un cordon de petits galets roulés, noirs, comme à Romainville (Paris). Au-dessus, le sable est jaune, meuble, micacé, comme partout ailleurs. A la station de la Queue, la voie quitte momentanément la route de Paris pour monter au N. O., vers Tacoignières, d’où elle redescend ensuite au S. O. rejoindre à Houdan, la grande route de Brest. Une tranchée s’ouvre, après la Queue, dans les sables de Fon¬ tainebleau, toujours argileux à la base, sans couche à Ostrcci cyci- thula , et même sans meulière de Brie, l’existence cle cette meu¬ lière étant assez irrégulière sur ce parcours. La grande coupe qui se présente ensuite, sur Garancières, est identique, et nous sommes ensuite, dans les bois de Béhoust, en plein dans les sables de Fontainebleau. Après le remblai d’Orgerus, tranchée dans la base de ces sa¬ bles, avec meulières de Brie plus développées qu’à la Queue, I marnes blanches en petits lits, et, tout en bas, marnes vertes puis- i santés. Nous n’avons plus ensuite, jusqu’à la gare de Tacoignières, que de petites coupes dans un diluvium argileux, rouge, à menus mor- j ceaux de meulière, brisés et peu roulés, sans trace de silex de la I craie. Ap rès la gare, nous rentrons jusqu’à Ricliebourg dans les sables de Fontainebleau recouverts par le même diluvium. Les plateaux que nous parcourons ne sont donc pas assez élevés pour nous mon¬ trer quelque sédiment supérieur aux sables; il est vraisemblable, I au reste, que ce dépôt serait de la meulière de Montmorency, et i non pas, comme à Rambouillet, huit lieues au sud-est, à notre gauche, un calcaire de Beauce, riche en Planorbis , Limncct , Cyclo- I stoma. C’est, en effet, delà meulière qui recouvre les sables dans | toute la forêt des Quatre-Piliers traversée par la route de Paris, I une lieue derrière nous. Un remblai arrive ensuite bien mal à propos, car un peu après ! le moulin de Renon ville, à vingt minutes environ de la gare et de | la ville de Houdan, sur la gauche, voici un emprunt de 10 mè- I très de profondeur dans les caillasses. La tranchée qui s’étend de là à la gare de Houdan, sur près de 1200 mètres, est certainement la plus intéressante de notre par¬ cours, après celle de la Chapelle, au point de vue des sédiments tertiaires. Ici les couches présentent un plongement assez marqué, ce¬ pendant beaucoup moins fort qu’à la Chapelle. Il se fait au reste Soc grol., V série , tome XX. 48 SÉANCE T) U 22 JUIN 1863. 754 en sens inverse, de l’ouest (S. O.) à l’est (N. E.), plus ou moins vers Paris, si bien qu’en poursuivant jusqu’à la gare on voit saillir peu à peu les diverses assises, de plus en plus basses, du calcaire grossier complet, jusqu’à la craie, tandis qu’à la Chapelle, en sor¬ tant de la craie, et en s’éloignant également de Paris, on avait successivement sous les yeux les couches du calcaire grossier de¬ puis les plus inférieures jusqu’aux plus supérieures. En marchant dans le même sens, nous descendons ici la série que nous mon¬ tions chronologiquement là bas, d’où nous pouvons, à Houdan, seconde localité où la voie rencontre du terrain tertiaire adossé sur la craie, et dernière localité appartenant au bassin tertiaire de Paris, faire remarquer quelles sinuosités décrivent, sur le parcours de cette nouvelle voie, la craie et par suite le calcaire grossier qui se moule à sa surface. La craie forme deux saillies, une première, isolée, à la Chapelle, une seconde à Houdan, appartenant à cette ceinture crayeuse qui embrasse de toutes parts le golfe tertiaire parisien ; sur l’un des revers de chacune de ses éminences vien¬ nent s’imbriquer les diverses couches du calcaire grossier. Sur le revers breton, ou plutôt méridional, de la craie de Beynes, nous avons vu s’adosser, sous une très-forte obliquité, le calcaire gros¬ sier inférieur, puis le moyen, puis le supérieur, avec ses caillasses; quand, à 8 lieues de là, à Houdan, le calcaire grossier se re¬ montre à jour, encore sur les flancs de la craie, c’est exclusivement sur le versant oriental ou parisien du plateau crayeux que nous suivrons jusqu’à Dreux, et, cette fois, le calcaire grossier supé¬ rieur et moyen cessent d’abord, restent presque à l’entrée de la tranchée que nous parcourons en ce moment, et le calcaire gros¬ sier inférieur atteint au contraire plus haut, pour mourir sur la craie cent cinquante pas plus loin. Cette tranchée est intéressante pour l’aspect spécial et le peu de développement qu’y présente le calcaire grossier supérieur, presque complètement sans Cérites. On se rappelle combien nous l’avions vu épais et fossilifère à la Chapelle. — Le calcaire grossier moyen est un peu plus accusé, mais il a un caractère paléontologique presque à part. L'inférieur est plus épais, sans l’être beaucoup; sa faune, assez riche en individus, mais peu en espèces, est cu¬ rieuse, elle aussi, pour le cachet particulier qu’elle affecte ; c’est un ensemble de fossiles tout autre qu’à la Chapelle et qu’aux riches localités voisines de ce point (Grignon, la Ferme de-TOrme). Ici du moins d’après nos recherches, plus de Cerithium giganteum , de Fusus longœvus , JSoey bulbus , de Xenophorus , de Troc/ius , de Sola¬ rium , Bifrontia mitra7 etc.; plus de Pectunculus pulvinatus , de NOTE DE M. GOUBEKT. 755 Limopsis granulatus , Cardita imbricatci ou autres, Sphenotro- chus , etc., tous genres ou espèces si communes dans le sable ver¬ dâtre de la Chapelle. Presque pas une Natice, une Ancillaire, un Cardiam obliquum. Les espèces les plus communes partout sont ici presque toutes rares. Comme dans les riches carrières d’Hermonville et de Marcilly, près de Reims, c’est au contraire une prodigieuse abondance de Lu- cines, non pas de Y hërmonvillensis , mais de la L.saxorum et d’espèces voisines, auxquelles se mêle un grand nombre de Cerithium rusti- cum , et var. nombreuses plus ou moins voisines de F echidnoides et du pleurotomoides. Citons avec cette espèce propre à Houdan des milliers de Cerithium substriatum avec toutes sortes de variétés (espèce manquant à peu près dans tous les autres gisements), de C. involutum (même remarque), de Donax Basteroti (partout ailleurs fort rare), de Cytherea semisulcata , et bon nombre de Mactra se¬ mis ulcata. Il y a même dans la tranchée tels points où prédominent les Mactres (après le pont), d’autres qui fournissent plus de Lucines, de Cérites. Quoi qu’il en soit, la tranchée de Houdan ou plutôt de Maulette, près de Houdan, nous présente, à son origine (N. E.), 500 mè¬ tres avant le pont, des caillasses moins développées qu’à la Cha¬ pelle. Elles mesurent 5 mètres, et plongent N. O. S. E. vers Paris, sous un angle de 25 degrés environ, si bien qu’elles vont peu à peu disparaissant au-dessus de couches plus anciennes. Ici comme ailleurs, c’est un alternat de calcaires, quelques-uns d’as¬ pect lacustre, et de marnes plus ou moins argileuses, grises ou foncées, avec quelques cordons de silex tabulaire noir ; le tout azoïque. Au-dessous se montre et apparaît bientôt, seul dans la tranchée, un système très -vert (A mètres), argileux en haut et en bas, sa¬ bleux au milieu. Les fossiles n’y manquent pas, mais sont trop fragiles pour qu’on s’y arrête, quand on en peut tant recueillir après le pont. Citons Lucina saxoruni et L. elegans , Cytherea elegans, Trigonocœlia cancellata , Bifrontia bijrons , Natica Studeri, Ceri¬ thium cinctum, quelques rares C. echidnoides. Pendant quelques pas, on suit, au niveau du sol, le banc argi¬ leux très-vert, inférieur. Dessous, apparaît plus loin un sable cal¬ caire gris, jaunâtre, avec grandes Lucines assez nombreuses et bivalves [L. mutabilis, a.c., Z. Menardi , etc.). Il a 6 mètres. C’est là un calcaire grossier moyen presque spécial à cette singulière localité. 756 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. Examiné à la loupe, le sable est rempli de petits grains de quartz transparents et de glauconie ; il est plus vert que le sable du cal¬ caire grossier fossilifère que nous verrons plus loin. Après le pont que traverse la route de Houdan à Mantes, on aperçoit, au-dessous du banc blanc à grandes Lucines, à la partie supérieure de la tranchée, un système de sable vert, avec lit irré¬ gulier de calcaire fragmentaire, vert, à la base. Le sable devient, par place, un vrai conglomérat glauconieux de petits fossiles, Trigonocœlia deltoidea , Cytherea gibbosula , Corbula minuta , Me. lama hordacea et M. nov. sp . , Donax Basteroti , etc. C’est dessous que se montre, beaucoup plus accessible, le sable calcaire le plus fossilifère de toute la tranchée. Il appartient au système du Cerithiiun giganteum , mais il ne renferme aucune trace ni de ce gastéropode, ni de la plupart des espèces de ce niveau, d’après mes recherches au moins. Près du pont, là où la tranchée est le plus riche, ce sont de très-abondants individus de Lucina saxorum et var., Cerithiiun rusticumy C. substriatum avec reste de couleur, C. involutum , Donax Basteroti , avec bon nombre de Mactra semisulcata , nuancés encore des plus vives teintes, Melania lac te a, Tellinci. Citons également quelques Cardita plani- cosla et Turritclla imbricataria , les deux seuls fossiles de tous ceux- là qui soient bien caractéristiques partout du calcaire grossier inférieur, d’assez communs Dentalium fissura , un Nautile avec test, etc. En poursuivant, la plupart de ces fossiles se concentrent vers la partie supérieure, au-dessous des sables verts ; plus loin, sont des lits un peu argileux, spécialement caractérisés par l’abondance des Turritella abbreviata , avec grands Solen vagi/ioides , bivalves, Corbula Lamarckii et anatina , Fusus bulbus ou Pyrula lœvigata , Ancillaria olivula , Cerithiiun rusticum et involutum , Cytherea gri - gnonensis et parisiensis , Area planicosta , etc. L’ensemble de ces sables inférieurs au calcaire vert n’a guère plus de 10 mètres. Enfin, apparaît la craie, dont la surface onduleuse se montre ici à jour pour disparaître bientôt et faire encore saillie plus loin, vers la fin de la tranchée, où elle remplace à tout jamais le ter¬ rain tertiaire. C’est une craie à Ananchylcs gibba, dont nous repar¬ lerons plus loin. Entre la craie et le sable à petites Turri telles existe un banc d’argile blonde, terreuse, pétrie de valves d’ Ostrea elegans , avec quelques Chaîna e t Crassatella gibbosula . Il renferme de gros silex de la craie, roulés, glauconieux extérieurement. Au contact, la NOTE UE Al . GO U DE UT. 757 craie est partout remaniée, marneuse et molie, inégale en surface (voyez la coupe, p. 751). jNous citerons ici les principaux fossiles du calcaire grossier inférieur, à Lucines, de cette tranchée (1). Le sable, qui en forme la roche, est plus blanc que celui de la Chapelle, et, vu à la loupe, il est rempli de petits grains translucides de quartz, ainsi que d’innombrables petites bivalves ( Area lœvigata , Corbula minuta et pis um , Goodhalia , ISucula , Cyrcna , Poromya , Trigonocœlia ), mêlées à quelques foraminifères et à de très-jeunes ou très-petits gastéropodes bien plus rares qu’à la Chapelle. Bryozoaires, a.c. Anomya (petite), a.r. Ostrea flabellula jeunes, c. (Notamment à la bouche des Cerithium .) Area lœvigata , c. — scapulina , a.r. Petite Nucula , c. Trigonocœlia deltoidea , c. Luciria ambigua , a. c. — concentrica , a.r, — saxorum, c. — voisine, ccc. — pulchella, a.r. Cinq autres Lucines. Car dit a planicosta , a.r. — serrulata , a.c. Cytherca elegans , a.c. ■ — gibbosula , c. — nitida , c. — semisuleata , cc. — lœvigata , a.r. (Quatre autres Cythérées). Goodhalia obscur a , a.r. Poromya Baudoni , a.r. Erycina , a.r. Tellina lanceolata, a.r. — exclus a, r. — plus finiment striée que 7*. lanceolata , a,C. Grande et longue Tellina , a.r. Mactra semisuleata , a.c. Cyrcna cycladijormis , c.c. — pisurn, c. Donax Basteroti , cc. Corbula minuta et pisurn, c c. — ru go s a , r. — anatina , a C. — Lamarckii , c. Scden vaginoides , doubles, a.r. Cerithium muricoides , var., a.r. — unisulcatum , et var., a.c. Cerithium emarginatum , r. — rusticu/n et autres var. des C. pleurotomoides et echidnoidest ccc. — sub striatum , et var. à stries saillantes, et très-jeunes, c. — involutum et var., c. — s erratum, a.c. — (trois autres espèces). Melania lactea , cc. — hordacea et var., ccc. — nov. sp., c. Pleurotoma brevicauda , a.c. — (cinq autres espèces). Fusas turgidulus , a.c. Voluta mixta , Nyst [costaria , Lk, a.r. — spinosa , r. et jeunes. — bulbula , a.c. Buccinum, a.r. (1) La plupart des auteurs rapportent au calcaire grossier supé¬ rieur les localités classiques des environs do Houdan, mais nous croyons qu’elles appartiennent à l’inférieur. SÉANCE DU 22 JUIN 1863 758 Deiphinula , a.r. Olivci Marrnini , a.c. Nerita tricarincita , c. Ancillaria buccinuides , a.r. Marginella ovulata , r „ Bulla Bruguieri , r. Dentalium , a.c. Turritella abbreviata, c. > — car in ifera . a.c. Natica canaliculata, a.r. — epiglottina , a.c, Sepia , r. Tout à fait devant la future gare de Houdan est une coupe dans la craie : c’est une craie blanche, en gros blocs, en bancs suivis, à lits de silex noirs. J’y trouve Ananchytes gibba , Cardiaster, Pecten , Ostrea senti plana; nous sommes ici encore dans la craie à B'elem- nitella quadrata , déjà coupée par la voie à Beynes. La tranchée qui suit donne la même craie, avec lits ondulés de silex noirs assez nombreux, Ananchytes gibba et plusieurs gros Cardiaster qui paraissent distincts du C. Heberti de IVIeudon. Après le pont, cette tranchée de Goussainville montre la craie surmontée de h à 6 mètres de diluvium argileux rouge, à silex de la craie, avec quelques gros morceaux de grès quartzeux, sans débris d’ail¬ leurs de roches tertiaires autres, ni de roches plus anciennes que la craie. La craie est remaniée au contact de ce diluvium en une marne friable à petits morceaux de craie tendre. Observons enfin les poches que ce dépôt quaternaire rouge pousse dans la craie, en tous sens et en grand nombre, sa richesse en Ananchytes et même en Cardiaster silicifiés. Au-dessus est une argile sableuse pure, dont on fera du loess, si l’on considère ce terrain rouge comme du diluvium, et non, comme ne manqueraient pas de le faire certains auteurs, de l’argile plastique de JVleudon. Get intéressant terrain rouge couvre toute la vaste et trop longue plaine que nous traversons ensuite, entre Goussainville, à gauche, et Ha velu, à droite, jusqu’à la future station de Marchezais, niveau où la voie, comme la route de Paris à Brest que nous suivons à quelque distance, à gauche, quitte Seine-et-Qise pour entrer dans Eure-et-Loir. Le plateau se continue monotone et sans talus jusqu’à Serville, nous présentant seulement, de distance en distance, des tious à marne, ouverts en plein champ, et dont la craie semble un peu différente, plus marneuse et plus pauvre que celle de Houdan. La profonde et longue tranchée qui suit, sur la ferme de la Mesangère située, à gauche, le long de la route de Paris, nous pré¬ sente d’abord le même diluvium rouge, parfois brun comme de la terre végétale, à silex de la craie peu roulés, dépôt toujours fort épais, et alternant avec des lits irréguliers d’argile blonde pure. 759 NOTE DE M. GOUBERT, PÎus loin, quand on le voit surmonter la craie, remaniée à son contact, on peut relever des poches et des infiltrations de toute profondeur, et souvent des plus bizarres ; parfois ce ne sont que des nœuds plus ou moins sphériques, situés, dans la craie, à 3 et 5 mètres au-dessous du diluvium, gros comme le poing ou comme une mappemonde, simples sections de canaux sinueux et ramifiés, dont on ne voit pas ici, généralement, la communication avec l’assise quaternaire principale sus-jacente. Quant à la craie, visible sur une assez forte épaisseur, elle est minéralogiquement autre que celle de la tranchée de Houdan et de Beynes; elle est plus marneuse ; ses lits ne sont pas fendillés en gros blocs, mais en une masse grasse à la main et souvent homo¬ gène; ses silex sont en lits plus irréguliers, non suivis. Après une journée de recherches persévérantes, je n’ai pu trouver, dans le diluvium sus-jacent, que trois moules silicifiés, l’un de Micraster cor-anguinum , l’autre de Pecten (ou Spondylus ?) , le dernier d’ Echinoconus conicus [Galerites vulgaris ). Quant à la craie, elle ne m’a fourni que de rarissimes valves d’une Huître gracieusement plissée, YO.frons. Nous rapportons cette craie au niveau à Micraster cor-anguinum , c’est-à-dire à la craie de Chartres, supérieure aux assises à Mi¬ craster cor- tes tudinarium types ( cor-anguinum de la plupart des auteurs) . Après la tranchée, on aperçoit, à droite, les carrières de Ra- ville, qui exploitent la même craie à silex gris. La tranchée suivante, moins importante, coupe encore cet épais diluvium argileux rouge, à silex de la craie certainement amenés de bien près, sinon remaniés sur place, souvent brisés. Dessous, même craie d’une pauvreté zooiogique complète. A l’extrémité de cette tranchée de Chérizy, une puissante assise de sable argileux jaune, que je crois quaternaire, s’intercale entre la craie et un diluvium rouge, à silex brisés en petits morceaux, souvent blancs à la coupe, semblable aux bancs les plus élevés du diluvium argileux rouge qui surmonte la craie sur toute cette nouvelle voie. Nous suivons ensuite un remblai assez élevé au-dessus de la vallée de l’Eure que nous traversons; puis nous voilà coupant de part en part les coteaux de Dreux entièrement composés de craie presque sans fossiles à leur base et d’un diluvium argileux rou¬ geâtre, rempli de silex, atteignant jusqu’à 25 mètres d’épaisseur, exploité partout dans les environs pour la construction. Les travaux se poursuivent au delà de Dreux, mais nous jugeons 760 SÉANCE DU 22 JUIN 1863. inutile de reproduire ici, pour le moment, nos notes, notre but ayant été principalement île donner une coupe des assises tertiaires sur ci tte portion orientale du bassin de Paris, et les tranchées ne traversant que la craie sur plus de dix lieues d’étendue. Les alentours de Dreux ne présentent tous que la même craie recouverte par un très-puissant diluvium, comme on peut le voir jusqu’à Nogent-le-Roi, le long de l’Eure, sur la roule de Dreux à Epernay et à Maintenon. RÉUNION EXTRAORDINAIRE À LIÈGE (Belgique), Du 30 août au 6 septembre 1863. Les membres de la Société qui ont pris part aux excursions de la session extraordinaire de cette année sont : MM. MM. ÀGNIEL, Gosselet, Ancion, Godbert, Andrimont (J. d’), Güyerdet, Barrotte, Habets, BertrànD’Geslin (le baron), Horion, Binkhorst Yan den Binkhorst, Lavallée» Poussin (Ch. de), Bràcquemont (de), Lebrun, CoLLOMB, Marès, CüYPER (E. DE), Matheron, Danglure, Mérian, Delesse, OmALIUS d’H ALLO Y (J. J. d’] Demanet, Orbigny (Ch. d’), Dewalqüe (G.), Piette, Dollfüs, Rouville (P. de), Donckier, Saemann, Dücret, SlSMONDA, Even, Stévart , Fayn, Studer. Gauqry (â lb.) » Toilliez, Girard, Triger, Gonthier, Yan der Capellen. En outre, un grand nombre de personnes étrangères on Soc. g’éol.y 2e série, tome XX. 762 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, assisté aux séances ou suivi les excursions de la Société ; nous citerons spécialement : MM. Bortier, agronome, à Bruxelles; Boscueron, étudiant à l’Université de Liège; Boulanger, ingénieur civil, à Ch⬠telet ; Bustin, directeur du charbonnage de Sart-Berleur (Liège) ; Chàrlier, directeur du charbon¬ nage du Horloz (Liège); Chêneux, ingénieur au charbon¬ nage d’Ougrée (Liège); Dejardin, capitaine du génie, à Anvers ; Dejàer (J.)» ingénieur au Corps des mines, à Namur; Delarge, étudiant à l’Université de Liège; Dewalque (Fr.), conservateur de minéralogie et de géologie à l’Université, répétiteur à l’École des mines de Liège ; Dupont, docteur en sciences natu¬ relles, à Dinant; Genot, élève de l’École normale, à Paris ; Gérard (François), élève de l’École polytechnique ; Gernaert, ingénieur en chef des mines, à Liège; Harzê, ingénieur au corps des mines, à Mons; Hennebert, ingénieur civil, à Liège; MM. Hennequin, étudiant à l’Université de Liège ; Lecoq, à Paris ; Magery, ingénieur civil, à Namur ; Malaise (C.), professeur à l’Insti¬ tut agricole de Gembloux; Monnoyer, directeur du charbon¬ nage de Cheratte (Liège) ; Otreppe de Bouvette (d’), conseil¬ ler honoraire des mines (Liège) ; Paquot, directeur-gérant de la So¬ ciété du Bleyberg-lez-Montzen ; Robesco, étudiant, à Paris (des Provinces-Unies danubiennes) ; Rops, étudiant à l’Université de Liège; Ryckholt (le baron de), proprié¬ taire, à Visé ; Sélys-Longchamps (le baron de), sénateur, membre de l’Acadé¬ mie royale de Belgique, à Liège ; Sépulchre (V.), ingénieur civil, à Huy ; Van Scherpenzeel-Thym (J.), ingé¬ nieur principal des mines, à Liège ; Vapart, directeur de la Vieille- Montagne, à Angleur (Liège); Violle, élève de l’École normale, à Paris; Zoppi, directeur du charbonnage de la Chartreuse (Liège). Séance du 30 août 1863, à Liège . La Société s’est réunie le dimanche, 30 août, à midi, dans la grande salle de la Société d’émulation. M. A. Gaudry, prési¬ dent annuel, prend place au bureau provisoire avec MM. Ber- trand-Geslin, Ch. d’Orbigny et P. de Rouville. Ayant ouvert la DÜ 80 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 763 séance, il expose les motifs qui ont engagé la Société géolo¬ gique de France à dépasser lesdémarcations politiques. Elle s’est, dit-il, réunie en Belgique, pour donner une marque de sympathie aux membres qu’elle compte dans ce pays, et pour étudier des terrains devenus classiques en géologie. Il est amené ainsi à rappeler les grands travaux de A. Dumont, et il se fait volon¬ tiers l’écho du monde savant qui regrettera toujours sa fin prématurée. Ce discours, conçu en excellents termes, est couvert d’applaudissements. M. le Président invite ensuite les membres de la Société à procéder, suivant le réglement, à la formation du bureau chargé de diriger les séances pendant la session extraordinaire. La Société nomme successivement : Président , M. J. J. d’Omàlius d’Halloy. Vice-Président, M. Ch. d’Orbigny. Secrétaire , M. G. Dewalque. Vice-Secrétaire , M. Stévart. Après la proclamation de ce résultat, M. le Président invite les membres du bureau définitif à venir prendre leurs places. M. d’Omalius d’Halloy remercie la Société de l’honneur qu’elle lui a fait. Le Secrétaire donne ensuite lecture de la correspondance : Outre la Compagnie du chemin de fer du Nord français et celle du Nord belge qui, depuis longtemps, ont accordé une réduction de moitié sur le tarif des voyageurs, aux membres de la Société géologique munis de leur carte, la Grande-Compagnie du Luxembourg et la Société des chemins de fer de l’Est belge leur ont accordé la même faveur. Des remercîments seront adressés à ces Compagnies. L’administration du chemin de fer de l’État n’a accordé de réduction que pour le trajet de Charleroy à Namur et vice versa . Le Secrétaire dépose ensuite sur le bureau de la part des auteurs : 1° Description de deux coupes faites à travers les couches des systèmes scaldisien et diestien, par M. A. Dejardin, capitaine en premier du génie-, Bruxelles, 1862. 764 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , 2° Notes sur les stations géologiques de quelques plantes rares ou peu connues des environs de Limbourg, par M. A. Donc- kier, docteur en sciences naturelles, membre de la Société. Bruxelles, 1802. 3° Plan géologique de la concession calaminaire de la Vieille- Montagne, indiquant la direction des failles métallifères, la situation et la nature des gîtes reconnus et exploités par la Société de la Vieille-Montagne, par M. M. Braun, ingénieur en chef de la Vieille-Montagne. Cette carte était accompagnée d’une lettre en date du 27 août, par laquelle l’auteur, retenu par une mission imprévue, informe que la direction générale de sa Société l’a autorisé à inviter les membres de la Société géologique à visiter les établissements miniers de la Vieille-Montagne; membre depuis vingt-cinq ans de la Société géologique de France, il se fera un plaisir parti¬ culier de la guider lui-même; et, dans ce but, il propose, pour jour de la visite, le 3, le 6 ou le 7 septembre, jours où il pourra être à sa disposition. La Société remercie M. Braun de ses offres bienveillantes ; beaucoup de membres manifestent le désir de visiter le gîte calaminaire de Moresnet. A l’occasion de cette carte, le Secrétaire présente les observa¬ tions suivantes : L’époque de la formation de nos gîtes métallifères est loin d’être déterminée sûrement, malgré les recherches qu’elle a occasionnées. Ainsi, tandis que M. d’Omalius d’Halloy reportait leur date à l’époque pénéenne, Dumont les considérait comme datant de la formation aachénienne qui représentait pour lui le système wealdien. Un fait demeure constant, et a servi de point de départ à ces savants maîtres : c’est la liaison intime qui existe entre ces masses métallifères et les argiles et les sables divers qui les accompagnent, ou qui forment à eux seuls des gîtes si abondants dans notre pays. J’ai reçu la belle carte géologique de M. Braun trop récem¬ ment pour pouvoir vous en parler comme je ne doute pas que ne le mérite cette nouvelle œuvre de l’habile et savant ingénieur; mais j’ai du moins pris le temps de relever à la boussole l’orien- DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 765 tation des failles métallifères qu’elle indique. Voici ce que je trouve, en comptant les directions du nord yers l’est et le sud ; Faille de Welkenraedt, dir. 157° 10' — de Poppelsberg, — 151° — de Lontzen, — 154° — de Jœgerhaus, — 152° 45' — de Moresnet, — 150° 30' La moyenne est de 153°, avec un écart maximum de U°. (Je laisse de côté la faille du Bleyberg, dont la direction est d’envi¬ ron 120°.) Si nous nous reportons aux indications de M. E. de Beau¬ mont, le système du Mont-Viso et du Pinde est orienté lô&° sur le méridien de Paris ; l’accord de ce système avec celui de nos dislocations est donc aussi satisfaisant que possible. On peut n’y voir qu’une coïncidence-, mais si l’on cherche une déduction théorique, on trouve que la date de ce soulèvement a été fixée entre la formation crétacée inférieure et la supérieure-, le ré¬ sultat vient donc confirmer les idées de Dumont, à la condi¬ tion que son système aachénien, au lieu de représenter la base du terrain crétacé, commence le crétacé supérieur. Les paléon¬ tologistes ont toujours repoussé le parallélisme admis par Dumont^ celui que j’indique ici me semble de nature à être admis sans de pareilles difficultés. Je rappellerai, en terminant, que cette direction se retrouve dans beaucoup d’accidents stratigraphiques analogues de notre pays. MM. Delanoue et Lebon font exprimer leurs vifs regrets d’être empêchés, par des raisons de santé, de prendre part aux travaux de la réunion. M. Lehon a d’ailleurs informé le Secré¬ taire qu’il lui fera remettre, par l’intermédiaire de M. Nyst, les renseignements les plus utiles à l’excursion qui pourrait se faire aux environs de Bruxelles. M. le Président annonce ensuite la présentation, comme membre de la Société, de M. Edouard Dupont, docteur en sciences naturelles à Dinant (Belgique), par MM. d’Ûmalius d’Halloy etDewalque. M. Horion, ayant obtenu la parole, donne lecture de deux 766 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , mémoires, l’un relatif aux terrains primaires de Visé et de ses environs , l’autre au terrain crétacé de la Belgique (1). Sur les terrains primaires des environs de Visé ; par M. Charles Horion, docteur en sciences et en médecine, chirurgie, etc. Notre mémoire étant trop volumineux pour pouvoir être inséré dans le Bulletin de la Société géologique, nous nous sommes décidé à en présenter un résumé très-succinct, en amplifiant un peu les conclusions que nous avons eu l’honneur de lire à la première séance de la session extraordinaire à Liège. Ces conclusions se rapportent à la chronologie, c’est-à-dire à la succession des couches, et à l’oro¬ graphie ou disposition des couches à la surface du sol. I. Chronologie. — 1° Les terrains primaires des environs de Visé comprennent le calcaire dévonien, le calcaire carbonifère et le terrain houiller inférieur ou sans houille de Dumont. 2° Le calcaire dévonien se divise en deux étages (2) : un infé¬ rieur, correspondant au calcaire de Givet, et un supérieur corres¬ pondant au calcaire de Frasne, à Terebratula cuboides. Les schistes à Terebratula œquiconvcxa, etc., ne se voient pas entre ces deux assises, comme à Givet. La dolomie est toujours dévonienne à Yisé. 3° Les schistes à Cardium palmaturn et à goniatites de Bu- desheim (3), les schistes et les psammites faméniens (condrusiens), n’existent pas entre le calcaire dévonien et le calcaire carbonifère; le premier a donc été émergé pendant leur formation. L’accole- ment des deux calcaires qui en est la conséquence, sans qu’il y ait jamais mélange de leurs fossiles, a été le principal obstacle à la solution de la question de Tisé, question qui nécessitait le concours des données paléontologiques, en même temps que des données minéralogiques et stratigraphiques. k° Le calcaire carbonifère de Yisé se divise paléontologique- (1) Malgré le grand intérêt que présentaient les recherches de M. Horion, l’étendue considérable de ce dernier mémoire n’a pas per¬ mis à la Société de l’insérer. (2) Voir la note que nous avons publiée dans le Bulletin, 2e sér., t. XVII, p. 58. (3) Ces schistes de Budesheim ont été reconnus, par M. Gosselet, entre le calcaire à Terebratula cuboides et les schistes de Famenne, contraire¬ ment à une opinion antérieure (adoptée par nous dans la notice citée plus haut) et qui les plaçait entre ce même calcaire et celui de Givet. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 767 ment en deux étages : l’inférieur, se rapprochant par ses fossiles des calcaires de Tournay, Waulsort et Namur, et peut-être d’Àvesnelles et d’Etroeungt (assises I à Y de M. Dupont) ; le supé¬ rieur, comprenant la principale masse du calcaire de Yisé. L 'étage inférieur est caractérisé par les espèces suivantes qui n’existent pas dans le supérieur, ou ne s’y trouvent qu’en indivi¬ dus isolés. Ces dernières sont marquées d’un *. Remarquons que ces espèces se retrouvent dans l’une ou l’autre des assises que nous avons citées plus haut. Ce sont : Conoccirdium giganteum , M'Coy. — rostratum, Martin. Productus subœvis , de Kon. Chonetes cornoides , Sow. Spirifer cuspidatus , Martin. — convolutus , Phil. lihynchonella acuminata , Mart.* Bellerophon tangentialis , Phil. Le calcaire supérieur où abondent les Productus stria tus , Fiscli., P. Corn, d’Orb., P. giganteus , Mart., P. punctatus , Mart., fossiles qui manquent (les deux derniers), ou sont très-rares dans l’étage inférieur, présente lui-même trois et peut-être quatre horizons, caractérisés par la prédominance ou l’apparition de certains fos¬ siles et la disparition graduelle de certains autres, montrant ainsi les modifications permanentes, progressives ou rétrogrades, de la vie à travers les siècles. Dans V horizon inférieur prédominent les Productus plicatilis , Sow., P. mesolobus , Phil., P. Nystianus, de Kon., P. expansus, de Kon., P. semireticulatus , Mart., var. antiquatus et sulcatus , P. fimbriatus , Sow. Dans Vhorizon moyen , les petites espèces prennent le dessus. Productus undiferus, de Kon., P% Médusa , de Kon., P. Flemingii , Sow., P. Deshayesianus , de Kon. , P. marginalisme Kon., P.Key - serlingianus , de Kon., P. granulosus , Phil., P. aculeatus , Mart. Le P. punctatus, Mart., y atteint son maximum numérique de développement. Dans X horizon supérieur enfin, ce sont les grosses espèces qui l’emportent, Productus striatus , Fisch. , P. giganteus , Mart., P. Cora, d’Orb., P. scabriculus , Mart., var. Le Nautilus cyclosto- mus , Phil., y devient très-abondant. 5° Le terrain houiller inférieur (de Dumont) sert de tombeau aux espèces du calcaire carbonifère et renferme l’aurore d’une Serpularia serpula , de Kon. Euomphalus serus, de Kon. — pentangulatus , Sow.* — pugilis , Phil. (ou bifrons , Phil.)* Trochella prisca , M’Coy. Goniatitcs Bclvalianus , de Kon. 768 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , faune nouvelle. Il se subdivise en trois horizons : 1° grès calca- reux ou non ; 2° phtanites, jaspes, silex ; 3° ampélites alunifères. Dans ces trois niveaux on peut étudier la disparition graduelle des formes carbonifères et l’apparition progressive en sens inverse des formes du terrain houiller inférieur. Il montre comment disparaissent les formes animales anciennes et comment en apparaissent de nouvelles, par des modifications permanentes, résultant de changements dans les conditions de milieu, et nous conduit ainsi bien loin de ces cataclysmes, de ces destructions et rénovations intégrales des espèces que certaines préoccupations extrascientifiques avaient fait admettre jusqu’ici. Ces transitions brusques d'une faune à l’autre, sans terme inter¬ médiaire, ne se retrouvent plus que là où un terrain émergé pen¬ dant une certaine période, a été immergé ensuite pour servir de base à un nouveau terme de la série. Les calcaires noirs, siliceux, de X horizon inférieur , nous parais¬ sent correspondre à un banc apalogue des massifs de Berlaimont, de Mons, du Boulonnais et de Blaton. Ils renferment les débris de la faune carbonifère, avec quelques formes nouvelles, entre autres un Productus qui se rapproche du P. carbonarius , de Kon. La Delvauxine est localisée dans cet horizon inférieur. Dans l 'horizon moyen , les espèces du calcaire carbonifère ont presque disparu. Des formes nouvelles, inconnues dans ce calcaire à Visé, viennent s’y ajouter. Citons : Lonsdalia papillota, Fiscli; Lithostrotion mamillare , Castelnau. Vhorizon supérieur ou ampélitique ne présente plus qu’une espèce (le Poteriocrinus crassus ), du calcaire, mais en renferme quelques-unes de nouvelles, entre autres la Goniatites diaderna , Gold. , si fréquente dans les rognons calcaires subordonnés à l’ampélite de Chokier. Ces rognons se rapporteraient donc à notre horizon ampélitique, plutôt qu’à notre horizon inférieur. 6° Le houiller inférieur nous paraît passer au supérieur sans poudinge intermédiaire à Visé. II. Orographie . — Nous donnons ici, pour fixer les idées, une réduction approximative au 1/k de notre carte géologique au l/20000e. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 769 Carte géologique des terrains primaires des environs de Visé , 7° Le soulèvement de Visé forme un dernier lambeau du bord septentrional ébréché du bassin anthraxifère nord de la Bel¬ gique- Partant, par la pensée, du nord de Haccourt, il se dirige vers Visé en faisant une courbe à concavité S. O, se replie de là vers Richelle, où il forme un nouvel angle saillant dans la même direction, pour revenir ensuite vers la Berwine, forme à Berneau un dernier promontoire qui semble se diriger au N. E. vers la limite nord du terrain houiller de Rolduc pour se rattacher ensuite au calcaire de Dusseldorf. Les couches de houille du bassin de Liège ont subi le contre¬ coup de ce soulèvement et manifestent les mêmes inflexions. 8° Ce soulèvement total est constitué par deux soulèvements de calcaire dévonien;, un au nord, aboutissant à Berneau, sur la rive gauche de la Berwine; l’autre au sud, partant de la gorge des Horres, à Souvré, se recourbant vers Richelle, et de là se repliant vers le dévonien de la ferme du Désert, rive gauche de la Berwine. Ces deux massifs que l’on peut relier au N. O. par une bande comprenant les îles de Visé, enserrent dans leurs replis, presque totalement une bande de calcaire carbonifère qui, elle- même, embrasse un petit bassin houiller. Au sud, le dévonien est embrassé à son tour par le carbonifère et le houiller qui finis¬ sent par l’arrêter sur les bords de la Berwine. 770 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, 9° Deux fractures principales ont accompagné ce soulèvement : l’une a produit le lit actuel de la Meuse, avec faille partant au moins de Cheratte et se terminant ou diminuant beaucoup à Souvré (Visé); l’autre a fourni la vallée de la Berwine, sans don¬ ner lieu à une faille aussi considérable. Des fractures et failles secondaires existent presque partout aux limites des bandes dévoniennes et même carbonifères inférieures, car ces bandes sont généralement en contact avec le terrain liouil- ler inférieur disloqué qui les sépare du calcaire carbonifère supé¬ rieur sur lequel il devrait reposer normalement. 10° Un filon de galène à Berneau et des argiles geyseriennes à Argenteau, Riclielle, ete. , ont été une autre conséquence de ce mouvement de terrain. 11° Les limites des terrains correspondent généralement avec les dépressions du soi qui séparent les divers mamelons des bords de la Meuse et de la Berwine. Dans les raccordements des massifs on retrouve ordinairement des horizons du même âge. Mais les lignes de raccordement indiquant plutôt l’allure du mouvement, une même bande pourra comprendre dans son parcours des terrains plus ou moins anciens, suivant que la puissance du soulèvement aura été plus ou moins considérable. Ainsi, des lambeaux de cal¬ caire carbonifère sont quelquefois restés accolés au dévonien et affleurent sur la même bande que celui-ci ; par contre, les bandes carbonifères présentent parfois aussi de petits lambeaux de dévo¬ nien ; ainsi, à Mons, ainsi encore à la fin du chemin des Horres à Souvré (Visé) ; d’un autre côté la bande carbonifère d’Argenteau ne présente plus vers Dalhem (le Bois) que des pointes de calcaire, le reste étant recouvert par le terrain houiller inférieur qu’on retouve seul dans le prolongement de la bande sur la rive droite de la Berwine. M. Gosselet communique ensuite le mémoire suivant : Observations sur les dislocations brusques éprouvées par les terrains primaires de la Belgique ; par M. J. Gosselet, docteur és sciences. La croûte solide du globe a été depuis sa formation et est encore le siège de mouvements nombreux, les uns lents et insen¬ sibles, les autres brusques et violents. Les premiers sont, depuis quelques années, l’objet d’études très-intéressantes, mais les se¬ conds ont depuis longtemps attiré l’attention des savants, et les DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 771 illustres travaux de M. Elie de Beaumont leur ont conquis une popularité immense. On avait cru trouver dans ces dislocations l’explication des cataclysmes qui auraient anéanti les diverses populations qui se sont succédé sur notre globe. Actuellement, quelle que soit la théorie que l’on admette pour expliquer la trans¬ formation des êtres, l’idée de cataclysmes est, en général, rejetée au loin, et l’un de nos plus savants paléontologistes a pu dire « que le jour n’est peut-être pas éloigné où l’on proposera de rayer le mot de cataclysme du vocabulaire de la géologie posi¬ tive. » Des géologues éminents vont plus loin encore. M. Hébert, après avoir combattu la théorie d’après laquelle les mouvements brusques du sol pourraient servir à la détermination des terrains, ajoute cette phrase : « Bien loin de voir entre les dislocations du sol et les grands changements subis par l’organisation à la surface du globe des rapports de causes à effets, il faut reconnaître hau¬ tement que celles de ces grandes dislocations qui sont le mieux étudiées se trouvent placées précisément au milieu des périodes générales, c’est-à-dire qu’elles n’ont eu sur le changement des faunes qu’une influence secondaire. » ^Néanmoins l’étude des dislocations brusques offre toujours un grand intérêt, et la présente note, écartant toute idée théorique et se servant des mots dans le sens pratique qu’on leur attribue gé¬ néralement , a pour but d’examiner les soulèvements qui ont affecté les terrains primaires de la Belgique. M. Elie de Beaumont admet que les terrains primaires de la Belgique ont été affectés par trois soulèvements : le système du Westmoreland et du Hundsrück, le système des Ballons et des collines du Bocage, le système des Pays-Bas et du sud du pays de Galles. Le soulèvement dû au système du Westmoreland et du Hundsrück serait postérieur au dépôt du terrain silurien et des couches dévoniennes anciennes (terrain rhénan de Dumont), mais antérieur au dépôt du terrain dévonien proprement dit (poudingue de Burnot, calcaire de Givet, psammites du Condros). Le système des Ballons vient se placer entre le calcaire carbonifère et le millstone grit, et le système des Pays-Bas, entre le grès rouge et le zechstein, c’est-à-dire au milieu du terrain permien. Dumont annonça l’existence d’une quatrième dislocation du sol, antérieure aux précédentes et produite entre le terrain ar- dennais (silurien des autres géologues) et le terrain rhénan (dévo¬ nien inférieur des autres géologues). Ainsi, d’après ces savants, les terrains primaires de la Belgique 772 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, auraient éprouvé les effets de quatre soulèvements. Nous allons examiner les preuves qu’ils en donnent. I. Stratification discordante entre le terrain ardennais et le terrain rhénan. — Dumont a donné (1) de nombreuses preuves de cette discordance que la Société pourra constater d’une manière bien nette dans ses courses à Fépin et sur les bords de la Semov, près de Monthermé. Ce fut certainement là une de ces découvertes fécondes, destinées à faire faire un grand pas à la géologie du pays; elle permit à Dumont de séparer en deux groupes distincts les diverses roches qui étaient confondues sous le nom de terrain ardoisier. Le groupe supérieur (terrain rhénan) appartient au terrain dévonien ; quant au groupe inférieur, formé par les ar¬ doises et les quartzites de l’Ardenne, on n’y a pas encore trouvé de fossiles et leur âge reste par cela indéterminé. Cependant on les rapporte généralement au terrain silurien moyen par leur analo¬ gie avec les ardoises d’Angers; il se pourrait cependant qu’elles fussent plus anciennes. Si donc il est impossible de déterminer d’une manière très-exacte l’âge du soulèvement en question, on doit néanmoins admettre qu’il est certainement antérieur au ter¬ rain dévonien, et probablement postérieur au terrain silurien moyen, c’est-à-dire qu’il a pu s’effectuer avant, pendant ou après le dépôt du terrain silurien supérieur. On verra plus loin que ce même soulèvement ayant disloqué les couches du silurien moyen du Brabant; son âge est bien réellement celui qui vient d’être indiqué. II. Système du IVestmoreland et du Hundsrüch. — M. Elie de Beaumont donne comme preuve de l’existence de ce système en Belgique, ce fait que le poudingue de Burnot repose en stratification discordante sur le terrain ardoisier (outre le silurien de l’Ardenne, il comprend dans ce terrain, sous le nom de couches dévoniennes anciennes le terrain rhénan de Dumont), près de Giret et de Fumay, et à Pépinster, près de Spa (2). Malgré des recherches attentives, je n’ai pu découvrir ces discordances. Le poudingue de Burnot n’existe en aucun endroit des environs de Fumay; on aura dû confondre avec cette roche le poudingue qui forme l’assise la plus inférieure du terrain rhénan, et qui, à Fépin au nord de Fu¬ may, repose en stratification discordante sur le terrain ardennais; près de Givet, le poudingue de Burnot proprement dit n’existe pas (\) Mémoire sur les terrains ardennais et rhénan, p. 242 et 255. (2) Mémoire sur les systèmes de montagnes. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 773 non plus; il y est représenté par des schistes et des grès rouges ou verdâtres (1), et ces roches sont en stratification concordante avec le terrain rhénan. A Pépinster, on voit le poudingue de Burnot parfaitement déterminé; mais là encore il repose en stra¬ tification concordante sur le terrain rhénan. Dumont ne parle en aucun point des discordances indiquées par M. Élie de Beaumont ; il reconnaît même que, dans l’Ardenne, le poudingue de Burnot repose en stratification concordante sur le terrain rhénan ; cependant lui aussi admettait que le terrain rhénan avait été plissé et redressé avant le dépôt du poudingue de Burnot (2); il cite à l’appui de cette opinion de nombreux cas de discordance dans le Brabant. En effet, à Horrues, à Alvaux, aux Ecaussines, à Feluy, on trouve un poudingue rouge reposant en couches horizontales sur des schistes que Dumont rapporte au terrain rhénan. Dans mon opinion, le poudingue d’Horrues et d’ Alvaux n’est pas le poudingue de Burnot; je le crois d’âge plus récent; mais comme plusieurs géologues ne sont pas de mon avis, et que d’ailleurs c’est peu important pour la question qui nous occupe, je n’insisterai pas sur ce point. Toutes les roches primaires du Brabant avaient été rapportées par Dumont au terrain rhénan. En 1860, j’ai divisé ces roches en deux catégories, j’ai rangé l’une dans le terrain silurien, et cette opinion longtemps combattue me paraît maintenant hors de con¬ teste. Quant à l’autre catégorie, composée de schistes argileux tendres et de quartzo-phyllade zonaire, je l’ai placée dans le terrain dévonien inférieur. J’étais guidé par plusieurs raisons: d’abord l’opinion de Dumont; ensuite l’analogie minéralogique des schistes argileux avec les schistes dévoniens de Charleville et celle du quartzo-phyllade zonaire avec les schistes du terrain rhénan du Condros que je n’avais pas encore pu étudier complètement et que j’avais cru rhénan (dévonien inférieur) sur la foi de la carte géologique de Belgique. Mais ce n’était pas une affirmation abso¬ lue ; je déclarais même discutables les analogies que j’avais indi¬ quées (3). Mes doutes croissant à mesure que mon travail avançait, j’ai mis à la dernière page la phrase suivante : « s’il venait à être démontré que les couches du Brabant que j’ai mises avec doute (!) Bull. Soc. géol. , 2e sér., t. XIV, p. 371. (2) Loc. cit ., p. 404. (3) Mémoire sur les terrains primaires de la Belgique , etc., par J. Gosselet, 1860, p. 33. 774 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE» dans l’étage coblentzien et dans l’étage gedinnien sont au contraire siluriennes (1). » Enfin, en 1861, j’ai pu étudier le terrain rhénan du Condros et j’ai reconnu qu’il était silurien (2). L’analogie qui m’avait conduit à ranger le quartzo-phyllade zonaire de Ronquières dans le terrain rhénan me portait donc maintenant à le considérer comme silu¬ rien. Resterait tout au plus dans le terrain rhénan les schistes tendres d’Oisquercq et de Steenkerque; mais plusieurs raisons importantes me semblent plaider pour les ranger dans le terrain silurien. C’est d’abord leur parfaite concordance avec le terrain silurien, tandis que, partout où il existe, le terrain rhénan de l’Ar- denne repose en stratification discordante sur le terrain silurien. En second heu, on comprendrait difficilement que le terrain rhénan se trouvât dans le Brabant et dans i’Ardenne, tandis qu’il n’existe pas eptre ces deux points dans le Condros. Il est beaucoup plus simple d’admettre que ce dépôt a été limité à l’Ardenne et qu’il n’a pas franchi la butte saillante formée par le terrain silurien du Condros. Ces deux raisons, qui ne sont absolues ni l’une ni l’autre, mais qui se soutiennnent l’une par l’autre, m’engagent à ranger les schistes argileux tendres dans le terrain silurien. J’ajou¬ terai que leur analogie minéralogique avec les schistes gedinniens de Gharlevilie n’est pas telle que, pris d’une manière générale, on ne puisse les distinguer; ils tiennent le milieu entre ces schistes et les schistes à Trinucleus de Gembloux. Dès lors, quoi d’étonnant à ce que le poudingue d’Horrues, fût-il de même âge que celui de Burnot, soit en stratification discor¬ dante sur les schistes siluriens du Brabant? Partout où le terrain rhénan (dévonien inférieur) existe, il est discordant avec le terrain silurien, et il est couvert en concordance parfaite par le poudingue de Burnot et par les couches supérieures. Lorsque le terrain rhé¬ nan manque, c’est le poudingue de Burnot ou les couches plus récentes qui reposent en discordance sur le terrain silurien. Il n’y a donc, entre le dépôt du terrain silurien moyen et le dépôt du terrain dévonien supérieur, qu’une seule dislocation, et le soulève¬ ment de l’Ardenne et du Brabant, qu’il coïncide, oui ou non, avec celui du Westmoreland et du Hundsrück, a eu lieu entre la période du silurien moyen et la période du dévonien inférieur. III. Système des Ballons et des collines du Bocage , intermédiaire entre le millstone gritet le calcaire carbonifère. — IM. Elie de Beau- (|) Mémoire sur les terrains primaires de la Belgique , p. 4 46. (2) Bull. Soc. géol.y 2e sér., t. XVIII, p. 538. DU 50 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 775 mont voit un effet de la révolution physique opérée par ce système de soulèvement, dans le front méridional de l’Ardenne, qui coupe obliquement la direction générale des couches du terrain ardoi- sier. Il retrouve la même direction, dans les massifs des terrains schisteux du Hainaut, au nord de Namur et encore, mais peut- être accidentellement, entre la Sambre et la Meuse, près de Namur. M. d’Omalius d’Halloy fait observer, dans son Abrégé de géolo¬ gie (1), que la concordance que Ton observe entre le calcaire de Tournay (calcaire carbonifère) et l’ampélite de Chokier (corres¬ pondant du millstone grit pour M. d’Omalius d'Halloy) ou entre celui-ci et la houille de Liège, annonce que les soulèvements des Ballons et du Forez n’ont pas exercé de grands dérangements dans le sol de la Belgique. Je suis complètement de son avis; bien mieux, je ne puis voir l’effet d’une révolution dans la direction du front méridional de l’Ardenne. Ce massif montagneux s’abaisse d’une manière lente et régulière du N. E. vers le S. O. avec une inclinaison que Dumont estime à 12 degrés, et l’on n’y voit rien qui ait l’apparence d’une faille ou d’une ancienne falaise. Quant à la révolution qui a plissé et redressé le terrain schisteux qui est au nord de Namur, nous avons vu qu’elle est antérieure au terrain dévonien. IV. Système des Pays-Bas et du sud du pays de Galles . — Ce système de dislocation qui a si profondément affecté les terrains primaires de la Belgique est placé, par M. Elie de Beaumont, entre le grès rouge et le zechstein. Quand on s’en tient à l'étude de la Belgique, on peut affirmer que la révolution dont il s’agit est postérieure au terrain liouiller, car ce terrain est plissé et con¬ tourné comme les couches plus anciennes ; mais est-elle aussi postérieure au terrain permien ? c’est une question d’autant plus difficile à résoudre que tous les géologues ne sont pas d’accord pour savoir si le terrain permien existe en Belgique. M. d’Omalius d’Halloy veut en voir un représentant dans le poudingue de Malmedy, que Dumont place dans le terrain triasique. Le système des Pays-Bas est certainement antérieur au poudingue de Mal¬ medy qui repose horizontalement sur les tranches des roches de l’Ardenne et qui renferme des fossiles dévoniens. Si donc le poudingue de Malmedy est permien, le soulèvement des Pays- Bas a eu lieu entre le terrain liouiller et le terrain permien ; si au contraire, ce qui me paraît plus probable, le poudingue de (1) 7e édition, p. 552. 776 RÉUNION EXTRAORDINAIRE À LIÈGE , Malmedy est triasique, nous pouvons placer ce soulèvement avant, pendant ou après le terrain permien. Ainsi les terrains primaires de la Belgique ont éprouvé deux dislocations violentes, l’une antérieure au terrain dévonien, l’autre postérieure au terrain houiller. Il resterait à examiner quelles sont les directions que ces deux soulèvements ont imprimées aux couches qu’ils ont affectées. AI ais mes observations, quoique nombreuses, ne permettent pas de tirer des conclusions présentant à la fois la rigueur et la généralité requises en pareil cas. C’est que, lorsqu’on cherche la direction des couches, on se trouve toujours en présence d’une grande difficulté. Dans les vallées, c’est-à dire dans les seuls points où l’observation est facile et souvent même possible, on a toujours à craindre que la direction régulière n’ait été dérangée par la faille qui a produit la vallée. Aussi ai-je pris, autant que possible, les directions que je vais indiquer, en dehors des grandes vallées. 1° Direction du système de /’ Ardenne. Au mont Fourlichet, entre Revin et Fumay. . E. 25° N. Environs de Rocroy . E. 20° N. Environs de Hirson . . . E. 20° S. On voit qu’il y a, entre Rocroy et Hirson, un changement dans la direction des couches siluriennes de F Ardenne; elle passe du N. E. au S. E. à mesure que l’on se dirige vers un point plus occidental. 11 en est de même pour le terrain silurien du Brabant. Huccorgne .... E. 30° N. Gembloux . E. 23° N. Nivelles . E. 30° S. Steenkerque. ... E. 30° S. 2° Direction du système des Pays-Bas. — Il y a longtemps que M. d’Omalius a remarqué que la direction des couches dévo¬ niennes et carbonifères du Condros présente deux orientations principales qui se croisent sur une ligne allant de JNamur à Roche- fort, de manière qu'à l’occident de cette ligne, la direction domi¬ nante est de l’E. à l’O., et à l’orient, du S. O. au N. E. La direction E. O. persiste entre la Meuse et la frontière française, et dans les environs d’Avesnes, on voit prédominer la direction de l’E. 20 à 25° N. au S. 20 à 25° O. M. Élie de Beaumont a expli¬ qué ces exceptions à la loi théorique en vertu de laquelle toutes les dislocations d’une même époque doivent avoir la même direc- DU 80 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1868. 777 îion, en supposant que des dislocations subséquentes sont venues altérer la direction primitive et normale. Mais en présence de ces faits, que devient la prétention des géologues qui, exagérant la pensée du maître, déclarent qu’en dehors de la paléontologie, l’étude des soulèvements peut servir à déterminer l’âge d’un terrain ? A la suite de cette lecture, M. J. Van Scherpenzeel-Thym fait remarquer qu’il existe encore d’autres discordances dont il n’a pas été question. Ainsi, quand on étudie à Gbokier la direction des couches supérieures du calcaire condrusien (car¬ bonifère) dans les carrières, et celles des assises inférieures de l’étage houiller exploité à côté, il est aisé de s’assurer qu’elles sont en discordance; on peut même reconnaître que la stratifi¬ cation de l’ampélite est en concordance avec celle du calcaire. Cette localité présente des accidents très-curieux et instructifs, d’autant plus que l’on observe vis-à-vis, sur la rive droite de la Meuse, un contact discordant du terrain houiller sur les étages anthraxifères inférieurs, notamment sur l’étage quartzo-schis- teux du système eifelien. M. G. Dewalque reconnaît l’intérêt qu’offre l’étude du terrain houiller à Chokier, mais l’allure y est trop accidentée pour qu’une excursion y soit fructueuse, au point de vue général où la Société est placée; l’intérêt se rapporte plutôt à des questions de détail qui concernent surtout l’exploitation. Le fait lui-même de la discordance dont il est question, n’est probablement que le résultat d’une dislocation toute locale. Quant aux autres discordances dont on a parlé, à son avis, la plupart ne sont que des failles, notamment à Serainget à Ougrée. La découverte de ce fait, que l’étage houiller, entre Seraing et Liège, plonge assez loin sous l’étage du poudingue de Burnot (quartzo-schisteux du système eifelien) au contact duquel il se trouve, a produit une sensation qu’elle ne mérite pas. En effet, quand on suit, sur la carte géologique de la Belgique, la série de contacts anormaux qui se succèdent, de l’ouest à l’est du pays, entre le massif dit rhénan du Condros et les divers membres du terrain anthraxi- fère qui le joint au nord, puis, au delà de ce massif, entre di¬ verses assises anthraxifères, notamment entre l’étage houiller et celui du poudingue de Burnot, il est difficile de voir là autre Soc. géol 2e série, tome XX, S0 778 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, chose qu’une grande ligne de faille. C’est ce qui résulte d’ailleurs des travaux de MM. Gosselet et Dormoy. Or, si le contact en question est une faille, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle soit inclinée j et si elle incline au sud, sous le poudingue de Burnot, c’est que c’est là le cas ordinaire de cette faille, au moins dans la région où nous sommes. Le Président prie M. Albert Gaudry de rendre compte des recherches qu’il a faites la veille dans la caverne d’Engihoul avec quelques membres de la Société. M. Albert Gaudry s’ex¬ prime en ces termes : « M. le baron Bertrand Geslin, M. Stévart, M. Habets et moi avons visité hier la caverne d’Engihoul, où M. Malaise a trouvé des restes humains mêlés à des ossements d’animaux dont les espèces ne vivent plus de nos jours. Cette caverne est ouverte dans le calcaire carbonifère, sur la rive droite de la Meuse. On y observe plusieurs planchers irréguliers de stalagmites qui al¬ ternent avec des couches de limon ossifére. Dans ce limon nous avons recueilli des os des membres et des dents d’ Ursus spelœus, quelques os du tronc d’un carnassier qui paraît être le renard ordinaire, des métatarsiens de loup, un humérus de hyène, une molaire inférieure de rhinocéros, une phalange, des mo¬ laires supérieures et inférieures de cheval, une molaire supé¬ rieure d’un grand cerf et une phalange onguéale d’un ruminant de moindre dimension. Ceci fait un total de quatre espèces de carnassiers, deux espèces de pachydermes, deux espèces de ru¬ minants-, il y faut ajouter un oiseau de petite taille. Peu de temps a suffi pour obtenir cette variété d’espèces. Dans plusieurs cavernes de l’Europe, et notamment dans celle de l’Herm (Ariége) si bien connue depuis ces dernières années, grâce aux géolo¬ gues du midi de la France, on découvre une bien plus grande multitude d’ossements d’ours, mais les restes des autres ani¬ maux sont comparativement très-rares. Pourquoi dans les cavernes où les ours sont les seuls carnassiers dont les os soient fréquents, trouve-t-on généralement une moins grande variété de débris d’herbivores que dans celles où abondent les restes de chiens, de renards, de tigres et surtout d’hyènes? Il nous semble que c’est peut-être parce que les ours, animaux omni¬ vores, ne transportent pas des os dans leurs tanières comme DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 779 les carnivores qui vivent spécialement de chair. Nous présentons cette explication avec toute réserve, car elle suppose l’habitation de la caverne d’Engihoul par des carnassiers, et le savant Schmerling, qui a étudié d’une manière approfondie les cavernes des environs de Liège, a nié qu’elles aient servi d’abri à des animaux. » M. Malaise est porté à croire que la plus grande partie des ossements qu’on rencontre dans nos cavernes, y ont été apportés par cfes carnassiers qui les habitaient ou s’y retiraient pour y dévorer leur proie. Un remaniement postérieur a dû avoir lieu lors du dépôt de limon dans ces cavernes 5 c’est à cette époque que les ossements ont été plus ou moins brisés, détériorés, et qu’a dû s’opérer ce mélange parfois si singulier d’espèces. La grotte de Magnée, aujourd’hui détruite, lui a présenté un intérêt tout particulier, parce qu’il a pu la voir lorsque les ouvriers l’ont mise à découvert. Ici les eaux ont dû jouer un grand rôle-, les restes animaux sont mélangés pêle-mêle avec des cailloux, et en très-mauvais état ; plusieurs étaient attachés à la partie supérieure de la caverne. II croit aussi que les hommes, dont on a retrouvé, soit les propres débris, soit ceux de leur industrie, avaient cherché un refuge dans ces cavernes. Dans quelques-unes, on ne rencontre que des restes de l’homme -, dans d’autres, ceux de son industrie, et plus rarement les deux réunis. Il lui semble qu’il n’y a rien de bien étonnant de n’y trouver souvent que des traces de l’in¬ dustrie humaine-, ces armes, ces ustensiles ont pu y être laissés par leurs propriétaires, qui ne sont pas revenus dans leur retraite par suite d’un accident quelconque. M. G. Dewalque ne partage pas cette opinion. MM. Bertrand- Geslin, Marès et Piette présentent diverses observations dans l’un ou l’autre sens. M. le baron de Sélys-Longchamps présente à la Société le moule de plâtre d’une tête de poisson très-curieuse, trou¬ vée dans le calcaire anthraxifére d’Engis -, elle est décrite et figurée sous le nom de Palœdaphus insignis , V. Ben. et de Kon., dans la Paléontologie française de M. Gervais(l). (4) MM. Van Beneden et de Koninck s’occupent d’un travail plus 780 ■RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , II ajoute queM. d’Otreppe deBouvette, possesseur de l'original; l’a autorisé à annoncer qu’il en fait don au musée de paléontolo¬ gie de l’université de Liège. II communique ensuite un autre fossile provenant du calcaire carbonifère inférieur exploité à Soignies par M. Wincqz; MM. Van Beneden et de Koninck le considèrent comme un ichthyodorulite de très-grande taille ; M. Gaudry exprime le même avis: au contraire, M. Toilliez est persuadé que c’est un végétal. Malheureusement ce qu’on peut voir ne montre aucune texture organique appréciable. M. G. Lambert présente le moule de plâtre d’une hippurite trouvée dans la partie inférieure du système hervien (turonien) du Hainaut, au charbonnage de Blaton à Bernissart, un peu à l’est de Vieux-Condé. Une discussion s’engage à ce sujet; di¬ vers membres font remarquer que ce n’est pas une vraie hippu¬ rite ; M. Mathéron, entre autres, déclare que, si l’intérieur est exactement reproduit sur le moule communiqué, c’est un radiolite, probablement un Biradiolites nouveau, à moins que ce ne soit le B. coma postons ; dans ce dernier cas, l’assise serait inférieure au turonien de d’Orbigny. M. Horion dit que l’assise hervienne dont provient ce fossile est inférieure à la zone du Pecten asper . M. Lambert met également sous les yeux de la Société des échantillons d’eurite provenant d’un filon de 5 mètres de puissance, trouvé entre Monstreux et Nivelles, dans le système coblencien du Brabant, où il plonge de 75 degrés au sud ; il est exploité pour la fabrication de la porcelaine. Cette rocjie ren¬ fermerait 10 °/0 environ d’alcalis et des traces d’acide borique. Le même ingénieur présente ensuite des échantillons d’argile réfractaire, également exploitée pour l’industrie céramique à Fraire près de Waîcourt: cette argile, liée aux minerais de fer, est très-plastique et très-remarquable par sa finesse ; soumise à une température très-élevée, elle prend l’aspect vitreux de la porcellanite. Enfin, il signale un puissant filon de fer oxydé renfermant du chrome, qu’il a découvert, il y a quelques années, à Rahier, au S. 0. de Spa. complet sur ce fossile ; il paraîtra dans le numéro de février \ 864, du Bulletin de V Académie royale de Belgique. 1)U 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 781 Après line discussion entre M. Dupont et M. Horion, relative à divers points du mémoire lu par ce dernier au commence¬ ment de la séance, la Société aborde l’examen de l’itinéraire qu’elle suivra dans ses excursions. On décide d’abord que l’on ne peut aller à Moresnet que le jeudi, conformément à la lettre de M. Braun $ il est convenu que, ce jour-lâ, la Société se divisera. Plusieurs propositions sont en présence -, après mûr examen, la Société décide qu’on s’en tiendra à la circulaire envoyée aux membres. On s’est ensuite séparé-, beaucoup de membres sont allés visiter les collections de l’université. Le soir, on s’est réuni à Phôtel de Suède dans un banquet offert aux géologues étrangers par les géologues belges, auxquels ont voulu se joindre quelques industriels éclairés, désireux de témoigner leur sympathie pour la géologie et ceux qui la cul¬ tivent. Séance du 31 août 1863. La Société se réunit à huit heures dans la salle de la Société d’émulation. Le Secrétaire rend compte de l’excursion de la journée : La Société est partie de Liège pour Pépinster en chemin de fer ; de la gare, elle s’est rendue immédiatement sur la grande route de Liège à Verviers, où elle a pu observer parfaitement toute la série presque verticale de l’étage caîcareux du système eifelien de Dumont, soit le calcaire de Givet. Il s’y présente en bancs médiocrement puissants, généralement gris bleu, sub¬ compacte ou subgrenu , quelquefois sublamellaire, renfer¬ mant souvent des lamelles spathiques blanches de calcaire ferrifére, qui deviennent jaunes dans les bancs exposés à l’air. Il est quelquefois gris ou gris jaunâtre, ou bien renferme des parties d’aspect stéatiteux , gris verdâtre ou jaunâtre que M. Gosselet a encore rappelées récemment. Certains bancs sont formés presque exclusivement de polypiers *, l’assise supérieure est peu visible et paraît renfermer un peu de schiste ^ on ry a 782 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, trouvé quelques fossiles sur le talus de la chaussée : Spirifer Verneuili , Orthis striatula , Athyris concentrica , Atrypa reli- cularis , Productus subaculeatus . La position de cet étage est sûrement déterminée : il repose au midi sur l’étage de Burnot, et est recouvert au nord par les schistes de Famenne*, c’est le calcaire de Givet, dans la situa¬ tion qu’il affecte toujours à l’est de l’Ourthe, c’est-à-dire reposant sur l’étage de Burnot par la suppression de l’étage de Couvin ou schistes et calcaires à Calcèoles. On n’a pas encore rencontré de fossiles caractéristiques aux points que nous avons explorés } mais le Stringocephalus Burtini , caractéristique du dévonien moyen, se trouve sur le prolongement incontesté de cette bande calcaire, à Yerviers, à Aix-la-Chapelle et dans beau¬ coup de localités intermédiaires. Il est probable néanmoins que les bancs supérieurs corres¬ pondent à l’étage de Frasne, à Rhy nchonella cuboïdes : si, en arrivant à la chaussée de Liège à Yerviers, on se dirige vers l’est, au lieu de l’ouest, on trouve bientôt à gauche un ravin dans lequel on ne tarde pas à voir le calcaire suivi de quelques mètres de schistes bien feuilletés, grisâtres ou plus souvent vio¬ lacés, recouverts d’un peu de calcaire noir bleuâtre, avec bancs irréguliers de calcaire rougeâtre, comme concrétionné, rappe¬ lant le marbre rouge de Frasne. Au-dessus viennent les schistes de Famenne, partie inférieure de l’étage quai tzo-schisteux du système condrusien de Dumont. On n’a guère trouvé de fossiles caractéristiques à ce niveau j je ne connais que la R. cuboïdes , trouvée récemment par MM. Habets et Stévart dans les cal¬ caires noirâtres supérieurs au schiste, exploités près de Chaud- fontaine. Il est probable que les bancs inférieurs au schiste, remplis d ' Acervularia pentagona , etc., doivent être rapportés au même étage -, ce qui rattacherait l’étage de Frasne à celui de Givet et non aux schistes de Famenne. * La Société a pu voir en passant, dans la grande carrière sur la chaussée, les restes d’une caverne peu élevée au-dessus de la route et de la rivière, et dont, le sol est couvert de limon mêlés de cailloux plus ou moins roulés et de fragments cal¬ caires. La limite entre le calcaire de Givet et l’étage du poudingue DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 783 de Burnot se trouve à la naissance de la route de Spa. Elle est fort nette et tranchée, et ces deux étages sont parfaitement concordants, malgré l’absence de l’étage des schistes et cal¬ caires de Gouvin ; mais il est digne de remarque que, après quelques bancs de schiste rouge, on trouve quelques roches calcarifères, macigno ou calcaire quartzifère, avec traces de coquilles, au-dessous desquelles se trouve tout le reste de la série de Burnot, complètement dépourvue de calcaire. Trois opinions peuvent être émises et ont été défendues : les uns, en minorité, sont disposés à voir dans ces deux ou trois bancs calcarifères et le schiste rouge supérieur, le représentant de l’étage à Calcéoles, de Gouvin ; d’autres les rattachent au cal¬ caire de Givet-, la majorité les fait rentrer dans l’étage de Burnot. Ajoutons qu’il n’y a pas trace d’un remaniement, et que pareille composition se rencontre souvent -, nous la reverrons dans la vallée de la Meuse. On suit la série descendante des schistes et des psammites rouges sur la chaussée vers Yerviers ; revenu sur la route de Spa, on voit ces roches alterner avec des grès vert sombre, passant souvent au psammite-, puis on arrive au mur du diable , banc de poudingue vertical de 2 à 3 mètres d’épaisseur, formé de nombreux cailloux incomplètement arrondis, souvent pugi- laires, de grès et de quartzites de l’Ardenne, avec un peu de quartz blanc. C’est en ce point que la carte géologique des environs de Spa, par Dumont, place la limite entre les terrains anthraxifère et rhénan ; M. A. Donckier, qui a assisté Dumont dans la confection de cette carte, précise davantage en disant que son maître y comprenait encore 30 centimètres des schistes qui l’avoisinent au midi. M. Dewalque, sans se pro¬ noncer sur ce détail qu’il ne connaît point, admet aussi que c’est bien à la base du poudingue que Dumont terminait ici le terrain anthraxifère. Mais M. Gosselet fait remarquer que le poudingue est en concordance parfaite sur les schistes préten¬ dus rhénans-, et que ceux-ci, avec les psammites et les grés qu’ils renferment, sont identiques minéralogiquement, comme la Société a pu le voir, avec les mômes roches au nord du pou¬ dingue, lesquelles seraient anthraxifères-, selon lui, il n’y a en ce point aucune limite, même d’étage. M. Dewalque partage 78â RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, depuis longtemps ia môme opinion, d’autant plus que, dans beaucoup de localités peu éloignées, le poudingue est intercalé dans la masse des schistes et des psammites eifeliens, de l’avis de Dumont lui-même. M. Gosselet a aussi rapporté plusieurs cas semblables, et l’on verra la même chose dans la vallée de la Meuse. En continuant vers le midi, on arrive bientôt à une petite tranchée du chemin de fer de Spa, où M. Gosselet renouvelle ses observations sur l’identité pétrographique des schistes rouges qu’on y voit, avec ceux que l’on a vus au début de la coupe de l’étage de Burnot -, cependant ils paraissent à quelques membres plus feuilletés. Un peu plus loin, à Ghainheid, ces schistes présentent un nouveau caractère j certains bancs sont criblés de cellules irrégulières, déchiquetées, tapissées d’une matière pulvérulente noir brunâtre. Cette série semble à M. Dewalque devoir se rapporter à l’étage gedinnien du terrain rhénan, comme cela est figuré sur la carte de Dumont : sans nier la présence accidentelle de cellules dans les schistes de l’étage de Burnot, il déclare n’avoir jamais rencontré ces cavités, avec les caractères indiqués et surtout leur grand nombre, en dehors du système gedinnien incontestable. La succession des roches visibles est trop souvent interrom¬ pue par les alluvions, les cultures, etc., pour qu’il soit possible de préciser la limite entre ce gedinnien et l’étage de Burnot qui a été observé antérieurement. Les systèmes ahrien et coblencien, qui le précèdent dans l’ordre descendant paraissent manquer dans celte région. Les mêmes obstacles s’opposent à l’obser¬ vation de la base du terrain rhénan *, nous ajouterons seule¬ ment que, d’après les observations faites aux environs, l’étage inférieur du système gedinnien, c’est-à-dire le poudingue de Fépin, que nous rencontrerons au Marteau, n’est pas repré¬ senté ici. A Juslenville on rencontre le calcaire carbonifère supérieur, gris bleuâtre, souvent veiné de blanc, d’ailleurs ressemblant au calcaire de Givet qui s’en distingue surtout par ses lamelles ferri- fères brunissant à l’air • il est en bancs assez puissants, inclinés au nord d’environ âO degrés ^ jusqu’à présent on ne parait pas avoir trouvé de fossiles dans les points où il est accessible. On DU 30 AOUT AU 0 SEPTEMBRE 1863. 785 le voit bientôt recouvrir une masse de schistes très-feuilletés, qu’il est facile de reconnaître pour schistes houillers à quelques empreintes végétales et surtout aux traces de houille qui s’y montrent. C’est le commencement d’un petit bassin houiller où l’on a fait quelques recherches de houille au siècle dernier $ mais ce précieux combustible ne s’est jamais rencontré en couches utilement exploitables. Ce bassin s’étend sur une lar¬ geur de 500 mètres, après quoi on voit le schiste houiller plonger de nouveau sous le môme calcaire carbonifère dont les bancs, celte fois, inclinent au midi. Le calcaire offre donc ici une disposition très-remarquable, puisqu’il semble former une voûte dont l’axe serait occupé par le système houiller, qui serait certainement considéré comme inférieur au calcaire, si les caractères minéralogiques et paléontologiques n’étaient trop évidents pour permettre l’erreur. Cette disposition stratigra- phique n’est donc qu’un accident de dislocation dont on citerait fort peu d’exemples. Le calcaire condrusien présente ici de nombreuses traces d’argiles geysériennes et de minerais -, nous sommes dans une région où l’exploitation du fer, du plomb, du zinc et des pyrites a pris un grand développement dans ces dernières années. De Juslenville à Theux, la route est sur des alluvions, la vallée est dans la dolomie inférieure au calcaire à Productus ou de Visé. A Theux, le calcaire supérieur reparaît. Dumont admettait en ce point, d’après la carte géologique dont nous avons parlé, une faille dirigée vers le N. E. avec abaissement de la partie N. 0. Cette faille, découverte à l’occasion de recherches industrielles pour lesquelles Dumont avait été con¬ sulté, a été niée avec une vivacité dont on n’a pas perdu le souvenir; elle ne paraît pas avoir été recoupée par les travaux, qui, si mes renseignements sont exacts, sont encore à 150 ou 200 mètres de la ligne marquée par Dumont. Nous en admet¬ tons l’existence d’autant plus facilement que, comme on peut s’en assurer d’un coup d’œil, elle est parallèle à l’axe du petit bassin houiller de Juslenville et 5 sa limite septentrionale, ainsi qu’à la grande faille dont il a été question hier. Le bassin anthraxifère de Theux est dans une situation tout à fait anor-* 786 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, male; et, quand on tient compte de l’identité de ses assises avec celles qu’on observe au nord de Pépinster dans le massif de la Yesdre, il nous semble ne pouvoir être considéré autrement que comme un démembrement de notre grand massif anthraxi- fére, limité à l’ouest, au nord et à l’est par trois failles. La première est exactement parallèle à la fracture où coule le Wayais et jalonnée par d’abondants gîtes de fer; la seconde se trouve au contact du terrain rhénan et du terrain carbo¬ nifère que nous avons vu à Juslenville ; la troisième est jus¬ qu’ici peu accusée, d’autant plus que les travaux de mines ont fait reconnaître que les limites assignées par Dumont à son étage caicareux condrusien doivent être notablement modi¬ fiées. Des dénudations subséquentes, dont l’action a dû être bien puissante, ont effacé les inégalités produites par ces dislocations et ont donné au pays son relief actuel; il est trés- probable que ces dénudations sont contemporaines de celles, non moins énergiques, qui ont enlevé les sommets des plis du terrain anthraxifère dans le Condros. Si ces failles existent, il est probable, par analogie avec la grande faille de notre terrain houiller, que celles qui sont parallèles à cette dernière seront inclinées vers le nord. Il résulte de ce qui précède que nous ne pouvons accepter la manière dont Dumont a interprété la constitution du bassin anthraxifère de Theux. Nous reproduisons ici, à une échelle réduite, la coupe idéale qu’il a représentée dans sa carte géo¬ logique des environs de Spa. H — Système houiller. C — Système coudrusien. E — Système eifelieu. G — Système gédinuien. On y voit le massif anthraxifère de Theux formant un petit bassin isolé, présentant un débordement progressif des étages DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. vers le nord. Suivant nous, il y a là deux failles, dont l’une est rendue très-apparente par le contact du gédinnien et du calcaire carbonifère supérieur, comme l’indique la figure ci-dessous. Nous ajouterons, pour terminer, que ce système de failles n’a pas paru du goût de tout le monde : pendant la halte du déjeuner, l’opinion de Dumont a été défendue par plusieurs géologues. Après avoir jeté un coup d’oeil sur la dolomie carbonifère que l’on observe à l’origine de la route de Mont, gris brunâtre, sub¬ celluleuse, assez solide, d’aspect finement grenu, à grains dis¬ tinctement nacrés, la Société a visité une carrière de calcaire sur la rive gauche du ruisseau de Hodbomont; il est de teinte assez claire et reconnu généralement comme calcaire de Visé quoique l’on n’y ait point rencontré de fossiles. De là» elle s’est rendue sur la rive droite, où elle a examiné la carrière, aujour¬ d’hui abandonnée, de marbre noir de Theux, que le propriétaire, M. Dethier, lui a obligeamment montrée. On y a exploité un calcaire du plus beau noir, compacte, à cassure largement con- choïde, devenu noir brunâtre dans les parties exposées depuis longtemps aux injures de l’air. A la surface des bancs se voient quelques enduits d’anthracite, et l’on rencontre parfois, à l’in¬ térieur, de petits globules compactes de la même substance, rappelant ceux, plus gros et plus nombreux, que l’on observe dans les calcaires de couleur claire de Visé. Les bancs sont presque verticaux, séparés par des lits de calcaire schistoïde noir brunâtre, terne, tellement chargé de matières charbonneuses qu’il tache fortement les doigts. Ce marbre noir se représente près de là, dans le lit de la rivière, et des travaux de mine récents l’ont fait reconnaître dans plusieurs endroits, intercalé dans le calcaire de Visé, vers la partie supérieure duquel il semble se trouver. Jusqu’à présent, on n’en a cité aucun fossile ; 788 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, une empreinte végétale assez fruste, rapportée à un Lepido - dendron , y a été trouvée aujourd’hui par M. Fr. Dewalque. C’est à quelques mètres de cette carrière que se trouvent les bancs où M. Dethier père a signalé de beaux cristaux de quartz noir bipyramidés, matière qui remplace ici les silex concrétionnés ou phthanites que l’on observe fréquemment ailleurs. Il est donc bien digne de remarque que ce marbre noir ne représente pas celui que nous verrons à Dinant, inférieur à la dolomie -, il paraît plutôt correspondre aux couches anthraci- teuses que l’on observe vers le haut de l’étage en différents points, par exemple, près d’Anhée, dans la vallée de la Meuse. La Société s’est ensuite rendue directement à Marche, par un sentier tracé dans les psammites condrusiens dont les frag¬ ments jonchaient le sol (1). La roche en place, médiocrement inclinée vers le nord, se voit parfaitement de l’autre côté du village, sur les flancs de la colline au sommet de laquelle se trouvent les ruines du célèbre château de Franchimont-, il y a là, vers le bas, quelques bancs de calcaire subordonnés au psammite. Le contact de cette dernière roche et des schistes de Famenne est caché par les alluvions du ruisseau de Poleur \ mais la transition se montre dans le passage de la structure massive des psammites à la structure schistoïde. Après avoir passé la rivière et le ruisseau, on a visité une carrière ouverte dans la partie supérieure des schistes de Famenne, carrière dans laquelle se voient parfaitement deux couches d’oligiste ooîithique de 30 centimètres environ de puissance : cette roche est fort pauvre en ce point -, c’est plutôt un psammite ou un grès ferri— fére rouge violet, renfermant de nombreux globules inégaux d’oligiste terreux de même couleur. On la retrouve identique dans le massif de la Yesdre, où l’on peut la suivre jusque vers la frontière de Prusse ; vers l’ouest, elle se rattache aux couches plus puissantes et beaucoup plus pures, dont l’exploitation a pris aujourd’hui un si grand développement vers Huy et Namur. Elle se trouve ici dans des schistes bien feuilletés, gris verdâtre ou gris jaunâtre, avec le Spirifer Verneuili , VOrthis stricitula , (1 ) Le temps n'a pas permis d’aller assez loin pour examiner l'assise du calcaire condrusien inférieure à la dolomie, c’est-à-dire le calcaire à Crinoïdes ou de Tournay (G3 des coupes ci-dessus). DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 789 X A thyms concentrica , la Rhynchonella pugnus, une petite go- niatite, fossiles que l’on trouve à la fois dans les schistes et dans l’oligiste. De ce point, la Société a regagné à Spixhe la route de Spa, sur laquelle le calcaire eifelien est recouvert d’alluvions-, on le distingue à gauche en dessous de Devant-Staneux -, on en ob¬ serve quelques affleurements à droite, dans un chemin creux. Le calcaire de cette bande présente d’ailleurs les mêmes carac¬ tères que celui que l’on a vu à Pépinster, notamment les lamelles spathiques devenant jaune de rouille à l’air. En dessous de cet étage reparaît celui du poudingue de Burnot; seulement, on ne peut observer sur la chaussée les bancs de poudingue qui sont visibles de l’autre côté de la rivière. La limite inférieure assignée par Dumont n’a pas été reconnue j la plupart des membres ont été d’avis, comme M. Gosselet, qu’il faudrait la reporter plus bas -, j’admettrais 200 à 300 mè¬ tres au S. E. Ici les roches rouges prennent un aspect gedin- nien plus prononcé : les schistes sont plus fissiles, les grès verts sont d’un vert plus pur. Bientôt on rencontre une petite bande, composée surtout de grés grisâtres, que Dumont a indiquée dans son mémoire (1) comme appartenant probablement à l’étage taunusien de son svstéme coblencicn : mais cette bande n’est \) J pas figurée sur la carte géologique des environs de Spa, qui est plus récente que ce mémoire. A partir de ce point, on suit les roches gedinniennes, grès verts, parfois mélangés de grains de kaolin (arkoses de Dumont), et schistes rouges, sou¬ vent celluleux ou à noyaux calcaires, quelquefois verts, jusque près du Marteau, où l’on trouve une petite selle de terrain ar- dennais. Une tranchée du chemin de fer montre des bancs de quartzo-phylladezonaire gris bleuâtre, composé de feuillets minces alternatifs de psammite gris verdâtre plus clair et de phyllade gris bleu, dominant et dont le clivage, oblique à la (1) Mémoire sur les terrains ardennais cl rhénan de f Ardenne , du Rhin , du Brabant et du Condroz , p. 347 ( Mém . de t Acad, de Belgique , t. XXII). — D’après Dumont, il y aurait une bande tau- nusienne, traversée par une voûte gedinnienne ; la partie septentrio¬ nale supporterait l’étage quartzo-schisteux du système eifelien (Burnot). 790 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , stratification, traverse les lits quartzeux de manière à donner des feuillets montrant les zones alternatives. Les roches gedinniennes rouges et vertes se retrouvent ensuite sur 200 à 300 mètres, puis reposent en concordance sur 2 mè¬ tres de grès grossier, blanchâtre, passant au poudingue pisaire ; la direction est d’environ 45 degrés, et l’inclinaison 70 degrés vers le N. 0. Les schistes irréguliers, gris bleuâtre, qui, autour du massif de Rocroy, séparent les roches rouges et vertes du pou¬ dingue de Fépin, avec lequel ils constituent l’étage inférieur du système gedinnien, ne semblent pas exister autour du massif ardennais de Stavelot. Dans cette dernière région le poudingue de Fépin est ordinairement plus puissant qu’au point où nous l’avons observé. Immédiatement après le poudingue reparaissent les quartzo- phyllades du système salmien dont nous avons vu une voûte tantôt, mais ils sont en bancs verticaux. La discordance entre le terrain rhénan et l’ardennais est donc parfaitement visible; elle est d’autant moins douteuse que les roches salmiennes conservent leur allure sur une étendue considérable. Celles que l’on a observées à gauche de la promenade du Marteau con¬ sistent en quartzo-phyllades feuilletés, c’est-à-dire divisibles parallèlement aux feuillets, qui sont alternativement du phyl- lade violacé ou bleuâtre et du psammite gris bleuâtre brunis¬ sant à l’air. Ce système salmien n’a offert jusqu’à présent que des empreintes végétales indéterminées. Sans entrer dans la recherche des nombreuses variétés de ces roches, la Société s’est rendue directement à l’extrémité de la promenade de Sept-Heures, où la colline qui abrite Spa des vents du nord, est formée de phyllades très-feuilletés gris bleu foncé, dans lesquels la stratification est presque impossible à reconnaître en l’absence des quartzites à grains fins, de même couleur, veinés de blanc, qui, avec les phyllades, constituent ce système moyen du terrain ardennais auquel Dumont a donné le nom de système revinien. Le phyllade est traversé par un filon d’eurite bifurqué, que Dumont a figuré dans son mémoire, et dont voici de nouveau la figure. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 791 C’est une eurite très-quartzeuse, pauvre en alcalis, presque compacte, d’un gris blanchâtre très-clair, tirant sur le gris jaunâtre. Elle ne semble pas avoir produit de modification dans les phyllades où elle est intercalée -, il est impossible d’affirmer qu’elle ne suit pas la stratification, mais il est évident qu’elle est bifurquée, de sorte qu’une branche au moins doit être un filon transversal. M. Gaudry fait connaître â la Société qu’il a vu chez M. De- thier à Theux, lors de la visite de la carrière de marbre noir, des débris d’ossements recueillis dans la caverne que la Société a visitée le matin dans le calcaire eifelien de Pépinster. Il a notamment remarqué avec intérêt la partie antérieure d’un crâne humain auquel adhère encore le limon dans lequel il était engagé-, cette pièce est dans le même état de fossilisation que plusieurs canines d 'Ursus spetœus , une tête entière de blaireau et des dents d’un petit ruminant recueillies dans la même place. Ce fait, ajouté à tous ceux qui ont été cités par Schmerling et d’autres naturalistes, contribue à confirmer l’opinion que des hommes ont vécu en Belgique au temps de YUrsus spelœus . M. Gosselet insiste sur plusieurs points que la Société a constatés. C’est, d’abord, que le poudingue de Burnot, au mur du diable , repose en stratification concordante sur les roches sous-jacentes } puis, qu’il est bien difficile d’établir une division tranchée dans la série de couches intercalées entre ce poudingue et le terrain carbonifère au sud. La même difficulté se repré¬ sente plus loin, pour la distinction des étages, au voisinage de la station de la Reid. En outre, on trouve ici deux massifs de roches rouges, séparés par des grès schistoïdes grisâtres. On ignore quelles raisons ont engagé Dumont à ranger le tout, sur sa carte géologique, dans le système gedinnien -, sans vouloir formuler une nouvelle opinion, et s’en tenant à un simple aperçu 792 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, des faits, il semble à M. Gosselet qu’on peut voir, dans les grès grisâtres, le représentant de l’étage taunusien. Les roches rouges qui sont au nord appartiendraient au poudingue de Burnot, et celles qui sont au midi resteraient seules dans le système gedinnien. En effet, si l’on considère d’une manière générale les divisions établies par Dumont dans le terrain rhénan, on reconnaît qu’il y a deux étages de grés et deux étages de schistes alternants } les deux formations arénacées sont le taunusien et l’ahrien -, les deux formations scshisteuses sont le gedinnien et le bundsrückien. M. Donckier confirme que Dumont, dans un mémoire anté¬ rieur, rapportait aussi ces roches à l’étage taunusien ; seulement il retrouvait, au nord, le système gedinnien aussi bien que celui du poudinge de Burnot. Une discussion s’engage ensuite au sujet du filon d’eurite, que plusieurs membres ne reconnaissent pas comme plutonien. M. d’Orbigny notamment le considère comme sédimentaire -, ce ne serait qu’une couche de roche particulière, déposée au milieu des phyllades, sans même que la composition fut bien différente. En effet, la composition des phyllades est analogue et peut se laisser ramener à du feldspath avec plus ou moins de mica ou de talc. Cette euriteest, suivant lui, la même chose quel’euritine qui s’observe dans l’ardoisière à Vichy, et dans laquelle on trouve des parties grossières ou poudinguiformes, et même des fossiles végétaux, comme on peut le voir dans les collections du Muséum. M. Piette reconnaît, comme on l’a fait remarquer, qu’il n’y a pas de marque sensible de métamorphisme de contact ; mais, en revanche, il y a là une bifurcation bien nette, favorable à l’opinion qui fait venir cette masse de l’intérieur. M. Mathéron insiste sur cette dernière circonstance et signale, en outre, les irrégularités d’allure de la masse et ses étrangle¬ ments qui semblent s’opposer à ce qu’on la considère comme sédimentaire, même métamorphique. M. Dewalque fait connaître qu’il a rencontré dans le pro¬ longement du filon, vers le haut de la montagne, des masses renfermant des globules plus durs-, il rappelle que M. Delesse a indiqué cette structure globulaire comme propre aux masses DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 793 plutoniennes. Néanmoins, il reconnaît l’affinité de cette roche avec d’autres masses d’eurite de la contrée, dans lesquelles se sont conservées des traces évidentes de stratification. M. le Président invite MM. Studer et Girard à bien vouloir faire connaître leur opinion à la Société mais ces Messieurs s’excusent sur la rapidité de l’examen qu’ils ont pu faire sur les lieux. Sur les instances qui leur sont faites, M. Studer signale l’absence des salbandes qu’on observe dans les filons de trapp ou de porphyre. M. Girard croit cette masse méta¬ morphique-, il a vu, notamment dans le pays de Siegen, des masses identiques fort étendues et dont on ne pouvait fixer les limites. La Société s’occupe ensuite de régler la course du lendemain, et la séance est levée. Séance du mardi 1er septembre 1863. i La séance est ouverte à neuf heures. M. Binkhorst remercie la Société de l’honneur qu’elle lui fait en se réunissant chez lui, puis il donne quelques détails sur la course qui doit avoir lieu le lendemain. M. Binkhorst ajoute qu’il est chargé par l’administra¬ tion communale de Maestricht d’annoncer le désir des auto¬ rités de témoigner leurs sympathies pour les sciences et, en particulier, pour l’illustre Société qui visite ce pays. Deux échevins sont chargés de recevoir la Société à son retour de Fauquemont et de la conduire en voiture à la montagne Saint- Pierre, où ils lui offrent une visite aux flambeaux de ces célèbres souterrains, puis des rafraîchissements. Ces messieurs ont en outre manifesté le désir de prendre part avec le bourg¬ mestre au dîner qui réunit la Société à l’hôtel du Lévrier. Des applaudissements unanimes expriment les remercîments de la Société. Le secrétaire est ensuite invité à rendre compte de l’excur¬ sion de la journée : La Société a quitté Liège à sept heures du matin et est arrivée à Tongres à neuf heures et demie. Elle s’est rendue Soc. géol. , 2e série, tome XX. 51 79 li RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, immédiatement au chemin de fer de Tongres à Bilsen, pour examiner une grande tranchée située sur le territoire de Tongres et, à son extrémité nord, sur celui d’Hénis. On y voit parfaite¬ ment, sur les talus récents, les diverses roches de l’étage supé¬ rieur du système tongrien de Dumont, ou les marnes argileuses d’Hénis de M. d’Omalius d’Halloy. Cet étage est caractérisé minéralogiquement par une assise d’argile verte, ordinairement divisée en deux par du sable très- fin, très-argileux, jaunâtre, riche en fossiles et renfermant accidentellement des lits d’argile brune ou noirâtre plus ou moins chargée de matières charbonneuses. A la base se trouve un peu de gravier ou de sable grossier blanchâtre. J’évalue à 12 à 15 mètres sa plus grande puissance dans ce canton. La coupe que nous avons étudiée, bien qu’elle ne nous ait pas montré les limites de l’étage, nous a fait voir presque toutes ses roches avec leurs fossiles et nous a permis de prendre une bonne idée de leur disposition, ainsi qu’on peut le voir par la coupe ci-dessous : Coupe de la tranchée du chemin de fer a Tongres . Tongrien supérieur. 1 — Argile verte inférieure, sans fossiles. 2 — Sable fin argileux, riche en fossiles. 3 — Argile brune iiguiteuse. 4 — Argile verte supérieure, à Cyrènes. 5' — Argile très-ügniteuse, commençant par uu lit de lignite terreux. 5 — Argile brunâtre passant à 4. 6 — Argile verte, avec lit coquillier à la base. 7 — Limon hesbayen (loess), avec rares galets de silex dans les dépressions. La base de l’étage n’est pas visible, mais on voit la couche qui la recouvre immédiatement, l’argile verte sans fossiles. Cette argile est plastique, contenant un peu de sable fin, blanc, anguleux et une notable proportion de sable blanc extrê- ment fin-, elle se polit assez bien dans la coupure, se désagrégé promptement dans l’eau, ne fait pas effervescence avec les acides ^ en se desséchant à l’air, elle se fendille irrégulièrement j DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 79 àf cependant, quand elle a été comprimée, elle garde parfaite¬ ment la forme qu’on lui a donnée. Elle se recouvre çà et là de petites efflorescences blanches, insipides, de sulfate de chaux. Sa limite supérieure est assez égale ; en certains points, elle deyient rapidement brune, ligniteuse, et alors cette limite est très-nette; ailleurs, ce lit brunâtre s’amincit ou même dispa¬ raît tout à fait, et alors la limite est peu marquée. Au-dessus vient une couche de sable très-fin et très-argi¬ leux, gris blanchâtre ou jaunâtre clair, ordinairement bigarré de rouille, ne faisant pas d’effervescence avec les acides. La plus grande partie de la masse est un sable excessivement fin; le reste est de l’argile grise avec un peu de sable à grains fins ou demi-fins, presque tous de quartz blanc; de sorte que ce mélange serait peut-être mieux appelé limon. 11 renferme un certain nombre de fossiles disséminés; en outre, trois lits très- coquilliers le partagent ordinairement en quatre parties ; son épaisseur atteint 2 mètres , elle varie irrégulièrement et dimi¬ nue, en général, vers l’extrémité méridionale de la tranchée. A l’autre extrémité, il y a un point où ce sable argileux ravine l’argile verte sur une profondeur de plus de 0m,50, sur un des côtés de la tranchée seulement. La limite supérieure de cette couche est largement ondulée, assez nette dans la plupart des points. Au-dessus vient une argile ligniteuse brunâtre, se désagrégeant moins rapidement dans l’eau, plus sableuse et se polissant imparfaitement dans la coupure; on n’y a pas trouvé de fossiles. En certains points la limite supérieure est marquée par un lit plus brun, nette¬ ment arrêté vers le haut; ailleurs, l’accumulation de matière végétale a fait défaut, et il arrive même que cette argile brune passe à l’argile verte supérieure. Celle-ci n’est visible que sur cinq ou six espaces comprenant environ la moitié de la tran¬ chée; sur le reste elle a été emportée par les dénudations dilu¬ viennes. Elle renferme de très-rares fossiles, au moins dans un lit à l’entrée de la tranchée; nous ne nous rappelons que la Cyrena semistriata et une cythérée indiquée dans les listes de M. Bosquet comme C. incrassata , Sow., mais qui serait, d’après M. Goubert, la C. splendida , Sow. Un peu avant d’arriver au viaduc, à la limite des communes 796 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , de Tongres et d’Hènis, on observe, surtout du côté de l’est, un ravinement considérable -, l’argile brune remplit une pro¬ fonde dépression creusée aux dépens du sable jaunâtre et de l’argile verte inférieure-, sa limite supérieure, fortement con¬ cave, est occupée par un lit de iignite terreux très-impur de 0m,10 dans les parties les plus déclives; au-dessus vient un peu d’argile verte passant graduellement à l’argile brune, puis un lit mince, blanchâtre ou verdâtre, coquillier-, et enfin, de nouveau l’argile verte. L’assise supérieure de la coupe est formée par la vaste nappe de limon hesbayen {loess) qui recouvre tout le pays. Sur la plus grande partie de la tranchée, i! a environ lm,20 à lm,50; il ravine à peine les assises tertiaires et présente vers le bas quelques rares galets arrondis de silex de la grosseur d’une noix, qui s’accumulent dans les dépressions; en quelques points on en observe même à deux niveaux, enfouis dans du sable gros¬ sier qui passe au limon vers le haut et présente la même colora¬ tion ; ailleurs, on trouve quelques coquilles tertiaires roulées. A l’origine de la tranchée, ce système diluvien présente une épaisseur de plusieurs mètres, constitués pour la plus grande partie par des sables plus ou moins grossiers, gris jaunâtre ou gris brunâtre, stratifiés et même présentant souvent une fausse stratification assez inclinée, marque de l’agitation des eaux où ils se sont déposés. La disposition des roches tertiaires et surtout celle du lignite, indique un dépôt fluvio-marin ou un affluent d’eau douce peu éloigné. L’examen des fossiles conduit à la même conclusion. M. Bosquet y a recueilli : POISSONS. Sphœrodus parvus ?, Ag. CRUSTACÉS. Cytheridea Mulleri , Munst., sp. Balanus un gui for mis, Sow. ANNÉLIDES. Galeolaria acutirostris , Bosq. MOLLUSQUES GASTÉROPODES. Cerithium elegans, Desh. Cerithium plicatum, Lmk., var. Galeotlii , Sandbg. — lima y Desh. — Lamarcki , Desh. Sandler geria cancellata , Nyst, sp. Turbonilla lœvissirna , Bosq. Planorbis depressus , Nyst. Nematura pupa , Nyst, sp. Hydrobia Duchasteli. , Nyst, sp. — Draparnaudi , Nyst, sp. Melania Nysti , Duchast. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 797 Melania inflata , Nyst. Na tien Nysii, d’Orb. Ncritina pseudoconcava , d’Orb. MOLLUSQUES LAMELLIBRANCHES. Mya Tungrorum , de Ryckh. Corbula subpisijormis, Sandbg. | Psammobia nitem , Desh. Syndosmya papillata , Bosq. Cytherea incrassata , Sow., var. triangularis, Sdbg. Cyrena semistriata, Desh. — neglecta , Nyst, sp. Driessensia Nysti , d’Orb. Ce caractère fluvio-marin a servi à Dumont pour séparer ces couches c!e celles que nous allons voir, et dont il formait l’étage inférieur du même système tongrien. Après avoir cherché trop longtemps des fossiles, la Société est rentrée à Thotel du Paon pour le déjeuner. Elle s’est ensuite dirigée vers la tuilerie de Tongres, à quelques minutes au nord de cette ville-, malheureusement l’exploitation était comblée, et l’on n’a pu observer que des sables mélangés. De là elle s’est rendue à la tuilerie d’Hénis où elle a examiné, outre les argiles du tongrien supérieur exploité, les sables gris verdâtre du ton¬ grien inférieur. Ce dernier étage commence ordinairement par un lit de gravier qui se lie vers le haut à des sables à grains moyens plus ou moins glauconifères. Au-dessus viennent des sables très-fins, doux, pailletés de mica, plus ou moins argileux, que recouvrent des sables glauconifères moins fins, moins argileux et parfois assez riches en fossiles marins. A Hénis, on n’a vu à découvert que la partie supérieure consistant en sables sans fossiles d’une puissance de 3 à h mètres, et peu glauconifères. Cette rareté de glauconie est d’ailleurs un fait constant dans la partie orientale du Limbourg. De ce point, la Société s’est dirigée sur Vieux-Jonc ( Oude - Bieseri). En rejoignant le chemin de fer au S. E. du Vieux- Hoesselt, elle a observé une tranchée dans laquelle le limon hesbayen assez puissant recouvre des sables à grains moyens, demi-gros ou gros, jaunâtres de diverses nuances, tous dépour¬ vus de fossiles-, leur niveau est supérieur à celui des argiles vertes du voisinage -, ils appartiennent donc à l’étage inférieur du système rupélien. J’ai eu l’occasion de vous signaler l’extrême irrégularité de la distribution des fossiles à ce niveau. Certaines localités sont extraordinairement riches : Berg, Kleyn-Spauwenj Vieux-Jonc, etc. -, le plus souvent les fossiles sont rares ou même 798 HÉ UNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, introuvables. Dans une sablière aux environs de Louvain, que j’ai visitée souvent, je n’en avais jamais rencontré lorsque, il y a quelques mois, l’exploitation mit à découvert une sorte d’amande de lm,50 de diamètre, dont le sable était plein de pétoncles et de cyprines. M. d’Omalius a aussi appelé votre attention sur le vaste dépôt de limon qui recouvre ce pays, et vous a fait remarquer la constance de ses caractères minéralogiques, quelles que soient les roches sous-jacentes -, il vous a signalé les difficultés que présentent les diverses hypothèses que l’on peut faire sur son origine. En montant au château de Yieux-Jonc, vous avez reconnu dans les berges du chemin les argiles vertes du tongrien supé¬ rieur, recouvertes de diluvium à petits galets de silex et à coquilles tertiaires roulées; et je vous ai montré, à droite et à un niveau un peu plus élevé, les traces d’une excavation où j’ai recueilli, il y a quelques années, les fossiles que vous avez ramassés en si grande abondance dans le parc du château. Je dois adresser ici mes remercîments à son propriétaire, M. du Vivier, qui a bien voulu faire creuser h l’endroit convenable. On y a vu des sables fins, légèrement argileux, à peine cohé¬ rents, gris jaunâtre, quelquefois jaune brunâtre, pleins de fossiles; quelques lits sont plus cohérents, plus argileux, rela¬ tivement pauvres en fossiles, et leur teinte brunâtre semble annoncer la présence de matières charbonneuses. M. Bosquet y a recueilli les fossiles suivants, dont il a bien voulu me remettre la liste : CRUSTACÉS. Cf t lier e Jurinei , Munst. Cytheridea Mulleri, Munst., sp. — JVilliamsoniana , Bsq. -Bal anus unguiformis , Sow. ÀNNÉLIDES. Galeolaria acutiroslris , Bsq. MOLLUSQUES GASTÉROPODES. Buccinurn Gossardi , Nyst. Bleurotoma costellaria, Duchast. Cerithiiun elegans , Desh. — plicatum, Lmk, var. Ga- leotti , Sndbg. — LamarckC Dsh. — lima, Dsh. Neritina pseucloconcava , d’Orb., Natica JSysti , d’Orb. Sandbergeria cancellata , N., sp. Turbanilla lœvjssima , Bsq. Rissoa Michaudi , Nyst. Hydronia Draparnaadi, N,, sp — Dachasteli , N,, sp. Nematura pupa, N., sp. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. N em attira Dunckeri , Bsq. — b i cl en s , Bsq. Melania Nysti , Duchat.. — injlata , Nyst. Planorbis dcprcssus , Nyst. — Scliultzianus , Dunk., Limneus acutilabris , Sdbg. MOLLUSQUES LAMELLIBRANCHES. Mya Tungrorum , de Ryckh. Corbula subpisiformis, Sandb. Corbulomya triangtila , Nyst. i5y/z dos mya frügi lis , Bsq . — papillota , Bsq. Psammobia nitens , Desh. Tellina Nysti , Desh. 799 Cytherea incrassata , Sow. , var. triangularis , Sdbg. Lucina Omaliusi , Désh. — Thierensi , Desh. — tenuistria , Hébert. Cyrena semistriata , Desh. — - neglecta, Nyst. sp. Astarte Henckeliusiana , Nyst. — pseudo- Omalii ^ Bsq. Driessensia Nysti , d’Orb. Mytilus subfragilis, d’Orb. Limopsis Goldjussi , Nyst. Pectunculas obovatas , Lm. Vola Hœningluiusi , Defr., sp. FORAMINIFÈRES. Triloculina Bornemanni, Bosq. Ces couches inférieures du système rupélien ont été rangées par Dumont à une certaine époque (1.) dans le système tongrien; mais je sais positivement qu’il a changé d’avis peu de temps après; je n’en connais pas davantage. Si nous avions eu le temps de pousser notre excursion jusqu’à Berg ou à Kleyn-Spauwen, comme je me l’étais proposé, vous y auriez vu les autres assises du rupélien inférieur. Au-dessus de couches identiques à celles de Vieux-Jonc s’observent des sables demi-fins, en couches plus épaisses et plus régulières, blancs ou jaunâtres, purs, quelquefois un peu argileux, qui ren¬ ferment, au moins à certains niveaux, des fossiles très-abondants où dominent le P ectunculus obovatus, la Cyprina Heberti et le Pecten [Jcinira> Vola ,) Hœninghausi; ce sont donc des assises marines. Au-dessus vient un ou deux mètres de marne grise finement sableuse, à faune marine, caractérisée par la Nueula Lyelliana. Cette assise constitue la partie la plus élevée du plateau, sous le limon hesbayen 5 on la considère comme la plus élevée du rupélien inférieur-, toutefois, je dois ajouter que je ne l’ai jamais observée sous le rupélien supérieur ou argile de Boom, et je ne crois pas que telle observation ait été faite jusqu’à présent. Il en résulte que d’autres sables pourraient (4) Rapport sur la carte géologique [Bull, de l’Acad. de Belgique , t. XYI, V part., p. 370, 1 849). 800 HÉ UNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, être compris entre ces deux assises, ou bien, comme sir Ch. Lyell était tenté de l’admettre (1), qu’elles pourraient être parallèles. En quittant Vieux-Jonc, la Société s’est rendue à Lethen pour visiter les sables du tongrien inférieur fossilifères, zone de Y Ostrea 'ventilabrum . Du hameau, deux chemins creux descen¬ dent à la vallée du Démer $ jusqu’à présent je n’ai trouvé de fossiles que dans celui du sud. On traverse d’abord les argiles vertes de l’étage supérieur du tongrien dont la base estobscure -, je crois y avoir trouvé jadis quelques petits galets de silex, que j’ai vainement cherchés depuis 5 peut-être provenaient-ils d’un remaniement artificiel, ces sortes de galets étant souvent em¬ ployés pour empierrer les chemins. Plus bas, on trouve du sable demi-fin, meuble, pailleté, d’un gris verdâtre pointillé de vert noirâtre, produit par des grains (moins de 2 0/0) dont la plupart sont de la glauconie. En continuant à descendre, 011 a rencontré quelques lits fossilifères, où Y Ostrea ventilabrum est très-com¬ mune. M. Bosquet a recueilli dans cet étage : POISSONS. Lamna elcgans, Àg. ANNÉLIDES. Galeolaria trochoides , N. sp. Mœrschia turbinata , Phil., sp. Serpula septaria , Giebel. MOLLUSQUES GASTÉROPODES. Rostellaria cimpla, Brander. — - plana , Beyr. Cancellaria lœviascula , Sow. — quadrata , Sow. — evulsa , Soland. — granulata , Nyst. — elongata , Nyst. Borsonia Deluci , Nyst. Turbinella pyrulœjormis , Nyst. Ficula nexilis.t Soland., sp. Fus us elongatus , Nyst. — crassisculptus, Beyr. — Sandbcrgeri , Beyr. — egregius , Beyr. — brevicauda , Phil. Typhis pungens , Soland., sp. Murex Des hayesi , Nyst. — Dannebergif Beyr. — asper , Soland. — plicatocarinatus, Gieb. Purpura pusilla , Beyr. Cassidaria depressa , y. Buch Cassis affinis , Phil, — Germari , Phill. Pleurotoma acuticostata , N. — turbida , Soland. — bellula , Phil. — Selysi , de Kon. — • Bosqueti , N. (l ) Mémoire sur les terrains tertiaires de la Belgique et de la Flandre française. {Ann. trav . publics de Belgique , t. XIV ; traduc¬ tion par MM. Toilliez et Lehardv de Beaulieu, d’après les Trans. geol. Soc. London , t. VIII, 1 852). DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 801 Pleurote ma Zimmermann i, Ph. — granulala , Ph. * — Dumonti , N. — - conoides , Soland. Conus LamarchC F- E. Edwards. Ancillaria cànalijera , Lmk. Poluta subgranulata , Schl. ,sp. — décora , Beyr. — semigranosa , N. — sutura lis, N, — ci n gui a ta, N. Cerithium Hencheliusi , N. Sandbergeria cancellata, N. sp. Turbonilla Sanclbergcri , Bosq. Odontostoma Semperi , Bosq. Arnpullina submulabilis, d’Orb., sp., Natica hantoniensis , Sow. Turritella crenulata , N. — planispira , N. Solarium Dumonti , N. Xenophora extensa, Sow., sp. Emarginula Nystiana, Bsq. Calyptrea s tri a tel la, N. Tornatella simula ta, Brander. ( T. Nysti, Du ch.) Bulla apicina, Phil. Cylichna teretiuscula , Phil., sp. Dentalium acutum , Hébert. MOLLUSQUES LAMELLIBRANCHES. Gastrochœna Rauliniana , Desh. Siliqua Nysti , Desh. Corbula Henheliusi , Nyst. ■ — subpisijormis, Sdbg. Neœrea jragilis, Nyst. Syndosmyabrevis , Bosq., 4 851 (1 ). Tel lin a Nysti , Desh. Psammobia stampinensis , Desh. Cytherea Bosqueti , Héb. Cytherea splendida , Mérian. — incrassata , Sow. , var. co/??- pressa , Sdbg. Cypricardia pectinulata, Seraper. Cardium elegans, Nyst. — tenuisulcatum , Nyst. — cingulatum , Gdf. — Rau Uni, Héb. — porulosum , Lmk. Isocardia subtransversa , d’Orb. — carinata , Nyst., — - multicostata, Nyst. Lucina gracilis, Nyst. — Thierensi, Desh. (Z,, stria - tula , Nyst). Diplodonta Nysti , Bosq. (Z). ew/<7, Nyst, 1 843, non Münster (Goldf.), nec Z). apicalis, Phil.). Z^r/rt commutata, Phil. Cardita latesulcata, Nyst. — Omaliusi , Nyst. Astarte Bosqueti, Nyst. Woodia plicatella , Bosq. Limopsis costulcita , Gdf., sp. Pectunculus lunulatus, N. — Philippii, Dsh. sulcicostata , Nyst. Modiola Nysti , Kickx, sp. Pecten subreconditus , d’Orb. — corn eus, Sow. Z'b/rt incurvata, Bosq. [Pecten in¬ curva tus, Nyst.) Spondylus Buchi, Phil. Ostrea Queteleti , N. — ventilabrum, Gdf. — callifera , Lmk. ANTHOZOAIRES. Denclrophyllia arnica , Milne Ed¬ wards et J. Haime. (1) M. Deshayes ayant employé en 1857, c’est à-dire six ans plus tard, pour une espèce différente des sables moyens, ce même nom spécifique, ce nom devra nécessairement être changé. Je propose donc de dédier celle du bassin parisien à l’éminent paléontologiste français et de l’appeler Syndosmya Deshayesi, I. B. 802 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, Plus bas, les sables sont plus argileux et leur base est cachée par les alluvions du Démer, que l’absence d’excavations n’a pas permis d’étudier. On s’est ensuite dirigé sur Munsterbilsen. A la rencontre de la route de Bilsen à Martenslinden, la Société a examiné une assise épaisse de diluvium caillouteux, à galets de silex arrondis, du volume d’une noix à celui d’un œuf, enfouis dans du sable grossier où iis forment plusieurs couches courtes et irrégulières, séparées par du sable grossier gris jaunâtre clair. Ce dépôt qui a 3 ou /i mètres de puissance, est recouvert de 6 mètres au moins de limon hesbayen que l’on voit parfaitement jusqu’au chemin qui conduit à la station. En dépassant ce point jusque à la crête de la colline, où la nouvelle route de Bilsen à Mar¬ tenslinden est ouverte en tranchée, on trouve au-dessus du limon précédent une couche de cailloux ardennais, grès et quartzites divers et quartz blanc, incomplètement roulés, entre¬ mêlés de sable impur, sur laquelle repose une nouvelle assise de limon, semblable au précédent, peut-être un peu plus rou¬ geâtre et paraissant résister moins aux agents météoriques que le limon ordinaire qui, comme on le sait, se maintient très-bien en escarpements unis et verticaux. En avançant vers l’est, les cailloux ardennais diminuent et disparaissent bientôt*, les deux limons se superposent immédiatement, et toute distinction ne tarde pas à s’effacer. J’ai trouvé quelques coquilles terrestres dans le dépôt limoneux supérieur, notamment Y Hélix nemoralis. La superposition des diluvium à silex et à cailloux ardennais est extrêmement rare chez nous-, aussi ne tirerai-je aucune conséquence de la disposition qui a été observée. La Société a gagné ensuite la station de Munsterbilsen, où elle a pris le train qui î.’a amenée dans la cité hospitalière de Maestricht. M. Piette demande quelle est la différence entre le tongrien supérieur et le rupélien inférieur. M. G. Dewalque répond que le premier est caractérisé par des argiles vertes ou brunes et ligniteuses, dont le second est dépourvu-, celui-ci est spéciale¬ ment sableux, et l’on n’y rencontre que des traces de matières charbonneuses. En outre, Dumont indiquait à sa base un lit habituel de gravier, marque d’un changement dans le régime des DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 803 eaux, qui aurait mis fin à la série tongrienne. Si M. Dewalque est embarrassé pour citer les localités où cela s’observe, il ne le serait pas pour en faire connaître plusieurs où l’on rencontre de gros graviers, parfois de vrais galets, mais reposant sur les sables marins du tongrien inférieur : la Société en verra un exemple près de Louvain. Cette disposition ravinée ne prouve pas que la limite doive être placée où nous l’indiquons, vu l’ab¬ sence de fossiles ; mais elle montre qu’au point de vue strati- graphique, l’étage des argiles tongriennes et celui des sables rupéliens sont séparés par une perturbation dont il y a lieu de tenir compte. M. Piette, sans méconnaître la valeur de ces arguments, ne peut se dispenser de faire remarquer que les observations paléontologiques que la Société a pu faire dans cette excursion, ne montrent pas de différence sensible dans la faune de ces deux étages -, M. Goubert et M. d’Orbignv parlent dans le même sens. Ce dernier s’appuie sur ce qui se passe dans les couches cor¬ respondantes aux environs d’Etampes, où la démarcation est très-nette, tandis qu’on n’observe ici qu’un lit de galets ou même de gravier. M. Mathéron pense, au contraire, que cette démarcation, établie par le calcaire de la Brie, doit se retrouver ici, et qu’elle semble ne pouvoir être mieux placée qu’à la limite entre la série argileuse et la série sableuse. M. Dewalque ajoute que la faune des assises supérieures de ce rupélien inférieur est marine, c’est-à-dire qu’il y aurait en tout cas une démarcation à établir entre ces assises et le tongrien supérieur fluvio-marin. M. Goubert fait ensuite une communication sur le synchro¬ nisme des diverses subdivisions admises dans le bassin de Paris, en Belgique, dans le bassin de Mayence, à Gassel et dans le nord de l’Allemagne. Nous avons remarqué que M. Goubert a tiré de la paléontologie des arguments de grande valeur à l’appui des synchronismes établis par Dumont entre ses subdivisions et celles de Paris, en s’appuyant sur des considérations stratigrapbiques que l’on n’a pas toujours jugées suffisantes. M. Yan Scherpenzeel-Thym croit avoir trouvé le sable campi- nien dans plusieurs points de la région que la Société a traversée. M. de Bouville fait connaître à la Société que, dans une visite SO/l RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, aux carrières de Visé, il a été frappé de la ressemblance entre le calcaire de cette célébré localité et les calcaires carbonifères de l’Hérault : des deux côtés, c’est le même aspect, la même nuance, la même absence de stratification, et, chose remarquable, les calcaires à Productus de Gubières reposent également sur le calcaire dévonien. La séance n’est levée qu’à onze heures et demie. Séance du lx septembre 1863. La Société se réunit à sept heures et demie dans une des salles de l’hôtel-de-ville de Bruxelles, que M. le bourgmestre s’est empressé de mettre à sa disposition. La journée du mercredi 2 septembre a été consacrée à l’étude de la craie de Maestricht, système maestrichtien de Du¬ mont. M. Binkhorst Yan den Binkhorst a dirigé la Société dans sa visite à Fauquemont et à la montagne Saint-Pierre. La réunion du soir n’ayant pu avoir lieu, notre zélé confrère a bien voulu nous transmettre le compte rendu suivant : Course cl Geu/hem et à Fauquemont , le 2 septembre 1803. La Société géologique, partie de Maestricht à huit heures dix minutes par le chemin de fer, s’est arrêtée à la station de Meerssen. Elle s’est rendue immédiatement, par le pré com¬ munal de cette commune, au hameau de Geulhem aux bords de la Geulle. Son guide, M. de Binkhorst, lui fit remarquer, en s’approchant des premières collines calcaires à Meerssen, les fortes assises diluviales et tertiaires, qui couvrent les collines et occupent environ la moitié de leur hauteur. L’étude rapide de la coupe de ces mêmes collines commença à l’endroit prés de Geulhem, où la Geulle se rapproche d’elles, dont, à Meerssen, elle est séparée par le pâturage commun. Les chemins creux qui conduisent à Berg montrent l’épaisseur des couches dilu¬ viales et tertiaires (1, 2, 3 de la coupe). Ces dernières, représentées par des sables blanc grisâtre, jaunâtres, sans fossiles, devenant argileux vers le bas, de l’étage DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 805 tongrien de Lethen, ont une épaisseur de 20 mètres environ. Ces sables sont couverts par 6 mètres de cailloux roulés (2) et lm,50 de loess (1). M. Binkhorst fit remarquera la Société la surface profondé¬ ment ravinée de la craie sur laquelle l’assise quaternaire repose en stratification discordante et à une profondeur de Qm,!5 de cette surface (A), la première couche fossilifère épaisse seule¬ ment de 0m,01 à 0m,15 (5), formée de débris, la plupart rou¬ lés, d’espèces de bryozoaires, qui se trouvent aussi dans les autres couches à bryozoaires, de dents de requin, de baguettes de Cidaris Faujasi , etc., et de petits cailloux de quartz. Un examen de cette couche et de ses fossiles a convaincu les membres de la Société qu’elle ne contient aucun fossile ter¬ tiaire, qu’elle ne renferme que des fossiles crétacés et appar¬ tient donc à l’époque crétacée, quoiqu’un membre de la Société eût exprimé une opinion contraire. Couverte de craie jaunâtre grossière, se distinguant de cette craie par sa couleur plus foncée, comme la plupart des autres couches de bryozoaires et en général les couches fossilifères, aucun doute ne peut s’élever concernant l’origine crétacée de cette couche. Elle repose sur 0m,3 (6) de craie avec empreintes et moules de gastéropodes et bivalves, fort endurcie vers le haut et alors d’une couleur grisâtre, qui la sépare delà seconde couche fossilifère (7), large de 0m,2Q et davantage, remarquable par l’abondance extrême des baguettes de Cidaris Hardouini , Des., C. Faujasi , Des., des dents de requins, entre autres d’une espèce de Notidanus, et traversant la craie d’une manière inégale avec une épaisseur qui varie depuis celle que nous venons d’indiquer jusqu’à 0m,5. Elle contient des morceaux de calcaire endurci et repose sur un banc fort dur de couleur grisâtre, haut d’environ 0!U,2 (8) et renfermant une faune de gastéropodes et de bivalves, faune remarquable, dont un certain nombre d’espèces particulières à cette couche, ne descend pas plus bas. Parmi les gastéropodes M. de Binkborst y a recueilli des Cérites, T urri telles, etc., qu’on ne rencontre plus dans les couches inférieures et, parmi les acéphales, d’abondants Cucullœa , Jrca , Pholadomya , Lucina , etc. En dessous de cette couche il y a A mètres envi¬ ron de craie jaune (9), avec Hemiaster prunella, Des., Fau - 806 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , jasia apicalis , Des., Hemipneustes rcidiatus. Cet échinoderme y est abondant, mais presque tous les individus sont de fort petite taille. Plus d’un paléontologue n’hésiterait peut-être pas à en faire une espèce différente de VH. rcidiatus tel qu’il a été décrit par M. Desor, d’Orbigny, etc. Cette craie couvre une couche de bryozoaires (10), renfer¬ mant les mêmes espèces que les couches subjacentes, de 0m,2 d’épaisseur, dont quelques débris seulement affleurent du côté de la Geulle, mais qu’on retrouve dans le chemin creux à côté de cette colline. Cette couche est séparée de la couche de bryozoaires plus épaisse et que nous avons indiquée sous le nom de première couche à bryozoaires dans notre Esquisse géologique , p. 31, etc., d’abord par du calcaire endurci, large de 0m,25 (11), ayant conservé les empreintes et les moules de V Ammonites pedernalis , von Buch, probablement la dernière des ammonites, de Scaphites constrictus , d’Orb., Baculites Faujasi, d’Orb., d’un grand nombre de gastéropodes et de bivalves et remarquable encore par l’abondance des Nerita rugosa , Hoeninghaus, P-erna triptera , Goldf. , et surtout d’une espèce de bivalve dont il est difficile de recueillir des valves j entières, sur le genre de laquelle il existe encore des doutes, mais qui, à la première vue, présente quelques caractères des j avicuîes. Ensuite nous rencontrons 9m,/{ de craie grossière (12). On y trouve cependant de nombreux exemplaires d 'Ostrea larva , Goldf., de Baculites Faujasi , Lamk., Cardium propinquum, , Munster, Nautilus Heberti, Nob. Au-dessus de la première puissante couche de bryozoaires on remarque encore un banc ! dur de 0m,5 de hauteur (13), renfermant beaucoup d’em¬ preintes d’anthozoaires, de rares individus de Radiolites Lapey - i rousii , des empreintes d’univaîves et de bivalves. La couche de ; bryozoaires est moins épaissie ici qu’au Heunsberg à Fauque- i mont, ne mesurant que 1 mètre à lm,5 (13). Elle repose sur un banc dur, épais de 0m,3 (13) avec nombreuses empreintes. Entre cette couche de bryozoaires et celle que nous avons jus¬ qu’à présent nommée la seconde couche à bryozoaires, il y a environ 3 mètres de craie jaune (IA). Cette couche de bryo¬ zoaires (15), qui a ici la même épaisseur que l’autre (quel- DU 80 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 807 quefois même elle paraît plus épaisse de lm,5 à2m,0), est couverte par et repose sur des bancs de craie fort dure de 0m,3 (15), et 0m,5 (15) de hauteur, renfermant les mêmes fossiles que les bancs durs précédents et de nombreuses concrétions lenticulaires; souvent creuses, couvertes de bryozoaires, de serpules, spondyles, etc. Au Kloosterberg, la Société géologique put voir la couche à Dentalium Mosœ , Bronn, Iiemipneustes radiatus, Ostrea vesi- c u la ris et Ostrea inflata , d’Orb., large de 0m,25 (17) qui se trouve à 1 mètre (16) environ en dessous de la seconde épaisse couche de bryozoaires. En se rapprochant de Fauquemont, elle vit paraître derrière la poudrière environ 0m,60 (18) en dessous de cette couche à Hemipneustes et Ostrea inflata , Goldfuss, la couche pétrie de Dentalium Mosœ , Bronn, et renfermant de nombreux gasté¬ ropodes, à l’état d’empreintes et de moules. A Fauquemont même, en dessous de la ruine du château, la Société constata raffleurement de la première (19) et de la seconde couche (23) à D. Mosœ , épaisses d’environ 0m,30 chacune, impor¬ tantes aussi par le grand nombre de gastéropodes qu’elles con¬ tiennent, séparées par 2m,20 (20) environ de craie jaune et par la dernière couche à bryozoaires large de 0m,5 jusqu’à un mètre (21), caractérisée par plusieurs genres nouveaux pour la science, et pour la craie supérieure, comme Stellocavea 9 reposant aussi sur un banc dur d’un décimètre environ de hauteur avec empreintes de gastéropodes et par 2m,â0 de craie grise (22) (1). Concernant ces couches pétries de Dentalium ( Ditrupa ) Mosœ , M. de Binkhorst insista sur la remarquable faune de gastéropodes et de bivalves qu’elles renferment, avec absence presque complète d’échinodermes et de brachiopodes. 11 a encore constaté à Sibbe, village éloigné d’une demi-lieue de Fauquemont, la seconde couche à Dentalium se subdivisant en trois minces couches, chacune d’un décimètre d’épaisseur. (1) Nous avons indiqué, sur le dessin de la coupe de Geulhem à Fauquemont qui accompagne et explique ce compte rendu de la course de la Société le % septembre 4 863, les couches supérieures suivantes 808 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, Elles s’y distinguent de la première couche à gastéropodes, à Fauquemont, par de nombreux débris du beau crustacé Eunior- phocorystes sculptus , Binkh., et par d’autres genres de gasté¬ ropodes, comme celui de Cancellaria, représenté par plusieurs espèces. Il considère comme contemporaines de ces couches celles de Kunraed, formées d’une véritable agglomération de fossiles des genres Nucula, Corbula , Cyprina , P ectunculus , Tellina , Area, Geivillia , etc., d’abondants individus des deux espèces de nautiles de notre craie, Nautiïus Heberti et depres- sus , d’ Ammonites Decheni, nob., Baculites Faujasii , Bronn, d’une grande espèce pas encore décrite de térébratule, du grand crustacé Oncopareia Bredai , Bosq., de Rhynchonella lata , Nilsson, et de nombreuses espèces de gastéropodes et des bivalves parmi lesquelles un assez grand nombre d’espèces des couches à Dentalium ( Ditrupa ) Mosœ. Elles sont encore remarquables par l’abondance de moules et d’empreintes surtout de la petite valve ou valve droite d’un rudiste du genre Caproti- na , se rapprochant d’après la détermination de M. Deshayes, de la C. Cenomaniensis , d’Orb., et recueillie aussi à Ciply par M. de Ryckholt, qui l’a décrite dans ses : « Mélanges paléontolo- giques sous le nom de Requienia ciplyana . Nous y avons du Heunsberg, que M. de Binkhorst nous a déjà fait connaître par sa coupe du Heunsberg, communiquée à la Société le 2 novembre 1 863. a. Craie jaunâtre . 4m,00 b. Couche mince, à bryozoaires, avec Ostrea decussata, Goldf. , O. in fia ta, Goldf. , Ne- rita rugosa , Hœningh., Belemnitella ma - cronata , d’Orb . 0m,10 c. Banc dur . 0m,20 d. Craie jaune . 0m,70 Ainsi que les couches inférieures de cette même colline du Heuns¬ berg, en dessous des ruines du château, que la Société n’a pas eu le temps d’examiner : 24. Craie grise . 4m,32 25. Couche à débris d’Huîtres . 0m,10 26. Craie grise . 0m,90 27. Couche à débris d’Huîtres . 0m,50 28. Craie grise. . . 0ni,90 DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 809 encore recueilli des fragments d’un autre rudiste du genre Caprinelln , d’Orb. Gomme à Fauquemont, ces couches sont souvent d’une dureté extrême, et le calcaire qui les couvre ou plutôt qui les entoure, est pétri de restes de plantes marines et terrestres, décrites par M. le docteur Debey (d’Aix-la-Chapelle) et M. le professeur Miquel (d’Amsterdam). Cette flore accuse le voisinage de côtes boisées. Une couche grisâtre, saupoudrée de petits points de charbon, dure, poreuse comme un tuf volcanique, affleurait encore il y a deux ans en dessous d’elles. Elle était entièrement composée d’individus de Dentalium ( Ditrupa ) Mosœ et avait une largeur de 30 centimètres. Après avoir pris quelques rafraîchissements à Fauquemont, la Société retourna à Maestricht par le convoi de midi et fut reçue et complimentée à la gare par une députation de l’admi¬ nistration communale, composée de deux échevins, MM. Wynans et Verduchêne, et de M. Crahay, membre du conseil communal. Ces messieurs mirent à la disposition de la Société des voitures qui la transportèrent à la montagne Saint-Pierre. Elle y con¬ stata rapidement la présence des mêmes couches qu’à Fauque¬ mont, mais à partir de la première couche principale de bryo¬ zoaires. La dénudation, lors du dépôt des couches tertiaires et quaternaires, a enlevé les couches qui existent encore à Geul- hem. M. de Binkhorst fit encore remarquer à la Société le peu d’épaisseur à Saint-Pierre de l’assise en dessous des couches à Dentalium ( Ditrupa ) Mosœ et de la couche inférieure de bryozoaires, assise caractérisée par les silex gris, par un bra- chiopode abondant en certains endroits de la montagne Saint- Pierre, la Terebratella pectiniformis , v. Schl. sp., et d’abon¬ dants débris de cirripèdes. Cette assise qui sépare, à Saint-Pierre comme à Fauque¬ mont, la craie supérieure de la craie blanche à silex noirs, n’a qu’une épaisseur de 9 mètres environ à Saint-Pierre et, à Fau¬ quemont, une hauteur déplus 30 mètres. Dans les environs de cette commune, elle est caractérisée presque jusqu’à son point de contact avec la craie blanche à silex noirs, par la présence de fossiles caractérisant la craie supérieure comme VHemi- pneustes radiatus, très-abondant à un endroit nommé Geeren Soc. géol 2e série, tome XX. 52 810 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, dael. La couche glauconifère qui, à Fauquemont comme à Saint-Pierre, forme comme une couche de transition entre la craie supérieure et la craie blanche, y est aussi beaucoup plus épaisse, un quart de mètre et davantage, qu’à Saint-Pierre, où elle n’a qu’un décimètre de hauteur. Le lavage nous y a fait constater un certain nombre des mêmes espèces, Bourgueticrinus eUipticus , Mill., Asterias quinqueloba , Goldf. , Lima semisul- cata , Goldf., des dents de requin, des valves de cirripèdes et des bryozoaires. A Saint-Pierre comme à Fauquemont, cette même couche couvre la craie à silex noirs, caractérisée parles fossiles ordinaires de la craie blanche, Terebraiula çarnea , Sow., Crania Ignabergensis , Retz, var., C. paucicostata , Bosq., C . antique i, Defr. , Catopygus piriformis , Ag. Prés de Fauquemont elle couvre, aux bords de la Geulle, la craie blanche à silex noirs, que nous retrouvons plus loin avec la faune de cette époque. Les couches inférieures de la craie supérieure sont donc d’une épaisseur plus grande au fur et à mesure qu’on se rapproche du centre du bassin, dans lequel la craie s’est déposée. La Société après avoir visité les cryptes célèbres de la mon¬ tagne Saint-Pierre, qu’éclairaient en ce moment un grand nombre de flambeaux, accepta ensuite les rafraîchissements offerts par MM. les échevins. Quelques membres se rendirent un peu plus loin au château de Castres où elle constata la pré¬ sence des couches inférieures à Dentalium Mosœ , une. autre partie se rendit à Maestricht pour examiner la riche collection de M. deBinkhorst. Au moment où la Société était de nouveau réunie à la table de l’hôtel du Lévrier une surprise bien agréable lui advint. M. Pyls, bourgmestre de la ville, accompagné de MM. les échevins, vint prendre part au dîner, heureux de don¬ ner à la Société une preuve de sympathie et de rendre hom¬ mage au cuite des sciences naturelles. Au dessert, M. Pyls exprima en termes chaleureux sa vive satisfaction de se voir au milieu de tant d’hommes éminents. Il les remercia de l’honneur fait à la ville de Maestricht et les félicita, enfin, de répandre au delà des frontières de leur pays les lumières de leur science ; M. d’Omalius d’Halloy le remercia au nom de la Société de l’accueil cordial qui lui était fait. Plusieurs toasts, entre autres DU 30 AGIT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 813 au membre de la Société qui lui avait servi de guide, par M. A. Gaudry, furent encore portés. Lorsque le lendemain la Société quitta le sol néerlandais, elle emporta de vifs regrets de ne pouvoir plus longtemps séjourner dans cette vieille cité où les sciences furent toujours tenues en grand honneur, et qui a prouvé par la réception dont elle à honoré notre Société qu’elle n’a pas dégénéré. Le jeudi, 3 septembre, la Société s’est divisée. Une partie de ses membres, profitant de l’invitation de M. M. Braun, alla visiter le gîte calaminaire de la Vieille-Montagne (. Altenberg ) à Moresnet, sur la frontière entre la Belgique et la Prusse. M. Fr. Dewalque, conservateur des collections minérales de l’université de Liège, fut chargé de les conduire sur les lieux. M. Braun, s’appuyant d’une carte géologique des environs qui a été faite sous sa direction, et dont il a remis un exem¬ plaire à la Société, donne un aperçu de la géologie du pays et de la nature et composition des gîtes calaminaires de la Vieille-Montagne, lequel il résume en ce qui suit : Constitution géologique du sol. — - Les terrains qui compo¬ sent le sol des environs sont principalement le schiste dévonien supérieur, le calcaire carbonifère et le terrain houiller. Ils forment alternativement des selles et des fonds de bateau, et la direction dominante des couches est de N. E. à S. 0., leur inclinaison est naturellement variable, tantôt au N. 0. tantôt au S. E., mais fréquemment les couches sont renversées de sorte qu’elles s’inclinent dans le meme sens sur les deux versants soit d’une selle, soit d’un bassin, dans ce cas vers le S. E. 5 ces différents terrains forment des bandes de plus ou moins de largeur juxtaposées les unes aux autres. Superposé à eux en stratification discordante, se trouve ie terrain crétacé dans une grande étendue, occupant surtout les hauteurs. Failles et gîtes de contact . — On connaît dans les environs plusieurs failles qui traversent les terrains dans la direction N. N. 0. à S. S. E. et y forment des rejets plus ou moins importants* elles paraissent être en connexité directe avec les gîtes métallifères. En effet, on observe que ces gîtes se ren¬ contrent de préférence aux points d’intersection de ces failles avec les limites de terrains -, ceci est, du reste, un fait qui a été RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , 812 reconnu depuis longtemps pour les gttes analogues des envi¬ rons de Stolberg comme aussi pour ceux de la vallée de la Meuse. Quelquefois les failles mêmes sont métallifères, et le filon voisin du Bleyberg, un des plus intéressants et importants du pays, en forme un des plus beaux exemples. Gîte de Moresnet. — C’est 5 peu près sur la continuation de ce filon vers le S. E. que se trouve le gîte de Moresnet, à la partie inférieure d’un petit bassin de calcaire carbonifère. Ce bassin forme un fond de bateau qui s’incline vers le S. 0. et qui s’éteint dans son affleurement N. E. C’est cette extrémité du bassin calcaire qui se trouve renfermer la grande masse de calamine qui s’incline, comme le fond de bateau même, vers le S. 0. Ici, comme généralement dans les environs, les couches inférieures du calcaire carbonifère sont complètement dolomi- tiques, et c’est la dolomie qui est particulièrement remplacée par de la calamine sur plus de 250 mètres de longueur. Le gîte même est formé par une masse compacte de minerai de 15 à 20 mètres de puissance, quelquefois traversé par de petites veines d’argile ferrugineuse. Il se trouve généralement séparé de la dolomie encaissante par de l’argile rouge dite bolaire qui forme quelquefois, vers l’affleurement, des masses assez considérables. Vers le S. 0. le gîte se ramifie et forme des branches éparses dans la dolomie, que l’on poursuit dans leur prolongement. Roche encaissante. — Entre la dolomie, qui entoure le gîte et qui ne montre jamais de stratification distincte, et le schiste dévonien, il se trouve ici une couche de 7 à 8 métrés de puis¬ sance composée d’une espèce d’argile schisteuse noire à laquelle succède un banc de dolomie quartzeuse remplie de petites géodes et de parties de dolomie cristallisée, qui proviennent de restes fossiles de coraux et de crinoïdes. — En dessous de ce banc commence le schiste proprement dit renfermant encore quelques faibles couches intercalées de calcaire et alternant avec des couches plus ou moins puissantes de grès quelquefois très-quartzeux et compacte. La couche de dolomie quartzeuse forme donc pour ainsi DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863* 813 dire l’enveloppe du bassin calcaire qui renferme le gîte calami- naire \ c’est elle qui, étant très-perméable, transmet de préfé¬ rence les eaux de la surface vers le fond des travaux de mine. Cette couche se retrouve du côté opposé de la selle de schiste dans la vallée de la Gueulle, et c’est près de la maison du garde de l’étang qu’on la constate à la limite du schiste et du calcaire. Elle est ici moins dolomitique et remplie de restes bien carac¬ térisés de Cjathophyllam et de crinoïdes. Gîte de Schmalgraf. — A la distance de 2500 mètres du grand gîte de Moresnet se trouve, dans la continuation de la même zone de calcaire, un gîte de contact bien caractérisé, à la limite supérieure du calcaire carbonifère avec un petit lambeau de terrain houiller. Ce gîte peu reconnu jusqu’à présent paraît être d’une cer¬ taine importance et se prolonger sur une grande distance dans la direction des couches. Composition. — La composition des gîtes calaminaires varie suivant leur nature. Le gîte de Moresnet se compose d’un mé¬ lange de carbonate et de silicate de zinc et renferme fréquem¬ ment de larges rognons de silicate anhydre (willémite) comme aussi des veines et rognons d’un minéral vert (1) composé d’un silicate double de zinc et d’alumine. La dolomie encaissante contient généralement, surtout au contact du gîte, une quantité notable de manganèse et un peu de zinc (jusqu’à 9 et 10 p. 100). Les gîtes de contact proprement dits, sont généralement composés de carbonates de zinc plus ou moins mélangés d’ar¬ gile et de minerais de fer hydroxydés. Vers la profondeur et surtout au contact du terrain houiller, ces carbonates sont remplacés par des sulfures de plomb, fer et zinc formant des rognons à bandes concentriques. Origine des gîtes. — La formation des gîtes en question (1) L’analyse de ce minéral, faite au laboratoire de la Vieille-Mon¬ tagne par M. Risse, a constaté une teneur en oxyde de nickel, qui s’élève, dans une variété vert clair, jusqu’à 1,1 4 pour Î00. D’après les analyses faites, la formule de ce minéral est 3Zn1 * 3Si-f-2AlSi4-1 OHO ou Fe et Ni, viennent remplacer une petite portion de Zn. 81â RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , peut être, en général, expliquée par le dépôt des minerais de zinc amenés en solution par des sources minérales, en rempla¬ cement de certaines parties des couches calcaires dans lesquelles les gîtes se rencontrent. Ce sont les failles mentionnées et les contacts de terrains qui paraissent avoir donné naissance à ces sources» Pour la description plus détaillée des gîtes et de leur forma¬ tion, M. Braun renvoie à son mémoire publié dans les Annales de la Société géologique allemande de 1857, volume IX, 2e livraison, page 35 h et suivantes. M. Braun invite ensuite les membres de la Société, qui s’intéressent aux minéraux qui composent les gîtes en ques¬ tion, à voir sa collection particulière. Il montre d’abord les différentes variétés de zinc carbonaté et ses cristallisations; il attire l’attention de ces messieurs sur la composition chimique de ces carbonates qui renferment presque tous plus ou moins de fer carbonaté (jusqu’à 33 p. 100), sou¬ vent du manganèse, et plus rarement de la chaux et de la magnésie. M. Braun a fait exécuter plus de vingt analyses de ces car¬ bonates. Quant aux silicates, M. Braun montre un grand nombre de cristallisations remarquables, parmi lesquelles toute une série de cristaux hêmimorphes qui ont servi de types au mé¬ moire cristallographique de M. Schrauf ( Compte rendu de la section de mathématiques et sciences naturelles de V Acadé¬ mie impériale de Vienne , vol. XXVIII, année 1859, p. 789 et suivantes). Enfin, il montre encore de beaux échantillons de willémite, de blende concrétionnée des gîtes de Welkenraedt et de Rabot- traedt et de calamine formée par la décomposition secondaire de cette blende. Le reste de la Société devait se rendre à Louvain pour étu¬ dier le terrain tertiaire des environs; mais un certain nombre de membres préférèrent visiter les riches carrières de Visé avec M. Horion. Les autres, partis avec le train de Liège, éprou¬ vèrent le désagrément de manquer dans cette ville la corres¬ pondance pour Louvain. De là un retard par suite duquel DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 815 l’excursion se borna aux environs de cette dernière localité. On voit parfaitement, dans la station du chemin de fer, la partie moyenne du système bruxellien -, ce sont des sables à grains moyens, fort peu glauconifères, calcariféres, en couches peu puissantes, souvent à fausse stratification, séparées par des lits de rognons ou de piaques irrégulières de grés lustrés et quelques lits minces de marne calcaire finement sableuse 5 cette composition est identique à ce que nous rencontrerons à Bruxelles. On n’y trouve que de très-rares Ostrea flabel- lufa (1). Au yiaduc de la chaussée de Tirlemont, on voit quelques grès ferrugineux à un niveau un peu plus élevé -, la même chose s’observe en plusieurs points autour de Bruxelles. Les couches supérieures ne sont pas visibles ici. Après avoir quitté le chemin de fer au viaduc, on monte une pente très-douce, traversant le haut du système bruxellien, le laekenien, réduit à une couple de mètres dans cette région, et la base du tongrien; ces diverses assises sont cachées sous le limon hesbayen {loess), mais elles sont visibles en beaucoup de points, dans les chemins creux au sud de la chaussée. Après un trajet de y!100 mètres à l’est, on arrive à une colline qui longe le côté nord de la chaussée sur plusieurs lieues-, au point où nous sommes, elle porte, sur la carte de la Belgique au 20q0-0-, le nom de Predikheeren-berg (montagne des Frères prêcheurs). Une grande briqueterie y a été établie depuis longtemps et a mis parfaitement à découvert la série tertiaire de ce pays depuis le tongrien jusqu’au diestien inclusivement. Cette coupe, la plus belle que l’on connaisse dans nos ter¬ tiaires, a été décrite minutieusement par Dumont dans un travail très-important (2), mais trop peu connu en dehors de la Belgique, pour que je ne croie pas devoir en reproduire ce qui la concerne-, j’ai eu, d’ailleurs, plusieurs occasions de con¬ stater que les progrès de l’exploitation n’ont fait qu’apporter (1) Suivant M. Lehon, cette espèce serait propre au système laekénien; l’espèce bruxellienne serait Y O. cymbulci , Lam. (2) Note sur la position géologique de C argile rupélienne et sur le synchronisme des formations tertiaires de la Belgique , de f An¬ gleterre et du nord de la France [Bull, acacl. de Belgique , t. XVIII, 2e part., p. 179; août 1851). 81(5 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, de légers changements dans les épaisseurs relatives des diverses assises. <( Cette carrière présente, de haut en bas, la série découches suivantes : A1 Sable glauconifère diestien, devenu ferrugineux et d’une cou¬ leur brun foncé par altération . 1m,00 A2 Cailloux ovulaires de silex, entremêlés de sable glauconifère et ferrugineux, qui forment la base du système diestien. 0m,10 B1 Glaise subschistoïde rupélienne . 0m , 50 B2 Sable jaune zoné de brun jaunâtre, meuble, à grains moyens, inégaux, un peu arrondis, renfermant quelques grains siliceux noirâtres et passant, vers le bas, au sable argileux. . 4m,00 B3 Sable fin argileux, jaune brunâtre, de diverses nuances, d’un aspect hétérogène, un peu cohérent, dans lequel on distingue quelques grains siliceux noirâtres et quelques paillettes de mica . . . 1m,20 B4 Sable fin, argileux, gris, légèrement pailleté, entremêlé de parties argileuses d’un gris foncé, plus cohérent que le précé¬ dent, en raison des matières argileuses qu’il contient. I m , 0 0 B5 Sable jaune brunâtre, meuble, légèrement pailleté, à grains demi-fins, assez égaux, parmi lesquels on distingue quelques grains siliceux noirâtres et rarement un grain quartzeux de 1 à 2 millimètres de grosseur . 0m,80 B6 Sable jaunâtre, analogue au précédent, mais renfermant des tubulures brunâtres, ferrugineuses, très-friables. Vers la partie orientale de la carrière, son épaisseur est de 0m,40, mais vers la partie occidentale elle est de . 1m,20 B7 Argile subschistoïde, plastique, d’un gris verdâtre terne, qui se polit parfaitement dans la coupure . 0m,02 B8 Sable jaune ou jaune brunâtre, à gros grains (de 1/2 à l milli¬ mètre), inégaux, très-arrondis, colorés à leur surface, dans lequel on distingue à peine quelques grains de silex et de limonite, quelques grains quartzeux de 2 à 3 millimètres et un peu de sable fin . 0m,10 B9 Gravier composé de cailloux pisaires de quartz translucide et de cailloux un peu plus gros et aplatis de silex noirâtre, entre¬ mêlés de grains moins gros (de 1 à 2 millimètres), et de sable fin jaunâtre de même nature. Ce gravier, dont l’épaisseur est très-variable, pénètre sous forme de filons, dans les anfrac¬ tuosités des roches inférieures . 0m,10 C1 Sable très-meuble, d’un blanc jaunâtre, à grains moyens ou demi-fins, anguleux, hyalins ou légèrement colorés à leur surface, dans lequel on remarque peu de grains de silex (1 pour 100). Ce sable renferme quelques points charbonneux, des veines ferrugineuses et des coquilles dont le test est en sable ferrugineux brunâtre, friable au point qu’on peut à peine les toucher sans les détruire. Ces fossiles ne sont guère détermi- DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 817 nables; cependant la forme de quelques-uns se rapproche beau¬ coup de celle de la Venus lœvigatci et de la Corbula Hencke - liusiana . 2m,50 C2 Sable argileux, glauconifère, jaune brunâtre, pailleté, un peu cohé¬ rent, toujours friable. Ce sable est composé d’environ 90 pour 1 00 de grains quartzeux demi-fins, anguleux, revêtus de matière argilo-ferrugineuse d’un jaune-brunâtre, de 10 pour 100 de grains de glauconie de même grosseur, dont une partie est sou¬ vent changée en limonite par altération et de quelques paillettes de mica . 2m,00 C3 Sable fin argileux, glauconifère, pailleté, d’un gris jaunâtre. Ce sable contient environ 10 pour 100 de glauconie, mais il est un peu plus fin, plus argileux et plus pailleté que le précé¬ dent ; il est ordinairement imbibé par les eaux qui sont retenues par la couche, plus argileuse encore, qui se trouve en des¬ sous . 2m,00 C4 Argile sableuse, à grains fins, finement pailletée, d’un gris clair tacheté de brun orangé, cohérente, un peu friable, rude au toucher, ne se polissant pas dans la coupure. Les couches CPCWC4 sont mêlées ensemble pour faire des briques -, elles appartiennent à la partie inférieure du système tongrien. Il paraît que des sables analogues ont été trouvés jusqu’à 6 ou 7 mètres en dessous du fond de la carrière. En admettant cette donnée, l’épaisseur totale des couches ton- griennes de la carrière serait d'environ 13 mètres. Cette coupe offre donc clairement les superpositions sui¬ vantes : À. Système diestien . B. Système rupélien f^a§e supérieur, J 1 (etage inferieur, C. Système tongrien, étage inférieur. glaise . sables divers. . . 1m,10 0m,50 8m,42 1 3m,00 Les sables inférieurs du système tongrien prennent dans le Limbourg un grand développement ; ils y sont caractérisés par V O Street ventilcibrum et diverses autres coquilles qui consti¬ tuent une faune particulière. D’un autre côté la glaise rupé- lienneà septaria peut être suivie depuis le Predikheeren-berg , jusque dans le Limbourg, et partout elle offre des caractères minéralogiques tellement semblables à ceux de l’argile de Boom, que l’identité de ces argiles ne m’a jamais paru dou¬ teuse . A Lubbeeck, à une lieue et demie à l’E. de Louvain, j’ai rencontré les fossiles les plus caractéristiques de l’argile de B 18 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , Boom... Nucula Deshayesiana , N. Duchasteli et Astarte Kick xi. » Cette coupe donne lieu à plusieurs observations. 1° Outre les fossiles cités par Dumont dans la couche G1, la Société y a reconnu un pétoncle que sa forme rapporterait au P ectiuicLilus obovatus des sables rupéliens de Berg, espèce signalée fréquemment dans le tongrien inférieur. 2° Le gravier B9, qui commence le rupélien en dénudant le tongrien, indique une limite dont l’importance a été remar¬ quée, et l’aurait été davantage si je m’étais rappelé sur les lieux que le Pectuncalus obovatus descend dans le tongrien inférieur. Il faut noter ici que le changement dans leTégime des eaux a produit plus que des inégalités à la surface du tongrien et qu’un lit de gravier : il a opéré une dénudation considérable qui a entraîné l’étage supérieur du tongrien. Je n’ai pas encore ren¬ contré les argiles vertes dans cette région, quoique Dumont les ait indiquées en un point peu éloigné de celui où nous sommes. 3° Une autre lacune existe dans cette série : entre l’argile rupélienne et les sables diestiens manquent les sables du Bol- derberg. Ils ont été enlevés par la grande dénudation diestienne avec la plus grande partie de l’argile qu’ils recouvrent, on les rencontre à quelques kilomètres à l’est, sur plusieurs mètres d’argile rupélienne, et ces deux étages se continuent sans interruption de là jusque dans le Limbourg. Remarquons que ces sables sont sans fossiles ; au Bolderberg même je n’en ai jamais trouvé (1) ; aussi je les considère comme appartenant au miocène inférieur. Je n’en dirai pas autant de la couche fos¬ silifère du Bolderberg : au point de vue minéralogique et stra- tigraphique, elle se rapporte incontestablement au système diestien. Les espèces, peu nombreuses, que l’on y a recueillies, l’ont fait rapporter longtemps aux faluns ou au miocène supé¬ rieur. Mais M. Nyst a fait voir depuis quelques années que sa faune la rattache plus intimement au système diestien. Je crois utile de donner ici la liste des espèces qu’on y rencontre, les (1) On y a cité YOstrea Nysti. Était-elle bien en place? Dü 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 819 collections de Dumont, mes propres recherches et celles de M. Yan der Capellen me permettant d’ajouter quelques nou¬ velles espèces dont je dois la détermination à l’obligeance de M. Nyst. L’astérisque indique les espèces communes au système diestien ou crag noir d’Anvers. * Plaques de raies. *21 . Pleurotoma turrifera, Nyst. * 1. Balanus sulcatinus , Nyst. — turricula , Nyst. 2. Turritella crenulala , Nyst. 22. — reticulata , Risso. 3. — attrita, Nyst. — ramosa , Brocchi. 4. — incisa , Nyst, /zo/z Brong . 23. — turris, Lam. * 5. Ringicula buccinea ? Broc¬ 24. — - Stoffelsi , Nyst. chi. 25. — - denticula , Bast. * 6. Natica crassa , Nyst. *26. — semimarginata, Larak. Stacquezi , Nyst. — subcanalicuiata , de — millepunctata , Sow., Münster. fide Bosq. 27. — filosa , Nyst. * 7. — josephinia, Risso. *28. — cataphracta, Broc¬ — o//zz, M. de Ser. chi (1). — brevispira , Bosq. 29. — - flexuosa , de Münster. 8. — - Nyst i , d’Orb. *30. — - coronata, de Münster. — glaucinoïdes , Nyst 31. Fusas poli tus, Ren. * 9. *10. *11. (part.). Xenophorus Deshayesi , Mich. Phorus Lyellianus ? Bosq. Trochns millegranus , Phil. Oliva flamand ata, Sow. — üufresnei , Nyst. *12. Ancillarici obsoleta , Broc- chi. 1 3 . Cancellaria subevulsa , d’Or. 14. — planospira , Nyst. 15. — cassidea, Brocchi. 16. - — Dewalquei, Nyst. *17, Conus Dujardini , Desh. — Brocchii , Nyst. 18. Solarium simplex? Bronn. *19. Aporrhaïs pes-pelecani, L. sp. — alata , Eichw., fide Bosq. — belgica , d’Orb. *20. Pyrula reticulata , Sow. 32. Murex Poelmanni , Nyst. 33. Cerit/iium crassum , Duj. *34. Nassa labiosa , Sow. sp. 35. Pseudo-oliva Bingadina , Bronn. Buccinum Caronis , Bronn, «o/? Brong. 36. Terebra pertusa?, Bast. 37. — Basteroti , Nyst. 38. Columbella pjolita. *39. Mactra striata ? Nyst. 40. Donax transversa? Desh. — Stojjelsi , Nyst. L eda interrupta , Poli, sp. Venus erycinoïdes , Bast. — chione , L. — chionoides , Nyst. — multilamellosa . Nyst. — similis , Nyst. — Njsti, d’Orb. — incrassata, Nyst, part. 41 42 *43 *44 45 (1) Cette espèce nous paraît distincte de celle de Brocchi. RÉUNION EXTRAORDINAIRE À LIÈGE, 820 *46. Corbula gibba, 01. — pis uni, Nyst. part. * 47. Isocardia l inrpa , Goldf. (i). *48. Nucula Haescndonki, Nyst. 49. — Ryckholtiana , Nyst. *50. Pectunculus glycitn eris , L . — variabilis , Sow. *51 . latisulcata , Nyst. * 52. Avicula phalœnacea ? Sow. *53. Pecten Sowerbyi, Nyst. 54. Ostrea Nysti, d’Orb. — Meadii? Nyst. *55. Lunulites rhomboïdalis , Goldf. * 56. Flabelluni cristatum ,Eichw . — avicula , Nyst. *57. — Edwardsianum , Bos¬ quet (2). 11 y a donc 29 espèces communes au moins -, soit 50 p. 100 (3). Dans ce nombre figurent plusieurs des formes les plus caractéristiques du système diestien. En rattachant ainsi l’assise fossilifère du Bolderberg aux sables diestiens, on arrive à ce résultat très-important pour la classification du terrain tertiaire, qu’il existe une ligne de démarcation tranchée à la base du crag noir d’Anvers, système diestien ou falunien supérieur-, ce qui nous conduirait à l’opinion de Dumont, basée sur des considérations stratigra- phiques, et établissant une série tertiaire supérieure et une inférieure. En quittant la briqueterie, la Société est revenue à Louvain d’où elle est partie après le dîner pour coucher à Bruxelles. La journée du jeudi, h septembre, a été, en partie, consacrée au repos. Les membres venus de Louvain ont attendu leurs confrères arrivant de Moresnet et de Visé à Bruxelles, de sorte qu’il était près de midi quand on s’est mis en route pour visiter les carrières ouvertes dans les grès bruxelliens au faubourg de Schaerbeek. M. Nyst a bien voulu nous remettre les indica- cations de M. Lehon, empêché, et s’est joint à la Société avec M. le professeur Sismonda, qui se trouvait à Bruxelles, attaché à un des princes d’Italie. (1) Nous serions tenté de réunir à cette espèce 1’/. lunulata , Nyst, du diestien. (2) Nous partageons complètement l’opinion de M. Nyst, qui réunit ces deux espèces avec les F. PFacli , Nyst et F. Hainiei , Nyst. (3) Pour apprécier l’importance de ce chiffre, il est bon de ne pas perdre de vue que, sur 152 espèces trouvées à Edeghem, gîte essen¬ tiellement diestien, M. Nyst en a noté 58 inconnues dans les autres localités du même système. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1865. 821 Le système bruxellien est formé de sables à peine glauconi- fères, à grains généralement de grosseur moyenne, que caracté¬ risent surtout des grès lustrés en plaques irrégulières ou en concrétions allongées souvent ramifiées -, les assises supérieures sont calcariféres. Au-dessus, le système laekenien commence souvent par un lit mince de gravier quartzeux dont les grains ont au plus 2 millimètres de diamètre, mêlé de sables et de débris calcaires de toute sorte, plus ou moins roulés, où Ton trouve particulièrement, avec des dents de poissons, la Nummu- lites lœvigata abondante et roulée, avec la N. 'vciriolaria rare, espèces qu’on n’a pas encore retrouvées plus bas ; ce gravier passe à des sables calcariféres parsemés de grains rares de glauconie et passant au grés calcarifère ou plutôt au calcaire sableux, fossilifère; la TV. variolaria y abonde, la N. lœvigata y est devenue rare. Cette assise ne se rencontre pas partout; Dumont avait déjà remarqué cju’on ne l’observe qu’aux endroits où les sables et grès calcariféres qui terminent le système bruxellien, n’ont pas été enlevés. Plus haut se trouvent des sables quartzeux fins, verdâtres, avec une teinte jaunâtre ou brunâtre, commençant aussi par un lit de gravier, quelquefois mêlés de lits plus ou moins argileux vers le bas, renfermant des fossiles vers le haut. Je renvoie, pour les listes des espèces qui appartiennent à ces deux systèmes, à la dernière édition de X Abrégé de géologie de M. d’Omalius d’Halloy et surtout à l’intéressant mémoire que M. le capitaine Lehon a donné der¬ nièrement dans ce Bulletin (2e sér., t. XIX, p. 80 h) sur la géologie de cette partie de la Belgique. L’examen des carrières de Schaerbeek avait surtout pour but d’observer la disposition relative des deux systèmes bruxel¬ lien et laekenien. M. Lehon a signalé (/. c.) des ravinements considérables du premier parle second, disposition qu’il avait fait remarquer à sir Ch. Lyeîl, il y a plusieurs années, et que ce savant a exposée dans son mémoire sur les terrains tertiaires de la Belgique (1). En ce point, les fossiles bruxeliiens sont très -rares : on n’a guère rencontré que XOstrea flabellula et (1) On the tertiary strata oj Belguun ancl french Flanders. Londres, \ 852. — - Traduit par MM. Ch. Lehardy de Beaulieu 822 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, un fruit de JSipadites recueilli sur le sol par M. Fr. Dewalque. Ce dernier se rencontre dans des blocs concrétionnés de grès calcarifère qui se voient surtout vers le fond des ravinements creusés dans les bancs bruxelliens (1). Ces ravinements sont très-prononcés, et la Société a pu en observer de beaux exemples ; il est à regretter néanmoins que la disposition des lieux n’ait pas permis de constater de près les caractères minéralogiques des roches laekeniennes : ce sont des sables verdâtres, fins ou demi-fins, assez doux au toucher, quelquefois argileux, dépourvus de fossiles. Cette dernière circonstance laisserait du doute sur leur âge véritable, que la présence de l’argile pourrait faire reporter à l’époque du tongrien inférieur-, toutefois, on s’accorde à les considérer comme laekeniens. Mais il importe de remarquer que les assises calcariféres n’existent pas en ce point : pour moi, je crois qu’elles ont été enlevées lors du ravinement. La surface du sol est formée par le limon, peu puissant, reposant sur une couche de cailloux de silex roulés, dont les plus gros ne dépassent guère le volume d’un œuf-, je n’ai pas eu l’occasion d’y reconnaître le système diestien. La Société s’est transportée ensuite à Saint-Gilles, au S. de Bruxelles. Prenant le premier chemin à droite, après la roule qui va rejoindre à Fleurgat la chaussée de Charleroy, on ne tarde pas à voir, sous le limon et ses galets de silex, la partie supérieure du système bruxellien, dont les derniers bancs sont beaucoup plus calcariféres que les couches de Schaerbeek. Au-dessus, et sans ravinement marqué, se trouve et A. Toilliez : Mémoire sur les terrains tertiaires cle la Belgique et de la Flandre française (Extrait des Ann. des travaux publics de Belgique , t. XIV, 1856). (1) Je dois faire remarquer que, d’après une communication de M. Lehon, ces fruits se trouvent exclusivement dans le laekenien; ce n'est pas ainsi que j’avais compris la figure de la p. 815 du Bulletin , t. XIX. Voici les autres fossiles qu'il a rencontrés en cet endroit : Ostrca cynibula (non O. flabel- lulci) , Lm. Pinna margaritacea , Lm. Snlemya Lamarckiana , Nyst et Lehon. Rostellaria ampla , Nyst. Débris de poissons des genres Myliobates , Cœlorhynchus , Chimœra , Lamna , etc. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 823 le lit de gravier calcarifére et fossilifère : c’est à ce niveau qu’abondent les dents de poissons et la Nummulites lœvigata ; on y a trouvé, en outre : Ostrea flabellula , Pecten corneus , Sow. , Dentalium substriatum , Desh., Terebratula Kickxi , Nyst, Scutellina rotunda , Gai., Goniaster poritoules , Desm. , une crânie ( C . Hæninghausi , Mich. , d’après Davidson, G. variabilis, Gai., a/?., d’après Nyst), et ia Nummulites va- riolaria; auxquels M. Lehon ajoute : Ostrea cariosa , Desh., O. cy tabula, Lm., Pecten plebeius , Lm., P. corneus , Sow., Cardila planicosta , Desh. Au-dessus de ce lit viennent quelques assises de sables très- calcarifêres ou plutôt de calcaires arénacés quartzifères avec bancs peu cohérents qui paraissent renfermer les mêmes fossiles -, seulement, la Nummulites lœvigata y est rare, tandis que la N. variolaria est très-commune. Cette partie ne paraît pas avoir plus de 3 nfètres d’épaisseur; c’est la partie inférieure du îaekenien de Dumont. En continuant à monter, on observe des sables lins et doux, trés-glauconifères, verdâtres, ravinant assez profondément les couches sous-jacentes, et beaucoup plus purs, d’ailleurs, que ceux de Schaerbeek; c’est la partie supé¬ rieure du Iaekenien. J’ai fait remarquer sur les lieux que la grande dénudation signalée par M. Lehon se serait opérée entre ces deux dépôts, d’où l’on pourrait conclure qu’il y a lieu de démembrer le système iaekenien de Dumont : la partie inférieure, calcarifére, se rapporterait au bruxeîlien ou calcaire grossier de Paris, tandis que la supérieure pourrait représenter les sables moyens, comme Dumont l’admettait. Les fossiles de ces deux assises me sont trop peu connus pour que je puisse approfondir le côté paléontologique de la question. Les sables fins dont il s’agit sont sans fossiles; en les suivant jusqu’à la campagne Mosseiman, on se tient presque constamment à ce niveau ; de rares fossiles ont été indiqués dans quelques points; mais Sa pluie, qui commençait à tomber avec force, ne nous a pas permis de nous arrêter. Dépassant la propriété Mosseiman, Sa Société a pris un che¬ min creux qui descend à la route de Forêt; vers le haut, on voit les sables calcarifêres Iaekeniens à Nummulites, bruxelliens pour M. Lehon; la partie moyenne est occupée par les sables à 82 !x RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , grès lustrés, bruxelliens, qui ont une quinzaine de mètres de puissance. Ils reposent sur des sables fins, meubles, très-doux au toucher, pailletés de mica, gris ou gris verdâtre, alternant avec quelques lits minces de sables argileux ou même d'argile plastique. On ne tarde pas à y rencontrer une couche remplie de Nummulites plamilcita. Cette coupe a été donnée dans le Bulletin par M. Lehon ; aussi nous n’entrerons dans aucun détail; elle montre parfaitement la succession des systèmes. Mais M. Lehon a cru devoir s’écarter des idées de Dumont en prenant cette couche à Nummulites pour base du bruxellien; tout en reconnaissant ce que cette démarcation a d’arbitraire, elle lui a semblé plus nette et plus sûre que les distinctions pétrographiques. Ici, nous sommes obligés de nous séparer de lui : quoique partageant plus ou moins sa manière de voir au sujet du système panisélien, je crois que le système bruxellien se laisse parfaitement limiter vers le bas à l’endroit où Dumont le terminait. Il n’y a pas de ressemblance entre les sables d’un système et ceux de l’autre; si le contact n’est pas facile à voir au milieu des ronces qui couvrent les berges du chemin, il est aisé de limiter sa position dans une zone de quelques décimètres d’épaisseur. Si nous insistons sur le changement que notre zélé confrère a proposé d’apporter dans la classification de Dumont, cela tient à ce que les sables inférieurs dont il s’agit n’appartiennent point au système panisélien, qui suit le bruxellien en descen¬ dant la série, mais bien au système suivant, l’yprésien, que Dumont met au niveau des sables supérieurs du Soissonnais. Si l’on tient compte de ce fait, on reconnaîtra, comme M. Hé¬ bert l’a déjà fait, que le rapprochement entre le système bruxellien et les sables de Cuise-la-Motte perd de sa valeur. La pluie nous a obligés de rentrer à Bruxelles par la route de Forêt. Quelques membres prenant, à droite, un chemin parallèle au précédent, y ont observé de nouveau les sables bruxelliens, recouverts, sans ravinement marqué, par des sables calcarifères îaekeniens (bruxelliens pour M. Lehon), avec leur base mélangée de gros sable et de nummulites; puis, ravinant fortement les roches sous-jacentes, les sables quartzeux fins non fossilifères du laekenien supérieur, renfermant quelques DU 80 AOUT AU 0 SEPTEMBRE 1863. 825 lits argileux et rappelant ainsi ceux qu’on a observés le matin à Schaerbeeck. Les autres membres, prenant en ligne droite, ont passé devant une vaste carrière ouverte pour l’extraction de ma¬ tériaux destinés aux remblais du chemin de fer du Midi, on y a recueilli, des mains des ouvriers, beaucoup de dents de poissons et des Ostrea flabellula; ces fossiles viennent de la base du laeke- nien qui occupe le haut de la paroi au fond de la carrière ; en dessous se voient le système bruxellien et les sables supérieurs du système yprésien. On peut y observer quelques particulari¬ tés intéressantes qui m’engagent à ajouter ici le détail de cette coupe, tel que je l’ai relevée à cette époque avec mon frère. Je me borne à représenter dans la coupe ci-dessous la première partie de la face nord, formant une paroi très-abrupte qui se suit sur environ 80 mètres de long; plus loin, elle forme un double coude, puis se continue irrégulièrement sur Zi5 mè¬ tres. Le mode d’abatage de ia roche fait qu’une grande partie est recouverte d’éboulis, au point que nous n’avons pu nous assurer de la disposition relative du laekenien et du bruxellien ; aussi laissons-nous le premier en blanc. L’assise diluvienne est nettement figurée ; mais ici l’induction a suppléé sans danger au défaut d’observation directe. Coupe de Furet. Ypresien. Bruxellien. 800 1 254 5 67 4 5 6 7 5 G 7 Cette coupe nous montre trois failles nettes et fort inclinées vers la vallée; nous avons déblayé les éboulis de manière à pouvoir suivre la superposition des couches, en prendre l’épais¬ seur et déterminer l’inclinaison des joints de faille dans le plan de la section ; pour le premier, nous avons mis ù nu le joint lui- même; sa direction est 81 degrés (1) et son inclinaison 58 degrés (1) La direction du système de l’île de Wight et du Tatra, soulevé entre le grès de Fontainebleau (rupélien inférieur) et le calcaire de la Beauce (rupélien supérieur), .est 82 degrés. Soc. géol., 2e série, tome XX. 53 826 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, vers le N. La deuxième et la troisième faille paraissaient incli¬ nées dans le même sens respectivement de A5 et de !\Ix degrés. La première partie n’a été découverte qu’incomplétement. On y voit : 4° Des sables fins, gris, avec zones légèrement brunâtres parallèles à la stratification, terminés par un banc ferrugineux un peu cohérent, de 5 à 6 centimètres, remplaçant le lit à N um nudités planulata. Environ . 2m,00 2° Sable fin, un peu argileux, gris verdâtre sale, 0m,25 ; argile sableuse grisâtre, 0m,10; sable fin brunâtre, 0m,20 ; sable gris bleuâtre, un peu argileux, 0m,20. Tous ces sables sont fins et très-doux; les teintes sont un peu altérées par le voisinage de la surface. Total . 0m,75 3° Sable bruxellien assez grossier, plus ou moins glauconifère, avec bancs cohérents, passant au grès lustré. Épaisseur indéte minée . La deuxième partie nous montre le mieux les couches ypré- siennes. On trouve, à partir du bas : 4° Sable grisâtre, à zones plus ou moins claires, parallèles à la stratification; visible . 4“,00 2° Lit d’argile schistoïde de 0m,02 à 0m,05, avec efflorescences blanches dans les fissures, suivi de sable grisâtre, devenant argileux, hétérogène, piqueté de blanc, puis passant à de l’argile sableuse grise, piquetée de blanc dans le bas, grise, gris bleu, ou brune dans les fissures . 0m,80 3Ü Lit très-mince, discontinu , d’argile schistoïde grise, suivi d’ar¬ gile sableuse plus compacte, grise, brune dans les fissures, intimement u nie à la précédente en l’absence du lit d’argile. 0m,70 4° Sable gris un peu argileux, à base très-nette, passant à du sable plus brun, à zones minces, plus ou moins grises. . 0m,70 5" Lit argilo-sableux, gris bigarré d’ocre, suivi de sable gris, qui, vers le haut, montre des zones plus brunes . 4m,60 6° Sable gris, plus cohérent, avec zones brunâtres, surtout vers le bas, devenant plus pur et à zones plus minces vers le haut. 0m,60 7° Lit argilo-sableux, brunâtre, mince, manquant souvent, suivi de sable grisâtre, jaunâtre ou brunâtre, 0^,25; puis du lit à Nummulites, irrégulier, en général de 0m,15 d’épaisseur, parfois de 0m,25; il manque par places et est remplacé par du sable ferrugineux un peu cohérent. . . 0m,40 ble brunâtre, 0m,30, suivi d’argile bigarrée, de gris bleuâtre et gris brunâtre, 0m,08, puis de sable brunâtre, 0m,20, de sable argileux gris bleuâtre, Om,4 2, passant à un lit de 0m,05 d’argile sableuse dans les fissures de laquelle pénètre le sable bruxellien qui suit . 0m,75 Total de la partie visible de l’yprésien supérieur. . . 6m,55 DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 827 Le système bruxellien commence par des sables bruns, puis jaune d’ocre, assez grossiers, 0m,0/i ; suivis de sables blanchâtres à grains moyens, avec rares grains de glauconie et qui, à lm,25 de la base, renferment un second banc cohérent qui est déjà du grés lustré. Les bancs suivants ont une épaisseur variable, toujours faible, et sont séparés par des assises sableuses plus puissantes. Leur épaisseur est d’ailleurs fort inégale et leur disposition, variable; les uns, surtout vers le bas, paraissent plutôt des bancs subconlinus, à surface irrégulière; les autres, des amas de ces rognons plus ou moins ramifiés, désignés sous le nom de pierres de grotte. Je n’ai pu ni les compter ni les atteindre. La troisième partie ne nous montre que les couches h, 5, 6, 7 et une partie de la huitième; du moins, à l’endroit où nous avons mis à découvert le contact avec le sable bruxellien, celui-ci reposait sur l’argile bigarrée de grès bleuâtre et de brunâtre. Il y a donc en ce point une légère dénudation que j’ai repré¬ sentée tout le long de la coupe de cette partie. La base du sable bruxellien est identique avec celle que nous venons de voir ; j’ai noté que le premier mètre renferme déjà des rognons branchus ou allongés, disséminés. J’évalue à 11 mètres la puissance que ce système montre ici; on n’en voit donc pas la partie supé¬ rieure. Dans la quatrième partie de la coupe, l’yprésien a été très- difficile à mettre à nu ; il m’a paru formé des couches 5, 6, 7 jusqu’au banc ferrugineux qui correspond aux Nummulites. La dénudation est donc un peu plus forte en ce point. Au fond de la carrière, le sommet est constitué par le système laekenien. Autant que j’ai pu en juger, la partie supérieure du bruxellien se compose de sables très-calcarifères, à grains plus fins, à glauconie extrêmement rare, avec bancs assez minces, discontinus de grés, tantôt plus ou moins calcarifère, tantôt plus ou moins lustré. Au-dessus se trouve le gravier laekenien blanchâtre avec Nummulites lœvigata et N. variolaria, téré- bratules, débris d’oursins, dents nombreuses, etc. ; il rn’a été impossible de distinguer si le contact est raviné ou simplement inégal. Ce gravier est suivi de sables très-calcariféres, avec quelques bancs de calcaire grossier à N. variolaria ; plus haut. 828 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, on observe des sables à gros grains, inégaux, anguleux, glau- conifères, avec la même Nummulile, suivie de sable quartzeux fin gris verdâtre. Cette assise m’a paru raviner les sables cal- carifêres. Au côté sud de cette carrière, près de l’entrée, on voit 12 mètres de sables et grès bruxelliens sous le gravier calcari- fère laekenien, suivi, un peu plus loin des sables très-calcari- fères} le contact semble simplement inégal. Il paraît exister une faille dans l’angle au fond de la carrière. En face, la tranchée du chemin de fer d’exploitation montre encore quelques couches yprésiennes inclinées. Dans la carrière, l’inclinaison varie de 12 à 21 degrés dans le plan de coupe. M. Nyst montre à la Société, de la part de M. Lebon, des échantillons de roches dont il a parlé dans son mémoire : l’une est le banc cohérent à spiculés de spongiaires-, l’autre est une couche argilo- calcaire subcompacte, dans laquelle se voient des dépressions qui semblent avoir été produites par un mollusque perforant pendant qu’elle était encore molle. M. Charles d’Orbigny rappelle que, dans l’excursion à Fau- quemont, la Société a pu remarquer que les assises supérieures de la craie de Maëstricht sont loin de former le sommet du plateau-, elles sont recouvertes de sables glauconifères qui semblent tertiaires et dont la puissance doit être considérable. M. Gosselet annonce qu’il vient de constater que le système nummulitique do nord de la France pénètre en Belgique-, il l’a reconnu à Momignies, au sud de Chimay. Il y a là un peu de bruxellien qui a échappé à Dumont. M. Mathéron fait ensuite la communication qu’il avait an¬ noncée pour le jour où l’on aurait terminé l’examen du terrain tertiaire. Cette communication donne lieu à une discussion intéressante et animée entre MM. Mathéron et Gouberti MM. Gaudry et Gosselet y ont pris aussi une part active. M. Ducret constate les rapports entre le terrain nummulitique de la Savoie, notam¬ ment aux environs d’Annecy, avec le tongrien supérieur de la Belgique à Cyrena semistricita ,- il rappelle d’abord que cette découverte appartient à M. de Mortillet, qui a trouvé au Désert la Natica crassatina , Lm. En général on trouve sur la craie DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 829 un poudingue h cailloux de silex roulés, suivi de couches carac¬ térisées parles Cerithium elegans et C. plicaium avec la Cyrèna semistriata [G. convexa )• viennent ensuite des marnes et grés avec une couche de lignite, le flysch , des grés micacés se liant à la mollasse d’eau douce, enfin la mollasse marine à dents de Lcirnna contorlidens et de L. cuspidata. Prés de Chambéry, on voit au-dessus de la même assise le lignite de Sonnaz, puis des marnes à Limnées et à Planorbes, que M. de Mortiilet rappor¬ terait à l’époque pliocène. Séance du samedi 5 septembre 1863. La séance est ouverte à 8 heures dans une des salles de l’athénée de Namur, que M. le préfet des études a bien voulu faire mettre û la disposition de la Société \ M. le président lui fera exprimer ses remercîmenls. La parole est donnée au secrétaire pour rendre compte de l’excursion de la journée : Le but principal de cette excursion était l’étude de la série anthracifère. La grande masse de sédiments qui porte ce nom, s’est déposée dans une dépression comprise entre PArdenne et le massif silurien du Brabant. Une crête médiane, formée par la bande silurienne que Dumont appelait massif rhénan du Con- droz et qui suit à peu près la rive droite de la Sombre, puis de la Meuse, partage ce grand massif en deux bassins complète¬ ment séparés, l’un, au nord, appelé bassin de Namur, l’autre, au sud, nommé bassin duCondroz. Ce dernier est remarquable non-seulement par les ondulations qui ramènent à diverses reprises les mêmes étages à la surface du sol, mais surtout par le développement qu’ils y présentent et par suite duquel on y a choisi les types de nos subdivisions. Le bassin de Namur est remarquable tant par sa régularité que par certaines différences de composition qui ont amené des divergences dans la ma¬ nière d’établir le parallélisme de ces assises avec celles du Condroz. Cette question était d’autant plus importante qu’elle se lie à la classification des terrains primaires du Boulonnais, 830 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, qui semblent être le prolongement de notre bassin du nord. « Ferques, c’est Rhisnes, » disait un illustre paléontologiste -, c’est pourquoi nous avons examiné la moitié nord de ce bas¬ sin, ou bande de Rhisnes de M. Gosselet. Mais auparavant nous avons voulu jeter un coup d’œil sur l’eurite de Grand- Manil, près Gembloux, et sur ce terrain ardoisier, que Dumont avait rapporté au rhénan, que M. Gosselet a reconnu être silurien et dont les recherches persévérantes de M. Malaise ont permis d’augmenter la faune, si intéressante pour notre pays. La Société a quitté Bruxelles de bon matin par le chemin de fer du Luxembourg et s’est arrêtée à Gembloux ; après un prompt déjeuner, on s’est rendu directement à l’eurite de Grand-Manil, à environ 2 kilomètres au S. 0. Une grande par¬ tie de cette roche est exploitée pour l’empierrement des che¬ mins ; elle est connue depuis longtemps et son origine fut le sujet de grandes discussions lorsque la Société géologique la visita en 1835. La même chose s’est reproduite aujourd’hui. Voici ce que nous avons constaté en allant du sud au nord. 1° Roche feuilletée, gris blanchâtre, grossière, à feuillets plans, ren¬ fermant des empreintes de graptolithes ; ils deviennent bientôt gris, gris bleuâtre à l’intérieur, et passent ainsi graduellement vers le sud, à un schiste quartzeux. C'est évidemment une roche métamorphique, dir. 79 degrés, incl. S. 72, puissance. . 2m,00 2° Roche siliceuse noirâtre, dure et tenace, subgrenue, avec quelques points bruns, en bancs minces. C’est un quartzite altéré, parallèle aux schistes précédents . 1 m, 00 3° Roche mixte, peu accessible . . 0m,30 4° Eurite hétérogène, grisâtre, en bancs irréguliers, marqués de zones minces, plus foncées, obliques, qui semblent la trace d’une fausse stratification; les bancs sont séparés par quelques lits terreux dont un, friable et blanc, ressemble à du kaolin . 1m,00 5° Eurite compacte ou subgrenue, gris jaunâtre clair ou blanc jaunâtre, à cassure concboïde ou écailleuse; en bancs d'épaisseur moyenne, parallèles à la stratification des assises précédentes, quelquefois traversés par des fissures remplies de quartz fendillé, montrant çà et là des zones plus grises, parallèles aux joints qui séparent les bancs, et des cubes de pyrite ou de limonite épigène. Cette roche, qui forme la masse exploitée, est difficilement fusible sur les bords des écailles minces, et colore en jaune la flamme du chalumeau. Environ . 12m,00 6° Partie recouverte d’éboulis, qui paraît être une eurite analogue à 4° . . . . . 8m,00 DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 831 7° Roche noirâtre, dure et tenace ; quartzite semblable à 2° mais en un seul banc massif, en partie visible. M. Gosselet lui a trouvé . . im,00 8° Eurite porphyroïde, non exploitée, formée d’une pâte compacte, blanc jaunâtre ou grisâtre, dure et tenace, renfermant de gros cristaux feldspathiques, reconnus comme orthose par Dumont et M. Delesse, altérés, presque toujours transformés en kaolin blanc mat, susceptibles de disparaître en laissant une cavité irrégulière. Elle est divisée par quelques joints dont l’allure n’est pas nette, mais qui semblent pourtant parallèles aux joints des autres assises. Environ . 5m,00 9° Eurite schistoïde grise, avec petits cristaux feldspathiques, pas¬ sant à un schiste gris bleu parallèle au reste . 5m,00 Ainsi donc, cette eurite est en bancs parallèles à la strati¬ fication des schistes siluriens oû elle est intercalée. Cette dis¬ position est favorable à l’opinion de ceux qui n’y voient qu’une masse métamorphique. Plusieurs assises ont certainement cette origine, par exemple, les couches extrêmes qui passent au schiste et les quartzites. La masse exploitée, 5°, me paraît dans le même cas, à cause de sa disposition en bancs médio¬ crement épais, dans lesquels des zones plus grises paraissent ne pouvoir guère être attribuées qu’à des parties dont la com¬ position primitive, un peu différente de celle du reste, n’aurait pas subi une altération aussi complète. La pyrite en cubes fournirait peut-être un nouvel argument. Toutefois cette ma¬ nière de voir n’a pas été unanimement admise. L’eurite porphyroïde pourrait avoir été formée autrement, et je serais tenté de la considérer comme plutonienne. Je ne sais si quelque confrère la regarde comme métamorphique 5 je ne parle pas, bien entendu, d’un métamorphisme opéré à une grande profondeur et donnant lieu à une masse plus ou moins pâteuse qui aurait été poussée au dehors : idée que j’ai entendu émettre par un collègue très-compétent, mais qui ne se croit pas suffisamment éclairé pour se prononcer. Cette masse euritique se trouve intercalée dans les schistes siluriens. Les graptolithes, dont la Société a pu constater la présence au sud des gîtes, ont été depuis retrouvés de l’autre côté par M. Malaise. La Société s’est rendue ensuite à environ 150 mètres au N. O, et l’on a recueilli quelques fos¬ siles dans de petites excavations exploitées par ce géologue $ 832 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, aucune nouveauté n’est à signaler. J’ai à peine besoin de rap¬ peler que M. Barrande a reconnu parmi les fossiles recueillis dans celte assise plusieurs trilobi tes caractéristiques de la faune seconde. D’après les indications de M. Malaise, la bande fossilifère aurait 6 à 8 mèlres de puissance ; les trilobitesse trou¬ veraient particuliérement vers le haut, tandis que les Orthis se rencontrent surtout dans les bancs inférieurs, moins quartzeux et plus feuilletés. J’ai trouvé dans une de ces carrières direction 79, inclinaison 71 degrés vers le sud ; exactement commedc l’autre côté del’eu- ri te. La direction générale de ce massif ne s’éloigne jamais beau¬ coup de la ligne E. 0., et l’inclinaison, ordinairement considé¬ rable, se présente presque toujours vers le S. Mais on est três- exposé à prendre un joint de clivage schisteux pour un joint de stratification -, j’ai eu iieu de m’en apercevoir. Les roches que l’on rencontre de point en point, entre Gembloux et Alvaux,sont des schistes passant au phyllade, quelquefois des phyllades bien feuilletés, d’autres fois quartzeux et passant au quartzophyl- lade; on y trouve aussi, mais rarement, quelques cjuartziles ou grès stratoïdes. Leur couleur est le gris bleuâtre, passant au noir bleuâtre, devenant d’abord gris verdâtre sale par alté¬ ration météorique, puis grisâtre ou gris jaunâtre, uniforme ou zonaire. Quelques variétés sont pailletées ou pyritifêres. M. Gosselet vous a dit qu’il avait cru d’abord devoir laisser une partie de ce massif dans le terrain rhénan, mais que ses dernières recherches ne lui permettant pas d’y trouver une démarcation tranchée, il était d’avis de rapporter tout au ter¬ rain silurien. Plus que tout autre, j’aurais été heureux de retrouver le vrai terrain rhénan, au moins en partie, intercalé entre le terrain anthracifére et le silurien du Brabant comme de l’Ardenne, mais mes propres observations s’accordent avec celles de M. Gosselet. Arrivée au moulin d’Alvaux, la Société s’est rendue sur la rive gauche de l’Orneau. Les schistes siluriens se voient après les premières maisons des Mautiennes, mais trop altérés pour que leur allure puisse être déterminée sûrement: néanmoins on ne peut douter que l’inclinaison ne soit fort considérable; on a cru trouver une empreinte de Leptœna dans un des der- DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 833 niers bancs, mais l’échantillon est tombé en débris. Après quelques pas dans le chemin de Bossière, on voit paraître des bancs résistants de grés de couleur sombre, brun verdâtre ou brun rougeâtre, renfermant de gros grains de quartz blanc qui les font passer au poudingue pisaire. Ils semblent légèrement inclinés vers le S. E.; ils sont donc nettement en discordance par rapport aux schistes précédents : nous sommes entrés dans le terrain anthracifére et la même allure va se conserver jus¬ qu’au système houiller. L’assise que nous avons vue est la plus ancienne de ce bassin, où, malgré sa faible épaisseur, je la considère comme représentant le poudingue de Burnot. Je ne lui attribue pas plus de 8 mètres de puissance en ce point, mais je ne vois là aucune difficulté-, car je regarde tout ce contact entre l’ancien terrain ardoisier du Brabant et le terrain anthracifére comme une grande ligne de faille, sur la plus grande partie de laquelle ce poudingue de Burnot est, non-seu¬ lement très-réduit, mais même le plus souvent supprimé, ainsi qu’une partie des assises qui l’ont suivi. Aussi, cette dis¬ cordance de stratification me paraît sans importance au point de vue de la classification de nos terrains primaires; je partage là-dessus l’opinion de M. Gosselet, quoique nos motifs me semblent un peu différents ; c’est-à-dire que je ne puis admettre avec Dumont une discordance entre le terrain rhénan et l’an- thracifére. En montant au plateau, on n’a pas lardé à atteindre des bancs de calcaire noir-bleuâtre, reposant directement sur l’as¬ sise précédente et bientôt recouverts de limon. A 150 pas au S. se trouve, au milieu des champs, une petite carrière aban¬ donnée où l’on exploitait naguères deux ou trois bancs sub¬ lamellaires comme petit granit. Le calcaire y est en couches généralement minces, séparées par un peu de calscluste noir brunâtre devenant gris de fumée à l’air; leur surface est assez irrégulière. Leur direction est environ 52 degrés avec inclinaison de 9 à 10 degrés vers le S. E. On y a recueilli le Spirifer ungiiiciilns, qui n’y est pas rare, et un gros Cyatho - phylliun agrégé du calcaire eiféiien. En revenant sur ses pas, la Société a pu observer au coin du taillis qui longe l’Orneau, dans les champs au-dessus de la 83Û RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, première maison des Mautiennes, une quantité de fragments de grès ou de poudingue verdâtre ou brunâtre, appartenant à l’assise de Burnot. Plus loin, sur l’autre rive, après avoir dépassé la première maison d’Alyaux, un banc semblable pa¬ raît faire saillie dans le chemin, où il a été reconnu par M. de Lavallée *, puis on arrive au calcaire comme précédemment. Quatre carrières sont ouvertes à Alvaux, une sur la rive gauche, trois sur la rive droite. La première de celles-ci se trouve au N. du chemin qui descend à l’Orneau -, on y exploite environ Ix mètres de calcaire en bancs qui ont d’abord 0m,20 à 0m ,40, puis diminuent de moitié en môme temps que le cal- schiste qui les sépare devient plus épais. Plus bas, au dire des ouvriers, on trouve 0m,60 de schistes, puis un banc de cal¬ caire impur auquel on s’est arreté. La direction semble à peu prés N. S. avec une inclinaison E. = 10 degrés, allure acci¬ dentelle, due à la fracture où coule l’Orneau. Quelques fissures sont dolomitiques, remplies d’argiles geysériennes qui se sont épanchées dans les dépressions de la surface, où elles sont recouvertes de 3 mètres de limon hesbayen, à la base duquel se voient de rares cailloux roulés. Tout indique que l’on est ici à la base de l’assise calcaire. Je n’y connais d’autres fossiles que quelques rares polypiers, parmi lesquels le Fcivosites poly- morpha. Les deux autres carrières de la rive droite se trouvent au midi de ce chemin. Le calcaire, qui est exploité beaucoup plus en grand, y est plus pur, en bancs plus épais, avec fort peu de calschiste -, il est plus souvent sublamellaire que subcom¬ pacte. On y a trouvé, outre divers polypiers, la Murchisonia bilineata , qui paraît être fréquente, mais ne se voit bien que dans des fissures dolomisées où elle est conservée en saillie, le Spirifer unguiculus, surtout dans les calschist.es et I eS/nngoce- phaliis Burtini. La carrière de la rive gauche, où a été trouvé le premier stringocéphale de ce bassin, présente environ 16 mètres de calcaire analogue au précédent, peut-être en bancs un peu moins épais et plus compactes, sa direction est d’environ 50 degrés, avec inclinaison S. E. = 10 degrés. Le prolonge¬ ment de ces bancs semble passer à peu près par la troisième DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 835 carrière, tandis que, au dire des ouvriers, ils ont été reconnus entre celle-ci et la deuxième. La fracture de la vallée semblerait donc avoir été accompagnée de faille, avec abaissement de la rive droite ; nous verrons encore d’autres indices de cette dis¬ location. Cet étage calcaire est unanimement considéré comme cal¬ caire eifelien proprement dit ou deGivet; les fossiles cités sont caractéristiques de cet horizon du dévonien moyen. On remar¬ quera qu’il repose sur l’étage de Burnot, comme à Pépinster et dans presque toute la Belgique. On s’est ensuite dirigé vers le Mazy, en suivant la rive gau¬ che de l’Orneau-, on monte donc la série anthracifère. Un épais taillis, séparé du chemin par une forte haie vive, cache la par¬ tie supérieure de ce calcaire et les roches qui lui succèdent. Les premières qui se montrent se trouvent à 200 mètres au S. de la dernière carrière et affectent la môme direction que le cal¬ caire avec une inclinaison de 12 degrés vers le S. E.; ce sont des bancs puissants de calcaires plus ou moins colorés en rouge brunâtre, de calcaire compacte, passant au marbre rouge ou jaunâtre, de macigno et de grès rouge brun, associés à des schistes rouge violet identiques avec ceux que l’on rencontre si abondamment dans l’étage du poudingue de Burnot. En conti¬ nuant, la nature du sol et quelques cailloux éboulés ne laissent aucun doute sur la nature des roches que l’on traverse \ le schiste rouge est très-reconnaissable. Au coin du taillis, on retrouve des psammites et des grès grisâtres ou rouge brun, passant au poudingue et des schistes rouges, avec quelques parties cal¬ caires, bigarrées ou bleuâtres. On les voit parfaitement dans la première partie du chemin qui conduit à Monceau et à Bos- sière-, les schistes rouges y dominent avec quelques schistes verts ou jaunâtres. On y observe une légère ondulation des couches, formant une voûte transversale dont la ligne anticli- nale plonge d’une trentaine de degrés vers le S.*, les premiers bancs affectent une direction \k 6 degrés avec une inclinaison de !ik2 degrés vers le S. O. La dernière partie de la voûte est masquée par des éboulis qui deviennent bientôt grisâtres, au- dessus desquels se présente une nouvelle assise, formée de schistes gris, gris verdâtre et gris jaunâtre, renfermant des 836 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, psammites de même couleur, auxquels se joignent bientôt des plaques de macigno ou de calcaire impur, fossilifère. On y a trouvé, avec quelques rares polypiers, avec des variétés du Spirifer Vernenili, voisines du S. Lonsclcilei , VOrthis stricitiila , l’ Atrypa reticularis et une Rhynchonelle qui paraît être la R. boloniensis . En avançant jusqu’à mi-chemin de Bossière, on voit ces schistes recouverts d’une mince assise de dolomie gris bru¬ nâtre, cristalline, grenue, peu nacrée, pleine de petites cel¬ lules, qui semble inclinée de 20 degrés au S. E. Cette assise n’a pas plus de 4 5 métrés de puissance } elle forme, dans la direction de Monceau, une petite crête légèrement arquée qui s’arrête brusquement à la vallée-, elle a été exploitée près de ce point, et elle y est en bancs massifs, partagés par quelques fissures perpendiculaires, se divisant en fragments irréguliers vers la surface, plutôt grise que brune dans les parties non altérées. Je lui ai trouvé : direction, CZi degrés-, inclinai¬ son S. E., 30 degrés. Nous quittons la dolomie pour revenir sur nos pas et nous transporter sur la rive droite de l’Orneau. En face du pont se voient quelques vieilles carrières abandonnées, où l’on a essayé d’exploiter des pavés \ la roche est généralement un psammite gris brunâtre, gris jaunâtre ou gris bleuâtre, avec- noyaux de calcaire bleu, quelquefois violacé, montrant des traces de polypiers. Des bancs qui semblent supérieurs sont plus bruns et moins calcariféres-, près du chemin d’Alvaux, la nuance dominante est de nouveau le gris bleuâtre, passant au gris brunâtre ou au gris jaunâtre suivant le degré d’altération-, les psammites sont associés à des schistes de teinte analogue, rarement rouges, parfois avec nodules irréguliers de calcaire très-impur. J’ai trouvé en ce point : direction, 30 degrés-, inclinaison S. E., l\ degrés. En montant le chemin qui, du même pont de TOmeau, va rejoindre la chaussée de Namur au N. 0. du Mazy, on voit des traces de schistes rouges avec quelques schistes bleuâtres. Dans les champs à gauche, on ne remarque plus de schistrs rouges-, les roches calcaires y sont moins rares et l’on y trouve quel¬ ques fossiles, les mêmes que ceux du chemin de Bossière, plus DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 837 une rhynchonelle indéterminée. Au contraire, ies grés bruns, passant au poudingue et associés aux schistes rouges, se voient nettement quand on a rejoint le chemin d’Àlvaux près de la chaussée. Deux points de schistes grisâtres, plus ou moins altérés, s’observent sur la chaussée à peu de distance, l’un plus haut, l’autre plus bas-, en descendant au Mazy, on voit la dolomie brune celluleuse un peu avant le château, à gauche de la chaussée. Nous avons donc constaté, depuis le calcaire de Givet, trois assises qui sont : 1° Des grès avec poudingue et des psammites brunâtres, associés à des schistes généralement rouge violet et des calcaires purs, sableux ou argileux presque toujours colorés par le fer. Obligés de lui donner un nom parce qu’elle est l’objet de beaucoup de discussions, nous donnerons à cette assise le nom de poudingue du Mazy. 2° Au-dessus et liés à tel point qu'on ne sait guère les séparer, viennent les schistes du Mazy, dont la roche la plus abondante est le schiste, et la couleur dominante le gris plus ou moins brunâtre ou jaunâtre; le calcaire y est plus commun, quoique très-impur, et il s’y présente avec sa teinte bleuâtre ordinaire, néanmoins il ne forme pas encore de bancs distincts. Les fossiles n’y sont pas rares. 3° Ces schistes sont recouverts par la dolomie du Mazy et du chemin de Bossière. Les endroits que nous avons visités ne permettent pas de constater la nature des roches interposées entre cette dolomie et les calcaires devoniens qui vont suivre. Si l’on suit le che¬ min de Monceau à la chaussée de Namur, on trouve bientôt un point de schistes gris qui ne tardent pas à être cachés par le limon ; nous admettrons donc provisoirement que la dolomie est recouverte de schistes semblables â ceux sur lesquels elle repose, et supportant les calcaires devoniens du Mazy. D’après M. Gosseîet, dans le Boulonnais, de nouveaux schistes rou¬ geâtres séparent la dolomie des calcaires. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ces faits-, il en est tout autrement sur la question des rapports de cet étage complexe du Mazy avec les deux autres que nous avons vus d’abord. L’opinion la plus récente, que M. Gosseîet, puis moi, avons 838 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE , cherché à faire prévaloir, considère cet étage comme recouvrant directement le calcaire de Givet et supportant les calcaires à Spirifer Verneiiili; c’est-à-dire que nous les croyons intercalés régulièrement entre le calcaire d’Alvaux et ceux du Mazy. Elle est fondée d’abord sur les apparences stratigraphiques : la superposition n’a pas été observée, mais l’allure générale des assises se conserve si régulièrement qu’il est très-probable que les apparences d’une superposition régulière sont con¬ formes à la réalité; rien ne fait soupçonner une faille ou un plissement, ce qui est d’autant plus important à noter que cette régularité est générale dans tout ce bassin. Je ne crois pas que l’on puisse citer, au nord de notre calcaire carboni¬ fère, un accident stratigrapbique qui, transporté dans notre coupe, ferait du poudingue du Mazy la répétition du poudingue de Burnot qu’on a vu prés d’Alvaux. Si nous examinons les caractères minéralogiques de ces deux derniers étages, nous trouvons des différences telles que l’opinion que je défends en reçoit une grande confirmation. Pour être bref, je rappellerai seulement que le poudingue de Burnot ne renferme jamais de calcaire, ni en bancs (1), ni en cailloux roulés. Au contraire, vous avez yu ici des bancs de calcaire rougeâtre, et j’ai cité, pour d’autres localités, des fragments calcaires dans des poudingues qui continuent ceux du Mazy. En second lieu, on ne connaît pas, dans l’étage de Burnot, de couches comparables aux schistes gris et à la dolomie que vous avez vus dans l’étage du Mazy au-dessus du poudingue. Enfin l’étage de Burnot est à peu près dépourvu de fossiles. Quand nous aurons vu les calcaires du Mazy, vous pourrez constater qu’il est tout aussi difficile de les rapporter au cal¬ caire d’Alvaux. Au lieu d’une roche assez homogène, vous verrez des calcaires noduleux, et, à certain niveau seulement, une variété tellement compacte, homogène et foncée qu’elle est exploitée comme marbre noir. (1) On ne peut considérer comme tels un ou deux bancs calcari- fères qui se trouvent à la partie tout à fait supérieure, à Pepinster et ailleurs. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 839 Enfin, si nous étudions les fossiles de plus près, nous trou¬ verons dans le poudingue et les schistes du Mazy des espèces considérées essentiellement comme supérieures au calcaire de Givet, notamment le Spirifer Verneuili et la Rhynchonella boloniensis, qui, dans certaines localités, ont été rencontrés même dans le poudingue. De même, le Stringocéphale, les Murchisonies sont propres au calcaire de Givet et ne se trouvent pas plus dans ceux du Mazy que les fossiles de ceux-ci ne se renconlrent dans la bande qui passe à Alvaux. Cette manière de voir est cependant loin de celle qu’ont admises deux hautes autorités : Dumont, dans sa carte géolo¬ gique de la Belgique, et M. d’Omalius, dans ses Mémoires antérieurs, identifient les poudingues d’Alvaux et ceux du Mazy, et, d’autre part, les calcaires de ces deux localités. La Société a trouvé son déjeuner préparé au Mazy -, aussi s’est-elle bientôt mise en route pour examiner les assises supé¬ rieures. Un premier point calcaire se montre sur la chaussée, à la sortie du village, vers Namur. Ce sont des bancs de 0m,10 à 0m,30, souvent séparés par un lit mince de calschiste et dirigés à peu prés N. S., avec une inclinaison de 21 degrés à l’E. 5 ce changement de direction n’a rien d’étonnant au voisi¬ nage de la dislocation où coule l’Orneau. La Société a suivi la vallée sur la rive gauche. On voit d’abord du calcaire noduleux en bancs minces, séparés par des lits schisteux, et renfermant en abondance le Spirifer Verneuili ; ils sont suivis de bancs plus épais et plus réguliers qui, au premier coude du chemin, présentent une direction 91 degrés, inclinaison S. ==r 16 degrés. Un peu plus loin, les bancs sont plus argileux et plus nodu¬ leux 5 on y a trouvé beaucoup de Spirifer Verneuili , d 'Orthis Duterlrei et une Rhynchonelle très-rare*, les derniers bancs visibles sont moins fossilifères. Après une partie couverte par les maisons et la végétation, on arrive à des calcaires où les schistes et calschistes sont plus abondants, et dans les éboulis desquels on trouve une quantité de Spirifer Verneuili avec quelques Athyris concentrica et Productus subciculeatus ,* ce qui suit est obscur, passablement schisteux, jusque prés de la ferme Fanué. Ici, de gros bancs se montrent dans l’escarpe- SZiO RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, ment-, ce sont généralement des dolomies à grain cristallin très-fin avec des calcaires, visibles sur une trentaine de métrés et renfermant beaucoup de Spirifer Verneuili, variété de grande taille rappelant le S. ciperturatus de Givet, avec le Productus subaculeatus et quelques Rhynchonella boloniensis . Abstraction faite de quelques schistes ou calschistes subor¬ donnés, toute celte assise est calcaire et conserve régulièrement une légère inclinaison vers le sud. Si, de la ferme Fanué, on se dirige sur le plateau par le chemin qui aboutit à l’extrémité de l’avenue du château de Mielmont, on trouve, bientôt après le coude, une bande schisteuse, qui semble avoir environ 25 mètres de large, une assise psammitique un peu moins épaisse, puis une quinzaine de mètres de schistes gris bleuâtre avec calcaires minces, enfin de la dolomie. Ces diverses assises sont pour moi les schistes de Famenne, les psammites du Condroz et le calcaire carbonifère, dont l’étage inférieur est très-aminci dans cette région et semble réduit à l'assise d’Etrœungt. Cette dolomie carbonifère s’observe encore sur cette rive près de l’Orneau : elle paraît remonter plus au nord que sur l’autre rive. La Société a passé directement sur la rive droite et a pris le chemin d'Onoz, le long du ruisseau. A 130 mètres au sud du pont, on voit, après les derniers calcaires à Spirifer Verneuili , peu visibles d’ailleurs, une bande schisteuse de ZiO à 50 mètres de large, dont l’inclinaison semble être de 2/i degrés S.j puis des psammites très-apparents , avec macignos et calcaires subordonnés, sur environ ZiO mètres-, puis un petit espace couvert, probablement schisteux 5 enfin la dolomie carbonifère. Ici on s’est séparé ; le ciel était menaçant et le chemin de fer, assez éloigné. Une partie de la Société a continué directe¬ ment vers la gare de Moustier^ l’autre s’est risquée vers Saint- Denis-Bovesse. Revenant sur ses pas, elle dépasse la ferme Fanué, un peu au nord de laquelle on prend un chemin qui la conduit sur le plateau. L’inclinaison des couches est générale¬ ment de 15 à 16 degrés vers le S.-, ainsi on descend la série des calcaires du Mazy (calcaires de Rhisnes). Après une cen¬ taine de mètres obscurcis par des éhoulis, on voit des calcaires DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 8Zjl renfermant beaucoup de calschistes gris brunâtre, plus nodu- leux vers le milieu 5 ensuite, vers le haut, du calcaire noi¬ râtre, compacte, en bancs de 0m,10 à 0m,15, séparés par des lits schistoïdes analogues. C’est l’assise que M. Gosselet a appelée calcaires de Golzinne , parce qu’ils sont surtout ex¬ ploités comme marbre dans cette localité, où sont ouvertes diverses carrières-, trois autres figurent sur la carte ci-jointe, où elles sont indiquées par l’accent ('). Elles se trouvent sur une ligne droite qui se continue jusqu’au delà de Golzinne. Dans la profondeur, les bancs sont plus épais ; ils sont à peu prés dépourvus de fossiles. La puissance des diverses assises que nous avons vues dans la vallée de l’Orneau, peut être évaluée approximativement comme suit : Poudingue d’Àlvaux . . variable. Calcaire d’Alvaux . 50 mètres. Poudingue du Mazy . 70 — Schistes avec dolomie du Mazy. ... 70 — Calcaires divers du Mazy . 160 — Schistes de Famenne . 15 — Psammites du Condroz . 15 — - Total . 380 mètres. Je n’indique pas de puissance au poudingue d’Alvaux, parce que je le crois limité par une faille. En passant à Isne-les-Dames, nous avons visité une exploi¬ tation d’oligiste oolithique. Le minerai forme ordinairement trois à cinq couches très-voisines, dont deux surtout sont exploitées; elles se trouvent à la partie supérieure des schistes de Famenne , dont on a vu des masses dans les déblais amenés au jour. Ces schistes sont bien feuilletés, généralement gris bleuâtre dans la profondeur, devenant gris verdâtre sale plus haut, puis gris jaunâtre par altération superficielle. On a trouvé quelques fossiles dans l’oligiste, notamment Spirifer F erneuili , Rhynchonella boloniensis , dthyris concentrica , et des fragments de tiges de crinoïdes. Plus haut se trouvent quelques bancs de schiste, puis les psammites du Condroz , dont les puits traversent une épaisseur variable, selon leur Soc. géol. . 2e série, tome XX. 54 8Æ2 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, distance de l’affleurement de la couche d’oiigiste. Ce minerai fait l’objet d’une exploitation qui a pris un développement considérable depuis quelques années. Cet oligiste oolithique forme un excellent horizon, placé, comme nous l’avons dit, à peu près à la limite entre les schistes de Farnenne et les psammites du Condroz. De nom¬ breuses exploitations, établies depuis Isne-les-Dames jusqu’à Huy, permettent de le suivre pas à pas-, plus loin, vers l’est, il n’est plus exploitable, mais il peut être suivi jusqu’à la frontière prussienne; c’est celui que nous avons vu dans la course de Spa. Il serait intéressant de le retrouver dans la coupe de l’Orneau, qui est le point le plus occidental où l’on puisse le rencontrer-, au delà, le calcaire carbonifère repose directement sur les calcaires à Spirifer Vemeuili de Rhisne et du Mazy. Ce dernier fait peut rendre raison de la faible épais¬ seur que j’assigne aux schistes de Farnenne et aux psammites du Condroz dans la coupe de l’Orneau. La Société a pu voir les psammites du Condroz en place dans deux carrières situées un peu à l’est d’Isne-Sauvage; ils y sont exploités pour dalles et pavés. Ils sont en bancs très- micacés, surtout à la surface, qui est assez irrégulière-, ils alternent avec quelques lits schisteux. Leur couleur jaunâtre est due à des altérations-, dans la profondeur, ils sont gris verdâtre et gris bleuâtre-, leur direction = 85 degrés, incli¬ naison S. = 11 degrés. On y trouve d’assez nombreuses em¬ preintes d’un grand mollusque bivalve qui a été rapporté au Cucullœa Hardingi , Sow. (?). Ce point est le dernier où la Société se soit arrêtée-, la pluie a engagé la plupart des membres à se rendre à ISIamur par le chemin de fer. M. Gosselet obtient ensuite la parole pour rendre compte des faits qu’il vient d’observer aux environs de Bovesse avec quelques membres qui ont fait comme lui le trajet à pied. Ces messieurs ont constaté la superposition des assises suivantes, qu’il est facile de rapporter à celles de l’Orneau. a. Poudingue inférieur. b. Calcaire à Stringocéphales. c. Calcaire rougeâtre. d. Grès et schistes rouges. e. Lacune. /. Poudingue supérieur. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 843 h. i. Schistes avec rognons calcaires à la base. Dolomie. Calcaire noduleux. /'. Marbre de Golzinne. k. Lacune. /. Psammites du Condroz. Toutes ces assises inclinent faiblement au midi. — Les cal¬ caires de Bovesse, à Avicula Neptuni et à Spirifer Bourchardi sont supérieurs au second poudingue. En approchant de Namur, on a traversé un petit bassin de phthanites, avec minces couches de houille, intercalé dans le calcaire carbonifère. La discussion étant ouverte, M. Donckier tient à faire remarquer que, d’après les détails dans lesquels est entré M. Gosselet, le calcaire rouge c se trouve dans une partie boi¬ sée qui cache le contact de cette assise avec le calcaire à Strin- gocéphales, de sorte que cette coupe prête aux mêmes objec¬ tions que celle de l’Orneau. M. d’Omalius d’Halloy fait observer que la première ques¬ tion à résoudre est celle de la succession des assises, et de l’âge du poudingue du Mazy. Ce dernier est-il du poudingue de Bornot, ou une assise supérieure au calcaire de Givet, comme le pensent MM. Gosselet et Dewalque ? Mais on n’a pu, ajoute M. d’Omalius, constater aucune superposition directe, et les différences de niveau que l’on a observées peuvent très-bien, selon lui, s’expliquer par les dislocations que le sol a éprou¬ vées-, aussi ne voit-il pas encore de motifs suffisants pour abandonner l’opinion qu’il s’était formée anciennement et qui avait été adoptée par Dumont; opinion qui est principalement fondée sur la circonstance que l’on n’a pas encore signalé dans tout le bassin carbonifère d’entre l’Escaut et la Roer d’autre dépôt de poudingue supérieur au calcaire de Givet. M. Donckier dit qu’il n’a pas reconnu dans les grés et les poudingues du Mazy les caractères minéralogiques qu’il est habitué à rencontrer dans l’étage de Burnot. M. Gosselet dit, de son côté, qu’il s’est surtout appuyé sur la présence du Spirifer Verneuili pour mettre au-dessus du calcaire de Givet les poudingues du Mazy et les assises qui lui sont supérieures. M. d’Omalius réplique que l’abondance de cette espèce 8Ü4 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, dans les calcaires du Mazy annonce qu’elle a yécu longtemps et qu’elle a dû exister antérieurement. M. Piette constate la présence du Spirifer Verneuili dans le poudingue du Mazy ; il ne croit pas qu’on l’ait trouvé dans celui d’Àlvaux. M. G. Dewalque répond négativement ; aucune des formes qu’on peut rapporter à cette espèce n’a été trouvée dans l’étage de Burnot incontestable, qui, d’ailleurs, est à peu près dépourvu de fossiles. La suite de la discussion, relative au classement des assises dans la série anthraxifère, est remise après l’examen du bassin du Gondroz. M. Gosselet appelle ensuite l’attention sur le petit bassin de phthanite dont il a parlé : Dumont le rapportait au système houiller, dont il constituait l’étage inférieur; suivant M. Gos¬ selet, il n’y a pas de raisons suffisantes pour séparer cette assise du calcaire carbonifère et en constituer un étage distinct. M. de Rouville expose qu’on trouve, à la partie supérieure des calcaires carbonifères du Languedoc, des rognons qu’on ne saurait distinguer de ceux que l’on observe ici dans l’ampélite de Chokier; en outre, ils renferment une goniatite bien voisine du Goniatites diadema de cette dernière localité. Néanmoins, ces assises appartiennent si bien au calcaire carbonifère, qu’elles se trouvent très-loin, géographiquement, du terrain houiller. M. J. Van Scherpenzeel-Thim ajoute, à l’appui de cette clas¬ sification, qu’à Ghokier, où les couches sont fort plissées, on voit 10 à 15 mètres d’ampélite à rognons suivre la masse du calcaire carbonifère, tandis que la stratification des schistes houillers en est indépendante. M. d’Omalius d’Halloy est disposé à ne voir dans ce dernier fait qu’un accident local dont il ne faudrait pas exagérer la va¬ leur. Il rappelle que l’un des principaux résultats que l’on doit aux laborieux travaux de Dumont, est la concordance de nos étages anthraxifères. Quant au fait cité par M. de Rouville, il appartient à un bassin trop éloigné pour pouvoir servir à la classification de ces étages en Belgique. Suivant M. G. Dewalque, le changement dans la nature de DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. SZ|5 ia roche est, en ce qui concerne l’ampélite, un fait trop impor¬ tant pour être négligé et laissé à l’écart. En considérant cette assise comme un étage à part, elle peut former un étag moyen du terrain carbonifère, que la plupart des géologues divisent en trois. M. Gosselet répond que le millstone-grit n’est pas un étage : il manque du caractère fondamental, une faune spéciale. M. Dewalque pense qu’il y aurait beaucoup à dire sur ce su¬ jet, qui rebferme une question de fait et une autre de théorie, dans l’examen desquelles il ne croit pas convenable d’entrer. Il attache d’autant moins d’importance à cette discussion, qu’il est généralement admis que la limite supérieure du calcaire carbonifère ne" correspond pas à une époque précise et partout invariable ; mais, que, au contraire, des sédiments vaseux ou sableux ont remplacé la formation du calcaire à des époques qui ont varié suivant les pays. M. d’Omaüus d’Halloy est également d’avis que les questions de classification et de limites n’ont pas l’importance qu’on semble quelquefois y attacher. Séance du, dimanche 6 septembre 1863. La séance est ouverte à huit heures et demie, à l’hôtel de ville deDinant, que l’administration communale s’est empressée de mettre à la disposition de la Société. M. le Président exprime ses remercîments à M. l’échevin qui assiste à la réunion. M. le Président annonce les présentations suivantes : 1° M. J. Van Scherpenzeel-Thim, ingénieur principal des mines, à Liège (Belgique), rue Trokay, par MM. d’Omalius d’Halloy et A.Gaudry, 2° M. A. Hennequin, élève ingénieur à Liège, par les mêmes -, 3° M. Guillebot de Nerville, ingénieur en chef des mines, h Périgueux (Dordogne), par MM. Levailois et Deiesse. S/|6 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, Le Secrétaire obtient la parole pour îe compte rendu de la journée. La Société a quitté Namur par le train de huit heures et est descendue à Luslin. La gare est sur la rive droite de la Meuse, au milieu de la bande type du poudingue de Burnot; cette localité se trouve sur l’autre rive, un peu au midi. Cette bande a environ 1600 mètres de large-, au N. et au S., une partie des bancs a été mise à découvert par le chemin de fer de Namur à Givet- ailleurs la couleur rougeâtre des terres et la nature des cailloux font reconnaître l’étage sans difficulté. Toute la série est parfaitement exposée sur la rive gauche ; du point où nous sommes, on constate qu’elle forme un voûte régu¬ lière, dont le côté nord incline dans ce sens de 50 à 60 degrés, tandis que le côté sud pend au S. de 30 à 35 degrés. Cette différence dans la grandeur de l’inclinaison est habituelle dans les nombreuses voûtes du Condroz; elle tend â montrer que le plissement qui les a produites a été le résultat d’un rejet de l’Ardenne vers le N. lié à un mouvement ascensionnel, qui s’opéra probablement à la suite de l’époque houillère. La direc¬ tion est, au N., d’environ 115 degrés, au S., 90 degrés, c’est- à-dire que la ligne anticlinale s’abaisse doucement vers l’E. La puissance visible peut être évaluée de h 00 â 500 mètres. La Société s’est transportée sur l’autre rive pour examiner de plus près les roches de cet étage. Ce sont des poudingues, des grès, des psammites, des schistes, qui présentent tous les degrés possibles d’un sédiment mécanique. Les poudingues sont à fragments peu roulés, plutôt anguleux qu’arrondis, de quartz blanc, et de quarlzites ou de grès de teintes diverses, parmi lesquels se laissent, souvent reconnaître les principales variétés de ces roches en Ardenne -, d’autres sont rougeâtres et semblent devoir cette teinte plutôt à une imprégnation de ma¬ tières ferrugineuses qu’à l’altération de la chlorite qui carac¬ térise certaines roches plus anciennes; d’autres sont noirs et luisants-, tantôt ce sont des quartzites polis par le frottement; mais il en est qui présentent plutôt la cassure des jaspes et des phthanites, quoique cette roche ne soit pas connue dans l’Ar- denne. Le volume des fragments varie depuis celui d’un pois jusqu’à celui d’un œuf; rarement ils dépassent la grosseur du DU 30 AOUT AU 0 SEPTEMBRE 1863. 8/j7 poing. Ils sont généralement réunis par un ciment de psammite brunâtre, ou bien de grès de même couleur ou vert sombre ; quelques bancs ne les montrent que disséminés, et, dans ce cas, il n’est pas rare d’y voir des fragments de schistes rouges qui semblent provenir d’un remaniement de couches du même étage. Les grès, dont la grosseur des grains est très-variable, sont souvent d’un vert sombre, passant par altération au brun rou¬ geâtre, teinte qui est quelquefois primitive et qui est suscep¬ tible de s’affaiblir et de passer au gris jaunâtre et meme au gris blanchâtre. Les psammites sont presque toujours brun- rouge. Il en est de même des schistes, dont la teinte rouge- amaranthe est aussi constante que la texture grossièrement feuilletée, se délitant en fragments irréguliers. Quelques bancs sont jaunes ou jaune verdâtre -, il est plus rare de voir des taches de même couleur sur le fond rouge. Ces diverses roches se présentent sans ordre bien marqué ; les schistes alternent avec les grès ou les psammites par cou¬ ches ou par assises ; en général, cependant, on peut dire que les grès dominent vers le bas, tandis que le poudingue se rencontre surtout vers le haut, notamment pour les bancs à gros fragments. A Burnot, cet étage plonge sous le calcaire de Givet. L’étage des calcaires et des schistes à Calcéoles, ou de Couvin, E2 de la carte géologique de la Belgique, ne s’observe dans ce pays que le long du bord septentrional de l’Ardenne, depuis la frontière de France jusqu’à l’Ourthe. Ce calcaire ne présente rien de particulier-, bientôt les bancs deviennent horizontaux, puis ils se relèvent à la sortie du village de Rivière. Cette disposition en bassin ou fond de bateau se voit très-nettement sur les escarpements de la rive droite. Yers le N., l’inclinaison atteint 50 degrés S. -, au S. , elle est de 60 degrés N. C’est vers le milieu de cette bande que se trouve la caverne de Chauveau, célèbre par les ossements humains sur lesquels M. Spreng a publié naguère un travail très-intéressant (1). Sous le bord méridional de ce bassin paraît une nouvelle (1) Bail . de V Acad, roy . de Belg . , t. XX, 3e part. , p. 427, 4 853. SliS REUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, voûte de poudingue de Burnot qui se termine à Bouillon ; on observe en ce point, à la partie supérieure de l’étage, un ou deux bancs calcariféres, comme on en a vu à Pôpinster et comme on peut en voir au nord de la gare de Lustin. On ne peut comparer ces bancs aux calcaires rouges d’Alvaux. Sur les flancs du ravin de Bouillon se voient deux amas de tuf calcaire qui semblent en avoir autrefois barré l’entrée-, cette formation est due à un ruisseau qui a dû posséder jadis un pouvoir in¬ crustant bien supérieur à ce qui lui reste aujourd’hui. A Bouillon reparaît une nouvelle bande de calcaire de Givet; on a été l’étudier sur la rive droite. A un kilomètre S. de l’église de Godinne se trouve une carrière ouverte dans la par¬ tie supérieure de l’étage ; les bancs sont assez épais, souvent riches en polypiers ou en fragments spathiques de tiges de crinoïdes. Le Stringocephalus Burtini se présente dans quel¬ ques-uns avec une certaine abondance. Le calcaire se continue jusque au hameau de Fidevoie, avec une puissance de A00 mètres. Au milieu se trouve une mince assise schisteuse -, dans les bancs qui suivent se rencontrent beaucoup de parties noduleuses, des lits de calschiste souvent fossilifères, une quan¬ tité de polypiers où dominent Favosites polymorpha et F. spon - gites et des Spirifer Verneuili (aperturatus ?) de grande taille. C’est là un fait d’une haute importance pour la classification ; ce calcaire doit comprendre le calcaire de Frasne. Au-dessus de cette masse calcaire se trouve l’étage des schistes de Famenne. Il est caché dans la vallée de la Meuse par les cultures et les alluvions-, on peut l’observer à Fidevoie dans un chemin qui monte vers le plateau; ce sont des schistes bien feuilletés, gris verdâtre passant au gris brunâtre, qui apparaissent çà et là sous les éboulis. J’y ai trouvé direc¬ tion = 103 degrés, inclinaison S. = 62 degrés, exactement comme dans les derniers calcaires; leur puissance ne doit pas dépasser 200 mètres. L’étage suivant, les psammites du Con- droz, est également caché sur cette rive-, la Société les a exa¬ minés sur la rive gauche. On y exploite pour pavés des psam¬ mites massifs ou stratoïdes, gris verdâtre, micacés, où j’ai trouvé direction = 10A degrés, inclinaison S. = 62 degrés. C’est la partie supérieure de l’étage quartzo-schisteux du sys- DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 8Æ9 tème condrusien-, un peu plus loin, on arrive ù l’étage calca- reux du même système, c’est-è-dire au calcaire carbonifère. Je laisse à M. E. Dupont le compte rendu de l’excursion dans ce dernier terrain. M. E. Dupont, en prenant la parole, demande la permission de commencer par l’exposition des principaux faits qu’il a reconnus dans l’ensemble de cet étage (1). Le calcaire carbonifère de notre pays offre, dans sa plus grande épaisseur, 800 mètres environ de puissance. Il occupe, en outre, de grands espaces dans nos contrées, et il s’y trouve réparti dans de nombreux massifs trés-aîlongés de l’E. à l’O. et séparés les uns des autres par un relèvement du terrain dévonien. Ce n’est donc qu’en distinguant plusieurs niveaux dans l’ensemble de ces couches qu’il était possible de faire l’étude détaillée et comparative de la constitution du calcaire carbonifère dans les diverses localités où on le ren¬ contre. A cet effet, j’ai divisé cet étage en six groupes de couches, désignés sous le nom d'assises. En voici les principaux carac¬ tères : I. Assise cC Etrœungt : Calcaire gris à crinoides laminaires, présen¬ tant à la base des schistes intercalés et un mélange d’espèces dévoniennes et carbonifères; à la partie supérieure, les fossiles sont exclusivement carbonifères. II. Assise cC Avesnelles : Calcaire compacte gris à la base, noir à la partie supérieure, caractérisé par le Productus Heberti et un Pecten voisin du plicatus et du decens. III. Assise de Tournay : Calcaire gris à veines bleues, renfermant le Spirifcr mosquensis en grande abondance. IV. Assise de fVaulsort : Calcaire à noyaux spathiques radiés, avec de nombreux Spirijer striatus et cuspidatus. V. Assise de Nanuir : Elle est formée presque exclusivement de dolomie. Fossiles prédominants : Harrnodites catcnatus et Evomphalus serus. VI. Assise de Visé : Calcaire de nuances et de structures très-variées dont les fossiles les plus fréquents sont à la partie inférieure, le Productus cora; à la partie supérieure le Productus gigan- tcus (2). (1 ) Notice sur le calcaire carbonijère de la Belgique et du Hainaut jrançais [Bull, de (Acad, de Belg 2e série, t. XIV). (2) Une autre forme peut être très-facilement confondue avec ce 850 RÉUNION EXTRAORDINAIRE À LIÈGE , L’étude du caicaire carbonifère dans les diverses localités de la Belgique a fait ressortir immédiatement cet important résultat-, les six assises conservent invariablement les caractères que je viens d’énumérer. Depuis Tournay jusqu’à Aix-la- Chapelle, toutes montrent la même position relative. le même faciès minéralogique, le même ensemble de fossiles, de manière qu’elles sont aussi facilement reconnaissables dans une localité que dans l’autre. Mais si ces six assises offrent sur cette surface considérable si peu de variations dans leurs particularités distinctives, elles sont loin de montrer une telle constance pour leur réparation dans chacun des massifs où le calcaire carbonifère existe en Belgique. Ce n’est, en effet, que par exception que les six groupes de couches se trouvent réunis; presque toujours, au contraire, une ou plusieurs assises font entièrement défaut. C’est ainsi qu’à côté du massif de Falmignoul, le seul qui offre intégralement la succession de toutes les assises, trois massifs sont caractérisés par l’absence complète de plusieurs d’entre elles, ainsi qu’il est indiqué dans le tableau suivant. MASSIF 1)E FULM1GNOUL. 1. Assise d’Étrœungt. II. Assise d’Avesuelles. III. Assise de Tournay. IV. Assise de Waulsort. V. Assise de Namur. VI. Assise de Vise. MASSIF D’HASTIÈRE. I. Assise d'Etrœungt. il. Manque. j III. Assise de Tournay. I IV. Manque, j V. Assise de Namur. j "VI. Assise de Vi*é. MASSIF d’AUSEREMME. I. Assise d’Étrreungt. II. Manque. III. Assise de Tournay. IV. Assise de Waulsort, V’ Manque. VI. Manque. MASSIF DE DINANT. I. Assise d’Etrœungt. II. Assise d’Avesnelles. lit. Manque. IV. Manque. V. Assise de Namur. VI. Assise de Vise'. En établissant que tous les autres massifs du pays ne pos¬ sèdent également que des séries très-incomplètes, mais que chacun conserve la même série dans toute son étendue, nous sommes amené à conclure que les lacunes dont le calcaire car¬ bonifère est affecté se rattachent à un phénomène qui a dû Productus ; c’est le Chonetes comoïdcs. On ne peut guère le distinguer de certaines variétés du Productus giganteus que par son area très- large, ainsi que M. Horion nous l’a fait observer. Il est donc possible que beaucoup des fossiles que j’ai indiqués comme des Productus giganteus, ne soient que des Chonetes comoïdes , la ténacité de la roche dans laquelle ils sont renfermés ne permettant guère de s’as¬ surer de la présence de Tarea. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 851 jouer un grand rôle pendant le dépôt de ces couches puis¬ santes. L’importance de ces lacunes s’accroît encore quand nous montrons qu’elles deviennent de plus en plus considérables à mesure qu’on s’avance vers le nord de notre bassin primaire-, car chacun des étages dévoniens décroît aussi d’épaisseur suc¬ cessivement et en quelque sorte d’une manière uniforme suivant la même direction. L’identité de ces faits porte donc à croire que le même phénomène a agi pendant la période dévonienne aussi bien que pendant le dépôt du calcaire carbo¬ nifère. La faune des six assises se compose de plus de mille espèces. Mais tous ces types ne se retrouvent pas dans chacune d’elles. Telles espèces, comme Spirifer mosquensis , Conocardium hiber- nicum , etc., ne se montrent que dans les assises inférieures; d’autres, Spirifer cuspidatus , Pleurotomaria Sowerbyana , etc., n’ont encore été rencontrées que dans les assises moyennes. A leur tour, les assises supérieures présentent leurs types particuliers, Productus gigcinteus , P . striaius , etc. Enfin, quelques-uns, Productus cora , P. semireticidatus , etc., se voient dans la série entière. Il n’est cependant guère d’espèces localisées dans une seule assise; mais toutes offrent dans chaque niveau un degré de fréquence constant, différent de celui qu’elles présentent dans les niveaux voisins. Ce fait se montre avec une telle uniformité pour chaque type, que nous avons cru pouvoir formuler cette loi sur les espèces du calcaire carbonifère de ces contrées : Chaque espèce, à son apparition, est peu abondante; elle augmente insensiblement de fréquence jusqu’à ce qu’elle atteigne son maximum de développement numérique, qui a toujours eu lieu à un niveau déterminé et constant; elle diminue ensuite peu à peu sa fréquence jusqu’à sa disparition complète. On comprend donc que chacune des assises a un faciès pa- léontologique spécial. D’abord, le degré de fréquence de ses espèces lui est propre; de plus, certaines espèces qui appa¬ raissent avec elle la distinguent des assises sur lesquelles elles 852 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE reposent, tandis que d’autres, qui s’y éteignent, la distinguent des assises qui lui sont supérieures. Après cet exposé, M. Dupont continue en ces termes : L’endroit où la Société commença, vis-à-vis d’Yvoir, l’étude des couches qui nous occupent ne donne qu’une idée de leur faciès général (voy. la Coupe de la Meuse , pl. XII). On peut y saisir toutefois, tant dans la nature de leurs roches que dans leur faune, la transition insensible du terrain dévonien au terrain car¬ bonifère. Des schistes, intercalés dans des bandes calcaires et adossés aux psammites du Gondroz, indiquent la liaison de ces couches avec la série quartzo^schisteuse dévonienne -, les bancs calcaires, entre lesquels se trouvent ces schistes, font pressentir la longue période où l’élément calcareux va régner univer¬ sellement. Ces caractères mixtes se rencontrent aussi dans la faune-, c’est dans cette même série de calcaires et de schistes alternant que M. Gosselet (1) et moi avons trouvé, à Étrœungt et dans les environs de Dinant, le Spirifer Verneuili , le Phacops latfrons et autres espèces caractéristiques des étages dévo¬ niens, associés au Spirifer mosquensis , à la Phillipsia gemrnu - lifera, etc., qui ont la même valeur pour le calcaire carbo¬ nifère. Ces couches passent à un calcaire très-dur, sans schistes intercalés, d’une épaisseur de 20 mètres environ. Ce calcaire, presque exclusivement formé d’articles de tiges de crinoïdes laminaires, porte dans l’industrie le nom de petit granit et correspond au calcaire si renommé des Ecaussines. Il ne con¬ tient que des fossiles carbonifères : Productus semireticulatus, Spirifer mosquensis , etc. Le petit granit est recouvert d’un calcaire dolomitique, au milieu duquel se trouve des silex de diverses nuances et d’épaisseur variable, disposé en nombreuses bandes parallèles à la stratification. Toutes ces couches forment le groupe inférieur, l’assise d’Ëtrœungt. L’assise II d’Avesnelles lui succède. Elle est formée de cal- (1) Mémoire sur les terrains primaires de la Belgique, des environs d’Avesnes et du Boulonnais. 4 860. DU 30 AO UT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 85 3 caires gris violâtres à la base, passant ensuite au noir. On y trouve des lits de caîscîiistes et des bandes de pbtanites. Elle contient généralement très-peu de fossiles. Nous citerons comme espèces pouvant servir à la caractériser : Pecten voisin du P . plicatus , Productus Heberti , et une variété de Productifs Flemingii propre à cette assise. Le cinquième groupe, l’assise de Namur, est directement superposé au second. Cette assise se compose presque entière¬ ment de dolomies, tantôt blanchâtres et cohérentes, tantôt pulvérulentes et de couleur foncée. Elle présente aussi à la base des calcaires noirs compactes qui se distinguent bien difficilement des calcaires du second niveau. Cette difficulté a lieu particulièrement lorsque les assises d’Avesnelles et de Namur se montrent comme ici en contact immédiat. Les fossiles les plus caractéristiques de l’assise Y par leur abondance sont : Harmodites catenatus, Evomphcilus serus , E . œqualis , etc. Le sixième groupe, ou assise de Yisé, repose sur l’assise de Namur. Les calcaires qu’il renferme présentent des caractères de structure et de couleur si variables que cette assise semble résumer toutes les autres. C’est réellement là son meilleur caractère pétrographique. Les couches de ce niveau sont, en outre, divisées en tous sens par de nombreux filons d’argile et de calcaire -, ces particularités se rencontrent rarement dans les assises inférieures. La base de l’assise est formée de calcaires blanchâtres, sub- compactes, renfermant une grande quantité de Productifs cora . Us passent à un calcaire gris de diverses nuances, pénétré de filons de matière argileuse qui le transforment en brèckes9 et sa stratification est tellement confuse qu’il est souvent impossible de les reconnaître. Il renferme généralement en abondance : Productifs giganteus , P. undatus , etc. En cet endroit, une faille met l’assise de Yisé VI en contact avec les psammites dévoniens. Cette fracture n’existe pas sur l’autre rive de la Meuse. La Société traversa ensuite les psammites du Condroz, mis au jour par cette faille sur une longueur d’une centaine de mètres, et recoupa jusqu’à Moulin la même série qu’elle venait 85â RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, de voir, c’est-à-dire les assises I d’Étrœungt, Il d’Avesnelles, Y de Namur, VI de Visé. On voit à Moulin le contact du sixième groupe avec le ter¬ rain houiller; et comme nous avons vu le terrain dévonien passer insensiblement au calcaire carbonifère, le calcaire carbo¬ nifère, à son tour, présente une série transitoire vers le groupe houiller. Ce dernier commence, entre Namur et Liège et notamment à Ghokier, par une assise de phtanite et d’ampélite. Les schistes, alternant avec des couches de houille, viennent ensuite. Les bancs supérieurs de l’assise de Visé préludent en quelque sorte vers cette grande période. Us contiennent ici beaucoup de phtanites et quelques couches de houille sèche y sont intercalées. Us présentent, en outre, des fossiles carboni¬ fères, Productus gigcinteus , P . fimbriatus , etc., associés à un Productus voisin du carbonarius , espèce caractéristique du terrain houiller. Le terrain houiller s’étend jusqu’à la fabrique de poteries d’Anhée. U commence par des schistes passant à l’ampélite et contenant des sphéroïdes de calcaire noir et de sidérose avec Goniatites atratus. C’est le correspondant exact de Yampéiite de Chokier. Les schistes houillers proprement dits renferment des couches de houille sèche imprégnée de pyrite; elles ne sont pas exploitées. Cette localité montre encore deux faits dignes de remarque : à Moulin, la superposition des strates est normale, les schistes houillers reposent sur le calcaire carbonifère -, mais sur le bord S. du bassin, les couches sont renversées. C’est précisément le contraire sur la rive droite. Le renversement existe au N., tan¬ dis qu’au S. les superpositions ont lieu suivant la règle. Les deux bords de la Meuse différent encore à un autre point de vue. On observe sur la rive gauche un relèvement, un pli convexe vers le milieu du terrain houiller, sans que le cal¬ caire ait été porté au jour. La rive droite offre, au contraire, une grosse masse calcaire qui divise en deux le bassin houiller. Nous attirons l’attention de la Société sur ce point; car il vient à l’appui de plusieurs autres que nous verrons bientôt, pour DU 80 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1868. S55 démontrer que la valiée de la Meuse est une grande faille dont le bord E. est le plus relevé. Le relèvement est ici d’environ 100 mètres. La Société observa entre le bassin boni! 1er et Bouvignes, au lieu dit T ierm e-des- Va tches , un grand pli anticlinal qui lui a permis d’étudier de nouveau la plupart des couches qu’elle venait de traverser. Le contact entre les assises d’Âvesnelles et de Namur y est très-net et montre fort bien les caractères des lacunes qui affectent le calcaire carbonifère de ces contrés. Les assises II et V y passent, en effet, d’une manière d’autant plus insensible que l’assise de Namur Y présente à la base une série de calcaires noirs qui, ainsi que nous l’avons vu plus haut, peuvent à peine être distingués de ceux de l’assise d’Aves- oelles II. Il y manque cependant plus de 150 mètres de cou¬ ches \ car, à moins d’une lieue plus au S., les calcaires noirs de l’assise Y sont séparés de ceux de l’assise II par les assises III de Tournay et IY de Waulsort, dont le faciès est très-tranché et la faune très-riche, et qui ne montrent pas ici la moindre trace de leurs couches. Qu’on ne m’objecte pas qu’il peut y avoir dans l’endroit que nous observons des couches équiva¬ lentes de ces assises III et IY. J’ai recueilli des Productifs He- herti et Flemingii d’Avesnelles dans des couches immédiatement en contact avec des bancs renfermant les grands Evomphales si caractéristiques du niveau de Namur. Or, ces faunes des as- sises II et Y présentent des différences considérables entre elles ; ce n’est que par celles des assises III et IV qu’elles pas¬ sent de l’une à l’autre. Le calcaire carbonifère n’est formé que de ces quatre assises (I, II, Y, VI) jusqu’au relèvement du terrain dévonien à Neffe, et j’ai observé celle lacune des assises III et IV depuis les en¬ virons de Maubeuge jusqu’au delà de Gomb!ain-au-Pont, c’est- à-dire, sur une longueur de plus de douze myria mètres. La discussion est ouverte sur les faits observés pendant cette excursion. M. Gosseîet conteste le synchronisme des calcaires noirs de Sachant, de Dinant et d’Avesnelîes, admis par M. Dupont. Bacbant possède des fossiles entièrement différents de ceux d’Avesnelles et de Dinant. La difficulté disparaît si on considère 856 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, les couches de Bachant comme étant de l’âge du calcaire géo- dique des environs d’Avesnes qui doivent représenter l’assise Y. C’est cette opinion qu’il a adoptée (, Mém . sur les terr . prim. de la Belgique , etc.) (1). M. d’Omalius dit qu’il ne conteste pas les différences de ni¬ veau que M. Dupont vient de signaler entre des dépôts ana¬ logues qui se trouve en face les uns des autres sur les deux bords de la vallée de Meuse, mais il croit que ces différences proviennent des dislocations que le sol a éprouvées lors du plissement général des terrains carbonifère et dévonien de ces contrées et ne sont point dues à la grande fracture qui a pro¬ duit la vallée où coule cette partie de la Meuse. M. d’Omalius fonde son opinion sur ce qu’il considère, ainsi qu’il l’a fait connaître dans diverses publications, la fracture dont il s’agit comme relativement récente et opérée à une époque où les roches carbonifères et dévoniennes avaient déjà pris beau¬ coup de cohérence, de sorte qu’il ne peut admettre que depuis lors il se soit fait des dénudations suffisantes pour avoir enlevé une épaisseur de 100 mètres des plateaux de la rive droite. M. Dupont ne croit pas que la faille qu’il signale doit être rejetée à cause des dénudations que son existence entraînerait. Les dénudations des terrains primaires sont énormes \ l’état actuel de la surface de ces terrains disloqués en fait preuve. Le sommet des plis anticlinaux les plus considérables, les bords relevés des failles ont été enlevés et les plateaux ont subi une vaste dénivellation. Sans vouloir prétendre en aucune façon que les dénudations qui ont produit cet état des choses aient eu lieu seulement pendant les périodes géologiques récentes, nous rappellerons cette immense quantité de cailloux roulés qui couvrent nos contrées et qui proviennent incontestablement de (4) Cette divergence d’opinions ayant porté M. Dupont à revoir le gîte de Bachant, il a reconnu que les observations de M. Gosselet étaient fondées sans que les siennes fussent inexactes, attendu, ainsi qu’il l'a fait connaître à l’Académie de Belgique, que l’on exploite à Bachant, comme marbre noir, deux assises différentes (celles d’Àves* nelles n° 2, et celle de Namur n° 5), et qu’il n’avait vu, lors de ses premières visites, que l'assise inférieure. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 857 nos terrains primaires. Leur position à la base du déluvium nous démontre que ces terrains ont subi des dénudations très- grandes entre les périodes tertiaires et quaternaires, c’est-à-dire postérieurement à la formation de la portion de la vallée dont il s’agit. Le terrain diestien, qui est aussi plus récent que cette fracture, a commencé également par un dépôt de cailloux. La Société verra, en outre, dans l’excursion de demain d’au¬ tres exemples du relèvement du bord E. de la vallée, relève¬ ment qui amène une différence de niveau à peu près uniforme entre les couches correspondantes des deux rives et qui n’affec¬ tent jamais le bord 0. La constance de ce relèvement s’explique difficilement par l’opinion de M. d’Omalius. Séance du lundi 7 septembre 1863. La séance est ouverte à huit heures, sous la présidence de M. d’Omalius d’Halloy, dans une salle de l’hôtel du Mont-d’Or à Givet. La parole est donnée à M. Dupont pour rendre compte de l’excursion que la Société a faite le matin dans le calcaire car¬ bonifère. Les explorations d’aujourd’hui dans le calcaire carbonifère ont eu pour but l’étude de trois massifs parmi lesquels se trou¬ vait le seul qui présente en Belgique les six assises. Le fait principal que nous avions à y constater, était la position des assises de Tournay et de Waulsort. En effet, en montrant que ces assises se trouvent entre les groupes d’Etrœungi et d’Aves- nelles, d’une part, et ceux de Namur et de Visé, de l’autre, nous établissons l’existence de la série complète des couches dans un massif du pays. L’étude de la constitution des autres massifs rendra dès lors évidentes les nombreuses lacunes que j’y ai signalées, La Société se rendit, vers sept heures du matin, à Anseremme, sur la route de Dînant à Givet, pour y voir une belle coupe des deux assises inférieures. Elle put recueillir, au contact du psammite et du calcaire, des fossiles dévoniens et carbonifères dont ces couches offrent le mélange. Soc. géol.t 2e série, tome XX. 5 5 858 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, L’assise d’Etrœungt I y est bien développée : la tranchée pratiquée pour rétablissement de la route y montre très-dis¬ tinctement la série schisto-calcareuse de la base, surmontée des calcaires exploitables, et ceux-ci couronnés, à leur tour, par des couches dolomitiques avec ou sans phthanites. Nous avons ensuite traversé des calcaires très-compactes, gris violâtre passant au noir et contenant alors des phthanites en bandes et en rognons. C’est l’assise d’Avesnelles II. Ces couches forment un grand pli synclinal et quelques-unes de celles dont la Société venait d’observer les caractères repa¬ raissent au jour. Ce sont d’abord les phthanites de l’assise d’Étrœungt dégagés de leurs gangues calcaires et épars sur le le sol *, puis les calcaires à Entroques exploitables. Ces derniers se repliant en voûte amènent de nouveau la réapparition des phthanites libres et celle de l’assise d’Avesnelles, comme l’in¬ dique la coupe suivante : I. Assise I! Assise I. Assise d’Etrœungt. d’Avesnelles. d’Étrœungt. Dumont admettait, comme on le sait, pour le calcaire car¬ bonifère de la Belgique, la série qui suit : Calcaire à crinoïdes, Dolomie, Calcaire à Procluctus , DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 859 Pour lui les calcaires a de la coupe précédente (1) étaient le sous-étage intérieur au calcaire à crinoïdes; les calcaires magnésiens avec ou sans phthanites b représentaient le sous- étage moyen ; et le sous-étage à Productus avait pour corres¬ pondant les calcaires c. De cette façon, Dumont était amené à regarder les phthanites éparses d comme formant la base d’un petit bassin houiller dont l’un des bords était renversé. Mais la Société a pu s’assurer que l’ensemble des caractères géologiques de ces couches s’oppose à une telle interprétation -, ces phthanites doivent être considérés comme faisant partie de l’assise d’Étrœungt I. C’est également à la partie supérieure de cette assise qu’on doit rapporter la plupart des phthanites qui couvrent le sol dans diverses parties du Condroz et de l’Enlre-Sambre-et- Meuse. Nous avons eu la satisfaction de voir notre vénéré maître, M. d’Omalius, adopter cette opinion. La Société revint ensuite à Auseremme pour se reporter de nouveau sur la rive gauche de la Meuse. En cet endroit, on peut observer un petit massif offrant une lacune évidente. On y voit, en effet, l’assise d’Etrœungt I avec ses caractères ordinaires, recouverte par i’assise de Tournay 111, sans qu’il y ait entre les deux le moindre indice des calcaires compactes gris et noirs de l’assise d’AvesnelIes IL Cependant ceux-ci ont été observés par la Société à moins de 500 mètres de distance au N. et au S. Il n’y a donc pas le moindre doute sur leur absence dans ce petit massif. L’assise de Tournay y est bien caractérisée $ elle est formée de calcaires souvent siliceux, gris, avec de nombreux filets bleus et des veines cristallines. Ce faciès la distingue au pre¬ mier aspect des autres assises. Les fossiles y sont très-abon¬ dants et présentent comme espèces les plus fréquentes : Spirifer mosqucnsis. I Procluctus Flemingii. Orthis Michelini. | F cries te lia plebeia. (1 ) Voyez les coupes de la Meuse [Bull, de la Soc.géol . de France , \Xb sér., t. VI, 1 834), et Mémoire sur le terrain rhénan [Mém. de VAcad, de Belgique, t. XXI, 1847). 860 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, La faune de l’assise de Tournay III offre des différences con¬ sidérables avec celle de l’assise d’Etrœungt I-, mais le passage entre elles est tout à fait insensible au moyen de la faune de l’assise d’Avesnelles II. Or, se refuser à admettre ici l’absence de ce dernier niveau, c’est considérer la faune de Tournay comme ayant succédé immédiatement dans l’ordre chronologique à celle d’Etrœungt 5 tandis que dans les parages adjacents, la transformation de la faune d’Etrœungt en celle de Tournay ne s’est opérée qu’après sa transformation en celle d’Avesnelles. Car, nous le répétons, chaque espèce du calcaire carbonifère a parcouru une véritable évolution, et la série animale s’est modifiée constamment et insensiblement pendant toute la durée de cette période; de manière que chaque assise a un caractère paléonlologique qui empêche de la confondre avec les couches voisines. Nous sommes rentrés dans le massif de Falmignoul. Les assises d’Etrœungt et d’Avesnelles (1, II) forment entre Anse- reinme et Freyr de nombreuses ondulations. Elles sont ensuite renversées, de façon qu’à Freyr, l’assise de Tournay III paraît inférieure à l’assise d’Avesnelles II. Le troisième niveau se termine comme les deux premiers par une série de couches phtaniteuses intercalées dans des calcaires souvent dolomi- tiques. L’assise de Waulsort IY lui succède. Ce niveau remarquable a une puissance de 70 mètres environ. Il est formé d’un cal¬ caire gris, magnésien, avec de nombreux noyaux spathiques radiés qui lui donnent un aspect particulier. Il récèle une grande quantité de fossiles qui ne se répartissent pas dans moins de 500 espèces, et dont les plus caractéristiques par leur abondance sont : Spirifer striatus. — caspidatus. Rhynchonella pleurodon. Conoccirdiam a J ce j or me. Avicula lunulata. Amplexus coralloides. Sur la rive gauche du fleuve, entre Waulsort et Freyr, l’as¬ sise. de Waulsort a tout son développement. Les phthanites de l’assise de Tournay seuls s’y voient au pied de la colline et la DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 861 lase de l’assise de Namur sur le plateau. Au contraire, sur la rive droite, l’escarpement offre l’assise de Tournay bien déve¬ loppée et les phthanites de la partie supérieure de l’assise se montrent au sommet avec un petit lambeau de l’assise de Waulsort. La différence de niveau entre les couches corres¬ pondantes des deux rives est donc bien sensible; elle est d’au moins 70 mètres, et elle met en évidence le fait que j’ai indiqué hier dans le terrain houilîer d’Anhée : la vallée de la Meuse est une faille dont le bord E. est le plus relevé. Les escarpe¬ ments du fleuve présentent encore de nombreux exemples analogues, comme on pourra le voir en comparant la coupe ci-jointe des deux rives de la Meuse. La vallée que nous avons parcourue, ne montre pas d’une manière très-distincte la superposition de l’assise de Namur Y* On n’en voit qu’un lambeau au sommet de l’escarpement dans le grand pli concave de l’assise de Waulsort. Pour donner à la Société une démonstration plus complète de ces superpositions, il eût fallu se rendre sur les plateaux, ce qui demandait un temps dont nous ne pouvions disposer. Les phthanites de l’assise de Tournay qui ondulent sur un grand espace sous l’assise IV, se relèvent prés de Waulsort et cette assise entière y présente une belle coupe dans la tranchée du chemin de fer. Le village de Waulsort est établi sur l’assise d’Étrœungt. Le psammile sur lequel cette dernière repose, fait un pli convexe très- prononcé, mais il n’atteint pas le sommet de l’escarpement. C’est là que se termine le massif de Falmignoul , le seul qui présente en Belgique la série complète des couches du calcaire carbonifère (1). Nous sommes enfin entrés dans un autre massif \ celui d 'Hastière, limité au N. par ce relèvement des psammiîes à Waulsort et au S. par la grande dévonienne du midi (I) Antérieurement j'avais nommé ce massif massif de Florennes, mais quelques membres de la Société m'ayant fait remarquer que cette localité est bien éloignée de la Meuse où j'ai pris tous mes types, j'ai cru devoir me rendre à la justesse de cette observation et lui donner le nom de massif de Falmignoul, avec d’autant plus de raison que les six assises entières sont réunies sur ce point. 862 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, de la Belgique. Il n’est formé que des quatre assises sui¬ vantes : I. Assise d’Étrœungt. II. — de Tournay. III. — de Namur. IV. - de Visé. La vallée de la Meuse n’y montre pas les deux assises supé¬ rieures, fait que nous venons d’observer également dans le massif de Falmignoul. La Société n’a donc pu y étudier que les assises d’Étrœungt et de Tournay. L’assise d’Étrœungt y forme un magnifique escarpement. La colline, haute de près de 100 mètres, s’élève perpendiculaire¬ ment sur un espace de plus d’un kilomètre et est formée de couches admirablement stratifiées. Les bancs de calcaire, inter¬ calés dans des lits de schistes, sont mis en relief par le délite¬ ment de ceux-ci et dessinent parfaitement les nombreuses ondulations des couches. Cette assise I y a ses caraclères habi¬ tuels. Elle est recouverte par les calcaires de l’assise III de Tournay. Rien n’y indique l’assise II d’Avesnelles-, les calcaires à veines bleues dans lesquels j’ai recueilli soixanie-huit espè¬ ces (1), reposent directement sur les calcaires à phtbanites de Fassise d’Ëtrœungt. C’est donc la reproduction de l’exemple de lacune que j’ai indiqué ce matin à la Société dans le massif d’Anseremme. L’assise de Tournay a subi dans ces localités une modification étrange. Ces calcaires, nous l’avons vu, sont généralement gris. I ci, ils sont bigarrés de rouge et de vert. Sur la rive droite, vis-à-vis de ce point, ils sont rouges et ne montrent que de 1 oin en loin quelques parties revêtues de leurs caractères ordi¬ naires ^ ils sont en outre percés de géodes tapissées de calcaire cristallisé dans les formes les plus compliquées. D’après cela, on ne doit voir, me paraît-il, dans ces faits que la preuve d’une action produis par des agents étrangers sur ces calcaires posté¬ rieurement à leur formation. (I) Gîte de Matignolles. Bull, de l’Acad. de Belgique , 2e série, t. XII, p. 293. DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 863 Le ravin de Tahaux, près d’Hastiére, donne une belle coupe de ce massif. On y voit, comme nous l’avons dit, l’assise Y, caractérisée par sa dolomie et ses Harmodites catenatus , repo¬ ser immédiatement sur l’assise III, et surmontée à son tour par l’assise VI. Sur la Meuse, l’assise de Tournay fait un grand pli synclinal qui ramène à la surface l’assise d’Étrœungt I, puis les psam- mites du Gondroz de la grande bande dévonienne du sud de la Belgique. Nous avons atteint la limite méridionale du calcaire carbonifère, et c’est là que se termine la première partie de l’excursion d’aujourd’hui. Arrivée à Hastière, la Société a pris le chemin de fer qui l'a conduite à Givet, où elle devait étudier l’étage de Frasnes et le système eifélien. M. Gosselet a été chargé de diriger la course dans ces lieux qu’il avait spécialement étudiés, et d’en rendre compte à la séance du soir. Je vais essayer de rapporter les faits constatés et les principaux points abordés dans nos dis¬ cussions. Les psammites du Gondroz, qui apparaissent sous le cal¬ caire carbonifère, s’étendent jusqu’au sud de Blaimont, par suite d’ondulations qui maintiennent les mêmes couches à la surface sur une certaine distance. Plus bas se voit la partie inférieure de l’étage quartzo-schîsteux condrusien, G1 de la carte géologique de la Belgique; c’est une grande masse schis¬ teuse qui s’étend jusqu’au calcaire de Givet et que M. d’Orna- lius a appelée jadis les schistes de Famenne. Ici, il faut distin¬ guer. M. d’Omalius et moi, nous réservons ce nom pour la masse principale de ces schistes, désignant sous le nom de schistes et calcaires de Frasnes les assises en grande partie schisteuses dont M. Gosselet a proposé de faire une section sous le nom d e couches à Terebratula cuhoides. Sur la carte de Dumont, ces schistes ne sont pas distingués de nos schistes de Famenne-, ils sont coloriés de la teinte G1, avec quelques-uns des calcaires de Frasnes, tandis que la plupart de ceux-ci, coloriés de la teinte E3 de l’eifélien calcareux, sont ainsi rap¬ portés au calcaire de Givet, ramené au jour par quelque plis¬ sement supposé. Il semble que cet éminent stratigraphe, entraîné par l’heureux parti qu’il avait si souvent tiré de ces S6k RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, sortes d’accidents, et, d’autre part, n’ayant pas eu l’occasion d’observer, dans la province de Liège, théâtre de ses premiers travaux, des amandes calcaires semblables à celles qu’on trouve si fréquemment dans la région où nous sommes, a été amené à supposer des plissements là où il n’en n’existe point. Les schistes de Famenne proprement dits se montrent jus¬ que prés de Heer, par suite d’ondulations des couches, ana¬ logues à celles qu’on a vues dans lespsammites j ce qui ne nous permet pas d’apprécier la puissance de ces deux étages avec une probabilité suffisante. Dumont y a indiqué, au pont de Waracé, les fossiles du schiste condrusien G4 d’Amay, localité du bassin de Namur qui se rapporte à l’assise que nous avons désignée du même nom, schistes de Famenne, dans la coupe de l’Orneau. En approchant de Heer, on trouve enfoncé au milieu des schistes, à la manière d’un culot plutonien, une grosse masse irrégulière de marbre rouge exploité, qui appartient à l’étage de Frasnes. Plus au S. reparaissent des schistes de Famenne, jusqu’au voisinage de Givet, où se montrent de nouveau les schistes et calcaires de Frasnes. En quittant la gare de cette ville, la Société a suivi la route de Philippeville jusqu’à la chapelle de Notre-Dame-de-Walcourt, où elle a étudié la coupe de l’étage de Frasnes, décrite par M. Gosselet (Bu/L, 2e sér. , t. XVIII, p. 2li -, 1860). Au nord de la chaussée se trouvent les schistes de Famenne, gris ver¬ dâtre sale, bien feuilletés, renfermant en abondance le Spirijer Verneuili et une Rhynchonelle non décrite que M. Gosselet propose de dédier à notre vénéré président. En prenant le chemin de Charlemont, on trouve, au midi de la chaussée et sous les schistes précédents, de nouvelles assises schisteuses, beaucoup plus feuilletées et noirâtres avec une légère teinte vio¬ lacée : ce sont les schistes a Cardium palmaturn de M. Gosselet $ ce fossile n’y semble pas commun -, il y est accompagné du Go- niatites retrorsus. Au-dessous viennent d’autres schistes moins feuilletés, généralement gris-verdâtre sale el fort semblables aux schistes de Famenne-, mais ils s’en distinguent par des lits de nodules argilo-calcaires, répandus à divers niveaux, et par une faune bien différente. On y a trouvé, outre le Spirifer Femcudi , les S. euryglossus et nudus, la Terebratula hijugatai DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 865 les Rhynchonélla cuboïdes et seniilœvis , le Recept aculite s Nep - tuni et une grande goniatite, que je crois non décrite et que je n’avais encore rencontrée qu’à *un niveau un peu inférieur. C’est dans ces schistes que se trouvent intercalés les îlots de marbre rouge, dont j’ai cité un exemple en passant à Heer, et dont deux se trouvent sur notre coupe, l’un à gauche, l’autre à droite du chemin, dans le fort Condé. Ce marbre contient les mêmes fossiles, avec beaucoup de polypiers-, seulement il ar¬ rive fréquemment qu’ils sont peu reconnaissables dans les masses exploitées. Ils forment un niveau bien distinct, de l’ouest à l’est, de la Belgique, et c’est là que j’ai cru devoir fixer la limite supérieure de l’étage de Frasnes, placée par M. Gosselet au-dessus de l’assise à Cardium palmatum , par la raison qu’elle est plus nette et plus facile à reconnaître et à indiquer sur une carte géologique. En dessous vient une nouvelle assise calcaire à laquelle on passe par des bancs de nodules argilo-calcaires gris bleuâtre, que suivent bientôt des bancs réguliers de calcaire gris bleu foncé, dans lequel on n’a pas trouvé de fossiles. Il recouvre, par l’intermédiaire de calschiste noduleux semblable, de nou¬ veaux schistes bien feuilletés, gris bleuâtre ou gris verdâtre, avec nombreux nodules calcaires disséminés, et dans lesquels on a trouvé, avec le Spirifer disjonctas, la Rhynchonélla semi- lœvis et autres espèces des schistes précédents, une téré- bratule que M. Gosselet rapporte avec quelque doute à la T. {Rhynchonélla P') œquiconvexa , Roem., tandis que je serais plus disposé à l’identifier avec la T. {Camarophorià) formosa, Schnur; quoi qu’il en soit, elle nous a paru caractéristique de de cette assise, où elle n’est pas rare. A ces espèces, il faut en ajouter deux qui rappellent par leur faciès les schistes de Bü- desheim dans l’Eifel : ce sont une goniatite rapportée au G. re- trorsus et une orthocère (. Bactrites ). Nous y avons recueilli en outre un fragment de trilobite qui serait, d’après M. de Laval¬ lée-Poussin, le Gryphœus arachnoïdes, Burm., sp. Ces schistes reposent sur la grande masse de calcaire de Givet, c’est-à-dire forment la base de l’étage des schistes et calcaires de Frasnes. Le calcaire de Givet que nous avons vu dans le fossé de 866 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, Charlemont, s’y présente en bancs irréguliers, un peu argileux ou noduleux, et renferme de gros Spirifer Verneuili ou aper- turatus, et une très-grosse variété de X Atrypci reticularis ; certains échantillons de Receptaculites Neptuni m’ont paru provenir des couches les plus élevées. La faune de cette assise est distincte de celle de la grande masse calcaire à Stringocé- phales, et les caractères pétrographiques ne m’ont point semblé reproduire ce que j’ai vu si souvent sur l’autre rive de la Meuse, à la limite supérieure du calcaire eifelien. Après avoir traversé Charlemont, la Société s'est dirigée vers Foische, en passant sur le plateau d’Asfeld, qui atteint l’altitude de 225 mètres. Ce plateau est en partie recouvert d’un diluvium Irés-curieux, renfermant, avec de nombreux cailloux que l’on a reconnus pour être venus de l’Ardenne, d’autres fragments plus volumineux , à contours arrondis , siliceux, blanchâtres, rappelant certains phthanites carbo¬ nifères ou mieux les chailles oxfordiennes, et présentant de nombreuses dépressions ou perforations. En appelant votre attention sur ces blocs, M. Gosselet s’est demandé quelle pouvait être leur origine, le mode et l’époque de leur trans¬ port et la cause des perforations qu’ils présentent. L’idée de perforations par des mollusques lithophages a été généralement repoussée. De Foische, on a regagné la route de Givet à Charleville, en traversant toute la bande de calcaire de Givet ^ sur ce trajet on a rencontré beaucoup de Stringocéphales, au moins à partir du milieu de l’étage. En-dessous paraissent les schistes et calcaires de Couvin, ou partie supérieure de l’étage quartzo-schisteux eifelien de Dumont, E2 de la carte géologique. Cet étage com¬ prend deux assises, la supérieure, à calcéoles, l’inférieure, à Spù'ifer cultrijugatus. Nous n’avons observé que la première : elle est formée de schistes peu feuilletés, grisâtres, plus ou moins calcarifères, passant quelquefois au macigno ou même au psammite, et renfermant quelques rognons et bancs de calcaire; cette dernière roche est bien moins développée ici qu’à Couvin. Les fossiles n’y sont pas rares ; on y a recueilli : Leptœna depressa , L. lepis, Spirifer speciosus , S. curvatus , Calceola sandalina , Pentamerus galeatus, Rhynchonella Wall - DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 867 lenbergi } Fa vosites hasaltica, F, pofymorpha , tieliolithes po- rosa , CyathophyUum ceratites, etc. L’assise inférieure est formée principalement de schistes et de psammites plus ou moins ferrugineux, brunâtres. Au-des¬ sous se trouve la partie inférieure de l’étage quartzo-schisteux eifelien, E1, ou poudingue de Burnot. Ces assises nous auraient entraînés trop loin ; l’heure nous a obligés de rentrer à Givet. La discussion est ouverte sur la partie de l’excursion qui a été consacrée au calcaire carbonifère. M. Gosselet ne conteste pas les superpositions indiquées par M. Dupont, ni les résultats paléontologiques, qui lui paraissent reposer sur de nombreux éléments. Mais les assises sont elles également caractérisées au point de vue minéralogique? I! a reconnu dans le Hainaut la coupe suivante : 4° Calcaire à crinoïdes, 2° Calcaire noir avec calschistes et phthanites, 3° Calcaire dolomitique, 4° Calcaire gris confusément stratifié. Il ne reconnaît pas dans cette coupe celle qu’il a vue le matin, et il en conclut que le caractère minéralogique des assises est fort variable. Il ne croit pas d’ailleurs qu’on puisse se servir des fossiles pour déterminer des niveaux dans un étage. C’est ainsi que le Productus giganteus, qui ne se trouve qu’à Sa partie supérieure du calcaire carbonifère en Belgique, caractérise la base de cet étage en Bussie. Quant aux lacunes dont parle M. Dupont, il ne peut les admettre. Telle assise manque dans un endroit : ou elle a été remplacée, ou elle ne s’est pas dépo¬ sée. Cette dernière hypothèse lui semble peu propre à expli¬ quer les faits observés pendant ces deux jours-, car comment admettre que, le sol demeurant immergé, les sédiments ne se soient pas déposés, tandis qu’à une distance de quelques mètres ils ont formé des couches puissantes? M. Dupont fait remarquer que la coupe observée par M. Gos¬ selet dans le Hainaut, loin d’être opposée à ses idées, les con¬ firme pleinement. Comme il l’a exposé ailleurs (Bull, de V Acad, de Belgique , 2e sér., t. XIV), cette coupe du Hainaut ne présente que les assises d’Étrœungt I, d’Avesnelles II, de Namur V, de 868 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, Visé VI. Les caractères qu’elles y offrent et qui viennent d’être rappelés par M. Gosselet, ne sont- ils pas bien identiques avec ceux que la Société a pu leur reconnaître dans les environs de Dinant, localités qui ne renferment que ces quatre assises? M. Dupont n’aurait donc pu choisir lui -môme un meilleur exemple pour démontrer combien les caractères minéralogiques des assises sont constants, puisque les mêmes couches conser¬ vent un caractère minéralogique identique sur des espaces de plus de 10 myriamètres. Pour ce qui regarde la faune des assises, on n’a pas encore trouvé que les faits qu’il a découverts, fussent erronés pour la Belgique. Chaque jour, au contraire, ses observations le confirment dans sa manière de voir. Le Productus giganteus se trouverait en Russie à la base et le Spirifer mosquensis à la partie supérieure du calcaire. Certes, c’est exactement le contraire qui se voit en Belgique -, mais jamais cette interversion n’a été observée chez nous, où mille espèces cependant ont déjà été recueillies dans divers points du calcaire carbonifère. Il est donc invraisemblable qu’on l’y rencontre jamais. Par conséquent, le caractère paléontologique des assises de notre pays conserve toute sa valeur. La plupart des membres de la Société qui ont assisté aux excursions des deux derniers jours, n’admettent pas que les lacunes aient eu pour causes ni des oscillations successives et locales du sol, ni des dénudations. M. Dupont se félicite de voir ses vues à ce sujet entièrement confirmées par des savants d’une aussi grande autorité. Rien ne révèle, en effet, dans le calcaire carbonifère de la Belgique l’action de ces deux phénomènes qui cependant, s’ils s’y fussent produits, en eussent certainement laissé des traces manifestes. A quels phénomènes peut-on dès lors attribuer la production de ces lacunes? Nous venons d’entendre l’opinion de M. Gosse¬ let. «Ou bien, dit-il, les assises se substituent les unes aux autres, ou les sédiments ne se sont pas déposés dans les endroits où on observe des lacunes. » Il conclut en faveur de sa première hypothèse : les lacunes seraient le résultat du remplacement des assises les unes par les autres \ en d’autres termes, elles ne sont qu’apparentes. Cependant, d’après ce qui a été dit plus haut à propos des DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 860 lacunes du Tienne-des-Valches et d’Anseremme, le remplace¬ ment des assises n’est-il pas d’une impossibilité évidente? Il est établi que la série complète des assises existe dans un massif du pays-, que ces assises s’y sont développées dans un ordre constant} qu’elles y ont chacune un faciès minéralogique spécial et un ensemble de fossiles différent pour chacune d’elles. Ce n’est donc qu’en tenant compte de toutes les assises qu’il est possible de suivre toutes les modifications successives que subit la faune générale pour passer insensiblement de la faune du terrain dévonien à la faune du terrain houiller. En prenant cette série complète comme type, sa comparaison avec les séries incomplètes que tous les autres massifs possè¬ dent, rend les lacunes incontestables. En effet, chaque fois que deux assises sont contiguës par l’absence des couches qui les séparent dans d’autres localités, ces deux assises ont leurs carac¬ tères paléontologiques et pétrographiques ordinaires, et l’on n’observe à leur contact aucune couche équivoque qu’on pour¬ rait considérer comme comblant la lacune. L’explication tendant à faire considérer l’absence des couches comme simplement apparente est donc en contradiction mani¬ feste avec les faits. Mais il nous reste une explication qui satis¬ fera peut-être à toutes les données du problème : Quoique le fond de notre bassin primaire soit demeuré immergé pendant la période du calcaire carbonifère , le dépôt successif des cou¬ ches s’y est opéré sans aucune continuité . Il s’en faut de beaucoup d’ailleurs que les lacunes se soient produites au hasard, ainsi qu’on pourrait être porté à le croire. Une régularité remarquable a précédé à la répartition des cou¬ ches, surtout dans la partie orientale du bassin. En effet, outre qu’un même massif conserve une composition constante dans toute son étendue, les massifs formés de séries identiques sont disposés suivant une direction bien marquée, qui coïncide pré¬ cisément avec la direction générale de nos couches dévoniennes et carbonifères. Cette concordance de la direction des couches et de la répar¬ tition des lacunes est sans doute un fait d’une grande impor¬ tance pour arriver à la connaissance de la cause première qui les a produites. 870 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, Si l’on fait abstraction de quelques massifs de l’O. qui présentent d’autres types de lacunes que ceux dont on va voir les caractères, on peut indiquer, comme sur la planche XII, la disposition générale du calcaire carbonifère de cette partie de la Belgique. Les lacunes se produisent donc suivant de longues bandes parallèles qui ont une direction générale E. O., et qui décrois¬ sent uniformément de puissance du S. vers le N. Tous les étages dévoniens diminuent également de puissance avec une grande uniformité du S. vers le N. -, n’est-ce pas à la même cause qu’on doit attribuer cette dégradation dans leur épais¬ seur ? M. de Rouville considère comme un progrès la division du calcaire carbonifère de la Belgique en six assises. Ces assises ont une position stratigraphique constante; elles ont de plus des faunes très-riches et distinctes, autant qu’il a pu en juger pendant le peu de temps qu’il a examiné la collection de M. Du¬ pont. Il lui paraît en outre que l’aspect lithologique de ces assises se soutient sur toute la coupe qu’il a parcourue. Il a vu près d’Hastière l’assise III reposer sur l’assise I, sans que ces assises soient séparées par les calcaires noirs de l’assise II qui sont si reconnaissables. Il y a donc là une lacune bien caractérisée. M- Piette partage l avis de M. de Rouville. M. Horion dit qu’il a observé à Visé deux niveaux paléonto- logiques distincts. Dans l’inférieur, il a rencontré la plupart des variétés de calcaire qui appartiennent aux assises inférieures (I à IV inclusivement) de M. Dupont. Ce niveau inférieur est caractérisé par des formes propres aux assises inférieures des environs de Dinant (jusque V inclusivement), formes qui ne passent nullement dans l’assise supérieure. La faune supérieure, où règne le Productus giganteus , qu’on ne trouve pas dans le niveau inférieur, fournit au contraire les types de l’assise VI. M. Horion voit donc à Visé, outre l’assise VI, une assise infé¬ rieure qui représenterait, sinon toutes les assises inférieures de M. Dupont, très-atrophiées, ou moins les assises III, IV et peut-être V. M. Dupont a visité la collection de M. Horion. Il déclare n’avoir vu, dans l’ensemble des fossiles du niveau paléontolo- DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBUE 1863. 871 gique inférieur de Visé, aucun fait qui le portât à changer son opinion sur l’âge des couches qui les contiennent. Si parmi les fossiles recueillis par M. Horion dans ce niveau inférieur, il y a un certain nombre de formes propres aux cinq assises infé¬ rieures des environs de Dinant, plusieurs espèces lui sont, au contraire, exclusivement communes avec le niveau paléontoîo- gique supérieur de Visé, type incontesté de l’assise VI. La paléontologie assigne donc la position du niveau inférieur de Visé entre l’assise V et la partie supérieure de l’assise VI. L’examen du caractère minéralogique des couches carbonifères de Visé conduit également à ce résultat. II n’y a, par consé¬ quent, à Visé que l’assise supérieure du calcaire carbonifère. M. G. Dewalque croit devoir dire quelques mots sur cette question; il partage à ce sujet les vues émises par M.Gosselet et réserve son adhésion aux doctrines de M. Dupont. Dumont avait divisé l’étage caîcareux condrusien, G* de sa carte géologique, ou calcaire carbonifère, en trois assises, l'in¬ férieure calcaire, à lamelles spathiques abondantes, provenant de colonnes de crinoïdes, la moyenne dolomitique, la supé¬ rieure calcaire, avec gros Productus nombreux. M. Dupont a établi six assises dont il a fait connaître les caractères minéra¬ logiques, la succession et la faune; en gros, on peut dire que l’assise inférieure de Dumont a été subdivisée en quatre. J’ap¬ plaudirais sans réserve à ce. progrès, mais les doctrines de M. Dupont renferment un second point : ces six assises n’exis¬ tent pas partout; d’ordinaire une ou plusieurs manquent, et ces lacunes sont disposées par bandes (1) qui se suivent du S. au N., de telle sorte que leur puissance et Se nombre de leurs assises diminuent simultanément. Dumont avait déjà enseigné que le calcaire inférieur diminue de puissance de l’est à l’ouest de la Belgique, pendant que le calcaire supérieur, ou de Visé, semble suivre une marche inverse. Les deux assertions sont bien voisines, malgré la différence apparente dans les directions indi- (1) Ces bandes seraient mieux nommées zones; en effet, elles ne correspondent pas aux bandes calcaires que l’on peut suivre de l’œil sur la carte géologique : au contraire, telle bande passe d’une zone dans une autre, et voit alors changer sa constitution. 8/2 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A L1ÉÛE, quées. Le trait distinctif de ce que j’ai appelé les doctrines de M. Dupont consiste donc dans Y existence de lacunes se multi¬ pliant du S. au N. On a rappelé avant-hier ce grand mérite de Dumont d’avoir établi que toutes nos assises anthraxiféres se sont suivies en concordance. Je tiens, pour ma part, à ce résultat de ses labo¬ rieux travaux, et comme l’existence de lacunes me semble un effet sans cause, à moins de l’abandonner, on ne s’étonnera pas que je désire en avoir des preuves complètes. Je me ran¬ gerais sans scrupules à la manière de voir de M. Dupont, s’il avait consenti à accorder qu’à l’endroit des lacunes se trou¬ vent quelques bancs mixtes, indécis pouvant représenter par une épaisseur de sédiments insignifiante des assises qui sont largement développées ailleurs-, mais puisque ses observations lui ont démontré le contraire et ne lui permettent pas cette concession, je dois expliquer pourquoi je ne partage pas sa con¬ viction. M. Gosselet vous a dit que la variabilité du caractère minéralogique des assises est telle qu’il est devenu presque impossible de les reconnaître par ce moyen-, d’autre part, sans insister sur les observations qu’il vous a présentées relativement à la distribution dans un étage des memes espèces fossiles à des niveaux qui différent selon les régions, je me permettrai de vous rappeler combien les fossiles sont rares ou du moins difficiles à obtenir du calcaire carbonifère, sauf dans un petit nombre de points privilégiés. M. Dupont n’a reconnu que deux gîtes de ce genre dans la bande de Dinant; pour vingt-quatre autres points fossilifères de cette bande, il n’a recueilli que quelques espèces, comme il l’a dit lui-même. Ainsi, quand il affirme qu’à l’endroit des lacunes nul banc calcaire ne repré¬ sente l’assise ou les assises absentes, je trouve que les raisons pétrographiques qu’il peut avoir n’ont pas assez de valeur pour contre-balancer les considérations générales qui me font envisager toutes nos bandes calcaires comme des parties soli¬ daires d’un même bassin qui fut constamment immergé, et dans lequel les lacunes constitueraient un fait étrange, dont M. Dupont n’a trouvé aucune explication satisfaisante. Et si son affirmation se base sur des faits paléontologiques, je dis que les fossiles sont trop souvent rares pour que j’en sois convaincu. BU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 873 Jo ne conteste donc nullement les observations de M. Dupont^ mais ce que j’ai pu constater jusqu’aujourd’hui ne me permet pas encore d’adopter sa doctrine. M. d’Omalius dit qu’il n’est pas encore à môme de se pro¬ noncer d’une manière définitive sur les opinions de M. Dupont, mais il pense qu’il n’y a qu’un seul moyen de les réfuter, c’est de faire voir qu’il y a, dans le bassin carbonifère d’Entre l’Es¬ caut et la Roer, des lieux où les diverses faunes distinguées par M. Dupont se trouvent disposées dans un ordre différent de celui que leur assigne ce jeune géologue ; or c’est ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent. Quant à l’existence des nombreuses lacunes que supposent les idées de M. Dupont, M. d’Omalius est bien loin d’y voir un motif pour repousser ces idées, car, pour lui, l’existence des lacunes, c’est-à-dire l’absence dans un lieu donné d’une partie des termes qui composent la série des terrains, est la régie générale et non l’exception. En effet, les dépôts dits de sédi¬ ments forment, en général, des lambeaux plutôt que des couches d’une étendue indéfinie, ce qui est en rapport avec la manière dontM. d’Omalius conçoit l’origine d’une grande partie de ces dépôts-, aussi s’est-il élevé, dès 1808, contre l’opinion qui supposait que les matériaux composant l’écorce du globe ter¬ restre étaient disposés avec la même régularité que les écailles d’un oignon. On aborde ensuite la discussion relative à l’étage de Frasne. M. J. Yan Scherpenzeel-Thim demande à quelle division de la classification de Dumont cet étage doit être rapporté $ est-il condrusien ou eifélien ? Dans la province de Liège, il ne paraît pas exister. Dumont avait subordonné aux schistes con- drusiens les marbres rouges de Heer, etc. Le Spirifer eury- glossus se trouve à Aywaille dans les schistes de Famenne. M. d’Omalius répond que Dumont, qui avait fait faire un pas immense à la géologie de nos contrées, lorsqu’il avait reconnu quatre grandes divisions dans le groupe que l’on appe¬ lait alors terrain anthraxifére, n’avait pu s’occuper des subdi¬ visions que les progrès de la paléontologie ont permis depuis lors d’y distinguer. Le système de Frasne, qui d’ailleurs est peu développé dans le nord-est du bassin, lui avait, entre Soc . géol,9 2e série, tome XX. 56 87 II RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, autres, échappé, et il y a lieu de croire qu’il avait rangé les couches qui le composent, en partie dans le calcaire de Givet et en partie dans les schistes de Famenne. Ce sont les sa¬ vantes recherches de M. Gosselet qui ont fait connaître les rap¬ ports qui existent entre ces couches et qui ont fait voir qu’il y avait lieu de les ranger dans l’étage des schistes de Famenne plutôt que dans celui du calcaire de Givet. M. Piette appuie également l’opinion que ce système doit être rapproché des schistes de Famenne plutôt que du calcaire de Givet. M. Gosselet, rappelant les principaux points développés dans son mémoire, fait ressortir la division établie dans le terrain dé¬ vonien par la zone à Stringocéphales -, ainsi, au-dessous de cette zone, les Spirifer sont du groupe des ostiolati , c’est-à-dire sans plis dans le sinus, tandis que, au-dessus, ils appartiennent généralement au groupe des aperturciti , dont le sinus est muni de plis. Les térébratules donneraient lieu à des remarques semblables. M. Donckier rappelle que si Dumont a colorié la plupart des calcaires de Frasnes comme caicareux eifélien , E3, cela tient à ce qu’ils se joignent souvent au calcaire de Givet sans schistes interposés. 11 ne consteste pas d’ailleurs les caractères qui les distinguent-, il ajoutera même qu’il a pu reconnaître dans l’Entre-Sambre-et-Meuse que les flores actuelles de ces deux calcaires ne sont pas identiques. M. G. Dewalque, s’occupant d’abord des faits rappelés par M. Van Scherpenzeel-Thim, n’est pas surpris de voir le Spiri- fer ewjglossus dans les schistes de Famenne : près de Marche, il l’a trouvé en abondance dans des bancs calcaires notablement plus élevés que les schistes à Cavdium palmatum . L’étage de Frasne ne manque pas dans la province de Liège, mais sa puissance ne permettrait pas de le représenter sur une carte géologique à l’échelle que Dumont a adoptée pour celle de la Belgique ; comme il l’a fait observer dans l’excursion de Spa, cet étage semble réduit, dans l’est de la Belgique, à une mince assise schisteuse recouverte de quelques bancs calcaires, puis d’une nouvelle assise de schistes avec marbre rouge atrophié. Deux jeunes ingénieurs de ses élèves, MM. Habets et Stévart, DU 80 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1868. 875 y ont trouvé la Rhynchonella cuboïdes à Chaudfontaine, et M. Malaise l’a rencontrée à Engis. Mais le classement de cet étage lui semble chose très-épineuse. L’étage de Frasne constitue évidemment une transition entre le calcaire de Givet et les schistes de Famenne proprement dits 5 la différence des analogies de part et d’autre paraît le rapporter à cette dernière série. Mais la question se complique singulièrement quand on considère que la transition du dévonien moyen au dévonien supérieur commence déjà dans la grande masse calcaire que nous appelons calcaire de Givet, et qui est le type le plus beau et le mieux connu du dévonien moyen. Si l’on s’en rapportait aux caractères paléontologiques seuls, on en viendrait proba¬ blement à diviser cette belle unité, le calcaire de Givet, en deux parties dont l’une, supérieure au niveau des stringo- céphales, devrait être rangée dans le dévonien supérieur, c’est- à-dire séparée de l’autre par une démarcation très-importante. La même chose se passerait sur les bords du Rhin pour l 'EU Jeler-Kalk des Allemands, ou calcaire de l’Eifel, qui, avec les schistes de Büdesheim, correspond à nos calcaires eiféliens plus l’étage de Frasne. On ne serait donc pas embarrassé pour faire valoir de puissantes considérations à i’appui d’un classe¬ ment dans lequel l’étage de Frasne serait placé dans le même système que celui de Givet. En résumé, notre division du ter¬ rain dévonien en trois systèmes établit des démarcations tran¬ chées là où il y a transition graduelle, Quant aux modifications de nomenclature qu’il a adoptées dans quelques notices et surtout dans son cours, par suite desquelles il range, par exemple, l’étage de Frasne dans le dévonien supérieur, il tient à rappeler qu’il s’est toujours exprimé là-dessus avec réserve, et qu’il n’a eu d’autre but que de familiariser les jeunes ingénieurs qui sortent de l’école de Liège non-seulement avec les dénominations de Dumont, mais encore avec celles d’une classification paléontologique adoptée aujourd hui par tous les géologues du continent. Mais, de même qu’il préfère les dénominations univoques de famen- nien, eiféîien et rhénan aux expressions binaires de dévonien supérieur, dévonien moyen, et dévonien inférieur, de même il 876 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, se réserve d’examiner en temps et lieu la classification la plus naturelle du terrain dévonien. La discussion s’engage ensuite sur le diluvium d’Asfeld. La masse des cailloux est reconnue pour être venue de l’Ardenne •, mais les gros blocs siliceux épars sur le sol sont d’origine fort contestée. M. de Rouville fait observer qu’ils ne semblent pas se trouver dans le diluvium de la vallée, mais seulement sur le plateau. M. d’Omalius rappelle à cette occasion qu’il existe sur plu¬ sieurs points des plateaux qui bordent la vallée de la Meuse, entre Namur et Liège, des dépôts contenant une grande quan¬ tité de cailloux arrondis de quartz blanc. Dumont paraît les avoir rapportés à son système aachénien, c’est-à-dire à la partie inférieure du terrain crétacé} mais M. d’Omalius, qui pense que ces dépôts ont une origine analogue à celle des matières des filons, croit qu’il est difficile de reconnaître l’époque de leur formation. Il rappelle également qu’il existe au sud de Mézières des blocs que l’on avait considérés comme des quart- zites amenés de l’Ardenne par les eaux diluviennes et qui paraissent être d’immenses rognons formés sur place dans l’intérieur de dépôts jurassiques, dont les parties délayables ont été entraînées par les eaux. En résumé, M. d’Omalius croit que l’on doit réserver le nom de diluvium aux dépôts qui ont été transportés à l’époque quaternaire et éviter de l’appliquer aux dépôts antérieurs. M. Piette exprime l’opinion que les blocs que M. Gosselet a fait remarquer à la Société ressemblent plus aux chailles qu’à toute autre chose. On reprend la discussion sur la classification des diverses assises que l’on a observées dans le terrain anthraxifére du bassin de Namur et leurs rapports avec les étages reconnus dans celui du Gondroz. M. Gosselet rappelle qu’il a exposé ailleurs les motifs q u lui font douter que le poudingue d’Alvaux soit l’équivalent du poudingue de Burnot, et l’on a pas prouvé qu’il s’est trompé • quoi qu’il en soit, il reconnaît que le calcaire d’Alvaux est bien le calcaire à Stringocéphales ou de Givet. Quant aux assises qui suivent, il ries avait rapportées au dévonien supé DU 30 AOUT AU 6 SEPTEMBRE 1863. 877 rieur, à cause de la présence du Spirifer Verneuili , qui jusque alors avait toujours été considéré comme caractéristique de ce système -, et comme il y avait trouvé la Rhynchonella bolo- niensis , qu’il ne rencontrait dans le bassin méridional que dans les psammites du Condroz, il avait considéré ces assises comme représentant les psammites qu’il vient de citer. Ces assimilations étaient donc fondées sur ce que l’on savait du gisement de ces fossiles à l’époque où il publia son Mémoire sur les terrains primaires de la Belgique. S’il en est autrement, si, comme l’assurent quelques membres de la Société, les fos¬ siles ci-dessus descendent jusque dans le calcaire de Givet, il est clair que la question est à revoir. M. Dupont rapporte au calcaire de Givet non-seulement le calcaire d’Alvaux, mais encore le poudingue du Mazy et les assises qui le suivent jusqu’aux derniers calcaires du Mazy ou de Rbisnes inclusivement. Il a trouvé avecM. de Lavallée, dans le calcaire de Givet, les fossiles les plus caractéristiques des calcaires de Rbisnes. Il cite notamment, comme trouvés à Givet môme, XAvicula Neptuni , le Spirifer Verneuili et la Rhyn¬ chonella boloniensis. M. G. Dewalque rappelle qu’il a rapporté le calcaire d’Alvaux à celui de Givet, et que la présence d’une assise psammitique dans le bassin de Namur l’avait empêché d’admettre, avec M. Gosselet, que les assises supérieures devaient être rappor¬ tées aux psammites du Condroz. Elles sont donc comprises entre le niveau du stringocéphale et un autre, inférieur au sommet des schistes de Famenne, dont on a vu une assise dans le bassin de Namur. Ce n’est qu’avec une extrême réserve qu’il a avancé l’idée que la coloration rouge des calcaires ren- jermés vers le bas du poudingue du Mazy pourrait servir ü les mettre en regard des marbres rouges de Frasne-, aussi n’in¬ siste-t-il pas sur ce rapprochement. D’un autre côté, il n’est pas encore convaincu du parallélisme indiqué par M. Dupont : dans cette manière de voir l’étage de Frasne semblerait n’avoir pas de représentant dans le bassin du nord. M. de Lavallée-Poussin est, comme MM. Dewalque et Dupont, opposé à l’idée de mettre au niveau des psammites du Condroz toutes les assises qui recouvrent le calcaire d’Alvaux. 878 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A LIÈGE, ETC. D’un autre côté, il n’est pas aussi convaincu que M. Dupont, avec qui il a souvent étudié cette question, que le poudingue et les calcaires du Mazy, avec le calcaire d’Alvaux, représentent purement et simplement le calcaire de Givet. Voici l’énumé¬ ration des fossiles qu’il a recueillis dans le bassin du nord et où ceux qu’il a également trouvés dans celui du midi sont marqués d’une astérisque. Bronteus flabellifer . * Gryphœus arachnoïdes , Burm. , sp ., ou esp. très-voisine du même groupe, plus petit, à appendices spiriformes très- pointus. * Avicula Neptuni , Goldf. — Bodana , * — voisine de la précédente, — sp, plus bombée. * Spirijer V erneuili , var. Archiacit plus globuleux. — conoideus ? Un seul échan¬ tillon un peu usé. * — Bouchardi. Deux variétés. — unguiculus . ■ — de la taille du précédent, portant quatre ou cinq plis fort marqués de chaque côté du sinus et du bour¬ relet, sans pli dans le sinus, avec trace d’un faible sillon sur le bour¬ relet; plis plus prolongés que dans le S. ostiolatus. — A Givet, avec la Tere- bratula cuboïdes . Terebratula elongata , ou espèce très-voisine. — A Givet, avec l’espèce précédente. * Terebratula aspera , Schn. * — zonata , Schn. * — boloniensis, d’Orb., plu¬ sieurs variétés. * — concentrica, de B. * Orthis striatula , Schl., sp. * Orthis ? * L eptœna Dutertrei, * Productus subaculeatus . Le Spirifer euryglossus descend jusqu’aux premiers bancs du calcaire inférieur de Frasne. Le Cirrhus Goldfussi ou une espèce très-rapprochée se trouve dans les premiers bancs calcareux de Gharlemont. L’heure très-avancée n’a pas permis de prolonger davantage cette séance, et M. le Président, acclamé par les membres de la Société, après les avoir remercié pour la déférence bien¬ veillante qu’ils lui ont constamment témoignée, déclare que la session extraordinaire de 1863 est close. TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. A. F* Nogüès. — Sur les gypses secondaires des Corbières. . . • 42 Mai’heron. — Recherches comparatives sur les dépôts lacustres des environs de Montpellier, de l’Aude et de la Provence. . . 15 Réné Bourguignat. — Paléontologie des mollusques terrestres et flu- viatiles de l’Algérie. . . . 25 Ta Helmebsen. — Lettre à M. de Verneuil sur la géologie de la Russie. . . 26 IMïteux. — Sur quelques opinions récemment émises au sujet des silex travaillés du département de la Somme . 30 Gaston de Sàporta. — Sur une nouvelle classification des terrains tertiaires lacustres du sud-est de la France . 34 Des Cloizeaux. — Sur les modifications permanentes et temporaires que l’action de la chaleur apporte à quelques propriétés optiques de plusieurs corps cristallisés. . Al Ed. Hébert» — Observations sur la communication précédente. . . A7 l'K Coquand. — Sur la convenance d’établir un nouvel étage dans le groupe de la craie moyenne, entre les étages angoumien et provencien, . A8 ! (E.LENOT. — Sur la présence des Astéries dans la zone à dvicula con¬ forta . 5A il. Aucapitainb. — Sur un dépôt d’Huîfres dans l’étang de Diane (côte orientale de la Corse) . 57 J. Jos. Bianconi. — Sur la note de M. Pareto : Coupes à travers l’ Apennin, fetc. {Bull. Soc . gèol ., 1861, 16 décembre, p. 239). 59 T. Fouhnbt. — Aperçus relatifs à la carte géologique de la Savoie, du Piémont et de la Ligurie, de M. A. Sismonda . 68 fl. Coquand. — Sur l’existence de la craie blanche de Meudon et du la craie tuffeau de Maestricht dans le sud-ouest de la France et de l’Algérie . 79 Ed. Hébert. — Sur le non- synchronisme des étages campanien et dor- donien de M. Coquand avec la craie de Meudon et la craie de Maestricht. Réponse à M. Coquand . 90 GuiiiDieb. — Observations relatives à une note de M. l’abbé Bourgeois sur le terrain crétacé du département de Loir-et-Cher. . 10 880 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. L. Saemann. — Sur la succession des faunes dans le bassin tertiaire de Vienne . 403 Levallois. — Extrait de son ouvrage intitulé Aperçu de la constitution géologique du département de la Meurthe . ,106 Éd. Hébert. — Observations au sujet de l’ouvrage de M, Figuier, intitulé La terre avant le déluge. . . . » , . 10 7 Mbllbvillb. — Réponse aux observations de M. Hébert sur une com¬ munication relative aux terrains de transport superficiels du bassin de la Somme . llïfl Éd. Hébert. — Nouvelles observations au sujet de la réponse précé¬ dente . . . 1 ! y E. Dumortikr. — Sur deux nouveaux gisements du calcaire à fucoïdes de l’oolithe inférieure . . . . . M2 IIarlé. — Sur la vallée de la Seine dans le département de la Seine- inféi’ieure (2e note) . MU Éd. Hébert. — Observations sur la communication précédente. . • d d 8 Harlé. — Sur le niveau géologique des calcaires crétacés de Sarlat (Dordogne) . 120 P. Dalimier. — Essai sur la géologie comparée du plateau méridional de la Bretagne (PI. I) . 126 R. Murchison. — Sur l’existence du gneiss fondamental ou laurentien, et sur le développement des dépôts de l’âge permien en Bohême . 155 Th. Ébray. — Sur la position des calcaires caverneux autour du plateau central (PI. I). ..... 161 Clifton-Sorby. — Influence de la pression sur les roches . 1134 La Société. — Composition du Bureau, du Conseil et des Commis¬ sions pour l’année 1863 . 137 A. Boue. — Lettre sur la géologie de l’Amour et de l’île de Chypre . 189 J. Gosselet. — Observations sur l’âge du calcaire de Blaye. . . . 191 Le Hon. — Réponse aux observations de M. Hébert au sujet d’un travail sur le terrain tertiaire des environs de Bruxelles. . . 195 Éd. Hébbrt. — Remarque au sujet de la réponse ci-dessus . 200 Jannettaz. — Sur la présence d’une variété de cordiérite altérée dans les schistes siluriens de Bagnères-de-Luchon . 201 De Vernbüil. — Observations au sujet d’un ouvrage de M. Vilanova, intitulé Manuel de géologie appliquée à l* agriculture et aux arts industriels. ......... . 204 A. Boüé. — Lettre sur divers sujets . 206 L’abbé Bourgbois. — Sur des silex travaillés trouvés dans une brèche osseuse à Vallières (Loir-et-Cher). ......... 206 Th. Ébray. — Stratigraphie de l’étage albien des départements de l’Yonne, de la Haute-Marne, de la Meuse et des Ardennes . 209 A. Dollfds. — Sur une nouvelle Trigonie des grès verts supérieurs du cap de la Hève (PI. II). . . . • 220 Levallois. — La question du grès d’Hettange. — Résumé et conclu¬ sions . 224 Ch, LoaY. — Carte et coupes géologiques du Briançonnais (Hautes- Alpes) (PI. III et IV) . 233 TABLE GÉNÉRALE 1>ES ARTICLES. 881 G. Dkwalqub. — Sur le puits artésien d’Ostende. . . . 235 G. Dbwalque. — Sur les fossiles siluriens de Grand-Manil, près Gem- bloux (Belgique). . . . . 236 De Vibra yk. — Observations relatives à la note de M. l'abbé Bourgeois sur la découverte de silex taillés dans la brèche osseuse de Vallières (Loir-et-Cher) . 238 A, Bouk. — Addenda au mémoire de M. de Hauslab sur la comparai¬ son de la surface actuelle de la terre avec celle de la lune. . 2/i3 A. Leymrrib. — Esquisse géognostique delà vallée de l’Ariége (PI. V) 245 P. Dalimikr. — Observations au sujet d’un ouvrage de M. Bonissent, intitulé Essai géologique sur le département de la Manche. . 292 G. de Mortillet. — Coquilles terrestres et d’eau douce des sables blancs à Elephas primigenius et à silex taillés d’Abbeville. . 293 Th. Ébray. — Sur le terrain jurassique des environs de la Yerpillière (Isère) . 296 Crosse. — Observations sur le genre Pleurotomaire . 304 F. Garrigou. — Sur les cavernes de Lherm et de Bouicheta (Ariége). 305 E. Benoit. — Sur les dépôts erratiques alpins dans l’intérieur et sur le pourtour du Jura méridional (PI. VI) . 321 Éd. Hébert. — Observations au sujet de VHemipneustes radiatus. . . 355 Cottkau. — Considérations stratigraphiques et paléontologiques sur les Échinides de l’étage néocomien du département de l’Yonne . 355 Ch. Loey. — Sur les dépôts tertiaires et quaternaires du bas Dauphiné (PI. VII) . 363 Éd. Collomb, trésorier. — Projet de budget pour 1863 . . 392 Delessk. — Carte agronomique des environs de Paris . 393 GaÜNER. — Observations au sujet de la communication précédente. • 401 Éd. Hébert. — Observations au sujet de la communication précé¬ dente. . . 401 A, Gaudry. — Sur les liens que les hyènes fossiles établissent entre les hyènes vivantes . ....... 404 D’omamüs d’Halloy. — Résumé d’un mémoire de M. E. Dupont sur le calcaire carbonifère de la Belgique et du Hainaut fran¬ çais . 405 Terqukm. — Observations au sujet de la Gryphée arquée . 410 Meugy. — Note géologique sur quelques terrains crétacés du Midi. • 411 II. Coquand. — Sur l’existence des assises à Avicula contorta dans les départements du Var et des Bouches du Rhône . 426 Th. Ébray. — Sur le terrain jurassique du département de la Loire et sur les dislocations des environs de Saint-Nizier (Loire). . 441 Gbüner. — Observations sur la note précitée ........ 459 La Société. — Modifications à l’art. 57 du règlement . 464 De Chancourtois. — Observations au sujet de la carte géologique de la Haute-Marne de M. Duhamel . 465 Calland. — Sur un lit ossifère du calcaire grossier de Jouy (Aisne) . 474 Damoüh. — Sur divers fossiles trouvés par M. Payen aux environs de la Basse-Terre (Guadeloupe). • • • • . . . 475 J. Barhardb. — Faune primordiale aux environs de Hof, en Bavière. 478 882 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. A. Lbymerib. — Sur le système garumnien . 483 J. Barrande. — Représentation des colonies de Bohême dans le bassin silurien du nord-ouest de la France et en Espagne. . . . 489 L. Saemann. — Observations sur la note précédente . 519 J. Barrande. — Réponse aux observations précitées . 522 L’abbé Bourgeois. — Sur des silex taillés trouvés à Pont-Levoy (Loire- et-Cher) . . 535 R. Thomassy. — Supplément à la géologie pratique de la Louisiane (île Petite-Anse) (PI. VIII) . 542 Deshayes. — Observations au sujet des fossiles recueillis par M. Zittel dans les terrains nummulitiques de la Hongrie . 546 Mellevillb. — Réponse aux nouvelles observations de M. Hébert, insérées page 110, au sujet d’une communication sur les ter¬ rains de transport de la Somme . 547 A. Meugy. — Sur un nouveau gisement de craie phosphatée aux envi¬ rons de Périgueux (Dordogne) . 549 H. Coquand. — Du terrain jurassique de la Provence et surtout des étages supérieurs de ce terrain . 553 R. Murchison. — Sur la découverte des sources du Nil par MM. Speke et Grant . 570 J. Cornuee. — Sur la limite des deux étages du grès vert inférieur, dans le bassin parisien, et sur les rapports de son étage néo- comien avec celui du bassin méditerranéen . 575 De Rochebrune. — Sur deux espèces nouvelles de la craie de la Cha¬ rente ( Pileotus giganteus et Vulsella Deshayesi) (Pl. IX) . . 587 L. Saçmann. — Observations au sujet de la piste d’un animal inconnu récemment indiquée par M. Oppe! . . 592 G. de Mortillrt. — Figures de coquilles nouvelles se rapportant à la note inscrite page 293 . • 592 J. Barràîide. — Présentation d’un mémoire de M. de Volborthsui les trilobites siluriens de la Russie . 595 Delessb et Laügel. — Présentation de la Revue de géologie pour l'année 1861 . 598 Db Binkhorst. — Lettre à M. Deshayes annonçant la découverte de gastéropodes dans la craie de Maëstricht . 603 Zittel. — Lettre au même sur les mollusques et radiaires fossiles de la Nouvelle-Zélande . » 605 Éd. Hubert. — Sur la craie blanche et la craie marneuse dans le bas¬ sin de Paris, et sur la division de ce dernier étage en quatre assises . 605 N. de Mercey. — Sur la craie dans le nord de la France ..... 031 De Chancourtois. — Présentation d’un tableau du classement des corps simples nommé : vis tellurique . - ... 647 Capellini. — Observations au sujet d’une carte géologique des envb rons de la Spezia . . 647 R. Tournoubr. — Sur la présence des Nummulites dans ; etage * Natica erassatina du bassin de l’Adour. . „ . 649 Edm. Pellat. — Sur les falaises de, Biarritz . . 670 Ad. Watelet. — Sur une découverte de Lophiodons à Jouy (A '. 679 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES 888 Éd. de Verneüil et L. Lahtet. — Sur le calcaire à Lycknus des envi¬ rons de Segura (Arragon) (PI. X.) . 684 Éd. db Verneuil et L. Làrtet. — Sur un silex taillé trouvé dans le di¬ luvium des environs de Madrid (Pl. XI) . 698 Triger. — Présentation d'un essai de réduction au moyen de la photo¬ graphie de plusieurs profils de chemin de fer transformés en coupes géologiques . . . 702 A. F. Noguès. — Sur les sédiments inférieurs et les terrains cristallins des Pyrénées orientales . . 703 Parés. — Rapport de la Commission de comptabilité sur les comptes du Trésorier^ pour l’année 1862 . 723 E. Goübert. — Nouveau gisement de calcaire grossier fossilifère à Mortcerf (Seine-et-Marne). . » . . 729 E. Goübert. — Coupe de la nouvelle ligne de Paris à Montargis, par Corbeil . 729 E. Goübert. — Coupe du nouveau chemin de fer de St.-Cyr à Dreux. 736 Réunion extraordinaire à Liège (Belgique) . . 761 Ch. Horion. — Sur les terrains primaires des environ de Visé. . . 760 J. Gosselet. — Sur les dislocations brusques éprouvées par les terrains primaires de la Belgique . 771 VIN DB LA TABLE GÉNÉRAL* DES ARTICLES. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS POUR LE VINGTIÈME VOLUME. (DEUXIÈME SÉRIE.) Année 1862 à 1863. Abbeville (Somme). Coquilles terrestres et d’eau douce des sables à Elephas primigenius et à silex taillés d’ — , par M. G. de Mortillet, p. 293 et 592. Adour. Sur la présence des Nummulites dans l’étage à Natica crassatinci du bassin de V — , par M R. Tournouer, p. 649. Algérie. Sur la paléontologie des mol¬ lusques terrestres et fluviatiles de 1’ — » par M. R. Bourguignat, p. 25. — Sur l’existence de la craie blanche de Meudon et de la craie tuffeau de Maëstricht dans 1’ — , par M. H. Coquand, p. 79. Amour (fleuve). Lettre de M. A. Boué, donnant quelques détails sur la géo¬ logie des bords du — , p. 189. Apennin. Observations de M. J. J. Bianconi sur une note de M. Pareto : coupes à travers 1’ — (Bull. Soc . géol ., 1861, 16 décembre, p. 239), p. 59. Ardennes (département des). Strati¬ graphie de l’étage albien dans le — , par M. Th. Ébray, p. 209. Bagnères-de-Luchon. Sur la présence d’une cordiérite altérée dans les schistes siluriens de —, par M. Jan- nettaz, p. 201, Ariége (vallée de 1’). Esquisse géogno- stique de la — , par M. A. Leymerie, donnant la description des roches éruptives, des terrains de transition et dévonien, de la formation gy pseuse, du lias, des terrains jurassique, cré¬ tacé, garumnien et tertiaire, des grottes à ossements et des gîtes de minéraux, des phénomènes erratiques et diluviens qu’on y remarque, (pl. V.) p. 245. Astéries. De leur présence dans la zone à Avicula contorta , par M. Collenot, p. 54. Aube (département de 1’). Stratigraphie de l’étage albien dans le —, par M. Th. Ébray, p. 209. Aucapitaine (B.).Sur un dépôt d’Huitres dans l’étang de Diane (côte orientale de la Corse), p. 57. Aude. Résumé par M. Matheron de son travail intitulé Recherches compa¬ ratives sur les dépôts fluvio-lacustres de l’ — , de Montpellier et de la Provence. Observations de M. Hébert, p.15. Barrande (J.). Faune primordiale aux environs de Hof, en Bavière, p. 478. — Représentation des colonies de Bohême dans le bassin silurien du TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS, 885 N. O. de la France et en Espagne. Observations de M. Saemann, p. 489. — Réponse aux observations précé¬ dentes de M. Saemann, p. 522. — Présentation d’un mémoire de M. A. de Volborth sur les trilobiles siluriens de la Russie, p. 595. Basse-Terre (Guadeloupe). Sur divers fossiles trouvés par M. Payen aux environs de la — , par M. Damour, p. 475. Belgique. Résumé par M. d’Omalius d’Halloy d’un mémoire de M. E. Dupont sur le calcaire carbonifère de la — . Observations de MM. Hébert etDeshayes, p. 405.— Sur les dislo¬ cations brusques éprouvées par les terrains primaires de — , par M. J. Gosselet. Observations de MM. J. Van Scherpenzel Thym et G. De- walque, p. 770. Benoît (E.). Sur les dépôts erratiques alpins dans l’intérieur et sur le pourtour du Jura méridional (pl. VI), p. 321. Bianconi (J. -J.). Observations au sujet d’une note de M. Pareto : coupes à travers l’Apennin (Bull. Soc. géol. , 1861, 16 décembre, p. 239), p. 59. Biarritz (Basses-Pyrénées). Sur les falaises de — , par M. Edm. Pellat. Observations de MM. Goubert et Deshayes, p. 670. Bibliographie , p. 5, 23, 66, 105, 185, 189, 203, 209, 223, 232, 291, 302, 403, 462, 477, 545, 593, 645, 763. Binkhorst (de). Sur la découverte d’un grand nombre de gastéropodes dans la craie de Maëstricht, p. 603. Blaye (Gironde). Sur l’âge du calcaire de — , par M. J. Gosselet, p. 191. Bohême. Sur le développement des dépôts de l’âge permien en — , par M. R. Murchison, p. 155. Bouches-du-Rhône (département des). Sur l’existence des assises à Avicula contorta ^dans le — , par M. H. Coquand, p. 426. Bodé (A.) Lettre donnant quelques détails sur la géologie des bords de l’Amour (Asie) et de l’île de Chypre, p. 189. — Lettre contenant quelques renseignements scientifiques, p. 206. — Addenda au mémoire de M. de Hauslab sur la comparaison de la surface actuelle de la terre avec celle de la lune, p. 243. Bouichéta. Sur la caverne de — t (Ariége) , par M. F. Garrigou , p. 305. Bourgeois (l’abbé). Sur des silex tra¬ vaillés trouvés dans une brèche osseuse à Vallières (Loir-et-Cher), p. 206. — Sur des silex taillés trouvés à Pont- Levoy (Loir-et-Cher), p. 535. Bourguignat (R.). Sur la paléontologie desmollusques terrestres etfluviatiles de l’Algérie, p. 25. Bretagne. Essai sur la géologie com¬ parée du plateau méridional de la — , par M. P. Dalimier, comprenant l’étude des terrains dévonien, silurien et cambrien (pl. I), p. 126. Brianconnais (Hautes-Alpes). Carte et coupes du — , par M. Ch. Lory, comprenant les alluvions anciennes et modernes, le terrain nummulitique, le lias, les terrains triasique, carbo¬ nifère et primitif et les roches érup¬ tives (pl. III et IV), p. 233. Bruxelles. Réponse de M. le Hon aux observations de M. Hébert ( Bull t. XIX, p. 804), sur un travail relatifau terrain tertiaire des environs de — . Nouvelles observations de M. Hébert, p. 195. Budget. Projet de — , pour 1863, par M. Êd. Collomb , trésorier , p. 392. Bureau. Sa composition pour 1863, p. 187. Buteux. Sur quelques opinions récem¬ ment émises au sujet des silex travaillés du département de la Somme. Observation de M. Hébert, p. 30. c Cailliaud (F.). Présentation de la carte géologique du département de la Loire-Inférieure. Observations de MM. Triger et Dalimier, p. 25. Calcaires caverneux. Sur leur posi¬ tion autour du plateau central, par M. Th. Ébray (pl. I), p. 461. Calland. Sur des ossements de ver¬ tébrés découverts dans le calcaire grossier de Jouy (Aisne). Obser¬ vations de MM. Hébert, Goubert et Malheron, p. 474. Capellini. Présentation de la carte géologique des environs de la Spezia 886 TABLE DES MATIÈRES avec quelques explications sur les terrains qui s’y trouvent mentionnés, p. 647. Carte agronomique des environs de Paris, par M. A. Delesse. Obser¬ vations de MM. Grüner et Hébert, p. 393. Carte et coupes géologiques du Brian* çonnais (Hautes-Alpes), par M. Ch. Lory, comprenant les alluvions anciennes et modernes, le terrain nummulitique, le lias, les terrains triasique, carbonifère, primitif et les roches éruptives (pl. III et IV), p. 333. Carte géologique de la Haute-Marne exécutée par feu M. Duhamel. Obser¬ vations de M. de Chancourtois au sujet de cette carte, p. 463. Carte géologique du département de la Loire-Inférieure présentée par M. F. Cailliaud. Observations de MM. Tri- ger et Dalimier, p. 25. Carte géologique de la Savoie, du Pié¬ mont et de la Ligurie par M. A. Sismonda. Aperçus relatifs à cette carLe, par M. J. Fournet, p. 68. Carte géologique des environs de la Spezia présentée par M. Gapellini avec quelques explications sur les terrains quis’v trouvent mentionnés, p. 647. Cavernes. Sur les — de Lherm et de Bouichéta (Ariége), par M. F. Garri- gou,p. 305. — Sur la caverne d’En- gihoul, près Liège, par M. A. Gaudry.Observations de MM. Malaise et G. Dewalque, p. 778. Chaleur. Sur les modifications perma¬ nentes et temporaires que l’action de la — apporte à quelques propriétés optiques de plusieurs corps cristal¬ lisés, par M. des Cloizeaux. Observa¬ tions de M. Hébert, p. 41. Chancourtois (de). Observations au sujet de la carte géologique de la Haute -Marne, exécutée par feu M. Duhamel, p. 463. — Présentation, avec explications, d’un tableau du classement des corps simples nommé vis tellurique , p. 647. Charente. Sur deux nouvelles espèces (Pileolus gigauteus et Vulsella Deshayesi) de la craie de la — , par M. A. de Rochebrune, p. 587. Chypre. Lettre de M. A.Boué, donnant quelques détails sur la géologie de nie de —, p. 189. CliftonSorby. Influence de la pression sur les roches, p. 184. Cloizeaux (des). Sur les modifications permanentes et temporaires que l’action de la chaleur apporte à quelques propriétés optiques de plusieurs corps cristallisés. Obser¬ vations deM. Hébert, p. 41. Collenot. De la présence des Astéries dans la zone à Avicula conforta , p. 54. Collomb (Ëd.), trésorier. Projet de budget pour 1863, p. 392. Colonies de Bohême. Représentation des — dans le bassin silurien du N. O. de la France et en Espagne, par M. J. Barrande. Observations de M. Saemann, p. 489. — Réponse de M. J. Barrande aux observations précédentes de M. Saemann, p. 522. Commissions. Leur composition pour 1863, p. 188. Comparaison. Addenda par M. A. Boué au mémoire de M. de Hauslab sur la — de la surface actuelle de la terre avec celle de la lune, p. 243. Conseil. Sa composition pour 1863, p. 188. Constitution géologique. Aperçu de la — du département de la Meurlhe. Extrait de cet ouvrage par l’auteur, M. Levaliois, p. 107. Coquand (H.]. Sur la convenance d’éta¬ blir un nouvel étage dans le groupe de la craie moyenne, entre les étages angoumien et provencien, p. 49. — Sur l’existence de la craie blanche de Meudon et de la craie tuffeau de Maëstricht dans le S. O. de la France et de l’Algérie, p. 79. — Sur l’exis¬ tence des assises à Avicula contorta dans les départements du Varet des Bouches-du-Rhône, p. 426. — Du terrain jurassique de la Provence et surtout des étages supérieurs de ce terrain. Observations de M. Hébert, p. 553. Coquilles terrestres et d’eau douce des sables à Elephas primigenius et à silex taillés d’Abbeville, par M. G. de Mortillet, p. 293 et 592. Corbières. Sur les gypses secondaires des —, par M. A. -F. Noguès. Obser¬ vations de MM. d’Archiac, Hébert et Jannettaz, p. 12. Cordiérite. Sur la présence d’une — altérée dans les schistes siluriens de Bagnères-de-Luchon, par M. Jan¬ nettaz, p. 201. Cornuel (J.). Sur la limite des deux étages du grès vert inférieur dans le ET DES AUTEURS, 887 bassin parisien, et sur les rapports de son étage néocomien avec celui du bassin méditerranéen. Observation de MM. Hébert et de Verneuil, p. 575. Cotteau (G.). Considérations strati- graphiques et paléontologiquessur les Échinides de l’étage néocomien du Dalimier (P.). Essai sur la géologie comparée du plateau méridional de la Bretagne, comprenant l’étude des terrains dévonien, silurien et cam¬ brien (pl. I), p. 126. — Analyse sommaire de l’essai géologique sur le département de la Manche, par M. Bonissent, qui y décrit spécia¬ lement le terrain cambrien, p. 292. Damour. Sur divers fossiles trouvés par M. Payen aux environs de la Basse- Terre (Guadeloupe), p. 475. Dauphiné. Sur les dépôts tertiaires et quaternaires du bas — , par M. Ch. Lory (pi. VII), p. 363. Delesse (A.). Carte agronomique des environs de Paris. Observations de MM. Grüner et Hébert, p. 393. — et Laegel. Résumé d’un ouvrage: Revue de géologie pour Vannée 1861, p. 598. Dépôts erratiques alpins. Sur les — , dans l’intérieur et sur le pourtour du Jura méridional, par M. E. Benoît (pl. Vf), p. 321.' Deshayes. Indication d’un travail de M. Zittel sur les terrains numrnu- litiques de Hongrie, dans lesquels il a trouvé, mélangés, des fossiles carac¬ téristiques du calcaire grossier et des sables de Fontainebleau. Observation de M. Hébert, p. 546. Dewalque (G.). Sur le puits artésien d’Ostende, p. 235. — Sur les fossiles siluriens de Grand-Manil, près Gem- bloux (Belgique), p. 236. — Procès- verbal de la réunion extraordinaire de la Société géologique à Liège, pendant laquelle elle a visité : les terrains carbonifère, dévonien et silu¬ rien des environs de Spa, p. 781. — Les terrains quaternaire et tertiaire des environs de Tongres, p. 793. — La craie de Maëstricht, p. 804* — Le gîte calaminaire de la Vieille- Montagne, p. 811. — Le terrain département de l’Yonne, p. 355. Coupes à travers T Apennin. Observations de M. J. -J. Bianconi sur une note de M. Pareto portant ce titre (Bull. Soc . géol.y 1861, 16 décembre, p. 239), p. 59. Crosse. Sur le nombre des Pleuro- tomaires vivants, p. 304. tertiaire des environs de Bruxelles, p. 820. — Les terrains carbonifère, dévonien, silurien et l’eurite porphy- rique des environs de Namur, p. 829, et les terrains carbonifère et dévonien de la vallée de la Meuse depuis Namur jusqu’à Givet, p. 846 et 877. Diane (étang de), côte orientale de la Corse. Sur un dépôt d’Huîtres dans 1’ — , par M. H. Aucapitaine, p. 57. Diluvium. Réponse de M. Melleville à M. Hébert, au sujet des observations de ce dernier (Bull., t. XIX, p. 440 et 443) sur uii travail relatif aux terrains de transport superficiels du bassin de la Somme, p. 108. — Réplique de M. Hébert, p. 110. — Sur les alluvions anciennes du Brian- çonnais (Hautes-Alpes), par M. Ch, Lory, p. 233. — Sur les phénomènes diluviens de la vallée de l’Ariége, par M. A. Leymerie, p. 245. — Nouvelle réponse de M. Melleville aux observations ci-dessus, p. 110, de M. Hébert. Remarque de ce dernier, p. 547. — Sur le — des environs de Madrid, par MM. de Verneuil et L. Lartet, p. 698. — - Sur le — que présente la coupe de la nouvelle ligne de Paris à Montargis, par Corbeil, par M. E. Goubert, p. 729. — Sur le — mis au jour par une coupe du nouveau chemin de fer de Saint-Cyr à Dreux, par le même, p. 736. Z?is/oca<2ons.DeuxièmenotedeM. Harlé sur les — auxquelles est due la con¬ figuration de la vallée de la Seine dans le département de la Seine- Inférieure. Observation de M. Hébert, p. 114. — Sur les — brusques éprou¬ vées par les terrains primaires de Belgique, par M. J. Gosselet. Obser¬ vations de MM. J. Van Scherpenzel- Thym et G. Dewalque, p. 770. Dollfus (A.). Sur une nouvelle Trigonie 888 TABLE DES MATIERES ( Trigonia Heva ) des grès verts supé¬ rieurs du cap de la Hève (pl. II), p. 220. Dreux (Eure-et-Loir). Coupe du nou¬ veau chemin de fer de Saint-Cyr à — , indiquant le diluvium et les terrains tertiaire et crétacé, par M. E. Goubert, p. 736. Dumortier (E.j. Sur deux nouveaux gisements de calcaire à fucoïde de l’oolithe inférieure dans les environs de Thouars (Deux-Sèvres) et de Metz (Moselle), p. 112. Duportal. Sur une plaque de poisson de la familledes myliobatides trouvée dans les sables moyens de Passy, p* 302. ÉBRAY (Th.). Snr la position des cal¬ caires caverneux autour du plateau central (pl. I), p. 161. — Stratigraphie del’étagealbien danslesdépartements de l’Yonne, de l’Aube, de la Haute- Marne, de la Meuse et des Ardennes, p. 209. — Sur le terrain jurassique des environs de la Verpillière (Isère), p. 296. — Sur le terrain jurassique du département de la Loire et sur les dislocations du même terrain des environs de Saint-Nizier (Loire). Observations de MM. Grüner et de Ferry, p. 441. Échinides. Considérations stratigra- phiques et paléontologiques sur les — de l’étage néocomien du dépar¬ tement de l’Yonne, parM.G. Cotteau, p. 355. Engihouly près Liège (Belgique). Sur la caverne d’ — , par M. A. Gaudry, l Observations de MM. Malaise et G. Dewalque, p. 778. Faunes . Sur leur succession dans le bassin tertiaire de Vienne (Autriche), par M. Saemann, p. 103. — Faune primordiale aux environs de Hof, en Bavière, par M. J. Barrande, p. 478. Fossiles. Sur les — siluriens de Grand- Manil, près Gembloux (Belgique), par M. G. Dewalque, p. 236. — Sur divers — trouvés par M. Payen aux environs de la Basse-Terre ( Guade¬ loupe), par M. Damour, p. 475. — Présentation, par M. L. Saemann, du dessin de la piste d’un animal incon¬ nu publié récemment par M. Oppel. p. 592. Fournet (J.). Aperçus relatifs à la carte géologique de la Savoie, du Piémont et de la Ligurie, par M. A. Sismonda, p. 68. France. Sur une nouvelle classification Espagne. Représentation des colonies de la Bohême dans le terrain silurien de 1’ — , par M. J. Barrande. Obser¬ vations de M. Saemann, p. 489. — Réponse de M. J. Barrande aux observations précédentes de M. Sae¬ mann, p. 522. Esquisse gcognostique de la vallée de l’Ariége, par M. A. Leymerie, don¬ nant la description des roches érup¬ tives, des terrains de transition et dé¬ vonien, delà formation gypseuse, du lias, des terrains jurassique, crétacé, garumnien et tertiaire, des grottes à ossements et des gîtes de minéraux, des phénomènes erratiques et dilu¬ viens qu’on y remarque (pl. V), p. 245. Essai géologique sur le département de la Manche, par M. Bonissent qui y traite principalement du terrain cam¬ brien, analysé sommairement par M. P. Daliraier, p. 292. des terrains tertiaires, lacustres, du S. E. de la — , par M. G. de Sa por¬ ta, p. 34. — Sur l’existence de la craie blanche de Meudon et de la craie tuffeau de Maastricht dans le S. O. de la —, par M. H. Coquand, p. 79. — Sur le non-synchronisme des éta¬ ges campanien et dordonien de M. Coquand avec la craie de Meu¬ don et celle de Maëstricht. Réponse à M. Coquand, par M. Ed. Hébert, p. 90. — Représentation des colonies de Bohême dans le bassin silurien du N. O. de la — , par M. J. Barrande. Observations de M. Saemann, p. 489. ■ — Réponse de M. J. Barrande aux observations précédentes de M. Sae¬ mann , p. 522. — Sur la craie dans le nord de la — , par M. N. de Mercey, p. 631. BT DES AUTEURS, 889 Garrigou (F.). Sur les cavernes de Lherra et de Bouichéta (Ariége), p. 305. Gastéropodes. Sur la découverte d’un grand nombre de — dans la craie de Maestrickt, par M. de Binkkorst, p. 603. Gaudry (Albert). Sur les liens que les hyènes fossiles établissent entre les hyènes vivantes, p. 404. — Sur la caverne d’Engihoul, près Liège. Ob¬ servations de MM. Malaise et G. De¬ walque, p. 778. Géologie des bords de l’Amour (Asie) et de l’île de Chypre. Lettre de M. A. Boué donnant quelques détails sur la — , p. 489. — Lettre de M. de Helmersen à M. de Verneuil au sujet de quelques travaux sur la — de la Russie, p. 26. — comparée. Essai sur la — du plateau méridional de la Bretagne, par M. P. Dalimier, comprenant l’étude des terrains dé¬ vonien, silurien et cambrien (pl. I), p. 126. Gîtes de minéraux . Sur les — de la vallée de l’Ariége, par M. A. Leyme- rie, p. 345. Gneiss. Sur l’existence du — > fonda¬ mental ou laurentien, par M. R. Murchison, p. 155. Gosselet (J.). Sur l’àge du calcaire de Blaye (Gironde), p. 191. — Sur les dislocations brusques éprouvées par les terrains primaires de la Bel¬ Hainaut . Résumé par M. d’Omalius d’Halloy d’un mémoire de M. E. Dupont sur le calcaire carbonifère du — ■ français. Observations de MM. Hébert et Deshayes , p. 405. Harlé. Deuxième note sur les disloca¬ tions auxquelles est due la configu¬ ration de la vallée de la Seine dans le département de la Seine-Inférieure. Observations de M. Hébert, p. 114. — Sur le niveau géologique des cal¬ caires crétacés de Sarlat (Dordogne), p. 120. Hébert (Ed. ). Sur le non-synchro¬ nisme des étages campanien et dor- donien de M. Coquand avec la craie de Meudon et celle de Maëstricht. Soc. géol.t 2e série, tome X} gique. Observations de MM. J. Van Scherpenzeel-Thym et G. Dewalque, p. 770. Goubert (E.). Sur un nouveau gise¬ ment de calcaire grossier fossilifère à Mortcerf (Seine-et-Marne), p. 729. — Coupe de la nouvelle ligne de Paris à Montargis, par Corbeil, présentant le diluvium et le terrain tertiaire moyen, p. 729. — Coupe du nou¬ veau chemin de fer de St-Cyr à Dreux, indiquant le diluvium et les terrains tertiaire et crétacé, p. 736. Grand-Manil , près Gembloux ( Belgi¬ que). Sur les fossiles siluriens de—*, par M. G. Dewalque, p. 236. Grottes à ossements. Sur les — de la vallée de l’Ariége, par A. Leymerie, p. 245. Gryphée arquée. Sur les caractères qui servent à distinguer la — de la Gryphœa cymbium et de la Gryphæa obliqua , par M. Terquem. Observa¬ tion de M. Deshayes, p. 41 0. Guillier. Observations relatives à une note de M. l’abbé Bourgeois sur le terrain crétacé du département de Loir-et-Cher, p. 101. Gypses. Sus les — secondaires des Cor- bières, par M. A. F. Noguès. Obser¬ vations de MM. d’Arckiac, Hébert et Jannettaz, p. 12. — Sur la formation gypseuse de la vallée de l' Ariége, par M. A. Leymerie, p. 245. Réponse à M. Coquand, p. 90. — Présentation avec observations de l’ouvrage de M. Figuier : La terre avant le déluge , p. 107. — Nou¬ velles observations sur un travail de M. Melleville relatif aux terrains de transport superficiels du bassin de la Somme, p. 110. — Sur l’impossibilité d’établir, dans la craie blanche , une zone caractérisée par Y Hemipneustes , p. 355. — Sur la craie blanche et la craie marneuse dans le bassin de Paris, et sur la division de ce dernier étage en quatre assises, p. 605. Helmersen (de). Lettre à M. de Ver¬ neuil sur quelques travaux sur la géologie de la Russie, p. 26. 57 890 TABLE DES MATIERES Hemipneustes. Sur l’impossibilité d’é¬ tablir, dans la craie blanche une zone caractérisée par ce fossile, par M. Ed. Hébert, p. 355. Hettange (Moselle). La question du grès d’ — . Résumé et conclusions , par M. Levallois, p. 224. Hève (cap de la) près le Havre. Sur une nouvelle Trigonie ( Trigonia Heva ) des grès verts supérieurs du — , par M. A. Dollfus (pl. II), p. 220. Hof , en Bavière. Faune primordiale dans les environs de — , par M. J. Barrande, p. 478. Hongrie . Indication par M. Deshayes Jannbttaz. Sur la présence d’une va¬ riété de cordiérite altérée dans les schistes siluriens de Bagnères-de- Luchon, p. 201. Joug (Aisne). Sur des ossements de vertébrés découverts dans le calcaire grossier de —, par M. Calland. Ob¬ servations de MM. Hébert, Goubert Lartet ( L. ) et de Verneuil. Sur le calcaire à Lychnus des environs de Segura (Aragon), et sur les terrains tertiaire, néocomien, jurassique , le lias, les terrains triasique et dévonien des environs de Montalban (même province) ( pl. X ), 684. — Sur des silex taillés recueillis dans le dilu¬ vium des environs de Madrid, et des¬ cription de ce dernier ( pl. XI ) , p. 698. Laugel et Delesse. Résumé d’un ou¬ vrage : Revue de géologie pour l’an¬ née 1861, p. 598. Le Hon. Réponse aux observations de M. Hébert ( Bull ., t. XIX, p. 804), sur un travail relatif au terrain ter¬ tiaire des environs de Bruxelles. Nou¬ velles observations de M. Hébert, p. 195. Levallois. Extrait de son ouvrage : Aperçu de la constitution géologique du département de la Meurthe , p. 107. — La question du grès d’Hettange. Résumé et conclusions, p. 224. Leymerie (A.). Esquisse géognostique de la vallée de l’Ariége, donnant la d’un travail de M. Zittel sur les terrains nummulitiques de — , dans lesquels il a trouvé , mélangés , des fossiles caractéristiques du calcaire grossier et des sables de Fontaine¬ bleau. Observation de M. Hébert, p. 546. Horion (Ch.). Sur les terrains primai¬ res des environs de Visé, comprenant les terrains carbonifère et dévonien, p. 766. Hyènes. Sur les liens que les — fossiles établissent entre les — vivantes, par M. A. Gaudry, p. 404. et Matheron, p. 471. — Sur une dé¬ couverte de Lophiodons à — , par M. Ad. Watelet, p. 679. Jura. Sur les dépôts erratiques alpins dans l’intérieur et sur le pourtour du — méridional, par M. E. Benoît (pl. VI), p. 321. description des roches éruptives, des terrains de transition et dévonien, de la formation gypseuse, du lias, des terrains jurassique, crétacé, garum- nien et tertiaire , des grottes à osse¬ ments et des gîtes de minéraux, des phénomènes erratiques et diluviens qu’on y remarque (pl. V), p. 245. — Sur le système garumnien, p. 483. Lherm. Sur la caverne de — (Ariége), par M. Garrigou, p. 305. Lias. De la présence des Astéries dans la zone à Avicula contorta , par M. Collenot, p. 54. — La question du grès d’Hettange. Résumé et con¬ clusions, pur M. Levallois, p. 224. — Sur le — du Briançonnais ( Hautes- Alpes), par M. Ch. Lory, p. 233. — Sur le — de la vallée de l’Ariége, par M. A. Leymerie, p. 245. — Sur l’existence des assises à Avicula con¬ torta dans les départements du Var et des Bouches-du-Rhône, par M. H. Coquand, p. 426. — Sur le — des environs de Montalban (Aragon), par MM. de Verneuil et L. Lartet, p. 684. Liège (Belgique). Procès-verbal de la réunion extraordinaire de la El DES AUTEURS. SOI Société géologique à — par M. G. Dewalque, pendant laquelle elle a visité: les terrains carbonifère, dé¬ vonien et silurien des environs de Spa, p. 781; les terrains quaternaire et tertiaire des environs de Tongres , p. 793; la craie de Maëstricht, p. 804; le gîte calaminaire de la Vieille- Montagne, p. 811 ; le terrain ter¬ tiaire des environs de Bruxelles, p. 820 ; les terrains carbonifère, dé¬ vonien, silurien et l’eurite porphy- rique des environs de Namur, p. 829 ; et les terrains carbonifère et dévonien de la vallée de la Meuse, depuis Na¬ mur jusqu’à Givet, p. 846 et 877. Ligurie . Aperçus relatifs à la carte géologique de la — , de la Savoie et du Piémont de M. A. Sismonda, par M. J. Fournet, p. 68.; Loir-et-Cher (département de). Obser¬ vations de M. Guillier relatives à une note de M. l’abbé Bourgeois sur le terrain crétacé du — , p. 101. Maastricht. Sur la découverte d’un grand nombre de gastéropodes dans la craie de — , par M. de Bink- horst, p. 603. Manche ( département de la ). Essai géologique sur le — , par M. Bo- nissent qui y décrit spécialement le terrain cambrien, analysé som¬ mairement par M. P. Dalimier, p. 292. Manuel de géologie appliquée à l’agri¬ culture et aux arts industriels, par M. Vilanova, analysé sommairement par M. de Verneuil, p. 204. Marne ( département de la Haute-). Stratigraphie de l’étage albien dans le —, par M. Th. Ébray, p, 209. — Observations de M. de Chancourtois au sujet de la carte géologique de la —, par feu M. Duhamel, p. 463. Matheron. Résumé d’un mémoire inti¬ tulé Recherches comparatives sur les dépôts fluvio-lacustres des envi¬ rons de Montpellier , de l’Aude et de la Provence. Observation de M. Hé¬ bert, p. 15. Méditerranée. Sur les rapports de l’é¬ tage néocomien du bassin de Paris avec celui du bassin de la — , par M. J. Gornuel. Observations de MM. Hébert et de Verneuil, p. 575. Loire (département de la). Sur le ter¬ rain jurassique du — et sur les dis¬ locations du même terrain de Saiut- Nizier (Loire), par M. Th. Ebray. Observations de MM. Grüner et de Ferry, p. 441. Loire - Inférieure. Présentation par M. F. Gailliaud de la carte géologi¬ que du département de la — . Obser¬ vations de MM. Triger et P. Dalimier. p. 25. Luphiodons. Sur une découverte de — à Jouy (Aisne), par M. Ad. Watelet, p. 679. Lorï (Ch.). Carte et coupes géologi¬ ques du Briançonnais (Hautes-Alpes), comprenant les alluvions anciennes et modernes, le terrain nummulitique, le lias, les terrains triasique, carbo¬ nifère, primitif, et les roches érup¬ tives (pl. III et V), p. 233. — Sur les dépôts tertiaires et quaternaires du bas Dauphiné (pl. VII), p. 363, Melleville. Réponse à M. Hébert au sujet des observations de ce dernier {Bull., t. XIX, p. 440 et 443), sur un travail relatif aux terrains de transport superliciels du bassin de la Somme. Réplique de M. Hébert, p. 108 et 110. — Nouvelle réponse à M. Hébert sur le même sujet. Ob¬ servation de ce dernier, p. 547. Membres décédés. 11, 186, 204, 209, 463, 546. Membres nouveaux. 5, 22 , 66, 105, 185, 188, 202, 208, 223, 231, 291, 302, 402, 477, 545, 593, 645. Mercey (N. de). Sur la craie dans le nord de la France, p. 631. Metz (Moselle). Sur un nouveau gise¬ ment de calcaire à fucoïdes de l’ooli- the inférieure des environs de —, par M. E. Dumortier, p. 112. Meugy. Note géologique sur quelques terrains crétacés du Midi, p. 410. — Sur un nouveau gisement de craie phosphatée, près de Périgueux (Dor¬ dogne). Observation de M. Triger, p. 549. Meurthe (département de la). Extrait par M. Levallois de son ouvrage : Aperçu de la constitution géologique du — , p. 107. Meuse (département de la ). Stratigra- 892 TABLÉ DES MATIÈRES phie de l’étage albien dans le —, par M. Th. Ébray, p. 209. Midi. Note géologique de M. Meugy sur quelques terrains crétacés du — , p. 410. Mollusques . Sur les — fossiles de la Nouvelle-Zélande, par M. Zittel, p. 605. Montalban (Aragon). Sur les terrains tertiaire, néocomien, jurassique, le lias, les terrains triasique et dévo¬ nien des environs de — , par MM. de Verneuil et L. Lartet (pl. X), p. 684. Montargis (Loiret). Coupe de la nou- velle ligne de Paris à — , par Cor- beil, présentant le diluvium et le terrain tertiaire moyen, par M. E. Goubert, p. 729. Montpellier (Hérault). Résumé par M. Matheron de son travail intitulé Recherches comparatives sur les dé¬ pôts fluvio-lacustres de— , deVAude , et de la Provence. Observations de M. Hébert, p. 15. Mort cerf (Seine-et-Marne). Sur un nou¬ veau gisement de calcaire grossier fossilifère à — , par M. E. Goubert, p. 729. Mortillet (G. de). Coquilles terrestres et d’eau douce des sables à Elephas primigenius et à silex taillés d’Abbe¬ ville, p. 293 et 592. Murchison (R.). Sur l’existence du gneiss fondamental ou laurentien, et sur le développement des dépôts de l’âge permien en Bohême, p. 155. — Sur la découverte des sources du Nil, par MM. Speke et Grant, p. 570. Myliobatides. Sur une plaque de pois¬ son de la famille des — trouvée par par M. Duportal dans les sables moyens de Passy, p. 302. N Nil. Sur la découverte de ses sources par MM. Speke et Grant, par M. R. j Murchison, p. 570. Noguès (A. F.). Sur les gypses secon- ; daires des Corbières. Observations de MM. d’Archiac, Hébert et Jannettaz, p. 12. — Note sur les sédiments infé¬ rieurs et les terrains cristallins des Pyrénées -Orientales, comprenant la description des terrains triasique, dévonien, silurien et des roches érup¬ tives qu’on y remarque, p. 703. Nouvelle-Zélande. Sur les mollusques et les radiaires fossiles de la —, par M. Zittel, p. 605. Nummulites. Sur leur présence dans l’étage à Natica crassatina du bassin de l’Adour, par M. R. Tournouer, p. 649. O Omalius (d’) d’Halloy. Résumé d’un mémoire de M. E. Dupont sur le calcaire carbonifère de la Belgique et du Hainaut français. Observations de MM. Hébert et Deshayes, p. 405. Ossements , Sur des — de vertébrés Paléontologie des mollusques terrestres et fluviatiles de l’Algérie, par M. R. Bourguignat, p. 25. Pares. Rapport, au nom de la Commis¬ sion de comptabilité, sur les comptes du Trésorier pour l’année 1862, p. 723. Paris . Carte agronomique des environs de— , par M. A. Delesse. Observa¬ tions de MM. Grüner et Hébert, découverts dans le calcaire grossier de Jouy (Aisne), par M. Calland , p. 474. Ostende (Belgique). Sur le puits artésien d’ — , par M. G. Dewalque, p. 235. p. 393. — Sur la limite des deux étages du grès vert inférieur dans le bassin de — et sur les rapports de son étage néocomien avec celui du bassin méditerranéen, parM. J. Cor- nuel. Observations de MM. Hébert et de Verneuil, p. 575. — Sur la craie blanche et la craie marneuse dans le bassin de — et sur la division de ce dernier étage en quatre assises, par ET DES AUTEURS. 893 M. Hébert, p. 605. — Coupe de la nouvelle ligne de — à Montargis, présentant le diluvium et le terrain tertiaire moyen, par M. E. Goubert, p. 729. Passy (Seine). Sur une plaque de pois¬ son de la famille des myliobatides, trouvée par M. Duportal dans les sables moyens de — , p. 302. Pellat (Edm.). Sur les falaises de Biarritz. Observations de MM. Gou¬ bert et Deshayes, p. 670. Périgueux(Dordognè). Sur un nouveau gisement de craie phosphatée près de — , par M. Meugy. Observation de M. Triger, p. 549. Petite-Anse (île), dans la Louisiane. Sur une mine de set gemme décou¬ verte dans P — , par M. R. Thomassy (pl. VIII), p. 542. Phénomènes erratiques. Sur les — de la vallée de l’Ariége, par M. A. Leymerie, p. 245. Piémont. Aperçus relatifs à la carte géologique du — , de la Savoie et de la Ligurie de M. A. Sismonda, par M. J. Fournet, p. 68. Pileoïus giganteus. Nouvelle espèce de la craie de la Charente, décrite par M. A. de Rochebrune (pl. IX), p. 587. Plateau central. Sur la position des calcaires caverneux autour du —, par M. Th. Ébray (pl. I), p. 161. P leur otomaires. Sur le nombre des — vivants, par M. Crosse, p. 304 Pont-Levoy (Loir-et-Cher). Sur des silex taillés trouvés à — , par M. l’abbé Bourgeois, p. 535. Pression. Son influence sur les roches, par M. Clifton Sorby, p. 184- Radiaires. Sur les — fossiles de la Nouvelle-Zélande, par M. Zittel , p. 605. Rapport , au nom de la Commission de comptabilité, sur les comptes du Trésorier pour 1862, par M. Parés, p. 723. Règlement. Modification par la Société de l’art. 57 du — , p. 464. Renseignements scientifiques contenus dans une lettre de M. Boué, p. 206. Revue de géologie. Résumé par MM. Delesse et Laugel d’un ouvrage portant le titre — - , p. 598. Procès-verbal de la Réunion extraor*» dinaire de la Société géologique à Liège, par M. G. Dewalque, pendant laquelle elle a visité les terrains carbonifère, dévonien et silurien des environs de Spa, p. 781; les terrains quaternaire et tertiaire des environs de Tongres, p. 793; la craie de Maëstricht, p. 804;legîtecalaminaire de la Vieille-Montagne, p. 811$ le terrain tertiaire des environs de Bruxelles, p. 820; les terrains carbo¬ nifère, dévonien, silurien et l’eurite porphyrique des environs de Namur, p. 829; et les terrains carbonifère et dévonien de la vallée de la Meuse, depuis Namur jusqu’à Givet, p. 846 et 877. Profils de chemin de fer. Présentation par M. Triger d’un essai de réduction au moyen de la photographie de plusieurs — transformés en coupes géologiques, p. 702. Provence . Résumé par M. Matheron de son travail intitulé Rechercha comparatives sur les dépôts fluvio - lacustres de la — , de Montpellier et de l’Aude. Observations de M. Hébert, p. 15. — Du terrain jurassique de la — et surtout des étages supérieurs de ce terrain, par M. H. Coquand. Observation de M. Hébert, p. 553. Puits artésien. Sur le — d’Ostende, par M. G. Dewalque, p. 235. Pyrénées. Note de M. A. F. Noguès sur les sédiments inférieurs et les terrains cristallins des — Orientales, eomprenantla description des terrains triasique, dévonien, silurien et des roches éruptives qu’on y remarque, p. 703. Rochebrune (A. de). Sur deux nouvelles espèces [Paleolus giganteus et Vulsella Deshayesi ) de la craie de la Charente (pl. IX), p. 587. Roches éruptives. Sur les — du Brian- çonnais (Hautes-Alpes), par M. Ch. Lory, p. 233. — Sur les — de la vallée de l’Ariége, par M. A. Ley¬ merie, p. 245. — Sur les — des Pyrénées orientales, par M. A. F. Noguès, p. 703. Russie. Lettre de M. de Helmersen à M. de Verneuil au sujet de quelques travaux sur la géologie de la —, 89A TAULE des matières p. 20. — Présentation par M. J. I Barrande d'un mémoire de M. A. de | Saemann (L.). Sur lu succession des faunes dans le bassin tertiaire de Vienne (Autriche), p. 103. — Présen¬ tation du dessin de la piste d’un animal inconnu publié récemment par M. Oppel, p. 592. Segura (Aragon). Sur le calcaire à Lychnus des environs de — , par MM. deVerneuil etL. Lartet (pl.X), p. 684. Saint -Cyr (Seine-et-Oise ). Coupe du nouveau chemin de fer de— à Dreux, présentant le diluvium et les terrains tertiaire et crétacé, par M. E. Gou- bert, p. 729. Sainl-Nizier (Loire). Sur les disloca¬ tions du terrain jurassique de — , par M. Th. Ébray. Observations de MM. Grüner et de Ferry, p. 441. Sapor-ta ( G. de ). Sur une nouvelle classification des terrains tertiaires lacustres du S. E. de la France, p. 34. Sarlat (Dordogne). Sur le niveau géo¬ logique des calcaires crétacés de — , par M. Harlé, p. 120. Savoie. Aperçus relatifs à la carte géologique de la — , du Piémont et de la Ligurie, de M. A. Sismonda, par M. J. Fournet, p. 68. Seine- Inférieure ( département de la ). Deuxième note de M. Harlé sur les dislocations auxquelles est due la configuration de la vallée de la Seine dans le — . Observations de M. Hé¬ bert, p. 114- Sel gemme. Sur la mine de — décou¬ verte dans File Petite-Anse (Loui¬ siane), par M. R. Thoraassy (pl. VIII), p. 542. Silex travaillés . Sur quelques opi¬ Tableau du classement des corps sim¬ ples nommé : Vis tellurique , pré¬ senté par M. de Chancourtois, avec des explications, p. 647. Terquem. Sur les caractères qui servent à distinguer la Gryphée arquée de la Gryphœa cymbium et de la G. obli¬ j^Volborth sur les trilobites siluriens de la —, p. 595. nions récemment émises au sujet des — du département de la Somme, par M. Buteux. Observation de M. Hébert, p. 30, — Sur des — trouvés dans une brèche osseuse à Vallières (Loir-et-Cher), par M. l’ab¬ bé Bourgeois, p. 206. — Observa¬ tions de M. de Vibraye au sujet de la note précédente. Remarque de M. Hé¬ bert, p. 238. — Sur des — trouvés à Pont-Levoy ( Loir-et-Cher ) , par M. l’abbé Bourgeois, p. 535. — Sur des — recueillis dans le diluvium des environs de Madrid, par MM. de Verneuil et L. Lartet (pl. XI), p. 698. Société ( la ). Modification de l’arti¬ cle 57 du règlement, p. 464. Somme. Sur quelques opinions récem¬ ment émises au sujet des silex tra¬ vaillés du département de la — , par M. Buteux. Observation de M. Hé¬ bert, p. 30. — Réponse de M. Melle- ville à M. Hébert au sujet des obser¬ vations de ce dernier (Bull., t. XIX, p. 440 et 443), sur un travail relatif aux terrains de transport superficiels du bassin de la — , p. 108. — Répli¬ que de M. Hébert, p. 110. — Nou¬ velle réponse de M. Melleville sur le même sujet. Observation de M. Hé¬ bert, p. 547. Sources du Nil. Sur leur découverte, par MM. Speke et Grant, par M. R. Murchison, p. 570. Spezia (Italie). Présentation, par M. Capellini, de la carte géologique des environs de la —, avec quelques explications sur les terrains qui s’y trouvent mentionnés, p, 647. qua. Observation de M. Deshayes, p. 410. Terrain cambrien. Sur le — du pla¬ teau méridional de la Bretagne , par M. P. Dalimier, p. 4 26. — Sur le — du département de la Manche, par M. Bonissent, p. 292. ET DES AUTEURS. 895 Terrain carbonifère. Sur II* — du Briançonnais ( Hautes-Alpes ) , par M. Ch. Lory, p. 233. — Résumé, par M. d’Oraalius-d’Halloy , d’un mémoire de M. E. Dupont sur le calcaire carbonifère de la Belgique et du Hainaut français. Observa¬ tions de MM. Hébert et Deshayes, p. 405. — Sur le — des environs de Visé, par M. Ch. Horion, p. 766. Terrain crétacé. Sur la convenance d’é- tabür un nouvel étage dans le groupe de la craie moyenne, entre les étages angoumien et provencien, par M. H. Coquand, p.49. — Sur l’existence de la craie blanche de Meudon et de la craie tuffeau de Maëstricht dans le S. O. de la France et de l’Algérie, par le même, p. 79. — Sur le non-syn¬ chronisme des étages campanien et dordonien de M. Coquand avec la craie de Meudon et celle de Maës- trichl. Réponse à M. Coquand, par M. Hébert, p. 90. — Observations de M. Guillier au sujet d’une note de M. l’abbé Bourgeois sur le — du dé¬ partement de Loir-et-Cher , p. 101. — Sur le niveau géologique des cal¬ caires crétacés de Sarlat (Dordogne), par M. Harlé, p. 120. — Stratigra¬ phie de l’étage albien dans les dépar¬ tements de l’Yonne, de l’Aude, de la Haute-Marne , de la Meuse et des Ardennes, par M. Th. Ébray, p. 209. — Sur le terrain crétacé de la vallée de l’Ariége, par M. A. Leymerie , p. 245. — Sur l’impossibilité d'éta¬ blir, dans la craie blanche, une zone caractérisée par Y Hcmipneustes, par M. Hébert, p. 355. — Considérations stratigraphiques et paléontologiques sur les Échinides de l’étage néocoraien du départemeut de l’Yonne , par M. G. Cotteau, p. 355. — Note géo¬ logique de M. Meugy sur quelques terrains crétacés du Midi, p. 410. — Sur un nouveau gisement de craie phosphatée, près de Périgueux (Dor¬ dogne), par M. Meugy. Observation de M. Triger, p. 549. — Sur la limite des deux étages du grès vert inférieur dans le bassin parisien, et sur les rapports de son étage néocomien avec celui du bassin méditerranéen , par M. J. Cornuel. Observations de MM. Hébert et de Verneuil, p. 575. — Sur la craie blanche et sur la craie marneuse dans le bassin de Paris, et sur la division de ce dernier étage en quatre assises, par M. Hébert, p. 605. — Sur la craie, dans le nord de la France , par M. N. de Mercey, p. 631. — Sur le terrain néocomien des environs de Montalban (Aragon), par MM. de Verneuil et L. Lartet, p. 684. — Coupe du nouveau che¬ min de fer de Saint-Cyr à Dreux, présentant le terrain crétacé, par M. E. Goubert, p. 736. Terrain dévonien. Sur le — du plateau méridional de la Bretagne, par M. P. Dalimier, p. 126. — Sur le — de la vallée de l’Ariége, par M. A. Ley¬ merie, p. 245. — Sur le — des envi¬ rons de Montalban (Aragon), par MM. de Verneuil et L. Lartet , p. 684. — Sur le — des Pyrénées orientales, par M. A. F. Noguès, p. 703. — Sur le — des environs de Visé , p. M. Ch. Horion , p. 766. Terrain garumnien . Sur le — de la vallée de l’Ariége, par M. A. Ley¬ merie, p. 245.— Sur le — , par le même, p. 483. Terrain jurassique. Sur deux nou¬ veaux gisements de calcaire à fucoïdes de l’oolithe inférieure dans les envi¬ rons de Thouars (Deux-Sèvres) et de Metz (Meurthe), par M. E. Dumor- tier, p. 112.— Sur le — de la vallée de l’Ariége, p. M. A. Leymerie, p. 245. — Sur le — des environs de la Verpillière (Isère), par M. Th. Ébray, 296. — Sur le — du dé¬ partement de la Loire et sur les dislocations du même terrain des en¬ virons de Saint-Nizier (Loire), par M. Th. Ébray. Observations de MM. Grüner et de Ferry, p. 441. — Du — de la Provence et surtout des étages supérieurs de ce terrain, par M. H. Coquand. Observation de M. Hébert, p. 553. — Sur le — des environs de Montalban ( Aragon), par MM. de Verneuil et L. Lartet, p. 684. Terrain moderne. Sur un dépôt d’Huî- tres dans l’étang de Diane (côte orientale de la Corse), par M. H. Aucapitaine, p. 57. — Sur les allu- vions modernes du Briançonnais ( Hautes-Alpes ), par M. Ch. Lory, p. 233. Terrain nummulitique. Sur le — du Briançonnais (Hautes-Alpes), par M. Ch. Lory, p. 233. — Indication par M. Deshayes d’un travail de M. Zittel sur le — de Hongrie, dans 896 TABLE DES MATIÈRES lequel il a trouvé, mélangés, des fossiles caractéristiques du calcaire grossier et des sables de Fontaine¬ bleau. Observations de M. Hébert, p. 546. Terrain permien . Sur le développement des dépôts de l’âge permien en Bohême, par M. R. Murchison, p. 155. Terrain primitif. Sur le — du Brian- çonnais (Hautes- Alpes), par M. Ch. Lory, p. 233. Terrain quaternaire. Sur les dépôts quaternaires du bas Dauphiné, par M. Ch. Lory, p. 363. Terrain silurien. Sur le — du plateau méridional de la Bretagne, par M. P. Dalimier, p. 126. — Repré¬ sentation des colonies de Bohême dans le bassin silurien du N. O. de la France et en Espagne, par M. J. Barrande. Observations de M. Sae- mann, p. 489. — Réponse de M. J. Barrande aux observations précé- cédentes de M. Saemann, p. 522. Sur le — des Pyrenées-Orientales, par M. A.-F. Noguès, p. 703. Terrain tertiaire. Résumé par M. Ma- theron de son travail intitulé Recherches comparatives sur les dépôts fluvio-lacustres des environs de Montpellier, de l’Aude et de la Pro¬ vence. Observations de M. Hébert, p. 15. — Sur nouvelle classification des terrains tertiaires lacustres du S. E. de la France, par M. G. de j Saporta, p. 34. — Sur la succession des faunes dans le bassin tertiaire de Vienne (Autriche) , par M. L. Saemann, p. 103. — Sur l’âge du calcaire de Blaye (Gironde), par J. Gosselet, p. 191. — Réponse de M. le Hon aux observations de M. Hébert [Bull. t. XIX, p. 804) sur un travail relatif au terrain tertiaire des environs de Bruxelles. Nouvelles observations de M. Hébert, p. 195. — Sur le terrain tertiaire de la vallée de l’Ariége, par M. A. Ley- merie, p. 245. — Sur les dépôts tertiaires du bas Dauphiné, par M. Ch. Lory, p. 363. — Sur la présence desNummulites dans l’étage à Natica crassatina du bassin de l’Adour, par M. R. Tournouer, p. 649. — Sur les falaises de Biarritz, par M. Ed. Pellat. Observations de MM. Goubert et Deshayes, p. 670. — Sur le calcaire à Lychnus des environs de Segura (Aragon) et sur le terrain tertiaire des environs de Montalban (même province), par MM. deVerneuiletL. Lartet(pl. X), p. 684. — Sur un nouveau gisement de calcaire grossier fossilifère à Mort- cerf (Seine-et-Marne), par M. E. Gou¬ bert, p. 729. — Sur le — moyen représenté dans une coupe de la nouvelle ligne de Paris à Montargis par Corbeil, par le même, idem. — Sur le — moyen et inférieur que présente la coupe du nouveau chemin de fer de Saint-Cyr à Dreux, par le même, p. 736. Terrain de transition. Sur le — de la vallée de l’Ariége, par M. A. Ley- merie, p. 245. Terrain triasique. Sur le — du Brian- çonnais (Hautes-Alpes), par M. Ch. Lory, p. 233. ■ — Sur le — des environs de Montalban (Aragon), par MM. deVerneuiletL. Lartet, p. 684. — Sur le — des Pyrénées-Orientales, par M. A. F. Noguès, p. 703. Terre (la) avant le déluge. Ouvrage de M. Figuier présenté par M. Hébert avec observations, p. 107. Thomassy (R.). Sur la mine de sel gemme de l’île Petite-Anse (Louisiane) (pl. VIII), p. 542. Thouars (Deux-Sèvres). Sur un nou¬ veau gisement de calcaire à fucoïdes de l’oolithe inférieure dans les environs de — , par M. E. Dumortier, p. 112. Tournouer (R.). Sur la présence des Nummulites dans l’étage à Natica crassatina du bassin de l’Adour, p. 649. Triger. Présentation d’un essai de réduction au moyen de la photo¬ graphie de plusieurs profils de chemin de fer transformés en coupes géolo¬ giques, p. 702. Trigonia Heva . Nouvelle Trigonie des grès verts supérieurs du cap de la Hève, par M. A. Dollfus (pl. II), p. 220. Trilobites . Présentation par M. J. Barrande d’un mémoire deM. A. de Volborth sur les — siluriens de la Russie, p. 595. BT DBS AUTEURS. 897 Y Vallières (Loir-et-Cher). Sur des silex j travaillés trouvés dans une brèche ] osseuse à — , par M. l’abbé Bourgeois, i p. 206. — Observations de M. de Vibraye au sujet de la note précé¬ dente. Remarque de M. Hébert, p. 238. Var (département du). Sur l’existence des assises à Avicula conforta dans le — , par M. H. Coquand, p. 426. Verneuil (de). Analyse sommaire d’un ouvrage de M. Yilanova : Manuel de géologie appliquée à l’agriculture et aux arts industriels, p. 204. — et Lartet (L.). Sur le calcaire à Lychnus des environs de Segura (Aragon) et sur les terrains tertiaire, néocomien, jurassique, le lias, les terrains triasique et dévonien des environs de Montalbaiî (même pro¬ vince) (pl. X), p. 684. — Sur des silex taillés recueillis dans le diluvium j des environs de Madrid et description de l’un d’eux (pl. XI), p. 698. I V erpillière[La).Surle terrain jurassique des environs de — , parM. Th. Ébray, p. 296. Vibraye (de). Observations au sujet d’une note de M, l’abbé Bourgeois (antè, p. 206) sur la découverte de silex travaillés dans la brèche osseuse de Vallières (Loir-et-Cher). Remarque de M. Hébert, 238. Vienne (Autriche). Sur la succession des faunes dans le bassin tertiaire de — , par M. L. Saemann, p. 103. Visé (Belgique). Sur les terrains pri¬ maires des environs de — , comprenant les terrains carbonifère et dévonien, par M. Ch. Horion, p. 766. Vulsella Deshayesi. Nouvelle espèce de la craie de la Charente, décrite par M. A. de Rochebrune (pl. IX), p. 587. w Watelet (Ad.). Sur une découverte de Lophiodons à Jouy (Aisne), p. 679. Y Yonne (département de 1’). Strati¬ graphie de l’étage albien dans le — , par M. Th. Ébray, p. 209. — Considérations stratigraphiques et paléontologiques sur les Échinides de l’étage néocomien du — , par M. G. Cotteau, p. 355. z Zittel. Sur les mollusques et les radiaires fossiles de la Nouvelle-Zélande, p. 605. FIN DE LA TABLE< 898 LISTE DES PLANCHES, Liste des planches. I, p. 126. P. Dàlimier. —Coupe de Bécherel (Ille-et-Vilaine) à Coat- h Quidam, près de Beignon (Morbihan], passant par Montfort- sur-Meu et Plélan. — Coupe des environs de Poligné (Ille-et- Vilaine). — Coupe de Guichen à Pont-Réan. I, p. 1 61 . Th. Ébray. — Fig. 1 , coupe de Moussy-les-Meules (Nièvre). — - Fig. 2, coupe des environs de Jailly (Nièvre). — Fig. 3, coupe de Billy (Nièvre). — Fig. 4, coupe sur le chemin de de Saint-Bennin à Cercy (Nièvre). — Fig. 5, coupe de l’infra-lias de Ternant (Nièvre). — Fig. 6, coupe de l’infra- lias à Boyer (Loire). — Fig. 7, coupe des environs de l’Arbresle et de Chessy (Rhône). Fig. 8, classification de l’infra-lias. — Fig. 9, courbe représentative des oscillations. II, p. 2*20. A. Dollfüs. — Trigonia Heva. III, p. 233. Ch. Lory. — Carte géologique du Briançonnais (Hautes- Alpes). IV, p. 233. Ch. Lorry. — Coupes géologiques du Briançonnais (Hautes- Alpes). V, p. 245. A. Leymerie. — Coupe longitudinale delà vallée de l’Ariége, côté gauche, entre Foix et Varilhes. — Coupe entre Mercus et Villeneuve S. N., côté delà vallée. Coupe transversale de la vallée de l’Ariége à Pamiers. VI, p. 321 E. Benoit. — Coupe des dépôts erratiques alpins dans l’intérieur et sur le pourtour du Jura méridional. VII, p. 363. Ch. Lory. — Carte de l’extension des anciens glaciers dans le bas Dauphiné et la Bresse. — Coupe de la vallée du Drac entre Avignonet et la Motte-les-Bains. VIII, p. 542. R. Thomassy. • — Carte et coupe de File Petite-Anse. IX, p. 587. De Rochebrune. — Pileolus giganleus , Vulsella Des- hayesi. X, p. 684. De Vernedil et L. Lartet. — Lych/ius Pradoanus. Moule de Paludine. — Cyclostoma V ilanovanum . Moule de Palu- dine ? — Moule d’Hélix? — * Lychnus Collornbi. XI, p. 698. De Verneuil et L. Lartet. — Silex taillé du diluvium de Madrid. s . ERRATA. Pages. Lignes. 4 54 , 2 en remontant , au lieu de : des dépôts diluviens, lisez : des dépôts siluriens. 580, 9, au lieu de : l’étage aptien d’Angleterre, lisez : l’étage aptien du golfe français, puisqu’il reparaît au sommet de l’étage aptien d’Angleterre. 587, 4 5, au lieu de : ne seront pas divisées, lisez : ne seront plus divisées. ADDENDA aux ERRATA des tomes I et XV III. Tome I, 4 844, p. 34 8, ligne 3, on a omis : a de plus, si une rivière sortant d’une chaîne basse traverse une » chaîne plus élevée, cotte dernière est d’origine plus récente que » la première (Ex., Carinthie, Chili, etc.). » Tome XVIII, 4 860, p. 437, entre les lignes 22 et 23 on a omis : « de nature similaire aussi bien que dissimilaire, tels que des reliefs * avec des cavités, des chaînes. » Paris, — Imprimerie de E. Martinet, rue Mignon, 2. • • , • Ii| ' ' •• .