History Muséum 000233060 SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. PARIS. — ÉDOUARD BLOT, IMPRIMEUR, RUE TURENNK.. 66 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. €t 'Po me 'vwtÿ/s-cmyuieme . ’euaccetne Jewe. 1867 à 1868 PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ Rue de Fleurus, 39. 1868 ÿ , w I" i ? (-,,rv U SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE Séance du 4 novembre 1867. PRÉSIDENCE DE M. DE VERNEUIL. Par suite des présentations faites dans la Réunion extra¬ ordinaire à Paris, en août dernier, le Président proclame membres de la Société : MM. Coutinho (Joâo-Martino da Silva), docteur ès-sciences, à Rio-Janeiro (Brésil); présenté par MM. J. Marcou et Louis Lartet. Dücker (le baron de), à Fürstenwalde (Prusse); présenté par MM. de Limur et R. -B. Geinitz. Figari-Bey, place Rosette, au Caire (Égypte) ; présenté par MM. d’Archiac et Delanoüe. Guiter, employé au canal de Suez, à Ismalaïa (Égypte); présenté par MM. Ch. Laurent et Delanoüe. Moreno Miquel (Vincent), docteur en pharmacie, rue de FArenal, 4, à Madrid (Espagne); présenté par MM. Jean Vilanova et de Verneuil. Oustalet, rue delà Chaussée-d’Antin, Ç, à Paris; présenté par MM. Hébert et Louis Lartet. Seoane (Lopez), docteur-médecin, au Ferrol (Espagne) ; présenté par MM. Juan Vilanova et de Verneuil. Da Silva (Miguel-Antonio), capitaine du génie, professeur à TÉcole centrale, à Rio-Janeiro (Brésil), présenté par MM. J. Marcou et Louis Lartet. Tardy, rue Portefoin, 11, à Paris ; présenté par MM. Hé¬ bert et Louis Lartet. Tissot , ingénieur , employé au Ministère des Travaux 6 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. publics, au Caire (Égypte); présenté par MM. de Verneuil et Delanoüe. Velain, boulevard Saint-Michel, 109, à Paris; présenté par MM. Hébert et Louis Lartet. Vilanova (Joseph), ingénieur des mines, à Cordoue (Espa¬ gne); présenté par MM. Jean Vilanova et de Verneuil. M. Pomel (A.) ancien membre, à Oran (Algérie), est admis, sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De 1a, part de M. le ministre de FInstruction publique, Journal des savants , août-octobre 1867, in-8. De la part de M. le Directeur du Dépôt de la guerre, 30e livraison de la Carte de France , ail 707007, 10 f. gr. monde. De la part du Comité de la Paléontologie française , Terrain jurassique, liv. 11, Zoophytesi par MM. de Fromentel et de Ferry, texte, f. 10 à 12, atlas, pl. 37 à 48; — livr. 12, Gastéropodes , par M. Piette, texte, f. 7 à 9. atlas, pl. 25 à 36 ; — liv. 13 et 14, Échinodermes , par M. G. Cotteau, texte, f. 1 à 6, atlas, pl. 24; in-8. De la part de MM. d’Archiac et de Verneuil, Sur la faune dévonienne de la rive du Bosphore [Extrait des comptes rendus des séances de T Académie des sciences, T. LXIV, séance du 17 juin 1867), 5 p. in-4. De la part de M. M. Baretti, Alcune ozzervazioni sulla geolo - gia delle Alpi Graie , in-4, 20 p. ; Bologne, 1867 ; chez Gambe- rini et Parmeggiani. De la part de M. Joachim Barrande : 1° Ptéropodes siluriens de la Bohême. — Introduction , in-8°, 16 p. Prague, 1867. 2° Système silurien du centré de la Bohême , lre partie : Becher - ches palêontologiques ; vol. III. Texte et 16 pl. — Classe des mol - DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 7 lusques. — Ordre des Ptéropodes , in-4, 179 p., 16 pl. ; Prague, 1867. De la part deM. G. -G. Bianconi : 1° Escursioni geologiche e mineralogiche nel territorio Porrettano, in-8,61 p.; Bologne, 1867. 2° Intorno al giacimento delle Fuciti nel calcare eocenico e sulla origine del calcare stesso , in-8, 13p.; Milan, 1867 ; chez Bernar- doni. De la part de M. Bonissent, Essai géologique sur le départe¬ ment de la Manche. — 10e Époque. — Sol tertiaire ; in-8, 32 p. ; Cherbourg, 1867; chez Bedelfontaine et Syffert. De la part de M. Boucher de Perthes : 1° Exposition publique des produits de V Industrie. — Le Prési¬ dent de la Société d3 émulation {d3 Abbeville) aux ouvriers; 1833, in-8, 45 p.; Paris, 1867; chez Jung-Treuttel. 2° Des idées innées , de la mémoire et de l'instinct; in-8, 74 p.; Paris, 1867; chez Jung-Treuttel. De la part de M. Amédée Burat, les Houillères de France , in-8, 302 p., et 1 atlas gr. in-4; Paris, 1867; chez J. Baudry. De la part de M. Cazalis de Fondouce, Derniers temps de l’âge de la pierre polie dans l'Aveyron , in-8, 90 p., 4 pl. ; Mont¬ pellier, 1867; chez C. Coulet. De la part de M. Th. Davidson : 1° A monograph of the british fossil Brachiopoda. — The Silu- rian Brachiopoda , in-4, p. 89-168, pl. XIII-XXII; Londres, 1867. 2° Perforate and imperforate Brachiopoda ( Extr . from the Geolog. Magazine, july 1867), in-8, 5 p., 1 pl. 3° On Waldheimia venosa, Solander, sp. (Extr. from the Annals and Magazine of natur al history , for August 1867), in-8, 3 p. De la part de MM. Delesse et A. de Lapparent, Extraits de géologie (Extr. des Annales des Mines , t. X, 1866), in-8, p. 469-597. De la part de M. Alfred Evrard, Le plateau de Thostes et ses mines de fer, in-8, 49 p., 3 pl.; Paris, 1867. De la part de M. Alphonse Favre : 1° Note sur le terrain triasique de la Savoie, in-8, 11 p.; Genève, 1867. 8 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. 2° Rapport sur les travaux de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève , de juin 1866 à mai 1867 [Ext. des Mêm. de la Soc. de ph. et dJhist. nat. de Genève, t. XIX, lre série), in-4, 1867. De la part de M. F. Garrigou : 1° Age du Renne dans la grotte de la Vache , vallée de Niaux, près de Tarascon ( Ariége ), in-8, 10 p., 4 pl. ; Toulouse, 1867; chez Bonnal et Gibrac. 2° Divisions fondamentales des eaux thermales des Pyrénées , in-8, 7 p. ; Paris, 1867; chez Victor Masson et fils. De la part de M. A. Guillier, Faune seconde silurienne aux environs de Chemirè-en-Charnie , in-8, 4 p. ; Le Mans, 1867; chez Ed. Monnoyer. De la part de M. James Hall, Graptolites of the Quebec group, in-4, 151 p., 21 pl.; Montréal, 1865; chez Dawson frères. De la part de M, Hébert, sur les Calcaires à Terebratula diphya de la Porte de France , in-4, 3 p.; Paris, mai 1867. De la part de M. A. Leymerie, Sur l'influence que le sol géolo¬ gique peut exercer sur la culture et les produits de la vigne dans certaines contrées sud-ouest de la France, in-8, 19 p. ; Toulouse, . ; chez Douladoure. De la part de M. R. Ludwig : 1° Geologische S Jcizze des Grossherzogthums Hessen , in-4, 24 p., 1 carte; Darmstadt, 1867 ; chez G. Jonghaus. 2° Zur Paleaontologie des UraVs , in-4, 3 fascicules; Cassel, 1862; chez Th. Fischer. 3° Corallen und palàolitischen Formationen , in-4, 3 fascicules ; Cassei, 1865 et 1866. 4° Unio pachyodon , Ü. Kirnensis , Anodonta compressa , A . fabæformis, in-8, 8 p. ; Cassel . 5° Ditliyrocaris aus dem Rheinischen Devon-Gebirge , in-4, 15p., 1 pl.; Cassel . 6° Die Meeresstromungen , etc., in-8, 128 p. , 15 pl. ; Darmstadt, 1865 ; chez G. Jonghaus. De la part de M. J. Marcou, Zur Erinnerung an Dr Albert Oppel, von Prof . Dr F . V. Hochsletter , in-8, 9 p. ; Vienne, 1866. De la part de M. N. deMercey, Sur la division de la formation DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 9 cristalline des Maures , in-8, 8 p., 1 carte; Paris, 1867; chez A. Chaix et Ce, etc. De la part de M. P. Merian, Ueber die palàontologischen Be- timmung der Formationen , in-8, 12 p . ; décembre 1866. De la part de M. G. de Mortillet, Matériaux pour l'histoire positive et philosophique de l'homme , mai, juin, juillet et août 1867, in-8. De la part de M. J. -B. Noulet : 1° Nouveau genre de Tortues fossiles proposé sous le nom eTAllæochelys, in-8, 8 p. ; Toulouse . 2° Gisement de /’Anthracotherium magnum, dans le terrain à Palæotheriums du Tarn, in-8. ; Toulouse . De la part de M. G. Omboni, Le due recenti teorie suite cor - renti atmosferiche , in-8, 12 p.; Milan, 1867. De la part de M. F. -J. Pictet, Nouveaux documents sur la limite de la période jurassique et de la période crétacée , in-8, 16p.; Genève, 1867 ; chez Ramboz et Schuchardt. De la part de M. A. Pomel, E xplication de la carte géologique de la province d! Or an par MM. Rocard, Pouyanne et Pomel. — Palêontologie. — Zoophytes, 2e fascicule. — Échinodermes (pas de texte) ; pl. I à XL1II (moins pl. III, X, XIV). — 5e fascicule, Spongiaires , texte, p. 1 à 13, pl. A à F et 1 à XVII; Oran, 1867 ; chez Ad. Perrier. De la part de M. Raphaël Pumpelly, Geological researches in China, Mongolia , and Japan during the years 1862 to 1865, in-4, 143 p., 9 pl. ; Washington, 1866. De la part de M. le comte G. de Saporta, La flore des tufs quaternaires en Provence , in-8, 32 p., 1 pl. ; Aix, 1867; chez Remondet-Aubin. De la part de M. V.-L. Seoane, Reseha de la historia natural de Galicia, im8°, 60 p. ; Lugo, 1866 ; chez Soto Freire. De la part de M. L. Simonin, Les pays lointains. — Notes de voyage. — La Californie , Maurice , Aden , Madagascar , in-18, 350 p. ; Paris, 1867 ; chez Challamel aîné. De la part de M. Réné Vion ; Étude sur Linné , in-8, 40 p. ; Amiens, 1867 ; chez Lemer aîné. De la part de M. le baron Achille de Zigno, Flora fossilis 10 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. formationis oolithicœ , 3e et 4e livraisons, in-f°; Padoue, 1867. De la part du gouvernement hollandais , 2 Cartes géolo¬ giques de la Hollande (Kempen et Limburg). De la part du gouvernement de la Confédération Suisse, Beitràge zur geologischen Karte der Schweiz. — ■ 3e liv. , Die süd- bstlichen Gebirge von Graubünden, etc., parle prof1- G. Theobald, in-4, 359 p., 8 pl. ; Berne, 1866. — 5e liv., Geologische Be- schreibung des Pilatus, par M. Fr. J. Kaufmann, in-4, 169 p., 1 carte et 10 pl. ; Berne, 1867. De la part de la Junta general de Estadistica, Cartes cadastrales et agronomiques de la province de Madrid . De la part de M. Bucaille , Compte rendu d’une excursion géologique à Elbeuf , le 14 juin 1866, in-8, 8 p., 1 pl. ; Rouen, 1867; chez H. Boissel. De la part de M. J. Ginestou , Éléments de géologie (de sir Charles Lyell) , traduit de Fanglais sur la 6e édition, 2 volumes in-8.; Paris, . ; chez Garnier, frères. De la part de Mme veuve Yiquesnel, Voyage dans la Turquie d'Europe. — - Description physique et géologique de la Thrace , par A. Viquesnel, 11e livraison, in-4; Paris, 1867; chez Arthus Bertrand. De la part de M. A. d’Achiardi : 1° Corallarj fossili del terreno nummulitico dell'Alpi Venete , in-4, 53 p., 5 pl.; Milan, 1866; chez G. Bernardoni. 2° Coralli fossili del terreno nummulitico dell’Alpi Venete. — Catalogo delle specie e brevi note , in-4, 18 p.; Pise, 1867 ; chez les frères Nistri. De la part de M. J.-F. Brandt : 1° Einige Worte zur Ergànzung meiner Mittheilungen iiber die Naturgeschichte des Mammuth , in-8, 5 p.; Saint-Pétersbourg, 1866. 2° Bericht über eine Arbeit unter dem Titel : Zoographische und palâontolo g ische Beitràge, in-8, 7 p. ; St-Pétersbourg, 1866. 3° Ueber den vermeintlichen Unter schied des Caucasischen Bison , etc., in-8, 8 p. Moscou, 1866. 4° Zoogeographische und palàontologische Beitràge , in-8, 258 p.; Saint-Pétersbourg, 1867. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 11 De la part de M. W.-B. Garpenter : 1° Further observations on the structure and a f /inities of Eozoon canadense, in-8, 6 p., 1 pL; Londres, 1867. 2° On the shell-structure o/’Spirifer custodatus, and of certain allied Spiriferidœ , in-8, 7 p.; Londres, 1867. De la part de M. Gümbel : 1° Ueber das Yorkommenhohler Kalkgeschiebe in Bayern , in-8, 5 p.; 1866. 2° Weitere Mittheilungen über das Vorkommen von Phosphor- sdure inden Schichtgesteinen Bayern3 s, 11 p.; 1867. 3° Kurze Notiz über die Gliederung der sachsischen and bayeri- schen oberen Kreideschichten , in-8, 5 p. ; Dresde, 1867. De la part de M. Y. Haidinger, Die Meteoriten des K. K. Hof-Mineralien-Alien-Cab. Cabinets am 1 juli 1867, in-8, 4 p. De la part de M. Fr. de Hauer : 1° Geologische Ubersichtskarte der OE sterreichischen Monarchie , 1 f. Vienne, 1867. 2° Geologische Ueber sichtskarte der Osterreichischen Monarchie (texte), in-4, 20 p.; Vienne, 1867. Delà part de M. G.-C. Laube, Ein Beitrag zur Kenntniss der Echinodermen des Vicentinischen Tertiàr-Gebietes , in-8, 9 p.; Vienne, 1867. De la part de M. Isaac Lea : 1° Observations on the gémis Unio , together with descriptions of new spccies in the family Union idæ , and descriptions of new species of the Melanidæ, Limneidæ, Paludinæ and Helicidæ, in-4, 146 p., 24 pl. ; Philadelphie, 1864. 2° 7 ables of the rectification of the M. T. -A Conrad3 s Synopsis of the family of Naïades of North America , in-8, 6 p., Philadel¬ phie, 1866 ; chez Collins. 3° Check list of the shells of North America. — Unionidæ, in-8, 7 p . De la part de M, Lyman Coleman, The great crevasse of the Jordan and of the Red Sea, in-8, 15 p . . 1867. Delà part de M. A. E. Nordenskiôld, Sketch of the geology of Spitzbergen, in-8, 55 p. , 2 cartes; Stockholm, 1867; chez P. -À. Norstedt et fils. 12 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. De la part de M. Pereira da Costa, Commissâo geologica de Portugal. — Molluscos fosseis. — Gastéropodes dos depositos tercia - rios de Portugal , in-4, p. 117 à 252 et pl. XVI à XXVIII; Lis¬ bonne, 1867. De la part de M. G.- A. Pirona, Synodontites , nuovo genere di rudiste , in-8, 16 p., 1 pl. ; Venise, 1867. De la part de M. Ralph Tate, The geological and natural history repertory , 1er nov. 1865 et 1er mai 1867, in-8; Londres. De la part de M. H. de Schlagintweit, Illustrations of the physical geogi'aphy of India and High Asia , 1 feuille gr. monde ; Munich, 1867; chez C. Wolf et fils. De la part de M. G. L. Vose, Orographie geoglogy , in -8°, 135 p.; Boston, 1866. De la part de M. C. Whittlesey, On the Fresh-Water glacial drift ofthe Northwestern States, in-4, 32 p.; Washington, 1866. De la part de M. T. C. Winkler, Musée Teyler. — Catalogue systématique de la collection paléontologique , 6e livr., in-8; Harlem, 1867 ; chez les héritiers Loosjes. Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , 1867, 1er sem. — T. LXÏV, nos 24 à 25; 2e sem. — T. LXV, nos 1 à 18, in-4. Bulletin de la Société de géographie , j uin, j uillet et août 1867, in-8. Annuaire de la Société météorologique de France , t. XIII, 1865, Tableaux météorologiques, f. 1-11. — T. XIV, 1866, Bulletin des séances, f. 15-26. — T. XV, 1867, Bulletin des séances , f. 1- 10, in-8. Annales des Mines , lre et 2e livraison de 1867, in-8. Bulletin des séances de la Société I. et Centrale d’ Agriculture , avril, mai et juin 1867, in-8. L'Institut , nos 1746 à 1765, 1867, in-4. Réforme agricole , juin, juillet, août et octobre, 1867, in-4. Mémoires de la Société Impériale d' agriculture, sciences et arts d'Angers , nouv. période. — T. X, 2e trim., in-8. Mémoires de la Société Académique d'agriculture, etc., du dépar¬ tement de l'Aube , année 1866, in-8. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 13 Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar , 4865 et 1866, in-8. Mémoires de T Académie I. des sciences, etc,, de Dijon, 1864,1865 et 1866; in-8. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, juin, juillet, août et octobre 1867, in-8. Annales de la Société d’ Agriculture, etc,, du IJuy , 1864-1865, in-8. Bulletin de la Société de l'Industrie minérale {S t-É tienne), nov. et déc. 1866, in-8. Bulletin des travaux de la Société historique et scientifique de Saint- Jean-d3 Angèly, 1866, in-8. Revue agricole, etc., de Valenciennes , mars à juin, 1867, in-8. Mémoires de la Société de physique et d’histoire naturelle de Ge¬ nève, t. XIX, lre partie, 1867, in-4. Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles, vol. IX, n° 57, juin 1867, in-8. Mémoire de l’Académie Royale des sciences, etc., de Belgique, t. XXXVI, in-4. Bulletin de l’Académie Royale des Sciences, etc., de Belgique, t. XXII, 1866, et t. XXIII, 1867, in-8. Annuaire de l’Académie Royale des sciences, etc., de Belgique, 1867, in- 18. Mémoires de la Société Royale des Sciences de Liège , 2e série, 1. 1, in-8. The quarterly journal of the geological Society ( of London ), n° 91, août 1867, in-8. Annual report of the Director- general of the Geological Survey ofthe United Kingdom, the Muséum of practicalGeology, the Royal School o f Mines, and the Mining Record Office , for the year 1866, in-8, 12 p., 3 cartes; Londres, 1867. Catalogue of the published maps, sections , etc., of the Geological Survey of the United Kingdom up to october 1867, 42 p., 3 cartes ; Londres, 1867. The Journal ofthe Royal Dublin Society , n° XXXV, in-8. Zeitschrift der Deutschen geologischen Gesellschaft , novembre et décembre 1866 et janvier 1867, in-8. 14 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. N eues Jahrbuch fur Minéralogie , etc., de G. Leonhard et H, -B. Geinitz , 1867, n03 4, 5 et 6, in-8. Verhandlungen der K \ K . geologischen Reichanstalt , 1867, nos 10 et 13, in-8. Monatsbericht der K . preussischen Akademie der Vissenschaften zu Berlin , mai et juin 1867, in-8. Sitzungs-Berichte der Naturw. Gesellschaftl sis in Dresden, jan¬ vier à juillet 1867, in-8. Abhandlungen der K. Bohmischen Gesellschaft der Wissenschaf- ten , années 1865 et 1866, in 4. Sitzungsberichte der K. Bohmischen Gesellschaft der Wissen- schaflen in Prag , janvier à décembre 1865, et janvier à dé¬ cembre 1866, in-8. Schriften der K. physicalisch-bkonomischen Gesellschaft zu Kônigsberg , années 1865 et 1866, in-4. Acta Academiœ C . Z. C. G. Naturœ Curiosorum , vol. XXXIII, in-4. The Athenœum, nos 2,069 à 2,083, 1867, in-4°. Memorie délia R . Accademia delle scienze di Torino, 2e série, t. XXII, in-4. Atti délia R. Accademia delle scienze di Torino, t. II, 1866, t. III, janvier et février 1867, in-8. Giornale di scienze naturali ed economiche di Palermo , 1866, fasc. II, III e IV, in-4. Revista de los progresos de las ciencias exactas> fisicas y natu - raies , mai, juin et octobre 1867, in-8. Revista minera, 15 juin au 1er novembre 1867, in-8. Mémoires de V Académie 1 . des sciences de Saint-Pétersbourg , VIIe série, t. X, nos 3 à 16, et t. XI, nos 1 à 7, in-4. Bulletin de V Académie 1. des sciences de Saint-Pétersbourg, t. X et XI, ett. XII, f. là 6, in-4. Bulletin de la Société I. des naturalistes de Moscou, année 1866, nos III et IV, in-8. Oversigt over det Kgl . Danske Vid. Selskabs Forhandlinger , 1864 et 1866, in-8. Proceedings of the American Academy, 6 mars-11 septembre 1866, in-8. 15 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. Annals of the Lyceum of natural history of New- York, juin, octobre et décembre 1866, in-8. Transactions of the Albany lnstilute, vol. V, in-8. Transactions of the Connecticut Academy of arts and sciences , vol. I, part. 1, in-8. The American Journal de Silliman, j uillet et septembre 1867, nos 130 et 131, in-8. Memoirs of the Boston Society of natural History , vol. I,part.l, 1866, et part. II, 1867, in-4. Proceedings of the Boston Society of natural History , t. X, f. 19-27, et t. XI, f. 1-6, in-8. Proceedings ofthe American philosophical Society , vol. X, 1866, n° 76, in-8. Proceedings of the Academy of natural sciences of Philadelphia, année 1866, in-8. Journal of the Academy of natural sciences of Philadelphia , nouvelle série, vol. VI, lre partie, in-4. Annales del Museo publico de Buenos-Aires , 2e livraison; Buenos-Aires, 1867, in-4. Natuurkundig Tidjschrift voor Nederlandsch Indie , t. XXIV, 2e, 3e et 4e liv. ; Batavia, 1866, in-8. Annual report of the trustées of the Muséum of comparative zoology, at Harvard College , in Cambridge , in-8; Boston, 1867. Annualreport of the Secretary of war, 1866, Washington, in-8. Annual report of the board of Begents of the Smithsonian Insti¬ tution for the year 1865, in-8, Washington, 4866. Smithsonian miscellaneous collections , t. VI et VII , in-8. Washington, 1867. M. le Président annonce la mort de MM. Michelin, Gou- bert, Van-Breda et Désoudin. M. Danglure offre à la Société, au nom du Comité de la Paléontologie française : 1° La 4e livraison des Z oophy tes jurassiques , par MM. de Fromentel et de Ferry (11e de M. Masson). 2° La 3e livraison des Gastéropodes du même terrain , par M. Piette (12e de M. Masson). 16 SEANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. 3° Les lre et 2e livraisons des Échinodermes jurassiques , par M. G. Gotteau (13e de M. Masson). M. Hébert présente la note suivante de M. Dieulafait : Sur l'âge des calcaires blancs des environs de Toulon (Réponse à la note du 17 juin 1867 de M. Coquand); parM. Dieulafait. Les fossiles néocomiens qui ont servi de base à mon mé¬ moire de 1865 ont été présentés à la Réunion générale des so¬ ciétés savantes. Ils sont restés exposés dans le grand amphi¬ théâtre de physique de la Sorbonne pendant toute la durée de la session ; ils ont été examinés par tous les géologues présents et il n’a pas été émis le moindre doute sur leur détermination et la signification que je leur assignais. Depuis lors, ils n’ont pas quitté les collections de la Sorbonne. Voici le passage du mémoire de M. Coquand auquel j’ai fait allusion : « Il s’agit de démontrer que les étages kimmeridgien « et portlandien y sont également représentés (dans les cal- « caires blancs) et je m'empresse d'avouer que jusqu'à présent il « m'a été impossible de découvrir aucun corps organisé au-dessus « des bancs à polypiers , c'est-à-dire dans une masse de calcaire de « plus de 200 mètres d'épaisseur. Mes efforts ont été partout in- « fructueux, etc. » (1). Or c’est « dans les parties élevées de la montagne de la Pou- raque» (2), par conséquent dans les 200 mètres de calcaires blancs vainement explorés par M. Coquand , que j’ai rencontré les Ghames dont je parle dans ma note. Je n’ai donc, je crois, commis aucune inadvertance. J’ai trouvé dans ces calcaires des milliers de fossiles néoco¬ miens en place, et M. Coquand le savait parfaitement quand il a rédigé sa note du 17 juin dernier. Que veut-il donc dire quand il parle d’autorités invoquées? Si la présence de milliers de Caprotina Lonsdalii , si l’exi¬ stence du Toxaster oblongus dans ces calcaires du Goudon et du Faron ne sont pas des preuves positives suffisantes pour justifier mon opinion, je prie M. Coquand de me dire quelles sont celles qu’il faut lui apporter. (f) Bull., 2e Série, t. XX, p. 558. (2) Bull,} 2e Série, t. XXIII, p. 465. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 17 Voici un point de la plus haute importance pour la question dont il s’agit : M. Coquand a fait présenter au mois de décembre 1856 au Congrès scientifique d’Aix, à la dernière séance, une note qui n’était autre, dans sa partie essentielle, que celle à laquelle je réponds; elle était accompagnée de trois échantillons intitulés : Cidaris florigemma , Hemicidaris crenularis , Apiocrinus Muns- terianus. M. Ph. Matheron était président de la section ; M. le comte de Villeneuve-Flayosc, ingénieur en chef des Mines était vice-président; j’avais l’honneur avec M. le comte de Saporta d’être l’un des secrétaires. Or il fut déclaré unanimement que les trois échantillons de M. Coquand étaient absolument indéter¬ minables. Je ne mets pas en cause les savants géologues dont je viens de citer les noms; je constate simplement l’existence d’un fait officiellement établi. Malgré mon désir d’être court, je dois citer ici M. Coquand avant de lui répondre : « Cette réplique était rédigée . Ses occupations l’auront sans doute empêché de réaliser cette pro¬ messe » (1). Voici ma réponse: M. Coquand est venu, avant la présentation de sa note à la Société, passer un jour avec moi à Toulon, et je me suis em¬ pressé, on le comprend, de soumettre mes fossiles du Coudon et du Faron à l’examen de M. Coquand et lui ai proposé d’aller visiter soit au Coudon , soit au Faron les gisements de ces fossiles. M. Coquand m’a répondu que les fossiles que je lui présentais ne laissaient aucun doute dans son esprit, qu’ils étaient incontes¬ tablement néocomiens. Si donc M, Coquand n’a pas examiné sur les lieux la question si importante qui nous divise, c’est qu’il n’a pas cru devoir le faire. Ce ne sont pas dans tous les cas mes af¬ faires qui en ont empêché, puisque j’ai guidé ce jour-là M. Co¬ quand dans une autre course également aux environs de Toulon. Je vais maintenant m’occuper d’un point dont l’importance, pour moi, l’emporte sur tout le reste. M. Coquand introduit dans la discussion en passant, et d’une manière tout à fait incidente, un élément, non-seulement nou¬ veau et. étranger à la question qui nous divise, mais qui la trans¬ forme immédiatement en une autre n’ayant plus avec celle-ci aucune espèce de rapport : c’est quand il dit que les dolomies (1) Bull., 2e Série, t. XXIV, p. 7 B 4. Soc. géol.9 2e série, tome XXV. 2 18 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. de Saint-Hubert sont ou de l’oxfordien supérieur ou du coral¬ lien inférieur. La coupe de M. Goquand sous les yeux (Bull., 2e série, t. XX, p. 557), précisons bien les faits : A — Marnes irisées. B — Lnmackeile à Avicula conlorta. C — Lias inférieur dolomitique. D — Lias Moyen à Pecten æquivalvis. E — Lias supérieur à Ammonites primordialis. F — Oolithe inférieure à Ammonites Humphriesanus. G — Grande oolithe à Ammonites arbustiperus. H — Calcoire à polypiers de Ranville. I — Calcaire marneux, kellovien, à Ammonites anceps. J — Dolomie oxfordienne. K — Oxfordien marneux. L — Oxfordien supérieur, calcaire à Ammonites plicatilis. M — Etage corallien. N — Etage kimméridgien. O — Dolomies portlaudiennes. Les dolomies de Saint-Hubert sont les assises J de la coupe; elles sont recouvertes par les argiles bleues K et les calcaires marneux L, appartenant les uns et les autres à l’oxfordien. Et c’est là un des points sur lesquels M. Goquand insiste surtout; c’est là une de ses découvertes en Provence. C’est ce qui résulte de la citation suivante : « Comme les argiles bleues K et les calcaires marneux L « contiennent entre autres fossiles les Ammonites tortisulcatus , plica- « tilis , etc., il va sans dire qu’ils représentent l’oxfordien supé- « rieur, et que, par conséquent, les 300 mètres de calcaires « blancs M, N et O, qui les surmontent et dont les escarpements « du Coudon offrent un magnifique exemple, constituent es- t sentiellement quelque chose de supérieur à l’oxfordien. Or je NOTE DE M. DIEULAFAIT. 19 « prétends établir que ce quelque chose représente à la fois les « étages corallien, kimmeridgien et portlandien » (1). Mais si aujourd’hui M. Coquand admet même la possibilité que les dolomies de Saint-Hubert (couches J, ne l’oublions pas) soient coralliennes, il se trouvera forcément amené à cette né¬ cessité d’avouer qu’il n’a jamais rencontré dans les lieux cités dans sa coupe ni A. plicatilis , ni A. tortisulcatus , ni aucun des fossiles de cet horizon. Si j’insiste sur ce point, c’est en vue de l’avenir et nullement' pour le cas présent. Il est impossible, en effet, qu’il y ait le moindre doute sur la place relative des calcaires dont je me suis occupé dans ma note de 1865. Ce sont incontestablement ceux qui dans la coupe de M. Coquand correspondent aux lettres M,N,0. Dans le cas actuel, il m’est parfaitement indifférent que ces calcaires et ces marnes soient oxfordiens ou non, fossilifères ou non ; ils fixent simplement une ligne de départ sur laquelle nous sommes d’accord, M. Coquand et moi; seulement, j’ai parlé des couches qui ont cet horizon pour base , tandis que M. Co¬ quand parle aujourd’hui des assises qui ont cet horizon pour sommet. Il est de la dernière évidence que, quand on viendrait à re¬ trouver dans lès dolomies de Saint-Hubert (couches J) des re¬ présentants du corallien, du Jura supérieur, du valangien ou même, si Ton veut, d’étages nouveaux inconnus jusque-là, je n’aurais pas, par le fait de ces découvertes , à modifier un seul point de ma note de 1865, puisque je me suis exclusivement occupé des calcaires blancs cristallins séparés des dolomies grises sableuses de Saint-Hubert par toute l’épaisseur des marnes et calcaires oxfordiens (couches K et L). Et maintenant, en terminant, je prends, pour qu’il n’y ait pas place à la moindre équivoque, la coupe de M. Coquand, que j’ai reproduite plus haut, et je dis : En partant des marnes et calcaires à A. plicatilis K et L (sans m’inquiéter de l’horizon auquel ils correspondent) et m’élevant dans les assises, je n’ai jamais rencontré un seul fos¬ sile jurassique. J’ai trouvé, au contraire, dans ces assises, des milliers de fossiles néocomiens. Je les tiens sur les lieux , parfai¬ tement en place, engagés dans des bancs énormes , à la disposition de tous ceux de nos confrères qui voudront bien venir me voir à Toulon. (1) Buh'., 2e série, t. XX, p. 558. 20 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. A la suite de la communication de M. Dieulafait , M. Hébert dit qu’il se contentera de relever deux assertions de M. Goquand : 1° Jamais M. Hébert ne s’est refusé à reconnaître Vinfra-lias dans le Var , et déjà le Bulletin contient une protestation con¬ tre cette allégation. M. Hébert ne réclame pas systématiquement la suppression du corallien dans les environs de Toulon et dans le reste de la Provence . M. Hébert s'est contenté de montrer [ante, p. 371), que ce que M. Coquand prenait pour des Diceras arietina étaient des fragments de Caprotines, probablement C. Lonsdalii , et que, par suite, le corallien de la Nerthe, selon M. Coquand, était du néocomien moyen (urgonien d'Orb). Quant aux nom¬ breux échantillons recueillis en différents points, dans les couches contestées, par M. Dieulafait , et sur lesquels M. Coquand cherche à jeter de l'incertitude, ils ont été déterminés Caprotina Lonsdalii , d'Orb., et ils ne sauraient donner lieu à aucune hésitation. M. Dieulafait peut s'ap¬ puyer avec confiance sur cette détermination. Ce fossile est bien une preuve, ce n'est pas une opinion , comme le dit M. Coquand, et il ne représente en rien le principe d’au¬ torité. Le Secrétaire lit une lettre de M. Le Hir, accompagnée d'une liste de fossiles trouvés dans plusieurs localités du Finistère. Le Secrétaire présente la note suivante de M. Coquand : Description géologique . des gisements bituminifères et pétrolifères de Sélenitza dans l’Albanie et de Chieri dans l’île de Zante ; par H. Coquand. § 1. — ALBANIE. On lit dans Strabon (1) : « Dans le pays des Apolloniates « il existe un endroit nommé Nymphœum. C’est un rocher qui et vomit du feu et au pied duquel coulent des sources d’un bi- (1) Strabon, Géographie , Impr. impér., 1812, t. III, p. 8. NOTE DE M. COQUAND. 21 « tume tiède qui, vraisemblablement, provient du bitume li¬ ce quéfié ; car on voit sur une colline voisine une mine de bitume « où, au rapport de Posidonius, la terre dont on emplit les ex- « cavations à mesure qu’on extrait le bitume se convertit en « cette substance. » Vitruve parle des mêmes sources dans les termes suivants (1): « Gircà Dyrrachium et circà Apolloniam fontes sunt, qui picis « magnam multitudinem cum aquâ vomunt. » On ne saurait se méprendre sur l’exactitude des indications géographiques fournies par ces deux auteurs ; car il est bien constaté que Durazzo occupe l’emplacement de l’antique Dyrra- cliium et que le couvent de Pollina est bâti sur les ruines d’A- pollonia, que l’on trouve près de l’embouchure de la Vojutza (Aous des anciens), à six heures environ au N.-E. d’Avlona. 11 paraît que les phénomènes curieux qui se manifestent au¬ tour de ces sources avaient attiré l’attention des naturalistes grecs et romains ; car il en est fait mention dans les ouvrages d’ Aristote et de Pline. Aristote (2) les décrit de la manière suivante : « Apolloniæ ce nasci aiunt bitumen fossile picemque instar aquarum è terrâ « subsilientem, nihil à macedoniâ differentem, nisi quod atra « magis densiorque proveniat. Nec procul isthinc ferunt adcolæ « hujus regionis ignem exstare qui perpetuô ardeat. Locus au- « tem ardens minimè amplus est, ut videtur, sed quantus de- « cem ferè hominibus ad adeumbendum sufficit. Geterùm sui¬ te fur alumenque redolet, crescitque et circà hune gramen « densissimum, et quod maximè mirere, arbores excelsæ vix ce quatuor cubitis ab igné distantes. » Pline (3) les mentionne en ces termes : « Et juxta gelidum « fontem semper ardens Nymphæi crater dira Apolloniatis suis « portendit, ut Theopompus tradidit. Augetur imbribus, egerit- « que bitumen, temperandum fonte illo ingustabili; aliàs omni « bitume dilutius... In Nymphæo exit à petrâ flamma quæplu- e< viis accenditur. » Nous trouvons dans Ælien (4) le passage suivant : ce Apolloniatæ urbem habitant vicinam Epidamno in lonico (1) Vitruve, lib. vii, cap 3. (2) Aristoteles, De mirabilibus auscultationibus , chap. cxxvii, édition F. Didot, 1857. (3) Plinius, lib. h, § 106. (4) Ælianus, Varice historiœ , lib. xm, § 16. 22 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. « sinu; atque in proximis urbi locis fossile est bitumen et pix « eodem plané modo è terrâ exoriens, quo pleræque aquarum « scaturigines. Non procul etiam Immortalis ille Ignis ostendi- « tur; qui verô ardet locus est exiguus, neque in magnum spa- « tium extenditur, neque longum habet ambitum, sulphur « autem et alumen olet; circumque ipsum florentes sunt arbo- « res, herbaque viridis; et ignis juxtà exæstuans nihil lædit, « neque teneros arborum surculos, neque herbam. Ignis ver6 « diu noctuque ardet, neque desiit unquam, ut aiunt Apollo- « niatæ, antè bellum quod cum Illyriis gerere debuerunt. » Nous trouvons une indication du même genre dans ce texte de Dion Gassius (1) : « Apollonia loco peropportuno sila est, « sive terram, sive mare , sive flumina respicias; idque præ « reliquis maximam mihi admirationem movit, quod ad flu- « vium Aonam ignis multus editur, qui tamen neque in adja- « centem tellurem sese exerit, neque eam in quâ existit in- « flammat aut arefacit; sed eaherbas, arboresque etiam ponè « ignem germinantes edit, quæ imbribus superfusis adolescunt, « et in altitudinem excrescunt, undè ei loco Nymphæum no¬ ce men inditum. » Enfin, toujours parmi les anciens, Plutarque, dans la Vie de Sylla, reproduit, à propos d’Apollonia, la version des autres auteurs que nous venons de citer. Il dit en effet : « Propè Dir- « raebium est Apollonia et in vicino Nymphæum, sacer locus, « qui ex virenti valle et pratis ignis venas dispersas perpetuo « manantes éructât. » A part quelques idées erronées, tenant surtout à l’ignorance des anciens des phénomènes naturels, nous verrons que les études auxquelles nous allons nous livrer des gîtes bitumineux de cette partie de l’Ëpire confirmeront, dans ce qu’elles ont d’essentiel, l’exactitude des renseignements qui nous ont été légués par les écrivains précités. Les documents fournis par les auteurs modernes sont moins abondants et peut-être moins exacts que ceux que nous avons empruntés aux écrits des historiens grecs et romains. Le pre¬ mier qui fasse mention des mines de bitume de l’Albanie est Pouqueville (2). Après avoir précisé leur position entre Alvona et les ruines d’Apollonia, il ajoute : « L’étendue des mines « qu’on n’a pas cessé d’exploiter depuis un grand nombre de (1) Dion, Roman, histor., lib. XLI. (2) Pouqueville, Voyage dans la Grèce, t. I, p. 271. NOTE DE M. COQUAND. 23 « siècles paraît se prolonger fort loin au S.-E, et la quantité de « la poix est telle que l’Europe entière pourrait y puiser pour « ses besoins, sans crainte de l’appauvrir. Aux environs on « trouve partout le soufre combiné avec différentes sub- « stances. » M. Boué mentionne aussi les mêmes gisements ; mais sa relation est entachée de tant d’inexactitudes, tant sur leur em¬ placement et sur le niveau qu’ils occupent dans la série strati- graphique, que sur leur puissance et la nature des roches en¬ caissantes, que nous sommes convaincu qu’il ne les aura pas visités lui-même et qu’il se sera contenté de transcrire, sans les contrôler, les détails que le docteur Holland aura consignés dans son ouvrage intitulé : Travels in Albania and Greece , ouvrage cité d’ailleurs par M. Boué. Quoi qu’il en soit, voici en quels termes il en rend compte (1) : « Les seuls dépôts étrangers su¬ ce bordonnés au terrain nummulitique sont des amas de poix « minérale. Ce minéral occupe à Sélenitza, à l’E. d’Avlone et « sur la Soutchitza, une étendue d’environ une lieue un quart « de circonférence, dans l’angle formé par la Nojutza et la Sout « chitza. Karbonara, où résident les ouvriers mineurs, en a pris « son nom et est le pendant de Yergoraz, dans le cercle de « Spalato, en Dalmatie. Le bitume sort de tous côtés du sol, et « des couches peu épaisses de calcaire le recouvrent, comme le t< prouvent les puits d’extraction. Après 10 pieds , on entre « dans la poix, qui a plus de 50 pieds d’épaisseur. Les ouvriers « mineurs ont même dit au docteur Holland qu’elle avait jus- « qu’à 90 pieds. Le fait est qu'ils y creusent de très-longues ga- « leries. Cette poix est compacte et ne devient visqueuse que « lorsqu’on la chauffe. Des jets de gaz hydrogène carburé sor¬ te tent çà et là de terre et sont assez considérables pour s’en¬ te flammer et couvrir de grands espaces , ce qui rappelle les te feux de Pietra Mala, en Italie. Il y a aussi une source d’eau te d’où s’élèvent des bulles du même gaz, et qui formait le « Nymphœum de Plutarque. — Ces mines rappellent donc tout te à fait l’amas ramifié de huit toises d’épaisseur de Vergoraz, en te Dalmatie. » Dire que le bitume se trouve enclavé dans l’étage subapen- nin et non dans le nummulitique, que les roches de recouvre¬ ment sont des grès et des poudingues et jamais des calcaires, que Sélenitza est sur les bords de la Yojutza et non sur ceux (l) Boué, Turquie d'Europe, ï, p. 279. 24 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. de la Sutchitza, comme l’indiquent à tort les cartes allemandes, et que l’épaisseur de 50 pieds qui est attribuée aux couches est exagérée de plus de la moitié, même quand on la mesure dans la portion la plus renflée des amas, c’est prouver que des er¬ reurs de cette nature n’auraient jamais été commises par un observateur aussi exact que M. Boué, s’il avait visité lui-même les lieux. Nous ajouterons, pour compléter la nomenclature de nos ci¬ tations, que quelques expéditions de ce bitume dirigées, dans ces dernières années, sur les ports de Trieste, de Naples et de Marseille, dans le but de remplacer le brai pour le calfatage des navires, ont permis de juger de ses propriétés chimiques et physiques, mais sans nous renseigner sur les conditions géologiques dans lesquelles il se trouve dans le sein de la terre. C’est dans l’intention de recueillir ces renseignements qui nous manquent et de comparer ces gisements, pour ainsi dire inconnus, à ceux que nous avons eu l’occasion d’étudier derniè¬ rement dans les montagnes des Carpathes, que nous avons en¬ trepris l’exploration du pays des Apolloniates. Nous eussions jugé notre œuvre incomplète, si nous n’avions examiné en même temps les célèbres sources de pétrole de l’île de Zante, décrites depuis 4000 ans par Hérodote, et qui, quoique situées à une assez grande distance de l’Albanie, ne se rattachent pas moins d’une manière intime au sujet que nous traitons. Entre Durazzo et Avlona, la côte de l’Épire est plate et ne consiste guère qu’en plaines marécageuses formées par les al- luvions des fleuves Usohkomobin ( Senussus des anciens), Bera- tino ( Apsus ) et Vojutza (Aous), qui baignent l’Albanie dans toute sa largeur, et dont les sources s’avivent dans les hautes monta¬ gnes de la Macédoine. Mais, à partir de l’île de Saseno, qui protège la rade d’Avlona contre les vents d’ouest, la côte de¬ vient escarpée, montagneuse, inaccessible presque partout, et l’observateur se trouve en face de grandes chaînes calcaires remarquables autant par leur blancheur que par l’aridité de leurs pentes, et dont les pics de Sernelès, de Thoraïdès et de Schika, par lesquels se terminent les monts Acrocérauniens , dépassent l’altitude de 1600 mètres. Derrière ce premier rem¬ part l’œil aperçoit, alignées suivant des directions parallèles au rivage, les montagnes plus élevées encore de Skrapari, deDju- rad, d’Argenik, que domine d’une manière majestueuse, dans le dernier plan, le colosse de Tomoros, la Maladetta de cette partie de l’Épire. NOTE DE M. COQUAKD. 25 Nous ignorons si le nom moderne d’Albanie donné à la ré¬ gion occidentale de l’ancienne Grèce continentale est dû à la blancheur de ses montagnes ou à celle des vêtements de ses habitants qui sont tous en laine blanche ; mais ce qui frappe d’abord le géologue dans ce pays accidenté et d’un accès si dif¬ ficile est certainement, après l’âpre relief de ses grandes chaî¬ nes, la couleur uniforme des roches dont ces chaînes sont tou¬ tes composées, et qui consistent en un calcaire, blanc comme le lait, subsaccharoïde ou cireux, lequel n’admet aucun banc d’argile ou de grès subordonné, particularité qui, ajoutée à la rareté des fossiles, à leur empâtement et à leur mauvais état de conservation, en rend la classification peu commode. Sans nous occuper, pour le moment du moins, des forma¬ tions secondaires dont l’histoire sera esquissée un peu plus tard, nous pénétrerons d’emblée dans le cœur de la question en dessinant à larges traits les caractères généraux du terrain où sont concentrés les gisements bitumineux, et qui , entre Kanina, au S. d’Avlona, et le méridien de Bérat, se développe sous forme d’un bassin très-étendu. Ce terrain se distingue , à première vue, des contre-forts calcaires qui l’enserrent de tous côtés par la physionomie de ses collines beaucoup moins élevées, à contours émoussés et arrondis et surtout par une végétation robuste et variée qui contraste avec la charpente vi¬ vement burinée et l’aridité des premiers. Disons tout d’abord, pour mieux arrêter les idées, que le bassin dont nous avons à nous occuper appartient à l’élage pliocène qui correspond à la fois aux argiles subapennines de l’Astésan et de la Toscane, ainsi qu’aux dépôts supérieurs à ces marnes, désignés par les géologues toscans par le nom de panchina , et dont les environs de la ville de Yolterra fournissent un excellent type, avec cette différence toutefois que la panchina qui est de nature calcaire, a, dans l’Albanie, pour équivalent, des grès et des poudingues avec Janira Jacobœa. Le terrain tertiaire débute dans les environs immédiats d’Av¬ lona par un système très-puissant d’argiles bleuâtres, mélan¬ gées de sable et admettant, à l’état subordonné, quelques cou¬ ches peu épaisses de grès et de poudingues. Ces argiles, exploitées pour la fabrication des tuiles et de la poterie gros¬ sière, barrent vers le N.-E. l’horizon d’Avlona, sous forme d’es¬ carpements abruptes, profondément ravinés et que l’on voit se diriger de là jusqu’à l’embouchure de la Vojutza, en perdant insensiblement de leur hauteur et en se transformant en collines 26 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. basses qui séparent la région montagneuse des plaines maréca¬ geuses du littoral, véritables maremmes et foyer permanent de fièvres pestilentielles. Vers le sud, elles se dépouillent de l’⬠preté de leurs formes et deviennent des coteaux gracieux que recouvrent des vignobles et des bois d’oliviers. Elles se prolon¬ gent un peu au delà de la petite ville de Kanina, où on les voit buter contre les calcaires nummulitiques. Outre les quelques bancs de grès et de poudingues que nous venons de mentionner, les argiles contiennent, étagées à divers niveaux, trois ou quatre bancs d’un calcaire coquillier, gros¬ sier, dont l’épaisseur oscille entre 0 m. 50 et 1 m. 20, et que leur consistance fait rechercher avec activité pour la construc¬ tion des maisons ainsi que des trottoirs que l’on est obligé d’é¬ tablir sur un des côtés des routes muletières, afin de les rendre praticables pendant l’hiver. La faible puissance de ces bancs et le vice de leur exploitation, qui consiste dans le simple arra¬ chage des têtes des couches et le remblaiement immédiat des vides par la chute des argiles encaissantes , ont pour résultat de masquer si parfaitement les affleurements, que, si l’on n’est pas conduit sur les lieux par un guide du pays, l’existence de ces couches pourrait fort bien échapper aux regards de l’obser¬ vateur. Elles sont entièrement pétries de fossiles. Ges calcaires sont de couleur jaunâtre et quelquefois oolithi- ques. Le gisement le plus rapproché delà ville se trouve au sud de la fontaine d’Apléma, où leur présence est trahie par des déblais de carrière que l’on rencontre au milieu des oliviers. Sur ce point ils sont presque verticaux et dirigés N. E., S. O., avec plongement vers le N. O. ; mais, en les suivant dans leur prolongement vers le sud, on voit quelques-uns d’entre eux qui se désagrègent avec une facilité extrême, se fondent dans les argiles bleues et contiennent une très-grande quantité de fossiles libres et bien conservés, qu’on ne saurait distinguer de leurs analogues du Plaisantin et de l’Astésan. Il serait inutile d’en donner le catalogue complet; mais, pour bien établir la date du dépôt pliocène dans lequel on les recueille, nous nous contenterons de citer les espèces suivantes : Venus plicata, Gmel. Area diluvii. Anomia corrugata , Brocchi. — epiphium. Lutraria elliptica , Lam. Pinna tetragona. Ostrea navicularis. Murex turritus. — brandaris, Linné. Buccinum semistriatum, Brocchi. — mutabile. Nassa variabilis. NOTE DE M. COQUAND. 27 Pleurotoma dimidiata. Cardium edule, Linné. Nucula margaritacea. Pecten plebeius, Broechi (non La- marck). — dubius . Pectunculus insubricus . Turritella tricarinata . Turritella vermicularis. — - quadricarinata. Natica millepundata. — olla, Marc de Serres. — helicina, Brocchi. Columbella subulata. Cerithium doliolum . On peut faire en peu de temps une récolte abondante de ces fossiles dans les coteaux que traverse la route d’Avlona àlnha- rina, et qui établissent la séparation des eaux de la Sutchitza d’avec celles qui se jettent directement dans la mer. Au-dessous de ces bancs fossilifères, mais séparés d’eux par des argiles bleues de plus de soixante mètres de puissance, on remarque deux énormes amas gypseux que la couleur grisâtre de leur surface dénudée permet de reconnaître d’assez loin. Ils forment une ceinture continue au-dessus d’Avlona, et on les voit se prolonger vers le nord jusque dans le territoire d’Arta. La masse entière est formée de cristaux lenticulaires entre¬ lacés, et, quoique noyée au milieu des argiles, elle est d’une pureté remarquable et elle n’alterne jamais avec elles. Ces amas, parallèles entre eux, sont séparés les uns des autres par un nerf d’argiles de 10 mètres environ. Le premier peut avoir 20 mètres de puissance et le second 25. On dirait des dykes d’origine volcanique. Cependant, si on les observe sur des points conve¬ nablement choisis, on ne tarde pas à reconnaître, dans la mar¬ che régulière de certaines lignes, des temps d’arrêt et des indi¬ ces de stratification auxquels correspondent des changements dans la structure et dans la dimension des cristaux, caractères plus que suffisants pour dévoiler leur origine sédimentaire et leur contemporanéité avec les argiles auxquelles ils sont su¬ bordonnés. Si la base de l’étage pliocène dévoile, comme les détails qui précèdent tendent à le démontrer, une période de calme et de tranquillité, la partie supérieure, au contraire, correspond à une période d’agitation, car elle est exclusivement formée d’as¬ sises puissantes, de grès, de sables et de poudingues, dont l’é¬ paisseur, mesurée sur les points où la série est complète, est vraiment prodigieuse et dépasse une centaine de mètres. Cette partie supérieure débute, au-dessus des argiles bleues, mais au moyen d’alternances ménagées, par des grès jaunâtres, qui passent à de véritables poudingues. Les éléments roulés SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. dont ceux-ci sont formés appartiennent à des calcaires blancs crétacés ou nummulitiques empruntés aux montagnes du voi¬ sinage, à des silex grisâtres, à des quartzites bruns ou verdâtres, à des jaspes, des quartz hyalins, des diorites, des eupbotides et des roches syénitiques dont 1e gisement nous est inconnu, et dont on ne trouve aucun représentant dans les galets charriés par la Vojutza, en amont de la ligne où le fleuve entame la for¬ mation tertiaire. Ces poudingues alternent avec des grès sou¬ vent fossilifères, et donnent naissance, en se désagrégeant, à un terrain caillouteux, meuble, qu’on serait tenté de rapporter au diluvium. C’est là l'équivalent de la panchina de Volterra que caractérisent en Italie, ainsi qu’en Albanie, la JaniraJacobœa et le Cardium edule , tout comme les gypses me paraissent être les équivalents des gypses pliocènes de Scilli et de Gesso en Sicile. N’oublions pas de mentionner, entre le niveau des poudingues et celui des argiles bleues, un développement assez important de marnes ou argiles blanches, dont la couleur trahit la pré¬ sence à des distances très-considérables, et qui fournissent un signe de repère précieux. Comme les montagnes tertiaires de cette partie de TÉpire sont recouvertes de makis toujours ver¬ tes, les ravins qui en déchirent les flancs mettent à découvert les argiles blanches, et ce contraste criant de blanc et de vert semble représenter de loin une gigantesque livrée de l’époque de la renaissance, dans laquelle on aurait ouvert des crevés de distance en distance. Ces considérations générales une fois exposées, nous croyons devoir décrire l’itinéraire que nous avons suivi depuis Avlona jusqu’aux gisements bitumineux, autant pour ne pas nous égarer dans des digressions superflues, que pour servir de guide aux géologues qui viendront après nous, dans un pays où les mœurs des habitants, l’absence d’auberges et de routes, la difficulté de se procurer des interprètes, placent le voyageur dans de très- grands embarras, dans un pays où la sûreté personnelle n’existe qu’à la condition d’être protégée par une escorte fournie par l’au¬ torité des pachas, où toutes les circonstances contraires jointes aux fièvres intermittentes qui, dans la saison d’été, déciment la population, créent des obstacles que la volonté la plus résolue a de la peine à surmonter, et qui rappellent, mais en les dépas¬ sant de beaucoup, ceux contre lesquels on a à lutter au milieu des tribus barbaresques, dans un pays, en un mot, qui n’a de commun avec le reste de l’Europe méridionale que le soleil, les productions naturelles du sol et les lois générales de la géolo- NOTE DE M. COQUAND. 29 gie.il paraît que les choses s’y passaient différemment et mieux du temps d’Homère. Avlona est bâtie sur les limites de la plaine alluviale d’Arta et des coteaux qui la séparent de la vallée de la Sutchitza, et dont la direction générale est N. O., S. E. Les dernières rues sont étagées sur les argiles bleues. Après une demi-heure de marche, on voit le chemin de Bérat, barré par deux amas de gypse qui font saillie au-dessus du sol, et que l’on peut suivre en direction jusqu’au-dessous du monticule de Rousbaba que couronnent des tombeaux musulmans à arcades; mais il est à remarquer qu’ils atteignent leur maximum de puissance dans les alentours d’Avlona même, à partir desquels on les voit s’a¬ mincir graduellement pour disparaître enfin, de manière qu’on n’en observe plus de vestige sous les murs de Ranina, bien qu’on n’ait pas abandonné un seul instant les argiles bleues aux¬ quelles ils sont subordonnés. Cet accident n’est pas particulier à l’Albanie seulement; on sait qu’il se reproduit assez générale¬ ment pour les gisements de cette nature qui se rencontrent au milieu des formations tertiaires et secondaires. A l’est de la fontaine Apléma, juste au-dessus du mamelon de Roubi, autre cimetière musulman, on remarque les grès et les poudingues par lesquels débute la partie supérieure de l’é¬ tage; mais, comme ordinairement les chemins franchissent les montagnes par les points de plus grande dépression, c’est-à- dire par les cols, on ne quitte guère, en les suivant, le niveau des argiles, et, pour atteindre celui des poudingues, il convient d’escalader les hauteurs qui se dressent à la droite et à la gau¬ che de l’observateur. Un des points les plus favorables pour ce genre d’études est sans contredit la petite ville de Ranina, que commande une for¬ teresse bâtie par les Vénitiens, aujourd’hui presque en ruines, et dont les maisons blanchies à la chaux couronnent, comme autant d’ouvrages crénelés, une crête de rochers au-dessous de laquelle s’ouvrent des deux côtés des précipices inaccessibles. Cette position, que la nature et la main de l’homme se sont plu à créer si forte, a conspiré, avec l’assurance de l’impunité et les habitudes pillardes des Albanais, à développer chez les Rani- niens le goût des aventures et des expéditions audacieuses ; et si aujourd’hui l’autorité plus vigilante des pachas a contrarié, jusqu’à un certain point, la vocation qui les entraîne naturelle¬ ment vers le brigandage, on n’en cite pas moins de temps en temps de ces coups de main hardis qui prouvent que les enfants 30 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. ne sont pas indignes de la réputation que leur ont léguée leurs pères. Ce nid d’aigle est bâti sur les grès et sur les poudingues. Les couches y sont presque verticales, et, à cause de leur désagré¬ gation inégale, elles donnent aux affleurements une structure tranchante qui en rend l’accès difficile. J’ai profité de mon excursion à Kanina et de son voisinage avec les calcaires blancs, par lesquels débutent les fameux monts Acrocérauniens, pour chercher à établir la filiation des terrains tertiaires entre eux, ainsi que leurs rapports avec les terrains secondaires. Ce n’était pas là une vérification de simple amusement. Une première expédition, dirigée du côté de la mer, m’a montré, près de la fontaine Anapi (Platane), au-des¬ sous du phare qui indique la passe du golfe d’Àvlona, entre le cap Linguetta et l’île de Sasone, m’a montré, dis-je, le système tertiaire redressé et replié plusieurs fois sur lui-même, il était formé de couches assez puissantes de grès verdâtres, sableux, friables, alternant avec des argiles verdâtres que je n’ai rencon¬ trées qu’en ce seul point, et qui m’ont paru être inférieures aux argiles bleues. S’il en est ainsi, ces grès devraient peut-être être considérés comme miocènes, surtout si un Clypeaster altus que j’ai vu entre les mains de M. Caizavaro, consul d’Autriche à Avlona, provient véritablement de cette localité, ce qui n’est pas établi d’une manière certaine. Pour moi, je n’ai pu y dé¬ couvrir aucun fossile, malgré des recherches minutieuses, et le dérangement qu’ont subi les couches au contact des calcaires nummulitiques ne permet de rien affirmer de positif à leur égard. Toutefois, cette difficulté ne saurait être invoquée con¬ tre l’âge des argiles et des poudingues auxquels leur position et les fossiles assignent incontestablement une date pliocène. Une seconde vérification pratiquée dans l’intérieur des terres et sur le prolongement oriental de ces mêmes calcaires blancs, au point même où ils atteignent la rivière de la Sutchitza, m’a mis en présence de ces mêmes terrains, mais plus développés peut-être, et reposant, en concordance de stratification, sur un ensemble très-puissant de calcaires blanchâtres et grisâtres, résonnant sous ie marteau à la manière des phonolithes, alter¬ nant avec des marnes argileuses de couleur cendrée, peu dé- layables dans l’eau, et qu’il est facile de distinguer des argiles pliocènes. Les calcaires sont généralement disposés en pla¬ quettes ou en couches bien réglées, d’une grande homogé¬ néité, et, à cause de leur alternance avec les argiles, forment NOTE DE M. COQUAND. 31 sur le terrain des espèces de gradins à enjambées inégales. Le grain en est fin, serré et miroitant. Il faut s'armer de patience pour y découvrir des vestiges de corps organisés. Cependant, en ayant soin de donner la préfé¬ rence aux blocs dont les agents extérieurs ont décapé la sur¬ face, on parvient à apercevoir des Àlvéolines et d’autres fora- minifères, reconnaissables à la structure interne de leurs coquilles. Mais, comme fossiles des plus répandus, je dois men¬ tionner des Orbitolites très-minces, de la taille d’une grosse lentille, et qui composent à elles seules des couches de 2, 3, et jusqu’à 10 décimètres d’épaisseur, couches dont les habitants des villages voisins choisissent les plus légères pour en couvrir leurs maisons. C’est sur les bords mêmes de la Sutchitza, au- dessous du village de Drakovitza que sont ouvertes les carrières de ces dalles. J’avais bien là sous les yeux un représentant de l’étage éocène ; mais à quelle division de l’échelle correspondait-il? Voilà une question qu’il ne m’a pas été donné de résoudre avec toute la précision désirable, à cause de l’impossibilité d’arriver à la dé¬ termination spécifique des foraminifères qu’il renfermait. Comme je n’ai remarqué aucune Nummulite, j’incline vers l’opinion, qu’on doit la rapporter au calcaire à fucoïdes qui, en Italie et dans les Carpathes, contient également des Orbitolites et des Alvéolines sans Nummulites, d’autant plus que je trou¬ vais ces dernières, c’est-à-dire l’équivalent du calcaire grossier, dans les calcaires blancs qu’à Drakovitza, ainsi que dans le ra¬ vin profond qui déchire la montagne au-dessus du Phare, près de Crionéro, on observe au-dessous du calcaire à Orbitolites. Avec les Nummulites, qui sont très-abondantes dans certaines couches, je recueillais des fragments de polypiers et des arti¬ cles d ’Apiocrinus. Ce n’est point le lieu de discuter comment le genre Apiocrinus , relégué jusqu’ici dans les formations secon¬ daires, remonte en Albanie dans l’étage éocène, pas plus qu’il n’aurait été permis de se récrier contre la présence du genre Fentacrinus, quand on le signala pour la première fois dans le miocène de la Superga. Ajoutons cependant que si, à cause de la disette des fossiles, les calcaires à Orbitolites peuvent être un objet d’embarras pour le géologue, il n’en est point de même au point de vue de leur application industrielle. Ils contiennent de nombreux rognons de silex qui sont, pour les habitants de Drakovizta, la source d’un commerce assez actif. Les silex servent à la fabrication 32 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. des pierres à fusil; or, si on veut bien remarquer qu’en temps de paix, chaque Albanais ne sort jamais de chez lui sans être armé d’une escopette et de deux pistolets, on comprendra toute l’importance d’un produit que les fulminates, inconnus dans la contrée, n’ont point encore détrôné. Les pièces de silex de grande dimension sont réservées pour la confection des meules. Comme les matériaux que fournit l’étage pliocène, à part la pancbina, sont de consistance trop friable pour pouvoir être employés dans les constructions , on emprunte ordinairement les matériaux solides aux calcaires blancs de la montagne de Longara. Parmi les blocs de rochers arrachés sur divers points et au hasard, on en remarque un certain nombre qui sont en¬ tièrement remplis de rudistes qui trahissent l’existence de l’é¬ tage provencien dans cette partie de l’Albanie. J’eus le plaisir d’en découvrir un gisement des mieux caractérisés, au sud du cap Linguetta, dans la branche montagneuse du golfe d’Avlona, par laquelle se terminent les monts Acrocérauniens, et à la¬ quelle fait suite l’île de Sasone. Ce fut juste en face du mouil¬ lage dans lequel ancrent les navires qui viennent y charger du bois. Les couches sur ce point présentent un bombement, grâce auquel elles se répètent de chaque côté d’une manière symé¬ trique et on peut les étudier avec facilité, la mer en ayant dénudé la base jusqu’à une certaine hauteur. Ce sont encore des calcaires blancs que, sans le secours des fossiles, on distin¬ guerait difficilement des calcaires nummulitiques. Cependant, leur grain est plus pierreux et ne présente pas ce miroitement particulier qui caractérise ceux-ci; déplus, ils ne retiennent pas de silex, mais en revanche des masses de rudistes solide¬ ment empâtés dans leur gangue, dont les plus communs sont les Bippurites cornu-vaccinum et organisans, les Sphœrulites Sauvagesi et angeiodes. Quelques bancs se montrent pétris de Caprines que l’on reconnaît bien à la section de leurs valves. On croit avoir sous les yeux des calcaires à Chama ammonia ; mais cette confusion, possible seulement si la roche qui les con¬ tient était examinée hors de place, ne peut se produire quand on l’obsei ve dans son gisement naturel, car on la trouve enga¬ gée entre deux bancs à rudistes provenciens. Si à ces fossiles on ajoute une Acteonella lœvis , passée à l’état de moule, on aura l’inventaire des richesses paléontologiques que m’a offertes la montagne de Longara. Sur les bords opposés du golfe se dressent magistralement NOTE DE M. COQUAND. 33 les montagnes de Morrova, dont les flancs escarpés montrent un développement de calcaires blancs de près de 500 mètres de puissance. On voit très-distinctement les calcaires à rudistes constituer le piédestal de cet immense édifice; mais il m’a été impossible d’en gravir les pentes jusqu’au sommet, et d’établir une séparation exacte entre ceux-ci et les calcaires nummuliti- ques, d'autres calcaires blancs sans fossiles s’interposant entre ces deux niveaux fossilifères. Néanmoins, un fragment d ’Anan- chytes , rencontré dans les éboulis, y rend vraisemblable l’exis¬ tence de la craie blanche. Dans ce cas, on aurait en Albanie le pendant des formations tertiaires et secondaires des Alpes, du Tyrol et des Alpes Vénitiennes; et la ressemblance serait com¬ plète par la présence au cap Rosso, près de Santi-Quaranti, du fameux calcare rosso ammonitifero , de position constatée au¬ jourd’hui, qui y a été exploité comme marbre, et dont les pro¬ duits figurent dans plusieurs monuments de Corfou, notam¬ ment dans l’église de Saint-Spiridion et dans le palais Capo d’Istria. On voit déjà par ce simple aperçu qu’il convient de dépecer en plusieurs systèmes indépendants la masse épaisse des cal¬ caires blancs qui forment l’ossature de la presque totalité des chaînes montagneuses de la Basse-Albanie. Pour mon propre compte, j’ai regretté vivement que l’objet spécial de mes étu¬ des m’ait presque constamment rejeté dans le terrain tertiaire. Je savais par expérience le temps qu’il aurait fallu dépenser pour obtenir l’ordre chronologique des divers étages, lorsque ces étages sont composés de calcaires de même couleur et de même texture, et que l’élément argileux fait défaut ainsi que les fos¬ siles. En Épire, les difficultés étaient rendues plus grandes en¬ core à cause de la configuration même des montagnes qui, dans les abrupts où se montre la sortie des couches, sont ina¬ bordables, et dont les revers à pente douce sont recouverts de massifs impénétrables ou de forêts où les sangliers pénètrent plus facilement que les géologues et y trouvent au moins un abri qui est refusé à ces derniers. On est donc obligé de gagner presque constamment les crêtes où l’on est assez mal placé pour les recherches géologiques. Quoi qu’il en soit, et pour nous en tenir aux faits positifs que nous avons recueillis, il devient bien établi que notre étage pliocène se sépare nettement de tous les calcaires blancs qui les supportent, quel que soit d’ailleurs l’âge de ces cal¬ caires. Soc. géol., 2 e série, tome XXV. 3 34 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. Après cette digression, qui donne un aperçu général de la constitution géologique de la contrée, il est temps de repren¬ dre notre itinéraire. Une fois parvenu à la ligne de faîte de la vallée de la Sut- chitza, j’embrassais du regard un des horizons les plus vastes et les plus variés. A mes pieds, et jusqu’au delà de la rivière, s’étendait une grande plaine couverte de maïs, qu’enserrait une ceinture de collines plantées d’oliviers séculaires, tandis que dans le lointain se dressaient en amphithéâtre une série de montagnes calcaires, remarquables par la hardiesse de leurs formes et la bizarrerie fantastique avec laquelle leurs crêtes se découpaient en obélisques, en pics et en murailles démante¬ lées. Parmi les sommités les plus saillantes se faisaient surtout remarquer les montagnes de Laparla, de Bratey, de Therbatzy, de Yranyzta, de Goutzi ; enfin, dans les limites les plus recu¬ lées apparaissaient les cimes de Skrapari et celles de Tomoros, qui, au S. E. de Bérat, séparent les eaux de la Yojutza de celles de l’ancien Apsus. Après avoir franchi la Sutchitza, nous gagnâmes immédiate¬ ment les crêtes des monts, afin d’éviter les argiles bleues dont les ravins rendent le parcours presque impraticable , et nous marchâmes constamment sur des grès jaunâtres et de grandes masses de poudingues qui alternent à plusieurs reprises, se remplacent mutuellement et n’offrent rien de régulier dans leur distribution. Les Albanais ont l’habitude de bâtir leurs habitations sur les sommités, moins pour échapper aux atteintes de la fièvre que pour se soustraire à l’inconvénient des houes en lesquelles les argiles bleues se convertissent pendant l’hiver. Nous passâmes successivement en revue les misérables villages de Penkowa, de Yerzantzi, de Tribola, où j’eus le plaisir de recueillir, au milieu des poudingues, le Cardium edule et la Turritella trica- rinata , puis Couzzolassiou que domine, vers le N. E., un pro¬ montoire de poudingues, et dont les maisons ont leurs fonda¬ tions sur les premiers bancs des argiles bleues. Pour nous rendre de cette dernière station à Sélenitza, nous dûmes rega¬ gner les hauteurs par des sentiers presque âpres, tracés au mi¬ lieu des poudingues, sur lesquels nos montures avaient beau¬ coup de peine à se maintenir, et qu’il fallait suivre pourtant, afin d’éviter les crevasses béantes qui dépeçaient les ourlets des précipices et préparaient les portions de terrain destinées les premières à l’abîme. Nous arrivâmes enfin à un ancien camp NOTE DE M. COQUAND. 35 ruiné, au-dessous duquel se montraient éparpillés, à l’ouest, les gourbis et les misérables cabanes de Sélenitza, et à l’est fuyaient dans toutes les directions des fondrières profondes sur lesquelles se détachaient en noir une foule d’affleurements de bitume solide. Familiarisé par deux années d’études avec les gisements de pétrole dans les Carpathes et dans l’Italie, je pensais que l’Al¬ banie devait reproduire des accidents, sinon tout à fait sembla¬ bles, du moins à peu près identiques avec ceux que m’avaient dévoilés les terrains éocènes des Principautés danubiennes et delà Sicile; mais je fus trompé dans mes prévisions, d’abord parce que le terrain bituminifère était bien plus moderne, et ensuite parce que la manifestation des salses, qui ont rendu les bords de la mer Caspienne et de la mer Noire si célèbres dans l’histoire des phénomènes naturels, ne pouvait s’opérer en Al¬ banie, par la raison toute simple, que les terrains n’y étaient pas salifères, et que les pétroles, ne s’y montrant pour ainsi dire plus à l’état liquide, n’étaient pas susceptibles d’éprouver cette décomposition lente qui donne naissance au gaz hydrogène carboné, et, par suite, aux volcans de boue. Mais, par compensation, j’avais à ma disposition et avec une abondance prodigieuse qui laisse dans l’effacement les bitumes trop vantés de la mer Morte, des dérivés de ces mêmes pétro¬ les, emmagasinés dans des terrains que je pouvais aborder et examiner avec la plus grande facilité dans toutes leurs conditions de position et de relations, soit entre eux, soit avec les roches en¬ caissantes, sans que je fusse obligé, pour en composer l’his¬ toire, de recourir à ces hypothèses merveilleuses ou invraisem¬ blables qui ne tendraient à rien moins qu’à faire du pétrole l’auxiliaire indispensable des volcans et des tremblements de terre, lorsque son rôle modeste s’est borné à élever sans bruit quelques taupinières de boue à la surface du sol et à produire, à travers quelques fêlures des montagnes, en dégageant du gaz inflammable, que la main de l’homme est obligé d’enflammer, ces volcans de feu sans laves et sans cratères qui n’ont pas même la force d’échauflér les parois des rochers qu’ils traver¬ sent et qui respectent même les herbes qui poussent à leur con¬ tact. Si l’on ajoute que tous ces phénomènes s’accomplissent sous l’influence d’une température qui se maintient constam¬ ment inférieure à celle de l’air atmosphérique, on conviendra que l’intervention des agents incandescents de l’intérieur du globe, invoquée par certains auteurs, convient très-peu à leur tempé- 36 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. rament et va droit contre l’hypolhèse mise en avant pour expli¬ quer leur formation. La suite de ma relation démontrera que si les Carpathes ne m'ont montré les huiles minérales qu’à l’état de naphte plus ou moins chargé de matières goudronneuses, et quelquefois, mais rarement, à celui de bitume glutineux, c’est-à-dire dans sa première phase d’existence et de transmutation, Sélenitzame devait montrer ce même pétrole parvenu à la limite extrême de son épuisement, c’est-à-dire réduit en une substance solide, incapable de se décomposer spontanément et d’engendrer de nouveaux produits dérivés ; d’où il est rationnel de conclure que l’histoire de cette substance consiste en deux évolutions distinctes, dont la première a pour théâtres principaux de sa vie active l’Amérique du Nord et les régions carpatho-cauca- siennes, et la seconde les bords de la mer Noire et de Basse- Albanie; et, comme trait d’union entre ces deux états extrê¬ mes, qui représentent la naissance et la mort, nous mentionne¬ rons l’existence du bitume glutineux, substance intermédiaire et non permanente, par laquelle le pétrole passe avant de perdre sa fluidité primitive et d’avoir acquis la consistance qu’il doit conserver toujours; c’est ce qu’on peut appeler l’époque de la vieillesse et de la décrépitude. Le camp ruiné auprès duquel nous avons mis pied à terre est assis sur des grès jaunâtres, alternant avec des bancs épais de poudingues, et que caractérisent des quantités prodigieuses de Cardium edule , d ’Ostrea pseudoedulis et de Janira Jacobœa. Ces fossiles sont également distribués dans toute l’épaisseur de l’étage qui contient le bitume, de sorte qu’on ne saurait se mé¬ prendre sur l’âge qu’il convient de lui assigner. On retrouve au-dessous de ce manteau de roches à éléments roulés, qui n’a pas moins de soixante mètres de puissance , les argiles bleues qui leur servent de base, avec leur cortège de fossiles subapen- nins, et dont les dernières couches vont se confondre avec la plaine de la Yojutza. C’est au milieu des grès et des poudingues, donc dans la par¬ tie supérieure de l’étage pliocène que se trouve emprisonné le bitume solide. Déjà, avant d’arriver au vieux camp, on recoupe dans les divers sentiers qui y conduisent quelques affleurements que leur friabilité à la surface a fait négliger, et du côté opposé, dans le territoire de Rompzi, on aperçoit encore, en dehors du grand centre fécondé de Sélenitza, plusieurs veines éparses qui se rattachent au massif principal, de sorte qu’on ne peut pas NOTE DE M. COQUAND. 37 estimer à moins de trois à quatre kilomètres le rayon où la substance se montre à la surface du sol. Mais, comme les fouil¬ les d’où on la retire depuis un temps fort reculé, et qui re¬ monte certainement à une époque antérieure à Père chrétienne, sont concentrées sur les points où l’existence de nombreux ra¬ vins ont rendu plus faciles les moyens d’attaque, et qu’à cause de l’envahissement des eaux et de l’ignorance des procédés de bonne exploitation on a généralement reculé devant les questions de profondeur, il n’est pas facile d’être fixé sur la consistance ou la continuité du gîte au delà du champ d’ex¬ traction actuel. Pour être renseigné exactement sur son éten¬ due et sa valeur réelle, il aurait fallu pousser des reconnaissan¬ ces au delà des affleurements, au moyen de puits ou de galeries. Mais comment exiger de pareils travaux de la part des Alba¬ nais, qui ne savent que créer des chantiers ébouleux, et dont l’écroulement laisse ensevelir la plus grande partie des riches¬ ses souterraines que le terrain recèle. Toutefois, si ce système défectueux d’exploitation compromet les intérêts et l’avenir de la mine, il offre au géologue l’avan¬ tage de pouvoir constater sur un très-grand nombre de points la manière d’être du bitume au sein de la terre. Ainsi qu’il était facile de le prévoir, ce minéral ne se présente point en couches ni en filons réglés, mais bien au milieu des grès et des poudin- gues, sous forme d’amas irréguliers plus ou moins rapprochés les uns des autres, toujours parallèles au sens de la stratifica¬ tion, et dont il serait impossible de traduire la physionomie par une description générale, tant chaque dépôt diffère du dé¬ pôt contigu, soit par son étendue, soit par ses allures, soit par sa puissance, à moins de tomber dans les formules banales usitées dans les signalements des passe-ports, où il n’entre d’exact que la taille de l’individu. Tout ce qu’on peut dire comme généralité, c’est que chaque amas se compose essen¬ tiellement d’une partie centrale toujours renflée, laquelle cor¬ respond au maximum d’épaisseur, et que, de ce point, il va graduellement, diminuant de puissance dans tous les sens, jus¬ qu’à ce qu’il soit réduit à zéro, là où le toit et le mur finissent par se confondre. C’est, comme on le voit, la forme des amas lenticulaires ; mais il s’en faut de beaucoup que dans la nature elle se reproduise suivant des règles géométriques. La régula¬ rité, en réalité, en est troublée par une foule de détails acci¬ dentels, qu’il serait difficile de décrire, mais que l’œil qui les saisit fait comprendre à l’esprit immédiatement. Je ne sais si 38 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. je manque au bon goût en me servant d’une comparaison qui rend assez bien les impressions que j’ai ressenties, et qui con¬ siste à considérer la mine entière comme une armée une dans sa nationalité et dans son organisation, mais dont les diverses catégories de dépôts en lesquels on peut la subdiviser répon¬ draient aux régiments de diverses armes dont se compose cette armée. La figure suivante donne la coupe que nous avons relevée Fig. 1. B — Bitume solide. G — Grès et poudingues. dans un chantier qui a fourni à l’abatage une énorme quantité de bitume, et dans lequel on peut lire les allures qu’affectent le plus ordinairement les amas, lesquels consistent, comme on le voit, en des renflements et des étranglements successifs. Les épaisseurs de trois mètres ne sont pas rares dans les parties renflées. Ces dépôts, considérés dans leur ensemble, sont justement ce qu’ils auraient dû être, si on admet que, pendant la sédi¬ mentation des grès et des pcudingues au fond de la mer ter¬ tiaire, le bitume, amené par des sources à l’état visqueux, a rempli les dépressions dans lesquelles il a pu s’accumuler, en restant pur, ou bien en s’incorporant aux éléments sableux ou argileux avec lesquels il s’est trouvé mêlé. En effet, la section des amas bituminifères, par un plan perpendiculaire à leur di¬ rection, correspond, dans le plus grand nombre de cas, à celle d’une flaque remplie d’eau dans laquelle celle-ci se serait en¬ suite solidifiée. On dirait des bassins alignés suivant un même plan, qui auraient été remplis successivement, et dont le trop- plein du premier aurait été versé dans le second, et ainsi des autres jusqu’au dernier. Dans cette catégorie de gisements, qui NOTE DE M. COQUAND. 39 est le plus souvent répétée, le bitume est presque toujours d’une très-grande pureté. Il y a loin cependant de la puissance exceptionnelle de trois mètres pour quelques points privilégiés à celle de 90 pieds déclarée par les ouvriers au docteur Hol¬ land. Il faut se méfier en général des rapports des ouvriers toujours portés à l’exagération. J’en ai fait l’expérience à Séle- nitza même, où on m’annonçait des merveilles pour des chan¬ tiers que je feignais de négliger et dans lesquels on supposait que je ne descendrais pas, et qui, une fois vérifiés, rentraient tout simplement dans la règle commune. On comprendra sans peine que l’irrégularité des amas, jointe à la variabilité de leur étendue, ait assujetti les travaux souter¬ rains à des tâtonnements nombreux et souvent à de fausses manœuvres. Les puits sont fréquemment creusés au hasard et ne traversent que des terrains stériles ; d’autres fois, ils tom¬ bent sur des étranglements qui sont jugés trop insignifiants pour être suivis, bien qu’en réalité, en les fouillant par une galerie sur la longueur de quelques mètres, on eût eu la bonne fortune d’atteindre d’autres amas auxquels les étranglements négligés servaient de trait d’union. Gomme il n’est plus possible de pénétrer dans les anciens travaux qui sont éboulés, on manque de renseignements sur la disposition que présentait le bitume dans les parties déjà fouil¬ lées, ainsi que sur les accidents auxquels l’a assujetti sa nature plastique, au moment de son arrivée dans les terrains encais¬ sants. Nous en sommes réduit, par conséquent, à représenter par des croquis les diverses formes que nous avons pu obser¬ ver et relever, et de ces indications , quelque incomplètes qu’elles puissent être, il ressortira clairement que le malthe est nécessairement contemporain des bancs qui le contiennent, ainsi que nous avons la confiance de l’avoir démontré pour les pétroles de la Valachie et de la Moldavie (1). En effet, il est facile de s’assurer que les amas, malgré leur irrégularité, sont tous parallèles à la stratification et que, sous ce rapport, ils doivent être assimilés aux amas de gypse des terrains secondaires et tertiaires, ou bien aux amas de fer oxydé que l’on exploite dans la formation jurassique, les uns et les autres étant ordinairement fossilifères. 11 serait superflu d’en- (1) Coquand, Sur les gîtes de pétrole de la Valachie et de la Moldavie. Bull. Soc. géol. , t. XXIV, p. 545 et 553. 40 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. trer dans des développements à cet égard, car chacun sait que ces amas, bien qu’ils soient souvent séparés les uns des autres et que leur origine reconnaisse une autre cause que les couches encaissantes, n’en sont pas moins subordonnés à ce même sys¬ tème de couches dont ils suivent les lois de distribution, et qu’ils représentent dans la série stratigraphique un horizon nettement défini. Toutefois, avant de pénétrer dans ces études de détail, disons quelques mots des caractères de la pierre de poix et des diver¬ ses variétés qu’elle est susceptible de former. Généralement elle consiste en masses compactes d’une très-grande homogé¬ néité, d’un noir très-intense et brillant, se ternissant à la sur¬ face, d’une très-grande friabilité, la cassure résineuse, ou lar¬ gement conchoïde, répandant par la percussion et surtout à l’aide de la chaleur une odeur prononcée d’asphalte, mais assez agréable, qui devient piquante quand on l’enflamme. Elle brûle avec la plus grande facilité, avec flamme longue et fumée épaisse, rougeâtre, en faisant entendre un pétillement particu¬ lier et en se boursouflant avant de se fondre. Elle laisse pour résidu un charbon léger, poreux, noir, ressemblant au coke, moins le reflet couleur d’acier. Le pétillement est provoqué par une certaine quantité de naphte dont la combustion s’opère avec production de petites dardes de flammes claires, qui, sous forme d’éclairs, traversent et illuminent l’atmosphère fuligi¬ neuse qui s’élève au-dessus de la masse en ignition. Le maltbe de Sélenitza a fourni à l’analyse les résultats sui¬ vants : Huile de pétrole . 4 B J Charbon pouvant se convertir en coke . 43 ioo Résidu . 14) On est donc conduit, au point de vue des principes élémentai¬ res, à le considérer comme un minéral dérivant du pétrole, dans lequel le goudron, ou soit le carbone, se trouverait en bien plus grande abondance que dans celui-ci, de la même ma¬ nière que le pétrole est lui-même un dérivé du naphte. Après la variété compacte, qui est la plus commune et qui, à elle seule, alimente l’exploitation, il faut mentionner les brè¬ ches bitumineuses, lesquelles consistent en des couches plus ou moins puissantes d’argile grise, qui, comme nous l’avons vu, est un des éléments pétrographiques de l’étage tertiaire, et qui contiennent, comme emprisonnés dans des mailles, des NOTE DE M. COQUAND. 41 fragments anguleux de bitume, rapprochés les uns des autres, et dont on peut obtenir aisément la séparation en délayant dans l’eau l’argile qui leur sert de ciment. Ces brèches bitumineuses (fig. 2) surmontent le plus souvent les amas de malthe auxquels Fig. 2.' A — Argiles. B — Bitume compacte. G — Brèches bitumineuses. ils passent par gradations ménagées, et semblent former la partie supérieure d’un bain liquide dans lequel est intervenue l’argile qui l’a recouvert avant son entière solidification, exac¬ tement comme, dans les percées d’un haut-fourneau, les sco¬ ries viennent se mêler avec la fonte dans les derniers produits de la coulée, en donnant naissance à une espèce de brèche ou de magma. Elles se montrent quelquefois isolées, occupent plu¬ sieurs niveaux distincts, et, dans ce cas, elles représentent la somme et le mélange de deux produits différents, dont l’un est l’argile que les eaux de la mer tenaient en suspension et l’autre la substance accidentelle apportée dans ces mêmes eaux par des sources spéciales. Or, comme ces deux substances ne sont pas susceptibles de se combiner entre elles, chacune a obéi aux lois qui la régis¬ sent, l’argile en se déposant en couches régulières, le bitume en s’établissant dans l’argile sous la forme d’amas subordon¬ nés, ou en s’isolant sous celle de fragments anguleux, ou bien, ce qui est bien plus rare, en se pelotonnant sur lui-même (fig. 3) et en prenant une texture sphéroïdale, analogue à celles que revêtent les matières visqueuses, telles que les gommes, lors¬ qu’on les projette dans l’eau ou dans la poussière. Cette ma¬ nière d’être n’est qu’un cas particulier des brèches. En concas¬ sant les sphères, on constate que plusieurs d’entre elles sont composées de couches concentriques à la manière des pisoli- 42 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. thés. Cependant je dois ajouter que je ne suis jamais parvenu à découvrir dans leur centre aucun noyau de matière étran¬ gère, | autour duquel les feuillets seraient venus s’appliquer. Fig. B. A B A A — Argiles. B — Bitume pisolithiforme. J’admets que ces enveloppes sont plutôt le résultat d’une des¬ siccation progressive, à la suite de laquelle le bitume s’est di¬ visé en pellicules minces, comme certains basaltes chez les¬ quels le refroidissement a favorisé dans la masse la formation de sphères de volume variable, qui, elles aussi, sont composées de tuniques concentriques . Les globules sont rarement con¬ tigus, mais le plus souvent isolés au milieu de l’argile, et leur diamètre dépasse rarement 6 millimètres. De plus, ils sont d’une fragilité extrême. Ils présentent dans la cassure cet as¬ pect luisant et gras qui rappelle celui des perlitbes du terrain trachytique. J §Nous avons cherché à représenter dans la figure k une autre Fig. 4. A — Argiles. B — Bitume réticulé. G — Grès et poudingues. disposition qui n’est pas moins curieuse et qu’on pourrait ap¬ peler réticulée. Elle consiste en une infinité de filets simples, interrompus ou conjugués, qui s’entre-croisent dans tous les sens. On dirait des gerçures dans lesquelles le bitume se serait NOTE DE M. COQUAND* 43 insinué à l’état visqueux et aurait acquis plus tard la consis¬ tance solide. Ce nouveau genre de stockwerks avec le nombre prodigieux de ramifications dont il se compose est entièrement séparé des amas pleins du voisinage. Leur isolement et leur su¬ bordination au banc qui les contient indiquent avec la plus grande clarté que les argiles et le bitume se trouvaient fluides au moment de la formation du terrain, et que, par conséquent, ils sont contemporains. La figure 5 reproduit une forme particulière qui ne diffère Fig. b A — Argiles. B — Bitume. G - Grès. de la précédente qu’en ce que les filons, au lieu de s’éparpiller dans la masse en lacis capricieux, sont verticaux et parallèles, le retrait dans la roche de grès ayant ouvert des fentes verticales et parallèles que le bitume a ensuite remplies, mais de haut en bas, ce qui est important à noter. Quelquefois le bitume , ainsi que l’indique la figure 6 , est Fig. 6 B — Bitume. G — Grès sableux. moulé dans des dépressions cupuliformes, dont quelques-unes se terminent par un tube effilé. Nous avons à mentionner aussi une manière d’être qui se reproduit fréquemment, et qui con¬ siste en des noyaux ellipsoïdaux (fig. 7), dont quelques-uns at¬ teignent la dimension d’un pain de munition ; ils sont alignés 44 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. les ans à la suite des autres, et constamment parallèles au plan des couches sur lesquelles ils reposent. Il n’est pas rare de rencontrer de loin en loin, au milieu de grès que l’on consi- Fig. 7. G E B — Bitume. G — Grès et poudingnes. dère, et à bon droit, comme stériles, des noyaux de bitume de la grosseur d’un œuf, et qui, certainement, n’ont pu y pénétrer par intrusion postérieure. Les figures 8 et 9 représentent, la première, un amas régulier Fig. S. Fig. 9. G B B — Bitume. B — Bitume. G — Grès et poudingnes. G — Grès sableux. contenant plusieurs nerfs de grès, comme on en observe fré¬ quemment dans certaines couches de houille, et la seconde, deux amas étirés et reliés par un mince filet de malthe. Si nous avions voulu représenter tous les accidents de posi¬ tion, de texture et de structure qu’étalait la mine de Sélenitza, nous aurions dû multiplier à l’infini nos tableaux illustrés. Ceux qui précèdent suffisent pour donner une idée générale, mais suffisamment complète de la physionomie du gîte. Nous avons à faire remarquer, avant de terminer notre des¬ cription monographique, que les ramifications et les appendices filoniens qui se détachent des masses principales sont logés constamment dans le mur, et jamais dans le toit de la couche. NOTE DE M. COQUAND. 45 disposition qui s’explique d’elîe-même, si on reconnaît que la matière bitumineuse, au lieu d’avoir été injectée de bas en haut, ainsi qu’on l’observe dans la plupart des filons métalli¬ ques, a été amenée à l’état fluide sur un plan horizontal, et que dès lors elle a dû obéir à la loi des liquides, c’est-à-dire péné¬ trer dans les fissures ouvertes au-dessous des réservoirs qu’elle avait remplis. J’oubliais de mentionner que, sur certains points, l’intérieur des coquilles bivalves, qui appartiennent pour le plus grand nombre au genre Cardium , était rempli de bitume, comme on l’a observé dans plusieurs gisements de la Caspienne et de la mer Noire. Seulement la fragilité du test, presque toujours fa¬ rineux, ne permet pas d’en obtenir des exemplaires bien con¬ servés. A part les brèches argilo-bitumineuses et quelques bancs de grès et de poudingues pénétrés par le bitume, on peut dire que celui-ci se montre partout d’une très-grande pureté. On voit de plus que toutes les particularités qui se rattachent à son his¬ toire démontrent d’une manière irrésistible qu’il a dû être amené, non point à l’état de pétrole liquide, mais bien à l’état vis¬ queux, c’est-à-dire au moment où la matière était dépouillée de ses produits volatiles, donc privée de vie, et que les huiles qu’elle contient aujourd’hui, et qui sont solidifiées, ne pou¬ vaient plus se prêter à une évaporation spontanée, susceptible de donner naissance à des dégagements de gaz inflammable ; car on n’aperçoit dans les masses compactes aucune fissure, aucune vacuole qui atteste le passage ou l’emprisonnement de gaz avant leur entière solidification. En outre, la place qu’elles occupent au milieu des grès et des argiles est hermétiquement remplie, et on n’observe jamais, en concomitance avec elles, ces roches asphaltiques, si abondantes dans les terrains à pé¬ trole liquide, et que l’on doit considérer comme des éponges imbibées de pétrole. C’est donc, nous ne saurions trop insister sur ce point, c’est donc à l’état de bitume glutineux que le malthe est arrivé pri¬ mitivement dans les terrains de Sélenitza. Aussi ne s’y mani¬ feste-t-il aucun phénomène de salses, aucun volcan d’air, aucun volcan ardent qui sont un des caractères distinctifs des gise¬ ments pétrolifères proprement dits, et qui conservent toujours, jusqu’à leur entier épuisement, des éléments de vitalité. Il existe bien, à la vérité, sur un point des anciennes excavations, une bouche ardente qui vomit de la fumée et dégage une grande 46 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. chaleur; mais cet accident est dû simplement à un incendie souterrain allumé par le fait de l’homme, et qui, comme dans les houillères embrasées, poursuit lentement son œuvre de des¬ truction. Les argiles qui avoisinent le soupirail par lequel sont expulsés les produits gazeux de la combustion sont converties en une sorte de briques sonores, rouge de sang; les grès se changent en porcellanites et les cailloux quartzeux, par l’effet de la calcination, se cassent, comme un verre étonné, en mille fragments au moindre choc. Ainsi que nous l’avons déjà dit, c’est principalement dans les ravins qui dépècent les mamelons montagneux de Sélenitza qu’ont été ouvertes les excavations principales (et elles sont nom¬ breuses), et qu’on peut se faire une idée de l’importance des mines. 11 paraîtrait, à en juger par la tradition, et surtout par les vieux travaux que recouvrent aujourd’hui des chênes, plu¬ sieurs fois séculaires, que l’exploitation en remonterait bien avant l’époque où écrivait Strabon ; car nous lisons dans cet au¬ teur (1) que, suivant Posidonius, la terre bitumineuse que l’on distinguait par le nom d ’Ampélitis était un remède contre les vers qui rongent les vignes. Après l’avoir mêlée avec de l’huile, on en frottait la vigne, et on détruisait par ce moyen les vers avant qu’ils montassent de la racine aux jeunes pousses; or, ce système paraît avoir été pratiqué jusque dans ces derniers temps, et peut-être l’est-il encore aujourd’hui, car la plus grande partie du bitume de Sélenitza était expédié à Smyrne, où elle servait également à la préservation de la vigne. Toute¬ fois, on l’emploie plus généralement au calfatage des navires. S’il est difficile d’être renseigné sur l’étendue superficielle du gisement bituminifère, il est bien plus difficile encore de l’être sur le cube de matière utile qu’il peut contenir, par la raison qu’à cause de la nature essentiellement irrégulière des amas leur épaisseur moyenne et leur continuité échappent à toute appréciation. Tout ce que l’on sait, c’est que l’exploita¬ tion remonte à une époque très-ancienne, et que, quoiqu’elle soit établie maintenant sur une petite échelle, à cause de la cherté des transports, cependant elle n’a jamais discontinué. J’ai jugé utile de donner une coupe détaillée du gisement que je viens de décrire, afin d’établir d’une manière plus pré¬ cise les relations du bitume avec les roches encaissantes. Cette coupe (fig. 40) indique la succession des couches dans l’ordre (î) Strabon, Géographie , impr. Impér., 1812, t. III, p. 8. 47 NOTE DE M. COQÜAND. ascendant. On trouve d’abord, au niveau de la plaine qui s’é¬ tend jusqu’à la Yojutza : Fig. 10. mètres. 1° Les argiles bleues inférieures A . 90 2° Bancs de grès sableux B, avec rognons de^bitume ... 3 3° Sable jaune G, avec Cardium edule, Janira Jacobœa et Ostrea pseudoedulis . 2 4° Grès D contenant les5 grands amas de bitume . 45 5° Grès jaune E avec Cardium edule . 2,50 6° Alternance de grès et de poudingues F, fossilifères, avec rognons de bitume . 3,60 7° Poudingues et grès en bancs épais G . . . 60 Je dois citer, avant d’abandonner cette localité si intéres¬ sante de Sélenitza, la découverte que j’ai faite dans la grande masse bitumineuse, d’un Planorbis de grande taille, dont l’in¬ térieur de la coquille était injecté de bitume, ainsi que de la Melanopsis buccinea. Ce sont les deux seules espèces lacustres que j’aie observées au milieu de l’étage subapennin, et dont la présence dévoile l’intervention de quelque affluent d’eau douce dans ce dépôt, qui, partout ailleurs, est d’origine marine. En se rendant du camp de Sélenitza à la Yojutza, on longe les collines que nous venons de décrire. La plaine qui sépare la région montagneuse de la rivière est littéralement jonchée de fragments de bitume qu’ont entraînés les eaux, et dont une par¬ tie, après avoir atteint le fleuve, est transportée, dans les grandes crues, jusque sur le rivage de l’Adriatique. L’abon- 48 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. dance de ces débris témoigne de la richesse des gîtes d’où ils proviennent, et rappelle jusqu’à un certain point les épaves de bitume que la mer Morte rejette souvent sur ses bords. Une bonne fortune sur laquelle je ne comptais pas devait, comme complément de ces études déjà si attrayantes, m’offrir quelques particularités nouvelles, qui se rattachent également à l’histoire du pétrole. Si les terrains que j’avais eu l’occasion de parcourir jusque-là, et qui ne dépassaient pas l’horizon des poudingues, ne m’avaient présenté le bitume qu’à l’état solide, la berge gauche de la Yojutza, en me ramenant au niveau des argiles bleues gypsifères, me ménageait la manifestation d’un phénomène des plus curieux, en me mettant en face de volcans d’air, lesquels, au lieu de rejeter des eaux imprégnées de sel et de pétrole, ainsi qu’on l’observe dans les salses et les volcans de boue, ramenaient au jour du pissasphalte liquide, ce qui me démontrait que, si celui-ci s’était solidifié dans le chapiteau de l’étage pliocène, il avait conservé sa fluidité dans le piédes¬ tal du même étage, donc à une profondeur plus considérable, mais qui, à en juger par la température des produits rejetés qui ne dépassait pas 15°, ne devait provenir que de couches assez rapprochées de la surface. Le plus grand nombre de ces volcans étaient inactifs et sans vie. Leur emplacement était indiqué par des encroûtements plus ou moins considérables de bitume qui se trouvaient disper¬ sés çà et là au-dessus des bords de la rivière, et qui représen¬ taient le produit des anciennes coulées. Le bitume, quoiqu’ayant acquis une consistance à peu près complète, conservait cepen¬ dant une certaine élasticité, rendue sensible quand on le com¬ primait avec le pied. Il était de plus privé de la fragilité du bi¬ tume de Judée, qui permet d’obtenir des séparations franches et nettes. On ne parvenait guère à le diviser en fragments qu’à l’aide du taillant du marteau, par la traction ou par l’étirement. En d’autres termes, il était plus facile de le déchirer que de le briser. A en juger par leur éparpillement et parleurs faibles dimen¬ sions, le diamètre des plus considérables dépassant rarement deux mètres, la cause à laquelle ils devaient leur origine n’avait pas dû agir avec une grande énergie. Mais, à côté de ceux-ci, il en existait deux en plein fonc¬ tionnement, très-rapprochés l’un de l’autre, au milieu d’un atterrissement abandonné depuis peu de temps par la Vojutza. Le plus majestueux était établi au-dessus d’un lit de galets, sous NOTE DE M. COQUAND. 49 la forme d’un cône très-surbaissé que surmontait un cratère ré¬ gulier de plus d’un mètre de diamètre, à rebords tranchants et nettement terminés, et que remplissait une eau limpide et trans¬ parente. A des périodes intermittentes comprises entre 50 et 55 se¬ condes, l’eau du cratère était violemment mise en mouvement par une forte émission de gaz qui venait crever à la surface sous forme de grosses bulles, et produisant un bruit semblable à celui que fait entendre une bouteille pleine que l’on vide en la renversant brusquement. Chaque émission apportait avec beaucoup d’eau une certaine quantité de bitume liquide qui dé¬ bordait par-dessus les parois du cratère, s’épandait sur les pa¬ rois du cône, dont il augmentait successivement l’épaisseur et la circonférence, puis venait se perdre dans les eaux tranquilles d’une anse formée par la Yojutza, ce qui convertissait en véri¬ table presqu’île la langue de terre sur laquelle s’exerçait l’acti¬ vité de nos deux volcans. Le pissasphalte est d’une très-grande liquidité au moment de sa sortie, mais quelque temps après il prend une consistance sirupeuse; sa surface se recouvre d’une légère croûte sur laquelle se dessinent en relief des rides fron¬ cées, rapprochées, perpendiculaires d’abord à la direction du courant, mais que les obstacles rencontrés pendant la marche finissent par déformer; et alors elles imitent les méandres la- byrinthiformes que l’on observe sur certains polypiers. Si la formation presque instantanée de ces croûtes superfi¬ cielles ralentit la rapidité du courant à la surface, ce courant n’en existe pas moins dans la profondeur, car on voit le bitume s’échapper de dessous les parties figées sous la forme d’un li¬ quide noir. Un bâton plongé dans la masse se revêt d’une cou¬ che uniforme de pissasphalte, et le surplus s’en sépare à la manière d’une colle qui commence à s’épaissir. Les déjections anciennes qui sont un peu éloignées du cra¬ tère et que l’exposition au contact de l’air pendant un certain temps ont dépouillées de la plus grande partie du pétrole qui les rendait fluides deviennent épaisses comme de l’encre d’impri¬ merie, et sont susceptibles de recevoir les empreintes des corps quiles pressent. Le pied de l’homme finirait par s’y enfoncer com¬ plètement, si on ne changeait pas de position. La vertu gluti- neuse de ces produits est attestée par ce fait que, le jour de ma visite, un héron bihoreau, qui s’y était englué et avait les deux pattes prises, ne pouvait parvenir à se délivrer, malgré des ef¬ forts désespérés. Il me fut très-facile de dégager de sa position Soc. géol ., 2e série, tome XXV. 4 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. 50 critique l’échassier qui, sans mon intervention, serait certaine¬ ment mort de faim. Mais, à mon tour, j’eus besoin du secours de mon guide pour ne pas me trouver pris comme le héron. A quelque distance du volcan principal, dont la circonférence mesurait une vingtaine de mètres, il en existait un autre de plus petite dimension, mais d’une pétulance vraiment étonnante, et dans lequel chaque émission de gaz déterminait un jet d’eau qui formait gerbe au-dessus du cratère. C'était un geyser en miniature, mais froid. Le cratère n’était pas plus large qu’un fond de chapeau, et, comme il était placé juste sur l’ourlet du talus qui limitait la plage de l’espèce de golfe dont j’ai déjà parlé, les eaux, ainsi que le bitume, expulsées franchissaient le talus par cascatelles superposées, et atteignaient ensuite le golfe par une rigole creusée au milieu de la plage sableuse. La mar¬ che, rapide et insensée dans les débuts, parce qu’elle s’effec¬ tuait sur un plan très-incliné, finissait par perdre de son éner¬ gie au delà des abruptes, et on voyait le bitume former au milieu de l’eau qui lui servait de véhicule un courant séparé, mais continu, qui s’effilait prodigieusement à la manière d’un ténia, quand il cheminait en ligne droite, et qu’aucun obsta¬ cle ne le gênait dans sa course, mais, qui, à chaque coude qu’il rencontrait, ou bien dans des passages étranglés, se repliait sur lui-même comme un serpent, et constituait alors, de distance en distance, des réservoirs temporaires d’où la matière repre¬ nait sa marche ordinaire qui se terminait enfin dans le golfe, au fond duquel elle se déposait. Avec le bitume, le volcan rejetait, mais en quantité insigni¬ fiante, du naphte qui surnageait les eaux qu’elle recouvrait d’une pellicule jaune, ornée du plus beau reflet de l’arc-en- ciel, et que le vent déplaçait à son gré. Il serait absurde d’attacher aux volcans pétrolifères la même acception qu’aux volcans qui vomissent de la lave et des gaz brûlants, et chez lesquels une température excessive est le premier élément de leur existence. Pour que les premiers puis¬ sent être créés, deux conditions sont indispensables : d’abord la présence de l’eau à une certaine profondeur ainsi que du pétrole qui puisse engendrer le gaz inflammable, et ensuite la possibilité à ce gaz et à cette eau de se déverser sur un sol émergé. Si le gaz s’échappe seul, on n’aura qu’un volcan d’air invisible, tant qu’on ne l’aura pas enflammé; s’il se dégage avec de l’eau, mais dans un lac ou dans une mer, les bulles qui l’a¬ mèneront au jour viendront crever à la surface, et les produits NOTE DE M. COQUAND. 51 pétroliens qui l’amèneront se disperseront dans les grands ré¬ servoirs, le naphte surnageant, et le pissasphalte,àcause de sa plus grande densité, atteignant le fond; mais, dans ce cas, il n’y aura production, ni de cratère, ni de coulées. Ces trois ordres de volcans sont représentés dans la vallée de laVojutza; car à deux pas des volcans actifs que nous venons de décrire, on est témoin, vers l’extrémité du golfe qui reçoit les produits de leurs déjections, de dégagements intermittents de gaz inflammable, à la suite desquels le pétrole dessine une magnifique auréole autour des centres d’émission, tandis que le bitume glutineux se précipite au fond du golfe. L’irrégularité des gisements bi¬ tumineux trouve son application dans ces deux modes de pro¬ duction, les amas considérables correspondant à une émission abondante par un orifice permanent, et les dépôts éparpillés sous forme de rognons isolés, à des soufflards temporaires et agissant en dehors des grands centres de production. On comprend qu’une substance visqueuse comme le pissa- sphalte, qui se meutavec la plus grande difficulté, ne puisse ja¬ mais donner naissance à des couches bien régulières, tandis que sa subordination aux terrains encaissants, et sa production sur des points souvent très-éloignés les uns des autres, sont la conséquence môme des causes de son origine. Il en est ainsi des sources thermo-minérales qui ont déposé les amas traver- tineux de la période quaternaire, amas qui, comme autant de jalons, indiquent aujourd’hui l’emplacement des sources qui les ont apportés et qui ont disparu. L’existence d’un volcan dans le lit même de la Vojulza, ainsi que la chute de ses produits dans les eaux, n’est qu’un accident particulier que les changements nombreux que les pluies déter¬ minent dans son lit même finiront par modifier ou par détruire, puisque l’emplacement actuel est totalement condamné à être submergé aux premières crues de l’hiver. C’était, pour ainsi dire, une représentation de faveur donnée à mon bénéfice. Comme il n’avait pas plu pendant tout l’été, et que l’abaisse¬ ment successif des eaux du fleuve, par suite de la sécheresse persistante, avait eu pour résultat de laisser à sec une portion assez considérable du dépôt asphaltique formé par les émis¬ sions antérieures, j’ai profité de cette circonstance pourétudier de quelle manière le bitume se comportait par rapport aux ma¬ tériaux sur lesquels il coulait. Ces matériaux consistaient simplement en galets de vo¬ lume variable et en sables fins. Ces derniers, les seuls sur les- SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. m quels les vents avaient prise, se trouvaient mélangés avec le pissasphalte, et j’ai eu le plaisir de constater, dans une tran¬ chée que je pus faire ouvrir dans la portion du dépôt émergé, de véritables alternances de sable et de bitume. C’est vraiment tout ce que l’on pouvait exiger des agents naturels dans le golfe tranquille où se noyaient les produits bitumineux. Mais, si au lieu d’un volcan microscopique comme celui de la Vojutza, si, au lieu d’une flaque d’eau sans profondeur, on suppose un ap¬ port considérable de matières bitumineuses , si on admet en même temps que ces matières se sont répandues dans une mer ou dans un grand lac en travail de sédimentation, on aura la reproduction, mais sur une échelle colossale, du phénomène que j’avais sous les yeux. Seulement les argiles, les grès, les poudingues ou les calcaires remplaceront les sables fins de la plage, mais leur contemporanéité avec les bitumes, quelle que soit d’ailleurs l’origine de ces derniers, n’en sera pas moins un fait solidement établi, comme il l’était pour la mare que le hasard m’avait fait rencontrer, et qui, elle aussi, était en travail de sédimentation. Il était intéressant de voir la nature repro¬ duire expérimentalement, pour mon enseignement personnel, les procédés qu’elle avait dû mettre en œuvre dans les temps antiques pour la formation des gisements bitumineux. Quant aux dépôts de pissasphalte que l’on Remarquait à une hauteur un peu plus grande, mais toujours subordonnée au rivage, ils n’étaient autre chose que les représentants d’anciens volcans dont l’emplacement actuel indique les différences de niveau du fleuve pendant les grandes eaux d’hiver. Ce qui frappe le plus dans les volcans boueux et dans les salses, c’est l’impression de froid que l’on ressent en enfonçant le bras dans leurs cratères, et de voir que la température des boues et des eaux qui en sortent est constamment inférieure à celle de l’air ambiant. Ce fait n’avait pas échappé à la sagacité des anciens. Nous avons vu que Pline, en parlant des sources bi- tuminifères de l’Albanie, se sert de l’épithète de gelidus et non de celle de frigidus pour indiquer la fraîcheur de leurs eaux. Au 30 août de cette année, lorsque le thermomètre marquait à l’ombre 27°, j’ai constaté que la température de l’eau du cratère du volcan principal delaVojutza était de 13°, et celle du fleuve de 19°. Nous relevons dans l’excellent travail de M. Bianconi (1), que (1) Bianconi, Storia naturale det terreni ardenti , p. 24. NOTE DE M. 00 QU AND. 53 Galeazzi trouva dans la salse de Sassuelo, en 1719, un abaisse¬ ment de température de 2 lignes 1/2, par rapport à celle de l’atmosphère. Spallanzani écrit que le thermomètre marquait 11° dans cette salse, quand il en indiquait 13° à l’omhre. Dans la salse de Maina, le même naturaliste vit s’abaisser de près de 2° le thermomètre enfoncé dans la boue, et qui marquait 16° 1/2 à l’ombre. Angeli trouva dans le Bergullo 3° de moins que dans l’atmosphère. Dolomieu signale dans la macaluba de Sicile une différence en moins de 3° 1/2 par rapport à l’air qui avait une température de 23° 1/2. Enfin, dans le fameux lac de bitume de l’île de la Trinité qui a près de 5,000 mètres de circon¬ férence, et qui à lui seul contient plus de substance bitumi¬ neuse que tous les autres gisements du monde réunis, M. Ch. Sainte-Claire Deville (1) a constaté que l’eau du lac n’avait pas une température plus élevée que celle de l’air. Et on pourrait multiplier les exemples à l’infini. Nous avons vu le même fait se répéter dans les salses des Provinces Danubiennes. Or, je demande s’il est possible, à moins de tomber dans des contradictions fla¬ grantes, de concilier ces données de l’expérience avec l’hypothèse qui attribue aux pétroles une origine volcanique. J’abandonnai les volcans de pétrole gîutineux des bords de la Yojutza pour visiter dans le voisinage et sur le territoire de Rompzi un volcan ardent qui brûlait au milieu d’un bois d’oli¬ viers, mais qui ne m’offrit aucune particularité à noter. Il con¬ sistait en une flamme bleuâtre, à peine visible en plein soleil, qui sortait d’une fêlure du sol et atteignait la hauteur de 50 cen¬ timètres environ. Les paysans de la localité m’assurèrent qu’eux et leurs pères l’avaient toujours vu en activité, et qu’en outre on en connaissait beaucoup d’autres qu’on avait éteints, mais qu’il serait facile de ranimer. L’idée me vint de tenter une expérience qui me réussit à merveille. Je choisis, parmi ces volcans supprimés d’office, le moins actif d’entre eux, que je rendis un instant à la vie en lui présentant une fascine enflammée, et que j’étouffai ensir te sous une couverture de laine mouillée. Après avoir entouré par un batardeau d’argile la fissure qui livrait passage aux gaz souter¬ rains, je la fis remplir d’eau ainsi que sa cuvette artificielle ; je ne tardai pas à voir se manifester les phénomènes qui caracté¬ risent les volcans de boue, c’est-à-dire un dégagement de bulles qui venaient éclater à la surface de l’eau, laquelle offrit quel- (1) Deville, Institut , 26 juin 1841. 54 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. ques taches irisées, dues à la présence d’une quantité de naphte insignifiante, il est vrai, mais enfin qui était de naphte. Je pus donc transformer un volcan d’air en un volcan d’eau, et, pour que rien ne manquât au succès de mes recherches, je répétai la même opération sur un soufflard voisin; mais à l’eau douce j’a¬ vais substitué l’eau salée et j’obtins une véritable salse, à cette différence près que je ne vis point des cratères se former; il au¬ rait fallu probablement pour cela attendre que les argiles inté¬ rieures fussent détrempées par les eaux, et le temps nécessaire me manquait. En dehors des terres de Séîenitza et deRompzi, on n’a jamais signalé, que je sache, le moindre indice de bitume solide. On m’avait bien indiqué, aune assez grande distance de ces points, l’existence de sources de pétrole ainsi que de volcans ardents, dans les dépendances de Paktos, non loin de l’emplacement de l’antique Apollonia; mais comme la visite de ces lieux ne me promettait que la répétition de faits déjà connus, et qu’elle m’éloignait beaucoup de Janina, vers laquelle m’entraînait mon itinéraire, je dus renoncer au désir de les étudier sur place. On constate, dans le voisinage des volcans de pissasphalte de la Vojutza , l’existence de plusieurs sources sulfureuses froides (14° cent.) qui s’échappent des argiles bleues gypsifères, et dont l’approche était rendue intolérable par l’odeur péné¬ trante d’œufs pourris qu’elles exhalaient. Je remarquai, de plus, des encroûtemenls de soufre natif sur les cailloux des ruisseaux qu’elles parcouraient, exactement comme en produi¬ sent les eaux sulfureuses froides de Camoins-les-Bains, près Marseille. Je m’assurai sur place que les eaux de ces sources étaient fortement piquantes et acides, et, plus tard, à Corfou, qu’elle rougissaient instantanément la teinture de tournesol et qu’elles déterminaient un précipité blanc dans l’eau de baryte. Leur saveur était évidemment due à la présence de l’acide sul- fhydrique, et la production de ce dernier à la décomposition de l’hydrogène sulfuré au contact de l’air. Cette réaction signalée pour la première fois par Breislack dans la solfatare de Pouzzoles (1), et plus tard par nous dans celle de Péreta en Toscane (2), recevait une confirmation nouvelle en Albanie, où les mêmes agents étaient mis en jeu. (1) Breislack, Voyages dans la Campanie, t. II, p. 89. (2) Coquand, Solfatares , alunières et lagoni de la Toscane (Bull. Soc . géol ., 2e Série, t. VI, p. 113). NOTE DE M. COQUAND. 55 Le territoire de Rompzi contient, subordonnées aux argiles bleues, plusieurs masses de gypse, à la décomposition des¬ quelles est due, suivant toute vraisemblance, la production du gaz sulfhydrique. Celui-ci manifeste sa présence dans deux états différents, dissous dans beau et donnant naissance aux sources sulfureuses, ou bien à celui de gaz, dans quelques petites solfatares sèches et froides que Ton rencontre dans le voisinage des sources. Les soupiraux d’exhalation ne sont point assujettis à une loi générale de distribution, car on les voit épar¬ pillés au nombre de huit à dix, dans un rayon qui mesure un kilomètre au plus. Une des bouches les plus actives s’observe en face des volcans de pissasphalte, à une cinquantaine de mètres au-dessus du niveau du fleuve, et a son siège dans les argiles bleues que recouvrent des cailloux de toute nature provenant de la désagrégation des poudingues tertiaires. Les argiles attein¬ tes par la mofette sont décolorées et pénétrées d’efflorescences alumineuses et ferrugineuses, de nombreux cristaux de sulfate de chaux, ainsi que de soufre pulvérulent. Mais celte dernière substance tapisse de préférence les fissures de petits cristaux miroitants, ou bien recouvre la surface des cailloux d’une pa¬ tine jaune. Les réactions les plus énergiques, et à la suite desquelles se produisent des cas d’épigénie, s’opèrent au détriment des cail¬ loux de nature calcaire, lesquels, sous l’influence de l’acide sulfurique , se transformaient graduellement en sulfate de chaux ; et suivant le temps plus ou moins long de leur immer¬ sion dans la mofette, et suivant aussi le volume des cailloux immergés, la transformation avait entièrement converti le car¬ bonate de chaux en sulfate de chaux hydraté, ou bien formé une croûte plus ou moins épaisse de cette substance autour du noyau qui conservait sa composition primitive. Ce n’était pas sans une grande satisfaction que je voyais se reproduire en Al¬ banie les mêmes accidents épigéniques que j’avais eu l’occa¬ sion de constater dans la solfatare de Péreta ; et, bien qu’ils s’y accomplissent sur une échelle excessivement restreinte, tout, jusqu’à l’odeur pénétrante de la mofette, me rappelait des lieux et des faits qui avaient excité mon admiration. Les Albanais ont fouillé quelques-unes de ces solfatares dans l’espoir d’y rencontrer des mines de soufre ; mais ces tentati¬ ves ne pouvaient aboutir à un résultat utile. Seulement, l’en¬ vahissement de leurs vignes par l’oïdium leur avait suggéré l’idée, ces dernières années, de se servir de leurs terres im- SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. 56 prégnées de soufre pour les préserver du terrible fléau. Par malheur leurs essais n’ont point été couronnés de succès. Ils n’avaient pas compté sur la présence de l’acide sulfurique. On remarqua, non sans surprise, que toutes les parties de la vigne atteintes par la poudre que l’on considérait comme préserva¬ trice avaient été brûlées et détruites. Des échantillons de ces terres que j’avais moi-même recueillis possédaient une saveur fort piquante, et finirent, après avoir dévoré les papiers qui les enveloppaient, par trouer la poche de l’habit dans laquelle je les avais provisoirement logés. Le gaz hydrogène sulfuré est, comme on le voit, le seul agent producteur des phénomènes que nous venons de signa¬ ler, et, ce qu’il y a de surprenant encore, c’est que son écou¬ lement à la surface du sol a lieu sans dégagement de chaleur. Un thermomètre, plongé dans une des solfatares que j’avais fait creuser à un mètre de profondeur, marquait, malgré un soleil de feu, 15°, et 32° à l’ombre. Les sources qu’il imprègne sont également froides. Il est aussi parfaitement démontré pour moi que la présence de cet élément gazeux, dans le voisinage des gisements bitumineux de la Yojutza, est un cas purement for¬ tuit ; car si l’existence de ces derniers était subordonnée à celle de l’autre, ou réciproquement, les solfatares, ou tout au moins les sources sulfureuses donneraient lieu à des manifestations bitumineuses, ce qui n’est pas, quoique à la rigueur on com¬ prenne très-bien la coexistence de deux produits différents sur le point même où ces deux produits sont en voie de for¬ mation. Ainsi, dans les territoires deSélenitza etdeRompzi, le bitume se présente sous deux états : sous celui de pissasphalledans les argiles inférieures, retenant encore une certaine proportion de pétrole à laquelle sont dus sa fluidité et les dégagements de gaz hydrogène proto-carboné, cause première des volcans delaVo- julza et des volcans ardents de Rompzi, et sous celui de bitume de Judée dans les poudingues supérieurs, inhabile à engendrer spontanément des gaz inflammables et partant les phénomènes des volcans boueux et des volcans d’air. Nous avons vu déplus, dans cette partie de l’Épire, la répétition de ce qui se passe dans les autres contrées pétrolifères, c’est-à-dire arrivée au jour de pétrole liquide, avec l’intervention indispensable de l’eau : c’est l’histoire des macalubes ; ou bien, production de souf- flards, sans l’intervention de l’eau : c’est l’histoire des volcans ardents ; enfin, disparition complète de mouvement, quand le NOTE DE M. COQUAND. 57 pétrole, dépouillé de ses éléments volailles, est passé à l’état solide: c’est l’histoire des bitumes de Judée. C’est en vain que l’on voudrait réclamer aux terrains tertiai¬ res de la vallée de la Vojutza des dépôts de houille ou d’autres combustibles fossiles sur la distillation desquels plusieurs au¬ teurs recommandables ont fondé leur théorie de la formation du pétrole. Ils n’en contiennent pas la moindre trace , tout comme il n’existe aucune source volcanique et aucune source thermale dans toute la contrée. L’absence des salses s’explique par la raison fort simple que l’étage subapennin ne renferme point de sel gemme, et que, par conséquent, les géologues qui, comme M. Bianconi (1), s’appuyant sur la présence du gaz hydrogène proto-carboné dans une variété de sel gemme con¬ nue sous le nom de sel décrépitant, ont attribué l’origine des volcans à la mise en liberté de ce gaz, par suite de dissolutions successives de ce sel par le moyen des eaux souterraines, ne sauraient invoquer cet argument pour les gisements bitumineux de l’Albanie. Je ne crois pas cette théorie mieux fondée pour les autres contrées où l’on a constaté le dégagement du gaz inflammable, avec ou sans le cortège des salses et du pétrole. Si celui-ci es¬ corte, dans le plus grand nombre de cas, le sel gemme, cette circonstance n’offre rien de plus extraordinaire que la concen¬ tration du soufre dans les terrains tertiaires. Il existe, comme on le sait, plusieurs époques de pétrole, comme il existe plu¬ sieurs époques de gypse, de sel et de combustibles fossiles. Si, pour la première substance, les dates du terrain dévonien et de l’éocène supérieur marquent les phases les plus brillantes de son histoire, l’observation a démontré cependant que les autres formations n’en sont pas totalement dépourvues, et nous en (1) M. Bianconi s’exprime ainsi dans son travail déjà cité, p. 165 : « Si, « pénétrant à travers les fissures des terrains qui entourent la masse saline, « une veine d’eau parvient à l'atteindre et à en dissoudre une partie, il se « dégagera du gaz inflammable qui, à cause de sa légèreté, tendra à monter « à travers les fissures des couches stériles qui se trouvent au-dessus, et ce « gaz, arrivé à la superficie du sol, ou se dissipera sans qu’on l’aperçoive « ( inosservato ) dans l’atmosphère, ou bien il bouillonnera à travers les « eaux des ruisseaux et des étangs, ou bien il prendra feu en se mêlant « avec l’air atmosphérique, au voisinage d’une torche enflammée, ou par « l’effet de la foudre. » L’origine du gaz hydrogène une fois trouvée , les phénomènes des volcans ardents, des volcans de boue et des salses ne sont plus que les conséquences immédiates et variées de son dégagement. 58 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. avons pour preuve les gisements mêmes de Sélenitza. Dans les Provinces Danubiennes, où le pétrole est abondant comparati¬ vement aux dépôts de sel gemme, nous n’avons jamais constaté que ce dernier fût décrépitant. Quant à l’emprisonnement du gaz inflammable dans la va¬ riété du sel décrépitant de Yielizka, d’Agrigente, il est facile à comprendre, puisque nous savons que ces gisements sont im¬ prégnés de pétrole, et que dès lors il n’est pas étonnant qu’une partie du gaz hydrogène carboné qui se dégageait lors de l’ar¬ rivée du naphte ait été emmagasinée dans le sel gemme au moment même de sa cristallisation; c’est même la seule ex¬ plication plausible qu’on puisse donner. On sait également qu’en Sicile comme en Gallicie les sels contiennent souvent du pétrole liquide. Attribuer, par conséquent, au gaz inflam¬ mable enfermé dans le sel gemme l’origine première des phé¬ nomènes pétroliens, c’est, à notre avis, prendre l’effet pour la cause. Pour que cette explication, que nous repoussons, fût vraie , il faudrait pouvoir démontrer d’abord l’existence de bancs de sel gemme dans toute l’étendue de la formation au-dessus de laquelle on observe le jeu varié des émanations gazeuses, et on parviendra difficilement à fournir cette démonstration ; démon¬ trer ensuite que le sel décrépitant compose la plus grande partie de ces dépôts de sel gemme, pour fournir la quantité énorme de gaz inflammable qui puisse suffire aux dégage¬ ments gazeux proprement dits ainsi qu’à la formation du pé¬ trole en vertu de la pression et de la liquéfaction du gaz hydro¬ gène carboné, comme cela est proposé; or, on sait que le sel décrépitant ne constitue guère qu’une curiosité minéralogique, tant il est rare. Quant à sa dissolution constante par l’eau, il est encore plus difficile de l’admettre ; on sait le peu d’action que les eaux ont sur les sels en roche, même exposés au contact de l’air extérieur, et la rareté des sources salées, soit dans les chantiers exploités, soit dans le voisinage des dépôts salifères. Ce n’est jamais à ces derniers que le gaz hydrogène carboné emprunte le sel qu’il amène, en quantités toujours insignifian¬ tes, dans les cratères des salses, mais bien à celui qui imprè¬ gne les argiles bleues en particules invisibles. Je ne saurais abandonner ce sujet intéressant sans examiner les rapprochements qu’il est possible d’établir entre les bitumes de la mer Morte et ceux de l’Albanie. Malheureusement pour cette dernière contrée, malgré les précieux renseignements dont NOTE dp: m. coquand. 59 M. Louis Lartet vient tout récemment d’enrichir la science (1), il existe, à ce qu’il paraît, de si grandes difficultés pour procé¬ der à des observations directes, que, dans le plus grand nom¬ bre de cas, on est obligé de recourir à des conjectures plus ou moins hasardées, pour suppléer à l’insuffisance des premières. Quant à l’opinion émise par ce savant géologue qui pense que l’arrivée du bitume au milieu de la mer Morte, sur son rivage occidental et sur le long de ce bassin, se rattache à l’existence de sources thermales, salées et bitumineuses, lesquelles durent être en rapport avec les phénomènes volcaniques, aujourd’hui éteints, de cette contrée, il nous semble qu’elle ne résulte en aucune façon des faits produits, et qu’elle devrait recevoir une interprétation toute différente, puisqu’elle s’appuie sur des phénomènes identiques avec ceux que nous ont présentés les bords de la Vojutza. On doit reléguer au nombre des exagérations permises au temps où écrivait Strabon l’histoire de ces tremblements de terre, de ces rivières bouillantes, de ces rochers enflammés dont leur imagination poétique se plaisait à orner leurs des¬ criptions, et qu’ils ont répétées à propos des gisements inno¬ cents de l’Albanie. Quoi de plus naturel que de rencontrer des roches qui distillent de la poix, dans un pays brûlé par le so¬ leil, où les roches sont remplies de cette substance, ainsi que cela arrive à Rompzi et dans les calcaires asphaltifères de Ra- guza, en Sicile, que d’observer des dégagements de bulles de gaz qui viennent crever à la surface des eaux, et l’arrivée de masses d’asphalte au milieu de la mer Morte, dans une région essentiellement bituminifère comme la Judée, lorsque la ri¬ vière de la Vojutza et le marais de Ghieri, dans l’île de Zante, offrent les mêmes particularités, sur une échelle moindre à coup sûr, parce que des flaques d’eau n’ont pas l’étendue d’une mer Morte, et lorsque nous savons que l’eau est un élément néces¬ saire pour que les bitumes liquides, tels que le naphte, le pé¬ trole ou le pissasphalte puissent être ramenés de leurs gise¬ ments souterrains à l’extérieur, par l’intermédiaire du gaz hydrogène carboné? Nous l’avons vu, toutes ces manœuvres , toutes ces évolutions s’opèrent à froid, sans secousses, sans tremblements de terre, sans sources thermales, en dehors des (1) Louis Lartet, Sur les gisements bitumineux de la Judée, et sur le mode d’arrivée de l’asphalte au milieu de la mer Morte {Bull. Soc. géol.,t. XXIV, p. 12). 60 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. terrains entaillés et de toute roche volcanique. Un chargement de pétrole d’Amérique répandu dans le sol, à une certaine pro¬ fondeur, et livré à lui-même, créerait les mêmes miracles. Que le volcan de pissasphalte de Rompzi établisse son siège au-des¬ sous de la mer Morte, au lieu de déverser ses produits dans le lit de l’ancien Aous, et l’on verra immédiatement surnager à la surface de cette mer, sous forme d’îles flottantes que de temps en temps on voit apparaître au-dessus du lac Asphaltite , les asphaltes que la moindre densité des eaux douces oblige au¬ jourd’hui de gagner le fond. Que des tremblements de terre, aux atteintes desquels au¬ cune contrée du monde n’échappe, viennent de loin en loin troubler le jeu pacifique des volcans ardents, et qu’à la suite de ces tremblements on voie flotter sur la mer Morte une masse d’asphalte que la secousse aura détachée du fond, tout cela va de soi. Des personnes sérieuses n’ont-elles pas tenté d’attribuer les tremblements de terre qui désolent si souvent les îles Ioniennes aux sources de pétrole de Zante qui produisent à peine deux tonnes d’huile minérale par an, dont l’emplacement n’a été soumis à aucun changement depuis le temps où Héro¬ dote les a décrites et dans lesquelles le gaz hydrogène carboné a de la peine à crever l’enveloppe qui l’emprisonne ? Nous met¬ trons incessamment l’insignifiance de ces sources en regard de l’importance qu’on a voulu leur donner et qui ne tendrait à rien moins qu’à attribuer aux bitumes le premier rôle dans les éruptions du Vésuve et de l’Etna, exactement comme le proclamait la vieille école. Je comprends à la rigueur que l’on pût recourir à des con¬ jectures plus ou moins acceptables, si le bitume de la mer Morte n’existait que dans le fond du lac. MaisM. Louis Lartet nous apprend : 1° que, dans la vallée de Wadi Mahawat, M. Tristam avait découvert un gîte asphaltique important, que le bitume y imprégnait fortement les calcaires crétacés et qu’il découlait même des fissures en retombant parfois sous forme de vérita¬ bles stalactites ; 2° qu’à Nebi Musa des calcaires crayeux ont été transformés en calcaires bitumineux, tantôt bruns comme dans l’anti-Liban, souvent d’un beau noir, et qui contiennent jusqu’à 25 pour cent de bitume ; 3° qu’à Hasbaya, au lieu dit le Puits de bitume, on a tenté, au temps de l’occupation égyp¬ tienne, l’exploitation régulière de l’asphalte, au moyen d’une vingtaine de puits à travers des calcaires bitumineux; que le docteur Anderson y trouva, dans l’année 1848, dix ouvriers NOTE DE M. COQUAND. 61 occupés à ce travail, mais que déjà, à cette époque, les béné¬ fices compensaient à peine les frais d’extraction; 4° que les gisements de bitume sont en connexion avec des sels et avec des gypses. Qui ne voit dans cette énumération de ces diverses circon¬ stances la répétition de tous les accidents que présentent les gi¬ sements bituminifèresetpétrolifères d’Europe mieux étudiés que ceux de la mer Morte, par la raison qu’ils sont plus accessibles et exploités? Gomment concevoir que des calcaires compactes se soient laissé pénétrer dans toute leur épaisseur par du bi¬ tume amené postérieurement à leur consolidation, lorsque au¬ jourd’hui les dalles calcaires des bassins dans lesquels on em¬ magasine les pétroles dans la Yalachie sont à peine recouvertes d’une patine de cette substance après plus de vingt années de contact permanent ? Hitchcock me paraît avoir sainement interprété les faits, quand il avoue qu’il ne pouvait comprendre que la formation du calcaire qui renfermait 25 pour 100 de bitume se fût effec¬ tuée autrement que par un dépôt opéré au fond d’une masse d’eau riche en calcaire et en bitume liquide. C’était reconnaî¬ tre et proclamer la contemporanéité de la roche avec les élé¬ ments bitumineux qui entraient dans sa composition, ainsi que cela résulte d’ailleurs si clairement de l’étude de tous les gise¬ ments asphaltiques connus. Les recherches du bitume d’Has- baya au moyen de puits indiquent également qu’il ne s’agissait pas d’exploiter une source qui aurait dû couler toujours, mais bien de soutirer au terrain la quantité de pétrole qu’il avait reçue au moment même de sa formation, conjecture que l’ap¬ pauvrissement successif du gîte a parfaitement justifiée. On n’en agit pas différemment aujourd’hui dans les Garpathes et dans l’Amérique du Nord, et l’on sait que les portions de ter¬ rain une fois fouillées sont épuisées à jamais, exactement comme dans les mines de houille, ce qui explique la stérilité des puits après quelques années de service. J’opposerai aux idées de M. Lartet, qui rattache l’arrivée de bitume dans la mer Morte à ^existence de sources thermales, salines et bitumineuses, que les sources thermales dont il in¬ voque l’intervention se réduisent à une seule que M. Hédard a mentionnée dans les environs de Tibériade, émergeant d’un calcaire bitumineux, mais n’amenant elle-même aucune quan¬ tité de bitume, que les sources bitumineuses n’existent réelle¬ ment que par hypothèse, et qu’enfin les sources salées et bro- 62 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. mifères sont produites par le lessivage de terres salées, que l’on rencontre à chaque pas dans les formations géologiques qui dominent la mer Morte, il en est ainsi des sources salées bro- mifères que l’on voit sortir directement dans les Garpathes du centre même des amas de sel gemme et dont j "ai eu l’occasion de citer plusieurs exemples. La présence du brome dans les sels en roche que l’on sait avoir été formés par le chlorure de sodium, tenu en dissolution dans les anciens océans, n’a rien de plus extraordinaire que la présence de ce même brome dans les eaux des mers actuelles; c’est même, à notre senti¬ ment, le seul moyen plausible d’expliquer l’existence de cette substance dans presque tous les gisements de sel gemme, qu’ils appartiennent aux marnes irisées ou bien à des formations plus récentes. En définitive, on voit que les choses se passant en Judée comme dans la Roumanie et dans l’Albanie, il est inu¬ tile de recourir à l’intervention d’agents volcaniques que l’en¬ semble des faits repousse et qui d’ailleurs n’existent pas. Nous dirons, en terminant notre chapitre sur les gisements de la Vojutza, que le terrain bituminifère fait partie de l’étage subapennin ou pliocène et que le bitume s’y présente sous deux états, sous celui de maltbe ou bitume solide et sous celui de pissasphalte ou de bitume glutineux, que ces deux variétés sont contemporaines des couches qui les recèlent, que le pis¬ sasphalte, qui conserve encore de l’huile de naphte à laquelle il doit sa fluidité, est susceptible de produire spontanément du gaz inflammable, et, par conséquent, de donner naissance à des volcans d’air et à des volcans ardents, et qu’enfm le bitume de Judée, au contraire, qui n’est autre chose que du pissasphalte réduit en une matière solide et inerte, représente le pétrole dans sa période d’épuisement complet et incapable de pro¬ duire les phénomènes ci-dessus indiqués. § 4. — Ile de Z ante. Hérodote, comme on le sait, a fait mention des pétroles de î’île de Zante; voici dans quels termes il les décrit (1) : « L’île « de Zacynthe renferme plusieurs lacs ; le plus grand a 70 pieds « en tous sens, sur 12 de profondeur. On enfonce dans ce lac « une perche, à l’extrémité de laquelle est attachée une branche « de myrte ; on retire ensuite cette branche avec de la poix qui (1) Hérodote, liv. îv, § 195. NOTE DE M. GOQUAND. 63 c( a l’odeur du bitume. On jette cette poix dans une fosse creu- « sée près du lac, et, quand on y en a amassé une quantité con- « sidérable, on la retire de la fosse pour la mettre dans les « amphores. Tout ce qui tombe dans le lac passe sous terre et n reparaît quelque temps après dans la mer, quoiqu’elle soit « éloignée du lac d’environ quatre stades (720 mètres). » Mon séjour prolongé dans l’Albanie et dans l’île de Corfou m’avait initié suffisamment à la géologie des îles Ioniennes, et les études faites postérieurement dans les îles de Fanô, de Mer- lera, de Paxos et de Céphalonie ne m’avaient montré, au-dessus de l’étage nummulitique, que les marnes subapennines. Les travaux que M. Strickland (1) a publiés sur l’île de Zante, et dont nous avons eu l’occasion de vérifier toute l’exactitude, nous dispenseront d’entrer dans des détails de description étendus; aussi nous bornerons-nous à rappeler que l’étage pliocène s’y montre composé de trois termes dont l’inférieur consiste en des amas gypseux, régulièrement stratifiés, au nombre de huit, mesurant plus de 100 mètres, et que l’on passe successivement en revue, près et au sud de la ville de Zante, sur le chemin qui conduit au couvent du mont Scopo ; le moyen consiste en des marnes blanches, dont on peut observer un su¬ perbe développement au-dessous de la citadelle, contenant les mêmes fossiles que dans les environs d’Avlona, et le supérieur en des poudingues et des grès calcaréo-sableux jaunes, passant à une mollasse coquillière, et occupant la position de la pan- china de la Toscane dont il contient également les fossiles, et en plus grande abondance la Janira Jacobœa , surtout dans les falaises de Crionéro. Je suis moins affirmatif sur l’âge d’un sys¬ tème de couches avec Hyales et Cléodores, que l’on remarque au-dessous des gypses, qui se compose d’un calcaire jaunâtre, à grain uni et mat, et qui, dans la commune de Ghieri, où il acquiert un très-grand développement, alterne avec des argiles de couleur cendrée et semble passer, par gradation ménagée, aux calcaires nummulitiques. Ce système, placé incontestable¬ ment au-dessous des argiles pétrolifères, est-il miocène, est-il la continuation de l’étage pliocène, ou bien représente-t-il l’éo- cène supérieur qui, dans d’autres contrées, aurait pour équi¬ valent les bancs àfucoïdes? Voilà ce qu’il ne m’a pas été pos¬ sible d’établir, les fossiles étant excessivement rares, et ceux que j’ai recueillis ne pouvant me fournir aucun éclaircissement (1) Strick and, Transactions of the geol. Soc. of London , vol. V. 64 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. à cet égard. J’ignore également sur quels points M. Virlet (1) aura observé les collines de calcaires schisteux et bitumineux de la formation crayeuse dont ce savant fait mention dans le voisinage du marais pétrolifère. Je ne connais dans l’île de Zante d’autre terrain de craie que le calcaire à hippurites, et je puis affirmer qu’au-dessus de ce niveau on ne rencontre que les calcaires à Nummulites, le calcaire jaune à Gléodores et les divers membres de l’étage pliocène qui ont été déjà mentionnés. Les assises à Cléodores affleurent, dans la montagne de Scopo, au voisinage de la source qui alimente les fontaines de Zante ; mais, dans cette région, les couches sont tellement tourmen¬ tées et dénivelées par des failles, qu’on se fait difficilement une idée nette de l’ordre dans lequel elles se succèdent. Le Scopo doit sa structure étalée en éventail et son altitude (396 mètres) aux dislocations dont il a été le théâtre. Le rocher qui le surmonte et qui se fait remarquer de loin par la hardiesse de sa forme pyramidale, est composé de calcaires blancs avec Sphœrulites Sauvagesi, et il semble s’échapper, comme un dyke plutonique, de dessous le terrain gypseux qui en enveloppe complètement la base et vient buter contre lui par faille. Nous avons vu que, dans les environs d’Avlona, les amas gypseux étaient noyés au milieu des argiles ; à Zante, au contraire, ils y alternent avec elles, et de plus on observe, au-dessus du der¬ nier amas, un calcaire noir, fétide, qui renferme par places des Paludines de grande taille. Sous le mont Scopo, le calcaire fétide est accompagné d’encroûtements de calcaire cloisonné qui rappellent d’une manière frappante les cargneules keupé- riennes; mais, en dehors de tout autre ordre de faits, il suffit de constater au-dessous l’existence des hippurites, pour être fixé sur leur origine tertiaire. Ces détails sont suffisants pour l’histoire des gisements pétro¬ lifères de Zante, où nous nous rendîmes en traversant la plaine occupée par les argiles bleues, que nous n’abandonnâmes que près du village de Latakia, où nous mîmes le pied sur la grande chaîne montagneuse qui, depuis le cap Skinari, au nord, jusqu’à celui de Chieri au sud, traverse l’île dans toute sa longueur, et sur laquelle viennent s’appuyer les terrains tertiaires. Ces der¬ niers, de consistance friable, sont recouverts de vignes et d’o¬ liviers, tandis que les calcaires blancs à hippurites et à Num- (1) Virlet, Sur les sources et mines d’asphalte ou bitume minéral de l’île de Zante. Bull. Soc. géol ., lre sér., t. IV, p. 203. NOTE DE M. COQUAND. 65 mulites se font remarquer par leur stérilité et l’âpreté de leurs pentes.] A Latakia nous suivîmes une route muletière qui nous fit traverser une série de coteaux ondulés, occupés alternative¬ ment par les calcaires à Hyales B (fig. 11) et parles calcaires Fig. 11. Marais. nummulitiques A. Dans le quartier de Sténa nous longeâmes, pendant plus d’un kilomètre, une faille qui avait redressé presque verticalement les bancs nummulitiques, tandis que la panchina venait buter contre ces derniers, en ne conservant qu’une inclinaison de 18 à 20°. Nous atteignîmes ensuite par un abrupte que le sentier traverse par un lacet en zigzag, un vallon étroit du fond duquel, sous un rocher taillé à pic, coulait une source dite l’Abysso. Ce nom lui vient de son réservoir toujours plein, que les habitants du pays assurent sérieusement être sans fond, et dans lequel s’emmagasinent les eaux qu’y amènent les calcaires argilifères à Cléodores qui prennent sur ce point un grand développement. On les voit recouverts, immédiate¬ ment au-dessus du gouffre, par des bancs épais de poudingues et de conglomérats par lesquels débute la panchina. Mais c’est en remontant de l’Abysso jusqu’à Chieri, et en descendant de Chieri jusqu’aux falaises inabordables de Bétika, qu’on peut saisir plus nettement les rapports qui existent d’un côté entre les calcaires à Cléodores et les calcaires nummulitiques, et d’un autre, entre ceux-ci et les calcaires à hippurites. Il me paraît fort difficile, ainsi que je l’ai déjà dit, de rattacher les pre¬ miers à l’étage pliocène, ce qui, dans ce cas, formerait à son bénéfice un quatrième terme inférieur aux gypses, tandis que sa liaison, on pourrait même dire son alternance avec des bancs Soc. géol.} 2e série, tome XXV. 5 00 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. pétris deNummulites, tend plutôt à les faire considérer comme un membre de l’étage éocène, sinon comme un étage indépen¬ dant. Cette question, au surplus, qui a son intérêt au point de vue de la géologie pure, ne touche pas à celle du pétrole dont le gisement propre est dans les argiles bleues C, donc dans l’é¬ tage pliocène, exactement comme dans la vallée de la Vojutza. Le lac décrit par Hérodote se trouve dans la commune de Chieri, en face même de l’îlotde Maratonisi, et pendant l’été il se transforme en un marais rempli de roseaux dont l’écoule¬ ment des eaux dans la mer à laquelle il confine s’opère par deux petits canaux que l’on traverse sur des ponts en pierre sur la côte même. Ce marais est dirigé de l’ouest à l’est, et il peut avoir 1,600 mètres de long sur 800 de large, donc une super¬ ficie de 1,280,000 mètres carrés. Le diagramme dessiné dans la fig. 11 indique sa position par rapport aux roches encaissantes, et montre suffisamment sa subordination aux argiles bleues C qui le dominent vers le nord. Ajoutons de suite, à l’appui de cette opinion, que la sonde, jusqu’à une profondeur de 300 pieds anglais, n’a traversé que des argiles bleues. Les gisements de pétrole sont concentrés dans cette petite plaine marécageuse; du moins les indices apparents de cette substance ne se montrent jamais au delà de ce périmètre, mais ils se trahissent, sous forme de pellicules irisées, à la surface des eaux stagnantes qui remplissent les fossés d’assainissement. 11 n’existe point de sources proprement dites. Quant à celles décrites par Hérodote, elles consistent aujourd’hui en deux puits de 1 mètre 50 centimètres de diamètre et d’un mètre de profondeur environ, que l’on a isolés du marais au moyen d’une margelle en pierre et dans lesquels une eau claire et limpide arrive jusqu’au niveau môme de la plaine. Ces espèces de ré¬ servoirs sont traversés par de nombreuses bulles de gaz qui viennent crever à la surface et dont l’enveloppe est recouverte d’une pellicule de pétrole liquide qui se mêle avec l’eau des puits; la partie la plus légère, le naphte, surnage, tandis que le goudron, plus lourd, gagne le fond, où il constitue des dépôts de pissasphalte de couleur noirâtre et de consistance visqueuse. 11 arrive que, lorsque ces dépôts acquièrent une épaisseur assez considérable, le gaz hydrogène carboné n’a plus la force suffisante pour les traverser. Il s’accumule alors sous le gâteau qui l’opprime, le soulève en forme de vessie et finit par le cre¬ ver, lorsque sa tension est supérieure à la résistance qui s’op- 67 NOTE DE M. COQUAND. posait à sa sortie. On voit souvent aussi ce gaz former sur les parois du gâteau glutineux des agglomérations de bulles qu ont du pissasphalte pour enveloppe, de la grosseur du poing, au nombre de 8 à 10 et ressemblant alors à un paquet de poires en caoutchouc, ou mieux à une grappe de biscaïens. La taille prodigieuse de ces ampoules qui ne sont nullement pressées de crever et leur persistance à se maintenir gonflées à l’instar de ballons captifs tiennent à l’épaisseur ainsi qu’à la nature visqueuse de leurs parois. Lorsqu’on juge le puisard rempli d’une quantité suffisante de matière goudronneuse, on la transvase, comme du temps d’Homère, au moyen de branches d’arbustes garnies de leurs feuilles, et on la reçoit dans des tonneaux en bois. C’est, comme on le voit, un procédé primitif et barbare, mais qui est encore le plus économique et le seul praticable, industriellement par¬ lant, dans une production qui ne peut pas dépasser deux tonnes par an, si elle les atteint toutefois, et qui a le grand inconvé¬ nient de s’attacher à une matière que protègent doublement sa position au-dessous d’une nappe d’eau marécageuse et le prix élevé des travaux souterrains qu’il faudrait entreprendre pour parvenir jusqu’aux couches pétrolifères. Un gisement aussi circonscrit et aussi peu fécond serait négligé et passerait in¬ aperçu en Valachie. Il ne fallait pas beaucoup d’efforts d’intelligence pour recon¬ naître que le pissasphalte de Chieri était amené à la surface du marais par un jeu analogue à celui qui amenait le pissasphalte de Rompzi dans les eaux delà Vojutza; c’étaient bien le même mécanisme, le même terrain et le même gaz, à cette différence près que le fleuve, à cause de l’inconstance de son cours, dé¬ truisait chaque année son ouvrage, en le déplaçant, tandis que dans l’île de Zante on n’avait point à lutter contre des eaux vagabondes, et que l’on pouvait compter sur la permanence des puits à travers lesquels le courant gazeux était établi, et par conséquent sur une récolte de poix qu’aucune inondation ni aucun changement de lit ne pouvaient compromettre. A côté et un peu à l’est du sondage principal dont nous par¬ lerons bientôt, il existe dans les marais, mais un peu au-des¬ sus des eaux stagnantes, une source vive que l’on a forcée d’entrer dans une conque peu profonde entourée d’un mur, et dont le trop-plein, qui s’échappe par une rigole, se disperse dans les fossés voisins, Cette source amène du pétrole, et voici de quelle manière. Du fond de la conque il s’élève, à chaque 68 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. seconde, des bulles semblables à des lentilles et dont les plus volumineuses atteignent rarement la grosseur d'un pois. Chaque lentille, au moment de sa sortie, devient le centre d’une grande tache opaline ressemblant au disque gélatineux d’une méduse de mer, qui tend à s’épandre à l’infini, comme une goutte d’huile sur de l’eau. Cette tache est formée par le naphte qui, en vertu de sa plus grande légèreté, est le premier à se séparer de la bulle qui l’a ramené de la profondeur du sol. Immédia¬ tement après, on voit se détacher de la lentille, sous forme de rayons capillaires, ressemblant aux étincelles qui partent des pièces d’artifice connues sous le nom de soleils, une substance brunâtre de couleur café, et qui est du pétrole chargé de bi¬ tume. Ces rayons forment ainsi une auréole laciniée autour de la lentille, laquelle, une fois dépouillée de ses produits bitumi¬ neux, finit par crever, en donnant naissance à un vide circu¬ laire occupé par de l’eau pure. Ces espèces d’îles flottantes, ainsi composées de trois parties distinctes concentriques, suivent la direction du courant, et conservent leurs formes symétriques jusqu’au moment où elles atteignent la rigole qui les conduit dans le marais. Rien n’est attachant comme d’assister à la création de ces petites mer¬ veilles dont le diamètre varie de 3 à 5 centimètres, et dont chaque orbe présente une teinte différente, mais du plus ra¬ vissant effet; mais, une fois arrivées dans le marais, elles sont retenues par les roseaux et elles couvrent la surface des eaux tranquilles d’une pellicule qui présente mille dessins variés re¬ produisant les dispositions bizarres de certains marbres ruini- formes. Ce pissasphalte, débarrassé de son naphte, le dépose au fond des eaux. Voilà en peu de lignes l’histoire complète des fameuses sour¬ ces pétrolifères de l’île de Zante : quelques bulles de gaz in¬ flammable amenant au jour une quantité insignifiante de pé¬ trole, la partie goudronneuse se précipitant au fond du marais, et les huiles légères transportées par les canaux de dessèche¬ ment dans la mer, qui dans les temps calmes se montre cou¬ verte d’une pellicule irisée. Cette histoire, en deux mots, com¬ prend une série d’opérations qui n’ont que de la surface et point de profondeur. J’ai remarqué en outre sur les terres sèches du marais quelques efflorescences de sel marin. M. Williams, directeur du sondage, m’a assuré en avoir observé quelques croûtes dans les chaudières que l’eau du marais alimentait. Comme le lac de Chieri est visité quelquefois par la mer à la NOTE DE M. COQUAND. 69 suite de grandes tempêtes, je ne saurais affirmer si le chlorure de sodium appartient plutôt au sel que pourraient contenir les argiles bleues qu’à la salure accidentelle opérée par l’interven¬ tion des eaux de l’Adriatique. Je dois faire remarquer que les habitants du voisinage ne boivent point d’autre eau, et que pour mon propre compte je ne lui ai point trouvé la saveur du sel. J’ai constaté le 12 septembre que la température de l’eau de la source au sud du sondage principal était de 14°, 20, et celle de l’air de 25° à l’ombre. A l’époque où la fièvre du pétrole s’était emparée de tous les esprits, l’île de Zante ne pouvait échapper à l’attention des spé¬ culateurs. 11 s’est formé une société pour l’exploitation de ses huiles minérales, et ce marais a été exploité au moyen de deux sondages. Le premier a été poussé jusqu’à la profondeur de 300 pieds anglais (150 m. environ) et a atteint la nappe pétroli¬ fère à 145 pieds (48 m.). La production a été dans les débuts d’en¬ viron une demi-tonne par jour; mais, comme cette quantité allait en diminuant progressivement, on s’est décidé à rechercher de nouvelles sources. A l’époque de ma visite, le sondage était parvenu à la profondeur de 150 mètres, sans être jamais sorti des argiles bleues. Mais au moment de l’interruption des tra¬ vaux le trépan avait eu à lutter contre un calcaire noir, dur, fétide, qui ne peut être que celui que nous avons mentionné à la partie supérieure des dépôts gypseux. C’est le seul calcaire noir qui soit connu dans l’île. Cette rencontre fixerait donc nettement la position des argiles pétrolifères qui sont bien réellement pliocènes, comme dans la vallée de la Yojutza. Le sondage n° 2, placé de l’autre côté du marais et au nord du premier, a été poussé jusqu’à la profondeur de 70 pieds (21 mètres), où il a saigné un niveau pétrolifère qui a fourni 5,000 litres d’huile minérale dans l’intervalle de sept heures. Après, il s’est montré complètement stérile, et on l’a aban¬ donné. Aljoutons que les deux sondages ont leur emplacement au miieu même des puits anciens. L’idée qui a dirigé les exploitants dans le genre de travaux qu’ils ont adopté reposait sur l’espérance de rencontrer des sources jaillissantes ou des réservoirs de pétrole aussi abon¬ dants qu’en Amérique; mais on a vu que les résultats n’ont guère concordé avec les données théoriques. En effet, si l’on admet que le pétrole est, dans l’île de Zante, contemporain des couches qui le recèlent, comme cela est démontré pour les pé- 70 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. troles de la Valachie, et comme les sondages dans le marais de Chieri semblent le confirmer à leur tour, puisque le seul niveau pétrolifère traversé s’est appauvri après un drainage de quelques jours, il existe peu de chances de rencontrer à une plus grande profondeur des réservoirs assez abondants pour que leurs produits puissent racheter les travaux coûteux du sondage. D’un autre côté, en se plaçant dans le marais même, il n’était pas possible d’échapper à l’envahissement des eaux, et les puits forés pouvaient seuls, à cause de cet inconvénient, être mis en usage. Parce que le pétrole a manifesté sa présence seulement dans la plaine marécageuse, on a cru qu’il ne de vait exister qu’au-dessous des points d’où il provenait, sans ré¬ fléchir que sans le concours de l’eau cette substance ne peut guère arriver à l’état liquide à la surface du sol. Il y aurait donc lieu à étudier la question sous une autre face et à adopter de préférence le système valaque pour des gisements qui sont identiques avec ceux de la Valachie; mais cette question tom¬ bant dans le domaine des applications industrielles ne peut point trouver sa place ici. Les huiles minérales de Chieri sont très-lourdes et de qua¬ lité inférieure. Elles se composent en grande partie de poix li¬ quide et d’une certaine quantité de pétrole verdâtre qui se trouve mêlée au pissasphalte et qui surnage. On est donc obligé, pour obtenir la qualité marchande, d’introduire les produits extraits dans un tonneau où ils se décantent d’eux-mêmes. La poix, plus lourde, remplit le fond du tonneau, et par le moyen d’un robinet placé à une hauteur convenable on soutire les parties les plus légères qui flottent à la surface. Mais on a re¬ marqué qu’elles retiennent une certaine quantité d’eau dont on ne peut pas se débarrasser, et qui gêne beaucoup dans l’œuvre de la distillation. 11 ne sera pas difficile de s’expliquer l’infériorité relative des pétroles de Chieri et leur grande teneur en goudron, si on réflé¬ chit que, depuis des siècles dont il est difficile de fixer le nom¬ bre, le dégagement continuel de gaz inflammable, qu’accompa¬ gne une expulsion correspondante de naphte, a pour résultat inévitable de les dépouiller de leurs principes les plus légers, et de les faire passer insensiblement à l’état de pissasphalte; et il est rationnel de conjecturer que cette distillation spontanée amènera dans un temps plus ou moins reculé leur appauvris¬ sement graduel et, enfin, leur épuisement complet, après le¬ quel ils finiront par se transformer, dans le sein delà terre, en NOTE DE M. COQUAND. 71 bitume solide, ainsi que cela s’est déjà accompli pour les gise¬ ments de la mer Morte et de Sélenitza. L’emploi de la poix minérale deZante a reçu jusqu’ici des applications bien limitées, limitées presque autant que sa pro¬ duction. La compagnie du Lloyd Autrichien a tenté de la sub¬ stituer au brai pour le calfatage de ses navires, mais elle a dû la rejeter à cause de l’état de ramollissement permanent dans lequel la maintenait la quantité de pétrole qu’elle retenait en¬ core. Son usage le plus fréquent consiste à préserver les vignes et les arbres des attaques des insectes, et pour cela on entoure ces végétaux d’un cercle de cette poix dans laquelle les insectes viennent s’engluer. Enfin, on s’en sert comme huile lubri¬ fiante. Je n’ai point à reproduire ici les diverses opinions que l’on a mises en avant sur l’origine probable des pétroles, origine sur laquelle on discutera longtemps encore. Il a suffi, pour la théo¬ rie que j’ai développée dans mon précédent travail, de démon¬ trer que les pétroles sont contemporains des terrains qui les contiennent, et qu’on ne saurait leur reconnaître une origine volcanique. Je suis heureux de voir M. Sterry-Hunt (1) embras¬ ser mon opinion relativement aux pétroles d’Amérique qu’il considère à son tour comme étant contemporains des terrains paléozoïques dans lesquels on les exploite. Le seul point sur le¬ quel nous différons, et qui ne touche pas d’ailleurs à la ques¬ tion géologique proprement dite, est relatif à l’origine du pétrole que le savant américain attribue à une transformation particu¬ lière de matières organiques, lesquelles, sous l’influence de certaines conditions, auraient eu la propriété de se convertir en houille ou en toute autre substance charbonneuse, ou bien en hydrocarbures liquides, tels que le pétrole. L’accumulation de grandes quantités de matières végétales, comme cela a lieu de nos jours au milieu de l’Atlantique, a dû se reproduire dans les temps anciens, et ce serait là, suivant M. Sterry-Hunt, la cause de la formation des huiles minérales dans les terrains dévoniens de la Pennsylvanie et du Canada. Cette théorie est sé¬ duisante, au premier aspect, parce qu’elle a l’avantage de rat¬ tacher directement les pétroles à la classe des combustibles fossiles dont l’origine organique ne saurait être contestée au¬ jourd’hui; mais elle me semble incompatible avec les faits ob- (1) Sterry-Hunt, Sur les pétroles de l’Amérique du Nord. {Bull, Soc géol., t. XXIV, p. 570.) 72 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. servés. En effet, on comprend difficilement comment des amas de végétaux auraient pu se transformer complètement en une substance liquide sans laisser aucune trace du squelette des plantes, surtout si on réfléchit que le bois est composé de 50 pour 100 de carbone et de 6,50 d’hydrogène seulement, et que Reichenbach n’a pu parvenir à retirer par la distillation de la bouille que deux onces de pétrole par quintal. 11 devrait donc se trouver dans tous les terrains pétrolifères des résidus char¬ bonneux, après la combinaison opérée des 6,50 d’hydrogène avec la quantité correspondante de carbone pour constituer du pétrole; or, dans les Principautés danubiennes, dans l’Albanie et dans l’Amérique du Nord, on n’a jamais cité, que je sache, des couches de charbon concomitantes des dépôts pétroliens. De plus, il resterait toujours à expliquer, d’après ces idées, la dissémination des substances bitumineuses dans les roches plutoniques, ainsi que leur présence au milieu de filons métal¬ lifères qui n’ont rien de commun avec les phénomènes d’ori¬ gine neptunienne. Cette théorie reproduit à peu près celle du Dr Nugent (1) qui attribue à une cause semblable l’origine du grand lac de poix de la Trinitad. Suivant ce géologue, «l’Orénoque a, pendant des « siècles, porté d’immenses quantités de bois et d’autres végé- « taux à la mer environnante, où, par l’influence des courants c( et des remous, ces corps ont pu être arrêtés et accumulés en c( certains points. La fréquence des tremblements de terre et « diverses autres indications de l’action volcanique dans ces ré- « gîons viennent à l’appui de l’opinion qui tend à admettre que « ces substances végétales ont subi, par l’effet du feu souter- « rain, les transformations et altérations chimiques qui déter- « minent la production du pétrole. » Une particularité saillante, et qui distingue franchement les dépôts pétrolifères du bassin carpatho-caucasien et de l’Alba¬ nie de ceux de l’Amérique du Nord, consiste en ce que dans ceux-ci le pétrole est ordinairement accumulé dans des réser¬ voirs le plus souvent verticaux, qui sont en connexion évidente avec les axes anticlinaux des chaînes montagneuses, et que les portions horizontales d’un terrain oléifère ne fournissent que de petites quantités de pétrole, tandis que dans les Principau¬ tés danubiennes, c’est justement dans les terrains bien réglés et dont les couches se rapprochent de l’horizontale, et jamais (1) Lyell, Principes de géologie , t. II, p. 146. NOTE DE M. COQUÂND. 73 dans les points, disloqués que l’on établit les puits de recher¬ ches. Dans les Carpathes, l’huile minérale est, comme on le sait, emprisonnée dans une argile tenace, et il convient de la diriger dans des puits très-rapprochés les uns desautres, etdanslesquels on n’a pas à redouter l’envahissement des sources impétueuses ou de gaz inflammable qui mettent sérieusement en danger la vie des ouvriers. C’est la raison qui, outre la pauvreté relative des gisements, a fait renoncer au système coûteux des forages, dont les frais n’auraient jamais pu être couverts par les produits. Les crevasses ou les cavernes n’existent pas dans les terrains argi¬ leux, et dès lors on ne peut point espérer de rencontrer des réservoirs de pétrole dans les lignes de fractures. Dans l’Amé¬ rique, au contraire, les couches renfermant les pétroles sont des roches calcaires, les seules dans lesquelles se montrent les cavernes et les crevasses. On conçoit par là que ces calcaires n’auront conservé, dans les portions horizontales, que le pé¬ trole qu’ils auront primitivement reçu, tandis que dans les par¬ ties soulevées, le pétrole, s’écoulant suivant le plan incliné des couches, se sera accumulé dans ces dépressions et ces fissures souterraines , d’où la sonde fait jaillir ces quantités énormes d’huiles qui font la richesse des exploitants. C’est là, suivant moi, le motif pour lequel on est obligé de recourir aux puits fo¬ rés. En d’autres termes, les réservoirs de pétrole sont créés naturellement en Amérique ; dans la Roumanie, c’est la main de l’homme qui les façonne. Mais revenons à nos pétroles de Zante. Comme rien dans les terrains sédimentaires de cette île ne peut rendre compte de la production de ce bitume, M. Strickland croit qu’il provient des terrains volcaniques qui existent au-dessous des îles Ioniennes. Il est d’autant plus confirmé dans cette opinion que les sources se trouvent dans un centre de dislocation des couches. Il nous suffira, pour repousser cette explication, de dire qu’il n’existe aucune roche volcanique dans les îles Ioniennes, et que la seule dislocation que nous ayons observée dans le voisinage du lac de Chieri est la modeste faille de Sténa dont nous avons fait mention. M. Virlet me paraît avoir démontré l’insuffisance de la théo¬ rie de Reichenbach, qui admet que les sources de pétrole sont dues à la distillation lente, à une basse température, des amas de houille; mais en considérant les huiles minérales de Zante et tous les pétroles en général comme de véritables produits volcaniques, que des sources souterraines feraient pour ainsi 74 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. dire circuler journellement dans les terrains où se manifeste leur présence, c’est admettre par ce fait seul leur inépuisabi- lîté, leur refuser une date déterminée, mais qui est fatalement postérieure à l’âge des couches qu’elles ne feraient alors que traverser. Or, ces conséquences étant toutes contraires aux faits nombreux observés par nous et consignés dans cette note, nous persistons dans les conclusions que nous avons formulées dans notre Mémoire sur les pétroles de la Roumanie, et auxquelles nos études récentes en Albanie et dans les îles Ioniennes vien¬ nent prêter une force nouvelle. Etude géologique sur la Corse ; par M. Tabariés de Grand- saignes (PL I). Sur le point de faire un voyage de quelques semaines en Corse, je n’espérais pas pouvoir rapporter à la Société géolo¬ gique autre chose que de simples notes sur les points que j’au¬ rais étudiés de visu. Une fois arrivé dans le pays, je me suis trouvé en présence de faits et de documents qui m’ont décidé à présenter sur la Corse un travail d’ensemble, qui, bien qu’in¬ complet, sans doute, me semble nécessité par l’ancienneté et les desiderata des derniers travaux de ce genre. Bien que l’étendue de la Corse ne dépasse pas quarante et une lieues en longueur et vingt-six en largeur, peu de géolo¬ gues ont eu le courage d’affronter les difficultés que présente et surtout que présentait son exploration complète. Parmi eux je citerai Barrai (1), qui écrivait en 1783 : Jean Reynaud (2), en 1834; etPareto (3), vers 1845 ; c’est à ce dernier observateur que les auteurs de la Carte géologique de la France ont em¬ prunté les modifications apportées à la Corse dans leur dernière édition. En outre, des études intéressantes, mais partielles, sur ce pays, ont été faites par MM. Gueymard (4), Constantin James(5), Éd. Collomb (6), Cotteau et Pumpelly (7). (1) Mémoire sur l’histoire naturelle de l’île de Corse. (2) Mém. delà Soc. géol., lre série, t. J, p. 1, 1834. (3) Cenni geognostici sulla Corsica. (4) Annales des mines, 1824. (5) Rapport sur les eaux minérales de la Corse , 1853. (6) Bull, de la Soc. géol., 2e sér., t. XI, p. 63. (7) Bull, de la Soc. géol., 2e sér., t. XVII, p. 78. NOTE DE M. TABAIUÉS. 75 Si Ton quitte les ouvrages spéciaux , on trouvera encore quelques renseignements utiles sur la géologie de Pîle, dans les recherches historiques et statistiques de Robiquet sur la Corse, en 1835 , dans la Corse de Jean délia Rocca, en 1857, enfin dans les rapports sur l’Exposition industrielle à Ajaccio, en 1865. Je vais essayer, en comparant entre eux ces divers travaux et mes propres observations, d’indiquer quels sont les change¬ ments qui doivent être apportés aux dernières cartes géologi¬ ques de la Corse. Terrains de la Corse. Les terrains jusqu’ici reconnus en Corse sont : les terrains cristallisés, — terrains dits crétacés, — terrains nummulitiques, — terrain miocène, — cordons littoraux quaternaires, les alluvions diverses, — dépôts glaciaires, — dépôts volcaniques, — gneiss et micaschistes, — terrain à combustible. Terrains cristallisés. — Le granité forme environ les deux tiers de la superficie des terrains de la Corse ; on le rencontre dans toute la moitié occidentale de l’île et dans toute la partie sud. Il forme un massif qui se tient sans interruption et est as¬ sez bien délimité par la ligne des côtes et par une ligne inté¬ rieure passant à un kilomètre au-dessus de la marine de Porajola, un kilomètre E. de Belgcdere, trois kilomètres O. de Castigkio, un de Castiglione, deux de Corte, à Vivario, à deux kilomètres E. de Ghisoni, à la môme distance de San-Garvino, allant, à la hauteur de Luvana, vers la côte orientale, et ne la quittant que pour former ceinture, entre Canella et l’embou¬ chure de la Santa-Lucia, autour d’un lambeau tertiaire. Le granité surgit encore au-dessus de Ponte Leccia et d’O- messa, et forme le cap Capicciolo et les îles Gavallo et Lavezzi. Je suis dans ces indications la carte de M. Pareto. Cette roche offre dans certaines localités de belles variétés susceptibles d’une exploitation avantageuse. Je citerai, entre autres, le granité d’Algajola, dans lequel on a taillé un mono¬ lithe énorme, destiné à servir de piédestal à une statue de Na¬ poléon Ier, et que le coût du transport a fait jusqu’ici laisser sur place, le granité blanc de Yico, celui d’Apietto, d’une belle teinte rose, celui d’Ajaccio, d’un grain fin, d’un bel aspect et 76 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. cî’une dureté excessive, mais qui ne peut pas s’extraire en gran¬ des masses. Le granité passe quelquefois à la syénite, et offre de belles variétés de cette roche à Olmeto et sur la route de Vice à Evisa. Le porphyre forme un massif considérable entre les golfes de Galeria et de Porto. C’est entre ce massif et la côte que se ren¬ contrent des dépôts d’anthracite (?) que je regrette de n’avoir pu visiter; il s’extrait aussi du charbon minéral à Otta et à Evisa ; mais ces exploitations paraissent peu productives. Le massif porphyrique se prolonge dans tout le Niolo , mais non d’une manière continue ; c’est surtout aux monts Cinto, Baglia Orba et Pertuisato qu’il forme des masses puissantes et présente de belles variétés. Le porphyre apparaît encore aux environs d’Ajaccio et de Porto Vecchio, mais en petite quantité. L’eurite est très-répandue dans le massif granitique , mais presque toujours en veines de peu d’épaisseur ; c’est au sud de Vico que j’en ai rencontré les plus gros amas. La diorite apparaît assez souvent dans les mêmes terrains, au sud de Calvi, autour de Casamaccioli, au nord de Vico, à l’ouest d’Ajaccio, aux environs de Bogognano et de Vivario, à Sainte-Lucie de Tallano et à Scanzacaggio, au nord-ouest de Bonifacio ; très-souvent elle passe à de l’amphibolite d’un grain plus fin, d’une grande dureté et à large cassure conchoï- dale. Terrains dits crétacés et terrain nummulitiqne. — On range jus¬ qu’aujourd’hui sous la dénomination de crétacés ou secondaires des terrains d’une grande étendue, puisqu’ils occupent le quart de la superficie de la Corse, d’aspect et de composition très-va¬ riables, dans lesquels on n’a pas encore découvert de fossiles, et qui, presque partout, présentent des traces profondes de l’in¬ fluence métamorphique. Ces terrains sont délimités, à l’ouest et au sud, par la ligne intérieure qui sert de frontière au mas¬ sif granitique, au nord et à l’est, par la mer, ou par des for¬ mations tertiaires ou alluviales. Cette formation est continue, sauf un lambeau intercalé entre le granité et la mer, de la Cala de Comella à l’embouchure de la Santa Lucia, et deux autres isolés dans le grand massif gra¬ nitique et dont il est nécessaire de dire quelques mots, car ils ne figurent sur aucune des cartes actuelles. Barrai écrivait, en 1783 : « Les montagnes de la grande « chaîne, que je nomme de premier ordre, sont généralement NOTE DE M. TABARIES. 77 « de granits. Dans ces granits l’on trouve des courants de ba- « saltes et des laves de différentes espèces (1). Indépendamment « de ces matières, Fou trouve de la pierre calcaire dans deux « endroits; l’un à une lieue d’Asco, sur le chemin de Calen- « sana (2) ; l’autre au-dessous de la Quehza, nommé Lasinao « (Asinao). Ces deux montagnes calcaires sont totalement « isolées au milieu des granits. » En 1820, M. Gueymard rencontrait et signalait de nouveau, sur le monte Asinao, à 1823 mètres, des grès et des calcaires se rapportant à la formation secondaire. Il constatait ainsi la par¬ faite justesse de l’une des observations de Barrai. Si la seconde n’a pas été également contrôlée, la raison en est dans les diffi¬ cultés que présente l’exploration des environs d’Asco, village isolé au milieu des bois et des montagnes. Je ne fais aucun doute de son exactitude; mais cependant, n’ayant ici que le témoignage de Barrai, je crois devoir mettre sur la carte, au lieu qu’il indique, un point d’interrogation (3). Rien de variable comme l’aspect minéralogique de la forma¬ tion dont il s’agit. A Corte, ce sont des marbres cristallins, soit gris et à longues veines parallèles, soit à pâte blanchâtre et pé¬ nétrée de diallage ; au nord de Corte, à San Marcello, au pont du Vecchio, ce sont des schistes ardoisiers susceptibles d’ex¬ ploitation ; près de Ponte Leccia , elle constitue une sorte de calcaire argileux, gris et rose, exploité comme pierre d’orne¬ ment ; au-dessous de Borgo, le terrain est formé de schistes rouges, ailleurs, de grès de teintes variables ou de grauwaekes grises avec cailloux de quartz, à Brando, de calcaires jaunes bien stratifiés et imprégnés de concrétions. Si l’on ajoute à cela les dislocations, les intercalations et les inclinaisons diverses produites par l’apparition de matières éruptives, on aura une faible idée des difficultés que l’étude de celte partie des ter¬ rains de la Corse présente au géologue. Si la stratigraphie est loin de suffire à débrouiller ce chaos, les caractères présentés par les fossiles font encore plus défaut. (1) Ces prétendus produits volcaniques ne sont que des eurites ou des por¬ phyres altérés. (2) Arrondissement de Calvi. (3) M. Gueymard dit avoir rencontré la même formation à l’est de l’île; il se pourrait bien que ce fût celle d’Asco. Il signale une autre petite mon¬ tagne calcaire isolée au milieu du granité à Cauca; serait-ce Conçu au- dessus de Porto- Vecchio? 78 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. Les seuls que Ton ait trouvés dans les couches rapportées à cette formation sont des foraminifères qui se rencontrent au nord-ouest. Notre infatigable et savant collègue, M. Édouard Collomb, en a rapporté en 1853, pris par lui à quelques kilo¬ mètres de Belgodere, avant d’arriver à la limite du granité, dans un calcaire bleu, dur et résistant, en couches fortement inclinées et accompagnées de grès macigno. M. d’Archiac a reconnu dans ces fossiles : Nummulites. Orbitolites Fortisii? Orbitolites submedia ou Fortisii? ; c’est-à-dire deux genres essen¬ tiellement supercrétacés, et d’un faciès franchement suesso- nien. Que le terrain nummulitique soit représenté sur le versant nord-est de la Corse, c’est ce qui ne peut causer aucune sur¬ prise, car les côtes continentales les plus voisines, celles du dé¬ partement des Alpes-Maritimes, sont justement de cette forma¬ tion. La JS. Ramondi se voit en quantité à Rocca-Esteron, la Palarea, le Puget, cap la Mortela, col de Brauss, san d’Almazzo, Villa-Franca, etc. Mais la question est de savoir si l’on doit rattacher toute la formation, aujourd’hui désignée comme se¬ condaire ou crétacée, au seul gisement fossilifère qui s’y ren¬ contre. Tel est l’avis de M. Parelo, qui désigne l’ensemble de ces terrains sous le nom un peu élastique de système nummuli¬ tique et crétacé, et celui des savants auteurs de la carte géolo¬ gique de la France, qui l’appellent terrain crétacé supérieur. M. Collomb, au contraire, sépare du reste le terrain nummu¬ litique de Belgodere, qui lui paraît dans une position stratig^a- phique particulière; il croit les terrains du cap Corse, de C^rte, de Yalle d’Alesani, Valle d’Orezza, etc., beaucoup plus an¬ ciens, d’après leur aspect minéralogique, et peut-être repré¬ sentant le système jurassique. Cette dernière hypothèse me paraît possible, mais non probable; l’action du métamorphisme a été si grande, dans cette contrée, qu’elle a dû, presque par¬ tout, changer l’aspect des couches et les vieillir. Quant à la sé¬ paration proposée par mon savant collègue, je la crois essen¬ tiellement rationnelle, et je propose d’appeler nummulitique le terrain où l’on a conslaté la présence des foraminifères, et se¬ condaire, au lieu de crétacé , tout le reste du massif métamor¬ phique. Quelle est en effet la situation actuelle? Sur l’un des points du massif, on a reconnu des fossiles suessoniens ; on ne peut que rattacher ce point à l’étage nummulitique. Dans tout le NOTE DE M. TABARIÉS. 79 reste, formé de couches disloquées et souvent isolées les unes des autres, les fossiles manquent, et il ne reste que le caractère minéralogique. Or, ces masses se composent, partie de calcaires cristallins rappelant les calcaires crétacés métamorphiques de l’Italie, partie aussi de grès et de schistes rappelant ceux de l’étage jurassique. Il me semble qu’il est nécessaire de marcher ici pas à pas, et de ne désigner l’ensemble de ces terrains que sous le nom élastique de secondaires, sous peine de préjuger les choses et de donner aux recherches des explorateurs une fâcheuse direction. J’ai parlé des serpentines; elles occupent, avec les eupho- tides diallâgiques, plus d’un cinquième de la surface des ter¬ rains secondaires, mais en lignes moins continues que celles figurées sur les cartes. En revanche, je crois devoir en signaler une masse importante qui n’y figure pas et dont j’ai constaté, après M. Goîlomb, la présence à Gorte; c’est à elle que sont dus les marbres cristallins de celte ville. Je suis très-disposé aussi à considérer comme de la serpentine éruptive la roche sur laquelle est bâtie Bastia; mais l’aspect de la serpentine est si variable en Corse qu’il est souvent difficile de distinguer la roche pure des couches déjà en place qu’elle a injectées. Elle est tantôt rude et tantôt douce au toucher, tantôt massive et tantôt schisteuse ; sur la route de Ponte Leccia à Bastia, on voit des schistes serpentineux, déchiquetés d’une manière bizarre, dont un fragment placé à leur sommet a la ligure d’un aigle. L’amiante se trouve en assez grande abondance dans la ser¬ pentine, aux environs deBastia, àBrando, à Scolca. On la mêle quelquefois à la pâte des poteries, pour leur donner du liant, car l’argile grasse et plastique fait défaut en Corse. La diorite est à peu près absente de ces terrains; cependant M. Pareto en indique un petit massif entre Lama etCastifao. Mais le métamorphisme y a produit beaucoup de calcaires cristallins susceptibles d’exploitation. Je citerai le marbre de Gorte, grisâtre, à longues veines parallèles, dont sont faites les colonnes du palais de justice de Bastia et le bleuturquin de Ser- ragio, qui a servi au piédestal de la statue de Paoli à Gorte. On désigne sous le nom de verde di Corsica deux marbres de provenance différente; l’un vient d’Orezza, l’autre d’Alezani; tous deux sont des euphotides diallagiques d’un vert bleuâtre. Le vert du Bevinco est une roche serpentineuse qui s’extrait des bords de ce petit fleuve; il présente un réseau de veines d’un vert assez foncé ; on peut en voir une bordure au bas de l’autel 80 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. de la chapelle Bonaparte, à Ajaccio. A Brando, on extrait deux calcaires, l’un, blanc et cristallin, l’autre, gris et plus terreux, qui se débitent en dalles et servent à plaquer l’intérieur des maisons. Terrain miocène. — Trois petits lambeaux du miocène supé¬ rieur (Ét. falunien supérieur de d’Orbigny) se rencontrent en Corse, l’un à Saint-Florent, l’autre à Aleria, le troisième à Bo- nifacio. Dès 1834, M. J. Reynaud constatait la contemporanéité des deux premiers dépôts, et donnait deux coupes de celui de Santa Manza et Bonifacio. Le dépôt de Saint-Florent forme une petite chaîne de col¬ lines ondulées, à pic du côté du monte Pigno. 11 repose, en forme de bateau, sur une roche serpentineuse; on y reconnaît environ huit couches calcaires distinctes, dans lesquelles se trouvent de grandes Huîtres, des oursins et le Pecten burdiga¬ lensis. Le dépôt d’Aleria s’étend de la bouche de l’Alezani à celle du Fiume Orbo; il est en partie recouvert et entouré par des dépôts d’alluvions et renferme les mêmes fossiles que le pré¬ cédent. La formation tertiaire de Bonifacio est la plus fossilifère, surtout du côté du golfe de Santa Manza, où les côtes ravinées du bord de la mer présentent des coupes naturelles intéres¬ santes. La cala de Canella, d’après J. Reynaud, montre treize couches de grès et de sables superposés au granité, et renferme des bivalves, des oursins, le Pecten burdigalensis , des polypiers et des Turritelles. La cala de Stintina présente six couches de calcaires blancs et rouges, contenant des Huîtres, des oursins, Yoperculina complanata et les Pecten burdigalensis et opercu taris. Les oursins les plus communs dans ces couches ont été re¬ connus par M. Cotteau pour être : Clypeaster altus , C. folium , qui, ainsi que le Pecten burdigalensis, caractérisent ces terrains comme miocènes supérieurs (Ét. falunien supérieur de d’Or- bigny). Les autres oursins des terrains tertiaires de la Corse, que l’on peut voir au Muséum de Paris, sont : Schizaster , Euriscopus latus. La collection d’Ajaccio possède plusieurs exemplaires d’une grande Scutella, et des moules intérieures de coquilles dont la provenance exacte n’est pas indiquée ; je crois qu’ils viennent d’Aleria. NOTE DE M. TABAR1ÉS. 81 A Bonifacio môme, les falaises, qui ont plus de 60 mètres de hauteur et contiennent une dizaine de couches calcaires dis¬ tinctes, renferment peu de fossiles. J’ai cependant rapporté des couches inférieures des oursins indéterminables, et des dents de squales bien conservées, qui doivent se rapporter à plusieurs espèces. On m’avait annoncé que l’on y rencontrait quelques em¬ preintes de poissons; je n’ai rien vu de tel. Le musée d’Ajaccio en possède, il est vrai, une trentaine d’échantillons, provenant de la collection Fesch, mais ils se rapportent à neuf ou dix espèces éocènes, et proviennent, selon toute probabilité, de la Sicile (monte Bolca, Yicentin). Terrains quaternaires . -—Je rattache aux terrains quater¬ naires : 1° un cordon littoral du golfe de Santa-Manza, signalé par M. Collomb ; il est formé des éléments du granité désagrégé, réunis par un ciment calcaire et renfermant un grand nombre de coquilles vivantes, bien qu’il soit à 5 ou 6 mètres du niveau de la mer; 2° un conglomérat coquillier, à peu près recouvert parla mer, près d’Ajaccio, au pied de la chapelle des Grecs. Allumons. — Des dépôts alluviens se rencontrent au fond des golfes d’Ajaccio et de Calvi. Un terrain analogue forme la plaine de Biguglia et une grande partie de celle d’Aleria. Ils sont composés d’un sable argilo-calcaire renfermant des débris nom¬ breux, quelquefois peu roulés, des roches environnantes; dans ce dernier cas, ils pourraient bien se rapporter au diluvium. A l’intérieur de File, les petits fleuves actuels ont souvent leurs rives formées d’un dépôt épais de plusieurs mètres de sable granitique contenant des blocs de granité très-arrondis, surtout le Golo, le Liamone, et un affluent du Taravo, ce qui indique un changement considérable dans le volume des eaux. Terrains glaciaires. En 1806, on découvrit, près de Bas¬ tia, dans une brèche osseuse, des ossements d’un mammifère que Guviertrouva identique avec le Lagomys alpinus; ils avaient été recueillis à une altitude de 600 mètres, dans les fentes d’un calcaire. Au musée d’Ajaccio (coll. Romagnoli) figurent, sous la même dénomination, des débris recueillis également dans les envi¬ rons de Bastia, les uns (gangue dure, rougeâtre) dans la colline du Forcone, les autres (gangue terreuse, rouge) dans la grotte de Brando. En 1850, M. Raphaël Pumpelly constatait l’existence de mo¬ raines frontales et terminales et de blocs erratiques, dans la Soc. géol.3 2 série, tome XXV. 6 82 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. vallée de Bagiia Orba Mari en même temps il contesta l’exis¬ tence des glaciers sur le monte Rotondo, soupçonnés par MM. Pareto et Éd. Collomb. Enfin il paraît exister cà Zonza (canton de Morta) des traces nombreuses de moraines et de stries glaciaires. Terrains volcaniques. — Les anciens auteurs qui ont écrit sur la Corse avaient cru voir, dans ce pays, des traces considé¬ rables de dépôts volcaniques. Des observations postérieures sont venues détruire cette opinion. La seule formation de cette espèce se trouve près de la pointe de Balistro (golfe de Santa-Manza). C’est une masse de conglomérat ponceux de 2 à 300 mètres de longueur sur 10 à 12 d’élévation, signalée par J. Reynaud. Elle paraît se ratta¬ cher à la formation trachytique de la Sardaigne, et être, comme elle, antérieure aux dépôts tertiaires. On voit cependant à l’École des mines : 1° un échantillon indiqué « lave poreuse blanchâtre ramassée à Aleria; » c’est, je crois bien, un véritable produit volcanique, mais qui doit pro¬ venir des îles italiennes voisines; 2° deux échantillons denses, à pâte noire, luisante, avec cristaux blanchâtres, marqués : « scories prétendues volcaniqnes d’Asco — 4 1. N. -O. deCorte;» cette roche ne me paraît pas volcanique; c’est plutôt un méla- phyre éruptif dans le granité ; 3° (signalé par Robiquet en 4835, mais que je n’ai pu retrouver) un échantillon portant: « lave feldspathique grise avec cristaux de pyroxène, de Porto-Vec¬ chio. » Gneiss et micaschistes. — C’est avec doute que je reproduis, sur la carte qui accompagne cette note, les indications de M. Pareto. Je n’ai vu du gneiss que quelques fragments roulés; et quant aux micaschistes, je n’en connais pas de véritables en Corse. Peut-être le géologue italien a-t-il appelé de ce nom des schistes talcqueux, tendres, jaunâtres et brillants, comme ceux que l’on voit sur la hauteur de Borgo. Terrain à combustible, peut-être primaire. — On signale, sur la côte occidentale, aux environs d’Otta, d’Osani et d’Evisa des gisements d’anthracite. Ce terrain, à peine étudié, semble se rattacher aux terrains anciens. LOCALITÉS PARCOURUES. Environs d'Ajaccio. — Le chef-lieu de la Corse est placé au fond d’une baie granitique large et profonde, qui offre un abri NOTE DE M. TABARIÉS. 83 sûr et des manœuvres faciles aux plus grands navires de guerre. Dans la ville même, sur le Cours, se trouvent deux carrières d’un granité bleuâtre, d’un bel aspect et d’une dureté excessive, ce qui s’oppose à sa facile exploitation; on s’en est servi cepen¬ dant pour tailler quelques-unes des colonnes de la préfecture. En continuant à s’avancer vers le fond de la baie, on voit bientôt la même roche se présenter sous des aspects différents. A droite, avant d’arriver à la villa Bacciochi, s’étend une petite masse de pétrosilex qui va se perdre sons la mer. A gauche, en montant vers le pénitencier, le granité est à grain moyen, offre peu de cohésion et contient quelques traces d’amphibole; près du pénitencier, il se transforme en pegmatite. Un peu à droite de la route, à 1 kilomètre ou 2 du pénitencier, on voit un petit plateau dont le sommet est formé d’amphibolite. La ville est construite en granité, moins dur que le premier dont j’ai parlé, grisâtre, à grain moyen, et que l’on va prendre à la carrière du Scudo, ouverte près de la mer à 5 ou 6 kilo¬ mètres à l’ouest de la ville. C’est de cette pierre qu’est formé le soubassement de la statue de Napoléon Ier, sur la place du Diamant. Le piédestal est d’un beau granité porphyroïde rose provenant d’Appietto, village situé à 13 kilomètres au nord d’Ajaccio. Ajaccio à Bastia. — Je passerai rapidement sur cette partie de mon itinéraire; la route d’Ajaccio à Bastia est ancienne, et les terrains qu’elle coupe ont été relevés par plus d’un explo¬ rateur. Le granité disparaît à environ 7 kilomètres de Yivario, pour faire place à la diorite et à l’euphotide. Puis ce sont des serpentines, des schistes verts ou gris, ardoisés, talcqueux ou micacés, qui alternent avec des calcaires plus ou moins cristal¬ lins et dépourvus de fossiles. Toute cette partie nord-est de la Corse est un exemple frappant d’altérations métamorphiques. Je dois cependant m’arrêter sur quelques observations parti¬ culières. Le Monte d’Oro, l’une des trois pointes les plus élevées de la Corse, est granitique. Je rapporte un minéral recueilli à son sommet le plus élevé, et dont voici les caractères : Masse lamelleuse de teinte blanc verdâtre, cristallisant en tables quadrangulaires plus blanches, translucides, de structure finement fibreuse, se rayant très-facilement avec l’acier, con¬ tenant des petites cavités irrégulières. Insoluble à chaud dans l’acide azotique, du moins ne donnant aucune réaction avec le cuivre et l’ammoniaque. Infusible au chalumeau, soit seul, soit 84 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. avec le borax ou le carbonate de soude; changeant seulement alors sa teinte verte pour une coloration grise. Je crois que cette substance est un silicate composé peu connu ; elle a été recueillie à près de 2,700 mètres. A Gorte, dans un ravin que l’on rencontre en montant aux mines de Saint-Jean, j’ai recueilli des rognons d’hématite rouge, qui s’y rencontrent, m’a-t-on dit. en assez grande quan¬ tité après les pluies; il est possible qu’il y ait, en cet endroit, un gisement de fer oligiste exploitable; j’y ai trouvé également une scorie de fer probablement fort ancienne, car on ne con¬ naît aucun haut-fourneau dans les environs. Dans les murs de l’église en ruine qui fait partie de l’an¬ cienne Gorte et remonte au treizième siècle environ, l’on re¬ marque des pierres angulaires formées d’un tuf calcaire assez poreux. Gette roche est en place à quelques kilomètres à l’ouest de Gorte; je la signale aux explorateurs, en regrettant de n'avoir pu en examiner le gisement ; elle paraît de formation beaucoup plus récente que les calcaires secondaires du pays. Je ne dirai qu’un mot des terrains de Bastia que M. Locard, notre collègue, ingénieur des hauts-fourneaux de Toga, étudie d’une manière complète. Ils consistent en de puissants amas de schistes serpentineux et taîcqueux ; cette matière éruptive qui s’étend jusqu’à la mer, à Bastia, contrairement aux indica¬ tions des cartes géologiques, a soulevé et fortement incliné du nord au sud les calcaires dont je vais parler. Ges calcaires qui se montrent à une lieue au nord de Bastia sont disposés suivant une stratification bien marquée et péné¬ trés d’une multitude de filets concrétionnés, résultat des in¬ filtrations aqueuses provenant de leurs sommets. C’est dans ces couches que se trouve la grotte de Brando, à 50 mètres au moins au-dessus du niveau de la mer. Sa formation est due évidem¬ ment à la cause générale de celle des cavernes, c’est-à-dire à une fissure primitive élargie par un courant d’eau. On y a trouvé dans une gangue terreuse, peu cohérente, des osse¬ ments d’un petit mammifère ( Lagomys ) qui figurent dans la collection d’Ajaccio. La grotte de Brando ne se compose que d’une seule salle, mais en plusieurs endroits s’ouvrent d’étroits couloirs qui pourraient bien mener à d’autres grottes inexplo¬ rées. Elle présente un grand nombre de stalactites, mais peu de stalagmites; les unes et les autres sont d’un albâtre admi¬ rablement pur et transparent ; ni les grottes d’Arcy-sur-Cure, ni celles de l’Ariége, ni celles des Pyrénées, n’en offrent d’aussi NOTE DE M. TÀBARIÉS. 85 beau ; ces concrétions sont du reste à l'abri des mutilations et parfaitement conservées. Un peu plus au nord, on extrait des calcaires cristallins blancs et gris que l’on taille en dalles, et dont, sous le nom de pierre de Brando , on fait une assez grande exportation à Marseille et en Italie. Corte à Vico. — Je n’avais garde de laisser de côté le Niolo, que Barrai appelle un cabinet naturel de minéralogie ; je partis de Corte pour cette excursion, et la difficulté des chemins, en retardant ma route, me permit de bien examiner les terrains. En remontant le Tavignano, sur sa rive gauche, on voit le granité reparaître à 2 kilomètres de Corte. A la fontaine d’Argent, dans le bois de Melo, apparaît une roche verdâtre, à grain fin, fendue, sorte de trapp, qui présente ce caractère, que nous re¬ trouvons en Corse dans la même roche et dans l’amphibolite, d’offrir des surfaces d’apparence flambée ou métallique, sur une très-petite épaisseur. Le granité se continue ensuite jus¬ qu’au-dessus de Casamaccioli. C’est à ce point que s’effectue la descente dans le Niolo, val¬ lée sauvage, d’une altitude de 12 à 1500 mètres, fermée du tous côtés par des montagnes presque inaccessibles ; une heure est employée à y descendre. Sur le chemin se voient des blocs d’amphibolite de belle es¬ pèce et de diorite compacte à feldspath rose. Près de Casamac¬ cioli, on a trouvé, suivant délia Rocca, du plomb sulfuré et du charbon fossile ; la rapidité de ma course ne m’a pas permis d’en rechercher les gisements. De Casamaccioli à Valdoniello, le terrain reste granitique, mais on y trouve des blocs de diorite ou d’amphibolite et des fragments de porphyre rouge ou violet qui viennent de points plus élevés de la chaîne. A Valdoniello, le granité contient peu de mica, mais il renferme de larges veines de beau feldspath rose. A peu de distance se dresse le Monte Tafonato, ainsi nommé d’un large tunnel naturel qui le traverse, en ligne droite, dans une grande longueur. Au lever et au coucher du soleil, il se produit par ce tube immense un phénomène curieux : la partie de la campagne qu’il regarde est éclairée, tandis que la mon¬ tagne, servant d’écran, garde le reste dans l’obscurité. D’un point de la route forestière, l’observateur se trouve dans l’axe du tunnel; son regard le traverse en entier et suit le passage des nuages à son autre extrémité. Le terrain granitique se continue jusqu’à Vico; je n’ai que 86 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. deux points à signaler. A 8 kilomètres de Vico se rencontre une fort belle syénite à feldspath rose; on en revoit de sem¬ blable à 5 kilomètres plus loin. Enfin je dois noter le beau granité blanc et dur qui sert aux constructions de Yico et se trouve à 2 kilomètres environ de cette ville. Vico à Ajaccio. — J’ai suivi, pour rentrer à Ajaccio, la route qui passe par Arbori, Ambiegna etCasaglione; ce n’est qu’à ce dernier point que je l’ai quittée pour rejoindre celle de la mer. Jusqu’au Liamone, le granité présente de longues veines et quelques amas d’eurite; aux approches d’Arbori, l’on remarque des cristaux et des veines d’un feldspath bleuâtre et translucide. A la descente du Liamone, le granité contient d’assez grosses boules isolées d’amphibolite, recouvertes d’une croûte cas¬ sante. Le terrain n’offre rien de remarquable jusqu’à Calcatoggio. Ici le granité se mêle à de l’eurite et à de la syénite, le tout en général d’une teinte rose. On passe à proximité des carrières de granité d’Appietto, dont j’ai parlé plus haut, et l’on remarque la teinte rose que présente également le dernier contre-fort du monte Nebbio. Ajaccio à Sartène. — Cette route traverse le granité commun grisâtre, mêlé de quelques veines d’eurite; à Olmelo se ren¬ contre la syénite noire connue sous le nom de pierre de deuil d’Olmeto; elle est, paraît-il, en trop petite quantité pour donner lieu à une exploitation régulière. Je ne décrirai pas la coupe du terrain de Sartène à Sainte- Lucie de Tallano, qui a été relevée d’une manière fort exacte par mon éminent collègue, M. Éd. Collomb. Seulement, je crois devoir signaler une roche qui se trouve plus loin, à 1 kilomètre de Lévie : c’est une eurite fort dure, semée d’une quantité de petits cristaux de mica noir, d’un bel aspect, et qui pourrait servir à l’ornementation ; elle n’est qu’en petite masse. Sartène à Bonifacio. — Le granité, mêlé d’un peu de diorite, se prolonge jusqu’à 2 kilomètres de Bonifacio, Ici apparaît le terrain tertiaire, sous un aspect qui rappelle assez la craie blanche de Bourgogne. C’est un calcaire très-blanc, à grain fin, friable, bien stratifié et creusé, par l’action des agents at¬ mosphériques, de larges gouttières horizontales. Lors de son apparition, il est incliné légèrement du nord au sud; 1 kilo¬ mètre plus loin, l’inclinaison est inverse, et à Bonifacio il se trouve parfaitement horizontal. 11 se pourrait qu’il y eût sous le sol, à 1 ou 2 kilomètres de la ville, une grotte analogue à celles NOTE DE M. TABARIÉS. 87 qui se voient sur la côte et qui aurait déterminé, dans les cou¬ ches, un affaissement en forme de Y très-ouvert. La roche offre le même aspect à une profondeur de 40 ou 50 mètres; mais, plus bas, elle devient fort dure, ce qui tient aux grains de quartz qu’elle renferme et qui, avec ceux de feldspath, composent au bas de la falaise la presque totalité de la roche. Cette composition indique que le granité est à une pe¬ tite profondeur, bien qu’on ne l’ait jamais atteint à Bonifacio même. Or, voici l’altitude des falaises sur trois points de la ville : mètres. A l’escalier du roi d’Aragon . 63 A.u surplomb . 62,30 Au puits de la citadelle . 62 Il s’ensuit que la puissance des couches calcaires ne doit guère dépasser 70 mètres à Bonifacio. J’ai parlé de la grande dureté des couches inférieures; elle explique comment le surplomb n’augmente pas et comment la partie superposée de la ville n’est pas précipitée dans les flots. Il paraît, en effet, que ce danger est moindre qu’on ne le croit communément, et que l’érosion de la roche est à peine sen¬ sible; car il existe, au dépôt du génie5, une carte remontant à un siècle, et qui représente la partie surplombante de la ville dans l’état même où elle existe aujourd’hui. C’est également dans ces couches inférieures que se trouvent des dents de squales, que les gens du pays désignent sous le nom de langues et qu’ils prétendent être les seuls débris orga¬ niques du dépôt. J’ai cependant vu et dégagé, au pied de l’es¬ calier du roi d’Aragon, des oursins fossiles de forme plate, mal¬ heureusement très-peu reconnaissables, à cause de la dureté de la gangue et de l’effet corrosif des vagues. Les dénis de squales que j’ai rapportées, et dont je crois être le premier à signaler la présence, sont, au contraire, en bon état et paraissent ap¬ partenir à deux ou trois espèces distinctes. Je termine ces observations par une remarque sur la grotte qui s’étend sous la citadelle et dans laquelle se trouve un petit lac d’eau douce où les habitants peuvent aujourd’hui s’alimenter au moyen d’un vaste puits. Les autres grottes du voisinage sont à large ouverture, à parois lisses, à perforation simple, et je ne fais pas difficulté d’admettre que leur creusement est dû à l’ac¬ tion puissante de la mer. Les anciennes relations nous repré¬ sentent, au contraire, la grotte de la citadelle comme se com- 88 SEANCE DU 4 NOVEMBRE 18Ô7. posant « d’une série de grandes salles couvertes d’incrustations « et de stalactites, et liées les unes aux autres par de petits « corridors bas et étroits. » C’est là l'exacte apparence des ca¬ vernes dues à l’action d’un courant d’eau souterrain, et je serais porté à croire que telle est l’origine de la grotte qui nous occupe. Les travaux importants qu’on y a faits ont malheureuse¬ ment détruit toute apparence de stalactites et élargi les cou¬ loirs; mais il reste un amas d’eau douce considérable et per¬ manent qui me paraît être le produit du déversement d’un cours d’eau intérieur, beaucoup plus que des quelques infiltrations qui suintent du haut de la voûte. ROCHES ORBICULAIRES. Je ne crois pas qu’il y ait une contrée qui, sur une surface aussi restreinte que la Corse, offre une aussi grande variété de roches orbiculaires. Malheureusement cette grande variété a amené une grande confusion d’idées sur la nature, l’exploi¬ tation possible, l’origine et le gisement de chacune. M. Delesse, dans ses belles Recherches sur les roches globuleuses (i) n’a dissipé qu’en partie cette obscurité, puisqu’il ne s’attachait qu’à recher¬ cher la formation de certaines de ces roches. Je crois donc utile de rassembler ici tous les documents que j’ai pu recueillir à ce sujet. Toutes les roches désignées par les auteurs sous les noms de pyroméride globaire, granité ou porphyre orbiculaire, vario- lites, eurite globuleuse, pierre ocellée, laves oolithes, etc., se rapportent à la diorite, à l’amphibolite, au porphyre, à l’eu- rite, au jaspe ou au pétrosilex. Chacun connaît la belle diorite orbiculaire de Sainte-Lucie de Tallano; son gisement et sa composition ont été trop sou¬ vent décrits pour que j’y insiste de nouveau. Je mécontenterai de donner les caractères qui la distinguent de toutes les autres roches orbiculaires. Les orbes sont tous à peu près du même volume et ont en moyenne 35 millimètres de diamètre; si leurs dimensions paraissent souvent différentes, c’est que la section qui les découvre n’est pas centrale, ou qu’ils se sont déformés par leur pression réciproque. Jamais ils ne se pénètrent, quel¬ que tangents qu’ils soient. Ils ont chacun, au moins une zone (1) Mem. fie la Soc. géol.} 2e sér., t. IV. NOTE DE M. TABARIÉS. 89 périphérique blanche, bien marquée par une ligne verte. Leur dureté et leur densité sont supérieures à celles de la masse enveloppante, et c’est au poids que l’on reconnaît les fragments détachés qui renferment le plus d’orbes. Enfin, ils se détachent très-difficilement. La roche contient des grains assez nombreux de fer sulfuré; elle est de nature homogène. Les orbes n’apparaissent que sur un rocher de quelques mètres de surface qui surgit sur la pente d’un ravin; mais, comme on n’a jamais arraché les broussailles qui croissent au pied, il est téméraire d’affirmer, comme le font toutes les descriptions, que le phénomène des orbicules est restreint à la partie extérieure. J. Reynaud a recueilli, près de Bogognano, un bloc roulé d’une diorite moins belle, dont les orbes sont simples et de petite dimension; il n’a pu en trouver le gisement. Je crois que c’est à la même roche qu’il faut reporter l’un des échantillons de la collection de Barrai (laves-oolithes, va¬ riété 7) qu’il décrit ainsi : pâte gris de fer; globules vert clair au centre, puis formés d’une zone blanche et d’une ligne pé¬ riphérique vert foncé (trouvée au Niolo). Enfin il existe au Muséum de Paris un échantillon d’une- diorite plus belle que celle de Tallano, dont elle se distingue nettement par les caractères suivants : orbes moitié plus grands; zone double ou triple; une des lignes vertes large de deux millimètres. Il est à regretter que le gisement de cette belle pierre soit inconnu en Corse; voici comment le catalogue la désigne : dioritine orbiculaire de Corse, — collection de Drée. A Serra, auN.-E. de Sainte-Lucie de Tallano, l’on rencontre, suivant M. Pareto, de la diorite souvent décomposée globuleuse- ment , c’est-à-dire d’un aspect fort différent des pierres orbicu- laires précédentes. Il en est de même d’une amphibolite que j’ai trouvée près du Liamone, à dix kilomètres de Yico (route de Sari). On voit dans le granité désagrégé des bords du chemin des boules isolées d’un diamètre de 10 à 20 centimètres. Elles sont for¬ mées d’amphibolite très-dure et foncée vers le centre, mais se divisant, à la surface, en deux ou trois enveloppes concentri¬ ques plus fragiles. Je passe aux porphyres et aux eurites, qui présentent en Corse des variétés globulaires, sur un grand nombre de points. J’ai d’abord recherché la roche que les notices des cartes géo- 90 SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1867. graphiques désignent sous le nom de granité orbiculaire du Fiume Orbo ; il ne m’a pas été possible, en Corse, d’en voir un spécimen, ni de m’en faire indiquer le gisement ; ce n’est qu’à mon retour que j’en ai trouvé, dans l’ouvrage de Barrai, la description que voici : « à l’endroit appelé Molinacio, entre « Luco et la Pieve di Nazza, sur le Fium eOrbo, il y a des mon- « tagnes très-considérables de serpentine, dans la masse des- « quelles il se trouve des variolites formant corps avec elles. — « La masse totale de ces montagnes de serpentine est formée, « dans certaines parties, de la réunion de gros blocs arrondis n et parfaitement adhérents les uns aux autres par une matière « plus fine qui les glutine. C’est dans cette matière que se à travers les schistes cristallins, comme nous l’avons dit dans la Description géologique du Dauphinè} § 72 et 109. Quant à la seule localité où M. Ébray donne quelques détails sur ces roches, celle de la Roche-Cevins, entre Moutiers et Al¬ bertville, je ne saurais y voir autre chose qu’une protogine por- phyroïde , c’est-à-dire contenant de grands cristaux de feldspath orthose, mais stratifiée , et même le plus souvent schisteuse , pas¬ sant au gneiss porphyroïcle. C’est, du reste, sous ce dernier nom NOTE DE M. LORY. 233 qu’elle a toujours été décrite, et voici ce qu’en dit Brochant, dans son mémoire classique sur la Tarantaise (1) : « Le gneiss ou schiste micacé porphyroïde , à cristaux de feld- ct spath, se trouve en place, au-dessus de la Roche et auprès de « Cevins, dans une montagne où peu de rochers se montrent à et découvert, ce qui rend assez difficile l’observation de son gise- « ment. Cependant, si l’on considère que ses couches sont vertica- « les et dirigées du nord-ouest au sud-ouest, comme toutes les « autres montagnes de la Tarantaise ; que, dans leur voisinage, « on trouve des calcaires et des schistes argileux en bancs verti- « eaux, ayant la même direction ; qu’enfin ces gneiss ont beau- mr . NOTE DE M. COQUAND. m Au chalumeau, la matière fond facilement, sans s’exfolier, en un globule d’un vert assez foncé. La poussière est plus onc¬ tueuse que celle de la roche; dans le tube fermé, elle dégage un peu d’eau. Observées sous le microscope d’Amici,les lamelles apparais¬ sent comme biréfringentes, et, de plus, elles offrent deux ré¬ gions colorées. En inclinant la plaque qui porte ces lamelles, on remarque qu’elles se colorent dans une plus grande éten¬ due; j’ai pu même apercevoir une ligne noire qui coupait les anneaux. Après avoir dissous quelques-unes de ces petites lames rhom- biques, et après avoir séparé de la dissolution un peu d’oxyde de fer, j’ai pu y constater la présence de l’alumine. Il faut, d’après ces caractères, rapporter cette matière aux micas à axes écartés, ou aux clinochlores.Un groupement ana¬ logue a été signalé dans plusieurs des substances du dernier groupe; mais c’est principalement l’étude des phénomènes optiques qui a dévoilé la structure complexe de certains clino- chlores. Ici le groupement est rendu visible par le mélange de la roche qui s’est mariée à ce groupe cristallin, sans en altérer la symétrie. Il faudra d’autres échantillons pour vérifier cette première détermination. C’est principalement à cause de l’inclinaison qu’il faut don¬ ner aux lamelles pour y distinguer une ligne noire, perpendi¬ culaire aux bandes colorées, c’est aussi à cause du toucher un peu onctueux de leur poussière, que j’ai regardé ce petit groupe cristallin comme une variété de clinochlore. Le Secrétaire présente la note suivante de M. Coquand : De l’étage des marnes irisées et de V étage rhétien [couches à Avicula contorta) dans les environs de Montferrat ( Var ), et de leur sé¬ paration au moyen du bone-bed; par M. H. Coquand (PI. 1Y). La connaissance d’un terrain ne peut être complète qu’à la condition de s’appuyer sur beaucoup de travaux de détail, La pénurie de ce genre de travaux est ordinairement d’autant plus grande que le terrain à décrire occupe une surface plus consi¬ dérable, qu’il est plus tourmenté, qu’il manque de géologues locaux, ou bien que les éléments pétrographiques dont il est composé sont susceptibles de varier sur des points très-rap- 292 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868, prochés les uns des autres, et ne peuvent, à défaut de fossiles, être définis à l’aide d’une formule commune à la formation tout entière. Ces remarques sont plus spécialement applica¬ bles à certains terrains des Alpes provençales, sur lesquels, malgré ou à cause de quelques travaux généraux accompagnés de cartes, mais rédigés à une époque où les questions géologi¬ ques n’avaient pas encore atteint le degré de précision auquel elles sont arrivées depuis, il n’existe que quelques rares mé¬ moires dans lesquels, en dehors de leur mérite intrinsèque, on chercherait vainement à saisir les rapports d’ensemble qui re¬ lient entre elles les diverses parties dont est constituée leur charpente géologique. En eiïet, il n’y a qu’à consulter les statistiques minéralogi¬ ques des départements dont est formée l’ancienne Provence pour s’assurer de leur insuffisance relativement à tout ce qui touche à l’établissement et à la délimitation des divers étages des formations secondaires et tertiaires. Est-il utile de rappeler ici de nouveau que le plus grand nom¬ bre des géologues n’a reconnu à notre trias que les deux éta¬ ges inférieurs, le grès bigarré et le muschelkalk, quand celui des marnes irisées y occupait une si belle place, ainsi que nous l’établissions en 1837 (1) et en 1846 (2); qu’on ne reconnaissait pour base du terrain jurassique dans la Provence maritime que le lias moyen, lorsque l’équivalent du calcaire à Grypbées ar¬ quées et l’infra-lias y avaient leur représentant au-dessus des bancs à Avicula contorta ; que la craie supérieure en était pro¬ scrite, lorsque la craie de Villedieu y était personnifiée par une faune qui rappelle d’une manière si frappante celle de Gosau, et que la craie blanche de Meudon trouvait son équivalent syn¬ chronique dans les lignites lacustres de Provence? Les terrains de la série tertiaire étaient plus maltraités encore; car non-seu¬ lement on s’obstinait à ne voir dans les lignites crétacés des environs de Marseille que du terrain miocène, mais on déniait même l’existence d’un éocène; et l’éocène vrai, avec les Num- mulites et sa faune du calcaire grossier de Paris, on le refou¬ lait dans la craie supérieure; de sorte que l’on imposait une craie blanche, d’origine marine, à une région qui ne la possé¬ dait pas, qu’on lui retirait l’éocène qu’elle possède réellement, (1) Coquand, Cours de géologie professé au Muséum d’Aix , (2) Coquand, Sur un gisement de gypse au cap Argentaro. ( Bull .,2e sé¬ rie, t. III). NOTE DE M. COQUAND. 293 et qu’on reléguait dans le miocène la craie de Villedieu avec Ammonites polyopsis et toutes les couches crétacées qui la sur¬ montent. Dans des travaux qui remontent déjà à une trentaine d’an¬ nées, M. Matheron et moi, nous n’avons cessé de protester con¬ tre ces dénis de justice ; mais nos efforts ont échoué contre le parti pris par une certaine classe de géologues de juger plutôt d’après l’autorité que d’après les faits. Ce n’est que dans ces dernières années que réparation nous a été partiellement ren¬ due. Depuis qu’à la suite des importantes découvertes de M. l’abbé Vallet dans la Tarentaise le prolongement des bancs d’Avicula contorta. a été signalé par M. Hébert dans les environs de Digne, et par moi jusque sur le littoral de la Méditerranée, on s’était borné plutôt à citer des noms de localités qu’à fournir des des¬ criptions détaillées. M. Dieulafait a comblé fort heureusement en partie cette lacune par plusieurs Mémoires insérés dans le Bulletin , et dont le plus récent, qui a la date du 6 mai dernier, a l’avantage de préciser d’une manière plus exacte les caractères généraux des bancs qui séparent, dans la Provence, le lias moyen des marnes irisées. Cette expression de caractères gé¬ néraux est peut-être d’une application difficile pour un étage qui, comme celui du keuper, est un véritable Protée minéralo¬ gique, et dans lequel calcaires travertineux, dolomies, calcai¬ res magnésiens, marnes bariolées, gypses, houille, fer carbo- nalé , roches de ciment et de chaux hydrauliques sont représentés sur un point, manquent sur un autre, ou se rem¬ placent mutuellement. C’est justement à cause de la variabilité infinie de ces élé¬ ments et des dérangements violents dont le keuper a été le théâtre dans le département du Var, qu’il m’a paru utile de décrire une région très-intéressante dont je viens de terminer l’étude entre Toulon et Nice, et dans laquelle il serait bien diffi¬ cile de reconnaître, à part la position stratigraphique, le type des marnes irisées des environs d’Auriol et de Roquevaire dans les Bouches-du-Rhône, et même celui des alentours de Toulon . Cette région, située au-dessus du village de Montferrat, à 46 kilomètres au N. de Draguignan, et qui traverse la route de Castellane, est connue sous les noms des quartiers de Saint- Pons et de la Madeleine. Montferrat, qui doit son nom à des mines de fer gisant dans son territoire, est bâti au confluent de 294 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. divers ruisseaux qui forment la rivière de Narturby. Ces af¬ fluents, dont les plus importants sont ceux du Baudron et de la Madeleine, ont leur source dans les marnes irisées, que l’on voit émerger, dans toutes les dépressions du sol, de dessous les grandes assises jurassiques qui forment le premier gradin montagneux des Alpes provençales, et qu’on peut considérer comme la façade des Basses-Alpes. A partir du lias moyen, le terrain oolithique est formé de puissantes masses de calcaires fendillés, généralement dépourvus d’argiles, et à iravers les¬ quelles les eaux pénètrent jusqu’au niveau des marnes irisées qui les amènent à la surface. La roche, qui affleure dans les par¬ ties les plus basses de la vallée, est le gypse avec les argiles ba¬ riolées qui lui servent d’escorte; ce n’est que dans les environs de Draguignan que le Narturby entame le muschelkalk, le keuperse trouvant déjà à mi-hauteur sur les flancs des coteaux. Le keuper que nous décrivons se recommande par trois par¬ ticularités qui lui sont spéciales, du moins dans une partie du département du Yar : nous voulons parler des couches de houille, des rognons de fer carbonaté et des bancs de ciment naturel que l’on observe à la partie supérieure des argiles gyp- sifères, et que l’on peut considérer comme des substances su¬ bordonnées. Toutes ces roches sont incontestablement placées au-dessous des cargneules keupériennes dont nous parlerons bientôt, donc, à fortiori , bien au-dessous des premiers bancs à Avicula contorta. Aussi notre étonnement a-t-il été très-grand de voir M. Dieulafait (Bull., 2e série, t. XXIV, p. 606) placer le charbon minéral exclusivement dans la zone à Avicula con¬ torta. Nous n’affirmons rien pour les gisements de Gotignac et de Carros, que nous n’avons pas encore eu l’occasion de visiter; pour ceux de Montferrat, de Châteaudouble, de Bargemont et de Seillans que nous avons fait exploiter, que nous avons ex¬ plorés pas à pas pendant plus de deux mois consécutifs, et dont nous avons dû mesurer l’épaisseur des couches à 1 millimètre près, nous nous croyons endroit d’être on ne peutplus affirmatif, et nous pensons que M. Dieulafait, quand il a parcouru la con¬ trée, n’aura pu donner le temps nécessaire à son exploration, ou bien qu’il aura été trompé par un r diversement sur la suc¬ cession normale des couches. Gela ressortira clairement de nos coupes et des détails qui vont suivre. Nous devons dire aussi que, dans le vallon de la Madeleine et dans le haut Narturby, les divers bancs du keuper de la zone à Avicula contorta ont subi des inflexions, des contournements NOTE DE M. COQUAND. 295 si énergiques, qu’il faut une attention toute particulière et une certaine habitude de l’étude des grandes montagnes pour pou¬ voir saisir leur ordre véritable et ne pas être exposé à procla¬ mer des récurrences de faunes ou des interversions d’étages, là où il n’existe en réalité que des ploiements en forme de che¬ vrons ou de simples renversements de couches. La rivière de Narturby prend naissance dans les contre-forts calcaires qui séparent les eaux tributaires de la Durance de celles qui se déversent directement dans la Méditerranée; et un peu au-dessus de la Madeleine, où elle s’affranchit du ter¬ rain jurassique, elle pénètre dans un riant vallon ouvert au mi¬ lieu de terrains de consistance friable qui présentent une série variée de bancs à partir du gypse, qui en constitue la partie visi¬ ble la plus inférieure jusqu’au lias moyen, dont nous ne dépas¬ serons pas le niveau dans notre étude. Pour procéder méthodiquement à leur inventaire, nous pren¬ drons pour point de départ le confluent de Narturby et du tor¬ rent de la Madeleine, et nous remonterons la montagne jusqu’au château ruiné d’Espérel, dont les fondations sont assises sur les bancs à Ostrea cymbium. Nous aurons à distinguer dans cette revue trois termes distincts, dont l’un appartient à l’étage des marnes irisées, le deuxième à l’étage rhétien (couches à Ameuta contorta ), et le troisième à celui du lias inférieur. Jusqu’à présent, la séparation de ces trois termes, dans le midi de la France, a été plutôt une affaire de convenance, sui¬ vant le point de vue spécial où chaque auteur se plaçait , que l’expression d’une sentence rendue en vertu d’arguments scien¬ tifiques. Gomme les corps organisés ne commencent à apparaî¬ tre, au-dessus de certaines argiles sans fossiles, qu’à des hau¬ teurs susceptibles de varier d’une localité à l’autre, on a pris l’habitude de déterminer les marnes irisées au niveau des pre¬ miers calcaires renfermant VAvicula contorta, sans avoir pu éta¬ blir d’une manière bien précise si plusieurs bancs placés au- dessous de ces premiers bancs étaient, ou non, une dépendance du keuper. Nous avons été plus heureux dans nos dernières recherches aux environs de Montferrat, et, grâce à la découverte que nous y avons faite du conglomérat avec ossements de reptiles et de poissons ( bone-bed des Anglais), découverte qui dote la Provence d’un horizon précieux qui lui manquait jusqu’ici, la limite en¬ tre le keuper et la zone à Avicula contorta peut s’opérer avec précision et servir à généraliser les conditions identiques qui 296 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. ont présidé au dépôt de ces deux étages dans une grande par¬ tie de l’Europe. Le gypse B (PL IV, fig. 1), avec ses argiles concomitantes A, forme à la base des marnes irisées des amas considérables, dont la puissance, dans les parties renflées, dépasse une tren¬ taine de mètres, et sur lesquels les argiles qui les recouvrent semblent s’être modelées, tant elles en suivent servilement toutes les inflexions. La description des variétés que présente cette roche, tant sous le rapport de la structure que sous celui de la couleur, serait sans intérêt, et ne reproduirait que des dé¬ tails connus de tous les géologues. 11 nous suffira de faire re¬ marquer qu’elle est très-nettement stratifiée, et que la stratifi¬ cation se trahit partout par des alternances plusieurs fois répétées de couches minces ou de bancs de gypse, tantôt blanc comme l’albâtre, tantôt rouge comme le corail, tantôt gris ou noirâtre, avec des assises d’argiles bariolées, mais chez les¬ quelles les teintes rouges et vertes prédominent. On peut s’assurer de ces allures sur le chemin qui relie le château de la Madeleine à la route de Draguignan, dans toute la longueur du vallon de la Madeleine, dont le fond et une partie des berges sont entièrement occupés par le sulfate de chaux, dans Montferrat même et dans le quartier de Bivouasque, à l’ouest de ce village. En suivant la rivière de Narturby jusqu’à Draguignan, on recoupe de distance en distance des amas de gypse, dont le plus formidable, qu’on peut suivre sur une longueur de plusieurs kilomètres, est sans contredit celui qui est exploité presque en face du village de Ghâteaudouble. Gomme roche subordonnée aux argiles gypsifères, on re¬ marque presque à la partie supérieure du système un banc de cargneule grise G, d’un mètre d’épaisseur environ, à cloisons minces et très-rapprochées, et dont l’intérieur est rempli d’une dolomie terreuse, qui, dans les surfaces exposées aux injures atmosphériques, s’échappe de la prison dans laquelle elle était enfermée, en donnant naissance à un de ces calcaires cloi¬ sonnés que l’on retrouve en si grande abondance dans la Pro¬ vence méridionale, depuis le muscheikalk jusqu’au-dessous du lias moyen. La cargneule dont nous parlons, et qu’il ne faut pas confondre avec celles que nous trouverons à des niveaux plus élevés, est engagée dans l’épaisseur même des gypses et af¬ fleure dans le lit de Narturby, un peu au-dessus de la mine de charbon Saint-Auguste , presqu’en face du moulin , où elle constitue des masses spongieuses, ou bien se subdivise en pla- NOTE DE M. COQUAND. 297 quettes régulièrement stratifiées, dont quelques-unes, vers les points de contact, alternent avec des couches minces de gypse. Nous l’avons observée également dans la plâtrière de Château- double, où elle paraît même se montrer à différents ni¬ veaux. Elle est recouverte par 3 mètres de gypse grisâtre D. Immédiatement au-dessus, on observe une assise d’un cal¬ caire dolomitique jaunâtre E, de consistance terreuse et friable, s'écrasant facilement à l’attaque du marteau et se convertissant à la surface en une espèce de sable argileux fin, mais conser¬ vant néanmoins quelque rudesse au toucher. Ce calcaire est disposé en couches confusément stratifiées, et a une puissance moyenne de 4 mètres environ, qui, dans quelques parties ren¬ flées, atteint exceptionnellement 7 mètres. Il est traversé par des feuillets de chaux carbonatée spathique, minces comme une feuille de papier, se croisant dans tous les sens, et dont la disposition réticulée imite un filet à larges mailles. Lorsque ces feuillets sont très-rapprochés les uns des autres, les dimen¬ sions des compartiments deviennent naturellement moins spa¬ cieuses, et on voit alors la masse passer insensiblement à une véritable cargneule, dans laquelle il serait difficile de recon¬ naître un représentant de la roche primitive, si on n’avait pu constater et suivre pas à pas sur le terrain le passage le mieux ménagé de l’une à l’autre. La roche jaunâtre est un véritable ciment naturel qui, outre les qualités communes qu’elle peut partager avec les autres ciments, en possède une spéciale qui réside dans sa couleur jaune chamois, laquelle, pour les fa¬ çades, reproduit celle de la pierre naturelle et leur donne une teinte très-agréable à l’œil. Toutefois nous devons ajouter que la teinte jaune, qui domine toujours, se trouve souillée, de distance en distance, par des plaques ou taches blanches irrégulières. Ce défaut est dû à l’interposition, dans la masse du ciment, des feuillets de car¬ bonate de chaux dont nous avons parlé, ainsi qu’à l’existence de quelques géodes calcaires dont un triage attentif ne parvient point à le débarrasser complètement. Le carbonate de chaux se transforme en chaux vive dans le four et se répand ensuite dans le ciment, quand on le gâche, en lait de chaux qui badi¬ geonne en blanc une portion de la surface des façades, et ne tarde pas à se convertir en carbonate de chaux insoluble par sa combinaison avec l’acide carbonique de l’air. Je pense qu’on pourrait faire disparaître ces souillures par un ponçage super- SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. 298 ficiel après l'accomplissement de ce phénomène chimique, au¬ quel il est impossible de s’opposer. Les ciments le plus généralement employés jusqu’ici appar¬ tiennent, comme ceux de Vassy et de Pouilly, au lias, comme celui de la Porte-de-France au terrain jurassique, au calcaire de Portland, à l’étage aptien, comme ceux de Roquefort et de laBedoule, ou bien à la craie supérieure (terrain à lignite de Fuveau), comme ceux de la Valentine et de la Méditerranée. On ne connaissait point encore de ciment dans l’étage keupérien, et c’est à M. d’Espérel père que revient le mérite de cette dé¬ couverte. L’aspect extérieur du ciment naturel de la Madeleine, et sur¬ tout son gisement au sein des marnes irisées, m’a suggéré l’idée d’y rechercher la magnésie, et j’ai reconnu que cette hase y existait en proportion notable, ainsi que le montre le résultat de l’analyse que j’en ai faite : Eau. . . . 2, » \ Sable et argile . 17,17 j Alumine et oxyde de fer . 5,30 > 100 Carbonate de chaux . 56,50 1 — de magnésie . 19,03 J La silice intervient dans la proportion de 40 parties pour 100 de chaux et de magnésie. Sur quelques peints, et sans que rien puisse l’annoncer extérieurement, la quantité de fer augmente dans des proportions considérables, et on est fort surpris de rencontrer des incuits que leur couleur rougeâtre et leur poids font reconnaître comme fer carbonaté. Cela s’explique par la propriété qu’ont le protoxyde de fer, la chaux et la magnésie, de se substituer les uns aux autres dans le groupe du fer car¬ bonaté. La pierre à ciment est recouverte par 2 mètres d’un calcaire également magnésien F, de couleur un peu plus blanchâtre, et dont il est difficile de le séparer. Il se débite en petites pla¬ quettes, de friabilité très-grande, fait pâte avec l’eau à la ma¬ nière de certaines argiles, et il n’est susceptible d’aucune appli¬ cation utile ; seulement il encombre les chantiers d’un déblai stérile et abondant dont il convient de le débarrasser. Le ci¬ ment contient, sous forme de traînées irrégulières, une brèche composée de petits fragments anguleux calcaires à peine ag¬ glutinés, de couleur jaune brunâtre, et ressemblant à ces ma¬ tériaux incohérents que l’on remarque souvent dans les dépôts NOTE DE M. COQUAND. 299 travertineux modernes. La brèche passe quelquefois à un Véri¬ table poudingue, lorsque les fragments ont été arrondis par les eaux; mais ce n’est là qu’un accident local et sans impor¬ tance. Gomme je le faisais remarquer plus haut, le ciment naturel n’est guère qu’une manière d’être particulière d’une véritable cargneule ; or, rien n’est variable comme la cargneule, soit dans sa texture, soit dans son épaisseur, soit dans sa composi¬ tion, et naturellement la pierre à ciment suit dans ses allures des variations analogues. Ainsi, sur la berge gauche du vallon de la Madeleine, où elle se montre dans son épanouissement le plus respectable, l’épaisseur exceptionnelle de 7 mètres que l’on constate dans la partie renflée de la carrière principale descend brusquement à 4, à une soixantaine de mètres en amont; puis, à une portée de fusil, elle se réduit à une traînée insignifiante, au-dessus des gypses blancs que l’on observe au haut du vallon, et le ciment se convertit graduellement en une cargneule jaunâtre qui en a la couleur, en occupe la place, mais qui est impropre à la fabrication du ciment. 11 en est de même en aval, dans la carrière ouverte au dessous de l’aqueduc, où le front d’abatage n’a plus que 4 mètres, puis 2, au-dessus des affleurements charbonneux, dans le ruisseau même de Narturby. Son prolongement au-dessous de la terre végétale n’est indiqué que par des cargneules jaunes qui ont résisté à la désagrégation plus que les parties terreuses. Enfin, sur la route rectifiée de Castellane à Draguignan, entre l’embranchement de la route de Bargemont et l’amorce de la rectification, le gisement de ciment est représenté par 1 mètre de cargneule solide à la base, et, à sa partie supérieure, par 1 mètre de ciment exploitable. Et ces modifications s’opèrent sur un rayon d’environ deux kilomètres ! A ces inconvénients, tenant aux irrégularités dans les allures et dans la composition, s’ajoute un inconvénient bien plus grave encore, consistant en ce que le cube des pierres de ciment qui sont supérieures au niveau des eaux de la Madeleine s’élève à peine à 1,100 mètres, pouvant suffire à une production de 3 tonnes par jour pendant une année, et qu’après le dérasement de ce cube il conviendra de recourir à des travaux souterrains dont une marchandise vile comme le ciment est incapable de supporter les charges, et qui placeront celui d’Espérel dans l’impossibilité, malgré ses excellentes qualités, de lutter contre les gisements puissants et économiquement approvisionnés de 300 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. la Bedoule, de la Valentine, de la Porte-de-France et de Port- land. La roche à ciment avec les plaquettes supérieures est sur¬ montée par 5 mètres environ d’argiles bariolées G, alternant avec des gypses rouges et grisâtres, ainsi qu’on peut le remar¬ quer entre la carrière de l’ Aqueduc et le château de la Made¬ leine. Vient ensuite un nouveau niveau de cargneule verdâtre H, de lm,50 à 2 mètres d’épaisseur, qu’il est impossible, à cause de sa couleur spéciale, de confondre avec aucune autre car¬ gneule de la contrée, et dont la présence sert à établir une sé¬ paration tranchée entre les grands amas de gypse et les argiles charbonneuses par lesquelles les roches gypseuses se terminent. Le fond de la roche est une dolomie à grains fins, remplie de géodes tapissées de cristaux de carbonate de chaux, et tellement criblée de vacuoles qu’on serait tenté au premier coup d’œil de la prendre pour un produit volcanique. Les maisons de ferme de la Madeleine sont bâties sur cette cargneule, et on peut la suivre sans interruption sur tout le flanc gauche du vallon de la Madeleine, dans le chemin qui du château conduit à la route de Draguignan, ainsi que dans les alentours de Montferrat. Aux cargneules vertes succède un système d’argiles grisâtres ou noirâtres 1, puissant de près de 13 mètres, et qui est remar¬ quable par les roches subordonnées qu’il contient, et qui toutes, chose étonnante, s’y trouvent noyées sous forme de rognons isolés, de volume variable. Ces roches sont la houille, le fer carbonaté et le gypse. La houille tient la première place, à cause de son abondance relative d’abord, et ensuite à cause de l’importance industrielle à laquelle elle pourrait être appelée, surtout dans un terrain à éléments hydrauliques. Les travaux de recherches exécutés à des périodes diverses consistent en un certain nombre de galeries que l’on a ouvertes sur trois points différents : le premier, à l’ouest., au-dessus de la maison d’habitation, dit la mine de Sainte-Gabrielle ; le deuxième, à l’est, au niveau de la rivière de Narturby, un peu au-dessous des ruines de Saint-Pons, dit mine de Saint-Auguste; et le troi¬ sième, au haut du vallon de la Madeleine, dit mine de la Gines- tière. Les fouilles entreprises sur ces divers centres n’ont pu conduire à la découverte d’une couche réglée de charbon, mais bien à celle de rognons plus ou moins espacés, et qui, une fois enlevés, faisaient retomber dans des argiles stériles. Ce com¬ bustible se présente généralement sous la forme d’une masse NOTE DE M. COQUAND. 301 grenue, très-friable, d’un noir louche tirant sur la couleur de la plombagine, s’égrenant avec la plus grande facilité sous les doigts, et contenant çà et là quelques nœuds d’une houille lamellaire, d’un noir grisâtre, qui le sépare en fragments cu¬ boïdes. On croirait quelquefois avoir sous les yeux du charbon laminaire, tant les joints de clivage réfléchissent vivement la lumière; mais ce miroitement est trompeur; il est dû à l’inter¬ position de lames très-minces et transparentes de chaux sulfatée, dont il est facile de connaître la nature en broyant l’échan¬ tillon. La poussière montre alors, et en très-grande abondance, une substance blanche qui n’est autre chose que du gypse. Dans les essais à un feu de forge, on est fort surpris d’obtenir un résidu spongieux blanc de lait, qui s’élève de 50 à 60 pour 400 de la masse essayée, et qui se présente sous la forme d’une carcasse cloisonnée de plâtre dans les alvéoles de laquelle s’était logée la partie charbonneuse. Cette concomitance du gypse et de la houille, à part quelques exceptions, est un fait constant, et il n’est pas rare de recueillir des échantillons chez lesquels ces deux substances alternent régulièrement, en imitant assez fidè¬ lement la disposition de certaines étoffes de deuil, en bandes alternativement blanches et noires. Quelques morceaux de pre¬ mier choix brûlent avec flamme longue, mais sans bour- souffler, en laissant un résidu très-abondant, provenant de l’argile avec laquelle ils sont mélangés dans une grande pro¬ portion. Dire que la houille est dispersée au milieu de l’argile, sans toit ni mur, c’est annoncer par là qu’elle est très-pvriteuse. La pyrite de fer, en effet, s’y trouve disséminée en rognons ou en particules très-fines et très-divisées. Une fois exposée à l’air, elle s’échauffe et finit par enflammer les tas exposés sur les haldes. Jusqu’à ce jour, les travaux de recherches anciens, ceux que j’ai fait exécuter moi-même, pas plus que les nom¬ breux affleurements que les rectifications de la route nouvelle ont mis à découvert sur une étendue considérable, n’ont dé¬ voilé l’existence d’une seule couche réglée qui, abstraction faite de la qualité du combustible, pût permettre de compter sur une production régulière. Les rognons ou nids de houille, dont quelques-uns dépassent 1 mètre de diamètre, se trouvent dis¬ persés sans ordre dans une roche ébouleuse, épaisse de plus de 12 mètres, à travers laquelle il est difficile, pour ne pas dire impossible, de se diriger. On comprend dès lors que, tant que l’on n’aura pas eu la bonne fortune de rencontrer des bancs ré- 302 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868» guliers, l’exploitation, qu’aucun indice certain ne peut guider, marchera au hasard, restera une exploitation d’aventure, pro¬ ductive aujourd’hui, stérile demain, et qui, si les choses ne devaient pas changer, conduirait fatalement à abattre la masse entière des argiles pour la débarrasser de ce qu’on pourrait appeler à juste titre ses blocs erratiques de houille. Or, si les blocs de 1 mètre sont déjà une exception, par contre le plus grand nombre excède rarement 25 ou 20 centimètres, et on en trouve beaucoup encore au-dessous de cette modeste dimen¬ sion. A en juger par la quantité énorme des argiles accumulées sur les haldes, et m’en rapportant à une expérience faite di¬ rectement par moi dans une galerie que j’ai fait ouvrir au cen tre même des couches charbonneuses, on peut à peine compter sur 1 mètre de charbon par 50 mètres d’argiles extraites, et on ne peut fixer au-dessous de dix francs l’enlèvement de I mètre cube de roche. Quoi qu’il en soit, ce gisement houiller, qui est si remar¬ quable par la disposition isolée des nids de houille qu’il ren¬ ferme, et le seul que je connaisse de ce genre, se poursuit avec les mêmes allures dans les communes voisines de Montferrat, de Ghâteaudouble, de Bargemont, de Seillans et de Fayence. II rappelle, quoique dans des conditions moins favorables d’ex¬ ploitation, les gisements, de même nature et du même âge, de Corcelles, de Souhenans et de Semonval, dans la Haute-Saône (1 ), subordonnés également aux dépôts gypseux et immédiatement placés au-dessus d’eux. Seulement, dans cette partie de la France, la houille se présente en couches variant de 0m,60 à 0m,80. On sait aussi qu’à Noroy, près de Vittel en Lorraine, on a exploité, dans les marnes irisées, une couche de houille de 0m,40, et que cette couche se rencontre à Morchange et à Wal- mtinster, dans la Moselle (2). Le fer carbonaté lithoïde est répandu avec bien moins de profusion que la houille; comme elle, il est noyé sans ordre et en rognons perdus au milieu des argiles. Les plus volumineux, mais ils sont rares, atteignent quelquefois les dimensions d’un demi-mètre cube, et les moyens celles d’une boule à jouer. Leur surface est lisse ou tuberculeuse, et recouverte d’une pa¬ tine noirâtre, tandis que la masse, que le premier coup de marteau fait éclater en fragments polyédriques et avec cassure (1) Thirria, Statistique delà Haute-Saône , p. 297. (2) Explication de la carte géologique de la France , t. Ii, p. 59, NOTE DE M. COQUAND, 303 conchoïdale, consiste en une substance pierreuse, jaune nankin, ou d’un blond pâle, que, sans sa pesanteur et sa composition, on serait tenté de prendre plutôt pour une pierre lithogra¬ phique que pour une mine de fer. Elle est fréquemment tra¬ versée par de petits filons de gypse blanc saccharoïde ou fi¬ breux. Il en existe une variété de couleur brun chocolat et présentant dans sa cassure ces granulations ou réticulations spéciales aux roches qui cristallisent en boules et qu’on observe surlout dans le porphyre orbiculaire de Corse. Le fer carbonaté est sujet à se décomposer. La décomposition s’attache d’abord à la surface des blocs et pénètre successivement dans l’inté¬ rieur; quand elle parvient jusqu’au centre, ce qui se vérifie surtout dans les rognons d’un faible calibre, la roche, de comr pacte qu’elle était, devient terreuse et passe à l’état de fer hy¬ draté jaune. Les progrès de la transformation se traduisent par une série d’enveloppes concentriques qui se modèlent exacte¬ ment sur un noyau qui ordinairement est resté sain. J’ai re¬ cueilli quelques rognons qui étaient d’une légèreté remarquable et convertis en une espèce d’ocre tendre tachant les doigts. MM. Langlois et Jacquot (1) ont décrit plusieurs gisements de minerais de fer en rognons, également subordonnés aux marnes irisées, dans les bois d’Alzing, de Brettnach, de Volving et de Walmünster, dans le département de la Moselle. Le gypse accompagne les deux produits que nous venons de mentionner, et, s’il est moins abondant que le charbon, il est plus répandu que le fer carbonaté. Comme eux, il se présente sous forme de sphères de volume variable, complètement iso¬ lées et rappelant les gypses tertiaires du Volterrano, ou bien il court au milieu des argiles charbonneuses en petits filons blancs, à. structure fibreuse. Le sulfate de chaux n’avait donc pas cessé de se former, quand la houille et le fer carbonalé se sont déposés. Aussi considérons-nous les argiles charbonneuses comme une dépendance directe des amas gypseux; seulement, il est évident que le sulfate de chaux ne se trouvant plus en quantité suffisante dans les eaux qui le tenaient en dissolution pour former des couches ou des bancs épais comme dans la partie inférieure, il a dû se pelotonner sous forme de boules au milieu des argiles, ou en remplir les fentes sous celle de filons maillés. Nous avons observé, dans les travaux de recherches de la (1) Annales des mines , 4^ sér., vol. XX, p. 304 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. mine Saint-Auguste, quelques blocs dans lesquels le gypse et le ciment se trouvaient mélangés d’une manière intime. Le pre¬ mier, de couleur blanche, était distribué dans la masse sous forme de mailles ou de cloisons réticulées, et le ciment, de couleur jaune, remplissait l’intérieur des cloisons. C’était une cargneule d’un nouveau genre, dans laquelle les cloisons, au lieu d’être composées de calcaire, l’étaient de sulfate de chaux; or, comme celui-ci, à cause de sa solubilité plus grande, est le premier à disparaître dans les portions de la roche soumises aux atlaques de l’eau, il en résulte que la surface des blocs re¬ présente une espèce de mosaïque jaune à compartiments polyé¬ driques, séparés les uns des autres par suite de l’enlèvement du sulfate de chaux qui relie les divers fragments dans les par¬ ties restées saines. C’est tout à fait l’inverse de ce qui se produit dans les cargneules ordinaires, où la dolomie, plus friable, étant la première à s’échapper, il ne reste de persistant que les cloisons calcaires. Les argiles charbonneuses constituent le niveau le plus élevé des couches à gypse; on n’en retrouve plus au-dessus. Il n’y a qu’à examiner les circonstances générales qui accompa¬ gnent le sulfate de chaux dans les gisements dont nous venons d’esquisser la physionomie, son alternance plusieurs fois répé¬ tée avec des argiles et des calcaires magnésiens, son mélange intime avec la houille, le fer carbonaté, pour se convaincre qu’il a été déposé normalement, et par voie aqueuse, dans les terrains qui le conliennent, et qu’il serait impossible de lui reconnaître une origine métamorphique, à moins de violer les règles les plus saines de la géologie, qui, toutes, protestent contre une pareille hypothèse. Au-dessus des argiles carbonifères, on observe une assise rouge J de 2 mètres, au milieu de laquelle s’éparpillent des plaques irrégulières ou des amas travertineux jaunes, parallèles au sens de la stratification. Puis apparaît une grande masse de cargneules R, épaisse de plus de 12 mètres, qui fournit un point de repère des plus saillants et des plus précieux de la contrée, parce qu’il permet, même de loin, d’établir une séparation tranchée entre les ar¬ giles gypsifères et carbonifères, qu’on peut appeler les argiles irisées par excellence, et le système supérieur du keuper, qui est composé de dolomies et de marnes verdâtres, mais sans gypse ni charbon. Ces cargneules sont, sans contredit, ce que l’on peut imaginer de plus irrégulier comme allures et de plus NOTE DE M. COQUAND. 305 incohérent comme composition. L’élément prédominant est la dolomie; la structure la plus fréquente, la structure cloisonnée. La dolomie est ordinairement grenue et miroitante, compacte, ou bien criblée de petites vacuoles tapissées de cristaux mi¬ croscopiques de chaux carbonatée. Sa couleur varie du blanc sale au jaune d’ocre. Elle se présente tantôt en bancs régu¬ liers, bien stratifiés, et tantôt en encroûtements baveux englo¬ bant des fragments anguleux d’autres roches calcaires, emprun¬ tées, suivant toute vraisemblance, au muschelkalk, ou bien des nids d’argiles verdâtres. A ces dolomies sont associés des calcaires rougeâtres ou jaunâtres, compactes ou crevassés, d’aspect travertineux, for¬ mant des couches interrompues, empâtant à leur tour des fragments argileux disposés en amas ou en traînées. Mais la roche qui imprime à cette assise son cachet spécial est la cargneule, roche essentiellement composée d’une carcasse de calcaire spathique cloisonné, et dont l'intervalle des cloisons est rempli par de la dolomie plus ou moins terreuse ou par des argiles calcarifères. Lorsque la cargneule est pleine, elle n’est autre chose qu’une roche bréchiforme, composée de deux éléments ; lorsqu’au contraire, et surtout à la surface, les cloisons ont été débarrassées de leur dolomie ou de leur argile, il ne reste plus qu’une masse cariée, privée accidentel¬ lement d’un de ses éléments constitutifs. On ne saurait se refuser à reconnaître à ces produits calcaréo-magnésiens une origine travertineuse, que trahissent suffisamment leur compo¬ sition, leur mélange, leur irrégularité et leur position au sein des marnes irisées, d’où ils semblent surgir comme des dykes éruptifs. Leur disposition en murailles déchaussées et sail¬ lantes tient d’un côté à leur solidité propre, et, d’un autre, à la désagrégation facile des argiles au milieu desquelles ils sont pour ainsi dire noyés. Cinq cents mètres au-dessus du village de Montferrat, la rectification de la route a fait découvrir dans la grande assise des cargneules dont nous nous occupons en ce moment un banc d’un calcaire bleu turquin entièrement pétri de pisolithes blanches à couches concentriques, de di¬ mensions inégales, mais dont les plus volumineuses dépassaient la grosseur d’une noix. Les cargneules sont recouvertes par dix mètres d’argile ver¬ dâtre L alternant avec des dolomies blanches ou jaunâtres, grenues, disposées en cordons réguliers, et remplies de gran¬ des crevasses occupées par des argiles jaunes ou par des dolo- Soc. géol., 2e série, tome XX Y. 20 306 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. mies jaunes. Elles jouissent de la propriété, par suite de faux joints de stratification, de se débiter en fragments parallélipipé- diques de très-petite dimension. Ces argiles forment indubita¬ blement le couronnement des marnes irisées, car nous allons voir leur succéder une série de bancs de composition différente, et qui, par les fossiles qu’ils contiennent, annoncent un ordre de choses nouveau et nous placent en plein dans la zone à Avicula conlorta. Il s’agissait de trouver entre ces deux étages une ligne rigoureuse de démarcation, et nous avons eu la bonne chance, après l’avoir vainement cherchée pendant plu¬ sieurs années, de la trouver dans ce fameux conglomérat d'os¬ sements de poissons et de reptiles, connu sous le nom de bone-bed, et qui, sous le château ruiné d’Espérel, repose directe¬ ment sur les argiles vertes avec les dolomies subordonnées que nous venons de mentionner. Toutefois, avant de procéder à la description des couches à Avicula conlorta , nous dirons que le keuper, dans la région que nous venons de décrire, se divise en deux sous-étages, dont le plus inférieur comprend les argiles bariolées avec gypses et les combustibles minéraux, et le deuxième les car- gneules, les dolomies et les argiles vertes. Dans le premier, l’élément argileux prédomine; dans l’autre, c’est l’élément magnésien. Quant aux épaisseurs, elles se répartissent de la manière suivante : A Argiles bariolées B Gypse en amas G Cargneules grises D Gypse 10 30 1 2 Partie J E Ciment inférieure.. \ F Ciment terreux 8 2 5 2 15 3 78 m. G Argiles gypsifères H Cargneules vertes I Argiles charbonneuses J Argiles rouges Partie i K Cargneules supérieures supérieure.. ( L Argiles vertes et dolomies 12 10 m. Total 100 m. Gomme roches caractéristiques, on peut choisir le gypse, la cargneule verte H et les cargneules supérieures R. Ces der- NOTE DE M. COQUAND. 307 nières remplissent un rôle vraiment important et qui paraît offrir un caractère persistant dans toute l’étendue du Var. Quant aux autres roches, le gypse excepté, elies sont suscepti¬ bles de varier d’une localité à l’autre, et encore, pour le gypse, il ne conviendrait pas de réclamer aux gisements du Yar les anhydrites d’Auriol et de Roquevaire dans les Bouches-du- Rhône. Les charbons, le fer carbonaté, le ciment manquent sur une foule de points. Quant aux cargneules, il en existe sur tous les niveaux, et les cargneules vertes H, qui sont un guide si constant pour le keuper des alentours de Montferrat, font défaut dans les environs de Draguignan et dans la vallée du Gapeau. En conséquence, il ne faut pas attacher à la présence de cette roche plus d’importance qu’elle n’en a réellement, d’autant plus qu’il n’est pas rare d’en observer des lambeaux interrompus enclavés au milieu des argiles, et qui représentent souvent la continuation de bancs épais qui finissent par dispa¬ raître de cette manière. 2° Zone à Avicula contorta. Aux marnes bariolées, aux gypses et aux amas charbonneux, aux grandes masses de cargneules dolomitiques qui caractéri¬ sent l’étage des marnes irisées, nous allons voir succéder des calcaires gris ou bleuâtres, fossilifères, en couches bien ré¬ glées et conduisant jusqu’à d’autres calcaires remplis de silex, également fossilifères, mais dont les fossiles sont ceux du lias moyen, tels queY Ostrea cymbium,Pecten Œquivalvis , Terebratula resupinata , etc. Au-dessus des argiles vertes par lesquelles se termine le keuper, et en continuant toujours la même coupe du vallon de la Madeleine au château ruiné d’Espérel, un peu au-dessus de la bergerie qui est bâtie sur les cargneules supérieures, on observe (PI. IV, fig. 2) : l. Une assise de calcaire magnésien terreux jaune (chaux hydraulique), traversée dans son milieu par un petit lit de poudingue de 4 centi¬ mètres au plus de puissance. Ce lit est composé de petits galets cal¬ caires anguleux ou arrondis, reliés p ir une espèce de mortier argilo- calcaire dans lequel sont noyés des fragments calcaires de très-petite dimension. On y observe aussi, mais ils sont rares, quelques cailloux roulés de quartz hyalin. Ce qui donne à ce poudingue une importance 308 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. géologique capitale, c’est la présence de nombreux ossements de rep¬ tiles et de poissons, que l’on reconnaît si aisément d’après leur struc¬ ture, et à leur surface luisante, comme si elle était vernie. 11 est évi¬ dent que ce niveau à reptiles, au-dessus duquel apparaissent pour la première fois les Avicula contorta, représente le fameux conglomérat décrit et connu sous le nom de bone-bed , et que tous les auteurs qui s’en sont occupés considèrent comme étant la base de :a zone à Avi¬ cula contorta . il faut quelque attention pour rencontrer en pbce ce conglomérat, que sa faible puissance peut faire négliger, et qui, sur beaucoup de points, est masqué par les éboulis. Outre le point que je décris ici, et d’où j’ai retiré de très-belles plaques, je l’ai remarqué aussi près de l’embranchement des routes de Castebane à Bargemont, ainsi que sur les accotements de la route de Draguignan qui fait face au château de la Madeleine . 0m,8G 2. Argile jaune tenace, feuilletée . 0 ,25 3 . Calcaire gris avec Avicula contorta , lumachelle remplie de co¬ quilles non déterminables . 0 ,05 4. Calcaire jaune, argilifère . 0 ,05 5 . Calcaire gris, fossilifère, lumachelle avec Avicula contorta} Os- treaf Cardium, Mytilus , etc . 0 ,08 6. Calcaire jaune passant à la cargneule . 0 ,30 7 . Argile grise . 0 ,15 8. Argile jaune mélangée de calcaire jaune . 0 ,80 9. Calcaire gris, tuberculeux et bosselé à la surface, lumachelle avec Avicula contorta et écailles de poissons . 0 ,45 10. Argile jaune . 0 ,30 11. Calcaire tuberculeux avec A v icula contorta . 0 ,25 12. Argile jaune . . . 0 ,25 13. Calcaire tuberculeux (lumachelle) . 0 ,25 14. Argile jaune feuilletée . 0 ,20 ^5. Calcaire tuberculeux avec A vicula contorta . 0 ,30 “6. Calcaire gris à cassure grenue, en plaquettes minces, très- régulières, se débitant à la manière d’ardoises grossières, al¬ ternant avec des calcaires gris, argilifères, fossilifères . 1 ,00 17. Argile jaune feuilletée . 0 ,35 18. Calcaire gris, tuberculeux, fossilifère . 0 ,20 19. Calcaire gris en plaquettes, fossilifère . 0 ,80 20. Argile jaune . 2 ,00 21. Calcaire jaune magnésien passant à la cargneule . , . . . . 2 ,00 22. Calcaire gris . 2 ,00 23. Calcaire gris avec cargneule interposée . 1 ,00 24. Calcaire gris, lumachelle à fossiles indéterminables, dernier banc fossilifère . 1 ,60 15m,33 NOTE DE M. COQUAND. 309 . Infralias. 25. Calcaire jaune magnésien . . .... . 0 ,90 26. Calcaire gris à grains miroitants . 2 ,00 27. Argile jaune et 'verte.. . 3 *00 28 . Calcaire jaune magnésien, mélangé de calcaire gris, compacte, à cassure conchoïde, passant à la cargneule à la partie supé¬ rieure . 3 *00 29. Calcaire jaunâtre compacte sans fossiles . 5 ,00 13m,90 C’est au-dessus de ce dernier banc que se développent les premiers calcaires fossilifères de la formation basique; ils dé¬ butent par un calcaire jaunâtre entièrement pétri d’articles de Pentacrinites, auxquels succèdent d’autres calcaires gris en couches épaisses, bien réglées, traversées par des lits inter¬ rompus de silex blanchâtre, et contenant des Bélemnites, des Rhabdocidaris, le Pecten œquivalvis , VOstrea cymbium, etc. Ces divers corps organisés annoncent entre les gisements de la Sainte- Baume, de Toulon^ de Cuers et ceux des environs de Montferrat une continuité non interrompue. Seulement, il existe des différences notables dans l’épaisseur et la composi¬ tion des roches comprises entre le trias et les premiers bancs du lias moyen. Et d’abord, dans le vallon de Narturby, la zone à Avicula contorta acquiert un plus grand développement que dans les environs de Belgentier, de Lavalette, de Saint-Na¬ zaire, de Roquevaire et de Trets; par contraire, on voit des¬ cendre à une douzaine de mètres seulement les calcaires magnésiens blanchâtres ou jaunâtres, les dolomies et les cal¬ caires bleus intercalés entre les derniers bancs fossilifères à Avicula contorta et les premières assises du lias moyen, roches dans lesquelles on peut voir raisonnablement l’équivalent de l’infralias et du bas à Gryphées arquées; or, ces roches, dans la vallée du Gapeau, à Belgentier, dans les communes de Cujes, du Plan d’Aupt, d’Auriol et de Trets ne mesurent pas moins de 30 mètres. Ces variations tiennent à une simple mo¬ dification dans le caractère pétrographique et n’attaquent en rien l’indépendance et la succession normale des faunes. Elles n’ont donc qu’une importance relative en géologie, et ne ser¬ vent peut-être qu’à rattacher plus intimement, au point de vue zoologique, la zone à Avicula contorta du midi de la France 310 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. au même horizon dans les Alpes italiennes, les grandes Alpes, la Bavière, l’Angleterre, la Côte-d’Or, avec lesquelles la décou¬ verte que je viens de faire à Montferrat du conglomérat avec ossements de reptiles et de poissons ( bone-bed ) lui donne un trait de ressemblance de plus. En admettant que l’étage à Avicula contorta finisse là où finissent les bancs fossilifères, c’est-à-dire au n° 24 de notre coupe, son épaisseur serait de 15 mètres 33, et il resterait 13 mètres 90 pour celle de l’in- fralias et du lias à Gryphées arquées. Je ne saurais trop recommander aux géologues qui seraient désireux de connaître à fond la géologie des bancs à Avicula contorta du midi de la France les environs de Montferrat, ainsi que les montagnes qui s’étendent entre Bargemont et la forêt des Blaques dans la commune de Châteaudouble. Outre que cet étage s’y trouve très-largement développé, il s’y présente également avec une grande abondance de fossiles, et, ainsi qu’on a pu le voir par les détails précédents, sa séparation d’avec les marnes irisées s’opère avec la plus grande sûreté, grâce à l’existence des bone-beds. L’observateur s’y familiari¬ sera de plus avec les accidents orographiques les plus étranges et les plus inattendus. La fig. 3, PL IV, donne la coupe prise sur la rectification de la route de Castellane, entre le vallon de la Madeleine et l’embranchement de Bargemont ; mais, sur le sentier qui conduit à la ferme du Colombier, l’on voit des couches du keuper, de l’élage rhétien et du lias moyen re¬ pliées sur elles-mêmes de mille manières différentes, recour¬ bées en cerceaux, ou repliées en chevrons. La série complète est renversée dans le monticule qui supporte les ruines de Saint-Pons, où l’on voit le lias moyen supporter l’infralias, celui-ci les bancs à Avicula contorta , et ces derniers les argiles vertes keupériennes ainsi que le grand banc des cargneules et les argiles charbonneuses. En suivant le lit du Narturby depuis le vallon de la Made¬ leine jusqu’aux environs de Montferrat, on passe en revue des terrains tellement bouleversés qu’il faut du temps pour remet¬ tre en leur place et relier les uns aux autres les lambeaux que les soulèvements ont dénivelés. Nous nous contentons de repré¬ senter dans le diagramme suivant un exemple de ploiement qui a affecté les bancs à Avicula contorta et que l’on voit très- clairement exprimé sur la berge droite du Narturby, au-dessous des grands escarpements calcaires du village de Châteaudouble. Les calcaires lumacheîles avec Avicula contorta y alternent DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 3 H très-régulièrement avec des argiles noirâtres qui deviennent grises après avoir été exposées au grand air. Cette coupe rap¬ pelle la disposition en chevrons du terrain houiller d’Anzin. Séance du 20 janvier 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Landa (Louis), imprimeur, à Chalon-sur-Saône (Saône- et-Loire) ; présenté par MM. Demilly et Alf. Caillaux. Le Président annonce ensuite une présentation. La Société reçoit : Delà part de M. Alphonse Milne-Edwards, Recherches anato¬ miques et paléontologiques pour servir à rkistoire des oiseaux fossi - 312 SÉANCE DU 13 JANVIER 1868. les de la France , in-4, 14e livraison ; Paris, 1867 ; chez Victor Masson et fils. De la part de M. E. Renevier, Complément delà faune de Che¬ ville, im8, 93 p., 2 pl.; Lausanne, 1867; chez Paul Dardel. De la part de la Direction de la Société géognostique et minière de la Styrie, Carte géologique de la Styrie, 4 f. ; Gratz, 1863 ; chez Th. Schneider, Annales des Mines , 6e série, t. XI, 2e et 3e livraisons de 1867; Paris, 1867 ; chez Dunod ; in-8. L Institut, n° 1776; 1868, in-4. The Athenœum, n°2099, 1868, in-4. M. Le Président soumet à Papprobation de la Société une proposition du Conseil tendant à faire don au Muséum d'histoire naturelle des collections jusqu'ici conservées dans le local de la Société. M. de Verneuil ne croit pas qu'il soit opportun de soule¬ ver cette question avant qu'un changement de local ait été décidé. M. Louis Lartet expose que la proposition est faite dans l'intérêt même de la conservation des collections et pour qu'elles soient plus facilement consultées. M. Levallois est d'avis qu’on ne doit disposer de rien sans l’agrément des donateurs, qui pourront réclamer la resti¬ tution de ce qu'ils ont donné si la Société vient à s’en des¬ saisir. M. Hébert, en s'associant aux observations de M. Leval¬ lois, insiste sur l'intérêt que présentent plusieurs de ces collections, sans lesquelles des mémoires importants se¬ raient aujourd’hui difficiles à comprendre. Il propose donc qu'avant toute décision le Conseil nomme une Commission chargée de se rendre compte de l’état des collections actuel¬ lement conservées rue de Fleurus, et de rédiger un rapport sur cet objet. Après quelques observations de MM. Levallois, Michal et Alph . Milne-Edwards, la proposition de M. Hébert est adoptée à l' unanimité. NOTE DE M. RENEVIER. 313 M. Hébert présente un travail de M. Renevier sur le ter¬ rain crétacé de Cheville (v. la Liste des dons) et communiqué, à cette occasion, la note suivante de l’auteur : Note sur les trois faunes méso-crétacées de Cheville ( Alpes - Valai- sannes); par M. E. Renevier. En offrant à la Société géologique ma cinquième Notice sur les Alpes vaudoises , je voudrais résumer dans le Bulletin les principaux résultats auxquels je suis arrivé par cette nou¬ velle étude, qui avait pour objet le riche gisement de Che¬ ville. La première moitié de ce travail, parue déjà en juin 1866, contenait la Géologie de Cheville et l’énumération critique des céphalopodes de ce gisement, pour laquelle j’avais eu l’avantage de collaborer avec M. le professeur F. -J. Pictet, de Genève. Pour la seconde moitié , qui vient de paraître sous le titre de Complément de la faune de Cheville , j’ai été privé de cette pré¬ cieuse collaboration. En tout, j’ai reconnu 252 espèces, parmi lesquelles il n’y a que 15 nov . sp. décrites. Elles sont réparties de la manière sui¬ vante dans les trois horizons méso-crétacés de Cheville : ESPÈCES. Vertébrés, j Articulés, j Céphalopodes, j | Gastéropodes, j | Acéphales. | Brachiopodes. Bryozoaires. Échinides. j | Coralliaires. j | Spongiaires. | Totaux. Spéciales à la faune sup. » » 3 7 2 » » 1 » » 13 Transitives . » » 16 » 2 » » ' 5 » » 23 Spéciales à la faune moy. 1 1 40 56 54 5 1 ! 9 3 1 171 Transitives . » » 8 5 4 » )) 1 D » 18 Spéciales à la faune inf. 1 1 7 7 ! 10 | j JL » i D _ - 27 Totaux. . . 2 2 74 75 . 72 5 1 i 17 3 1 252 Il y a donc 18 espèces transitives de la faune inférieure à la faune moyenne, soit 24 p. 100, et 23 espèces passant de la faune moyenne à la faune supérieure, soit 37 p. 100. Aucune espèce n’est commune aux trois faunes. La faune inférieure appartient à l’étage albien , car, de ses 45 es- 314 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. pèces, 38 sont caractéristiques du gault inférieur ou gault proprement dit. Les plus fréquentes sont : Ammonites marnillatus, Schl. Ancyloceras Blancheti, Pict. et C. Solarium Hugianum, Pict. et Rx. Âporrhais obtusa, Pict. et G. Inoceramus concentrions , Park. — Salomoni, d’Orb. Plicaiula radiola, Zk. Hemiaster minimus (Ag.) Des. La faune supérieure appartient à l’étage rothomagien , car, de ses 36 espèces, 23 ont leur gisement habituel dans la craie de Rouen. Les principales sont : Ammonites varions , Low. — rothomagensis, Defr. — Cunningtoni, Sharp. — Mantelli, Sow. — planulatus, J. Sow. Baculites baculoides (Mant.) d’Orb. Turrilites Scheuchzerianus , Bosc. Avellana cassis, d’Orb. Holaster subglobosus (Lesk.) Ag. Discoidea cylindrica , (LK.) Ag. C’est la première fois que celte faune rolhomagienne est con¬ statée avec certitude dans nos Alpes. Entre ces deux faunes extrêmes, dont l’âge géologique est bien évident, s’en trouve une troisième, beaucoup plus riche, puisqu’elle contient en tout 212 espèces. Cette faune moyenne , qu’on nomme généralement en Suisse gault supérieur , présente de grands rapports paléontologiques avec le cénomanien infé¬ rieur ou zone à Pecten asper et son équivalent anglais le upper - green-sand. Mon étude m’a conduit à la conclusion que le gault supérieur du bassin suisse et le cénomanien inférieur anglo-parisien ne sont que deux faciès d’un seul et même étage, intermédiaire entre l’albien et le rothomagien, et dont la faune est à peu près également distincte des faunes antérieure et postérieure. Pre¬ nant pour type le riche gisement de la Yraconne, près Sainte- Croix, devenu classique par la belle monographie de MM. Pictet et Campiche ( Paléontologie suisse), je nomme cet ensemble de fossiles faune vraconienne. Elle relie intimement le gault aux horizons cénomaniens, et m’engage à le réunir avec eux dans une même accolade, comne groupe moyen du système crétacé, ainsi qu’il suit : Étage turonien = Zone à Inoceramus mytiloides . — carentonien — Zone à Ostrea biauriculata. — rothomagien= Zone à Ammonites rothomagensis. — vraconnien = Zone à Pecten asper. — ALBIEN — Zone à Ammonites marnillatus. Groupe méso-crétacé ou CÉNOMANIEN . NOTE DK M. DE SA PORTA» 315 Les trois étages inférieurs de ce groupe sont seuls représentés dans nos Alpes. Ils reposent sur l’étage aptien qui termine le groupe néocomicn , mais n’ont avec lui aucune liaison paléonto- logique. Ils sont, d’autre part, recouverts par le terrain nummu- litique, représenté seulement par son étage supérieur. Il y a donc lacune pendant tonte la fin de l’ère crétacée et le com¬ mencement de la période tertiaire. Enfin, Cheville est un point du globe sur lequel les faunes se sont modifiées lentement et graduellement, car la proportion des espèces transitives me paraît être plus considérable qu’elle ne l’est habituellement. M. de Lapparent fait observer que le nouvel étage crétacé que distingue M. Renevier n’est autre que l’étage de la gaize, dont il est facile de suivre le niveau dans tout le bas¬ sin de Paris. M. Albert Gaudry présente la note suivante au nom de l’auteur : Note sur la flore fossile de Coumi [Eubée); par M. Gaston de Saporta. Au moment même où j’insérais dans le grand ouvrage de M. Alb. Gaudry, intitulé : Animaux fossiles et Géologie del’attique , une notice sur les plantes fossiles de Coumi, M. F. Unger, à qui l’on devait déjà une première description de cette loca¬ lité (1), publiait de son côté une Flore fossile de Coumi (2), basée sur l’étude d’un grand nombre d’échantillons et comprenant un total de 116 espèces. Les éléments de mon travail, dont le cadre était d’ailleurs beaucoup plus modeste, m’avaient été principalement fournis par la collection rapportée de Grèce par M. A. Gaudry, et dont M. Brongniart avait fait l’objet d’une communication antérieure (t) Cette description fait partie de l’ouvrage intitulé : Wissenschaftliche Ergebnisse einer Reise in Griechenland , etc., von Dr F. Unger. Wien, 1862, p. 143 et suiv. (2) Die fossile Flora von Kumi auf der Insel Eubæa, von Prof. Dr F. Unger, mit 17 Tafe n, Wien,, 1867. 316 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. à l’Académie des sciences (1). Les matériaux réunis par les soins de M. Unger ont été bien plus abondants. On peut donc regarder ce dépôt qui sert pour ainsi dire, en Grèce, dans le règne végétal, de pendant à celui de PiLermi, comme bien exploré maintenant; les deux notices, très-inégales, il est vrai, en mérite et en étendue, ayant été rédigées simultanément et sans que les auteurs respectifs aient pu s’entendre, il m’a paru utile, dans l’intérêt de la science, de venir avec impartialité en exposer les résultats. M. Unger a décrit et figuré 116 espèces de Coumi; j’en ai mentionné seulement 66, en m’aidant du premier travail de M. Unger. De son côté, M. Unger n’a pu signaler que d’une manière très-vague les espèces dont M. Brongniart avait parlé dans son rapport à l’Académie, et dont le savant professeur de Vienne ne connaissait ni les échantillons ni les figures, puisque ces espèces étaient restées inédites. Il est résulté de cette cir¬ constance une certaine confusion qu’il est bon d’éclaircir, si l’on ne veut pas s’exposer à laisser la même espèce inscrite sous deux dénominations absolument différentes. Certaines de mes attributions doivent être abandonnées; d’autres étaient fondées sur des fragments isolés ou incomplets, et les riches documents publiés par M. Unger viennent jeter sur elles un nouveau jour. L’auteur allemand s’est trompé sur quelques points au sujet desquels il a bien voulu s’expliquer avec une parfaite courtoisie ; enfin, il a fait précéder son travail de considérations générales sur l’âge et le caractère de la flore de Coumi qui doivent fixer l’attention à cause de l’importance des conclusions formulées par l’auteur. Il y a donc à revenir sur ces divers points ; je com¬ mencerai par reprendre la liste de mes espèces, sans entrer dans la discussion de celles queM. Unger vient de publier pour la première fois et dont il n’était pas question dans ma notice; je terminerai par des considérations d’ensemble. 1° Callitris Brongniartii, Endl. — M. Unger reconnaît comme moi l’existence de cette espèce; mais, par une méprise que ce savant ne peut s’expliquer, le bel exemplaire figuré par lui PL 1, fig. 1-2 de sa flore ne saurait lui être attribué. C’est un grand rameau à feuilles squamiformes, étroitement opprimées, et insérées dans un ordre alterne ou subspiral sur les ramifica- (i) Comptes rendus de l'Acad. des sc.} t. LII, séance du 17 juin 1861. NOTE DE M. DE SAPORTA. 347 tions principales, décussées ou subopposées sur les petits ra- raules. Un strobile à quatre écailles valvaires est encore attaché à un court ramule latéral. Cette empreinte dénote visiblement un Widdringtonia analogue aux W. brachyphylla et antiqua, que j’ai signalés le premier dans les gypses d’Aix (1), le second dans les calcaires marneux de Saint-Zacharie (2). Cependant, la forme plus allongée-conique du fruit de l’exemplaire de Coumi annonce probablement l’existence d’une nouvelle es¬ pèce que l’on pourrait nommer Widdringtonia kumensis. La présence du genre Widdringtonia dans la végétation de Coumi est d’autant plus à remarquer que, tout en étant en parfaite liaison avec les flores éocènes et tongriennes où l’on rencontre souvent ce type de Cupressinée, elle accuse encore mieux les tendances analogiques austro-africaines de cette végétation, ten¬ dances que M. Gaudry a signalées également dans la faune de Pikermi. 2° Séquoia Langsdorfii , Heer. — D’après les exemplaires ac¬ compagnés de fruits, figurés par M. Unger, ce n’est pas le Se- quoia Langsdorfii qu’il faut signaler à Coumi, mais bien le S. Tournalii , espèce d’Armissan dont j’ai décrit les divers organes et dont les strobiles concordent tout à fait avec ceux du Séquoia de Coumi, tandis que le Séquoia Langsdorfii a des fruits beau¬ coup plus petits. Le Séquoia Tournalii , Sap. (3), est de toutes les espèces fossiles du genre celle qui reproduit le plus fidèlement l’aspect du Séquoia sempervirens , de Californie, que l’horticul¬ ture a ramené en Europe après un intervalle de plusieurs mil¬ liers de siècles. 3° Pinus hellenica , Sap. — C’est l’espèce que M. Unger décrit sous le nom de Pinus holothana , en l’accompagnant de belles empreintes de cônes. L’auteur la compare avec raison au Pinus insignis , Dougl., originaire de Californie. 4° Podocarpus eocenica , Ung. — M. Unger indique, au lieu de cette espèce, le P. taxites , Ung., dont les feuilles sont plus courtes, plus larges et plus obtuses au sommet. 5° Myrica Ungeri, Heer. ( Dryandra Ungeri, Ettingb.). — Myrica Solonis , Sap. (Banksia Solonis,\Jng.). — Myrica lœvigata, Sap. ( Dryandroides lœmgata, Heer.). — Myrica hakeœfolia, Brngt. ( Dryandroides hakeœfolia , Ung.). — Myrica banksiœfolia , Ung. (1) Ann. Sc. nat., 4e série, t. XVII, p. 211, Pi. II, fig. 7. (2) Ibid., t. XIX, p. 33, PI. III, fig. 3. - (3) Voy. Ann. Sc. nat., 5e série, t. IV, p. 51, PI, II, fig. 1, 318 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. (. Dry androïdes banksiœfolia , Heer.), — Myrica angustifnlia, Brngt. Dryandroides angusti folia, Ung. — Toutes ces espèces, qui con¬ stituent des formes très-voisines les unes des autres, souvent difficilesà distinguer, spécifiquementetvisiblementcongénères, ont été successivement ballottées des Myricées aux Proléacées. M. Unger, quoiqu’il les ait encore rangées dans le dernier de ces groupes, paraît d’avis qu’il est plus sûr, conformément à ce que j’ai avancé moi-môme ainsi que M. Brongniart, de les regarder comme des Myricées. La délimitation des espèces Alnus Sporadum, Unger. Collection de M. Alb. Gaudry. Goumi. offre, à cause de leur affinité mutuelle, des difficultés à peu près insurmontables; cependant, pour me rapprocher le plus NOTE DE M. DE S A PORTA. 3i9 possible de la vérité, je dois dire que M. Unger a figuré une belle série de feuilles du Myrica Solonis (Banksia Solonis, Ung.), et que je serais porté à rapprocher de la même espèce, non- seulement les figures 4 et 5 (PI. LXIV) de la notice, mais encore la figure 2 de la même planche, de sorte que la figure 3 se rap¬ porterait seule au Myrica Ungeri dont M. Heer figure de si beaux exemplaires sous le nom de Dryandra Ungeri. 6° Alnus nostratum , Ung. — J’avais indiqué celte espèce d’a¬ près une belle empreinte de feuille qui concordait avec les exemplaires de Manosque et de Suisse que je connaissais sous ce nom. Mais cette empreinte que je figure ici doit être réunie aux strobiles et au fragment de feuille publiés par M. Unger sous la dénomination d ’Ainus Sporadum. C’est là une nouvelle espèce d’Aune tertiaire à laquelle les empreintes de Manosque devront être également rapportées. La figure que je donne, et qui reproduit une feuille provenant de la collection de M. Gaudry, complète la description de cette forme remarquable, car M. Un¬ ger n’avait pu figurer qu’un lambeau de feuille très-incomplet. Elle se rattache à la fois à VA. orientais, Dne, qui habite la Syrie, et à l’A. nepalense, Dne, originaire de Népaul. 7° Belula Orcadum , Ung. — Cette espèce, que j’avais men¬ tionnée d’après M. Unger, qui en avait figuré une feuille dans sa première notice, est rangée par lui, dans sa flore, comme un synonyme du Carpinus betuloides , Ung., espèce dont l’attribu¬ tion générique est elle-même bien douteuse. 8° Daphnogene delphica, Sap. — Espèce identique, comme je l’avais pensé, avec le Ficus Aglajœ , Ung.; ceî auteur en figure de nouveaux exemplaires; leur attribution au genre Ficus demeure bien incertaine. 9° Lomaiites aquensis , Sap. — Cette espèce curieuse et qui ca¬ ractérise si bien plusieurs des flores tertiaires de Provence est bien la même que le Grevillea Kymeana dont M. Unger a figuré toute une série d’empreintes. Leur concordance avec les exem¬ plaires provenant des gypses d’Aix et des couches de Manosque n’a rien d'équivoque. Je continue à préférer la dénomination générique de Lomatites , qui exprime bien mieux que celle de Grevillea l’affinité toute spéciale qui rapproche cette espèce des Lomatia longifolia et linearis de la Nouvelle-Hollande. Du reste, c’est à tort, selon moi, que M. Unger propose de réunir en une seule espèce mes Lomatites aquensis , sinuatus et abbrevia - tus , qu’il considère comme des variétés d’un type très-po¬ lymorphe; les deux derniers sont bien distincts du premier, 320 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. dont les caractères présentent au contraire une grande fixité et qui occupe en Provence un espace vertical considérable, puisqu’il s’étend de l’eocène supérieur des gypses d’Aix au miocène déjà postérieur au tongrien des lignites de Manosque. 10° Gremllea anisoloba , Sap. ( Stenocarpiles anisolobus , Brngt.). — Malgré les apparences qui m’avaient engagé, à la suite de M. Brongniart (quoique ce dernier ait proposé son opinion comme une simple conjecture) à considérer cette espèce re¬ marquable comme une Protéacée, il faut bien reconnaître que cette attribution n’avait rien de fondé, en réalité. Les em¬ preintes de feuilles recueillies par M. Gaudry et qui figurent dans son ouvrage (PI. LXY, fig. 1-2) représentent les folioles éparses d’une Araliacée dont la planche XVIII de la flore de M. Unger reproduit un exemplaire intégralement conservé. C’est une feuille digitée portant au sommet d’un long pétiole com¬ mun, dilaté vers l’extrême base, sept folioles encore adhérentes, elles-mêmes longuement pétiolées et profondément découpées en lobes pointus-lancéolés, le terminal longuement acuminé, dont la ressemblance avec les exemplaires de ma notice est tellement évidente qu’elle doit faire évanouir tous les doutes. Par une circonstance qui vient à l’appui de la nouvelle attri¬ bution les feuilles de mon Gremllea anisoloba se trouvaient, quoique éparses, réunies trois ensemble à la surface de la même feuille. M. Unger appelle cette espèce Cussonia polydrys. Quoi¬ que le nom d’ Aralia m’eût semblé préférable, comme moins affirmatif, on ne saurait mettre en doute l’affinité de cette espèce avec les Cussonia, genre d’Araliacée très-répandu dans les parties tropicales de l’ancien continent, et particulièrement dans l’Afrique australe. On doit faire remarquer en effet com¬ bien est étroite la ressemblance qui la lie au Cussonia thyrsi - flora, Thnb., espèce du Cap. C’est un lien de plus à constater entre la flore de Coumi et celle de l’Afrique australe. Il serait cependant possible de signaler des formes analogues dans d’autres sections du groupe des Araliacées, surtout parmi les Oreopanax de l’Amérique équatoriale ( Oreopanax brachybothryum Dne et PL Aralia ( Oreopanax ) elegins , Hort. par.). Je ferai en¬ core observer qu’il existe dans les gypses d’Aix un Aralia que j’ai décrit sous le nom d’d. multifida, et dont la ressemblance avec l’ Araliacée de Coumi est également très-sensible. 11° Diospyrosl ... — J’ai indiqué avec doute la présence à Coumi de calices persistants, coriacés, à cinq divisions rugueu¬ ses extérieurement, tantôt érigées-eonniventes, tantôt étalées, NOTE DE M. SAPORTA. 321 analogues à ceux du Diospyros rugosa des gypses d’Aix. M. Un- ger figure, sous le nom de Royena grœca (PI. XI, fig. 40-50), un grand nombre de ces organes qui ne diffèrent de ceux des gypses d’Aix que par le contour plus oblong et plus acuminé des segments calicinaux. Ces organes ont été certainement congénères, et leur durée géologique a été sans doute fort lo'ngue, puisque M. Munier en a recueilli de pareils, admirable¬ ment conservés, dans les couches du Trocadéro; mais, pour les désigner, le nom de Diospyros me semble bien préférable à ce¬ lui de Royena qui n’est qu’un démembrement du premier de ces deux genres; d’ailleurs, les espèces indiennes de Diospyros offrent des calices persistants, revêtus à l’extérieur de rugosités fines absolument pareilles à celles qui distinguent les emprein¬ tes fossiles. Ce nom de Diospyros grœca me paraîtrait donc tout à fait convenable. 12° Sapindus Ungeri , Uttingsh. — M. Unger applique aux nombreux exemplaires de Coumi, qu’il avait d’abord désignés sous ce nom, celui de Sapindus grœcus, \ 3° Pittosporum Putlerliki , Ung. — M. Unger a changé le nom de cette espèce en celui de Sideroxylon Putlerliki. La détermi¬ nation en demeure presque aussi incertaine. Faudrait-il y voir les feuilles du Diospyros? 14° Rhus eleodendroides, Ung. ■ — M. Unger, d’après un rensei¬ gnement que je tiens de lui, n’a pas osé décrire cette espèce dans sa nouvelle flore, après l’avoir précédemment figurée, uniquement parce qu’il n’en avait pas observé de nouveaux échantillons. La figure que j’en ai donnée (PI. LXIY, fig. 8), d’après un exemplaire qui fait partie de la collection deM. Gau- dry, prouve bien la réalité de l’existence de cette forme, à moins qu’on ne veuille y reconnaître, ce qui serait possible, une feuille du Quercus Zoroastri , Ung., dont M. Unger a figuré plusieurs exemplaires. 15° Andira relicta , Ung. M. Unger a reporté cette espèce parmi les Connaracées, sous le nom d’ Omphalobium relictum. M. Unger, dans son Reise in Griechenland avait regardé la flore de Coumi comme éocène ; il revient aujourd’hui de cette opinion, mais il me semble pécher par un excès opposé, lors¬ qu’il la place sur le même horizon que Pikermi. D’après lui, malgré la distance qui sépare les deux dépôts, malgré la diffé¬ rence radicale des roches dont ils sont formés et des accidents qui ont présidé à la naissance des couches, marneuses et ligni- tifères dans un des cas, bréchiformes et détritiques dans l’autre, Soc. géol ., 2e série, tome XXY. SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. 322 les végétaux de Coumi seraient contemporains des animaux de Pikermi, et les plantes des rivages lacustres de l’Eubée auraient servi de nourriture aux herbivores des vallées du Pentélique. M. Unger, en affirmant la correspondance et la liaison des deux séries respectives, n’apporte cependant aucune preuve directe de cette relation, et l’on voit bien par sa description même qu’il n’existe aucun lien entre les argiles mêlées de poudingues qui renferment les ossements de Pikermi et le groupe des lits cal¬ caires plus ou moins feuilletés , avec lignite intercalé , qui comprennent les plantes fossiles de Coumi. Il est vrai que beau¬ coup d’espèces de cette flore sont nouvelles et ne peuvent four¬ nir par conséquent aucun indice sur la concordance des cou¬ ches qui les contiennent avec les autres localités de l’Europe tertiaire; mais il reste encore, dans l’étude de la physionomie propre à cette végétation, dans le mode de combinaison de ses éléments et dans la présence d’un certain nombre d’espèces caractéristiques, des termes de comparaison assez saillants pour guider dans le choix d’un horizon déterminé. Il m’a paru, lorsque j’ai publié ma notice, qu’on ne pouvait reporter la flore de Coumi ni au-dessous du tongrien, ni plus haut que le miocène inférieur. La flore d’Armissan et surtout celle de Manosque, dans le midi de la France, m’ont paru correspondre à celle de l’Eubée avec une précision d’autant plus évidente que, la dis¬ tance étant plus considérable, les liens dus à la présence d’es¬ pèces communes et à la prédominance des mêmes genres ca¬ ractéristiques n’en reçoivent que plus de valeur. La publication du dernier ouvrage de M. Unger ne change rien à ce point de vue, auquel je m’attache d’autant plus volon¬ tiers qu’il me paraît résulter aussi bien de l’étude de l’ensem¬ ble que de celle des espèces en particulier. La rareté des mo- nocotylédones, la profusion des Myricées, la présence multi¬ pliée des Quercus et des Laurinées, la présence certaine, mais encore restreinte, des genres européens Alnus, Populus , Acer, Juglans , mêlés à des formes totalement exotiques, particulière¬ ment à des Ébénacées, Myrsinées, Àraliacées, Sapindacées, Célastrinées, Rhamnées, à des Anacardiacées, à des Légumi¬ neuses et à des Mimosées, tels sont à peu près partout les carac¬ tères faciles à saisir de la végétation européenne dans le mio¬ cène inférieur. Radoboj en Croatie, Monod et Hobe-Rhonen en Suisse, Armissan et Manosque en France, en fournissent des exemples éclatants, et la quantité d’espèces communes que renferment ces localités, aussi bien que leur position stratigra- NOTE DE M. SAPORTA. 323 phique, aident à les faire reconnaître comme appartenant à un même horizon correspondant à l’étage que M. Heer a désigné du nom d’aquitanien et qui est caractérisé au Monod et ailleurs par la présence de l’ Anihracotherium magnum. C’est à ce niveau, très-constant, très-facile à déterminer, que nous ramène l’étude de la végétation de Coumi prise dans son ensemble; les détails entraînent aux mêmes conclusions. Ainsi, on peut citer les espèces suivantes comme caractéri¬ sant à la fois le dépôt de Coumi et le bassin à lignite de Manos- que : Callitris Brongniartii , Endl., Glyptostrobus europœus , Al. Br., Séquoia Tournalii , Sap. , Myrica lœmgata, Sap., et Banksiœfolia Ung .,Alnusspuradum, Ung., Planera Ungeri, Ettingsh., Cinnamo- mum lanceolatum , Heer, Laurus primigenia , Ung., Laurus prin- ceps , Heer, Lomatites aquensis, Sap., Acer trüobatum , Al. Br., Era- bothrites borealis , Ung., etc. Si les remarques portent plutôt sur l’analogie des formes que sur leur identité absolue, on observe dans la végétation de Coumi des types, comme les Pins, très- voisins de ceux d’Armissan; l’absence ou la rareté des monoco- tylédones terrestres se constate également àManosque et dans plusieurs autres localités de Provence. La présence d’une Ébé- nacée, représentée par des calices coriaces et caducs, d’une Ara- Iiacée à feuilles digitées, des genres Rhynchosia , Copaifera , etc., confirme encore ce parallèle; et, si je voulais préciser les affinités que la flore de Coumi manifeste avec Radoboj, on verrait les points de contact se multiplier encore, bien loin de s’affaiblir. Au contraire, à mesure qu’on remonterait la série en se rappro¬ chant du pliocène, l’analogie s’amoindrirait d’une façon très- sensible. Sans dépasser OEningen qui appartient encore au mio¬ cène supérieur, il faut reconnaître que rien ne rappelle à Coumi l’abondance des Peupliers, des Saules, des Liquidambars et des Érables, sans oublier les Platanes et les Noyers qui caractérisent celte localité célèbre, tandis que presque aucune des espèces qui dominent dans le dépôt des environs de Zurich ne se mon¬ tre également à Coumi, sauf Y Acer trilobatum , Al. Br., qui y est très-rare et appartient aussi à Manosque et au miocène tout entier. Il est donc impossible de ranger la flore de Coumi au-dessus de i’étage à Anthracolherium , ce qui la rattache à un temps bien éloigné de celui où vivait la faune de Pikermi. Sans sortir de Provence, on peut aisément calculer l’intervalle qui sépare les deux âges en comparant l’étage des lignites de Manosque, qui n’occupe pas même la partie la plus élevée du système à SÉANCE 20 JANVIER 1808. gypse et que recouvre la mollasse marine, avec les marnes ossi- fères de Cucuron, à qui cette même mollasse marine à Ostrea crassissima sert de base. il n’en faut pas douter, les animaux qui vivaient au milieu des plantes de Coumi n’étaient pas ceux de Pikermi; la nature vi¬ vante a dû se modifier dans l’intervalle; quelque riche et quel¬ que variée que soit la végétation de Coumi, elle difière beaucoup encore de celle d’QEaingen que l’on peut regarder comme correspondant à peu près à la faune célèbre arra¬ chée par M. Gaudry aux flancs du Pentélique. Les arbres à feuillage tendre, délicat, largement développé, sont encore les plus rares dans le miocène inférieur; les essences à feuilles étroites, coriaces ou épineuses, dominent encore. Au milieu des Myricées, des Pins, des Chênes verts, des Diospyros, d’une foule d’arbustes variés à feuilles obîongues, fermes et résistantes, des Légumineuses et des Mimosées à folioles étroites qui peu¬ plent cet ensemble, je reconnais, il est vrai, un grand nombre de fruits susceptibles d’être mangés, mais presque aucun indice d’herbages, et très-peu d’arbres ou d’arbustes au feuillage souple, ample et délicat, comme en demande la majorité des Ruminants et des Équidés dont les vestiges abondent à Pikermi aussi bien qu’à Cucuron. Il me semble donc que la correspon¬ dance entre les aptitudes des deux règnes n’est pas suffisam¬ ment harmonique pour que l’on doive s’étonner de la nécessité d’un changement intermédiaire, changement dont le dépôt d’OEningen permet de saisir toute l’étendue. M. Unger est bien plus dans le vrai, lorsque, rappelantes af¬ finités que M. Gaudry a mises en lumière entre la faune de Pikermi et celle de l’Afrique, il fait ressortir la même liaison en ce qui concerne la flore. Il estime à 40 0/0 la proportion des formes qui rappellent celles de l’Afrique australe ou de la Nouvelle-Hollande dans l’ensemble végétal de Coumi et pro¬ pose d’en définir le caractère par le terme d ’australaso-sud- africain. Cependant, malgré des traits saillants qui justifient pleinement l’assertion du savant professeur, il serait bien peu exact de prendre ces assertions au pied de la lettre. Il est parfaitement vrai que les genres Callitris et Widdringtonia , la plupart des Myricées, le Cussoniapolydrys , l’association des Myr- sinées, Sapindacées, Rhamnées, Céiastrinées, Ilicinées, Rhyn- chosées et Mimosées, constituent une flore dont la physiono¬ mie africaine ne saurait échapper. En se plaçant à ce point de vue, il serait même facile de désigner les végétaux dont se NOTE DE M. SÀPORTA, m nourrissaient probablement quelques-uns des mammifères afri¬ cains qu’on retrouve à Pikormi. les fruits que préférait sans doute le Mesopithecus Pentelici , Wagn., les Mimosées dont les Girafes d’alors broutaient le léger feuillage, les rameaux coria¬ ces et épineux que choisissaient de préférence les Rhinocéros; mais on serait dans une grande erreur si l’on s’arrêtait à une explication aussi simple ; le problème des affinités végétales est bien plus complexe à l’époque où nous reporte l’étude des végétaux de Goumi. L’absence totale d’herbes, de plantes molles et succulentes, est déjà très-singulière, quoique bien d’autres dépôts du même âge en fournissent des exemples, et qu’il faille presque voir dans cette rareté une sorte de loi gé¬ nérale. Cependant, à Goumi, que ce soit le fait de la végétation elle-même ou des circonstances qui ont présidé à la for¬ mation des couches, on n’observe pas même ces Graminées, ces Cypéracées, ces monocotylédones aquatiques et ces Nénu¬ phars aux rhizomes succulents, si multipliés dans certaines localités contemporaines, et en particulier à Armissan, à Ma- nosque et au Monod. Cette anomalie n’est pas la seule; au milieu d’une nature fortement empreinte d’un faciès tropical, on n’a retrouvé aucune trace de Palmiers ni de Dracœna. Il est vrai que la même particularité existe pour le dépôt de Ma- nosque, dont j’ai fait plusieurs fois ressortir l’extrême affinité avec celui de Goumi. Il y aurait donc pour l’Europe miocène, considérée sur des points très-distants, une tendance curieuse à la généralisation de certaines particularités ; du reste, les af¬ finités africaines qui ressortent si bien de l’étude de Coumi ne lui sont pas spécialement dévolues. J’ai fait ressortir les mêmes traits pour ce qui est d’ Armissan et je les retrouve également dans la végétation de Manosque que je publie en ce moment. J’y remarque aussi la présence caractéristique, quoiqu’en nom¬ bre encore assez restreint, des mêmes genres de physionomie européenne appartenant en propre à la zone boréale ou repré¬ sentés par les mêmes formes ou par des formes très-voisines. C’est ainsi que VAlnus sporadum , le Planera Ungeri , Y Acer trilo- batum existent à la fois dans les deux dépôts, que les Pins de Goumi ressemblent à ceux d’Armissan, et qu’enfin, à côté des liaisons avec le continent africain, il faut en constater d’autres, comme celles qui sont marquées par les Sequioia et les Giypto- strobus qui nous entraînent dans des directions bien opposées, puisque ces deux genres de conifères n’habitent plus que sur les rivages du Pacifique, le premier en Californie, le second en 326 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. Chine. Dans l'indication de ces affinités régionales, je néglige volontairement les rapprochements douteux pour m’attacher uniquement aux plus certains. On voit donc, par là, en n’effleu¬ rant qu’à peine la question, que dans le miocène inférieur la végétation comprenait bien des éléments divers, maintenant dispersés pour la plupart aux extrémités du globe ; et, cepen¬ dant, cette même végétation, considérée sur des points très- distincts de l’Europe d’alors, conservait partout un grand cachet d’unité et presque d’uniformité. Cette uniformité n’était cepen¬ dant pas absolue. La flore de la région hellénique possédait aussi quelques traits qui lui sont propres. Je vais les indiquer rapidement avant de terminer cette suite de réflexions. En comparant toujours Coumi aux localités correspondantes de la France méridionale, on ne tarde pas à reconnaître que, si le dépôt grec se distingue des nôtres, ce n’est ni par les coni¬ fères, ni par les Myricées ou les Laurinées, ni même par les Légumineuses, qui présentent à peu près partout les mêmes formes; les autres groupes, spécialement les Protéacées, Myr- tinées, Diospyrées, Araliacées, Rhamnées, Anacardiacées, etc., ne produisent pas non plus de disparates et comprennent des espèces plus ou moins voisines des nôtres, parfois même iden¬ tiques. En examinant avec attention la flore de Coumi, je ne trouve de différence un peu sensible à signaler que dans les Chênes dont aucun, à ce qu’il paraît, ne s’est encore rencontré en Provence, quoique la plupart aient été signalés soit en Suisse ( Quercus lonchitis , fu'rcinervis et méditer ranea), soit en Italie, soit en Autriche ( Quercus lonchitis, furcinervis , cyclophylla , mediter- ranea , Zoroastri ), soit même en Russie ( Quercus kamischinensis , Goepp.). Aucun de ces Chênes ne constitue donc une forme nouvelle, mais tous, plus ou moins, ont dû être particulière¬ ment confinés vers l’est de l’Europe, à l’époque tertiaire. C’est là un indice précieux de la distribution géographique des es¬ pèces par régions, dans les temps antérieurs à nous, et nul doute que des recherches ultérieures dans ce sens n’amènent à des résultats très curieux. Ces Chênes se partagent sous le rapport des affinités qu’ils manifestent avec ceux de l’ordre actuel. Les uns rappellent les espèces mexicaines; les autres se rappro¬ chent évidemment des formes qu’on observe encore sur les bords de la Méditerranée ou dans l’Asie Mineure et la Perse. Ainsi, le Quercus mediterranea se rattache au Q. ilex, le Q. lon¬ chitis au Q. Libani , Oliv., le Q. Zoroastri au Q. Persica , Jaub. et Sap., tandis que, selon M. Unger, le Q. kamischinensis ressemble NOTE DE M. SA PORTA. 327 au Q. calophylla , Schl., et le Q. cyclophylla au Q, crassifolia , Humb. Ces attributions sont d’ailleurs sérieuses, quant au genre, puisqu’on recueille à Coumi des vestiges de glands et de cupules et que le nombre des empreintes de feuille est consi¬ dérable. Ces données intéressantes confirment le point de vue auquel je me suis constamment placé, celui des affinités multiples et compliquées qui font de l’ensemble végétal tertiaire un com¬ posé d’un grand nombre d’éléments qu’il s’agit d’analyser avec patience. Sans doute on a été porté à exagérer les liens singuliers par lesquels la végétation de l’ancienne Europe semble se rattacher à celle de la Nouvelle-Hollande. Ces liens se réduisent souvent à des analogies de formes dont le vrai caractère n’a pas encore été assez bien saisi pour être défini rigoureusement. Leur exis¬ tence n’en est pas moins réelle; mais des analogies semblables se manifestent aussi avec bien d’autres contrées actuelles sépa¬ rées de nous, soit par la ligne, comme les îles de la Sonde, l’Inde méridionale et le Cap, soit par de grands espaces continentaux, comme le Japon, la Californie et le Népaul. 11 semble, en ré¬ sumé, que chaque région du globe n’ait acquis que par degrés successifs les caractères qui lui sont propres. Les zones australes et boréales ont dû se séparer avant que les différences dans le sens des longitudes eussent commencé à s’accentuer. C’est par là qu’on expliquerait comment l’Europe a eu d’abord des traits communs avec les régions australes du Cap, de l’Inde et de l’Océanie, puisque, à mesure que ce caractère s’effaçait chez elle, elle a longtemps possédé des éléments de végétation pareils à ceux de l’Amérique du Nord et de l’extrême Orient. Les diver¬ sités régionales se sont depuis prononcées de plus en plus dans l’intérieur de la même zone; elles ont dû nécessairement être plus faibles à l’origine; mais il serait trop long d’insister sur la marche présumée de ce phénomène que nous pouvons bien considérer dans son ensemble, mais dont les détails auront besoin d’être longtemps recherchés avec soin, avant qu’on puisse songer à les définir d’une manière exacte. J’ai voulu montrer seulement comment l’étude de la végétation de Coumi pou¬ vait conduire à la constatation d’un certain nombre de ces faits. Après la communication de M. de Saporta, M. Albert Gaudrv présente Inobservation suivante : 328 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. M. de Saporta constate que l’abondance des chênes imprime un cachet particulier à la flore fossile del’Eubée; il ajoute que la détermination de ces arbres offre de sérieuses garanties, car elle est basée sur l’étude des fruits aussi bien que sur la con¬ naissance des feuilles. Quand je vois les botanistes retrouver tant de Chênes tertiaires, non-seulement en Grèce, mais aussi en Autriche, en Suisse, en Provence, lorsqu’en même temps je remarque qu’on signale des analogies entre ces Chênes et les espèces de l’époque actuelle, je ne peux m’empêcher de reporter mon souvenir vers un travail de M. de Candolle inti¬ tulé : Étude sur l’espèce à l'occasion d'une révision de la famille des cupulifères. Dans cet ouvrage, M. de Candolle a exposé avec détail les variations que présentent dans une même espèce les pétioles, les limbes des feuilles, les organes mâles, les fleurs femelles, les cupules et les glands; en présence des différences considérables observées sur la même branche, il a éprouvé de l’embarras à marquer la limite de la variabilité, et par consé¬ quent à caractériser les espèces. 11 me semble que, si on joi¬ gnait aux espèces actuelles de Chênes toutes les espèces fos¬ siles, les difficultés seraient encore plus grandes; sans doute la paléontologie viendrait confirmer le savant botaniste de Genève dans la croyance qu’il n’y a pas une différence cons¬ tante entre ce qu’on nomme espèce et ce qu’on nomme va¬ riété. M. Hardouin fait la communication suivante sur la géolo¬ gie de la province de Constantine. Sur la géologie de la subdivision de Constantine ; parM. L. Hardouin (PI. V). Ayant été chargé, en 1860, par Son Excellence le Ministre de la marine et des colonies, de dresser la carte géologique de la subdivision de Constantine, qui, avec celles des provinces d’Al¬ ger et d’Oran, formera une carte complète de la géologie de l’Algérie, nous avons consacré sept années de travail à cette œuvre. C’est un abrégé de nos études que nous présentons au¬ jourd’hui dans ce mémoire. L’histoire de la constitution géologique de la province de Constantine comptait déjà bien des pages avant que nous fus¬ sions appelé à ce travail minutieux, méthodique, que comporte Noie de M. !.. HARD0U1N Granité. { BATI . CARTE GÉOLOGIQUE de la SUBDIVISION DE C0NSTANT1NE Algérie ) NOTE DE M. HARDOUiN. 329 la construction d’une carte géologique. Nous avons eu des pré¬ curseurs et par conséquent des guides, et c’est dire de bons guides que de nommer MM. Renou, Fournel, Coquand. Est-il nécessaire de dire que, marchant dans les voies tra¬ cées par ces maîtres, nous avons cherché à profiter de leur ex¬ périence, de leurs travaux, tout en conservant notre indépen¬ dance et la liberté de nos appréciations personnelles? Notre seul effort a été, en acceptant l’héritage de ces devanciers, de l’enrichir de quelques nouvelles acquisitions. APERÇU GÉOGRAPHIQUE. La subdivision de Gonstantine s’étend, le long du littoral, de Bougie au cap de Fer, et, dans l’intérieur, jusqu’aux confins du désert du Sahara, en longueur, sur un développement de 160 ki¬ lomètres, et, en profondeur, sur 230. La superficie de la subdivision est de 30,000 kilomètres carrés. Zones et climats. — La province de Gonstantine se divise en trois zones bien nettement tranchées. La première est la zone du littoral. Elle s’étend de la mer jusqu’aux crêtes d’une chaîne dont les points remarquables sont : la Mahouna, près Guelma, el Djebel-Thaïa, les Tou- miettes, el Rantour, près d’El-Arouch, Djebel-Sgao, Djebel- Msid el Aïcha, Djebel-Zouarha, Temesguida, Babor et Ta- babor. Dans cette bande littorale règne le climat méditerranéen, humide et d’une salubrité imparfaite, d’une atmosphère débi¬ litante. Une végétation abondante, des forêts étendues et des broussailles impénétrables couvrent généralement cette ré¬ gion; c’est le domaine des chênes-liége, chênes zen, chênes verts, oliviers, jujubiers, etc. Ce pays est beaucoup plus arrosé ■ que les pays situés au sud; il le doit à la présence de la chaîne du Petit-Atlas qui le borde au sud, qui arrête une partie des nuages émanés de la Méditerranée. La région du littoral où ces différents caractères s’accentuent le plus est justement celle qu’on appelle la Kabylie, pays où se sont perpétués la langue et le rameau berbers. La seconde zone s’étend au sud de la première jusqu’au ver¬ sant méridional de la chaîne de l’Atlas, au pied de laquelle s’étend à son tour la troisième zone, indéfinie, qui est le Sahara. Cette seconde zone s’étendrait ainsi delà chaîne d’el Rantour 330 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. et du Babor jusqu’à Biskra. Le climat appartient à la catégo¬ rie de ceux que l’on désigne sous le nom de continentaux, dont les caractères sont d’être secs, de présenter des écarts consi¬ dérables de température. En effet la chaleur y est excessive en été, les nuits y sont souvent très-fraîches. La végétation arbo¬ rescente spontanée y est relativement rare, indépendamment de l’influence des mœurs dévastatrices des Arabes, et les forêts naturelles ne se composent que d’essences à résine, pins d’Alep, genévriers, cèdres, etc. La culture des céréales est répandue dans les plaines et les plateaux, tandis que les montagnes du roc nu, dépourvues de terre végétale, restent incultes. Au mois de juin, toute la végé tation herbacée et annuelle a disparu et s’est flétrie; nulle ver¬ dure pour reposer l’œil fatigué. Les sources tarissent en grande partie. Des plaines d’une teinte d'ocre rouge, des mon¬ tagnes à contours dentelés, grises ou azurées par l’opacité de l’air, tel est le spectacle grandiose et attristant à la fois que pen¬ dant quatre mois, jusqu’à septembre, présente cette zone plus singulière à mesure que l’on descend vers le sud. La treizième zone, celle du Sahara, présente le contraste le plus frappant avec les deux autres. La faible hauteur de son im¬ mense plaine au-dessus du niveau de la Méditerranée, la tem¬ pérature élevée de son climat, l’absence des cultures des cé¬ réales, et au contraire la maturation des dattes, principal aliment des sahariens ou saharis, tels sont les traits les plus saillants de la physionomie de cette contrée. Notre carte géolo¬ gique, se conformant aux limites de la subdivision administra¬ tive, s’arrête au nord de cette région. Altitudes. — L’Algérie se présente donc comme une longue chaussée entre deux plaines : au nord, la plaine d’eau de la Méditerranée; au sud la plaine de sable du Sahara. Pour mieux connaître ce bourrelet, il suffira de quelques hauteurs de montagnes, de cols et de plateaux. Les points les plus élevés appartiennent à la chaîne du Grand- Atlas; on y mesure les altitudes suivantes : Djebel Dir, près Tébessa . 1,625 mètres. Djebel Cheliah . 2,810 Djebel Tunggurt, près Batna . . 2,101 Une seconde chaîne à laquelle nous croyons juste de resti¬ tuer le nom de Petit-Atlas est celle dont nous avons parlé plus NOTE DE M. HARDOUIN. 331 haut et le long de laquelle sont disposées les cimes suivantes dont les altitudes le cèdent, mais de peu, aux précédentes. Djebel Debar . 1,050 mètres. Thaïa . 1,200 Toumiettes . 997 et 0,994 Kef sidi Dris. . 1,276 Djebel Msid el Aïcha . 1,482 Djebel Ahrès . 1,355 Temesguida . 1,735 Babor, Tababor . 1,999 Petit- Atlas — Nous terminerons par quelques mots sur le Petit-Atlas et par les motifs qui nous ont déterminé à le dis¬ tinguer, par cette appellation, de la chaîne principale qui devrait prendre le nom de Grand-Atlas. Comme nous aurons occasion de le montrer plus loin, cette chaîne, dont les cimes sont nettement alignées, et si bien en relation les unes avec les autres, appartient à la même époque de soulèvement que le Grand-Atlas. Elles dépendent toutes deux du système des Alpes Principales, et donnent à la pro¬ vince deConstantine l’aspect général d’un plateau resserré entre deux murs, l’un, au sud, étant le Grand- Atlas, l’autre, au nord, étant la chaîne du Petit- Atlas qui s’étend du Babor et du Thaïa au Babor et au Tababor. D’après les hauteurs, on voit que ces montagnes sont presque aussi importantes que celles de la grande chaîne, sa contemporaine. Le nom de Petit-Atlas aurait donc l’avantage de rappeler la contemporanéité d’origine et la relation d’importance de ces deux belles chaînes de montagnes. géologie. La subdivision de Constantine renferme des terrains d’ori¬ gine plutonienne et d’origine sédimentaire. Les roches d’origine ignée sont : des granités , des porphyres , des pètro-silex quartzifères , des amphibolites. Granité. — Le granité se montre au Djebel-Filfila à l’est de Philippeville et dans le cercle de Collo, à Collo même, près du cap Bougaroni, à El Milia, sur la rive droite de l’Oued el Rébir. Au Djebel Filfila, le granité est à petites parties : orthose blanc, quartz hyalin un peu gris, avec mica et aiguilles de tourmaline noire. 332 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. Le port de Collo est formé par une presqu’île constituée par un granité porphyroïde à feldspath blanc, quartz translucide, mouches de couleur ferrugineuse, cristaux hexagonaux lamel¬ laires de mica noir bronzé, brillant. A l’extrémité du promontoire, près du phare, et au versant ouest, le granité affecte la forme de prismes droits, à sections irrégulières de 4, 5 et 6 côtés de 2 mètres environ de largeur moyenne. Cette disposition est tout à fait celle des coulées ba¬ saltiques de l’Auvergne. Au cap Bougaroni, à el Milia, et au massif de Seddets, rive gauche de l’Oued el Kébir, le granité passe quelquefois à l’hya- lomicte. Ces granités ont métamorphisé profondément les schistes siluriens et les grès quartzeux miocènes. Pétro-silex qnartzifères. — - Le cap Bougaroni ou Séba-Bons est constitué par un pétro-silex quartzifère coloré en vert aigue- marine, à lamelles hexagonales de mica noir. Comme roches adventives de ce pétro-silex, nous citerons des filons de ser¬ pentine et de stéatite. Porphxjres. — Au cap Bougaroni, le granité se modifie et devient un porphyre blanc quartzifère. Un autre porphyre tout différent existe sur les côtes du golfe de Bougie. Sa teinte gé¬ nérale est sombre; au milieu d’un pâté feldspathique grisâtre sont des cristaux foncés de labradorite, des cristaux d’amphi¬ bole et des mouches de fer sulfuré. Amphibolite. — Un pointement de roche d’amphibolite ac- tinote rayonnée fibreuse coexiste avec ceux du granité au Djebel— Filfîla. On en retrouve aussi au milieu des hauts pla¬ teaux surgissant à travers les couches subapennines. TERRAINS STRATIFIÉS. Alluvions. — Les dépôts contemporains d’alluvion présentent peu d’intérêt. Il suffira de remarquer que des vallées dans les hauts plateaux, renfermées entre deux chaînes de montagnes parallèles à la côte, devaient nécessairement engendrer des lacs pour peu qu’une dépression du sol y eût été ménagée lors de la dernière transformation du relief algérien. Ces dépressions ont, en effet, été produites comme l’indique la direction des lacs salés du Tell. Le soulèvement des Alpes (Atlas) les a bar¬ rées, fractionnées et converties en lacs. Le lac du Tharf est celui qui a donné lieu au plus grand dépôt d’alluvion remarquable. NOTE DE M. HART IN. 333 A l'époque contemporaine se rapportent aussi des bancs de conglomérat fortement cimenté qu’on observe sur la plage du golfe de Stora. Ce sont des sables de la mer, formés aux dépens des roches siluriennes, quartz et schistes, qui ont été ainsi agglutinés. Ces bancs sont légèrement inclinés au nord et re¬ posent sur des affleurements de schistes siluriens dressés, cou¬ rant nord sud. lis émergent actuellement de l’eau. Les dépôts modernes indiquent que la côte a subi un relè¬ vement de l’ouest à l’est. Sur la plage de Djijelli on observe également un dépôt sou¬ levé de plusieurs pieds au-dessus de la mer : c’est un grès co- quillier marin, assez friable. Ce phénomène se rapporte sans aucun doute aux mêmes causes que le précédent. Diluvium. — Dans les environs de Pbilippeville, sur le ver¬ sant du Skikida au cimetière, à la tranchée du chemin de fer, sur la route de Saint-Antoine, à l’embouchure du Safsaf, on observe des brèches à gros éléments de fragments frustes de gneiss, quartz, schistes, arrachés au terrain silurien environ¬ nant. Cette brèche s’appuie sur le flanc des montagnes, domine de plusieurs mètres le niveau des alluvions de la plaine sous forme de banquettes épargnées par une nouvelle action éro- sive. On retrouve les mêmes dépôts en forme de banquettes dans le bas des vallées de l’oued Zouhr, de l’oued Guebli, dans le cercle de Collo. Nous n’y avons trouvé aucun reste fossile, co¬ quilles ou ossements. Terrain pliocène. — Le terrain est de formation lacustre. Il se compose de trois parties aussi distinctes par leur nature que parleur mode de formation. Le premier système, à la base, est un dépôt clysmien, com¬ posé de galets, souvent d’un volume énorme, arrondis, emp⬠tés dans une argile sanguine. Les galets sont généralement des grès quartzeux arrachés au terrain falunien supérieur ; d’autres fois, ils sont en calcaire métamorphique de prove¬ nance cénomanienne. Une action extrêmement violente des eaux a dû nécessairement être l’agent mécanique de formation de ces galets et de leur transport. On n’y observe pas de fos¬ siles. Le second système, intermédiaire, témoigne d’une continua¬ tion de l’action de lavage, de transport, mais très- calmée ; ce sont des conglomérats fins, gris, friables, calcarifères, puis des argiles bariolées présentant les plus belles teintes : le rouge, 334 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. le blanc, le violet, le vert; les argiles renferment des stocks de gypse blanc saccharoïde ou lamelleux. Dans les environs de Smendou, ce système intermédiaire change de nature et passe aux marnes argileuses, argiles bitu¬ mineuses, noires, contenant des couches de lignite impur, peu combustible; on y trouve de nombreux fossiles. Le troisième système, supérieur aux deux autres, repré¬ sente une époque de calme parfait; il est constitué par de belles et puissantes assises de calcaire d’eau douce en traver¬ tin blanc et rose. Toutefois ces dépôts n’affectent pas toujours la forme d’assises régulières, car il n’y a quelquefois qu’une croûte farineuse qui recouvre les galets du premier système, celui du milieu venant d’ailleurs à manquer. Les fossiles abondent dans les deux systèmes supérieurs; ce sont les suivants : Planorbis Jobœ, Bourguignat, Smendou. Unio Dubocquii, Coquand, — Nerita, — Hélix (divers moules), Abdelnour, J. Debar. - Limnœa , — — — Le terrain subapennin est confiné au nord par la chaîne du Petit-Atlas dont nous rappelons que les sommets sont de l’ouest à l’est, du Babor au Debar et au Thaïa. Il occupe généralement les dépressions de terrain et con¬ stitue le sol des plaines et des plateaux; il gît sur les versants des montagnes en lambeaux épars, comme oublié par le der¬ nier mouvement des eaux; et, chose remarquable, il se retrouve en encroûtements, en fragments et en lambeaux sur les som¬ mets d’un grand nombre de ces montagnes; on le voit, sur la carte géologique, occuper un espace important au sommet du Djebel Msid el Aïcha, chaîne du Petit-Atlas. Toutes ces ob¬ servations s'accordent pleinement avec la connaissance de ce fait, que le soulèvement des Alpes Principales a été la cause originelle du relief de la contrée qui nous occupe. En effet toutes les montagnes ont dû déchirer ce manteau des dépôts subapennins qui les recouvrait pour s’élancer aux hauteurs où elles sont actuellement. Cette dernière époque de formation de travertin est intéres¬ sante encore à un autre point de vue. Elle indique qu’une période de production d’eaux thermales chargées de carbo¬ nate de chaux a été inaugurée sur presque toute la surface NOTE DE M. HARDOUIN. 335 de la Province, au sud du Petit-Atlas. Cette éjaculation a dû perdre tout à coup une grande partie de sa puissance au mo¬ ment de la convulsion du boursouflement de l’Atlas. Mais bien des témoignages irrécusables montrent que, même dans la période humaine, elle avait encore une puissance que nous ne lui connaissons plus de nos jours. Ainsi, nous avons eu occasion de voir des ruines de constructions balnéaires d’origine romaine, où adhèrent des incrustations de travertin, des baignoires en pierre encore debout, enduites de travertin, alors que nulle source n’existe plus dans le voisinage. Les célèbres sources d’Hammam Meskoutine et les cônes de travertin si curieux prouvent que la force d’éruption des eaux chaudes calcarifères s’est fort affaiblie. Cependant de nom¬ breuses sources existent encore dans les mêmes endroits où, jadis, elles étaient incrustantes, tandis qu’aujourd’hui elles ne le sont plus. La conclusion est que la fin de l’époque subapennine a été une époque d’une action éruptive considérable d’eaux ther¬ males calcarifères, action qui s’est continuée sans arrêt jusqu’à nos jours, mais allant toujours en s’affaiblissant. Terrain miocène. — La formation dont il s’agit ici est, sans contredit, la plus difficile à déterminer. Cela tient à ce qu’elle est à peu près stérile en fossiles. D’abord rangée dans les terrains crétacés par les premiers géologues, elle a été montée dans la série tertiaire après un meilleur examen des faits. Il est, en effet, hors de doute, d’après l’observation de quel¬ ques coupes, qu’elle repose en stratification discordante sur le terrain crétacé supérieur, et même sur le terrain suessonien caractérisé par des fossiles. D’autre part, le terrain pliocène la recouvre très-nettement en mille endroits. Le terrain miocène, très-développé sur la zone du littoral, à Constantine jusqu’à Ain Béïda, se compose de trois systèmes. Un système supérieur de grès quartzeux à grains assez fins de quartz arrondis et cimentés par une argile d’origine feîd- spathique et des paillettes de mica. Sa couleur varie du jaune au rouge brique. Ces grès ne présentent pas toujours de stra¬ tification. Les éléments constitutifs du grès doivent avoir été amenés de loin, car on ne connaît pas, dans le voisinage, de massifs de roches granitiques assez importants pour avoir pu fournir la matière de ces dépôts considérables d’étendue et d’épaisseur. 336 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. Le système moyen est un ensemble de calcaires lithographi¬ ques blancs et bleuâtres, de marnes et argiles grises, rouges ou noirâtres; il est moins épais que le précédent. Le système inférieur varie suivant les localités. Tantôt il est composé de marnes calcaires jaunâtres déiita- blcs, où foisonne YOstrea crassissima , Lamarck. On le voit dé¬ veloppé et à nu, sans être recouvert par les calcaires, marnes et grès faluniens, au sud de la plaine dé Sellaona, au Djebel Meiman, au Djebel Zouabi; tantôt, dans les autres régions, le système inférieur est un conglomérat ou brèche, dont les élé¬ ments sont empruntés aux terrains sous-jacents; sur la forma¬ tion silurienne, la brèche est formée de schistes bleus et de quartz; sur les terrains basiques et nummulitiques, cette brè¬ che est formée par les fragments de calcaire et marbre de ces deux formations. Une dernière remarque à faire, c’est que, au nord du Petit- Atlas, dans la zone du littoral, le terrain falunien repose direc¬ tement sur les schistes siluriens et roches cristallines et sur les marbres cités plus haut. On peut conclure de toutes ces observations, que le système de Corse et Sardaigne a joué un rôle important dans la consti¬ tution du littoral de la province, car il a causé l’affaissement de cette zone au-dessous des eaux, pour que les dépôts mio¬ cènes s’y opérassent. Dès lors, on comprend la présence des premières assises à l’état de brèches grossières. Pendant ce temps, dans la région au sud, au Djebel Zouabi, à Milah, à Sellaoua, Fedj el Drias, existait une mer tranquille favorable à la vie animale. Terrain éocène nummulitique. — Le terrain est composé de calcaire- marbre blanc ou grisâtre, cristallin, et quelquefois surmonté de bancs argileux. Il occupe peu d’étendue dans la province, mais ses différents gisements sont remarquables par la position qu’ils occupent. C’est un excellent point de repère, à raison de la persistance et de la profusion de sus foramini- fères fossiles : Nummulites Puschii , d’Àrchiac, Toumiettes; N. nummularia , d’Orb.; N. lœvigata , Lamarck, Djebel, Dir. La formation nummulitique est la plus moderne qu’on trouve au couronnement des cimes du Grand-Atlas. On la rencontre en petites plates-formes de calcaire cristallin au-dessus et repo¬ sant sur les terrains suessonien et crétacé. Le plateau du Djebel-Rir et du Roudiat Tasbent en offre un exemple. Au milieu des plaines des lacs salés, il n’est pas rare de voir NOTE DE M. HARBOÜIN. 337 surgir, de dessous les dépôts subapennins, des mamelons de calcaire cristallin nummulitique. C’est dans le Petit-Atlas que ce terrain se présente avec le plus d’intérêt; les couches ne sont plus horizontales comme dans le Grand- Atlas; elles sont redressées verticalement, et forment les beaux pitons du Toumiette oriental, du Sidi- cheikRohou oriental, près d’El-Kantour, et du Djebel-Maksem, près Jemmapes. Enfin, un dernier piton se trouve perdu dans la formation liasique au Nord du Babor : c’est le Kef Koubba. Terrain éocène suessonien. — Ce ne sont pas des raisons d’école qui nous font subdiviser l’étage éocène en deux étages distincts, nummulitique et suessonien. Cette distinction dé¬ coule naturellement de l’observation des faits. Il est bien vrai que dans le Grand-Atlas, au Djebel Dir, près Tébessa, au Kou- diat Tasbent, dans les Nemenchas, dans l’Aurès, au Djebel Chechar, on voit les couches nummulitiques reposer sur les couches suessoniennes, ce qui permet déjà de considérer le nummulitique comme postérieur au suessonien; mais il arrive souvent aussi que le terrain nummulitique se trouve seul re¬ posant sur les roches basiques, comme dans le Petit-Atlas, au Djebel Sidi cheik ben Rohou, aux Toumiettes, etc. ; ainsi, le terrain suessonien manque. De même encore, on trouve le suessonien seul reposant sur le sénonien, tantôt sans être re¬ couvert, comme à Sigus, tantôt recouvert par le terrain falu- nien, comme à Medailsou, près du Djebel Meiman, plaine des Smoul. La composition minéralogique du terrain suessonien varie beaucoup. A Bordj ben Zekri ou Sigus, au Ferdjioua, au Djebel Mei¬ man ou Medailson, c’est-à-dire dans la région avoisinant Con- stantine, le terrain est formé d’argiles ou marnes jaunes et de lumachelles. Les contours de ce terrain sont difficiles à déter¬ miner. Les fossiles, dans ces localités, sont les suivants : Ostrea multicostata , Desbayes, Sigus; O. strictiplicata , Raulin, Sigus; Venus Matheroni, Goquand. Dans le Grand-Atlas, au Djebel Dir, Djebel Grigra, Djebel Chechar, Nemencha, etc., le terrain suessonien est représenté par un calcaire compacte blanc, quelquefois crétacé, d’autres fois un peu cristallin. Il renferme beaucoup de silex noirs en rognons souvent très-gros et de formes bizarres. Dans les cou- Soc. géol.y 2e série, tome XXV. 22 338 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. ches, les fossiles ont alors été siliciliés. La faune propre à cette région est composée ainsi : Ostrea Deshayes; Periaster obesus, Desor; Ostrea lingua- f élis y Coquand; Macropneustes Baylei, Coquand; Turritella secans , Co- quand; Thersitia ponderosa, Coquand; Cardita numida, Coquand. Le terrain suessonien repose immédiatement sur le terrain sénonien. Ce dernier occupe une bande allongée de Constan- tine à.Sétif. L’inspection de la carte indique que le soulève¬ ment des Pyrénées a été très-important dans la Province, car, d’une part, il a formé la chaîne de l’Édough à Bône ; d’autre part, il a fait émerger du fond de la mer toute cette bande de terrain entre Séiif et Constantine, sauf quelques espaces où les dépôts subapennins ont pu se faire, et dont nous ne voyons cependant qu’une faible partie, à cause de l’érosion violente qui s’est exercée à l’origine du terrain subapennin. Terrain sénonien. — L’étage de la craie blanche est très-ré¬ pandu dans la Province. Les affleurements forment dans leur ensemble un grand Y dont les branches courent suivant la direction N. O., et l’autre suivant la direction S. O., à partir du plateau du Dir. Les terrains sénonien et cénomanien sont les deux plus puissantes formations de toutes celles que nous passons en revue, et qui concourent à l’ossature de cette partie du globe. La constitution minéralogique de l’étage sénonien est par¬ tout calcaire et marneuse. Calcaire compacte, à cassure con- choïdale, soit dur, soit mou, blanc, gris ou bleu, et souvent bitumineux, fétide. Les marnes sont grises et noires, se délitant aisément. De Bordj ben Zekri au Ferdjioua et au Babor, on observe dans les bancs calcaires des lits de rognons de silex noirs, tantôt sphéroïdes, tantôt noduleux, de formes quelconques. La matière siliceuse affecte enfin d’autres fois la forme de bancs minces continus. Les dépôts siliceux établissent une analogie frappante entre notre terrain sénonien d’Afrique et le terrain de craie blanche de France. Les fossiles caractéristiques sont les suivants : lnocerarnus regularis. .... D’Orbigny, Ain-Béida. Inoceramus Brongnartii . . . Park, — lnocerarnus Cripsii. Goldfuss, — Ostrea cornu-arietis . Coquand, Khenehela, Djafa. NOTE DE M. HARDOU1N. 339 Ostrea Nicaisei . Ostrea Renoui . Ostrea Fourneti . Ostrea Villei . Ostrea Forgemolli . Ostrea Bomilcaris . . . Pecten tricostatus . Micraster brevis . Radiolites Nicaisei . Ostrea dichotoma . Ostrea therestensis . Gryphœa proboscidea . F asus Reynesi . — Dj. Chechar. — Abdelnour. — Dj. Chechar. — Abdelnour. — Doukkan. — Abdelnour. Bayle, Doukkan. Desor, Ferdjioua, Coquand, Oued Chabro, Bayle, Dj. Grigra. Coquand, Oud Chabro. d’Archiac, Dj. Grigra. Coquand, Doukkan. C’est dans l’Atlas que le terrain sénonien renferme le plus de richesses paléontologiques. Les Inocérames à l’état de moules sont répandus partout. Terrain turonien. — L’étagë de la craie tuffeau n’a que quelques mètres d’épaisseur. Il repose généralement en con cordance de stratification sur les couches de craie chloritée. Ces deux terrains ont la même nature minéralogique dans tous les massifs montagneux situés du Djebel Fedjoudj jusqu’à Constantine : c’est un calcaire bleu ou gris, métamorphique, compacte et dur. On ne le distingue donc pas aisément de la formation infé¬ rieure, à moins d’y trouver ses fossiles habituels. On en con¬ state la présence sur la rive droite du ravin de Constantine, dans des bancs recouverts par les marnes noires sénoniennes, au Nif en eer, au Djebel Allouda et à Tébessa. Ces fossiles sont : Hippurites cornu-vaccinum . . . Bronn, Constantin. Sphœrulites Desmoulinsi . Bayle, Abdelnour. Terrain cénomanien. — L’étage de la craie chloritée se pré¬ sente sous deux aspects divers suivant les régions où on l’ob¬ serve. De la chaîne du Bou Arif el Fedjoudj au sud jusqu’à Con¬ stantine et Djebel Hekahl au nord, cette formation se compose principalement de bancs épais contigus de calcaire métamor¬ phique, compacte, dur, susceptible d’un beau poli, d’une cou¬ leur variant du noir bleuâtre au gris clair, et de quelques lits de marnes jaunes assez riches en fossiles. Au sud du Djebel Fedjoudj, cette formation se compose de 340 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. calcaire terreux, compacte, avec intercalations nombreuses, de bancs marneux dans lesquels se trouve une grande variété de fossiles. Les environs de Tébessa et de PAurès, le col de Té- noukla, sont des noms déjà classiques dans la géographie pa- léontologique. Les fossiles que nous avons recueillis sont (1) : Terebratula biplicata . Defrance, Djibel Fartas, Sigus. Terebratula striata . Fartas. Terebratula Minardi . — Terebratula obesa . „ . . Sowerby, Dj. Belgrour. Rhynchonella sulcata . Dj. Fartas. Ammonites varians . Sow., Oued Chabro. Ammonites rhotomagensis. . Brongn., Bouiédra, Tebessa. Ammonites Foumeli . Bayle, Amamra, Aurès. Nautilus (nova sp.) . Bayle, Oued Chabro. Ceratites Verneuili . Coquand, Khenchela. Ostrea Ooerwegi . de Buch,Oued Chabro, Amamra. Ostrea auressensis . Coquand, — — Ostrea flabellata . Bayle, Tébessa, Amamra. Ostrea scyphax . Coquand, Oued Chabro. Ostrea carinata . Lamarck, Mesloula. Ostrea Senaci . . Coquand, Oued Chabro. Ostrea Deletirei . — ; — Holectypus serialis . Deshayes, Amamra. IA emiaster Foumeli . — Oued Chabro. Amamra. Cyphosoma major . Coquand, Mesloula. Cyphosoma Delamarrei . . . Desor, Oued Chabro. Hemiaster batnensis . Coquand, Oued Mougra, Khenchela. Py g aster batnensis . — Chott Mzouri. Echinoconus carcharias., , . — Kroumsaïd, Kenchela. Oursin (nov. gen.) . Bayle. Janira quinquecostata. . . . d’Orbigny, Kenchela. Cardium hillanum . Sowerby, Mesloula. Cardium Pauli . Coquand, Dj. Mezezoua. Plicatula auressensis . — Oued Chabro. Sphærulites foliaceus .... Lamarck, Constantine, Allouda. Sphœrulites ponsianus. . . . d’Archiac, Abdelnour. Pterodonta inflata . d’Orb., Oued Chabro. Nerinœa Pauli . Coquand, Dj. Fedjoudj. Nerinœa Archimedi . — — Natica Gervaisi . — Oued Chabro. (1) Un grand nombre de ces espèces nouvelles ont été envoyées par nous à la collection de l’École des Mines. NOTE DE M. HARDOUIN. 34! Natica œquiaxis . Trigonia distans . Turritella pustulifera. . . . Turritella leoperdites .... Turritella nœrinœformis. . . F asus a f fini s . F usus conspicuus . Lima Payent . Area parallela. . . Cyprina af ricana . Cœlosmilia Fromenteli. . . . Flabellina . Aspidiscus cristatus . Orbitolina lenticulata. . . . Tébessa. Dj. Aïchour, Tébessa. Tébessa. Bayle, Oued Chabro. Coquand, Cercer el Dir. — Kroumsaïd, — Oued Semarlaoud. — Dj . Mezezoua. — Oued Chabro. — Kroumsaïd. Milne-Edw.-Haime, Chott Mzouri. Pictet, Grioun, Fedjoudj, etc. Terrain albien. — Le terrain albien affleure sur une très- petite étendue, au Djebel Sidi Reghéis, et au Fedj el Dréis. Ce sont des calcaires argileux en plaquettes ; sur l’une d’elles une empreinte recueillie par nous, déterminée par M. Bayle, se rapporte à l’espèce : Ammonites inflatus , Sowerby, Tedj el Drias. Une autre empreinte aussi de l’espèce : Hamites rotundus . Sowerby, Tedj el Drias. Terrain aptien. — Le terrain aptien concourt pour une faible partie, ainsi que les terrains albien, turonien, néocomien, à la constitution lithologique du sol de notre subdivision. On en suppose un affleurement dans les environs de Constantine par suite de la découverte d’un magnifique échantillon de : Ancy- loceras Matheroni , d’Orbigny. Nous signalons en un autre point au Tedj el Drias : Ammonites consobrinus , d’Orbigny. Terrain néocomien. — Le terrain néocomien est toujours re¬ couvert par les terrains crétacés moyens, principalement par la craie chloritée. Nous n’avons admis comme néocomiennes que les couches qui contiennent ces fossiles caractéristiques : Chama ammonia, Goldfuss; Pecten numidus , Coquand. De cette manière le terrain néocomien ne sera représenté que par des affleurements à la base de la chaîne du Fedjoudj, notamment à Foum el Hamia et à la plaine du Tharf. Terrain sinêmurien. — Le terrain sinémurien ou infra-lias vient immédiatement après la formation jurassique dont les affleurements manquent complètement dans les limites de la subdivision. Le lias est représenté par son étage inférieur, qui 342 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. a été soulevé à l’époque du système des Alpes Principales, et se montre à découvert dans la chaîne du Petit-Atlas, où il est associé aux marbres blancs nummulitiques. Nous avons retrouvé après M. Coquand le Pecten Hehli , d’Or- bigny, au Djebel Sidi Cheik ben rohou, près du col d’El Hantour, au village de l’Armée française. Il existe le long du Petit-Atlas des pointements d’un marbre d’une nature minéralogique iden¬ tique où les fossiles paraissent manquer. Ils se trouvent tous relevés aussi et associés aux roches nummulitiques. En l’ab¬ sence de preuves paléontologiques, nous avons rangé provisoi¬ rement dans l’étage sinémurien toutes les crêtes de calcaire marbre blanc du Filfila (marbre blanc statuaire) du Djebel Safia, Chbébik, Masseur, Toumiette occidental, RefSidi Dris, Djebel Msidelaïcha, Kef Maarouf, et du marbre affleurant au Babor et au Tababor, au Kef Aïchour sur le golfe de Bougie, où on retrouve encore le terrain nummulitique, le Kef Koubba. Dans cette région du Petit-Atlas, il n’existe au-dessus du terrain silurien que l’infra-lias, l’éocène, le miocène et le pliocène. Terrain silurien. — Dans notre subdivision et sur le littoral, on voit donc qu’il manque toute la série des terrains depuis l’infra-lias jusqu’au silurien, et par conséquent il manque le terrain houiller qui par sa richesse habituelle en combustible a le privilège d’intéresser les personnes les moins versées dans la science géologique. Le terrain que nous considérons comme silurien est com¬ posé de phyllades ou schistes bleus luisants , traversés de veines de quartz blanc, soit en amas, soit en veines. Nous at¬ tribuons la plus grande partie de ce quartz à une action méta¬ morphique qui l’a chimiquement produit. Il existe aussi dans nos schistes plusieurs formations calcaires. Mais le métamor¬ phisme a agi fortement sur l’une et l’autre roche. Le calcaire a passé à l’état de marbre lamellaire blanc, rempli de lamelles de mica argentin et de mouches de fer oligiste et de pyrite de fer. Les schistes ont pris toutes les formes depuis le schiste type jusqu’au granité véritable, en passant parcelles des gneiss, gneiss tourmalinifère, schiste ampbibolique; on voit à l’oued cl Rbanga, près de Gastonville, les bancs de granité intercalés dans des couches de schistes. On ne peut admettre que cela résulte d’une insertion de filon. Cela tient au contraire à une action métamorphique qui a agi différemment sur des couches de compositions feldspathiques différentes. NOTE DE M. HARDOUIN. 343 Toute la zone du Petit-Atlas à la mer est remarquablement stérile en fossiles. Quant au terrain schisteux, il n’y a été ja¬ mais trouvé le moindre vestige d’être organisé. On y trouve seulement de légers filets d’anthracite. On est donc réduit aux conjectures pour préciser son âge. En lisant un compte rendu de travaux sur la géologie, le terrain silurien et les minerais de fer de l’ile de Sardaigne, nous avons été frappé de l’analogie qui existe entre ces diverses roches et ces gisements de la Sardaigne d’un côté et le terrain schisteux paléozoïque du littoral de l’Algérie et les minerais de fer oxydulé magnétique répandus le long de la côte depuis le massif de la Bouzaréah à Alger jusqu’à Collo, Philippeville, l’Edough et Bône. Cette analogie avait également frappé l’au¬ teur. C’est sur cette analogie que, jusqu’à nouvel ordre, et à dé¬ faut de renseignements paléontologiques, nous nous fondons pour rapporter la formation schisteuse du littoral au terrain silurien. DES LACS SALÉS DU TELL. Dans la région des plateaux qui s’étendent au nord du Grand- Atlas, région circonscrite entre Constantine, Sétif, Aïn Beïda et Batna, se trouvent disposés, comme les grains d’un chapelet, les grands lacs salés du Tell. Ce sont les suivants : Guerah el Tharf, Guerah el Guellif, Guerah ank Djemel, Chebka Djendeli, Chott Mzouri, Chott Tinsilt (Aliàs, Chott Gharbia, Chott Cherguia) et le Chott el Bida. Le plus grand de ces lacs, le Guerah el Tharf, n’a pas moins de 16 kilomètres de diamètre moyen, et le plus petit, le Chott Tinsilt, a encore 4 kilomètres de large. Us sont tous très-peu profonds. Le sol en est ferme sur les bords et dans la partie noyée, car les Arabes les traversent sans danger. Pendant la saison chaude, des cristallisations de sel marin se forment sur les bords. Les eaux ont un goût saumâtre, amer et désagréable. Les bords de ces lacs sont tantôt plats, tantôt bordés de petits monticules et de plaines formées de roches subapennines, ar- gile, gypse, ou appartiennent au terrain alluvionnaire du lac, comme au Chott el Bida; c’est alors un sable très- fin que sou¬ lève le moindre vent; en regardant avec soin cette poussière, on trouve qu’elle est formée de très-petits cristaux de gypse. 344 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. La position topographique de ces lacs est généralement celle-ci : adossés à un massif montagneux et s’étalant de l’autre côté sur une vaste plaine dont les eaux s’écoulent vers le lac, non sans former des marécages et des bourbiers. A l’extrémité de la plaine se trouve une autre chaîne de montagnes parallèle à la première. La constitution géologique de ces plaines comprises entre des montagnes parallèles est simple : ce sont des dépôts éo- cènes de travertin en rognons plus ou moins cariés avec galets de marbre roulé encroûtés de travertin. Quelques lignes de collines parallèles aux deux chaînes dominent souvent la plaine : ce sont des couches relevées de travertin, argile, gypse, grès tendre, du terrain subapennin. Une autre fois, ce sera un piton de calcaire nummulitique émergeant de dessous son en¬ veloppe de terrain subapennin. Les deux chaînes de montagnes qui bordent cette plaine sont composées de calcaire métamorphique et de dolomies noires cristallines, compactes, appartenant au terrain cénoma¬ nien. Au milieu de la plaine subapennine, on voit aussi surgir des pointements de calcaire dolomitique plus noir, devant avoir subi un ramollissement; c’est ce qu’on voit à el Kantara ou chaussée qui sert de route entre Constantine et Batna, entre les deux lacs Tinsilt et Mzouri, autrement appelés Cherguia et Gharbia. Ailleurs, au Djebel Mesloula, Djebel Quelb, à Mkririga, à l’oued Chabro, on voit un pointement de calcaire dolomitique, calcaire chargé d’oxyde de fer, conglomérats de fragments ra¬ mollis, tordus, courbés et soudés entre eux. Tout cela té¬ moigne fortement en faveur de la présence d’une action émi¬ nemment métamorphique et du voisinage d’agents ignés. En se fondant sur ces observations, il sera dès lors facile d’expliquer la géogénie des lacs et des plateaux du Tell. Les lacs sont orientés suivant la direction du système des Py¬ rénées. Ce système a donc dû imprimer au sol une dépression considérable que le dernier soulèvement, celui des Alpes Prin¬ cipales , n’a pas complètement anéantie. A l’époque des dépôts lacustres subapennins, les couches de galets, travertin, argile, gypse, recouvraient complètement la formation crétacée. Le soulèvement s’étant fait sentir, les ro¬ ches sénoniennes et cénomaniennes ont fait saillie et sont de¬ venues les montagnes actuelles. Le terrain subapennin a été NOTE DE M HARDOUÏN. 345 relevé, incliné, et a formé les chaînes de collines que nous voyons aujourd’hui et les grosses montagnes du Djebel Guellif et de AmarRhaddou, près des lacs de ce nom. Mais les eaux, mises en mouvement, ont remanié une grande partie des dé¬ pôts subapennins, ont comblé avec les matériaux les bas-fonds, les crevasses de rupture, et les ont étalés sous la forme des plaines actuelles. Les montagnes cénomaniennes qui s’élèvent au-dessus de ces plaines présentent leurs couches dans une position assez souvent peu éloignée de l’horizontale. L’espace compris entre ces montagnes pourrait aussi bien avoir été produit par une action érosive qui aurait creusé les larges vallées entre elles; mais, dans cette hypothèse, on ne devrait pas y trouver dépo¬ sées et redressées les couches suhapennines. Tout ce que nous venons de dire infirme cette hypothèse. Nous avons donc affaire ici à des montagnes de soulèvement originaires du système des Alpes Principales, comme leurs di¬ rections le prouvent, et on ne peut pas les confondre avec ces montagnes créées par érosion, dont on a de magnifiques mo¬ dèles dans l’Atlas et dans notre province, au plateau du Djebel Dir, près Tébessa, plateau composé de terrains nummulitique, suessonien et sénonien, reposant sur des assises cénoma¬ niennes, au niveau de la ville de Tébessa. Il en est de même au Djebel Djaafa, près de Rhenchela, où existe une érosion de plus de 200 mètres de hauteur, au Djebel Ghechar, et au Djebel Mahmel, dans le même cercle. Si nous joignons à ces faits la présence des roches pseudo¬ éruptives que nous avons signalées, nous pensons avoir accu¬ mulé assez de preuves pour justifier l’opinion suivante : Le soulèvement des Alpes Principales a produit un certain nombre de grandes failles dans les formations jurassiques et crétacées, lors de la formation de l’Atlas; à la faveur de ces failles et fractures, des roches ramollies sont venues du fond jusqu’à la surface. Les eaux ont ensuite comblé les fractures avec les matériaux du terrain subapennin. La formation des plateaux et des lacs est expliquée ; il ne reste plus qu’à rendre compte de la salure des eaux de ces lacs. Le terrain subap-ennin nous le permettra. Le gypse existe presque partout dans les argiles de ce ter¬ rain, mais il n’en est pas de même du chlorure de sodium. Le premier forme des amas, ou se trouve disséminé dans le ter¬ rain. 346 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. Le chlorure de sodium y a-t-il été introduit par éruption, à travers les failles et fractures, pendant la dislocation et la for¬ mation de l’Atlas? C’est l’explication que nous proposons pour ce sel, qu’on trouve dans ce terrain d’eau douce. Ce qui est certain, c’est qu’un grand nombre de ruisseaux, appelés par les Arabes Oued el Melah, ou rivière salée, et qui sont effecti¬ vement salés, sillonnent les dépôts subapennins en beaucoup d’endroits. Il est donc naturel que les eaux pluviales, lavant ces terrains et se rendant dans les lacs, y opèrent, comme dans des bassins de concentration, sous l’action énergique du soleil et du vent de siroco sur ces larges nappes d’eau si peu profondes. A la carte géologique (PI. Y) se trouvent jointes deux cou¬ pes hypothétiques, raisonnées, de la subdivision, faites du nord au sud, la première, par Philippeville, Constantine et Khen- cbela, la deuxième, par Collo, Milah, le plateau de Sétif et les environs de Batna. Le Secrétaire présente la note suivante de M. Ébray : Sur les couches à Terebratula diphya de la Porte de France; par M. Th. Ébray. J’ai déjà traité cette question dans une note intitulée : Nullité du système de soulèvement delà Côte-d’Or (1), en montrant qu’il ne s’est pas produit de cataclysmes violents à la fin des terrains jurassiques, et que, par conséquent, les premières couches créta¬ cées sont venues se déposer sur les dernières couches du Jura en subissant les modifications paléontologiques et minéralogiques qui se reproduisent dans les sédiments marins soumis à des oscillations lentes, non synchroniques, et ayant, par consé¬ quent, produit des effets limités en étendue et incapables d’é¬ tablir des séparations générales. Je tâcherai ici d’avancer encore de quelques pas dans cette question ardue. On sait que M. Hébert, après avoir trouvé que les échantil¬ lons de la Porte de France envoyés par M. Lory se rapportent aux espèces suivantes : « Ammonites subfimbriatus , semi-sulcatus, Rouyanus, A. Ca¬ lypso, Ammonites subfascAcularis , Belemnites fatus , » n’hésite pas (1) Société des sciences industrielles de Lyon, 1867. NOTE DE M. ÉBRAY. 347 à proclamer que les calcaires de la Porte de France sont néoco¬ miens. Revenant plus tard sur la faune à Terebratula diphyoides, M. Hébert assimile avec raison les couches de Berrias aux cal¬ caires de la Porte de France (1), puisqu’elles fournissent au¬ jourd’hui Belemnites latus, Ammonites subfimbriatus , A. semi- sulcatus, RouyanuSy A. subfascicularis, A. rarefurcatus , Aptychus seranonisy Aptychus Malbosi, Metaphorinus transver sus. Mais dans cette interprétation, M. Hébert ne tient aucun compte de la brèche jurassique qui couronne les calcaires d’Aizy. Or, l’existence de cette brèche constitue, comme nous le montrerons plus tard, une donnée capitale; et celui qui, en présence de ce fait, continuerait à considérer les calcaires de la Porte de France comme néocomiens, me semblerait, en vé¬ rité, faire trop bon marché de la stratigraphie. Nous verrons d’ailleurs qu’elle ne contredit pas les données paléontologiques. Dans une notice toute récente sur les calcaires de la Porte de France par M. Pictet , le savant paléontologiste de Genève, dans le but, sans doute très-louable, de donner plus ou moins raison à tout le monde, sépare les calcaires de Berrias des cal¬ caires de la Porte de France, et crée une série d’espèces de Té- rébratules trouées qui toutes, à notre avis, ne représentent que des variétés géographiques. En résumé, quoique M. Pictet nous dise à la première page de cette notice que le moment est venu d’établir un certain nombre de faits essentiels, il cherche à nous montrer à la der¬ nière page de cette même notice que les limites de la période jurassique et de la période crétacée, dans cette région, ne pourront être fixées avec sécurité que quand on connaîtra mieux la faune de Stramberg. Mais si les géologues de Stramberg prétendent que leur li¬ mite ne pourra être fixée avec sécurité que quand on connaîtra mieux la faune d’Aizy ou celle de Berrias, la question devien¬ dra fort embarrassante. Respectons l’embarras et la prudence de M. Pictet, mais, disons-le bien haut, la méthode de conclure d’une façon si sommaire que les couches d’Aizy et de la Porte de France (2) Bulletin de la Société géologique de France ; Deuxième note sur les Calcaires à Terebratula diphya de la Porte de France, t. XXIV, p. 389. 348 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. sont néocomiennes, sans examiner si le néocomien du Midi de d’Orbigny est bien le véritable néocomien, conduit à s’exposer à tourner dans un cercle vicieux beaucoup plus dangereux que celui inventé par M. Pictet, allant de Stramberg àBerrias et de Berrias à Stramberg. Nous examinerons dans ces quelques lignes si d’Orbigny a produit des raisons à l’appui de sa classification du néocomien du midi de la France; nous dirons ensuite quelques mots sur les caractères généraux des fossiles rencontrés à la Porte de France, à Aizy et à Berrias; enfin nous donnerons un résumé de l’étude stratigraphique que nous venons de terminer, en sui¬ vant attentivement la limite des terrains jurassiques depuis Cirin, prèsLhuis, jusqu’à Berrias. On est tout d’abord étonné en parcourant, soit la Paléonto¬ logie française , soit le Cours de paléontologie stratigraphique de d’Orbigny, de trouver si peu de raisons à l’appui de sa classifi¬ cation, et cependant les opinions très-disparates qui ont été émises sur le soi-disant néocomien inférieur du Midi auraient dû engager le savant paléontologiste à traiter cette importante question au point de vue stratigraphique, comme il l’avait d’ailleurs fait pour d’autres dépôts. D’Orbigny ne donnant pas d’études stratigraphiques capa¬ bles d’éclairer sa classification, examinons ce que d’autres géo¬ logues ont produit sur cette matière. Il suffit de jeter les yeux sur les travaux de M. Scipion Gras pour se convaincre de l’exis¬ tence du cercle vicieux dans lequel on risquerait de tomber, si l’on cherchait à traiter la question des couches à Terehralula diphya avec la simplicité de méthode employée par M. Hébert. Nous emprunterons les citations que nous allons faire à la Description géologique du département de Vaucluse , dans le but seulement de montrer i’obscurité dans laquelle est plongée cette question importante, et sans nous rendre solidaire de l’opinion de l’auteur sur certaines questions de détails, spécia¬ lement sur la question des marnes à Ancyloceras . On lit, page 96, à propos de ces marnes : « M. d’Orbigny a reconnu, comme M. Matheron, et d’une manière encore plus certaine, parce qu’il avait à sa disposition des matériaux plus nombreux, que le groupe des marnes à Ancyloceras renfermait une faune spéciale; mais manquant de données, à ce qu’il paraît, pour déterminer sa position géologique, il a supposé qu’il était pa¬ rallèle au calcaire urgonien ; il en a fait le faciès côtier de ce calcaire. Il est à remarquer que d’Orbigny n’a appuyé son opi- NOTE DE M. ÉBRAY. 349 nion sur aucune raison. Un peu plus tard, M. d’Archiac a as¬ signé encore une autre place aux marnes à Ancyloceras; il les a mises au-dessous du calcaire urgonien, ou, en d’autres termes, il les a rapportées au néocomien inférieur.» Et page 101 : «De l’ensemble de ces faits que nous ne pourrions exposer ici avec plus de détails sans nous écarter beaucoup de notre sujet, nous avons tiré cette conséquence, que les changements brusques du niveau des mers et les soulèvements des montagnes, qui ont sé¬ paré l’époque jurassique de l’époque crétacée, n’ont pas eu lieu entre les couches à fossiles jurassiques et celles à fossiles néocomiens, mais entre ces dernières et la formation des marnes à Ancyloceras. Pour cette raison, nous considérons ces marnes comme formant seules la base du terrain crétacé. Quant aux couches à fossiles néocomiens, nous les rapportons à une époque géologique antérieure. Nous croyons que la faune néocomienne a été contemporaine de la grande faune dite ju¬ rassique. » Examinons maintenant les caractères généraux des fossiles que l’on rencontre dans le néocomien tout à fait inférieur ou dans les couches à Terebratula diphya. M. Hébert (1) cite à Aizy les espèces suivantes : Ammonites subfimbriatiis , A. semisulcatus , A. Calypso , A. Gra- sianus , A. Malbosi , A. rarefurcatusy A. Dalmasi, A. primtensis. Dans un autre mémoire , le professeur de la Sorbonne avait cité dans les calcaires de la Porte de France : A. subfimbriatus , A. semisulcatus , A. Rouyanus , A. Calypsot A. subfascicularis , Be- lemnites laïus. M. Pictet donne, comme on le sait, la description de la faune à Terebratula diphyoides dans ses Mélanges paléontologiques (2e livraison). 1° Belemnites latus. Cette Bélemnite a été citée par M. Pictet, qui s’exprime ainsi : « Nous n’en connaissons que deux échan¬ tillons certains; l’un d’eux, que nous figurons, m’a été donné par M. de Malbos fils, qui l’avait recueilli dans une pierre à b⬠tir; l’autre fait partie de la collection du frère Euthyme. » M. Pictet n’a pas rencontré personnellement cette Bélemnite. Malgré mon désir de la recueillir à Berrias, je n’ai pu y par¬ venir, circonstances qui prouvent en premier lieu qu’elle est fort rare dans ces dépôts. (1) Deuxième note sur les Calcaires à Terebratula diphya de la Porte de France. 350 SÉANCE DU 20 JANVIER 1868. Nous savons que M. de Malbos était un collectionneur très- respectable, mais qu'il n’y a pas à se fier sur son classement. Le frère Euthyme m’a, en outre, montré dans sa collection à Saint-Genix une Bélemnite déformée de l’oxfordien ayant les caractères du Belemnites laïus; et je dois dire que ce fait se pré¬ sente très-souvent dans l’oxfordien de l’ Ardèche. La Bélemnite figurée par M. Pictet ne parait même pas pos¬ séder la cavité alvéolaire. Pour ces différentes raisons, je me permets d’attendre de plus nombreux et de meilleurs échan¬ tillons avant d’admettre les Belemnites latus dans les couches à Terebratula diphya. Les mêmes observations s’appliquent aux Belemnites Orbi- gnyanus. D’un autre côté, nous avons recueilli à Aizy, à Vogué, à Chandolas, à la Maison-Neuve (route de Joyeuse) , une série nombreuse de Bélemnites ayant tous les caractères des Belem¬ nites Boyerianus de l’étage corallien ou de calcaire à Astartes. 2° Nautilus. Beaucoup de types sont nouveaux; nous dirons cependant avec M. Pictet, en ce qui concerne le Nautilus Malbosi : « l’es¬ pèce qui lui ressemble le plus est le Nautilus biangulatus de la grande oolithe. » Quant aux espèces à cloisons peu sinueuses, j’annonce que le Nautilus berriasensis correspond entièrement à une espèce que j’ai rencontrée dans l’étage kimméridien de Pouilly-sur- Loire. M. Pictet compare le Nautilus berriasensis au Nautilus lœvigatus , en prétendant que ce dernier type est tout différent, et au Nautilus semistriatus du lias, ce dernier ayant un om¬ bilic bien plus grand. En général, le faciès général des Nautiles de Berrias me pa¬ raît plutôt jurassique que crétacé. 3° Ammonites semisulcatus. Dans la dissertation de M. Pictet, on remarque les lignes suivantes, p. 69 : « Nos échantillons de Berrias sont encore très-voisins de V Ammonites Hommairei (d’Orbigny) de l’étage kel- îovien (1), qui a, comme eux, des bourrelets au pourtour. On peut même aller jusqu’à dire que quelques exemplaires de ce (1) Il est évident que nous n’acceptons 1 ’ Ammonites Hommairei (d’Orb.) que sous bénéfice d’inventaire. Cette espèce, trouvée en Crimée, aux envi¬ rons de Chaudon (Basses- Alpes), au mont du Chat, ne pourra réellement être établie d’une manière définitive que quand la question du néocomien aura été tirée complètement au clair. NOTÉ DÉ M. ÉBRAY. 331 A. Hommairei lui ressemblent plus que ne semblerait l’indiquer la planche 173 de la Paléontologie française. » Il n’est pas sans intérêt de montrer l’incertitude dans laquelle était d’Qrbigny en écrivant sa Paléontologie. Notre regretté confrère dit en effet, p. 173, t. I, Terrains crétacés : « Cette espèce remarquable a été découverte aux environs de Gap, par M. Jeannot. Ce zélé naturaliste croit qu’elle appartient aux couches néocomiennes. » 4° Ammonites berriasensis. Nous reproduisons les lignes suivantes du savant paléontolo¬ giste de Genève; elles montrent jusqu’à quel point il était em¬ barrassé dans la séparation de cette espèce (p. 71) : « Elle a en revanche des rapports très-intiines avec V Ammo¬ nites tatricus des étages kellovien et oxfordien ; on y reconnaît le même enroulement, la même forme générale et presque iden¬ tiquement les mêmes cloisons. Leur comparaison avec de bons échantillons de diverses localités jurassiques m’a laissé quel¬ ques incertitudes, car il y a entre ces derniers des différences très-appréciables suivant le gisement d’où ils proviennent. » 5° Ammonites subfimbriatus . D’Orbigny dit, page 122 de sa Paléontologie française , Ter¬ rains crétacés , tome I : « Par ses stries festonnées, caractère rare parmi les Ammo¬ nites, par ses côtes transversales, par ses tours de spire con¬ vexes, cette espèce se rapproche un peu de Y Ammonites fi?n- briatus ; mais elle s’en distingue par ses stries bien plus fines, par ses côtes plus régulièrement espacées, par la légère com¬ pression de ses tours de spire, puis par les lobes de ses cloi¬ sons tout à fait différents. Ammonites Dalmasi. M. Pictet trouve avec beaucoup de raison que cette espèce a des rapports avec Y Ammonites radis ensis ; je dirai même que ces rapports sont très-intimes, et l’on sait que Y A. radi - sensis occupe le calcaire à Astartes. Ammonites Grasianus. — Type spécial. Ammonites Nieri. — D’après M. Pictet, on ne trouve aucune espèce jurassique à lui comparer; cependant, en examinant la figure qu’en donne M. Pictet et celle que donne d’Orbigny de YA. rotundus (pl. 216) de la Paléontologie française , Terrains jurassiques , 1. 1, on est frappé de l’analogie de ces deux espèces. V Ammonites rotundus a l’ombilic un peu plus ouvert et le tubercule terminal aux deux tiers de l’épaisseur des tours moins 352 SEANCE DU 20 JANVIER 1868, accentué; nous savons que ces différences ne sont pas spéci¬ fiques. Ammonites rotundus est kimméridien. Ammonites Euthymi . — Ce type se rapproche en effet du groupe de radiatus; il ne s’écarte pas cependant beaucoup du type Eugenii de l’oxfordien; il faut cependant reconnaître que VA. Euthymi est, de toutes les Ammonites de Berrias, celle dont la physionomie se rapproche le moins de celles d’espèces ju¬ rassiques. Ammonites Malbosi. — On sait que d’Orbigny a assimilé IM. Malbosi à IM. anceps . Quoique cette assimilation soit erronée, elle prouve cependant avec assez d’éloquence le faciès juras¬ sique de cette espèce. Ammonites Boissieri et A. occitanicus. — Ces Ammonites se rap¬ prochent de l’espèce Eudoxus de l’étage kimméridien tant par leurs tubercules ombilicaux que par leurs côtes interrompues sur le dos. Ammonites rarefurcatus . — Les dégradations qui font passer 1U. Boissieri à 1U. occitanicus , et celui-ci au rarefurcatus , font écrire h M. Pictet les lignes suivantes, p. 82 : «Il faudra ce¬ pendant avoir pu l’étudier sur un plus grand nombre d’é¬ chantillons avant de pouvoir décider si elle se lie à cette occi¬ tanicus par des transitions ou si elle en reste toujours indépen¬ dante. » D’un autre côté, M. Hébert (t. XXIV, p. 391, Bulletin de la Société géologique de France) annonce qu’il a été porté à trouver des rapports entre le rarefurcatus et le plicatilis. Je possède en effet certains échantillons de rarefurcatus qui ont à peine les côtes interrompues sur le dos et que l’on pour¬ rait parfaitement confondre avec le biplex. Ammonites privaiensis. — M. Pictet lui trouve des analogies avec les Ammonites Calisto , asperrimus , biplex et anceps. Je trouve surtout cette dernière assimilation remarquable. Je possède des Ammonites anceps qui ne sauraient être facile¬ ment distingués du privaiensis , quoique M. Pictet lui trouve les côtes plus flexueuses et bifurquées plus tard. Ammonites Astierianus. — J’ai trouvé dans l’oxfordien supé¬ rieur de Lapoulte des échantillons de biplex fortement renflés, se rapprochant beaucoup de certains Astierianus. D’un autre côté, M. Pictet s’exprime ainsi à propos de la variété n° 3, p. 87 : « Dans cette variété, les tubercules sont situés sur une sorte de carène, en dehors de laquelle l’inflexion est plus grande ■ ' NOTE DE M. ÉBRAY. 353 que dans les précédentes, de sorte qu’ils laissent moins de place aux flancs. C’est presque la forme de quelques espèces jurassiques ( coronatus , etc.). » Nous pourrions continuer ces comparaisons en passant en revue les brachiopodes et les échinodermes , où nous consta¬ tons les formes à faciès jurassique des Collyrites transver sari us et Voltzii; mais nous pensons que l’examen que nous venons de faire des céphalopodes prouve qu’en jetant un coup d’œil gé¬ néral sur la faune de Berrias, d’Aizy ou de la Porte de France, et en mettant de côté la classification préconçue du néocomien méridional de d’Orbigny, on ne tarde pas à reconnaître que tous les prototypes des céphalopodes de Berrias ( Hommairei , biplex, anceps , fimbrialus1 etc.) se rencontrent dans les ter¬ rains jurassiques, et que les dérivés de ces types s’cteignent au-dessus des couches qu’on a désignées à tort comme néoco¬ miennes. La régularité de la sédimentation, non interrompue par des phénomènes perturbateurs, a permis, en effet, à ces prototypes de se développer régulièrement sous l’influence de la variation des milieux vitaux, et celui qui ne verrait pas une succession remarquable dans l’apparition de types semblables, depuis le lias jusqu’au néocomien inférieur du Midi (pour nous le juras¬ sique supérieur), fermerait les yeux devant une des manifesta¬ tions les plus curieuses de la nature. Les affinités de la faune des couches à Terebratula diphya étant jurassiques, il devenait intéressant devoir si la stratigra¬ phie viendrait confirmer ces affinités. Nous venons de terminer cette étude, et nous nous empressons, dès aujourd’hui, d’en faire connaître les résultats généraux, de même que la méthode que nous avons suivie. Nous avons pris comme point de départ les environs de Lhuis (Ain), où, comme à Cirin, on constate tous les termes des terrains jurassiques, y compris le kimrné- ridien et le portlandien terminés supérieurement par une cou¬ che de poudingue. Nous avons admis que cette couche de poudingue représen¬ tait un niveau synchronique, et, comme il nous a été possible de la suivre pas à pas depuis les environs de Lhuis jusqu’à Ber¬ rias, où elle est encore bien développée, par Lemenc (Savoie), Aizy (Isère), le Pouzin, Ghomerac (Ardèche), environs de Vo¬ gué, Ghandolas, etc., nous avons conclu que les formations si¬ tuées au-dessous de cette couche sont jurassiques, et qu’en particulier Soc. géol., 2e série, tome XXV. 23 354 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. 1° Les bancs épais situés immédiatement sous ce poudingue d'une allure si constante représentent le portlandien; 2° Les calcaires à grains fins exploités à Girin comme pierres lithographiques, et représentant l'étage kimméridien, se pro¬ longent avec les mômes allures et le même faciès jusqu’à Ber- rias, où ils contiennent la Terebratula d'phya et les autres fos¬ siles décrits par M. Pictet; 3° La T. diphya de Grenoble et la T . diphyoides de Berrias ap¬ partiennent à la même espèce; 4° 11 me paraît à peu près certain que les couches de Stram- berg, celles de la Porte de France, d’Aizy et de Berrias appar¬ tiennent au même horizon; 5° Les calcaires oolithiques à faciès corallien du Jura se ter¬ minent en biseau aux environs de Lhuis, et sont remplacés par des calcaires compactes synchroniques à faciès oxfordien. On constate en ce point le phénomène qui se remarque vers la Loire, aux environs de la Charité, où le calcaire oolithique moyen et inférieur du coral-rag se trouve remplacé par une énorme épaisseur de calcaire argileux très-pauvre en fossiles. A la suite de cette communication, M. de Lapparent fait observer que l'opinion professée aujourd'hui par M. Ébray est celle qui a été développée, il y a trois ans, par MM. Oppel et Benecke, pour qui les calcaires de la Porte de France, de Stramberg, etc., constituent cet étage tithonique créé par Oppel et comprenant toutes les couches de passage entre le terrain jurassique et le terrain crétacé. Séance du 3 février 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du pro¬ cès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Goschler, ingénieur, boulevard Saint-Michel, 35, à Paris; présenté par MM. Ch. Laurent et Louis Lartet. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 355 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Amédée Burat, Les houillères en 1867, d’après les documents de T Exposition universelle, 1 vol. in-8, 192 p. et 1 atlas, in-4; Paris, 1868; chez J. Baudry. De la part de M. Édouard Dufour, Les perspectives de la Science , in-8, 31 p. ; Nantes, 1867 ; chez veuve G. Mellinet. De la part de M. Alphonse Favre, Recherches géologiques dans les parties de la Savoie , du Piémont et de la Suisse voisines du mont Blanc , 3 vol. in-8, et atlas de 32 pl.; Paris, 1867 ; chez Victor Masson et fils. De la part de M. A. Leymerie, Notice sur le phénomène dilu¬ vien dans le bassin de Lcivilledieu et dans les parties afférentes des vallées de la Garonne , du Tarn et de l’Aveyron , in-8, 22 p., 2 pl.; Toulouse, 1867 ; chez Ch. Douladoure. De la part de M. G. Seguenza : 1° Sulcretaceo medio delT ItaRa méridionale ; in-8, 7 p.; Milan, 1867; chez Bernardoni. 2° Paleontologia malacologica dei terreni terziarii del distretto di Messina (. Pteropodi ed Eteropodi) ; in-4, 22 p., 1 pl.; Milan, 1867 ; chez Bernardoni. De la part de M. Gustave Lambert, L’expédition au Pôle Nord, iin8, 134 p., 1 pl.; Paris, 1868; au siège de la Société de Géographie, rue Christine, 3. De la part de MM. G. M. Guldberg et P. Waage, Études sur les affinités chimiques , in-4, 74 p.; Christiania, 1867; chez Brogger et Christie. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences , 1868, 1er sem. — T. LXVI, nos 3 et 4, in-8. L Institut, nos 1777 et 1778; 1868, in-8. Bulletin de la Société de l'industrie minérale [Saint- Ë tienne), janvier, février et mars 1867, in-8. The Athenœum , nos 2100 et 2101; 1868, in-4. Transactions ofthe Cambridge philosophical Transactions , vol.X, part. U. — Vol. XI, part. I, in-4. 356 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. Transactions ofthe geological Society of Glascow, vol. Il, part. III, in-8. Neues Jahrbuch fur Minéralogie, etc., de G. Leonhard et H. B. Geinitz ; 1867, 7e cahier, in-8. V erhandlungen der K. K. geologischen Reichsanstall ; 1867, n° 18; 1868, n° 1 ; in-8. Monatsbericht der K. preussischen Akademie der Wissenschaften zu Berlin, septembre et novembre 1868, in-8°. Sitzungs-Berichte der naturwissenchaftlichen Gesellschaft Isis , juillet, août et septembre, 1867, in-8. Revista de los progresos de las ciencias exactas , fisicas y naturales , décembre 1867 ; in-8. Revista minera , lo janvier 1868; in 8. M. Hébert offre à la Société, au nom de hauteur, un ou¬ vrage ayant pour titre : Recherches géologiques dans les parties de la Savoie , du Piémont et de la Suisse , voisines du mont Blanc ; par M. Alphonse Favre; 3 vol. in-8, accompagnés d'un atlas in-f°. et donne de cet ouvrage l'analyse suivante : Ce grand et important ouvrage est une description géolo¬ gique complète d’un des pays les plus célèbres dans les annales de la science, celui qui a été le principal théâtre des explora¬ tions de de Saussure, et où se sont succédé, depuis, tous les plus illustres représentants de la géologie et de la physique du globe. Compatriote de de Saussure, M. Favre s’est inspiré du plan et de la méthode de son illustre prédécesseur, mais en faisant une œuvre toute nouvelle, grâce aux immenses progrès qu’ont faits, depuis le commencement de ce siècle, la géologie et toutes les sciences sur lesquelles elle s’appuie. Tous ceux qui s’intéressent à ces grandes études de la nature alpine re¬ trouveront, dans la partie descriptive de cet ouvrage, cette exactitude, cette vérité d’observation qui donnent aux Voyages de de Saussure un cachet et un intérêt tout particuliers. Toutes les recherches antérieures et toutes les opinions émises sur la structure de cette partie des Alpes y sont recueillies avec une NOTE DE M. HÉBERT. 357 érudition scrupuleuse et discutées avec une parfaite critique, en présence des faits nouveaux établis par l’auteur ou acquis à la science dans ces dernières années, et contrôlées par ses ob¬ servations personnelles. Le développement donné par M. Favre à cette partie critique de l’ouvrage était réclamé par les lon¬ gues et vives discussions auxquelles ont donné lieu plusieurs des questions fondamentales de la géologie des Alpes, et par les incertitudes qui subsistent encore sur plusieurs faits d’une importance très-générale. Les vingt-sept premiers chapitres sont principalement con¬ sacrés à la description géologique, à l’exposition des faits dans un ordre géographique. Commençant (chap. i à v) par la plaine de Genève ses dépôts modernes et quaternaires, M. Favre (chap. vi à ix) entre dans une étude approfondie du terrain erratique , si important dans cette région où a pris naissance la théorie de l’ancienne extension des glaciers. Il décrit ces anciens dépôts glaciaires dans les vallées alpines du Rhône, de l’Arve, de la Haute-Isère et de la Doire-Baltée. Le chapitre x est consacré à l’histoire de cette grande question des dépôts erratiques, aux preuves de l’ancienne extension des glaciers et à la discussion des diverses théories par lesquelles on a essayé de l’expliquer. M. Favre pense que les faits observés n’indiquent, dans les Alpes, qu’une seule période glaciaire, et que rien n’autorise à supposer qu’il y ait eu dans cette région, pendant le cours de l’époque qua¬ ternaire, des changements de niveau, des oscillations du sol comme celles qui ont été reconnues dans le nord de l’Europe. L’immense quantité de matériaux qui ont été arrachés aux Alpes, comme l’étude de la structure orographique, démontre que ces montagnes, au début de la période quaternaire, de¬ vaient être plus élevées, leurs vallées moins larges et moins profondément creusées; leur ensemble présentait une configu¬ ration plus favorable que celle d’aujourd'hui à l’extension de vastes nappes de glaciers. Cependant ce n’est pas au creusement par les glaciers que les vallées des Alpes doivent leur origine, ainsi que l’a supposé M. TyndalL M. Favre, d’accord avec la plupart des glaciéristes , se refuse même à admeltre la théorie de Vaffouillement glaciaire , suivant laquelle les bassins des lacs et autres dépressions auraient été d’abord comblés par les alluvions anciennes , puis déblayés par l’extension ultérieure des glaciers; il pense que les lacs existaient, que leurs bassins ont été déterminés par les dislocations du sol, et qu’ils ont été 358 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. conservés, pendant la période glaciaire, sans être comblés au¬ trement que par la glace elle-même. Le chapitre xi est consacré à la mollasse des environs de Genève, et le chapitre xn à l’étude du Salève, chaîne isolée entre le Jura et les Alpes, mais dont la structure se rapproche sur¬ tout de celle du Jura. Le chapitre xm contient un travail paléon- tologique de M. P. de Loriol sur les fossiles de cette mon¬ tagne. La partie des Alpes décrite par M. Favre est divisée en 14 massifs, dont chacun fait l’objet d’un chapitre spécial. Déjà, dans ceux qui sont les plus rapprochés de Genève, aux Voirons (chap. xv), au Môle (chap. xvi), on se trouve en pré¬ sence de bouleversements très-compliqués et de difficultés re¬ latives à la distinction des divers étages jurassiques et à leur séparation d’avec le terrain néocomien, à faciès alpin. Le vaste massif du Ghablais (chap. xvn) offre un développe¬ ment considérable de terrains jurassiques, à la base desquels on trouve V infra-lias, bien caractérisé à Meillerie, à Ma- tringe, etc. La reconnaissance de ce dernier horizon a permis àM. Favre de démontrer rigoureusement l’existence du trias , dont les affleurements sont nombreux et importants dans cette partie de la Savoie. Dans les montagnes situées entre la vallée d’Abondance et celle du Rhône, la série jurassique est terminée par un groupe puissant de calcaire gris associé à des dépôls charbonneux, qui renferme des fossiles’ que M. Favre rapporte à l’étage de Kimmeridge, bien qu’ils ne soient pas suffisamment caracté¬ risés pour ôter tout prétexte à de justes réserves. Ces couches jurassiques supérieures se poursuivent au nord du lac Léman, à travers les Alpes vaudoises et le Simmenthal, jusqu’au bord du lac de Thun; et, dans toute cette étendue, on ne trouve aucune trace de terrain néocomien, ni des autres étages cré¬ tacés, tandis que tout près de là, partout où le terrain néoco¬ mien existe, on ne trouve dans le terrain jurassique sous-jacent que des fossiles de la faune oxfordienne. Ces parties de la Suisse et de la Savoie, comprises entre Thun et Bonneville, pa¬ raissent donc, selon l’opinion de M. Studer, avoir formé une île dans les mers crétacées; et même elles n’ont pas été re¬ couvertes par les couches éocènes à Nummulites , mais seule¬ ment par les grès du flysch ou macigno alpin , qui ont une grande étendue dans la partie moyenne du Chablais. Le massif des Vergys et de la Tournette (chap. xvm), com- NOTE DE M. HÉBERT. 359 pris entre la vallée de l’Arve et le lac d’Annecy, est principale¬ ment formé par un grand développement de terrain néocomien, surmonté de gault et de quelques lambeaux de craie et de ter¬ rain nummuiitique qui y occupe aussi une étendue considé¬ rable. Les caractères de ces terrains y sont très-nets, et, comme le dit M. Favre, c’est un massif dont on doit conseiller l’étude aux débutants dans la géologie des Alpes. Cependant il pré¬ sente encore une orographie compliquée, des accidents gran¬ dioses; et surtout ce n'est pas sans surprise que l’on trouve, suivant son axe médian, dans la direction de Cluses à Faverges, deux îlots de roches jurassiques ettriasiquestrès-bouleversées, ceux de la montagne des Aimes et du mont Suîens, entourés et en partie recouverts par les grès du flysch, tandis que les chaînes néocomiennes se contournent à distance autour de ces îlots, et que leurs couches semblent, au premier abord, s’en¬ foncer de toutes parts sous ces masses plus anciennes. La continuation de la chaîne orientale de ce massif forme, à l’E. du Chabîais, le massif des Fiz (chap. xix), célèbre dans l’histoire de la stratigraphie par ses gîtes de fossiles du gault et du terrain nummuiitique, et le massif des Avoudruz et de la Dent-du-Midi (chap. xx), où les terrains crétacés et nummuliti- ques, soumis à des refoulements énergiques entre les massifs antérieurement disloqués du Chabîais à l’ouest, des Aiguilles- Rouges et du mont Blanc à l’est, ont subi des bouleversements d’une complication extrême. M. Favre décrit plusieurs courses très-intéressantes à travers ces montagnes peu connues et d’un parcours difficile. Dans le chapitre xxi, M. Fabre aborde l’étude des terrains an¬ ciens, propres aux chaînes centrales des Alpes, en commençant par le massif des Aiguilles-Rouges et du Brévent, composé de schistes cristallins percés de filons granitiques, sur lequel s’ap¬ puient à l’ouest les grandes masses jurassiques du Buet, des Tours-Sallières, etc. Il a trouvé, sur le sommet le plus élevé des Aiguilles-Rouges, un lambeau de couches secondaires ho¬ rizontales entrevu déjà par Dolomieu et par Necker. Ce lam¬ beau montre comment les terrains jurassiques et triasiques du Buet, d’une part, et de la vallée de Chamonix, d’autre part, peuvent être considérés comme les deux jambages d’une voûte rompue et emportée en majeure partie, mais dont la clef reste encore en place sur le sommet de la masse des schistes cristal¬ lins qui a formé en quelque sorte la charpente intérieure de cette voûte. .160 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. Le massif du mont Blanc, avec les vallées et les cols qui les, circonscrivent sur ces deux versants, forme l’objet des chapi¬ tres xxti et xxiii. La protogine constitue la masse principale de la chaîne du mont Blanc, mais elle n’en occupe pas exactement la partie cen¬ trale ; elle n’est pas entourée de toutes parts des schistes cris¬ tallins. Ceux-ci manquent sur une grande partie du revers sud- est de la chaîne, et M. Favre indique, dans plusieurs excursions à travers les cimes, les limites et le rôle orogra¬ phique différent de ces schistes et de la protogine. Cette roche diffère des vrais granités non-seulement par des particularités minéralogiques, mais surtout en ce qu’elle est réellement stratifiée , nullement éruptive, et qu’elle se lie inséparablement par ses allures et par des passages insensibles avec les schistes cristallins du versant ouest et des deux extrémités de la chaîne. L’ensemble de ce terrain cristallin affecte, comme on le sait, la structure en éventail , pour laquelle M. Favre adopte complè¬ tement l’explication que M. Lory avait proposée (1), par un refoulement qui s’est exercé avec plus d’intensité sur la base de la chaîne que sur ses parties culminantes. Dans la vallée de Cha- monix, les couches du trias et du terrain jurassique participent à cette disposition et sont renversées sous les schistes cristal¬ lins. M. Favre admet qu’il en est de même sur l’autre versant, au mont Fréty, en face de Courmayeur (2). Le terrain houiller paraît manquer dans la chaîne du mont Blanc, mais il se montre très-développé un peu à l’ouest, où il présente, particulièrement à sa base, les célèbres poudingues de Yalorcine. Le trias , bien que généralement peu épais sur le versant savoisien, s’y montre dans un grand nombre de lo¬ calités, avec ses gypses et ses cargneules très-développés, par exemple aux bains de Saint-Gervais ; mais sur d’autres points, surtout sur le versant sud-est, les couches jurassiques s’ap puient directement sur les schistes cristallins. Ces couches ju¬ rassiques sont des calcaires noirs plus ou moins argileux et schisteux prenant souvent la structure d’ardoises. On y trouve souvent des Bélemnites très-déformées, et on les a générale- (1) Descr. géol. du Dauphiné, 1860, p. 180. (2) M. î ory a eu l’occasion de dire que, de ce côté, le renversement des couches jurassiques lui semblait contestable (Réun. des Sociétés savantes, avril 1866). NOTE DE M. HÉBERT, 361 ment regardées jusqu’ici comme appartenant au lias. Cet étage paraît bien exister, en effet, sur quelques points, à Sembran- chier et peut-être au mont Joli, et les qrès remarquables de de Saussure, qui forment le rocher du Bonhomme et le plateau du col des Fours, représentent probablement V infra-lias, comme l’ont dit MM. Lory et Vallet; mais, dans l’ensemble du terrain, M. Favre (chap. xxxn) pense que le lias est très-peu développé et même manque le plus souvent dans toute celte zone des chaînes centrales; les Ammonites citées au mont Joli, à Servoz, etc., et, plus au midi, au col de la Madeleine, près de Moutiers, sont, d’après lui, des espèces du groupe oolilhique inférieur, et il paraît disposé à rapporter à ce groupe la plus grande partie des schistes argilo-calcaires des chaînes centrales de la Savoie. Ce serait, du reste, un fait analogue à ce qui est reconnu dans les Alpes bernoises, où les couches en contact avec les roches cristallines contiennent des fossiles de l’oolithe inférieure ou de la grande oolilbe, tandis que l’on ne connaît de fossiles Basiques que dans les chaînes extérieures. Ce point de vue est nouveau pour les Alpes de la Savoie, et il s’accorde peuavec ce que l’on a admis jusqu’ici pour les chaînes centrales de la Maurienne et du Dauphiné, dont tous les fossiles connus jusqu’ici appartiennent au lias. 11 y a là une double question pa- léontologique et stratigraphique très-importante à éclaircir. M. Favre décrit même un gîte de fossiles, à la Mayaz, près du col Ferret, sur le versant suisse de la chaîne du mont Blanc, où l’on trouve des radioles d’échinides que M. Desor re¬ garde comme appartenant très-probablement au Cidaris pro- pinqna caractéristique de l’oxfordien supérieur; la couche qui les renferme n’est séparée de la protogine que par quelques mètres de schistes ardoisiers et de conglomérats, qui paraissent reposer régulièrement sur les terrains anciens. Ce serait le seul indice connu de l’extension des étages jurassiques moyens sur le versant sud-est du mont Blanc. Près de Courmayeur (ch. xxtii), les schistes jurassiques à Bélemniies du val d’Enlrèves s’enfoncent sous les masses du mont Chétif et de la Saxe, formées de protogine et de schistes cristallins. Cette superposition, que de Saussure qualifie demons- trueuse , paraît à M. Favre pouvoir s’expliquer par un renverse¬ ment, comme les superpositions analogues dans la vallée de Chamoriix. Cependant, d’après M. Lory, et il est utile, dans des questions de ce genre, de mettre en regard les opinions d’autorités aussi compétentes, le cas n’est, point le même ; les 38£ SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. roches du mont Chétif et de la Saxe n’ont point la structure en éventail; elles plongent uniformément vers le S. E. , et ne pré¬ sentent aucun indice de repli sur elles-mêmes comme le sup¬ pose la coupe donnée par M. Favre; sur leur versant S. E. on ne trouve plus de terrain jurassique, mais bien une série tria- sique extrêmement épaisse qui repose normalement sur ces roches anciennes. M. Lory a montré (Bull. , 2e série, t. XXIII, pl . X) que ce trias formait la lèvre supérieure d’une grande faille de 40 lieues de longueur et peut-être plus, qu’il a suivie depuis le Briançonnais jusqu’en Valais, et il pense que le contact anor¬ mal du terrain jurassique avec les roches du mont Chétif et de la Saxe est dû simplement à cette faille , dont le plan de frac¬ ture, au lieu de rester vertical, a été renversé par les mêmes refoulements latéraux qui ont produit la structure en éventail dans la chaîne du mont Blanc. Le trias , sur le versant S. E. du mont Blanc, a une épaisseur énorme et une physionomie très-différente de celui du versant N. O. Il se compose, en majeure partie, de schistes gris lustrés, plus ou moins calcaires, et de calcaires micacés, auxquels sont associés des brèches très-singulières, des dolomies et de gran¬ des masses de gypse. L’étage inférieur est formé par des grès blancs ou bigarrés, souvent très-développés. Sur sa carte géo¬ logique, publiée en 1862, M. Favre n’avait figuré, comme trias , que ces roches de grès, gypses et cargneules analogues à celles qui se trouvent dans le trias du versant N. O., et il avait colorié, quoique avec doute, les schistes lustrés et les calcaires cipolins de la teinte du lias. M. Lory et M. Vallet ont établi que le prolongement de ce groupe venait , dans les environs de Mou- tiers , s’enfoncer sous le lias de la chaîne des Encombres et V infra- lias bien caractérisé qui en forme la base; de sorte que ces schistes lustrés, brèches et calcaires micacés de la Ta- rantaise ne peuvent être que triasiques et correspondent aux schistes lustrés du mont Cenis , dans la Haute-Maurienne, le Piémont, etc. M, Favre adopte complètement cette classifica¬ tion. Ce grand système triasique forme toute la ligne de hautes crêtes, dont les couches se dressent en regard du versant S. E. du mont Blanc, et dont plusieurs sommets sont célèbres par la beauté de leur panorama; ainsi la Pierre-à-Voir, au-dessus de Saxon (Valais) (§ 589 bis), les cimes entre le col Ferret et le Grand-Saint-Bernard, entre Courmayeur et Morgex, le Cramont (§ 675) et toutes ces grandes masses comprises entre l’Allée- NOTE DE M. HEBERT. 363 Blanche et la route du Petit-Saint-Bernard. Dans leurs parties les plus élevées entre le col de la Seigne et le Petit- Saint- Bernard ces assises triasiques (§ 672) sont entremêlées de plu¬ sieurs affleurements deserpentine qui forment de véritables nappes inter-stratifiées parallèlement aux couches normales du terrain, comme M. Lorv en avait signalé précédemment des exemples dans les serpentines du Briançonnais. Elles sont accompagnées de roches chloriteuses, quartzeuses, etc., qui paraissent au savant professeur de Grenoble n’être que des schistes triasi¬ ques métamorphiques, modifiés par les infiltrations qui ont accompagné l’émission des serpentines, probablement contem¬ poraine du dépôt du terrain. En signalant ce grand développement du système triasique sur le versant S. E. du mont Blanc, nous avons un peu anticipé sur la marche de l’ouvrage de M. Favre , qui suit d’abord (chap. xxiv et xxv) la continuation des terrains des Aiguilles- Rouges et du mont Blanc vers le sud, dans les enviions de Mégève, de Beaufort et d’Albertville, et décrit ensuite la partie de la Tarantaise située sur la rive droite de l’Isère, jusqu’à Moutiers. La grande bande de trias dont nous venons de parler se continue dans cette partie de la Tarantaise, depuis le col de la Seigne jusqu’à Moutiers, et elle est coupée par l’Isère, entre Aime et Aigueblanche. Dans cette partie de la Tarantaise, entre Aimé et le bourg Saint-Maurice, cette grande bande de trias se trouve en contact, à l’E. avec la zone principale des grès à anthracite (terrain houiller des Alpes) qui se prolonge sans discontinuité, comme on le sait, au midi, à travers la Maurienne et le Briançonnais, au nord, jusqu’aux environs de Sion en Valais. Dans le chap. xxvi, M. Favre suit cette zone de grès houiller, vers le sud, en dehors des limites de sa carte, dans ses rapports avec le trias, l’infra-lias et le lias, particulièrement dans la direction du col des Encombres, si connu par son beau gise¬ ment de fossiles Basiques. Il résume ensuite toutes les obser¬ vations faites dans ces dernières années sur les terrains de la Maurienne, sur les gisements de Nummulites et de fossiles de l’infra-lias qui ont permis d’en débrouiller rigoureusement la stratigraphie et expose les résultats constatés dans la Réunion de la Société géologique de France , en 1861. Revenant alors vers le nord , il consacre un dernier chapitre descriptif (chap. xxvn) à la zone de trias, de terrain houiller et de schistes cristallins qui s’étend du bourg Saint-Maurice à Sion, 364 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. par les deux Saint-Bernard. La série des cols du Petit-Saint- Bernard, delà Séréna, de Fenêtre et d’Ëtablon , marque le contact constant des deux zones triasique et houillère. Sur toute cette ligne de contact et sur son prolongement à travers la Tarantaise, le col des Encombres, etc., les grès à anthracite paraissent, au premier coup d’œil, superposés aux autres terrains secondaires; M. Favre croit que cette appa¬ rence de superposition doit s’expliquer par un renversement du terrain houiller sur les terrains triasique et jurassique ; pour M. Lory, qui a étudié toute cette ligne de contact depuis le Valais jusqu’à Briançon, elle serait la trace évidente d’une grande faille qui même, en face de Moutiers, se trouve sub¬ divisée en plusieurs gradins de failles secondaires, mais rede¬ vient unique un peu plus au midi et va passer au col des En¬ combres et au pied ouest de la montagne du Chardonnet (Hautes-Alpes), célèbres l’un et l’autre dans l’histoire des dis¬ cussions relatives aux grès à anthracite des Alpes. Nous neterminerons pas cette analyse de la partie descriptive de l’ouvrage sans mentionner avec tous les éloges qu’il mérite l’atlas de profils et de vues géologiques qui en est le complé¬ ment indispensable ; tous ceux qui connaissent les localités reconnaîtront le soin et l’exactitude avec lesquels elles ont été représentées. Tous les profils généraux sont dressés à la même échelle pour les hauteurs et les distances, condition indispen¬ sable dans la géologie des pays de montagnes. M. Favre a pris soin de reproduire aussi tous les profils importants donnés précédemment par d’autres géologues ; et cet atlas forme, avec la carte, un ensemble de documents qui sera un guide précieux pour toutes les explorations futures. Les neuf derniers chapitres sont consacrés à une revue théo¬ rique et systématique des faits et des caractères des divers terrains dans la région des Alpes. Commençant par les plus inférieurs, M. Favre discute d’abord les caractères de la proto- gine et des roches granitiques, en général, et il adopte la théorie de l’intervention de l’eau, à haute température, dans la cris¬ tallisation de ces roches. La protogine, en particulier, serait réellement stratifiée et ne formerait jamais de filons; il existe, même dans la chaîne du mont Blanc , mais surtout dans celle des Aiguilles-Rouges et dans les environs de Beaufort, de vrais filons de diverses roches granitiques plus ou moins porphy- roïdes, dont les plus célèbres sont ceux du granit de Valorcine , décrits par de Saussure et par Necker. Les schistes plus ou NOTE DE M. HÉBERT. 365 moins cristallins sont aussi manifestement stratifiés, etM. Favre pense qu’ils se rapportent, en général, aux terrains sédimen- taires les plus anciens; il a trouvé VEozoon canadense dans les calcaires serpentineux alternant avec le gneiss de la Jungfrau (Alpes bernoises). On sait d’ailleurs que des fossiles siluriens ont été trouvés à Dienten , en Tyrol, dans une couche graphi¬ teuse intercalée dans des schistes chloriteux gris ou verts, qui paraissent identiques avec ceux du Valais. Le chap. xxx est consacré à une histoire très-détaillée de la question du terrain carbonifère dans les Alpes. Après avoir résumé les caractères stratigraphiques et paléontologiques qui démontrent que les grès à anthracite sont bien les représentants du terrain houiller , M. Favre fait une revue de tous les travaux dont ces grès ont été l’objet; il montre comment, en 1823, par les progrès naturels de la géologie, Bakewell était arrivé à les classer dans le terrain houiller et à reconnaître aussi l’existence distincte du trias (1) et du lias, comment, en 1828, ces princi¬ pes, reconnus si justes aujourd’hui, se trouvèrent abandonnés, et toute la géologie des Alpes remise en question par les mé¬ moires de M, Élie de Beaumont sur Petit-Cœur et sur le col du Chardonnet, les travaux nombreux et les vives discussions qui se combattirent sur ce terrain durant plus de trente ans, et enfin la manière dont les difficultés stratigraphiques se trou¬ vèrent éclaircies par les découvertes des Nummulites et de l’infra-lias dans la Maurienne, ce qui permit d’établir, dans la réunion extraordinaire de la Société géologique, en 1861, les bases définitives de la classification des terrains de cette partie des Alpes. Bans le chap. xxxi, M. Favre examine la constitution du ter¬ rain triasique de la Savoie; il discute l’origine et le mode de ; formation des roches spéciales qu’il renferme et qui sont plus ou moins analogues à celles du trias d’autres contrées. Dans les quatre chapitres suivants, il résume les caractères stratigraphiques et paléontologiques des terrains jurassiques, crétacés, tertiaires et quaternaires, et termine enfin, dans le chap. xxxvi, par un coup d’œil général sur la structure orogra¬ phique (2) et sur la constitution successive du sol de la Savoie dans la suite des diverses périodes géologiques. (1) Bakewell rapportait les cargneules et le gypse des Alpes au magnesian limestone. (2) M Favre (§ 804, p. 517) accorde peu d’importance aux failles , qu'il 386 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. On voit par ce résumé, trop succinct malgré son étendue, que la description géologique de la région du mont Blanc est un véritable monument, d'une haute valeur scientifi¬ que. Le zèle ardent et persévérant de l'auteur lui a permis d’amasser, par des recherches de plus de vingt-cinq années, les matériaux qu’il devait mettre en œuvre; il a su les coor¬ donner avec une grande sagacité. M. Marcou fait ressortir le mérite de l'œuvre accomplie par M. Favre qui, à l'exemple de Saussure, consacre sa for¬ tune aux plus nobles travaux. M. le Président annonce que le Conseil a désigné MM. d’Ar- chiac, Daubrée et Hébert pour faire partie delà Commission chargée de vérifier l'état des collections de la Société. M. le Président notifie ensuite à la Société la nomination de M. Ferrand de Missol aux fonctions nouvellement créées d’archiviste-adj oint. M. le Président rappelle la décision prise par la Société en 1867, relativement à l'institution d'une séance générale annuelle. Le Conseil a fixé la date de cette réunion, pour 1868, au mercredi 11 mars. Sur les observations présentées par divers membres, cette date est reculée au lendemain jeudi 12 mars. Une lettre d'avis seraprochainement envoyée à tous les membres de la Société. Sur l'invitation du Président, le Secrétaire fait connaître, dans les termes suivants, les résolutions prises par le Con¬ seil et par la Commission du Bulletin dans leurs dernières séances : «Le Conseil, considérant que l'état des finances de la So¬ ciété interdit toute dépense superflue, a décidé qu'à l’ave¬ nir on appliquerait rigoureusement les décisions anté¬ rieures qui mettent à la charge des auteurs : 1° les frais semble considérer comme n’étant souvent qu’une hypothèse commode. M,ais il est juste de faire observer que le système de contournements, auxquels il a généralement recours, ne peut pas expliquer certaines dispositions (§ 589 bis, 691, etc.). 367 NOTE DE M. TOURNOUER. d'impression au delà de deux feuilles par note ; 2° les rema¬ niements faits après coup et les frais de correction excédant 10 francs par feuille. « En outre, le Conseil et la Commission recommandent aux auteurs d’apporter, dans la rédaction de leurs notes, une sobriété qui ne sera pas moins favorable à l’exposition de leurs vues qu’aux intérêts du budget de la Société. Au¬ trement la Commission du Bulletin userait, à cet égard, des droits que le Règlement lui confère et chargerait le Secré¬ taire de supprimer, sauf approbation, les longueurs jugées inutiles. «Il a été décidé que ces résolutions seraient portées, par la voie du Bulletin , à la connaissance de tous les membres de la Société. » M. Levallois annonce la mort de M. Thirria et rappelle les principaux titres scientifiques qui le désignent particu¬ lièrement aux regrets de la Société. M. Marcou s’associe aux sentiments exprimés par M. Le¬ vallois et proclame la haute importance du travail de M. Thirria sur la géologie du Jura. M. Alb. Gaudry lit une lettre de M. Ami Boué, accompa¬ gnant l’envoi de sa photographie à la Société géologique. M. Marcou donne lecture d’une lettre adressée par la So¬ ciété de géographie à la Société géologique en faveur de l’expédition au pôle nord projetée par M. Gustave Lambert. M. Tournoüer fait la communication suivante sur les ter¬ rains tertiaires de la Bretagne : Sur les lambeaux de terrain tertiaire des environs de Rennes et de Dinan , en Bretagne , et particulièrement sur la présence de Vê¬ lage des sables de Fontainebleau aux environs de Rennes ; par M. R. Tournouër. Les lambeaux de terrain tertiaire des environs de Rennes (Ille-et-Vilaine) et de Dinan (Côtes-du-Nord), isolés au milieu des terrains anciens de la Bretagne sur lesquels ils reposent directement sans l’intercalation jusqu’à présent reconnue d’au- 368 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868, cun autre membre de la série géologique, ont depuis longtemps attiré, au moins incidemment, l’attention des géologues qui se sont occupés de cette partie de la France; et, pour donner une idée des travaux relatifs à ce sujet, je ne puis mieux faire que de renvoyer à Y Histoire des progrès de la géologie , tome II, 2e partie, pag. 510, 511 et 639, où ils sont parfaitement analysés et ré¬ sumés. Postérieurement à ces premiers travaux, il n’y a guère à citer que quelques indications données très-incidemment par M. Durocher, Bull. Soc. géol. , 2e série, t. VI, page 414, en note, et par M. Michelin, ibid., t. XII, page 522, et une note de M. Marie Rouault, insérée dans les comptes rendus de l’Aca¬ démie des sciences, 19 juillet 1858, et relative à des débris in¬ téressants de vertébrés trouvés dans le terrain quaternaire, dans le terrain tertiaire moyen et dans le terrain paléozoïque de la Bretagne. En résumé, deux terrains marins tertiaires bien distincts, séparés par des couches de transition à fossiles d’eau saumâtre ou d’eau douce, ontété reconnus, dès 1829 et 1832, parM. J. Des¬ noyers dans les vallées de la Vilaine et de la Rance. Le terrain marin inférieur, constitué par un calcaire blanc marneux, exploité pour la confection de la chaux hydraulique, et caractérisé par la présence de MilioliLes, de rhizopodes, etc., a été rapporté par M. Desnoyers, et en général par les géologues qui l’ont suivi, à l’horizon du calcaire grossier parisien. — Le terrain marin supérieur, ou sablon , constitué par une roche très- siliceuse, exploitée pour l’amendement des terres, et caracté¬ risée par de grandes Huîtres, de grands échinodermes, des dents de Squales et des débris d ' Halilkerium, a été rapporté sans dif¬ ficulté à l’horizon des faluns voisins de l’Anjou, et il n’v a pas en effet de contestation à faire à cet égard. Mais il n’en est pas de même pour le classement proposé du terrain marin infé¬ rieur, et c’est la discussion de cette classification, à l’aide d’une étude rigoureuse des fossiles, qui sera l’objet principal de cette note. STRATIGRAPHIE. 1° Le terrain marin inférieur s’observe seulement dans la vallée de la Vilaine, au sud de Rennes (1), dans les carrières (1) Cependant M. Duchassaing (Thèse, 1 843) donne à entendre qu’il se retrouve aussi au nord de Rennes, à la base du falun de Saint-Grégoire. Je n’ai pas pu vérifier le fait. NOTE DE M. TOURNOÜER. 369 des fours à chaux de Saint-Jacques, sur la route de Redon, et de la Chausserie, sur la route de Nantes. 2° A la Chausserie, on voit les couches d’eau douce, qui sem¬ blent terminer le terrain marin inférieur, surmontées par le sablon ou falun. 3° Ce falun se retrouve au nord de Rennes, à Saint-Grégoire, et c’est lui seul qui se développe plus au nord dans la vallée de la Rance, aux environs de Dinan, ou plutôt aux environs d’Evran, sur les communes de Saint- Juvat, de Tréfumel et de Quiou, dans un bassin fermé et complètement isolé aujourd’hui du bassin précédent. 4° Enfin, tous ces dépôts marins, ceux de Rennes, comme ceux de Dinan, sont surmontés et ravinés par un dépôt de transport quaternaire, à cailloux de quartz, etc. A l’appui de cette disposition stratigraphique générale, je donnerai le détail de quelques observations personnelles que j’ai faites sur les principaux gisements. Voici d’abord la coupe de la grande carrière du four à chaux de Lormandière , à 4 ou 5 kilomètres au sud de Rennes sur la route de Redon et sur la commune de Saint-Jacques. Cette vaste et profonde carrière, exploitée à ciel ouvert sur une hau¬ teur de 20 à 23 mètres au moins, présente au-dessous du ter¬ rain de transport quaternaire une masse de couches régulière¬ ment stratifiées, et plongeant de 25° environ vers l’Est, qui se distribue ainsi de haut en bas : Terre végétale. Argile jaune ocreuse, non stratifiée, avec cailloux de quartz. (Ce dépôt quaternaire, qui a rasé et lé¬ gèrement raviné les terrains tertiaires sous-jacents, se termine inférieurement par des lits contournés \ t à 2 mètres. d’une argile brune foncée) . Terrain (quaternaire?) remanié, avec rognons de cal¬ caire à Gyclolines . Calcaire sableux jaune, pétri de Miliolites . Calcaire blanc coquillier, dur, avec moules et em- , mètres, preintes de Pectunculus , Mytilus , Cerithium, etc. Calcaire blanc tendre à Gyclolines . Grande masse stratifiée de calcaire marneux et de marnes blanches et verdâtres, sans fossiles . 1° mètres. Masse inférieure stratifiée d’argile grise et bleue, sans fossiles, jusqu’au fond de la carrière envahi par l’eau . . . 8m,10. Soc. géol.f 2° série, tome XXV. 24 370 SÉANCE Dü 3 FÉVRIER 1808. Gomme on ie voit par cette coupe, c’est à la partie supé¬ rieure de la carrière que se trouvent les bancs fossilifères; la grande masse marneuse et argileuse inférieure ne présente point de fossiles, ni marins ni d’eau douce ; ou du moins j’en ai cherché inutilement sur les parois de cette masse, recouvertes par les suintements de la carrière d’une croûte calcaire qui rendait l’observation difficile, et l’eau qui arrête les travaux quand ils descendent dans les bancs gris les plus profonds ne m’a pas permis de constater le substratum de ce grand dépôt tertiaire. En s’avançant à 3 ou 4 kilomètres au sud, on trouve sur la route de Nantes, et non loin des mines de Pontpéan (1), une autre exploitation très-active aussi des mêmes calcaires à chaux hydraulique, au lieu dit la Chausserie. C’est celle dont la coupe a été donnée par M. Duchassaing (Thèse, pag. 11 et suivantes). La plus grande carrière est celle qui s’exploite à ciel ouvert près de la route de Nantes et du four à chaux; elle présente la même profondeur et la même disposition de couches que celle de Lormandière, c’est-à-dire argiles grises à la base jusqu’à l’eau, masse marneuse et calcaire au-dessus ; sauf que le plon- gement des couches est ici opposé et se fait vers l’ouest. — Auprès de la carrière principale, d’autres et nombreuses car¬ rières sont exploitées par puits et par galeries. C’est ici, à la Chausserie, que se trouvent les couches d’eau douce signalées pour la première fois par M. Desnoyers. J’avoue que j’ai eu le regret de ne pas les voir en place dans la grande carrière dont les parois étaient inaccessibles à l’observation. Mais les matériaux accumulés près des diverses exploitations m’en ont offert de nombreux échantillons; tantôt c’est une roche cclorée en jaune, pétrie de Miliolites et de Gyclolines, et contenant en abondance des moules de Planorbes et de Limnées, associés à ceuxdePotamides, de Troques, de Lucines, Diplodontes, Cardites, etc.; tantôt c’est un calcaire marneux, tendre, à tubulures, d"un blanc sale et d’apparence exclusive¬ ment lacustre, ne contenant que des fossiles d’eau douce. Tous les renseignements recueillis des carriers, aussi bien que la nature de la roche et le caractère des fossiles d’eaux marines ou d’eaux saumâtres qui y sont mélangés, m’autorisent à pen¬ ser que ces couches se rencontrent vers le haut de la masse (1) A Pontpéan on a mentionné un puissant dépôt de calcaire sableux tertiaire, que je n’ai pas visité. NOTE DE M. TOURNOUER. 371 exploitée, comme Pont dit MM. Toulmouche, Payer et Du- chassaing. Cette position semble d'ailleurs confirmée par l’étude d’une autre carrière à ciel ouvert exploitée à 200 mètres au nord de celle-ci, et fort intéressante au point de vue stratigraphique, parce qu’elle montre le deuxième terrain marin ou falun nette¬ ment superposé à un dépôt d’eau douce. Cette carrière donne la coupe suivante de haut en bas : Argile rouge quaternaire à cailloux; à surface infé¬ rieure irrégulière et contournée . 3 mètres. Dépôt marin, calcaréo-sableux, à grandes Huîtres, Térébratules, côtes d ’Halitherium (falun ou sablon), empâtant à sa partie inférieure des rognons du calcaire lacustre sous-jacent. . . 2 mètres. Calcaire d’eau douce concrétionné, gris verdâtre ... 1 Argile sableuse grise . > t mètre. Calcaire d’eau douce concrétionné. . . \ Les couches sont inclinées vers l’ouest comme dans la pre« mière carrière, aussi bien celles du sablon que celles du dépôt lacustre sous-jacent . Je n’ai donc pas vu entre les deux forma¬ tions marines la discordance de stratification signalée par M. Payer. Je n’ai vu qu’une stratification transgressive du falun sur le dépôt marin inférieur. Par le rapprochement des coupes des deux carrières, on est porté d’abord à penser que les couches d’eau douce qui sont à la base de la seconde appartiennent au même dépôt qui ter¬ minerait la première d’après les géologues cités plus haut. Cependant, dans ce cas, il y aurait entre les mêmes couches de ces deux carrières si voisines une différence de niveau qui appelle d’autres observations, car les bancs d’eau douce de la deuxième carrière m’ont semblé correspondre, par leur niveau, plutôt aux bancs de la masse grise inférieure ou moyenne de la carrière du four à chaux qu’à ceux de la partie haute ; j’ajou¬ terai que ces calcaires d’eau douce de la deuxième carrière, d’un aspect gris verdâtre généralement, ont un caractère litho¬ logique tout à fait différent des calcaires jaunes et blancs à Planorbes et àLimnées de la carrière précédente. Je n’ai d’ail¬ leurs trouvé ici que des traces de fossiles extrêmement rares; pas un Planorbe ni une Limnée, mais seulement quelques em¬ preintes d’une coquille turriculée que je rapporte au Potamides Lamarcki? d’une Bithynie indéterminable (peut-être cependant m SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. B. Dubuissoni?) et d’une Cyclade. Par ces diverses considéra¬ tions, je n’oserais pas affirmer que l’on a affaire dans les deux carrières exactement aux mêmes couches d’eau douce, et il se pourrait que le calcaire marin à chaux hydraulique fût com¬ pris entre deux dépôts lacustres; c’est un point que des obser¬ vations nouvelles, moins rapides que celles que j’ai pu faire, pourraient seules éclairer. Les difficultés dont je parle pour¬ raient d’ailleurs peut-être s’expliquer par des phénomènes géo¬ logiques de faille ou de dislocation qui peuvent seuls rendre raison de ce plongement en sens inverse, que j’ai mentionné, des mêmes couches tertiaires à Lormandière et à la Ghausserie, à quelques kilomètres de distance et presque sous le même mé¬ ridien. Quoi qu’il en soit, l’intérêt de ces carrières de la Chausserie est de montrer que le dépôt marin inférieur, témoignage du premier envahissement du sol ancien de la Bretagne parla mer tertiaire, s’est terminé par un exhaussement du sol qui a permis aux eaux douces d’y séjourner et d’y déposer, à plu¬ sieurs reprises peut-être et par places, leurs sédiments, jusqu’à un nouvel et plus considérable envahissement de la mer à l’époque falunienne. L’invasion de cette mer dans le bassin de la Vilaine a attaqué différemment les dépôts antérieurs; elle semble avoir respecté le calcaire de Lormandière; elle a au contraire rongé en partie au moins celui de la Ghausserie, et peut-être entièrement celui de Saint-Grégoire; et dans le bassin de la Rance, près d’Evran, elle s’est portée sur des espaces et sur des terrains que la première mer tertiaire paraît n’avoir pas envahis. Là, en effet, le dépôt du sablon repose horizonta¬ lement et directement sur les schistes anciens qui l’enferment de toutes parts. Je n’ai d’ailleurs rien à ajouter à ce qui a été écrit déjà sur ces dépôts des faluns qui se présentent d’une façon extrêmement simple, et je ne m’en occuperai qu’au point de vue paléontologique. ATTRIBUTION GÉOLOGIQUE. — PALÉONTOLOGIE. 4@ Le calcaire marin inférieur des environs de Rennes a été attribué, par M. Desnoyers (Bull., lre série, t. If, p. 443, 1832), ainsi que nous l’avons dit plus haut, à l’horizon du calcaire grossier parisien, à raison de la présence dans ce calcaire, pré- NOTE DE M. TOURNOUER. 373 sence jugée alors caractéristique du terrain tertiaire inférieur, de très-nombreuses Orbitolites , Miliolites et de certaines espèces de mollusques, Gérites, Pétoncles, etc., assimilées aux espèces parisiennes. Cette classification a été reproduite par les géolo» gués qui ont suivi, MM. Toulmouche, Payer, etc. Cependant M. Duchassaing (loc. cit .), tout en reproduisant l’assertion que ce calcaire était caractérisé par les Miliolites , les JSummulites Y Orbitolites plana, etc., a émis l’opinion que « les couches ma rines de la Chausserie représentaient plutôt les terrains trito- niens supérieurs de Paris, » et le calcaire d’eau douce qui les surmonte, « le terrain nymphéen supérieur du même bassin, et le calcaire lacustre de la Touraine. » Mais cette opinion, émise sans preuves, on peut le dire, n’a pas été relevée, et, en 1855, M. Hébert [Bull, 2e série, t. XII, p. 769) a pu parler, inci¬ demment d’ailleurs et sous toutes réserves, de ces dépôts des environs de Rennes, encore très-peu connus, comme de dépôts analogues à ceux du terrain tertiaire inférieur du Cotentin. Pour moi, après un examen rigoureux des fossiles, j’ai été amené à reconnaître en effet que ce n’était pas à l’horizon du calcaire grossier, mais bien à celui des a sables de Fontainebleau » qu’il fallait reporter ces calcaires. Les prétendues Orbitolites et Nummulites parisiennes , qui pul¬ lulent dans les couches supérieures du dépôt, soumises par moi à l’examen du juge le plus compétent, M. d’Archiac, se sont trouvées être une espèce nouvelle d’un genre de rhizo- podes peu étudié et peu répandu, les Cyclolina , inconnu dans le terrain éocène parisien, et dont il n’y a pas par conséquent à tirer argument par assimilation. Aujourd’hui, d’ailleurs, dans l’état actuel de la science, la présence à la Chausserie de véri¬ tables Orbitoïdes ou Nummulites ne serait plus regardée comme tranchant la question, puisque c’est un fait acquis maintenant, et à la constatation duquel j’ai cherché à contribuer pour ma part, que l’extension chronologique de ces rhizopodes jusque dans le miocène inférieur, au moins, de l’Italie septentrionale et du sud-ouest de la France. La présence à la Chausserie du genre Cycloline, jusqu’à présent connu seulement par deux espèces du terrain crétacé, est même plus surprenante que ne le serait celle d’un Orbitoïde; mais il n’y a pas de doute à avoir, comme je le dirai tout à l’heure, sur l’âge des mollusques auxquels cette Cycloline est associée, et j’ai même pu soumettre à M. d’Archiac un rhizopode recueilli dans les carrières de Rigalet, près de Bourg (Gironde), c’est-à-dire dans la masse du .374 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. calcaire à Astéries ou à Natica crassatina du Sud-Ouest, et dans lequel il a reconnu la Gycloline même de la Chausserie. Les Miliolites associées aux Cyclolines, dans ce calcaire de Rennes, donnent lieu à des observations semblables. Non-seu¬ lement les Miliolites ne sont plus caractéristiques du calcaire grossier de Paris, mais elles caractérisent tout aussi bien cer¬ tains bancs situés à la base de la formation des sables de Fon¬ tainebleau, aux environs de Paris (calcaire de Montmartre, de Fresnes, etc.), et elles pullulent dans toute la masse synchro¬ nique du « calcaire à Astéries » du Sud-Ouest. Le calcaire de Bourg et de Saint-Macaire, près de Bordeaux, celui de Lesperon et de Garanx, près de Dax, en sont pétris. Tl n’y a donc, pour fixer l’âge des calcaires de la Chausserie, aucun argument à tirer de l’abondance dans ces calcaires de corps qui pullulent jusque dans les mers actuelles, et qui, en tout cas, sont aussi répandus au moins dans les calcaires du miocène inférieur que dans ceux de l’horizon du calcaire grossier parisien. Quant aux Mollusques, voici la liste d’une trentaine d’espèces que j’ai reconnues et étudiées avec tout le soin possible, non pas d’après les coquilles mêmes qui manquent malheureuse¬ ment tout à fait, mais d’après de nombreux moules et surtout de nombreuses et souvent très-bonnes empreintes qui se sont conservées dans les calcaires des fours à chaux de Lormandière et de la Chausserie. Fossiles du calcaire à chaux hydraulique de Saint-Jacques et de la Chausserie. MOLLUSQUES. Calyptrœa striatella, Nyst.? . Bulla nitens , Sandb.? . Melania semi-decussata , Lk., c. .. Rissoa . Tornatella truncatula, Bronn.?. . . . 'Natica crassatina, Desh., a. c . Turbo Parkinsoni , Bast.? . Espèce de l’oligocène allemand, Mo- rigny, etc. Idem. Type de Jeurre, Étrechy, etc. Grande espèce, du groupe du R. cos- tulata , Grat. Espèce du miocène inférieur de l’Italie septentrionale . Caractéristique de tout le miocène in¬ férieur, septentrional et méridional. Belle espèce peut-être nouvelle, qui ne peut être rapprochée que du Turbo Parkinsoni si caractéristique du miocène inférieur du S. 0.,et en NOTE DE M. TOURNOUER. 375 Turbo cancellato-costatus , Sandb. . . Xenophora Deshayesi , Mich ........ Trochus subincrassatus , d’Orb.?.. . Turritella planispira, Nyst.î . Potamides Lamarcki, Desh . Cerithium plicatum , Lk . — dentatum , Defr.? . — conjuncturriy Desh . — — var. nodosum. trochleare, var. G. Héb. Rnv . — fallaxa Grat . — subtrochleare , d’Orb . Voluta subambigua , d’Orb . ? Mitra eburnea} Grat . Pectunculus obovatusy Lk . / — angusticostatus , Lk. ( Avicula stampinensis , Desh.? . Mytilus Rouaulti, nov. spee . Area . Cardium anomale , Math Hemicardium ? . Cardita Bazini, Desh. (minor.) Cytherea splendida , Mérian . . . — incrassata , Desh . particulier d’une variété canalicu- lée de Bordeaux (Terre-Nègre). Peut-être variété de l’espèce alle¬ mande? Grands moules identiques avec ceux du calcaire à Astéries du S. O. Variété fortement striée, de l’espèce des sables d’Étampes, etc. Espèce de Belgique, etc. Type et variétés (c. dans les couches mixtes à Planorbes et à Limnées). — Espèce du Nord et du S. O. de la France. Type, a. c. — Idem. Très-douteux . Type des sables de Jeurre et d’Étre- chy, c. c. c. c. variété à ornements obsolètes. Espèce du nord et du S. O. de la France. c. espèce du S. O. de la France. c. — Idem . c., propre à la zone méridionale. (An Voluta apenninica , Miche - lotti?). Idem. c. c., Types de la zone septentrio¬ nale. Assimilation faite d’ailleurs uniquement d’après des moules. c. c. — Idem. Espèce voisine du Septifer denticu- latus , Lk., Sandb., mais plus grande d’un tiers, moins trian¬ gulaire, à côtes plus serrées, etc. c. c., à Saint-Jacques. Du groupe de A. barbatula. c. espèce du S. O. Petite espèce commune à Gaas (Car¬ dium gaasense , nob.), voisine du C. scobinula, Mérian, mais plus tronquée du côté antérieur, c. Espèce du Nord et du S. O. Espèce plus répandue dans le Nord. Charnières se rapportant à cette es¬ pèce ou à l’espèce voisine C. fra- gilis, Sandb.— Même observation. 376 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. Lucina Thierensi, Héb., var. solida. Var. commune à Gaas, dans le S. O. Biplodonta . Crassntella ? . Lithodomus . Et autres bivalves indéterminables. . RHIZOPODES. Miliolites . Cyclolina armorica, d’Archiac, nov. spec. (1 ) . Abonde dans certaines parties du cal¬ caire coquillier d’où sont extraites les espèces de mollusques ci-dessus; semble surtout pulluler à la partie supérieure du dépôt, dans les cou¬ ches à fossiles mélangés, c’est-à- dire avec les Potamides Lamarcki , Cerithium conjunctum , var., Pla- norbes et Limnées. (1) M. d’Archiac a bien voulu nous remettre sur cette nouvelle espèce la note suivante : Note sur la Cyclolina armorica (nov. sp .); parM. d’Archiac. « Le genre Cyclolina a été et devait être l’objet de nombreuses méprises. « Fondé sur une seule espèce qui n’a point été retrouvée depuis, sur des « échantillons égarés aujourd’hui, mal caractérisé en 1846 par son auteur, « Aie. d’Orbigny, et représenté par des figures insignifiantes, on conçoit que « M. Carter ait pu y rapporter une Orbitolite, MM. Parker et A. Jones en « faire une Orbitoline étalée (outspread), M. Carpenter le placer avec ses « Patellina. Néanmoins le genre est bon, et, lorsque nous décrivîmes, « J. Haime et moi, en 1854, la C. Dufrenoyi, des marnes bleues crétacées « des Bains de Rennes (Bull., 2e série, vol. XI, page 205, pl. 11, fig. 1, « a, b , c, d), nous dûmes reprendre complètement la caractéristique du « genre par l’étude microscopique de la structure du test de ces petits corps. « D’ailleurs un genre est incomplètement caractérisé lorsqu’on n’en con- « naît qu’une espèce, à cause de l’impossibilité où l’on est de distinguer le « caractère de ceux de la seconde. « La découverte de M. Tournouër a donc un double intérêt en ce qu’elle « nous fait connaître une seconde espèce de Cycloline, la C. cretacea « n’ayant pas été retrouvée, et la présence, à la base de la formation ter- « tiaire moyenne, d’un genre qui n’avait encore été rencontré que dans la « craie, et même très-rarement. « La Cycloline de la Chausserie est d’un diamètre moindre que la C. Du- « frenoyi, ne dépassant pas 9 millim., mais son épaisseur est proportionnel- NOTE DE M. TOURNOUERa 377 Si ces déterminations sont exactes, il est évident que la faune des calcaires à Cyclolines de Rennes appartient, non pas à l’étage du calcaire grossier, mais à l’étage plus récent des sables de Fontainebleau ou du miocène inférieur, étage qui était ou inconnu ou méconnu, il y a trente ans, mais qui s’é¬ tend aujourd’hui comme un grand horizon dans toute l’Europe tertiaire. J’ai dû m’exprimer, pour plusieurs de ces assimila¬ tions, avec la réserve que comporte l’étude des fossiles qui n’est pas faite sur les coquilles elles-mêmes avec leur test; mais sur cette liste il y a quatre ou cinq espèces dont la pré¬ sence en association suffirait pour autoriser la classification proposée; telles sont les Melania semi-decussata , Naticacrassatina , Cerithium plicatum, C. conjuncium , Potamides Lamarcki , etc. ; et ces espèces sont précisément au nombre de celles dont la déter¬ mination est la plus facile et la plus certaine dans les calcaires en question. La plupart des autres se rapportent également avec certitude à des espèces bien connues soit dans le miocène inférieur du Nord, soit dans celui du Sud et du Sud-Ouest. Il semble même que l’ensemble de cette faune, si on ose la juger d’après un total d’espèces encore si faible, participe à la fois de la faune de la zone septentrionale (faunes d’Étampes, de Belgique, du bassin de Mayence etc.) et de celle de la zone mé¬ ridionale (faunes de Bordeaux, de Gaas, de la Bormida, du Vicentin supérieur, etc-.), à laquelle se rapportent notamment les « lement plus considérable, à cause de celle des lames externes des deux faces « qui constituent une sorte d’épithèque. On compte environ 27 cercles con¬ te centriques, à parois épaisses, divisés par des cloisons transverses, épaisses « aussi, et séparant des loges plus hautes que larges, mais peu régulières. « Dans presque tous les échantillons, d’ailleurs très-répandus dans la ro- « che, les canaux circulaires ont été remplis par du calcaire spathique et le « test est devenu friable et terreux. Lorsque les surfaces externes sont bien « conservées, on voit, au lieu de ce système de stries fines, serrées, très- « régulières et rayonnantes de la C. Dufrenoyi,de petites rangées de granu- « lations concentriques, paraissant correspondre aux canaux circulaires « sous-jacents. Les cercles sont en outre moins réguliers, plus étroits, quel- « quefois un peu embrassants ; vers le centre ils deviennent fort obscurs, « plus irréguliers encore, et les jeunes individus, par leur contournement « d’un seul côté, ressemblent aux Orbiculines de M. Carpenter, ou affectent « une fausse apparence de Pénérople. La partie centrale du disque est tout « à fait confuse. « L’échantillon provenant du calcaire de Rigalet, ou calcaire de Bourg, « ne diffère point de ceux de la Ghausserie. » 378 SÉANCE DU 3 FÉVRIER J 868. grands Turbo , les grands Xénophores , les Voluta subambigua , Cardium anomale , les rhizopodes, etc., mélange qui serait en accord avec la position géographiquement intermédiaire de ces dépôts. Quoi qu’il en soit, le groupe est celui du miocène infé¬ rieur. S'il y a dans les carrières de Saint-Jacques et de la Chausserie un autre étage des terrains tertiaires que celui-là, ce que je ne crois pas, c’est sans doute dans la masse marneuse inférieure, où les observations n’ont pas pu atteindre, qu’il fau¬ dra le chercher. 2° La détermination de l’âge du calcaire marin inférieur entraîne par conséquence celle du calcaire lacustre qui le ter¬ mine et qui semble intimement lié à ses couches supérieures par la roche même et par le mélange de quelques espèces ma¬ rines, et qui ne peut pas être par conséquent plus ancien que les couches de la base de la grande formation d’eau douce ap¬ pelée généralement « calcaire de la Beauce » et que j’ai cher¬ ché à diviser dans une note récente (Bull., t. XXIV, page 484). Autant que j’en puis juger en effet par l’étude des moules, qui est encore plus difficile et plus pénible pour les fossiles de terre et d’eau douce que pour les fossiles marins, c’est au sous-étage des meulières de Montmorency dans le bassin de Paris, que correspondrait le calcaire lacustre de la Chausserie, plu¬ tôt qu’au calcaire à Hélices de V Orléanais. Voici la liste des fossiles que j’ai pu observer : Potamides Lamarcki. — Type d’Ormoy, près d’Étampes. Hélix. — Fragments d*une espèce ayant 12-13 mill. de haut, à spire assez élevée, 5-6 tours s’accroissant régulièrement. Cette espèce ne se rap¬ porte pas au type des Hélices des calcaires de l’Orléanais, mais très- bien au type de l’if. Reboulii, Leufroy, des calcaires lacustres de Pézénas, inférieurs au calcaire moellon de Montpellier, ou aux va¬ riétés turbinées de VH. sub-globosa, Grat., des calcaires lacustres du Bazadais de l’étage aquitanien. Ne connaissant pas la bouche, je ne puis rien affirmer de plus, Papa. — Bouche inconnue. Espèce de la taille du groupe du P. rnuscorum vivant, ou P. quadriyranata, Braun, du bassin de Mayence? Planorbis cornu , Brong.? — - Espèce de taille moyenne, 15-17 millimètres de diamètre, peu ombiliquée soit en dessus, soit en dessous, que je crois pouvoir rapporter au P. cornu plutôt qu’au P- rotundatus , Br., dont il s’éloigne par ses tours plus ronds, non carénés en dessous, etc. limnœa cornea? Brong., vel L. media , Brard? — Certaines Limnées de la NOTE DE M. TOURNOUER, 379 série se rapportent bien à ces deux types. J’avoue que d'autres plus allongées, plus effilées, etc., se rapprochent beaucoup de certaines va- riétés du type plus ancien de L. longiscata , Brong.,et surtout L. in- conspicua , Desh., du calcaire de Saint-Ouen. — D’autres peut-être à la L. Brongniarti , Desh., des meulières supérieures. Bithynia. — Deux espèces au moins; l’une, se rapportant au groupe du B. acuta , Sandb.,type et variétés allongées; l’autre, d’un type gros et court, plus obtus que la prétendue B . tentaculata des dépôts lacustres miocènes de la Suisse et de l’Allemagne. Cyclas? — Indéterminable. Je répète ici que les Cyclolines se trouvent souvent en très-grand nombre dans la roche à Planorbes et à Limnées. 3° La faune des faluns ou sablons qui s’étendent transgressi- vement sur les dépôts précédents dans le bassin de la Vilaine au sud de Rennes (à la Chausserie), et au nord de la même ville (à Saint-Grégoire), et dans le bassin de la Rance au sud d’Évran, dans les communes de Saint-Juvat, deTréfumeî,du Quiou, etc., présente un caractère si tranché et une association d’espèces animales si constante et si bien connue, qu’il n’y a aucune difficulté à assimiler ces dépôts à ceux de l’Anjou et de la Mayenne, auxquels ils se relient sans doute par une série de lambeaux qu’on a indiqués vaguement à diverses reprises et que je n’ai pas pu rechercher. On en jugera par la liste sui¬ vante, qui doit être encore fort incomplète, et que j’ai établie d’après mes propres recherches et d’après ce que j’ai vu dans les collections locales. Fossiles des faluns des environs de Rennes et de Dinan . VERTÉBRÉS. C’est ici que se placent les indications intéressantes données parM. Marie Rouault [Comptes rendus, Ac.Sc., 1838) sur les débris de vertébrés qu’il a recueillis dans le terrain tertiaire moyen de Dinan et de Rennes, notamment à Saint-Juvat et à la Chaus- sérié, ce qui doit s’entendre, pour cette dernière localité, du falun qui y est superposé au calcaire à chaux hydraulique. Dans ce dernier calcaire, à ma connaissance, aucun débris de vertébré n’a été trouvé jusqu’ici. J’emprunte au travail de M. Rouault la liste suivante, en lui laissant la responsabilité de ses déterminations : SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. 380 Mammifères. . Reptiles . Poissons . Balanus , indét. Phoca Gervaisi , nov. sp., Saint- Juvat. — Larrey i , nov. sp., Le Quiou. Mastodon angustidens, Cuv., Saint-Juvat, la Chausserie. Dinothérium Cuvieri, Kauf., la Chausserie. Halitherium medium , Cuvier, Saint-Juvat, la Chausse¬ rie, etc., c. c. Crocodilus . Sargus Sioni , nov. sp. — Pycnodus Dutemplei, nov. sp. — Sphœrodus lens} A g. — S. truncatus , Ag. — S. an - gulatus , Münst. — S. Deux espèces nouv. — Crysophris Agassizi , Sism. — Glyphis Desolgnei , nov. sp. — Car- charodon megalodon , Ag. — C. angustidens , Ag. — Ga- leocerdo aduncus , A g. — G. latidens , Ag. - — Hemipris- tis serra, Ag. — Notidanus primigenius, A g. — Sphyrna , nov. sp. — Oxyrhina xiphodon , Ag. O. hastalis, Ag. — trigonodon , Ag. — (Plusieurs espèces nouvelles). — Lamna elegans , Ag. — L. compressa , Ag. — contorti- dens , Gibbes. — - L. crassidens , Ag. — I. crassilis , Gibb. — L. dubia , Ag. — L. Odontaspis Hopei , A g. — L. Myliobates crassus , Gerv. — (Une espèce nouvelle). — Œtobates arcuatus , Ag. — (Une espèce nouvelle). — Nummopalatus , (genre nouveau), une espèce. CIRRHIPÊDES. MOLLUSQUES. Solarium . Ficula clava , Bast . . Voluta Lamberti , Sow . Conus Puschi, Mich . . — Mercati , Brocc . — ponderosus , Brocc ? Cyprœa . Ostrœa crassissima, Lk. . . . — Boblayei , Desh.?. . , — - tegulata , Münst... — caudata , Gold.? . — saccellus , Duj . Pecten solarium , Lk . — Toumali , M. Serr.?, — Dunkeri , May.?. . . . le Quiou. (Musée de Dinan) . St- Ju vat. — — / à l’état de — \ moules — I intérieurs. Grande espèce. — I Saint-Juvat, Le Quiou. — Espèce voisine de l’O. Boblayei et qui se retrouve dans les faluns de Touraine et de Sos (Lot-et-Garonne). Saint-Juvat, La Chausserie, Saint- Grégoire. Idem. Saint-Grégoire. Le Quiou, Saint-Grégoire. Saint-Grégoire. NOTE DE M. TOURNOUER. 381 — Puymoriœ, May . . — (Grande coquille du même groupe, espèce nouvelle) . — ventilabrum, Gold . — pusio, Lk . — aduncus, L . . . — Suzannœ , May.? . . Hinnites Defrancei, Mich . Pectunculus . Area turonica , Duj . — subhelbingii , d’Orb . . | Cardiia crassa , Lk . Lucina . Venus burdigalensis , May.?.. . . Tellina lacunosa, Ghemn . Saint-Juvat, Saint-Grégoire. Saint-Grégoire. Saint-Juvat, Le Quiou, ete. — coll. P. Bazin. I à l’état de — > moules — 1 intérieurs. BRACHIOPODES. Terebratula perforata, Defr., Duj. . „ La Chausserie, etc. BRYOZOAIRES. Cellepora . 1 Bassin de Dinan principalement. Retepora . J 12 espèces au moins d’après Nullipora? etc . i M. Duchassaing. [Thèse, 1843.) Le falun du bassin de Dinan, notamment à Tréfumel, est remarquable par l’abondance et la grosseur des bryozoaires rameux et autres, à l’exclusion des polypiers, qui y semblent fort rares. C’est aussi le caractère du falun de Salles, près de Bordeaux, sur l’horizon duquel se placent les faluns de l’Anjou. ÉCHINIDES. Les Échinides sont également abondants dans les faluns des environs de Saint-Juvat, de Tréfumel, du Quiou, et ils me sem¬ blent avoir presque tous des caractères particuliers, qui méri¬ teraient qu’on en fît une étude spéciale. Cidaris avenionensis , Desm.? . Belle espèce à étudier. Les baguettes en sont très-communes. Arbacia fragilis , Duch . Scutella Faujasi, Defr., var. armo- ricana. . . . . . Je suis porté à croire que cette Scu - telle devra être séparée de la S. Faujasi , dont elle se distingue par ses ambulacres toujours plus pe- SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. 382 Echinolampas dinanensis , nov. sp. (E. dinantiacus , Michelin, mss. École des Mines) . Spatangus britannus , nov. sp. (S. breto, Michelin, mss. École des Mines . Cassidulits Bazini , nov. sp NucleoliteSj nov. sp, tits, sa forme moins bombée, tou- jours triangulaire, rétrécie du côté antérieur. Plus petit, moins déprimé, moins or- biculaire, plus rétréci du côté antérieur que VE. Laurillardi, auquel il ressemble. Le périprocte est également plus rond, moins transversal, etc. Grande et belle espèce intermédiaire entre le S. ocellatus, Defr., de Saint-Paul-Trois-Châteaux , etc., dont elle se distingue par la dis¬ position de ses ambulacres et la petitesse de ses tubercules et le S. Desmaresti, Münst., de Bünde, dont elle se rapproche par la dis¬ position ambulacraire (les ambu- lacres antérieurs faisant un angle ouvert avec la ligne médiane) , mais dont elle se distingue par sa forme non renflée déprimée. Long., 17 mill.; larg., 9 mill. S’é¬ loigne un peu du type du genre par la concavité de sa face infé¬ rieure, par la position de son péri¬ procte et par ses pétales étroits et très-allongés. — L’unique individu que je connaisse a été recueilli par M. l’abbé Bazin dans le falun du Quiou. Même localité. Individu unique, trop incomplet pour qu’on puisse le dé¬ terminer spécifiquement. Ces deux derniers petits Échinides me semblent fort inté¬ ressants, puisqu'ils font connaître l'existence, dans les terrains tertiaires supérieurs, de deux genres qui vivent encore dans les mers actuelles, mais qui n'avaient pas été signalés, je crois, jusqu’à présent au-dessus de la formation tertiaire inférieure. NOTE DE M. TOURNOUER. 383 ZOOPHYTES. Heliastrœa ? . Un seul échantillon roulé et indéter¬ minable, dans le falun du Quiou. Le total de cette liste ne s’éloigne que de quelques chiffres du total donné, il y aura bientôt trente ans, par M. Lyell ( Pro - ceed. of Geol. Soc. of London , vol . III , 1841, p. 437). Nos con¬ clusions seront tout à fait conformes à celles de l’illustre géo¬ logue, qui détachait, dans cette notice, les faluns de Dinan et de Rennes de l’horizon du crag d’Angleterre et du Cotentin, et les reportait à celui des faluns de l’Anjou. Tout concourt en effet à cette solution, les vertébrés et les invertébrés réunis. En dehors de ces terrains tertiaires, il resterait à étudier encore les dépôts quaternaires auxquels nous avons fait allu¬ sion, et qui ont raviné les terrains précédents et les ont recouverts d’une couche épaisse d’argile rouge à cailloux de quartz, gé¬ néralement de petite dimension ou tout au plus de grosseur moyenne. Mais les observations nécessaires pour me rendre compte de ces dépôts, de leur allure, de leur point de départ, de leur relation avec les tourbes et les forêts enfouies du litto¬ ral de la baie de Cancale et des Côtes-du-Nord (à l’ouest de Dinard, etc.), me font complètement défaut. Je noterai seulement ici que M. Rouault a mentionné dans le travail précité plusieurs débris de vertébrés trouvés par lui dans l’argile rouge de Saint-Juvat : Eleplias primigenius, avec Equus et Meles. C’est la seule fois, je crois, que le Mammouth ait été signalé en Bretagne. CONCLUSIONS. L’étude des terrains tertiaires de la Bretagne est très-impor¬ tante pour l’intéressante question de la délimitation des mers de l’Europe occidentale pendant l’époque tertiaire, à laquelle se rattache le travail important de M. Hébert, publié en i855 dans notre Bulletin (t. XII, p. 760), « sur le terrain tertiaire moyen du nord de l’Europe, avec un Essai d’une carte des mers de l’Europe aux époques du sable de Fontainebleau et du calcaire grossier. » Il y a un fait paléontologique général qui domine pour moi 384 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. cette question, et sur lequel j’espère revenir : c’est celui des différences organiques frappantes qui séparent, pendant toute la durée de l’époque tertiaire, les faunes des bassins Anglo-Pa¬ risien, Belge, Allemand, d’une part, et les faunes des bassins de l’Aquitaine et des régions Méditerranéennes, Alpines, Da¬ nubiennes, etc., d’autre part, différences qui donnent à ces deux groupes le caractère de deux zones géographiques, sep¬ tentrionale et méridionale, organiquement distinctes, sous tous les points de vue, des mollusques, des échinides, des polypiers, des rhizopodes, etc. Y avait-il communication entre ces bassins, entre ces mers, sur quelque point de la France occidentale? 1° Pour ce qui est de Y époque tertiaire inférieure , ou èoc'ene , — M. Hébert a émis l’idée (/oc. cit. , p. 769), « fondée sur la grande ressemblance des fossiles de Cambon, près de Nantes, avec ceux du terrain tertiaire inférieur du Cotentin, que la mer du calcaire grossier parisien atteignait Nantes, en passant d’abord par le Cotentin, et qu’il était probable que cette der¬ nière communication se faisait par Rennes, où des dépôts ana¬ logues, encore très-peu connus, avaient été signalés, » consi¬ dérant d’ailleurs lui-même « comme purement arbitraire le tracé de sa carte pour ces régions. » Cette mer rejoignait en¬ suite le bassin de l’Aquitaine, etc. Depuis ce travail, les terrains tertiaires du Cotentin n’ont malheureusement été l’objet d’aucune étude nouvelle. Ceux des environs de Nantes ont donné lieu à une note de M. F. Cail- liaud (Bull. , t. XIII, p. 36), qui les a considérés comme l’équi¬ valent du calcaire grossier parisien. Plus récemment, M. Ma- tberon (Bull., t. XXIV, sur l’âge du calcaire de Blaye, etc.) a rapporté la faune de Machecoul et d’Arton à l’horizon du cal¬ caire grossier moyen, et celle de Campbon à un horizon plus récent qu’il venait de déterminer dans le Médoc , celui du « calcaire de Saint-Estèphe, » qu’il considère comme le repré¬ sentant marin dans le Sud-Ouest du gypse supérieur de Paris. Je viens moi-même de tâcher de prouver, par l’étude pré¬ sente, que le prétendu « calcaire grossier » des environs de Rennes devait être reporté à l’horizon des sables de Fontaine¬ bleau; je n’ai pas vu en Bretagne de terrains tertiaires plus an¬ ciens; je ne dis pas qu’ils n’y existent pas, ni surtout qu’ils n’aient pas pu y exister et être totalement enlevés postérieure¬ ment. Mais enfin, pour le moment, ils ne sont connus nulle part dans cette région; et la communication du bassin éocène NOTE DE M. TOURNOUER. 385 de Paris avec le bassin éocène du Sud- Ouest, cherchée à tra¬ vers ia Bretagne, est plus hypothétique que jamais; et, quelles que puissent être les affinités zoologiques de certains dépôts tertiaires du Cotentin avec certains autres des environs de Nantes et par suite du Médoc, affinités auxquelles je crois pour ma part, j’avoue, dans l’état actuel des observations, que, si ces mers communiquaient entre elles, je ne sais pas par quel point de la Bretagne ou de la Normandie cette communication pouvait se faire. 2° Epoque miocène inférieure (oligocène moyen des Alle¬ mands , tongrien de d’Orbigny). — Dans le même travail, M. Hébert a établi une communication du bassin maritime de Paris à cette époque avec le bassin du Sud-Ouest, par le bassin de la Loire, en s’appuyant sur le synchronisme des sables et des grès tertiaires du Mans avec ceux de Fontainebleau. Mais d’abord ces sables et ces grès du Mans ne contiennent pas de fossiles marins; et, ensuite, il resterait toujours entre eux et ceux de Fontainebleau une étendue, un espace géographique dans lesquels il n’a été non plus signalé jusqu’à présent aucun dépôt marin de cet âge. M. Hébert, d’ailleurs, a lui-même ap¬ porté à cette donnée une rectilication très-importante, qu’il avait déjà fait pressentir, en établissant ( Bulletin , t. XIX, p. 453, etc.) que les grès tertiaires du Mans, renfermant des débris de végétaux terrestres, étaient inférieurs au calcaire la¬ custre à Cyclostoma mumia et à Limnœa longiscata et devaient se ranger par conséquent sur le niveau, non pas des sables supé¬ rieurs de Fontainebleau, mais des sables moyens de Beau- champ. M. Heer ( Recherches sur le climat et la végétation ter¬ tiaires y trad. Gaudin, p. 117) était arrivé à une conclusion semblable, en classant les grès à Flabellaria de la Sarthe dans l’éocène supérieur. En tout cas, tous ces dépôts sont des dé¬ pôts d’eau douce. Pour le moment, il me semble donc établi qu’il n’existe au¬ cune trace du séjour de la mer tongrienne dans la vallée de la Loire, à l’ouest du méridien d’Étampes (1) , que cette région était à cette époque complètement émergée, ou seulement peut-être couverte de nappes d’eau douce , et que ce n’est pas (1) Peut-être la mer s’avançait-elle davantage au Sud dans ia direction des bassins supérieurs de ia Loire et de l’Ailier, à en juger par les coquilles d’eau saumâtre, Putamides Lamarcki , etc., qui y ont été citées. Tout cela est encore bien obscur. (V. Hist. des Progrès, t. II, p. 664.) Soc. gèol,, 2e série, tome XXV. 25 386 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. par ce bassin qu’il faut chercher un passage, s’il y en a un, entre le grand bassin marin oligocène du Nord et celui de l’Aquitaine. Mais ce passage existait-il plus à l’ouest ? Il y a des dépôts marins incontestablement de cette époque dans nie de Wight. M. Hébert a aussi rapporté à cet âge un petit gisement des environs de Rauville-la-Place dans le Co¬ tentin, contemporanéité établie d’ailleurs sur la seule pré¬ sence du Cerithium plicatum, qui se trouve là associé à une quin¬ zaine d’espèces d’autres mollusques, Cérites, etc., qui semblent toutes particulières, et neutres par conséquent dans une ques¬ tion de ce genre. Ces dépôts communiquaient-ils avec celui de Rennes? Les faits manquent ici pour autoriser une réponse formelle. Personnellement, je ne suis pas très-disposé à admettre cette communication, pour deux motifs. Premièrement, au point de vue paléontologique, je rappelle que la petite faune tongrienne de Rennes me paraît en définitive incliner davantage du côté de la faune méridionale, par la présence de quelques espèces caractéristiques de celle-ci (des genres Turbo , Xénophores, Volutes, Cardium, Rhizopodes, etc.), les autres espèces étant plutôt communes aux deux zones, et une latitude plus élevée pouvant d’ailleurs influer déjà sur le caractère d’une faune lo¬ cale. Deuxièmement, au point de vue stratigraphique, je re¬ marque qu’aucun dépôt pouvant se rapporter au tongrien n’est encore signalé au nord de Rennes; je n’ai vu, comme tout le monde, dans le petit bassin de la Rance près de Dinan, que le falun reposant directement sur les schistes anciens, et j’en con¬ clus que vraisemblablement la mer tongrienne a pénétré à Rennes par le sud plutôt que par le nord. 11 me paraît probable que c’est dans la vallée de la Vilaine et dans la direction du Morbihan qu’on a chance de retrouver d’autres lambeaux de terrain de cet âge. Il est bien présumable aussi qu’on le retrou¬ vera dans les environs de Nantes mieux étudiés. On aurait ainsi la liaison avec l’Aquitaine, et la mer tongrienne occidentale aurait contourné le massif ancien de la Vendée et celui de la Bretagne, sans partager tout à fait ce dernier par un canal, mais en le pénétrant seulement de quelques golfes ou baies profondes. 3° Epoque falunienne. — Si les dépôts oligocènes sont encore à chercher dans la vallée de la Loire, il n’en est pas tie même pour les dépôts miocènes proprement dits ou faluniens , qui NOTE DE M. TOURNOUER. 387 offrent dans la Touraine et dans l’Anjou un des meilleurs types des étages moyens de cette grande période. La mer, obéissant alors dans toute l’Europe à un grand mouvement qui constitue pour moi une date remarquable dans l bistoire des temps ter¬ tiaires, s'est portée transgressivement bien au delà de toutes les formations tertiaires précédentes, dans la vallée de la Loire, comme dans celle de la Garonne, comme dans celle du Rhône, comme dans celle de la Suisse, comme dans celle du Da¬ nube, etc., mais non pas dans celle de la Seine. Les faluns du bassin de la Loire pénètrent à l’est au delà de Blois, peut-être même jusque dans l’Ailier (V. Lyell, Histédes progrès , loc. cit ., etc.], reposant près de Blois sur le calcaire lacustre de l’Orléanais, près de Tours sur le calcaire lacustre de Saint- Ouen ou sur la craie, etc. Dans l’Anjou, ils s’étendent au nord de la Loire; on en trouve des lambeaux dans tout le bassin de la Mayenne, qui semblent se rattacher par quelques autres jalons intermédiaires aux lambeaux bretons des petits bassins de la Bance et de la Vilaine. De cette disposition on peut con¬ clure que la mer falunienne pénétrait dans l’ouest de la France par un grand golfe principal et par une quantité de bras, de canaux secondaires, de fiords où se plaisaient les Siréniens dont on retrouve les débris dans cette région en si grande quantité. Cette mer, dont la faune se relie si bien par les vertébrés, les mollusques, les échinides, etc., à la faune des dépôts synchro¬ niques du sud de l’Europe, communiquait-elle avec le nord? Où sont les dépôts miocènes les plus voisins? D’après M. Lyell (Proceed. of Geol. Soc., vol. 111, p. 437, 1841) les dépôts supérieurs du Cotentin qu’il a étudiés aux environs deRauville, de Carentan, de Sainteny, n’appartiendraient pas à l’époque des faluns de la Touraine, mais bien à l’époque suivante du crag d’Angle¬ terre. Si cetB appréciation, que nous n’avons pas été à même de vérifier, se confirmait, il n’y aurait de dépôt miocène ni en Normandie ni en ^ngleté”ve, et il faudrait aller, pour trouver des couches de cet âge, jusqu’en Belgique, où certaines couches des environs d’Anvers, celles de l’étage diestien, sont rappor¬ tées, et non sans conteste, par plusieurs géologues, au miocène du nord de l’Allemagne. 11 y aurait donc eu, à cette époque, une séparation plus grande encore entre les bassins du nord et du sud qu’aux épo¬ ques précédentes. 4® J’en dirais enfin tout autant de l'époque pliocène subsé¬ quente, puisqu’on sait quelle distance géographique sépare la 388 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. faune coquiliière des crags d’Anvers, de l’Angleterre et du Co¬ tentin, des faunes ^subapennines de la Méditerranée. La série des riches dépôts tertiaires de la Gascogne s’arrête supérieu¬ rement à la faune de Saubrigues, que l’on est d’accord pour mettre au niveau des couches de Tortone en Italie, c’est-à-dire des couches intermédiaires entre la série miocène proprement dite et la série pliocène véritable. Les vrais dépôts pliocènes du nord et du midi seraient donc séparés, et indéfiniment peut- être du côté de l’ouest, par une surface de terres égale à celle de la France actuelle et qui permettait à la faune des grands vertébrés de cette époque (mastodontes pliocènes) de se ré¬ pandre jusqu’en Angleterre. En résumé, pour avoir une opinion formelle et affirmative sur ces questions, il faut attendre encore, sans doute; il faut attendre notamment de nouvelles découvertes et de nouvelles études paléontologiques sur les divers dépôts tertiaires , éocè- nes, miocènes ou pliocènes du Cotentin, qui , à cause de leur position au nord de l’axe granitique et paléozoïque de la Nor¬ mandie, renferment probablement le nœud de la question des rapports des deux bassins. Cependant, sous cette réserve et en l’état actuel des observations, on peut dire que rien ne prouve encore qu’il y ait eu communication entre les mers pendant l’époque tertiaire, ou tout au moins pendant l’époque tertiaire moyenne et supérieure, à travers la Bretagne ou la Normandie; au contraire, l’étude des fossiles et de la situation géographi¬ que des dépôts actuellement connus amène à constater entre tes mers de cette époque des dilferences qui se coordonnent, comme le disait, il y a vingt ans, M. d’Archiac ( Hist . des pro¬ grès, vol. II, p. 636), à l’axe du Merlerault, ou ligne de partage actuelle des bassins de la Seine et de la Loire , prolongée vers le nord-ouest, et à en conclure l’existence, entre les bassins maritimes ouverts au nord-est et ceux ouverts au sud-ouest, d’une barrière de terre ferme persistante , d’un isthme, qui reliait les terres françaises aux grandes terres supposées de l’antique continent atlantique. C’est postérieurement à l’époque tertiaire que s’est établie la communication actuelle des mers européennes occidentales par le brisement de l’ancienne Bre¬ tagne anglo-française et l’ouverture du canal de la Manche, tel que nous le voyons. Ces grands phénomènes quaternaires, qui ont été nécessaire¬ ment nombreux et complexes avant d’aboutir finalement à la configuration actuelle de nos côtes, sont attestés dans la Bre- . il NOTE DE M TOURNOUER. 389 tagne française par les dépôts de transport caillouteux qui sur¬ montent partout, avons-nous dit, les dépôts tertiaires, qui les ont rasés, ravinés et creusés de poches et de puits naturels, comme d’habitude ; ils sont attestés encore par les mouvements du sol et les dénudations qui ont morcelé et isolé les uns des autres non-seulement ces dépôts tertiaires, mais les dépôts qua¬ ternaires eux-mêmes, qui ont exhaussé ensuite et étendu les côtes de la presqu’île, et ont enfin, jusque dans les temps histo¬ riques, submergé les forêts littorales. Cette longue série de mou¬ vements, qui se continue encore de nos jours, puisque la mer a délaissé le pied du mont Dol et qu’elle s’éloigne maintenant du mont Saint-Michel, a eu son point de départ initial à l’époque tertiaire qui a vu la mer, pour la première fois depuis les temps paléozoïques, pénétrer dans l’ancien massif, mais sans pouvoir le couper toutefois, si je ne me trompe; et ce serait seulement à l’époque quaternaire que remonterait la rupture du grand isthme anglo-breton, conséquence de l’affaissement dans l’abîme de l’Atlantide géologique. Note additionnelle. Depuis la présentation de cette note, j’ai eu l’occasion de voir le gisement tertiaire de Saint-Georges de Bouhon, près de Carentan (département de la Manche), auquel j’ai fait allusion et qui a été rapproché par M. Lyell ( Proceed ., 1841, loc. cit.) plutôt des dépôts ducrag que des faluns de la Touraine et de la Bretagne. Ce lambeau est situé à 6 kilomètres au sud de Carentan sur la rive gauche de la Taute, et il peut atteindre l’altitude de 40 à 45 mètres au-dessus du niveau de la mer ; il est constitué par une roche sableuse jaune ou tuf \ visible sur une dizaine de mètres d’épaisseur et composée de petits cail¬ loux de quartz et de débris de coquilles et de bryozoaires agglutinés par un ciment calcaire. Je n’y ai pas trouvé les 30 espèces de coquilles dont parle M. Lyell, mais la roche est caractérisée par l’abondance avec laquelle on y rencontre une grande Térébratule , la T. variabilis , Sow., et deux ou trois espèces de petits Peignes dont je rapporte l’une au Pectenven - tilabrum , Goldf., et Pautre au petit P. striatus , Sow.? ou P. pusio , etc? En dehors de ces espèces, je n’ai vu que des frag¬ ments peu déterminables de petites Huîtres, et autres petites bivalves (Arches, Lucines? etc), d’une petite Turritelle, d’un Balane très-abondant et d’un petit Cidaride. J’avoue que l’as- 390 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. pect de la roche m’a rappelé singulièrement celui des faluns agglutinés de l’Anjou et de la Bretagne. De plus, les trois es¬ pèces que je viens de citer ne s’opposent pas à cette assimila¬ tion; car je ne puis pas distinguer facilement la Terebraïula variabilis du crag de la T. perforata , Duj., des faluns de l’ouest, qui se trouve notamment et en abondance aussi dans le falun de la Chausserie ; et, quant aux deux Peignes, ils se trouvent également dans les faluns. Je suis donc porté, en attendant de plus amples matériaux, à considérer ce lambeau de Saint- Georges comme miocène, et comme totalement différent des marnes vraiment pliocènes à Buccinum prismaticum du Bosc d’Aubigny (Y. Hébert, Bull., 2e série, t. VI. p. 559) qui affleu¬ rent plus au sud au niveau même des marais de la Taute, à 8 mètres approximativement au-dessus de la mer. La conséquence de ce point de vue est d’infirmer mes con¬ clusions précédentes, au moins quant à cette époque, touchant la communication des mers tertiaires de la Bretagne et du Cotentin, qui me semblait peu admissible en raisonnant dans la pensée que ces dépôts de Carentan appartenaient à l’époque pliocène du crag. Je ne suis pas plus éclairé sur la question de savoir par où se faisait cette communication, les jalons in¬ termédiaires manquant encore entre Carentan et l’arrondisse¬ ment de Fougères, où des dépôts de cette époque ont été indi¬ qués. Mais, si le lambeau de Carentan doit être assimilé aux faluns de Rennes et de l’Anjou, il faut nécessairement admettre que quelque bras de la mer miocène pénétrait jusque-là. J’ajouterai à cette occasion que je ne doute pas non plus pour ma part des rapports entrevus par MM. Hébert et Mathe- ron entre les faunes éocènes du Cotentin et certaines faunes des environs de Nantes et de Blaye; et je puis citer par exem¬ ple, à l’appui de ces rapports, un beau Cérite, long de 10 à 12 centimètres, à tours ornés d’une double série de tubercules, qui m’a été communiqué par notre confrère M. Eugène Des- lonehamps, comme caractérisant les marnes qui se trouvent à la partie supérieure du dépôt de Hauteville, et qui caractérise également les calcaires supérieurs à Echinolampas girundicus de Saint-Martin, près de Blaye. Je suis donc porté à croire maintenant que, pendant quelques époques au moins de la période tertiaire, la mer du sud-ouest a pénétré jusque dans le Cotentin, sans qu’il s’en suive forcé¬ ment d’ailleurs communication avec le bassin Parisien et le bassin du Nord proprement dit, et que le relèvement de l’axe NOTE DE M. GRUNER. 391 du Merierault est probablement postérieurà l’époque miocène, et peut-être à l’époque pliocène elle-même. Comme détail paléontologique, j’ajouterai aussi que M. l’abbé Bazin m’a communiqué des Cyclolines recueillies par lui, non pas dans le calcaire à chaux hydraulique de Saint-Jacques ou de la Chausserie, mais dans la masse même du falun de Saint-Grégoire, près de Rennes. Les Cyclolines se seraient donc propagées dans ce petit bassin jusque dans l’époque miocène moyenne, fait intéressant. Le même observateur m’a montré aussi de grands Peclen Tournali et P. solarium , et de grands Hinnites provenant du lambeau falunien de Fems, au nord de Rennes, localité que je n’avais pas visitée. M. Gruner fait la communication suivante sur le terrain houiller d’ Ahuri : Note sur la flore du bassin houiller d’ Ahun (Creuse); par M. Gruner. Le teriain houiller d’Abun occupe, sur les bords de la Creuse, une étroite dépression, placée à égale distance de Guéret et d’Aubusson.— -La vallée carbonifère a la forme d’un ovale très- allongé, dont le grand axe court du S. E. au N. O., comme les chaînes granitiques qui bordent la vallée. La longueur du bassin est de 13,630 mètres ; sa largeur de 2,000 à 2,500 mètres; sa superficie de 2,200 hectares ; la puis¬ sance du dépôt, vers le centre du bassin, d’environ 500 mètres. L’altitude moyenne des plateaux granitiques, aux environs d’Ahun, atteint 500 mètres, tandis que celle de la dépression houillère, située entre deux, ne dépasse pas le chiffre de 400 mètres. La composition du terrain houiller est simple. Le granité éruptif à structure massive et à un seul mica, de couleur fon¬ cée, en forme la base et le pourtour. Sur ce granité repose un poudingue, à gros galets roulés, de 80 il 100 mètres. — Celui-ci supporte à son tour un ensemble de grès, de schistes et de couches de houilles, mesurant 300 à 350 mètres. C’est l’étage houiller proprement dit. Enfin, au sommet, vient un deuxième conglomérat, ou grès grossier sté¬ rile, dont l’épaisseur maximum est d’environ 50 mètres. Le poudingue inférieur embrasse l’ensemble du bassin ; 392 SÉANCE DU 3 FEVRIER 1868. l’étage du milieu en occupe les trois quarts; le poudingue su¬ périeur le vingtième à peine. A partir de la lisière occidentale du bassin, et jusqu’aux trois quarts de sa largeur, les bancs inclinent vers l’est, sous l’angle moyen de 45 à 30°. Au delà, ils se rapprochent de l’horizontale, puis se relèvent brusque¬ ment, en sens inverse, le long de la grande faille-limite N. O. S. E., qui ramène au jour le sous-sol granitique. En résumé, le bassin d’Ahun présente, dans son ensemble, la disposition figurée par le diagramme ci-dessous : Creuse. 500“ 360“ 460“ 380m 400“ 415“ 420“ 500“ Le nombre des couches de bouille est, au maximum, de 9, si du moins on fait abstraction des veines, dont l’épaisseur est au-dessous de 0m,30. Elles appartiennent toutes à l’étage du milieu , qui lui-même peut être sous-divisé en six massifs, alternativement bouillers et stériles. Voici leur ordre de suc¬ cession, en allant de haut en bas : 1er massif stérile, formé de grès plus ou moins gros¬ siers, mesurant . 80 à 100 mètres. Faisceau houiller supérieur , comprenant les couches nos 1 et 2 . 40 à 50 2e massif stérile, surtout arénacé . 50 à 60 Faisceau houiller moyen , comprenant les couches nos 3 à 6 . 50 à 60 3e massif stérile, arénacé et schisteux . 20 à 70 Faisceau houiller inférieur , renfermant les couches nos 7 à 9 . . . . 35 à 40 Puissance totale de l’étage houiller proprement dit 275 à 380 mètres. NOTE DE M. GRUNER. 393 Cette puissance est faible; aussi, lorsqu’on la compare aux épaisseurs de 2,000 à 3,000 mètres des grands bassins de France et d’Allemagne, on est naturellement conduit à se demander si le dépôt d’Ahun représente, comme en miniature , toutes les parties de la formation houillère, ou s’il correspond seulement à l’une quelconque des principales sous-divisions de ce puis¬ sant ensemble. La nature de la houille, qui se rapproche des anthracites, peut faire penser aux étages inférieurs; mais l’on sait que ce caractère est peu sûr et qu’il faut plutôt consulter la flore du bassin. Une fort belle collection d’empreintes houillères a été réunie, à Ahun, par les soins de M. l’ingénieur Robert , directeur des travaux; et, grâce à son obligeance, j’ai pu soumettre à M. Brongniart les échantillons les plus remarquables de cette riche collection. Que le savant professeur et l’habile ingénieur veuillent bien, tous deux, agréer, pour ce précieux concours, mes plus sincères remercîments. Chaque échantillon de la collection de M. Robert porte, par puits et couches, la marque de son origine; aussi j’ai pu, dans les tableaux qui suivent, non-seulement indiquer les noms des plantes, mais encore les puits, les couches et les faisceaux auxquels elles appartiennent. Dans une dernière colonne, des¬ tinée à marquer les rapports de la flore du dépôt d’Ahun avec celle des autres bassins, j’ai indiqué les numéros des zones de végétation de M. Geinitz , auxquelles ces plantes paraissent ap¬ partenir. On sait que ce savant géologue distingue, dans les bassins houillers de la Saxe, cinq zones de végétation, basées, à la fois, sur la prédominance de certaines espèces et l’abon¬ dance relative des individus (1). Ce sont, en commençant par la plus basse : Le n° 1, dite zone des Sagenaria ou des Lycopodiacées. Sigillaires, Calamites . Annularia. Fougères. 2 3 4 5 La première zone correspond au carbonifère inférieur de M. Gœppert, c’est-à-dire au calcaire carbonifère , aux assises du culm et au millstone grit , ou, si l’on veut, à la grauwacke carbo- (t) Geognostische Darstellung der Steinkohlen Formation in Sachsen} 1856, SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. 394 nifère et au grès à anthracite du Roannais (1). Par contre, les quatre zones suivantes représentent ensemble le terrain houiller proprement dit, appelé carbonifère supérieur par M. Gœppert, coal-measures par les Anglais, productive Steinkohlenformation par les Allemands. Comparées à la première, ce sont donc en réalité de simples étages. Leur flore diffère, dans son ensemble, autant de celle du carbonifère inférieur que de celle du terrain permien. En Saxe, suivant M. Geinitz lui-même, la première zone n’a qu’une seule plante commune avec les quatre zones du terrain houiller proprement dit (le Sphenopteris elegans , Brongn.); et, d’autre part, trois plantes seulement passent, en Saxe, de la formation houillère dans le terrain permien : le Lycopodites piniformis (Schloth.) et les Pecopteris arborescens et Candolleanea ( Brong.). La liaison intime des quatre zones houil¬ lères ressort, d’ailleurs, des chiffres suivants : les deux plus éloignées, la deuxième et la cinquième , ont 20 pour 100 d’es¬ pèces communes; la deuxième et la troisième, 32 pour 100; les autres, en moyenne, 24 à 25 pour 100. On peut se deman¬ der, d’après cela, si cette classification en quatre zones a une importance générale ou une signification purement locale. La question ne me semble pas tranchée , mais mérite en tout cas d’être étudiée. On peut affirmer cependant, comme fait général bien constaté, la prédominance très-marquée des Sigillaires dans la moitié inférieure de la formation houillère, celle des fougères , des Calamites et surtout des Astêrophylliles , dans les étages supérieurs. Ainsi, dans la haute Silésie, M. Gœppert distingue deux éta¬ ges; la houille de l’étage principal serait surtout formée par des Sigillaires, tandis que l’étage supérieur, plus pauvre en houille, ne renferme plus de lycopodiacées et seulement deux Sigillaires. Dans le bassin de Saarbrück, les Sigillaires caractérisent éga¬ lement les couches des faisceaux inférieurs et moyens. A Aix-la-Chapelle, selon M. Geinitz, les fougères et les Cala¬ mites abondent vers le haut de la formation, les Sigillaires dans les parties inférieures (2). D’après Dawson, on trouverait au Canada des Sigillaires et des fougères dans les couches moyennes, des Calamites, des (3) Description géol. du département de la Loire , p. 2 73 et 291, 1857. (2) Die Steinkohlen Deutschlands, etc.;Münich, 1865, p. 17 4. (Soc. géol. * série, t. XXV, p. 395; de M. Gruner.) NOMS des NOMS UES PUITS ET COUCHES où les empreintes ont été trouvées. Numéros des zones de OBSERVATIONS. Puits. Couches. Faisceaux. M. Geinitz. Equisetum infuadibnli forme. F. Robert. St -Augustin. 6 et 7 Inférieur. V. Calamites cruciat&s (ou Catamoieudroa). Ste-Marie. St -Augustin. 5 r Les Calamites sont assez niveaux. On en trouve an toit de la 2* C., et 1 placées debout, nor- 1 malement aux assises, ' dans les grès qui sépa- C. pachyderma. St -Augustin. U à y. , t rent le 2* faisceau du 1 3*. — Les espèces no sont pas toujours fa- ' ciles à distinguer. — Cependant le Calami¬ tes Suckowi paraît as¬ sez fréquent. i! Astérophyllites equi- setiformis. A. hijpuroides. F. Robert. Ste-Barbe. 7 et 8 Inférieur. ■ j Les Astérophyllites ca¬ ractérisent, en Saxe, les zones moyennes et su¬ périeures, à Saint- Etienne surtout le sys¬ tème supérieur. Tiges et fructificatrons \ d'AstérophylLt s. | P. Robert. St-Edouard. 3 et 4 Inférieur. : | Se rencontrent associées à des troncs de Lépi- dodendron. En particulier, Vnlk- ( ma fini a polystachia. { Ste-Barbe. Ste-Marie. * ! Moyen. * i Se trouve avec Annula- ria brevi folia. Ste-Barbe. SuÉdoaard. longifolia. / Ste-Marie. F. Robert. F.St-Jacques. Inférieur. Se trouve avec 0 lonlo- pltri8 Br ardu et minor dans la 3e G. des puits Ste-Marie etSte Barbe. A St-Etienne surtout dans le système supé- Tîee< et feuilles de ! Ste-Marie. Spbénopbvllum / non déterminables. / F. Robert. Inférieur. ( Se rencontrent avec des Noeggerathia et des Lepidodtndron . Les Sphénophjdlnm se St-Étienne, particuliè¬ rement dans les par¬ ties moyennes et hautes de la formation honil- NOMS des Empreintes houillères. NOMS DES PUITS ET COUCHES où les empreintes ont été trouvées. Numéros des zones de OBSERVATIONS. Puits. Couches. Faisceaux. M. Geinitz. Sphenopteris Hæning- hausi, avec fructifi¬ cations S. Schlotheimi. S. Grat'enhorsli. S., voisin du fur- eata. Quelques espèces nou¬ velles ou peu nettes. Ste-Marie. Ste-Barhe. St-Édouard. F. Robert. ( Ste-Barbe. ( Ste-Marie. 4 3 3 3 Moyen. Moyen. Moyen. Moyen. Moyen. V. IY. III à V. Le S. I1oeninghous\ est assez répandu a Ahun; les autres Sphé- uopteris sont rares. Diolv0pini, | | 3 e6‘ 4‘ J Moyen. | . { °dTaPr‘r t ] Moyen. I . >Rares. 0. minor. | Ste-Marie. 1 3 | Moyen. | » ) Noeggerathia 1 F. Robert. 1 7 1 Inférieur. 1 » 1 Les échantillons, bien diverses espèces. | Ste-Marie. | 4 | Moyen. | » | répandus865’ ^ P6a Fruits et graines assez répandus et d’appa- St-Antoine. Ste-Barbe. St-Édouard. F. Robert. De Morny. ( Affleure¬ ments de Chantaud. 1 3 2 7ct8 f I Supérieur. | Moyen. Inférieur. Plusieurs des fruits sont inconnus à M. Bron- gniart. — La plupart sont des Trigonowpon et des Rabdocarpon qui paraissent se ratta¬ cher aux N«eggeralhia. D’autres semblent ap¬ paroir aux Astero- phylliies. En Saxe, les fruits abondent surtout dans la zone V. Lepidnden droit eleyans . Lfpidodendron (espèces non détermi¬ nées.) St-Antoine. F. Robert. De Morny. St-Édouard. Ste-Marie. F. Robert. 2 | Supérieur. Ij j Inférieur. 1 (Moyen. 8 . Inférieur. Accompagne YAnnula- ria longifolia et les Astérophyllites. Sont assez répandus, mais de faibles dimen¬ sions : 0,01 à 0,04 de 1 diamètre. H Stipmaria fi mies 1 F. Robert. 1 7 et 8 ),n{érieur 1 „ > y PSiiSétiSÉ et diverses espèces. | St-Emilo. | 7 jlnféneur. | H J V. | £3 1 Sigillai i,i [dis tans?) A part le S. distans, dont l’existence est incertaine, on n’a en¬ core trouvé à Ahun aucune véritable Si¬ gillai re. St-Emile. F. Robert. ,Its) Inférieur. y Ces empreint-sdo troncs sont peu nettes. Elle» se rapprochent du Sig. i disions qui caractérise, | Mais il n’est pas cer- t.-iin que ce soient fe Sigillaires. On es «J; contre net les MO Divers troncs silicifiés } de conifères peu nets, 1 ! et tiges intérieures > ! ( Slembergia occupant l la place de la moelle. J St-Édouard. Surface du sol. 8 Dans les trois faisc. » i Les conifèresse trouvent plus souvent daus les 1 zones supérieures. j NOTE DE M. GRUNER. 395 fougères et des conifères dans les couches supérieures (1). A Saint-Étienne, j’ai constaté de même que les Sigillaires abondent dans les systèmes inférieur et moyen du bassin houil- ler, tandis que les Calamites et les fougères se retrouvent plu¬ tôt dans les parties hautes du système moyen, et les Astéro- phyllites dans le système supérieur. D’après cela, si la généralisation des quatre zones de végé¬ tation de la formation houillère de Saxe peut paraître préma¬ turée, et si leur existence est encore douteuse dans les autres contrées, on n’en doit pas moins conclure, de ce qui précède, que les Sigillaires caractérisent surtout, par leur abondance, les étages inférieur et moyen de la formation houillère, tandis que les fougères, les Calamites, les Astérophyllites et les conifères appartiennent en majeure partie aux étages su¬ périeurs. Eh bien , examinons , à ce point de vue , la flore du bassin houiller d’Ahun, telle que je l’ai résumée dans les tableaux ci-joints. L’examen attentif des tableaux qui précèdent conduit aux résultats suivants : On constate tout d’abord l’absence totale des Sigillaires , sauf peut-être celle du S. distans de la zone Y de la Saxe. A leur place on trouve des troncs de fougères, les Caulopteris macro- discusy peltigera et Cistii. Ces deux faits prouveraient déjà que le bassin d’Ahun appar¬ tient à la partie hante de la formation houillère; mais on enpeut citer quelques autres : tels sont la présence de V Equisetum infundibuliforme et de V Asterophgllites equisetiformis , qui tous deux caractérisent la zone Y de la Saxe; tels encore l’abon¬ dance des fougères, des Annularia , des Astérophyllites, des fruits ou graines, des Sphenopteris Hœninghausi, etc., plantes qui toutes se montrent de préférence dans les zones supérieures de M. Geinitz. Remarquons d’ailleurs que les empreintes spéciales qui ca¬ ractérisent la zone V des bassins saxons, telles que les Cau¬ lopteris et V Equisetum infundibuliforme , ne sont pas bornées au faisceau supérieur du bassin d’Ahun. Elles se trouvent même plutôt dans les faisceaux inférieurs et moyens. Il en est de (1) T. XVII des Mémoires de l'Académie de Berlin , p. 584. (Mémoirede M. Gœppert sur la flore fossile des terrains paléozoïques, 1859.) 396 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. même des Annularia, fougères, graines, etc. Donc le terrain d’Ahun tout entier correspond aux étages houillers supérieurs. On peut se demander cependant si rien ne permet de dis¬ tinguer spécialement l’un des trois faisceaux des deux autres? Je ferai observer d’abord à ce sujet que le faisceau supérieur est le plus pauvre en empreintes. Gela ressort clairement des tableaux précédents. Mais la cause en est double. Les grès dominent dans le faisceau supérieur, les schistes dans le moyen; les eaux, moins agitées lors du dépôt des schistes, facilitèrent davantage la conservation des plantes. Ensuite le faisceau supé¬ rieur ne renferme que deux couches, et l’une d’elles seulement a été fouillée ces dernières années, tandis que le faisceau moyen en contient quatre, qui sont activement exploitées par plusieurs puits. Si donc le tableau des empreintes montre le faisceau moyen spécialement riche en fougères, cela peut tenir, au moins en partie, à l’exploitation plus active dont il fut l’objet. On peut constater ensuite que les Pecopteris , qui dominent parmi les fougères, proviennent surtout du faisceau moyen, tandis que la Cyclopteris obliqua appartient au faisceau inférieur. Celle-ci s’y rencontre en feuilles nombreuses, superposées l’une sur l’autre, sans mélange de Neuropteris , ce qui semble prou¬ ver que c’est bien réellement une espèce distincte et qu’elle ne représente pas simplement, comme divers auteurs le pen¬ sent, les folioles inférieures de la Neuropteris auriculata. Le Calamodendron cruciatum caractériserait spécialement, selon M. Robert, la cinquième couche, tandis que les autres Calamites se rencontrent à tous les niveaux. Un fait qu’il im¬ porte encore de signaler, c’est que M. Brongniart a cru recon¬ naître, sur quelques échantillons, des traces de champignons. M. Geinitz les mentionne aussi en Saxe, et là encore unique¬ ment dans la cinquième zone , vers la partie haute du terrain houiller. Ainsi, en résumé , je crois pouvoir conclure d’une façon po¬ sitive, que le bassin d’Ahun représente exclusivement l’étage le plus élevé de la formation houillère. La même conclusion s’applique d’ailleurs aux petits lambeaux des environs de Bourganeuf, dans le même département, car les Sigillaires y font également défaut, tandis que les fougères et les Calamites y abondent. Avant de finir, je dirai quelques mots d’une autre question. A quelle cause faut-il attribuer la nature spéciale de la houille? NOTE DE M. GRÜNER. 397 Il est aujourd’hui établi que, dans chaque bassin, à mesure que Ton atteint, le long d’une même ligne verticale , des pro¬ fondeurs plus grandes, on trouve des houilles de plus en plus pauvres en matières volatiles; les houilles sèches passent, en descendant, aux houilles grasses, et celles-ci aux houilles mai¬ gres (1). Cette modification , qui dépend de la profondeur, me semble devoir être un simple effet de la chaleur centrale. Mais, outre cela, on voit parfois aussi le charbon de certaines couches se modifier dans le sens de la direction. Faut-il, dans ce cas, attribuer le changement à des variations dans la nature des végétaux enfouis ou bien à une sorte de métamorphisme variable selon les lieux? A Ahun, les charbons de toutes les couches sont gras et collants vers l’extrémité sud du bassin; ils renferment 25 à 30 pour 100 de matières volatiles; à 4 kilomètres de là, au centre du bassin, les mêmes couches fournissent des charbons anthra- citeux, tenant 12 ou 15 pour 100 d’éléments volatiles; puis à 2 kilomètres plus loin et dans toute la partie nord du bassin, on retrouve de nouveau des houilles grasses, perdant en moyenne par calcination 18 à 20 pour 100. Or, à Ahun, les mêmes couches fournissent partout les mêmes empreintes, quelle que soit la nature de la houille. Celle-ci est, par suite , indépendante des espèces végétales. On ne peut pas davantage attribuer la nature anthraciteuse des charbons du centre au voisinage de quelque roche éruptive, car ce sont précisément les charbons les plus gras de l’extré¬ mité sud du bassin , qui sont les plus rapprochés de la coulée trappéenne que j’ai fait connaître , ici même, dans la séance du 20 novembre 1865 (t. XXIII, p. 96). La seule cause apparente de la maigreur des charbons est le voisinage de plusieurs grandes failles. Des eaux thermales ou des émanations gazeuses ont pu, en les parcourant pendant toute la durée d’une période géologique, graduellement échauf¬ fer les roches les plus voisines. (1) M. Geinitz, dans son ouvrage récent sur les houilles d’Europe (1865), p. 180, dit qu’à Saarbrück, contrairement à ce qui se voit dans le bassin belge et dans celui delà Ruhr, les bouilles des trois faisceaux supérieurs sont maigres {viager), tandis que cédés du faisceau inférieur sont grasses. Il y a ici confusion évidente entre les houilles seches et maigres. Les bouilles supérieures de Saarbrück sont sèches par excès d’oxygène, et non maigres par défaut d’hydrogène. 398 SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1868. M. Marcou constate avec plaisir que M. Gruner a vérifié, dans la Creuse, l'exactitude des divisions que M. Geinitz a établies pour l'Allemagne et dont les traits principaux se retrouvent jusqu'en Amérique, ainsi que cela résulte des travaux de MM. Lesquereux et Dawson. M, Delanoüe croit, avec M. Gruner, que la qualité de la houille ne tient pas à la nature des végétaux constituants, et il est disposé à en chercher le principe dans l'action de la chaleur centrale. Cependant M. Gruner rappelle qu'il a signalé, dans le bassin d'Ahun, l'existence d’une coulée de trapp qui n'a exercé aucune action sur la qualité du charbon; et M. Par*» ran ajoute que, dans le Gard, les changements de nature de la houille sont souvent en rapport avec des phénomènes purement mécaniques, tels que des failles accompagnées de rejets. M. Delesse, tout en attribuant, dans le phénomène, une grande part aux actions physiques, croit qu’il faut tenir compte de la nature des végétaux, car on sait que des li¬ gneux de composition chimique identique ne s'altèrent pas à l'air de la même manière. M. Fischer fait la communication suivante : Note sur la géologie du sud de Madagascar ; par M. Fischer. La géologie du sud de l’île de Madagascar nous est complète¬ ment inconnue; la géographie même de cette région est à peine étudiée. M. Grandidier, dans son dernier voyage, a trouvé près du cap Sainte-Marie un grand nombre de débris d’œufs d’Épyornis. Ces fragments étaient enfouis dans les dunes du rivage avec des moules et des coquilles de mollusques terrestres apparte¬ nant aux genres Bulimus, Hélix , Cyclostoma , non décrits pour la plupart (1). Un de ces Bulimes cependant est connu depuis long- (1) Depuis la présentation de cette note, les espèces nouvelles ont été dé¬ crites sous les noms de Bulimus Grandidieri , Bulimus subobtusatus et Cy¬ clostoma Grandidieri , Crosse et Fischer ( Journal de Conchyliologie , t. VIII, p. 180-187, pl. VII, 1808.) NOTE DE M. FISCHER. 399 temps sous le nom de Dulimus Favannn , Daudeb., mais sa pa¬ trie était considérée comme incertaine; maintenant, le doute n’est plus permis et la présence de cette coquille encore vivante de nos jours avec les débris d’Épyornis fait supposer que l’extinction de l’oiseau gigantesque de Madagascar date de l’époque actuelle, et probablement de l’époque historique, quoique les traditions des indigènes soient muettes à cet égard. En remontant du S. au N., le long de la côte O., entre le cap Sainte-Marie et Machicora, on découvre plusieurs localités où des œufs entiers ont été recueillis au milieu des éboulis pro¬ duits par les pluies; quelques-uns ont été achetés aux indi¬ gènes, qui les utilisaient comme vases à puiser de l’eau. M. Grandidier, se dirigeant de l’O. à l’E. par 23° 30' de lati¬ tude S. et 42° 40' de longitude E., à peu de distance de la ri¬ vière Anhoulahé, a détaché deux fossiles empâtés dans une roche calcaire jaunâtre, et dont l’intérêt est considérable, puis¬ qu’ils annoncent la présence probable, sinon positive, de ter¬ rains secondaires. Ils se rapportent tous les deux au genre Nérinée. Nerinæa leiogyra, Fischer. — Testa cunica , trochiformis ; anfractus planulati , approximatif regutariter circulares ; anfractus ultimus ad basim subangulatus ; fade infer na lata , vix convexa ; umbilico stricto , profundo; apertura subquadrata ; pariete columel- lari plicis duabus œquidistantibus mmiita; pariete supero unipli- cato ; parietibus externo et infero haud plicatis ; sutura non pro- funda. Coquille conique, trochiforme; tours de spires planes, rap¬ prochés, régulièrement circulaires ; dernier tour subanguleux à la base; surface de la base large, peu convexe; ombilic étroit, très-profond ; ouverture subquadrangulaire, paroi colu- mellaire pourvue de deux plis équidistants; paroi supérieure munie d’un pli; parois externe et inférieure non plissées; su¬ ture à peine marquée. Le plus petit exemplaire est assez allongé ; on y voit six tours de spire; longueur 78, largeur 50 millimètres. Le plus grand est encore plus incomplet; il se compose de deux tours de spire; longueur 45, largeur 80 millimètres. Observations. — Cette nouvelle espèce de Nérinée est remar¬ quable par la largeur de sa base, sa forme franchement conique qui lui donne extérieurement l’aspect d’un Pleurotomaire, ses 400 SÉANCE DÜ 17 FÉVRIER 1868. tours de spire aplatis et probablement peu nombreux, et enfin par la disposition des plis intérieurs. Je ne trouve aucune espèce fossile qui lui soit semblable; cependant la nouvelle espèce a quelques affinités avec les Né- rinées à spire courte de la craie. Dans le continent européen, les Nérinées caractérisent les j terrains secondaires; elles apparaissent dans l’oolilhe infé- i rieure et s’éteignent dans la craie supérieure. Il est probable que cette loi n’est pas modifiée par les faunes géologiques australes, et que l’extinction du genre Nerinœa a été complète avant la formation tertiaire. Le genre Trigonia caractéristique des couches secondaires de l’Europe se trouve, il est vrai, à l’état fossile dans les terrains tertiaires d’Australie, mais il pos¬ sède encore des représentants dans l’océan Pacilique, et la série de ses espèces semble avoir subi dans la série des temps une extinction partielle ou une sorte d’émigration. M. Alphonse Milne-Edwards, à l'occasion de cette com¬ munication, présente quelques observations sur YÆpyor- nis . M. Marcou ne croit pas que l’existence des Nérinées doive absolument être considérée comme indiquant avec certi¬ tude la présence des terrains secondaires, car les Nérinées ont pu habiter, sous l’équateur, à une époque géologique différente de celle qu’elles caractérisent d’ordinaire en Europe. Séance du 17 février 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Le docteur Charlier, rue Saint-Gilles, 19, à Liège (Bel¬ gique); présenté par MM. d’Omalius d’Halloy et G. De- walque. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 401 M. Bourassin, ancien membre, à Kermingam, près Con¬ carneau (Finistère), est admis, sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société. Le Président annonce ensuite deux présentations. DOfrS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de l'instruction publique, Journal de Savants , janvier 1868 ; in-4°. De la part de M. Jules Marcou, Distribution géographique de l'or et de V argent aux Etats-Unis et dans les Canadas; in-8°, 14 p., 1 carte; Paris, 1867. De la part de M. Charles Martins, E Association Britan¬ nique pour V avancement des sciences et sa 37e session à Dundee en Écosse , en septembre 1867, in-8, 35 p., Paris, 1868. De la part de M. J. F. N. Delgado, Da existencia du homem no nosso solo em tempos mui remotos provada pelo estudo das caver - nas , in-4, 127 p., 3 pi. ; Lisbonne, 1867. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences. — 1868, deuxième sem.; T. LXVI, nos 5 et 6; — in-4°. L Institut , nos 1779 et 1780; 1868; in-4. Report of the 36//; meeting of the British Association for advan- cement of science held at Nottingliam in August 1866, in-8; Lon¬ dres, 1867 ; chez John Murray. The Athenœum ; nos2102 et 2103; 1868; in-8. Verhanlungen der K. K. Geologtschen Reichsanstalt , 1868, nos 2 et 3, in-8°. Jahrbuch fur Minéralogie , etc., de G. Leonhard et H. B. Gei- nitz; 1868, 1er cahier, in-8. Revista minera, 1er février 1868, in-8. The American journal de Silliman; janvier 1868, in-8. M. Marcou offre à la Société son travail sur la distribu¬ tion de l’or et de l'argent dans l'Amérique du Nord (V. la Liste des dons ), et présente à ce sujet quelques indications sommaires. Soc. géol.y 2° série, tome XXV. 26 iû2 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 11368. M. Delanoüe fait la communication suivante sur une dé¬ couverte de moraines glaciaires en Auvergne. MM. Éd. Collomb et Ch. Martins viennent de présenter à TAcadémie des sciences un Mémoire avec figures et cartes sur les anciens glaciers qu’ils ont découverts dans les Pyrénées, dans la vallée d’Argelès. Ce beau travail m’a remis en mémoire les traces analogues d’anciens glaciers que j’ai observées en Auvergne et en particu¬ lier dans le Puy-de-Dôme. Ainsi, je dois signaler à l’attention de nos confrères les moraines qui encombrent la vallée de la Dordogne, puisqu’elles n’ont encore été remarquées, ou du moins signalées, par aucun des nombreux voyageurs qui fré¬ quentent chaque été le Mont d’Or. Toutes les fois qu’il est possible d’observer la composition intérieure de tous ces monticules irréguliers, aujourd’hui couverts de verdure, on y retrouve, comme dans ceux de la Suisse, un mélange incohérent de matériaux anguleux, de toute forme, de toute grosseur, placés dans toutes sortes de positions instables, enfin complètement dépourvus de stratifi¬ cation, ce caractère essentiel de tout terrain transporté par les eaux. Ces moraines, dont l’authenticité est incontestable, abondent au-dessus et surtout au-dessous du village des Bains, sur la rive gauche de la rivière, et il existe au lieu dit Salon de Mira¬ beau une moraine terminale au travers de laquelle les eaux réunies de la Queureille et de la Dordogne se sont ouvert un passage. J’ai l’intention d’aller revoir et de mieux étudier les phéno¬ mènes glaciaires dont l’Auvergne a été çà et là le théâtre. Je serais toutefois enchanté d’être devancé par quelque géologue plus jeune qui prendrait pour modèle le travail tout à fait clas¬ sique de MM. Collomb et Martins. Cette note-ci n’a même pas d’autre but Après quelques observations de MM. Collomb et Dau~ brée, le secrétaire présente la communication suivante de M. Dieulafait. NOTE DE M. Dï EUE AF AIT. 403 Note sur Voolithe inférieure , les calcaires à empreintes végétales et les calcaires à Entroques , dans le sud et le sud-est de la France ; par M. Louis Dieulafait. Nous allons examiner dans cette note plusieurs questions en apparence assez diverses, mais ayant, en réalité, une telle con¬ nexion, qu’il n’aurait pas été possible de les traiter séparément d’une manière convenable. Nous nous proposons de montrer que, dans le bassin naturel comprenant à peu près l’ancienne Provence, il existe dans les terrains sédimentaires, de part et d’autre d’une ligne dont nous allons tracer la direction, des différences de premier ordre; de signaler, dans l’est de la Provence, une extension et un développement prodigieux des calcaires à empreintes végé¬ tales analogues à ceux de Valcros ; de montrer que le dévelop¬ pement de ces curieuses empreintes n’est pas moins considé¬ rable du nord au sud du département de l’Ardèche, et de relier ainsi les points isolés où leur existence a été signalée de l’autre côté du Rhône; de faire voir que ces empreintes ne peuvent pas, comme on l’avait supposé, servir de niveau géologique précis ; d’examiner la question des calcaires à Entroques en Pro¬ vence, où leur existence a été signalée par plusieurs habiles observateurs. En se rendant compte du relief actuel de la Provence, on constate facilement que le sud-est de cette ancienne province forme un bassin orographique extrêmement naturel. Il est limité, dans sa partie méridionale, par la Méditerranée, depuis le cap Groisette, au sud de Marseille, jusqu’à l’embou¬ chure de la rivière du Var, et fermé, vers le nord, par une suite non interrompue de hautes montagnes. L’une, constituant le cap Groisette même et s’avançant jusqu’à Tourves, comprend, dans sa partie moyenne, au nord de Guges, la fameuse montagne de la Sainte-Baume, l’un des lieux de pèlerinage les plus célèbres du monde. Une chaîne se détache de la Sainte-Baume, s’avance vers le nord, passe à l’ouest de Nans, de Saint -Maximin,® de Besaudun, et se pro¬ longe au delà de Laverdière, à peu près jusqu’au parallèle'de Grasse. Là, un coude brusque de plus de 100° se produit, et la direction générale de la chaîne devient bientôt ouest-est, en passant au nord de Tavernes, Aups, Bargemont, Seillans ; elle tourne alors assez brusquement vers le nord et finit par se raç- 404 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. corder avec les hauts escarpements de Thorenc et de Cour- segoules qui, courant ouest-est, ne se terminent qu’à la pro¬ fonde brisure au fond de laquelle coule le torrent du Yar. Sans nous préoccuper, pour le moment, de l’époque géolo¬ gique ou des époques auxquelles il faut rapporter l’apparition des différentes parties de cette grande chaîne, et ne la prenant que pour une simple ligne de démarcation, nous montrerons que les terrains qui se succèdent dans chacun de ces deux bas¬ sins (bassin du nord-est ou de la Durance et bassin du sud-est) offrent des différences profondes dans leurs caractères les plus essentiels. C’est ce que nous allons établir, aujourd’hui, pour le lias supérieur et surtout pour l’oolithe inférieure. Lias supérieur. — Dans le bassin de la Durance, et notam¬ ment dans le département des Basses-Alpes, le lias moyen res¬ semble absolument à l’étage correspondant du sud-est; seule¬ ment il est moins fossilifère que ce dernier. Ce sont, dans les deux cas, des bancs énormes extrêmement compactes, remplis d’Encrines et montrant en abondance de gros silex branchus. Dans le bassin du sud-est le lias supérieur se confond com¬ plètement, par l’ensemble de ses caractères, avec le lias moyen. Aussi, est-ce seulement par le secours des fossiles qu’on a pu établir l’existence de cet étage dans le sud-est de la Provence. Dans le bassin du nord-est, le lias supérieur offre, par rap¬ port au lias moyen, et par suite à l’étage supérieur du sud-est, une différence aussi grande que possible ; en effet, au lieu d’être compacte, il est essentiellement marneux; au lieu de présenter une puissance de quarante ou cinquante mètres, comme dans le sud-est, il en mesure près de cinq cents; enfin, dans le sud- est il n’existe pas de ligne de démarcation entre les deux étages, tandis qu’elle est on ne peut plus prononcée dans le bassin du nord-ouest; c’est ce que montre en particulier la citation sui¬ vante empruntée à M. Hébert : « La surface de contact du lias supérieur et du lias moyen « est très- tranchée. Le calcaire est irrégulier à sa surface, « très-dur, comme usé parles eaux; le schiste noir et terreux « par lequel débute le lias supérieur ne se lie aucunement a avec lui (1). » Il faut encore signaler un autre point relatif au lias supé- (1) Bull • de la Soc. gèol.3 t. XIX, p. 112. NOTE DE M. DÏEULAFAIT. 405 rieur du nord-ouest, qui tire, en outre, un intérêt spécial de cette autre citation du mémoire de M. Hébert : « La ligne de démarcation entre les calcaires qui terminent (( le lias moyen et les schistes terreux qui commencent le lias « supérieur est tellement nette qu’il semble qu’il y ait eu « dans la sédimentation une interruption pendant laquelle les (( calcaires durcis et lavés par les eaux auraient pris celte siir- « face inégale et rugueuse qu’ils présentent aujourd’hui (1). » Cette hypothèse d’une interruption dans la sédimentation émise par le savant professeur de la Sorbonne est très-proba¬ blement l’expression exacte de la vérité. En effet, si aux environs de Digne, comme la chose paraît parfaitement établie, le lias moyen se termine avec les gros bancs calcaires, cet étage n’est pas complet à la partie supérieure. On sait que les fossiles sont rares dans le lias moyen des Basses-Alpes ; cependant nous avons rencontré, dans cet étage, un niveau très-riche et en outre des plus faciles à re¬ trouver : c’est la partie supérieure des derniers bancs com¬ pactes. Il y a là un très-grand nombre de fossiles; mais celui qui domine surtout, par le nombre et le développement consi¬ dérable des individus, c’est V Ammonites fimbriatus. Ce niveau existe en particulier à quelques centaines de mètres à l’est de l’établissement des bains d’eau thermale de Digne, et presque au niveau du ravin. Il se retrouve au sud-est de Digne, quand on descend du village de la Cîape pour rejoindre la route de Castellane et la rivière de l’Asse. 11 en est encore de même, au haut de la montagne de Taulanne, du côté de l’est et au nord- ouest de Digne quand on s’avance vers Thoard. Oolithe inférieure. ■ — Il existe en Normandie, au-dessous de l’oolithe ferrugineuse de Bayeux un ensemble de couches extrê¬ mement remarquables par l’abondance et. la nature de leurs fossiles : c’est la division appelée malière dans le pays, expres¬ sion qui a été adoptée par les géologues de la contrée. Dans son travail si remarquable sur les étages jurassiques in¬ férieurs de la Normandie (2), notre savant ami M. Eugène Deslongchamps a étudié et précisé, bien plus complètement qu’on ne l’avait fait avant lui, les rapports généraux de cette division, Cette zone existe dans le bassin du sud-est de la Provence, (1) Bulletin de la Soc . géol., t. XIX, p. 113. (2) Paris, Savy; Caen, Leblanc Hardel, 1864. 406 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. et s’y montre avec les caractères et surtout les fossiles de la Normandie. Elle renferme des Pleurotomaires énormes, de grosses Pano- pées, des Pholadomies, etc., mais dont la conservation incom¬ plète rend la détermination très-douteuse. Au contraire, les espèces à test fibreux sont d’une conservation très-suffisante et souvent même complète. Ce sont en particulier : Modiola ventricosa , M. plicata et deux autres espèces ou nouvelles ou inconnues pour nous; Lima heteromorpha , L. proboscidea, la première caractéristique de ce niveau et bien contournée, la deuxième assez' commune dans cette zone, mais passant jusque dans les parties élevées de la grande oolithe; cinq ou six Peignes, parmi lesquels P. barbatus qui ne se trouve pas ailleurs et P. paradoxes , dont le niveau principal est beaucoup plus bas ; plusieurs Térébratules, parmi lesquelles deux espèces essentiellement caractéristiques de la matière de Normandie, et qu’il est absolument impossible de distinguer des échantillons de cette dernière région; c’est la T. perovalis et la jolie petite T. Endesii , plusieurs variétés de la Rhynchonella ringens , Belemnites sulcatus, B. compressas , Nauti - lus lineatus, plusieurs genres des Ammonites et en particulier VA. Murchisonœ, etc., etc. Tous ces fossiles sont identiques avec ceux que M. Deslong- champs donne comme caractéristiques de la malière de Nor¬ mandie. Dans le bassin de la Durance, je n’ai, nulle part, rencontré la moindre trace de ce niveau si remarquable et si développé dans le bassin du sud-est. Je n’ai pas cru devoir adopter pour la Provence le mot de malière comme trop local et semblant trop préjuger la question d’indépendance de cette division; je l’ai remplacé par celui de zone à Lima heteromorpha , et je l’ai rapporté à l’oolithe infé¬ rieure, suivant en cela l’opinion des géologues les plus auto¬ risés. Je dépasse un peu, dans ce cas, celle de M. Deslong- champs, qui considère la malière comme formant « unetransi- « tidn des plus remarquables entre les marnes infra-oolithiques « (toarcien de d’Orb.) et l’oolithe inférieure proprement dite; » mais constatons également que le savant paléontologiste a soin de faire remarquer que les espèces de cette zone « ont une « analogie marquée avec celles de l’étage suivant (1). f) Op. cifato , p. 94. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 407 Si on examinait toutefois, seulement au point de vue strati- graphique et minéralogique, quelles sont en Provence les affi¬ nités de cette zone, on la rapporterait sans aucune hésitation possible au lias supérieur. En effet, quand à partir du niveau à Ammonites bifrons par exemple on s’élève dans la série des couches, on atteint les bancs renfermant la Lima heteromorpha et les fossiles si nom¬ breux qui raccompagnent, sans qu’il soit possible de trouver, en aucun point, la moindre différence dans l’aspect général des assises. Ajoutons toutefois que le niveau fossilifère dont il s’agit est dans les parties élevées, des calcaires à silex; mais constatons bien aussi que la plupart des fossiles de cette zone sont com¬ pris dans ces mêmes calcaires. On sait du reste qu’en Nor¬ mandie les silex sont très-fréquents dans les bancs de la matière. Dans le Var, cependant, quelques fossiles existant déjà dans la partie la plus inférieure du niveau fossilifère dont il s’agit se continuent, sans la moindre modification, dans les assises mar¬ neuses qui succèdent aux calcaires à silex. Parmi ces derniers, le plus remarquable est certainement la Terebratula perovalis , puis V Ammonites Murchisonœ , dont la sta¬ tion principale est dans les premiers bancs .supérieurs sans silex. L’établissement de ces faits conduit nécessairement à penser que les causes qui ont amené un changement si profond dans les sédiments, à partir de la fin des calcaires à silex, n’ont pas agi assez énergiquement pour modifier d’une manière sensible les conditions générales du développement organique, puisqu’il existe, dans des couches marneuses, à cinq ou six mètres au- dessus des derniers silex, des restes d’animaux de tous points identiques avec ceux que l’on rencontre à douze ou quinze mè¬ tres plus bas dans ces mêmes calcaires à silex. Nous allons maintenant examiner une autre face de la ques¬ tion qui nous occupe, celle des empreintes végétales signalées pour la première fois en France par M. Émilien Dumas, il y a plus de vingt ans, et dont plusieurs géologues se sont avec raison occupés dans ces dernières années. Parmi eux, M. Du- mortier est celui qui a plus particulièrement attiré l’attention sur ces empreintes en montrant les services qu’elles pouvaient rendre à la géologie. i08 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. En 1861 (1) M. E. Dumortier publia sur ce sujet un travail dans lequel il annonça que ces empreintes (rapportées au Chondrites scoparius par Thiollière) existaient toujours entre les derniers bancs du lias supérieur que l’auteur termine avec la zone à Ammonites opalinus et les premières assises du calcaire à Entroques caractérisées par le Pecten personatus. Il montre, en second lieu, que ces empreintes, s’étendant sur de vastes espaces, constituaient un horizon très-digne d’attention, sur¬ tout si l’on considérait que les assises au milieu desquelles on les avait rencontrées jusque-là étaient toujours très-pauvres en fossiles. D’un autre côté les fossiles recueillis par M. Dumortier avec les Chondrites ne lui permettaient pas de placer ces em¬ preintes ailleurs qu’à la base de l’oolithe inférieure. Enfin, en constatant l’existence de ces empreintes toujours au même niveau (M. Dumortier le croyait du moins) dans le Lyonnais, le Gard, les Bouches-du-Rhône, la Lozère, etc., il en conclut « que leur position n’offre aucune incertitude » et « que « cette petite division de l’oolithe inférieure formait un horizon « géologique dans toute la force de l’expression (2). » Ces conclusions, vraies probablement pour les environs de Lyon, ne le sont plus nullement pour le midi de la France. Il est assez singulier que les points où ces curieuses em¬ preintes ont été signalées soient précisément ceux où leu*r déve¬ loppement est le plus faible. Pour voir, en effet, ce développe¬ ment dans toute sa puissance, c’est le département des Basses- Alpes qu’il faut visiter, et jamais l’existence de ces empreintes n’y a été signalée. Il est parfaitement évident, à l’inspection des lieux, que, si M. Hébert n’en a pas fait la moindre mention dans un mémoire sur la Provence où chaque ligne révèle un fait nouveau, c’est que le savant professeur a eu pour en agir ainsi des raisons que nous ne connaissons pas ; mais il est impossible de ne pas les remarquer en suivant en particulier le vallon de l’Escure dont M. Hébert a donné la coupe. Quoi qu’il en soit, des mesures que nous avons exécutées aux environs de Digne à l’effet de résoudre plusieurs questions relatives aux hauts escarpements de la montagne de la Blan¬ che, mesures dont nous pouvons répondre à 20 mètres près, (1) Bull . Soc. géol., t. XVIII, p. 579. (2) Bull., loc. cit. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 409 nous ont montré que l’épaisseur des assises renfermant les empreintes végétales atteint au minimum 300 mètres. En nous reportant à la coupe générale des environs de Digne donnée par M. Hébert, nous trouvons la succession sui¬ vante : t° Schistes noirs à Ammonites radians . . « . 200 mètres. 2° Schistes avec calcaire à A . complanatus . 200 3° Marnes calcaires avec Posidonies , A. Levesquei . ... 80 4° Calcaire à A. Humphriesianus et A. ferruginensis . . 70 550 mètres. Or, si de ces 550 mètres on excepte les 200 mètres de la base, épaisseur du reste notablement trop forte, on rencontre les empreintes végétales dans toute l’épaisseur de cette série. Le niveau où elles se montrent avec le plus de profusion est celui qui correspond aux bancs calcaires remplis d’A. com¬ planatus, discoides , concavus , etc., de la division n° 2. Elles se continuent ensuite avec des intermittences et elles éprouvent une forte recrudescence quand on arrive au voisi¬ nage de Poolithe inférieure, ou du moins au niveau de VA. Humphriesianus. Elles s’élèvent du reste au-dessus de cet ho¬ rizon ; mais, à cause de l’état très-marneux des assises supé¬ rieures, leur conservation est bien moins complète et leur ob¬ servation plus difficile. Quand en France au moins on voudra étudier spécialement ces curieuses empreintes, c’est le département des Basses-Al¬ pes qu’il faudra choisir. Pour nous, qui nous proposons un tout autre but, celui d’évaluer la valeur de ces empreintes comme horizon géologique, nous généralisons les résultats que nous avons obtenus à ce point de vue, de la façon suivante. Ces empreintes existent dans toutes les assises qui cons¬ tituent la plus grande partie du lias supérieur et de l’oolithe inférieure partout où ces étages existent dans le bassin pro¬ vençal de la Durance. Leur développement le plus considé¬ rable s’étend de part et d’autre d’une ligne moyenne partant de Sisteron et passant par Tboard, Digne, les Dombes, la Clappe, Morcuite, Barème, Senez, la montagne de Taulanne, la Palu et aboutissant à Castellane. Dans toute cette étendue les calcaires à empreintes n’éprou¬ vent que deux interruptions, l’une entre Sisteron et Thoard, due aux terrains tertiaires, et l’autre sur le territoire de Barème MO SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. et de Seriez, région dans laquelle les terrains crétacés s’abais¬ sent, presque subitement, jusqu’au niveau de la rivière de l’Asse. Au delà de Senez les empreintes sont en particulier très- déveîoppées à l’entrée du défilé de Taulanne, du côté de l’ouest, après le passage du col de l’est, aux environs du petit hameau de Sioune et surtout dans la direction du nord, à partir de ce point. Dans la partie opposée du bassin du nord-ouest les mêmes faits se reproduisent partout où le lias supérieur et l’oolithe inférieure sont à découvert. C’est ce qu’il est facile de con¬ stater dans le petit lambeau de jurassique inférieur visible à Saint-Marc et dans la vallée de Yauvenargues, à l’est de la ville d’Aix. On retrouve là complètement le type marneux des Basses- Alpes avec les empreintes occupant les mêmes positions que dans le département précédent; seulement, les étages, tout en conservant une puissance respectable, sont bien moins épais et aussi bien moins fossilifères que leurs correspondants de la partie est du bassin. Passons dans le bassin du sud-est. Dans un second travail (i), plus particulièrement consacré aux empreintes végétales duVar, M. Dumortier place à Valcros ces empreintes dans les calcaires marneux qui succèdent aux bancs compactes à silex; c’est-là, en effet, ainsi que nous l’avons vu, qu’elles sont surtout développées dans cette partie de la Provence. M. Goquand partage complètement cette manière de voir dans sa remarquable étude sur la chaîne de la Sainte-Baume. Le savant géologue considère, en outre, ces empreintes comme marquant la base de l’oolithe inférieure (2). Nous avons vu que ces deux points doivent être rectifiés, puisque l’oolithe inférieure et les empreintes végétales com¬ mencent, en réalité, dans les bancs à silex les mieux caracté¬ risés. Si, de la Provence on passe dans le Languedoc, on constate également dans cette province un développement considéra¬ ble des empreintes dont nous nous occupons. Déjà, comme on le sait, on a signalé leur présence dans le Gard, la Lozère et l’Ardèche. (1) Bull. Soc. gèol.y t. XIX, p. 839. (9) Mémoire? de la Société d'émulation de la Provence , t. III, 1863. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 411 D’après les indications de M. Ém. Dumas et de M. Kœchlin- Schluinberger, ce sont probablement les empreintes du troi- sième niveau (zone à Ammonites ' Humphriesianus) qu’ils ont rencontrées dans le Gard et la Lozère. Quant à celle des envi¬ rons de Privas signalées par M. Ébray, elles appartiennent bien à ce niveau. L’absence du premier niveau (partie moyenne du lias supé¬ rieur) est forcée dans l’Ardèche, au moins pour la partie du lias supérieur constituée dans cette région par des sédiments essentiellement quartzeux et grossièrement arénacés. La na¬ ture de ces dépôts n’aurait pu permettre aux empreintes de se conserver, en même temps que la mer fortement agitée qui a produit ces dépôts n’offrait vraisemblablement pas les condi¬ tions convenables pour leur développement. Bien que je n’aie pas rencontré dans l’Ardèche le deuxième niveau (base des calcaires à Entroques), il est bien probable qu’il s’y rencontre et que des recherches plus soutenues le feront découvrir. Rien, en effet, ne semble avoir dû empêcher sa production à la base des calcaires à Entroques dont le dé¬ veloppement dans cette région est parfaitement accusé. Quant au troisième niveau, on le rencontre partout, quand on s’est élevé au-dessus du lias supérieur et du calcaire à Entroques. En suivant, en particulier, la route de Privas à Joyeuse on peut en voir un très-grand développement. En sortant de la formation liasique, environ à cinq kilo¬ mètres de Privas, la route fait un coude brusque, et franchit, à l’aide d’un pont, un des nombreux ravins qui forment à l’ouest l’origine de la vallée de Privas. Elle contourne à l’est le pied d’une montagne fortement marneuse dont les parties basses montrent en abondance les empreintes dont nous nous occupons. C’est très-probablement le même niveau que celui des Dombes et qui correspond, dans l’Ardèche comme dans les Basses-Alpes, à la zone si remarquable de VA. Humphriesianus. Tout, du reste, dans cette montagne de l’Ardèche, et jusqu’à a triste végétation qui la recouvre, rappelle exactement la partie basse et moyenne de l’escarpement des Dombes à l’est de Digne. Quand d’ailleurs on examine ces montagnes qui, courant parallèlement au Rhône, constituent la partie est du départe¬ ment de l’Ardèche, on est frappé de l’aspect presque iden¬ tique qu’elles présentent avec les parties inférieures de la 412 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. grande chaîne de la Blanche, qui, dans les Basses-Alpes s’é¬ tend de la Durance au vieux château de Chaudon. Aux environs do 23e poteau kilométrique on atteint les ter¬ rains ignés. Les empreintes signalées plus haut restent très- abondantes et se maintiennent presque jusqu’au contact de ces derniers terrains. Le même phénomène se reproduit de l’autre côté de la mon¬ tagne ; les petits lambeaux de calcaires qu’on rencontre avant d’atteindre le sol montrent fréquemment les empreintes du troisième niveau. Après avoir descendu la rampe du côté d’Aubenas on re¬ trouve les calcaires à empreintes très-développées, et on ne les quitte plus qu’accidentellement jusqu’à Aubenas. Quand on a franchi le coteau sur lequel s’élève d’une façon si pittoresque la petite ville d’Aubenas, on ne tarde pas, en marchant toujours au sud, à retrouver les empreintes du troi¬ sième niveau. Elles sont en particulier très-développées sur Je territoire des communes de Saint-Étienne, de la Chapelle, d’Uzer, de Rozière et de la ville de Joyeuse. Elles s’étendent toujours vers le sud et vont se rattacher à celles du même ni¬ veau du département du Gard. La présence bien constatée des empreintes végétales à trois niveaux différents nous conduit naturellement à nous deman¬ der si elles ont été produites par une même plante. Un observateur habile et autorisé, M. Ébray, a rencontré, à diverses reprises, les empreintes du troisième niveau et les a parfaitement mises à leur véritable place. 11 les considère comme différentes de celles du deuxième niveau. Les em¬ preintes du lias supérieur du bassin du nord-ouest de la Pro¬ vence sont-elles aussi différentes de celles des deux autres niveaux? A cela, je répondrai que M. Dumortier, malgré l’étude qu’il avait faite de ces empreintes, n’a pas distingué celle de Yaîcros (troisième niveau) de celle du Lyonnais (deuxième niveau), et, ensuite, que des échantillons que j'ai pris moi-même dans les carrières de Couzon et de Saint-Quentin, dans les deux niveaux principaux de Digne, dans différents points de l’Ardèche depuis la Voulte jusqu’à Joyeuse, aux environs de Toulon, etc., m’ont toujours montré la même disposition générale. Il peut se faire qu’on trouve des différences; il est même très possible que ces plantes n’appartiennent pas aux Chon - dritesy mais, au point de vue de l’utilité de ces empreintes, NOTE DE M. DIEULAPAIT. 413 comme point de repère en géologie, une détermination exacte n’aurait de valeur que si les espèces différentes, en admettant qu’elles existent, accusaient des zones spéciales. C’est dans tous les cas un sujet très-digne d’étude et sur lequel nous appelons l’attention de ceux de nos savants confrères qui s’occupent plus particulièrement de ces délicates questions de bota¬ nique fossile. Nous mettrons bien volontiers à leur disposition tous les échantillons qui nous paraîtront de nature à pouvoir les conduire à une solution précise. En attendant, et quand même il n’y aurait pas lieu d’opérer definitivement la séparation dont nous venons de parler, il est évident que ces empreintes n’en peuvent pas moins rendre de grands services à la géologie, s’il vient à être établi d’une ma¬ nière générale ou tout au moins pour des régions considé¬ rables, que leur présence annonce toujours avec certitude le lias supérieur ou l’oolithe inférieure; c’est ce qui paraît avoir lieu dès aujourd’hui pour la Bourgogne, le Lyonnais, le Languedoc, au moins en partie, et toute la Provence. J’ai en outre tout lieu de croire que les mêmes faits se repro¬ duisent en Italie. C’est ce dont je vais m’assurer au printemps prochain. Ces empreintes existent-elles dans les Alpes? J’ai exploré les Alpes sur le versant français depuis Saint- Bonnet au nord de Gap jusqu’à la Durance, de la Durance à Digne, et de là jusqu’à la Méditerranée. Dans la première et la presque totalité de la deuxième par¬ tie de cette région, les marnes et les calcaires marneux res¬ semblent absolument à ceux des marnes de Digne, et cepen¬ dant ils ne m’ont pas montré la moindre trace des empreintes dont nous nous occupons. Dans différentes coupes je suis parti des schistes à Bélemnites que M. Lory et les géologues des Alpes considèrent comme appartenant au lias ; j’ai exploré en particulier les environs de Notre-Dame de Lans, au sud-est de Gap, où ces schistes sont très-puissants, et j’ai suivi en marchant vers Gap toutes les assises qui se succèdent assez régulièrement ; j’ai remonté la Durance depuis Tallard jusqu’à Embrun; enfin j’ai, à plusieurs reprises, parcouru cette grande chaîne qui sépare la vallée de Barcelonnette et celle de Seyne ; partout les résultats ont été négatifs. 11 a toujours fallu me rapprocher notablement de la ligne que j’ai indiquée précédemment, et qui passe par Digne, pour retrouver ces empreintes. 414 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. Manquent' elles réellement dans les Alpes au nord de Digne, ou ont-elles échappé à mes recherches? Voilà ce qui serait d’autant plus intéressant à constater que, d’après les travaux de M. Lory, comme on le sait, le système oolithique inférieur ferait défaut dans les Alpes du Dauphiné. Et comme, d’après ce que l’on a vu plus haut, le deuxième et le troisième niveau de ces empreintes se trouvent précisément dans l’oolithe inférieure, leur recherche dans les Alpes nous pa¬ rait aujourd’hui mériter un intérêt tout spécial. Calcaire à Entroques.— Cet horizon a été signalé en Provence par trois observateurs, M. Dumortier (1), M. Coquand (2) et M. Ëbray (3). Le premier de ces savants le cite sans faire à ce sujet la moindre observation et comme si c’était une chose entendue, que le calcaire à Entroques existe partout ou du moins consti¬ tue une division normale dans la série des étages jurassiques. M. Coquand et M. Ébray signalent le fait comme ayant une certaine importance. Pour admettre en Provence l’existence du calcaire à Entro¬ ques, les deux premiers géologues ont été, en partie, guidés par les caractères minéralogiques de la roche et, en partie, par des considérations paléontologiques ne se rattachant pas toutefois directement à la division considérée. M. Ébray, au contraire, appuie son opinion sur la présence dans ces calcaires de fossiles qu’il considère comme spéciaux à cet horizon» Tout le monde sait qu’on désigne sous le nom de calcaires à Entroques dans la Bourgogne, la Franche- Comté, le Mont-d’Or lyonnais, etc., des bancs calcaires assez puissants, siliceux, montrant souvent des rognons de silex et comprenant un cer¬ tain nombre de couches pétries d’articles d’Encrine. Dans le Mont-d’Or lyonnais, où ces calcaires sont très-anciens et très-développés, ils constituent les assises profondes de l’ooiithe inférieure, sans cependant être en contact avec le lias supérieur. On trouve, en effet, entre les deux, quelques bancs gris, minces, très-durs, siliceux et montrant en abondance des empreintes de Chondrites scoparius , Thiollière. A la partie supérieure le calcaire à Entroques est recouvert, dans le Lyonnais, par une mince assise ferrugineuse, mais qui (1) Bull., t. XIX, p. 840. (2) Bull., t. XX, p. 554. (B) Bull., t. XXI, p. 20 B. X0T4£ m M. DIEULAFAIT. 41 r, ailleurs, comme l’a montré M. Ébray (1), prend une notable extension et correspond à Poolithe ferrugineuse de Baveux, dont elle renferme du reste les fossiles les plus caractéristiques et, entre autres, V Ammonites Humphriesianus , que l’on retrouve partout à ce niveau. La même disposition se reproduit en Bourgogne. Au point de vue paléontologique, les géologues du Lyonnais et de la Bourgogne font commencer le calcaire à Entroques avec l’apparition du Pecten personatus et le terminent au-dessous des premières assises à A. Humphriesianus. Nous avons en Provence cette dernière zone parfaitement développée. En est-il de même de la première? C’est ce qui semble évident, si on ne considère que les fos¬ siles en eux-mêmes. En effet, le Pecten personatus a été signalé par M. Dumortier comme très-abondant dans le Var. Mais, si la détermination de ce savant est exacte , ce fossile n’aura plus de valeur comme horizon précis, ou bien il faudra singulièrement modifier la puissance du lias supérieur tel que l’ont compris les géologues qui se sont particulièrement occupés de la Provence (MM. Co- quand, Hébert, Jaubert, etc.). Ce fossile, en effet, se montre ici en véritables bancs, le plus souvent bivalve et d’une conservation parfaite ; mais sa station la plus importante comme taille et comme nombre (celle qu’a rencontrée M. Dumortier) est à quatre ou cinq mètres au-dessus de la zone à Ammonites bifrons et précisément au niveau de VA, serpentinus. Or, entre ce dernier niveau et la base de la zone à Lima keteromorpha , il existe des assises dont la puissance dépasse quarante mètres dans certains cas, formées de calcaires extrême¬ ment durs, remplis de silex, et que la plupart des géologues ont rangés dans le lias supérieur. Je serai très-prochainement en mesure de fournir à la Société une étude complète et concluante sur ces calcaires. Notons seulement ici la position principale du Pecten personatus ; elle nous suffira pour le travail actuel. M. Dumortier, ayant rencontré dans le Var une coquille qu’il crut pouvoir rapporter au Pecten personatus, lui attribue la signi¬ fication qu’elle avait toujours eue jusque-là; il la place à la base du calcaire à Entroques. (1) Bull., t. XVI, p. 1062. 416 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. Entraîné par l'analogie avec ce qu’on connaissait jusque-là, se trouvant en présence de terrains très-tourmentés, M. Du- mortier a interverti Perdre des étages. Après avoir décrit le gisement de Chondrites scoparius , très- développé entre Valcros et Belgentier, M. Dumortier s’exprime ainsi : « On trouve là en pleine exploitation une carrière dans les « couches inférieures du calcaire à Entroques. Les bancs d’en « bas descendent jusqu’au calcaire à Chondrites scoparius dont « on rencontre des empreintes, suivant le rapport des carriers; « il est remarquable cependant que la couche à Fucoïdes doit « avoir une très-faible épaisseur sur ce point, car les couches « du lias supérieur y sont elles-mêmes entamées par l’exploi- « talion, et j’ai ramassé dans les parties profondes les fossiles « caractéristiques de cet étage, Ammonites serpentinus, A . mu - « cronatus , A. radians (1). » La carrière est en effet ouverte dans le lias supérieur et les fossiles de cet étage cités par M. Dumortier s’y trouvent par¬ faitement avec plusieurs autres appartenant au même niveau. Mais, ainsi que nous l’avons établi plus haut, le niveau à Pecten personatus de M. Dumortier et qui, pour lui, masque la base du calcaire à Entroques, correspond exactement à celui de V Am¬ monites serpentinus. Au-dessus de ces bancs viennent des assises puissantes de calcaires à silex, puis la zone à Lima heteromorpha avec tous ses fossiles ordinaires. Enfin, au-dessus de ce niveau se développent les puissantes assises marneuses de l’oolithe in¬ férieure, ia station par excellence de ces empreintes dans le sud-est de ia Provence, comme le montre la coupe que M. Du¬ mortier a rencontrée à l’ouest de Valcros. Je n’ai jamais aperçu d’empreintes dans la carrière de Val¬ cros, qui d’ailleurs descend jusque dans le lias moyen; mais il pourrait très-bien se faire qu’elle en renfermât, puisque c’est ainsi que les choses se passent dans le bassin du nord-ouest. Peu importe du reste; ce qui demeure parfaitement établi, c’est que les calcaires à empreintes de Valcros et tous ceux qui se montrent avec quelque abondance dans le bassin du sud-est sont supérieurs et non inférieurs au puissant système compris entre le Pecten personatus (de M. Dumortier) et la zone à Lima heteromorpha. (1) Bull., t. XIX. Coupe de Cuers à Belgentier. NOTE DE M. DÏEULAFAIT 417 .«rfS ?s> La fin de la citation que nous avons empruntée à M. Dumor- Soc. géol., 2e série, tome XXV. 418 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. lier et la suite de la citation dans la note originale montrent qu’il n’a manqué au savant géologue qu’un peu plus de temps pour voir exactement les choses; mais aussi la rectification précédente fait disparaître les principales raisons sur lesquelles s’appuyait M. Dumortier pour admettre dans le Var l’existence du calcaire à Entroques. Après M. Dumortier, M. Coquand a signalé ce même horizon dans le département du Var. « Le mémoire de M. Hébert sur les terrains jurassiques de « cette contrée (Provence) a prouvé d’un autre côté que, dans a la coupe de Solliès-Toucas à la Chapelle-Saint-Hubert, le « lias supérieur à Ammonites primordial is est surmonté de cal- « caires marneux contenant A. Humphriesianus , Sowerbyi , la « Mijoconcha crassa , qui leur assigne le rang de l’oolithe infé- <* rieure. « Seulement , une particularité qui semble avoir échappé à M. Hé- « bert consiste en la présence , immédiatement au-dessus de cet c ( horizon, de quelques assises de calcaires d'une couleur rougeâtre « très-prononcée , entièrement pétries d'articles d'Encrines et repré - « sentant, à ne pas en douter , et par leur position et par leurs fossiles, « le fameux calcaire à Entroques de la Franche-Comté et de la « Bourgogne, lequel est placé, comme on le sait, entre les ar¬ ec gi les à Ostrea acuminata et les bancs à Terebratula perovalis « et Belemnites giganteus (1 ). » Sans doute, le calcaire à Entroques se trouve placé dans l’intervalle compris entre les deux niveaux paléontologiques cités plus haut; mais il n'occupe pas cet intervalle tout entier. Pour ne parler que de la limite supérieure, la seule qui nous importe ici, je rappellerai, comme nous l’avons vu plus haut, que le calcaire à Entroques dans les lieux types finit au moment où apparaissent les premiers dépôts renfermant i 'Ammonites Humphriesianus. Or, comme d’après la citation même de M. Co¬ quand, le calcaire à Entroques du Var serait supérieur et non inférieur à cette zone, il en résulte déjà qu’il n’est pas sur le même horizon paléontologique que le calcaire à Entroques de la Bourgogne et du Lyonnais. Je montrerai en outre que les fossiles de ce niveau ne sont pas ceux du calcaire à Entroques. Quant à l’opinion de M. Ébray, un examen ne peut être con¬ venablement fait que dans une prochaine note, qui sera cousa- (4) but/., t. XX. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 419 crée à l’étude du système compris entre la base du lias supé¬ rieur et le commencement de la zone à Lima heteromorpha . Nous aurons aussi à nous occuper alors de la valeur des rapprochements établis par M. Deslongchamps entre la malière de Normandie et le calcaire à Entroques de la Bourgogne et de la Franche-Comté. RÉSUMÉ. 1° La Provence, dans son état actuel, est divisée en deux bassins très-naturels, celui de la Durance au nord et au nord- ouest , celui de la Méditerranée au sud-est. 2° Dans chacun d’eux la formation jurassique montre pour chaque étage des différences considérables; c’est ce qui a été, en particulier, établi dans ce travail pour le lias supérieur et l’oolithe inférieure. 3° La plus importante de ces différences dans les deux éta¬ ges étudiés est le développement considérable de la division appelée malière en Normandie (zone à Lima heteromorpha ), dans le bassin du sud-est, et l’absence de ce niveau si remarquable dans le bassin du nord-est. 4° Les empreintes végétales dont l’une avait été rapportée par Thiollière au Chondrites scoparius existent au moins à trois niveaux : Troisième : dans la zone à Ammonites Humphriesianus , au- dessus du calcaire à Entroques. Deuxième : à la base du calcaire à Entroques. Premier : dans la partie moyenne du lias supérieur. Ces empreintes ne peuvent donc pas servir à marquer un horizon précis. 5° Dans la Bourgogne, le Màconnais et le Lyonnais, les em¬ preintes végétales se rencontrent au deuxième niveau (1). 6° Ces empreintes, très-répandues dans le Languedoc, se montrent surtout au troisième niveau. 7° En Provence , où elles prennent un développement énorme dans le bassin du nord-ouest, elles se trouvent exclu¬ sivement au premier et au troisième niveau. (1) Au moment d’envoyer cette note, je reçois de notre savant confrère, M. de Ferry, une lettre pleine de renseignements précieux qui trouveront leur place dans ma prochaine note. Cette lettre me signale, en particulier, un résultat très-intéressant, c’est la présence , dans le Màconnais , d'un ni¬ veau à Fucoïdes au milieu du calcaire à Entroques. 420 SÉANCE DU i7 FÉVRIER 1868. Dans le bassin du sud-est elles commencent dans la zone à Lima heteromorpha , et même un peu plus bas, pour acquérir leur plus grand développement au niveau de V Ammonites Hum - phriesianus et se continuer bien au delà. 8° Malgré l’abondance de ces empreintes depuis la Méditer¬ ranée jusqu’à Digne, je n’en ai plus vu de traces entre Digne et Saint-Bonnet au nord de Gap. 9° Bien que ces empreintes se rencontrent à plusieurs ni¬ veaux, elles peuvent encore rendre de grands services à la géologie, s’il vient à être démontré qu’elles sont toujours can¬ tonnées dans le lias supérieur et l’oolithe inférieure. 10° Le calcaire à Entroques a été signalé dans le Var par M. Dumortier et par M. Coquand. Ces géologues appliquent dans les mêmes lieux cette dénomination à des assises essen¬ tiellement différentes; c’est ce que la stratigraphie seule per¬ met de démontrer d’une façon incontestable; ensuite, en ce qui concerne particulièrement M. Coquand, nous avons vu que les indications fournies par la paléontologie nous conduisaient à rejeter complètement, sur ce point, l’opinion du savant géologue. Le Secrétaire présente les deux communications suivantes de M. Coquand. Sur les gisements asphaltiques des environs de Raguza , dans la province du val di Noto ( Sicile ) ; par M. H. Coquand. Le développement extraordinaire qu’a pris , pendant ces dernières années, l’industrie pétrolifère , a eu pour résultat de susciter au monopole presque général exercé par les Améri¬ cains, grâce à leurs produits de la Pensylvanie, une concur¬ rence salutaire, qui, dans un cas donné, n’exposât pas l’Europe à subir les lois d’un centre unique de production. C’est à cet esprit d’indépendance et d’affranchissement commercial que sont dues les recherches actives d’huiles minérales, dont quel¬ ques-unes ont été couronnées de succès, ainsi que des arrivages à Marseille de pétroles provenant de la Yalachie, de Kertsch et de quelques autres points situés sur les bords de la mer Noire. Ces produits, d’origine européenne, quoique moins abondants et moins riches en huiles éclairantes que ceux de l’Amérique u Nord, ont pu s’imposer à la consommation tant que les pé- NOTE DE M. COQUAND. 421 troles de l’autre côté de l’Atlantique ont conservé un prix rela¬ tivement élevé. Avouons toutefois que les gisements de la Va- lacliie ont à lutter contre des difficultés inhérentes à tout pays dépourvu de voies de communication, ainsi qu’à l’état de civi¬ lisation peu avancé des populations chez lesquelles ont été entreprises ces exploitations, difficultés, en définitive, qui pè¬ sent lourdement sur les prix de revient. En effet, les huiles, pour aboutir aux ports d’embarquement, Braïla ou Galatz, ont à franchir des steppes sans routes dont le parcours, praticable pendant la belle saison seulement, exige six jours de voyage au moins. Le Danube, gelé pendant quatre mois de l’année, se refuse, dans la saison d’hiver, à tout transport de marchandises ; de plus, l’expéditeur est exposé aux exigences des paysans, qui, suivant leur convenance personnelle ou les soins que réclament les intérêts de leurs récoltes, se décident à mettre leurs personnes et leurs bœufs à sa disposition, ou re¬ fusent net tout service. Naturellement les prix de revient se ressentent de tous ces embarras auxquels il est impossible de se soustraire, et les transactions se trouvent fatalement soumises à des fluctuations de prix qui laissent souvent le spéculateur désarmé en pré¬ sence des arrivages d’Amérique. Pour faire face à ces dangers, il conviendrait donc de trouver dans de bonnes conditions d’exploitation , de transport et d’abondance, les matières pre¬ mières, qui permissent de s’affranchir des huiles de Yalachie et d’Amérique , quelle que fût l’infériorité de prix à laquelle ces dernières pussent descendre. C’est dans ce but très-louable et digne de réussir que des efforts ont été tentés dans les Abruzzes et sur d’autres points de l’Apennin, pour y rechercher des sources de pétrole; mais il est malheureusement reconnu que tous les terrains ne sont point pétrolifères, et que ceux mêmes dans lesquels se mani¬ feste la présence de l’huile minérale ne sont pas toujours assez féconds pour qu’on puisse espérer de leur exploitation un ré¬ sultat rémunérateur. De plus, les sources, et cela fatalement, sont assujetties à des appauvrissements successifs, à mesure qu’on en retire les produits, et ne tardent pas à tarir complè¬ tement dans l’intervalle de quelques années. Cette circonstance dans le chiffre de la production crée un obstacle sérieux. En effet, asseoir les bases d’une vaste entre¬ prise et d’une usine pour l’épuration des produits , et cela en Tue d’un fonctionnement normal et permanent, c’est vouloir SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. 422 s’exposer, de parti pris, à de cruels mécomptes ; car, en sui¬ vant cette voie, on transforme gratuitement en éléments im¬ muables des éléments essentiellement variables de leur nature. Dans l’impossibilité où l’on se trouve placé de réglementer, à priori, le débit des puits pendant une période de temps déter¬ minée, ou, en d’autres termes, de cuber les quantités de liquide emprisonnées dans la terre et sur lesquelles on a basé ses cal¬ culs, on conçoit que, dans des conditions pareilles, l’exploi¬ tation par puits puisse devenir une opération hasardeuse et aléatoire, comme l’expérience se charge de le démontrer tous les jours en Amérique et en Valachie. L’aveuglement que le succès donne à quelques puisatiers plus heureux que leurs voisins laissant ordinairement dans l’obscurité les mécomptes ou la ruine du plus grand nombre, les recherches se conti¬ nuent avec leurs bonnes ou mauvaises chances. Ces considérations tiennent à l’économie pratique du su¬ jet que nous traitons ici; mais elles perdraient leur carac¬ tère menaçant, si on renversait les pôles de la proposition, et si l’exploitation du pétrole, au lieu de s’alimenter à l’aide de sources d’une abondance problématique et dans tous les cas capricieuses dans leur débit , s’attaquait à des substances soli¬ des qui permissent de retirer de la pierre une huile éclairante, de même qualité que le pétrole, exactement comme on retire par la distillation des schistes bitumineux une huile minérale que l’introduction de celle-ci a détrônée et fait descendre au deuxième rang. Ce résultat est-il possible et réalisable? Telle est la question posée, et sa solution dépend à la fois de l’existence de ce pétrole à Yêtat solide , qu’on nous passe cette figure hardie, de son abondance et de la facilité de son exploi¬ tation et de son transport. On connaît l’asphalte avec lequel on prépare le mastic destiné au dallage des rues et des trottoirs; on sait que cette sub¬ stance imprègne , dans des proportions variables, des roches calcaires et des grès dont on la débarrasse au moyen d’une distillation grossière. Or, cet asphalte n’est autre chose que du pétrole qui , apporté d’abord du sein de la terre par des sources spéciales, a ensuite injecté les interstices des roches poreuses, au moment même de leur formation, s’est incor¬ poré à leur substance , en conservant la totalité du bitume qu’il renfermait et en laissant échapper, par évaporation natu¬ relle, une partie plus ou moins considérable de ses principes NOTE DE M. COQUAND. 423 volatils ou essentiels. On comprend de suite que si certaines roches asphaltiques ont conservé une richesse en pétrole suffi¬ sante pour qu’il devienne possible d’en opérer avec bénéfice la distillation , comme les produits qu’on en retirera ne seront autre chose que des huiles mêmes de pétrole, il sera indiffé¬ rent de réclamer ce bénéfice aux sources d’Amérique ou bien aux roches asphaltiques. II y a plus, dans l’hypothèse que nous posons, ces dernières offriraient un résultat plus certain, puis¬ que l’on connaîtrait d’avance les quantités sur lesquelles on aurait à opérer et, d’après cette donnée, il serait facile d’être fixé sur la durée de l’exploitation et ses conditions d’exis¬ tence. Nous pensons que les gisements que nous avons eu l’occasion d’étudier en Sicile sont susceptibles de réaliser les conditions du problème énoncé ci-dessus , et que, dans tous les cas, il ne sera pas sans intérêt de connaître les circonstances géolo¬ giques qui se rattachent à leur histoire. Quand, après être sorti de la ville de Raguza, dans la pro¬ vince du val di Noto , on prend la route qui conduit au port delle Mazzarelle, on pénètre, après une distance parcourue de 2 à 3,000 mètres, sur un plateau frangé, vers la gauche de l’observateur, par de profonds ravins que dominent des escar¬ pements taillés à pic. Ce plateau est désigné dans le pays sous le nom de Rinazza ou de Contracta àpece. Ce dernier nom in¬ dique déjà la nature du produit qu’on y rencontre, et qui consiste en une pierre de poix, véritable roche asphaltique, que l’on exploite à ciel ouvert ou en cavage, non point pour en retirer de l’asphalte, ainsi qu’il serait naturel de le suppo¬ ser, mais bien pour en obtenir de grands blocs que l’on débite ensuite et que l’on utilise comme dalles, chambranles de che¬ minées, montants de portes et de fenêtres, marches d’eseaiiers, ou soubassements de balcons. La propriété précieuse que pos¬ sède la pierre de se laisser tailler et scier et de recevoir des moulures et des sculptures, à la manière de certaines pierres tendres, concourt à lui assurer un débouché assez important non-seulement à Raguza, mais encore àModica, Noto, Syra¬ cuse et dans les villes voisines. Mais cette industrie, quelque intéressante qu’elle puisse être au point de vue architectural , n’enrichit ni le propriétaire ni les ouvriers, et force de laisser sur les haldes une quantité si considérable de débris inutiles que les alentours des carrières en sont littéralement obstrués, et que, pour l’avancement des 424 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868, travaux, on se trouve en présence d’un déblai formidable, dont il faut opérer le déplacement à grands frais, avant de pouvoir pénétrer dans le vif de la roche. Ces embarras, qui sont déjà assez lourds dans les exploitations à ciel ouvert, sont bien autrement gênants et dispendieux, lorsqu’il s’agit de pratiquer des excavations souterraines. La nécessité dans laquelle on se trouve de respecter les troncs d’abatage susceptibles de fournir de la pierre marchande ne permet pas l’emploi de la poudre, et dans ces conditions l’extraction des grosses pièces devient une opération assez coûteuse. De plus, on a observé qu’à une certaine profondeur la roche asphaltique est chargée d’une quantité notable d’asphalte qui suinte d’elle-même à travers ses pores. Dans ce cas elle devient trop tendre , ne se laisse plus mordre par les dents de la scie qu’elle empâte, et acquiert, quand elle est débitée en plaques minces, une flexibilité qui la rend impropre aux usages auxquels on la destine. On est alors obligé de faire suer les dalles, c’est-à-dire de leur enlever, à l’aide du feu , la portion de bitume qu’elles retiennent en excès ; et, pour cette opération, on transforme en combustible les couches les plus riches en asphalte, et, grâce à ces foyers improvisés, dont la nature fait tous les frais, on effectue en plein air] la distillation incomplète des blocs que l’on destine aux constructions. Ces mêmes couches servent aux prépara¬ tions culinaires des ouvriers et aux feux de bivouac par lesquels on combat la température des jours trop rigoureux. Ces di¬ vers usages rappellent le gîte bitumineux du Nebi-Musa, sur les bords de la mér Morte (1), qui sert à entretenir les feux des Arabes du voisinage , à fabriquer les emblèmes de piété que l’on vend aux pèlerins sous le nom de pierre de la mer Morte et que l’on utilise également pour le dallage des cours. Ces détails sont nécessaires pour faire ressortir en premier lieu l’importance du gîte et ensuite pour expliquer la grande quantité de déblais accumulés sur les chantiers, déblais qu’on trouvera plus tard sous la main et sans frais, et qui n’attendent plus que les opérations du raffinage. La roche asphaltique appartient à la formation marine dé¬ signée sous le nom de miocène ou de tertiaire moyen, et elle est subordonnée à la mollasse avec Clypeaster altus , qui, depuis Syracuse jusque bien au delà de Raguza , constitue les mon- (1) Louis Lartet, Gîtes bitumineux de la Judée. {Bull., t. XXIV, p, 22 et suiv. NOTE DE M. COQUAND. 425 tagnes qui bordent le littoral. Cette subordination est nette¬ ment dévoilée par l’observation directe et par la manière dont le gîte est enclavé au milieu de la mollasse même. La mollasse, dans son état normal, estune roche jaune àgrains fins et miroitants, presque entièrement composée de débris de coquilles. La roche d’asphalte, d’un brun chocolat dans la cas¬ sure fraîche, présente une foule de points brillants très-rappro- chés, réfléchissant la lumière, et identiques avec les grains mi¬ roitants de la roche normale; mais, dans les parties exposées à l’air, elle devient bleuâtre et ne ressemble pas mal alors à cer¬ tains bancs du calcaire à Gryphées arquées. Elle contient des coquilles marines dont la plus abondante est une grosse Sili- quariah tubes contournés. Elle brûle avec facilité en répandant beaucoup de fumée et l’odeur de pétrole, et en laissant pour résidu une carcasse spongieuse de chaux caustique. Elle fait une vive effervescence dans les acides et abandonne un bitume brun dont la proportion varie suivant que l’échantillon choisi est plus ou moins riche en bitume. Elle m’a donné à l’analyse les résultats suivants : Bitume et matières volatiles . 41 00 \ Carbonate de chaux . 57 50 > 100 Matière insoluble . 1 50 / La quantité de bitume va en diminuant à mesure qu’on se rapproche des limites des portions imprégnées, et la mollasse pure est composée de : Carbonate de chaux . 98 ) ^ Matière insoluble . . . 2 j La moyenne d’huile lampante que la roche asphaltique four¬ nit à la distillation est de 11 pour 100 environ. Dans les cavages qui existent au-dessous delafermeLéporino, les fissures qui traversent la roche de poix sont remplies d’un bitume noir, qui suinte d’abord à l’état visqueux, mais qui ne tarde pas à se durcir, à devenir fragile et à passer à l’état de véritable bitume de Judée. Sur quelques points, les plafonds des carrières sont hérissés de stalactites de ce même bitume ressemblant à des bâtons de réglisse. Un échantillon que je conserve dans ma collection distille constamment du pis- asphalte qui tend à la couvrir d’une enveloppe extérieure con¬ tinue. Dans la grande carrière, qui présente un front d’abatage 426 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. de près de 20 mètres , il n’est pas rare de rencontrer des îlots ou des nerfs de mollasse pure, par conséquent stériles, qui ont été soustraits à l’imprégnation, de même que fréquemment il existe dans cette mollasse des portions complètement isolées et dans lesquelles l’asphalte se trouve logée sous forme de pe¬ tits dépôts fermés, indépendants les uns des autres et ne com¬ muniquant jamais entre eux, circonstance qui dévoile claire¬ ment la contemporanéité de l’asphalte et de la mollasse marine. Ne voit-on pas dans la roche bitumineuse de Raguza l’équiva¬ lent du calcaire bitumineux du Nebi-Musa (1) qui contient 25 pour 100 de bitume? Hitchcock ne s’était point mépris sur son origine et sur la contemporanéité du calcaire et du bitume. Il ne pouvait comprendre que la formation de cette roche se fût effectuée autrement que par un dépôt opéré au fond d'une masse d'eau riche en calcaire et en bitume liquide. Il est évident qu’à l’époque où les sédiments se déposaient au fond de la mer miocène des sources de pétrole jaillissaient sur des points particuliers et imprégnaient la roche sur une étendue qui était en rapport avec la fécondité de ces sources elles-mêmes. Aussi est-ce sous forme d’ellipses plus ou moins régulières que se montrent les sections faites par un plan cou¬ pant perpendiculairement le gîte dans son plus grand axe. Le centre représentera la plus grande force de production, et les ordonnées à partir de ce point central iront successivement en diminuant et tomberont à zéro , lorsqu’elles rencontreront les dernières limites atteintes par l’imprégnation. La roche de poix, pour me servir de l’expression du pays, occupe deux niveaux distincts, ainsi qu’on peut s’en assurer dans le vallon fermé que domine la campagne Léporino et qui montre (fig. 1) dans les escarpements taillés à pic la succession des bancs dont le plateau est constitué. Le niveau inférieur, qui a été exploité jusqu’à une certaine profondeur au moyen d’un cavage avec piliers de soutènement, a une puissance de cinq mètres avec quelques nerfs de calcaire interposés. A mesure que, des points où l’on constate l’épaisseur maxi¬ mum de cinq mètres et qui correspondent à la partie centrale du gîte, on suit les bancs en direction vers l’est, c’est-à-dire quand on tend à sortir de l’ellipse dont nous avons parlé, on voit cette épaisseur diminuer graduellement, et, après un par¬ ti) Louis Lartet, Loc. cit., p. u23. NOTE DE M. CO QU A ND. 427 cours de 5 à 600 mètres , elle se trouve réduite à néant, le toit elle mur se rapprochant et finissant par se confondre, ainsi que l’indique la figure 2. Fig. 1. Campagne Léporino. Une expérience analogue faite du côté opposé du ravin, sous la maison Léporino , a conduit à un semblable résultat, avec Fig. 2. N Mollasse. — A Asphalte. cette différence cependant, que la diminution se manifeste d’une manière plus rapide; car l’asphalte cesse de se montrer après une distance de 300 mètres; d’où la preuve qu’on a sous les yeux un véritable amas. Il serait donc sans doute intéressant de pouvoir constater jusqu’à quel point l’amas pénètre dans les eaux de la montagne ; mais, à cet égard , les données exactes 428 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. font défaut; car les seuls renseignement qu’on puisse obtenir sont fournis par les excavations existantes , et leur profondeur ne dépasse pas une trentaine de mètres. Le niveau supérieur est séparé du premier par 25 mètres environ de calcaire pur, et il a l’avantage de n’être point re¬ couvert, circonstance qui permet de l’attaquer à ciel ouvert et de pouvoir multiplier à sa convenance les chantiers d’exploita¬ tion. Il est désigné sous le nom de grande mine et incline légè¬ rement vers le nord. On peut en suivre les affleurements sur un rayon de plus de 600 mètres. La hauteur des tailles varie suivant les points où sont pratiquées les attaques. Elle oscille entre 5 et 20 mètres, desquels il convient de défalquer de 2 à 3 mètres occupés par des nerfs de calcaire interposés. Mais, à mesure que l’on se dirige vers l’est et que l’on contourne le monticule d’où l’œil découvre le pont neuf de la route de Ra- guza à Modica, on voit cette puissance diminuer graduellement et se réduire enfin à zéro. L’ouverture et l’importance des carrières exploitées ont été subordonnées aux accidents, ou, pour parler plus rigoureuse¬ ment, aux allures du gîte; elles sont grandes et spacieuses là où la puissance des bancs asphaltifères est considérable; plus loin, et sur la limite des centres fécondés, elles se réduisent à de simples fouilles. Là, on se heurte fatalement contre des couches de calcaire blanc au milieu desquelles l’asphalte ne constitue plus que des bandes irrégulières et fermées. On con¬ çoit que, vers ces points appauvris, l’exploitation ne se soit pas aventurée bien avant, parce que les ouvriers éclairés par l’ex¬ périence savent que le gîte manque de continuité. Quoi qu’il en soit, il est facile de s’assurer que la roche as¬ phaltique de Raguza s’étale, au milieu de la mollasse miocène, sous la forme d’amas puissants ellipsoïdaux, desquels se déta¬ chent des ramifications frangées. Le croquis représenté par la figure 3 traduit exactement cette disposition laciniée. Il n’existe dans les environs de Raguza aucune roche volca¬ nique ni aucune source thermale à l’intervention desquelles on puisse être tenté de rapporter l’origine du pétrole qui a as- phaltisé certains points de la mollasse. Il serait plus téméraire encore d’admettre que le pétrole ait pu pénétrer dans des cal¬ caires solides postérieurement à leur dépôt. Cette hypothèse est d’ailleurs complètement renversée par le seul fait de l’exis¬ tence de portions de mollasse imprégnées d’asphalte complète¬ ment isolée au milieu de la mollasse normale et ne communi- • NOTE DE M. COQUAND. 429 quant avec la masse asphaltique par aucun conduit ni aucune fissure. Fig. 3. M Mollasse. — A Asphalte. Il ne nous reste plus, pour compléter notre travail, qu’à éva¬ luer en mètres cubes la richesse réelle des gisements de Raguza. La grande mine ou le niveau supérieur, d’après nos calculs, équivaut à un carré qui mesure 900 mètres sur 500, ce qui donne une superficie de 450,000 mètres. En évaluant la hau¬ teur de la pierre bitumineuse à 10 mètres en moyenne, on obtient un cube de 4,500,000 mètres. Le poids spécifique de la roche étant de 1,80, il résulte de ces divers éléments que la partie exploitable équivaut à huit billions et un million de kilogrammes. Le niveau inférieur n’ayant qu’une hauteur de 5 mètres n’interviendra que pour une quantité de quatre billions et cinq cent mille kilogrammes, soit en tout 12,100,500,000 ki¬ logrammes. En admettant le nombre 11 comme représentant la teneur moyenne de la roche en pétrole, on voit qu’elle pour¬ rait suffire à une production d’environ un billion et quatre- vingt-onze millions de kilogrammes d’huile minérale. Dans nos études sur les gîtes de pétrole de la Valaehie et de la Moldavie (1), nous avons vu le pétrole se maintenir à l’état liquide lorsqu’il se trouvait emprisonné dans des argiles qui interceptaient toute communication avec l’air extérieur et s’opposaient ainsi, d’une manière plus ou moins complète, au (1) Coquand, Bull., 1867, t. XXIV. 430 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. dégagement de ses principes volatils. Nous avons pu constater que ce môme pétrole, amené au jour par les phénomènes des salses, perdait peu à peu de sa liquidité première par suite du dégagement spontané de l’hydrogène proto-carboné et passait à l’état de pisasphalte. Les gisements bitumineux de l’Albanie et de l’île deXante(l) nous ont montré dans les pisasphaltes des bords de la Vo- jutza un degré d’épuisement plus avancé du pétrole, et enfin ce même pisasphalte, par la perte totale de ses éléments li¬ quides , converti, dans le territoire de Sélénitza, en la sub¬ stance solide et noire connue sous le nom de bitume de Judée. Les gisements d’asphalte, à leur tour, ne sont autre chose que des produits de sources pétrolifères, qui, au lieu de se conserver à l’état liquide, à la manière des vins que l’on con¬ serve en bouteilles, et comme cela se vérifie dans les terrains purement argileux, ont rencontré des roches poreuses, tels que des grès et des calcaires, qu'ils ont eu la faculté d’imbiber et avec lesquelles ils se sont même incorporés. Placé dans ces conditions, le pétrole s’est naturellement trouvé exposé à une distribution incessante qui, en lui enlevant ses aliments gazeux, lui a laissé son bitume ou son goudron. Aussi les parties main¬ tenues encore liquides dans l’intérieur des terrains pénètrent dans les fissures à l’état de pisasphalte, ou bien pendent des plafonds des roches en stalactites, et ce pisasphalte ne tarde pas lui même à se convertir en véritable bitume de Judée. Voilà pourquoi dans la Valachie, à côté des pétroles liquides au sein des argiles, on trouve des roches simplement asphalti¬ ques dans les grès ou les calcaires qui les recouvrent ou qui les supportent. Nous répéterons donc, en terminant cette note, que le pétrole, le pisasphalte, le bitume solide et les roches asphaltiques ne sont que des dérivés du naphte, et que les divers états sous lesquels ils se présentent dans la nature tiennent à une décom¬ position plus ou moins avancée du naphte lui-même. (1) Coquand, Bull., t. XXV. NOTE DE M. COQUAND. 431 Sur L’âge des gisements de sel gemme (Djebel- Mêlait), sur F origine des ruisseaux salés ( Oued-Mèlah ) et des lacs salés (Chotts et Seb - kha) de l'Algérie; par M. H. Coquand. On a longuement discuté sur l’origine des sels gemmes que l’on a signalés à divers niveaux dans la série des formations sédimentaires, et dont le terrain permien, le terrain triasique et divers étages de la formation tertiaire, semblent contenir les entrepôts les plus considérables. Mon intention n’est point de passer en revue les diverses opinions qui ont été émises à ce sujet. Je me bornerai à dire que quelques géologues, de Buch en tête, rattachant sa production à des phénomènes volca- ! niques, l’attribuent à des sublimations directes émanant de l’intérieur du globe; et, chose étonnante, c’est aux roches de sel de Bex, ainsi qu’aux gypses anhydres qui les accompagnent et qui occupent une place si nettement déterminée dans la série normale des terrains, que l’illustre géologue prussien recon¬ naissait une origine semblable, sans se préoccuper comment une masse si grande de produits nouveaux aurait pu pénétrer dans un terrain déjà consolidé et qui n’avait, suivant toute vraisemblance, aucune place disponible pour loger un hôte si ; encombrant. D’autres, au contraire, se basant sur des alter¬ nances régulières du sel gemme avec des argiles, des gypses, des grès, des calcaires et des dolomies, le considèrent comme un produit franchement neptunien, et dont le dépôt, au mo¬ ment de la limite extrême de la concentration des eaux qui le tenaient en dissolution, se serait normalement effectué dans des bassins fermés ou dans des lagunes, exactement comme on peut l’observer aujourd’hui sur les bords de la mer Cas¬ pienne, de la mer Morte et dans plusieurs lacs salés de l’Algérie et des Bouches-du-Rhône. Ainsi que le proclame très-justement M. Fournel (1), « le « muriate de soude est répandu à profusion dans les terrains « qui constituent le sol de l’Algérie. Il suffit de jeter les yeux «sur une carte du pays pour en acquérir la preuve; on y « verra que 1a. quantité de ruisseaux désignés par le nom « d’Oued-Mèlah est innombrable ; on y verra aussi à quel (1) Fournel, Sur les gisements de muriate de soude en Algérie. — Annale $ des Mines , t. IX, p. 541, 4” série, 1846. SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. 432 « point sont multipliés ces Ghott ou Sebkha , qui sont « autant de lacs ou d’étangs salés, dont l’étendue est par- « fois considérable. Ajoutons à ces eaux salées la présence « d’énormes bancs de sel gemme qu’on atteint à quelques mètres « au-dessous du sol, ainsi que celle de véritables montagnes de « sel qui s’élèvent à une assez grande hauteur au-dessus des « plaines, et l’on verra que je n’exagère rien en me servant du « mot profusion pour exprimer l’abondance du muriate de « soude en Algérie. » J’ai eu l’occasion, dans mes nombreuses pérégrinations à travers nos possessions africaines, de vérifier l’exactitude des affirmations de M. Fournel et d’étudier un bon nombre de gi¬ sements nouveaux qu’aucun européen n’aurait pu aborder à l’époque où le savant ingénieur parcourait la chaîne de l’Atlas. Depuis, MM. Dubocq et Ville ont ajouté beaucoup à ce qui était connu sur les gisements salifères; mais comme, parmi les géologues qui ont fourni leur contingent d’observations, il existe une divergence complète de vues, tant sur l’âge que sur l’origine du sel gemme, il me semble que le moment est venu de fixer la question à l’aide de documents plus précis, et je pense avoir en ma possession un assez grand nombre de ces documents pour établir :■ 1° que dans tout le Tell, c’est-à- dire dans toute l’Algérie montagneuse, le sel gemme a une po¬ sition constante et déterminée, qui est celle de l’éocène supé¬ rieur; 2° que la salure des Oued-Mèlah et des Ghotts n’est que la conséquence de la dissolution de ce même sel, ou du lessivage des argiles salifères par les eaux atmosphériques ; 3° que le sel gemme ne se rattache à aucun phénomène volcanique, ou à aucune intervention de sources thermo-salines; 4° enfin, que dans le désert du Sahara les gypses et argiles salifères, que les Oued-Mèlah et les Ghotts n’ont rien de commun avec les gisements salifères des hauts plateaux de l’Atlas, et qu’ils appartiennent à l’époque tertiaire la plus moderne, c’est-à- dire à la période pliocène. Le but que je me propose d’atteindre m’oblige de parler en premier lieu de mes propres observations, afin que le lecteur puisse juger d’abord du mérite qu’elles peuvent avoir, et en¬ suite parce que leur exposé, indispensable pour établir la po¬ sition que j’assigne aux gisements de sel gemme, contient les pièces justificatives à l’appui de la thèse que je soutiens et qui diffère de celle des autres géologues qui se sont occupés du même sujet. Je veux par cette déclaration écarter tout reproché NOTE DE M. COQUAND. 433 d’inconvenance qui pourrait m’être adressé, et auquel je tiens d’autant plus à ne pas être exposé, que je reconnais que les travaux estimables de ces mêmes géologues dont je ne partage pas les idées me fourniront les meilleurs arguments pour donner à la question une portée plus générale et me confirmer dans ma manière de voir. Dans une publication étendue qui remonte à l’année 1862 (1), et dans laquelle la description du terrain éocène occupe une large place, je décrivais, comme étant une dépendance directe de ce terrain, quatre gisements salifères et gypsifères qui re¬ présentaient un dépôt absolument analogue à celui des marnes irisées, dont ils reproduisaient tous les caractères, c’est-à-dire bancs de sel gemme, gypses, dolomies et argiles bariolées. Le premier, superposé à la craie supérieure, constitue, un peu au-dessus du confluent de l’Oued Cherf et de l’Oued Ti~ fech, dans la tribu des Ouled-Daoud, le Djebel-Zouabi, qui n’est autre chose qu’un ballon gypso-saiifère dont j’avais eu l’occa¬ sion de parler dans un travail antérieur (2). 11 est subordonné à un système fort épais d’argiles rouges que surmontent, en discordance de stratification, des grès et des poudingues avec Ostrea crassissima. Les argiles sont éminemment salifères, car les ruisseaux qui les traversent roulent des eaux salées qui frappent d’une stérilité complète toutes les terres qu’elles envahissent. L’indépendance du terrain gypseux par rapport à la mollasse miocène démontre que le premier ne peut appar¬ tenir qu’à la formation tertiaire et à l’étage éocène. Le deuxième gisement salifère et gypsifère est celui du Dje¬ bel Hamimat. Lorsque de Chéria, dans les hauts plateaux des Nemenchas, on se rend à Aïn Gueber, et qu’on pénètre dans la vallée d’Oued Halaïl par le col de Téniet Ali, on aperçoit dans le lointain une ligne de montagnes hérissée d’une série de dentelures frangées et qui semble barrer la vallée dans le voi¬ sinage de la source; mais, examinées de près, ces montagnes se montrent composées de couches alternantes, de dolomies ferrugineuses, de grès et de gypses escortés de cargneules et encaissés au milieu de marnes rouges et violettes, sur la sur- (1) Coquand,. Description géologique et paléontologique de la région sud de la province de Constantine. — Mèm. de la Soc. d'émulation de la Pro¬ vence, t. Il, 1862. (2) Coquand, Description géologique de la province de Constantine. — Mém. de la Soc. géol. de France, 2° série, t. V, 1S52, p. 113. Soc. géol., 2e série, tome XXY. 28 434 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868, face desquelles on aperçoit des efflorescences de chlorure de sodium. Sulfate de chaux, dolomies, marnes et grès, toutes les roches se trouvent en couches très-bien réglées, et les dente¬ lures bizarres par lesquelles se terminent les crêtes sont dues à la désagrégation des dolomies. Les ruisseaux qui pro¬ viennent du Djebel Hamimat sont tous salés. La présence des grès et des marnes ainsi que de dolomies régulièrement stratifiées écarte toute idée d’origine érup¬ tive pour le gisement que nous décrivons. On y lit de la ma¬ nière la plus claire les caractères d’une sédimentation neptu- nienne qui s’est opérée, comme pour le keuper, dans des conditions spéciales, mais qui excluent l’intervention directe de tout phénomène volcanique. La formation gypso-salifère repose sur les calcaires à Inocérames représentant en Algérie la craie de Maëstricht, et ce n’est que dans son prolongement vers le sud qu’elle est recouverte par la mollasse miocène; on voit donc que sa position correspond exactement à celle des Zouabit. Le troisième gisement, qui est aussi le plus intéressant, est constitué par la montagne de sel d’El-Outaïa, le fameux Djebel el Mèlah qui se dresse à l’est du caravansérail, à quatre heures de distance du Sahara, sur la route d’El-Kantr’a à Biskr’a. Cette montagne a été visitée et décrite par MM. Fournel, Du- bocq, Ville et par moi. M. Fournel (1) ne fournit aucun ren¬ seignement sur l’âge du sel gemme. M. Duhocq n’est guère plus explicite. « Le sel gemme, dit cet ingénieur (2), m’a paru for- « mer au Djebel el Mèlah de grands amas lenticulaires au milieu « des marnes. En descendant le versant du Djebel Rh’arribou, « on retrouve des bancs de poudingues et de grès friables qui a recouvrent des assises de marnes gypso-salifères et qui dis- « paraissent sous un terrain de transport. A l’est de cette mon» « tagne, le Djebel Rhennech et le Djebel Brâniss continuent la « série des terrains secondaires du Djebel Essor, et montrent « par la disposition de leurs strates et par leurs pendages ré- (c guliers que la formation du Djebel Rh’arribou ne peut point « être regardée comme intercalée dans ce terrain. » M. Dubocq semble incliner vers l’opinion que le sel gemme est subor- (1) Fournel, Richesse minérale de V Algérie^ I, p. 307, (2) Dubocq, Constitution géologique du Ziban et de l’Oued-R’ir. — Ann , des Mines, 5e série, t. II, p. 254, NOTE DE M, COQUAND. 435 donné aux assises à Ostrea crassissima. Dans tous les cas, il leur reconnaît une origine tertiaire. J’ai consacré deux journées à l’étude du Djebel el Mèlah, afin de bien saisir les caractères originaires du terrain salifère, sous le ciment gypseux composé de débris de toute sorte et de tout volume, vrai manteau d’arlequin qui les dérobait à la vue. Je voulus constater d’abord de quelle manière s’opérait la jonction de la formation secondaire avec la formation sali¬ fère, et, en second lieu, je voulus m’assurer des rapports de celle-ci avec des grès fossilifères appartenant à l’étage miocène. Après avoir vu dans une gorge ouverte dans le Djebel Rh’arri- bou que les marnes santoniennes étaient surmontées par les calcaires à Hemipneustes et à Inocérames, je contournai les grands escarpements formés par les assises campaniennes et me trouvai sur un plan incliné vers l’est, sur lequel venait s’appuyer, en discordance de stratification, un ensemble puis, sant de marnes bariolées par lesquelles débute la formation salifère. On observe ensuite une première couche de sel blanc de 30 centimètres que recouvrent presque immédiatement des dolomies noirâtres, caverneuses, formées de couches très- régulières. Viennent au-dessus des marnes rouges et des amas gypseux multicolores, entremêlés d’anhydrite lamellaire. Au- dessus se développe la grande masse de sel gemme, dont l’é¬ paisseur m’a paru dépasser 20 mètres, et que couronnent des bancs puissants de gypses avec marnes subordonnées. En dehors du gisement salifère, qu’une grande dépression semble séparer des montagnes contiguës, on remarque des grès jaunâtres contenant un grand nombre de fossiles et entre autres V Ostrea crassissima. L’indépendance de la montagne de sel se trouvait donc nettement établie par rapport au terrain de craie, et son âge nettement fixé aussi dans la série tertiaire, et dans l’étage éocène, d’autant plus que, sous les alluvions de la plaine d’El-Outaïa, vers le col de Sfa, on voit émerger les calcaires nummulitiques. J’aime à croire que les détails que je viens de donner du Djebel el Mèlah mettent suffisamment en relief son origine neptunienne, origine démontrée par l’alter¬ nance régulière de grès, de marnes, de dolomies, d’argiles, de gypse et de sel, et qu’ils écarteront toute idée de dépôt posté¬ rieur ou de remplissage par voie de sublimation ou d’érup¬ tion. C’est cependant cette dernière opinion qu’adopte M, Ville pour les sels gemmes de FOutaïa, En effet, voici en quels 436 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. termes s’exprime ce savant géologue (1) : « Je tenais à compa¬ ti rer ce massif (Djebel Rh’arribou) avec le massif semblable du «rocher de sel des environs de Djelfa sur lequel j’ai fait un « mémoire. J’avais été amené à considérer les couches de sel « des environs de Djelfa comme le résultat d’une éruption vol- « canique de boue, de sel et de gypse qui s’était produite à la « séparation du terrain crétacé et du terrain tertiaire moyen. « Mes études sur le Djebel Rh’arribou m’ont conduit au même « résultat. » Cette explication est, à mes yeux, en contradiction formelle avec l’alternance plusieurs fois répétée de dolomies parfaite¬ ment stratifiées, de grès et de marnes ; et, bien que le gypse et le sel se trouvent logés dans la masse des roches encaissantes sous forme d’amas lenticulaires, c’est-à-dire à l’état subor¬ donné, il me paraît impossible de ne pas reconnaître à l’en¬ semble une origine franchement sédimentaire. Le quatrième gisement salifère et gypsifère comprend une longue bande de terrains qui s’étend depuis le Djebel Chettabah près de Constantine jusqu’au delà de Milâ. Nous renvoyons pour les détails aux descriptions que M. Fournelet moi nous en avons données (2), et desquelles il résulte que, comme à Outaïa et dans les autres localités déjà citées, les bancs de sel gemme sont recouverts par la mollasse à Ostrea crassissima , et qu’ils re¬ posent sur des marnes noires qui sont une dépendance de l’é¬ tage nummulitique. Si de la province de Constantine nous passons dans celle d’Alger, nous retrouverons des gisements de sel identiques avec ceux que nous venons de décrire. Le plus important est sans contredit celui du Djebel Sahari, à 22 kilomètres au N. O. de Djelfa, sur la rive droite de l’Oued Mèlah. « Quand on part « de Médéah, dit M. Fournel (3), et qu’on s’avance au sud, on cc traverse pendant quelques lieues le terrain tertiaire, et on « entre alors dans les terrains crétacés. Ce sont les mêmes ca- « ractères, les mêmes fossiles, et, chose remarquable, c’est (1) Ville, Étude des puits artésiens dans le bassin du Hodna et dans le Sahara des provinces d’Alger et de Constantine. — Bull, Soc. qéol., t. XXII, p. 109,1864. (2) Fournel, Richesse minérale de V Algérie, t. I, p. 234. — Coquand, Description géologique et paléont. de la région sud de la province de Con¬ stantine , p. 130, 1862. (3) Fournel, Gisements de muriate de soude en Algérie, p. 20. NOTE DE M. COQUAND. 437 « exactement à la même latitude que se trouvent les Hemipneu- « stes (dans la province de Constantine). C’est aussi à la même « distance du sud de ces fossiles que se trouve, dans le Djebel « Sahari, une montagne de sel identique avec celle de la « plaine d’Outaïa. Il faudrait, pour la décrire géologiquement, « répéter ici mot à mot ce que j’ai dit de cette dernière. Ce sont « les mêmes marnes gypseuses diversement colorées, etc. » Suivant M. Ville, à qui l’on doit une très- intéressante des¬ cription du même gisement (1), le sel présente des escarpe¬ ments à ciel ouvert dont la hauteur s’élève jusqu’à 15 mètres (p. 365). Il n’est pas régulièrement stratifié. Dans un cirque ou¬ vert dans le sel gemme (p. 367), le sel gemme est recouvert par une calotte de roches stratifiées formées presque entièrement de gypse blanc ou rouge, régulièrement stratifié. Dans certains échantillons, des bandes de gypse alternent avec des bandes de calcaire gris, compacte, identique d’aspect avec celui qu’on trouve dans les terrains secondaires. Il se pourrait, en raison de sa situation, que ce gypse provînt de la transformation du calcaire crétacé par des vapeurs d’acide sulfurique hydraté. On reconnaît également sur ce point que le sel n’est pas régulière¬ ment stratifié. Il présente aussi des zones parallèles de 3 à 4 mil¬ limètres de large, nuancées de teintes légèrement différentes et qu’on peut prendre au premier abord pour des couches . Page 369. Si l’on examine avec soin les couches stratifiées qui entourent le gîte de sel gemme, on reconnaît bientôt qu’il y a deux terrains d’âges différents qui lui forment une double enveloppe. M. Ville n’a pas trouvé de fossiles dans ces terrains, mais il est facile de les distinguer l’un de l’autre par des diffé¬ rences bien tranchées de leurs caractères minéralogiques ; sans se prononcer sur l’âge du terrain inférieur qu’il reconnaît comme crétacé, il classe le supérieur dans l’étage tertiaire moyen qui règne d’une manière à peu près continue à l’est, au sud et à l’ouest du pourtour du gîte, et qui se compose de bancs alternatifs de grès jaune friable et de poudingues faciles à désagréger. Les diverses coupes dont l’auteur illustre son texte, surtout les figures 2, 4 et il, montrent le terrain tertiaire- moyen relevé autour du gisement salino-gypseux, exactement comme il l’est dans tous les gisements que nous avons signalés (1) Ville, Notice géologique sur les salines des Zahrez et les gîtes de sel gemme du Pang el Mèlah et d’A'm-Hadjora. — Ann . des Mines , 5e série, t. XV, 1859. 438 SÉANCE Dü 17 FÉVRIER' 1868, dans la province de Constantine. Si dans des dépôts réguliers et incontestablement d’origine sédimentaire, comme ceux de Montmartre, d’Aixet des Garpatlies, la stratification des roche? gypseuses se montre parfois irrégulière, il serait injuste de réclamer une régularité plus grande dans ceux de l’Algérie. Ainsi, nous ne saurions adopter la conclusion par laquelle M. Ville termine son mémoire et dans laquelle le Djebel Sahari, le Rang el Mèlah (p. 407) est considéré « comme le résultat « d’une éruption de boue argilo-gypseuse et de sel gemme qui « se serait fait jour à travers les assises superposées des ter- « rains crétacés inférieur et tertiaire moyen. » Nous retenons donc ce gîte comme un dépôt franchement neptunien, et, en réalité, c’est à cette idée que conduisent tous les détails stra- tigraphiques si bien exposés par M. Ville et en opposition des¬ quels s’élèvent, seules, des idées théoriques. Je reconnais cependant comment, en présence des bombements, des inter¬ ruptions de couches et de la confusion que des encroûtements gypseux superficiels et modernes jettent sur la position exacte des éléments normaux des terrains salifères, l’interprétation systématique se substitue souvent aux faits réels et positifs. Le gîte de sel gemme d’Aïn-Hadjera (p. 395) est situé à 36 kilomètres sud-ouest de Rang el Mèlah, sur le bord méri¬ dional du bassin géographique du Zahrez, Son affleurement présente une surface à peu près circulaire d’environ 1000 mé¬ trés de diamètre. Pour M. Ville, il paraît, de même que celui du Djebel Sahari, dû à un soulèvement de boues argileuses, gypso-salifères. Au sommet du grand pic (p. 398), il y a une couche de poudingue qui plonge au sud assez fortement, comme si elle avait été redressée par l’apparition de la roche salifère. Ce poudingue serait tertiaire moyen. La province d’Oran paraît être moins riche en sel gemme que celles de Constantine et d’Alger. Peut être a-t-elle été moins sérieusement explorée. M. Ville (1) y décrit la mine de sel gemme que les Arabes des Ouled Kh’alfa exploitent sur les rives de l’Oued Mèlah, à 12 kilomètres ouest d’Aïn-Temou- chen. « Les argiles (p. 48) contiennent quelques lits minces de cal- a caire gris clair, à cassure un peu terreuse. A 100 mètres en « aval du grand chantier, le calcaire prend tout à coup un déve- « loppement assez fort et forme une sorte de promontoire sur la (1) Ville, Notice minéralogique sur les provinces d’Oran et d’ Alger. NOTE DE M. COQUÀNI). 439 « rive droitede la rivière. Il est d’un gris noirâtre, d’une structure « très-compacte, presque cristallin. Il a été plié très-fortement «en V; il supporte en amont de la rivière des argiles salifères. « Dans l’intérieur du V, le calcaire devient schisteux et passe « graduellement à l’état d’argile schisteuse. Certains échantil- « Ions de ce calcaire pourraient être pris pour du calcaire gris « du terrain crétacé inférieur ; c’est la présence de ce calcaire « gris et des argiles schisteuses et grises, encaissant le sel « gemme, qui nous avait fait supposer, lors de notre première « visite, que le gite du sel était enclavé dans le terrain crétacé. « Mais il nous est démontré aujourd’hui que ce gisement est « enclavé dans le terrain tertiaire moyen, et que l’existence du « sel et du plâtre est due à l’apparition du basalte. » Voici donc, de l’aveu de M. Ville, un gisement salifère parfaitement stratifié, donc non éruptif, non plus poussé par sublimation ou par éruption entre le terrain crétacé et le ter¬ rain tertiaire, ainsi qu’on l’admettait pour ceux du Djebel Kh’arribou et de Djelfa, mais bien encaissé dans un étage que recouvrent des bancs d’Ostrea crassissima , lequel étage consiste en des couches régulièrement stratifiées de calcaire et d’argiles. Or, c’est justement la place de tous les sels gemmes dont nous avons parlé jusqu’ici, et nous avouons franchement que nous aurions beaucoup de peine à comprendre, si les gypses et les sels étaient éruptifs, comment d’abord ils pourraient être stra¬ tifiés, et encore moins comment ils se seraient toujours inter¬ posés entre le terrain crétacé et le terrain tertiaire, lorsqu’il est établi que, dans toute la province de Constantine et sur une foule d’autres points de l’Europe et de l’Asie, ces gypses sali¬ fères sont constamment placés entre l’éocène à Nummulites (calcaire grossier) et le tertiaire moyen, et qu’ils occupent par conséquent le niveau des gypses de Montmartre. On sait très- bien que, dans le voisinage des roches en amas, que ces roches soient du gypse, du sel gemme, des minerais de fer, la stratifica¬ tion des couches ne brille pas par une parfaite régularité; mais une question d’irrégularité , quelque grande qu’on la suppose d’ailleurs, ne saurait être invoquée contre le fait de la stratifi¬ cation elle-même, quand celle-ci existe, et, dans tous les cas, ne pourrait conduire à des idées théoriques aussi audacieuses que celles qui font arriver à l’état de sublimation, ou à la manière des roches volcaniques, des roches telles que des calcaires, des dolomies, des gypses et des argiles. i Nous tenons donc comme parfaitement démontré que, dans 440 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. l’Algérie, tous les gisements de sel gemme sont essentiellement d’origine sédimentaire et qu’ils appartiennent tous à un même et unique étage qui est celui qui correspond à l’éocène supé¬ rieur ou au terrain à Fucoïdes, son équivalent. Voilà donc com¬ plètement justifiées et généralisées les conséquences que nous formulions en ces termes (1) : « On voit donc que, dans lapro- « vince de Gonstantine, le terrain tertiaire inférieur ou éocène se « compose de deux étages distincts, dont le premier se réfère « aux sables du Soissonnais, et le deuxième au calcaire grossier « parisien. On voit, en outre , que les gisements salifères du « Tell, dans cette même province, sont une dépendance du « même terrain. » Nous ajoutions que , sans vouloir préjuger en rien l’âge des autres gisements salifères de l’Algérie, nous croyions avoir de bonnes raisons pour affirmer que les sels gemmes y étaient véritablement une dépendance de l’étage éocène , reconnais¬ saient une origine neptunienne, et occupaient une position nor¬ male dans la série stratigraphique. Ces conclusions étaient confirmées dans un travail plus ré¬ cent (2), où je dis que, depuis la publication de mon ouvrage de 1862, les nouvelles données dont l’histoire des terrains tertiaires s’était enrichie me permettaient d’être plus affirmatif, et que je n’hésitais pas à voir dans les gypses salifères africains que j’avais décrits l’équivalent du gypse de Montmartre. On connaît les rapports d’intime parenté qui existent entre les sels gemmes et les gypses. Ces derniers, à cause de leur solubilité moins grande dans les eaux qui les tiennent en dis¬ solution, précipitent les premiers et sont souvent les seuls re¬ présentants des formations salifères dans les terrains d’origine marine. C’est ainsi que, dans le midi de la France, l’existence du sel dans les gypses de l’époque keupérienne n’est dévoilée que par quelques sources salées ; mais, toutes les fois que se montre le chlorure de sodium, son satellite obligé est le gypse. Aussi, en Algérie, où les sulfates de chaux sont si abondam¬ ment répandus, on est presque certain que le plus grand nom¬ bre des gisements , grâce aux sources salées auxquelles ils donnent naissance, sont de la même époque que ceux des sels (1) Coquand, Description géologique et pnléontol. de la région sud de la province de Constantine} p. 143. (2) Coquand, Sur quelques points de la géologie de l’Algérie. — - Bull, de la Soc. géol.} t. XXIV, p. 388. NOTE DE M. GOQUAND. 441 gemmes. A part quelques rares dépôts de gypse remontant à la période crétacée, mais non salifères, que j’ai eu l’occasion d’observer dans le Tell (je ne parle pas de ceux du Sahara), tous les autres sont éocènes , et je remarque qu’il en est de même dans les provinces d’Alger et d’Oran, comme le démon¬ trent quelques citations que nous empruntons à l’ouvrage de M. Ville (1). Le gypse d’Oued -Tallout (p. 34) est accompagné d’une roche doléritique que cet ingénieur considère comme ayant fait irruption aussi bien à travers le terrain crétacé qu’à tra¬ vers le terrain quaternaire. Le gypse lui-même résulterait de la transformation du calcaire d’eau douce quaternaire par des vapeurs d’acide sulfurique. Mais , comme dans le fond de la vallée le gypse est associé à des marnes roses qui se couvrent d’efflorescences blanches de sel marin , et que les argiles du terrain tertiaire moyen apparaissent à 1,000 mètres d’un puits d’eau salée, sur les deux rives de l’Oued Tallout, il nous est permis, je crois, de considérer ce gypse salifère comme éocène , ainsi que le gypse de la Tafna inférieure, que M. Ville (p. 36) déclare s’enfoncer vers l’est et se cacher sous le terrain tertiaire moyen, et qu’à cause de sa stratification bien évidente il considère comme résultant de la transformation du calcaire tertiaire moyen par des vapeurs d’acide sulfurique, lors de l’apparition de la dolérite. Le gypse du Djebel Souliah (p. 37) est recouvert par des ter¬ res calcaires d’un blanc jaunâtre qui appartiennent au terrain tertiaire moyen. Les gisements gypseux du Marabout Sidi-Amor-el-Aïat , à 4 kilomètres S. E. d’Aïn-Temouchen (p. 38) , sont salifères et également recouverts par le terrain tertiaire moyen. Celui des environs de Sidi-Bel-Abbès (p. 40) est aussi en con¬ nexion avec le tertiaire moyen. Le gypse stratifié de Tessala (p. 45) appartient probablement au terrain tertiaire moyen , dont il constitue la base. Il en est de même de celui de la ferme d’Arbal qui donne naissance à une source saline. Nous aurions pu multiplier nos citations pour ainsi dire à l’infini et montrer par de nouveaux exemples les connexions intimes qui existent constamment entre les gisements de sel gemme et les gisements de gypse de la même époque, qui, (1) Ville, Notice minéralogique sur les provinces d'Oran et d'Alger. 442 SÉANCE DU 4 1 FÉVRIER 1868. nous le répétons, sont presque toujours salifères. Nous nous contenterons de mentionner que M. Ville reconnaît à ces der¬ niers deux natures différentes (p. 319) : «les uns sont associés c( à des roches d’origine éruptive et paraissent résulter de la « transformation du carbonate de chaux en sulfate de chaux « hydratée par l’action des vapeurs d’eau et d’acide sulfurique « qui auraient accompagné les éruptions volcaniques. La stra- « tificaiion est souvent assez indistincte dans les gîtes de cette « nature, ceux-ci ne constituant, en général, que des îlots très- « restreints qu’une force expansive semble avoir poussés de « bas en haut à travers les terrains stratifiés tertiaire et eré- « tacé. Le plus souvent ces gîtes métamorphiques indiquent la « zone de contact des terrains tertiaire et crétacé. « La deuxième catégorie des gypses comprend ceux qui se c< présentent en couches régulières, épaisses, d’une étendue cc souvent considérable. Ces couches sont intercalées, sans c< aucune espèce de dérangement, au milieu des autres couches « du terrain (argiles et calcaires). On ne voit dans leur voisi- « nage aucune roche d’origine éruptive. Ces couches de gypse « paraissent contemporaines des terrains stratifiés dans les- « quels on les observe. » Nous différons de l’opinion de M. Ville, en ce sens que nous n’admettons qu’une seule classe de gypses en Algérie, des gypses sédimentaires, tous contemporains des terrains qui les contiennent. L’association, sur quelques points, de roches plu- toniques avec certains dépôts gypseux ne me paraît être qu’un cas fortuit, qui a pu influer, il est vrai, sur leur dislocation, mais non point sur leur origine. Ainsi, l’éruption basaltique de Beaulieu, dans les environs d’Aix, qui a traversé le terrain gyp¬ seux, est postérieure à ce terrain et a été par conséquent sans influence sur la formation du sulfate de chaux. Nous avons eu l’occasion d’observer des faits analogues dans nos voyages dans la chaîne des Carpathes, et nous avons dé¬ montré (1) que, dans la Moldavie, les dépôts de sel gemme et de gypse sont incontestablement éocènes et par conséquent du même âge que ceux de l’Algérie; et la preuve que ce phéno¬ mène de précipitation de chlorure de sodium à cette époque est un fait géologique général, c’est que les sources salines de l’Apennin Bolognais et Modenais, que le gisement de sel (1) Coquand, Sur les gîtes de pétrole de la Valachie et de la Moldavie et sur l’âge des terrains qui les contiennent,™ Bull, Soc, géol.9 1. XXIV. NOTE DE SL COQUAND. m gemme de Lungro dans les Calabres, celui de Cardone dans les Pyrénées, que les sels gemmes dePétralia et de Casirogiovanni en Sicile, que les gypses avec soufre et sel gemme de cette île, sont tous une dépendance du terrain à Fucoïdes, ou sont de Pâge des gypses de Montmartre. C’est à la même époque que se rapportent les bassins de roches de sel gemme avec marnes gypsifères décrits parM. de Tchihatchef dans la Paphlagonie et le Pont (1), ainsi que les dépôts également salifères et gypsi¬ fères signalés dans le Kurdistan par M. Ainsworth (2). On sait qu’il existe dans la région des Hauts-Plateaux une série de lacs salés connus sous le nom générique de Choit ou de Sebkha. La route de Constantin e à Batna en traverse deux, le Sebkha Gharbia et le Sebkha Chergnia. Chaque année on y ré¬ colte du sel. Plus au sud s’échelonnent les Sebkha plus grands encore de Djendeli , d’Ânk-Djemel, d’El-Guellif et d’El-Tharf qui sont les salines naturelles servant à l’approvisionnement des Arabes. Le lac Fetzara, près de Bône , reçoit un affluent salé, l’Oued Mèlah, qui emprunte au terrain à Fucoïdes qu’il traverse le chlorure de sodium dont il est imprégné. On peut citer aussi le Sebkha du K’ssar chez les Kabyles de la rive droite du ruis¬ seau de ce même nom, et le Sebklia-el-Saida à l’ouest des mon¬ tagnes de Bougie , dont la longueur, suivant M. Fournel, n’est pas moindre de 15 à 18 lieues (comme le lac de Genève), sur une largeur moyenne de 3 lieues. L’évaporation naturelle des eaux procure des masses de sel. Dans la même province de Gonstantine, soit dans les vastes plaines des Nemenchas , soit dans les contre-forts méridionaux du Djebel Chechâr, qui sont presque entièrement composés de marnes salifères éocènes, nous traversions des Sebkha desséchés , dont le fond , un peu vaseux, était tapissé de cristaux de sel et de cristaux de gypse. La province d’Alger n’est pas moins riche en lacs salés. Le plus remarquable est sans contredit celui des Zharez qui se trouve entre le poste de Guelt-el-Settel et le poste du rocher de sel du Djebel Sahari. Le Zharez-Rharbi (occidental) n’a pas moins de 12 lieues de longueur sur 2 de largeur moyenne. En avril 1844, M. Fournel (3) le vit uniquement formé d’une im¬ mense croûte de sel dont la surface , polie comme une glace, avait produit de loin l’illusion complète d’une nappe d’eau. (1) Histoire des progrès de la géologie , t. Il, p. 964. (2) Histoire des progrès de la géologie , t. III, p . lès. (B) Fournel, Sur les gisements de muriate de soude , p. 28. 444 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. Cette croûte était de 0m,70 vers les parties centrales du lac. Le Zharez-Chergui (oriental) a 36 kilomètres de long sur 14 de largeur moyenne (1). Son eau recouvre un dépôt de sel cristal¬ lisé en trémies. D’après les calculs de MM. Fournel et Ville, la quantité de sel contenu dans le Zharez-Rharbi serait de 127 millions de mètres cubes, plus de 250 millions de tonnes, ou soit plus de 2 milliards et demi de quintaux métriques. Le Zharez-Chergui contiendrait 332 millions de tonnes de sel, ce qui fait pour les deux un total de 5 milliards et 882 millions de quintaux métri¬ ques. Le Zharez-Rharbi est alimenté par l’Oued Mèlah, qui prend sa source dans les environs de Djelfa , passe au pied de la montagne de sel et traverse des argiles salifères auxquelles il soutire la plus grande quantité du chlorure de sodium qu’il contient. M. Ville a constaté qu’un kilogramme d’eau de l’Oued- Rharbi, de la densité de 1,2147, contenait 268 grammes de sels divers. M. Louis Lartet (2) a trouvé pour les eaux delà mer Morte, sur 1,000 parties, 27,078 de résidu salin pour celles recueillies à la surface, 262,648 pour celles recueillies à 120 mètres de profondeur, et 278,135 pour les eaux provenant d’une profon¬ deur de 300 mètres. Les densités correspondantes sont 1,0216, 1,2225 et 1,2563. Cette simple comparaison indique déjà l’ana¬ logie qui existe entre la mer Morte et les lacs salins de l’Algé¬ rie. La seule différence que j’aperçoive entre eux ne consiste guère que dans une question de profondeur, laquelle entraîne comme conséquence la plus grande quantité de chlorures de magnésium et des bromures qui sont en dissolution dans le fond du lac Àsphaltite. Nous terminerons notre nomenclature des lacs salés par le Sebkha Nahma, dans la province d’Oran, dont la salure est due aux eaux qui sortent du Djebel Mèlah qui en est voisin. Tous les Sebkha que nous venons de mentionner étaient pri¬ mitivement d’eau douce; mais, comme les ruisseaux qui les alimentent traversent des terrains salifères et que pendant la sai¬ son d’été l’évaporation disperse une quantité d’eau plus consi- (1) Ville, Gîtes de sel en Algérie, p. 358. (2) Louis Lartet, Recherches sur les variations de salure de l’eau de la mer Morte en divers points de sa surface et à différentes profondeurs, ainsi que sur l’origine probable|des sels qui entrent dans sa composition. — - Bull, de la Soc . géol., t. XXIII, p. 731. NOTE DE M. COQUAND. 445 rîérable que celle qui leur est apportée pendant la saison d’hiver, il en résulte que ces lacs sont mis à sec sur la totalité ou la plus grande partie de leur surface, et que le sel cristallise en masses assez épaisses pour qu’on puisse les enlever au pic et à la pelle. Il serait donc illogique, pour expliquer la salure desSebkha, de recourir à l’intervention de sources thermo- minérales salines, liées à des phénomènes volcaniques et ap¬ portant avec elles de l’intérieur du globe le chlorure de sodium dont les lacs fermés sont chargés. Et cependant, quelle est la contrée plus riche en sources thermales, si ce n’est l’Algérie? On peut dire, d’une manière presque générale , que toutes les sources d’eau potable ou non y possèdent une température supérieure à la température moyenne des lieux d’où elles émergent, et, parmi ce grand nombre, à peine peut-on en citer deux ou trois qui soient vraiment salines, et encore avec un très-faible degré de salure , ce qui doit étonner, surtout dans une région où une très-vaste partie du terrain est occupée par des terrains salifères. M. Ville^l) a fait la remarque qu’il sort duTerrain secondaire des sources remarquables par la pureté des eaux. 11 annonce (p. 219) que les eaux du Tighaout sont limpides et d’un goût excellent, tant qu’elles n’ont traversé que des argiles schis¬ teuses assez dures et des bancs de quartzite; qu’avant de pé¬ nétrer dans le terrain tertiaire moyen elles commencent à se troubler, parce qu’elles coulent sur des marnes schisteuses se¬ condaires qui se désagrègent facilement, mais qu’elles devien¬ nent complètement louches, dès qu’elles pénètrent dans les marnes tertiaires, où elles se chargent de matières salines. Le même auteur (p. 230), en décrivant la zone argileuse du terrain tertiaire gypsifère que l’Oued Tighaout traverse dans toute sa largeur, dit que ses divers affluents lui apportent une grande quantité de substances salines résultant du lavage des roches tertiaires. On remarque souvent, à la surface de ces dernières, des efflorescences blanches de sulfate de magnésie et de sel marin. Les eaux ont généralement un goût saumâtre et sont désignées parfois, par les Arabes, sous le nom d’Aïn-Mèlah (source salée). Les analyses nombreuses qui ont été faites des eaux salées des Sebkha ont dévoilé tous les principes salins que l’on ren- (1) Ville, 'Notice minéralogique sur les provinces d'Oran et d'Alger . 446 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868, contre ordinairement dans les eaux de la mer. Jusqu’ici le brome (1) seul n’y a point été signalé, probablement parce qu’on ne l’y a point recherché encore, ou parce que , pendant l’hiver, les eaux douces étant très-abondantes, ce corps ne s’y trouve qu’en quantités inappréciables et qui échappent à l’ana¬ lyse, et que, pendant l’été, les Sebkha sont ordinairement à sec. 11 conviendrait de se livrer à des recherches spéciales à ce sujet, et alors je conseillerais de puiser les échantillons d’ex¬ périmentation dans les cunettes où , pendant les mois chauds de l’année, se rassemble le peu d’eau qui échappe à l’évapora¬ tion. Mais ce ne serait pas sans danger qu’on pourrait s’aven¬ turer au milieu des bancs liquides qui interdisent l’accès des dépressions du Chott où les eaux se réfugient. Nous n’avons parlé jusqu’ici que des montagnes de sel gemme et des gîtes gypso-salifères que l’on rencontre dans le Tell et dont la position, comme nous l’avons vu, correspond à l’éocène supérieur. Nous avons expliqué que cette grande abondance de chlorure de sodium et de sulfate de chaux n’était point spé¬ ciale à l’Algérie seulement, mais bien à une foule d’autres contrées où l’horizon des gypses de Montmartre était également caractérisé par des sels et par des gypses. La salure des Sebkha et des Oued Mèlah était la conséquence du lavage des sels et des argiles salifères par les eaux atmosphériques. 11 existe aussi en Algérie un second niveau de gypses et d’ar¬ giles salifères correspondant à l’étage pliocène qui constitue le sol de quelques montagnes qui bordent le Sahara lui-même. On sait que ce terrain , considéré par M. Desor (2) comme un relai de mer, ne remonterait pas, d’après cet éminentgéologue, au delà de la période de l’extension des glaciers. M. Ville le considère comme quaternaire, et, en attendant que son âge soit nettement fixé , il l’appelle terrain saharien. M. Dubocq (3) le rapporte à la partie supérieure du terrain tertiaire. C’est aussi mon opinion (4). L’examen des échantillons des terrains forés (1) M. Brossard, qui a si bien décrit les terrains de la subdivision de Sé- tif et qui s’est livré à de nombreuses recherches sur le Chott du Hodna, m’a assuré que la présence du brôme avait été positivement reconnue dans les eaux de ce lac. (2) Desor, Le Sahara , ses différents types de déserts et d'oasis. (3) Dubocq, Constitution géologique des Zihân et de l'Oued Kir, p. 75. (4) Goquand, Description minér. et pal, de la région sud de la province de Constantine, NOTE DE M. COQUAND, 447 dans les puits du Sahara conduit M. Tissot (1) à rapporter à l’étage pliocène presque toutes les nappes qui ont donné des eaux si abondantes dans un grand nombre d’oasis. Suivant M. Dubocq, le relief de cette formation s’abaisse de¬ puis Biskr’a, élevé de 411 mètres au-dessus du niveau de la mer, jusqu’au Chott-Melr’ir, où il n’est que de 28 mètres ; il se relève ensuite , présente une hauteur de 54 mètres à Tug- gurth, et se continue par une série de plaines et de collines jusqu’à Ouargla, où le pliocène s’appuie sur la formation se¬ condaire. Ce bassin fermé qui paraît s’étendre, à l’est, jusqu’au bord de la mer , se compose d’assises horizontales ou très-peu inclinées, formées par la môme succession de bancs de marnes, de gypses, de calcaires, d’argiles et de grès, avec bancs de pou- dingues intercalés. Je ne pense pas qu’aucun observateur ait signalé jusqu’à présent l’existence du sel gemme dans la plaine saharienne des possessions françaises ; mais le chlorure de sodium ne s’y trouve pas moins répandu en très-grande abondance, car il imprègne les sables, les gypses et les argiles du terrain ter¬ tiaire, à la surface duquel se montrent partout des efflorescen¬ ces salines , et où les tamarins poussent aussi avec une grande vigueur. Les eaux du Sahara sont presque toutes saumâtres. Le gypse se trouve presque partout. Le sondage de Tuggurtb a indiqué un banc de 20 mètres 35 centimètres, celui de Bard’ad une épaisseur de 27 mètres 42 centimètres. D’ailleurs, dans les sentiers suivis par les caravanes, on recoupe à chaque pas des bancs de gypse blanc qui constituent un sol dallé et uni sur des espaces quelquefois très-considérables. Les parties basses du Sahara et surtout les dépressions qui existent au- dessous du niveau de la mer sont occupées par des Chott dont le plus étendu est le Chott Melr’ir, dans lequel se réunissent toutes les eaux des Zibân et de l’Oued Djedi. Il constitue un bassin fermé et séparé de la mer actuelle. Le vaste marais salé qui occupe le fond de ce bassin se continue, suivant M. Du¬ bocq, du 4e au 7e degré de longitude est, jusqu’à 70 kilomètres du golfe de Gabès, en traversant les oasis du Bled-el-Djerid et du Nifzaoua, et sa hauteur montre qu’il ne pouvait communi¬ quer autrefois avec la mer. On ne rencontre, au reste, toujours d’après le même observateur, sur les bords du lac Melr’ir et (1) Forages artésiens exécutés dans la 'province de Constantine , p. 50 ; 1864, 448 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. sur les terrains qui s’étendent du lac central au pied des mon¬ tagnes, aucune laisse de mer qui puisse faire supposer que l’es¬ tuaire de ce marais ait été oblitéré, depuis les temps historiques, par les collines de sable qui bordent le golfe de Gabôs, et que l’évaporation solaire ait épuisé successivement les eaux de cette mer intérieure. La salure des eaux du Chott qui le couvre, après la saison des pluies, d’une croûte d’efflorescences, ne peut également être invoquée; on doit l’attribuer au dépôt de ma¬ tières salines dont les eaux se chargent dans leur parcours et qu’elles abandonnent ensuite, lorsqu’elles sont absorbées par les rayons solaires, ainsi qu’on l’observe pour tous les bas¬ sins fermés de l’Algérie. Il est juste, toutefois, de faire remarquer ici, que depuis la visite de M. Dubocq on a découvert, dans les terrains qui en¬ tourent le Chott Melr’ir, de nombreux exemplaires du Cardiwn edule , et que M. Desor a tiré de la présence de cette coquille, qu’il considère comme spéciale aux eaux saumâtres, la consé¬ quence que le Sahara était occupé tout récemment encore par une mer que des affluents d’eau douce ont dessalée peu k peu. Nous avons dû indiquer (1) que Cardium edule était, avant tout, la coquille caractéristique par excellence de tous les terrains pliocènes connus, que son analogue vivait aujourd’hui dans l’é¬ tang de Lavalduc, près des Martigues, dont le degré de con¬ centration des eaux variait, suivant les saisons, de 13 à 22°, étang qui peut être comparé au Chott Melr’ir, dont le fond est constamment recouvert d’une croûte de sel assez considérable, et que l’abondance du gypse et des argiles salifères dans toute l’étendue du Sahara fournissait des arguments diamétralement opposés à la thèse soutenue par M. Desor. Il est évident que, si la mer saharienne s’était dessalée par suite de l’invasion d’une quantité extraordinaire d’eau douce, le gypse et le sel, loin de se précipiter d’eux-mêmes, ce qui n’arrive que lorsque les eaux sont parvenues àla limite extrême de saturation, seraient restés, au contraire, en dissolution dans ces mêmes eaux allon¬ gées. Quoi qu’il en soit de ces diverses questions relatives à l’âge du terrain du Sahara, nous voyons que l’existence de lacs salés liée à la présence du chlorure de sodium dans ce terrain, ainsi que nous l’avons vu pour le Tell, et que les Chott des Hauts- (l)Goquand, Sur quelques points de la géol, de l'Algérie . NOTE DE M. COQÜAND. 449 Plateaux, comme ceux du Désert, sont dus à une cause identi¬ que; seulement, dans les premiers, les bancs qui livrent le chlorure de sodium aux eaux douces sont éocènes, tandis qu’ils sont pliocènes dans le second. Cette théorie, qu’il me paraît bien difficile de contester, s’applique également aux lacs salés que l’on a signalés sur d’autres points du globe. Ainsi, le lac Urmiah, dans l’Arménie, qui a 200 lieues carrées de surface et dont les eaux contiennent 22,3 pour cent de ma¬ tières salines, était considéré par M. Dubois comme un des fragments de la mer antique, une petite Méditerranée plus ou moins salée, qui aurait été soulevée avec les montagnes de l’Arménie. Or, son grand degré de salure est expliqué bien plus naturellement par les masses immenses de sel que renferment les montagnes dans le voisinage du lac. Le lac Elton est à 7 mètres 80 au-dessous du niveau de la mer Noire, et il renferme 29,13 pour cent de matières salines. M. de Verneuil fait observer avec raison qu’il est situé sur le zechstein, dans lequel on rencontre fréquemment le sel gemme. M. Frémont a décrit les bords salés du lac Utah, placé à 1,280 mètres au-dessus du niveau de l’océan Pacifique, dans les montagnes Rocheuses, et il attribue la salure de ses eaux à des bancs de sel très-considérables que l’on observe au sud. La salure de la Caspienne, ou du moins des nombreux lacs salés qui l’entourent, n’a pas, suivant moi, d’autre origine. Hommaire de Hell ne voyait dans ces lacs que des relais de mer et dans la dépression de la Caspienne qu’un abaissement de son niveau par suite d’une évaporation rapide après sa sépa¬ ration de la mer Noire. Mais la salure de cet immense lac, pri¬ mitivement d’eau douce, trouverait une explication plus scien¬ tifique dans l’existence et dans la dissolution successive de bancs de sel gemme de son voisinage; or, d’après M. Felker, la rive orientale de la Caspienne, à partir de Karrassou et en remon¬ tant vers le nord, est couverte de lacs salés. Le sel gemme est exploité dans l’île de Tchéliken et dans la presqu’île de Dar- djey. L’île d’Ogourtchiaski, une des plus étendues de cette mer intérieure, renferme une couche de sel. Tous les lacs salés que j’ai eu occasion d’étudier dans la Mol¬ davie et dans la Yalachie empruntent journellement leur chlo¬ rure de sodium aux sels en roche ou aux argiles salifères qui Soc. géol 2e série, tome XXV. 29 m SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. leur sont subordonnées. Les lacs salés exploités des bords de la mer Noire sont absolument dans la même catégorie. On sait que M. Bertou et d’autres observateurs après lui ont vu l’unique source de la salure de la mer Morte dans les monta¬ gnes de sel que l’on observe dans son voisinage. M. Louis Lartet, qui nous a donné sur la constitution géologique du lac Asphal- tite et sur ce lac lui-même des détails si intéressants et si in¬ structifs, a parfaitement établi, d’accord en cela avec beaucoup d’auteurs recommandables, que la mer Morte n’a jamais pu communiquer anciennement, ni avec la Méditerranée, ni avec la mer Rouge, et qu’elle n’a été, dès l’origine, qu’un réservoir d’eaux atmosphériques dont la salure empruntée à des circon¬ stances environnantes s’est de plus en plus accrue sous l’in¬ fluence d’une immense évaporation (4). L’auteur comprend dans ces circonstances environnantes deux causes qui peuvent influer sur la salure du lac, une, se¬ condaire, se rattachant au voisinage du Djebel Mèlah, et l’au¬ tre, plus importante, liée à l’existence de sources salées an¬ ciennes et disparues, et dont celle d’Emmaüs ne serait qu’un représentant affaibli. Ces sources, dont la réalité est loin d’être démontrée, en connexion d’origine avec les phénomènes vol¬ caniques dont le sol de la Palestine et de la Syrie a été autre¬ fois le théâtre, ont dû acquérir une énergie et une richesse sa- lifère dont celles d’entre elles qui n’ont pas disparu à la suite de cette crise souterraine ne nous ont conservé qu’une faible image (2). Les eaux d’Emmaüs contiennent de 1,731 à 2,132 de chlo¬ rure de sodium et de potassium ; de plus, M. Anderson y a dé¬ couvert le brôme, mais en trop petite quantité pour pouvoir le doser; or, comme dans la mer Morte le brôme atteint le chiffre de 7 grammes, 093 par kilogramme d’eau, M. Louis Lartet tire de cette analogie de composition la conséquence que la salure du lac était plutôt due au chlorure de sodium apporté par des courants salino-thermaux qu’aux masses de sel du Djebel- Usdoum dans lequel l’analyse n’a point signalé du brôme. Il sera permis de faire remarquer que l’existence du sel dans une source qui traverse des terrains éminemment salifères n’a (1) Louis Lartet, Formation du bassin de la mer Morte et changements sur¬ venus dans le niveau de ce lac. — Bull, de la Soc. géol ., t. XXII, p. 463. •; (2) Louis Lartet, Recherches sur les variations de salure de Veau de lq w,er Morte , etc., p. 766. NOTE DE M. GO QUAND, 45! rien qui doive étonner beaucoup; on en cite quelques-unes en Afrique. Seulement, il s’agirait de préciser au juste si ce sel est emprunté aux réservoirs intérieurs du globe, ou bien aux cou¬ ches des terrains traversés. Je comprendrais à la rigueur que, I si, sur les bords de la mer Morte, il n’existait pas des dépôts de sel gemme et de vastes terrains argileux imprégnés de chlo¬ rure de sodium, dont la dissolution ou le lavage, pendant un i nombre indéfini de siècles que la géologie est incapable de supputer, mais qui, dans tous les cas, remonte bien au delà de I la chronologie mosaïque, ont eu pour résultat d’apporter un | tribut continuel d’eaux salées au lac, je comprendrais, dis-je, qu’à l’aide d’idées théoriques on pût recourir à l’intervention de sources salées. On a constaté la présence du brôme dans presque toutes les eaux salées provenant des gisements de sel gemme des marnes irisées; or, si les sels gemmes elles gypses stratifiés du keuper sont contemporains des couches qui les renferment, d’origine simplement neptunienne, ainsi que le démontre leur alternance avec des bancs fossilifères, et comme cela est démontré également à mes yeux pour les sels gemmes des Carpathes et de l’Algérie, il me paraît inutile de recourir à des phénomènes de sublimation ou à l’intervention de sour¬ ces thermo-salino-brômurées pour expliquer l’existence du sel et des autres substances qui se trouvaient déjà dans les mers au fond desquelles le trias a été déposé. C’est comme si on ar¬ guait aujourd’hui de la présence du brôme dans les eaux con¬ centrées des étangs fermés de Lavalduc et de Citis, dans le dé¬ partement des Bouches-du-Rhône, et au fond desquels le sel et le gypse se déposent spontanément pendant les années de grande sécheresse, pour refuser à ce sel une origine simple¬ ment neptunienne, et admettre que la salure et le brôme de ces étangs sont dus à des sources salines, opinion qui a été émise d’ailleurs, mais qui n’a pas môme besoin d’être réfutée. Le Chott Melr’ir dont, d’après les dernières recherches de M. Henri Duveyrier, la surface est bien autrement grande que la mer Morte, et les Zahrez dont le fond est tapissé aussi d’une croûte de sel cristallisé, ne doivent leur salure qu’au lessivage des terres salées que parcourent les eaux qui les alimentent. Le brôme existait, d’après M. Brossard, dans le Sebkha du Hodna qui est plus grand que le lac de Genève. Il ne voit pas dès lors en quoi la mer Morte, au point de vue de la salure de ses eaux et de l’origine de cette salure, différerait des Chott et des Sebkha de l’Algérie, 452 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. J’ajoute que je trouve un motif de rapprochement de plus dans l’identité des terrains que l’on a signalés en Afrique et dans la Palestine. Les Heterodiadema libycum , Holectypus séria - lis et Ostrea flabellata , trouvés dans le bassin du lac Asphaltite, indiquent l’horizon carentonien des environs de Batna et de Tébessa. Les Ostrea Matheroniana et O. Fourneti , Coquand, re¬ cueillies par M. le docteur Perron dans le désert de l’Arabat, y annoncent la craie supérieure, telle qu’elle existe en Algérie, et c’est elle, d’après M. Louis Lartet, qui supporte les calcaires éocènes. C’est à la partie supérieure des calcaires crétacés qu’il place les bancs gypseux salifères et bitumineux des bords de la mer Morte, et notamment les couches puissantes de sel et de gypse du Djebel-Usdoum et de Zouwerirah-el-Foka (1). Si le sel, le gypse et les bitumes reposent au-dessus des cou¬ ches dordoniennes qui constituent le terme le plus élevé de la formation crétacée, je ne vois plus la possibilité de les intro¬ duire ailleurs que dans le terrain tertiaire, et alors ils devien¬ nent éocènes comme ceux de l’Algérie, des Carpathes, de la Sicile, de la Calabre, de Cardona, etc.; c’est d’ailleurs ce que semble reconnaître implicitement M. Lartet lui-même (2), en admettant que c’est à peu près à ce même niveau que se trou¬ vent dans l’Afrique française les bancs de sel et de gypse, ainsi que les bancs salifères de l’Arménie et de la Perse, dont l’âge éocène me paraît avoir été si nettement démontré par MM. de Tchihatchef et d’Arehiac. En résumé donc : 1° les gisements de sel gemme en Algérie sont d’origine sédimentaire et appartiennent tous à la période éocène supérieure, et sont par conséquent du même âge que ceux des Carpathes, de la Sicile, de la Calabre, de la Perse et de l’Arménie. 2° La salure des Oued-Mèlah, des Chott et des Sebkha est due à la dissolution du sel gemme et au lessivage des terrains sa¬ lifères. 3° Il existe deux terrains salifères en Algérie : celui du Tell qui est éocène et celui du Sahara qui est pliocène. 4° Les divers lacs salés (bords de la Caspienne et de la mer Noire, lacs de Yalachie, lac Urmiah, lac Yan, lac Elton, mer Morte) sont des Sebkha analogues à ceux de l’Algérie. (1) Louis Lartet, Formation du bassin de la mer Morte etc., p. 444. Ç2) Louis Lartet, Loc. cit.} p. 444, note B. NOTE DE M. SIMONIN. 453 5° Les lacs fermés des Bouches-du-Rhône ne sont pas des Sebkha; ce sont des portions détachées de la Méditerranée par un cordon littoral, dont la salure et le niveau inférieur à celui de la mer sont dus à une évaporation rapide de leurs eaux, et offrant la continuation des phénomènes qui ont donné nais¬ sance aux sels gemmes des marnes irisées et des terrains ter¬ tiaires. M. Simonin fait la communication suivante : Sur les mines d’or et d’argent du Colorado ; par M. L. Simonin. Je suis allé récemment visiter les mines d’or et d’argent du Colorado. Arrivé à New-York après neuf jours et demi de traversée, j’ai rejoint dans le Far-West\e chemin de fer du Pacifique, qui m’a conduit à 190 milles des mines. Ce dernier trajet s’est ef¬ fectué sans encombre à travers des tribus sauvages et hos¬ tiles. A diverses reprises, des savants avaient parcouru la chaîne des montagnes Rocheuses sans faire la découverte d’aucun filon, lorsqu’en 1858-59 des pionniers découvrirent l’or dans des placers, vers les sources de l’Arkansas. La nouvelle de cette dé¬ couverte se répandit rapidement, et les mineurs arrivèrent en foule. Un de ces mineurs, entrant dans les défilés des monta¬ gnes, y découvrit le fameux filon qui porte son nom, Gregory. Dans cette partie des montagnes Rocheuses et dans tout le Colorado, l’or existe dans des filons quartzeux, généralement orientés du N. E. au S. O. Ces filons sont compris entre des schistes métamorphiques anciens. Le noyau des montagnes Rocheuses est granitique. Les pionniers vinrent bientôt s’installer dans ces gorges sau¬ vages et y trouvèrent un grand nombre de gisements impor¬ tants. La loi américaine concernant l’exploitation des mines ac¬ corde au mineur qui a découvert un filon la propriété souter¬ raine sur 3,000 pieds de longueur, et seulement 1,500 pieds si l’exploitant n’a pas découvert la veine métallifère. Il existe une différence capitale sous ce rapport entre les lois américaine et française, cette dernière ne permettant l’exploi¬ tation que souvent très-longtemps après la demande en con- 434 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. cession. L’instruction de cette demande donne lieu à des en¬ quêtes très-longues, très-minutieuses, et qui souvent durent plusieurs années. On peut attribuer en grande partie aux lois libérales améri¬ caines le développement considérable de l’industrie minière, qui progresse tous les jours davantage dans le Far- West, les chercheurs y étant de plus en plus nombreux. J’ai recueilli partout dans les mines du Colorado des échan¬ tillons des filons que j’ai visités, et les essais par voie sèche m’ont toujours dévoilé la présence de l’or. Tout le versant oriental des montagnes Rocheuses est auri¬ fère, et à Gregory on a pu recueillir jusqu’à 20 et 30,000 fr. d’or par tonne de minerai traité. Ces rendements, il est vrai, sont tout à fait exceptionnels. Dans le Colorado les difficultés de traitement métallurgique sont quelquefois telles qu’on ne retire souvent que le tiers ou le quart de l’or contenu dans le minerai. On n’arrive dans aucun cas à en retirer la totalité. Dans ces minerais l’or est toujours combiné avec des sulfures métalli¬ ques, galène, pyrite de fer, de cuivre, blende, etc., tandis qu’en Californie il se trouve généralement à l’état natif disséminé dans une gangue quartzeuse. Il paraît que tous les procédés essayés n’ont donné jusqu’ici aucun bon résultat. Il reste donc une découverte importante à faire, permettant de retirer la totalité de l’or contenu dans les minerais. Voici les deux principaux procédés dont on fait usage ac¬ tuellement dans le Colorado : 1° On broie le minerai en poudre impalpable, puis on traite par le mercure, qui dissout tout l’or libre, qu’on extrait ensuite par la distillation. Ce procédé ne permet d’extraire que le quart de l’or contenu dans le minerai , quand le minerai n’est composé que de sul¬ fures. 2° On soumet le minerai à un grillage à mort , soit dans des fours à réverbère, soit dans des fours tournants. La matière grillée est traitée par le mercure ou est fondue. Dans ce dernier cas , on obtient des mattes qui sont envoyées à Swansea (pays de Galles) pour être travaillées par des procé¬ dés tenus secrets. Le transport de ces mattes revient à un prix très-élevé (1 franc par kilogramme). Il faut donc qu’elles soient très-riches. NOTE DE M. SIMONIN. 455 Le Colorado possède aussi des mines d’argent importantes, dont on traite le minerai par les procédés de chloruration alle¬ mande, par la fusion et la coupellation, quand ce sont des ga- ; lènes argentifères. Tout le versant occidental des montagnes Rocheuses contient des filons argentifères , qui sont la continuation de ceux que l’on rencontre au Mexique. En quittant ce dernier pays, la ligne métallifère se bifurque en deux, l’une se dirigeant vers la Sierra- Nevada, l’autre vers les montagnes Rocheuses. Au Colorado l’on rencontrera probablement le parallèle du célèbre filon de Comstock fouillé à Nevada. L’exploitation de ces filons est conduite comme celle des mines anglaises. Les procédés employés n’offrent rien de parti¬ culier. Pour se débarrasser des eaux, on emploie des galeries d’écoulement ou des pompes. La plus grande difficulté que l’on rencontre dans le travail souterrain tient à la grande élévation des affleurements. Les mines d’or se trouvent généralement situées de 2,000 à 3,000 mètres d’altitude , et les mines d’argent à des altitudes encore plus considérables, 3,000 à 3,500 mètres. Les neiges, a ces hauteurs, coupent pendant plusieurs mois toute commu¬ nication avec les vallées, et les mineurs passent généralement l’hiver dans les montagnes. L’exploitation des mines d’or et d’argent de ces contrées est appelée à coloniser un pays immense. Les Peaux-Rouges sont refoulés peu à peu vers des cantonnements ou lieux de réserves que le gouvernement leur assigne. Cependant plusieurs tribus résistent et refusent de signer aucun traité avec les blancs. Les États-Unis produisent maintenant autant d’or que toutes les autres contrées du globe ; et la production en argent des mines de Nevada est aussi grande que celle de toute l’Amérique espagnole. Pendant la guerre de sécession, la production totale a été de 5 à 600 millions d’or et d’argent; en 1867, de 400 millions seulement. Ce ralentissement dans la production tient aux luttes continuelles que les colons ont eues à soutenir contre les tribus sauvages et aux difficultés des traitements métallurgiques qui ont arrêté l’essor de beaucoup d’exploitations. La production d’or de la Californie va constamment en dimi nuant depuis quelques années. Celle du Colorado et d’autres territoires (l’Idaho, le Montana, etc.) vient de rétablir l’équi¬ libre. 4o6 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. Il n’est peut-être pas sans intérêt de rappeler ici les dernières paroles prononcées par le Président Lincoln au sujet des mines de métaux précieux du grand Ouest américain : « Les Etats-Unis sont le trésor du globe. » Il est juste aussi de remarquer en finissant que c’est le Colo¬ rado qui, à l’Exposition internationale de 1867, à Paris, a rem¬ porté une des grandes médailles d’or données aux produits minéraux. Cette communication amène quelques observations de M. Marcou, qui dessine sur le tableau une coupe géologique des montagnes Rocheuses prise par 35e de latitude septen¬ trionale. M. Tombeck fait les deux communications suivantes : Note sur le terrain portlandien de la Haute-Marne ; par M. Tombeck. Dans la note que j’ai eu l’honneur de présenter à la Société dans la séance du 17 janvier 1867, à propos du travail de M. Pellat sur les terrains portlandiens du Boulonnais, j’éta¬ blissais, ainsi que M. Pellat l’avait avancé lui-même : 1° Que le terrain portlandien inférieur de la Haute-Marne (calcaires lithographiques , marnes et calcaires compactes) correspond , par l’ensemble aussi bien que par la succession de ses fossiles, à la partie inférieure du portlandien de Bou¬ logne (couches à Ammonites gigas et à Trigonia Pellati ); 2° Que le portlandien moyen de la Haute-Marne (calcaires cariés, calcaires gris verdâtres inférieurs et calcaires tubuleux) représente au point de vue stratigraphique comme au point de vue paléontologique, la partie supérieure du portlandien in¬ férieur de Boulogne (niveau de Terlinchthun, couches à Natica Marcousana) ; 3° Enfin, que le portlandien supérieur de la Haute-Marne (oolithe vacuolaire et bancs verts supérieurs) où les fossiles sont rares, sinon comme échantillons , au moins comme espèces, correspond probablement au portlandien supérieur de Bou¬ logne, bien que M. Hébert et M. de Loriol inclinent à y voir le représentant des Purbeck-beds. Il résulte de là que le portlandien moyen de Boulogne et peut-être le portlandien supérieur manqueraient complètement NOTE DE M. TOMBECK. 457 dans l’Est, ou n’y auraient pour équivalents que des roches va¬ riables de constitution et d’aspect, et absolument sans fossiles. A ces premières indications je dois ajouter que, depuis ma note, j’ai pu, sur plusieurs points, et notamment entre Dom- martin-le-Franc et Morancourt, constater immédiatement au- dessus des calcaires tubuleux, une couche de 50 centimètres de conglomérat, ou mieux de véritables cailloux roulés, surmon¬ tée d’une couche de même épaisseur de détritus de coquilles tout à fait indéterminables. A Sommelonne, au contraire, le premier banc d’oolithe vacuolaire repose immédiatement sur le calcaire tubuleux, tandis qu’à Wassy et à Rocbe-sur-Marne, entre le calcaire tubuleux et Poolithe vacuolaire, on trouve une assez grande épaisseur de couches ou compactes ou schistoïdes, ou même cristallines. — Il y a donc là la preuve, sinon d’une émersion complète du sol de la Haute-Marne après le dépôt du calcaire tubuleux, au moins d’une interruption dans les dépôts réguliers et de mouvements désordonnés des eaux. On s’ex¬ plique ainsi que, tandis que la faune portlandienne continuait son évolution dans le Boulonnais , elle avait déjà cessé d’exis¬ ter dans l’Est, et de là la lacune signalée dans cette dernière région. On voit aussi par là, que c’est bien au-dessus du calcaire tu¬ buleux que l’on doit arrêter le portlandien moyen dans l’est la France, contrairement à l’opinion de MM. Buvignier et Cor- nuel, qui rattachaient cette assise à Poolithe vacuolaire et aux bancs verts supérieurs; et cela concorde avec cet autre fait déjà signalé dans ma première note, que les calcaires tubuleux et les bancs verts inférieurs se relient bien plus par leurs fossiles aux couches sous-jacentes qu’à Poolithe vacuolaire et aux bancs verts supérieurs. J’ajouterai encore que si,d ’ordinaire,on ne trouve dans Poolithe et les couches où elle est intercalée que les six fossiles décrits par M. Cornuel, Cyrena fossulata , Mytüus subreniformis , Arn¬ ould subrhomboidalis , Pholadomya parvula , etc. , dans une course récente il m’a été donné d’y recueillir avec la Cyprina j fossulata , un grand Mytile, uneTrigonie, un Céritbe, une Na- ; tice. Si l’on y joint VOstrea spiralis et la Gervillia linearis, que I j’ai déjà citées dans ma première note, et les fossiles marins que cite M. Buvignier, il faudra bien admettre que les couches de ce niveau sont un dépôt franchement marin, et qu’il n’est guère possible de les assimiler auPurbeck. m SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868, Note sur les terrains coralliens et kimméridiens de la Haute- Marne ; par M. Tombeck, Les terrains kimméridiens et coralliens de la Haute-Marne sont connus par deux notes de M. E. Royer, présentées à la Société en 1845 et 1851, par les comptes rendus de la réunion extraordinaire tenue aux environs de Joinville, en 1856, et enfin par la notice explicative de la carte géologique de la Haute- Marne de MM. Royer et Barotte. Mais d’une part les notes de M. Royer, quant à la partie pu¬ rement descriptive, sont très-succinctes, et les listes de fossiles qu’elles donnent sont déjà anciennes. D’autre part, l’étude de la Société en 1856 a été forcément locale et restreinte , et les fossiles indiqués au compte rendu pour chaque niveau sont trop peu nombreux pour permettre aucune comparaison avec d’autres contrées. De plus, la Société n’a pas étendu son étude au terrain kimméridien. Quant à la notice qui accompagne la carte géologique de MM. Royer et Barotte, elle est aussi très-succincte, et ne donne aucune liste de fossiles. J’ai donc cru opportun, à l’instant où MM. Pellat et Michelot viennent de faire à la Société leurs communications si intéres¬ santes sur les terrains coralliens du Boulonnais, de rapprocher de leurs descriptions celle du terrain corallien de la Haute- Marne, qui, ainsi que l’a déjà remarqué M, Pellat, a avec celui du Boulonnais de si grandes affiinités. J’y ai joint la description du terrain kimméridien , en sorte que cette note est la suite et le complément de ma note du 17 janvier 4867. ÉTAGE CORALLIEN. L’étage corallien se décompose dans la Haute -Marne en quatre sous-étages distincts: 1 0 les couches à Cidaris florigemma ; 2° Voolithe de Doulaincourt ; 3° le Corallien compacte ; 4° enfin l’oolithe de Lamothe-en-Blaizy. 1° Couches à Cidaris florigemma . — Elles sont formées de cal¬ caires grumeleux grisâtres, que le temps seul et les agents atmosphériques parviennent à désagréger, et qui deviennent plus ou moins marneux à la base. On les voit s'élever sur les marnes oxfordiennes à Ostrea dilatata , à Roche-sur-Rognon, NOTE DE M« TOMBECK. 4o9 Briaucourt, Chassigny, etc. Ces calcaires grumeleux, qui forment par places des escarpements au-dessus des côtes qu’ils sur¬ montent, ne peuvent être mieux comparés qu’à d’anciens récifs où abondent les polypiers, les oursins, les brachiopodes, les Encrines, etc., et où, en revanche, on ne trouve aucune trace de céphalopodes. Les principaux fossiles de ce niveau sont : Peden subarticulatus (d’Orb.) — • MorèaŸius (BuV.) Waldhèimia delemoniiaha (Opp.) Megerlia pcdunculus, Megerlia Fleu- riausana. Rhynchortella inconstans (d’Orb.) Terehratula insignis (Schub.) Terehratula Richardiana (d’Orb.) Glypticus hieroglyphicus . Cidaris florigemma. Pseudodiadema subangulatum. . Hemicidaris crenularis (Ag.) Stomechinus lineatus, etc. L’épaisseur des calcaires grumeleux dépasse 40 mètres sur certains points. 2° Oolithe de Doulaincourt. —Cette oolithe, d’un blanc crayeux et d’une stratification confuse comme il convient à un dépôt littoral, est tantôt à grain fin et serré, et alors elle est exploitée comme pierre de taille; tantôt les grains qui la composent sont gros et irréguliers, et, sans leur nature pisolithique, on les pren¬ drait pour des cailloux roulés ; tantôt enfin les Dicérates et autres fossiles y sont tellement abondants que la masse en est en quelque sorte pétrie tout entière. Les localités les plus belles pour l’étude de ce niveau sont les fahaises qui bordent la route de Doulaincourt à Andelot, de part et d’autre de Doulaincourt. On peut aussi l’étudier dans la falaise de Bettaincourt et à la ferme du Heu. À Bettaincourt, ses assises supérieuses alternent avec des bancs plus on moins épais de calcaires compactes régulièrement stratifiés, et elles s*y terminent par un lit d’oolithe grossière, de \ mètre d’épaisseur, pétrie de Cérithes, et que M. Hébert, qui l’a étudiée, compare à la couche à gastéropodes de Saint- Mibiel. L’épaisseur totale de l’oolithe de Doulaincourt peut, sur cer¬ tains points, aller jusqu*à 80 mètres. Parmi les nombreux fos¬ siles qu’on y trouve, je citerai : Nerita canalifera (Buv.) Natica hemisphœrica (d’Orb.) Nerinœa contorta (Buv.) — • castor (d’Orb.) — depressa (d’Orb.) — Crithea (d’Orb.) Chemnitzia Cœcilia (d’Orb.) Purpura Moreana (d’Orb.) Acteonina DorMoisiana (d’Orb.) Diceras arietina (Lamk.) 460 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. Biceras simstra (Desh.) Mytilus petasus (d’Orb.) Ostrea solitaria (Sow.) Cardium septiferum (Buv.) Terebratula insignis (Schub.) Cidaris florigemma. Cardium corallinum (Buy.) Hemicidaris crenularis (A g.) Et de nombreuses espèces de polypiers. Les deux étages que je viens de décrire ne sont pas con¬ stants. Déjà à Vouécourt, à peu de distance du point où l’oolithe a son développement maximum, elle est considérablement ré¬ duite, et, sur l’autre rive de la Marne, l’oolithe et les calcaires à Cidaris florigemma manquent complètement. Il en est de même dans tout l’ouest du département. Je dois ajouter queM. Royer, dans ses notes précédemment citées, décrit une marne bleuâtre sans fossiles qu’il donne comme synchronique de la couche à Cidaris florigemma et de l’oolithe de Doulaincourt. — Cette même marne est désignée dans la carte géologique de la Haute-Marne de MM. Royer et Barotte sous le nom de corallien marneux , et indiquée comme supérieure à l’oolithe. J’ai vu le corallien marneux sur plusieurs points, et notam¬ ment dans le chemin creux qui mène de Vouécourt à la ferme du Heu. Là, tandis que dans la partie supérieure du ravin on voit le corallien compacte, que nous décrirons plus loin, présen¬ ter à peine quelques lits de marne calcaire, et alterner à sa base avec les dernières couches de i’oolithe corallienne, dans la région ouest du ravin, au-dessus des vignes du village, on voit le même corallien compacte se transformer à sa hase en une véritable marne bleue, où les fossiles sont rares, et qui n’est autre chose que le corallien marneux de MM. Royer et Barotte. — Ces marnes reposent elles-mêmes sur l’oolithe corallienne. On doit donc les regarder, non comme l’équivalent del’oolithe et des couches à Cidaris florigemma , ainsi que le pensait d’a¬ bord M. Royer, mais comme une modification latérale, un sim¬ ple faciès marneux du corallien compacte. Cependant dans les régions où l’oolithe et les couches à Cida- ris florigemma manquent complètement, à Maranville, par exemple, à Villars, etc., peut-être ne serait-il pas téméraire d’admettre que les marnes se déposaient déjà, quand ces cou¬ ches se déposaient ailleurs. Ces marnes, ou plutôt leurs pre¬ mières assises, représenteraient alors le dépôt effectué dans la haute mer dont la couche à Cidaris florigemma et l’oolithe consti¬ tueraient le dépôt littoral. 3° Corallien compacte, — Ce sous-étage qui est la partie con- NOTE DE M. TOMBECK. 461 stante du corallien de la Haute-Marne est composé d’assises très-variées. Tantôt il est formé de calcaires grisâtres ou jau¬ nâtres, presque lithographiques comme à Saucourt, d’autres fois, ces calcaires deviennent marneux et friables comme à Voué- court et à Villers-sur-Marne, et alors ils sont pétris de fossiles. A plusieurs niveaux on y trouve des bancs de calcaire subooli- thique, et parmi ces derniers il faut citer un banc très-constant d’oolithe roussâtre qui en occupe la partie moyenne, et que MM. Royer et Barotte ont appelé l’oolithe de Saucourt. Enfin, on y trouve parfois des bancs de marne schistoïde. — L’épais¬ seur de toutes ces couches, sur certains points, dépasse 50 mè¬ tres. Ce qui distingue surtout les fossiles de ce niveau, c’est leur aspect kimméridien. Pourtant, avec un peu d’attention on ar¬ rive à reconnaître qu’ils diffèrent des fossiles analogues de l’é¬ tage kimméridien. Ainsi, une grande Céromye, voisine de la Ceromyaexcentrica, en diffère en ce que ses côtes sont plus serrées et présentent un sinus qui n’existe pas dans l’autre. Une Céromye plus petite rappelle la Ceromya obovata , mais s’en distingue par ses crochets plus longs et plus recourbés, et par sa forme moins globuleuse. Un Mytile voisin du Mytilus Medus, en diffère en ce qu’il est moins long et plus recourbé; ses ornements présentent d’ail¬ leurs des différences notables. Il se rapproche bien plus d’un grand Mytile plissé du corallien supérieur de Maranville. Une Trigonie, voisine de la Trigonia Baylei, est moins allongée, et ses côtes crêtées sont plus grêles et plus espacées. Elle res¬ semblerait plutôt à une Trigonie oxfordienne de Yieil-Saint- Remy. Une Térébratule, qu’on pourrait confondre avec la Terebratula humeralis, est plus large et moins bombée. Enfin, une grande Huître plate pourrait être au premier abord prise pour VOstrea deltoidea; mais la forme de son crochet et la position de son impression musculaire suffisent pour l’en dis¬ tinguer. C’est probablement l’espèce que M. Pellat a rencon¬ trée à un niveau analogue à Boulogne, et qu’il a appelée Ostrea subdeltoidea. Des différences pareilles s’observent entre une grande Né- rinée et un Ptérocère du corallien compacte de Vouécourt et les fossiles analogues de l’étage kimméridien. A côté de ces fossiles, et au milieu de beaucoup de fossiles 462 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868, spéciaux à ce niveau, il faut citer dans le corallien compacte des fossiles notoirement coralliens, tels que Terebratula insignis (Sch.) Cidaris florigemma , etc, Rhynchonella inconstans (d’Orb.) Glypticus hieroglyphicys. Rhynchonella corallina , et d’autres qui se retrouvent réellement dans l’étage kimméri- dien, mais qui sont partout communs à l’étage corallien et à l’étage kimméridien, tels que Ostrea solitaria (Sow.) I Pinnigena Saussurii, etc, Myiilus subpectinatus (d’Orb.) il n’y a donc aucune raison pour distraire les couches dont nous nous occupons de l’étage corallien, et pour les rattacher à la partie inférieure de Tétage kimméridien, lors même qu’on n’y serait pas conduit par la nature franchement corallienne du sous-étage qui vient au-dessus. 4° Oolithe de Lamothe. Cette assise, qui termine l’étage co¬ rallien de la Haute-Marne, atteint son maximum de développe¬ ment (8 à 10m) dans la vallée de la Haute-Biaise, à Curmont, à Lamothe-en-Blaizy, àLaChapelle-en-Blaizv, etc. Certains bancs en sont composés d’oolithe à gros grains à peine agglutinés, et sont pétris de fossiles, roulés pour la plupart. D’autres bancs, formés d’oolithe à grains fins, sont exploités comme pierre de taille. Ailleurs, comme dans la vallée de la Marne et celle du Rognon, cette oolithe devient subcompacte; néanmoins, on la retrouve toujours au-dessous du calcaire à Astartes, notamment à Bettaincourt, où elle renferme, comme à Lamothe, de nom¬ breuses Nérinées. Parmi les fossiles de ce niveau, il faut citer : Nerinœa Mariœ (d’Orb.) Besvoydii (d’Orb,) — Moreana (d’Orb.) Orthostoma giganteum (Buv.) Rhynchonella inconstans (d’Orb.) Lima rupellensis (d’Orb.) Ostrea solitaria (Sow.) Ostrea Moreana (Buv.) Cardium corallinum (Buv.) Diceras anetina ? (Lmk.) Pinnigena Saussurii (d’Orb.) Trigonia Meriani (Ag.) — (voisine de la T, gibbosa.) Apiocrinus Roy ssy anus. ÉTAGE KIMMÉRIDIEN, L’étage kimméridien de la Haute-Marne peut être subdivisé @n trois sous-étages ; 4° le sous-étage inférieur ou des calcaire® NOTE DE M. TOMBEGK, 463 àAstartes; 2° le sous-étage moyen ou des marnes et calcaires à Cêromyes ; 3° le sous -étage supérieur ou marnes à Gryphées vir¬ gules. 1° Calcaire àAstartes - Ce sous-étage, que l’on a appelé ail¬ leurs l'Étage séquanien , en y joignant, sans doute à tort, quelques couches coralliennes ou kimméridiennes, n’a guère dans la Haute-Marne que 42 à 15 mètres de puissance. Il se compose de calcaires blancs jaunâtres, tantôt compactes, tantôt plus ou moins marneux. On peut l’étudier notamment à Curmont, à Donjeux, à Harméville. Ce qui le caractérise surtout , c’est l’extrême abondance, dans ses lits marneux, d’une variété de la Terebra- tula subsella et d’une petite Térébratule connue sous le nom de Terebratula humer alis. On y trouve aussi, plus rarement, une grande Huître deltoïde, mais qui paraît distincte de la véritable Ostrea deltoidea. Les principaux fossiles que j’ai recueillis à ce niveau sont, outre ceux que je viens de citer : Ammonites Achilles (d’Orb.) Nerinœa Gosœ. Natica hemispherica (d’Orb.) Rhynchonella . Diceras. Cardium corallinum (Buv.) Ostrea solitaria (Sow.) — bruntrutana (d’Orb.) Mytilus subpectinatus (d’Orb.) Pinnigena Saussurii (d’Orb.) Pinna granulata. Pholadomya Protei (Def . ) Pygurus Royerianus (Gott.) Hemicidaris . Holeciypus. Pseudodiadema. On voit par cette liste, que le calcaire à Astartes se rattache bien plus au terrain kimméridien qu’au terrain corallien. Il est vrai qu’en le limitant, comme je le fais, à une couche de marne jaunâtre grenue où abonde le Pygurus Royerianus , et que surmontent immédiatement les premières assises du kim¬ méridien moyen, avec leurs Ptérocères et leurs Cêromyes, je n'ai jamais trouvé de Gryphées virgules dans le calcaire à 4 s- tartes . Mais la présence, dans ce calcaire, de la Terebratula subsella , de la Terebratula humer alis, de la Pinna granulata , etc., en font réellement un membre du terrain kimméridien, contrai¬ rement à l’opinion de MM. Royer et Barotte, que la présence des Dicérates et du Cardium corallinum avait portés à le rat¬ tacher au terrain corallien. Du reste, le calcaire à Astartes de la Haute-Marne a la plus grande analogie, quant à la faune, avec le kimméridien infé¬ rieur du Havre que personne n’essaye de rattacher à l’étage co^ rallien. 464 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. 2° Kimméridien moyen. — Ce niveau, caractérisé principale¬ ment par les Céromyes, commence, immédiatement au-dessus du calcaire à Astartes, par une assise de calcaire blanc, com¬ pacte et presque lithographique, rempli de Ceromya excentrica, d 'Ostrea solitaria et de Ptérocères, et où apparaît pour la pre¬ mière fois V Ostrea virgula. Ce calcaire est surmonté par une très- grande épaisseur (50 à 60m) de marnes et de calcaires marneux, alternant avec des calcaires plus ou moins compactes. C’est la masse principale du terrain kimméridien. On peut l’observer à Donjeux sur la rive gauche de la Marne, à Fronville, à Har- méville, etc. Les principaux fossiles de ce niveau, sont : Ammonites orthocera (d’Orb.) — Cymodoce (d’Orb.) Aptychus lœvis-latus (Dolf.) Pterocera . Pseudomelania gigantea (de Lor.) Ostrea virgula (d’Orb.) — solitaria (d’Orb.) — bruntrutana d’Orb.) Pecten Dyonisius. Gervillia kimmeridiensis (d’Orb.) Trigonia muricata. Trigonia papillata . Area texta. Lavignon rugosa (d’Orb.) Thracia suprajurensis (Desh.) Ceromya excentrica (d’Orb.) — obovata (d’Orb.) Pholadomya hortulana. — Protei (Defr.) — acuticosta (Sow.). Rhabdocidaris Orbignyana (Gott.) Disaster granulosus. 3° Kimméridien supérieur. Ce niveau, qu’on peut étudier à Rupt, à Pancey, à Donj eux. etc. , est composé de marnes et d’ar¬ giles plus ou moins fossiles, dont l’épaisseur peut aller jusqu’à 25 mètres. Ces marnes qui, à la partie supérieure, alternent avec des calcaires marneux, viennent se terminer à l’assise de calcaire lithographique qui forme la base de l’étage portlandien , ainsi qu’on peut le reconnaître dans les carrières du village de Rupt, près Joinville. Beaucoup de fossiles rattachent ce sous-étage au précé¬ dent : Ostrea virgula (d’Orb.) — bruntrutana (d’Orb.) — solitaria (d’Orb.) Pecten Dyonisius. Lavignon rugosa (d’Orb.) Thracia suprajurensis (Desh.) Gervillia kimmeridiensis (d’Orb.) Pholadomya acuticosta (Sow.) — Protei (Defr.), etc. Néanmoins il s’en distingue par un grand nombre de fossiles spéciaux. Ainsi ce n’est qu’à ce niveau que j’ai trouvé 1 Mmmo- NOTE DE M. SEGUENZA. 465 nites longispina , tandis que Y Ammonites orthocera caractérise principalement le précédent. De même, ici l’on trouve la Trigonia suevica inconnue auparavant, tandis que les Trigonia muricata et papillata disparaissent complètement. De même enfin, les Géromyes, abondantes dans le sous-étage précédent, ne m’ont fourni aucun exemplaire dans celui-ci. Mais la grande masse des fossiles de ce niveau se compose principalement d’espèces inédites, parmi lesquelles plusieurs Ammonites, et d’un assez grand nombre de gastéropodes et d’acéphales. M. Hébert n’admet pas la transformation latérale de l’oo- lithe corallienne en marne; conduit à Soncourt par M. Royer lui-même, il n’a rien observé de semblable, et, jusqu’à pré¬ sent, la zone à Cidaris florigemma lui a paru ne faire défaut nulle part. Après quelques remarques de MM. Marcou et Levallois, M. deLapparent demande si l’oolithe àNérinées delà Haute- Marne ne serait pas identique avec celle du Boulonnais, qui est manifestement séquanienne, et avec celle de Saint-Yiie, que M. Jourdy rattache au même horizon. M. Tombeck répond qu’il ne croit pas devoir la séparer du corallien. Le Secrétaire communique la note suivante : La formation zanclêenne , ou recherches sur une nouvelle formation tertiaire; par M. J. Seguenza. Les nombreuses couches tertiaires qui reposent directement sur les roches cristallines des deux versants de la chaîne des monts Péloritains (Sicile) constituent plusieurs formations bien distinctes entre elles par tous leurs caractères géognostiques. A la partie supérieure, ce sont tantôt des couches sableuses contemporaines, s’élevant à peu de mètres au-dessus du ni¬ veau de la mer, et renfermant de nombreux restes d’animaux, dont les analogues vivent encore dans les eaux voisines ; ailleurs c’est un terrain de transport, d’une élévation considérable, et Soc. géot.} 2e série, tome XXV. 30 466 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. rappelant par sa couleur rouge-brune le lœss du centre de l’Europe. Au-dessous de ces roches, on trouve des conglomérats, des sables, ou des grès quartzeux et calcaires, de l’époque quater¬ naire, fort élevés au-dessus du niveau de la mer. Les fossiles que ces roches contiennent sont des espèces vivant actuelle¬ ment dans la Méditerranée et des espèces qui ne se trouvent plus dans cette mer, ou qui sont absolument perdues. Cette formation aux environs de Messine est caractérisée par l’abondance considérable des Pecten (1). Sur le versant oriental des montagnes Péloritaines, au-des¬ sous des roches quaternaires, il existe des couches calcaires presque entièrement formées d’une immense quantité de restes de brachiopodes (2). Ces roches appartiennent à l’étage supé¬ rieur de la série tertiaire. Sur le versant occidental des mêmes montagnes la roche calcaire est remplacée par de puissants dépôts de sables jaunes, au-dessous desquels on trouve les argiles bleues suba- pennines. L’ensemble de ces couches constitue la formation pliocène de la province de Messine se montrant bien caracté¬ risée et parfaitement semblable aux roches du même horizon qui se trouvent sur les côtes des Apennins dans plusieurs contrées de l’Italie, comme aux environs d’Asti, de Livourne, de Bologne, de Plaisance, de Sienne, sur le mont Mario, à Palerme, etc. Cette ressemblance est remarquable non-seule¬ ment sous le rapport litbologique et stratigrapbique, mais aussi au point de vue des caractères paléontologiques. Au-dessous des couches calcaires ou argileuses que nous ve¬ nons de rappeler, il existe une formation calcaréo-marneuse, partout uniforme, comprenant plusieurs assises différentes, et toujours caractérisée par les mêmes fossiles. C’est bien cette formation qui réclame de notre part une considération spéciale, parce qu’elle se distingue entièrement des formations qui la comprennent, et qu’elle renferme en outre une faune tertiaire très-remarquable par le grand nom¬ bre d’espèces absolument nouvelles ou particulières aux pro- (1) Consulter le catalogue complet des fossiles quaternaires du Messinais : Notïzie succinte intorno alla costituzione geologica dei terreni terziarii dt\ distretto di Messina. G. Seguenza. Messina, 1862. (2) V. Notizie succinte , etc. NOTE DE M» SEGUENZA. 467 vinces de Messine et des Calabres, où ce même terrain se montre fort développé. Cette formation se compose, à la partie supérieure , de marnes sableuses jaunâtres, au milieu, de calcaires à polypiers, et, à la base, de marnes blanches, très-riches en foraminifères. La stratification, quoiqu’elle soit moins inclinée, en est gé¬ néralement concordante avec la stratification du miocène qui existe au-dessous, représenté par des mollasses et des argiles renfermant des fossiles bien caractéristiques du miocène su¬ périeur, parmi lesquels nous citerons les suivants comme étant les plus remarquables : Rhinocéros , Hippopotamus , Sus chœroides , Carcharodonmegalodon, Lamna crassidens, Otodus sui- catus , Balanus tintinnabulum , etc., etc. (1) La coupe théorique (fi g. 1) suffit pour qu’on se fasse une idée de la succession des couches tertiaires que l’on rencontre dans le versant oriental des montagnes Péloritaines. Fig. 1. Coupe théorique des terrains tertiaires du versant oriental des monts Pélo- ritains (Gravitelli, près de Messine). S. E. n m l k i N. 0. t r* ; Lui no f a Gneiss. riS * \ b Filons de granité et de pegmatite. ( c Poudingues ou conglomérats de cailloux cristallins ravec des Miocène N couches de grès. (: Tortonien , < d Argiles lacustres avec des bancs de lignite. Mayer). / 6 Argiles marines. ( f Sables. (/ g Marnes à foraminifères alternant à la partie inférieure avec des l couches de sables. Zancïêen 1 h Calcaire à polypiers et à brachiopodes. miocene. < | Marnes sableuses très-riches en brachiopodes et en foramini- ! [ fères. f Astien. j k Calcaire à brachiopodes. !l Sables et grès. m Conglomérat. n Alluvion. Une coupe des environs de Barcellona et de Gastroreale (i) J’ai donné des listes complètes de tous ces fossiles; mais, en raison de leur étendue, elles n’ont pu trouver place dans le Bulletin , 408 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. représentée par la fïg. 2 montre la nature des terrains tertiaires du versant occidental de ces montagnes. ! Fig. 2. Coupe théorique des terrains tertiaires du versant occidental des monts Péloritains (Barcellona, province de Messine). Crétacé. . . . Miocène ( Tortonien .) Pliocène % 2[Zancléen.) g / Plaisancien § ( Astien Quaternaire, j îen. r u X A Gneiss. B Calcaire cristallin.', G Argiles calcaires et marnes en couches alternantes. D Poudingues. E Sables et argiles en couches alternantes. F Mollasses. G Marnes à foraminifères. H Calcaires marneux. I Marnes sableuses. K Argiles. L Calcaire grossier. M Sables jaunes. N Sables ou grès. 0 Alluvions. Les caractères géognostiques que nous venons de recon¬ naître déterminent précisément la place stratigraphique qui convient à la formation calcaréo-marneuse dont nous nous oc¬ cupons; elle est comprise entre le miocène supérieur ( torto¬ nien , Mayer) et le pliocène ( plaisancien et astien, Mayer); cepen¬ dant par ses caractères géognostiques et par la faune qui la caractérise elle doit être regardée comme une époque bien distincte parmi les terrains tertiaires. Les couches dont ce terrain se compose consistent à leur par¬ tie inférieure en marnes très-développées, au milieu, en cal¬ caire plus ou moins grossier, compacte ou marneux, et, à leur partie supérieure, en marnes souvent sableuses. Cette division, ainsi établie selon les caractères lithologiques, est également appuyée sur des considérations paléontologiques. En effet chaque étage offre ses espèces particulières de fossiles, et dans chaque étage il y a des classes qui s’y trouvent habituellement avec plus d’abondance. Ainsi les marnes supérieures sont NOTE DE M. SEGUENZA. 469 riches en brachiopodes el en foraminifères, le calcaire se dis¬ tingue par de nombreux coraux, et les marnes inférieures sont caractérisées par une grande abondance et une grande variété de rhizopodes, et par la rareté d’autres espèces de fossiles. Ce¬ pendant toutes les assises de cette formation calcaréo-mar- neuse se rattachent naturellement entre elles par leur stratifica¬ tion concordante, par la prédominance du carbonate de chaux et surtout par le grand nombre de fossiles identiques que l’on y trouve. Elles constituent donc par l’ensemble dé leurs carac¬ tères géognostiques un groupe bien caractérisé et tout à fait distinct de la formation plaisancienne ainsi que de la formation tortonienne qui le comprennent. Pour connaître les relations stratigraphiques et paléontolo- ! giques des divers membres de la série tertiaire de la province de Messine, il suffit de visiter une de ses vallées transversales, soit du côté de l’orient, depuis le lieu appelé Annunziata , jusqu’à l’autre nommé Lardaria , soit du côté opposé entre les Masse et Barcellona. Du reste nous allons indiquer quelques lieux où l’on peut observer le plus facilement la série entière tout à fait découverte. La vallée de Gravitelli, située sur le versant oriental de la chaîne Péloritaine, mérite, par préférence, d’être signalée. En la parcourant de bas en haut on y rencontre, des deux côtés, d’abord des collines formées de roches cristallines (gneiss avec des veines de pegmatite) sans aucun autre terrain superposé. Plus avant, la vallée se resserre, puis elle s’ouvre considérable¬ ment pour former un bassin irrégulièrement circulaire, et en amont elle se rétrécit encore une fois et devient très-étroite. Près du premier rétrécissement on voit des collines fort escarpées formant une série isolée des autres montagnes qui environnent le bassin de la vallée; cette disposition annonce déjà la diffé¬ rence qui existe entre les roches dont ces masses sont compo¬ sées. En effet, ces collines sont formées d’un poudingue à ciment presque sableux, composé de fragments de gneiss, de pegmatite rouge et blanche, de granité, etc., sans aucune trace de restes organiques, tandis que là, où la vallée s’élargit, on rencontre successivement plusieurs étages, que nous rap¬ pellerons suivant leur ordre topographique et stratigraphi- que. Au poudingue font suite les argiles lacustres avec des cou¬ ches puissantes de lignites, renfermant des restes de Sus chœ- roides , de Rhinocéros et d ’Hippopotamus; puis on voit les argiles SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. 470 marines, avec de rares fossiles, et enfin une puissante formation de sables sans fossiles. L’ensemble de ces couches représente le tortonien. Dans le même lieu on trouve les sables miocènes recouverts par tous les autres membres de la série, jusqu’à l’alluvion an¬ cienne, qui couronne les collines situées à l’entour de la partie élargie de la vallée. Ici on trouve la formation calcaréo- marneuse, composée à sa partie inférieure de couches de marnes blanches à foraminifères , alternant en bas avec des lits de sables; puis on voit le calcaire à polypiers, les marnes jaunâtres, sableuses et riches en foraminifères et en plusieurs autres fossiles. Au-dessus de ces derniers lits, il existe un calcaire presque entièrement formé d’une infinité de coquilles de Terebratula , de Terebratulina, de Waldheimia , de Megerlia, d ’Argiope, etc. C’est évidemment le vrai pliocène; cependant il serait diffi¬ cile de tracer une ligne de démarcation entre les strates qui représenteraient le plaisancien et celles qui formeraient l’astien. Ensuite on rencontre les sables quaternaires, en lits hori¬ zontaux et avec peu de fossiles, un conglomérat marin, et enfin une alluvion composée de cailloux roulés réunis par une roche argileuse, rouge-brune, qui ressemble au lœss du milieu de l’Europe. Toutes les assises que l’on rencontre dans cette vallée, sui¬ vant l’ordre avec lequel nous venons d’en parler, se montrent aussi plus en avant, si l’on continue de parcourir la vallée, tou¬ jours dans le même sens ; mais on les trouve dans un ordre inverse par rapport aux premières. On se rend compte aisé¬ ment de cette inversion, si l’on observe que, l’ensemble de ces couches étant sensiblement concave, le plan de la vallée coupe deux fois les mêmes assises dans deux endroits différents. A cause de cela on rencontre dans la direction du N. E. au S. O. des roches quaternaires, des strates pliocènes, la formation calcaréo-marneuse, le tortonien, puis encore des collines de poudingue isolées, et enfin les terrains azoïques. Dans une autre vallée, nommée San-Filippo, depuis la partie la plus basse on trouve la formation calcaréo-marneuse bien développée et affleurant à la surface du sol. Plus en haut elle surmonte le miocène sableux qui couvre des lambeaux de poudingue ; enfin, au fond de la vallée et sur les collines environnantes, c’est le pliocène qui se montre fort NOTE DE M. SEGUENZA, 471 développé. Il se compose toujours, à sa partie inférieure, d’une infinité de brachiopodes et de plusieurs polypiers, formant un calcaire grossier; au milieu il y a une assise à Terebratula am~ pulla , peu marneuse, qui sépare le calcaire des couches sableu¬ ses moins riches en palliobranches, existant au-dessus. On peut regarder, selon nous, cette assise à Terebratula ampulla comme étant le dernier lit du plaisancien, et faisant distinguer celui-ci del’astien. En effet, dans le Piémont, c’est une couche calcaire renfermant avec abondance la Terebratula ampulla , qui forme presque partout la ligne de démarcation entre les argiles et les sables du pliocène. (1). A quelque distance de la ville de Messine,, vers le côté du sud , où il ne règne que la formation azoïque, et précisément sur les collines situées entre Giampeliere et Briga, on retrouve la formation calcaréo-marneuse dans un lambeau tout à fait isolé, reposant directement sur une roche granitique et recou¬ vert par le pliocène et par le quaternaire , ainsi que nous l’avons représenté dans la coupe théorique (fig. 3). Fig. B. Coupe théorique des terrains entre Giampeliere et Briga (province de Messine). Giampeliere. Contrée de Yecchio. Briga. (1) V. Bull, de la Soc . gèol. de France , t. XXII; Note sur les subdivi¬ sions que l’on pourrait établir dans les terrains tertiaires de l’Apennin sep¬ tentrional,, par M. le marquis Pareto, p. 241. 472 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. Quant au versant occidental des montagnes Péloritaines, il présente partout des localités remarquables au point de vue de notre étude. Dans la contrée qui forme les environs des villages Masse et Castanea , la formation calcaréo-marneuse se montre partout à découvert, reposant sur les mollasses et les argiles miocènes, composée, à la base, de marnes blanches, alternant avec des sables et se terminant par un calcaire tendre blanc ou rougeâtre, sans fossiles, et n’ayant au-dessus aucune des cou¬ ches plus récentes. On peut observer aussi toutes les couches tertiaires dans la route de Messine à Barcellona. Après avoir marché assez long¬ temps sur des terrains azoïques, on y rencontre d’abord le poudingue, s’étendant beaucoup jusqu’à la Locanda Colonna . Ici l’on trouve des argiles à lignites et ensuite des mollasses, sur la partie supérieure desquelles il y a des bancs puissants de gypse cristallin et d’albâtre. Plus loin on voit des marnes blanches et du calcaire tendre s’étendant jusqu’au village Gesso. Il faut remarquer cependant que jusqu’à ce point de la série on ne trouve aucune trace de fossiles. Il se présente ensuite des marnes jaunâtres, assez sableuses, presque entièrement for¬ mées de foraminifèrès; au-dessus, existe le calcaire pliocène à Terebraiula , suivi à son tour par des couches quaternaires. Nous allons maintenant signaler les environs de Rometta où il existe des mollasses miocènes et des marnes jaunâtres, très-riches en fossiles. Ici, toutes les assises de la formation tertiaire se montrent superposées les unes aux autres lorsqu’on se rend de la vallée Saponara à Rometta. Près de Sampiero et de Monforte les mollasses miocènes sont fort développées et renferment des fossiles avec abondance dans quelques localités spéciales, tandis qu’ailleurs elles en sont entièrement dépourvues. Aux environs de Barcellona et de Castroreale on remarque un grand changement dans la nature des roches. En effet le plio¬ cène n’est généralement formé que par le calcaire à Terebra - ula; ce sont maintenant, à la base, des strates argileuses, se montrant d’abord par petits lambeaux près des lieux nommés Bocca , Gesso, Santa Lucia , se développant ensuite considéra¬ blement à Barcellona, et s’étendant beaucoup d’ici vers l’occi¬ dent. Ce terrain représente le vrai plaisancien. Au-dessus de ce terrain il existe une puissante formation de sables représentant l’astien. NOTE DE M. SEGUENZA. 473 Celui-ci est séparé des argiles sur lesquelles il repose par une couche calcaire sableuse à Terebratula grandis et à T. am- pnlla qui rappelle l’assise à T . ampulla du Piémont et de S. Fi- lippo en Sicile. Le long de la vallée où coule la rivière appelée Longa.no , on rencontre ces couches dans l’ordre chronologique. Le miocène ne fait qu’affleurer dans quelques endroits seulement; le groupe calcaréo-marneux est représenté par un calcaire tendre et par quelques marnes jaunâtres ; enfin on trouve le pliocène, qui atteint un grand développement près de Gurafi , et l’astien et le grès quaternaire qui forment les collines de Castroreale. La coupe théorique (fig. 3, v. supra) représente la disposition de ces roches et les dislocations considérables qu’elles ont su¬ bies. Il faut maintenant examiner si le terrain calcaréo-marneux par ses caractères géognostiques se rapproche davantage du plaisancien ou du tortonien, afin que l’on sache si, dans la classification des terrains tertiaires, il doit se rapporter au mio¬ cène ou au pliocène. Dans des publications antérieures nous rapportions ces cou¬ ches calcaréo-marneuses à la formation miocène, comme en étant les strates les plus récentes. Les raisons qui nous avaient ainsi déterminé sont les suivantes : 1° Parmi les mollusques fossiles qu’on rencontre dans ce ter¬ rain, il y a 85 p. 100 d’espèces perdues; dans le miocène supé¬ rieur des mêmes contrées, la proportion des espèces éteintes ne dépasse pas 86 p. 100, tandis qu’elle atteint à peine 36 p. 100 dans le pliocène, qui existe au-dessus du même terrain calcaire marneux ; 2° En second lieu un grand nombre d’espèces et d’individus appartenant aux genres Ceratocyathus et Stephanocyathus parais¬ sent remplacer dans ces couches la grande quantité de Tro- chocyathus que l’on rencontre dans le miocène supérieur, dans le Tortonais et le Modénais ; 3* Enfin ce terrain lui-même contient entre autres plusieurs espèces de fossiles miocènes. Cependant d’un examen plus attentif de tous les faits ob¬ servés, il résulte^ ce nous semble, que, de tous les caractères qui nous avaient donné cette première opinion, le premier se¬ rait le seul important, le second n’aurait que peu de valeur, et le troisième n’en aurait point, parce que ce terrain renferme en effet plus d’espèces pliocènes que de miocènes. 474 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. Ces considérations étant posées, nous allons démontrer que cette formation constitue un véritable anneau intermédiaire, un terme de transition entre le miocène et le pliocène. Considérons d’abord les caractères géognostiques de ce ter¬ rain, par rapport aux mêmes caractères du plaisancien dont il est surmonté et du tortonien sur lequel il repose. Le miocène généralement composé de mollasses, de sables et d’argiles, dans toute cette province, se distingue nettement et tout d’abord des marnes et des calcaires superposés qui forment le terrain dont nous nous occupons; mais il est très» difficile de distinguer les roches de ce dernier d’avec celles du pliocène, qui consistent bien souvent en calcaires éminemment fossilifères. Dans ce cas la stratigraphie ne saurait nous révéler auquel des deux terrains qui le comprennent on doit rapporter celui que nous étudions. En effet, dans toutes les vallées du versant oriental, et dans quelques-unes de celles du versant occidental des montagnes Péloritaines les couches calcaréo-marneuses, quoiqu’elles soient un peu moins inclinées que les roches inférieures, reposent sur les mollasses et les sables miocènes en stratification concor¬ dante ; et sur ces couches calcaréo-marneuses on voit les roches plaisancien reposer également en stratification concordante. Quant aux endroits où le miocène est tout à fait découvert, et à ceux où le groupe calcaréo-marneux n’est point surmonté du pliocène, il faut admettre, selon notre avis, que c’est là un effet de la dénudation, et non pas un véritable isolement de ces deux formations différentes. Dans la partie la plus méridionale de la Calabre, depuis le Cap des Armes jusqu’au cap Spartivento, le miocène se montre, presque partout, surmonté par de puissants dépôts de marnes blanches et jaunâtres, exactement contemporains de la forma¬ tion caicaréo-marneuse du Messinais; des bandes très-rares du pliocène recouvrent ces marnes à la Baronia et sur quelques autres points. C’est probablement la dénudation qui a, dans ces contrées aussi, détruit les étages les plus récents. La coupe ci-dessous (fig. 4) représente la position stratigra- phique des marnes de la vallée de Yrica et des collines d’alen¬ tour. Maintenant nous allons consulter la paléontologie pour ré¬ soudre le problème que nous nous sommes proposé. C’est bien d’elle qu’il faut en attendre la solution, lorsqu’on ne NOTE DE M. SEGUENZA. 475 pourra pas l’obtenir de la lilhologie, ni de la stratigra¬ phie. Afin de bien saisir les relations paîéontologiques qui sont Fig. 4. Coupe théorique des terrains tertiaires de Bova (Calabre). indispensables dans la recherche que nous poursuivons, nous donnerons tout d’abord un catalogue des fossiles de la forma¬ tion calcaréo-marneuse (1). Liste des fossiles zancléens les plus communs . Carcharodon productus. Odontaspis dubia, etc. Bairdia subdeltoidea. Pollicipes carinatus. Pachylasma giganteum. Scalaria torulosa. Eulimella Scillæ. Trochus bullatus. — marginulatus. — Ottoi. — filosus. — glabratus, etc. Murex multilamellosus. Ranella reticularis. Columbella costulata. Nassa semistriata, etc. Emarginula compressa. Puncturella noachina. Dentalium tetragonum. — ovulum, etc. Bulla convoluta, etc. Cleodora lanceolata. Verticordia acuticostata. Area aspera. — obliqua. — pectunculoides. Limopsis aurita. — Reinwardtii, etc. Nucula Polii, etc. Leda excisa. — pusio. — cuspidata, etc. Pecten scabrellus, Lk. Anomia sulcata, etc. (l)*Ge catalogue n’a pu être inséré en entier. La liste suivante comprend les fossiles les plus communs dans cette formation. SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. 476 Terebratula vitrea. — ampulla, etc. Waldheimia peloritana. — euthyra. — Davidsonianas, etc. Terebratulina caput serpentis. Terebratella septata. Morrisia anomioides. Cri sia Hornesii. Stirechinus Scillæ. Gidaris rosaria, etc. Pentacrinus zancleanus. Burgheticrinus italicus. Isis melitensis, etc. Garyophyllia, zancleana. — elegans. — geniculata, etc. Stephanocyathus elegans, etc. Geratocyathus communis. — maximus. — Scillæ. — ponderosus. polymorphus, etc. Desmophyllum crassum. — maximum. — elegans, etc. Conotrochus typus. Labellnm extensum. — messanense, etc. Lopbohelia Defrancei, etc. Diplohelia reflexa, etc. Balanophyllia irregularis. Dendrophyllia cornigera. Coenopsammia Scillæ. Orbulina universa, d’Orb., etc. Lagena striata, etc. — sulcata. — costata. — elongata, etc. — Haidingeri, etc. Fissurina simplex. — Biancæ. — tubulosa, — ovata. — ■ radiata, etc. Ellipsoidina ellipsoides. Glandulina rudis, etc. Nodosaria Mariæ. — hispida. — bacillum. — spinulosa. — annulata, etc. Dentalina inornata. — elegans. — Boueana. — urnula. — • elegantissima, etc. Yaginulina legumen. — - badensis. — - sulcata, etc. Marginulina regularis, etc. Frondicularia denticulata. — acuminata. — lanceolata, etc. Cristellaria cassis, etc. Robulina ariminensis. — cultrata. — similis. — imperatoria, etc. Nonionina faba, etc. Polystomella crispa, etc. Rotalia Partschiana, etc. Globigerina bulloides, etc. Truncatulina lobulata, etc. Anomalina badensis. Rosalina calabra. Clavulina communis, etc. Textularia Partschii, etc. Spiroloculina excavata. — canaliculata, etc. Biloculina clypeata. — lunula. — tubulosa. — bulloides, etc. Triloculina austriaca, etc. Quinqueloculina Ungeriana. — vulgaris, etc. i Sphæroidina austriaca, etc., etc. De ces données paléontologiques il résulte : NOTE DE M. SEGUENZA. 477 1° Que, parmi les 504 espèces que comprendrait la liste com¬ plète des fossiles de cette formation, il y en a 289 (presque les 9/16) qui appartiennent exclusivement à la formation cal- caréo-marneuse, car elles n’ont été trouvées, jusqu’à présent, ni dans les horizons des époques précédentes, ni dans ceux des époques suivantes, l’époque actuelle comprise ; 2° Que, parmi les 215 espèces n’appartenant pas exclusive¬ ment à la formation dont nous occupons, il y en a 131 qui ont été retrouvées dans le tortonien de diverses contrées de l’Eu¬ rope, et 153 qui font passage au plaisancien et à l’astien; 3° Enfin, que, sur 504 espèces, il ne s’en est conservé que 85 jusqu’à l’époque actuelle, presque toutes actuellement vivantes dans la Méditerranée. Donc la formation dont il s’agit ren fer- ferme à peu près 83 p. 100 d’espèces perdues. D’après ces résultats numériques, on peut évidemment éta¬ blir les conclusions suivantes : 1° La formation que nous examinons renferme une faune nombreuse dont plus de la moitié des espèces, lui apparte¬ nant exclusivement, la caractérise d’une manière nette et pré¬ cise. Ce caractère, à lui seul, suffit pour distinguer cette for¬ mation des deux autres qui la comprennent. 2° Le nombre des espèces communes à ce terrain et au plai¬ sancien dépasse celui des espèces communes au même terrain et au tortonien. Ce fait montre que cette formation se rapproche plus des horizons pliocènes que des miocènes. 3° Par la proportion des espèces éteintes, cette formation semble plus se rapprocher de l’époque miocène que de l’époque pliocène. En effet, ainsi que nous Pavons déjà remarqué, parmi 100 es¬ pèces les proportions suivantes sont atteintes : dans le plaisan¬ cien et dans l’astien 32 mollusques, 83 polypiers; dans les cou¬ ches calcaréo-marneuses, 84 mollusques, 98 polypiers; dans les argiles et les mollasses miocènes, 86 mollusques et 100 po¬ lypiers. Gela justifie la classification dans laquelle nous avions rap¬ proché ce terrain du tortonien. Cependant, si l’on remarque que le nombre des espèces plio¬ cènes qu’on y rencontre est absolument plus grand que les autres, d’autre part, que les espèces communes au même ter¬ rain et au plaisancien sont généralement très-répandues dans les roches du Messinais appartenant à ces deux horizons dis- 478 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. tincts, tandis que les espèces qui passent du tortonien mes- sinain aux marnes et aux calcaires superposés sont générale¬ ment rares, on sera persuadé sans doute qu’il est bien plus raisonnable de rapporter ce terrain au pliocène qu’au miocène. D’ailleurs cette conclusion est parfaitement confirmée par un fait très-important que nous allons signaler. La différence lithologique, que nous avons déjà vue exister entre les couches du miocène messinain et celles de la forma¬ tion superposée dont il est question, révèle un grand change- j ment qui serait arrivé dans les mers mêmes où les sables et les mollasses venaient de se déposer. Dans ce changement les j profondeurs de ces mers furent fortement modifiées, aussi bien J que toutes les conditions d’existence des êtres qui vivaient dans ces eaux. En effet les classes de fossiles dominantes dans ces deux formations sont tout à fait diverses les unes des 1 autres. Dans le miocène, les gastéropodes et les lamellibranches j se trouvent avec abondance et constituent une faune entière, décédant la petite profondeur des mers où ces mollusques vé¬ curent ; dans les marnes et le calcaire qui existent au-dessus, ! il y a une grande abondance de brachiopodes, de coralliaires et î de foraminifères, qui ne se trouvent que très-rarement dans les couches miocènes et qui font connaître la profondeur con- j sidérable où se déposèrent les roches qui les renferment. Il est très-facile de distinguer le passage du miocène au zandéen par la grande différence qu’on remarque tant dans la nature des roches qui composent ces deux formations, que dans les deux faunes qu’elles contiennent ; mais il n’en est pas de même pour distinguer le passage entre le zancléen et le pliocène, parce qu’il n’y a pas entre eux de différence assez re¬ marquable. Là, au contraire, la nature minéralogique et litho- logique de la roche pliocène, ainsi que l’abondance de bra¬ chiopodes et de foraminifères qu’elles contiennent, montrent évidemment que de légers changements ont eu lieu dans ces mers, lorsque les marnes jaunâtres venaient de s’y accumuler. Sur le versant occidental des montagnes Péloritaines, le pliocène, consistant souvent en argiles bleues et en sables jaunes, présente aussi des relations sensibles avec le terrain dont il est question. En effet, dans quelques contrées les marnes jaunes faisant graduellement passage aux argiles bleues, il est difficile de déterminer la région où se terminent les unes et où commencent les autres. D’ailleurs, quoique en général la faune soif côtière* on trouve dans quelques endroits une NOTE DE M. SEGUENZA, 479 grande abondance de brachiopodes. Ce que nous venons de dire suffit pour prouver que, d’après les caractères paléontolo- giques ainsi que par les autres caractères géognosliques, cette formation calcaréo-marneuse du Messinais constitue un ter- rain bien caractérisé, bien distinct, et forme un anneau inter¬ médiaire entre le tortonien et le plaisancien. Or, si l’on adopte la classification habituelle du tertiaire en trois groupes, il faut réunir ce nouveau terrain au pliocène, avec lequel il a le plus de rapport. D’après ces idées le terrain le plus récent parmi les assises tertiaires sera divisé en pliocène supérieur, appelé astien par Mayer, pliocène moyen, que le même auteur a nommé plaisancien , et pliocène inférieur, que nous appelons zanclêen , du lieu même (i) où il se montre le mieux caracté¬ risé. Jusqu’ici nous avons porté nos regards sur la petite étendue de la province de Messine. C’est que nous avons voulu rendre plus facile l’exposition des faits qui caractérisent l’époque zancléenne. Nous voyons cependant combien nos conclusions seraient peu fondées, si nous nous arrêtions là. En effet il [ serait très-peu raisonnable d’établir une nouvelle époque géo- j logique sur l’examen d’une formation sédimentaire, que l’on | n’a étudiée que dans une petite étendue, et dont on ignore les équivalents dans d’autres régions du globe. Ainsi on pourrait justement nous reprocher d’avoir voulu multiplier encore les noms et les divisions des terrains sédimentaires, d’autant plus que la stratigraphie en possède déjà un trop grand nombre. Mais nous ne tenons pas à limiter le champ de nos considé¬ rations. Nous croyons, au contraire, que l’étude qu’on a faite jusqu’à présent des roches pliocènes de l’Italie appuie consi¬ dérablement nos conclusions, puisque dans la plupart des con¬ trées, et peut être même partout, le pliocène s’y montre naturellement divisé en trois formations distinctes par des caractères lithologiques et paléontologiques. Nous allons donc examiner successivement les différentes contrées de l’Italie, où le miocène et le pliocène ont été étu¬ diés avec soin. Les provinces des Calabres attirent d’abord nos regards. Elles sont situées à très-peu de distance de celle de Messine, et la con¬ stitution géologique en est éminemment semblable à celle du (1) Le nom Zancla était une ancienne dénomination de la ville de Messine. 480 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. territoire de cette ville. La province de Reggio spécialement est formée par des roches qu’on doit regarder comme une conti¬ nuation des roches de la province de Messine. A la base on rencontre du gneiss, avec des infiltrations de granité et de peg- matite, sur lequel reposent quelquefois les argiles et les cal¬ caires du terrain crétacé moyen et, le plus souvent, une série de couches tertiaires s’étendant sur le crétacé même, et cor¬ respondant , par tous leurs caractères, aux couches tertiaires de la province de Messine. On rencontre parmi ces couches tertiaires une formation calcaréo-marneuse parfaitement iden¬ tique avec celle de Messine, et très-remarquable par ses carac¬ tères paléontologiques. Les couches marneuses des environs de Reggio contiennent une grande abondance de foraminifères identiques avec ceux du zanclêen (1) de Messine. La grande analogie de la faune de Calabre avec celle du zan - cléen de Messine, la ressemblance frappante entre les fossiles miocènes, pliocènes et quaternaires des deux contrées, prou¬ vent, sans aucun doute, l’existence d’un bassin calabro-messi- nain, qui était environné de montagnes cristallines, dont les régions du nord et de l’est sont appelées aujourd’hui les sommets d’Aspromonte, et vers l’est forment la chaîne Péloritaine. Dans ce bassin qui était largement ouvert au sud et peut être aussi au nord, vivaient partout les mêmes animaux, et partout des dépôts identiques s’accumulaient depuis le mio¬ cène jusqu’aux formations les plus récentes. En parcourant la partie la plus méridionale de la Calabre on voit \e zanclêen se présenter continu, très-développé et parfai¬ tement distinct du pliocène proprement dit. Des marnes blan¬ ches de l’épaisseur considérable de 40 à 50 mètres, avec des couches jaunâtres à leur base, reposant directement sur les sables et les grès du miocène, représentent précisément la zone inférieure du zanclêen messinain. Les gros fossiles, en effet, y sont rares, mais les foraminifères caractéristiques constituent une partie considérable de cette roche. Dans quelques endroits on rencontre : Janira flabelliformis , Brocchi, sp. ; Terebra - tulina caput-serpentis , L., sp.; Rhynchonella bipartita , Broc¬ chi, sp. Toutes ces espèces se trouvent souvent dans les marnes et (1) V. Descrizione dei foraminiferi monotalamici délié marne mioce - nice del distretto di Messina. Nota, p. 79. NOTE DE M. SEGUENZA. 481 les sables qui forment la base de l’ancien pliocène des environs de Messine. En parcourant cette contrée des Calabres, pour étudier le crétacé moyen, j’ai vu moi-même, en février dernier, les mar- ! nés zancléennes au cap des Armes, depuis Melito jusqu’au Sallo délia Vecchia , où les marnes blanches sont surmontées d’un calcaire caverneux probablement correspondant à la cou¬ che du calcaire de Messine, si riche en brachiopodes et en polypiers. Dans la localité appelée la Baronia il existe, sur le zancléen , une bande d’argiles pliocènes; au delà, c’est le mio¬ cène qui domine; mais à la vallée Ammendoléa le pliocène inférieur atteint un développement considérable jusqu’à Cala- mitta et à la vallée de Vrica. Ensuite il se montre de nouveau, depuis le cap Palizzi jusqu’au cap Spartivento, et de là encore, par des lambeaux isolés, jusqu’au cap Bruzzano. Si maintenant nous venons arrêter notre attention sur d’au¬ tres contrées des Calabres, il suffit de donner un coup d’œil aux tableaux malacologiques que M. Pliilippi a fait paraître à la suite de son ouvrage sur les mollusques des deux Si- ciles (1). Par l’examen de ces tableaux, où l’auteur a voulu résumer la malacologie tertiaire des contrées les plus remarquables des deux Siciles,on se convaincra que le zancléen , dans les diverses parties des Calabres, forme un terrain bien distinct et ca¬ ractérisé par les fossiles des couches marneuses du Messi- nais, et que les couches de l’ancien pliocène sont plus ou moins développées dans la localité appelée Monastérace, ainsi que dans plusieurs endroits près de Catanzaro et de Cotrone, et surtout dans la vallée Lamato. Il faut cependant rappeler ici que M. Philippi en faisant ces catalogues, n’ayant point d’intérêt pour la stratigraphie, et n’en¬ visageant que la topographie, a réuni dans un même catalogue i les espèces de couches différentes et séparé celles qui appar¬ tenaient à des contrées dilférentes. C’est ainsi qu’il a pratiqué pour ce qui regarde le territoire de Messine (2), et l’on peut j croire qu’il en a fait autant pour les autres contrée C’est à I cause de cela que l’on voit paraître dans le nombre des mol- ! lusques fossiles de Monastérace, de la vallée Lamato et des (1) Fauna molluscorum utriusque Siciliœ, 1844. (2) V. Suila formazione miocenica di Sicilia ricerche e considerazioni di G. Seguenza. Soc. géol., 2e série, tome XXV. 31 482 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. contrées situées entre Catanzaro et Cotrone, des espèces carac¬ téristiques du zancléen, mêlées à des espèces qui appartien¬ nent à des formations plus récentes. Cependant, pour s’assurer de l’existence de la formation zancléenne en ce lieu, il suffit d’examiner les fossiles qui en proviennent. Ce sont pour la plupart des fossiles caractérisant le zancléen du Messinais. Dans les autres provinces de la Sicile, cette formation se trouve probablement fort développée. On doit rapporter sans doute au pliocène inférieur les mar¬ nes blanches de Caltagirone, dont nous avons examiné autrefois les foraminifères (1), et, qui s’étendent et se développent sur¬ tout dans la province de Caltanissetta, où l’ingénieur des mi¬ nes, M. S.Mottura, les ayant étudiées, crut, par leur concordance avec les couches du miocène, devoir les rapporter à cette for¬ mation. Les couches pliocènes d’Àltavilla, près de Palerme, qui sont sont sans contredit plus anciennes que celles de Ficarazzi et d’autres endroits de ce territoire* pourraient appartenir à la formation que nous voulons établir ; mais, pour tirer de l’exa¬ men des terrains de la Sicile des raisons valables pour notre thèse, il nous faudrait encore de nouvelles études sur les ter¬ rains tertiaires qui y sont très-développés. Nous allons maintenant examiner s’il existe dans le milieu et dans le nord de l’Italie quelque terrain qui soit identique avec le zancléen , et s’il se montre, comme dans les provinces méridio¬ nales, assez distinct des strates plaisanciennes. Les collines de Rome, qui ont été dernièrement l’objet de grandes recherches paléontologiques, se composent de cou¬ ches différentes superposées. A leur base, ce sont de puissants lits de marnes bleuâtres, qui? à la partie supérieure, alternent avec des couches de sables et se terminent par un puissant dé¬ pôt de sable fin. On rencontre ensuite sur ce dépôt des sables calcaires fossilifères, recouverts par de nouveaux sables, et des cailloux, surmontés à leur tour par du tuf volcanique. D’après les travaux de MM. de Rayneval, Van den Hecke, Ponzi(2), et d’après les recherches de Gonti (3), il est parfaite¬ ment établi que le tuf volcanique y représente l’époque quater- (1) Y. Sulla formazione miocenica di Sicilia, etc. (2) Catalogue des fossiles du monte Mario (près Rome). (3) Il monte Mario ed i suoi fossili subapennini , NOTE DE M, SEGUENZA, 483 naire; et il est probable que les sables fossilifères, avec les dépôts sableux qui raccompagnent, se rapportent au pliocène (plaisancien et astien, Mayer). Cependant les marnes qui exis¬ tent au-dessous se distinguent des dépôts pliocènes, tant par leurs caractères lithologiques que par la faune qu’elles con¬ tiennent. Et quoique, à la vérité, les fossiles de cette roche, qui à elle seule forme presque tout le montVatican, ne soient pas encore bien connus, il y a des raisons pour la regarder comme représentant la formation zancléenne. En effet, les débris de pté- ropodes (1) y sont abondants ainsi que ceux de divers rhizo- podes (2), et c’est bien ce caractère qui distingue la plus récente des assises du zancléen messinais. Cette opinion est appuyée sur de bonnes raisons tirées de l’examen des espèces. Le professeur Costa, en effet, a re¬ trouvé la Cleodora mticana et la C. Eiccioli , qui sont les ptéro- podes les plus communs de cette formation, dans les marnes de Notaresco (Àbruzzes) et de Reggio (Calabres) (3), où les marnes, ainsi que nous l’avons démontré, appartiennent évi¬ demment à la formation zancléenne . Et, en décrivant les forami- nifères de ces marnes, le même professeur nous fait connaître qu’il y existe avec abondance des espèces qui sont communes dans les marnes du Messinais. Si l’on examine les dernières formations de la Toscane, on se convaincra qu’il y a au-dessous du vrai pliocène des cou¬ ches qui s’en distinguent nettement par différents caractères, et qu’il faut les rapporter au zancléen. En effet, près de Li¬ vourne on rencontre une panchina quaternaire reposant sur des sables et des argiles fossilifères de l’astien, au-dessous des¬ quels on trouve des marnes évidemment zancléennes. Parmi les fossiles qu’elles contiennent, il faut remarquer les espèces suivantes qu’on rencontre souvent dans le zancléen de l’Italie méridionale: Dentalium triquetum, Brocchi; Limopsis aurita , Br,, sp.; Nucula Polii , Pbil. ; Leda dilatata, Phil. ; L. striata , Phil. (non Lk.); Modiola phaseolina, PhiL ; Rhynchonella bipartita, Br. ,sp. Il faut remarquer ici la présence dans ce terrain de nom¬ breux Pleurotomes, Columbelles, etc., qui le rapprochent (1) V. Àngelo Conti, Scoperta di nuovi pteropodi fossili nella base mar~ nosa di monte Mario . (2) Y. O. G. Costa, Foraminiferi fossili delle marne hiv, del Vaticano9 (B) Y, G0 G, Costa, ouvrage ^ité. 484 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. beaucoup des couches du milieu et du nord de l’Italie que nous avons rapportées à l’horizon zancléen. Sur les Crete sanesi , qui s’étendent considérablement à la base de la colline de Sienne, on trouve plusieurs couches ma¬ rines et lacustres alternant entre elles, que M. G. deMortillet a si bien illustrées, et que Mayer lui-même a rapportées à l’horizon astien et plaisancien (1). Ce sont donc des marnes sur les¬ quelles repose le vrai pliocène, et, de plus, elles sont fort riches en foraminifères, dont un grand nombre d’espèces sont communes aux marnes zancléennes du Messinais. M. Soldani (2) et plus récemment M. O. Silvestri (3) ont bien étudié ces couches, dont la position stratigraphique et la richesse en quelques espèces de foraminifères suffisent pour nous les faire rapporter à l’époque zancléenne. Il faut maintenant remarquer que les résultats de l’étude que M. Doderlein a faite sur le miocène et le pliocène du Mo- dénais (4) s’accordent parfaitement avec nos idées. Il admet, en effet, que le pliocène se divise naturellement en trois étages, chacun étant caractérisé par des fossiles particuliers. En 1864 M. Rovasenda et moi, nous avons recueilli plu¬ sieurs fossiles à Cornare,aux environs d’Asti; et M. Michelolti nous en a fait voir qu’il avait trouvés à Albenga. D’après les idées que nous avons conçues au sujet de la faune des étages pliocènes inférieurs de la Toscane, nous croyons devoir rap¬ porter à la formation zancléenne les marnes qui renferment ces espèces fossiles. L’examen et le rapprochement dans lesquels nous venons d’entrer en nous basant sur quelques analogies stratigraphiques et paléonlotogiques en Italie amènent déjà des conclusions in¬ téressantes. Cependant, il faut l’avouer, c’est par la connaissance d’un plus grand nombre de nouveaux rapports du même genre que (1) Coupe géologique de la colline de Sienne. ( Atti délia Società italiana di Scienze naturali). (2) Saggio orittografico ed osservazioni sulle terre nautiliclie ed ammo - nitiche délia Toscane . Testaceografia ac Zoophytografia parva et microscopica , (3) Sulla illustrazione delle opéré del P. A. Soldani , e délia fauna micro - scopica fossile del terreno pliocenico italiano. (4) V. P. Doderlein, Cenni geologici intorno alla giacitura dei terrent miocenici superiori delV Italia centrale . NOTE DE M. SEGUENZA. 485 ces résultats seront mieux affermis. Ce sera un vrai progrès pour la géologie; mais on ne pourra le réaliser que lorsque, en s’appliquant à étudier avec une scrupuleuse attention les roches tertiaires des diverses régions de l’Italie, on sera con¬ vaincu qu’il est éminemment utile d’étudier les faunes fossiles, toujours en rapport avec les variations stratigraphiques même les plus légères. C’est ainsi effectivement que l’on peut parvenir à la véritable connaissance des changements successifs et continuels qui ont eu lieu dans les êtres organisés, d’après les faits paléontolo- giques mêmes, et non selon les vues de M, Darwin, lesquelles entre mille désaveux ont mérité aussi cette parole de M. Stop- pani : elles trouvent dans la paléontologie , au lieu de preuves , toutes sortes de contradictions. L’examen rapide que nous venons de faire des terrains ter¬ tiaires de l’Italie nous paraît suffire au but que nous nous sommes proposé, et nous croyons pouvoir nous dispenser de l’étendre à d’autres régions de l’Europe; d’autant plus que les dernières formations tertiaires, ayant en Italie un développe¬ ment fort remarquable, nous autorisent à généraliser plusieurs des conclusions que nous avons établies. Il est nécessaire maintenant de donner un coup d’œil sur les classifications que l’on a proposées pour les terrains tertiaires récents, et de les rapprocher des faits et des résultats que nous venons d’exposer. Dans la classification proposée par M. le marquis Pareto, ce géologue distingue un étage qu’il appelle pliocène inférieur, ou étage complexe tortonien et plaisancien, dans lequel il com¬ prend, ou plutôt il confond le miocène supérieur (tortonien, Mayer) et les argiles pliocènes (plaisancien, Mayer). Cette réunion est tout à fait contraire aux faits mêmes que nous avons prouvés. Elle fait ranger dans un même groupe les argiles à lignites, les mollasses avec dépôts gypsifères, la for¬ mation calcaréo-marneuse, et les calcaires et les argiles plio¬ cènes de l’Italie méridionale. On ne saurait donc accepter cette réunion sans s’apercevoir de l’erreur qu’il y aurait à grouper ensemble, dans l’Italie mé¬ ridionale surtout, le zancléen avec le tortonien, deux terrains parfaitement distincts par tous leurs caractères et par leurs grandes différences paiéontologiques. Peut-on, au contraire reconnaître le rapport intime qui existe entre le plaisancien et i’astien de l’Italie méridionale, où l’on 486 SÉANCE DU 17 FÉVRIER 1868. est souvent embarrassé lorsqu’il s’agit de préciser les limites de ces deux formations ? M. Mayer, distinguant dans son Tableau synchronistique le tor- tonien du vrai pliocène et partageant ce dernier en astien et enplaisancien, s’accorde bien plus avec nos conclusions. Si l’on considère les localités qu’il examine dans son tableau, et sur¬ tout les Calabres qu’il y comprend, on se convaincra qu’il réu¬ nit dans le piaisancien les argiles bleues et les couches qui forment ou représentent le groupe caicaréo-marneux. Cepen¬ dant, nous ferons remarquer que celui-ci est parfaitement distinct des vraies argiles subapennines, spécialement par les caractères paléontologiques, et surtout dans l’Italie méridio¬ nale. Enûn la. classification faite par M. Doderlein s’accorde par¬ faitement avec les faits gôognostiques que nous avons signalés dans les assises tertiaires les plus récentes. Ces terrains se partageant naturellement en trois groupes, et les dénominations de Mayer étant appliquées au pliocène su¬ périeur et au moyen, le zancléen ne sera donc que le pliocène ancien. Nous allons maintenant résumer en quelques mots les idées que nous venons d’exposer dans cette note. 1° La formation zancléenne forme un anneau entre le miocène et le pliocène se rapportant plus spécialement à ce dernier. 2° C’est surtout dans les provinces méridionales de l’Italie que le zancléen est le plus développé et le mieux distinct du miocène et du pliocène. 3° À peu près partout, dans le milieu et dans le nord de l’Italie, existent des formations synchroniques avec le zancléen . Ce sont d’ordinaire des marnes blanches ou peu colorées; et, si elles ne se distinguent pas toujours du piaisancien qui les surmonte, aussi nettement qu’en Calabre et à Messine, elles sont néan¬ moins assez caractérisées par leur faune et par l’abondance des rhizopodes qu’elles contiennent. 4° La formation pliocène se divise donc en trois étages : l’astien, ou pliocène supérieur, formé ordinairement de sables jaunes, le piaisancien, ou pliocène moyen, composé des ar¬ giles ou marnes bleues, et enfin le zancléen ou pliocène infé¬ rieur, consistant en couches marneuses et calcaires peu colo¬ rées LISTE DES DONS. 487 Séance du 2 mars 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Caillatjx (Eugène), ingénieur des ponts et chaussées, au Mans (Sarthe) ; présenté par MM. Belgrand et Alfred Cail¬ laux. Müssy, ingénieur des mines, à .Vicdessos (Ariége); pré¬ senté par MM. Levallois et Daubrée. Le Président annonce ensuite une présentation. La Société reçoit : De la part de M. Gabriel de Mortillet, Matériaux pour T his¬ toire positive et philosophique de l'homme , septembre et octobre 1867 ; janvier 1868; in-8. De la part de M. B. Studer, Note sur Fouvrage de M. A. Favre, intitulé : Recherches géologiques dans les parties de la Sa¬ voie , du Piémont et de la Suisse, in-8, 20 p. ; Genève, fé¬ vrier 1868. De la part de M. B. Gastaldi, Alcuni dati suite punie Alpine situate fra la Levanna ed il Rocciamelone, in-8, 49 p. ; Turin, 1868 ; chez G. Gassone et Ce. De la part de M. F. Thioly, Une nouvelle station de Vâge du Renne, in-8, 7 p.; Annecy . Bulletin de la Société botanique de France , t. XIII, 1866, Comptes rendus des séances, 4; t. XIV, 1867, E, Revue bibliogra¬ phique , in-8. Bulletin des séances de la Société 1. et centrale d’ agriculture, novembre et décembre 1867; in-8. F Institut, nos 4781 et 1782, 1868, in-4. 488 SÉANCE DU 2 MARS 1868. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, janvier 1868; in-8. Société 1. d'agriculture, etc., de Valenciennes Revue agricole , etc., n° 12, décembre 1867; in-8. The Athenœum , nos 2104 et 2105, 1868; in-8. Le Secrétaire donne communication de la note suivante : Réponse aux observations de M. Long; par M. Ebray. Ce n’est que tout récemment que j’ai pu prendre connais¬ sance de la dernière livraison du Bulletin qui renferme (p. 215) les observations de M. Lory sur mes notes relatives aux Alpes dauphinoises. Aussi me bornerai-je, pour le moment, aux remarques suivantes : 1° Notre savant confrère prétend que l’idée de la faille occi¬ dentale des Alpes me paraît avoir été suggérée par une vue lointaine des Alpes du haut de la chaîne beaujolaise. Je rappellerai à M. Lory que j’ai fait une dizaine de courses dans les Alpes et que j’ai habité Salins, près de Mautiers, pen¬ dant un mois entier. Les études que j’ai pu faire sur place sont donc aussi sérieuses que celles qui résultent des excursions exécutées par notre confrère de Grenoble, 2° Ma note sur la faille occidentale des Alpes est antérieure à la description des failles de la Tarentaise, par M. Lory. Ce dernier admet, bien entendu, celles qu’il a décrites, mais il n’admet pas la mienne, ce qui lui permet de dire : « nous n axons encore à l'heure qu'il est rien à emprunter aux recherches de M. Ébray. Je montrerai que je n’ai pas pris le clivage pour la stratifica¬ tion en indiquant que, parallèlement à celle-ci, il existe des couches de composition minéralogique différente ; j’ai d’ailleurs déjà dit verbalement à notre confrère de Grenoble que c’est avec la plus grande réserve qu’il faut poser des conclusions lorsqu’on prend pour base la position des gypses; enfin tous les géologues qui ont recueilli beaucoup de fossiles savent qu’il leur est arrivé d’en trouver coupés par des séparations de bancs; c’est là un fait exceptionnel, mais qui n’étonne plus depuis qu’on a trouvé des fossiles complètement remaniés d’un banc et môme d’un étage à l’autre. NOTE DE M. LORY. 489 Les raisons que donne M. Lory pour combattre l’existence de ma faille sont donc loin d’être péremptoires. 3° La carte de M. A. Sismonda désigne par porfido quartzifero les roches éruptives de Bain, et M. Favre les a fait connaître sous le nom de granités ou porphyres', comment alors M. Lory a-t-il pu commettre l’erreur de dire : « c'est sons le nom de pro - togine porphyroïde ou de gneiss que ces roches ont toujours été dé¬ crites ? )) 4* Avant d’aborder l’étude des Alpes, j’ai pensé qu’il était nécessaire d’étudier à fond les contrées moins bouleversées où les rapports des roches éruptives avec les roches sédimen- taires apparaissent avec plus de netteté, en particulier les mon¬ tagnes du Beaujolais. J’invite M. Lory à en faire autant, car j’ai encore beaucoup à dire sur les Alpes, et je montrerai que la seule manière de faire de la géologie positive consiste à aller du connu à l’inconnu, du simple au composé. Si M. Lory avait étudié plus en détail les contrées si intéres¬ santes des départements de la Loire et du Rhône, il ne dirait pas : « les roches que M. Ebray désigne sous ce nom de porphyres éruptifs ou de porphyres quartzifères sont tout simplement diverses variétés de granités ou de protogine granitoïde, quelques-unes à grands cristaux de feldspath , o/frant ce qu'on appelle l'aspect por¬ phyroïde, mais jamais la structure porphyrique , » et il saurait que la syénite clu Beaujolais, de même âge que le porphyre granitoïde traversant les schistes carbonifères n’est autre chose qu’un granité à aspect porphyroïde. 4° Enfin j’ai dit, et probablement ma phrase a échappé à M. Lory : « ce plongement indique que lors de la production des cataclysmes il s'est formé , suivant la direction de la vallée de l'Isère , une large crevasse dans laquelle les terrains jurassiques se sont af- : faissés. » (Renseignements sur la structure des Alpes dauphi¬ noises, p. 174.) Ayant donc indiqué une faille suivant cette vallée, on ne comprend pas bien l’assertion du savant profes¬ seur de Grenoble : « suivant celte direction ( vallée de l'Jsère) et non suivant celle qu'indique M. Ébray , il y aurait réelelment une faille d'une grande importance dans la structure de celte partie des Alpes, que / appellerai faille du Graisivaudan. » Le Secrétaire communique des lettres adressées par MM. Leymerie, Raulin et Simonin au sujet de la séance gé¬ nérale annuelle. MM.LeymerieetRaulin expriment le regret 490 SÉANCE DU 2 MARS 1868. que cette séance ne coïncide pas avec la réunion, à Paris, du Comité des sociétés savantes. M. Marcou présente Fouvrage de M. Élisée Reclus sur la terre. A cette occasion, M. Marcou remet sous les yeux de la Société sa carte géologique du globe et entre dans quelques détails sur les éléments dont il s'est servi pour la construire. Quelques observations de M. Marcou sur Fâge des grès rouges de F Afrique et de FAsie amènent la communication suivante de M. Louis Lartet. Sur une Formation particulière de grès rouges en Afrique et en Asie j à propos de la valeur du caractère lithologique en strati¬ graphie; par M. Louis Lartet. M. Marcou en esquissant à grands traits la géologie du globe terrestre à propos de sa Carte géologique de la terre vient de rap- J procher les formations de grès rouges, si communes en Afrique et en Asie, des formations semblables que nous sommes habi¬ tués à rencontrer en Europe et particulièrement dans les Vosges, à la base de la série des terrains secondaires. Quelle que soit l’autorité de notre savant confrère, j’éprouve, pour ma part, une grande répugnance à admettre comme critérium sfratigraphique sur d’aussi vastes étendues le caractère miné¬ ralogique des roches auquel il me semble qu’on ne devrait accorder qu’une importance régionale, car la composition de ces sédiments est subordonnée, avant tout, à celle des massifs plus anciens dans le voisinage desquels ils ont été déposés. 11 faut bien reconnaître, à la vérité, que certains phénomènes d’émanation interne ont parfois exercé leur influence sur les mers d’une même époque et à des distances très-considérables; mais alors ces effets se réduisent à l’addition par places d’élé¬ ments accidentels qui n’impriment point à la roche les carac¬ tères généraux qu’elle tire des phénomènes de sédimentation mécanique. M. Marcou qui a reconnu lui-même, avec tant de bonne foi, à quelles erreurs pouvait conduire cette méthode dans la comparaison des domaines géologiques peu connus et très- éloignés les uns des autres, notamment à propos des grès rouges de l’Amérique méridionale, voudra bien me permettre de lui soumettre quelques observations au sujet du rappro- NOTE DE M. LOUIS LARTET. 491 chôment tout pareil qu’il vient de tenter à propos des grès rouges de l’Asie et de l’Afrique. J’avoue d’ailleurs que je ne puis laisser passer l’occasion qui m’est ainsi offerte de protester contre certaines idées suran¬ nées, relatives à la géologie de l'Égypte, et qui ont été repro¬ duites récemment à propos d’une carte géologique, à grande échelle, de ce pays. Les principales chaînes de montagnes qui s’étendent de chaque côté de la mer Rouge, soit en Asie, soit en Afrique, sont formées de massifs granitiques, sillonnés de filons de porphyres et de diorites et sur lesquels s’appuient des schistes cristallins, des quartzites et des phyllades, etc., dont l’âge n’est pas encore déterminé, mais qui pourraient fort bien représen¬ ter, au moins en partie, les terrains paléozoïques. On conçoit aisément que sur les bords d’un continent ou d’un archipel formé par des massifs pareils, les seules roches qui pouvaient se déposer devaient être composées de quartz, de feldspath plus ou moins décomposé, d’argile, de mica et de quelques autres silicates alumineux. De là, la formation fatale de grès plus ou moins argileux, micacés, ferrugineux, et d’ar¬ giles micacées plus ou moins colorées par les oxydes métalliques provenant de la décomposition des silicates basiques. C’est ainsi qu’en Orient, comme dans les Vosges, les terrains secondaires, s’étant déposés sous l’influence de massifs cris¬ tallins à peu près semblables auxquels ils empruntaient leurs éléments, sont constitués par des sédiments pareils, mais non pas nécessairement synchroniques. Cette ressemblance était encore rendue plus frappante par la présence de lits salifères, si répandus dans presque tous les terrains stratifiés de ces con¬ trées orientales ; aussi, les premiers géologues qui les visitè¬ rent n’hésitèrent-ils pas dans le rapprochement de ces deux formations de grès rouge. Notre courageux et malheureux compatriote Lefèvre qui a laissé la vie en Abyssinie, dans une lettre écrite il y a 27 ans, de Resserres, à M. Cordier, rapporta le premier les grès rouges d’Égypte et de Nubie aux terrains crétacés (1). La même année Russegger écrivait au journal de Leonhard et Bronn que les grès pouvaient se comparer au keuper supérieur et moyen, et (1) Bull, de la Soc. géol, de France , lre série, t. X, p. 144, 1839. Reisen in Afrika , 2 e partie, n° 776. 492 SÉANCE DU 2 MARS 1868. l’année suivante il les assimilait avec plus de confiance au grès bigarré et aux marnes irisées, en annonçant qu’il en avait constaté l’identité depuis la Nubie, à travers l’Égypte, et la presqu’île du Sinaï jusqu’au Liban. Cependant dans sa carte géologique et dans l’ouvrage qu’il publia à son retour, il n’hésita pas à se rétracter et à considérer ces grès comme crétacés. C’est que dans l’intervalle il avait eu connaissance du mémoire de Botta sur le Liban dans lequel le sagace voyageur rappor¬ tait ce terrain au grès vert en mentionnant sa superposition au terrain jurassique supérieur, assimilation que le géologue au¬ trichien déclare à son tour fondée, et qu’il généralise alors en l’étendant au grès du Sinaï, de l’Égypte et de la Nubie, dont il avait reconnu l’identité. Newboldt évita de se prononcer sur l’âge de ces grès, tout en constatant leur analogie d’aspect avec le nouveau grès ronge. Quant à M. Hogg, qui ne les avait pas vus en place, il inclinait h penser qu’ils pouvaient corres¬ pondre au vieux grès rouge. Enfin, tout récemment, l’auteur de la carte géologique qui a tiguré à l’Exposition universelle n’a pas craint de classer de nouveau ces grès dans le trias dont il aurait même retrouvé les trois termes : grès bigarré, musehelkalk et marnes irisées. Nous allons examiner la valeur de ces rapprochements. Comme ce grès ne renferme jamais d’autres fossiles que de très-rares empreintes végétales, si mal conservées qu’il serait imprudent d’y chercher un élément de classification, on est obligé pour fixer son âge de rechercher ses relations avec des couches fossilifères bien déterminées. Il repose en général sur des roches anciennes, cristallines, schisteuses, et sur des brè¬ ches vertes. Ce n’est que dans quelques régions privilégiées qu’on peut lui assigner une limite inférieure un peu précise, comme par exemple dans le Liban où il repose, en concor¬ dance de stratification, sur un calcaire que Botta et Russegger considèrent comme jurassique et que nous rapprochons plutôt d’après ses fossiles du terrain néocomien (1). Quant à la limite (1) Outre tes fossiles que nous y avons recueillis, M. Albert Gaudry en a rapporté l'Ostrea Couloni, YHeteraster oblongus , enfin l’O. Bousingaulti, que les Américains y avaient également trouvée. Nous avons d’ailleurs déjà montré dans une note précédente que le cal¬ caire cidaritique jurassique de Russegger était le calcaire cénomanien à He- terodiadema libycum , Goniopygus Bonnardi , Cyphosoma Delamarrei , etc., et j’ai cherché à démontrer que l’existence du terrain jurassique dans ces NOTE DE M. LOUIS LARTET. 493 supérieure, Lefèvre avait déjà remarqué en 1839 que ce grès passait insensiblement en Égypte au terrain crétacé, qui lui est superposé, en devenant peu à peu calcaire et chloriteux (Esneh, couvent Saint-Antoine, couvent de Saint-Paul, Sinaï), et qu’il appartenait à la môme grande formation que ce dernier. Botta avait remarqué ce même passage dans le Liban, et M. Blanche avait vu, aux environs d’Abey, le grès offrir ces mêmes tran¬ sitions insensibles, non-seulement avec le calcaire supérieur, mais avec celui qui le supportait. Il semblerait donc acquis, d’après cela, que ce grès rouge n’est qu'un étage particulier du terrain crétacé; mais l’auteur de la carte géologique dont j’ai parlé plus haut est loin d’être de cet avis, puisqu’il aurait observé, dans certaines localités, la superposition directe du lias et du calcaire jurassique oolithique à ces mêmes grès. Il est vrai que les listes de fossiles qui ont été produites à ce sujet laissent quelque prise à la critique et qu’on n’y voit pas figurer sans étonnement les Baculites à côté de la Gryphée arquée. D’autre part, dans l’examen que nous avons fait de ce qui a été écrit sur l’Égypte et rapporté de ce pays par divers voyageurs, nous n’avons pu trouver aucune trace de l’existence dans ce pays du terrain jurassique, et les fossiles provenant des localités dites liasiques nous ont offert une faune cénomanienne bien connue, celle que nous étions accoutumés, en Palestine et en Arabie pétrée, à rencontrer au-dessus des grès; ce sont, non pas des Gryphées, mais des Exogyres ( Ostrea Owervegi, O. de - cussaia , (0. auressensis d’Algérie), etc. Ceci concorde avec nos observations personnelles sur la superposition habituelle aux grès des marnes et calcaires renfermant ces Huîtres, ainsi que quelques autres fossiles : Ostrea flabellata , Matheroniana , ve- siculosa , columba minor, Cyphosoma Delamarrei, Hemiasier Four- neli, Holectypus serialis, Ammonites Mantelli, et beaucoup d’autres occupant des niveaux que j’indiquerai plus tard dans des coupes détaillées de ce terrain. Quant à la texture oolithique du cal¬ caire supérieur au grès, loin d’être un caractère jurassique, nous pouvons affirmer qu’elle est fréquente dans certains ho- risons crétacés de la Syrie. On serait donc tenté de supposer que l’assimilation des cal¬ caires supérieurs aux grès, à l’étage du lias, reposerait sur quelques erreurs de détermination spécifique, bien excusables contrées ne reposait encore sur aucune donnée sérieuse. (Bull, de la Soc. géol 2e série, t. XXII, p. 539, 1865.) 494 SÉANCE DU 2 MARS 1868. dans un pays aussi pauvre en termes de comparaison que l’Égypte, et l’on comprendra que nous revenions de préfé¬ rence au classement de Lefèvre et de Botta, qui est plus en accord avec nos observations personnelles. Ainsi donc, les grès se trouvant superposés, dans le Liban, à des calcaires néoco¬ miens, et inférieurs, en Palestine, en Égypte et dans l’Arabie pé- trée, à des couches marno-calcaires avec fossiles cénomaniens, se placent naturellement sur le même horizon que le gault ou la base de la craie glauconieuse , et l’on voit qu’il y a loin de ce niveau géognostique au trias ou au pénéen, ce qui justifie la proposition que j’émettais au commencement. Je ne commettrai pas pour cela l’imprudence de dire que l’on ne pourra point rencontrer dans les contrées qui nous oc¬ cupent de représentants des terrains pénéens, triasiques et ju¬ rassiques, mais je maintiens que, dans l’état actuel de nos infor¬ mations à ce sujet, leur existence est encore une pure hypothèse qui n’est basée sur aucune preuve convaincante, et que, dans les domaines attribués à ces terrains que j’ai pu visiter, je n’ai re¬ cueilli pour ma part que des fossiles crétacés (1). M. Fraas, qui a exploré après nous ce contrées, m’a pas été plus heureux, et n’a recueilli aucun indice de la présence du terrain jurassique. Si cette absence des premiers terrains secondaires ou simplement du terrain jurassique, qui ne repose que sur des preuves néga¬ tives, venait, par suite d’investigations plus multipliées et plus complètes, à être mieux établie, on pourrait l’expliquer par le soulèvement en masse et l’émersion d’un vaste continent, sé¬ parant les mers asiatiques et méditerranéennes au commence¬ ment de la période secondaire et après les mouvements qui ont affecté les massifs plus anciens. Les eaux seraient revenues à l’époque néocomienne, empiétant en certains points sur ces terres, et enfin elles auraient pénétré plus avant, déposé sur les rivages ces grès et argiles avec les lignites qu’ils renfer- ment, jusqu’à ce que, à l’époque cénomanienne et aux époques suivantes, elles aient couvert en grande partie cette barrière en faisant communiquer librement les mers indiennes et euro¬ péennes. C’est ce que M. Éd. Forbes avait pressenti quand il disait à propos des faunes crétacées de Pondichéry, Trichono- poly et Verdachellum, dans i’Inde : « la cause de ce fait (la « ressemblance de faune plus grande entre les mers indiennes (1) Je dois toujours en excepter le Collyrites de l’Anti-Liban qui est une forme jurassique j mais le genre se rêtrpwve en Algérie dans le néopomien* NOTE DE M. LOUIS LARTET, 495 « et européennes à l’époque du grès vert supérieur qu’à celle « du grès vert inférieur) n’est pas due à une distribution plus « générale de ia vie animale à une époque plutôt qu’à une an- « tre, mais bien à de grands changements dans la distribution « des terres et des mers et à une connexion des mers indien- « nés et européennes plus grande pendant le dépôt du grès « vert supérieur que pendant celui du grès vert inférieur (1). » Puisque je me suis laissé entraîner à parler si longuement de ces grès, je demanderai la permission d’en compléter la mono¬ graphie par l’indication sommaire de leurs principaux carac¬ tères et de leur distribution géographique. Cette formation a été appelée grès de Nubie par Russegger, grès monumental par de Rozières , terrain sablonneux par Botta, etc. Aucune de ces dénominations n’est satisfaisante, car si, d’une part, il existe en Nubie deux natures de grès d’âge très- différent, de l’autre les Égyptiens en ont utilisé de plu¬ sieurs sortes dans leurs monuments. Enfin, ce terrain étant gé¬ néralement assez cohérent, l’épithète de Botta ne lui convenait pas. On aurait donc pu, à l’exemple de tant de géologues, sai¬ sir avec empressement cette occasion de compliquer un peu la synonymie stratigraphique , malheureusement déjà si sur¬ chargée, par la création d’un nouveau nom, tel que celui de grès de Petra, par exemple, qui aurait eu l’avantage de fixer les idées d’une façon plus précise en rattachant le nom de la capi¬ tale trogîodytique des Arabes nabathéens à ce grès, dans le¬ quel ont été creusés leurs étranges monuments. Mais quelque avantage qu’offrît celte nouvelle dénomination, nous avons cru devoir conserver le nom plus ancien de grès de Nubie , en aver¬ tissant que c’est du grès secondaire qu’il s’agit, et non du grès tertiaire qui le recouvre dans cette contrée. Ces grès sont micacés, plus ou moins argileux, et rentrent, pour la plupart, dans la catégorie des psammites ; d’une dureté très-variable, ils alternent avec de nombreux lits d’argile colo¬ rée diversement, comme eux, en jaune, rouge, noir et vert, par des oxydes de fer, de manganèse et parfois môme par du car¬ bonate de cuivre. On y rencontre fréquemment des lits impré¬ gnés de sel, des couches plus ou moins minces de lignites, ainsi que quelques veines métallifères, A la partie supérieure, ils passent quelquefois à la craie ; à la base ils offrent fréquemment (1) Transact. of the GeoL Soc. of London. 2e série, t. VII, p. 178, 1845, 496 SÉANCE DU 2 MARS 1868. des bancs de poudingue à ciment argileux, où l’on a exploité en Égypte du kaolin et dont les cléments sont empruntés aux ro¬ ches feldspathiques sous-jacentes. C’est ainsi qu’au mont Hor nous y avons constaté la présence de cailloux de porphyre dé¬ composé. Les grès sont surtout arénacés dans le haut et argileux dans la partie inférieure, où se développent les couches d’ar¬ gile souvent chargées d’empreintes végétales ou même îigniti- fères qui avaient éveillé l’attention des divers gouvernements de l’Égypte, toujours préoccupés de trouver delà houille dans ce pays dépourvu de combustible, et où l’on n’employait autre¬ fois, même pour l’industrie métallurgique, d’autre moyen de chauffage que les excréments de chameau mêlés à de la paille. Les sondages n’ont rencontré que de minces lits de lignite tout à fait insignifiants. Dans le Liban, à un niveau un peu plus élevé dans ces mêmes grès, on a exploité des couches plus puis¬ santes de lignite dans diverses localités, telles que Cornail, Mar- Hanna, Aïn-el-Bed, Abey, Beit-ed-Din, etc. Ces lignites, dont la puissance atteignait jusqu’à cinq pieds, étaient très-chargés de pyrite, à l’exception de ceux de la dernière localité; on les a néanmoins utilisés pour les bateaux à vapeur du pacha. Si la houille existait en Égypte, ce n’est pas dans les régions où l’on a foré ces puits que l’on pourrait la rencontrer, mais bien plu¬ tôt dans les massifs de schiste argileux, de phyllades, de quar- zite et de grauvacke des chaînes arabiques et nubiennes, où l’on peut seulement chercher des représentants des terrains paléozoïques. Cet étage de grès est fort puissant. Botta lui assigne dans le Liban une épaisseur de 100 toises, M. Figari-Bey 1,100 pieds en Égypte. J’ai pu moi-même en apprécier l’épaisseur en Pa¬ lestine et surtout en Idumée, dont il constitue le sommet le plus élevé, le mont Hor, et atteint des épaisseurs de 4 à 500 mètres. Quant à son extension géographique, on peut déjà voir son importance en jetant les yeux sur les cartes géologiques de Russegger. Très-ferrugineux dans le Liban, où il renferme des lignites, il affleure également sur les flancs de l’Anti-Liban, se retrouve ensuite au sud, dans les environs de la mer Morte, dont il forme les falaises orientales, et se poursuit de là vers le sud, le long du Waddy Arabah jusqu'au mont Hor et à Petra, longe encore quelque temps le W. Akaba, puis saute dans la presqu’île du Sinaï. Il change alors de direction et, décrivant une ligne courbe au nord du massif cristallin, il se dirige vers l’Égypte. NOTE DE M. LOUIS LARTET. 497 C’est dans cette zone arquée de grès, dont le peu de cohé¬ rence a donné lieu à la vaste plaine de sable de Debbet-er- ramleh, qui sépare les plateaux calcaires du Tyh du massif cristallin du Sinaï, qu’ont été exploités, dès les époques les plus reculées, les gîtes ferrifères, manganésifèresetcuprifères du Waddy-Naseb, de Sarabet-el-Khadem, etc., ainsique des gîtes de turquoises. On retrouve des lambeaux de ce môme grès disséminés sur le pourtour du massif cristallin de la presqu’île. La zone septentrionale se continue en Égypte par la vallée des Chariots où se trouve un deuxième district métallifère; de là le grès s’allonge en deux bandes qui courent au Sud de cha¬ que côté de l’axe cristallin de la chaîne arabique, l’une qui suit le littoral de la mer Rouge, tandis que l’autre remonte parallè¬ lement au Nil jusqu’aux cataractes d’Assouan, où le fleuve se fraye un chemin difficile au milieu de ces grès. C’est dans cette région que se trouvent les anciennes carrières d’où les Égyptiens tiraient ces grands monolithes de grès, fort avantageux dans une architecture qui ne connaissait point la voûte. Elles sont éparses sur un espace de 25 lieues, le long du Nil; mais c’est surtout la portion moyenne de ces grès qui a fourni d’excellents maté¬ riaux, faciles à tailler et à sculpter, que l’on transportait aisé¬ ment ensuite par eau de leur lieu d’extraction jusqu’aux villes des bords du fleuve. Les carrières les plus célèbres, à cet égard, sont celles du Jebel-Selseleb, d’où l’on a tiré les matériaux de Thèbes et d’Edfou. Le grès s’y présente en bancs de 10 à 20 pieds de puissance, séparés les uns des autres par des cou¬ ches d’argiles de 5 à 10 pouces, qui en facilitaient singulière¬ ment l’extraction. A partir d’Assouan (Syène), vers le Sud, ce grès couvre des surfaces considérables, entourant les îlots granitiques de la Nubie et recouvert par des grès plus modernes. Lefèvre et Rus- segger l’ont suivi jusqu’à Karthoum, au confluent du Nil bleu et du Nil blanc, et le dernier de ces voyageurs en signale encore l'existence sur les flancs occidentaux du massif granitique et volcanique de l’Abyssinie, tandis que M. Yignaud (1) a observé un grès tout semblable sur les flancs orientaux du même massif, dans le Tigré, où ils contiendraient, ainsi que dans le Sinaï, des couches métallifères et des gîtes de turquoises. Il est probable que cette formation, que nous venons de (l) Bull . de la Soc. géol, de France , lre série, t. XIV, p. 493, 1843. Soc. géol., 2« série, tome XXV. 32 498 SEANCE DU 2 MARS 1888. suivre sur une étendue de 20 degrés, depuis le Liban jusqu’à l’Abyssinie, ne s’arrête pas là et se poursuit autour des mas¬ sifs granitiques de l’Afrique centrale. Il serait donc peut-être plus logique de lui rapporter les grès rouges mentionnés par divers voyageurs que d’en faire honneur au grès vosgien ou au grès bigarré. Nous sommes en outre porté à croire que ce grès est repré¬ senté également sinon en totalité, au moins d’une façon rudi¬ mentaire, dans l’Afrique septentrionale. En Algérie, M. Go- quand a cité, dans les étages albien (gault) et rhotomagien (craie glauconieuse), au-dessous des marnes à Ostrea Owervegi et à Os- trea densata , Conrad ( auressensis , Coquand) (c’est-à-dire exac¬ tement au même niveau que nos grès de Syrie et d’Égypte), des marnes rouges, des grès et des poudingues, à la vérité, d’une épaisseur bien moindre (1). Laissons l’Afrique pour revenir à l’Asie qui nous a servi de point de départ et nous allons voir que l’on peut suivre cette formation jusque dans l’Inde. En effet, sur la côte S. E. de l’Ara¬ bie, entre l’Arabie Heureuse et l’Oman, dans le Hadramaut, le Dr Carter a observé, près du cap Marbat, des grès micacés re¬ posant sur des granités et recouverts en stratification concor¬ dante par des argiles rougeâtres avec fossiles cénomaniens, que surmontent à leur tour de puissantes couches de calcaire blanc renfermant, à leur partie supérieure, des Nummulites. Il a éga¬ lement reconnu l’identité de ces terrains du Ras Fartak, en Arabie, avec ceux de Bagh, dans l’Inde. L’examen que M. Dun- can a fait des fossiles provenant de ces deux localités ne laisse aucun doute à ce sujet (2), et, comme ces fossiles crétacés ap¬ partiennent au même horizon cénomanien que ceux d’Égypte, de Syrie et d’Arabie Pétrée dont nous avons parlé plus haut, que de plus il s’y trouve quelques espèces identiques avec celles de Syrie, nous ne pouvons nous empêcher, de notre côté, de rapprocher les grès qui leur sont associés à Marbat et à Bagh de ceux de l’Idumée et de la Palestine, de la Syrie, de l’Égypte et de la Nubie. Nous proposerons donc provisoirement le parallélisme sui¬ vant, que nous pourrions poursuivre peut-être encore plus loin dans d’autres contrées voisines, telles que la Perse, par exem- (1) Géologie et Paléontologie de la province de Constantine (coupe de Hamman au Ka'idat). (2) Quart. Journ . Geol. Soc., t. XXI, p. 349. 1863. NOTE DE M. LOUIS LARTET. 499 pie, si nous nous contentions de simples analogies et d’indices encore peu nombreux. ALGÉRIE. ÉGYPTE ET S1NAÏ. ! SYRIE ET IDUMÉE. r ARABIE. INDE. i Calcaires à 0. fia- Marnes et calcaires bellata. jaunâtres à O.fla- Marnes à 0. Ower- j bellata, Owerve- vegi. ! gi, densata, Con- Marnes à 0. den- rad (anressensis, sata, Conrad (au-; Coquand), Hete- ressensis , Go- j rodiadema lybi- quand). Rhoto- cum, Hemiaster magien supérieur i Fourneli, etc. (Coquand) (1). j Calcaires, argiles et marnes jaunes à 0. âabeliata, Matheroniana , Owervegi, densa¬ ta (auressensis) , Heterodiadema ly- bicum , Janira quadricostata , etc. Schistes argi¬ leux rouges et calcaires colo¬ rés, à fossiles cénomaniens , Janira quadri¬ costata, Ô. Ma- tberoniana, He¬ miaster ceno- manensis, Or- bitolites. Calcaires argi¬ leux rouges et argiles à fos¬ siles cénoma¬ niens , He¬ miaster ceno- manensis,nu- cleolites si¬ milis, etc. Grès rhotoma- Grès de Nubie gien. poudingues' (grès monumen- et grès albiens ' tal d’Egypte , (gault). | grès du Sinaï). | Grès de Petra (grès de la mer Morte, terrains sablonneux du Liban). Grès micacé de Marbat. Grès blanc de Bagh. M. Belgrand fait la communication survante sur les dépôts quaternaires de la vallée de la Seine : Note sur l’histoire ancienne de la Seine ; par M. Belgrand. Le mémoire sur Y Histoire ancienne de la Seine , que je viens de présenter à la Société, ayant été, à cause de son étendue, renvoyé aux Mémoires, je crois devoir, pour prendre date, en donner dès aujourd’hui le résumé suivant. Jusqu’ici le travail n’a pas encore été publié, par suite de cir¬ constances indépendantes de ma volonté. Je crois donc, au moins pour prendre date, devoir fournir une sorte de résumé de mon travail qu’on consentira peut-être à publier dans le Bulletin. J’insiste peu sur la première partie de mon mémoire. Sui¬ vant moi, le relief actuel du bassin de la Seine est dû à un grand déplacement d’eau, à un énorme courant, probablement de très-courte durée, qui a sillonné ce bassin de l’amont vers l’aval, après le dépôt des terrains miocènes. On ne peut expliquer par des actions lentes : 1° le parallé¬ lisme des lambeaux de sables miocènes restés à la surface des (1) Coquand, loc. cit., coupe de llamman au Kaïdat. 500 SÉANCE DU 2 MARS 1868. plateaux de la Brie, lambeaux qui sont tous orientés comme la pente générale du bassin, du sud-est au nord-ouest; 2° L’absence des débris solides des roches détruites, sur les plaines au-dessus desquelles elles s’élevaient autrefois, par exemple, des calcaires àEntroques sur les plaines de l’Auxois, des silex de la craie sur les plaines de la Champagne, et des blocs de grès de Fontainebleau sur le plateau qui s’étend de la forêt de ce nom à Paris et sur les autres plateaux de la Brie ; 3° Le manteau de limon rouge qui s’étend sur les plateaux non ondulés et qui manque sur les plaines ondulées et sur les co¬ teaux à fortes pentes; 4° L’absence de terrain de transport dans les vallées courtes et étroites, par exemple, dans les vallées sèches des terrains oolithiques durs et dans les petites vallées de la Brie. Je fais voir comment les vallées ont pu être creusées dans toutes les directions par un courant violent, qui cependant marchait du sud-est au nord-ouest; comment les petites val¬ lées ont été \idées et comment il est resté sur les hautes ter¬ rasses des grandes vallées un mélange confus de débris des ro¬ ches détruites et de boue diluvienne; comment sur la fin du phénomène un long cordon de débris de roches détruites se développait au fond des longues vallées. C’est ce gravier qui, re¬ manié par les cours d’eau et devenu ainsi fluviatile, forme le terrain de transport des vallées. C’est de ce gravier surtout que je parlerai dans cette note. Je dois faire connaître d’abord quelques lois fort simples, mais qui jouent un rôle capital dans le dépôt des terrains de transport; c’est, suivant moi, parce qu’on n’a pas tenu compte de ces lois que l’histoire de ces terrains est encore aujourd’hui si complètement embrouillée. Dans les tournants des cours d’eau, le courant se porte contre la rive concave et tend à la corroder; les sables, les graviers, les limons grossiers et les corps flottants sont en¬ traînés par le courant réfléchi sur la rive convexe, et y for¬ ment des dépôts. « Les rives concaves se corrodent, les rives convexes s’atter- « rissent; en général les ensablements d’une rive proviennent « de la corrosion de la rive concave immédiatement supé- « rieure.... « Lorsque les sinuosités se succèdent en forme d’S, le cou- « rant semble se réfléchir d’une concavité à celle de la rive « opposée.... NOTE DE M. BELGRAND. 501 « Les matériaux entraînés par le courant se déposent à « quelque distance en aval, et forment quelquefois des bancs « au milieu du lit; d’autres fois, quand ils viennent d’une « rive concave, ils vont augmenter la rive convexe de la si- « nuosité immédiatement inférieure (1).... » Cette loi, en quelque sorte élémentaire en hydraulique, est très-importante dans l’étude des terrains de transport, puisque c’est sur la rive convexe des tournants que se portent, non- seulement les graviers et les limons, mais encore les corps flottants, les cadavres des animaux gonflés par les gaz. Seule¬ ment le cours d’eau de l’âge de la pierre occupant tout le fond de la vallée, aux mots : rive convexe, rive concave, il faut substi¬ tuer les mots : coteau convexe , coteau concave. C’est donc sur le coteau convexe des tournants des vallées, un peu à l’aval du sommet de la courbe, qu’on trouve le plus grand nombre des ossements de ces animaux, et cette loi se vérifie aussi bien dans l’âge de la pierre qu’aujourd’hui. Cuvier et Brongniart ont très-bien vu cette disposition du terrain de transport. Voici ce qu’ils en disent : « Tantôt il forme dans les mêmes vallées des plaines éten- « dues assez élevées au-dessus du lit actuel des rivières. Ces « plaines sont ordinairement composées de cailloux roulés; « elles descendent vers le lit des rivières en forme de caps « arrondis qui correspondent presque toujours à un sinus à « bord escarpé qui forme la rive opposée. » Ces caps de terrains de transport sont très-nombreux dans le bassin de la Seine, surtout dans la vallée même du fleuve qui, on le sait, est extrêmement sinueuse entre les limites de la Champagne et la mer. Dans tous ces tournants le terrain de transport ancien s’étend autour de la pointe du coteau convexe, surtout du côté d’aval, et, à partir du fleuve moderne, s’élève en pente douce en forme de cap. Il manque presque complètement le long du coteau concave actuellement taillé en talus rapide. Au pied de ce talus coule le fleuve moderne qui occupe encore la position où se portaitla violence du courant du fleuve de l’âge de pierre. Si les tournants sont disposés en S, comme par exemple, ceux du Champ-de-Mars et du bois de Boulogne, le fleuve mo¬ derne, en passant d’une courbe à l’autre, quitte le coteau con¬ cave de la première courbe, et traverse la plage des terrains de (i) Minard, Cours de construction , p. 13 et 19. 502 SÉANCE DU 2 MARS 1868. transport pour aller se coller contre le coteau concave de l’autre courbe. Ainsi la Seine à Paris longe d’abord vis-à-vis du tournant du Champ-de-Mars les coteaux de Ghaillot et d’Auteuil, qui for¬ ment le coteau concave de cette première courbe ; puis, lorsque le tournant de la vallée change de sens, le fleuve traverse le champ des alluvions entre Billancourt et le Bas-Meudon, pour longer le coteau concave de cette nouvelle courbe. Les alluvions sont toutes sur la rive opposée, au pied du co¬ teau convexe, c’est-à-dire dans le premier tournant, aux Inva¬ lides, au Champ-de-Mars, à Grenelle, et, dans le deuxième, à Billancourt, au bois de Boulogne, à Levallois et à Clichy. Cette loi d’hydraulique est tellement simple, tellement élé¬ mentaire, que les personnes les plus étrangères à cette science, en se reportant au ruisseau qu’elles connaissent, la compren¬ dront immédiatement. Elle se vérifie sans exception dans les vingt-sept tournants que présente la vallée de la Seine entre Fontainebleau et Rouen ; toujours le terrain de transport se trouve, comme la théorie l’indique, sur le coteau convexe, au sommet delà courbe et un peu à l’aval; partout le fleuve moderne serre encore de près le coteau concave si évidemment corrodé par le fleuve de l’âge de la pierre. Ces caps d’alluvions n’ont donc pas été remaniés depuis l’époque où ils se sont formés dans l’âge de la pierre ; les ter¬ rains de transport y sont encore dans l’état où ils se sont dé¬ posés dans ces temps anciens. Il n’en est pas de même dans les parties rectilignes, et rien ne prouve que le fleuve n’ait pas divagué à droite et à gauche de la position qu’il occupe aujourd’hui, remaniant ainsi les terrains de transport et détruisant les débris des corps flot¬ tants enfouis dans ces terrains. Il ne faut donc pas confondre les sinuosités du fleuve dans les parties rectilignes des vallées avec les tournants de ces mêmes vallées. Cette disposition des terrains de transport, si remarquable dans la vallée de la Seine, se retrouve dans les autres grandes vallées du bassin, dans celles de l’Oise et de la Marne notam¬ ment. Les anses ou échancrures des rives déterminent également le dépôt des alluvions et des corps flottants. C’est encore un fait dont tout le monde a le sentiment. On sait, d’après les expériences de Dubuat et de Venturi, NOTE DE M. BELGRAND. 503 que tout obstacle latéral à l’écoulement de l’eau détermine des tournoiements. « Toute saillie ou renfoncement brusque dans le fond du lit « ou sur les rives donne lieu à des tournoiements, à des af- « fouillements et à des atterrissements. Ces effets ont d’autant c( plus d’intensité que la vitesse est plus grande. « Toute anse tranquille, toute entrée de canal sans courant « dans une rivière rapide, est l’occasion d’une dépression, « d’un tournoiement ou d’un remous et d’un atterrissement « dans la partie rentrante; le tournant cylindrique ou conique « a un axe de rotation vertical; l’eau de la rivière y passe et y « dépose les troubles qu’elle charrie (1). » Les sables, les graviers, les corps flottants sont portés par les courants dans les anses comme sur la rive convexe des tournants. Les anses, dans les grandes vallées du bassin de la Seine, ont une position presque aussi bien déterminée que les caps de terrains de transport des tournants dont nous venons de parler. Lorsqu’une vallée est orientée du sud-est au nord-ouest, ou s’é¬ carte peu de cette orientation, le nombre des anses n’est pas considérable, parce que cette direction est celle du courant dilu¬ vien qui a raviné le bassin de la Seine; mais, lorsque la vallée fait un angle prononcé avec cette direction, elle a été creusée par tourbillonnements et se compose d’une série de grands cirques. De là des anses nombreuses très-favorables au dépôt des allu- vions et des corps flottants. Telle est, par exemple, la vallée delà Marne entre Lizy-sur-Ourcq et Paris; et c’est à cette dis¬ position qu’il faut attribuer le creusement des anses de Gongis, Vareddes, Crégy, Fresne, Pomponne , Brou, Chelles, Gagny, Rosny, Joinville-le-Pont, Montreuil. La vallée d’Oise, entre les plaines de la Champagne et la Seine, a été creusée dans les mêmes conditions; elle est presque perpendiculaire à la direction du courant diluvien; aussi elle se compose d’une série d’anses qui se touchent pour ainsi dire ; souvent même ces anses sont trop étendues pour que les dépôts d’alluvions aient pu pénétrer jusqu’au pied des coteaux qui les limitent. Telles sont celles de Chevrières, en face de Verberie, de Sacy-le-Grand, en face de Pont-Saint- Maxence, etc. On trouve encore, outre ces grands cirques, qui sont le ré¬ sultat du mode de creusement des 'vallées, d’autres anses dans (1) Minard, Cours de construction, p. 30-31. 504 SÉANCE DU 2 MARS 1868. des conditions diverses, notamment aux confluents de toutes les vallées secondaires. Comme exemple de dépôt dans les anses, je citerai à Paris les graviers des hauts niveaux de la plaine de Yincennes et de Montreuil, déposés à 30 mètres environ au-dessus du niveau actuel d’étiage de la Seine, dans l’anse comprise entre la pointe du cap sur lequel s’élève le fort de Nogent et le promontoire de Charonne, et les graviers des bas niveaux du Marais, des quartiers bas de la rive droite à Paris, déposés dans l’anse comprise entre la pointe du cap Mazas et Gbaillot. J’ai figuré sur la petite carte que je mets sous les yeux de la Société les lambeaux des graviers des hauts niveaux et le cordon continu des terrains de transport des bas niveaux dans la traversée de Paris. On y voit les sablières en exploitation dans les graviers des anses de Montreuil, de Paris, les caps d’alluvion du Champ-de-Mars et du bois de Boulogne et les dispositions du fleuve moderne serrant de près le coteau con¬ cave dans ces deux tournants. Le travail d’abaissement du lit d’un cours d’eau, lorsqu’il ne se produit que sur de médiocres hauteurs à la fois, donne lieu à une disposition bien simple des graviers. Lorsque le lit ED ABC est stable, c’est-à-dire lorsque sa lar¬ geur et sa profondeur ne varient pas, la hauteur des graviers et des sables ne changent pas sensiblement, même dans les anses et sur la rive convexe des tournants, où il y a tendance à alluvion. C’est ce qu’on voit partout dans la Seine actuelle; les dragueurs connaissent très-bien les points où se forment les dépôts de graviers; ils savent que, si l’on enlève ces bancs, ils se reforment en peu de temps, souvent dans le cours d’un hiver, mais aussi que leur niveau reste presque invariable si on n’y touche pas. Mais si la rivière modifie une partie ABC de son lit, soit en l’abaissant, soit en corrodant une des rives, elle transporte les matières extraites AIC à peu de distance et augmente immé¬ diatement la hauteur des graviers sur la partie du lit ADE, qu’elle n’attaque pas ; ce remblaiement du lit est ce qu’on ap- NOTE DE M. BELGRAND. 505 pelle allumon, et, d’après nos lois françaises, l’alluvion appar¬ tient au riverain quand elle s’élève au niveau de la rive; jamais elle ne dépasse ce niveau. L’alluvion s’est formée de même dans le temps de l 'âge de la 'pierre. La Seine et ses affluents ayant pour la plupart abaissé leur lit, comme on vient de le dire, ils ont en même temps remblayé une partie de ce lit, en rejetant sur une des deux rives, et quelquefois sur les deux les matières provenant de l’affouillement. C’est surtout dans les anses et sur la rive con¬ vexe des tournants que ces matières ont été transportées. Si donc on fait la coupe des graviers d’un de ces caps de terrain de transport ou de ces anses dont il a été question ci-dessus, on trouve, non-seulement à Paris, mais dans la plus grande partie du bassin, la disposition indiquée sur la figure suivante. Dépôt des débordements. Alluvion. ) Limon rouge. . . Cailloux roulés Sables gras » ^3C?<^o CJ o V €> C- Gravier de fond couches à osse¬ ments taillés Zones alternantes. - , de sable et . ... - "ç> ? Q ° O Q Gravier en blocs, e Oo o °_ o Zones alternantes ", és. ! '• » « i • . : • . V vV.‘ i i » M * „ V *• * . vier avec blocs.’o °Q c o° d° > O ° O £ o ° ° °oO oOCO o Q o ô o. P o. o . O Q ooOfeû-Ç) C C O . a ° r> e O g. o 0 o 1° Au fond de la carrière, zones alternantes AB de gravier et de sable, que j’appelle graviers de fond , qui ont été recouvertes par les eaux moyennes de la rivière. Dans les anses, sur la rive convexe des tournants du fleuve, ils renferment souvent des os¬ sements de grands animaux de race éteinte, des coquilles ter¬ restres et fluviatiles, et quelquefois des silex taillés. S’ils font partie d’un lit rectiligne, ou s’ils ont été déposés en plein courant, les ossements y sont rares. On y trouve quelques dents d’Élépbant, de Cheval, en général dépouillées de leur cément, ou d’autres ossements très-durs; les coquilles terres¬ tres ou fluviatiles sont peu nombreuses. Cette première partie des graviers a rarement plus de 4 mè¬ tres de hauteur dans les sablières de Paris. 506 SEANCE DU 2 MARS 4868. 2° Au-dessus du gravier de fond, zones BG, que j’appellerai alluvion, composées en général de graviers de moins en moins volumineux, à mesure qu’on s'élève au-dessus du fond de la carrière, alternant avec des zones de sable et accidentellement avec des bandes de limon gris. L’all uvion, d’après la définition donnée ci-dessus, s’élevait au-dessus du niveau des eaux moyennes, et a complété jusqu’au niveau de la berge le rem¬ blaiement de la partie du lit abandonnée. On sait que la partie supérieure des alluvions est formée de sables impurs dans lesquels la végétation s’établit immédia¬ tement ; dès que l’alluvion atteint le niveau des berges, elle se couvre de graminées; il en était de même dans l’âge de la pierre. M. Martin désigne sous le nom de sable gras ce dépôt supérieur; je conserve ce nom qui me paraît juste. L’alluvion renferme rarement des silex taillés, plus rare¬ ment encore des ossements. 3° Zone CD, en général assez mince, de petits cailloux peu roulés. Cette zone se trouve aussi au bord de la plupart de nos grands cours d’eau modernes ; les eaux de débordement, en rentrant dans le lit, enlèvent toutes les parties meubles ou sa¬ bleuses et laissent seulement des débris solides qui forment ainsi une zone de cailloux peu roulés. 4° Couche DE de limon ocreux, relais des eaux de débor¬ dement. Pour bien comprendre ce dépôt, il faut se rap¬ peler que l’alluvion, d’un côté, rétrécissait le lit au fur et à mesure qu’il s’abaissait de l’autre, et formait ainsi une berge nouvelle de plus en plus éloignée de la berge primitive. Les eaux de débordement recouvraient cette plage de gravier, qui ne faisait plus partie du lit, et y déposaient une couche de limon, absolument comme nos cours d’eau modernes lors¬ qu’ils débordent sur les plaines voisines de leur lit. Ce limon rouge des débordements a pénétré plus ou moins profondément par infiltration, non-seulement dans la couche de cailloux non roulés CD, mais encore dans l’alluvion et dans le gravier de fond. La plupart des géologues ont méconnu cette loi du remplis¬ sage du lit des cours d’eau, loi bien simple et qui se vérifie dans toutes nos rivières modernes. Lorsque le sable gras, qui est imperméable, couronne l’al- luvion comme cela a lieu habituellement dans les anses et sur la rive convexe des tournants, la pénétration du limon ne des- NOTE DE M. BELGRAND. 507 cend pas au-dessous de la zone CD, de cailloux non roulés ; lorsque les sables gras manquent, ce qui indique que le terrain de transport était en plein courant, le limon rouge descend beaucoup plus bas et a imprégné quelquefois toute la masse du terrain de transport. Les couches AB, BC ont été désignées sous le nom de dilu¬ vium gris inférieur, moyen et supérieur, lorsqu’elles ne sont pas imprégnées de limon rouge. On a donné le nom de diluvium rouge a la zone DC et aux parties des couches AB et BC rougies par l’infiltration du limon des débordements. Le nom diluvium n’est pas applicable à des graviers fluvia- tiles, et les divisions qu’on a voulu introduire dans ces terrains de transport sont encore bien moins admissibles. En effet, les cours d’eau ont coulé à diverses altitudes dans des lits dont les restes sont très-nettement séparés les uns des autres, et présentent tous la môme disposition de graviers. Il faudrait donc admettre le diluvium rouge, le diluvium gris inférieur, moyen et supérieur des hauts niveaux, le dilu¬ vium rouge, le diluvium gris inférieur, moyen et supérieur des bas niveaux, et faire les mômes divisions dans les lits in¬ termédiaires. Or, il est bien certain que le gravier gris de l’anse de Mon¬ treuil, dont le sol est à 29m,65 au-dessus des basses eaux de la Seine au pont de la Tournelle, n’est pas du même âge que le gravier gris des sablières du Chevaleret, de Grenelle ou de Clichy. qui ne s’élèvent qu’à H ou 12 mètres au-dessus du ni¬ veau d’étiage de la Seine actuelle. Ils ne peuvent donc porter le même nom géologique. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler comment voyagent les graviers et les sables dans les cours d’eau. Ils ne se déposent pas en couches minces s’accumulant les unes au-dessus des autres, comme les strates des terrains ma¬ rins. « Dubuat, ayant garni le fond d’un canal en bois de gros « sable, a remarqué qu’il était emporté en tourbillon quand la « vitesse était de 0m,50, mais que, lorsqu’elle dépassait seule- « ment 0m,30, la superficie du sable se ridait souvent en petits « sillons perpendiculaires au courant. Les grains de sable les « franchissaient en roulant sur le talus d’amont et descen- « dant de leur propre poids sur le talus d’aval. « J’ai presque toujours vu ces rides au sommet des dunes de 508 SÉANCE DU 2 MARS 1868. « Gascogne, dans la partie exposée au vent.... Un courant « d’eau doit produire les mêmes effets qu’un courant d’air (1). » Rien ne donne mieux, en effet, l’idée du mode de transport du gravier dans les cours d’eau dont la vitesse est modérée que le déplacement du sable des dunes. On ne peut nier d’ailleurs le déplacement du gravier dans nos cours d’eau ; depuis des siècles les dragueurs en enlèvent des quantités considérables dans la traversée même de Paris, et à la première crue les excavations qu’ils produisent sont comblées. En résumé, les limons restent en suspension dans l’eau quand la vitesse dépasse 0m,15 par seconde. Au-dessous de cette limite, les parties les plus grossières se déposent rapide¬ ment. Les matières plus ténues s’abaissent en nuages, d’au¬ tant plus lentement qu’elles sont plus légères. Les argiles très- fines peuvent rester en suspension plusieurs jours dans une eau dépourvue de tout mouvement. Les sables fins commencent à se déplacer quand la vitesse de l’eau atteint 0m,20 (Dubuat); le gros sable, quand la vitesse dépasse 0m,30. Les petits graviers qui servent à sabler nos jardins sont en¬ traînés de nos jours dans la Seine, à Paris, par des crues dont la vitesse est comprise entre 0m,70 etlm,50 et ainsi de suite, le déplacement des gros graviers se comprenant par induction, comme le dit M. Minard, en admettant une augmentation suffi- santé de vitesse. Ces lois étant admises, revenons à nos cours d’eau de l’âge de pierre. Les cours d’eau qui succédèrent immédiatement au cata¬ clysme diluvien n’avaient point de lit régulier et couvraient tout le fond des vallées , resserrés dans les terrains durs, étendus en grands marécages dans les terrains mous. ïls ont peu à peu modifié cet état primitif en remaniant les détritus accumulés au fond des vallées, en abaissant leur ni¬ veau, et en y creusant des lits réguliers. Les lits les plus élevés sont les plus anciens. Lorsqu’on étudie la disposition des lits successifs de la Seine dans Paris, on trouve que le plus ancien et le plus élevé a laissé sa trace sur les hauteurs de la plaine de Montreuil, à l’altitude de 55m,90, et de la barrière d’Italie à l’altitude de 63 mètres; le niveau d’étiage actuel est à l’altitude de 26m,25, (1) Minard, Cours de construction , p. 16. NOTE DE M. BELGRAND. 509 ce qui donne une différence de niveau de 29m,65 à 36m,75 entre le lit le plus élevé et le plus bas. En remontant le cours de la Seine, de la Marne et de l’Oise jusqu’à la limite de la Champagne et en descendant celui de la Seine jusqu’à la mer, on constate dans les anses et sur la rive convexe des traces de l’existence de ces anciens lits, par des lambeaux de terrain de transport renfermant des sables de rivière. Ces restes sont tous à des altitudes voisines de 60 mètres. Ces trois rivières ont donc coulé dans des lits presque dé¬ pourvus de pente depuis la limite de la Brie et de la Cham¬ pagne jusqu’à la mer. Le continent était alors de 60 mètres plus bas qu’aujourd’hui. Je donne le nom de graviers des hauts niveaux aux graviers de cet ancien lit des cours d’eau. C’est au relèvement du niveau du continent qu’est dû l’a¬ baissement des lits entre la Champagne et la mer. Au fur et à mesure que le continent se relevait, la pente des cours d’eau augmentait et le niveau des lits s’abaissait. Les restes des graviers des hauts niveaux se trouvent égale¬ ment dans les anses et sur les coteaux des tournants des val¬ lées dans la traversée des terrains jurassiques et crétacés, mais à une altitude beaucoup plus grande. Ainsi, aux grottes d’Arcy, les graviers des hauts niveaux se voient à 15 mètres au-dessus du niveau de la Cure, dont l’é- tiage est à l’altitude 122m,37 ; dans la vallée de la même ri¬ vière, à Yermanton, j’ai exploité une sablière des hauts ni¬ veaux, à 15 mètres au-dessus du niveau d’étiage qui est à 113m,59; à Auxerre, les graviers des hauts niveaux de l’Yonne sont également à 15 mètres au-dessus de l’étiage actuel qui est à l’altitude 96m,36. Les restes de graviers des hauts niveaux dans ces trois loca¬ lités sont composés presque entièrement de débris graniti¬ ques, tandis que la grève calcaire provenant des roches jurassi¬ ques est très-dominante dans les bas niveaux. Pour en finir avec ces restes des plus anciens lits des cours d’eau, je dirai qu’ils ne sont nullement contemporains. Le travail d’abaissement est beaucoup plus ancien dans les vallées jurassiques de la Bourgogne et crétacées de la Cham¬ pagne, que dans les grandes vallées comprises entre la Cham¬ pagne et la mer. VUrsus spelœm vivait dans les grottes d’Arcy, à 3 mètres au-dessus del’étiage delà Cure, c’est-à-dire lorsque cette rivière avait abaissé son lit à très-peu près au niveau ac- 5i0 SÉANCE DU 2 MARS 1868. tue], tandis que les graviers des hauts niveaux sont à 15 mè¬ tres au-dessus de l’étiage. Les mammifères de la plus ancienne faune quaternaire ont donc laissé leurs restes dans les grottes d’Arcy qui appartiennent aux bas niveaux, tandis qu’à Paris on trouve en abondance dans les graviers des hauts niveaux de Montreuil les restes des grands herbivores qui paraissent moins anciens. Ces différences chronologiques se comprennent facilement, puisque, dans les parties supérieures des vallées, les pentes sont considérables, d’environ 80 centimètres par kilomètre, et ont suffi pour déterminer l’abaissement du niveau des lits dès l’origine de l’âge de la pierre. Si les graviers des hauts niveaux ne se trouvent plus, dans le bassin de la Seine, que dans les anses et sur la pointe des caps, il n’en est pas de même des graviers des bas niveaux, qui se développent en cordon continu dans toutes les grandes val¬ lées des terrains crétacés et tertiaires. J’ai fait voir la disposition de ce cordon dans les parties courbes et rectilignes de ces vallées. A Paris, il n’a pas moins de 2 kilomètres de largeur à l’aval des deux tournants du Champ-de-Mars et du bois de Boulogne, et forme les plages d’alluvions de Grenelle et de Levallois, si connues des géolo¬ gues et dans lesquelles on a trouvé un si grand nombre d’os¬ sements et de silex taillés. Il est très-rare, dans les bas niveaux, de trouver des sablières ouvertes en plein courant, comme celles des hauts niveaux de l’avenue Daumesnil ou du plateau d’Ivry. L’alluvion et les sa¬ bles gras qui la couronnent se sont étendus sur toute la sur¬ face des graviers de fond. Les sables étant moins purs, le li¬ mon rouge de débordement n’a pas pénétré dans les masses de graviers en longues dentelures, comme dans l’avenue Daumes¬ nil, ou dans toute la masse, comme dans les sablières de la plaine d’Ivry et de la Butte-aux-Cailles. Il s’est étendu sur toute la surface en longue bande comme dans l’anse de Montreuil. On a donc considéré les sablières de Levallois et de Grenelle comme des types du diluvium gris et le gravier de la place de Reuilly (avenue Daumesnil) et de la Butte-aux-Cailles comme des types de diluvium rouge. Ces noms, je l ai dit plus haut, ne peuvent être conservés. Le cordon des graviers des bas niveaux s’élève au maximum à l’altitude de 38m,90 à la carrière du Chevaleret, en amont de Paris, et s’abaisse en pente douce jusqu’au fleuve, dont l’étiage. NOTE DE M. BELGRAND. Oli dans cette partie, est à l’altitude de 26m,30. Sur l’autre rive, dans la rue de Charenton et dans la petite rue de Reuilly, il est à l’altitude de 35m,23 ; à Grenelle, il est tout entier sur la rive gauche, au pied du coteau convexe du tournant du Champ-de- Mars, conformément à la loi formulée ci-dessus. Sa plus haute altitude en arrière des Invalides et rue de Sè¬ vres à Grenelle est sensiblement de 36 mètres. Il s’abaisse de là en pente douce vers le fleuve, dont l’étiage vers le pont de Grenelle est à l’altitude de 24m,67. En construisant l’égout collecteur de la rue de Courcelles à Levallois, j’ai coupé perpendiculairement à la Seine l’ancien lit des bas niveaux de l’âge de la pierre. Voici cette coupe : Coupe du vieux lit de la Seine à Levallois, près Paris, montrant la dispo¬ sition des graviers et des limons rouges qui leur sont superposés. 276.70 117.30 279.40 307.10 272.70 245.65 402.40 64 156 a. Niveau probable de la plus grande crue connue de la Seine en février 1658 (31*, 10). b. Niveau de la Seine à l’étiage (23m,30). Le village Levallois est situé sur la convexité du grand tour¬ nant que décrit la Seine à la sortie de Paris (tournant du bois de Boulogne). On voit que le bord de la berge la plus ancienne est à l’alti¬ tude de 34m,70 environ; le bord de la berge du fleuve actuel est à l’altitude 27m,40; l’abaissement total à Levallois a donc été de 7m,30. Entre ces deux berges, l’ancien lit est entièrement rempli de gravier et de sable, comme dans la plupart des sablières; il est très-difficile de trouver la ligne de séparation du gravier de fond et de l’alluvion ; mais, comme dans toutes les anses et les tournants du fleuve parisien, le gravier de fond est caractérisé par la présence des ossements et, de plus, par de nombreux silex taillés. Ces objets ont été trouvés tout le long de cette coupe à 2 à 3 mètres au plus au-dessus de la ligne de fond AGHCDE. Le dernier des grands lits de l’âge de la pierre est très-net¬ tement indiqué entre les lettres C, D, E. Le gravier de fond est au niveau du lit de la Seine actuelle. 512 SÉANCE DU 2 MARS 1868. Le remplissage ou Palluvion s’est fait presque entièrement en gravier et en sable. On y trouve une zone de limon assez épaisse vers la rive du fleuve moderne. Il n’y a pas trace de tourbe. Cette coupe justifie complètement ma classification des ter¬ rains de transport. Lorsque le fleuve coulait dans la partie AB de cet ancien lit, une couche de gravier en tapissait le fond; c’est ce que j’ai appelé le gravier de fond. Puis le fleuve a comblé son lit de A en B sur la rive droite, au fur et à mesure qu’il l’abaissait sur la rive gauche, et avec les matériaux provenant de cet affouillement. Ce dépôt nouveau est ce que j’appelle Yalluvion , qui dans la localité se termine par le sable gras. Au-dessus de Palluvion s’étend la petite zone de cailloux non roulés, puis la couche de limon rouge. Ces deux derniers dépôts se sont faits lorsque les graviers qu’ils recouvrent n’appartenaient plus au lit du fleuve; cette coupe générale du lit ne permet pas d’en douter. Us sont donc les relais des eaux de débordement. Toutes les sablières de Sablonville, Levallois et Clichy sont ouvertes dans l’ancien lit des bas niveaux que représente cette coupe. Aucun de ces dépôts n’a été formé par une invasion d’eau di¬ luvienne qui aurait surmonté les plateaux du bassin de la Seine, ainsi que beaucoup de géologues l’admettent encore. Un tel phénomène n’aurait pu s’accomplir sans violence, et le premier effet de cette violence se serait fait sentir au fond de la vallée et aurait complètement détruit cet ancien lit fluviatile si parfaite¬ ment conservé. Si, par la pensée, on rétablit le fleuve de l’âge de pierre dans son ancien lit, on voit, par la disposition de la ligne AGHCDE, qu’il a toujours été plus profond sur la rive concave (rive gau¬ che) que sur la rive convexe. La rivière a donc toujours serré de près le coteau de la rive gauche, c’est-à-dire la rive concave du grand tournant du hois de Boulogne, et le courant réfléchi a toujours apporté les allu- vions sur la rive droite, c’est-à-dire au pied du coteau convexe. Le lit du fleuve moderne longe encore le coteau de la rive gauche, au lieu de se trouver au milieu de la coupe, comme cela a lieu habituellement lorsque la vallée est rectiligne. Legrand nombre des silex et leur état de conservation prou- NOTE DE M BELGRAND. 513 vent aussi que les graviers n’ont pas été apportés par les eaux à la place qu’ils occupent aujourd’hui. Les dispositions de cette coupe s’appliquent exactement à tous les caps de terrains de transport des tournants des val¬ lées déda Seine, de la Marne et de l’Oise entre la Champagne et la mer, et notamment à celui du Champ- de-Mars. La coupe des graviers de la plaine de Grenelle est identiquement la même que celle de Levallois, en changeant les noms des rives et les altitudes. Dans la basse Seine, à partir de Meulan , on trouve une couche de tourbe dans le dernier CDE des grands lits. Les mêmes faits se constatent même dans la plupart des an¬ ciens graviers fluviatiies où l’on trouve des silex taillés et des ossements, non-seulement en France, mais en Angleterre, en Espagne, en Italie. Dans la plupart des cas, ces objets se trouvent dans les gra¬ viers de fond. L’alluvion qui recouvre ces graviers en est habi¬ tuellement dépourvue. Je dis habituellement, car, d’après la définition même de l’al¬ luvion, il n’est pas impossible qu’elle renferme des ossements et des silex taillés; mais ces objets y sont rares. C’est ce qui distingue les terrains de transport déposés dans des eaux courantes, des terrains stratifiés déposés dans des eaux tranquilles. Dans ces derniers, il y a réellement des fos¬ siles caractéristiques des diverses couches, qu’on ne trouve ja¬ mais ni au-dessus ni au-dessous de ces couches. Mais il n’en est pas moins certain que les restes des animaux et du travail de l’homme, dans les cours d’eau de l’âge de pierre, se trouvent, comme cela doit être, surtout dans le gravier qui formait le fond du lit de ces rivières, et non dans l’alluvion qui a comblé ce lit lorsque le niveau de l’eau s’est abaissé. A Saint-Acheul , par exemple, l’examen des lieux ne laisse aucun doute. Les graviers sont déposés au fond d’une petite anse à une assez grande hauteur au-dessus du cours d’eau actuel. Le cours d’eau a donc abaissé son lit, et par conséquent a dû combler avec des alluvions les parties qu’il abandonnait. On voit, en effet, dans les sablières que j’ai visitées, une couche de gravier de fond très-différente de l’alluvion qui la recouvre, et c’est dans cette couche de gravier de fond qu’on trouve les haches en silex que les travaux de M. Boucher de Perthes ont rendues si célèbres. Cette séparation nette de l’alluvion à Saint-Acheul est un fait Soc. géol 2 e série, tome XXV. 83 514 SEANCE DU 2 MARS 1868. purement local; à Paris il est absolument impossible de la dis¬ tinguer dans le plus grand nombre des sablières. Je mets sous les yeux de la Société quelques-unes des coupes que j’ai relevées dans les sablières de l’anse de Montreuil et des caps de terrain de transport de Grenelle et de Levallois. Dans les coupes que j’ai mises sous les yeux de la Société figure la couche superficielle de limon de couleur ocreuse des débordements qui recouvre presque partout l’alluvion, et qui, par conséquent, s’est déposée lorsque le lit était déjà rempli de sable; c’est ce qu’on voit très-bien dans la coupe complète du vieux lit de la Seine, à Levallois; dans les sablières, on trouve fréquemment d’autres limons qui alternent avec les couches de gravier et de sable et qui remplacent souvent les sables gras de l’alluvion. Ces limons sont donc déposés dans le lit même des cours d’eau. Ils sont habituellement de la couleur des terrains qui constituent le pied des coteaux voisins, souvent un peu altérée par un mélange d’argile bleuâtre ou d’oxyde de fer. Ainsi, à Paris, ils sont de couleur grise, comme les marnes du calcaire siliceux de Saint-Ouen et du calcaire grossier, mais tirant un peu plus sur le jaune ; ils sont aussi beaucoup plus sa¬ bleux que ces marnes. Ils sont très-développés sur la rive convexe des tournants, lorsque la rive concave est formée de terrains mous. M. Reboux a suivi, sur une grande longueur, depuis Saint-Cloud jusqu’à Clichy, une zone épaisse de limon gris jaunâtre qui, dans les sablières de ces localités, est intercalée entre deux bancs de sable ou de gravier. Ces limons proviennent très-probablement de la destruction des marnes tertiaires des coteaux de la rive gauche, où se trouvent aujourd’hui Sèvres, Saint-Cloud, Pu¬ teaux, Courbevoie, Asnières; la pente rapide des coteaux an¬ nonce une ancienne corrosion de cette rive, et, comme dans tous les cours d’eau où le fait se produit, les détritus enlevés par l’eau étaient portés par elle sur la rive opposée. Cette explication paraîtra peut-être purement hypothétique à beaucoup de nos confrères. Rien, en effet, ne distingue les marnes provenant des coteaux de Saint-Cloud des autres ter¬ rains marneux du reste de la France. Mais il n’en est plus ainsi lorsque les coteaux affouillés con¬ tiennent des terrains d’une nature spéciale. Ainsi, en amont de Troyes, la vieille Seine de l’âge de pierre rongeait, sur sa rive droite, le bas coteau de green-sand , qui la séparait de son af- NOTE DE M. BELGRANB. 515 iïuent, la Barse. D’après la loi exprimée ci-dessus, elle portait lesalluvions sur la rive gauche, et notamment près de Rosières, où se trouve une immense plage de grève disposée en pente douce. Or, M. Leymerie a donné une coupe de la grévière de Rosières, et dans cette coupe la grève alterne avec des zones de limon sablonneux de couleur verdâtre provenant évidemment des co¬ teaux de green-sand de la rive opposée. La différence de coloration des limons des débordements et des limons faisant partie des anciens lits tient à ce qu’ils ne se déposaient pas dans les mêmes phases des crues. Lorsque la Seine, la Marne ou l’Oise débordent, tout le monde sait que l’eau est toujours de couleur ocreuse; mais alors sa vitesse au- dessus du lit est trop grande pour qu’elle y forme aucun dépôt limoneux. Elle perd, au contraire, une grande partie de sa vi¬ tesse sur les plaines voisines et y laisse des relais boueux. Lorsque la rivière rentre dans son lit, sa vitesse diminue, et, dans certaines parties, peut être assez faible pour qu’elle y dé¬ pose des limons. Mais alors elle a perdu sa couleur ocreuse; elle est colorée en gris terne. Dans la même crue, une de ces trois rivières peut donc encore aujourd’hui déposer des limons jaunâtres sur les plaines voisines et des limons gris dans son lit. Enfin on trouve, au débouché des vallées secondaires, une troisième espèce de limon qui mérite une attention toute spé¬ ciale. L’eau de l’affluent, refoulée par celle du fleuve, perdait sa vitesse qui devenait presque nulle, et les limons en suspen¬ sion se déposaient un peu en amont du confluent, au fond de la vallée et sur les pentes des coteaux voisins. Entre la Champagne et la mer, ces dépôts ne s’élèvent jamais au-dessus de l’altitude de 60 mètres. Telle est l’origine des limons qui tapissent les flancs de la vallée de la Bièvre, entre les fortifications de Paris et Bourg-la- Reine. Ce dépôt est très-nettement séparé du limon rouge des plateaux de Villejuif et de Montrouge. Il existe un dépôt de même genre au débouché de la vallée d’Orge. On en voit une très-belle coupe derrière la station du chemin de fer d’Orléans, à Savigny. Je citerai encore le dépôt limoneux de Mantes-la-Ville, à l’extrémité de la vallée d’un petit affluent de la Seine, la Vau- couleur, qui débouche à Mantes. Le village de Mantes-la-Ville est bâti à l’extrémité du coteau qui termine le côté gauche de 516 SÉANCE DU 2 MARS 1808 cette vallée, et un épais dépôt limoneux tapisse le contour de ce coteau jusqu’à l’altitude de 60 mètres. J’ai découvert dans ce dépôt de nombreux ossements de marmottes et quelques ossements de cheval, que je mets sous les yeux de la société. Ces limons, déposés dans des conditions si variées, sont très- différents de composition. Quelques-uns ressemblent au lœss du Rhin. Tels sont, par exemple, les limons deMantes-la-Ville, de la vallée d’Orge et de plusieurs dépôts sur le tracé de l’aque¬ duc de la Vanne, notamment au-dessus de Sens, dans une val¬ lée secondaire. Il n’est pas rare d’y trouver des ossements, comme on le verra ci-dessous. J’ai cherché à démontrer ci-dessus que les limons des pla¬ teaux de la Brie étaient réellement diluviens et que leur dépôt remontait à l’époque de la destruction des terrains miocènes. La plupart des géologues ne partagent pas cet avis et veil¬ lent en faire un des dépôts les plus récents, postérieurs aux graviers des grands cours d’eau. Suivant eux, le limon des plateaux et celui qui recouvre les pentes et le fond des vallées sont contemporains. Ils se basent, pour soutenir cette opinion, sur les faits sui¬ vants : en Belgique et en Picardie, ces limons se relient sans discontinuité ; dans le bassin de la Seine, on les trouve en apparence semblables, non-seulement sur les plateaux, mais sur toutes les terrasses et sur les graviers des anciens fleuves. Ils admettent donc que Père de l’âge de pierre a été terminée par une nouvelle inondation générale qui a déposé partout cet immense tapis de limon; les anciennes boues glaciaires de la Suisse auraient été emportées par ce déluge et réparties ainsi à la surface du continent. La continuité du dépôt de limon rouge sur les plateaux, sur les coteaux et sur les graviers des vallées ne me paraît pas décisive. Au village d’Escaudœuvres, près de Cambrai, j’ai constaté que le limon rouge descendait des plateaux, non-seulement sur la pente des coteaux, mais encore sur les tourbes de la vallée de l’Escaut, qui, dans cette localité, n’a guère moins d’un kilomètre de largeur. J’ai vérifié le fait dans une propriété de près de 100 hectares, et l’on m’a affirmé qu’il en était ainsi dans un grand nombre de localités de la même vallée ; le rougeon ou limon des pla¬ teaux recouvre la tourbe sur 1 à 2 mèires d’épaisseur. NOTE DE M. BELGRAND. 517 Sur ce point, le moindre paysan est un excellent observateur, car le rougeon est fertile; c’est la riche terre du nord, tandis que la tourbe est presque stérile. Je ne pense pas qu’aucun géologue admette que le terrain hesbayen, le rougeon du nord, le limon rouge des plateaux du bassin de la Seine, aient été déposés postérieurement à l’ère des tourbes, et alors il faut bien reconnaître que le rougeon qui recouvre le fond de la vallée de l’Escaut y a été amené tout simplement, dans les temps modernes, par les eaux pluviales. 11 n’est donc nullement démontré que cette continuité du man¬ teau rouge existât dans l’origine. J’ai fait voir d’ailleurs en discutant la coupe de l’ancien lit de la Seine à Levallois, que le limon rouge qui tapisse les gra¬ viers les aurait complètement bouleversés s’il avait été apporté par une inondation générale. Je persiste donc à croire qu’il n’y a aucune relation d’âge entre le limon des plateaux et celui qui recouvre les graviers des vallées. Le premier est d’origine diluvienne; l’autre, d’ori¬ gine fluviatile, se dépose encore aujourd’hui sur les bords de nos cours d’eau en temps de débordement. Nous connaissons assez le régime de notre fleuve pour cher¬ cher à calculer son débit en temps de grandes crues. Lorsqu’il coulait à son plus haut niveau, sa largeur, entre la barrière de Montreuil et celle d’Italie, était d’environ 6 kilomè¬ tres. De plus, lorsqu’il coulait sur le gravier de fond de l’anse de Montreuil, l’altitude de son lit était à très-peu près de 50 mé¬ trés (1). L’altitude du limon rouge déposé par les eaux de déborde¬ ment au-dessus de la sablière du Kremlin, route de Fontaine¬ bleau, n° 50, près de la barrière d’Italie, et au magasin à four¬ rage de celle de Vaugirard, est très-sensiblement de 63 mètres. Cette altitude est celle des plus grandes crues. Il résulte de là qu’à l’anse de Montreuil la profondeur d’eau dans les déborde¬ ments était de 63m — 50m = 13 mètres. A la barrière d’Italie, elle ne paraît pas avoir dépassé 7 mè- (1) Altitude du sol . 55m,10 Hauteur de fallu vion complémentaire, en¬ viron . . 5 ,10 Différence altitude du gravier de fond.„ ; 50m,0G 518 SÉANCE DU 2 MARS 1868. très. Il est probable que dans le milieu du lit le fleuve était un peu plus profond ; mais en prenant pour sa profondeur moyenne la moyenne des deux nombres qui précèdent, soit — — — 10 mètres, on trouve que la section de l’eau d’une crue du fleuve, ce que les ingénieurs appellent la section mouillée, était de 60,000 mètres carrés environ entre les barrières d’Italie et de Montreuil. Si nous connaissions la vitesse de l’eau, nous aurions immé¬ diatement le débit. La vitesse n’était pas grande, puisque la pente entre la limite de la Champagne et la mer était extrêmement faible. Nous en trouvons une autre preuve dans l’état des graviers, qui sont à peine roulés à l’avenue Daumesnil, où l’on était cependant en plein courant. Il paraît donc probable qu’à ces époques anciennes, dans la traversée des terrains tertiaires, la Seine roulait sur le gravier de fond sans le déranger, absolument comme aujourd’hui. C'était seulement lorsqu'elle modifiait son lit en l’abaissant qu’elle déplaçait les graviers et lavait les zones de sable en les affouil- lant et en les faisant couler de l’amont vers l’aval, ou en les je¬ tant sur les rives. C’est encore à ces époques de grandes vitesses que le fleuve a pu jeter dans les anses et sur la rive convexe des tournants ces blocs de grande dimension qu’on trouve aujourd’hui dans les sablières. Puis un nouveau régime permanent s’établissait et les gra¬ viers de fond reprenaient leur immobilité (1). La grosseur des graviers et des blocs ne nous indique donc nullement quelle pouvait être la vitesse du fleuve dans les (1) L’état des ossements justifie les intermittences de stabilité et de mobi¬ lité des lits. Je mets sous les yeux de la société une jambe d’ Aurochs trouvée dans la sablière Savart (anse de Montreuil); à côté était la tête de l’animal. L’état parfait de conservation des articulations, des petits ossements, du carpe, des phalanges, du troisième os métacarpien rudimentaire, ne permet pas de douter que ces ossements ne fussent encore pourvus de leurs ligaments au moment où ils ont été recouverts par la zone de sable qui les a préser¬ vés de la destruction. A côté, dans la même sablière, se trouvent des osse¬ ments roulés que je mets également sous les yeux de la société et qui par conséquent sont restés longtemps, à la surface du gravier de fond, exposés à l’action destructive des sables charriés par le fleuve. Ces graviers de fond ne s’embrouillaient donc que par intermittences. NOTE DE M. BELGRAND. 519 grandes crues. Nous savons seulement, par l’étude des sablières, qu’il ne se déposait jamais de limon en plein courant, même en temps de basses eaux, et que, par conséquent, la vitesse ne tombait jamais au fond du lit au-dessous de 0m,20 par seconde. Je suis conduit par diverses considérations que je développe¬ rai dans mon mémoire, à admettre que, même en basses eaux, la vitesse de fond en plein courant ne tombait jamais au-dessous de 0m,20, et dans les plus grandes crues la vitesse moyenne devait être comprise entre 0m,45 et i mètre . Avec le premier de ces deux chiffres on trouve que le débit des plus grandes crues devait être 60000 X 0m, 45 = 27000 mètres cubes par seconde, et avec le second 60000 X 1 mètre = 6000 0 mètres cubes par seconde. Si la section avait été uniforme sur toute la longueur du fleuve, la vitesse de 0m,45 correspondrait à une pente kilomé¬ trique de 0m,0Q8, la vitesse de i mètre, à une pente kilomé¬ trique de 0m,035. La longueur totale du fleuve, entre Paris et la mer, devait être alors de 227 kilomètres seulement; la pente totale aurait donc été : Avec la vitesse 0m,45, de 227 X 0m,008 = lm,816. Avec la vitesse 1 mètre, de 227 X 0m,03 5 = 7m,95. Le premier de ces nombres semble justifié par la faible pente des graviers des hauts niveaux, qui sont tous à la même altitude, on l’a vu ci-dessus, depuis la Ferté-sous-Jouarre et Melun jusqu’à Elbeuf. Le débit du fleuve est resté longtemps très-considérable; car, lorsque son lit était abaissé à l’altitude de 38m,90 au-dessus des sables de la carrière du Ghevaleret, la section mouillée était encore de 40,000 mètres carrés environ, et sa portée devait être peu différente de celles indiquées ci-dessus. Il y a eu, au contraire, un changement subit, une diminu¬ tion de débit considérable à l’époque des tourbes. L’existence de ces grands cours d’eau paraît inconciliable au premier abord avec la faible étendue de leurs bassins. Mais, quand on connaît bien le régime de la Seine, on voit facile¬ ment qu’avec de très-légères modifications dans le climat on arrive à des augmentations énormes de débit. 520 SÉANCE DU 2 MARS 1868. Examinons, par exemple, la crue de septembre 1866, qui est la plus grande connue des affluents de la Seine et de l’Yonne. Nous allons reconnaître pourquoi elle n’a été que d’une mé¬ diocre hauteur à Paris. Cette crue a été produite par une pluie torrentielle de trente heures environ, tombée du 22 au 24 septembre, dans les par¬ ties hautes du bassin de la Seine. Dans la haute Yonne, la hauteur de pluie tombée a varié, suivant les localités, entre . Dans la basse Yonne, entre . Dans le bassin de l’Armançon . Dans le bassin de la Seine proprement dit, en amont de Paris . Dans le bassin de la Marne . 81 et 151 millimètres. 69 et 102 75 et 134 35 et 124 44 et 86, etc. Les affluents de l’Yonne ont éprouvé une crue formidable. On a calculé que l’Armançon à Aisy ne débitait pas moins de 800 mètres cubes par seconde. On ne peut guère évaluer à moins de 500 mètres les débits séparés du Serein à Guillon, de la Cure à Saint-Père, de l’Yonne à Clamecy. Ces quatre rivières débitaient donc ensemble envi¬ ron 2,300 mètres cubes d’eau par seconde, tandis que la Seine, à Paris, dont le bassin est bien plus considérable, n’a débité, au maximum de la même crue, que 1,250 mètres cubes environ par seconde. Cette singulière anomalie tient à un fait bien simple, à ce que les crues de ces quatre rivières, qui sont arrivées les pre¬ mières sous les ponts de Paris, ont passé l’une après l’autre, et ont précédé de plusieurs jours les crues des autres af¬ fluents. Que fallait-il pour que la crue de Paris dépassât toutes les crues connues? Que la pluie des 23 et 24 septembre continuât avec la même intensité pendant trente heures de plus, le 25 et le 26. En effet, j’étais alors en Bourgogne, et j’ai constaté sur place que les affluents les plus violents avaient atteint leur hauteur maximum vers le 24 septembre, mais qu’ils étaient rentrés dans leur lit le 26 au matin, tandis que les affluents les plus tranquilles n’avaient atteint leur maximum que vers le 26 dans la journée. NOTE DE M. BELGRÀND. 521 Ces crues violentes et tranquilles ont donc passé sous les ponts de Paris les unes après les autres. 11 est bien évident que si la pluie avait duré avec la même intensité jusqu’au 26, la crue des affluents violents se serait soutenue au delà de cette date, c’est-à-dire au delà du jour où j’ai constaté le maximum de la crue des affluents lents. Les ponts de Paris auraient donc débité, par seconde, non- seulement les 2,300 mètres cubes de l’Yonne, de la Cure, du Serein et de l’Armançon, mais encore le produit des autres affluents, de la Seine proprement dite, qui était en retard, de la Marne, qui n’a rien donné et pouvait doubler le produit de l’Yonne. Mais on arrive par une observation bien simple à reconnaître que les crues de Page de la pierre devaient être beaucoup plus considérables. Les affluents violents dont il vient d’être ques¬ tion sortent des terrains imperméables dont la surface est peu développée dans le bassin de la Seine. Yoici, en effet, la surface de ces terrains. kilom. cariés. Granités . 1685 Lias . 2520 Craie inférieure . 5500 Argiles du Gatinais . 3700 — à meulières de Brie . 4470 — à meulières supérieures . 540 — ■ des sources de l’Eure . 1025 Surface totale des terrains imperméables. 194 40 Les terrains perméables qui absorbent les eaux pluviales sur place et produisent ces cours d’eau tranquilles, dont les crues passent toujours sous les ponts de Paris après le maximum de la crue du fleuve, sont au contraire très^étendus. Calcaires oolithiques . 13950 Craie blanche . 16610 Sables, calcaires et gypses éocènes . 6475 Calcaire de Beauce et sables de Fontainebleau. 4420 Limons des plateaux drainés par la craie de la forêt d’Othe, du bassin d’Eure et de la Nor¬ mandie . 11880 Terrain de transport des vallées . 5875 Total . 59210 522 SÉANCE DU 2 MARS 1868. Je démontrerai dans mon mémoire, et je me borne à énoncer ici, que dans l’âge de la pierre les pluies étaient assez abon¬ dantes pour que les eaux pluviales ruisselassent à la surface de ces terrains aujourd’hui si complètement perméables ; donc, la surface des terrains qui laissaient ruisseler l’eau n’était pas de 49,440 kilomètres carrés, comme aujourd’hui, mais de 19,440-f- 59,210 ou de 78,650, c’est-à-dire quatre fois plus grande. En admettant donc une pluie égale en intensité à celle des 23 et 24 septembre 1866, mais durant 30 heures de plus, produisant dans tous les terrains imperméables un écoulement égal à celui de l’Armançon dans la crue de septembre, on arrive à un débit supérieur à celui indiqué ci-dessus. Le ruissellement des eaux pluviales à la surface de terrains aujourd’hui entièrement perméables suffit donc pour démon¬ trer l’existence des cours d’eau de l’âge de la pierre, et ce ruis¬ sellement a pu être la conséquence d’une très-petite modifica¬ tion des lois météorologiques actuelles. La transition de l’âge de la pierre taillée s’est fai! e brusque¬ ment par une modification de ces lois météorologiques. Les grands cours d’eau sont devenus nos ruisseaux modernes. C’est ce qu’on constate facilement, parce que dans beaucoup de localités on voit encore le dernier des grands lits de l’âge de pierre. Je dois encore me borner à énoncer ici ce que je démontre¬ rai dans mon mémoire. Toutes les fois qu’un cours d’eau coule dans un lit trop large, il travaille incessamment à se rétrécir et il emploie pour cela deux espèces de matériaux. Si le bassin de ce cours d’eau est imperméable, si les eaux pluviales ruissellent à la surface en assez grande abondance pour produire des crues violentes et limoneuses, l’excès de largeur du lit se remplit avec du gravier , du sable ou du li¬ mon. Si le bassin est perméable, les eaux pluviales passant parles sources en grande partie ne peuvent produire des crues vio¬ lentes et ne charrient ni gravier, ni sable, ni limon; alors l’excès de largeur du lit se remplit avec de la tourbe. Le dernier des grands lits de l’âge de la pierre s’est donc rempli avec du gravier, du sable et du limon dans les cours d’eau dont les bassins sont imperméables, c’est-à-dire, d’après ce qui a été dit ci-dessus, renferment une surface suffisante de granité, de lias, de craie inférieure, d’argiles h meulières, etc. NOTE DE M. BELGRAND. 523 Le remplissage s’est fait avec de la tourbe lorsque le bassin est perméable, c’est-à-dire lorsqu’il se compose en grande par¬ tie de calcaires oolithiques, de craie blanche, de sables et de cal¬ caires éocènes, de calcaires de Beauce et de sables de Fontai¬ nebleau, ou qu’il est drainé par un de ces terrains, comme le sont les plateaux de la forêt d’Othe, de la vallée d’Eure, du pays de Caux, etc. Dans mon mémoire, j’ai pu entrer dans de grands détails sur la paléontologie quaternaire du bassin de la Seine, grâce au concours empressé de M. Éd. Lartet et aux renseignements qui m’ont été fournis par plusieurs de nos confrères. Je dois me borner ici à un simple énoncé des faits princi¬ paux. Les ossements sont rares dans les terrains que j’ai classés comme diluviens, c’est-à-dire dans les limons des plateaux et dans les graviers des hautes terrasses. Ils sont presque aussi rares dans les graviers des cours d’eau qui, en raison de leur grande pente, ont abaissé promptement leurs lits au niveau où ils coulent aujourd’hui, tels que les gra¬ viers des terrains granitiques et oolithiques. Ils deviennent plus communs dans les larges vallées des ter¬ rains crétacés, et ils le seraient plus encore si les sablières y étaient exploitées sur une plus large échelle. C’est surtout dans la traversée des terrains tertiaires que les découvertes ont été nombreuses, et je démontre par l’exposé des faits que c’est surtout dans les anses et sur la rive convexe des tournants qu’elles ont été faites. Aujourd’hui je me horne à mettre sous les yeux de la Société quelques-uns des ossements les plus intéressants que j'ai dé¬ couverts dans les graviers des hauts niveaux de l’anse de Mon¬ treuil. Jusqu’ici on ne connaissait, dans le bassin de la Seine, à ces altitudes élevées, que le gisement de Joinville-le-Pont. Celui de Montreuil m’a été signalé par M. J. Prestwich. J’ai découvert dans cette carrière plusieurs dents de Rhino¬ céros considérés jusqu’ici comme pliocènes, notamment des molaires de Rhinocéros etruscus et de Rhinocéros Merckii. M. Éd. Lartet a donné le nom de Cervus Bclgrandik un grand Cerf dont voici un très-beau frontal. Le front est à peu près aussi large que celui du C. megace- ros, mais le bois est plus grêle, l’andouiller basilaire manque et ne se projette point en avant, mais est tourné vers l’autre bois. 524 SÉANCE DU 2 MARS 1808. Ce grand cervidé ne devait pas être rare dans le bassin de la Seine, car j’ai trouvé des bois appartenant à quatre individus différents dans une seule sablière de Montreuil, celle de M. Sa¬ vait. Il appartient aux hauts et bas niveaux. M. Reboux en a recueilli un fragment de bois dans les sablières de Levallois. Les ossements, aussi bien que les silex taillés, se trouvent sur¬ tout dans les graviers de fond. Comme les cadavres y arrivaient en flottant, on comprend immédiatement d’après le mode d'al- luvionnement indiqué ci-dessus, que les ossements des plus volumineux doivent se trouver surtout dans les couches les plus profondes des sablières. Au fur et à mesure que la profon¬ deur de l’eau diminuait par suite de l’alluvionnement, les cadavres des gros animaux ne pouvaient plus atterrir; aussi, dans les couches supérieures des graviers de fond, on ne trouve plus que les cervidés de taille médiocre, tels que le Renne, tandis que les ossements des Éléphants adultes et de grande taille ne se rencontrent qu’au fond des sablières. A Paris, les plages de gravier, aux points d’alluvionnement, étaient des ateliers de fabrication de silex taillés; c’est ce qui a été récemment démontré par une intéressante découverte de M. Rehoux. On sait que, dans tous les grands cours d’eau, les plages de gravier sont disposées en pente douce et se décou¬ vrent en temps de basses eaux. Les gros silex propres à la préparation des nuclei se trouvent surtout dans les parties inférieures des sablières. M. Reboux a constaté, qu’en effet, dans les couches inférieures, on trouvait un grand nombre d’éclats détachés des nucléus. Les instru¬ ments terminés se trouvent surtout dans les couches un peu plus élevées où l’on était plus à l’aise pour achever la taille. Quelques observations sont ensuite échangées entre MM. Belgrand, Hébert, Marcou et de Mortillet, sur Page des dépôts quaternaires relativement à la période glaciaire. M. Hébert dit qu'il a vu en Suède la formation erratique du Nord recouvrir une formation de graviers et de cailloux roulés, semblable à celle du nord de la France. M. Éd. Lartet admet que cette superposition se vérifie en Suède; mais il croit qu'elle ne s'étend pas au reste de l’Eu¬ rope et qu’en Angleterre, notamment, on n'a jamais vu de cailloux roulés sous le forest-bed . NOTE DE M. BELGRAND. 525 M. Belgrand ayant dit, dans sa communication, que les grands cours d’eau à faible pente sont parvenus à la stabilité et non point les cours d’eau rapides, M. Dausse présente à ce sujet l’explication suivante : Les grands cours d’eau à faible pente étant rapides à leurs sources, il s’ensuit que la stabilité effective du tronc implique celle des rameaux. Pour ceux-ci, comme pour le tronc qu’ils alimentent, la stabilité a été acquise, en chacune de leurs par* ties, lorsque la résistance du lit, fonction de la pente, est de¬ venue égale à la force du courant. Cette thèse a été développée par M. Dausse en plusieurs mémoires devant l’Académie des sciences (voir entre autres les Comptes rendus du 13 avril 1857, 21 juin 1858, 13 juin 1864). Toutefois, la portée ou le débit des cours d’eau rapides, comme des cours d’eau lents, variant sans cesse et conséquem¬ ment la force de leur courant , il y a des oscillations conti¬ nuelles autour de l’état moyen, seul réellement fixe, et ces oscillations sont beaucoup plus marquées et beaucoup plus apparentes pour les cours d’eau rapides que pour les cours d’eau lents. Il sied d’ajouter qu’elles ont lieu en général à la fois sur le profil en long du thalweg et en plan, ces dernières oscil¬ lations étant les plus considérables et les plus manifestes. Sui¬ vant M. Dausse, il n’y a que cette différence dans l’état actuel des cours d’eau lents et des cours d’eau rapides; pour les uns comme pour les autres, cet état actuel est l’état stable; seule¬ ment, c’est l’état stable propre aux uns et aux autres. A l’appui de cette assertion, M. Dausse a cité l’Adige, à Vé¬ rone, où l’on peut constater que, dans l’emplacement du pont romain, le niveau moyen des basses eaux est aujourd’hui ce qu’il était dans l’antiquité, encore bien que ce grand cours d’eau soit assez rapide pour charrier, et qu’il n’ait, en effet, cessé de charrier depuis 2000 ans de très-gros cailloux. Il y a donc, même pour les cours d’eau rapides, des points oùle niveau moyen des basses eaux est fixe; c’est toujours contre le pied des obstacles immuables, et c’est là que les ponts sont bien placés, ainsi que les Romains nous l’ont appris. Les grandes oscillations des cours d’eau rapides ont leur libre jeu et s’observent dans les plaines où rien n’appelle et n’en¬ chaîne leur courant. Mais la stabilité des cours d’eau de tout genre, qu’ils n’ont acquise qu’à la longue, et dont le maintien est si important, l’homme peut la détruire en peu de temps par la destruction 526 SÉANCE DU 12 MARS 18C ’. des forêts sur les montagnes ; cet attentat sauvage était réservé à notre siècle de progrès. Séance générale annuelle du 12 mars 1868, PRÉSIDENCE DE M. DELE SSE, VICE-PRÉSIDENT. Dans sa séance du 20 mai 1867 (Bulletin, t. XX1Y, p. 652), la Société avait décidé qu’à l'avenir elle tiendrait une séance générale annuelle le second lundi du mois de mars. Con¬ formément à cette décision et à une seconde prise, le 3 fé¬ vrier 1868 (Bulletin, t. XXY, p. 360), elle s'est réunie le 12 mars suivant, dans le local ordinaire de ses séances. Un grand nombre de membres assistaient à cette réunion, la première de ce genre. M.Delesse, l’un des vice-présidents de l'année précédente, occupe le fauteuil de sa présidence. La liste des membres admis dans la Société pendant l'année 1867 et celle des membres décédés pendant la même année sont ‘lues par M. le Président. MM. d’Archiac et Alf. Caillaux donnent lecture des no¬ tices nécrologiques suivantes : Notice sur la vie et les travaux d'Auguste Viquesnel ; par M. d'Archiac. INTRODUCTION. Par une décision du 18 mars 1867, la Société a prescrit que des notices biographiques seraient écrites sur ceux de ses membres qui, décédés dans l’année, avaient rendu des services à la science ; elle consacrait ainsi un principe dont l’applica¬ tion avait été jusque-là facultative. En décidant en outre que ces notices seraient lues dans une réunion générale, elle a voulu donner plus de solennité à l’expression de ses regrets par la présence d’un plus grand nombre de ses membres pour les partager. L’exécution de ces mesures, dictées par un sentiment si louable de justice et d'affection, ne pouvait être inaugurée dans IOTE DE M. d’aRCHIAC. 527 une circonstance plus propre à en démontrer la parfaite con¬ venance et l’utilité. La Société m’ayant chargé de remplir ce pieux devoir envers Auguste Viquesnel, je la remercie de m’avoir fourni l’occasion d’être une seconde fois l’interprète de son estime pour celui qui, surveillant toujours ses intérêts avec un zèle si éclairé, montra, pour la science comme pour ses amis, un dévouement et une abnégation sans bornes. Auguste Viquesnel naquit à Gires-les-Mello (Oise), le 5 mars 1800. Son père avait été appelé à l’Assemblée législative parle district de Senlis. Mis en prison sous la Convention, il en sortit pour remplir dans son arrondissement des fonctions adminis¬ tratives jusqu’à sa mort, arrivée en 1804. L’éducation du jeune Viquesnel, dirigée par une mère attentive et d’un esprit dis¬ tingué, ne se ressentit pas de cette triste circonstance, et il termina ses études au collège de Sainte-Barbe, d’où il sortit en 1818. Dès son entrée dans le monde, à un âge où l’on n’a pas d’or¬ dinaire occasion de prouver son désintéressement, il se signala par un procédé d’une délicatesse et d’une générosité dont ses contemporains ont conservé le souvenir, quoi que fît sa mo¬ destie pour qu’on l’oubliât ; à cet égard, la suite a tenu tout ce que promettait cet heureux commencement. La première période de sa vie fut consacrée aux affaires, qui lui réussirent, et l’union qu’il contracta dans le même temps semblait devoir compléter une existence où l’ambition n’avait aucune part. Mais l’activité naturelle de son esprit et le besoin d’une occu¬ pation sérieuse et continue poussèrent bientôt Viquesnel dans une autre voie. C’est celle où nous allons le suivre et où se révéleront toutes ses aptitudes et toute son énergie au travail. Reçu membrede la Société, le 6 mai 1833, il accompagnait l’été suivant ses nouveaux confrères en Auvergne et recevait, au pied des volcans anciens de la France centrale, le baptême de la science, entouré des géologues de cette époque dont il se fît bientôt autant d’amis. Il comprit alors que les nouvelles études auxquelles il allait se livrer exigeaient quelques con¬ naissances qui lui manquaient, entre autres la chimie, à laquelle il s’adonna dans un laboratoire particulier, et qu’il cultiva pendant plusieurs années avec cette ténacité que nous retrou¬ verons dans toute sa carrière scientifique. Dans l’exposition des travaux de notre confrère, nous ne suivrons pas un ordre absolument chronologique, les sujets qui 528 SÉANCE DU 12 MARS 1868. l’ont surtout occupé ayant été traités par lui à diverses reprises. Nous grouperons ceux-ci d’après leur nature, de manière à faire ressortir la valeur des résultats obtenus. Ainsi nous exami¬ nerons successivement ceux de ses travaux qui ont trait à diverses parties de la France, ceux qui se rapportent à l’admi¬ nistration de la Société, enfin ceux, de beaucoup les plus im¬ portants, qui résultent de ses voyages en Turquie. § I. — TRAVAUX GÉOLOGIQUES RELATIFS A LA FRANCE. L’étude des dépôts tertiaires du bassin de la Seine, sur leur limite orientale , avait été fort négligée , lorsque Yiquesnel donna en 1838 une note sur les environs de Vertus. Ce fut sa première publication. Il montra que la butte du Mont-Aimé, formée de craie blanche à sa base et dans sa partie moyenne, était couronnée par une série de marnes et de calcaires en bancs épais vers le haut, remplis de moules et d’empreintes de coquilles marines qui pouvaient être alors regardées comme tertiaires. En décrivant le plateau de la Madeleine, qui domine le bourg de Vertus, il en compare la constitution avec celle du Mont-Aimé, établit la relation de l’assise principale, celle qu’on exploite sous le nom de pierre de Faloise , et fait remar¬ quer que le tout s’est déposé dans des dépressions préexistantes de la craie, dont la surface était fort inégale. Il s’occupe ensuite des dépôts lacustres situés entre ce point et Épernay, montre les calcaires et les marnes recouvrant les lignites avec leurs sables et leurs argiles remplis de coquilles les plus caracté¬ ristiques de cet étage. Parmi ces calcaires, celui de Grauves, sorte de brèche exploitée comme marbre dans les carrières du moulin Darcy, fixe particulièrement son attention. Pendant les voyages qu’il fit de 1840 à 1845, Viquesnei observa, dans les Pyrénées, des veines saillantes de granité à formes prismatiques, dans le massif du Cantal, la dépression des crêtes et la position particulière qu’y affectent les calcaires lacustres , aux environs de Clermont , les filons de basalte , injectés dans les pépérinos du Puy de Montaudou. Dans le voi¬ sinage de Vichy, il a décrit les roches de transition avec les produits ignés qui les ont traversées (fraidronite, pétrosilex, porphyre, basalte). Il s’est également occupé des couches ter¬ tiaires avec poissons, Cypris et tubes de Phryganes de cette localité, au sud et au nord de Cusset, au Vernet, le long du NOTE DE M. d’aRCHIAC. 529 Sichon, ainsi que des travertins anciens exploités à l’ouest de la source des Célestins. Ces derniers renferment des coquilles lacustres, des ossements de mammifères et des pisolithes recouvertes de dendrites, mais que les sources actuelles ne produisent plus. Le travail le plus complet que l’on doive à Yiquesnel est celui qu’il donna sur le terrain à combustible exploité à Mouzeil et à Montrelais (Loire-Inférieure), à la suite d’études faites en com¬ mun avec MM. Audibert et Durooher, pendant l’automne de 1842. Ce mémoire, intéressant à plus d’un titre, est peut-être celui qui, dans un cadre restreint, représente le mieux les apti¬ tudes particulières de notre confrère, sa manière d’observer et de décrire les faits géologiques, enfin son extrême sobriété de déduction à l’égard de toute hypothèse qui n’est pas suffisam¬ ment justifiée. «■ Si l’on parcourt, dit-il, les collines qui dominent la « rive gaucbe de la Loire, entre le Mesnil et Saint- Florent « (Maine-et-Loire), on rencontre le gneiss et le micaschiste, « dont les couches suivent généralement la direction N. 55° à « 65° O. magn. La grauwacke et les schistes argileux reposent « sur ces roches en stratification concordante, et prennent à « leur approche un aspect de plus en plus cristallin. D’une « part, le passage gradué qui s’observe entre le système de la « grauwacke et le système du gneiss, et de l’autre la concor- « dance de la stratification semblent indiquer que ces couches, « dénaturé différente, font partie d’une même formation et « que les caractères minéralogiques des schistes cristallins « doivent être le résultat du métamorphisme. « A partir du point où l’action modifiante a perdu toute a influence, si l’on s’avance du S. vers le N., de manière à « couper la direction des couches, on voit la grauwacke alter- « ner avec des schistes argileux de diverses couleurs. Ou « retrouve le même système sur la rive droite de la Loire, entre « Yarades et Ancenis.En continuant de marcher vers le N., on <( peut voir la zone à combustible, qui s’étend d’ingrande à « Mouzeil, se lier intimement à ce système et s’y intercaler de « la manière la plus claire. L’alternance des couches à com- « bustible avec celles de la grauwacke, le développement plus « ou moins prononcé de leurs différentes parties, la constance « de la direction N. 55° à 6o° O. magn. , celle du plongement « au N. 55° à 65° E., nous engagent à considérer les couches à « combustible de la basse Loire comme un accident du dépôt Soc. gêol , 2e série, tome XXV, 34 530 SÉANCE DU 12 MARS 1868. « de la grauwacke dont la partie inférieure est passée à l’état a de schiste cristallin. » Cela posé, Viquesnel examine successivement : 1° ce qu’il nomme le système de la grauwacke, inférieur aux couches à combustible ; 2° l’intercalation de ces mômes couches à combustible dans ce système, démontrée par l’étude détaillée minéralogique et stratigraphique d’une suite de coupes tracées du S. au N., perpendiculairement à la direction; 3° les carac¬ tères propres et la disposition des couches de charbon de Mou- zeil et de Montrelais, où existent des accidents particuliers et certains amas, entre autres celui désigné sous le nom de pla- teur , objet d’un second travail publié en 1848. Après avoir aussi traité des porphyres quartzifères qui ont pénétré à travers les roches stratifiées, notre confrère conclut, de l’ensemble de ses recherches, que le grand système de la grauwacke des bords de la Loire passe vers le bas aux schistes cristallins, qu’il renferme, comme couches subordonnées et affectant la forme de lentilles, des quartzites, des calcaires et des roches accompagnées de combustible, le tout lié de ma¬ nière à ne pouvoir constituer qu’une seule et même forma¬ tion. De plus, les couches à combustible ont subi d’énergiques dislocations alors que la matière charbonneuse était encore assez molle pour être comme injectée par la pression dans les fissures dçs roches encaissantes déjà solidifiées. Quant aux caractères du charbon, ils constituent généralement une houille maigre, quelquefois seulement grasse et collante. Il est peu probable, continue Yiquesnel , que ces dépôts aient été redressés en forme de bassin , et en effet les observa¬ tions ultérieures ne sont point parvenues à démontrer des inflexions accusant une pareille disposition dans le pays. Quoiqu’il soit probable, ajoute-t-il, que la grande zone à com¬ bustible se trouve à la partie supérieure du système de la grau¬ wacke, le fait n’est pas encore démontré, et, aujourd’hui même, ces questions stratigraphiques et théoriques restent à résoudre, quoique l’âge des bancs calcaires ait pu être déterminé à l’aide des fossiles qu’on y a rencontrés. Enfin les roches porphyriques, enclavées dans ce même sys¬ tème, soit au nord, soit au sud de la zone à combustible, sont sorties par des fentes sans redresser les couches. Dans leur voisinage, celles-ci ont conservé leur inclinaison normale et sont plus ou moins modifiées dans leurs caractères pétrogra- NOTE DE M. D’AfiCHIAC. 53 i phiques. Les roches ignées ne paraissent pas d’ailleurs être toutes contemporaines. Pendant son séjour à Bagnères-de-Bigorre, en 1850 et 1851, Viquesnel fît des recherches intéressantes aux environs de cette ville. Des notes prises avec beaucoup de soin, accompagnées de profils et d’une carte géologique coloriée, avaient été rédi¬ gées, mais n’ont pas été publiées. Ce fut seulement par la com¬ munication qu’il nous en fît que nous pûmes insérer leurs principaux résultats dans le tome VI de Y Histoire des progrès de la géologie (p. 538-541, 1856). Ces études portaient principa¬ lement sur les roches fossilifères avec Bélemnites et Pecten , de la période jurassique, qu’il avait suivies, depuis quelques lieues à l’ouest de Bagnères jusqu’à la vallée d’Aure à l’est et aux carrières de Sarrancolin. § IL — Travaux administratifs. Si, quittant un instant le domaine de la science, nous péné¬ trons dans celui de notre administration intérieure, nous rap¬ pellerons qu’en 1843 la Société choisit Viquesnel pour gérer ses finances, et que l’aptitude singulière qu’il montra dans les fonctions de trésorier nous le fît connaître sous un nouveau jour et apprécier encore davantage. Il ne se borna pas, en effet, à un sage emploi de nos ressources, à établir l’équilibre des re¬ cettes et des dépenses, à la tenue régulière des registres, à accélérer les rentrées; mais, après un relevé de tout ce que contenaient les livres ouverts depuis quinze ans, il dressa la statistique complète administrative de la Société, à partir de sa fondation. Lorsqu’on cherche à se rendre compte des combi¬ naisons de chiffres fournies par l’entrée et la sortie des mem¬ bres, par leur extinction, et des conséquences qui en résultent pour les intérêts de la Société, puis par la comparaison des recettes et des dépenses des budgets successifs et des éléments divers qui les composent, et lorsqu’enfin on arrive aux consé¬ quences que l’auteur en déduit pour l’avenir de notre Associa¬ tion, on reste frappé de la quantité prodigieuse de calculs qu’il a fallu faire pour construire ces tableaux qui constituent un ensemble de documents complets fort curieux, même indé¬ pendamment de toute application. Ce travail, qui forme un manuscrit considérable, a été présenté à la Société le 6 mai 1844 et déposé dans ses archives. Un résumé assez étendu, avec des tableaux généraux, a été publié dans le Bul - 532 SÉANCE DU 12 MARS 1868- letin , à la fin du XIVe volume, ou du dernier de la première série, qu’il termine ainsi de la manière la plus heureuse. Un complément présenté le 15 décembre 1845 a été déposé éga¬ lement dans nos archives pour y être consulté. Par suite de cette connaissance profonde de nos intérêts et de la bonne direction qu’il avait imprimée à toutes les parties du service, Viquesnel dut être fréquemment chargé par la Commission des finances, dont il fit partie jusqu’en 1853, du rapport annuel sur la gestion des trésoriers qui lui succédèrent, et son utile influence sur la marche de nos affaires a survécu à l’exercice de ces diverses fonctions et subsiste même encore aujourd’hui que vingt-cinq ans se sont écoulés. § III. — Travaux scientifiques sur la Turquie d’Europe. Après avoir rappelé les travaux de diverses sortes qui assu¬ raient à Viquesnel, d’une part l’estime et de l’autre la recon¬ naissance de ses confrères, j’ai hâte d’arriver à des titres plus sérieux encore, plus durables surtout, acquis au prix de plus grands efforts et de plus longs sacrifices. C’est à la partie orien¬ tale de l’Europe que Viquesnel est allé les demander, et ce n’a pas été en vain, car aujourd’hui son nom est irrévocablement attaché à toutes les connaissances géographiques, géologiques, météorologiques et statistiques concernant la partie continen¬ tale de la Turquie située à l’ouest du Bosphore. Dès 1836, il fait, avec MM. Boué et de Montalembert, un voyage dans la Servie, la haute Mœsie et la Macédoine. Deux ans après, il en entreprend un second, avec M. Boué, dans l’Al¬ banie, l’Épire, 1a. Thessalie, et complète les renseignements recueillis dans le premier. Par suite, Viquesnel publia, en 1842 et 1846, sous le titre de Journal d’un voyage dans la Tur¬ quie d’Europe , accompagné de deux cartes géologiques et géo¬ graphiques dressées avec ses documents par le colonel Lapie, les itinéraires très-détaillés de toutes les routes parcourues, complétant ainsi de la manière la plus utile l’ouvrage qu’avait donné M. Boué en 1810. La première partie du Journal de Viquesnel est divisée en quatre chapitres, comprenant autant d’itinéraires. Les roches stratifiées qu’il a observées, dans l’espace compris entre Bel¬ grade, Uskiup et Skoutari, appartiennent à des alluvions ré¬ centes, au terrain tertiaire inférieur et moyen, à la formation crétacée, au terrain de transition et au gneiss qui, avec quel- NOTE DE M. d’àRCHIAC. 533 ques roches ignées, constituent tous les accidents orographi- ! ques du pays. Quant aux roches non stratifiées, ce sont : la své- nite, qui atteint en Servie le sommet du mont Ropaonik et forme plusieurs des parties élevées de la chaîne, la diorite, seule ou accompagnée de serpentine et de roches diallagiques, la serpentine traversant, sur beaucoup de points, le gneiss et les couches crétacées, des porphyres quartzifères avec amphi¬ bole, enfin des éruptions trachytiques qui se sont fait jour aussi sur une multitude de points. Dans cette région, les couches présentent un grand nombre de directions qui se coupent sous différents angles, montrant que le sol a été accidenté et disloqué à plusieurs reprises. Vi- quesnel, qui notait toujours avec un grand soin les directions et les inclinaisons, a pu, en les combinant, mettre en évidence les systèmes de soulèvement qui ont donné à la contrée son relief actuel et en distinguer en même temps les dislocations partielles, résultats d’accidents locaux. Il en a formé deux ta¬ bleaux dont l’un comprend les directions qui ont affecté les couches crétacées, l’autre celles qui se sont manifestées dans les roches de transition et le gneiss. En les disposant ensuite graphiquement en rose de directions , d’après la méthode de M. Élie de Beaumont, il en déduit que les six groupes ou fais¬ ceaux coïncident dans tous les deux, d’où il résulte que le ter¬ rain secondaire, tel qu’il le comprend, a subi les mêmes plisse¬ ments que les roches anciennes, et que tous les accidents du sol, compris dans les limites de sa carte, sont plus récents que l’étage inférieur de la craie; enfin, en terminant, il les rattache à ceux que MM. Boblaye et Yirlet avaient cru pouvoir établir en Morée. La deuxième partie du Journal e st divisée en deux chapitres ; l’un, consacré à la Macédoine et à laMœsie supérieure, conduit le lecteur d’Uskiup à Salonik, en lui faisant traverser plusieurs fois les chaînes de montagnes qui séparent ces deux points; l’autre donne la description de l’Albanie méridionale. Les prin¬ cipaux résultats de ce mémoire peuvent se résumer ainsi, rela¬ tivement aux schistes cristallins, au terrain de transition, aux dépôts crétacés et tertiaires et aux roches supposées d’origine ignée. Les schistes cristallins et le terrain de transition occupent le tiers environ de la contrée comprise dans les limites de la carte. Ce sont des calcaires grenus, des dolomies saccharoïdes, des grès et des schistes argileux sans traces de corps organisés. 534 SÉANCE DU 12 MARS 1868. alternant avec des talcschistes et d’autres schistes cristallins auxquels ces roches passent insensiblement. Souvent le gneiss le mieux caractérisé renferme des couches de calcaire subor¬ données, ainsi que des dolomies et des quartzites; aussi l’au¬ teur pense-t-il que le gneiss de la Macédoine doit ses caractères cristallins à des actions métamorphiques. Les couches que Viquesnel rapporte à la formation cré¬ tacée occuperaient une moitié de cette môme surface, ou la totalité du pays compris entre la côte de l’Adriatique et les terrains précédents. Les calcaires à Hippurites, prolongement de ceux du Pinde, sont, en Macédoine, compactes, subgrenus, quelquefois dolomitiques, avec des couches subordonnées de schistes argileux et de grès. On sait, comme nous l’avons rappelé ailleurs (1), qu’à l’époque où Viquesnel écrivait ce mémoire, tous les géologues associaient à la formation crétacée les couches nummulitiques des Garpathes, des Apennins, des Alpes, des Pyrénées et même le macigno et le flysch qui les surmontent. Il en était ainsi pour ce que l’on avait dit jusque-là du Caucase, de la Grimée, de la Turquie d’Europe et de la Grèce. Ce n’était donc pas avec des observations faites dans un pays encore aussi peu exploré que notre confrère pouvait se rallier à l’opinion soutenue de¬ puis longtemps par quelques paléontologistes français, mais qui ne devait triompher définitivement qu’en I84t) par la pu¬ blication du mémoire de sir U. Murchison. A l’ouest de la bande crétacée précédente, les assises carac¬ térisées par des Nummulites constituent une partie de l’Albanie et de l’Épire. Quoiqu’au pied méridional du Gabar-Balkan les couches nummulitiques reposent en stratification discordante sur les calcaires à rudistes, Viquesnel en conclut seulement la postériorité des premières aux seconds et pense que, dans la Servie, l’Albanie et le massif du Pinde, les Nummulites sont elles-mêmes associées aux Hippurites, opinion due sans doute, comme toutes les assertions analogues, à une confusion de genres ou à des relations stratigraphiques mal comprises encore ou mal interprétées. Les dépôts tertiaires moyens constituent des bassins dans les dépressions du sol secondaire. Ils ont été parfois redressés jusqu’à des altitudes d’environ 1,000 mètres, et sont caracté¬ risés par les fossiles marins propres à cette période. Quant à (1) Paléontologie de l'Asie Mineure, Introduction, p. 6, 1866. NOTE DE M. D’ARCHIAC. 535 ceux de la formation supérieure, ce sont, le plus ordinaire¬ ment, des sédiments lacustres, des conglomérats et des traver¬ tins dus à des sources thermales ayant surgi non loin des érup¬ tions trachytiques. Les roches non stratifiées du même pays sont des granités à gros grains, formant deux protubérances principales recou¬ vertes de gneiss qui passe à une diorite schistoïde. Dans leur voisinage se montrent de nombreux filons de granité à petits grains, de pegmatiie, de pétrosilex et d’hyalomicte. La syénite forme une crête peu élevée à l’est de Doubnitza et sur d’autres points. La diorite que, dans la première partie de son Journal , Viquesnel regardait comme un produit des mêmes éruptions que la serpentine et Teuphotide, avec lesquelles elle est asso¬ ciée, ne se présente point ici dans les mêmes circonstances et y est moins fréquente. La protogine constitue un massif depuis le défilé de Vlaka jusqu’à la vallée du Partzélista et atteindrait plus de 2,000 mètres d’altitude aux environs de Monastir. La serpentine et l’euphotide se montrent rarement dans cette ré¬ gion, et les roches trachytiques de la Servie, de la Bosnie et de la Haute-Moesie n’occupent que des espaces très-limités, com¬ parativement à leur développement dans la Macédoine. Les rapports observés par Viquesnel entre les roches d’ori¬ gine ignée et les roches stratifiées lui font admettre que le granité, la syénite et la diorite qui les accompagne n’ont redressé par leur apparition que les schistes cristallins. La protogine, la serpentine, l’euphotide et les diorites asso¬ ciées à ces dernières auraient soulevé les couches tertiaires inférieures. Enfin les trachytes, dont les premières éruptions sont antérieures aux dépôts tertiaires moyens, ont continué à s’épancher après la formation de ceux-ci. Comme précédemment , notre confrère s’est appliqué à coordonner les systèmes de dislocations dont il avait observé les directions ; il en a dressé des tableaux et a déduit de la comparaison de ceux-ci, que le sol ancien du pays a conservé les traces de sept phénomènes dynamiques distincts, mais dont une partie seulement se retrouve dans les roches secon¬ daires et tertiaires. Les directions N. 37° O. et N. 15° à 23° O. , si profondément gravées sur les couches crétacées avant les dépôts tertiaires, se sont reproduites dans ces derniers, de manière à prouver la récurrence des phénomènes dus à la per¬ sistance des causes internes sur les mêmes points ou suivant les mêmes lignes. De même, les trachytes sont arrivés au jour 536 SÉANCE DU 12 MARS 1868. dans des parties du sol déjà fendillées par des commotions antérieures et accidentées par les injections de diverses roches. Enfin, comme la première partie encore, Viquesnel termine celle-ci par la comparaison et le rapprochement des directions qu’il a déterminées dans ces provinces avec celles qu’ont signa¬ lées les auteurs de la Géologie de la Morée. Tels sont les principaux résultats, déjà fort importants, comme on en peut juger, que notre confrère obtint de ses deux premiers voyages dans le sud-est de l’Europe. Bien d’autres à sa place s’en fussent trouvés satisfaits, heureux même d’avoir posé de tels jalons pour guider leurs successeurs. Mais, comme tous les vrais hommes de science, il se préoccupait bien moins de ce qu’il avait fait que de ce qui restait à faire ; aussi, loin de se laisser rebuter par les fatigues et les sacrifices de toutes sortes, inséparables de telles excursions dans des contrées encore peu civilisées, Viquesnel songea bientôt à compléter seul ses recherches précédentes par une étude spéciale de la presqu’île de Thrace. Dans ce Lut, il sollicita une mission particulière de M. le Ministre de l’instruction publique, l’obtint, et, armé de sa boussole, de son baromètre et de son marteau, il reprit, au commencement de 1847, la route de Constantinople, où il arriva très-souffrant. Par un singulier hasard, il y avait alors dans cette ville quatre voyageurs étrangers, attirés par leur zèle et leur dévoue¬ ment à la science, et tous quatre aussi retenus par les fièvres, suites de la fatigue et de l’influence du climat. C’étaient deux Français, un Anglais et un Russe. Ils étaient impatients de se mettre en voyage malgré les prudents conseils de leur médecin commun. Le premier qui transgressa les prescriptions de la Faculté, quoique le plus malade, fut un des Français. II tra¬ versa l’Asie Mineure, l’Arménie, visita le nord de la Perse et vint succomber à Ispahan, le 28 août 1848. C’était Hommaire de Hell, que beaucoup d’entre nous ont connu et dont nous avons déploré la fin prématurée, qu’un excès de travail prépa¬ rait depuis longtemps. Le voyageur anglais partit aussi, dans les mêmes conditions, et ne revint pas non plus. Le voyageur russe fut plus heureux ; il était au début d’une exploration de l’Asie Mineure, qu’il poursuivit jusqu’en 1863, et qui fut cou¬ ronnée d’un plein succès ; c’était notre savant ami et confrère , M. Pierre de Tcbibatcbeff. Enfin le quatrième, que son énergie soutint également, était celui à qui la Société me permet en ce moment de consacrer un dernier souvenir. NOTE DE M. D ARCHIAC. 537 Auguste Viquesnel accomplit son projet d’exploration de la Roumélie ou de l’ancienne Thrace, du 20 mai 1847 au 2 janvier suivant. Il parcourut la chaîne côtière de la mer Noire, le pla¬ teau situé entre cette chaîne, la mer de Marmara, la mer Égée et le cours inférieur de la Maritza, puis le massif du Rhodope tout entier, de manière à rattacher ses anciennes observations aux nouvelles, et à embrasser dans ses études une large zone allongée de l’O. à PE., et comprise entre l’Adriatique et le Bosphore. De retour au printemps de 1848, notre confrère s’occupa de la mise en œuvre des nombreux matériaux qu’il avait rap¬ portés, et qui furent tous donnés au Muséum d’histoire natu¬ relle pour la collection de géologie. Il se mit ensuite à rédiger son grand ouvrage intitulé : Voyage dans la Turquie d'Europe ou description physique et géologique de la Thrace , puis à dresser les cartes de l'atlas qui devait accompagner le. texte. Mais les lenteurs inséparables d’une aussi vaste publication, dont il ne devait malheureusement pas voir la fin, l’engagèrent à donner successivement plusieurs notes où il exposait certains résultats particuliers de ses recherches et quelques vues générales. Nous devons d’autant plus nous attacher à reproduire ce que ces communications partielles ont de plus important, que ce sont les seules données géologiques qu’il ait publiées lui-même. L’une des plus intéressantes se rapporte à un sujet qui a souvent occupé les naturalistes et les géographes, depuis Tour- nefort et Pallas jusqu’à MM. de Yerneuil, Yirlet, Boué et Dubois de Montpéreux, savoir l’ancienne relation des eaux de la mer, situées au nord et au sud de la Thrace. Dans sa note sur l’empla¬ cement du Bosphore, pendant l’ère nummulitique, Viquesnel, s’appuyant sur les observations d’Hommaire de Hell et sur celles qu’il fît lui-même le long de la mer Noire, des îles Gyanées au cap Karabournou, puis autour du lac de Derkos, conclut que, lors de la formation des dépôts tertiaires inférieurs, dans le bassin de la mer Noire et dans celui de la Thrace, le Bosphore actuel n’existait pas et les communications entre les deux mers se trouvaient à l’ouest du canal. La rive asiatique du Bosphore de cette époque était formée par des roches de tran¬ sition (dévoniennes) et la rive européenne par les schistes cris¬ tallins. Quant aux roches pyroxéniques du pays, les plus anciennes sont antérieures aux dépôts nummulitiques. Le dé¬ troit dut être fermé après la formation de ceux-ci, et l’ouver¬ ture de celui que nous voyons aujourd’hui aurait eu lieu 538 SÉANCE DU 12 MARS 1888. après l’époque quaternaire, au commencement de la période actuelle. On trouvera ci-après l’indication de plusieurs autres notes que Viquesnel rédigea sur les collections qu’avait recueillies Hommaire de Hell dans la Roumélie, puis en Asie jusqu’au Démavend. Ces notes font connaître ce que la science doit à ce courageux et infortuné voyageur; mais nous devons insister ici sur le résumé que Viquesnel donna en 1853 des observations géographiques et géologiques faites pendant ce même voyage de 1847, parce que c’est ce qu’il a écrit lui-même de plus général sur ce sujet. Après avoir indiqué les sources où il a puisé les documents qui lui ont servi à construire sa carte de la Thrace, il décrit rapidement les principaux caractères orographiques de la mer Noire, ceux du bassin hydrographique de l’Erghénée, rempli de dépôts tertiaires et quaternaires et occupant les trois quarts de l’espace qui sépare la chaîne précédente et le Rhodope. 11 esquisse à grands traits la chaîne côtière méridio¬ nale ou du golfe de Saros, le massif du Rhodope lui-même, d’où descendent la Maritza et le Strymon ; il distingue la vallée transverse du Nestus et la vallée longitudinale de l’Arda. II signale également les bassins moins importants des affluents de ces rivières et des cours d’eau qui se jettent directement dans la mer Égée. Passant à ses études géologiques, Viquesnel mentionne, entre cette mer et le Pont-Euxin, les roches stratifiées, comprenant des schistes cristallins, le terrain de transition, des dépôts cré¬ tacés, tertiaires et quaternaires. Le profil de Névrokoup àPhi- lippopoli, dirigé du S. O. au N. E., sur une longueur de 27 lieues, montre bien la constitution géologique d’un puissant massif de schistes cristallins, interrompus çà et là par des éruptions trachy tiques. Les roches de transition tertiaires et les produits ignés des rives du Bosphore et des environs de Constantinople ayant été l’objet d’une note antérieure, l’auteur s’occupe ici des couches crétacées qui ne se montrent que sur trois points : aux environs de Rostendil , gisement qui se rat¬ tache aux dépôts contemporains de la Bulgarie, décrits précé¬ demment dans son Journal , puis les deux lambeaux de Kila et d’Inada sur le littoral de la mer Noire. Les dépôts nummulitiques entourent, d’une ceinture souvent interrompue, les parties sud, est et nord du mont Rhodope. Ils existent sur les deux versants de la chaîne côtière de la mer NOTE DE M. D’ARCHIAC. 539 Noire, et constituent une partie des collines qui dominent le littoral de l’ancienne Propontide. Penaant leur formation, les plaines actuelles de la Maritza et de l’Erghénée avaient l’aspect d’un golfe bordé de schistes cristallins. La mer Égée et celle de Marmara étaient comprises dans un môme bassin qui com¬ muniquait avec le Pont-Euxin par le détroit dont nous venons de parler, ouvert à l’ouest de Constantinople. La coupe de Nébil-Keui, dans la vallée de l’Arda, à 15 lieues à l’ouest d’Andrinople, montre les dépôts de cette période avec une épaisseur de 100 mètres seulement et reposant sur les tra- chytes, tandis que celle du mont Saint-Élie, sur le littoral de la mer de Marmara, les fait voir à une altitude de 700 mètres recouverts de dépôts lacustres avec gypse, parallèles à ceux de l’Asie Mineure. Dans le massif du Sérian-Tépé, au S. O., les couches très-redressées reposent sur les quartzites et les talcschistes, et, le long de la base méridionale de la chaîne côtière, elles sont tantôt horizontales, tantôt relevées. Au sud du lac de Derkos, elles forment le sommet de collines basses, constituant le prolongement de la chaîne côtière de la mer Noire, pour recouvrir à l’O. les schistes cristallins, comme à l’E. ceux de transition. Les sédiments tertiaires moyens se sont ensuite formés dans des lacs ou des lagunes situées entre cette même chaîne côtière au N. et le massif du Rhodope au S. Ce sont des grès, des macignos, des mollasses, des marnes ou argiles, des calcaires marneux peu épais avec des conglomérats arénacés et trachytiques. Entre la mer de Marmara et la vallée de la Maritza, ces dépôts sont plus ou moins inclinés, et ils atteignent 900 mètres d’altitude dans les montagnes d’Achiklar; partout ailleurs ils se maintiennent entre 200 et 300 mètres. Dans la vallée de la Maritza, dans celle de l’Erghénée et jus¬ qu’aux portes de Constantinople, des grès, des mollasses, puis des calcaires marneux et compactes , rapportés à la formation supérieure, recouvrent horizontalement les dépôts précédents. Quant à ceux de l’époque quaternaire, on les observe dans les parties sud du Rhodope, à 200 mètres au-dessus du fond de la vallée, et sur beaucoup de plateaux entre cette chaîne et la mer de Marmara. Rs existent sur les collines de transition des envi¬ rons de Constantinople, sans pénétrer pour cela dans la dépression môme ou sur les rives immédiates du Bosphore, ce qui confirme l’opinion émise relativement à l’ouverture très- récente de ce canal. 510 SÉANCE DU 12 MARS 1868. Jusqu’à présent, nous ne sachions pas que les traces d’an¬ ciens glaciers eussent encore été constatées dans ces contrées montagneuses delà Turquie d’Europe, pas plus que dans l’A¬ sie Mineure, et il est remarquable également qu’aucun débris des grands mammifères quaternaires n’y a été non plus authen¬ tiquement annoncé. Parmi les roches non stratifiées, ignées ou cristallines que signale Viquesnel, nous mentionnerons le granité dans le Rho- dope et la chaîne côtière de la mer Noire, mais y occupant des surfaces peu étendues. Dans le Rilo-Dagh, il atteint 2,500 à 3,000 mètres d’altitude. Vers la source du Nestus, il est très- développé. Cette roche a d’ailleurs surgi à diverses époques. La syénite affecte des gisements analogues. On l’observe à Sa * makov, au pied du Rilo-Dagh, et un autre gisement, situé à 6 lieues de la mer Noire, est remarquable par la présence d’une grande quantité de fer oxydulé titanifère. Le porphyre quartzifère se montre assez rarement en dykes et en filons dans les schistes cristallins; la serpentine égale¬ ment. Les trachytes abondent dans le Rhodope et sont rares au contraire dans la chaîne côtière de la mer Noire. La variété la plus remarquable par sa fréquence et la diversité de ses gise¬ ments est un porphyre trachytique quartzifère» La plus grande altitude de ces roches est au sud de Philippopoli, où elles at¬ teignent 2,161 mètres. Leur éruption, qui a précédé les dépôts tertiaires inférieurs, s’est continuée après. Les mélaphyres sont dans le même cas, et les basaltes sont très-rares dans la Tur¬ quie d’Europe, Viquesnel n’en ayant observé qu’en un seul point, aux environs de Tchorlou et fort loin des éruptions tra- chytiques. Des faits que nous venons de rappeler, notre confrère a pu conclure que le Rhodope et la portion de la chaîne côtière de la mer Noire qu’il a parcourue ont formé des îles jusqu’à l’épo¬ que tertiaire. Aucun sédiment de transition ni secondaire an¬ cien ne les a recouverts; mais des affaissements partiels ont permis aux roches crétacées de se déposer au nord-ouest et peut-être au sud-est du Rhodope, comme sur quelques points du littoral de la mer Noire. Après la période crétacée, des dis¬ locations ont préparé le golfe nummulitique, et la mer tertiaire a pu pénétrer jusqu’au cœur du massif montagneux précédent. Les rivages de la mer Égée et ceux de la mer Noire ont parti¬ cipé à cet affaissement, tandis qu’au N. O. le Rhodope conti¬ nuait à dominer au-dessus des eaux. De nouveaux mouvements NOTE DE M. D’aRCHIAC. 541 du sol ont mis fin à cette première série de dépôts tertiaires; le relèvement du fond a diminué l’étendue du golfe, et, à en juger par les fossiles, l’aurait transformé en un ou plusieurs lacs d’eau saumâtre. Enfin des dislocations subséquentes ont éga¬ lement réagi sur la distribution et les caractères des sédiments tertiaires supérieurs et quaternaires. Nous arrivons maintenant à l’œuvre capitale de notre con¬ frère; mais, quoique beaucoup plus étendue que tout ce qui précède, son examen ne nous tiendra pas longtemps , car ce qui en a été publié par lui ne se rapporte pas précisément aux sciences dont s’occupe la Société, et ce qu’il y a de véritable¬ ment important dans les résultats géologiques de ses recherches se trouve compris dans ce que nous venons de dire. A partir de 1855, la publication du Voyage dans la Turquie d’Europe ou description physique et géologique de la Thrace a mar¬ ché sans interruption, et un volume complet grand in-4° de 636 pages, accompagné d’un atlas in-folio de 34 planches, a pu être exécuté complètement sous les yeux de l’auteur. Ce vo¬ lume n’est à proprement parler que l’introduction du vaste tra¬ vail auquel il s’était voué avec une ardeur et une persévérance sans égales. On n’y trouve, en effet, que des sujets accessoires qui ne devaient pas entrer dans le plan primitif de ses études ni de ses recherches locales. Mais Viquesnel les a traités avec un tel soin, avec un tel désir de compléter son œuvre, en y in¬ troduisant tout ce qu’il croyait devoir en éclaircir les diverses parties, qu’on ne sait si l’on doit regretter cette extension de travail, bien qu’elle l’ait évidemment détourné du sujet princi¬ pal que le temps ne lui a pas permis de publier lui-même. Dans cette première partie de son livre, Viquesnel consacre vingt-trois chapitres à l’histoire de l’empire ottoman, à l’ethno¬ graphie de ses diverses races en Europe, à tout ce qui con¬ cerne la population, la statistique, l’administration, la religion, la propriété, l’instruction, les finances, l’agriculture, l’indus¬ trie et le commerce. Dans un appendice divisé en cinq chapi¬ tres, il jette un coup d’œil sur quelques points de l’histoire générale des peuples slaves et de leurs voisins les Turcs et les Finnois. La lecture de ce volume fait naître à la fois un étonnement profond et une véritable admiration par l’immensité des re¬ cherches de toutes sortes auxquelles l’auteur a dû se livrer, comme par l’énergique persévérance qu’elles ont exigée dans des voies si diverses. La bonne disposition des matières, la 542 SEANCE DU 12 MARS 1868. clarté et la fermeté du style qui a tous les caractères qui con¬ viennent à l’histoire ne sont pas non plus ses moindres mérites. On est également frappé du prodigieux labeur qu’ont exigé les diverses parties du grand atlas que Viquesnel a pu mener à bonne fin. Ces vingt itinéraires détaillés, reproduits graphi¬ quement sur autant de feuilles à l’échelle 1 6 0 * 0 0 0-, réunis en¬ suite dans un tableau d’assemblage au rrTôtrôTô? puis carte géographique générale de la Thrace et des provinces voisines au synthèse complète de toutes ses recherches dans cette direction, les planches de profils orographiques et géolo¬ giques, la carte particulière du Rhodope, les cartes ethnogra¬ phiques et politico-historiques sont autant de témoignages de ses études profondes et variées. Mais à cette impression d’une juste estime pour d’aussi rares mérites vint bientôt se mêler une pensée douloureuse, celle que de tels résultats n’avaient été obtenus qu’au prix d’un tra¬ vail excessif, d’une tension trop continue de la pensée sur le même sujet, qui, altérant peu à peu la santé de notre confrère, avaient préparé et avancé sa fin. Nous le perdîmes, en effet, après une courte maladie, le 8 février 1867 (1). Viquesnel, qui avait été nommé plusieurs fois l’un de nos vice-présidents, fut appelé en 1858 au fauteuil de la présidence. Il était depuis 1853 membre de la Société philomatique , et avait été en 1852 l’un des fondateurs les plus zélés de la Société mé¬ téorologique de France dont il fut président en 1862. Au milieu des regrets de toutes sortes dont nous sommes ici l’interprète, il en est encore un qui fut vivement senti par ceux d’entre nous qui accompagnèrent notre ami à sa dernière demeure, c’est qu’après tant de travaux, de sacrifices, de dé¬ vouement, de services rendus à son pays et à l’étranger, après une existence entière si honorable à tous égards, sa tombe ne fut pas ornée du plus simple ruban. Sans doute Viquesnel s’était toujours montré plus jaloux de mériter les récompenses que de les obtenir; mais n’était-il pas de ceux que le Pouvoir s’honorerait d’aller chercher au milieu de leurs travaux, lorsque, par un excès de modestie, qui n’est qu’un mérite de plus, iis ne vont pas au-devant de lui? Quoi qu’il en soit, notre confrère, par sa volonté toujours (l) Plusieurs discours ont été prononcés sur la tombe de Viquesnel par MM. Henri Martin, Virlet et d’Archiac. NOTE DE M. D’aRCHIàC. 543 dirigée vers le même but, par sa pensée constamment occupée à approfondir les sujets d’étude qu’il avait choisis, a su se créer des titres solides et vrais, qu’il ne doit qu’à lui seul et qui lui survivront dans la science comme lui survivront dans le cœur de ceux qui l’ont connu les sentiments qu’il y a fait naître. Rappellerai-je actuellement les qualités de l’homme après avoir parlé de celles du savant? Ce serait peut-être courir le risque de demeurer au-dessous des impressions et des souve¬ nirs de ceux qui ont pu les apprécier, et je ne me flatterais pas d’en donner une idée complète à ceux qui n’ont pas eu cet avantage. Son caractère si égal, ses relations si sûres, son obli¬ geance si parfaite, ses manières simples et franches, l’absence de toute préoccupation personnelle donnaient à son commerce un agrément particulier qu’on ne saurait oublier. Enfin, en retraçant ici quelques-unes des phases de cette carrière si bien remplie, quoique brisée avant le temps, quel¬ ques-uns des résultats de ces recherches qui assurent à notre regretté confrère un rang bien honorable dans l’histoire de la science, nous ne devons pas omettre non plus de rappeler ce calme et cette fermeté qu’il conserva jusqu’à ses derniers mo¬ ments avec toute la lucidité de son intelligence. Aussi cette sé¬ rénité si parfaite, témoignage de la force dont il avait donné tant de preuves, fut pour ceux qui l’entouraient de leurs soins affectueux, et surtout pour la compagne de sa vie, une conso¬ lation qu’il semblait leur avoir réservée peur adoucir encore, autant qu’il dépendait de lui, la douleur de la séparation (1). (1) Madame Viquesnel a voulu que l’ œuvre à laquelle son mari avait con¬ sacré un temps si considérable ne restât point inachevée, et elle continue la publication du deuxième volume du Voyage dans la Turquie d'Europe. Les manuscrits laissés par Viquesnel et confiés aux soins de quelques amis, heureux de lui donner cette dernière preuve d’attachement, sont exactement reproduits et comprennent : la météorologie , le nivellement barométrique de laThrace (calculé par M. Parés), les itinéraires géographiques ,1a géologie descriptive et la paléontologie (par M. d’Archiac) . 344 SÉANCE DU 12 MARS 1868. LISTE BIBLIOGRAPHIQUE DES PUBLICATIONS D’AUGUSTE YIQUESNEL Nota. — A l’exception de son Voyage dans la Turquie d'Europe , les publications de Viquesnei ont été insérées dans des recueils scientifiques, et ! nous préférons, à un ordre chronologique absolu, un ordre chronologique relatif pour chacun de ces recueils. Bulletin de la Société géologique de France, in-8°. lre SÉRIE. Tome IX, p. 296, 21 mai 1838. Mention d’une communication sur la géo- ' logie de la Turquie d’Europe. — Ibid., ibid. Note sur les environs de Vertus (Marne). — XIII, p. 15, 8 novembre 1841. Sur le marbre tertiaire de Grauves. — XIV, p. 53, 7 novembre 1842. Mention de veines saillantes prisma¬ tiques de granité dans les Pyrénées. — Ibid., p. 132, 19 décembre. Remarques sur la dépression des crêtes dans le Cantal et sur la position des calcaires lacustres. — Ibid., p. 145. Note sur les environs de Vichy (Allier), avec coupes. 2e SÉRIE. Tome I, p. 70, 4 décembre 1843. Note sur le terrain combustible exploité à Mouzeil et à Montrelais (Loire-Inférieure), rédigée par M. A. Viquesnei, d’après les observations qu’il a faites avec MM. Audibert et Durocher. Une planche de coupes. — Ibid., p. 272, 19 février 1844. Réponse à des observations deM. Ri¬ vière. — Ibid., p. 410, 6 mai. Communication de la statistique administrative de la Société. — Statistique administrative de la Société géologique de France, depuis l'époque de sa fondation, en 1830 ^jusqu'au 31 décembre 1843 (Résumé par l’auteur du texte manuscrit déposé dans les archives de la Société; 1844, 54 pages; imprimé à part pour être joint au dernier volume de la première série du Bulletin ) . Tome II, p. 327, 17 mars 1845. Note sur une géode de glace remplie de liquide, et sur quelques-uns des phénomènes que présentent la congélation de l'eau et la fusion de la glace dans des vases de pe¬ tite dimension ; par MM. Danger et Viquesnei. — III, p. 15, 3 novembre 1845. Description des fions de basalte injec¬ tés entre les couches de pèpèrino du Puy de Montaudou , en Au¬ vergne . NOTE DE M. d’aRCHIAC. 545 Ibid., p. 145. Rectification à la note précédente. IV, p. 426, 18 janvier 1847. Remarques relatives aux roches créta¬ cées de Gouzinié (Haute-Albanie). VI, p. 12, 6 novembre 1848. Nouvelles preuves du déplacement de la matière charbonneuse , postérieurement au dépôt des terrains à combustible . Vil, p. 250, 18 lévrier 1850. Rapport sur la gestion du Trésorier pendant Vannée 1849. Ibid., p. 491, 6 mai 1850. Notice sur la collection de roches recueil¬ lies en Asie par feu Hommairc de Bell, et sur les divers travaux exécutés pendant le cours de son voyage. Ce travail est un juste hommage rendu à la mémoire d’un courageux pionnier de la science, et qui donne une idée satisfaisante des résultats de re¬ cherches qui seraient probablement restées inconnues sans ce travail de Viquesnel. Ibid., p. 514. Note sur V emplacement du Bosphore à V époque du dé¬ pôt du terrain nummulitique. VIII, p. 220, 17 février 18 51. Rapport sur la gestion du Trésorier pendant Vannée 1850. Ibid., p. 482, 2 juin 1851. Observations sur les alluvions aurifères des cours d’eau de la Turquie d’Europe, et sur les exploitations auxquelles elles ont donné lieu. Ibid., p. 508, 16 juin. Extrait d'une lettre sur les environs de Con¬ stantinople, adressée à M. Degousée. L’auteur indique les carac¬ tères et la distribution du terrain de transition, du terrain tertiaire, des dépôts quaternaires et des roches ignées autour de cette capitale. Ibid., p. 515. Note sur la collection de roches recueillies en 1846 par feu Sommaire de Bell sur le littoral européen de la mer Noire. C’est le complément du travail précédent. IX, p. 208, 16 juin 1852. Rapport sur la gestion du Trésorier pen¬ dant Vannée 1851. X, p. 279, 7 février 1853. Rapport sur la gestion du Trésorier pen¬ dant Vannée 1852. Ibid., p. 454, 16 mai 1853. Résumé des observations géographiques et géologiques faites en 1847 dans la Turquie d'Europe , accompa¬ gné d’une planche de coupes. XI, p. 17, 7 novembre 1853. Remarques sur les dépôts de lignite tertiaire supérieur d’Agatchili, sur le littoral de la mer Noire. Ibid., p. 297, 6 mai 1854. Rapport sur la gestion du Trésorier pen¬ dant Vannée 1853. XII, p. 11, 6 novembre 1854. Présentation de la Carte de la Thrace, d'une partie de la Macédoine et de la Mœsie , 1 f.; 1854. Ibid,, p. 36, 20 novembre 1854. Présentation de quatre planches d’itinéraires, encore inédites, faisant partie de l’atlas du Voyage dans la Turquie d'Europe. Soc. géol., 2e série, tome XXV. 35 546 SÉANCE DU 12 MARS 1868. — XIV, p. 249, 15 décembre 1856. Présentation de la 7e livraison du Voyage dans la Turquie d’Europe, avec une note explicative à l’appui. — Ibid., p. 419, 16 février 1857. Annonce relative aux roches envoyées du Canada par M. de Rottermund. A partir de cette date, le nom de Viquesnel cesse de figurer dans les tables du Bulletin . Mémoires de la Société géologique de France, in-4°. lre SÉRIE. VoL V, p. 35-127, 1842. Journal d’un voyage dans la Turquie d’Europe; première partie, avec une planche de coupes et une Carte géolo¬ gique d’une partie de la Servie et de l’Albanie, dressée par le colonel Lapie, d’après les renseignements recueillis par l’auteur en 1836 et 1838. 2 e SÉRIE. Vol. I, p. 1 81-303, 1846. Journal d'un voyage dans la Turquie d’Europe ; deuxième partie, avec Carte géologique de la Macédoine, d’une partie de V Albanie, de l'Epire et de la Thessalie. Bulletin de la Société de géographie. 4 SÉRIE. Vol. IV, p. 549. Décembre 1852. Exploration dans la Turquie d’Europe ; description des montagnes du Rilo-Dagh et du bassin hydrogra¬ phique de Lissa, avec une planche. Archives des missions scientifiques, 1850. Rapports adressés au Ministre de l’instruction publique, renfermant une description sommaire de la partie de la Thrace comprise dans la Carie de l’ouvrage suivant. Voyage dans la Turquie d’Europe ou Description physique et géologique de la Thrace. 2 volumes grand in-4° et un atlas in-fol. de 34 planches. Le 1er vol., de 636 pages, et l’atlas ont été publiés en 9 livraisons, de 1855 à 1867. Les livraisons 10 à 12, qui commencent le deuxième volume, ont paru depuis. Elles, comprennent les Observations météorologiques, le nivellement barométrique de la Thrace , calculé par M. Parés, Y Explication de la carte de la Thrace , les Itinéraires géogra¬ phiques, Ylndication de quelques ruines antiques , et le commen- 1 jNÜTE de m. a. caillaux. 547 cernent de la Géologie descriptive ; la 13e et dernière livraison ren¬ ferme la fin de la Géologie , la Paléontologie, par M. d’Archiac, et un Mémoire sur le tabac . Notice sur la vie et les travaux de M. Triger ; parM. Ælfred Caillaux. Les membres de la Société géologique étaient réunis suivant i’usage, le 16 décembre dernier, au lieu ordinaire de leurs séances, et les questions scientifiques à l’ordre du jour se dis¬ cutaient paisiblement. Rien ne pouvait donner lieu de craindre qu’en ce moment même l’un de nos confrères présents touchât à son heure dernière, et qu’avant la fin de la séance nous dussions avoir à ajouter un nom de plus à la liste déjà trop longue des membres décédés dans l’année , dont nous déplorons la perte. M. Triger, qui ne manquait jamais aux réunions de la So¬ ciété , s’était présenté parmi nous comme un homme dont la carrière doit se prolonger longtemps encore ; il avait serré la main de la plupart de ses confrères avec le sourire aux lèvres, et nous venions d’entendre ses observations sur la question que l’on traitait alors, quand un mal subit, qui semblait n’avoir rien de grave , l’obligea à sortir de la salle. Les observations qu’il venait de faire étaient ses dernières paroles, et, quelques instants plus tard, la Société venait de perdre un de ses mem¬ bres les plus assidus et en même temps l’un de ses membres qui avaient rendu le plus de services à la géologie de l’ouest de ia France. Je ne chercherai pas à dépeindre l’émotion que chacun de nous ressentit à la nouvelle d’une fin si prompte et si inattendue. Cette émotion fut grande, non -seulement parce que nous voyions tomber tout à coup, pour ainsi dire, au milieu de nous, l’un de nos confrères , mais parce que le confrère que nous perdions ainsi , par sa bienveillance et son affabilité, par son caractère honnête , loyal et désintéressé , s’était acquis depuis longtemps l’estime et le respect de tous, ainsi que l’affection de ceux qui l’avaient plus particulièrement connu. Ces quelques mots suffiraient pour définir, simplement et d’une manière vraie , ce qu’était M. Triger parmi nous ; mais afin de vous le rappeler mieux encore, je reproduirai ce qu’écri¬ vait de lui M. Lepelletier de la Sarthe, son compatriote, dans un ouvrage publié depuis quelques années et qui mérite 548 SÉANCE DU 12 MARS 1868, toute l’estime dont il jouit : l 'Histoire complète de la province du Maine. « M. Triger, aujourd’hui correspondant du Ministre « de l’instruction publique pour la Sarthe, dit M. Lepelletier, a se distingue à la fois par les qualités pratiques de ses con- « naissances profondes en géologie , par l’obligeance , par « l’aménité et la bienveillance de ses relations. Différent, en « effet, du plus grand nombre des spécialités célèbres, il se « met naturellement à la disposition de ceux qui réclament « les conseils de son expérience, même au risque de voir ses « idées et ses découvertes exploitées par d’autres, toujours « beaucoup plus occupé de la diffusion des progrès de la « science que des intérêts et des succès d’amour-propre du « savant. » Oui, cela est vrai, et les nombreux géologues qui , depuis trente ans, sont allés visiter le département de la Sarthe, peu¬ vent confirmer l’exactitude de ces paroles. La vie de M. Triger, vie de travail et honorablement remplie, s’est passée presque tout entière dans le département de la Sarthe. C’était là qu’il centralisait, pour ainsi dire, toutes les pensées que lui suggéraient ses études géologiques, et la ville du Mans était son point de ralliement. Les services qu’il rendit dans la Sarthe ont été si générale¬ ment reconnus que, dans le même ouvrage dont je parlais tout à l’heure, nous voyons figurer son nom parmi les noms des savants, des industriels et des bienfaiteurs de ces contrées, et comme l’un de ceux qui ont su acquérir des droits véritables et légitimes à la reconnaissance du pays. M. Triger, homme d’action qui malheureusement éprou¬ vait en quelque sorte un sentiment de répulsion pour la plume , n’a laissé que fort peu d’écrits, qui se retrouvent tous dans le Bulletin de la Société géologique de France ; mais il a pris part à beaucoup de choses, il a fait beaucoup de travaux , et nous retrouvons dans sa vie, que je vais tâcher de retracer, deux créations importantes, l’application de l’air comprimé au forage des puits de mines et à la fondation des ponts et la carte géologique du département de la Sarthe, créations qui suffi¬ raient à elles seules pour satisfaire l’ambition de bien des hommes. Jules Triger, membre de la Société géologique de France depuis le 24 juin 1833, ingénieur civil, officier de la Légion d’honneur, était né à Mamers, département de la Sarthe, le 11 mars 1801. Il fit des études sérieuses dans les collèges de NOTE DE M. A. CAILLAXJX. 549 cette ville, de la Flèche, et enfin de Paris, où il compléta sonin- struction. Entraîné par un penchant naturel vers les sciences d’ohservation, il suivit assidûment, en 1825, les cours de M. Cordier, dont il avait conservé le plus respectueux souvenir, et c’est à l’école de ce savant professeur qu’il puisa les pre¬ mières notions de la géologie, à laquelle il devait consacrer une grande partie de sa vie, Peu de temps après il entra résolûment dans la carrière in¬ dustrielle. Dès le début il se plaça dans la position de l’homme qui, sûr de ses forces et comptant sur son activité et son intel¬ ligence, veut acquérir la fortune sans passer par les fonctions subalternes, et son esprit se dirigea immédiatement vers des entreprises qui subsistent encore aujourd’hui et qui furent un bienfait pour les pays où elles étaient fondées. A l’âge de trente-deux ans, devenu l’associé d’hommes im¬ portants, et sans s’être beaucoup enrichi, il avait déjà fait ver¬ ser dans le département de la Mayenne plus d’un million et demi dans les mains des ouvriers , somme considérable pour l’époque. Il y avait ouvert trois mines, dont deux d’anthracite et une de houille, la mine de Saint-Pierre-la-Cour qui, depuis 1828, n’a pas cessé de produire; il avait introduit dans ce même département deux branches nouvelles d’industrie, d’abord la fabrication du papier continu dans la papeterie de Sainte-Apollonie, située à 8 kilomètres de Laval, et devenue l’une des papeteries importantes de France, et ensuite l’exploi¬ tation des marbres, en établissant une scierie sur les bords de la Mayenne. Ainsi , jeune encore , M. Triger éprouvait la satisfaction d’avoir réussi dans la plupart de ses entreprises, et il avait la certitude de posséder l’indépendance qui était un besoin de sa vie, et cette notoriété honorable que les ingénieurs qui ne touchent en rien au service de l’État, ou autrement dit les in¬ génieurs civils, ont tant de difficulté à acquérir. Mais ce ne fut pas sans peine. Le hasard a mis sous mes yeux une lettre qu’il écrivait à la date du 28 janvier 1833. A ce moment, un mariage, qui paraissait devoir combler ses vœux et ses désirs, n'avait pu se réaliser. Cette lettre, écrite vraisem¬ blablement dans un moment de découragement , montre les difficultés qu’il rencontrait et les services qu’il avait déjà rendus; mais je la rappelle surtout parce qu’elle nous fait voir aussi que M. Triger sentait sa force et sa valeur, et qu’il crut avoir à combattre contre ce qu’il appelle l’ingratitude et les 550 SÉANCE DU 12 MARS 1868. disgrâces, moyen infaillible, ajoute-t-il, pour faire toujours une nullité de celui qui aurait pu rendre de grands services à son pays. A partir de 1833, de cette même année où il paraissait avoir éprouvé de grands chagrins, on trouve M. Triger presque tou¬ jours dans le département de la Sarthe, où on lui doit encore l’ouverture de trois mines, l’exploitation des pierres meulières exportées à l’étranger, la fabrication du sel d’Epsom au moyen de la dolomie qu’il découvrit en 1835 aux environs de Fresnay, l’indication des roches qui servent à l’entretien du macadam de Paris et plusieurs autres établissements de plus ou moins d’importance. La ville de Mamers , sa ville natale , manquait d’eau , et au moyen de sources, dont il avait su reconnaître l’existence, il y fît établir et surveilla lui-même la construction de fontaines publiques qui, dans le temps, quoique insuffisantes pour les besoins de la localité , n’en ont pas moins mérité la recon¬ naissance du pays. Plus tard, après avoir déterminé le niveau aquifère qui règne aux environs du Mans, après avoir fixé la position géolo¬ gique des sources qui se rapportent à ce niveau, position dont la connaissance lui est due , ainsi que le rappelle M. de Hen- nezel dans une note sur le terrain crétacé de la Sarthe , il put fournir les indications les plus précieuses à l’administration municipale lorsque, de 1848 à 1851, cette administration s’oc¬ cupa de l’étude et de l’exécution des travaux propres à accroître le volume des eaux de la ville. En 1833 et 1834, M. Triger, qui avait déjà réuni de nombreux matériaux géologiques sur le département de la Mayenne, pour¬ suit ses travaux scientifiques dans la Sarthe, où il devait bientôt commencer le grand travail dont il allait être chargé. Dans ces deux années il fit au Mans un cours de géologie pratique , qui fut suivi par un grand nombre d’auditeurs, et qui, d’après M. Lepelletier, a laissé dans la province du Maine le goût de cette science si attrayante, ainsi que d’honorables et précieux souvenirs pour le professeur. Il exécuta encore entre le Mans et Alençon un tracé pour la canalisation de la Sarthe, et ce tracé, que suit à peu près aujourd’hui le chemin de fer dans le même parcours, reçut à cette époque l’approbation des hommes compétents. Enfin il laissa une carte topographique du département, qu’il fit, en même temps que les officiers d’état-major auxquels il NOTE DE M. A. CAILLAUX. 554 donnait les réductions cadastrales, et qui lui fournirent en échange la montagne et la triangulation. Jusqu’en 1839, M. Triger avait déjà fait beaucoup de travaux de toutes sortes. Il avait montré son activité et la variété de ses connaissances, quand une occasion heureuse vint lui fournir les moyens de faire connaître toutes les ressources de son esprit. C’est vers cette époque qu’il fut conduit à créer un appareil nouveau, fort ingénieux, d’une grande utilité dans l’art des mines et qui devait être l’objet de récompenses élevées : je veux parler de l’application de l’air comprimé au forage des puits. Dès 1811, M. Cordier avait étudié, dans un mémoire spécial, le terrain anthracifère qui s’étend depuis Doué dans le Maine- et-Loire jusque dans la Loire-Inférieure , et plus tard MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy en tracèrent les contours sur la carte géologique de la France. Le prolongement des couches de combustible au-dessous de la Loire était donc bien connu; mais néanmoins les travaux des mines en exploitation dans ces localités se maintenaient depuis longtemps sur les coteaux qui bordent le fleuve, et il n’était venu à l’esprit d’aucun des exploitants d’oser entreprendre des recherches au-dessous de la masse d’eaux qu’il roulait, au- dessous des sables mobiles que ces eaux entraînaient. C’est cependant ce qu’osa M. Triger, qui eût été téméraire s’il n’avait pas réussi. Après avoir étudié tout le lit de la Loire d’une manière plus approfondie qu’on ne l’avait fait jusqu’alors, il proposa à M. de Las* Cases l’exploitation d’une mine de charbon au-dessous du lit du fleuve. Les premiers travaux ne furent pas heureux, et les machines établies sur l’une des îles furent bientôt englouties dans le lieu même qu’elles étaient destinées à creuser. Il fut reconnu qu’un puits établi en un point quelconque du fleuve devait d’abord traverser 18 à 20 mètres d’alluvions et de sables mobiles, que le fonçage de ce puits dans ces conditions était identique avec celui qu’on aurait voulu exécuter dans le fleuve lui-même, et que les moyens d’épuisement les plus puissants dont on disposait alors, et tels que ceux que l’on adoptait dans les mines du nord de la France, étaient insuffisants. Les efforts de l’homme paraissaient impuissants, les diffi¬ cultés paraissaient insurmontables. Cependant M. Triger ne fut pas découragé par la grandeur de 552 SÉANCE DU 12 MARS 1868. l’obstacle et il chercha tous les moyens de le vaincre. Les eaux affluaient en trop grande abondance; on ne pouvait pas penser à les épuiser; il fallait les refouler. Tel fut le point de départ, et cette idée s’accordait avec les préoccupations du jour. On se rappelle en effet que des ingénieurs distingués s’occupaient beaucoup à cette époque du parti que l’on pouvait tirer de l’emploi de l’air comprimé. Cet agent que l’on voulait utiliser, connu depuis longtemps, puisque le fusil à vent fut inventé près de quatre-vingts ans avant que Galilée eût fait ses expériences sur la pesanteur de l’air, cet agent, dis-je, était précisément vers 1839 et 1840 l’objet d’un grand nombre d’études. L’air comprimé était donc, dans l’esprit de M. Triger, l’instrument qui devait refouler les eaux et le conduire au succès de son entreprise. Mais comment faire passer des ouvriers de l’air extérieur dans le tube où on aurait refoulé l’air comprimé, comment vider ce tube, comment en extraire les sables ? Telles étaient les grandes difficultés. Ce fut alors que M. Triger eut la pensée de se reporter à ce qui se passe sur les canaux, où le sas d’une écluse permet la commu¬ nication entre le bief d’amont et le bief d’aval. C’est dans cette heureuse inspiration, qui fut un véritable trait de lumière, que se trouve tout le mérite de l’invention. Il surmonta son tube d’une chambre, à laquelle il donna le nom de sas à air, pou¬ vant être à volonté remplie d’air comprimé ou d’air à la pres¬ sion ordinaire, et le problème fut résolu. L’application fut prompte, et, quand l’installation fut com¬ plète, il put , ainsi qu’il le dit lui-même dans le rapport qu’il adressa à l’Académie en 1841, pénétrer, en moins de trois mois, sous 20 mètres d’alluvions, et établir, dans le grès houil- ler, à une profondeur de 25 mètres , une jonction tellement solide que, depuis lors, l’extraction du combustible n’a pas été arrêtée un seul instant. Enfin toutes les difficultés avaient été vaincues , le succès le plus éclatant avait couronné ses efforts et le courage qu’il avait montré était dignement récompensé. Mettre ainsi de nouveaux dépôts de combustibles à la dispo¬ sition des populations de la basse Loire fut sans doute un ser¬ vice rendu qui, avec les nombreux travaux qu’il a exécutés dans les mines et ailleurs , honorent beaucoup la mémoire de M. Triger; mais le service le plus grand qu’il rendit en cette circonstance fut d’avoir produit un appareil qui allait devenir d’un usage plus général, et d’avoir confirmé, par une épreuve NOTE DE M. A. CAILLAUX. 553 d’une grande importance, que l’air comprimé pouvait être utilement employé comme force. M. Triger avait compris tout le parti qu’on parviendrait à tirer de son appareil. Il avait reconnu qu’il serait appliqué avec beaucoup d’a¬ vantage aux fondations des piles de ponts qui pourraient, disait-il dans un rapport adressé à l’Académie le 17 février 1845, être construits avec autant de facilité que si l’on bâtissait à l’air libre. L’expérience est venue démontrer la vérité des assertions de notre confrère, et, en 1851, le procédé de M. Triger reçut une première application en Angleterre pour la reconstruction du pont de Rochester. Depuis cette époque la fondation tubulaire des piles de ponts, d’après ce système, perfectionné sans doute, mais en réalité bien peu modifié, est devenue un mode de con¬ struction général et usuel, et nous avons vu fonder ainsi les ponts de Mâcon , de Lyon, de Bordeaux, de Kehl et beaucoup d’autres. Plus tard, l’air comprimé a été appliqué au forage des tun¬ nels et particulièrement au forage des Alpes. M. Triger paraît certainement étranger aux conceptions qui ont donné lieu à ces grandes installations que chacun de nous a pu admirer à Modane ou à Bardonnèche ; et cependant la possibilité d’utiliser l’air comprimé dans ces circonstances avait frappé son esprit depuis longtemps. Mais si , avec une grande perspicacité, M. Triger avait re¬ connu tous les services que son appareil pouvait rendre , quel¬ que chose pourtant lui échappa , et nous voyons ici toute l’in¬ fluence qu’exerce la direction des idées, même chez les hommes les mieux doués. Il venait de toucher du doigt une invention nouvelle, qui a eu plus tard un grand retentissement et qui eût ajouté un nouveau relief à son nom ; cette invention est restée pour lui dans les limites de son appareil, et il n’a vu, dans les faits dont il a été le témoin et qui pouvaient s’y rap¬ porter, qu’une explication, fort ingénieuse du reste, des geysers d’Islande. Dans l’appareil destiné au forage des puits se trouvait un tube qui, partant du fond, était destiné à l’expulsion de l’eau qui n’avait pas été refoulée assez promptement. Ce tube donnait lieu à un écoulement irrégulier. Un jour, un ouvrier maladroit donna un coup de pic sur le tube et le perça imperceptible- •554 SÉANCE DU 12 MARS 1888. ment. Immédiatement le jet d’eau fut continu et s’éleva à une grande hauteur. Que l’on remplace l’air comprimé par de la vapeur à une pression qui excède celle de l’atmosphère, que le tube plonge dans un réservoir, que le coup de pic soit un robinet qui per¬ mette l’introduction d’un jet de vapeur dans le tube, et nous aurons un ensemble qui nous conduira à la construction d’un appareil aujourd’hui généralement répandu, l’appareil Gif- fard. Les détails que je viens de donner ne diminuent en rien le mérite de M. Triger, je n’ai pas besoin de le dire ; si je les ai rappelés , c’était seulement pour montrer , par un nouvel exemple, comment des créations, destinées à être d’une grande utilité, passent inaperçues au milieu des trésors que produit le travailleur qui poursuit une idée sans relâche. Lorsque le pont de Rehl fut en construction, des ingénieurs, par erreur sans doute, présentèrent le mode de fondation par l’air comprimé comme une découverte anglaise. Plusieurs membres de l’Académie des sciences, dont nous regrettons de ne pouvoir donner les noms, revendiquèrent pour la France le mérite de l’invention; ils réclamèrent en faveur de M. Triger, par la voie du Moniteur , et nous nous empressons d’ajouter qu’aujourd’hui ce mode de fondation est connu partout sous le nom de procédé Triger. Bien des hommes auraient tiré parti d’une si utile invention au profit de leur fortune personnelle, sans qu’on fût en droit de leur en faire un reproche, et pourtant M. Triger n’v songea même pas; nous le disons à l’honneur de son désintéresse¬ ment, jamais il n’eut la pensée d’en faire l’objet d’un brevet ou d’en tirer des avantages pécuniaires autrement que par l’usage qu’il pouvait en faire lui-même. Du moment que l’in¬ vention fut créée et appliquée, l’appareil fut à la connaissance et à la disposition du public, et vous savez tous les importants services qu’il a rendus. En 1844, M. Triger, qui avait bien mérité du pays, et qui avait exécuté de nombreux travaux , fut nommé chevalier de la Légion d’honneur; plus tard il fut élevé au grade d’officier, et, en 1852, un an après la première application de son appa¬ reil aux fondations de ponts , sur le rapport de MM. Poncelet, Ch. Dupin, Piobert, Morin et Combes, l’Académie lui décerna le grand prix de mécanique. Jusqu’ici, nous avons vu comment M. Triger était parvenu NOTE DE M. A. CAILLAlIX. 555 à se créer une position honorable et indépendante dans l’in¬ dustrie et un nom dans les travaux publics; je vais maintenant tâcher de vous montrer ce qu’il était comme géologue, et quels furent ses travaux. M. Triger possédait d’éminentes qualités pour faire, dans toute l’acception du mot, un géologue. Personne n’avait à un plus haut degré la faculté de locomotion; il n’éprouvait ja¬ mais aucun embarras pour entreprendre un voyage quelconque, et on aurait pu le voir sur les montagnes de la Biscaye ou de ritalie tel qu’on le rencontrait sur les promenades de la ville du Mans. Il jouissait d’un coup d’œil des plus heureux pour la découverte des fossiles, et il avait ce que l’on peut appeler le coup d'œil stratigraphique , un véritable don de la nature, et qui lui permettait de déterminer rapidement l’ordre de superposi¬ tion des couches malgré les replis, les cassures ou les accidents dont elles pouvaient avoir été affectées. Nous avons vu qu’en 1833 et 1834 il faisait au Mans un cours de géologie appliquée, et si nous nous en rapportons à ce que disait M. Virlet en 1835 dans le Bulletin de la Société, et nous ne saurions mieux faire, nous voyons que le cours du jeune pro¬ fesseur était, en quelque sorte, suivi avec enthousiasme par plus de 300 auditeurs et que les excursions aux environs de la ville attiraient plus de 150 personnes. La publication de ce cours a été commencée sous le titre de Gêognosie appliquée aux arts et à V agriculture , mais cette publi¬ cation est restée inachevée. C’est à partir de ce moment que M. Triger se livra, p our ainsi dire, sans discontinuer, à l’étude du département de la Sarthe, et il produisit à cette époque une première carte géo¬ logique du canton du Mans à l’échelle de 1/40000, dont le Con¬ seil départemental avait voté l’exécution en 1834. La minute de cette carte fut présentée à la Société en 1835. Elle n’a proba¬ blement pas été publiée, mais elle fut le point de départ de l’étude des trente cantons du département, que l’auteur se pro¬ posait de faire, et le commencement de la grande carte géolo¬ gique dont il fut plus tard officiellement chargé. Ainsi, dans le temps où bien peu de géologues s’occupaient decantes géologiques, dans le temps même où deux savants éminents s’occupaient de réunir tous les matériaux néces¬ saires pour rechercher les rapports existant entre les grandes masses minérales qui composent la structure géologique de la France, en un mot, avant que MM. Élie de Baumont et Bu- 556 SÉANCE DU 12 MARS 1868. frénoy eussent enrichi la géologie française de leur grande carte d’ensemble, avant qu’ils eussent achevé cette même grande carte, qu’ils présentèrent comme devant être ultérieu¬ rement complétée par des cartes de détails, un géologue en¬ core inconnu, stimulé par l’activité de son esprit, par l’ardeur du travail et l’amour de la géologie, encouragé par le Conseil départemental, ne craignait pas d’entreprendre le travail long et coûteux de l’une de ces cartes. M. Triger consacra plus de vingt ans à l’exécution de la carte géologique de la Sarthe, et il la produisit en 1853. Cette carte, dessinée sur la carte topographique qu’il avait dressée, est faite à l’échelle de 1/40000, et tous les géologues qui sont allés au Mans ont pu en voir la minute déposée aux archives de la pré¬ fecture. La publication votée par le Conseil général devait en être faite prochainement; mais M. Triger comptait y faire beaucoup de rectifications. Il en avait cependant publié, au Mans et à ses frais, une réduction à l’échelle de \ [125000. Les services qu’il a rendus à cette occasion ne se résument pas seulement dans la production de ce grand travail. Lorsqu’il commença ses études, et pendant bien des années encore, les terrains silurien, dévonien et carbonifère dans l’ouest de la France étaient entièrement confondûs, pris les uns pour les autres et groupés sous le nom commun de terrains de tran¬ sition; les couches crétacées du Maine se trouvaient comprises dans les grandes masses qui composaient la classification d’Alex. Brongniart, et les rapports qui existaient entre ces couches, soit entre elles, soit avec les dépôts de la Seine ou avec ceux de la Loire étaient véritablement indéterminés. La publication de la carte géologique de la France, où le système crétacé du Maine se trouvait représenté par une seule teinte, laissait en¬ core un champ bien vaste aux études ultérieures. Il serait peut-être hardi de dire, même aujourd’hui, que toutes les questions qui se rattachent à ces divers terrains sont entièrement résolues, mais néanmoins une grande lumière a été projetée sur ces questions, et cette lumière émane sans contredit des travaux de M. Triger, qui s’en était occupé avec tant d’ardeur et qui depuis trente ans était, toujours avec la même bienveillance, le compagnon désintéressé de tous les géologues qui allaient visiter le département de la Sarthe. Le grand mérite de M. Triger a été surtout d’élucider d’une manière complète la superposition des couches dans son dé¬ partement, d’éclairer la géologie de l'ouest de la France, et, pour NOTE DE M. A. CAILLAUX. o57 atteindre ce but, il s’est servi avec un rare bonheur des nom¬ breux fossiles dontlaSarthe est si riche. L’étude de ces fossiles et leur rapport avec les zones qui les renfermaient l’ont conduit à établir une classification qu’il aurait voulu pouvoir généraliser. C’est particulièrement pour cela qu’il fit plusieurs voyages et qu’il alla en Espagne avec MM. de Verneuilet Coîlomb, en Angleterre et en Belgique ; il en rapporta des documents utiles qui se trouvent insérés dans le Bulletin de la Société, sur les terrains jurassiques des environs de Bath en Angleterre et leurs rapports avec ceux de l’ouest de la France, sur les couches de Maestricht et enfin sur les terrains crétacés de la Biscaye. En 1858, M. de Hennezel, alors ingénieur en chef des mines au Mans, publia, sur les indications de M. Triger, la classifica¬ tion des terrains crétacés du Maine. Cette classification, qui séduisait beaucoup notre regretté confrère, a donné lieu peut-être à de justes critiques. Si nous rappelons les idées générales qu’il exprimait toutes les fois qu’il en avait l’occasion, nous dirons qu’il aurait voulu que toute la série des terrains restât divisée en groupes princi¬ paux, telle qu’elle l’est aujourd’hui, avec les noms qu’ils possèdent, que chacun de ces groupes fût partagé en trois parties, supérieure, moyenne et inférieure, et que chacune de ces parties fût elle-même subdivisée en zones et étages qui au¬ raient eu pour noms les noms du fossile le plus abondant dans chacun d’eux. Enfin il demandait avec instance qu’en dehors des princi¬ paux groupes les noms des couches de la terre fussent em¬ pruntés à la paléontologie, et il voyait dans ce nouveau sys¬ tème « l’avantage précieux de constituer une langue universelle que l’on comprendrait partout sans commentaires et qui met¬ trait facilement en rapport les géologues de toutes les contrées du globe. » Je ne reproduirai pas ici les objections que bien des savants ont pu lui opposer, et je dirai simplement que ce mode de clas¬ sification me semble devoir être considéré comme une nou¬ velle expression du besoin si généralement senti, mais si diffi¬ cile à satisfaire, d’une langue commune et générale, et surtout comme l’expression du besoin d’exclure la plupart de ces noms nouveaux qui jettent dans la science une véritable confu¬ sion et dont le résultat le plus directement appréciable paraît ne devoir être que le ralentissement de ses progrès. 558 SÉANCE DU 12 MARS 1868. Le nom de M. Triger se rattache encore directement à l’exécution de grandes coupes géologiques. îl y a environ dix ans, MM. Mille et Thoré, ingénieurs des ponts et chaussées en résidence au Mans, se préoccupèrent avec raison du parti que l'on pouvait tirer, au point de vue des intérêts publics ou privés, des nivellements résultant de la construction des chemins de fer qui sillonnent aujourd’hui la France et la couvrent d’un vaste réseau. Iis pensèrent que ces nivellements pouvaient servir de base à l’exécution de coupes géologiques qui feraient connaître la succession des couches, leurs mouvements et leurs ondulations, qui compléteraient en quelque sorte le travail des cartes géo¬ logiques achevées, faciliteraient le travail des cartes à faire encore, et signaleraient les matériaux utiles, partout où ils se trouvent sur le parcours des grandes voies de communication. Ils formèrent enfin le projet de réaliser pour l’ouest de la France une étude qui, assurément, serait appelée à rendre les plus grands services à l’industrie ou à l’agriculture, si elle était appliquée sur la France entière et si la plus grande pu¬ blicité était donnée aux résultats qu’elle pourrait fournir. Les ingénieurs de la compagnie de l’Ouest procurèrent avec empressement tous les matériaux et toutes les autorisations nécessaires, et M. Triger fut chargé de l’exécution et de la sur¬ veillance du travail géologique. C’est ainsi que furent faites les coupes de Paris à Brest par le Mans et Rennes, du Mans à Angers, de Paris à Rennes par Tours et Châteaulin, et de Vendôme à Brest, publiées par l’Ad¬ ministration des ponts et chaussées; mais je dois ajouter que M. Delesse a pris une certaine part dans ce travail, et que la majeure partie de ces coupes est l’œuvre de l’un de nos jeunes confrères, l ‘élève et le collaborateur de M. Triger depuis dix ans, M. Guillier qui, en accomplissant ces travaux avec le soin et la précision qui les distinguent, a montré combien il avait su profiter des leçons du maître. M. Triger était du nombre des paléontologistes qui publient la Paléontologie française destinée à compléter celle de d’Or- bigny. Il publiait en outre, en collaboration avec M. Cotteau, un ouvrage remarquable sur les oursins fossiles du département de la Sarthe. Dans ce travail, M. Triger s’était réservé la partie stratigraphique. Les tableaux et les coupes qu’il a ajoutés à l’ouvrage, exécutés avec beaucoup de soin, montrent une NOTE DE M. A. CAILLAI! X. 55 à fois de plus combien il connaissait parfaitement ce départe¬ ment qu’il avait si souvent exploré. Enfin, quand la mort le surprit, il mettait la dernière main à un travail fort important. 11 venait de consacrer quatre mois à rechercher le développement du terrain houiller dans le Boulonnais, et à son dernier jour il avait communiqué à plu¬ sieurs membres de la Société les résultats d’un grand intérêt qu’il avait obtenus. II n’a pu terminer ce travail, mais il a laissé des documents précis, et nous savons que ces documents se¬ ront utilisés, s’il y a lieu, au profit de la science et de l’indus¬ trie, sans qu’il soit rien ôté- du mérite qui lui revient. Comme vous le voyez, Messieurs, ainsi que je le disais au | commencement de cette notice, la vie de M. Triger fut une vie i laborieuse et honorablement remplie. 11 sera du petit nombre -d’hommes qui auront laissé des traces de leur passage en ce ] monde, et ces traces ne rappelleront que des souvenirs qui | n’auront d’amertume pour personne. Il fut, dans toute l’accep¬ tion du mot, le fils de ses œuvres, et si le hasard l’avait con- ! duit dans ces contrées où l’initiative individuelle peut exercer j toute sa puissance, il serait parvenu, sans aucun doute, à un ; degré de fortune et de notoriété bien supérieur à celui qu’il a ! acquis parmi nous. Il a travaillé jusqu’à la dernière heure, et i le dernier travail auquel il s’est livré montrait encore l’esprit I consciencieux et désintéressé dont il avait donné tant de preuves dans le cours de sa vie. Les services qu’il a rendus ont été reconnus par des témoi¬ gnages officiels, mais leur récompense la plus vraie a été dans l’estime dont il a joui près de ses concitoyens et dans l’utilité même de ces services. Membre de la Société géologique depuis 35 ans, il fut de ceux qui lui ont fait le plus d’honneur, et son nom, qui figurera parmi les noms des hommes utiles de notre temps, restera gravé dans nos souvenirs, non-seulement à cause des impor- ! tants travaux qui s’y rattachent, mais parce qu’il nous rappel¬ lera l’homme bon et honnête, l’homme d’Horace : Justum et tenacem propositi virum. M. de Lapparent communique le Rapport suivant sur les progrès récents de la Géologie. SÉANCE DU 12 MARS 1868. 56 Rapport sur les progrès récents de la Géologie; par M. A. de Lapparent. Messieurs, Il est d’usage que chaque société savante profite de son assemblée générale pour jeter un coup d’œil sur les progrès accomplis, durant l’année écoulée, par la science qui fait l’objet spécial de ses études. La Société géologique de France, en inaugurant ses réunions annuelles, ne pouvait déroger à cette tradition. Toutefois, il appartenait à une voix plus auto¬ risée que la mienne de remplir devant vous cette tâche déli¬ cate; et vous pourriez à bon droit vous étonner qu’elle ait été confiée à un débutant, si j’avais fait autre chose, en cette occa¬ sion , que de venir prendre une place inoccupée. Ceux qui pouvaient apporter, dans un travail de cette nature, l’autorité d’un grand savoir et d’une longue expérience , ont cru devoir décliner un surcroît de besogne qui se conciliait mal avec leurs occupations; c’est alors que, sur les encouragements de quel¬ ques-uns d’entre vous, j’ai songé à prendre sur mes épaules un fardeau que votre bienveillance m’aidera, j’espère, à porter. Je ne saurais avoir la prétention de passer ici en revue toutes les récentes conquêtes de la géologie. Ce domaine est si vaste, il reste tant à y découvrir et le nombre de ceux qui l’explorent est si grand, que chaque année nous apporte un contingent considérable de publications très-sérieuses, dont l’examen dé¬ passerait de beaucoup les limites d’un simple discours. Aussi nous bornerons-nous à choisir, parmi les travaux qui ont vu le jour depuis deux ans, ceux qui, par l’importance des sujets traités, ont mérité d’avoir le plus de retentissement. Découverte de l'Eozoon. — Au début de cette étude vient se placer naturellement une question de la plus haute gravité, celle de l’origine de la vie à la surface de notre planète. On a cru longtemps qu’à l’exception de quelques traces d’organismes inférieurs , les premiers symptômes décisifs de la vie animale s’étaient manifestés avec l’apparition de cette faune si remarquablement développée dans les schistes de la Bohême, où M. Barrande l’a caractérisée par le nom de faune primordiale. Dès lors , arrêtant à cette limite la série des ter¬ rains paléozoïques, on avait constitué , avec les assises strati- NOTE DE M. DE L APPARENT. 561 fiées inférieures, une série plus ancienne et dépourvue de fossiies, celle des sédiments azoïques. On comprend donc aisément l’émotion que produisit , dans ces deux dernières années , l’annonce de la découverte d’un fossile nouveau, VEozoon Canadense , dans des strates que les géologues canadiens considèrent comme très-inférieures au système de la faune primordiale. Des couches entières de calcaires serpentineux laurentiens seraient constituées unique¬ ment par ce singulier fossile, introduit dans la science par MM. Dawson , Garpenter et Rupert Jones , à qui le microscope avait révélé tous les détails de la structure intérieure de l’Eozoon et dévoilé ses affinités avec la classe des foraminifères. Annoncée d’abord en Angleterre, où ces savants paléontolo¬ gistes jouissent d’un crédit mérité, la découverte de l’Eozoon fut d’abord acceptée sans contestation. On parut se préoccuper seulement de rechercher en Europe les équivalents du système laurentien, sans doute pour que le nouveau monde ne fût pas seul à s’enorgueillir d’une si haute antiquité, et sir Roderick Murchison émit l’opinion qu’il convenait de rattacher à ce niveau le gneiss fondamental des Hébrides et celui de la Scan¬ dinavie. Toutefois , des symptômes d’incrédulité ne tardèrent pas à se manifester. Les groupements des espèces minérales sont quelquefois si capricieux qu’ils peuvent faire naître des appa¬ rences de formes organisées; n’était-ce pas le cas pour la serpentine de l’Eozoon? C’est ce que divers observateurs cher¬ chèrent à établir. De plus, on a parfois de la peine à admettre, môme sur la foi d’une autorité respectée, l’existence de détails qu’un puissant microscope et des préparations minutieuses peuvent seuls mettre en évidence ; et ceux qui ont examiné des roches à grain fin avec le secours même d’une simple loupe n’ignorent pas que souvent la structure se révèle moins bien ainsi qu’à l’œil nu. Ajoutons enfin que la place des cal¬ caires laurentiens dans la série géologique est encore sujette à quelques discussions. Cependant le plus grand nombre des géologues paraît avoir adopté l’opinion des savants canadiens , surtout depuis qu’ils affirment avoir retrouvé l’Eozoon dans un calcaire bitumineux exempt de métamorphisme. D’ailleurs, la présence de ce fos¬ sile a été annoncée en Bavière par M. Guembel et en Bohême par M. de Hochstetter. Dans ces deux contrées, l’Eozoon se trouve au milieu de calcaires qui font partie d’une série de Soc. géol.f 2e série, tom° XXV. 86 562 SÉANCE DU 12 MARS 1868. gneiss et de roches éruptives reposant sur le gneiss fondamen¬ tal de la Bohême; en sorte que les géologues allemands échappent ici au reproche adressé à leurs confrères du Canada qui, en donnant, vers le bas, une extension à peu près indéfinie à leur système laurentien, se sont mis dans l’impossibilité d’indiquer la hase sur laquelle ont dû venir reposer les sédi¬ ments les plus anciens. Jusqu’à ces derniers temps , la possession de l’Eozoon avait paru être le privilège de la race saxonne. Cette apparente in¬ justice de la nature vient d’être réparée et aujourd’hui la race latine n’a plus rien à envier à sa rivale, depuis que le précieux fossile a été signalé, dans les Alpes , par M. Favre, et dans les Pyrénées par M. Garrigou. L’avenir ne manquera pas d’éclairer les questions délicates que cette intéressante découverte laisse encore en suspens. Quoi qu’il en soit, en appelant l’attention sur une série de ter¬ rains auxquels l’attrait de la recherche des fossiles avait manqué jusqu’ici, elle aura du moins forcé à définir, avec plus de pré¬ cision qu’on ne l’avait encore fait, les caractères des premiers sédiments. Terrain silurien. Colonies. — ■ La paléontologie du terrain si¬ lurien fait encore de nouvelles conquêtes, grâce au zèle infati¬ gable de M. Barrande, qui vient de décrire successivement les ptéropodes et les céphalopodes de la Bohême. Ces publications n’ont pas empêché l’illustre savant d’accumuler preuves sur preuves pour combattre, avec une rare énergie, les objections stratigraphiques que les géologues autrichiens ont opposées à l’existence des célèbres colonies. C’est en vain, crojmns-nous, que MM. Lipold et Rrejci, pour expliquer l’existence de schistes à graptolithes en couches minces au milieu des quartzites de l’étage D, imaginent des dislocations que chaque découverte nouvelle de M. Barrande les oblige à compliquer. Le fait ma¬ tériel sur lequel repose l’existence des colonies, c’est-à-dire l’apparition anticipée et intermittente de la faune troisième dans l’étage D, devient de jour en jour plus incontestable et il ne peut plus y avoir de divergences que sur l’explication pa- lé ontologique qu’il convient d’en donner. A cet égard on nous permettra, malgré notre incompétence, d’user des droits que donne la qualité de rapporteur pour constater que plus on re¬ cueille de faits et moins il devient possible de parquer les espèces fossiles à des niveaux qui soient absolument invariables pour tous les bassins. NOTE DE M. DE LAPPARENT. 003 Terrain dévonien. — En continuant à nous avancer vers des périodes de plus en plus modernes, nous rencontrons sur notre route un terrain dont l’existence vient d’être sérieusement mise en question de l’autre côté du détroit : c’est le terrain dévo¬ nien. M. Beete Jukes croit avoir acquis la certitude que les couches à fossiles marins qui, dans le comté de Devon, sépa¬ rent le vieux grès rouge du terrain houiller, sont simplement un aspect particulier de schiste carbonifère inférieur, dont le calcaire de montagne ne serait qu’un équivalent local et acci¬ dentel. Le vieux grès rouge lui-même devrait, suivant M. Jukes, être divisé en deux parties, dont l’une, caractérisée par les vé¬ gétaux terrestres, se relierait au carbonifère, tandis que l’autre, avec des poissons fossiles, serait plus convenablement rattachée au terrain silurien. Enfin, quoique le savant directeur de la commission géologique d’Irlande avoue n’avoir pas étudié le terrain dévonien sur le continent, il a essayé d’établir, par des comparaisons à distance, que la grauwacke du Rhin offrait avec le schiste carbonifère d’évidentes affinités. Il est juste de dire que les idées de M. Jukes ont rencontré peu de faveur en Angleterre, malgré la légitime réputation de l’auteur et la ténacité avec laquelle il défend encore sa thèse. Pour nous, bien que nous n’éprouvions pas, à l’endroit du ter¬ rain dévonien, les sentiments presque paternels dont tout bon Anglais a le droit d’être animé pour une création britannique, nous ne croyons pas aller trop loin en avançant que M. Jukes tiendrait un autre langage s’il avait pu étudier la série dévo¬ nienne de la vallée de la Meuse : il aurait vu, entre les schistes ardoisiers et le calcaire carbonifère de Binant, se développer celte belle succession d’assises que peuplent les riches faunes des schistes à calcéoles, du calcaire de Givet et des psammites du Condros; et alors il aurait compris, sans doute, que si l’Angleterre et l’Irlande offrent à cet égard des difficultés spéciales, toute méprise est impossible dans la région franco- belge, où le système dévonien est le mieux développé précisé¬ ment à l’endroit où le calcaire carbonifère a le plus de puis¬ sance. Terrain houiller. — Le terrain bouiller a toujours été un des mieux connus, ce qui s’explique aisément par son extrême importance industrielle et par le soin qu’on prend d’enregistrer avec la plus grande exactitude les résultats des travaux souter¬ rains. Aussi pourrait-on composer un magnifique atlas avec 564 SÉANCE DU 12 MARS 1868. les monographies particulières des divers bassins. Leur liste, déjà longue, vient de s'enrichir, parmi d’autres travaux, d’une savante description du terrain houiller d’Ahun, dans la Creuse, par M. Gruner, ainsi que des études de M. Leseure sur la grande couche de Rive-de-Gier. Mais déjà il avait paru à M. Geinitz que le moment était venu d’esquisser une étude comparative de tous les bassins européens, en se fondant sur la nature des végétaux fossiles qui dominent dans la houille; l’éminent professeur a pu distinguer cinq périodes successives, depuis l’âge où dominaient les lycopodiacées jusqu’à ceux où les annulariées, puis les fougères, sont devenues prépondérantes, en passant par les périodes des sigillariées et des calamites, qui comprennent presque tous les bassins importants du conti¬ nent. Cette division paraît se vérifier jusqu’en Amérique, où M. Dawson a trouvé des résultats analogues pour la Nouvelle- Écosse. En outre , les travaux auxquels il s’est livré ont, avec ceux de M. Goeppert, jeté beaucoup de lumière sur l’origine du charbon minéral. Enfin l’exploration des schistes qui séparent les veines de houille a fait reconnaître, dans plusieurs contrées, un fait très- intéressant : c’est qu’à diverses reprises la mer a fait des in¬ cursions dans la formation houillère proprement dite, ainsi que l’attestent quelques niveaux de fossiles marins échelonnés dans la hauteur de cette formation. Terrain permien. — Le terrain permien est, comme on sait, très-pauvre en fossiles; en revanche sa nomenclature est très- riche, et de temps en temps on voit s’élever, entre les noms de permien, de pénéen et de dyas, des conflits qui nous paraissent être plutôt du domaine de la philosophie , car ils ne sauraient avoir pour effet de changer en quoi que ce soit la place du ter¬ rain dans l’échelle géologique. Quant à savoir s’il convient de le laisser avec la série paléozoïque, ou s’il en faut faire la base des terrains secondaires, c’est une affaire d’accolade, fort diffi¬ cile à trancher, comme toutes les questions de limites. Trias. — Le trias est très-important dans la Souabe et la Franconie, où il est le siège de grandes exploitations industriel¬ les; aussi M. Guembel et divers autres observateurs ont-ils pu y réunir les éléments d’une division très-détaillée pour les grou¬ pes du keuper et du muschelkalk. En même temps les géolo¬ gues autrichiens , M. Fr. de Hauer en tête , perfectionnent la NOTE DE M. DE LAl'PAllENT. 565 classification du trias des Alpes tyroliennes, auquel le mélange des ammonites avec quelques genres paléozoïques imprime un caractère si particulier. Un fait des plus curieux est la décou¬ verte de ce même faciès marin du trias supérieur en Californie par M. Whitney. Comme, d’ailleurs, il vient d’être également signalé dans l’Himalaya, il en résulte que le calcaire alpin du Tyrol représente, au métamorphisme près, le faciès normal du keuper, dont nos marnes irisées ne seraient qu’un accident restreint. Étage rhétien. — La nomenclature géologique s’est enrichie récemment d’un nouveau terme : l’étage rhétien. Nous n’avons pas à revenir sur l’intéressante controversé en¬ gagée à propos de la limite inférieure du lias, et qui nous a valu les beaux travaux de MM. Levallois, Jules Martin, Stoppani, Pellat, etc. Il suffira de constater que, si l’on peut encore dis¬ cuter sur l’attribution des couches de jonction au lias ou au trias, du moins presque tous les observateurs sont d’accord pour y reconnaître une individualité distincte et qui mérite une place spéciale dans la série des terrains. C’est un hommage implicite rendu à la sagacité des auteurs de la Carte géologique de France, qui, sans avoir égard au peu d’épaisseur de cette zone, avaient senti la nécessité de la distinguer par une couleur particulière. Grâce aux études que cette controverse a suscitées de toutes parts, la position du célèbre bone-bed a été précisée dans une multitude d’endroits , en France, en Anglelerre , en Italie, en Allemagne ; et on a appris à distinguer celui qui caractérise la zone à avicula contorta de plusieurs autres lits à ossements, dont les uns sont supérieurs et les autres sont inférieurs à ce niveau. Terrain jurassique. — Le terrain jurassique, si souvent étudié et si bien connu en apparence, n’en est pas moins, aujourd’hui encore, le thème de discussions très-importantes. En première ligne vient se placer la question des calcaires de la Porte de France, cette pierre d’achoppement des géolo¬ gues, dont les caractères sont jusqu’ici assez mal définis pour que des savants également respectables persistent à y voir, celui-ci de l’oxfordien, celui-là du néocomien, cet autre un type jurassique spécial, justifiant l’étage tithonique créé par le regrettable Oppel pour toutes les couches de passage entre le 506 SÉANCE DU 12 MARS 1868. Jura et la craie. 11 est impossible que la lumière tarde longtemps à jaillir d’un tel conflit d’opinions, et les noms des savants en¬ gagés dans cette question nous sont une garantie qu’elle ne sera pas résolue à la légère. L’étage corallien a été récemment en butte aux plus vives attaques, surtout de la part des géologues allemands. Prétex¬ tant la confusion , malheureusement trop réelle, qu’on a sou¬ vent laite entre le faciès corallien d’une roche et son âge dans la série jurassique, ils ont, sans hésiter, supprimé le coral-rag de la nomenclature en attribuant les couches à cidaris flori- gemma à l’oxfordien et tout le reste au kimméridien. Cette so¬ lution radicale a peu de chances d’être acceptée en France, où la zone à cidaris florigemma et les couches à diceras arietina forment un ensemble suffisant pour justifier l’importance qu’on lui attribue. Toutefois, il faut reconnaître que, même chez nous, on tend de plus en plus à diminuer l’étage corallien vers le haut pour augmenter d’autant le calcaire à astartes ou étage séquanien : c’est ainsi que M. Pellat restitue à ce dernier l’oolithe à nérinées du Boulonnais, pendant que MM. Cotteau, Michelot et Jourdys s’efforcent de faire triompher la même idée pour les calcaires de Tonnerre et ceux de Saint-Ylie. Citons encore les additions importantes dont s’est enrichie la littérature du terrain portlandien depuis les travaux de MM. Michelot, Pellat, Hébert, Sæmann sur le Boulonnais, de Tombeck sur la haute Marne, de Loriol et Jaccard sur le Jura. On peut suivre aujourd’hui les transformations successives de l’étage, depuis leBarrois, où le portlandien moyen paraît man¬ quer, jusqu’aux argiles deHartwell, où l’étage inférieur fait dé¬ faut, en passant par le Bray et le Boulonnais, qui servent, à tous les points de vue, de transition entre ces deux types extrêmes. Le jour n’est vraisemblablement pas éloigné où toute incertitude cessera relativement à la vraie place qu’occupent, en France, le niveau du Portlandstone et celui du Portlandsand. Terrain crétacé. — Le terrain crétacé nous arrêtera moins longtemps. Cependant nous ne saurions passer sous silence les travaux de M. Coquand sur la géologie de l’Espagne et de l’Afrique, où le terrain aptien hostrea aquila descend, paraît-il, jusqu’au néocomien inférieur, de sorte que l’urgonien devrait être relégué au rang de sous-division locale, reconnaissable seulement dans le midi de la France. Rappelons aussi les travaux de MM. Leymerie et Hébert sur NOTE DE M. DE L APPARENT. 567 le terrain crétacé des Pyrénées, qui offre encore tant de pro¬ blèmes à résoudre, et les études de M. Hébert sur la craie du nord de l’Allemagne et de la Scanie, où il a retrouvé, dans une si remarquable concordance, les niveaux fossilifères du bassin de Paris, pendant que M. Schloenbach s’attachait à les mettre en évidence dans le plæner de l’Allemagne centrale. Terrain tertiaire. — La connaissance des terrains tertiaires du Midi a fait encore des progrès notables, grâce aux études de MM. Matheron et Tournouer, et l’on voit se multiplier peu à peu les points de repère qui permettent de les rattacher aux couches tertiaires parisiennes. Toutefois, les limites des étages semblent devenir de plus en plus difficiles à tracer, comme cela résulte des discussions soulevées par l’introduction, dans la nomenclature, de l’étage oligocène. Cet étage, créé par ! M. Beyrich, et qui réunit dans un même groupe le gypse et les | sables de Fontainebleau, a été assez généralement accepté en Allemagne. Cependant, sir Charles Lyell n’a pas cru devoir | adopter ce nouveau terme, alléguant qu’au point où nous | sommes parvenus, toute ligne de démarcation tirée dans les ! terrains tertiaires ne pouvait manquer d’être quelque peu ar- = bi traire. ; Terrains quaternaires. — Les terrains quaternaires ont con¬ tinué à exciter, dans ces dernières années, une curiosité uni¬ verselle; si nous jugeons inutile de nous y arrêter, c’est que l’anthropologie, la zoologie et l’archéologie jouent un rôle de plus en plus prépondérant dans ces questions et que, d’ailleurs, i elles sont traitées avec une grande autorité dans des recueils spéciaux. Disons seulement que, malgré l’accord des travaux de M. Dupont sur la Belgique, avec ceux de M. N. de Mercey sur le nord de la France, M. Belgrand, qui a fait une étude si approfondie de la vallée de la Seine, persiste à attribuer aux actions fluviales la production du loess et à séparer ce dernier du limon des plateaux dont le dépôt aurait précédé la forma¬ tion des cailloux roulés des vallées. Qu’il nous soit permis maintenant de chercher à tirer un en¬ seignement général de cette rapide revue des travaux relatifs aux terrains de sédiment. Le fait saillant qui se dégage de cette étude est la difficulté, de plus en plus grande, qu’on éprouve à limiter convenablement les étages successifs. Entre 568 SÉANCE DU 12 MARS 1868. quelles limites faut-il enfermer le terrain laurentien du Canada? Jusqu’où doit descendre le silurien? Les étages G et H de la Bohême sont-il siluriens ou faut-il les placer à la base de la série dévonienne, où figurent déjà leurs équivalents d’Amé¬ rique? Le vieux grès rouge anglais est-il silurien, dévonien ou carbonifère? La limite du terrain bouiller et du terrain per¬ mien doit-elle, comme on l’a récemment prétendu, être tracée au milieu même de la formation de Saarbrück? L’étage rhé- tien fait-il partie du trias ou du lias? Les calcaires inférieurs à astartes sont-ils coralliens ou kimméridiens? Où faut-il arrêter le portlandien supérieur et commencer le néocomien? A quel moment le système des argiles à plicatules fait-il place à celui du gault? Où doit commencer l’étage cénomanien dans l’est de la France? Comment limiter la craie supérieure dans les Pyrénées? Enfin à quels niveaux doivent être fixées les princi¬ pales divisions du terrain tertiaire, de moins en moins dis¬ tinctes à mesure qu’on s’élève dans la série? Ce sont là, en vérité, autant de questions dont la solution semble reculer à mesure que les documents se multiplient. Que faut-il conclure de tout cela? C’est, sans doute, que les caractères le plus habituellement employés par les géologues, excellents pour constituer des groupes naturels, sont impuis¬ sants à fournir des dates précises : or la géologie est l’histoire ancienne du globe, et aucune histoire ne saurait se passer de chronologie. Assurément un millésime est, à lui seul, une chose insignifiante, et il y a tels événements enregistrés avec soin par les historiens, qui n’exercent que bien peu d’influence sur la marche générale des affaires. Pourtant, ce sont des li¬ mites auxquelles il est commode d’arrêter les périodes et, sans leur secours, l’histoire perdrait cette netteté qui doit être un de ses caractères dominants. Or, les éléments d’une chronologie semblable sont fournis au géologue par l’étude des dislocations qui affectent la sur¬ face du sol, soulèvements, failles, fractures, alignements; car encore bien que ces accidents ne soient pas tous arrivés d’une manière subite, personne ne contestera, je crois, que le temps employé pour les produire a été beaucoup plus court que celui qui est nécessaire à la transformation ou à l’extinction de toute une faune : il y a donc lieu de croire que l’étude attentive et détaillée de ces dislocations doit donner à la géologie des dates suffisamment précises pour lui permettre de constituer une chronologie régulière. NOTE DE M. DE LAPPARENT. 569 11 est vrai qu’une pareille tâche offre des difficultés considé¬ rables et qu’on s’expose à exciter parfois un sourire d’incrédu¬ lité quand on abandonne le domaine des faits positifs pour chercher à démêler une loi au milieu d’un certain désordre apparent. Pourtant de telles recherches ne sont pas sans uti¬ lité même au point de vue pratique, comme l’ont prouvé vic¬ torieusement de récents travaux sur les filons du midi de la France. D’ailleurs, pour être plus difficiles, elles n’en méritent que plus d’encouragements, et il faut féliciter ceux qui, sui¬ vant la voie ouverte par un maître illustre, mettent leurs soins à débrouiller le réseau compliqué de l’orographie terrestre. Ne peut-on pas dire aussi que le but de la géologie ne sera définitivement atteint que le jour où elle pourra rendre compte du relief de la terre jusque dans ses moindres détails? Assu¬ rément c’est une noble entreprise, bien digne d’occuper la vie d’un savant, que de chercher à reconstituer la série des êtres qui se sont succédé à la surface de notre planète et de suivre, à travers les âges, les admirables évolutions accomplies par la vie organique. Cela ne suffit pas pourtant, pas plus qu’il ne suffirait à l’histoire d’étudier la filiation des races humaines ou de tracer le tableau des transformations successives des langues, des mœurs et des institutions, sans accorder aucune place au récit des événements qui les ont amenées. Les phéno¬ mènes inorganiques ont joué, dans la formation de la terre, un rôle considérable dont l’étude est proprement l’objet de la géologie. Pour y réussir, elle s’appuie à la fois sur la connais¬ sance des minéraux, sur celle des animaux fossiles, sur la chimie et la physique du globe ; mais elle a son domaine spé¬ cial et c’est par les travaux exécutés sur le terrain, c’est-à-dire en présence de tous les accidents du sol et en vue de démêler tous les éléments de la mosaïque terrestre, que la géologie proprement dite doit se distinguer des sciences parallèles, dont elle emprunte le secours sans se confondre avec elles. Théories géogéniques. — Abandonnons maintenant la géologie purement descriptive pour aborder le domaine des théories géogéniques. Déplacement de Taxe des pôles. — Un résultat qui semble res¬ sortir clairement de l’étude des faunes et des flores fossiles, c’est que la température, au lieu de s’abaisser graduellement et sans interruption depuis les premiers âges géologiques, a 570 SÉANCE DU 12 MARS 1888. subi, à plusieurs reprises, des oscillations d’une amplitude assez considérable. Lorsque les effets de ces oscillations se font sentir sur un périmètre restreint, on peut, à la rigueur, en chercher l’explication dans la plus ou moins grande altitude élu sol aux époques en question et dans la distribution variable des mers et des courants. Il en est autrement quand les oscil¬ lations se sont manifestées à la fois sur une grande étendue, comme, par exemple, l’abaissement de température qui a mar¬ qué l’une des phases de la période quaternaire. Dans ce cas, il paraît nécessaire de les attribuer à une cause plus générale. Parmi les hypothèses à l’aide desquelles on a cherché à ré¬ soudre ce difficile problème, il en est une qui a toujours été impitoyablement repoussée au nom des principes fondamen¬ taux de la mécanique; c’est celle d’un déplacement de l’axe des pôles. Pourtant, un Anglais distingué, M. J. Evans, n’a pas craint de la reprendre à nouveau et il a fait voir que l’objection tirée de la mécanique, qui serait irréfutable si la terre était un solide invariable, n’a plus du tout la même valeur si on considère notre globe comme un noyau fluide recouvert d’une enveloppe solide, capable de se déplacer en glissant sur le noyau. Cette idée étant admise, si une cause quelconque vient à changer la distribution de la matière sur l’écorce solide ; si, par exemple, les forces volcaniques intérieures ou la contraction résultant du refroidissement, produisent une protubérance en un point donné, l’excès de force centrifuge qui en résultera aura pour effet de rapprocher ce point de l’équateur, de telle sorte que, l’axe des pôles restant invariable dans l’espace et dans le noyau fluide, l’enveloppe sera déplacée et les points où elle est percée par l’axe, c’est-à-dire les pôles terrestres, auront changé. Un appareil ingénieusement combiné a permis à M. Evans de rendre cette influence sensible aux yeux, et il est fort possible que son explication puisse être appliquée avec succès aux changements de climat que notre globe a subis et qui seraient ainsi la conséquence directe des grands soulèvements de mon¬ tagnes. Origine des météorites. — C’est encore au même ordre de théories géogéniques qu’il convient de rattacher les conclu¬ sions déduites par M. Daubrée de l’étude des météorites. Le savant professeur a cherché à repioduire les traits caractéris¬ tiques de ces corps singuliers en combinant directement, par la voie sèche, leurs principaux éléments, qui sont le silicium, NOTE DE M. DE LAPPARENT. 571 le fer et l’oxygène, c’est-à-dire justement les trois substances le plus abondamment répandues à la surface de notre globe. Ces éléments associés, dans les météorites, à la magnésie, forment des silicates du type du péridot, avec fer natif et fer chromé. Tout porte à croire que ces silicates résultent de l’oxydation incomplète d’un mélange de fer, de magnésium et de silicium, dans des conditions semblables à celles de la sco¬ rification qui s’opère, en métallurgie, quand un bain de fonte impure se refroidit au contact de l’air. Il semble probable qu’une scorification pareille a dû s’opérer, dans l’origine, à la surface de la terre. L’absence du fer natif s’expliquerait alors par une oxydation plus complète, de même que la rareté des roches de péridot dans les parties supérieures de l’écorce du globe pourrait être attribuée à ce que l’action prolongée de l’eau chaude a notablement modifié les caractères originels des roches primitives. C’est ainsi que la géologie, après avoir emprunté à l’astro¬ nomie ses hypothèses fondamentales sur la formation du globe, lui fournit à son tour quelques inductions sur la nature des corps planétaires. La science d’en haut et la science d’en bas se prêtent donc ici un mutuel appui, et je croirais en vérité, au risque de vous faire sourire, que l’astrologue de la fable ne méritait pas d’être tant gourmandé pour s’être laissé choir au fond d’un puits : peut-être avait-il le pressentiment de l’union future des deux sciences, et voulait-il demander aux entrailles de la terre de compléter les indications de son télescope. Messieurs, je devrais ajouter bien des choses encore au ta¬ bleau qui vient d’être déroulé devant vous. J’aurais à men¬ tionner de nombreuses explorations entreprises par de hardis voyageurs en Amérique, en Chine, dans la Nouvelle-Zélande et jusque dans l’Himalaya. 11 faudrait vous entretenir des sa¬ vantes études sur les anciens glaciers de MM. Gastaldi, Martins et Collomb et vous parler des applications toujours croissantes de la géologie à l’agriculture, applications auxquelles le savant distingué qui nous préside prend une part si active. 11 conviendrait aussi de donner un souvenir à cette Exposition universelle où la géologie était si dignement représentée, et à cette session extraordinaire de 1837, pendant laquelle la So¬ ciété géologique de France a donné une nouvelle force aux liens qui l’unissaient à nos confrères de l’étranger. Mais je ne saurais me dissimuler que plus je m’efforcerai SÉANCE DU 16 MARS 1868. 572 d’être complet et plus je mériterai le reproche de ne l’avoir pas été. Je préfère donc m’arrêter sur cet aveu et terminer ici un discours dont votre extrême indulgence pouvait seule me pardonner la longueur. Peut-être aussi devrais-je m’excuser d’avoir, de temps à autre, laissé prendre à mon langage une tournure en désaccord, soit avec la gravité de cette assemblée, soit avec le peu d’importance de celui qui vous parlait. Mais, Messieurs, la géologie, vous le savez, est une bonne mère, qui n’a pas coutume d’élever ses enfants dans la crainte et le trem¬ blement. Bien différente de ces sciences qu’on professe dans des amphithéâtres, où la distance entre le maître et le disciple est encore augmentée parla solennité que revêtl’enseignement, la science géologique s’apprend au grand air, en face de la nature et loin de tout apparat. Tous ceux qu’elle réunit sur le terrain, quel que soit leur âge, partagent les mêmes fatigues, endurent les mêmes intempéries, se réjouissent au même so¬ leil, et s’asseoient à la même table. De là une certaine liberté d’allures qui, sans altérer le respect des débutants pour leurs devanciers, établit leurs relations mutuelles sur une base où l’affection et la confiance tiennent plus de place que la crainte. D’ailleurs, je me suis trop souvent rencontré avec ceux que j’honore comme mes maîtres pour n’avoir pas appris à comp¬ ter beaucoup sur leur bienveillance et j’espère qu’elle me man¬ quera d’autant moins aujourd’hui que j’en ai plus besoin. Séance du 16 mars 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du pro¬ cès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Élisée Reclus, à Vascœuil, près Croisy-la-Haye (Seine- Inférieure) ; présenté par MM. J. Marcou et Éd. Collomb. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. G. Cotteau, Échinides nouveaux ou peu con - DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 573 nus (Extr. de la Revue et magasin de zoologie , 1867), in-8, p. 125-139, pi. XYII et XVIII. De la part de M. J. Garnier, Essai sur la géologie et les res - sources minérales de la Nouvelle-Calédonie , in-8, 92 p., 2 pi. ; Paris, 1867; chez Dunod. De la part de M. Éd. Lartet, Note sur deux têtes de carnas- nassiers fossiles (Ursus et Felis) et sur quelques débris de Rhino¬ céros provenant des découvertes faites par M. Bourguignat dans les cavernes du Midi de la France , in-8, 40 p., 1 pl.; Paris, 1867, chez Victor Masson et fils. De la part de MM. de Loriol et G. Cotteau, Monographie pa- léontologique et géologique de V étage port'landien du département de ï Yonne, in-4, 260 p., 15 pl.; Paris, mars 1868, chez F. Savye De la part de M. G. de Saporta, Aperçu sur la flore de l'é¬ poque quaternaire, in-8, 17 p.; Caen, 1867, chez F. Le Blanc ïïardeh De la part de M. J. P. Whitney, le Colorado aux États-Unis dé Amérique , in~8, 71 p., 2 pl.; Paris, 1867, chez L. Berger. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences . — 1868, 1er sem.; T. LXVI, nos 10 et 11 ; in-4°. Annuaire de la Société météorologique de France , t. XIII, 1865; Tableaux météorologiques , f. 12-17, t. XV, 1867; Bulletin des séances, f„ 11-21, in-8. L Institut , n° 1783; 1868; in-4. The Athenœum ; nos2106 et 2107; 1868; in-4. Verhandlungen der K. K. Geologischen Reichsanstalt , 1868, n° 4, in-8. J sis, 1867 ; n°s 10-12, in-8. Revista minera , 1er mars 1868, in-8. M. J. Garnier présente une brochure sur la géologie de la Nouvelle-Calédonie (V. la Liste des dons). M. Albert Gaudry présente une note de M. de Saporta sur les plantes de la période quaternaire (V. la Liste des dons ) et fait connaître les principaux résultats de ce travail. A Poccasion de cette présentation M. Belgrand émet les considérations suivantes : 574 SÉ \NCE DU 16 MARS 1868. Les restes des plantes de l’époque quaternaire sont extrême¬ ment rares dans le bassin de la Seine, ce qui tient à la grande violence des cours d’eau qui existaient alors. Les feuilles et les parties délicates des plantes ont été détruites; il en a été tout autrement, on le sait, pendant l’ère des tourbes où les cours d’eau ont été sans violence dans un grand nombre de vallées, et ont conservé au fond de leurs eaux limpides les restes de la plupart des végétaux qui croissaient alors sur leurs bords. Pour trouver des traces de la flore quaternaire, il faudrait peut-être explorer les dépôts calcaires formés par certaines rivières dont les eaux trop chargées de carbonate de chaux sont incrustantes. M. Leymerie a signalé un dépôt de ce genre dans le dépar¬ tement de l’Aube, à Resson près de Villenauxe. Ce ruisseau a déposé un travertin qui est bien certainement quaternaire, puisqu’on y trouve des ossements d’Élépbants, de Castors, etc. On y rencontre aussi des coquilles terrestres et lacustres (Limnées, Cyclostômes, Hélices) et des plantes aqua¬ tiques et terrestres, notamment des Chara , des Roseaux, des feuilles de Scolopendre et d’arbres dicotylédones. (Yçir la Sta¬ tistique géologique de i’Aube de M. Leymerie, p. 102.) Ces dépôts de travertin formés par des sources incrustantes ne sont pas rares dans les terrains jurassiques de la Bourgogne, surtout dans la traversée du fuller s-earth , qui, on le sait, est composé dans cette centrée de marnes et de calcaires mar¬ neux. Les sources très-nombreuses et souvent considérables qui sortent de ce terrain sont tellement chargées de carbonate de chaux, qu’elles ont formé des montagnes de tuf exploitées aujourd’hui pour faire des ouvrages qui exigent des matériaux légers, tels que voûtes de caves, cheminées, etc. Ces tufs incrus¬ tent un très-grand nombre de feuilles et d’autres débris de plantes, et il n’est pas douteux qu’ils se déposèrent à l’époque quaternaire comme aujourd’hui. On y trouverait donc peut- être de précieux restes de la flore de celte époque. M. Hébert fait observer qu’il existe un énorme dépôt de bois fossile à Dixmont, près de Villeneuve-sur-Yonne, département de l’Yonne; ce dépôt est peut-être quaternaire. M. Belgrand répond qu’il n’en est malheureusement pas ainsi. La forêt de Dixmont est couchée dans l’argile plastique et dans les sables inférieurs; c’est évidemment un dépôt ter- NOTE DE M. BELGRAND. 575 tiaire éocène; c’est l’avis de tous les géologues qui ont visité les lieux, notamment de MM. Raulin et Leymerie. ( Statistique géologique de l’Yonne , p. 535.) M. Ed. Lartet constate que l’étude des animaux fossiles le conduit, relativement au climat de l’époque quaternaire, à des conclusions tout à fait semblables à celles de M. de Sa - porta. Tout semble indiquer que ce climat était surtout caractérisé par une grande humidité, et que les hivers y étaient moins rigoureux et les étés moins chauds qu’au- jourd’hui. - M. Belgrand ajoute : Ce que M. Lartet vient de nous dire me paraît très-important et prouve, ce me semble, que l’ère gla¬ ciaire s’est prolongée jusqu’à la fin de l’ère quaternaire, c’est- à-dire jusqu’au moment où Tes grands cours d’eau ont été rem¬ placés par nos p etites rivières modernes, et où le Renne a quitté j les régions aujourd’hui tempérées. En effet, ce qui règle l’altitude des neiges éternelles, origine des glaciers, c’est bien moins la température moyenne d’hiver que celle d’été (1). Le niveau de ces neiges dans les montagnes | est à l’altitude où se trouve la température moyenne d’été zéro. Aujourd’hui ces neiges sont dans les Alpes à l’altitude de 2,700 mètres environ, et sous la zone torride à 4,800 mètres. On sait aussi que la température moyenne diminue de 1 degré lorsqu’on s’élève de 180 mètres dans l’atmosphère; sous l’é¬ quateur, où les températures moyennes sont peu différentes, cette variation est la même en été et en hiver. A Paris, elle est de 1 degré par 200 mètres en hiver et de 1 degré par 160 mè¬ tres en été. Ces lois sont éternelles et n’ont pu changer à aucune époque de l’histoire de la terre. Si donc, lorsque le Renne vivait dans notre pays aussi bien l’été que l’hiver, le climat dans la saison chaude était le même que celui des régions qu’il habite aujourd’hui, la température moyenne d’été de nos plaines (2) était alors la même que celle (1) Ces mots hiver et été s’appliquent ici aux six mois froids et aux six mois chauds; l’année se trouve ainsi divisée en deux parties égales entre le 22 avril et le 22 octobre. (2) La température moyenne de Paris, du 22 avril au 22 octobre, est au- iourd’hui de 15° 87 ; hors de Paris cette moyenne est de 15° environ. SÉANCE DU 16 MARS 1868. 576 que l’on constate aujourd’hui dans les montagnes de la Laponie, soit de 5 à 6 degrés au plus. On en conclut immédiatement l’altitude des neiges éternelles à l’époque du Renne. En effet, la température moyenne d’été étant 6 degrés et la température de l’atmosphère diminuant de 1 degré par 160 mètres d’altitude, il est évident que la tem¬ pérature moyenne zéro et les neiges éternelles se trouvaient alors à 160 X 6 — 960 m. d’altitude. Si donc la température moyenne d’été des montagnes de Laponie est nécessaire au Renne, comme vient de le dire M. Ed. Lartet, il est certain aussi que les neiges éternelles descendaient dans les Alpes jusqu’à l’altitude 1,000 mètres, c’est-à-dire à 1,700 mètres au-dessous deleur limite actuellependantle séjour de cet animal dans notre pays; par conséquent, les grands gla¬ ciers ont existé jusqu’à la fin de l’ère des grands cours d’eau, puisque le Renne disparaît dès que la tourbe envahit le fond de nos vallées. Après quelques observations de MM. Collomb et Marco u, M. Alb. Gaudrymet sous les yeux de la Société une mâchoire de Felis spelœas récemment trouvée dans le drift de Grenelle, par M. Martin qui en a fait don au Muséum. Cette mâchoire est de très-grande taille et d’une remarquable conserva¬ tion. M. Ed. Lartet annonce, à cette occasion, qu’un squelette presque entier du même animal vient d’être découvert par M, Filhol. M. Alb. Gaudry fait la communication suivante : M. d’Archiac vient d’acquérir pour le Muséum d’histoire na¬ turelle une intéressante série de sphérosidérites de Saarbruck, qui renferment des Archegosaurus ; un de ces sphérosidérites contient un très-bel exemplaire de l’espèce à laquelle le docteur Jordan a donné le nom d’ Archegosaurus latirostris . Lorsque j ’ai décrit VAclinodon trouvé à Muse par M. Ch. Frossard , j’ai été frappé de la ressemblance de son crâne avec celui de l’ Archegosaurus latirostris ; dans le doute que ces animaux fus¬ sent d’espèces distinctes, il m’avait semblé prématuré d’adop¬ ter une nouvelle désignation spécifique, et j’avais provisoire¬ ment appelé le reptile de Muse Aciinodon latirostris (sp. Jordan). NOTE DE M. TOMBECK. 577 L’envoi que le Muséum vient de recevoir montre qu’en effet Y Archegosaurus latirostris a de grands rapports par la forme de son crâne avec VActinodon de Muse, mais que par ses pièces pectorales il s’en distingue, car ces pièces ressemblent à celles des autres Archegosaurus. Il faut donc séparer l’espèce de France de celle d’Allemagne; on pourrait la nommer Actinodon Frossardi , en souvenir du savant auquel on doit sa découverte. M. Edm. Pellat présente, de la part de M. G. Cotteau, la Description du terrain portlandien des environs d’Auxerre, par MM. de Loriol et G. Cotteau (Y. la Liste des dons ). M. Hébert fait ses réserves sur les conclusions de M. de Loriol. Il n’admet pas que le néocomien et le portlandien se suivent sans discontinuité, et il signale, à leur surface de séparation, des trous de Pholades qu’on peut observer à Tonnerre et à Vendœuvre. Aux observations présentées par M. Hébert, M. Tombeck ajoute les considérations suivantes : Il résulte de l’ouvrage même de MM. de Loriol et G. Cotteau, que les deux niveaux distingués par eux dans le portlandien de l’Yonne (zone à Ammonites gigas et zone à Pinna suprajurensis ), correspondent exactement, l’un au portlandien inférieur de la Haute-Marne ( calcaires lithographiques , marnes et calcaires com¬ pactes), l’autre à la base du portlandien moyen de la Haute- Marne ( calcaires cariés), tandis que le reste du portlandien moyen de la Haute-Marne ( bancs verts inférieurs et calcaires tu¬ buleux) et le portlandien supérieur ( oolithe vacuolaire et bancs verts supérieurs) n’ont pas d’équivalents dans l’Yonne. Il y a donc eu dans l’Yonne, entre le dépôt de la zone à Pinna suprajurensis et celui des premières couches néoco¬ miennes, un exhaussement du sol, pendant lequel la sédimen¬ tation continuait dans la Haute-Marne et donnait naissance au reste du portlandien moyen et au portlandien supérieur. La continuité qu’on observerait, selon M. de Loriol, entre le portlandien et le néocomien de l’Yonne n’est donc qu’une con¬ tinuité apparente. Mais le terrain néocomien n’est pas seulement en dis¬ cordance, comme je viens de le démontrer, avec le portîan- dien de l’Yonne, il l’est même avec le portlandien supérieur Soc. géol ., 2 e série, tome XXV. 37 578 SÉANCE DU 16 MARS 1868. de la Haute-Marne et de la Meuse, qui, ainsi que je l’ai dit plus haut, est de beaucoup postérieur à celui de l’Yonne. On peut voir en effet, d’une part, dans les minières de Hévil- lers (Meuse), le fer géodique néocomien reposer dans les an¬ fractuosités du portlandien supérieur, lequel est tellement cor¬ rodé et raviné, qu’on ne peut douter qu’il ait été solidifié bien avant le dépôt du fer néocomien. D’autre part, aux environs de Wassy (Haute-Marne), on voit ce môme fer néocomien et les marnes noires avec lesquelles il alterne reposer tantôt sur les calcaires portlandiens supé¬ rieurs à l’oolithe vacuolaire, tantôt sur cette oolithe elle-même, tantôt sur les bancs verts sous-jacents. Ainsi à la discordance d’érosion visible à Hévillers, entre le néocomien inférieur et le portlandien supérieur , vient s’ajouter, aux environs de Wassy, la discordance par superpo¬ sition transgressive , M. Delanoüe craint que l’expression de fer géodique n’ap¬ porte un peu de vague dans la détermination d’un étage, ce genre de minerai (géodique, mamelonné ou scoriforme) ayant l’habitude de se loger dans les terrains perméables de tout âge. MM. Tombeck et Hébert répondent que le mot fer géodique s’applique, dans la Haute-Marne, à une couche parfaitement définie par sa continuité et ses fossiles, et dont l’origine sé- dimentaire n’est pas douteuse. M. Tabariés de Grandsaignes fait la communication sui¬ vante : Du rôle important des phénomènes chimiques dans la fossilisation ; par M. E. Tabariés de Grandsaignes. La condition des corps organisés fossiles est extrêmement variée; les uns ont à peine perdu quelques-uns de leurs élé¬ ments ; les autres ont subi les plus complètes et les plus étranges métamorphoses. Ces transformations ont eu lieu par des voies multiples sans doute, mais que la science, en l’état actuel, peut et doit pénétrer. Cependant, par suite sans doute, d’une marche défectueuse dans cotte étude, une grande obscu- NOTE DE M. TABAR1ÉS. 579 rité règne sur le processus de la fossilisation, surtout de celle qui est la plus intime et la plus intéressante à étudier. Les substances fossilisantes sont les suivantes : grès ou ar¬ gile, calcaire compacte, calcaire spathique, silice, pyrite mar¬ tiale, barytine, chaux sulfatée, limonite, fer oligiste, carbonaté, phosphaté, strontianite, chalcosine, chalcopyrite, azurite, ma¬ lachite, soufre, galène, fluorine, calamine (?), dolomie. C’est en étudiant ces substances séparément qu’on peut se rendre compte des faits qui ont amené leur action fossilisanie, et arri¬ ver aux résultats suivants. On peut dire, d’une manière générale, que la fossilisation a lieu, soit par simple perte d’éléments, soit par modification physique, soit par substitution. La fossilisation par substitution, la seule dontnousnous occupions directement ici, s’opère, soit par remplissage ou application, soit par endosmose et ab¬ sorption capillaire, ou réaction chimique. Fossilisation due à V action physique. — Le remplissage se fait par une action purement physique, au moins par rapport aux réactions compliquées que nous trouverons plus loin; mais il peut y avoir une précipitation chimique lorsque le corps remplissant arrive dissous, et non à l’état de suspension. Tel est le cas des tiges calcarifiées du terrain houiller ; les sédi¬ ments ont pris la place des parties ligneuses à mesure qu’elles se sont détruites : tel est le cas des moules de coquilles qui sont de nature analogue au terrain où ils se trouvent. Ces elfets s’expliquent par une simple lévigation, sans avoir besoin de recourir, dans tous les cas, à la séparation d’une disso¬ lution, de la part de la matière remplissante. Mais cette sé¬ paration chimique a eu lieu nécessairement dans le rem¬ plissage des moules de végétaux fossiles par de la sidérose cristalline. L’intérieur des tiges se décompose bien avant l’é¬ corce; on en a la preuve dans les tiges du terrain houiller, dont l’écorce est à l’état charbonneux, tandis que le cœur est à l’état de carbonate de chaux ou de fer. De la même manière s’expliquent les moules de fossiles en fluorine. M. Delesse a montré que l’eau surchauffée (à 160°) dissout le spath fluor, M. Daubrée a même montré qu’il se dépose actuellement à Plombières des eaux alcalines. Il est facile de comprendre, d’après cela, son arrivée et son dépôt dans les empreintes de fossiles détruits. Si l’on considère un remplissage se faisant dans les pores du corps organisé lui-même, et non dans le vide que son abla- 580 SÉANCE DU 16 MARS 1868. tion a laissé, on aura la substitution physique bien distincte, par sa marche, du remplissage, car elle a lieu par endosmose et non par glissement ou par simple pénétration, bien dis¬ tincte aussi par ses résultats, car elle donne un moulage parfait des corps fossilisés, au lieu que le remplissage ne donne qu’un moulage grossier de son ensemble. C’est ainsi que des grès du terrain houiller donnent, par remplissage, la forme exté¬ rieure de tiges de monocotylédones, mais sans présenter dans la coupe leur structure intérieure, tandis que je possède d’au¬ tres moules de monocotylédones des terrains crétacés, en cal¬ caire, qui reproduisent parfaitement, par leur coupe, par les dif¬ férences de teinte et de densité, la structure plus ou moins dense du végétal, la compacité du ligneux et les vides des vaisseaux. C’est de cette façon qu’on peut expliquer les végétaux de Sibérie convertis en azurite et en malachite, et conservant leur structure. On sait comment on rend les bois imputrescibles, en leur faisant absorber, par la pression ou même par la seule at¬ traction capillaire, des dissolutions métalliques. La chose s’est passée sans doute de la même manière pour les végétaux car- bonatés ; les deux carbonates de cuivre appartiennent à de nom¬ breuses formations; M. Delanoüe les a reconnus jusque dans la craie d’Angoulême. Si une autre action physique ou chimique, la chaleur par exemple, succède à la pénétration, elle peut déterminer une fossilisation qui n’aurait pas eu lieu sans elle, lorsque le sel ab¬ sorbé, étant très- soluble, pouvait être entraîné hors du corps organisé. C’est ainsi que M. Gœppert a obtenu une substitu¬ tion dans les éléments de corps végétaux et animaux, en les plongeant dans des solutions de sels métalliques et les soumet¬ tant ensuite à l’action de la chaleur. C’est ainsi encore que les racines absorbent, comme l’a ob¬ servé M. Daubrée (Bull, de la Soc. géol., \ 845-4846, p. 145), le fer des terrains où elles croissent, et peuvent, à la longue, se trans¬ former en limonite. Mais elles peuvent aussi rendre ce fer, à l’état de crénate ou de carbonate solubles. Ces sels, entraînés par les eaux, déposés et décomposés à l’air, forment le fer des marais t constitué en grande partie, comme l’a reconnu M. Ehrenberg, par un corps organique, la Gallonella ferruginea , c’est-à-dire que les sels de fer se déposent, en formant carapace et en se décomposant presque en même temps, sur le corps de l’animal que j’ai nommé. 581 NOIE DE AI. TABAR1ÉS. On peut expliquer également, par des infiltrations de sour¬ ces chargées de ces différents sels, et par une action postérieure de l’air ou de la chaleur, les coquilles en limonite et en oligiste de Thoste et de Beauregard. Je dois rappeler que M. Fournet a déjà signalé [Bull, de la Soc. géol ., 1848-1849, p. 229) les co¬ quilles de Semur en fer oligiste comme provenant d’une for¬ mation aqueuse et épigénique. Quelquefois l’oxyde de fer pourra être le résultat de l’oxyda¬ tion d’un sulfure; on le reconnaîtra généralement à la structure radiée du corps. La fossilisation par application est due à l’attraction molécu¬ laire et à des courants électriques. La puissance des actions électro-magnétiques dans les couches a été reconnue par Alcide d’Orbigny j Cours élémentaire de paléontologie , p. 58) et démon¬ trée par les expériences de M. Becquerel ( Mémoire sur les cou¬ rants électriques , Comptes rendus de V Acad, des sc. , t. XIX), et par les travaux de M. Yirlet d’Aoust (Bull, de la Soc. géol., 1844-1845, p. 198). J e ne veux pas ici parler des incru tâtions calcaires, dues à une simple évaporation, comme celles de la fontaine de Saint-Allyre, mais de ces minces couches métalliques et siliceuses qui recouvrent certains fossiles, et qui restent quel¬ quefois après eux comme la seule trace de leur existence. Elles ne seraient alors qu’une sorte de placage galvanoplastique. Fossilisation due à V action chimique. — J’arrive à l’action chi¬ mique proprement dite, par double décomposition, laquelle joue, à mon avis, un très-grand rôle dans la fossilisation, et qui pourtant reste encore enveloppée d’une grande obscurité. Alcide d’Orbigny, le grand investigateur, écrivait en 1852 : « Des lois secrètes, que nous ne connaissons encore que par « leur effet, président à ce nouveau mode de fossilisation; » et le savant M. Lyell en 1855 : « Il nous reste encore beau- ci coup à apprendre, avant de connaître complètement la « transformation des corps fossiles en pierre. » Depuis, la question n’a guère avancé. Je vais tâcher cependant de mon¬ trer que l’obscurité disparaît, en grande partie, devant une observation attentive des phénomènes et leur comparaison avec les résultats déjà obtenus par la chimie expérimentale. J’es¬ père prouver qu’on peut aujourd’hui arriver à exprimer par une formule chimique le plus grand nombre des fossilisations. Le géologue comprend aisément la portée de ce résultat. 11 relie entre eux un grand nombre de phénomènes de fossilisa- 582 SÉANCE DU 16 MARS 1868. lion; il éclaire sur les circonstances qui les ont accompagnés; rend compte des réactions chimiques et des formations de minéraux qui se sont produites dans les couches ; il explique d’une manière satisfaisante les substitutions intimes d’élé¬ ments, sans déformation, que l’on rencontre dans les fossiles. Étudions d’abord les causes qui ont déterminé la transforma¬ tion des corps organisés en sulfures. Ces corps sont notablement répandus dans la nature, et je me hâte de dire que, si la réaction chimique a amené la forma¬ tion des premières particules sulfurées, cette formation a pu ensuite se développer rapidement, grâce aux propriétés émi¬ nemment électriques des sulfures. On sait que ces corps acti¬ vent le dégagement de l'électricité statique, comme dans les machines électriques où l’on imprègne l’appareil producteur de bisulfure d’étain ; ils sont également propres à la production de l’électricité dynamique, et l’on a construit des piles sèches dont un sulfure forme un élément. Suivant notre manière de procéder, qui se fonde à la fois sur la méthode analytique et sur la méthode synthétique, nous con¬ sidérerons d’abord les circonstances dans lesquelles se présen¬ tent les corps organisés transformés en sulfures. M. Bonissent, le zélé géologue qui a guidé les courses de la Société aux environs de Cherbourg, a décrit, il y a quelques années, un singulier accident de fossilisation sulfurée, observé par lui dans le département de la Manche. Un chêne énorme était debout dans une tourbière; l’intérieur se présentait à l’é¬ tat de bois décomposé; l’écorce était entièrement passée à l’é¬ tat de fer sulfuré, qui en conservait les nœuds et la structure. Ici, dans un terrain moderne, en voie de formation, la nature était prise, pour ainsi dire, sur le fait. On sait, d’une part, que les marécages dégagent toujours de l'acide sulfhydrique, soit qu’il provienne de matières organiques en décomposition, soit qu'il sorte de sources, comme à Enghien ou aux boues de Saint- imand (Valenciennes). On sait, d’autre part, que le fer des ma¬ rais se dépose en abondance, même aujourd’hui (M. Daubrée), et qu’il provient de la décomposition du carbonate et du crénate tenus en dissolution. On en déduit facilement cette théorie : ces deux sels de fer dissous ont été absorbés par l’écorce par l’effet de la capillarité (1); puis l’acide sulfhydrique les a trans- (1) Cette absorption, par les vaisseaux des plantes, est prouvée par l’ob¬ servation ; elle paraîtra plus difficile pour les pores des coquilles ; on a NOTE DE M. TABARÎËS. 583 formés en sulfure insoluble. On sait, en effet, que, dans les laboratoires, le protosulfure s’obtient en précipitant un sel de protoxyde par l’hydrogène sulfuré, et le bisulfure (pyrite martiale) en traitant le premier sulfure par un excès de soufre sous l’influence de la chaleur. Or, l’excès de soufre se produit ici par la décomposition spontanée de l’hydrogène sul¬ furé au contact de l’eau et de l’air, et la chaleur est remplacée par l’électricité qui se produit ainsi que je l’ai signalé plus haut : FeO,C02 -f 2 HS + O = FeS2 + CO2 + 2 HO Je dois dire ici les raisons qui m’empêchent d’accepter la théorie de la sulfurisation proposée par M. Pepys ( Geological Transactions , t. I, p. 399) et adoptée par sir Ch. Lyell. On con¬ naît l'expérience de M. Pepys : des souris s’étant noyées dans une solution de sulfate de fer, on trouva au fond du vase, au bout d’un certain temps, des grains de pyrite, ainsi que de l’oxyde de fer et du soufre. Le sulfate de fer avait été désoxydé par l’hydrogène des matières organiques; la formule suivante rend compte de tous ces produits et de toutes ces réactions : 3 (FeO,S08) -f C2H* -f G = FeS2 -f Fe203 + S -f 2 CO2 + CO + 4 HO J’ai supposé que l’hydrogène s’est dégagé à l’état de gaz des marais. On en a conclu que les transformations des matières orga¬ niques en pyrite doivent, en général, s’expliquer de la même manière. Je crois que c’est une erreur et que le cas très-parti¬ culier de l’expérience que j’ai mentionnée ne doit pas servir de base à une théorie générale. Supposons, pour un moment, la préexistence du sulfate de fer, et rappelons-nous que nous sommes dans une tourbière, c’est-à-dire dans un terrain essentiellement sédimentaire et aqueux. D’où peut provenir ce sulfate de fer? D’eaux de sources? Mais M. Beudant ne trouve en France que deux sources, à Passy peine à comprendre que leur test se pénètre complètement de carbonate de fer. On admettra plus aisément que le sel de fer ait rempli des cavités lais¬ sées par l’ablation du test calcaire dissous. Alors le second test ne devra contenir aucune trace de matière organique ; on en a cependant trouvé dans des coquilles siluriennes, où l’on n’apercevait plus le test primitif. Ainsi le sel métallique a pris la place du test, tantôt par remplissage, tantôt par infiltration capillaire; cette remarque est applicable à tout ce qui va suivre. 584 SÉANCE DU 16 MARS 1868. (Seine) et à Cransac (Aveyron), qui en renferment et en quan¬ tité réellement inappréciable par rapport à la masse de sulfure dont il s’agit. Provient-il de l’oxydation d’un bisulfure? Mais celui-ci vient alors lui-même d’un sulfate, et vous tournez dans un cercle vicieux. Provient-il de l’oxydation d’un protosulfure? Alors vous entrez dans la première partie de ma théorie pour expliquer la formation de celui-ci ; pourquoi ne pas admettre la seconde, beaucoup plus simple que les réactions de Pepys? D’ailleurs nous sommes dans une tourbière, et quand a-t-on signalé la présence du sulfate de fer dans les eaux de ces sortes de dépôts? Enfin on sait que les sulfures, en se transformant en sulfates, se gonflent, se déforment et se désagrègent ; com¬ ment le sulfure, reformé ensuite, aurait-il conservé ce moulage des nœuds et de l’écorce qui a frappé M. Bonissent? Je crois donc, en présence de ces considérations, qu’il faut s’arrêter à la formule simple et conforme aux faits acquis à la science que nous avons posée la première. Cela n’empêcbepas que la théorie de M. Pepys ne puisse s’appliquer, mais dans des circonstances spéciales qui permettront de reconnaître l’ar¬ rivée ou la formation d’un sulfate. Le fait de sulfurisation ferrugineuse que nous avons étudié peut servir à expliquer d’une manière analogue la transforma¬ tion de tous les fossiles en sulfures, car leur gisement montre qu’ils se sont trouvés dans les mêmes circonstances. Les trilobites, dont le test s’est changé en fer sulfuré, sont dans des schistes qui supposent un dépôt vaseux, et par con¬ séquent production d’acide sulfhydrique et de fer; les graines de Shepey, en pyrite, sont dans une argile bleue, qui indique la même origine. Les cônes végétaux de cbalcosine, en Fran- kenberg, les écailles de poissons de Mansfeld, en cbalcopyrite, s’expliquent d’une manière analogue en remplaçant le carbo¬ nate de fer par celui de cuivre. Toutefois ces écailles ne sont peut-être qu’un moule extérieur, un de ces placages explica¬ bles par les actions électro-magnétiques dont M. Virlet d’Aoust a fait ressortir l’influence fréquente; on sait, en effet, que le cuivre se réduit plus facilement que le fer à l’état métallique, et peut de là passer aussi facilement à l’état de sulfure, sous l’influence des gaz. M. Jordan a présenté, en 1841, des moules de fossiles ainsi obtenus. J’appliquerai, sans hésiter, ma théorie aux fossiles en galène. Cette substance s’y trouve généralement en cristaux disséminés dans les restes végétaux; mais, à Semur, on voit des coquilles NOTE DE M. TABARIKS. 585 ainsi transformées tout entières. On peut facilement admettre le dégagement d’acide sulfnydrique à l’époque de cette forma¬ tion; mais l’incrustation antérieure de carbonate de plomb dans les pores des fossiles ou dans leurs moules en creux semble plus difficile, ce sel étant peu soluble dans l’eau. Pour¬ tant il faut bien admettre qu’il s'est présenté très-souvent à l’état de dissolution; car, d’une part, il se trouve dans la nature, comme le remarque M. Beudant, à l’état de cristaux très-nets et très-variés, et, d’autre part, il est impossible d’admettre que cette cristallisation ait eu lieu par voie sèche, puisque le plomb carbonaté se décompose par une faible chaleur. Enfin on sait que les eaux venues par des conduits de plomb doivent au car¬ bonate leurs propriétés vénéneuses, et M. Schwartz, de Bres- lau, a proposé récemment de transformer l’intérieur des tuyaux en sulfure de plomb, celui-ci étant, par rapport au carbonate, parfaitement insoluble. Faut-il rattacher à la même origine, suivie d’une décompo¬ sition postérieure, les fossiles en soufre de l’Aragon? Ce gise¬ ment est des plus curieux et mérite une attention particulière. 11 fut signalé à la Société géologique par M. Braun {Bull, de la Soc. géol lre série, vol. XII, p. 172) et visité depuis par M. de Yerneuil. Le terrain de la province de Teruel se com¬ pose d’un groupe inférieur de marnes et de conglomérats for¬ tement colorés par de l’oxyde de fer , et d’un groupe supérieur formé de couches de gypse quelquefois saccharoïde, de marnes bitumineuses et de dolomies poreuses. Les fossiles se trouvent dans une couche de ce groupe, au milieu d’une roche mélan¬ gée de soufre et de marne bitumineuse, contenant 50 à 70 pour 100 de soufre; le toit de ce dépôt est également imprégné de bitume. Le tout appartient à l’étage tertiaire supérieur. M. Braun se rend difficilement compte de cette fossilisation. Après avoir constaté seulement que les pyrites se forment dans les marais, il écrit : « Ne serait-il pas possible que le soufre « provînt de la réduction de l’acide sulfurique ou des sulfates, « occasionnée par la décomposition des corps organiques? Je « n’ose admettre l’opinion que ce sont l’hydrogène, l’hydro- « gène carboné et l’acide sulfhydrique dégagés pendant la pu- « tréfaction, qui opèrent la formation du soufre; mais, en « admettant que ces circonstances aient favorisé cette réduc- « tion, rien n’empêche d’expliquer ainsi la séparation du soufre « de l’acide sulfurique. » J’avoue que je ne puis comprendre cette séparation ; lorsqu’on fait agir sur de l’acide sulfurique 586 SÉANCE DU 16 MARS 1868. un corps avide d’oxygène, il se forme de l’acide sulfureux et non du soufre. Je ne puis pas comprendre davantage qu’une quantité de soufre aussi considérable que celle qui a été signa¬ lée, et que j’ai constatée sur les échantillons de M. de Verneuil, puisse être le résultat de la décomposition de l’hydrogène sul¬ furé qui se serait dégagé des matières organiques. Alcide d’Orbigny propose une autre explication : « La dé- « composition des pyrites de fera quelquefois donné lieu à un « accident de fossilisation fort remarquable. On voit, dans « certaines couches, des fossiles entièrement convertis en « soufre natif, et ce corps simple, qu’on ne peut guère suppo- c< ser avoir remplacé à 'priori les corps organisés, s’y trouve « ainsi, sous l’influence de certaines forces, au nombre des « substances minérales fossilisantes. » Cette phrase un peu obscure semble vouloir dire en définitive que le soufre est un résidu direct de la décomposition des pyrites dans lesquelles les corps organiques se seraient d’abord transformés. Cette explication, en passant, du savant paléontologue ne saurait être acceptée par les chimistes. Dans la décomposition des pyrites, lequel des éléments se dégage? Le soufre ; c’est l’oxyde métallique qui reste. Les pyrites altérées pourront donc laisser de la limonite, jamais du soufre uniquement; et pourtant dans le groupe supérieur il n’y a que des traces d’oxyde de fer, tan¬ dis que le soufre constitue les moules intérieurs des fossiles dont il remplit complètement les empreintes. Les théories précédentes doivent donc être repoussées, et voici celle que je proposerai. Le groupe inférieur a contenu un amas de pyrites et de matières organiques. Les pyrites ont subi une combustion par l’arrivée de l’air dans quelques fissures. La première phase a été la formation de pyrite magnétique, puis de sulfate de fer, et le dégagement de vapeurs de soufre qui se sont condensées dans la couche supérieure, avec et un peu au-dessous du bitume provenant de la distillation des matières organiques : B FeS2 8= Fe3S4 -f S2 Fe8S4 + 12 O = 3 (FeO,S08) + S C’est ainsi qu’on prépare, dans l’industrie, le sulfate de fer et le soufre. Sous l’influence de la chaleur, le sulfate de fer a pu se décomposer, en laissant pour résidu du sesquioxyde, et en dégageant de l’acide sulfurique, qui est allé métamorphiser les couches supérieures : NOTE DE M. TABARIÉS. 587 2 (FeOjSO3) = SO2 + Fe20*,S05 Fe203,S03 = Fe2Os + SO3 C’est la préparation industrielle du colcothar et de l’acide de NordhausenJ Ces réactions sont presque évidentes par l’inspection des couches. On trouve, en bas, de l’oxyde de fer, en haut, du soufre dans du gypse, c’est-à-dire les deux éléments de la py¬ rite. On rencontre des dolomies caverneuses, du gypse saccha- roïde, et, à la partie supérieure, du bitume et du soufre, c’est-à- dire les traces d’un développement de chaleur suffisant pour expliquer l’arrivée de ce dernier, mais insuffisant pour dé¬ truire le test des coquilles, qu’on retrouve assez souvent. En un mot, il nous semble que la théorie que nous avons exposée explique le plus naturellement les phénomènes qui sont si¬ gnalés. Le soufre n’est pas resté , il est arrivé. Toutefois, le soufre que l’on trouve en petites quantités dans les cavités des terrains fossilifères peut être considéré comme un résidu de fer sulfuré, lequel aurait remplacé les corps or¬ ganiques et se serait ensuite entièrement transformé en sulfate et en soufre. Cette origine du soufre se reconnaîtra à son in¬ cohérence et à sa petite quantité, car il ne présentera jamais plus des seize centièmes du sulfure primitif. Passons aux corps transformés en sulfates; ceux que l’on trouve le plus habituellement à cet état sont en barytine ou en gypse; ce sont les sulfates les moins solubles. J’ai étudié à Alençon, avec l’obligeant concours d’un zélé géologue de cette ville, M. Letellier, un abondant gisement de fossiles en sulfate de baryte qui se trouve dans cette localité, et l’on me permettra de donner ici ie résultat de mes obser¬ vations. Les environs d’Alençon forment un bassin oolithique cir¬ conscrit par des redressements de grès siluriens ; les trois oolithes, qui se voient toutes dans un rayon étroit, reposent di¬ rectement sur le granité. La ville elle-même est bâtie sur une lentille d’arkose enclavée dans l’oolithe inférieure. Cette arkose se compose, à sa base, de fragments anguleux d’une roche siliceuse très-dure, avec traces de galène, de plomb phosphaté (?), de blende, de sperkise, de fer oligiste, puis, d’un sable ferrugineux, mêlé d’argile, dans lequel se trouvent les fossiles en baryte. Ce sable appartient à l’oolithe 588 SÉANCE DU 16 MARS 1868. inférieure, laquelle, au-dessus et autour de la lentille quart- zeuse, est à l’état ordinaire de calcaire oolithique. M. Letellier considère avec raison cette formation d’arkose quartzeuse comme due à un dépôt sous-marin de silice provenant d’abondantes sources thermales, qui auraient surgi du granité. La nature compacte et translucide de la silice annonce en effet sa précipitation, et la présence des minéraux métalliques l’ac¬ tion de la chaleur. Ceci posé, il est facile de nous rendre compte de la formation de la barytine. Remarquons tout d’abord que son insolubilité ne permet pas d’admettre qu’elle se soit déposée des eaux thermales; il faut donc admettre qu’elle s’est formée sur place. M. Delanoüe expliquait, en 1851 (du Métamorphisme plus ou moins réel des roches ), la formation d’un gisement inorganique de barytine par la réaction du sulfate de fer sur le carbonate ou l’hydrate de baryte, le sulfate de fer provenant de la dé¬ composition des pyrites. Ce géologue ajoutait : « Le sulfate b⬠te rytique reproduit les fossiles détruits; mais il est souvent dif- « cile de découvrir le chemin qu’a suivi le sulfate barytique « pour pénétrer dans la roche. » Postérieurement à l’émission de cette théorie, dont l’initia¬ tive doit revenir à M. Delanoüe, mais sans en avoir eu connais¬ sance, l’étude des terrains d’Alençon m’a amené à expliquer d’une manière à peu près identique et plus minutieuse la transformation des fossiles dont il s’agit. L’oxyde de fer est très-abon iant dans l’arkose d’Alençon; les fossiles en sont toujours revêtus. D’autre part, les sources thermales siliceuses contiennent du sulfate de fer; on en a si¬ gnalé tout récemment dans celles d’ Atami, au Japon ; il est vrai que les geysers d’Islande n’en renferment pas, d’après les ana¬ lyses de M. Damour; mais c’est tout simplement parce qu’elles ne rencontrent pas de fer sur leur route; car elles ne contien¬ nent aucun sel de ce métal , mais elles recèlent jusqu’à neuf centigrammes, par litre, d’acide sulfurique. Quant à la baryte, elle devait être à l’état de carbonate, et, comme il est presque impossible de supposer la substitution d’un carbonate à un autre de la même classe, on ne peut croire que les polypiers et les coquilles aient été, dans l’origine, à l’état calcaire. Il ne peut pas être ici question de la disparition du test primitif et du remplissage du moule laissé par lui, au moyen d’une autre substance ; la gangue des fossiles est un gros sable incohérent qui n’a pu former de moules. Mais le NOTE DE M. TABARIÉS. 589 carbonate de baryte jouit des mêmes propriétés, se dissout et se dépose dans les mêmes conditions que le carbonate de chaux. Ne peut-on pas penser que, s’il remplaçaitle carbonate de chaux dans les eaux de la mer oolithique, du moins dans ces parages, s’il se trouvait dissous en abondance dans les eaux où crois¬ saient les polypiers, ceux-ci s’en sont incrustés tout d’abord? Cette double décomposition et le dépôt cristallin du sulfate de baryte n’ont plus rien d’étrange depuis les belles expériences de M. Frémy, qui a obtenu, à l’état cristallisé, le sulfate de baryte, le sulfate de strontiane et d’autres sels insolubles, en opérant de doubles décompositions très-lentes au moyen de plaques poreuses ou de membranes interposées entre les liquides salins qui devaient agir l’un sur l’autre. On peut admettre que la tunique membraneuse que revêtent les polypiers a pu aider à la réaction. Des phénomènes analogues ont dû se produire dans la trans¬ formation des corps organiques en sulfate de strontiane. Examinons maintenant les causes qui peuvent expliquer la présence du sulfate de chaux dans les fossiles. Lors de fouilles pratiquées, il y a quelques années, dans des sar¬ cophages de l’église Saint-Pierre, à Vienne (Isère), on a reconnu que dans quarante cercueils en pierre parfaitement fermés, et ayant quelques-uns plus de quatorze siècles d’existence, la matière organique avait complètement disparu, et avait à peine laissé quelques traces aux endroits correspondant aux points d’appui du corps. Quant aux éléments minéraux, c’est à peine si on a trouvé quelques centaines de grammes de matière ayant la structure des os, mais avec cette particularité que le résidu était une masse cristalline, très-friable, blanche ou violette, transparente, et présentant tous les caractères du sulfate de chaux le plus pur. Dans deux tombes, des os intacts, dans une troisième, des cheveux et des fragments de tissus de laine révélaient également au microscope des cristaux blancs de même nature. Comment expliquer ces phénomènes, qui se rapportent à une véritable fossilisation? Comment comprendre le départ du phosphate des os et l’arrivée de l’acide sulfurique? Quant à la disparition des matières organiques, elle est bien aisée à expli¬ quer au bout d’un si long espace de temps, malgré la ferme¬ ture plus ou moins exacte des tombes ; les corps se sont trans¬ formés en produits gazeux ou liquides qui se sont dégagés ou qui ont fdtré à travers la pierre. Quant à l’acide sulfurique, 590 SÉANCE DU 16 MARS 1868. rappelons-nous que M. Dumas a montré que l’acide sulfhydri- que, au contact de l’oxygène humide, se transforme en ce corps, surtout en présence de corps poreux, comme ici les os. Or, rien de plus facile à admettre que le dégagement du gaz acide sulfhydrique, soit qu’il provînt des corps, soit qu’il se dégageât des terres. Sous l’influence de l’eau et de l’air, et au contact, des os, ce corps s’est transformé en acide sulfurique, qui a décomposé lentement le carbonate et le phosphate triba- sique de ceux-ci; on retrouve la réaction connue dans la pré¬ paration du phosphore : CaO,CO* -f 3Ca0,Ph05 -f 3 (S03,H0) = 3 (Ca0,S03) -f CO2 -f- (2 HO, GaO) PhO5 -f HO L’acide carbonique s’est dégagé ; le phosphate acide s’est dis¬ sous et a disparu par infiltration; il n’est plus resté que le sul¬ fate de chaux, très-peu soluble, qui a cristallisé par voie hu¬ mide, en gardant la forme des os, à cause de la lenteur de la réaction qui n’est encore que commencée dans certaines tombes. C’est ainsi que pourra s’expliquer souvent la conversion com¬ plète d’un fossile en gypse. Mais, souvent aussi, le gypse ne constitue pas le fossile ; il ne s’y trouve qu’accidentellement, sous forme de cristaux ; c’est ainsi qu’on le rencontre dans les ossements des gypses tertiaires. Dans ce cas, la théorie précé¬ dente ne paraît plus applicable, et il est très-probable que le gypse des sédiments qui enveloppent les corps enfouis s’est déposé tout formé, apporté par des sources plus ou moins chaudes; car, s’il était le produit d’une cause modifiante posté¬ rieure ou contemporaine d’un dépôt calcaire, cette cause aurait altéré aussi bien les corps enfouis que les sédiments qui les enveloppent, et, dans tous les cas, il ne se pourrait agir de la transformation locale d’hydrogène sulfuré en acide sulfurique, au sein d’un dépôt compacte et à l’abri du contact de l’air. Les cristaux intérieurs s’expliquent alors par l’infiltration des eaux séléniteuses. Cela n’empêche pas que, lorsque le gypse se sera formé par voie métamorphique, par l’arrivée de vapeurs sulfureuses péné¬ trant des dépôts calcaires, comme l’a observé M. Coquand à Calamoresca (Toscane), et ce que l’on reconnaîtra, suivant M. Élie de Beaumont, à ses dislocations et à son gonflement, les fossiles gypseux qu’on y trouvera se seront transformés d’une manière assez analogue aux ossements de Vienne, bien que la NOTE DE M. TABARIÉS. 591 production de l’acide sulfurique ait pu avoir lieu d’une façon différente. Nous devons traiter à part la transformation des fossiles en vivianite (phosphate de fer), car elle ne rentre dans aucune des précédentes réactions. Pour nous en rendre compte, il faut nous reporter aux lois de Berthollet ou plutôt à celle de Dulong qui énonce que deux sels étant donnés, l’un soluble, l’autre insoluble, il y a décomposition toutes les fois que la base du sel insoluble peut former, avec l’acide du sel soluble, une com¬ binaison insoluble douée d’une forte cohésion. Supposons une eau chargée de carbonate de fer imprégnant un corps conte¬ nant du phosphate de chaux, tel qu’un os ou un coprolithe, il y aura double décomposition, car le sel de fer est soluble, le phosphate de chaux insoluble, et le phosphate de fer qui peut se former décomposable seulement au feu de forge sous l’ac¬ tion du charbon. C’est ainsi que les choses ont dû se passer dans le mode de fossilisation qui nous occupe. Il ne me reste plus à parler que de la silicification, sur le mode de laquelle on est déjà fixé d’une manière satisfaisante. Voici l’explication que M. Delanoüe en donnait à la Société géologique, en 1853. Tous les acides, même l’acide carbonique, décomposent les silicates solubles. Or, les roches granitiques contiennent des proportions notables de ces minéraux; ces roches se sont désagrégées et ont perdu leurs parties solubles entraînées par les eaux. C’est ainsi que les feldspaths, suivant le docteur Turner, les micas, suivant sir Ch. Lyell, ont été une source de silice dissoute ; en 1857, M. Daubrée montra, par expérience, que le granité agité dans l’eau froide perd, en vingt-quatre heures, un millième de son poids de silicates solu¬ bles. D’autre part, les corps organiques contiennent ou déga¬ gent de l'acide carbonique. De là l’explication de la transfor¬ mation de ces corps en silice et de la substitution intime de cette substance au corps lui-même. Je dois faire remarquer que déjà M. Bowerbank, en 1842, M. Constant Prévost, en 1845, enfin M. Alb. Gandry, en 1852, avaient mis sur la voie de cette théorie. Je pense que c’est ainsi, par une double décomposition chimique, que doivent s’expliquer la plupart des silicifications intimes, celles surtout des végétaux; mais il est vrai de dire aussi, avec M. Gaudry, que bien des silicifications résultent d’une simple séparation de la silice de sa dissolution et de sa précipitation, à l’état de moulage, dans les empreintes laissées par les corps organiques o92 SÉANCE DU 16 MARS 1868. déjà détruits. On peut se rendre compte du processus prédomi¬ nant de la fossilisation par l’inspection attentive du fossile. Par exemple, on voit des oursins, ayant conservé leur test, qui sont, à l’extérieur, empâtés dans la craie, et, à l’intérieur, incrustés d’une couche de silice. La silice était donc peu abondante dans les eaux, et, si elle s’est déposée de préférence à l’intérieur, c’est qu’elle y était appelée par une décomposition organique. Si, au contraire, l’oursin est rempli et empâté par la silice, si surtout des filets siliceux passent par ses ouvertures, il est pos¬ sible que le moulage ait eu lieu après le départ des parties organiques par une précipitation abondante de silice due à une cause extérieure et étrangère au corps fossilisé. Nous avons essayé d’expliquer, en rassemblant les travaux antérieurs et nous aidant de nos propres observations, tous les modes de fossilisation que l’on a rigoureusement constatés jus¬ qu’à ce jour. Nos explications, appuyées sur la synthèse et les expériences des laboratoires, paraîtront-elles aux géologues aussi acceptables qu’elles nous l’ont paru? Nous l’espérons. On pourra nous objecter certainement des cas particuliers que nous ignorons encore, et dans lesquels quelques-unes de nos théories ne seraient pas applicables. Nous les acceptons d’avance ; mais nous croyons que, presque toujours, une pré¬ cipitation ou une double décomposition chimique rendra compte de ces particularités. Le travail que nous venons de présenter est sans doute bien incomplet; bien des travaux antérieurs et précieux ont dû nous échapper, par suite même de leur défaut d’ensemble. Nous espérons en obtenir, plus tard, la communication, pour les grouper autour des faits que nous avons déjà recueillis. Nous croyons cependant que l’essai précédent aura suffi pour éclaircir et développer l’idée que l’étude et l’observation ont fait naître en nous, à savoir : qu’une formule chimique suffit à expliquer la plupart des fossilisations. Dans tous les cas, nous serions heureux d’avoir pu arrêter l’attention de nos confrères sur un des points les plus obscurs et les plus intéressants de la science géologique. A propos des coquilles remplies de soufre de Teruel, M. Louis Lartet est disposé à attribuer, comme faisait M. Max Braun, la présence du soufre à une réduction du sulfate de chaux par les matières organiques en décompo- DONS FAITS A LA SOCIETE. 593 sition. Il doute que des actions métamorphiques se soient exercées sur les couches de Teruel et il fait observer que la présence du gypse, en ce point, ne constitue pas une ex¬ ception, tout le miocène de l'Espagne et notamment de l' Aragon étant gypsifère. M. Jacquot insiste également sur la grande homogénéité du terrain miocène méditerranéen, qui contient partout du gypse et ne présente point de traces de métamorphisme. M. Fouqué croit que le soufre et le gypse résultent d'une décomposition incomplète de Fhydrogène sulfuré dans des roches calcaires poreuses. Ce phénomène s’accomplit encore de nos jours et il s'est exercé pendant le miocène et le plio¬ cène. M. Fouqué est disposé à en voir la cause dans les éruptions volcaniques du bassin méditerranéen, qui ont commencé à se manifester au début de la période miocène. M. Louis Lartet admet très-volontiers que l'origine pre¬ mière du soufre et du gypse soit généralement due à des actions internes; ce qu'il conteste seulement, dans le cas spécial de Teruel, c'est l’intervention du métamorphisme , c’est-à-dire d'une action survenue après coup et lorsque la roche était déjà déposée et consolidée. M. Delanoüe présente ensuite quelques considérations sur l'origine du soufre. Séance du 6 avril 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite une présentation; DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit ; De la part de M. le Ministre de l'Instruction publique, Journal des Savants, mars 1868, in-4. Soc. géol., 2° série, tome XXV. 38 m SÉANCE BU 6 AVRIL 1-8(18, De la part de M. Ch. des Moulins : 1° De la classification de certains opercules de gastéropodes (15 mai 1867), in-8, 8 p. ; Bordeaux, 1867 ; chez Goderc et Ce. 2° Liste des principaux fossiles recueillis à Cazeneuve dans le cal¬ caire de Bazas pendant V excursion de la cinquantième fête Lin - néenne (27 juin 1867), in-8, 64 p.; Bordeaux, 1868, chez Coderc et Ce. 3° Description et figures de quelques coquilles fossiles du terrain tertiaire et de la craie , Gironde , Roy an (5 décembre 1867), in-8, 23 p., 1 pl.; Bordeaux, 1868; chez Coderc et Ce. 4° Lettre de M. François Crépin , in-8, 10 p.; Bordeaux, 1868 ; chez Goderc et Ce. De la part de M. E. Saint-John Fairman, A trealise of the petroleum zones of ltaly, in-8, 75 p., 1 carte; Londres, 1868; chez E. et F. N. Spon. De la part de M. Alph. Favre, Station de l'homme de Vàge de la pierre à Veirier , près de Genève , in-8, 10 pl. ; Genève, 18 fé¬ vrier 1868 . De la part de M. F. Fouqué : 1° Les anciens volcans de la Grèce , in-8, 23 p.; Paris, 1867; chez J. Claye. 2° Premier rapport sur une mission scientifique à Vile de Santo- rin , in-8, 30 p., 6 pl.; Paris, 1868; Imprimerie impériale. 3° Les éruptions sous-marines des Açores (Ext. de la Revue des cours scientifiques , 15 février 1868), in-4. De la part de M. Gabriel de Mortillet, Matériaux pour T his¬ toire positive et philosophique de l'homme , février 1868, in-8. De la part de M. Ferdinand Hochstetter, Reise der Oesterrei- chischen Fregatte Novara um die Erde , in denJahrcn 1857, 1858, 1859, in-4, 1er volume, lre et 2e partie; 2e vol., lre et 2e par¬ tie; Vienne, 1864, 1865, 1866; Imprimerie Impériale. De la part de M. H. B. Medlicott, The Alps and the Hima - layas , a geological comparison, in-8, 19 p.; Londres, 1868 . De la part de M. G. Reinwald, De la variation des animaux et des plantes sous Yaction de la domestication , par Ch. Darwin traduit de Fanglais par M. J. J. Moulinié); in-8, 445 p.; Paris, 1868; chez C. Reinwald. NOTE DE M. MARCOU. 595 Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences; 1868, 1er semestre. — T. LXYI, nos 11, 12 et 13; in-4. Bulletin de la Société botanique de France , t. X, 1863, ta¬ ble; t. XI, 1864. Session extraordinaire à Toulouse en juil¬ let 1864 ; Revue bibliographique F ; in-8. Nouvelles météorologiques, avril 1868; in-8. L’Institut , nos 1785 à 1787, 1868; in-4. Mémoires de la Société d'agriculture , etc., du département de la Marne , années 1865 et 1866; in-8. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , février et mars 1868; in-8. Société académique des sciences , etc., de Saint-Quentin ; 3e séries t. VII; travaux de 1866. Société I. d’agriculture, etc., de Valenciennes. — Revue agri¬ cole , janvier 1868; in-8 et de 1867 in-8. The Athenœum, nos 2108 à 2110, 1868; in-4. V erhandlungen der K. K. geologischen Reichsanstalt, 1868, noS 5 et 6; in-4. Zeitschrift der deustchen geologischen Gesellschaft, août, sep tembre et octobre 1867, in-8. Revista de los progresos de las ciencias exactas, fisicas y natu - raies, janvier 1868; in-8.. Revista minera , 15 mars et 1er avril 1868; in-8. The American journal de Silliman; mars 1868; in-8. M. Marcou présente à la Société de la part de l’àuteur, M. le Dr Ferdinand von Hochstetter , la partie géologique, paléontologique et minéralogique du voyage autour du -monde de la frégate autrichienne Novara (v. la Liste des dons). Habituellement les voyages autour du monde ne permettent pas aux observateurs de faire des recherches de longue haleine, et l’on est obligé de se borner à des explorations de 15 ou 20 jours, au plus, autour des points de relâches du bâtiment. Pendant la première partie de son voyage le Dr Hochstetter a suivi ce mode d’observation, et, dahs la première partie du second volume, il donne des résumés Jdes reconnaissances géologiques qu’il a exécutées rapidement aux environs de Gibràl - 596 SÉANCE DU 6 AVRIL 1868. tar, de Rio-de-Janeiro, au cap de Bonne-Espérance, à l’île Saint -Paul dans l’océan Indien, aux îles Nicobar, à Java et sur la côte orientale de l’Australie. Mais arrivé dans la Nouvelle- Zélande, la crainte de voir la frégate ISovara , saisie ou arrêtée par les croiseurs français, pendant la guerre d’Italie, en 1859, et ignorant que le gouvernement français avait donné l’ordre de laisser passer la Novara et de ne l’inquiéter en rien dans sa mission scientifique, le Dr Hochstetter crut devoir débarquer et s’établir pour quelque temps dans le pays de Maori. Le long séjour qu’il y fit pendant les années 1859, 60 et 61, lui a permis de donner une description géologique détaillée, avec un atlas géologique d’une partie de ces îles, alors si peu connues; et l’on peut dire que c’est à ses découvertes et à ses recherches, en compagnie de son élève le Dr Julius Haast, que nous devons nos connaissances de la géologie Néo-Zélandaise. Le travail de Hochstetter comprend deux gros volumes in-4°, avec les cartes géologiques de la partie méridionale de la province d’Auckland, de la province de Nelson, et des cartes détaillées de l’isthme d’Auckland, des baies d’Aotea et de Rawhia, et du célèbre lac d’eau chaude de Roto-Mahana. Il décrit les terrains aurifères paléozoïques de Coromandel et de Nelson, les terrains secondaires ou mésozoïques (trias jurassique ou crétacé) de Waïkato et de Kawhia, les terrains tertiaires, quaternaires et modernes, et enfin les volcans. Il y a de nombreuses illustra¬ tions, quelques-unes coloriées; et j’appellerai surtout l’atten¬ tion sur une photographie placée en tête de la première partie du tome I, qui représente les glaciers du mont Cook; on croi¬ rait voir le glacier du Rhône dans le Valais, et tout y rappelle un panorama des Alpes de la Suisse. La partie paléontologique est très-bien exécutée, avec de nombreuses et fort belles planches ; et elle comprend toute la seconde livraison du tome I et la seconde livraison du tome II. Les fossiles sont décrits par Unger, Zittel, Stoliczka, Stache, Jaeger et Karrer. En résumé, c’est le voyage autour du monde le plus remar¬ quable, au point de vue géologique, qui ait été accompli jusqu’à ce jour. M. Marcou présente également les feuilles de coupes pu¬ bliées par le Geological Survey de la colonie de Victoria (Australie), 597 BÜÔGËT K)UB 1868. M. G. de Mortillet présente, de la part de Féditenr, M. Reinwald, une traduction de l’ouvrage de M. Darwin sur l’action de la domestication (Y. la Liste des dons). M. Fouqué, en présentant à la Société plusieurs brochu¬ res qu’il a publiées sur les phénomènes volcaniques (Y. la Liste des dons), insiste sur les raisons qui lui font croire que l’homme a été contemporain de l’écroulement du centre de l’île de Santorin. M. de Mortillet rappelle que les tombeaux archaïques de la Grèce ont fourni des vases semblables à ceux de Santorin, associés à des débris d’obsidienne. M. Fouqué croit cependant que la matière et l’ornemen¬ tation des vases de Santorin ne sont pas les mêmes qu’en Grèce. M. J. Garnier fait observer que les constructions antiques de Santorin ressemblent à celles des naturels de Taïti et de la Nouvelle-Calédonie, où l’on se sert encore d’instruments en obsidienne. M. Éd. Lartet présente, de la part de M. Alph. Favre, une note sur une station de l’âge du Renne, découverte au pied du Salève (V. la Liste des dons). A ce sujet, M. de Mortillet ajoute quelques observations. M. Ém. Benoît croit que }es roches du Salève forment, non pas un éboulis, mais bien les extrémités de couches redres¬ sées et repliées, dans les intervalles et les anfractuosités desquelles les blocs erratiques sont venus se loger. M. de Mortillet répond que pourtant tous les observateurs ont été d’accord jusqu’ici pour reconnaître dans ces roches un véritable éboulis. M. Éd. Collomb, trésorier, donne communication du bud¬ get de la Société pour 1868. 598 SÉANCE DU 6 AVRIL 1868 BUDGET POUR 1868. Recette. DÉSIGNATION Cfi RECETTES RECETTES RECETTES I des NATÜRE prévues , effectuées . 1 ; prevues l chapitres S- DES RECETTES. au budget 1 de la recette. O CD Ui de 1867. en 1867. jpopr 1868., 1 Droitsd’entrée et de diplôme 500 > 720 » 600 » § 1. Produits or¬ dinaires des< réceptions . . 2 3 f t de l'année \ courante . / Cotisations ' des années 8,350 » 7,423 75 ! 8,500 - 1 4 ] précédentes 2,550 » 1,750 » 2,000 » ( anticipées . . 300 i> 564 » 300 » § 2. Produits ex- 5 Cotisations une. fois payées. 1,200 » 900 » 900 » traordinaires . 6 1 Bulletin . . 1,200 » 1,513 D 1,200 § 3. P, rodait des publications . | 6’ 1 ! 8 \ Table des20v. ) Vente . .^Mémoires. . ] Histoire du 800 » 201 ! 962) 50 e». 100 800 » 1 f progrès . . 150 )> 115 > ! 100, » §4. Capitaux pla- 1 i 9 Arrérages de rentes 3 °/0 . 1,870 D 1,870 » ' 1,870 U cés . . . ' . | l 10 1 Arrérages d’obligations. . 585 » 585 » j 585 » fil Allocation du Ministre de l’Instruction publique pour les publications de la Société . 1*000 » 1,000 » ! 1,000 » 112 Souscription du Ministre de l’Instruction publique ! § 5. Recettes di¬ aux Mémoires .... 1,200 s 1,200 » verses . . . ' \13 Recette extraordinaire rela¬ tive aux Bulletins. . . 150 » i 100 » lu Loyer de la Société météo¬ rologique . 400 » 400 » 400 » 15 Recettes imprévues, à pren¬ l dre sur le don de M. Doli- f us . 800 » Totaux. . . 20,105 » 18,154 85 20,455 „ § fi. Solde du compte de 1867. Reliquat en caisse au 31 décembre 1867 . . 1 694 65 Total de la. recette prévue pour 1868 21,14.9 65 J BUDGET POUR 1868. ,11) BUDGET POUR 1868. Dépense. 2 DÉSIGNATION CD DÉPENSES DÉPENSES DÉPENSES des CD GO NATÜRE prévues effectuées prévues chapitres £ DES DÉPENSES. au budget de la dépense. CD de 1867. en 1867. pour 1868. 1> / traitement . . . 1,800 » 1,800 » 1,800 > 1 2 ! travaux extraordi- 1 naires. . . . 300 300 » 300 D § 1. Personnel .( 3 A o-ont J gratification et in- > Agent, < demnité de lo_ j gement . . . 400 » 400 » 400 y 4 [ un aide temporaire i \ à l’agent . . . 300 » 300 > > 5 Garçon de bureau, ses gages \ et gratification .... 1,100 > 1,100 > 1,000 » 6 Loyer, contribué, assuranc. (rue de Fleurus) . . . 3,000 > 2,984 55 2,850 > § 2. Frais de lo¬ 7 Loyer de la salle, rue Bona¬ gement. . . > parte (1/2 1867, 200, et 1868, 600) . 800 y 8 Chauffage et éclairage . . 700 > 482 95 500 y f 9 Dépenses diverses . . . 300 » 325 40 250 y (. ho Ports de lettres .... 300 > 231 50 250 § 3. Frais de bu- J lll Impressions lithographi¬ reau. . . .] 1 12 ques . Change et retour de man¬ 100 > 44 > 100 > 1 dats . 20 > 19 95 20 > § 4. Magasin . j ; 13 Mobilier . 100 > 114 10 175 y 14 Bibliothèque . 300 » 479 20 375 y 15 i 1 / impression et ( i 16 | Bulletin, (raK%-aB 8,500 » 6,555 70 9,000 y § 5. Publica-) ‘ \ Bulletin . . 700 J) 782 05 700 y iiri Mémoires, impressions et tions . . . i planches . 2,500 * 2,087 y 2,000 y ' 18 Dépenses imprévues. . . Pension à l’ancien garçon 84 85 > \ | de bureau . 200 y Totaui. . . 20,420 > 18,091 25 20,720 I» BALANCE. i La recette étant évaluée à . . 21, 149 fr. 1 55 La dépense .... 20,720 » ; * | Il y aura un excédant de recette de 429 fr. 1 55 Après quelques observations sur les cotisations une fois 600 SÉANCE DU 6 AVRIL 1868. payées, dont le placement a dû être différé depuis plusieurs années par suite des nécessités budgétaires, on décide qu’à l'avenir il ne sera fait face à un déficit, par une voie extra¬ réglementaire, qu’après qu’il en aura été référé à la Société. Le budget est ensuite mis aux voix et adopté. Le Secrétaire lit la note suivante de M. Coquand : i . ; * -i> ; * .i.ï a ■ Note sur V étage géologique auquel appartient le Cidarisglandifera Goldf par M. H. Coquand. Goldfuss a décrit sous la dénomination de Cidaris glandifera des radioles piriformes ou glandiformes, garnis de granules crénelées qui confluent en carènes vers le sommet. Ces radioles, originaires du Mont-Carmel et connues depuis longtemps sous le nom de Judaici lapides , sont rapportés de la Syrie en Europe par les visiteurs de la Terre sainte. Ils ont été figurés d’abord par Goldfuss ( Petref pl. xl, fig. 3), plus tard par M. Agassiz (Échin. suisses, pl. xxi, fig. 9), et récemment par M. Desor (Synops. des Échin. , pl. iv, fig. 10). Mais aucun des auteurs qui s’en sont occupés n’a pu fixer d’une manière positive l’étage dans lequel cet échinide a laissé ses nombreuses dépouilles. Sa forme lui avait bien fait assigner, par analogie, une origine jurassique ; mais encore on pouvait se tromper en cela, car il était permis de le rapprocher d’autres radioles de formes ana¬ logues que l’on rencontre dans le terrain néocomien , et entre autres du Cidaris ,punctalissimai Agass.,ou du C. clunifera Agass. M. Desor admet comme erronées les indications de Goldfuss et de M. Agassiz, qui le citent, le premier dans le Wurtemberg, en Bavière et au Randen, et le second au Mont-Terrible et dans les environs de Bâle. « Nous avons essayé de remonter à la « source de ces indications, ajoute le savant échinodermiste de « Neuchâtel (1), et nous les avons trouvées dénuées de fonde- « ment. Les géologues de Porrentruy n’ont jamais rencontré « le Cidaris glandifera au Mont-Terrible, et M. Quenstedt affirme « ne l’avoir rencontré dans aucun terrain de l’Allemagne. « Il est plus que probable cependant que c’est un fossile juras- « sique. » (1) Desor, Synopsis des Échinides fossiles , p. 28. NOTE DE M. COQUAND. 601 J’ai reçu dernièrement de Syrie, sous le nom d'Olives pétri¬ fiées , un nombre assez considérable de radioles du Cidaris glandifera, et il ne me fut pas difficile, à première vue d’abord et par comparaison ensuite, de reconnaître qu’ils étaient iden¬ tiques, dans tous les détails de leurs formes et de leur orne¬ mentation, avec des Radioles que MM. Reboud et Sollier, médecins militaires, avaient recueillis vers les limites du Sahara, au campement de Makta-Liamone, chez les Ouled Aïssa, au sud de Bou-Sâada. Makta-Liamone se trouve au pied du dôme montagneux de Seba-Liamone, qui surgit du milieu d’une plaine subapennine, et s’élève de 1,300 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ces baguettes de Cidaris étaient accompagnées de polypiers d’une très-bonne conservation, de radioles d’autres Cidaris (5 ou 6 espèces), d’articles d’Encrines appartenant pour la plu¬ part au genre Apiocrinus ou à des genres voisins, et de plu¬ sieurs coquilles. Dans l’envoi de fossiles de cette provenance, qu’à son retour de l’expédition M. Reboud eut l’obligeance de me faire, il s’était glissé quelques fossiles de gisements étrangers, et entre autres la Terebratula flabellum et 1 ’Eligmus labyrinticus , espèces qui, en Normandie aussi bien qu’en Pro¬ vence, caractérisent le calcaire à polypiers de Ranville /et dont la découverte en Afrique annonce l’existence de ce membre de la grande oolithe dans l’Atlas. A défaut de renseignements précis, et me trouvant en présence d’une faune inédite, et par conséquent toute nouvelle, je fus naturellement conduit à attribuer à l’étage du cornbrasb les fossiles de Seba- Liamone (1). Postérieurement à la rédaction de ma note, une communica¬ tion de nouveaux fossiles de la même localité faite par M. Sol¬ lier, qui s’occupe avec zèle d’histoire naturelle, me mit en possession de richesses bien plus abondantes et de coquilles franchement kimméridgiennes, telles que la Bhynchonella inconstans , 1 ’Ostrea soiitaria , la Lima Astartina, Contejean, et surtout du Hinnites inœquistriatus que j’avais recueilli moi- même en plein kimméridgien dans le Jura, dans les environs d’Angoulins près de la Rochelle, et dans ceux d’Angoulême , et qpi ne différait en rien de ses congénères d’Europe, que M. Gotteau cite dans l’étage corallien (calcaire blanc supérieur) (1) Coquand, Sur quelques points de la géologie de l'Algérie, Bull., t. XXIV, p. 386. 602 SÉANCE DU 6 AVRIL 1868. de Tonnerre ( Mollusques fossiles de l’Yonne, p. 117), M. Doll- fus dans le kimméridgien du cap de la Hève , p. 85, pl. xvi, fîg. 1-3), M. Contejean dans le kimméridgien des environs de Montbéliard (Uonog. de V étage kimméridgien , p. 214), et que Aie. d’Orbigny, dans son Prodrome , attribue à tort au corallien dans les environs de la Rochelle, et avec raison au kimmé¬ ridgien ailleurs. A ces divers mollusques se trouvaient associés YApiocrinus Roissyanus et le Cidaris ovifera, Agassiz, que nous savons être kimméridgiens dans les Deux-Charentes. M. Sol- lier avait recueilli lui-même tous les fossiles, et me garantissait la légitimité de leur provenance. Existait-il à Makta-Liamone deux horizons fossilifères, dont l’un pourrait se rapporter au cornbrash et l’autre au kimmé¬ ridgien ? Voilà le point qu’il s’agissait d’éclaircir. Je fis part à notre collègue, M. Pérou, des doubles conclusions auxquelles m’amenaient les données qui m’étaient fournies par les envois de M. Reboud et de M. Soilier, en le priant de vouloir bien me faire part de ses observations personnelles. Cet habile géologue, qui a su si bien interpréter la géologie des Hauts-Plateaux de l’Algérie, s’empressa de mettre obligeamment à ma disposition le produit de ses recherches dans le Makta-Liamone, dans les¬ quelles figuraient la plupart des espèces que je possédais déjà, mais je n’y découvris ni Eligmus ni Terebratula flabellum . Il m’assurait, en outre qu’il n’existait dans cette montagne qu’une seule assise fossilifère, appartenant à un étage unique, et dans lequel il était disposé à voir l’équivalent uu corallien, opinion que corroboraient des découvertes analogues faites sur divers points de la province d’Alger. En présence de déclara¬ tions si catégoriques et. si compétentes, il est bien évident qu’on doit renoncer à voir du cornbrash dans le Matka-Liamone, et qu’il faut attendre des renseignements plus précis sur les localités qui ont fourni à M. Reboud la Terebratula flabellum et 1 ’ Eligmus labyrinthicus. Toutefois je diffère de l’opinion de M. Péron, en ce sens, qu’au lieu du corallien je vois de préférence dans la couche fossilifère du Matka-Liamone une des assises du kimméridgien inférieur à faciès corallien , analogue à celles que j’ai eu l’oc¬ casion d’étudier à Angoulin et dans l’arrondissement d’Angou- lême, et qu’à tort, suivant moi, Aie. d’Orbigny a abaissées au niveau de l’étage corallien (1), assises dans lesquelles on ren- t) Dans le 1. 1 de la Description géologique et paléontologique du dépar- NOTE DE M. COQUÀND. 603 contre également VA piocrinus Roissyanus , VOstrea solitaria , la Rhynchonella inconstans , le Cidaris ovifera, etc. La présence de ces fossiles , ainsi que du Hinnites inœquistriatus, ne me laisse aucun doute à cet égard. C’est aussi l’opinion de M. Cotteau, et je suis convaincu que ce savant, dont l’intention est de nous faire connaître en détail la faunule si variée du Makta-Liamone, la rapprochera, non point du corallien proprement dit, de celui de Châlel-Censoir, par exemple, mais bien dukimmérid- gien à faciès corallien des environs de Tonnerre et de Sou- langy, qu’il nous a fait connaître dans un récent mémoire (i), et qui est enclavé au milieu de couches qui contiennent la Geromya excentrica et le Mytilus subpéctinatus , espèces essen¬ tiellement kimméridgiennes. Cette distinction, si importante au point de vue de l’attribution des faunes, entre deux coral¬ liens, dont l’un est le corallien véritable, et l’autre kimmérid- gien, je l’avais déjà faite, comme on l’a vu, en 1858, pour la Charente. On voit donc, en résumé, que l’âge géologique du Cidaris glandifera se trouve très-nettement fixé par la position que cette espèce occupe en Algérie , et que son association avec les Cidaris ovifera , Apiocrinus Roissyanus , Ostrea solitaria , Hinnites inœquistriatus , lui assigne une date franchement kimmérid- gienne. tement de la Charente , p. 277, j’écrivais : « Qu’entre Angoulin et la Pointe-du-Ghé, près de la Rochelle, les bancs solides à Apiocrinus Meriani (ou Boissyanus ) s’appuient sur les assises coralliennes, de sorte qu’Alc. d’Orbigny lui-même qui, de tous les géologues qui ont écrit, est celui qui s’est occupé avec le plus de talent à restituer aux diverses faunes leur véri¬ table signification, s’est complètement mépris sur la nature kimméridgienne des couches à Apiocrinus Roissyi, Nautilus giganteus , Natica hemisphœrica, Ceromya excentrica , Pinnigena Saussurei , Hinnites inœquistriatus , Tere- bratula subsella , Acrocidaris nobilis , etc., en les attribuant à l’étage coral¬ lien pour les environs de la Rochelle seulement, tandis que partout ailleurs il les fait kimméridgiennes. » Dans mon Synopsis des fossiles du S . O. de la France (1868), les Hinnites inœquistriatus , Cidaris ovifera , Apiocrinus Roissyanus qui figurent dans l’étage kimméridgien, présentent la même association qu’en Algérie, où ils se trouvent renforcés par la présence du Cidaris glandifera qui manque en Europe. Les choses ne paraissent pas se passer différemment dans les envi¬ rons de Tonnerre. (1) Cotteau, Observations nouvelles sur le terrain jurassique des environs de Tonnerre , 1868. m SÉANCE DU 6 AVRIL 1868. A ce sujet, M. Marcou rappelle qu'il a trouvé le Cidaris glandifera en place, non dans le séquanien, mais bien dans Poolithe ferrugineuse avec Ammonites Murchisonæ , aux envi¬ rons de Salins. M. Alb. Gaudry a également trouvé le Cidaris glandifera , il y a cinq ans, en Syrie. M. Edmond Pellat fait remarquer que la Rhynchonella incon- stans , YOstrea solitaria et le Hinnites inœquistriatus sont coral¬ liens autant que kimméridiens. Ces fossiles sont très-communs dans les calcaires à Cidaris florigemma du Boulonnais; on les trouve également dans Poolithe corallienne inférieure du dé¬ partement de l’Yonne. Le Mytilus subpectinatus ne saurait être non plus considéré comme un fossile essentiellement kimmé- ridien; il existe en effet déjà dans la grande oolithe. M. Delesse fait la communication suivante : Lithologie des mers Britanniques ; par M. Delesse. Je viens soumettre à la Société géologique une carte faisant connaître la nature des roches qui forment le fond des mers Britanniques. La méthode suivie pour l’établir est celle que j’ai employée précédemment pour étudier les mers de France (1). Les mers Britanniques ont été explorées par un très-grand nombre de sondages, dont les résultats ont d’abord été re¬ portés sur cette carte. Les roches sous-marines qui offraient le même caractère physique ou minéralogique ont ensuite été réunies et successivement délimitées; puis chacune d’elles a été distinguée par des teintes conventionnelles. C’est d’ailleurs d’après une méthode analogue et au moyen des résultats fournis également par les sondages, qu’il m’a été possible de construire la carte géologique souterraine des environs de Paris (2). Il faut remarquer seulement que pour la carte des îles Bri¬ tanniques chaque couleur figure des roches sous-marines of- (1) Comptes rendus , avril 1867, et Bull.de la Soc. gèol. de France. (2) lbid.} 1867. NOTE DE M. DELESSE. 605 frant un môme caractère minéralogique, mais dont l’âge n’est pas nécessairement le même. Cette carte n’est donc pas géolo¬ gique, mais lithologique. Le fond des mers Britanniques présente surtout du sable, de la vase qui peut être plus ou moins sableuse et des roches pierreuses. Considérons d’abord ces dernières roches qui, étant déjà consolidées, sont antérieures à l’époque actuelle et ne reçoi- \ent pas de dépôts. Elles sont très-étendues au nord-ouest de l’Écosse, des Orcades et des Hébrides; elles le sont également à l’embouchure du Sbannon et dans le nord-ouest de l’Irlande. On les retrouve dans le sud de cette île et dans la mer d’Ir¬ lande. Dans la Manche, elles indiquent la réunion des Cor¬ nouailles avec la Bretagne, ainsi que celle des îles de Port- land et de Wigbt avec le Cotentin. A l’est de l’Angleterre, les roches ne se montrent guère que vers l’embouchure de la Tess et sur le prolongement du cap Flamborough. Sur les côtes orientales des Iles Britanniques, elles sont beaucoup moins étendues que sur les côtes occidentales, sans doute parce que ces dernières sont plus directement opposées à l’action des marées. On voit que les roches pierreuses bordent habituellement les îles Britanniques, dont elles prolongent les rivages et par¬ ticulièrement les caps; il est naturel de les trouver surtout dans les parties où les eaux de la mer sont le plus agitées et détruisent sans cesse ses parois. D’un autre côté, elles forment aussi le fond des détroits et des bras de mer qui sont balayés par des courants rapides ; c’est en effet ce que l’on observe dans la mer d’Irlande, dans le canal Saint-Georges et dans la Manche. Les sondages ont appris que la craie blanche émergée sur les côtes se continue sous la mer au sud-est de l’Angleterre, particulièrement vers le cap B’eachy et dans le Pas-de-Calais. Voyons maintenant comment les dépôts meubles sont ré¬ partis dans les mers Britanniques. Ils se classent par ordre de grosseur, et leurs débris sont d’autant plus volumineux que les eaux opérant leur transport ont une plus grande vitesse. C’est du reste ce qu’il est facile de constater, surtout près du rivage. Lors donc que les dépôts recouvrent des fonds de mer dans lesquels la vitesse des eaux ne devient jamais suffisante pour les déplacer, ils peuvent pro¬ venir de terrains meubles préexistants qui ont seulement été 606 SÉANCE DU 6 AVRIL 1868. plus ou moins remaniés; et alors l’étude géologique des côtes qui émergent dans le voisinage permet quelquefois de conjec¬ turer quels sont ces terrains. Quoi qu’il en soit, les dépôts meubles peuvent appartenir, non-seulement à l’époque ac¬ tuelle, mais encore à des époques bien antérieures. Parmi ces dépôts meubles des mers Britanniques, il importe de signaler le sable en première ligne, car il domine de beau¬ coup et occupe des surfaces immenses dans l’Atlantique, dans la Manche, dans la mer du Nord. Indépendamment de ce qu’il borde les rivages, il s’étend au loin jusque par des profondeurs dépassant 200 mètres. Le gravier présente quelques plages découpées d’une ma¬ nière assez capricieuse qui généralement n’ont pas une grande étendue; il s’observe à l’ouest des îles Britanniques, au sud de Cork, dans le canal de Bristol, entre la pointe de Cornouailles et les îles Sorlingues, dans la Manche ; quelques traînées de gravier se montrent aussi à l’est de l’Angleterre. Ce gravier est habituellement entremêlé de dépôts plus fins; en outre, les profondeurs auxquelles il descend portent à croire que, le plus souvent, il n’appartient pas à l’époque actuelle. D’après la carte géologique des îles Britanniques, dans le canal de Bristol, il semblerait provenir d’un affleurement sous- marin du vieux grès rouge qui est développé sur ses deux rives; au sud de CGrk, il a sans doute la même origine.. Dans l’est de la Manche, le gravier occupe une large plage qui paraît relier le green-sand de la Haute-Normandie avec celui de l’An¬ gleterre. Au sud d’Exmouth et de Star-Point, dans l’ouest de la Manche, le gravier se trouve sur le prolongement de roches arénacées appartenant au trias. Des galets de silex bordent les falaises crétacées de l’Angle¬ terre, le long desquelles on les voit se former maintenant; mais il en existe aussi dans la Manche que la mer ne saurait plus déplacer et qui sont antérieurs à l’époque actuelle. On en trouve même jusque vers le milieu de la mer du Nord, à la latitude des Orcades. La vase occupe des plages souvent très-étendues, qui sont entourées par du sable. Les principales se trouvent au sud de l’Irlande; elles se poursuivent jusqu’à une grande distance des côtes et sont dé¬ coupées d’une manière assez bizarre ; elles sont d’ailleurs en partie formées par une vase très-molle que les marins anglais nomment caze. La vase ordinaire couvre de vastes surfaces NOTE DE M. DELESSE. 607 dans le canal Saint-Georges, dans la mer d’Irlande, vers l’em¬ bouchure de la Glyde, entre l’Écosse et les Hébrides. Dans la mer du Nord, elle s’observe dans les golfes de Moray, de Forth, de la Tamise; elle occupe aussi une grande surface en regard de l’Écosse et plus loin dans la vallée sous-marine profonde qui contourne le sud de la Norvège. Dans la Manche, un peu de vase se montre à proximité des côtes méridionales de l’An¬ gleterre; il y en a notamment dans les baies de Southampton et de Tor. La vase sableuse est habituellement associée à la vase dans les régions maritimes qui viennent d’être indiquées; souvent même elle l’entoure, ce que l’on conçoit très-bien, puisque la vase et le sable doivent nécessairement se mélanger vers leurs limites. Elle s’observe surtout au sud de l’Irlande et à l’entrée des baies Galway et Bautry, à l’ouest de Cornouailles, dans le canal Saint-Georges et dans la mer d’Irlande, dans le canal du Nord, dans le Mineh, dans le golfe Moray, à l’est du cap Flam- borough, à l’embouchure de la Tamise et dans la baie de Tor. Au sud de l’Irlande, elle est d’ailleurs accompagnée de vase graveleuse. Généralement la vase pure ou mélangée de sable présente des formes découpées irrégulièrement et qui ne sont en rap¬ port ni avec les courants ni avec l’orographie sous-marine. Souvent même la vase remonte jusque sur le rivage, et, dans ce dernier cas, elle provient de la destruction de couches argi¬ leuses qui affleurent sous la mer. Ces couches peuvent même être indiquées avec quelque vraisemblance en étudiant la carte géologique des îles Britanniques. Ainsi, à l’embouchure de la Tamise et de la rivière Southampton, la vase est engen¬ drée par l’argile de Londres. Dans la baie de Tor et au nord- est de cette baie, les plages de vase résultent sans doute de la destruction des marnes irisées qui se montrent à Sidmouth sur la côte voisine. Dans le golfe de Forth, la vase semble indiquer une continuation sous-marine des schistes appartenant au ter¬ rain houiller qui s’exploite sur ses rives ou bien encore des schistes siluriens du comté de Berwick. Les plages de vase qui s’étendent dans la mer d’Irlande et dans le canal Saint-Georges paraissent devoir être attribuées aux schistes siluriens qui sont si développés sur les bords opposés du vaste bassin com¬ pris entre le pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande. Il est même probable que les grandes plages de vase qui se trouvent au sud de l’Irlande résultent de la continuation dans l’Océan des 608 SÉANCE DU 6 AVRIL 1868. schistes paléozoïques qui émergent dans le sud-est de ce pays, dans le pays de Galles et dans le Cornouailles. Les îles Britanniques s’élèvent sur une terrasse sous-marine qui les réunit au continent. Cette terrasse présente des parois très'inclinées et sa limite suit à peuprès lacourbe de 200 mètres. Les sondages faits au delà accusent de suite de grandes profon¬ deurs et donnent généralement une vase calcaire contenant des foraminifères et des êtres microscopiques ; c’est une sorte de craie qui se forme à l’époque actuelle et s’étend au loin dans l’Atlantique. Sur divers points des côtes les sondages indiquent des dépôts marins, qui sont exceptionnellement riches en débris de mol¬ lusques et constituent des espèces de faluns. En circonscrivant ces dépôts coquilliers par une ligne, il est facile d’apprécier comment les mollusques sont distribués dans le fond des mers Britanniques. On constate alors qu’ils sont relativement rares sur la côte orientale de l’Angleterre proprement dite, qui est baignée par la mer du Nord. Il en est de même dans l’Océan sur les plages généralement vaseuses qui s’étendent au sud de l’Irlande. Au contraire, les mollusques sont très-nombreux dans la mer d’Irlande, ainsi que dans les canaux du Nord et de Saint- Georges. Ils abondent autour de l’Ecosse, particulièrement dans le canal des Hébrides et dans la mer du Nord, entre les Arcades et le golfe de Moray. Sur les côtes de la Manche il y en a beaucoup autour du Cornouailles et des îles Sorlingues. Loin des côtes, ils sont très-nombreux au sud-ouest de l’Irlande, ainsi qu’à l’ouest des Hébrides et de l’Écosse. Dans ces derniers parages l’on ren¬ contre aussi des bryozoaires par des profondeurs qui sont sou¬ vent supérieures à 100 mètres. Au nord-ouest du Royaume-Uni se montrent dans l’Océan les îles Féroë et l’écueil de Rockall. Les plateaux sous-marins qui supportent ces îles sont habités par une multitude de mol¬ lusques qui les recouvrent de leurs têts calcaires. Enfin au sud-est de l’Écosse de grandes plages coquillières s’étendent encore très-loin dans la mer du Nord. Les fonds les plus riches en mollusques dans les mers Bri¬ tanniques sont essentiellement formés par le sable ; assez souvent ils appartiennent à des roches pierreuses , quelquefois seule¬ ment à du sable vaseux ou bien même à du gravier et à de la vase sableuse, mais ils ne s’observent pas sur la vase pure. Il est NOTE DE M. DELESSE. 609 visible du reste que ces mollusques habitent pour la plupart les côtes sur lesquelles s’observent leurs débris. Le développement des mollusques paraît en outre influencé par la constitution minéralogique des côtes voisines; car dans les mers de France l’on rencontre généralement beaucoup de mollusques sur les côtes calcaires et surtout sur celles qui sont granitiques. Dans les mers Britanniques, ils abondent entre le pays de Galles et l’Irlande, autour de l’Écosse, autour de Cor¬ nouailles; mais ces côtes sont formées de granités ou bien de schistes cristallins et paléozoïques; elles contiennent des alcalis qu’elles perdent par dissolution, à mesure qu’elles se détruisent et se décomposent, en sorte qu’elles peuvent dégager la chaux de l’eau de mer et faciliter par cela même la production du têt des mollusques. En résumé, le plateau sous-marin qui porte les îles Britan¬ niques reçoit d’abondants dépôts qui proviennent de sa des¬ truction, ainsi que de l’action exercée sur ces îles par la mer et par l’atmosphère. Le sable est de beaucoup le plus important et celui qui couvre la plus grande surface. Mais les mers Britan¬ niques présentent aussi de vastes étendues qui ne reçoivent pas de dépôts, et leur fond est alors formé par des roches qui sont antérieures à notre époque. Tantôt ces roches sont pierreuses, tantôt elles sont meubles. Parmi ces dernières, il faut citer les galets et les graviers qui se trouvent à des profondeurs trop grandes pour avoir été entraînés par les mers actuelles; il faut citer également les plages de vase, qui se montrent, au con¬ traire, dans des eaux fortement agitées. Ces roches meubles présentent d’ailleurs des formes qui sont complètement indé¬ pendantes de la puissance et de la direction des courants, ainsi que de l’orographie Sous-marine. Antérieures à l’époque ac¬ tuelle, elles ont seulement été dégradées ou remaniées sur place par la mer et l’on peut souvent retrouver leur origine en étudiant la géologie des îles Britanniques. M. Ch. Martins constate qu’une grande partie des argiles qu’on rencontre à l’embouchure des firth de l’Ëcosse sont glaciaires et appartiennent à l’étage du boulder-clay et du la- minated clay . Soc. géoh, 2e série, tome XXV. 39 610 SÉANCE DU 20 AVRIL 1868. Séance du 20 avril 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Lehecq, professeur de mathématiques, rue de Laval, 14, à Paris; présenté par MM. Hébert et Munier-Chalmas. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. J. R. Bourguignat, Études géologiques et paléontologigues des Haut s -Plateaux de V Atlas entre Boghar et Tiharet , in-4), 35 p.; Paris, 1868; chez Challamel aîné. De la part de M. Ernest Chantre, Études paléontologigues ou recherches géologico-archéologiques sur l'industrie et les mœurs de l’homme des temps antêhistoriques dans le Nord du Dauphiné et les environs de Lyon, in-4, 132 p., 14 ph; 1867, Paris, chez Savy; Lyon, chez P. Mégret. De la part de MM. Delesse et de Lapparent, Revue de géo¬ logie pour les années 1865 et 1866, in-8, 293 p.; Paris, 1868; chez Dunod. De la part de MM. Albert Faisan et Ernest Chantre, Appel aux amis des sciences naturelles pour le tracé d’une carte géologique du terrain et des blocs erratiques des environs de Lyon , du nord du Dauphiné , de la Bombes et du midi du Bugey , et pour la conserva¬ tion des blocs erratiques dans les mêmes régions , in-8, 8p.> I ta¬ bleau; Paris, chez F. Savy; Lyon, chez P. Mégret, 1868. De la part de M. Lory, les Montagnes ( Revue des cours scien¬ tifiques , 18 avril 1868), in-4. De la part de M. G. de Mortillet, Matériaux pour l’histoire positive et philosophique de V Homme, novembre et décem¬ bre 1867, in-8. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 61 i De la part de M. F. J. Pictet, Matériaux pour la paléontologie suisse. — Description des fossiles du terrain crétacé des environs de Sainte-Croix, par MM. F. J. Pictet et G. Campiche, 3e partie, in-4, 558 p., pl. XCIX à CXXXIX; Genève, 1864-1767; chez H. Georg. De la part de M. Gaston de Saporta, la Végétation du globe dans les temps antérieurs à V homme (ext. de la Revue des Deux Mondes , 15 mars 1868), in-8, 29 p.; Paris, 1868. De la part de M. Peccadeau de Flsle, Notice sur des objets sculptés et gravés des temps préhistoriques trouvés à Bruniquel ( T arn-et- Garonne ), in-8, 8 p.; Paris, 1868; chez Didier et Ce. De la part de M. C. F. Peters, Zur Kenntniss der Wirbelthiere aus den Miocenschichten von Eibiswald in Steiermark , in-8, 3 p.; Vienne, 1868. Annuaire de la Société météorologique de France , t. XIV, 1866 ; Tableaux météorologiques , f. 1-8; in-8. Bulletin de la Société botanique de France ; Table du t. XI, 1864 ; in-8. Bulletin des séances de la Société 1. et centrale d3 agriculture, séance publique du 29 décembre , 1867 ;in-8. IJ Institut, nos 1788 et 1789; 1868; in-4. Mémoires de V Académie I. des sciences , etc. , de Lyon. — Classe des sciences, t. XVI; in-8. Société 1 . dJ agriculture, etc., de Valenciennes Revue agri¬ cole, etc., février 1868; in-8. Exposition universelle de 1867. — Républiques de V Amérique centrale et méridionale. — Notices et catalogues , in-8, Paris, 1867; chez veuve Bouchard-Huzard. Verhandlungen der K. K. geologischen Reichanstalt, 1867, n°s 1 à 5; 1868, n° 7, in-8. The Athenœum, nos 2111 et 2112, 1868; in-4. Revista minera , 15 avril 1868; in-8. M. Hébert présente les Études paléoethnologiques deM. Chan¬ tre (v. la Liste des dons) et la brochure de MM. Faisan et Chantre sur la Conservation des blocs erratiques (v. la Liste des dons). 612 SÉANCE DU 20 AVRIL 1868. M. Ém. Benoit fait, à ce sujet, la communication sui¬ vante : J’ai été chargé, par mes deux collègues de Lyon, MM. Faisan et Chantre, de donner quelques explications au sujet de la petite brochure qu’ils viennent de publier sous les auspices de la Société d’agriculture, sciences et arts et de la Société des sciences industrielles de Lyon (v. la Liste des dons). Il est bon, pour sa réussite, que cet appel reçoive la plus grande publicité, et notre Bulletin y contribuera en relatant les principaux passages suivants de l’exposé des motifs de MM. Fai¬ san et Chantre : a En Suisse, la Société helvétique des sciences naturelles a dé- « cidé, en 1867, qu’une carte de la distribution des blocs erratiques « serait exécutée et a fait un appel aux Suisses pour les engager à « conserver les blocs erratiques et à aider MM. Alphonse Favre « et Soret dans le tracé de la carte qu’ils allaient entre- « prendre. » « Les Suisses ont regardé cette œuvre comme une œuvre « patriotique et ils la poursuivent avec ardeur. Après les anti- « quitès lacustres , ils ont voulu remonter plus haut dans la série « des siècles et chercher l’explication du dernier grand phé- cc nomène géologique de l’Europe, dont l’homme peut-être a « été le témoin. » a Dans le canton de Neuchâtel, le club jurassien a marqué « sur une carte tous les blocs du pays. Beaucoup de ces blocs « sont déclarés inviolables et ce mot est gravé à leur surface. « Plusieurs gouvernements et municipalités ont décrété de faire « cesser l’exploitation des blocs sur les terrains qui leur appar- « tiennent. » « Dans le département de la Haute-Savoie, MM. Favre et Soret « ont désigné les blocs qui méritent d’être conservés; ils en « ont fait marquer cent vingt dans la vallée de l’Arve. Après un « rapport approuvé par S. Exc. le Ministre de l’intérieur, M. le « Préfet de la Haute-Savoie a donné l’assurance qu’il fera res- « pecter les blocs désignés qui sont situés dans les domaines « de l’État ou dans les biens communaux. « Voilà ce qui se passe près de nous. Pouvions-nous rester « en dehors de ce mouvement scientifique? M. Favre nous a « engagés à marcher dans la même voie; nous nous sommes « empressés de répondre à cet appel. La solution des mêmes « problèmes ne devrait* elle pas aussi nous préoccuper? En NOTE DE M. BENOIT. 613 « effet, le terrain erratique nous environne de toute part . « Sans adopter d'avance une théorie , sans avoir aucune idée pré - « conçue... nous voulons simplement, et avec impartialité, « observer les faits et reproduire sur une carte toutes les traces « que le phénomène erratique a laissées à la surface de notre « sol. » « Une fois ce travail établi sur les cartes de l’État-Major, « nous le condenserons sur une carte d’assemblage à une a échelle plus petite. » « Nous voulons également former une collection d’échantil- « Ions des principaux blocs, qui seront catalogués, classés et « déterminés. » « Nous espérons que nos administrations ne voudront pas « rester en arrière de celles de la Suisse et du département de « la Haute-Savoie et participeront^ notre œuvre en faisant res- « pecter, comme monuments historiques , les blocs erratiques « de notre contrée placés sur les domaines des communes ou « de l’État. » « Les lettres et manuscrits devront être adressés à M. Fal- « san, à Collonges-sur-Saône, près de Lyon, ou à M. E. Chantre, « cours Morand, 37, à Lyon. » « Le questionnaire comprend : la localité , indiquée au « besoin par un calque de la carte, l’altitude, les dimensions, « l’espèce de roche, le mode de groupement, la nature du sol « environnant, l’origine présumée, les légendes ou faits remar- « quables qui se rapportent à quelques-uns de ces blocs, le « nom du propriétaire. « Les échantillons pourront être adressés à M. Chantre; ils « pourront avoir les dimensions de 12, 8 et 4 centimètres. « Les noms des observateurs seront publiés dans l’ouvrage. » Tel est le projet de MM. Faisan et Chantre ; tout à l'heure M. Favre y applaudissait. Pour ma part, je dirai seulement que je connais dans le Bugey quelques centaines de blocs erra¬ tiques; j’en possède, classés par localités, des échantillons suffisants pour la détermination des roches et pour la recherche de la provenance dans les Alpes, (i). M. Alph. Favre ajoute quelques détails sur les mesures (1) Avant de quitter Lyon,M. Leymerie avait déjà tracé sur une carte, restée inédite, la limite extrême des blocs erratiques qui sont dispersés sur les pentes à l’ouest de la Saône et du Rhône, dans tout le département. 614 SÉANCE DU 20 AVRIL 1868. qui ont déjà été prises pour assurer la conservation de ces Llocs en France et en Suisse. M. Deshayes présente, de la part de M. Bourguignat, une étude géologique sur les hauts plateaux de l'Atlas (v. la Liste des dons). M. de Lapparent présente, au nom de M. Delesse et au sien, le 5e volume de la Revue de géologie (v. la Liste des dons). M. Laussedat présente au nom de M. Bertrand, conducteur des ponts et chaussées dans l’Ailier, deux fragments de Rhi¬ nocéros trouvés à Billy, près de Saint-Germain-des-Fossés, appartenant, l’un à la branche gauche, l’autre à la branche droite de la mâchoire inférieure de cet animal et portant tous deux des entailles profondes, larges de 1 à 2 centimètres et obliques à la direction longitudinale de la mâchoire. Ce sont des sillons présentant beaucoup d’analogie avec les entailles que i’on pourrait pratiquer en frappant obliquement sur un morceau de bois avec une hache bien affilée. L’état de miné¬ ralisation de la surface de ces entailles est le même que celui du reste de l'os qui présente la dureté habituelle aux débris osseux de certaines couches miocènes de l’Ailier. Cette m⬠choire appartient, en effet, au Rhinocéros pleuroceros de Duvernoy, qui vivait ‘sur les bords des lacs du centre de la France à l’époque du miocène inférieur. Or, comme la miné¬ ralisation est la même à la surface des entailles et à la surface de l’os, la première idée qui se présente à l’esprit, c’est qu’elles ont été faites par un instrument tranchant sur l’os à l’état frais, ce qui reculerait l’apparition de l’homme encore plus loin qu’on n’a tenté de le faire jusqu’à présent. En présence de la gravité de ce fait, M. Laussedat a cru devoir demander à M. Bertrand de relever nne coupe exacte du gisement qui a pu être contrôlée par l’étude des échantil¬ lons de roches et de fossiles fournis à l’appui. Voici cette coupe, qui montre que la mâchoire de Rhinocéros pleuroceros a été trouvée à son niveau géognostique, associée à des calcaires à Phryganes et à Hélix Ramondi dans la formation lacustre des calcaires de la Limagne, c’est-à-dire dans le mio¬ cène inférieur. NOTE DE M. LAUSSEDAT. Coupe de la carrière de Billy (Allier), creusée dans les calcaires d’eau douce du terrain miocène inférieur. Q A Alluvions. TT Terrain tertiaire moyen. TQ Terrain quaternaire. B Basalte. couches de marnes grises à cassure conchoïdale, de grès à ci¬ ment calcaire et à menus débris de micaschiste. Ces couches, qui appartiennent au terrain tertiaire moyen, sont dirigées N. 60° E.m. et plongent au S. 30° E m. de 30°. Elles vont buter contre le massif éruptif du cap Djinet et sont recou¬ vertes en stratification discordante par des assises sensiblement horizontales de grès diluvien, où l’on remarque des valves fos¬ siles de moules ayant encore leurs couleurs vives naturelles. La roche éruptive du cap Djinet est formée d’une pâte noire, compacte, très-dure, au milieu de laquelle sont disséminés de très-petits cristaux blancs translucides. Elle se divise en gros prismes pentagonaux qui s’étalent en éventail. Une variété de couleur rose a présenté la composition suivante : 648 SÉANCE DU 4 MAI 1868. g*- i Silice . 0.7460 ! jj Alumine . 0.1280 j 1 Peroxyde de fer . 0.0100 | Oxyde de manganèse . traces ' > 0.9660 S Magnésie . traces 1 | Chaux . . . 0.0150 \ 1 Potasse . 0.0670 1 1 1 | Carbonate de chaux . 0.0220 | Carbonate de magnésie . . 0.0122 Total . 1.0002 Densité . 2.659 Simon, Garde-mines. Par sa densité et sa composition, elle se rapproche des pé- tro-silex. D’après les observations de M. Durocher {Mémoire sur l’origine des roches granitiques ), on peut la considérer comme un granité en masse. Elle constitue un magma dans lequel, la cristallisation n’ayant pu se développer, les minéraux propres aux roches cristallines sont à l’état élémentaire. En dehors du massif principal de roche éruptive du cap Dji- net, il y a quelques petits îlots de roches de même nature. L’Oued-Sebaou, près de son embouchure, sépare la chaîne tertiaire du Bouberak d’une petite chaîne moins élevée, qui se prolonge au N. E. jusqu’à Dellys et qui va se perdre dans la mer à la pointe du cap Bengut. Le long de la rive droite du Sebaou, cette petite chaîne se termine brusquement par un escarpement abrupte sur lequel les couches tertiaires présen¬ tent diverses inflexions. On y voit, au milieu de grès siliceux, une couche de poudingue à gros fragments de roches cristal¬ lines. Les couches inférieures des grès sont rougeâtres ou jau¬ nâtres, facilement égrainables, et il en résulte des talus d’é- boulement qui paraissent stratifiés. En se rapprochant de Dellys, la coupe en travers de la mon¬ tagne donne la fig. suivante. Le ravin qui coupe la ville de Dellys en coulant du N. au S. forme fa ligne de démarcation entre le terrain tertiaire moyen et le terrain nummulitique . Les roches qui sont de part et d’autre de ce ravin présentent des caractères minéralogiques et des allures essentiellement différents et qui empêchent de les con- NOTE DE M. VILLE. 649 fondre. Le terrain tertiaire moyen s’étend à l’O. de ce ravin et va s’appuyer sur le bord de la mer contre des récifs de roche Méditerranée. éruptive. Il se compose de marnes argileuses grises, à cassure conchoïdale, alternant avec des grès quartzeux à empreintes végétales carbonisées. Sur la croupe rocheuse qui s’avance dans la mer et abrite la rade de Dellys contre les vents d’ouest les grès et les poudingues sont bien développés. La ligne de crête est formée par des couches régulières ver¬ dâtres courant verticalement à l’E. 6° S.m. et dont l’épaisseur totale est d’environ 6 mètres. Elles ont un aspect extérieur analogue à celui d’une roche trappéenne en décomposition. Des analyses seraient nécessaires pour en déterminer la véri¬ table nature. Les couches situées au S. E. de la ligne de crête sont des grès trop fortement désagrégés par les influences at¬ mosphériques ou des poudingues trop grossiers, pour qu’on puisse en faire des pavés; mais en revanche elles permettent d’étudier d’une manière plus complète leurs éléments consti¬ tutifs. On y remarque beaucoup de galets de quartz blanc, hyalin, de la grosseur d’une noix, dont les contours sont à peine émoussés, des galets de micaschiste bleuâtre, de gneiss et de granité; ce granité est formé de quartz blanc hyalin, de feldspath blanc opaque et de mica noir, le tout mélangé d’une manière assez régulière. Il se présente en galets qui atteignent parfois 0m,30 de diamètre. On trouve aussi dans les poudingues des galets de calcaire gris et de grès quartzeux, très-durs, identi¬ ques avec les roches de même nature qui constituent le terrain nummulitique à l’E. de Dellys. Les couches de grès ont une épaisseur variable de 0m,01 à 3 mètres. Nous y avons trouvé un débris de Pecten; un grand nombre d’entre elles s’élèvent à peine au-dessus du niveau de la mer; il en résulte des lignes mo SÉANCE DU 4 MAI 1868. parallèles de récifs qui rendent l’abordage impossible dès que le vent souffle dans la rade. Le talus de la montagne est très- raide de ce côté et forme une série de gradins droits venant de la dénudation de la partie supérieure des couches. Les couches qui sont situées au N. O . de la ligne de faîte sont principalement formées de grès quartzeux à grains fins que le service du génie de Dellys exploite avec avantage pour le pavage de ses écuries. La carrière de pavés est d’une exploitation très- facile, parce que les couches y sont verticales et qu’il est aisé de les abattre. On remarque de ce côté de grands escarpements verticaux de 20 mètres de hauteur, au pied desquels sont des talus de 40° provenant des débris des roches qui s’éboulent. Par suite du défaut d’homogénéité des couches de grès, la du¬ reté de cette roche n’est pas la même partout. Le grès se désa¬ grégé et se corrode d’une manière irrégulière sous les influen¬ ces atmosphériques et surtout par l’action des vents de mer ; il en résulte des vides souvent considérables, à contours fes¬ tonnés, qui font saillie sur le reste de la masse. Ces vides dé¬ truisent la continuation d’un même banc et son contact avec celui qui lui est juxtaposé, et par suite donnent lieu aux ébou- lements qu’on observe aujourd’hui. Le grès quartzeux le plus dur est d’un blanc bleuâtre; il renferme 0.697 de sable quart¬ zeux, fait effervescence avec les acides, et présente souvent des empreintes végétales carbonisées, mais dont les espèces sont indéterminables. Indices de lignite dans les grès tertiaires de Dellys. — L’extré¬ mité orientale de la croupe rocheuse de Dellys est assez remar¬ quable sous ce rapport; dès le mois de mars 1848 nous y avons observé une série de couches de grès argileux, verdâtres, sé¬ parées par des couches minces de marnes grises et de calcaire marneux grisâtre. Ces grès renferment des plaquettes et des nids de combustible minéral disposés parallèlement à la stra¬ tification générale du terrain. Les plaquettes ont 0m,002à0m,006 d’épaisseur sur 0m, 10 de long. Les nids ont un volume de0m,03 de diamètre. Le combustible se divise en parties cubiques d’un éclat brillant, et au premier abord on pourrait le prendre pour de la houille; mais son âge géologique et ses propriétés chi¬ miques le rangent dans la catégorie des lignites. En 1857, des indices un peu plus importants ont été trouvés dans la carrière de grès à empreintes végétales que le sieur Galla exploite au¬ près de la porte qui donne accès à la route des Jardins, à FO. de Dellys. Tantôt ce combustible se présente en plaques dont rsOTE DE M. VILLE. 651 l’épaisseur atteint 1 centimètre et la surface près de 1 déci¬ mètre carré; tantôt il forme l’écorce de branches dont l’inté¬ rieur est rempli de grès. Cette écorce est parfois à l’état de charbon roux, par suite de la transformation incomplète en combustible minéral, et parfois elle est d’un beau noir éclatant. Ce lignite brûle avec une flamme longue et fuligineuse. Il est excessivement friable et se désagrégé en fragments très-minces sous la plus faible pression des doigts. Le lignite du terrain moyen de Dellys est moins pur et moins riche en charbon fixe que celui du terrain tertiaire moyen de Tiziouzou. Son pouvoir calorifique est peu élevé. La découverte d’un gîte exploitable de lignite dans les grès tertiaires de Dellys, au moyen d’un sondage vertical, est très- problématique. En effet, les couches de grès qui sont peu in¬ clinées en certains endroits, et notamment dans la plaine des Jardins, sont redressées presque verticalement sur le bord de la mer, de manière à présenter leurs tranches, et nulle part en étudiant ces dernières on n’aperçoit l’affleurement d’une veine régulière de combustible. Nous n’avons pas été plus heureux dans les diverses excursions que nous avons faites pendant plu¬ sieurs jours sur le massif de terrain tertiaire compris entre l’Oued Sebaou et le cap Bengut. Le terrain longeant la mer à l’ouest de la pointe de Dellys est formé presque en entier de basalte, depuis cette pointe jusque auprès de l’embouchure de l’Oued Sebaou, sur 4 kilo¬ mètres environ de longueur; le basalte présente généralement le long de la mer de grands escarpements noirâtres et verti¬ caux, contre lesquels les vagues se brisent avec violence. Il ren¬ ferme de petits cristaux de pyroxène noir et de péridot ver¬ dâtre, des zéolites, des nodules de quartz opale et de chaux carbonatée rayonnée; on y voit aussi des filons irréguliers de carbonate de chaux cristallisé en larges lames. Ces filons ont une épaisseur variable de 0m,05 à 0m,50. Les zéolites sont blanches, à structure cristalline et rayonnée. Leur densité est 2,195. Elles rayent le verre légèrement et très- fortement le carbonate de chaux. Par l’acide chlorhydrique, elles donnent de la silice en gelée. La composition et les propriétés de ces zéolites les rappro¬ chent de la mésotype. L’apparence de la roche éruptive varie beaucoup suivant les différents points où on l’observe. A.uprès de Dellys, sur le ri¬ vage, elle a l’aspect scoriacé noirâtre; elle est criblée de bulles 652 SÉANCE DU 4 MAI 1868. assez grandes, produites sans doute par l’échappement de la vapeur d’eau et des gaz, avant la consolidation de la masse. Ailleurs, elle est compacte et très-dure. Parfois elle est mé¬ langée de serpentine verte, douce au toucher. Dans ses fentes, on trouve fréquemment une substance verte soyeuse, formée de fibres sans adhérence entre elles et perpendiculaires à la di¬ rection générale de la fente où elles sont encastrées. Cette sub¬ stance est onctueuse, se coupe au couteau et se raye avec l’ongle; c’est un silicate de magnésie. La roche éruptive se présente le long du rivage, tantôt en amas irréguliers sans stratification apparente et contre lesquels vont buter les couches de grès tertiaires, tantôt, en nappes ré¬ gulières, enclavées en stratification concordante au milieu de ces mêmes couches. Ces nappes sont alors associées à des couches de brèches à débris basaltiques, de marnes vertes et rouges et de grès verdâtres qui paraissent avoir été formés eux- mêmes aux dépens de la roche éruptive de même couleur. A l’extrémité ouest du principal îlot de basalte, qui est indiqué de loin par un marabout construit sur le point culminant de l’îlot, on remarque la coupe suivante qui montre l’association des basaltes aux couches tertiaires. Niveau de la mer. G Grès. B Basalte. M Marues vertes. BO Brèche basaltique. Si, à partir de la baraque de pêcheurs, située à 1,000 mètresE. du marabout, on suit le sentier qui longe la mer, en se diri¬ geant vers Dellys, on marche sur le basalte sur plusieurs cen¬ taines de mètres et l’on arrive ensuite â un golfe, dont les parois c oupées à pic sur 30 mètres de haut montrent des couches al- t ernatives de basalte compacte noirâtre, de grès gris verdâtre, de marnes vertes, de basalte désagrégé et de brèche volca- NOTE DE M. VILLE. (553 nique. Ces couches sont dirigées N. 90° E.m. et plongent au S.m. de 60°; plus loin, les couches de grès présentent des inflexions brusques ayant les formes suivantes : M. m. En se rapprochant encore de Dellys, on observe sur le rivage la coupe suivante à 1,000 mètres est de la porte de Dellys. E. 15° S.m. O. 15° N.m. MY Marnes veltes. MF Marnes fossiles. M Marnes rouge de sang. GV Grès verts. B Basalte. Un amas de basalte brun terreux s'est injecté entre des couches de grès verts et de marnes de même couleur. Au- dessus de l’amas de basalte, il y a 0m,20 d’épaisseur de marnes d’un beau rouge de sang. Enfin, sur l’îlot basaltique du cap Bengut, situé en dehors du mur d’enceinte de Dellys, le basalte paraît former une assise épaisse de 100 mètres, au milieu des grès qui sont redressés verticalement et d’une manière brusque contre lui. Une couche verticale de grès tendre est enclavée au milieu de ce basalte. Au contact des grès, le basalte est coupé par des fissures parallèles à la stratification et il est divisé en gros prismes horizontaux de lm,20 de long à section pentago¬ nale de 0m,35 de diamètre. Au S. O. de Dellys, le long de la route des Jardins, les grès quartzeux tertiaires renferment une couche blanche qui, au premier abord, paraît n’être qu’une couche de grès très-dur, mais qui, probablement, est une roche éruptive pétro-siliceuse. Cette roche a une grande analogie avec le pétro-silex gris verdâtre de Pentland-Hills. On voit par ce qui précède que la roche éruptive de Dellys (basalte, pétro-silex) se présente soit en nappes régulières, asso¬ ciées en stratification concordante aux couches du terrain ter¬ tiaire moyen, soit en masses irrégulières qui ont été injectées à travers ces couches, qu’elles ont soulevées et tourmen¬ tées. Les éruptions ont eu lieu sous une nappe d’eau et ont commencé pendant la période de dépôt des couches tertiaires moyennes. Parfois les roches éruptives apparues les premières 654 SÉANCE DU 4 MAI 1868. ont été désagrégées et décomposées, et leurs détritus ont donné lieu aux brèches volcaniques et aux grès verdâtres qui sont si fréquents dans le terrain tertiaire moyen de Dellys. Les éruptions qui se sont faites à diverses époques ont amené au jour des roches ignées de compositions diverses, basalte, pétro- silex, serpentine. Elles ont cessé au moment du dépôt du terrain quaternaire, car celui-ci forme le long du littoral un cordon peu puissant, dent les couches presque horizontales plongent régulièrement vers la mer, et renferment de nombreux cailloux roulés de basalte et des diverses roches stratifiées que nous avons signalées dans le cours de ce mémoire. Fragments isoles de minéral dans Vilot de roche éruptive voisin du cap Bengut à Dellys. — L’îlot de roche éruptive, voisin du cap Bengut à Dellys, est divisé en blocs irréguliers, d’un volume très-variable, par une multitude de fentes dans lesquelles on a trouvé des fragments isolés de combustible fossile, présentant l’aspect de houille de bonne qualité. Ces fragments, qui sont à angles vifs et d’une longueur de 0m,06 à 0m,07 au plus, ont 0m,04 d’épaisseur maximum. Ils se rapportent à deux variétés de combustible ; l’une est très-sèche et brûle sans flamme ; l’autre, qui est la plus abondante, est très-grasse et brûle avec une longue flamme. Voici les analyses de plusieurs échantillons faites au labora¬ toire d’Alger : fragments de combustible RECUEILLIS dans la roche éruptive du cap bengut a dellys. 655 NOTE DE M. VILLE. i N° 8. Roche bitu¬ mineuse avec racines de com¬ bustible. O O O » 0.0242 0 5940 1 0.3518 0.0300 1.0000 gr 27.3150 0.2095 6282 cal 0.804 1.240 rc° 5. Variété grasse. 0.0050 0.0021 » 0.0009 0.0040 0 0062 » » M O OO O oo ^ o ■H 05 20 CO OiOcOO dodo 1.0000 gr 27.1900 0 1797 6253 cal 0.800 1.230 N° 4. Variété grasse. 0.0050 0.0040 traces » 0.0080 0.0095 » » 0.0265 0.6150 0.3135 0.0450 o o o o O 20 ® o oo 35 ^ . CO 1— g 02 ^ S **: ce d o O o CD ® ho ^2 T3 w o a J * Ph • d'd" " ™ n cia# u g £ « w H S j-3 i! «S ” .2 g -A 0 'S O o o co co co ,rt / De Marigny. SÉANCE DU 4 MAI 1868. 606 La variété sèche n° 1, placée en morceaux dans une capsule de platine rougie par une lampe à alcool à double courant d’air ne se consume pas à cause delà faible quantité de matières bitumineuses volatiles qu’elle renferme. Par la combustion en vase clos, elle ne donne pas de coke. Comme elle est très-riche en carbone (0,793), elle a un pouvoir calorifique très-élevé (7176cal) et supérieur à celui de la variété grasse. Elle est d’un beau noir éclatant, et son aspect extérieur ne suffit pas pour faire prévoir à priori sa composition chimique. Elle ressemble complètement à la variété grasse. Les échantillons nos 2 à 7 ayant été pris au hasard et appar¬ tenant à la variété grasse, cela prouve que cette variété est de beaucoup plus répandue que la première, ce qui peut paraître étonnant à cause du gisement de ces substances au milieu d’un;* roche éruptive ; leur présence indique, au reste, que cette roche n’avait pas une température élevée lorsqu’elle a fait éruption, car, dans le cas contraire, elle aurait donné du coke. La variété grasse renferme de 0,0182 à 0,0574 de matières terreuses. Elle est très-pure comme la précédente et d’un beau noir éclatant. Elle s’allume et brûle avec facilité, à la simple flamme d’une bougie, en donnant une flamme blanche et vive, et répandant une fumée noire et épaisse. Par la distillation en vase clos, il se dégage de l’eau ammoniacale, comme dans la dis¬ tillation des houilles, des huiles bitumineuses épaisses de cou¬ leur fauve et des gaz inflammables; il reste un coke dur, com¬ pacte, ayant le brillant du fer métallique. La proportion du charbon fixe est aussi élevée que dans la plupart des houilles grasses de bonne qualité et varie de 0,5680 à 0,620. Son pouvoir calorifique est également considérable, et varie de 6111cal à6282cal. Ce combustible est compacte, dur, et ne se brise pas sous la pression des doigts. 11 est, en défini¬ tive, d’une très-bonne qualité et serait propre à tous les usages industriels, s’il se rencontrait en quantité considérable. Mal¬ heureusement, il n’en est pas ainsi. Quoique la roche éruptive se présente en plusieurs points aux environs de Dellys, on n’y a encore trouvé de fragments de combustible que dans une seule localité, au cap Bengut, et ces fragments sont assez rares. Il faut abattre de gros volumes de roche éruptive pour trouver quelques petits morceaux de combustible fossile. Ce dernier a une origine organique. Certains échantillons présentent, en effet, à leur surface, des parties ternes fibreuses ayant tout à fait la texture du charbon de bois. Les divers fragments isolés de NOTE DE M. VILLE. 657 combustible pur offrent également des traces évidentes de stra¬ tification, caractérisées par des zones parallèles et d’éclat dif¬ férent. Us se brisent dans le sens de ces zones bien plus facilement que dans le sens perpendiculaire. Enfin l’échantillon de la roche compacte bitumineuse n° 8 en fournit encore une preuve plus complète. Cette roche, qui est essentiellement calcaire, montre dans sa cassure des zones parallèles dues à la stratification, et elle est adhérente à une zone parallèle aux précédentes et formée de combustible minéral très-pur. On peut admettre que les fragments de combustible que l’on trouve isolés dans les fentes du basalte de Dellys appartenaient primitivement à un dépôt stratifié d’origine aqueuse, à travers lequel ce basalte a fait éruption. Des fragments de combustible et de sa roche encaissante ont été entraînés par ce basalte et portés ainsi d’une profondeur qui nous est inconnue jusqu’à la surface du sol. On doit se demander maintenant quel est l’âge du terrain stratifié contenant ce combustible, quelle est l’étendue probable du dépôt de combustible lui-même, et quels travaux on pour¬ rait exécuter pour arriver jusqu’à ce dernier dépôt. D’après l'aspect extérieur et les principales propriétés phy¬ siques et chimiques des deux variétés de combustible trouvées dans le basalte, on peut les rapprocher des bouilles propre¬ ment dites, soit sèches, échantillon n° 1, soit grasses, échan¬ tillons nos 2 à 7. Par la distillation, elles donnent toutes de l’eau ammoniacale comme les véritables houilles, tandis que les lignites donnent généralement de l’eau acide. Les anthracites proprement dites ont une densité variable de 1,60 à 0,11. La variété sèche de Dellys a une densité variable de 1,300 à 1,360, et renferme 0,1544 de matières volatiles; elle s’éloigne par là des véritables anthracites et se rapproche au contraire des houilles sèches proprement dites ; elle est analogue à la houille sèche de Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme). La variété grasse présente une grande analogie d’aspect et de composition avec la houille grasse du Grand-Gaillet (pays de Mons). « D’après M. Berthier (Traité des essais par la voie sèche , tome I), le charbon flénu de la veine du Grand-Gaillet est d’un noir brillant et se casse en fragments rhomboédriques obliques dont les faces portent des stries qui sont caractéristiques et que l’on nomme la maille . Sa pesanteur spécifique est de 1,254 à 1,300; sa poussière est noire et tache le papier en brun. Il Soc. géol ., 2® série, tome XXV. 42 658 SEANCE DU 4 MAI 1868, ne tombe pas spontanément en poudre, et se conserve à l’air pendant très-longtemps. Il donne un coke très-boursouflé, très-léger et peu solide. Il s’embrase très-aisément et brûle avec une flamme longue, vive et claire. Il colle assez pour s’ag¬ glutiner, mais non pas pour former voûte. Il est de la plus parfaite qualité pour les chaudières et pour la préparation du gaz d’éclairage; les houilles du Mon s sont remarquables en ce qu’elles ne laissent qu’une très-petite quantité de cendres et qu’elles ne renferment presque pas de pyrites. » Cette descrip¬ tion donnée par M. Berthier s’applique en très-grande partie aux différents échantillons de la variété grasse trouvés dans le basalte de Dellys. Celle-ci se divise en fragments rhomboé- driques, mais où l’on n’observe pas la maille du Gaillet. Sa densité varie de 1,180 à 1,260 comme pour le Gaillet. Sa pous¬ sière est noire et tache également le papier en blanc. Elle donne un coke dur, compacte, gris de fer, qui vaut mieux que celui du Gaillet. Elle brûle à la flamme d’une bougie avec une flamme longue et fuligineuse. Elle se conserve à l’air très-long¬ temps et ne tombe pas spontanément en poudre. Elle colle au feu et serait très-bonne pour le travail de la forge et pour le chauffage des chaudières à vapeur; enfin, elle ne laisse qu’une très-petite quantité de cendres (0,0150 à 0,0574) et ne renferme que très-peu de pyrite de 0,0000 à 0,0009. Si maintenant on compare le combustible du basalte de Dellys aux indices de lignite trouvés dans les grès du terrain tertiaire moyen de Dellys, on observera de grandes différences. Les li- gnites du terrain tertiaire sont très-friables; ils renferment bien plus de cendres (0,1217 à 0,1873), moins de charbon fixe (0,345 à 0,463), et beaucoup plus d’eau hygrométrique (0,100 à 0,1370), Aussi leur pouvoir calorifique est bien moindre. Ils donnent par la distillation des eaux acides et laissent un coke tendre, friable et sans éclat. Les indices de combustible du grès tertiaire moyen de Ti- ziouzou, quoique plus purs que ceux du grès tertiaire moyen de Dellys, ont toutes les propriétés des lignites, et s’écartent par conséquent des deux variétés de combustible du basalte de Dellys. On voit par ce qui précède que les indices de combustible minéral des environs de Dellys paraissent se rapporter à deux classes essentiellement distinctes de combustible ; les uns sont contenus à l’état de nodules, plaquettes et veinules dans les grès tertiaires moyens, et sont du véritable lignite; les autres NOTE DE M. VILLE, 059 sont contenus dans le basalte, à l’état de fragments ayant la plupart des caractères extérieurs et des propriétés chimiques des houilles, soit grasses, soit maigres. Il nous reste à examiner la nature des cendres, à la comparer à la nature des roches stratifiées que nous avons observées jus¬ qu’ici, et à rechercher l’influence que la roche éruptive peut avoir exercée sur le combustible minéral qui l’encaisse. Les matières terreuses de la variété sèche n° î sont formées d’argile, de peroxyde de fer, de carbonate de chaux, toutes substances que l’on trouve aussi bien dans les houilles que dans les lignites. Les matières terreuses des variétés grasses nos 2 à 6 sont for¬ mées d’argile et de carbonates de chaux etde magnésie. Le car¬ bonate de magnésie est en quantité à peu près égale et souvent supérieure à celle du carbonate de chaux, ce qui dénote dans ces combustibles la présence de la dolomie accompagnée d’un excès de carbonate de magnésie. Les différentes matières étrangères que nous venons d’énu¬ mérer sont intimement mêlées au combustible. Diaprés M. Ber- thier, le mélange intime du carbonate de chaux est assez rare dans la houille proprement dite, parce que les couches de combustible sont presque toujours intercalées dans les roches argileuses, même dans les terrains calcaires. Le carbonate de chaux, au lieu d’être intimement mélangé dans les houilles, s’y rencontre assez fréquemment en parties séparées, cristal¬ lines, ou en minces feuillets disposés entre les lames, ce qui n’est pas le cas pour le combustible englobé dans le basalte de Bellys. La roche bitumineuse avec veines de combustible n° 8 ren¬ ferme 0,6572 de matières terreuses formées d’argile, de per¬ oxyde de fer et de carbonates de chaux, de magnésie et de fer. Les matières terreuses contiennent sur 100 parties 76 pour 100 de carbonates dans lesquels, pour 1 partie de carbonate de fer, il y a 1 partie de carbonate de magnésie et 3 parties de carbo¬ nate de chaux. L’on sait que cette roche est adhérente à une veine de com¬ bustible pur, et, d’après M. Berthier, cette association d’une roche calcaire avec de la houille est un cas tout à fait excep¬ tionnel. L’association du calcaire et du lignite est, au contraire, un fait très-fréquent, et nous en trouvons une preuve dans la composition des lignites du terrain tertiaire moyen de Dellys et de ïiziouzou, 660 SÉANCE DU 4 MAÏ 1868. Les matières terreuses du lignite brun friable du grès ter¬ tiaire de Dellys contiennent 45 pour 100 de carbonates de chaux, de magnésie et de fer, qui tous trois sont en proportion à peu près égales. Les matières terreuses du lignite noir, friable, de la carrière de grès du sieur Galla à Dellys, contiennent 39 pour 100 de carbonates de chaux et de magnésie qui sont entre eux dans le rapport de 5 à 2. Les grès tertiaires qui enclavent ces lignites contiennent 0,0927 à 0,1633 de carbonates de chaux, de magnésie et de fer. Tantôt ces carbonates sont en proportions à peu près égales, comme dans le lignite brun de Dellys, tantôt le carbonate de fer étant 1, le carbonate de magnésie est 3,11, le carbonate de chaux, 3,88; ainsi le carbonate de fer peut diminuer très- notablement, comme dans le lignite noir de la carrière du sieur Galla, qui n’en renferme pas. Les grès tertiaires moyens de Tiziouzou contiennent 0,480 d’argile et 0,520 de carbonate terreux, dans lesquels le carbo¬ nate de fer étant 1, le carbonate de magnésie est 0,83, le car- nate de chaux, 5,43. Nous avons fait connaître dans un mémoire précédent la composition d’un calcaire hydraulique du terrain tertiaire moyen de Tiziouzou. Cette roche renferme 3,833 de carbonate terreux dans lesquels le carbonate de fer étant 1, le carbonate de magnésie est 6 et le carbonate de chaux, 9,3. Ainsi les roches des terrains tertiaires moyens de Dellys et de Tiziouzou renferment des quantités très-notables de carbo¬ nates de chaux, de magnésie et de fer. Il y a parmi elles des cal¬ caires dolomitiques et ferrugineux qu’on exploite à Tiziouzou pour faire de la chaux hydraulique. A la pointe du cap Bengut, il y a, au milieu des grès à indices de lignite, une couche de cal¬ caire argileux de0m20 d’épaisseur contenant 25 pour 100 d’acide carbonique. La roche calcaire bitumineuse n° 8, page 655, a une grande analogie de composition avec la partie calcaire des grès ter¬ tiaires de Dellys et de Tiziouzou et avec les roches calcaires tertiaires des mômes localités, et dès lors elle peut appartenir au terrain tertiaire moyen. Les matières terreuses des échan¬ tillons de houille grasse, nos 2 à 7, se rapprochent également par leur richesse en carbonate de chaux et de magnésie des matières terreuses contenues dans le lignite brun ou noir du terrain tertiaire moyen de Dellys. Aussi, en tenant compte de NOTE DE M. VILLE. 661 la composition particulière des matières terreuses intimement mélangées au combustible englobé dans le basalte de Delîys, on est conduit à rapprocher ce combustible du lignite contenu dans le terrain tertiaire moyen, et à expliquer les différences de propriétés chimique et physique de ces deux espèces de combustibles par l’action que la roche éruptive aura exercée sur les fragments de lignite qu’elle a englobés. Cette action n’est pas du reste un fait nouveau dans les annales de la géo¬ logie. Le mont Meissner en offre un exemple bien remarquable. D’après M. Delesse (Etudes sur le métamorphisme , Annales des mines , 4e livraison de 1857), on exploite au mont Meissner une couche de lignite de 6 à 30 mètres de puissance. Par-dessus, se trouve constamment une argile plastique qui forme une couche dont l’épaisseur varie de 0m15 à lm70. Enfin le tout est recouvert par un énorme amas de roches basaltiques dont l’é¬ paisseur atteint près de 200 mètres. Dans sa partie supérieure, le lignite a subi des métamor¬ phoses, qui sont de plus en plus faibles, à mesure qu’on s’éloigne du basalte, et, à une certaine distance, il est d’ailleurs à l’état normal. A 100°, le lignite jayet de Meissner dégage 0,0907 d’eau et l’anthracite 0,0363. A 100°, la variété grasse du basalte de Del- lys dégage 0,0300 à 0,0450 d’eau et le lignite tertiaire de Dellys en dégage 0,1000 à 0,1370. On voit par là qu’il y a beaucoup d’analogie entre les di¬ verses variétés de combustible tertiaire du mont Meissner et les diverses variétés qu’on trouve à Dellys, soit dans le terrain tertiaire, soit dans la roche éruptive. Le lignite du Meissner a pris la structure prismatique ; il est changé en anthracite, dans la partie la plus rapprochée du basalte; à mesure qu’il s’en éloigne, il se transforme successivement en houille sèche, puis en jayet ou en lignite compacte, et enfin la partie la plus éloi¬ gnée du basalte est restée à l’état normal. Rien ne s’oppose dès lors à ce que le lignite tertiaire de Dellys ait subi les mêmes transformations, en se trouvant emprisonné au milieu de la roche basaltique ou trappéenne. On ne doit pas s’étonner de ne pas avoir trouvé de fragments de coke dans cette dernière roche. Les nombreuses observa¬ tions faites sur le métamorphisme opéré par le contact des roches trappéennes et basaltiques, rapportées par M. Delesse dans le mémoire déjà cité, montrent que ces roches, lors de leur apparition au jour, avaient parfois une température infé- 662 SÉANCE DU 4 MAI 1868. rieure à celle qui était nécessaire à la production du coke. Aussi M. Delesse dit au sujet des fragments de combustible englobés dans la roche trappéenne de Dellys, qu'ils lui parais¬ sent provenir d'un peu de lignite intercalé dans le irapp et méta¬ morphosé par lui. La comparaison des matières terreuses con¬ tenues dans ce lignite avec les grès et les calcaires dolomitiques du terrain tertiaire moyen de Dellys et Tiziouzou ajoute un nouveau poids à cette opinion; ce n’est cependant qu’une hy¬ pothèse, très-vraisemblable il est vrai, et qui deviendrait plus certaine, si l’on avait trouvé dans le basalte du combustible identique avec celui du grès tertiaire de Dellys, ou réciproque¬ ment. On pourrait objecter à cette hypothèse que, dans l’exemple du mont Meissner, les transformations successives du lignite se présentent à mesure qu’on se rapproche de la roche basaltique, tandis qu’à Dellys c’est dans l’intérieur même de la roche éruptive que l’on trouve, soit de la houille grasse, soit de la houille sèche. On peut s’étonner, au premier abord, que la même roche éruptive agissant directement sur des fragments de lignite ne les ait pas transformés de la même manière, soit en houille grasse, soit en houille sèche. Nous ré¬ pondrons à ceci, que les divers fragments de combustible ne se trouvent pas groupés ensemble dans la même fente de la roche trappéenne. Ils sont isolés un par un. Dès lors, rien ne prouve qu’ils proviennent d’un même gros fragment du lignite primitif. Or, ce lignite n’a pas partout une composition iden¬ tique. Le lignite brun chocolat et le lignite noir recueillis à quelques mètres de distance l’un de l’autre dans les grès ter¬ tiaires renferment des proportions assez différentes de matières bitumineuses et de charbon. Ils diffèrent encore plus du lignite tertiaire moyen de Tiziouzou et du lignite tertiaire moyen du cap Matifou. Ce lignite a une densité de 1,362 et un pouvoir calorifique de 6157cal, pouvoir plus élevé que pour les autres lignites. Il n’est donc pas étonnant que la roche éruptive, en agissant d’une manière semblable sur des fragments de combustible de nature différente, ait donné lieu en définitive à des produits différents. En outre, alors même que les divers fragments de combus- tible englobé dans le basalte proviendraient d’un même frag¬ ment de lignite primitif, on peut s’expliquer encore leur diffé¬ rence de composition. En effet, la roche éruptive n’ayant pas une composition bien homogène n’aura pas exercé en tous ses NOTE DE M. VILLE. 663 points une modification identique sur les corps étrangers en¬ globés dans cette roche, et dès lors ceux-ci présenteront une composition différente à la suite de ces modifications ; en se¬ cond lieu, les études de M. de Marsilly sur les bouilles qui ali¬ mentent le marché de Paris et le nord de la France ( Annales des Mines , 5e livraison de 1857) démontrent que certaines houilles perdent leur principe gras par l’exposition à Pair. Or, tous ces échantillons de combustible qui ont été recueillis dans le basalte de Dellys sont contenus dans des fentes natu¬ relles de la roche, fentes qui donnaient à Pair et à Peau un accès plus ou moins facile jusqu’à ces fragments de combustible; on comprend dès lors qu’il y ait parmi ces fragments des différen¬ ces dans les proportions du principe gras qu’elles renferment. Quelquefois le métamorphisme d’un combustible, au contact d’une roche éruptive, est très-faible ou presque nul; c’est ce qui a lieu, par exemple, à la Chaussée des Géants, où la roche trappéenne s’est répandue sous forme de nappes sur une couche de lignite qui n’a. été nullement altérée. Un fait semblable se présente à l’extrémité septentrionale du bassin houiller de Com- mentry, car un dyke de porphyre de Brassac coupe la houille, qui n’est pas altérée par son contact et qui est restée flam¬ bante (Boulanger, Statistique géologique de V Allier). De ce que les roches trappéennes ou porphyriques n’im¬ priment parfois aucune modification aux combustibles avec lesquels elles sont en contact, on pourrait conclure que le com¬ bustible englobé dans le basalte de Dellys n’a subi aucune trans¬ formation, et qu’il a été arraché dès lors à un gîte réel de houille existant quelque part en profondeur. En envisageant cette nou¬ velle interprétation des faits, on a prétendu que ces fragments de combustible ont été arrachés au terrain houiller propre¬ ment dit, et que les grès de Dellys, étant formés principalement de débris arrachés aux terrains cristallins, granité, quartz, gneiss, micaschiste, calcaire saccharoïde, et contenant des em¬ preintes végétales carbonisées et quelques indices de combus¬ tible, étaient eux-mêmes de véritables grès houillers. Dès lors, il devenait rationnel de faire des sondages verticaux dans ces grès, dans les points où les couches sont le moins dérangées de l’horizontale. Nous avons démontré plus haut que les grès de Dellys appartiennent au terrain tertiaire moyen proprement dit. Leur composition minéralogique ne prouve absolument rien pour leur âge. On sait que les éruptions granitiques se sont montrées dans toutes les périodes géologiques, depuis les SÉANCE DU 4 MAI 1868. 064 terrains les plus anciens jusque dans les terrains tertiaires les plus récents. Ainsi, pendant le dépôt d’un terrain neptunien d’une période quelconque, il y avait des granités déjà émergés, dont les débris ont pu s’accumuler au fond des mers dans les¬ quelles se déposaient des couches régulièrement stratifiées. Tous les terrains plus ou moinssanciens constituant les continents ont contribué également à la formation de ces couches. On pourra donc trouver dans les terrains stratifiés de n’im¬ porte quel âge des débris de roches cristallines. 11 y en a dans les terrains houillers, aussi bien que dans les terrains quater¬ naires et les terrains d’alluvions. Les terrains tertiaires moyens de Dellys et de Tiziouzou sont très-riches en débris de roches cristallines, parce qu’ils ont été formés en partie aux dépens de roches de cette nature, qui sont très-développées dans la Ka- bylie. En beaucoup de points on voit le contact immédiat du terrain tertiaire moyen et des terrains cristallins en place, dont les débris se retrouvent dans le terrain tertiaire; et l’observa¬ tion de l’inclinaison des couches montre que de nouvelles ré¬ volutions géologiques ont affecté et soulevé simultanément les terrains cristallins et tertiaires postérieurement au dépôt de ces derniers. Du reste, le terrain tertiaire moyen n’est pas ex¬ clusivement. formé de débris de roches cristallines; on y trouve aussi, à Dellys même, des blocs roulés de grès et de calcaire arrachés au terrain nummulitique (terrain tertiaire inférieur). Nous avons signalé dans le poudingue tertiaire de l’Oued- Haouadja, à 36 kilomètres S. O. de Dellys, des blocs roulés de calcaire pétri de Nummulites. Divers fossiles caractéristiques du terrain tertiaire moyen ( Flabellum exlensum , Dentalium , Scu- tella, Ostrea crassissima) se montrent en place dans les roches tertiaires de Tiziouzou, d’Azib-Zamoun, d’Oued-Tamdiret... Les caractères stratigraphiques, pétrologiques et conchyolo- giques concordent tous pour faire classer les grès de Dellys dans le terrain tertiaire moyen, et non pas dans le terrain houiller. Il faudra donc rechercher le terrain houiller au-dessous du grès tertiaire de Dellys, dont l’épaisseur peut être déjà très- considérable; car, au pied du Tamgoutdes Beni-Koufi, elle at¬ teint près de 1,000 mètres, et au S. de Boghar l’épaisseur de la formation tertiaire dépasse 4,000 mètres. Or, rien ne démontre que le terrain houiller existe réelle¬ ment sous la verticale de Dellys. Le terrain tertiaire y repose directement sur le terrain nummulitique qu’il faudra également NOTE DE M. VILLE. 665 traverser sur une épaisseur qui peut être considérable. Au-des¬ sous, le terrain crétacé qui est si répandu dans toute l’Algérie existe probablement encore, et nous en avons signalé un affleu¬ rement au pied du Tamgout des Beni-Koufi sous le terrain nummulitique. Plus bas encore, on trouvera peut-être le ter¬ rain jurassique, car il se montre dans le massif de l’Ouaren- cenis. Le grand développement du terrain crétacé, dans toute l’Al¬ gérie, nous cache presque partout les terrains plus anciens qu’il recouvre; mais d’après les observations faites par M. Co- quand, dans la province de Constantine, on sait que l'étage du trias, qui est inférieur au terrain jurassique, existe dans cette région. Cette énumération suffit pour démontrer que la recherche du terrain houiller par un sondage vertical qu’on entrepren¬ drait aux environs de Dellys pourrait être arrêtée dès les pre¬ miers pas, à cause de la grande profondeur que ce sondage devrait atteindre; ce travail serait inexécutable par les moyens qui sont actuellement à la disposition de l’industrie. Admettons cependant que le terrain houiller existe réelle¬ ment sous le sol aux environs de Dellys, et qu’il ait fourni les fragments de combustible trouvés dans le basalte. Outre la difficulté matérielle de l'atteindre par un sondage, à cause de la grande profondeur à laquelle se trouve sans doute le gîte de houille, on ne pourra rien préciser sur le point où il serait con¬ venable de placer le sondage. En effet, quoique les roches éruptives constituent dans le cercle de Dellys des masses plus ou moins considérables et isolées les unes des autres, on n’a encore trouvé de combustible qu’en un seul point, auprès du cap Bengut. Or, le jet éruptif qui a porté au jour les fragments de combustible peut venir d’un point quelconque de l’horizon, soit du côté de la terre ferme, soit du côté de la mer. Dès lors on peut exécuter un très-grand nombre de sondages qui seront inutiles par suite du mauvais emplacement qui aura été choisi pour l’ouverture du trou de sonde. L’hypothèse que le combustible trouvé dans le basalte de Dellys provient du terrain houiller est, au reste, complètement gratuite. Dans les explorations géologiques que nous avons faites en¬ tre Dellys et le Djurjura, nous n’avons vu affleurer nulle part le terrain houiller proprement dit, et, si ce terrain existait sous Dellys, il nous paraît probable que nous l’aurions vu affleurer 666 SÉANCE DU 4 MAI 1868. en Kabylie ou sur le Bjurjura, à cause des redressements con¬ sidérables que montrent les couches stratifiées autour de ce massif montagneux. Nos recherches à cet égard n’ont été que trop vaines, et nous le regrettons bien vivement. Nous ferons observer en outre que d’autres terrains que le terrain houiller renferment de la houille. On en a signalé dans le terrain jurassique, dans le terrain crétacé et môme dans le terrain tertiaire; seulement, ce sont des gîtes exceptionnels, et l’on ne peut entreprendre des recherches par des sondages verticaux sur les gîtes de cette nature, que lorsqu’on y a re¬ connu des affleurements réguliers, plongeant dans des direc¬ tions bien déterminées. Dans le terrain houiller lui-même, bien caractérisé par ses fossiles végétaux et animaux, les recherches par sondages verticaux dans des couches peu dérangées de l’horizontale sont toujours logiques, parce que la houille est une des roches constitutives essentielles du terrain houiller, et que dès lors il y a grande probabilité qu’on la trouvera en pro¬ fondeur, bien qu’on ne l’observe pas dans les couches plus su¬ perficielles. Or, à Dellys, on ne voit affleurer le terrain houiller nulle part ; on ne le voit pas davantage dans un grand rayon autour de Del¬ lys, même dans les régions où les couches fortement redressées permettent de porter un œil investigateur dans le cœur même des formations stratifiées de divers âges. Aller à la recherche du terrain houiller d’après des indications aussi vagues que celles qu’on a pu recueillir jusqu’à ce jour serait un acte que rien ne justifie à priori , et qui probablement conduirait à un insuccès. Mais, dira-t-on, si le combustible du basalte de Dellys n’a pas été arraché au terrain houiller lui-même, il n’en est pas moins un combustible de très-bonne qualité, susceptible de servir comme la houille à tous les usages industriels, et ce se¬ rait rendre un bienfait immense à l’Algérie, si l’on pouvait en découvrir un gîte considérable, facilement accessible à nos moyens d’exploitation; ceci est incontestable. Voyons seule¬ ment si cette hypothèse s’accorde avec les faits qui ont été ob¬ servés jusqu’à ce jour. Or, d’après tous ces faits, il est probable que ce combustible n’est autre chose que du lignite tertiaire modifié par son contact avec la roche trappéenne qui l’englobe. Des modifications -semblables se sont présentées en d’autres lieux, et notamment au mont Meissner. La composition des matières terreuses renfermées dans le NOTE DE M. VILLE. 667 combustible du basalte de Dellys est à peu près la même que celle des grès et des calcaires tertiaires de Dellys et de Tiziou- zou. Ce sont des faits positifs qui viennent à l’appui de notre opinion; celle-ci n’est donc plus une hypothèse tout à fait gra¬ tuite, comme celle qui fait provenir les combustibles englobés dans le basalte de Dellys du terrain houilîer proprement dit. Dans ce nouvel ordre d’idées, ce combustible appartiendrait au terrain tertiaire moyen, et cela ne saurait être extraordi¬ naire, parce que les grès tertiaires de Dellys renferment eux- mêmes des indices de lignite, qu’ils ont été traversés en cer¬ tains endroits par des roches trappéennes, et qu’en d’autres points celles-ci ont formé des nappes régulières associées en stratification concordante aux grès tertiaires eux-mêmes. On doit se demander maintenant quelles sont la puissance, l’éten¬ due et la position topographiques du gîte de lignite tertiaire dont les débris se retrouvent dans le basalte. En répétant le raisonnement déjà fait plus haut, un seul jet éruptif ayant amené au jour ces débris de lignite et pouvant venir d’un point quelconque de l’horizon, on ne peut rien dire sur l’étendue et la position topographique du gîte de lignite; en outre, les frag¬ ments de lignite trouvés dans le basalte n’ayant pas plus de 0m,04 d’épaisseur et étant en définitive très-peu nombreux, car jus¬ qu’à ce jour on n’en a pas trouvé en tout plus d’un décalitre, il est probable que le gîte de lignite a peu de puissance et qu’il est comparable aux plaquettes fort minces que l’on trouve dans les grès tertiaires de Dellys, de Tiziouzou et du cap Matifou. On ne doit donc pas se dissimuler que les chances de décou¬ vrir, par un sondage vertical , dans le terrain tertiaire moyen de Dellys, un gîte de combustible utilement exploitable, sont bien minimes. On en a encore une nouvelle preuve dans l’é¬ tude des roches tertiaires redressées verticalement sur la croupe rocheuse de Dellys. En suivant le littoral, on passe successive¬ ment en revue une très-grande partie des couches tertiaires, bien mieux qu’on ne le ferait par un sondage vertical traver¬ sant les mêmes couches supposées horizontales. Or, dans toutes ces couches de grès et marnes, nulle part il n’y a de traces d’une couche régulière de combustible, quelque minime qu’elle fût. Le lignite se présente toujours par nodules, veines et pla¬ quettes isolés, comme à Tiziouzou, au cap Matifou, à Ténès. Un sondage vertical n’en apprendra probablement pas plus que l’examen de cette coupe naturelle, et, puisqu’on ne trouve nulle part aux environs de Dellys un affleurement régulier de 668 SÉANCE DU 4 MAI J 868. couche véritable de lignite plongeant dans une direction dé¬ terminée, il nous paraît difficile que des recherches par son¬ dages verticaux puissent amener de bons résultats. Ainsi, dans tous les cas, soit que les fragments de combus¬ tible englobés dans le basalte de Dellys proviennent d'une vé¬ ritable couche de bouille (ce qui est très-peu probable) , soit qu’ils proviennent d’une simple lentille de lignite tertiaire en¬ traînée par le basalte (hypothèse beaucoup plus probable que la précédente), on voit que les chances de succès de trouver ce dépôt de combustible au moyen de sondages verticaux sont très-minimes, et qu’une compagnie qui entreprendrait des son¬ dages de cette nature doit s’attendre à des mécomptes de toute espèce et sera exposée à engloutir en pure perte des sommes très-considérables. Terrain quaternaire . — A partir de l’Oued-el-Houmara , qui limite à l’ouest le massif basaltique du cap Djinet, il y a, le long de la rive droite de Tisser, un cordon diluvien dont le sol est argilo-sableux et découpé par des ravins de 5 à 6 mètres de profondeur. Le pied en est recouvert par le plateau alluvien qui longe les deux rives de Tisser. Sur le plateau quaternaire de Sidi-Foukani on remarque de gros blocs roulés de basalte gris foncé et de pétro-silex rose. Il y a aussi de petits cailloux de quartz blanc opaque et des ga¬ lets de quartzite gris de la grosseur du poing. Tous ces débris roulés sont disséminés dans une gangue argileuse brune ou rou¬ geâtre, et cette dernière couleur domine souvent. C’est à la dé¬ composition du pétro-silex qu’on doit attribuer sans doute la présence de la potasse dans les eaux de Sidi-Foukani. Cette base est très-rare dans les eaux de l’Algérie. Entre l’embouchure de TOued-Isser et celle de TOued-Se- baou il y a sur le bord de la mer un cordon littoral presque continu formé par un plateau de terrain quaternaire. Sa ligne de crête est de 10 à 12 mètres au-dessus d’un plateau inférieur qui semble n’être qu’une laisse de mer. Le terrain quaternaire se compose d’assises plus ou moins épaisses et sensiblement horizontales de sables quartzeux micacés, cimentés par une pâte argilo-ferrugineuse rougeâtre, formant une sorte de grès qui s’égrène facilement entre les doigts. On y remarque dissé¬ minés de nombreux galets bien arrondis de quartz blanc lai¬ teux, quelques galets de micaschiste, de gneiss, de grès rou¬ geâtre, de quartzite. Il renferme aussi quelques galets de ba- NOTE DE M. VILLE. 669 salte, et il recouvre lui-même le basalte qui affleure en une bande étroite, au pied de l’escarpement nord du diluvium, sur une certaine étendue. C’est ce qu’indique la coupe suivante, menée du N. O. au S. E., à 4 kilomètres O. de l’embouchure du Sebaou. S. E. N. O. Méditerranée. A Alluvîon. TQ Terrain quaternaire. TT Terrain tertiaire moyen. B Basalte. L’Oued-Sebaou, dont le bassin géographique est si considé¬ rable, remonte au S. E. jusqu’aux cimes du Djurjura et pré¬ sente le long de ses bords de nombreux témoins de la période diluvienne. Nous signalerons un plateau quaternaire au camp de Sikh-ou-Meddour, situé au confluent de l’Oued-Aïssi et de l’Oued-Sebaou. On trouve des plateaux semblables : 1° Sur la rive droite de l’Oued-Sebaou , au débouché de la route carrossable d’Azib-Zamoun à Dellys ; 2° Sur la rive gauche de la rivière, auprès de Souk-et-Tnin, à 20 kilomètres sud de l’embouchure ; 3° Auprès de cette embouchure. Là on remarque sur la rive droite un plateau incliné vers la mer et formé de détritus de roches tertiaires noyés dans de la terre rouge. Un terrain stratifié de 10 mètres de hauteur sur 25 mètres de largeur à la base indique le niveau que ces détritus atteignaient autre¬ fois. Le terrain quaternaire est représenté à Dellys par une car¬ rière de terre rouge argileuse que l’on emploie dans la fabrica¬ tion des mortiers. A l’est de Dellys il se montre de loin en loin sur le rivage de la mer en lambeaux isolés composés de cou¬ ches de poudingue plongeant très-légèrement vers le nord. Les plateaux qui en résultent sont coupés d’une manière abrupte du côté du rivage, et leurs corniches s’élèvent à 15 ou 20 mè¬ tres au-dessus du niveau des eaux. On trouve, au milieu de ces poudingues récents, quelques coquilles marines (. Pecten , moule) identiques avec celles qui vivent actuellement dans la Méditer- 670 SÉANCE DU 4 MAI 1868. ranée. Ses couches reposent en stratification discordante sur celles du terrain nummulitique. On en trouve un bon exemple dans la coupe suivante, prise sur la pointe rocheuse qui abrite la petite rade des ruines romaines de Tagsebt. Les grès sableux quaternaires en assises sensiblement hori¬ zontales forment une calotte de 5 mètres d’épaisseur au-dessus des assises tourmentées du terrain nummulitique. Celles-ci se composent de marnes schisteuses grises, ondulées, conte¬ nant des plaques minces de calcaire gris compacte ou cris¬ tallin. Le Secrétaire communique la note suivante de M. Pérou sur la géologie de la Corse. Observations sur le terrain tertiaire du sud de la Corse à propos de la note de M. Tabariès de Grandsaignes sur la géologie de cette île ; parM. A. Péron, A la suite d’un voyage dans l’île de Corse, notre confrère, M. Tabariès de Grandsaignes, vient de publier dans le Bulletin de la Société un aperçu général de la géologie de cette île. Pour quiconque connaît la Corse, il devient évident que, pour un aussi court espace de temps, cet observateur a beaucoup vu et bien vu. On conçoit néanmoins qu’il lui a été impossible, dans un examen aussi rapide, d’étudier à fond toutes les ques¬ tions qu’il soulève, et par conséquent d’être toujours dans le vrai dans toutes ses assertions. Un séjour de dix-huit mois en Corse m’a permis de faire sur certains points des études plus approfondies. Sur certaines questions que je considère comme frès-importantes pour la géologie du pays, je me trouve avec NOTE DE M. PÉRON, 671 M. Tabariès dans un désaccord tel que je crois devoir pré¬ senter dès maintenant quelques observations, quoique j’aie le projet de publier un mémoire sur la géologie du sud de la Corse. Les assertions qui, dans l’aperçu de M. Tabariès de Grand- saignes, ne me paraissent pas exactes, sont celles qui ont rap¬ port au terrain miocène des environs de Bonifacio. Tout d’abord, ce géologue, n’ayant pu reconnaître l’ensemble du terrain, a méconnu sa disposition et a été amené pour sa puissance à une évaluation très-éloignée de la réalité. Partant de cette croyance, que les couches miocènes, sous Bonifacio, sont hori¬ zontales, et supposant, d’après la composition toute granitique des couches qui forment le bas de la falaise, que le granité doit être tout près de ces dernières, notre confrère arrive, d’après la hauteur de la falaise, à estimer à 70 mètres environ la puis¬ sance du terrain miocène de Bonifacio. La réalité est que cette série d’assises qui forme la falaise à l’escalier du roi d’Aragon, où M. Tabariès l’a examinée, ne compose que la partie supé¬ rieure de l’étage. Tout cet autre ensemble de couches qui, à Bolistro, à Capo*Bianco dans le golfe de Santa-Manza, à Cala- finmara, sur la côte qui fait face à la Sardaigne, etc., contien¬ nent tant et de si beaux fossiles, et en particulier des échinides, tout cet ensemble, dis-je, est inférieur à la mollasse de Bo- nifacio. Les couches de ces terrains, en effet, ne sont pas horizon¬ tales, comme a pu le croire notre confrère, d’après l’examen de quelques portions disloquées et isolées ; l’ensemble, au con¬ traire, plonge assez uniformément du nord-est au sud-ouest ; c’est donc par conséquent en remontant cette direction que les explorateurs doivent chercher les couches qui forment la base de l’étage. La vérification de ce fait est facile. Sans entrer dans de grands détails, je puis en quelques mots indiquer la marche à suivre aux voyageurs qui visiteront ces parages. Si, partant de cet es¬ calier du roi d’Aragon, qui permet de descendre au pied de la falaise, en dessous même de Bonifacio, nous prenons pour point de repère cette couche de mollasse granitique à gros grains, à dents de poisson, qui a attiré l’attention de M. Tabariès, il nous sera facile, en suivant la falaise, soit sur les rochers, soit en barque, de voir que cette couche, à l’ouest de l’escalier, s’abaisse de plus en plus et finit par disparaître sous l’eau à 60 mètres environ à l’ouest de la grotte Saint-Barthélemy, A 672 SÉANCE DU 4 MAI 1868. l’est de l’escalier, au contraire, cette couche s’élève de plus en plus au-dessus du niveau de la mer, et l’on voit d’autres puis¬ santes couches de mollasse émerger successivement. La couche que nous prenons pour repère est toujours assez facile à distin¬ guer de celles-là. Les fossiles y sont bien plus abondants et cer¬ tains d’entre eux, tels quel ’ Echinolampas scutiformis , les radioles et plaquettes de Cidaris avenionensis , suffisent pour labien carac¬ tériser. Les dents de poisson se rencontrent aussi presque exclu¬ sivement dans cette même couche. Dans les endroits où elle est plus friable, on peut recueillir assez abondamment des dents de Lamna , d ’Otodus et de Spherodm , et également, mais en moins grande quantité, celles du Carcharodon auriculatus et de V Hemipristis serra. A l’escalier du roi d’Aragon cette zone fos¬ silifère se trouve à 5 mètres de hauteur au-dessus de l’eau; à moitié chemin entre ce point et le cap Pertusato elle est déjà à 30 mètres de hauteur, et à la falaise au-dessous du phare elle se trouve à 50 mètres. Si enfin nous continuons à suivre la fa¬ laise au delà de ce point, nous voyons, près de la petite fon¬ taine de Calafinmara, aux couches de mollasse plus ou moins grossière succéder des assises de calcaire fin, puis des marnes très-argileuses, puis des sables qui se terminent enfin par un calcaire très-grossier, caverneux, lequel repose sur le granité et en nivelle les inégalités. C’est dans ce dernier ensemble de couches que gisent les beaux fossiles; c’est donc de ce côté que les amateurs de beaux échantillons doivent porter leurs pas. En résumé, des différentes mesures que j’ai pu prendre il résulte que la puissance totale de l’étage miocène, aux environs de Bonifacio, doit être évaluée à 150 mètres au moins, et non à 70 mètres, comme l’a supposé notre confrère. 11 est maintenant une autre question, plus importante encore à certains points de vue, au sujet de laquelle je ne puis ad¬ mettre les idées émises par M. Tabariès de Grandsaignes. Je veux parler de l’origine de la grotte Saint-Barthélemy et de celle du lac d’eau douce qu’on y trouve. Pour bien faire com¬ prendre ma pensée, je suis obligé d’entrer dans quelques dé¬ tails, mais je me bornerai à ceux qui sont strictement indispen¬ sables. Bonifacio, comme on le sait, est bâti sur une presqu’île calcaire, longue, étroite et bordée de tous les côtés par une falaise à pic, de plus de 60 mètres de hauteur. Vers les deux tiers environ de cette presqu’île, au niveau de la mer, se trouve une petite grotte perpendiculaire à la côte, au fond de laquelle NOTE DE M. PÉRON. 673 s’étend une petite nappe d’eau douce. L’eau étant très-rare à Bonifacio, et la citadelle, dont les terrains s’étendent au-dessus de la grotte, n’étant elle-même alimentée que par des citernes, le génie militaire a eu l’idée d’utiliser cette nappe d’eau en creusant à travers les couches calcaires un puits qui permît l’accès de la grotte. Ce puits a été creusé en effet. C’est un grand travail et une des curiosités de Bonifacio. Tous les touristes qui parcourent ce pays ne manquent pas de le visiter, et chacun d’eux naturellement émet une opinion sur l’origine et l’exten¬ sion de cette nappe d’eau douce si singulièrement placée entre les deux mers au milieu de couches calcaires très-résistantes. Un grand nombre d’opinions très-contradictoires ont été ainsi émises, et quelques-unes ont eu pour résultat de faire croire dans Bonifacio à l’existence d’un grand lac souterrain qui s’éten¬ drait sous toute la ville. Notre confrère, M. Tabariès, suppose que la grotte Saint- Barthélemy n’est pas due à l’action érosive des eaux de la mer, mais bien à celle d’un courant souterrain, et il croit que l’amas d’eau douce est le produit du déversement d’un cours d’eau in¬ térieur beaucoup plus que des quelques infiltrations qui suin¬ tent du haut de la voûte (1). Cette opinion ne me paraît pas supporter un examen un peu approfondi. La presqu’île calcaire qui porte Bonifacio est cassée en plu¬ sieurs endroits, et les failles qui en résultent, toutes parallèles et dirigées du nord-ouest au sud-est, coupent cette presqu'île dans toute sa largeur. À chacune de ces failles correspond un petit étranglement dans la largeur de la presqu’île, en même temps qu’une cavité au bas de la falaise dans la partie battue par les flots. La partie extérieure de ces falaises est surtout exposée à l’action de la mer; aussi les affouillements sont-ils très-nombreux dans cette partie, et on est sûr d’en trouver toutes les fois qu’une couche un peu friable est exposée aux chocs des vagues. Dans la presqu’île, ces affouillements sont particulièrement profonds aux quelques endroits où se mon¬ trent les failles. Le trou Saint-Barthélemy est précisément placé dans le bas de la première de ces failles. Si, sortant de la grotte par l’ouverture qui donne sur la mer, on gagne à quelque dis¬ tance les blocs de rochers d’où l’on peut voir l’ensemble de la falaise, ce fait ne laisse plus aucun doute. Ainsi que le montre (i) Bull . de la Soc. géol ., t. XXV. Soc. géol., 2e série, tome XXV. 43 674 SÉANCE DU 4 MAI 1868. l’élévation ci-dessous, prise du point que j’indique, la netteté des strates et les caractères particuliers à chacune d’elles per¬ mettent de constater la hauteur du dénivellement. De plus, il n’y a pas eu simple dénivellement, il y a eu en¬ core un léger ploiement qui a fait baisser l’extrémité supérieure de la faille et a comprimé et broyé les couches inférieures. La mer a donc eu toute facilité, en battant cette muraille, à se frayer et à agrandir un chemin déjà si bien amorcé. A l’époque actuelle, à la vérité, la mer n’atteint plus ce point de la falaise, mais c’est en raison même de sa propre action, puisque ce ne sont que les débris et les blocs éboulés qui protègent la grotte. Le trou Saint-Barthélemy doit donc son existence purement et simplement à l’action de la mer, comme tous les autres qui, le long de la côte, sont en voie de formation plus ou moins avancée. Il se prolonge constamment dans la direction de la faille et peut-être traverse-t-il toute la presqu’île, car, dans le port même de Bonifacio, on peut voir à l’extrémité de cette même faille une cavité qui paraît être le prolongement de la grotte. Le puits du génie militaire a été creusé dans le plan même de la faille, presque vers le milieu de la presqu’île. C’est cette raison même qui a rendu le forage si facile; car, souvent, au lieu de rencontrer une roche dure et résistante comme on le NOTE DE M. f'ÉRON. 675 croyait, on trouvait des amas de matières meubles et détritiques dont l’enlèvement était facile. C’est en raison encore de cette même circonstance qu’on a eu à déplorer des accidents dus à des éboulements qui n’auraient sans doute pas eu lieu si le puits eût été constamment foré en pleine roche. Telle est, selon moi, l’origine de la grotte. Quant à celle de la nappe d’eau douce, elle est due aux mêmes circonstances, et il n’est aucunement besoin de faire intervenir pour l'expli¬ quer ni un lac ni un cours d’eau intérieur. J’ai dit plus haut que toutes ces couches qui forment la falaise étaient inclinées du nord-est au sud-ouest. Plusieurs d’entre elles sont perméables, et, comme elles viennent successivement affleurer dans ces plateaux qui s’étendent à l’est de Bonifacio, elles s’y imbibent non-seulement des eaux fluviatiles, mais de l’eau des sources et des ruisseaux qui les traversent. Ces eaux emprisonnées entre les couches suivent leurs pentes, arrêtées qu’elles sont par quelques assises imperméables. Cesfaits, quand on examine la falaise sur un certain espace, deviennent évidents. Certaines couches résistantes et qui forment corniche sont cou¬ vertes de stalactites, et les suintements y sont si abondants que des vols nombreux de ramiers et d’autres oiseaux voyageurs peuvent constamment s’y désaltérer. Une grande quantité d’eau descend donc évidemment dans le massif calcaire qui forme la presqu’île, et là trouvant, grâce à la faille Saint-Barthélemy, un chemin plus facile, elle descend à travers les matières dé¬ tritiques et le long des parois de la faille pour venir former la petite nappe d’eau qui garnit le fond de la grotte. Quant à cette nappe elle-même, il est difficile de s’assurer de son importance, car elle s’étend dans une direction où l’abaissement de la voûte ne permet pas de pénétrer. Des expériences d’épuisement qui ont été faites permettent de croire le volume d’eau assez consi¬ dérable; mais, quel qu’il soit, les suintements des parois, qui sont beaucoup plus abondants que ne l’a cru notre collègue, me paraissent suffisants pour l’alimenter. Du reste, pour cette question, il y a lieu encore de tenir compte d’un autre phéno¬ mène. Le petit bassin d’eau douce, qui est situé à 40 ou 50 mè¬ tres du rivage, est sensiblement au même niveau que celui de la mer. Grâce à la faille et à la perméabilité des terrains qui la remplissent, aussi bien au-dessous qu’au-dessus du niveau de la mer, il y a une communication entre le lac et la mer, com¬ munication très-faible à la vérité, mais suffisante pour maintenir l’eau du lac à son niveau. La preuve en est, que cette eau du 676 SÉANCE DU 4 MAI 1868. lac est toujours un peu saumâtre, que cette salure augmente dans les temps de sécheresse, et enfin qu’elle a beaucoup aug¬ menté quand on a essayé de tarir le bassin. Telles sont les quelques observations que je désirais pré¬ senter sur ces questions controversées. J’aurais à en présenter d’analogues pour un grand nombre d’accidents de la côte, tels que le chenal étroit qui traverse le cap Percé [cayo Pertusalo ), la grande grotte de Sdragonato sur la côte ouest, la baie de Cayenna, les îles Fazzio, le port même de Bonifacio, car, dans ce terrain, tout accident topographique est la conséquence et la traduction d’un accident géologique, mais je réserve ces détails pour l’étude que je prépare sur les environs de Bo¬ nifacio. En terminant cette petite note qui s’adresse particulièrement aux voyageurs qui visiteront la Corse, je crois devoir leur adresser une recommandation. 11 existe sur le territoire de Ponte-Leccia, entre Corte et Bastia, une grotte des plus cu¬ rieuses et fort peu connue. Cette grotte est située à l’ouest du village dans ce massif de calcaire métamorphique où se trou¬ vent les mines de cuivre pyriteux et les carrières de marbre exploitées par M. Paiazzi de l’île Rousse. L’accès de ces grottes est difficile, un peu dangereux même, mais combien est récom¬ pensé le voyageur qui se décide à descendre dans ces cavités dont beaucoup de parties sont encore à explorer 1 M. Tombeck fait la communication suivante sur l’infra- lias de Chalindrey. Note sur l infra-lias de Chalindrey [Haute-Marne] ; par M. Tombeck. Un des gisements les plus remarquables de l’infra-lias, non- seulement à cause de la magnifique conservation des fossiles qu’on y recueille abondamment, mais parce qu’on peut y ob¬ server nettement le contact des dernières couches du lias avec les grès infra-liasiques, c’est celui que présentent les carrières de Chalindrey (Haute-Marne). J’ai donc cru intéressant de faire connaître une localité que beaucoup de géologues ont visitée dans ces derniers temps, mais que personne n’a encore dé¬ crite, que je sache. Le tunnel de Culmont, voisin de la gare de Chalindrey, est NOTE DE M. TOMBEGK. 677 ouvert dans les marnes et calcaires marneux du lias moyen ; la gare elle-même est construite sur ces marnes, qui y forment une butte de plus de 50 mètres d’élévation. Mais, par l'effet d’une faille qui traverse la gare, à quelques pas, on trouve à la surface du sol les calcaires à Gryphées arquées. Aussi, lors¬ qu’on suit la route qui mène de la gare au village de Torcenay, on rencontre d'abord, à sa droite, des carrières ouvertes dans le calcaire à Gryphées; puis, à peu de distance, la route des¬ cend dans un vallon profond, au fond duquel coule un petit ruisseau, et sur lequel est jeté le viaduc du chemin de fer. C’est de part et d’autre de ce vallon que se trouvent les car¬ rières ouvertes pour l’exploitation des grès infra-liasiques, et qui font l’objet de cette note. La coupe à peu près constante que l’on peut relever dans ces carrières est la suivante : A. Calcaires bleuâtres, altérés par places et pétris de Gryphées arquées . 1 m.à lm,50 B. Calcaires bleuâtres assez semblables aux premiers, mais moins altérés et sableux par endroits, avec de nombreuses Cardinies . 1 ,00 C. Calcaire roux sans fossiles . . 0 ,30 D. Marnes jaunâtres avec nodules calcaires . 0 ,50 E. Grès ferrugineux à Avicula contorta . . . 0 ,10 F. Grès blanc ou jaunâtre . . 4 ,00 La couche A est évidemment la base du lias inférieur. Ses caractères sont ceux que présente ce niveau à peu près par¬ tout. Seulement, l’action des agents atmosphériques en a mis souvent les fossiles en liberté, et l’on peut y recueillir en abon¬ dance P Ammonites bisulcatus , le Belemnites acutus , la Spiriferina Walcotti, la Gryphœa arcuata , etc. La couche B, avec ses Cardinies, représente exactement ce qu’on appelle la zone à Ammonites angulatus9 telle qu’elle se présente aux environs de Semur, à Autun, etc. Seulement elle a, à Chalindrey, un développement beaucoup moindre. Quand cette couche devient sableuse, ses nombreux fossiles se trouvent tout dégagés et se présentent alors avec un degré re¬ marquable de conservation. Les principaux fossiles que j’ai recueillis à ce niveau sont : Ammonites angulatus . — Burgundiœ . Jolinstoni . tortilis. 878 SÉANCE DU 4 MAI 1868. liasicus. Moreanus, planorbis. (deux autres espèces). (sept autres espèces). Myoconcha (deux espèces). Unicardium cardioides. Astarte (au moins trois espèces). Area (deux espèces). Pinna (deux espèces). Lima Hartmanni. Lima (quatre autres espèces). Mytilus (deux espèces). Ostrea irregularis? Montlivaltia (cinq espèces). Isastrœa , etc. — gigantea. sinemuriensis. Nautilus anglicus. Pleurotomaria principalis. anglica. cœpa. rotellœformis. Cerithium Quinetteum . Littorina clathrata. Chemnitzia Vesta. Trochus sinistrorsus. Cardinia Listeri. La couche C ne présente aucune espèce de fossiles. Néan¬ moins, sa position au-dessous de la couche B permet d’y voir, jusqu’à nouvel ordre, le représentant des couches désignées par Oppel sous le nom de zone à Ammonites planorbis , et qui, aux environs de Lyon, commeàAutun, sont caractérisées par le Pecten lugdunensis et le Diadema seriale. La couche D, peu épaisse à Ghalindrey, prend dans d'autres localités un développement considérable. A Parnot, à Proven- chères (Haute-Marne), etc., les quelques décimètres de marnes jaunes de ce niveau sont remplacés par 5 à 6 mètres de marnes bigarrées, qu’on pourrait prendre de prime-abord pour des marnes irisées. Cependant elles sont feuilletées par places, ce qui les distingue des vraies marnes irisées, qui ne présentent jamais de trace de stratification. Les marnes de ce niveau ne renferment pas de fossiles à Ghalindrey, mais les nodules qui y sont intercalés forment par¬ fois à leur base un lit continu de calcaire siliceux etlacuneux, contenant des cailloux roulés de quartz, et qui se lie intime¬ ment aux couches inférieures. G’est ce qu’on a appelé ailleurs le Bone-bed; on y trouve des dents de sauriens, des ver¬ tèbres, etc. Ce banc, de même que les marnes, est bien plus développé à Provenchères, où les débris de sauriens et de pois¬ sons abondent au milieu des galets de quartz. On voit dans le musée de Langres une patte admirablement conservée de sau- rien, qui a été trouvée à ce niveau dans les déblais du chemin de fer. La couche E a l’aspect d’un grès ferrugineux se délitant en plaques minces. On y trouve des fossiles de très-belle conser¬ vation, dont les principaux sont NOTE DE M. TOMBECK. 679 Avicula contorta (très-rare). Cardium cloacinum (Quenst). Saxicava ( Cypricardia ?) sinemurien- sis (Mart.) Myophoria. Mytilus. Enfin, la couche F, pour l’exploitation de laquelle les car¬ rières de Chalindrey ont été ouvertes, se partage en bancs de 30 à 40 centimètres d’épaisseur. Sa surface est curieuse à étu¬ dier, parce qu’on peut y observer la trace de vagues anciennes, et, par places, des amas de tubes siliceux aplatis, qui sont sans doute des restes de végétaux marins. Je n’ai rencontré dans ces grès, à Chalindrey, que des traces de Mytilus indéterminables. Mais, à Hortes, à peu de distance de là, on y trouve abondamment la Discina Babeauana , et à Saulxure de grands exemplaires de la Gervillia inflata. Au-dessous de la couche F, à Chalindrey même, on trouve les marnes irisées proprement dites qui, entre Chalindrey et Bourbonne, se développent sur une grande épaisseur avec leurs dépôts accidentels ordinaires, gypsey dolomies , grès , etc. En résumé, la couche A représente le lias inférieur, et les caractères minéralogiques, non moins que les fossiles com¬ muns, y rattachent incontestablement la couche B et probable¬ ment la couche C. Quant aux couches D, E, F, qui viennent au-dessous, leur faune toute spéciale et qui, à Chalindrey, n’a rien de commun avec la vraie faune du lias, les variations que la couche D éprouve dans des localités peu distantes, et les cailloux roulés qu’elle renferme, montrent bien qu’on ne peut songer à rap¬ porter ces couches au lias. Je crois donc que l’étude des car¬ rières de Chalindrey apporte un argument de plus à l’appui de cette opinion, accréditée déjà chez beaucoup de géologues, qui ferait, des grès inférieurs au lias, un étage spécial, l’étage Rhétien. A la suite de la communication de M. Tombeck, M. Levallois fait remarquer la parfaite identité qui existe entre la série des | couches de V infra-lias de Chalindrey , que vient de tracer M. Tombeck, et la série correspondante en Lorraine, dont il a lui-même donné le détail dans un travail sur les couches de jonc¬ tion (1). Le trait de cette identité, qu’il importe surtout de mettre en (1) Bull., 2° série, t. XXI, p. 384. 680 SÉANCE DU 4 MAI 1868. saillie, c’est la présence, dans l’une comme dans l’autre con¬ trée, de marnes ou d’argiles schistoïdes (rouges dans la Meurthe, bigarrées ou jaunes dans la Haute-Marne) qui sont in¬ tercalées entre le groupe des calcaires (G — B à Ammonites angu- latus , — A à Gryphœa arcuata) et le groupe des grès (E à Avi- cula contorta — F), et qui, par conséquent, comme on l’avait démontré dans le travail cité (1), et comme le conclut à son tour M. Tombeck, ne permettent pas de confondre le groupe des calcaires, qui appartiennent incontestablement à l’étage du lias, avec le groupe des grès à Avicula contorta ou Bone- bed , que l’on distingue aujourd’hui sous le nom d’étage Rhétien. Mais on aura en vain créé cette division nouvelle, si l’on con¬ tinue (comme beaucoup le font encore) à employer à titre de synonymes les mots d’étage Rhétien et d’infra-lias. L’infra-lias est une chose: l’étage Rhétien, essentiellement composé dans l’Est du grès dit infra-liasique , en est néanmoins une autre, et ces deux choses, dans l’exemple de Ghalindrey, sont séparées par les couches D. L’infra-lias, en effet, tel que l’a défini M. Leymerie, qui a introduit ce nom dans la science, ne des¬ cend pas au-dessous des couches appelées par lui choin-bdtard (la zone à Ammonites planorbis ) ; il comprend exclusivement cette zone et la zone à A. angulatus , les couches C et B de Chalindrey. En résumé, dit M. Levallois, il paraît nécessaire, si l’on veut s’entendre, d’accepter les synonymies suivantes, qui réservent toutes les questions pendantes : Zone à Gryphœa arcuata . Lias inférieur. \ Zone à Ammonites angulatus... j T f .. > Lias. Zone à A. planorbis . f mira-uas. j Argiles ou marnes, rouges ou bigar¬ rées. Zone à Avicula contorta , Bone-bed , Grès dit infra-liasique, Arkose de M. Martin . Étage Rhétien . Marnes irisées ou Keuper . . Trias . M. Edm. Pellat signale aussi la ressemblance de la coupe de M. Tombeck avec celle d’Autun, où les couches sont seulement plus épaisses et les restes de sauriens plus abon¬ dants. (1) Pages 389, 397 et 398, 401, 409, 439. NOTE DE M. VAILLANT. 681 M. Léon Vaillant fait la communication suivante. Note sur quelques objets Océaniens dont la matière paraît emprun¬ tée à des coquilles de la famille des Tridacnidées ; par M. Léon Vaillant. Les objets que j’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société s’écartent un peu de ses études habituelles, mais ils se rattachent à une communication faite par notre collègue M. Da- mour il y a deux ans (1), et me paraissent à ce titre offrir quelque intérêt; d’ailleurs, l’étude de l’homme primitif rentre aujourd’hui de plein droit dans la géologie, et tout ce que nous pouvons apprendre sur l’industrie des peuplades sauvages est susceptible, à un moment donné, de jeter quelque jour sur cette question. Ces différents instruments appartiennent à la collection de la Faculté des sciences de Montpellier, à laquelle ils ont été donnés par feu le contre-amiral Bérard. Le premier est identique aveccelui décrit parM. Damour dans la note citée plus haut; il a également la même provenance, car il porte l’étiquette : Hache de Vile d'Oualan, archipel des Ca- rolines , juin 1824. Le tranchant est intact et ne paraît avoir ja¬ mais servi. Les trois autres sont des bracelets dont voici les dimensions et les provenances : 1° Diamètre, 0m,090; hauteur, 0m,042 àûm,048; épaisseur, 0m,003; poids, 145 grammes. Nouvelle-Calédonie , 1846 (cette indication n’est pas sur le même papier, ni de la même main que toutes les autres). Ce bracelet est grossièrement fait; les bords en sont mal dressés. 2° Diamètre, 0m,090; hauteur, 0m,031; épaisseur, 0m,005; poids, 153 grammes. Bracelet des habitants de la Nouvelle-Ir¬ lande, , août 1823. C’est le plus beau comme dimension et comme travail; il est orné extérieurement de sept sillons pa¬ rallèles. 3° Diamètre, 0m,085; hauteur, 0m,010; épaisseur, 0m,008; poids, 47gr,5. Bracelet de la Nouvelle-Irlande , août 1823. Il est creusé d’une gouttière sur la face externe. (1) Note sur une hache en pierre de File d’Oualan (Océanie). — Bull, de la Soc. gèol. de France , 2e série, t. XXIII, p. 551, 1867. SÉANCE DU 4 MAI 1868. Tous ces objets sont faits d’une même substance blanche formée de couches parallèles; elle présente les traces d’ani¬ maux marins perforants ; il est impossible de ne pas admettre que cette matière ne soit empruntée à des coquilles de mol¬ lusques acéphales. L’examen histologique sur des coupes minces m’a confirmé dans cette idée pour le bracelet n° 1, comme pour les fragments de hache qu’avait bien voulu me confier M. Damour; je n’ai pas cru devoir soumettre les autres objets à l’examen microscopique, ne voulant pas les détériorer inutilement. Il est probable que les coquilles qui les ont four¬ nis étaient desTridacnes, seuls mollusques qui, par leur taille, paraissent susceptibles de fournir des morceaux ouvrables de pareille dimension. M. de Billy lit la note suivante sur les ophites : Note sur les ophites ; par M. de Billy. Lorsque j’ai appelé l’attention de la Société géologique sur une association de divers minéraux aux ophites, association sinon constante, au moins fort habituelle, la séance était trop avancée pour que je voulusse développer ma pensée et faire naître une discussion sur ce sujet. Ces minéraux associés sont, tout le monde le sait, le gypse, le sel gemme, parfois des dolomies et des bitumes, et cette association ajoute certainement au caractère particulier des ophites, que M. de Lapparent venait de faire ressortir, et qui avait frappé les auteurs de la Carte géologique de la France, il y a plus de quarante ans. Beaucoup de géologues voient dans les ophites des roches éruptives, et l’on sait qu’elles apparaissent au milieu de ter¬ rains variés où l’on a reconnu tantôt les terrains tertiaires, tantôt les terrains crétacés; il en est même que des observa¬ teurs récents feraient remonter au trias. Ne serait-il pas surprenant que les ophites eussent surgi en terrains variés et de préférence en des points où les roches as¬ sociées étaient préexistantes? Que si l’on soutenait que les terrains renfermant l’ophite ap¬ partiennent tous au trias, qui contient les gypses, les dolomies, le sel gemme, dans les Pyrénées tout comme dans les Alpes et les Vosges, nous demanderions comment il se fait qu’une NOTE DE M. VAILLANT. 683 roche éruptive d’une nature particulière choisît des points d’émergence, d’une manière presque exclusive, dans le trias. Il n’y aurait, dans ce cas, de solution raisonnable que si l’on considérait l’ophite comme une roche non éruptive, mais sim¬ plement subordonnée au trias. Mais je ne crois pas que cette explication ait grande chance de succès, car, jusque aujour¬ d’hui, le caractère éruptif des ophites n’a guère été contesté. Et si, définitivement, on regarde les ophites comme des roches éruptives, comment alors ne pas leur attribuer de l’in¬ fluence sur la formation des roches qui les accompagnent ha¬ bituellement? M. Jacquot s’étonne qu’on puisse mettre en discussion l’âge des ophites en présence de faits aussi convaincants que ceux que la Société géologique a pu observer sur la fa¬ laise de Biarritz et auprès de Dax. M. Jacquot ne croit pas, d’ailleurs, à l’existence des marnes irisées dans la région pyrénéenne. M. Delanoüe annonce qu’on vient de découvrir à Villers- Plouich, à cinq kilomètres de Marcuoing et à douze kilo¬ mètres de Cambrai, dans un terrain meuble, un sacrum humain associé à des ossements d’éléphant. Le Président soumet à l’approbation de la Société une décision du Conseil qui a fixé provisoirement la date de l’ouverture de la session extraordinaire de 1868 au IL'octo- bre, à Montpellier. Le Secrétaire fait connaître les raisons données par M. de Rouville pour le choix de cette date, qui est imposée à la Société par les nécessités agricoles de la contrée. Après une courte discussion, la résolution du Conseil est mise aux voix et adoptée. Séance du iS mai 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. 684 SÉANCE DU 18 MAI 1868. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Fischer, docteur en médecine, rue d’Enghien, 52, à Paris; présenté par MM. d’Archiac et Albert Gaudry. Le Président annonce ensuite une présentation. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de l'Instruction publique, Journal des Savants, avril 1868; in-4. De la part de M. A. Daubrée : 1° Substances minérales {Exposition universelle en 1867 à Paris), in-8, 266 p.; Paris, 1867, chez Paul Dupont. 2° Aperçu historique sur Y exploitation des métaux dans la Gaule , in-8, 16 p.; Paris, 1867, chez Didier et Ce. De la part de M. Gruner, Études des bassins houillers de la Creuse , in-4, 204 p., et atlas de 6 pl. ; Paris, 1868 . De la part de M. Albert de Lapparent, la Géologie à V Exposition universelle de 1867 ; in-8, 27 p.; Paris, 1867.... Delà part de M. L.-J. Michel, Trafic probable des chemins de fer d'intérêt local . — Résultats de l'exploitation des chemins de fer français en 1866 ; in-8, 56 p.; Paris, 1868 ; chez Dunod. De la part de M. L. Simonin, Les produits souterrains à Y Exposition de 1867, in-8, 43 p.; Paris, 1868. Bulletin de la Société de géographie , avril 1868, in-8. Bulletin de la Société botanique de France , t. XIII, 1866. — Comptes rendus des séances , 5; in -8°. Bulletin des séances de la Société 1. et centrale d’ agriculture , février 1868, in-8. L Institut, n08 1792 et 1793; 1868; in-8. Mémoires de la Société 1. d' agriculture, sciences et arts d’Angers , t. X, 3e et 4e trim.; in-8. Bulletin de de la Société industrielle de Mulhouse, janvier 1868; in-8. Bulletin de la Société de Yindustrie minérale [Saint-Étienne), janvier, février et mars 1867; in-8. Société 1. d'agriculture, etc., de Valenciennes, — Revue agri¬ cole, etc.; mars 1868; in-8. NOTE DE MM. AGASSIZ ET COUTINHO. 685 The Athenœum , nos 2115 et 2116; 1868; in-4°. Jahrbuch der K. K. geologischen Reichsanstalt , octobre à décembre 1866 et janvier à mars 1867 ; in-4. Verhandlungen der K. K. geologischen Reichsanstalt , 1868, n° 8 ; in-8. Monatsbericht der K. preussischen Akademie der Wissenschaften zu Berlin , décembre 1867 ; in-8. Jahreshefte des Vereins für vaterl. Naturkunde in Wurtemberg , XXIIIe année; in-8. Revista minera, 1er mai 1868; in-8. A l’occasion du procès-verbal, M. Hébert s’étonne de voir M. Jacquot nier si formellement la présence des marnes iri¬ sées dans les Pyrénées. Quant à lui, il a reconnu l’existence de cet étage sur plusieurs points de la chaîne. M. Marcou fait au nom de M. Agassiz la communication suivante : Sur la géologie de V Amazone; par MM. Agassiz et Coutinho, M. Marcou communique à la Société géologique, de la part des auteurs, les observations géologiques que MM. Agassiz et Coutinho ont faites dans leurs explorations du bassin de l’Ama¬ zone. Lorsque M. Agassiz annonça, dans son discours d’ouverture de la Société helvétique des sciences naturelles, le 24 juil¬ let 1837, à Neuchâtel, qu’il y avait eu une période glaciaire, et que les faits acquis alors à la science par les recherches, aussi profondes que neuves et originales, de Venetz et de Charpen¬ tier, s’étendaient au delà de la vallée du Rhône, ce ne fut qu’un cri général d’impossibilité et de négation; cela blessait trop les opinions arrêtées et heurtait de front les idées reçues de la plupart des géologues qui étaient alors à la tête de la ! science; et le plus célèbre, Léopold de Buch, se retira de la réunion en s’écriant : O sancte de Saussure , ora pro nobis. Aujourd’hui, malgré les résistances, la période glaciaire a pris sa place dans la science, et il n’y a plus un seul grand tra- SÉANCE DU 18 MAI 1868. 686 vail géologique publié, soit par les gouvernements, soit par des particuliers, qui ne tienne compte des traces laissées par cette période. Dans son voyage au Brésil et sur l’Amazone, M. Agas- siz vient d’ajouter un nouveau chapitre à cette histoire extraor¬ dinaire des phénomènes glaciaires, chapitre encore plus extraordinaire, si c’est possible, que le phénomène lui-même, car M. Agassiz est allé le chercher non-seulement dans l’hé¬ misphère sud, mais sous les tropiques mêmes, là, dans ces ré¬ gions équinoxiales de l’Amérique, célébrées par de Humboldt et Bonpland. Et, s’il y a encore de nos jours quelques géolo¬ gues qui nient l’ancienne extension des glaciers et ne croient pas à l’existence d’une période glaciaire, ils ont ici une belle occasion d’allonger la litanie de feu Léopold de Buch, en s’écriant : O sancte de Humboldt , ora pro nobis. M. Marcou fait d’abord ressortir le caractère de générosité qui a présidé à toutes les dépenses et à tous les frais de l’expé¬ dition, qui était composée de dix-sept personnes, dont deux dames. Simples citoyens, compagnies et gouvernements, Amé¬ ricains et Brésiliens, ont rivalisé de générosité, de bienveil¬ lance et de respectueux dévouement envers la science. Il n’est sorte de prévenances et de marques de sympathie, presque toujours des plus substantielles, que M. Agassiz et ses compa¬ gnons n’aient reçues, depuis leur départ de Cambridge jusqu’à leur retour. Avant l’arrivée de M. Agassiz au Brésil, un observateur, dans ses promenades aux environs de Rio-Janeiro, avait remarqué depuis longtemps de nombreux blocs erratiques, qui lui rap¬ pelaient complètement les descriptions du même phénomène dans les régions de l’Europe et du nord de l’Amérique; mais, n’osant se fier à lui-même, il n’avait fait que communiquer ses vues à M. Agassiz, en le priant de venir juger lui-même sur les lieux. Cet observateur, qui n’est autre que l’Empereur du Bré¬ sil, don Pedro Iï, aussitôt M. Agassiz débarqué, le conduisit à Tijuca, à quelques kilomètres de la ville de Rio; là se trouve une grande quantité de blocs erratiques, n’ayant aucune es¬ pèce de rapport avec la roche sous-jacente. Dans ces pays tro¬ picaux, les agents atmosphériques attaquent rapidement les roches, même les plus dures, et les décomposent en pénétrant jusqu’à une assez grande profondeur de la superficie; de sorte qu’il est quelquefois assez difficile de distinguer les décompo- NOTE DE MM. AGASSIZ ET COUTINHO. 687 sitions sur place des roches du drift. Mais M. Agassiz a parfaite¬ ment reconnu, non-seulement à Tijuca, mais encore sur beau¬ coup d’autres points de la province de Rio, et notamment dans les nombreuses tranchées du chemin de fer don Pedro Segundo, par-dessus les roches décomposées qui conservent toujours une ligne ondulée, rappelant le roches moutonnées des Alpes, un drift des mieux caractérisés, qui commence presque tou¬ jours par une petite couche de cailloux occupant les surfaces irrégulières des roches en place, et qui est surmonté par un massif d’argile sableuse, rouge, non stratifiée, renfermant des blocs erratiques disséminés çà et là dans la masse. L’épaisseur de ce drift atteint jusqu’à 50 mètres. Après plusieurs mois d’explorations aux environs de Rio, M. Agassiz, en compagnie du major Goutinho, s’est alors di¬ rigé vers l’Amazone. Avant cette exploration de cet immense bassin, on n’avait que des notions très-vagues sur sa composi¬ tion géologique. Spix et Martius y avaient fait quelques obser¬ vations, quarante années auparavant; de Castelnau avait de son côté donné quelques notes; et, en s’appuyant aussi sur les travaux de de Humboldt sur l’Orénoque, M. Fœtterle, de Vienne, avait publié en 1854, une carte géologique de l’Amérique du Sud, dans laquelle il colore toute la vallée de l’Amazone et de ses tributaires, comme étant occupée par les terrains tertiaires. Dans l’essai de Carte géologique de la terre, que j’ai publié en 1862, j’ai laissé la plus grande partie du bassin de l’Amazone en blanc, supprimant le terrain tertiaire entièrement de l’em¬ pire du Rrésil, où il ne me paraissait pas exister. Seulement j’ai rapporté, avec doute il est vrai, les formations qui s’éten¬ dent de l’embouchure du rio San Francisco à celle de l’Ama¬ zone au nouveau grès rouge; et, de plus, j’ai étendu cette for¬ mation, qui avait été désignée par plusieurs observateurs sous le nom de grès brésilien , à toute la partie occidentale du Brésil. En cela, il paraît que j’ai eu tort, du moins pour les provinces de Pernambuco, Ceara, Piauhy et Maranhao. M. Agassiz pense que toute la vallée de l’Amazone s’est for¬ mée à la fin de la période crétacée, qui a laissé des traces de dépôts dans la province de Ceara et sur le haut Purus. Soit par suite de dénudations ou par des dislocations antérieures, on voit çà et là des roches plus anciennes. Ainsi, le major Cou- tinbo a trouvé des brachiopodes paléozoïques dans une roche qui forme la première cascade du rio Tapajos; des fossiles car¬ bonifères ont été recueillis sur les rives des rios Guapore et 688 SÉANCE DU 18 MAI 1888. Mamore, dans le Matto Grosso; et enfin, à Manaus (Manaos), Goutinho a reconnu des ardoises ou phyllades, dans une posi¬ tion très-inclinée, et au-dessous des formations de grès rouge de la vallée de l’Amazone. Pendant tout le temps des dépôts tertiaires, ce pays pa¬ raît avoir été hors de l’eau et avoir formé une terra firma; du moins MM. Agassiz et Coutinho n’ont pas trouvé une seule trace de roches tertiaires dans tout le bassin de l’Amazone. Ce ne serait qu’avec l’époque quaternaire qu’aurait commencé la formation des roches qui couvrent tout cet immense bassin. Voici (p. 689) une coupe idéale, qui résume toutes les ob¬ servations de MM. Agassiz et Coutinho. Cette coupe et son expli¬ cation ont été faites par M. Agassiz. 1. Sable grossier , formant la base du drift partout où le ni¬ veau des eaux a mis à découvert les couches inférieures des argiles plastiques. 2. Argile plastique bigarrée ; se voit sur une grande échelle le long des côtes de la mer à Para, à l’île de Marajo, Maranham, et çà et là dans les bas-fonds, le long du cours de l’Amazone. C’est sur cette couche que croissent les forêts inondées, c’est-à-dire à sa surface que gisent les forêts submergées de Souré et de Vigia, à l’embouchure méridionale de l’Amazone. 3. Argile feuilletée à couches très-minces, avec indications fréquentes de clivage. Ce dépôt paraît être plus considérable sur le cours du rio Solimoens que dans la partie inférieure de l’Amazone. C’est dans ces couches, à Tonantins, sur les bords du Solimoens, que M. Agassiz a trouvé des feuilles de plantes dicotylédonées, qui paraissent identiques aveclesespèces actuellement vivantes de la vallée de l’Amazone. 4. Croûte d’argile sableusey très-dure, moulée dans les inéga¬ lités de l’argile feuilletée. 5, 6, 7, 8 et 9. Formation de gresy tantôt régulièrement stratifié et compacte, surtout dans ses assises inférieures (5), telles qu’on les voit sur les bords des igarapés de Manaos; tantôt caverneux et entremêlé de masses irrégulières d’argile (6), surtout bien développé à Villa Bella et à Manaos; tantôt présentant tous les caractères d’une strati¬ fication torrentielle (7, 8 et 9). Les dépôts de cette dernière nature ne se voient que dans les collines élevées d’Almeyrim, d’Éreré et de Cupati, et dans les falaises les plus élevées des bords du fleuve, comme à Tonantins, à Tabatinga, à San Paolo et sur les bords du rio Negro. 10. Le drift argilo-sableux sans stratification , occupant toutes les inégalités du sol résultant de la dénudation des grès à stratification torrentielle. C’est dans Coupe idéale du drift Je long des bords de l’Amazone. Mont Cupati. Mont Éreré. NOTE DE M1\I. AGASSIZ ET COUTINHO. 689 — } 0&; O0 o. Soc. géol., f série, tome XXV ce drift que MM. Agassiz et Cou- tinho ont trouvé de vrais blocs erratiques de diorite, ayant un mètre de diamètre, à Éreré. Ja¬ mais cette formation ne se ren¬ contre sur des falaises élevées de plusieurs centaines de pieds. Il n’y en a pas de trace sur le som¬ met des collines d’Éreré. Le fait que le sable grossier n° l apparaît partout au niveau des basses eaux, c’est-à-dire qu’il suit la pente générale de la val¬ lée, montre incontestablement que le dépôt de cette formation ne remonte pas à une époque antérieure à l’excavation de la vallée elle-même. L'épaisseur to¬ tale du drift amazonien ne dé¬ passe pas 300 mètres ; il couvre tout le bassin de l’Amazone, de¬ puis les Andes du Pérou et de Bolivie jusqu’au cap Saint-Roch; c’est-à-dire que c’est la formation du drift la plus colossale que l’on connaisse. Comment ce drift s’est-il for¬ mé? M. Agassiz n’hésite pas à le rapporter à l’époque glaciaire, dans ses deux phases primitive et dernière, et il ne peut l’expli¬ quer que par ce qu’il appelle un hiver cosmique ou universel, qui aurait duré plusieurs milliers de siècles. D’abord, dit-il, ces dé¬ pôts sont d’eaux douces, puis¬ qu’il n’y a pas de traces de fos¬ siles marins; puis, comme on ne trouve pas non plus de débris d’animaux terrestres, ni d’eaux douces, il en conclut qu’il n'a pu y avoir qu’un glacier d’abord, puis ensuite un immense lac A4 690 SÉANCE DU 18 MAI 1868. formé par la débâcle du glacier, avec la moraine frontale tour¬ née vers Tocéan Atlantique et lui servant de barrière. Par une cause ignorée, cette barrière a été rompue, et les eaux se sont écoulées, d'abord pour raviner profondément les formations 5, 6, 7, 8 et 9, et n’en laisser que des débris çà et là, comme aux monts Gupati, Éreré, Monte Allegre; puis, une seconde catas¬ trophe a donné à la valiée de l’Amazone et au lit du fleuve sa forme actuelle. M. Agassiz avoue franchement qu’il n’a pas trouvé ces in¬ scriptions glaciaires, telles que stries, surfaces polies et cailloux striés, qui sont si caractéristiques des régions traversées par les anciens glaciers de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Mais c’est, dit-il, parce que, dans toute la vallée de l’Amazone, on ne voit nulle part une surface de roche formant le fond du bassin, et que les roches du drift elles-mêmes sont tellement friables, et que leurs décompositions par les pluies torren¬ tielles et chaudes des tropiques sont si rapides, qu’il n’y a pas d’espoir de trouver jamais sur leurs surfaces ces traces qui sont si bien conservées dans des climats plus froids et sur des roches plus dures. Malgré ces difficultés, M. Agassiz n’en re¬ garde pas moins tous les dépôts de l’Amazone comme des for¬ mations glaciaires, aussi bien caractérisées, dit-il, que le drift glaciaire qu’il a signalé le premier en Écosse; et il ajoute, après sa visite dans la province de Geara : « que les matériaux morainiques qu’il a eus sous les yeux, tant à Ceara que dafis l’Amazone, sont aussi caractéristiques que ceux qu’il ait jamais vus dans la vallée de Hasli (Alpes Bernoises), dans les vallées du mont Désert (État du Maine), ou que dans les vallées de Lough Fine, Lough Angh ët Lough Long en Écosse. » Suivant M. Agassiz, la vallée de l’Amazone s’est étendue pri¬ mitivement beaucoup plus vers l’est, jusqu’au moins à la hau¬ teur du cap Saint-Roch ; et il pense que c’est à cette longitude à peu près quë devait exister la moraine frontale qui bouchait et terminait la vallée de l’Amazone. Par des phénomènes d’abaissements ët de courants combinés, toutes les côtes du bassin de PAmazoné sont fortement attaquées, rongées et en¬ vahies par l’océan Atlantique; et* au lieu d’avoir un delta, l’Amazone présente le curieux, et peut-être unique exemple, du plus grand fleuve de la terre, avec les inondations périodi¬ ques les d'us mportântes, d’être envahi et détruit, petit à petit, par les vagues de l’Océan qui emportent tout et dissémi¬ nent les matériaux charriés dans les profondeurs inconnues de note; de mm. agassiz et coutinho. 691 l’Atlantique. Cette action destructive et envahissante de l’Océan est tellement visible, que dans la baie de Braganza, à côté de l’embouchure actuelle de l’Amazone, la côte a reculé de 200 mètres, dans dix années seulement. J’ajouterai que M. Agassiz pense que les rios de Maranhao et de Paranahyba, qui actuellement se jettent directement dans l’Atlantique, étaient autrefois des affluents de l’Amazone, et que, si l’envahissement de la mer continue, dans quelques siècles, les géologues futurs trouveront que le Tocantins et le rio Xingu ne sont plus des affluents, mais bien des fleuves sé¬ parés et indépendants, avec des embouchures spéciales dans l’Atlantique. Venant d’un observateur aussi habile, aussi profond et qui a autant de pratique que M. Agassiz, ces vues seront accueillies par les géologues comme marquant une nouvelle grande étape dans la théorie de la période glaciaire. M. Garrigou fait remarquer Inexistence de deux périodes glaciaires en Amérique, comme en Europe. M. Belgrand fait observer que, pendant les crues énormes que subit le fleuve des Amazones, ses eaux sont très-limo¬ neuses; il lui semble donc plus naturel de voir, dans les couches décrites par M. Agassiz comme glaciaires, un an¬ cien delta du fleuve. M. Marcou répond qu’on n’a pas j usqu’ici trouvé de fossiles dans ces couches. M. Dausse appelle l’attention de la Société sur le fait si remarquable d’un fleuve rongeant son embouchure. M. Hébert fait une communication sur le terrain néoco¬ mien du S. E. de la France. M. Marcou fait remarquer que le type de l’étage néoco¬ mien a été choisi aux environs de Neufchâtel et non dans la Drôme; c’est donc aux couches de Neufchâtel et non à celles de la Drôme que M. Hébert aurait dû comparer celles dont il vient de parler, avant de se prononcer si catégorique¬ ment sur leur âge. M. Hébert s'étonne de voir attaquer les déterminations admises jusqu’ici par tous les géologues pour les couches de la Drôme. 692 SÉANCE DU 18 MAI 1868. M. Chaper s’associe complètement aux observations que M. Marcou vient d’adresser à M. Hébert. En outre, il tient à protester contre la précision, au moins prématurée, des conclu¬ sions que M. Hébert a présentées à la Société comme « incon- lestables. » Ne pouvant, dans une discussion où il entre sans y être pré¬ paré, faire porter ses observations sur l’ensemble très-complexe des choses traitées dans la communication que vient d’entendre la Société, M. Chaper s’attache uniquement à ce qui concerne la «Porte de France » et l’assimilation, ou plutôt l’identification qui a été faite de ce gisement et de celui d’Aizy à des couches exclusivement néocomiennes. L’examen très-attentif qu’il a fait des fossiles de ces deux localités l’amène à de tout autres con¬ clusions. Par un heureux concours de circonstances, il a eu à sa disposition des échantillons composant la très-grande majo¬ rité de ceux qui ont été recueillis dans les localités susdites, notamment à la Porte de France. L’étude comparative en a été faite à l’École des mines, non-seulement avec l'aide, mais sous la direction de M. Bayle, et les fossiles ont tous été nettoyés et préparés de façon à montrer tout ce que leur état de conser¬ vation permettait d’en obtenir. M. Chaper croit très-important, avant d’aller plus loin, de bien constater que le mot « Porte de France» est une indication de gisement tout à fait insuffisante. Il y a des couches très-nom¬ breuses et très-diverses dans le massif rocheux appelé « Mont Rochais, » sur lequel reposent les fortifications supérieures de la ville de Grenoble, et contre lequel s’appuie la porte appelée « Porte de France.» MM. Repellin et Berthelot, qui ont rap¬ porté de la Porte de France les échantillons servant de base à la discussion actuelle n’ont fourni aucune indication qui permît d’assigner des positions, déterminées au moins d’une manière relative, aux pièces qu’ils ont recueillies dans cet ensemble de roches. M. Lory, qui a fourni dans ce débat beaucoup d’échan¬ tillons ramassés par lui, ne peut non plus les rapporter à une coupe cotée. Ceci dit pour bien préciser la valeur des termes employés et les bases de la discussion, M. Chaper se refuse à admettre les conclusions de M. Hébert, parce que ce dernier fait reposer toute son argumentation sur des faits très-incertains. Ainsi, M. Hébert assimile et confond Aizy et la Porte de France. Il y a assurément des rapprochements à faire entre cer¬ taines parties de chacune de ces coupes. Mais le seul examen NOTE DE M. CHAPER. 693 des fossiles provenant de ces deux gisements ne serait pas suf¬ fisant pour établir en ce moment le parallélisme exact et com¬ plet des deux séries de couches, attendu que ces deux localités n’ont fourni à M. Chaper que de très-rares échantillons qu’on puisse rapprocher jusqu’à les déclarer des types identiques. En tout cas, l’examen des fossiles de l’une et de l’autre loca¬ lité prouve que l’on y rencontre plusieurs niveaux géologiques ; l’étage néocomien est du nombre. M. Hébert ne voit dans toutes les Térébratules perforées qu’une seule et même espèce : M. Chaper se borne à cet égard à renvoyer à l’excellent mémoire de M. Pictet sur ce sujet. Il en a trouvé la confirmation dans la collection de M. de Ver- neuil, qui a rapporté d’Espagne les deux formes, janitor et diphya , de Térébratules perforées, trouvées à des niveaux dif¬ férents, associées à des faunes différentes et occupant des positions relatives conformes à celles que leur a reconnues M. Pictet. Pour ce qui est des fossiles, M. Chaper, comme M. Hébert, leur reconnaît une importance décisive; c’est pour cela qu’il en a fait l’objet d’une étude scrupuleuse. De cet examen, il ré¬ sulte que les espèces auxquelles M. Hébert a attribué les noms de semisulcatus , subfimbriatus , Grasianus , Malbosi , rarefurcatus, Dalmasi , nodulosus , sont ou fort douteuses, à cause de leur état de conservation, ou si nettement différentes des types auxquels on les assimile, que l’erreur commise ne peut s’expliquer que par une conviction préalable, sous la pression de laquelle le jugement si exercé de M. Hébert aurait succombé. 11 paraîtrait indiscret à M. Chaper d’entrer dans de plus longs développements à ce sujet. M. Pictet, à qui il a com¬ muniqué ses échantillons, ainsi que l’a fait aussi M. Bayle, prépare en ce moment un travail complet sur cette question. Elle est donc en bonnes mains. Les observations énoncées par M. Chaper ne lui ont été inspirées que par le désir de faire prendre date aux opinions de M. Pictet, opinions qu’il se fait honneur de partager et qu’une correspondance échangée lui a permis de connaître par anticipation. M. Stuart Menteath lit la note suivante * 894 SÉANCE DU 18 MAI 1868, Sur les évidences d'une époque glaciaire miocène considérées spécia¬ lement dans les Pyrénées; par M. P. W. Stuart Menteath. Ayant exploré une grande partie des Pyrénées depuis Ba- gnères-de-Luchon jusqu’à Saint-Jean-de-Luz, je désire appeler l’attention de la Société sur certains phénomènes remarquables se rapportant, il me semble, à des actions glaciaires. J’ai pu¬ blié, il y a deux ans, mes conclusions sur ce sujet; mais, ne connaissant pas alors les travaux de M. Leymerie, je me suis attaché surtout à démontrer que certains poudingues des en¬ virons de Pau étaient entièrement distincts des dépôts des époques glaciaire et pliocène (avec lesquels ils avaient été confondus par d’autres observateurs), et qu’ils devaient être classés aussi bas que le niveau du miocène. Les remarques suivantes se rapportent surtout à la partie centrale et ouest de la région pyrénéenne. A l’est, dans le voi¬ sinage des Gorbières et de la montagne Noire, les dépôts sont plus variés, et leurs rapports me paraissent être assez difficiles à saisir. Les différentes formations qui composent le massif des Py¬ rénées sont disposées pour la plupart sous forme de grandes bandes assez continues de part et d’autre de ces montagnes. Ces bandes successives sont terminées du côté des montagnes en escarpements, et, en prolongeant les courbures et les inclinai¬ sons des couches, on peut relier ces escarpements de part et d’autre de la chaîne, de manière à reconstituer les Pyrénées en grande masse continue et légèrement ondulée, telle qu’aurait dû le produire le soulèvement lent d’un grand pli sur Pécorce terrestre. Si l’on compare la plus grande hauteur de ces mon¬ tagnes à leur largeur moyenne, en calculant l’effet qu’aurait produit un soulèvement jusqu’à cette hauteur, on voit que la séparation entre les escarpements des formations supérieures, résultat d’un tel soulèvement, serait tout à fait insignifiante, comparée à la séparation qui existe actuellement. il faut donc expliquer la séparation actuelle de ces escarpe¬ ments en supposant qu’ils représentent les rivages d’an¬ ciennes mers, ou bien en invoquant les agents de dénudation dont les grands effets, pendant les temps actuels et pendant l’époque glaciaire, sont incontestables, et ces agents auraient certainement produit de grands effets pendant les périodes NOTE DE M. STUART MENTE ATH. 695 pliocène et miocène dont la durée est probablement mal ap¬ préciée en raison de leur plus grand éloignement dans le temps. Les données stratigraphiques ne me paraissent prêter aucun appui à l’hypothèse des rivages, mais les considérations sui¬ vantes me paraissent trancher la question. Les plaines immenses qui s’étendent aux pieds des versants des Pyrénées sont composées de matériaux meubles devenant de plus en plus grossiers à mesure que l’on approche de ces montagnes et dérivent clairement des roches qui les composent. Ces dépôts ayant été formés pendant les périodes miocène, pliocène et post-tertiaire, il est évident que, pour se former une idée de ce qu’étaient les Pyrénées à l’époque de leur sou¬ lèvement, il faut restituer à leur masse tous ces matériaux des plaines. Il me semble que le phénomène de dénudation, néces¬ sairement représenté par ces immenses accumulations, a pu suffire à séparer les escarpements des formations supérieures et à creuser toutes les vallées actuelles en mettant à nu le gra¬ nité au fond des vallées et au centre des grands massifs. Partout où j’ai exploré les vallées des Pyrénées, j’ai trouvé les évidences de leur origine érosive et des relations constantes entre la largeur des vallées et la facilité d’érosion de leurs roches encaissantes. Les buttes de roches dures laissées en place ressemblent aux buttes témoins que laissent les ouvriers en creusant une tran¬ chée, et, si on trouve quelquefois des fentes le long des val¬ lées, ces fentes paraissent seulement avoir aidé à diriger dans leur œuvre érosive les eaux résultant du drainage naturel des montagnes. En étudiant plus particulièrement les relations entre les ma¬ tériaux des plaines et les matières qui ont été enlevées du massif des Pyrénées, j’ai trouvé, à la suite d’observations assez nombreuses et assez étendues, que l’on peut distinguer dans les plaines trois niveaux minéralogiquement distincts : l 'inférieur, caractérisé par l’abondance de matériaux cal¬ caires et correspondant d’une manière générale aux dépôts miocènes; Y intermédiaire, caractérisé par l’abondance de ma¬ tières quartzeuses et correspondant aux dépôts pliocènes; le supérieur, caractérisé par l’abondance de débris granitiques et correspondant aux alluvions des périodes glaciaire et récente. Ces trois niveaux correspondent à trois niveaux pareils dans le massif des montagnes, le niveau des roches tertiaires et secon¬ daires, riche en matières calcaires, le niveau des roches de transition (en y comprenant le grès rouge pyrénéen), dont les 096 SÉANCE DU 18 MAI 1868. matières dures sont surtout des quartzites, des poudingues quartzeux et des veines de quartz, et enfin le niveau du granité. De plus, les grandes vallées du versant nord des Pyrénées commencent ordinairement (en les suivant en amont) par une partie largement évasée où les éboulements ne tombent pres¬ que plus, et où la rivière serpente en creusant et en remaniant les matières meubles accumulées pendant les révolutions anté¬ rieures, et enfin par une partie qui peut être considérée comme une vallée complétée. Ces parties sont creusées principalement à travers les roches calcaires secondaires et tertiaires. Les por¬ tions des vallées qui traversent les roches de transition offrent les traces d’une plus grande activité de dénudation. Enfin, le granité est sillonné par de petites vallées jonchées de blocs et que l’on peut considérer comme des vallées naissantes. Tout tend à prouver que l’érosion s’est portée d’une manière spéciale, d’abord sur les roches tertiaires et secondaires repré¬ sentées dans les plaines par les débris calcaires, puis sur les roches de transition représentées par les débris quartzeux, et finalement sur le granité. Enfin si l’on compare les masses de ces différents matériaux, on trouve qjie les énormes dénuda¬ tions des roches tertiaires secondaires et de transition sont bien représentées dans les plaines par les énormes accumulations de matières calcaires et quartzeuses des périodes miocène et pliocène, tandis que les érosions du granité, de beaucoup moins importantes, sont représentées dans les plaines par les alluvions post-tertiaires (spécialement granitiques), presque insigni¬ fiantes en comparaison des dépôts antérieurs. Tout tend à prouver que les agents de dénudation ont lente¬ ment agi sur un grand massif continu, et que les Pyrénées actuelles ne sont que les portions que ces dénudations natu¬ relles et nécessaires ont laissées en place. Sur les sommets de ces parties respectées par la dénudation, nous trouvons encore quelques lambeaux des terrains supé¬ rieurs, laissés là comme pour attester leur ancienne extension. Un exemple notable est le mont Perdu, d’une altitude peu in¬ ferieure à celle du plus haut point de la chaîne, et dont le som¬ met est constitué par le terrain nummulitique reposant sur le crétacé. Je ferai remarquer un fait assez important en relation avec la position de ces roches du mont Perdu : c’est qu’il existe une faille au cirque de Gavarnie, entre les roches de transition au nord et les roches secondaires et tertiaires au sud, où est situé 697 NOTE DE M. STUART MENTEATH. le mont Perdu. J’extrais le dessin de cette faille de mon car¬ net de notes. La disposition des couches par rapport à la faille et la direc¬ tion de l’inclinaison de cette dernière me paraissent prouver que les roches secondaires et tertiaires situées au sud du cirque de Gavarnie n’ont pas élé relevées à partir de la plaine, le long de la faille, mais qu’elles ont glissé d’une position supérieure à celle qu’elles occupent actuellement. Je décrirai maintenant, en commençant par les plus récents, les phénomènes qui se sont succédé depuis le soulèvement des Pyrénées. Dans le département des Landes, on trouve des dépôts ma¬ rins pliocènes élevés de 30 mètres ou plus au-dessus du niveau de la mer; près de la limite du même département, on trouve, au-dessous du niveau des dépôts pliocènes, une terrasse ma¬ rine élevée de quelques mètres au-dessus du niveau de la mer. Dans le voisinage de Biarritz, on peut aussi observer les phé¬ nomènes de terrasse et d’élévation du sable des Landes au- dessus du niveau de la mer. La nature basse et marécageuse de la partie inférieure de la vallée de l’Adour, et certains phénomènes qu’on observe dans les Landes et à Saint- Jean-de-Luz me paraissent porter appui à l’idée qu’un léger abaissement de niveau a eu lieu à des époques assez récentes. Sans vouloir discuter avec plus de dé¬ tails cette question, je crois pouvoir affirmer comme indiscu¬ table que la région pyrénéenne a subi des oscillations depuis le soulèvement qu’elle a éprouvé à la fin de la période éocène. Je crois donc qu’on peut, sans hypothèse, invoquer les effets na¬ turels de telles oscillations en cherchant à expliquer les phé¬ nomènes du bassin sous-pyrénéen. Dans les temps récents et depuis l’époque glaciaire, les agents de dénudation ont creusé quelques gorges resserrées, détruit 698 SÉANCE DU 18 MAI 1868. beaucoup de moraines et disposé en terrasses, en les creusant, les dépôts de boues glaciaires et les alluvions qui paraissent avoir rempli en grande partie les vallées de la plaine, lors de l’époque glaciaire ; mais ces dénudations n’ont été que locales, et la surface générale du pays paraît avoir peu changé depuis que les blocs glaciaires ont été déposés sur les surfaces actuelles des montagnes et dans les vallées existantes. J’ai décrit, dans le Bulletin de la Société Ramond , les phéno¬ mènes se rapportant à l’époque glaciaire d’une manière géné¬ rale, et plus particulièrement ceux de la vallée d’Ossau. M. Charles Martins a depuis décrit en détail les phénomènes glaciaires de la vallée de Gavarnie, et je suppose qu’il y a main¬ tenant peu de géologues qui discutent les preuves de la période glaciaire dans les Pyrénées, Les effets des glaciers sont bien représentés dans la vallée de la Garonne, dans toutes les vallées des environs de Ba- gnères-de-Luchon et dans toutes les yallées entre la vallée de la Garonne et la vallée d’Ossau. Pans la vallée d’Aspe, les évi¬ dences sont moins claires; mais je crois qu’on peut expliquer ceci au moins en partie, en considérant la nature des roches traversées par cette dernière vallée (ces roches sont presque exclusivement calcaires ou schisteuses). Dans la vallée de Bai- gorry et près de l’Océan, je n’ai trouvé aucune trace détermi¬ nante des actions glaciaires. Dans les vallées où j’ai indiqué ces phénomènes glaciaires, les glaciers ne paraissent en aueun cas avoir dépassé de plus de cinq kilomètres le commencement des vraies montagnes, que l’on peut regarder comme indiqué par les premiers affleurements jurassiques. Pendant l’époque glaciaire, les vallées ont été remplies au delà des glaciers par une grande accumulation de graviers et de cailloux, et ces accumulations, étant presque entièrement res¬ treintes aux vallées actuelles, il faut rapporter à une époque antérieure le creusement de ces vallées. Sans se permettre des spéculations sur le laps de temps pendant lequel ces vallées peuvent avoir persisté avant l’époque glaciaire, il faut néces¬ sairement admettre une longue période pour leur creusement. Ce creusement était probablement motivé par le soulèvement qui a élevé la formation marine des sables des Landes au-dessus du niveau de la mer. Or, il est évident que les dépôts supé¬ rieurs du plateau sous-pyrénéen, qui encaisse les vallées de la plaine, existaient avant le creusement de ces vallées. Ces dépôts sont, pour la plupart, des sables et des argiles avec galets pour NOTE) DE M. STUART MENTE ATH. 699 la plupart quartzeux. Le calcaire en est ordinairement entière¬ ment absent. Ils forment la continuation des sables des Landes, et, comme ils sont superposés aux dépôts calcaires de l’époque miocène, je crois qu’on ne peut hésiter à les classer comme pliocènes. Au-dessous de ces dépôts pliocènes se trouvent les mollasses et les marnes miocènes. Ces dépôts sont pour la plupart lacus¬ tres, tandis que les dépôts pliocènes sont en partie fluviatiles, les fleuves de l’époque pliocène ayant traversé une plaine basse en déposant leurs sédiments, comme le font actuellement les fleu¬ ves du nord de l’Italie, et non en creusant, comme l’ont fait les fleuves pyrénéens à une époque postérieure, et par suite du soulèvement qui a exhaussé les sables des Landes. Les dépôts calcaires miocènes se montrent dans le voisinage de Pau, àAr- bus, où iis ont été décrits comme miocènes par Dufrénoy, et du côté nord de la vallée du Gave de Pau, entre Pau et Orthez. Sur le même niveau que ces dépôts miocènes existent des dépôts de poudingue presque horizontaux, formés des mêmes matériaux que les dépôts miocènes, mais dans un état plus grossier, et ces poudingues paraissent s’intercaler dans la partie inférieure des dépôts miocènes, et passer à ces mêmes dépôts par l’amoindrissement de la grosseur de leurs éléments. Ayant suivi ces poudingues en d’autres parties des Pyrénées, je suis parfaitement convaincu qu’ils correspondent exacte¬ ment à ceux que M. Leymerie a décrits dans la Haute-Ga¬ ronne sous le nom de poudingue de Palassou, et avec la partie supérieure au moins des poudingues décrits par M. l’abbé Pouech, dans le département de l’Ariége. Leurs caractères etleurs relations stratigraphiques sont cependant si différents dans le voisinage de Pau, que M. d’Archiac a remarqué, dans son livre intitulé : Géologie et Paléontologie, que, entre les poudingues des deux régions, il n’y a aucune relation stratigraphique. Je crois utile de faire cette remarque pour montrer que l’on ne peut pas considérer les observations de M. Pouech sur la petite région de l’Ariége qu’il a décrite comme décisives à l’égard de l’âge de ces poudingues, et qu’il convient de considérer les ca¬ ractères différents qu’ils offrent en d’autres parties de la chaîne où ils me paraissent se présenter dans un état plus normal. M. Noulet a décrit il y a dix ans les poudingues de l’Ariége. Il a trouvé, dans certaines couches, à la base des poudingues, 7 espèces de coquilles d’eau douce. L’une de ces espèces, 700 SÉANCE DU 18 MAI 1868. trouvée à un niveau rapproché de la grande masse supérieure de poudingue, est une espèce décrite par Nérée Boubée {Cyclostoma formosum). M. Noulet ayant trouvé ces mêmes es¬ pèces dans la faune de Castelnaudary rapporte ces dépôts infé¬ rieurs aux poudingues à la période éocène. M. Pouech a depuis publié un travail très-détaillé sur la même localité. A propos de ces recherches, je citerai les paroles suivantes de M. d’Archiac : « Les paléontologistes qui ont le plus étudié cette question (des coquilles d'eau douce), entre autres Éd. Forbes, savent les difficultés qu’il y a à distinguer les coquilles d’eau douce jurassiques ou crétacées d’avec les espèces ter¬ tiaires et même actuelles, à bien plus forte raison lorsqu’il ne s’agit que des espèces de deux périodes qui se sont immédiate¬ ment succédé. Dans les conditions de la question, et pour les dépôts lacustres du midi de la France, nous concevons la per¬ sistance de quelques coquilles fluviatiles et terrestres des der¬ niers dépôts tertiaires inférieurs pendant tout ou partie de la période suivante. » En outre, dans les travaux cités, je n’ai trouvé aucune preuve stratigrapbique de la correspondance de ces dépôts avec ceux de Castelnaudary, et il n’est nullement prouvé que la grande masse de poudingue supérieur non fossilifère correspondant au poudingue non fossilifère des autres parties des Pyrénées soit exactement du même âge que tout ou même partie des dépôts inférieurs dont l’ensemble des fossiles a peut-être un caractère éocène. Dans le département, des Hautes-Pyrénées le poudingue est plus ou moins incliné. Dans une partie de l’Ariége et de l’Aude, il est très-faiblement incliné. Dans les environs de Pau, il est presque horizontal. Le poudingue est toujours situé tout à fait en dehors des vraies montagnes de la chaîne pyrénéenne; il n’atteint jamais à de grandes hauteurs, tandis que les dépôts éocènes nummulitiques situés au-dessous s’élèventjusqu’au sommetdumontPerdu. Dans le voisinage de plusieurs localités où les poudingues présentent une forte inclinaison, il y a des masses d’ophite et des affleu¬ rements assez anormaux d’une sorte de granité. Dans les coupes représentant les poudingues avec une forte inclinaison, on ob¬ serve que cette inclinaison devient de plus en plus faible dans les bancs supérieurs. Ces derniers faits ont une signification importante si, au lieu de les considérer isolément, on les rap¬ proche des caractères des poudingues dans les environs de NOTE DE M. STUART MENTEATH. 701 Pau et ailleurs, où ces dépôts se présentent avec une faible in¬ clinaison. La stratification est aussi souvent très-irrégulière, et il faut se rappeler que les dépôts élastiques sont surtout sus¬ ceptibles de fausse stratification. Vers l’est, dans le voisinage des Gorbières et de la montagne Noire, l’émersion de la terre ferme paraît avoir commencé plus tôt qu’à l’ouest, et, les relations des dépôts étant plus compli¬ quées, il me paraît assez difficile de déterminer le véritable âge du grand soulèvement des Pyrénées. C’est donc dans la partie occidentale et centrale que cet âge peut être le mieux déterminé. J’ai eu l’avantage de suivre, dans la Haute-Garonne et ail¬ leurs, les coupes de M. Leymerie. J’ai trouvé ces coupes tou¬ jours de la plus grande exactitude, ainsi que les renseigne¬ ments qu’il a eu la bonté de me fournir. Si donc les faits observés et décrits par M. Leymerie, à propos du poudingue de Palassou, m’avaient paru incompatibles avec les idées que j’avais émises à ce sujet, j’aurais entièrement abandonné ces idées. Mais il me semble que la différence entre la classifica¬ tion de M. Leymerie et celle que j’ai proposée est presque une question de mots. La différence importante est dans l’explica¬ tion des faits. M. Leymerie admet que les poudingues sont géo- logiquemeni au sommet de toutes les roches exhaussées par le grand soulèvement des Pyrénées, et il explique leurs caractères extraordinaires en supposant qu’ils sont dus aux grandes se¬ cousses du sol qui ont dû précéder ce soulèvement. Selon les observations de MM. Leymerie, Tournouër et autres observa¬ teurs, les dernières roches fossilifères soulevées sont de l’âge du grès de Fontainebleau. Les dépôts d’eau douce qui, dans le département de l’Ariége, séparent les poudingues des dépôts éocènes nummulitiques, sont rapportés à l’horizon du gypse d’Aix. Ce dernier est rapporté par M. Matheron à l’horizon du grès de Fontainebleau. Les poudingues sont formés des débris de toutes les roches, y compris l’ophite, qui composent le massif des Pyrénées, bien qu’ils soient spécialement caracté¬ risés par l’abondance de matières calcaires. D’après la consi¬ dération de ces faits et de bien d’autres qui se rapportent à ce sujet, je crois pouvoir conclure que le poudingue est postérieur au grès de Fontainebleau et postérieur au grand soulèvement des Pyrénées. Les seuls dépôts miocènes que j’ai vus, ou dont j’ai pu trouver des descriptions, qui non-seulement reposent in¬ contestablement au-dessus du poudingue, mais qui sont aussi 702 SÉANCE DU 18 MAI 1868, bien caractérisés par les fossiles qu’ils renferment, paraissent pouvoir être rapportés à la partie supérieure de la formation miocène. Je citerai par exemple le dépôt de lignite d’Orignac (près Bagnères-de-Bigorre), dont la faune paraît être plus ré¬ cente que celle des faluns de Touraine. Les poudingues sont donc entre le grès de Fontainebleau (classé par Lyell et d’autres géologues dans le miocène) et la partie supérieure du terrain miocène. Les inclinaisons qu’ils présentent sont probablement dues en partie au mode de dépôt de ces amas d'éléments grossiers, en partie aux petites oscilla¬ tions des Pyrénées, qui ont eu lieu pendant et après l’époque miocène. Je décrirai maintenant les caractères des poudingues dans les environs de Pau. La ville de Pau est assise sur le bord d’un plateau élevé à peu près de 30 mètres au-dessus du niveau de la vallée du Gave. Ce plateau s’étend jusqu’à dix kilomètres au nord de Pau. 11 est entouré des trois côtés par une suite de plateaux et de coteaux dont les sommets sont élevés de plus de 50 mètres au-dessus de son niveau. Ce dernier niveau paraît correspondre à peu près à celui des sommets d’une ligne de coteaux qui borde le Gave du côté du sud, y formant le commencement d’une suite de petites collines qui s’étendent jusqu’au pied des Pyrénées. En allant de Pau vers les montagnes* on observe les phéno¬ mènes suivants : Coupe des environs de Pau. Pau. Gan. Les coteaux en face de la ville sont composés de galets, de cailloux et de blocs de toutes les grandeurs, jusqu’à près d’un NOTE DE M. STUART MENTEATH. Ÿ03 mètre de diamètre. Ces débris sont arrangés en masses sépa¬ rées par de petites couches de mollasses, de marnes et d'ar¬ giles. Quelquefois la stratification se montre par Suite de l’in¬ tercalation de petites couches formées exclusivement de petits galets. Ces galets, cailloux et blocs (1), sont reliés par un ci¬ ment de composition variable souvent formé de mollasse argi¬ leuse ou marneuse. Ce ciment devient quelquefois très-calcaire et en partie cristallin; il forme alors avec les cailloux qu’il em¬ pâte une roche très-dure qu’il faut exploiter avec la poudre. Les Cailloux et le cifneht qui les relie sont colorés par le fer, ayant Une teinte rouge ou orangée. Cètte teinte pénètre souvent jusqu’au centre des blocs. Cet amas de débris forme en partie l’escarpement qui borde le Gave du côté du nord, où est située la ville de Paü; il së montre au-dessoüs du parc et au-dessous de la place Royale, ainsi que dans la nouvelle tranchée prati¬ quée à Bisanos pour le chemin de fer de Pau à Lourdes. On Voit, dans cette dernière tranchée, des couches intercalées d’argile calcaire et de mollasse. Il se montre aussi au-dessous de l’église de Bisanos, dans la vallée du Gave; et oh peut ob¬ server, quand l’eau est claire, de gros blocs mis à nu dans le lit de la rivière. Ces dépôts s’étendent vers les montagnes sur une largeur de plus de sept kilomètres, leur épaisseur dépas¬ sant ordinairement 100 mètres. Les débris dont ils se compo¬ sent sont presque exclusivement calcaires et proviennent des formations nummulitiques, crétacées et jurassiques. Je n’ai ja¬ mais Observé dans la partie inférieure un seul fragment de gra¬ phe, mais j’y ai vu quelques galets et cailloux ophitiques très- décomposés. On y observe aussi des géodes provenant de la décomposition de gaiets calcaires. Tous les blocs sont plus ou moins arrondis, mais il y en a beaucoup qui ont une forme assez angulaire; j’en ai observé qui étaient presque carrés, et ce caractère ne paraît pas dépendre d’une dureté exception¬ nelle. Ils sont ordinairement de nature à se décomposer facile¬ ment à la surface. On observe beaucoup de blocs à Bisanos et ailleurs, tout aussi grands que ceux qu’on trouve à sept kilo¬ mètres plus près des Pyrénées. Les couches sont presque hori¬ zontales, mais ordinairement un peu inclinées au nord, peut- être en partie par suite de leur mode de dépôt, et en partie par suite de quelques oscillations qui ont eu iieü dans les mori- (1) J’emploie ces trois expressions pour indiquer les roches roulées de pe¬ tite, de moyenne et de grande dimëhsion. 704 SÉANCE DU 18 MAI 1868. tagnes depuis l’époque miocène. Le sol formé par la décom¬ position de ces dépôts produit le vin de Jurançon, le plus cé¬ lèbre du Béarn. Ces dépôts de débris calcaires sont recouverts, sur les coteaux de Jurançon, au sud du Gave, par des limons et des sables non calcaires avec des galets quartzeux; ces der¬ niers sont continus avec les sables des Landes de l’époque pliocène et sont parfaitement distincts des poudingues cal¬ caires, sur lesquels ils reposent en stratification non concor¬ dante. Après avoir traversé pendant sept kilomètres la largeur de ces dépôts, on arrive à leur extrémité escarpée vers les mon¬ tagnes et reposant sur les couches inclinées du terrain num- mulitique. Ces dernières couches sont suivies de couches crétacées composées de calcaires, de grès et de marnes, et formant la plupart des petites collines qui s’étendent à plus de 12 kilomètres, jusqu’à l’affleurement jurassique où cette der¬ nière formation s’élève en couches d’une inclinaison rapide formant une grande muraille, première bande des vraies mon¬ tagnes. Ces couches crétacées sont pliées à plusieurs reprises, et les collines qu’elles forment ne s’élèvent pas à de grandes hauteurs, probablement en partie par suite de l’arrangement des couches, en partie par suite d’une dénudation qui a réduit en plateau légèrement incliné l’ancienne surface de ce terrain, ce plateau ayant été depuis séparé en petites collines par l’ac¬ tion des ruisseaux et des glaciers. Le dépôt de débris calcaires des coteaux de Jurançon et du bord du plateau de Pau est presque horizontal; il s’intercale dans les couches de marnes et de mollasses d’Arbus, qui ont été rapportées, par Dufrénoy, à l’époque miocène. Ce dépôt de débris calcaires devient, à mesure qu’il s’éloigne des mon¬ tagnes, de plus en plus mêlé de mollasses et de marnes, et ces matières fines, au nord de Pau, remplacent enfin entièrement les cailloux et les blocs de la formation glaciaire lacustre miocène. Dans tout ce pays, les dépôts miocènes sont ordinairement cal¬ caires et les dépôts pliocènes non calcaires. Les sables et les limons avec galets quartzeux qui recouvrent les coteaux de Jurançon correspondent à ceux des coteaux au nord du plateau de Pau; ils en ont été séparés par suite d’une dénudation flu- viatile. Les blocs et les cailloux apportés par les glaciers de l’époque glaciaire post-pliocène ont été déposés sur une sur¬ face à peu près semblable à celle de nos jours; d’ailleurs ils ne sortent pas beaucoup des montagnes, tandis que les dépôts de NOTE DE M. STUART MENTEATH. 705 débris calcaires s’étendent jusqu’à plus de 20 kilomètres au delà des montagnes, et, depuis leur formation et celle du dépôt sablonneux qui les recouvre, de grandes dénudations ont eu lieu par suite de l’action des fleuves et des ruisseaux qui les ont sillonnés avant la formation des moraines de l’époque glaciaire post-pliocène,. Les dépôts quartzeux et gra¬ nitiques qui remplissent ces évasements se relient à ceux qui forment les moraines des glaciers de cette dernière période glaciaire. Dans la tranchée de Bisanos, sur un espace d’à peu près Tranchée de Bisanos. 30 mètres en longueur, 10 mètres en largeur et 3 mètres en profondeur, on a trouvé de vingt à trente blocs d’un demi- mètre à un mètre de diamètre. Quelques-uns de ces blocs étaient angulaires, les angles étant seulement émoussés. Ils étaient dérivés en partie des roches nummulitiques et créta¬ cées supérieures; le premier affleurement des couches num¬ mulitiques est situé à une distance de 7 kilomètres. Mais il est encore plus remarquable que certains blocs, reconnaissables par leurs fossiles, sont dérivés du calcaire à Dicérates, dont le premier affleurement est situé à une distance de 15 kilomètres en ligne droite. Je n’ai jamais vu de poudingues semblables à ceux de Pau, excepté à la colline de Superga (près Turin), décrite par M. Gastaldi comme d’origine glaciaire, et dans le vieux grès rouge d’une partie de l’Écosse où M. Ramsay a trouvé des cail¬ loux striés et dont il a décrit les caractères glaciaires. Les poudingues du permien de l’ouest de l’Angleterre paraissent aussi leur ressembler. Je crois qu’on ne saurait appliquer à ces poudingues des Py¬ rénées un meilleur nom que celui de poudingues de Palassou, que leur a appliqué M. Leymerie. Palassou les a décrits admi Soc. géoL, 2e série, tome XXV. 45 706 SÉANCE DU 18 MAI 1868. rablement, en les distinguant parfaitement de tous les autres poudingues et alluvions pliocènes et récents qui les accompa¬ gnent. Il se déclare incompétent pour expliquer leurs carac¬ tères extraordinaires par certains agents connus naturels. Si Palassou avait été au fait des derniers développements de la théorie glaciaire, je croisé qu’il ne se serait pas arrêté là. Le poudingue de Palassou a tous les caractères d’un dépôt d’eau douce ; il ne ressemble pas aux accumulations de cail¬ loux formées par la destruction des roches crétacées et num- mulitiques sur les bords de l’Océan. Il contient des amas de marne semblables à ceux des dépôts d’eau douce. Dans l’Ariége, il repose sur des dépôts contenant des fossiles d’eau douce. Dans le voisinage de Pau, il repose sur des dépôts marins. Ces observations confirment l’idée qu’il s’est formée après le sou¬ lèvement des Pyrénées. Dans l’Ariége, le poudingue repose sur des dépôts d’eau douce rapportés à l’âge du gypse d’Aix. Les poudingues cal¬ caires à cailloux impressionnés du Dauphiné reposent sur des dépôts d'eau douce rapportés par M. Lory au même âge. Les recherches de MM. Gastaldi, Sismonda, Pareto, etc., me pa¬ raissent prouver que les dépôts de la colline de Superga sont plus récents que le grès de Fontainebleau et plus anciens que la partie supérieure du miocène. Une partie au moins de la grande formation de la nagelflue de la Suisse me paraît occuper la même position. Ses divers dépôts présentent des analogies frappantes avec le poudingue de Palassou. Je crois donc qu’ils sont les représentants d’une même époque glaciaire qui a plus ou moins affecté toute l’Europe. On a cherché à expliquer les phénomènes de la colline de Superga en supposant que dans ce voisinage il aurait existé une montagne et par suite un gla¬ cier exceptionnel. Quand on trouve dans les Pyrénées des pou¬ dingues semblables et du même âge ayant quelquefois plus de 300 mètres d’épaisseur et s’étendant presque tout le long de la chaîne, je crois qu’il faut admettre une période glaciaire d’âge miocène, au moins aussi importante que celle des temps post-tertiaires. Les dépôts peu ou point fossilifères de l’époque glaciaire post-tertiaire forment la seule ligne de démarcation bien défi¬ nie entre les dépôts tertiaires et les dépôts récents. Les dé¬ pôts non fossilifères de l’époque glaciaire miocène me parais¬ sent de même former la seule ligne de démarcation entre les dépôts miocène et éocène. M. Uamsay a trouvé des poudingues NOTE DE M* STUART MENTE ATH. 707 présentant des caractères glaciaires dans le permien et le vieux grès rouge de l’Angleterre; si l’on trouve des représentants de ces poudingues en d’autres pays, on pourrait admettre des époques glaciaires pendant ces temps anciens. On pourrait fonder une classification là-dessus, les dépôts glaciaires non fossilifères correspondant dans l’échelle géologique aux lignes noires d'une échelle métrique. Une telle classification offrirait les plus grands avantages, aujourd’hui que les classifications fondées sur les fossiles deviennent de plus en plus difficiles. Je terminerai en faisant quelques remarques relatives à cer¬ tains travaux de M. Garrigou. J’ai publié mon premier mémoire sur les dépôts glaciaires miocènes des Pyrénées, en juillet 1866. M. Garrigou a publié, presque en môme temps, dans le Bul¬ letin de la Société géologique, un mémoire dans lequel il a décrit et illustré par une coupe la géologie des environs de Pau. La description de M. Garrigou diffère notablement de la mienne, M. Garrigou paraissant avoir confondu ensemble le dépôt miocène (poudingue de Palassou) et les dépôts pliocènes qui le recouvrent, tout en restant distincts par leur composi¬ tion et leur stratification. On comprend donc facilement com¬ ment M. Garrigou a cru pouvoir reprocher à M. Leymerie d’avoir confondu des poudingues de différents âges. J’ai publié quelques autres remarques sur les dépôts gla¬ ciaires miocènes dans le Bulletin de la Société Ramond, d’oc¬ tobre 1866. M. Garrigou a annoncé, en septembre 1867, dans le Bulletin de la Société géologique (plus d’un an après la pu¬ blication de mon premier mémoire), la découverte des preuves de l’existence d’une époque glaciaire miocène dans les Pyré¬ nées. J’étais un peu étonné de ne trouver aucune mention de mon nom dans ce travail, ne pouvant concevoir qu’un obser¬ vateur pyrénéen puisse ignorer les travaux de la Société Ramond. Toutefois je n’aurais pas réclamé si M. Garrigou avait donné des preuves fondées sur des observations indépendantes. Mais notre confrère s’est borné à décrire certains dépôts que de Charpentier avait décrits il y a un demi-siècle comme étant incontestablement formés par les eaux diluviennes (c’est-à-dire comme étant de l’époque glaciaire). La stratification plissée que présentent ces dépôts est assez commune dans les dépôts gla¬ ciaires (Jura, Desor), et néanmoins ceci paraît être le seul caractère qui ait conduit M. Garrigou à les classer dans le ter¬ rain tertiaire. D’ailleurs, on croira difficilement que les vallées 708 SÉANCE DU 18 iVUI 1868. actuelles soient les mêmes que celles de l’époque miocène et que les agents de dénudations aient laissé des dépôts meubles miocènes dans les vallées de montagne. Je répondrai à M. Stuart Menteath, ditM. Garrigou, que si j’ai fait le reproche à M. Leymerie d’avoir confondu le poudingue éocène des Pyrénées avec d’autres poudingues, ce n’est pas sans motif. M. le professeur d’Archiac, dont l’exactitude et la justice, en fait de science, pourraient être proverbiales, s’est gardé de donner le nom de poudingue de Palassou au poudin¬ gue de Péocène. M. d’Archiac a appelé ce poudingue poudingue des montagnes, et c’est là le poudingue auquel se rapporte le poudingue que M. Leymerie a constamment appelé poudingue de Palassou. Si M. Stuart Menteath donne ce nom au poudin¬ gue de la base des coteaux de Jurançon et en fait du miocène, il n’est pas possible que ce soit là le poudingue des montagnes éocène. Je prétends encore qu’il faut s’entendre sur ces divers poudingues et savoir s’il existe un poudingue éocène, un pou¬ dingue miocène, et enfin un poudingue pliocène, qui serait celui du sommet des coteaux de Jurançon, etc. Je dirai aussi à M. Stuart Menteath que, n’ayant pas eu l’in¬ tention de publier encore mes recherches sur l’étude des ter¬ rains glaciaires de l’époque tertiaire, je n’avais pas pris con¬ naissance de tout ce qui a été publié à ce sujet. Une commu¬ nication de M. Gastaldi m’a amené incidemment à parler des dépôts glaciaires tertiaires des Pyrénées. Je profiterai de cette occasion pour dire que les dépôts glaciaires quaternaires exis¬ tent dans toutes les vallées des Pyrénées. Je les connais depuis la vallée d’Aspe jusqu’aux vallées du Tech et de la Tet. Il y a aussi dans presque toutes ces vallées des dépôts glaciaires ter¬ tiaires. Si j’ai indiqué des dépôts tertiaires dans la vallée de Taras- con (Ariége), c’est parce que je les ai trouvés stratifiés sous les dépôts glaciaires quaternaires les plus anciens, et non en me fiant au puéril phénomène de plissement subi par ces dépôts, ainsi que l’a dit M. Stuart Menteath. M. Garrigou communique, au nom de M. Magnan, la note suivante : TABLEAU DES TERRAINS OBSERVÉS DANS LES PETITES PYRÉNÉES DE L’ARIÉGE — h » « I 3-3 1 1 ■ * 5 IIMli ! iîi % % I M 8 piîùifti pi! I 1 ? ! ii J î i* in 1 j » i | j 1 1 1 , j i 1 n » ; N O t e cLe M . Henri MA.GN AN Cfffhrte, Forte du. BuO.de la Soc. Géol. de Fraju-e . _ ' _ : _ _ _ _ _ — - Fi^.l— Coupe des Petites Pyrénées de PArîè^e entre le Pecli d’Arbiel et Daumazan . Echelle 80,000 fauteurs doublée*» . Tarteùig NOTE DE M. MAGNAN. 709 Note sur une deuxième coupe des petites Pyrénées de VAriége. — Sur rOphile ( diorite ), roche essentiellement passive , et Aperçu sur les érosions et les failles ; par M. Henri Magnàn (PL VI). Il y a peu de temps, M. Daubrée m’a fait l’honneur de pré¬ senter à l’Institut (1) une note sur une coupe des petites Pyrénées de VAriége , entre Cazères-sur-la-Garonne et Lacourt, au sud de Saint-Girons, qui démontrait : qu’à l’exception des formations houillère et permienne, sans doute perdues par failles dans la profondeur, tous les terrains étaient représentés dans cette ré¬ gion; qu’ils étaient constitués comme partout; que leur puis¬ sance était considérable; qu’ils se divisaient en quatre séries discordantes, l’une par rapport à l’autre, chaque série étant composée de divers termes concordants entre eux; que de nombreuses failles et des renversements venaient en compliquer l’étude, et qu’à trois époques différentes les Pyrénées avaient été bouleversées et dénudées, après la période de transition, après l’époque crétacée inférieure, après la formation de l’éocène. Depuis lors, de nouvelles courses, faites au nord du massif granitique et de transition de Riverenert et d’Esplas (S. E. de Saint-Girons), ont enrichi mes notes de plusieurs coupes N. S., parallèles à celle de Cazères à Lacourt, c’est-à-dire perpendi¬ culaires à la direction moyenne des couches; ces coupes, qui commencent au granité et finissent au miocène de la plaine, sont venues corroborer mes dires et m’ont donné de plus la certitude que l’ophite des Pyrénées, sorte de diorite, à laquelle on attribue généralement le soulèvement de nos montagnes, est une roche essentiellement passive. Avant d’aller plus loin et pour l’intelligence de ce qui va suivre, je vais donner, sous forme de tableau, la caractéristique lithoiogique et paléontologique des terrains, divisés en séries naturelles et en étages, qui constituent les petites Pyrénées de l’Ariége. Dans un travail complet que je prépare sur Je sujet, je ferai connaître, en détail, la stratigraphie de ces terrains; six coupes générales parallèles, de nombreuses coupes de détail intercalées dans le texte et une carte géologique à l’échelle de g~Q-g q~q*, permettront de juger de l’importance et de la conti¬ nuité des failles et des renversements qui les ont accidentées. (1) Comptes rendus, vol. LXYI,p. 432. 710 SÉANCE DU 18 MAI 1868. Le tableau ci-joint montre, on le voit, que les formations pyrénéennes rentrent dans la loi commune ; que le terrain de transition y est admirablement représenté; que le trias s’y montre avec ses trois étages; que le lias et le groupe oolithique y sont grandement développés; que la craie très-puissante, puisqu’elle atteint près de 3,000 mètres, y est plus complète que partout ailleurs; que l’éocène, marin et lacustre, y dépasse 1,100 mètres; et que le miocène et le pliocène couvrent d’une nappe épaisse le bassin sous-pyrénéen. Quant à l’ophite, depuis longtemps je ne partageais pas, à l’égard de cette roche, les idées généralement reçues; j’étais arrivé, comme M. Virlet d’Aoust (1) et comme mon ami M. le docteur Garrigou (2), à la conviction qu’elle ne jouait pas dans les Pyrénées un rôle éruptif; mais je n’osais l’écrire sans avoir par devers moi les plus irrécusables preuves. Aussi, dans ma note insérée dans les Comptes rendus de l’Acad. des Sc ., me con¬ tentai-je de dire à ce sujet : « Le trias est complet; les marnes irisées gypseuses se déve¬ loppent largement ; elles renferment de l’ophite en abondance ; on peut suivre cette singulière roche sur 30 kilomètres de lon¬ gueur entre le Salat et Saint-Martin-de-Caralp... » J’ai aujourd’hui en mains les preuves que je cherchais depuis longtemps. Ce sont les petites Pyrénées de l’Ariége qui me les ont fournies. On peut observer dans cette région des ophites de plusieurs âges, des ophites cambriennes (Lacourt) et des ophites triasiques (bande entre le Salat et Saint-Martin-de-Ca¬ ralp). Ces dernières, les plus importantes de toutes, sont tou¬ jours enserrées dans les marnes irisées gypseuses et salines; on les voit partout recouvertes par les calcaires, en petites couches et en plaquettes, de Pinfra-lias à Ameuta contorta , et reposant sur les cargneules et les calcaires compactes à Encrines du muschelkalk ; et j’ai fini par comprendre pourquoi Tophite et les terrains anciens se trouvaient à la base de nos grandes montagnes, souvent même au milieu de la plaine. Je vais rapidement esquisser la coupe N. S. (PL VI, fig. 1), qui m’a donné le mot de l’énigme. La longueur de cette coupe est de 25 kilom.; elle commence au Pech d’Arbiel, élevé de (1) Bull. Soc. gèol.} 2e série, vol. XXII, p. 321. (2) Bull. Soc . géol.} 2e série, vol. XXIII, p. 830. Réunion extraordinaire à Bayonne. — Jo?., t. XXII, p. 476. Mém . Acad, des sciences , Toulouse, 1866-1867, p. 648. NOTE DE M. MAGNAN. 711 1,370 mètres au-dessus du niveau de la mer (massif de Rive- renert et d’Esplas), passe à Tourné, Castelnau-de-Durban, Francou, le long de la cluse de l’Arize, puis à Balança, La¬ mothe, Ufferte, Porte-cluse, et se termine dans la plaine à Cam¬ pagne et à Daumazan. Du pech d’Arbiel à Castelnau-de-Durban, on peut étudier les trois étages du terrain de transition qui sont plissés et disloqués de mille manières; le cambrien ou laurentien, avec ses roches pélro-siliceuses, ses schistes graphitiques, ses dolomies (cet étage contient à Lacourt et au cap d’Erp, S. de Riverenert, du granité comme stratifié , de l’ophite, de l’eurite, du porphyre, des roches amphiboliques diverses); le silurien avec ses schistes ardoi- siers, ses grauwack.es schisteuses à Orthis , à Cardiola inter- rupta , à brachiopodes du groupe des Davidsonia, et ses calcaires noir bleuâtre, veinés de blanc par la barytine et le calcaire spa- thique, contenant des Encrines, des Orthocères et des polypiers ; le dévonien, formé de calcaires bréchoïdes, dolomitiques, jau¬ nâtres, marrons, quelquefois rougeâtres; d’argiles rutilantes, ferrugineuses, qui ont été souvent, et notamment ici, com¬ prises dans le trias; de calcaires et de calscbistes marmoréens, verts et rouges (marbre de Campan, marbre de Caunes), rem¬ plis de Clymenia et de Goniatites ; et de schistes verdâtres satinés azoïques. Une faille et en certains points des failles multiples, espa¬ cées de quelques mètres, mettent en contact, à Castelnau-de- Durban (entrée du vallon de Tourné), le silurien fossilifère avec les marnes irisées ophitiques du trias (1). On voit, à la montée de Lespy, Tophite verdâtre très-cris¬ talline alignée est-ouest comme les marnes qui l’encaissent, passer insensiblement à une ophite un peu décomposée, contenant des cailloux plus ou moins roulés de calcaire, de (1) Le muschelkalk n’apparaît pas ici ; il est perdu dans la faille; mais il se montre à l’0., surtout sur la rive droite du Salat, entre Paletes et Mon- dette (S. de Saint-Girons), où il atteint 100 mètres de puissance. On le voit 'là, ainsi que l’indique la coupe ci-contre (p. 712), séparé de l’infra-lias par les marnes irisées ophitiques; il se compose : de cargneules ou calcaires caverneux, de calcaires gris compactes, de calcaires jaunes avec nodules si¬ liceux , de calcaires bleus â l’intérieur, jaunâtres à l'extérieur, avec traces d’Encrines, de calcaires marrons, et repose sur les grès siliceux rougeâtres qui représentent le grès bigarré du trias, lesquels, près de Mondette, butent par faille contre le dévonien . 712 SÉANCE DU 18 MAI 1868. grès, de schistes. Cette ophite décomposée est là comme em¬ ballée entre de petites couches calcaires, de 0m,10 d’épais- A Groupe ooüüùqoe. — B lias. — C Infra-lias. — P Marres irisées et ophite. — É Mnschellalk. — F Grès siliceux rougeâtre (grés bigarré). — G Dévonien. seur, inclinées de 50° au nord, rectilignes (IL L’infra-lias, très- concordant , est au-dessus; il est suivi, jusqu’au delà de Francou, par les cargneules ou calcaires cariés, caverneux, et les calcaires rubanés du lias inférieur, qui représentent le groupe de la Gryphœa arcuata , par les calcaires compactes à Pentacrinites scalaris , Goldf., et les calcaires noduleux et marneux kPecten œquivalvis , Sow. . P. disciformis , Schl. , Lima , Terebratula punc- tata , Sow., ou subpunctata, Davids.. T. Jauberti , Desl., Belemni- ies , du lias moyen; par les marnes du lias supérieur; par les calcaires dolomitiques et les dolomies grises, brillantes, fétides de l’oolithe. Jusqu’ici, et en mettant de côté les failles, tous ces terrains sont dans leur position normale (PL VI, fïg. 1); vers le sud, c’est-à-dire entre le Pech d’Arbiel et Castelnau-de-Durban, le terrain de transition est très-ondulé, très-plissé, puis, entre ce village et Francou, le trias, l’infra-lias, le lias inférieur, le lias moyen, le lias supérieur et l’oolithe, sont inclinés de 45° environ, vers le nord. Mais, dès qu’on rencontre l’Arize. qui coule dans une faille, dirigée comme les Pyrénées E. O., faille remplie d’argile rouge ferrugineuse pisolithique, on observe une nouvelle série sub - verticale , complètement renversée. En effet, grâce à cette petite rivière, qui tourne bientôt à angle droit, dans une cluse dont l’entrée est dominée par les ruines du château de Saint- I) De Lespy à S égalas, petit hameau au N. E. de Castelnau-de-Durban, ou observe partout les ophites à cailloux roulés intercalées entre les petites couches calcaires. NOTE DE 31. MAGNAN. 713 Barthélemy, on peut voir l’alhien et l’aptien, avec leurs cal¬ caires compactes gris à Caprotina Ltmsdalii , d’Orb.? à Cidaris pyrenaica, Cott., à Huîtres crêtées, leurs argiles schisteuses et calcaires argileux noirâtres, à Orbitolina conoidea et dis - coideat Àlb. Gras, à Serpula , suivis par le néocomien repré¬ senté par des calcaires gris à Caprotina, Lonsdalii , d’Orb.? à Nerinæa , et des dolomies brillantes. La puissance de la craie inférieure est ici de 1000 mètres. Au delà, des failles égale¬ ment remplies d’argile rouge ferrugineuse font apparaître un lambeau calcaire appartenant à l’aptieD, avec Ostrea aquila, d’Orb. {Exogyra sinuata, Sow.), Cidaris pyrenaica, Cott, Capro¬ tina. Puis on trouve, avant d’arriver au moulin de Camp-Bataillé (Carte du Dépôt de la guerre), les dolomies brillantes grises et fétides de l’oolitbe supérieure et moyenne, qui affectent des formes étranges; les calcaires à Bélemnites et à Entroques de l’oolitbe inférieure; les marnes du lias supérieur, le lias moyen avec de nombreux fossiles : Pecten œquimhis , Sow., P. discifor- mis , Schl., et autres, Belemnites, Lima , Terebratula subpunctaîa, Davids., T. Jauberti , Desl., BhynchoneUa ietraedra , Sow., Gry- phæa Maccullochii , etc. Après le moulin, les cargneules et les calcaires caverneux, comme bréchoïdes, du lias inférieur ; les calcaires en petites couches de l’infra-üas; les marnes irisées opbitiques, gypseuses et salines ; les cargneules et calcaires du muschelkalk et les grès siliceux rougeâtres et bigarrés du trias. Plus loin, çà et là, apparaissent quelques lambeaux du terrain de transition (1). Les couches basiques, triasiques et de transition sont recou¬ vertes en majeure partie, au nord du moulin de Camp-Bataillé, par le conglomérat de la base de la craie moyenne qui, discor¬ dant par rapport à la craie inférieure, correspond, ai-je dit (2), aux grès à Orbitolina concara des Corbières, de Fouras et de la Provence (3). (Ailleurs et en bien des points, notamment en (1) A 2 Ml. O. de l’endroit où passe ma conpe, on peut, en suivant la route départementale de Saint-Girons à Pamiers, par le Mas d'Azil, étudier la même série renversée, brisée par de nombreuses failles. Le trias que l’on voit à l’église de Clermont (la Gransse) apparaît de nouveau plus au N. à Garaud, près de Gaussaraing; il contient du gypse exploité, et une source salée sourd dans le ruisseau. Le Dr Garrigou a indiqué le gisement tria- sique de Clermont dans ie Bulletin de la Société, 2e série, t. XXIII, p. 424 . (2) Compt. rend. Note citée. (B) C’est à M. d’Archiae que revient l'honneur d’avoir le premier signalé 714 SÉANCE DU 18 MAI 1868. descendant la vallée du Voip, entre Grabé et Montardit, on voit que ce conglomérat repose, d’une manière transgressive, tantôt sur la craie inférieure, tantôt sur les dolomies fétides de l’oo- lithe, tantôt sur le lias et le trias, tantôt sur des quartzites, sans doute du permien, tantôt enfin sur des roches plus an¬ ciennes.) Ce conglomérat, sans contredit un des terrains les plus inté¬ ressants des Pyrénées, forme, à lui seul, à Pouest de ma coupe, la montagne de la Fontaine-del-Fer (718 mètres) et celle de Ca- banères (signal 751 mètres), près de Camarade-la-Vieille. Sa base est constituée, ici comme à Félade (voir ma note précédente in¬ sérée dans les Comptes rendus ), par une sorte de brèche incohé¬ rente, de couleur sombre, formée de blocs de toutes dimen¬ sions, peu ou point roulés, qui atteignent souvent plusieurs mètres cubes ; sa partie supérieure par des poudinguesbréchoï- des, à pâte plus ou moins claire, en couches réglées, au milieu desquels se mo'ntrent des argiles plus ou moins schistoïdes psam- mitiques, à dalles gréseuses, très-micacées et à bancs de grès grossier. Les roches qui composent ce conglomératsoni toutes an¬ térieures à r époque cénomanienne. On y trouve des blocs de nature cristallophyllienne, pétro-siliceuse, des schistes, des dolomies, des calcaires marmoréens verts et rouges appartenant aux ter¬ rains anciens, des quartzites du permien?; des grès, des pou- dingues triasiques, de nombreux cailloux d’ophite , des calcaires caverneux, rubanés et noduleux du lias, des dolomies fétides de l’oolithe, des calcaires à Caprotina , à Terebratula sella et à Orbitolina du crétacé inférieur. Sa puissance près de Cama¬ rade, où il recouvre directement les couches salifères triasi¬ ques, dépasse 600 mètres. Aussi le désignerai-je à l’avenir sous le nom de conglomérai de Camarade. Cette puissante formation détritique bute par faille, à Ba- dans les Corbières ( Mém . de la Soc. géol., 2 e série, t. VI, p. 369 et 418) une discordance de stratification entre la craie moyenne, — grès à Orbitolina concava du col de Capella, — et la craie inférieure à Caprotines. Plus tard, M. le Dr Garrigou (Étude del’étage turonien du terrain crétacé supérieur le long du versant nord de la chaîne des Pyrénées, Bull., 2e série, t. XXIII, p. 419) a reconnu aussi la discordance qui existe entre les deux grandes périodes crétacées; mais il n’a fait qu’entrevoir à Celles, à Salies, à Capvern, etc., le conglomérat de la base, qu’il a rangé dans le turonien, croyant, sur l’auto¬ rité de savants géologues, que la craie inférieure des Pyrénées était céno¬ manienne. NOTE DE M. MAGNAN. 715 lança, contre les grès et les calcaires de la craie supérieure, subverticale ou plutôt renversée sur le garumnien et le num¬ mulitique. C’est la continuation de la brisure que j’ai indiquée àFélade ( loc . cit.). A Lamothe, la faille que j’ai aussi signalée à Tourtouse se retrouve et fait buter le nummulitique renversé contre le nummulitique normal , lequel plus loin, en compagnie du garumnien (1) et de la craie supérieure et moyenne, se courbe en voûte. C’est la continuation du bombement d’Aus- seing et de Saint-Michel, qui se termine à 2 kilomètres au S. E. d’Ufferte, près du signal de Lasserre (572 mètres) (2). A La- piche, avant d’atteindre Porte-cluse, le nummulitique est sur¬ monté par le poudingue de Palassou, très-puissant (au moins 1,000 mètres) (3), çàet là recouvert par le pliocène ou diluvium des plateaux. Plus loin, ce poudingue s’enfonce, un peu avant (1) Cet étage, dont la science est redevable à M. Leymerie, se divise en trois parties : deux assises de marnes ordinairement rutilantes, qui enser¬ rent des bancs puissants de calcaires compactes, siliceux, sub-lithographi- ques, gris clair, d’origine fluvio-lacustre. L’assise marneuse supérieure, un peu glauconieuse et blanchâtre dans la Haute-Garonne et dans la partie occidentale de l’Ariége, contient les fossiles de la colonie crétacée d'Ausseing ; l’inférieure, à laquelle des couches de grès et de calcaires caverneux sont subordonnées, renferme des débris de'carapaces de tortues, de sauriens et quelques coquilles d’eau saumâtre et marine. L’épaisseur du garumnien varie entre 200 et 400 mètres (c’est àüfferte, où l’élément calcaire domine, qu’il atteint, dans l’Ariége, sa plus grande épaisseur). On peut suivre ce terrain sans aucune interruption, des bords de la Garonne jusque dans les Corbières, où il se développe d’une façon remar¬ quable. C’est la partie supérieure et moyenne du groupe d’Alet de M. d’Ar- chiac (. Mém . Soc, géol., 2e série, vol. VI, p. 315). Les grès siliceux infé¬ rieurs de ce groupe représentent la craie de Maëstricht et le sénonien, en partie, d’Alc. d’Orbigny. (2) A quelques kilomètres à l’O., et notamment dans la vallée du Voip, au Pas-de-Gazaille, sur le nouveau chemin de Mérigon à Sainte-Croix, la partie inférieure de ce bombement laisse voir le conglomérat incohérent, à gros blocs, de Camarade, directement recouvert par les argiles avec dalles gréseuses, à empreintes végétales (niveau de l’île d’Aix), et par des grès sili¬ ceux, psammitiques, souvent un peu calcaires, remplis, en certains points, d ’Ostrea columba, Desh., de Cyclolites semiglobosa , Mich., d 'Hemiaster Desori, d’Arch., de Janira quinquecosiata , d’Orb., de Nautiles, etc., qui sont, à leur tour, recouverts par des grès à Hippurites et à Turbinolia , du turonien d’Alc. d’Orbigny. (3) Voir, quant à ce terrain, dont l’âge (éocène sup.) a été déterminé pour la première fois par le savant paléontologiste toulousain, M. Noulet 716 SÉANCE DU 18 MAI 1868. d’arriver à Daumazan, sous les strates horizontales du miocène de. la plaine, qui constitue le bassin sous-pyrénéen proorement dit. J’ai tenu à faire connaître, dès aujourd’hui et en entier, cette coupe, parce que, je le répète, elle donne à propos de l’ophite le mot de l’énigme. En effet, les petites Pyrénées de l’Ariége, qui ne sont pas cachées comme les environs de Dax et de Bayonne sous le miocène et le pliocène, montrent que des terrains dont la puissance est énorme (plusieurs mille mètres), ont été courbés en S gigantesque, renversés, faillés, puis dénudés et recouverts plus tard, en discordance, par des ; dépôts divers. Dès lors tout s’explique, tout s’éclaire de i la plus vive lumière; on comprend pourquoi on trouve, en i avant de la chaîne principale, dans la plaine ou à la base des montagnes, presque cachés sous des formations relativement récentes, les granités à mica palmé de Loucrup, au N. E. de ) Lourdes, les granités décomposés, les syénites, les roches tal- queuses, les ophites cambriennes du pont de Pouzac et de Gerde, près de Bagnères-de-Bigorre, les schistes de transition d’Espancoussès, danslaHaute-Garonne, lestalcschistesduPouy de Montpéroux; les ophites triasiques et les salines de Dax, de ; Villefranque, de Saliès-en-Béarn, de Saliès-du-Salat, de la vallée de Lens, de Camarade et de Gaussaraing dans l’Ariége; et on comprend aussi pourquoi nos maîtres, des savants illustres, ont cru que l’ophite était une roche éruptive. En effet, relevée après l’époque crétacée inférieure, démantelée ensuite par les eaux de la mer cénomanienne, l’ophite a été, suivant qu’elle formait des protubérances plus ou moins élevées, ici recouverte par le conglomérat de cette époque (Saliès, Camarade, Gaussa¬ raing, Bagnères-de-Bigorre, Helette, etc.), là par la craie supé- I rieure, comme dans les Basses-Pyrénées, ailleurs par le num- mulitique, ailleurs encore, comme dans les Landes, par le miocène et le pliocène. Cette roche paraissait sortir de des- ï sous, venir de l’intérieur, sous forme de typhon. Ainsi que l’ont dit, avec juste raison, M. Virlet d’Aoust, | M. Garrigou et d’autres géologues, il y a des ophites de plu¬ sieurs âges. Je crois même qu’à l’avenir on pourra facilement les reconnaître. Les ophites de transition passent souvent à la (Bull. Soc. gêol., 2e série, t. XV, p. 227), le remarquable travail de M. l’abbé Pouech : Mémoire sur les terrains tertiaires de V Ariège , etc. (Bull. Soc , géol.y t. XVI, p. B81). NOTE DE M. MAGNAN. 717 syénite, au granité décomposé (c’est à ce niveau qu’on trouve la lherzolite et la serpentine des Eaux-Bonnes, de Portet, de la haute vallée du Gers, de l’étang de Lherz); elles avoisinent des roches qui renferment beaucoup de minéraux, tels que la cou- zeranite, la trémolite, etc. (Aulus, Saint-Béat, Pont-de-Pouzac, vallée d’Arrens, Lacaune, dans le Tarn), quelquefois du gypse (Lacourt); les ophites triasiques sont accompagnées de marnes irisées, toujours gypseuses et salines, avec cristaux de quartz bi-pyramidés (hyacinthe de Compostelle) et calcaires jaunes, argileux, en plaquettes (bande entre le Salat et Saint-Martin- de-Garalp, Saliès-du-Salat, environs de Gaussaraing, vallée de Lensprès de Marsoulas, Villefranque. Gaujac, Saliès-en-Béarn, Bastennes et Dax); elles contiennent aussi quelquefois des cail¬ loux roulés (Lespy, Ségalas, près de Gastelnau-de-Durban, Tau- rignan-le-Vieux); les ophites du jurassique et de la craie infé¬ rieure sont enserrées dans des argiles auxquelles elles passent, sans trace de plaquettes calcaires (sud de Bagnères-de-Bigorre). Maintenant, qu’est-ce que l’ophite? Tout me porte à croire que cette roche est d’origine hydro-thermale, comme le gypse et le sel qui l’accompagnent (1). 11 restera à expliquer la présence des cailloux roulés qu’elle renferme quelquefois; mais il est un fait certain, qui me semble indiscutable, c’est que l’opbite est essentiellement passive. Contemporaine des terrains au milieu desquels elle est enserrée, elle ne se montre jamais dans le joint des innombrables failles qui accidentent les Pyrénées, et, il faut bien en convenir, ce serait pourtant là qu’on devrait la trouver si elle était réellement éruptive, si eile s’était épanchée à des époques relativement récentes, si elle avait soulevé nos montagnes comme on le dit tous les jours ; d’un autre côté, je ne lui ai jamais vu jouer le rôle métamorphique qu’on lui attribue; les calcaires ordinaires compactes, argileux et fossilifères de l’in¬ fra-lias, qui recoûvrent l’ophite sur 30 kilomètres de longueur dans les petites Pyrénées de l’Ariége, et les calcaires à débris d’Encrines du muschelkalk qui la supportent sont là pour en témoigner. Je dois ajouter que les dolomies, dans les Pyré¬ nées, ne sont pas dues au métamorphisme des roches; dans l’oolithe notamment, elles contiennent quelquefois des fos¬ siles et se trouvent comprises entre les roches très-fossilif'eres (1) J’ai quelquefois observé, notamment dans le trias des Corbières, des blocs d’ophite perdus au milieu de masses gypseuses. 718 SÉANCE DU 18 MAI 1868. et non dolomitisées du lias moyen et supérieur et du crétacé (in- férieur. Disons un mot maintenant des dénudations qui ont eu lieu à diverses époques géologiques et de l’importance des failles et des renversements. On a généralement négligé beaucoup trop jusqu’à présent l’étude des dénudations. Je suis certain qu’avant peu cette étude fera voir sous un jour nouveau la géologie de la France. Un coup d’œil jeté sur la coupe qui accompagne cette note montre que plusieurs mille mètres de couches ont été enlevés en certains points, à diverses époques, par les eaux; les trois étages du terrain de transition, aujourd’hui plissés, non con¬ tinus, s’étendaient autrefois en bancs horizontaux se superpo¬ sant l’un à l’autre; disloqués et ensuite balayés, ils ont fourni, avec les roches cristailophylliennes, les matériaux détritiques au moyen desquels, dans le monde entier, les terrains houiller, permien et triasique ont été formés. Plus tard, après les dépôts tranquilles du jurassique et du crétacéinférieur, est venu le cataclysme qui a mouvementé (qu’on me permette ce néologisme) en bien des lieux, dans les Pyrénées notamment, les couches comprises entre le granité et la craie albienne. Alors, en Europe comme presque partout, d’immenses érosions eurent lieu, très-considérables là où les terrains furent fortement relevés, milles ou presque nulles là où ces terrains restèrent horizontaux et se déposèrent ; tan¬ tôt en discordance sur des formations diverses (Pyrénées, Plateau central, Belgique , Prusse , monts Sudètes, Carpathes, Balkans, Sicile, Grèce, Turquie d’Asie, Caucase, Asie, Amé¬ rique du nord, etc.), le conglomérat bréchoïde de Camarade, les poudingues et les grès des provinces Cantabriques, les grès à Orbitolina concava de la Charente, les grès verts du Mans et du bassin de la Loire, le tourtia de la Belgique, le Hils-conglomé- rat et le Quadersandstein inférieur de l’Allemagne, les pou- dingues-brèches des contrées méditerranéennes et de la mer Noire, les grès à Cardium hillanum de l’Inde, les grès et sables à Pecten quadricostatus et quinquecostatus de la Delaware et du Texas ; tantôt en concordance ou presque en concordance , sur la craie inférieure (Angleterre, bassin parisien, Alpes occidenta¬ les, Provence, Espagne, Afrique, etc.); les mêmes grès verts à Orbitolina concava , et les couches à Ammonites varions et rho- tomagensis du Yorkshire, de l’îLe de Wight, de Rouen, de Ballon, d’Escragnolles, de la province de Constantine, etc. VOTE DE M. MAGNAN. 719 Plus tard encore , au-dessus des couches détritiques de l’époque cénomanienne, s’accumulèrent, durant une période de calme relatif, les dépôts de la craie turonienne, sénonienne et de Maëstricht, du garumnien et de l’éocène. Cette période, qui ne fut troublée que par des oscillations plus ou moins lentes, auxquelles sont dues la présence, en certains points, de formations lacustres et de roches poudinguiformes et gré¬ seuses, se termina par la dernière catastrophe qui vint donner aux Pyrénées leur grand relief, relief bien autrement puissant que celui que nous apercevons aujourd’hui, car ce sont les dé¬ bris provenant de ces montagnes qui ont comblé les deux immenses bassins miocènes qui s’étendent en strates horizon¬ tales à leur pied , bassins arrosés aujourd’hui par l’Èbre et la Garonne. La plupart des accidents dont il a été fait mention dans l’Ariége se prolongent le long de la chaîne, et, afin que l’on puisse facilement en juger, j’ai marqué, par divers pointillés, sur une carte des Pyrénées (PI. VI, fîg. 2), à l’échelle de la petite carte géologique de la France, les grandes failles que j’ai ob¬ servées à la base des hautes montagnes. L’accident remarquable dont j’ai parlé il y a quelque temps, c’est-à-dire la bande nummuiitique garumnienne et crétacée su- périeure renversée de Tourtouse et de Félade, que nous venons de retrouver entre Balança et Lamothe (PL VI, fîg. 1), se poursuit sur près de 400 kilomètres de longueur, de la Méditerranée à l’O¬ céan, ou mieux, de Tuchan (Aude) aux environs de St-Jean-de-Luz dans les Basses-Pyrénées, par le pied nord du pic de Bugarach, Sougraigne, Brenac, Nébias, Belesta, Pereille, Vernajoul (cluse au N. de Foix), Baulou, Balança-Lamothe, Camarade, Félade- Tourtouse, Saiiès-du-Salat, vallée de Lens, St-Martory, Lieoux- Latoue. Cachée par le miocène et le pliocène du plateau de Lannemezan, on la retrouve à Orignac, au nord de Bagnères- de-Bigorre, où mon savant maître, M. Leymerie, a signalé depuis longtemps la craie renversée sur le nummuiitique, puis à Ossun, près de Tarbes, de là à Bidache et à St-Jean-de-Luz, sur l’Océan; c’est le célèbre observateur des Pyrénées, Palas» sou, qui l’a indiquée parCoarraze, Nay, Bosdarros, Gan, Las- seube, Haget, Luc, Dognen, Camblong, Montfort, Laas, Orriule, Sauveterre et Bidache (1). (1) Mém. pour servir à Vhist. nat, des Pyrénées et des pays adjacents 3 t. I, p. 310 et suiv., 1815. SÉANCE DU 18 MAI 1868. 720 Je désignerai, dans mon prochain travail, les deux brisures qui enserrent cette bande, sous les noms de failles de Lens et de Camarade. La faille de l’Arize, au nord de laquelle la série crétacée in¬ férieure, jurassique, triasique et de transition est renversée, se continue à Pouest; elle passe à Montesquieu, au nord de Tau- rignan-le-Vieux, suit le Salat entre ce village et Lacave, se re¬ trouve près de Ganties, d’Encausse et de Barbazan. Plus loin on l’observe à Basus, où elle a été signalée par M. Hébert (1), puis au pied N. de la penne de Lbéris, àBagnères-de-Bigorre, à Lourdes, à Arudi, à Saint-Cristau; elle se poursuit sans doute au delà. La faille de Castelnau- de-Durban, qui fait buter, dans ce vil¬ lage, les marnes irisées du trias contre le silurien, se voit à l’est, près de Foix et de Celles ; à Pouest, je l’ai reconnue sur les bords du Salat, à Mondette, où elle met en contact les grès siliceux du trias et le dévonien. Mon ami M. le docteur Bleicher, qui s’occupe depuis quelque temps de la géologie de la partie la plus occidentale de l’Ariége, m’a appris qu’elle se continuait dans le massif du pic de Lestelas. C’est la môme qui passe au sud d’Aspet, à Juzet, aux bains de Siradan et de Sainte-Marie, près de Sarrancolin, dans la vallée d’Aure. Au S. E. de Bagnères-de-Bigorre, elle met le corallien à Nérinées de Bayen, entre le terrain de transition de la Yialette (Lesponue) et le lias du vallon de Serris (2). C’est encore la même brisure que M. Leymerie et moi avons remarquée, Pété dernier, à la li¬ mite des Hautes et des Basses-Pyrénées, vers la partie supé¬ rieure de la vallée de Lauzom, et qui fait buter les terrains secondaires contre le silurien du lac de Cap-de-la-Teste, au N. O. d’Arrens. Comme celle de l’Arize, elle doit se poursuivre au delà. La direction de ces failles varie entre E. O. et O. 30° N. La moyenne serait donc O. 15° N. D’autres failles s’observent dans le terrain de transition; celle indiquée sur ma coupe, à Tarteing, est très -bien indi¬ quée, vers Pouest, par le cours du ruisseau de Nert, affluent du (1) Bull. Soc . géol ., 2e série, t. XXIV, p. 387. (2) C’est à M. Ém. Frossard, le savant président de la Société Ramond, que l’on doit la connaissance du gisement liasique de Serris (Bull. Soc.-Ramond, t. II, p. 69). J’ai recueilli là, entre autres fossiles du lias moyen, le Pecten œquivalvis , Sow. NOTE DE M. MAGNAN, 721 Salat; mais la nature schisteuse des roches, ainsi que les nom¬ breuses dislocations et les plissements répétés, empêchent qu’on puisse suivre ces failles sur de longues étendues. Les brisures plus ou moins parallèles dont je viens de parler ne sont pas les seules que l’on puisse constater à la base du versant N. des Pyrénées. Plusieurs sont en partie cachées par des terrains récents. 11 est à présumer que les accidents des environs d’Ortbez, de Dax et de Bastennes sont la continuation de ceux que l’on observe au mont Alaric et dans le voisinage du massif de transition de Monthoumet (Corbières) suivant des lignes orientées O. quelques degrés N. Si nous sortons des Pyrénées, dans l’Aude, dans l’Hérault, dans les Gévennes, les accidents sont tout aussi grandioses. J’ai indiqué dans ces régions de longues failles dirigées N. 35° E. (système du mont Seny) qui se sont produites à la tin de l’époque éocène en même temps que celles des Pyrénées diri¬ gées 0. 15° N., ce qui prouve que les directions ne peuvent pas servir à caractériser l’âge des montagnes. J’ai signalé aussi dans les Corbières et dans les Cévennes de puissants renverse¬ ments et dit que ces deux chaînes se liaient aux Alpes par une série de rides parallèles (1). Depuis longtemps, M. Élie de Beaumont a appelé l’attention sur l’importance des ruptures de l’écorce terrestre. Dans ces dernières années, M. Lory a prouvé que les Alpes du Dauphiné et de la Savoie sont dues à d’immenses brisures linéaires, que des renversements s’observent à chaque pas et que les dénudations y ont enlevé des mille mètres de couches (2). M. Ébray est arrivé aux mêmes conclusions en étudiant la Sa¬ voie, le Morvan et l’Ardèche (3). M. Guillebot de Nerville a aussi démontré que les failles ont accidenté sur une vaste échelle le massif de la Côte-d’Or (4); les géologues qui se sont occupés du Jura ont fait connaître les nombreuses failles et les plissements qui impriment à ce pays un faciès tout parti¬ culier. On le voit, partout failles, presque partout renversements de (1) Bull. Soc. géol., 2e série, t. XXIV, p. 721. (2) Descr. géol. du Dauphiné , 1860-1864. Bull. Soc. géol. , 2° série, t. XX, p. 282. Id.} t. XXIII, p. 481. (8) Bull. Soc. géol ., 2e série, t. XVI, XIX, XX, p. 441 ; t. Xxi, p. 298; t. XXIII, p. 172; t. XXIV, p. 401. (4) Carte géologique de la Côte-d’Or, 1852-1 853. Soc. géol.} 2e série, tome XXV. 46 SÉANCE DU 18 MAI 1808. 722 couches, partout dénudations, et le long de ces failles, qui mettent en communication directe l’intérieur avec l’extérieur, sourdent les eaux thermales des Pyrénées, des Alpes et des Cé< vennes. Tout en reconnaissant que les causes actuelles ont joué le grand rôle dans les diverses formations, on est bien forcé de convenir, en présence de pareils accidents et de semblables dénudations, qu’à certaines époques, moins nombreuses, il est vrai, qu’on ne le croyait autrefois, de grandes forces, autre¬ ment puissantes que celles invoquées par les partisans exclusifs de la théorie anglaise, ont bouleversé notre planète; on est bien forcé d’admettre qu’après de terribles commotions, qu’après des affaissements suivis de brisures gigantesques, des déplace¬ ments alternatifs de la mer ont eu lieu, qui ont balayé à la fois des mille mètres de couches et amoncelé en certains points les immenses débris dont le conglomérat de Camarade nous fournit un si bel exemple. Si maintenant nous recherchons la cause de ces accidents, à l’exemple de savants éminents nous la trouvons dans la di¬ minution du noyau terrestre par suite du refroidissement; des vides se forment, des couches solides s’affaissent pour les com¬ bler; elles se plissent pour se loger dans un espace plus res¬ treint; des failles se produisent dont une des lèvres reste en saillie sur l’autre. Voilà l’origine des montagnes. Puis des dé¬ nudations ont lieu, de nouveaux terrains se déposent, qui sont à leur tour disloqués et démantelés. C’est ainsi que la nature continue son œuvre et que se forment les roches détritiques si abondantes partout. C’est d’une grandiose simplicité et en rap¬ port direct avec l’observation. Un fait important qui demeure acquis à la géologie pyré¬ néenne et que démontre la coupe qui accompagne ce travail et surtout celle si complète et si expressive insérée dans les Comptes rendus , fait qui sera corroboré plus tard par les coupes que je me propose de publier sur PAriége, sur l’Aude et sur les Hautes-Pyrénées, c’est qu’en dehors des trois catastrophes dont j’ai parlé les couches qui constituent nos montagnes n’ont pas été fracturées ; des oscillations plus ou moins lentes se sont seulement produites qui ont permis à certains terrains de se développer plus ou moins en quelques points. Le tableau ci- joint qui résume mes observations nous montre, en effet, que les divers termes de la 2e série (éocène, garumnien, craie supé¬ rieure et moyenne) sont concordants entre eux, et qu’il en est de NOTE DE M. MAGNAN.' 723 même des terrains appartenant à la 3e série (crétacé inférieur, groupe oolithique, lias et trias), etc. Il faut donc renoncer à voir dans les Pyrénées la trace des systèmes du Thuringerwald et de la Côte-d’Or. On est forcé d’admettre, en présence de la concordance du trias et du lias, de Poolithe et de la craie infé¬ rieure, que les fractures que plusieurs savants croyaient appar¬ tenir à ces systèmes se sont produites après la période crétacée inférieure, si ce n’est même en bien des cas après la formation de l’éocène à Palæotherium . D’un autre côté, les failles, dirigées en moyenne O. 15° N. dans les Pyrénées et N. 35° E. dans les Corbières et les Cé- vennes, ayant affecté les unes et les autres le même terrain , l’éocène lacustre, lequel a été, ici et là, renversé et recouvert en discordance par les strates horizontales ou subhorizontales du miocène à Dinothérium giganteum (1), je suis amené à dire pour les Pyrénées, les Corbières et les Cévennes, ce que M. Lory, le savant professeur de Grenoble, a dit pour les Alpes (2) : « Sans méconnaître la haute portée des savantes analyses de M. Élie de Beaumont, résumées dans la Notice sur les systèmes de montagnes , nous ne croyons pouvoir attacher à cette expres¬ sion, système de soulèvement , qu’un sens purement orographique, pour désigner l’ensemble des accidents des redressements de couches, des dislocations de tout genre, coordonnés à une même direction moyenne, peu variable ; mais nous ne saurions considérer cette direction comme caractérisant une époque unique et particulière de dislocations. » Et ce que M. Èbray a formulé il y a peu de temps, en d’au¬ tres termes, pour les massifs du Morvan et de la Côte-d’Or (3). Je conclurai en disant : Les Pyrénées rentrent dans la loi commune; les terrains y sont constitués comme partout. L’ophite (diorite) est une roche essentiellement passive. Ces montagnes doivent leur relief à des failles immenses li- (1) Voir ma note intitulée : Sur un chaînon qui réunit les Corbières à la montagne Noire {Cévennes), Bull , Soc. géol. , 2e sér., t. XXIV, p. 721, et pl. VI, fig. 2. (2) Descr. géol . du Dauphiné , p. 593. (B) Nullité du système de soulèvement du Morvan, Bull, Soc, géol,, 2e série, t. XXIV, p. 717. Nullité du système de soulèvement de la Côte- d Or et considérations générales sur la limite de la période jurassique et de la période crétacée, Soc, des sciences indust., de Lyon, 1867. 724 SÉANCE DU 18 MAI 1868. néaires et non à des soulèvements comme on le pense généra¬ lement. Les failles se sont produites à froid ; elles sont souvent rem¬ plies par des argiles rouges ferrugineuses, mais jamais par les roches réputées jusqu’à ce jour éruptives. Par trois fois les Pyrénées ont été disloquées et dénudées sur une vaste échelle. Les directions ne peuvent pas servir à caractériser l’âge des montagnes. M. Garrigou fait la communication suivante : Ophites des Pyrénées ; leur origine sédimentaire et métamorphique ; par M. F. Garrigou. Les roches que Palassou et de Charpentier ont décrites sous le nom d’ophite semblent avoir attiré dans ces derniers temps, d’une manière particulière, l’attention des géologues. Parmi les savants qui se sont occupés des diverses questions relatives à leur nature, MM. Dufrénoy, Élie de Beaumont, d’Archiac, Noguès, Leymerie, etc., ces deux derniers surtout, ont considéré et persistent encore à les considérer comme éruptives. Dufrénoy, en soutenant cette opinion, regardait aussi l’ophite comme de production récente. Telle est encore la théorie de M. Leymerie, qui diffère de celle de M. Noguès, puisque ce géologue suppose que l’ophite a percé les couches ;édimentaires à diverses époques géologiques. Contrairement aux autres géologues, M. Virlet d’Aoust pense que l’ophite est une roche sédimentaire, métamorphisée sur place, et qu’elle existe dans des terrains de divers âges. Avant M. Virlet, plusieurs observateurs, dont les noms illustrent encore la géologie, avaient émis une opinion contraire à celle que soutiennent surtout MM. Noguès et Leymerie, à savoir que l’ophite n’est pas une roche volcanique. Montaut, d’Arcet, Bayen, Picot de Lapeyrouse, Ramond, Pasumot, Palassou, de Charpentier, Cordier, Dolomieu, d’Aubuisson, Bro¬ chant, etc., n’avaient pas hésité à soutenir contre Dietrich, Grateloup, Borda d’Oro, que l’ophite n’était pas due aux feux souterrains, que c’était un « grunstein et non pas un basalte. » Palassou et Cordier avaient même émis l’opinion que le grun¬ stein semblait se comporter comme un terrain de dépôt. NOTE DE M. GARRIGOU. 725 Il a fallu arriver à notre époque pour voir formuler nettement sur l’ophite l’opinion que soutient M. Virlet. Malgré l’isolement de M. Virlet, je n’ai pas craint, déjà depuis plusieurs années, d’inscrire mon nom après celui du savant ingénieur pour soutenir la même opinion que lui (1). Mes études dans les Pyrénées ont pleinement vérifié les observa¬ tions de M. Virlet. Mon infatigable ami, M. Magnan, me charge de remettre aujourd’hui même à la Société une note dans la¬ quelle il veut bien partager, au sujet de l’ophite, les mêmes opinions que M. Virlet et moi. Au mois de mai 1866, M. Sterry Hunt, le savant géologue-chimiste du Canada, envoyait aussi à l’Institut une note dans laquelle il admettait en grande partie l’état non volcanique des ophites. Avant de détailler les faits que j’ai recueillis, je crois utile de faire quelques remarques essentielles sur ce qu’il faut en¬ tendre par une ophite. Ainsi que le disent très-justement M. Virlet et M. Noguès, l’abbé Palassou a confondu sous le nom d’ophite des roches qui diffèrent souvent l’une de l’autre. Aussi M. Noguès demande-t-il qu’on supprime le nom d’ophite. Cependant, un caractère par¬ ticulier à toutes ces roches comprises sous le nom d’ophite me fait dire que ce nom doit être conservé dans la minéralogie des Pyrénées. Ce caractère est la présence de la .magnésie. Elles paraissent en contenir de 6 à 40 p. 100, soit d’après les analyses que j’ai pu consulter, soit d’après celles que j’ai faites moi-même. Aussi, plutôt que de créer un nom nouveau pour représenter le genre auquel appartiennent ces espèces diverses, je propose de le conserver, pour les Pyrénées, du moins. L’ophite formerait donc, pour moi, parmi les roches, un genre, de même que le granité, les argiles, les calcaires ; il com¬ prendrait des espèces et des sous-espèces ou variétés. On au¬ rait, par exemple : (1) Bulletin de la Société géologique de France , t. XXII, p. 489 et sui¬ vantes. — Mémoires sur T Acad. des sciences de Toulouse , année 1866-1867, 726 SÉANCE DU 18 MAI 1868. Ophile (feldspath et ma ¬ gnésie) . . Amphibolite . . . diorite, . spilite. chlorite . lherzolite. Serpentine, stéatite . porphyre vert . . Intermédiaires à l’ophite ( syénite. et au granité . i protogine. Granité (feldspath, quartz et mica). . Intermédiaires au granité et aux argiles . Argile (feldspath) . porphyroïde . . . pegmatite . leptynite . gneissique. gneiss. micaschiste. schiste micacé. . phyllade. ardoise. schistoïde, grenue, com¬ pacte, caverneuse, compacte, quartzeuse, sa¬ bleuse, avec ou sans as- beste. schistoïde ou en masses. schisteuse on compacte, à pâte verte et à cristaux blancs, ou bien à pâte blanche et à cristaux verts. à grands’ et petits cristaux, avec ou sans mica, à grands ou à petits élé¬ ments, ou sous forme de pierre hébraïque. Ce tableau, que je ne fais qu’ébaucher aujourd’hui, mais que je me propose de discuter et de compléter plus tard, montre qu’il est difficile d’établir une limite bien tranchée entre les argiles, le granité et l’ophite, etc. En effet, la base de ces trois genres étant un feldspath, le gneiss et les micaschistes relient les argiles au granité ; la syénite et la protogine servent d’in¬ termédiaires entre le granité et les ophites, etc. C’est qu’il en est de la minéralogie et de la géologie comme des autres sciences; les éléments les plus différents se relient entre eux par une série d’intermédiaires. La base de la théorie des trans¬ formations successives me paraît vraie, non-seulement pour les êtres organisés, mais aussi pour le règne minéral. Chez les premiers, l’individu peut avoir une activité pour diriger la transformation; dans le règne minéral, l’individu est inactif; il subit la transformation survenue sous la simple influence des lois chimiques et physiques. On ne peut conclure que l’ophite n’est qu’un genre minéra¬ logique, comprenant plusieurs espèces , qu’après avoir vu sur place la même roche passer insensiblement à une infinité d’es- NOTE DE M. GARRIGOU. 727 pèces. Je ne saurais indiquer, dans les Pyrénées, de gisements plus aptes à montrer ces transformations que ceux du Tour- malet et du pic du midi de Bigorre, que j’ai déjà décrits (1), et celui de la montagne du Sahuque, entre Louvie (vallée d’Os- sau) et Lurbe (vallée d’Aspe). C’est dans ce dernier gisement, au S. d’Arudie, que nous avons constaté, avec mon ami Louis Martin, la présence, dans l’ophite, de l’amphigène en beaux cristaux trapézoèdres et en masse compacte porphyroïde. Ces gisements, celui du Sahuque surtout, montrent d’une manière incontestable que l’ophite type peut subir une infinité de mo¬ difications capables de faire méconnaître sa nature si l’on n’a pas suivi ses nombreuses et insensibles transformations. Ces faits indiqués, je vais aborder le principal sujet de mon nouveau travail : 1° Les ophites des Pyrénées proviennent de roches primitive¬ ment SÉDIMENTAIRES ET SONT ELLES-MEMES STRATIFIÉES. — Je puis dire immédiatement que tous les caractères physiques des ro¬ ches stratifiées se retrouvent dans l’ophite, stratification, cail¬ loux roulés, débris organiques. 1° Stratification. — Palassou avait le premier reconnu l’exis¬ tence de la stratification dans l’ophite. Dès l’année 1798, dans le n° 49 du Journal des Mines , il combat l’opinion de Borda d’Oro, qui attribuait une origine volcanique à la roche qui m’occupe. Plus tard (2), il reconnut avec Borda d’Oro lui- même la stratification de l’opbite aux environs de Dax, au Puy d’Arzet. En 1816, Cordier (3) avait su trouver les rapports de stratification entre le grunstein, le trapp et les roches qui les environnent. Il fait remarquer que les laves, au contraire, n’ont, avec les terrains qui les environnent, aucune relation directe, soit de contexture, soit de composition, soit de stratification; elles sontadventives dans ces terrains. De Charpentier (4) avoue qu’il n’a pas trouvé dans Pophite de stratification bien franche; il cite cependant la lherzolite comme se présentant en amas stratiformes au milieu des calcaires saccharoïdes. — M. De- lesse (5) déclare que l’ophite n’appartient pas, à proprement (1) Bull, de la Soc . géol. de Fr., 2e série, t. XXV, p. 97 et suivantes. (2) Mémoire sur Vophite des environs de Dax. Palassou, p. 225, 1819. (8) Journal de physique. Cordier, octobre 1816. (4) Essai sur la constitution géognostique des Pyrénées , p. 501, 1828, (5) Ann. des Mines, 5e série, 4e livr., t. XII, p. 187, 1857. 728 SÉANCE DU 18 MAI 1868. parler, aux roches éruptives. — - M. Yirlet a vu les rapports de stratification de l’ophite et des roches amphiboliques avec celles qui les environnent en Belgique, en Morée, en France, mais surtout au Mexique, sur une grande étendue de pays. Ces ophites étaient intercalées dans les schistes sans aucun déran¬ gement des couches et passaient insensiblement à ces schistes. Pour ma part, je puis signaler les ophites stratifiées dans un assez grand nombre de localités des Pyrénées : 1° dans la pe¬ tite vallée d’Arignac, près de Tarascon (Ariége), où le gypse et Pophite forment quelquefois des couches alternant entre elles; l’épaisseur des couches d’ophite varie de quelques centimètres à 1 et 2 mètres; 2° à Mercus et à Amplaing, entre Foix et Ta¬ rascon, l’ophite alterne en couches assez minces avec des cal¬ caires, des gneiss et des granités; 3° à Saint-Antoine, aux ma¬ melons qui séparent la vallée de l’Ariége de celle du Scios; 4° sur une infinité de points entre Foix et Saint-Girons ; 5° à Sa¬ lies (Haute-Garonne), à la carrière Cluzon et sur plusieurs points encore plus rapprochés du village, le gypse, qui forme de très-épaisses couches alternant avec l’ophite, contient tout aussi bien que cette dernière roche du talcschiste et des car- gneules qui alternent avec eux; 6° aux environs de Baréges, j’ai déjà signalé (1) de nombreuses couches d’espèces diverses d’opbites parfaitement stratifiées, souvent schisteuses; 7° à Lourdes, Palassou avait déjà indiqué (2) dans l’ophite la pré¬ sence d’un schiste argileux. J’ai vu dans ce point, au pied du pic de Ger, l’ophite alterner en stratification avec un schiste argileux et un calcaire gréseux ocré ; 8° dans la vallée d’Estaing, au N. O. du Monné de Cauterets, se développent ces immenses épaisseurs de terrains anciens qui, formant le prolonge¬ ment de ceux de Baréges vers PO., vont rejoindre dans les Basses-Pyrénées, en passant au S. des Eaux-Bonnes ceux de l’O. du département, dont j’ai parlé dans l’un de mes mé¬ moires antérieurs déjà cité. Dans cette vallée d’Estaing, au lieu dit Arréborocut, la paroi droite de la grotte qui porte ce nom est formée par une ophite en couche qui m’a présenté une stra¬ tification des plus nettes. Cette bande d’ophite a 3 mètres d’épaisseur. Elle passe insensiblement à un schiste vert chlo- rité, puis vient une couche de quartz, plus ou moins cristallin, quelquefois carié, avec cristaux d’amphibole, suivi d’un schiste (1) Bull., 2e série, t. XXV, p. 97 et suivantes. (2) Mém , de 1819 déjà cité, p. 182. NOTE DE M. GÀRRIGOU. 729 violacé, quartzeux, contenant lui-même de l’amphibole; ce schiste est dur, feuilleté, compacte, et finit par passer à l’am- phibolite avec pyrite et cristaux de galène cubique. Au-dessus, le quartz et le schiste ophitique forment une sorte de gneiss amphibolique, contenant en masse de la pyrite de fer. Le schiste fondamental de cette formation est un schiste argilo- quartzeux alternant avec des calcaires marmoréens. La stratifi¬ cation de cet ensemble est de E. 20° N. avec pendage au N. 9°. A Cauterets, les schistes argilo-siliceux, dans lesquels naissent les sources de César et des Espagnols, et qui forment la masse des roches de cette région, contiennent des schistes avec as- beste et diorite parfaitement stratifiés comme eux; 10° dans la partie O. des Basses-Pyrénées, vallées d’Aspe, de Laurhibare, de Saint-Jean-Pied-de-Port, on trouve à chaque instant des ophites ayant une stratification. Mais au sud de Cambo et d’It- zatsou, principalement, on peut voir une série considérable d’ophitesde diverses espèces, passant insensiblement aux schis¬ tes argileux, talqueux, phylladiens, asbestiques, au talcschiste, au calcaire dolomitique et chlorité, le tout uniformément et parfaitement stratifié. Si toutes ces roches ophitiques se comportant, quant à la stratification, comme un véritable terrain de dépôt, avaient été reprises par le feu central (comme on le dit bien souvent), fon¬ dues et remaniées, la stratification aurait, à coup sûr, com¬ plètement disparu. Si donc elles ont encore cette forme des terrains sédimentaires, c’est qu’elles l’avaient avant leur trans¬ formation. Bien que n’invoquant pas la même cause que M. De- lesse, comme ayant produit cette métamorphose, je puis dire cependant avec lui (!) : « Les roches argileuses sont souvent métamorphisées en jaspe ou en toute autre chose au contact des roches trappéennes. Alors elles conservent plus ou moins la trace de leur stratification qui est indiquée par des veines pa¬ rallèles. » Les ophites se comportent en cela comme les jaspes. 2° Cailloux roulés dans Vophite. — Si l’existence de la strati¬ fication dans l’ophite est déjà une présomption en faveur de son origine sédimentaire, la présence de nappes régulières de cailloux roulés enfermés dans cette roche peut être regardée comme une des preuves des plus concluantes en faveur de la théorie de M. Virlet. J’ai pu observer, il y a quelques années, (1) Ann. des Mines, 5e série, t. XII, 5elivr., p. 513 730 SÉANCE DU 18 MAI 1868. le premier fait de ce genre signalé jusqu’ici dans la montagne de la Rhune (Basses-Pyrénées). Il est utile, je crois, de le dé¬ crire avec détails et de donner une coupe à l’appui. La figure ci-dessous représente la coupe que j’ai relevée à la montagne de la Rhune quelques jours après le passage de la Société géologique dans cette région. Les sommets de la grande Rhune et de la petite Rhune (Ariouarountauaria) sont formés par un lambeau de poudingue et de grès triasique; mais ce lambeau de trias reposerait, je crois, en stratification discor¬ dante sur les alternances qui, étant comprises entre un membre NOTE DE M. GARRIGOU. 731 du terrain houiller et le trias, doivent appartenir au terrain permien, ou bien au terrain houiller avec lequel il semble marcher en stratification à peu près concordante. M. Oindre (d’Rzatsou) a vu la discordance de stratification entre le trias et le permien bien plus nette encore dans les environs de Vera qu’à la Rhune. J’ajouterai que la faille qui a formé la vallée est très-exactement orientée 0.30° N., direction on ne peut plus fréquente dans le trias de cette région, soit en France, soit en Espagne ; j’ai pu m’en assurer aussi par moi-même. En montant à la Rhune par le village d’Ascain, on gravit d’abord le flanc nord delà montagne, formé par du terrain per¬ mien. Une première formation opbitique se montre un peu au- dessous du lieu dit Mancbétenborda ; on la voit un peu plus haut reposer sur des grès blancs et plonger au N. avec eux. Sous ces grès existent des alternances de schistes argileux di¬ versement colorés, avec marnes et grès quelquefois psammites, ainsi qu’on peut le voir à Cheruenborda ; puis survient une épaisseur considérable de marnes grises. La direction de tout cet ensemble est de 25 à 28 degrés N. ; le plongement est de 45 à 50 degrés N., à part cependant sur le passage de quelques failles que nous n’avons pas à étudier ici. Quand on arrive, sans perdre de vue ces alternances, à une bergerie appelée Gheteitacoborda , on trouve, sous des bancs de grès roussâtres, une nouvelle couche argileuse passant peu à peu à l’ophite; cette dernière contient des cailloux roulés en nappes; 'leurs axes sont tous dirigés dans le même sens, comme ceux des cailloux roulés entraînés par un courant d’eau. Les variétés de cette ophite sont : l’ophite grenue, compacte, por- phyroïde. Le tout plonge de 45 degrés au N., en suivant la di¬ rection de 0,25 degrés N., déjà signalée. Ces bandes de cailloux roulés dans l’ophite se renouvellent et se montrent encore avant d’arriver à l’entrée de la vallée de la Rhune. L’ensemble que je viens de décrire repose en stratification discordante, à ce qu’il m’a semblé, sur une bande de terrain houiller dans lequel la Société géologique a trouvé de la houille et des empreintes de plantes caractéristiques. Sur tout cet ensemble repose le trias avec ses grès et ses poudingues de la base, plongeant de 25 à 30 degrés au N. Un lambeau de ce ter¬ rain forme le pic Airaaré de la petite Rhune. Lavallée formée entre la grande et la petite Rhune est le résultat d’une faille (0,30 degrés N.) du Thuringerwald, ayant redressé le trias et ayant amené au jour le terrain houiller. 732 SÉANCE DU 18 MAI 1868. Les cailloux roulés de l’ophite se trouvent aussi dans Pophite de l’Ariége, à Casteînau-de-Durban, à Ségalas, à Lespy, à Tau- rignan (1), dans le Saint-Gironais ; à Bagnères-de-Bigorre Po¬ phite contient des fragments de calcaire. 3° Débris organiques dans les ophites. — La science est bien pauvre en découvertes de ce genre, il faut l’avouer. Cependant M. Virlet d’Aoust a recueilli dans les roches ophitiques de la Morée de petits noyaux pisaires siliceux, enveloppés d’une pel¬ licule de pyrite de fer, qu’Aîexandre Brongniart n’était pas éloigné de regarder comme ayant une origine organique. Ne pcurrait-on pas attribuer une même origine aux petites cavités ovales, de 3 à 5 lignes de diamètre, à parois recouvertes d’une mince couchede spathcalcaire drusique, dont le centre est tantôt vide, tantôt occupé par de l’ocre, observées par de Charpentier dans les argiles fines et rouges qui accompagnent les ophites de la vallée de Leispars (Baigorry)? On croit aussi avoir trouvé des empreintes de trilobites dans les prasophyres des Vosges. Ce fait demande à être vérifié. 2° Il existe des faits physiques, STRATIGRAPHIQUES , GÉOLO¬ GIQUES, MINÉRALOGIQUES, S’OPPOSANT A CE QUE L’ON ATTRIBUE UNE origine volcanique aux ophites. — 1° Faits physiques. Cordier avait déjà comparé les unes aux autres les laves et les roches ophitiques. Celles-ci lui avaient paru conserver toujours une densité parfaite, tandis que les laves se présentent sous la forme de masses plus ou moins criblées de cavités bulleuses de toutes dimensions. Cette comparaison n’a pas une grande valeur en faveur de l’opinion que soutenait Cordier, car Palassou et de Charpentier ont signalé les premiers une opbite bulleuse à la¬ quelle il faut rapporter les « esponges » de Palassou (2). J’ai moi-même indiqué (3) une ophite caverneuse à Lordat (Ariége). Certaines ophites des Pyrénées, que j’ai fait fondre au four¬ neau de réduction, se sont divisées en deux couches très-dis¬ tinctes, l’une, inférieure, avec quartz et feldspath; l’autre, supérieure, vitreuse, brillante, verte, avec amphibole portant des traces de cristallisation. Le basalte fondu ne m’a pas pré¬ senté un semblable aspect physique. Les basaltes se divisent naturellement par prismes. Les masses (1) Mon ami M. H. Magnan m'a indiqué ces dernières localités. (2) Palassou, loc . cit.3 p. 94, 1819. (3) Bull . Soc. géol., 2e série, t. XVII, p. 487. NOTE DE M. G4RRÏGOU. 733 ophitiques ne se divisent jamais ainsi. Borda d’Oro a bien signalé au Pouy-d’Arzet, près de Dax, un ou deux fragments d’ophite sur lesquels il avait cru retrouver la forme prismatique. Mais ce fait unique, comme le dit Palassou d’après Faget de Baure, ne peut servis à formuler aucune conclusion ni à fonder un système. J’ai signalé plus haut la présence de cailloux roulés dans l’o- phite et l’existence d’une stratification, caractères physiques qui ne se rencontrent jamais dans les dépôts volcaniques. Dans certains cas, il est vrai, des coulées volcaniques se sont répan¬ dues sur des dépôts alluviens qu’elles ont englobés dans leur masse en les bouleversant. Mais on peut voir, dans ces cas, que les galets déjà déposés ont été saisis par la coulée qui les a en¬ traînés sans aucun ordre. Les axes de ces galets, au lieu d’être uniformément dirigés dans le même sens comme ceux des cailloux déposés et que la lave en marche n’a pas atteints ni déplacés, ont tes directions les plus variables et les plus inattendues. On n’a jamais trouvé dans l’ophite en couches ces cheires , ou accumulations de débris de tout genre entraînés par les laves, comme le ferait une rivière boueuse à l’époque de la débâcle des neiges. Jamais encore on n’a signalé dans l’opbite ces grottes aux stalactites vitreuses que renferment les véritables laves. Les ophites se désagrègent au contact de l’air bien plus vite et bien plus profondément que les basaltes. Toutes les fois qu’onfait des tranchées dans les ophites, il faut bien peu de temps pour voir la surface de la roche s’altérer, devenir jaunâtre et se ré¬ soudre en une argile plus ou moins rouge. Toutes les ophites ne se comportent pas ainsi, car il y en a de bien résistantes aux agents atmosphériques, mais la plus grande partie ne le sont pas. Les basaltes sont, au contraire, très-diffîciiement atta¬ quables. 2° Faits stratigraphiques et géologiques. — Les passages insen¬ sibles de l’ophite aux argiles et aux calcaires qui les renfer¬ ment me semblent constituer l’un des faits les plus concluants que l’on puisse invoquer, parmi ceux que je vais examiner, en faveur de la nature non éruptive de l’ophite. Ces transforma¬ tions graduelles, ces passages insensibles ont été vus dès le principe par des observateurs dont les descriptions géologiques seront toujours d’un grand poids dans la science. Je donnerai textuellement l’opinion de Cordier à ce sujet, opinion rappor- 734 SEANCE DU 18 MAI 1868, tée et admise par Palassou (1) : « Les savantes recherches de M. Gordier paraissent également propres à nous porter à croire que les grunsteins des environs de Dax et des Pyrénées ne doivent point être placés parmi les productions volcaniques ; ce savant observateur nous apprend que les laves lithoïdes sont presque toujours évidemment adventives relativement aux ter¬ rains qui leur servent de support ou qui parfois leur sont su¬ perposés; n’ayant avec eux aucune relation directe de connex- ture ou de composition et souvent de stratification , les grunsteins et autres roches de la famille des trapps, considérés dans leur gisement, se lient, au contraire, aux roches contiguës. (Journ. de Physique , octobre 1816.) Nous avons vu que, soit dans les Pyrénées, de même qu’au pied de cette chaîne, ils étaient accompagnés ou mêlés de matières argileuses. » La troisième partie du chapitre de Palassou sur l’ophite des Pyrénées est destinée à montrer aussi que l’ophite fait partie des couches argileuses ou calcaires qui les contiennent. J’ajou¬ terai, aux observations faites par Palassou, une seule de mes coupes géologiques choisie parmi toutes celles que j’ai pu relever. En allant vers Tarascon, quelques pas après l’auberge de Saint- Antoine, se présentent, s’élevant du sein des alluvions sur les¬ quelles est bâti Saint-Paul-de-Jarrat, une série de schistes argilo- calcaires alternantavec des couches de calcaire, le toutcontenant une grande quantité d’amphibole verte. Les schistes deviennent peu à peu compactes et plus feldspathiques, passent à une sorte rie porphyre vert à noyaux blancs; sur certains points la roche devient très-quartzeuse et contient parfois des cristaux de pyroxène; en plusieurs endroits elle est talqueuse. La stratifi¬ cation et les alternances sont parfaitement conservées; on dirait simplement que la masse stratifiée est imprégnée de minéraux et de substances amphiboliques. En s’approchant de la première bande calcaire (c), on voit le terrain prendre de plus en plus l’aspect de l’amphibolite et de la diorite. Bientôt la stratification se fond dans la masse ophitique qui conserve pourtant encore sur quelques points l’aspect feuilleté. L’ophite finit presque brusquement contre la bande calcaire c. Ce cal¬ caire est dur, cristallin, résistant, légèrement bleu, veiné de blanc par du spath calcaire, et contient des cristaux de même (1) Mémoire sur l’ophite des Pyrénées, p. 2 41, 1810, NOTE DE M. GARRIGOU. *od nature. 11 n’est pas fétide ; sa cassure est raboteuse, à larges esquilles, jamais nette. Sur certains points, la roche est comme e £ "a « -Ji M,; } pénétrée par l’amphibole. On y voit de nombreuses coupes de fossiles semblables à ceux déjà indiqués (1) à Saint-Genès-de- Celles, dans des calcaires dont ceux de Saint- Antoine ne sont que le prolongement vers l’O. (??), légèrement renversés , ainsi que le montre la coupe précédente. Au sud de la bande, le calcaire passe à une brèche schisteuse efflorescente, puis au schiste, exactement comme dans Je silurien supérieur entre Celles et Saint-Genès. Plus loin encore, sur le trajet de la coupe, le calcaire contient des rognons rosés assez argileux, les schistes ren¬ ferment des pyrites de fer et de la blende, ils deviennent efflo- rescents, passent à un calcaire magnésien, amphibolique, fer¬ rugineux. A cent mètres de là, toujours au sud, après avoir trouvé de nouveau des schistes quartzeux et des calcaires avec Ortbocères, Ecomphalus , etc., imprégnés d’amphibole, passant même à l’opbite, on rencontre des alternances de gra¬ nité et de gneiss, faciles à voir sur quelques points seulement, car des dépôts glaciaires les recouvrent. Ces alternances se ter¬ minent par la masse de granité qui se prolonge jusqu’à Taras- (1; Bull . Soc. géoltf 2e série, t. XXII, p. 508. — Id., t. XXIII, p. 149. 736 SÉANCE DU 18 MAI 1868. cou, et dans lequel est enclavé le calcaire îaurentien de Mercus. L’ensemble des roches que je viens de décrire plonge d’abord au N., puis au S., puis devient à peu près vertical, dans une bonne partie de l’espace qui sépare la première couche calcaire du second point ophitique ; les schistes finissent par s’ap¬ puyer sur les gneiss ( g ), en plongeant légèrement au N. Quel¬ ques centaines de mètres plus à PE., jusque après le niveau de la fontaine de Cabanuc, les mêmes couches siluriennes ne con¬ tiennent plus d’ophite. Celle-ci est limitée à la roche de Saint- Antoine. Est-il possible de voir dans ces roches autre chose qu’une modification des couches préexistantes opérée sur place, long¬ temps après leur dépôt et sans qu’elles aient subi le moindre dérangement dans leur ordre stratigraphique. Avec la théorie d’une injection d’ophite, physiquement inadmissible dans ce cas, comment expliquer la conservation de la stratification, la manière dont les couches schisteuses et calcaires se dégagent insensiblement de la masse même d’ophite, enfin, la présence de plusieurs lentilles d’ophite isolées et sans limites exactes au milieu des schistes et des calcaires? 11 serait impossible de montrer un basalte ou une roche volcanique quelconque se comporter comme l’ophite de Saint-Antoine. Mais, sans s’occuper davantage à décrire de nouveaux faits, il reste parfaitement établi par les observations si minutieuses et par les écrits si judicieux de l’abbé Palassou que l’ophite, les argiles et certains calcaires des Pyrénées passent insensible¬ ment les uns aux autres. Sur le plus grand nombre des affleu¬ rements d’ophite, il est impossible de voir nettement la sépa¬ ration entre cette roche et celles qui l’environnent. Pour qu’il n’y ait pas de doute possible sur l’opinion de Palassou et sur la réalité des faits, je citerai encore deux passages de l’illustre auteur des Mémoires sur l'histoire naturelle des Pyrénées (1). « Quand on considère les nombreuses variétés que ces bandes argileuses contiennent, on ne peut s’empêcher de reconnaître avec M. Haüy, que les argiles sont susceptibles d’une infinité de modifications qui tiennent à la nature des substances dont elles sont formées, aux quantités relatives de ces substances, au degré de finesse de leurs particules, etc.; en sorte que cha- (1) Loct cît., p. 187. NOTE DE M. GARRIGOU. 737 cun des terrains qu’on nomme argileux peut fournir un nombre plus ou moins considérable de variétés, qui différeront à quel¬ ques égards, soit entre elles, soit par rapport aux variétés si¬ tuées dans d’autres terrains. » Traité de Minéralogie, t. 111, p. 109. « Les bandes argileuses des Pyrénées présentent à chaque pas des preuves de cette vérité. Le schiste feuilleté se montre seul abondamment dans une partie ; il éprouve des altérations sans nombre dans une autre. On le voit ici remplacé par le schiste dur, là, par diverses variétés de grunstein; plus loin, l’argile se mêle aux serpentines, aux granités; peut-être le py- roxène en roche, que de Charpentier a découvert dans la vallée de Vic-de-Sos et dans les montagnes du Couserans, se mêle- t-il aux bandes argileuses qu’il modifie au point d’en faire dis¬ paraître quelquefois les premiers éléments, mais dont quelques vestiges décèlent encore l’origine; en un mot, la nature a ré¬ pandu dans ces bandes une infinité de substances qui, quoi¬ qu'elles ne paraissent avoir aucun rapport avec l’argile qui les constitue, doivent néanmoins être rapportées à la même for¬ mation. » La lecture de ces seules lignes, écrites par deux hommes dont on admire encore, sans l’avoir surpassé, le génie obser¬ vateur, montre d’une manière irrécusable que Haüy et Pa- lassou sont les premiers inventeurs de la théorie exacte sur la nature des opliites, théorie si bien et si complètement formulée plus tard par M. Virlet. Les conclusions tirées par Palassou à la fin de son chapitre sur l’ophite des Pyrénées (1) sont une nouvelle preuve à l’appui de ce que je viens de dire. Je ne citerai que la seconde : « Les faits rapportés dans ce mémoire semblent autoriser à pré¬ sumer : 2° que cette roche (l’ophite), souvent déguisée par ses altérations, fait partie des matières argileuses telles que les schistes, et qu’elle paraît appartenir à la même formation. x> Je joindrai enfin à l’opinion de Palassou celle de mon savant ami J. B. Rames, qui a si bien étudié les volcans de l’Auvergne. 11 parle des cc prétendus phénomènes volcaniques, qui, selon quelques géologues, se seraient manifestés avant l’époque ter¬ tiaire. Je n’ai jamais pu comprendre, dit-il (2), ce qu’on peut (1) Loc. cit.} p. 209 et suiv. (2) Préface, p. vm. J. B. Rames, Leçons sur les volcans. Aurillac, 1865. Soc. gèol.y 2e série, tome XXV. 47 738 SÉANCE DU 18 MAI 1868. trouver de volcanique, soit dans les trapps anciens, soit dans les phénomènes qui ont accompagné leur venue au jour. Si les trapps anciens sont des roches volcaniques, pourquoi les por¬ phyres, les mélaphyres, Teuphotide, la serpentine, etc., ne seraient-ils pas élevés aussi dans la même catégorie ? Ces roches, en effet, tout comme les trapps anciens, ont apparu dès l’époque de transition. » Malgré les conclusions déjà faciles à tirer des écrits et des observations pratiques des savants que je viens de citer, je veux passer encore en revue quelques preuves physiques impor¬ tantes à l’appui de l’opinion que je soutiens. Le nombre considérable de couches ophitiques en alter¬ nance dans divers terrains avec des schistes, des grès, des cal¬ caires, etc., le peu d’épaisseur de ces couches et leur régularité de concordance de stratification avec celles qui les enclavent sont, me paraît-il, des motifs suffisants pour croire que ces cou¬ ches d’ophite se sont déposées comme les roches sédimentaires qui les environnent. Tel est le cas du terrain laurentien des Hautes et des Basses-Pyrénées. Que penser de ces typhons d’ophite dont M. Noguès et M. Ley- merie ne cessent de parler dans leurs publications et qu’ils persistent à regarder, sans en donner la moindre preuve , comme un produit volcanique venu au jour à travers une fente de l’é¬ corce terrestre? Pour moi, ce ne sont là que des lambeaux de couches ophitiques cassées comme toutes les autres roches dans des mouvements de l’écorce terrestre, désagrégés ensuite par les agents atmosphériques, érodés à diverses époques géologi¬ ques par des courants d’eau, qui, de cette manière, ont pu isoler ces lambeaux d’ophite au milieu d’une plaine ou dans une vallée. Lorsque, dans une région, il y a eu un volcan, la géologie est assez avancée à notre époque pour permettre à l’observateur attentif d’en retrouver les traces. Jusqu’à ce jour, aucun géo¬ logue n’a pu montrer dans les Pyrénées un seul emplacement de cône de déjection ophitique. Tous les savants tant anciens que modernes sont d’accord sur cette absence, dans la chaîne que j’étudie, de cône de déjection volcanique . Cependant l’immensité d’étendue des ophites pourrait permettre de supposer que les cheminées volcaniques dont on les fait provenir devaient être assez considérables et assez multipliées pour qu’on puisse en¬ core retrouver l’emplacement de quelques-unes d’entre elles. Considérons aussi que l’ophite n’est pas une roche spéciale à NOTE DE M. GARRIGOU. 739 une seule époque géologique, mais que les terrains granitique, laurentien, silurien, carbonifère* permien, triasique, jurassique, crétacé, en contiennent. Il est donc bien probable que, puis¬ que les cônes de déjection des ophites sont un vrai mythe, les ophites eux-mêmes ont une tout autre provenance que celle des vraies laves. Cette manière de raisonner n’aurait peut-être pas une valeur absolue, si j’étais le premier et le seul à l’employer. Mais des Cordier et des Paîassou l’ont mise en usage avant moi. Elle ne serait pas non plus bien concluante si l’on n’avait d’autres bonnes raisons pour refuser à l’ophite cette origine volcanique. Jusqu’ici les bons motifs ne nous ont pas manqué pour soutenir cette opinion, et nous sommes loin d’avoir encore épuisé la série de faits qui viennent donner raison à la théorie de M. Virlet. 3° Faits minéralogiques. — Comparons les roches volcani¬ ques et les ophites, et voyons si leur composition minéralogique présente quelque ressemblance. 1° Examinons d’abord la composition des roches mêmes. — « On peut remarquer, dit M. Delesse (1), que les roches qui ont été amenées à l’état fluide, et qui ont une origine ignée comme jes laves, ont toujours une composition minéralogique très- simple ; elles sont essentiellement formées de deux minéraux, l’un du genre feldspath, dans lequel sont concentrés l’alumine et les alcalis, l’autre du genre pyroxène ou péridot, etc., dans lequel se sont concentrés l’oxyde de fer, la magnésie, la chaux. » Les ophites (lherzolite ou autres), d’après les recher¬ ches de M. Damour et celles de M. Daubrée, sont des composés de feldspath et de péridot olivine ; ils contiennent quelquefois un bisilicate de magnésie et de protoxyde de fer, très-souvent aussi et en abondance divers hydrosilicates de magnésie, talc, asbeste, etc., de même que l’hydroxyde de fer, comme dans l’opbite de Rabot (2). Ces bydrosilicates de magnésie entrant dans la composition intime des ophites, et n’existant pas dans les laves, forment, ainsi qu’on peut le dire d’après les études de M. Delesse, un caractère distinctif des roches volcaniques et des ophites. Une lave ne passe pas à la serpentine, tandis (1) Bull. Soc. géol.j 2e sérient. IX, p. 136. (2) Durocher, Annales des mines , 4e série, t. VI, p. 95. 740 SÉANCE DU 18 MAI 1868. que la lherzolite mélangée d’une certaine quantité de talc forme la serpentine. Voyons maintenant quels sont les minéraux adventifs dans les roches volcaniques et dans les ophites. Les roches volca¬ niques ne contiennent exceptionnellement que des pyrites ; elles se trouvent dans des vacuoles qui y sont quelquefois très- abondantes; l’ophite en contient souvent des quantités dans sa masse même. — Le premier genre de roche n’est jamais l’in¬ dice ni de gypse ni de sel gemme; avec l’ophite, au contraire, on court assez souvent la chance de trouver des masses exploi¬ tables de pierre à plâtre et de sel. MM. Grouzet et de Freycinet ont dit que les gypses et le chlorure de sodium étaient anté¬ rieurs à l’ophite et étaient stratifiés. L’antériorité de ces roches sur l’ophite est inadmissible, car dans la même localité elles sont stratifiées et reposent l’une sur l’autre alternativement. — Le talc etl’asbeste sont des minéraux tellement abondants dans l’ophite, qu’ils transforment quelquefois l’amphibolite en ser¬ pentine ; la serpentine n’existe pas dans les laves. — Le quartz, fort rare dans ces dernières, joue souvent dans les ophites des Pyrénées un rôle fort important. — Ceux-ci contiennent sou¬ vent en abondance de l’eau que la calcination leur fait perdre ; les roches volcaniques en renferment infiniment moins. 2° Étudions maintenant comparativement les roches calcaires en contact d’abord avec les ophites, puis avec les roches volca¬ niques actuelles. Les calcaires en contact immédiat avec les roches volcaniques ont dans presque tous les cas présenté une composition miné¬ ralogique particulière. Étudions cette composition avec M. De- lesse. C’est le calcaire de la Somma, calcaire essentiellement modifié par les laves se produisant encore de nos jours, et que ce savant géologue a pris pour type de calcaire ayant subi le métamorphisme de contact. « Quoique le calcaire de la Somma, dit M. Delesse (1), renferme un grand nombre de minéraux riches en magnésie, tels que le péridot, le pyroxène, l’am¬ phibole, le mica, la condrolite, la périclase, le spinelle, on peut remarquer qu’il renferme surtout ceux des minéraux magnésiens dans lesquels il n’y a pas d’eau ; il s’y trouve bien un peu de chlorite et peut-être de talc , mais ce n’est que rare¬ ment. La humboldtite et la gehlenite dans lesquels il y a (2) Bull. Soc. géol.3 2® série, t. IX, p, 130. NOTE DE M. GARRÏGOU. 741 quelques centièmes d’eau sont d’ailleurs pauvres en magnésie; enfin, on n’y rencontre pas de pyrosklérite ni d’autres hydrosi¬ licates de magnésie dont la présence est cependant si fréquente dans les calcaires dont la structure cristalline est bien déve¬ loppée. » « Cette absence presque complète des hydrosilicates de ma¬ gnésie est l’un des caractères qui, minéralogiquement, distin¬ guent le mieux le calcaire de la Somma des autres calcaires cristallins et en particulier du calcaire du gneiss. » Voyons immédiatement quels sont les minéraux les plus fré¬ quents dans les calcaires métamorphiques en contact avec l’ophite. Ce sont principalement l’hornblende, le talc, la tré- molite, l’asbeste et l’amiante, la stilbite, le quartz, la pyrite, le pyroxène, la couzeranite, la serpentine, la chlorite, le gre¬ nat, le dipyre, la pinite, le mica, l’axinite, etc., silicates dont un grand nombre ont en général pour base principale la ma¬ gnésie, et parmi eux un certain nombre forment des hydrosili¬ cates de la même base. Ainsi donc les minéraux contenus dans les calcaires au con¬ tact de Pophite sont en assez grande partie ceux dont M. De- lesse a constaté la présence dans les calcaires non métamor- phisés par une roche volcanique. A ce titre l’ophite ne serait pas une roche volcanique, venue à la surface de la croûte ter¬ restre, à l’état de lave en ignition. La grande variété des minéraux contenus dans les calcaires cristallins est aussi, comme le fait remarquer M. Delesse (1), très-peu favorable à l’hypothèse de leur formation sous l’in¬ fluence d’une roche volcanicrue à une température des plus élevées, et capable de fondre les calcaires dans lesquels ces minéraux ont pris naissance. Je ferai remarquer aussi que les minéraux qui accompa¬ gnent les calcaires et les schistes voisins de l’ophite, se rencon¬ trent, non dans la masse même des calcaires, ce qui aurait dû arriver suivant toute probabilité si la roche eût été fondue , mais bien souvent, pour ne pas dire presque toujours, ces minéraux se sont principalement déposés dans les interstices des stratifi¬ cations et des fractures. Les gypses parfaitement stratifiés dans des terrains secon¬ daires, comme l’a reconnu M. Collomb en Espagne, et comme (1) Bull . Soc. géol 2e série, t. IX. p. 136. SÉANCE DU 18 MAI 1868. 742 M. Delesse l’admet avec lui, contiennent aussi des minéraux qui ne permettent pas d’invoquer comme cause de leur formation l’influence d’une roche volcanique, ignée. Ces gypses contenant eux-mêmes leur eau de cristallisation sont abondamment pour¬ vus de talc, de mica, de quartz bipyramidé, etc. Dans d’autres cas, l’état métamorphique de certains calcaires ne peut pas non plus être attribué à l’ophite qui se trouve en contact avec eux; je veux faire allusion aux calcaires qui ont subi un métamorphisme régional. En effet, les roches volcani¬ ques ne produisent jamais que des effets de métamorphisme de contact. La lherzolite des Pyrénées, par exemple, n’a nullement modifié les calcaires saccharoïdes dans lesquels elle forme de vraies couches (1). Tl en est de même des calcaires des environs de Bagnères-de-Bigorre, dont la transformation est due à un phénomène de métamorphisme normal, d’après M. Delesse lui- même (2). Souvent même des brèche s stratifiées au contact de l’ophite et des calcaires n’ont point subi l’influence de la roche supposée éruptive. M. Delesse a aussi constaté que l’état dolomitique, de même que l’état marmoréen de certains calcaires en contact immédiat avec l’ophite, n’a pu être le résultat de l’arrivée d’une roche éruptive (3). Pour ma part, je ne doute pas que cette produc¬ tion de la dolomie en couches considérables en épaisseur et en étendue ne soit de formation contemporaine du dépôt. Je voudrais actuellement, après avoir énuméré les faits qui précèdent, donner de nouvelles preuves chimiques démontrant que les ophites ne sont pas des roches éruptives. Cette démons¬ tration, qui m’a entraîné à faire de nombreuses analyses, sera le sujet d’un mémoire spécial que je ferai connaître lorsque j’aurai terminé tout mon travail de laboratoire sur cette question. Mais je puis avancer dès ce moment que les analyses déjà faites ten¬ dent dans leurs résultats à sensiblement éloigner les ophites des laves et des basaltes. Je dirai donc avec les géologues anciens que j’ai déjà nommés, mais surtout avec M. Yirlet et en partie avec M. Delesse lui- même (4) : On doit conclure que l’ophite n'est pas une roche érup¬ tive et n'a pas une origine ignée comme les laves. » (1) Annales des mines, 4 e série, 5e livraison, p. 187. 1857. (2) Id., p. 198. (8) Id., p. 202. (4) Id., p. 464. NOTE DE M. GARRIGOU. 743 3° Il y a cependant dans les Pyrénées des ophites secondai¬ rement éruptifs. — Palassou, qui avait envisagé l’ophite comme une roche non éruptive, avait été cependant bien embarrassé à la vue de certains dykes d’ophite traversant les calcaires des Pyrénées. Incontestablement ces dykes n’étaient pas sédimen- taires, puisqu’ils recoupaient la stratification des calcaires. Dans ces dernières années, M. Delesse a donné dans ses magnifiques travaux sur le métamorphisme les preuves qu’il existait dans les Pyrénées, surtout aux environs de Bagnères-de-Bigorre, de vrais filons d’opbite traversant des roches appartenant à des époques géologiques diverses. Il faudrait n’avoir pas parcouru les Pyrénées pour méconnaître l’existence de ces filons d’am- pbibolites et de diorites. Je n’ajouterai qu’un nouvel exemple de ce fait à ceux qui sont déjà connus, en signalant un filon d’ophite à Juseth, près Luchon. C’est M. Fourcade, deLuchon, qui nous a conduits, Louis Martin et moi, sur ce gisement; nous ne pensons pas qu’il ait été signalé jusqu’à présent. L’af¬ fleurement se montre immédiatement au-dessus du village de Juzet. C’est une amphibolite d’un vert pâle et grisâtre, dans laquelle l’amphibole affecte une structure éminemment fibreuse et radiée ; il est impossible de la distinguer de certaines variétés d’ophite. Elle est injectée de quartz hyalin dont les veinules pénètrent également dans le schiste encaissant. Celui-ci, très- régulièrement stratifié, est orienté 0.30° à 40° N., et plonge au S.; cette allure se maintient sur une très-grande longueur, et l’on ne peut admettre ici aucun dérangement produisant l’ap¬ parence d’une fausse intercalation de l’oohite. C’est dans ce même massif que se trouve près de Saint-Mamet un fort beau gisement de gédrite mélangé de mica noir et de talc. L’ophite de Juzet recoupe les couches du terrain silurien; il se montre en trois points distants de quelques centaines de mètres, et si¬ tués en ligne droite, suivant la direction E. 35° à 40° N. En cha¬ cun des points, on peut reconnaître, en effet, que le filon suit cette direction. Cherchons une explication de ces faits plausible avec l’état actuel de la science. Ainsi que je l’ai montré dans un mémoire spécial (1), les diverses espèces d’ophite existent jusque dans les terrains stra¬ tifiés les plus anciens (granité, laurentien, cambrien, etc.). A (1) Bull . Soc. géol., 2e série, t. XXV, p. 97 et suiv. 1868. 744 SÉANCE DU 18 MAI 1868» des profondeurs telles que celles atteintes par ces roches non redressées, il est tout naturel d’admettre une chaleur suffisante pour les fondre. Dès lors, sous l’influence des mouvements de l’écorce terrestre, ces roches fondues ont pu, subissant des pressions considérables, être injectées dans les fentes, et arriver ainsi jusqu’à la surface de la croûte terrestre. Dans ces cas, des phénomènes de métamorphisme de contact se seront produits le long du filon injecté; il y aura eu action réciproque entre la nouvelle roche et la roche encaissante, et il se sera produit des minéraux divers dans lesquels l’eau aura joué un rôle des plus secondaires; les hydrosilicates pourront absolument man¬ quer. Le quartz sera fort rare (seulement adventif), et l’ophite aura l’aspect d’une amphibolite fondue et homogène. Dans d’autres circonstances, les ophites auront pu se ra¬ mollir et se désagréger en masse sans l’intervention de la cha¬ leur, par suite d’une action électro-chimique ou magnétique, ou bien encore sous l’influence d’une action moléculaire encore inexpliquée. Dans ces conditions de structure physique nou¬ velle, et sous l’influence des mêmes agents physiques invo¬ qués plus haut, les ophites ont pu pénétrer les fissures des roches, former des filons que des sources thermales ou des eaux venues de la surface et les pénétrant peu à peu auront plus tard consolidés par des dépôts calcaires ou autres. Mais alors il sera impossible de trouver des phénomènes métamor¬ phiques produits au contact de la roche encaissante et de la roche en filon (environs de Bagnèresde-Bigorre). Je crois encore que des filons d’ophite ont pu être formés sur place dans certaines circonstances, et simuler, pour l’œil peu exercé, des filons injectés : c’est lorsque des sources ther¬ males chaudes (que je vais faire intervenir bientôt comme agent formateur de l’ophite) ont pu circuler dans des roches aptes à être transformées en ophite, en portant, pour les joindre à ceux déjà contenus dans les roches encaissantes, les éléments né¬ cessaires à la formation de l’ophite. It y aura dans ces cas des hydrosilicates, des phénomènes de dépôt le long des filons, ou, si on veut, les traces incontestables du passage de l’eau thermo¬ minérale ayant produit des cristaux ou des masses de quartz. 4° Causes de la formation de l’ophite. — Je n’hésite pas à le dire dès le principe, la véritable cause de la formation de l’ophite est l’intervention des sources thermo-minérales, char¬ gées surtout de sels de magnésie, sur des argiles qui ont pu NOTE DE M. GARR1GOU. 745 fournir l’élément feldspathique des ophites, ainsi qu’une por¬ tion des matières composant les hydrosiîicates. Les faits qui se passent de nos jours encore dans la station thermale d’À- mélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) permettent de faire cette supposition que je crois bien rapprochée de la vérité. Je ne puis comprendre comment M. Noguès et M. Leymerie, qui ont étudié cette région des Pyrénées, n’ont pas vu (bien que cela se passe sur une petite échelle) la formation du gypse et de la roche magnésienne par les sources thermales actuellement exploitées. Les griffons d’Amélie sortent soit des fractures du granité, soit de la stratification des schistes supérieurs à ce dernier. Dans le granité, la source du grand Escaldadou a déposé du gypse cristallisé et formant filon dans la fracture qui sert d’issue h l’eau minérale. Dans les schistes argilo-quartzeux qui reposent sur le granité, les sources thermales se comportent d’une façon particulière. Après avoir traversé le granité, les eaux pénètrent le schiste, s’infiltrent dans la stratification, et circulent en en suivant les interstices. Dans le jardin Hermahessière, aujour¬ d’hui jardin de l’établissement Pereyre, on n’a qu’à percer les schistes où que ce soit jusqu’à 1 ou 2 mètres de profondeur environ pour qu’on arrive sur l’eau minérale. Les schistes naturels de la région sont composés de très- minces bandes d’argile plus ou moins ferrugineuse et de quartz. Ils forment des schistes finement rubanés ainsi qu’on peut le voir au moulin près de la passerelle conduisant aux fours à plâtre. Dans le jardin signalé, ces schistes sont imprégnés de gypse et d’une sorte de matière talqueuse, chloritée, qui rem¬ plit les interstices des strates. Le schiste lui-même est comme ramolli; il s’effrite facilement; on dirait même que sur cer¬ tains points le gypse et cette matière talqueuse ont remplacé les éléments du schiste. Sur d’autres points, même au contact des sources chaudes, les schistes ont encore leur aspect pri¬ mitif. Sur d’autres, principalement au contact des points gyp- seux et chlorités, on dirait que la silice dissoute dans l’eau a eu un commencement de cristallisation; il y a des noyaux de quartz séparés du reste de la masse et colorés en vert comme le gypse et la substance talqueuse. Sur quelques points aussi le gypse a formé des cristaux isolés. Les traces de la stratifica¬ tion restent presque partout apparentes. Pourquoi dans la majeure partie des cas les choses ne se se¬ raient-elles pas ainsi passées pour la formation des ophites et 746 SÉANCE DU 18 MAI 1868. des gypses? Cette manière si naturelle d’envisager la produc¬ tion de ces roches explique très-bien la persistance de la stra¬ tification, la présence de cailloux roulés, l’absence de phéno¬ mènes métamorphiques locaux, profonds et semblables à ceux que produit une roche ignée, enfin l’existence de phénomènes dus au métamorphisme régional. A des époques géologiques anciennes, les sources thermales ont dû abonder (1); certains faits laissent même supposer que, pendant de longues périodes, les mers devaient avoir une tem¬ pérature assez élevée. Cette manière d’être de l’eau de la mer n’était nullement incompatible avec la persistance des phéno¬ mènes vitaux, puisque nous savons qu’en Afrique des poissons, êtres déjà bien perfectionnés, peuvent vivre dans des sources ayant 60° et 70° centigrades. Cette température permet aussi de supposer avec le temps la production de faits dus à un méta¬ morphisme profond. Nous savons, en effet, que M. Daubrée a observé dans les bétons et dans les briques, qu’avaient employés les Romains aux bains de Plombières, des transformations jus¬ qu’alors ignorées. Il a suffi de quelques siècles et d’une eau chargée de peu de substances salines ayant une température de 70° seulement, pour silicatiser les briques et pour former plu¬ sieurs silicates, l’barmotome, la chabasie, etc., sur les points des bétons où l’eau rencontrait les matériaux nécessaires à la formation de ces minéraux. Si des bétons bien compactes, bien homogènes, composés spécialement pour retenir les eaux, ont pu, à la longue et sous des pressions peu considérables, être traversés dans toute leur masse par l’eau qui les imbibait, à plus forte raison des terrains fissurés et stratifiés ont pu être imprégnés par des eaux thermo-minérales capables de produire sur eux de nouveaux minéraux et des transformations considé¬ rables, profondes et même totales. Si des sources thermales, apportant sans fracas et sans bruit, mais avec lenteur et persistance, des matériaux nouveaux pour les mélanger à ceux de la roche déjà existante et pour produire les formes minéralogiques et chimiques nouvelles, n’avaient pas produit le gypse et l’ophite, comment pourrait-on expliquer la présence de ces produits au milieu de terrains stratifiés, (1) Des observations faites sur diverses sources thermales des Pyrénées me font admettre que ces sources ont beaucoup diminué depuis la fin de l’époque quaternaire. NOTE DE M. GARRIGOU. 747 isolés sous forme de masses, de lentilles et de mouches, et eux- mêmes stratifiés? Mais il n’y a plus aujourd’hui que quelques bien rares géo¬ logues persistant à considérer le gypse comme une roche pro¬ duite sous l’influence d’émanations d’acide sulfurique agissant sur le calcaire, émanations qui auraient coïncidé, suivant eux, avec l’arrivée de l’ophite sous forme de lave. M. Delesse a déjà condamné cette théorie (1), sur laquelle il est inutile de re¬ venir. Les sources thermo-minérales n’ont pas seules, je crois, la propriété de déterminer la formation de minéraux magnésiens verts susceptibles de donner à une roche argileuse l’aspect ophitique. Voici un fait qui le prouve. Les auteurs de la carte géologique de France ont indiqué un pointement d’ophite au N. du village de Montgaillard (Ariége), à 4 kilomètres au S. de Foix, sur la route de Tarascon. Cet ophite n’est autre chose qu’un grès argilo-quartzeux, ferrugi¬ neux et calcaire, avec mouchetures vertes; ce grès se décom¬ pose avec facilité en donnant lieu à une argile ocrée et assez quartzeuse. Il fait incontestablement partie de l’étage turonien. Ce point est le seul sur lequel je connaisse ces grès ainsi modi¬ fiés; il n’y a cependant nulle apparence de source thermo- minérale, soit ancienne, soit moderne, qui ait pu produire ce changement. Je me contente d’indiquer le fait comme fort cu¬ rieux tant par lui-même que par la détermination de MM. Du- frénoy et Élie de Beaumont; je n’en donnerai pas d’explication. Après avoir examiné les causes qui ont pu intervenir pour former l’ophite, je dirai : Si d’un côté M. Delesse (2) convient: 1° que la présence des hydrosilicates, des carbonates et des hydroxydes dans les cou¬ ches qui encaissent les roches trappéennes (équivalant à l’ophite), conduit à admettre que le métamorphisme de ces couches doit moins être attribué à une roche ignée qu’à une action aqueuse; 2° que le métamorphisme caractérisé par la terre verte qui contient de l’eau est lui-même dû à une action aqueuse (3), je n'hésite pas d’un autre côté à conclure moi- même : 1° Que les ophites et les roches en contact avec lui contenant (1) Annales des mines , 4e livraison, p. 224 et 230. 1857. (2) Annales des mines , 5e série, 4e livraison, p. 230. 1857. (3) Loc. cit 5e série, 4e livraison, p. 264. 1857, 748 SÉANCE DU 18 MAI 1868. des hydroxydes, des carbonates, des hydrosilicates, des zéoli- thes et de l’eau, sont dus à une action métamorphique pro¬ duite par des eaux thermo-minérales ; 2° que la production des terres vertes des Pyrénées qui accompagnent souvent les ophites et qui renferment aussi des hydrosilicates, des hydroxydes et des carbonates, est due à la même cause, c’est-à-dire à un métamorphisme produit sous l’influence de sources minérales chaudes. 5° Il existe dans les Pyrénées des ophites de divers âges. — 1° J’ai déjà montré (1) que le granité contient des couches d’o- phite (d’amphibolite) dans l’Ariége, à Mercus, à Tarascon, etc.; 2° dans le même travail, j’ai indiqué diverses espèces d’ophite dans le laurentien de Mercus, de Baréges, des Basses-Pyrénées; 3° dans le silurien supérieur de Saint-Antoine (Ariége); 4° peut- être dans du dévonien ? à Lordat (Ariége) ; 5° l’ophite abonde dans le trias au-dessus du grès rouge et probablement du mus- chelkaik, dans les marnes irisées. M. Yirlet l’a indiqué dans une infinité de localités. Je l’ai vu pour ma part à Arignac, à Ar- nave (près de Tarascon), entre Foix et Saint-Girons, d’une ma¬ nière à peu près continue, à Camarade, dont j’ai depuis longtemps indiqué le massif salifère et gypseux comme tria- sique, à Lacour (2), sur les bords du Salat, aux environs de Salies, de Montsonés, de Betchac, deTaurignan, dans la Haute- Garonne, à Betharam, dans la vallée d’Ossau, entre Arudy et Saint-Christau, dans la vallée d’Aspe où M. Leymerie lui a fait dernièrement (3) jouer sur une grande échelle le rôle de roche éruptive, dans la vallée de Laurhibare, où mon ami L. Martin l’avait si bien étudié et si bien classé, enfin dans tout le pays basque, où cette roche joue, en même temps que le trias, un rôle des plus importants. C’est l’ophite du trias que M. Noguès et M. Leymerie font sans cesse rentrer dans le ter¬ rain crétacé; 6° il y a aussi de l’ophite jurassique à la base du lias, dans quelques rares localités, peut-être au Saint-Barthé¬ lemy (Ariége), près Cornus ; 7° j’ai enfin montré que les grès turoniens ont pu s’ophitiser. (1) Bull. Soc. géol.,%. XXV, p. 106. 1868. (2) M. Magnan le regarde ici comme ophite cambrien; il a peut-être raison, mais je garde mon opinion malgré tout le poids de la détermination de mon savant ami. (3) Mémoires Acad. sc. Toulouse, 1866. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 749 Conclusions. L’ophite n’est pas une roche primitivement vol¬ canique; c’est, au contraire, une roche de dépôt, sédimentaire, argileuse , métamorphisée sur place par suite de phéno¬ mènes dus à des sources minérales et chaudes ayant produit un métamorphisme régional , et qui , plus tard , a pu être fondue sous l’influence de la chaleur terrestre et à de grandes profondeurs dans l’écorce du globe; à cet état, il a pu, subis¬ sant des pressions très-considérables, être injecté dans des fentes et des failles et se présenter à nos yeux aujourd’hui sous la forme de roche éruptive. Séance du 8 juin 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Luuyt, ingénieur des mines à Lyon (Rhône) ; présenté par MM. Levallois et Delesse. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Th. Ébray, Végétaux fossiles des terrains de transition du Beaujolais ; in-8, 20 p., 12 pl.; Paris, 1868; chez J. B. Baillière et fils; Lyon, chez P. Mégret. De la part de M. Émile Sauvage, Catalogue des poissons des formations secondaires du Boulonnais; in-8, 100 p., 4 pl. Bou¬ logne-sur-Mer, 1867; chez Ch. Aigre. De la part de M. Tournai, Notice géologique sur le départe * ment de l’Aude; Carcassonne, 1868; chez L. Pomiès. De la part de MM. A. Briart, F. Cornet et A. Houzeau de Lehaie, Rapport sur les découvertes géologiques et archéologiques faites à Spiennes en 1867 ; in-8, 40 p. , 12 pl. ; Mons, 1868; chez Dequesne-Masquillier. 750 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. Comptes rendus hebd, des séances de l'Académie des sciences; 1868, 1er sem., t. LXVI, n09 23 et 24, in-4. M. Émile Sauvage présente un ouvrage Sur les Poissons fossiles du Boulonnais (v. la Liste des dons), et en donne l'ana¬ lyse suivante : Le catalogue des ichthyolithes de Boulogne n’est que la pre¬ mière page d’une série de travaux, qu’avec l’aide de nos savants confrères nous nous proposons d’écrire sur les poissons fos¬ siles de la France. Nous avons décrit et catalogué nos poissons crétacés et ju¬ rassiques; ceux-ci comprennent 11 genres ( Lepidotus , Pycnodus , Cyrodus, Strophodus , Curtodus , Acrodus , Hybodus , Aster acanthus, Auluxacanthus, Sphœnodus , Ischyodus ), et 47 espèces réparties en 5 familles ( Lepidoides , Pycnodontes , Cestraciontes , Squalidés , Chi- mérides), appartenant aux deux ordres des Ganoïdes et des Pta- coïdes. Deux genres , Curtodus et Auluxacanthus , et 16 espèces sont décrits pour la première fois. Les Curtodus sont des Stro¬ phodus à dents régulièrement bombées en dos d’âne, et non in¬ fléchies suivant leur longueur. Le genre Auluxacanthus créé pour une Ichthyodorulithe trouvée dans le kimméridgien inférieur devra peut-être être rapporté aux Ischyodus ; cette épine a pu appartenir à une des Chimères si communes dans nos mers kimméridgiennes. Le bathonien (fulier’s earth , grande oolithe , forest marble, cornbrash) nous a fourni 11 espèces. Les Ganoïdes y sont re¬ présentés par 5 Pycnodus. Le Lepidotus lœvis fait sa première apparition dans le cornbrash du Wast; on le retrouve dans l’ox- fordien, où il est rare ; ses débris ont été laissés en abondance sur les rivages des mers du Kimméridge et du Portland. Parmi lesPlacoïdes, les Strophodus tenuis et reticulatus sont à leur ma¬ ximum de développement pendant que se déposent les calcai¬ res du cornbrash; le genre Curtodus paraît pour la première fois dans notre jurassique inférieur, pour s’éteindre dans le Kimméridge moyen. L’oxfordien et le corallien sont très-pauvres en débris de poissons. Nos étages jurassiques supérieurs (kimméridgien et portlan- dien) sont des dépôts côtiers; aussi les poissons qu’ils renfer¬ ment ont-ils été entraînés par les eaux et roulés, l’animal mort, NOTE DE M. SAUVAGE. 75 1 ce qui fait que l’on ne retrouve que des débris isolés, une dent, un vomer, et non des squelettes entiers, comme il s’en trouve tant à Cirin et à Solenhofen, dépôts formés sous des eaux non côtières, et où les espèces pélagiques sont enfouies là où elles ont vécu. Les ichthyolithes sont assez abondants sur les rivages du Kim- méridge inférieur. Les Ganoïdes y sont représentés par les Cy- rodus et Cuvieriumbilicus, le Pycnodus gigas , les Lepidotm lœvis , giganteus , palliatus , Fittoni. Nous y retrouvons aussi des Ces- traciontes : Strophodus Beaugrandi , S . subreticulatus , Hybodus oblusus , grossiconus , monoprion , Asteracanthus ornatîssimus , Auluxacanthus Dutertrei. Les Ghiméridesfont leur première ap¬ parition par une espèce robuste, YIschyodus Rigauxi. Vers la fin de l’époque kimméridgienne, des eaux troubles , peu profondes, laissent déposer les schistes à Thracia depressa. C’est la zone où les débris de poissons se rencontrent avec le plus d’abondance (quinze espèces). Parmi les Ganoïdes nous re¬ trouvons les Lepidotus lœvis , giganteus et palliatus. Un Sphœno- dus laisse quelques débris sur nos côtes. Les Hybodus et les As¬ teracanthus ( lepidus ) prédominent. Pendant que se forment les schistes de Ghâtillon la mer nourrit de nombreuses Chimères; sur sept espèces d'Ischyodus , trois ne se retrouvent qu’à ce niveau (/. Sauvagei, Beaugrandi , Beaumontii). Onze espèces, sur seize, passent du kimméridgien dans le porllandien. Le portlandien inférieur est riche en débris de Ganoïdes, surtout d’espèces de grande taille; les Placoïdes y sont représentés par les Hybodus grossiconus et inflatus , et par Y Asteracanthus minor. Dans nos mers du Portland moyen vivaient les mêmes Lépi- doïdes gigantesques associés au Pycnodus Dutertrei et à deux Chimères : Ischyodus Dufrenoyi, Dutertrei. Enfin l’assise supérieure, représentant du Portland-stone anglais, est très-pauvre en Ichthyolithes. Outre les espèces que nous avons citées, notre portlandien renferme encore : Pycnodus gigas, Bucklandi , didymus (Münst.), subcontiguidens , contiguidens , Larteti , Cyrodus Cuvier i, umbili - cws, Strophodus subreticulatus , Asteracanthus subreticulatus , lepi¬ dus, minor, subverrucosus. Les espèces trouvées dans la craie sont moins nombreuses ; six viennent du gault, et seize de la craie tuffeau. On n’a jusqu’à présent trouvé que le Ptychodus la- tissimus dans notre craie blanche. 752 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. M. Dausse donne lecture de la note suivante : Nouvelle Note sur les terrasses alluviales; par M. Dausse. AVANT-PROPOS. En allant à Évian, pour les eaux, en 1865 et 1866, j’ai fait, par occasion, sur les terrasses alluviales, deux petites commu¬ nications à la Société helvétique des sciences naturelles , réunie la première année à Genève et la seconde à Neu¬ châtel (1). Dans l’intervalle, le 19 mars 1866, j’ai un peu déve¬ loppé quelques points du même sujet devant la Société géolo¬ gique de France et rendu, je crois, manifeste que l’illustre de Saussure n’a pas su voir, dans l’importante terrasse de Thonon, un témoin irrécusable et précis d’un ancien niveau du Lé¬ man (2). Depuis lors, n’ayant pu venir à bout, non sans sur¬ prise, de me trouver un devancier dans une découverte pourtant si simple, et m’étant, bien à regret, de plus en plus convaincu, qu’il me soit pardonné de le dire, du peu d’éveil sur ce point de quelques géologues célèbres, cela m’a fait penser qu’il ne serait peut-être pas tout à fait inutile de soumettre à notre Société, dont le Bulletin va partout, cette nouvelle note et d’en préparer même d’autres encore. Puissé-je ne pas lasser la bienveillance qui, du moins ici, a accueilli la première! THRORIE DES TERRASSES LATÉRALES DES VALLÉES ET DES TERRASSES LACUSTRES. Il y a plusieurs sortes de terrasses alluviales; je ne veux m’occuper aujourd’hui que des terrasses lacustres et des terrasses latérales des vallées. Les premières se forment au bord des lacs, dans leurs eaux tranquilles, de l’apport des cours d’eau; puis, quand ces lacs s’écoulent ou s’abaissent, elles apparaissent semblables à des bastions , dont la grandeur dépend de la profondeur des anciens lacs, de Fimportance des affluents et de leurs varia¬ tions ordinaires et extraordinaires, de la nature et de l’abon¬ dance de leurs apports, enfin de la durée du dépôt. Les secondes, que leur nom définit à moitié, sont celles dont je vais m’occuper d’abord. (1) Actes de cette Société, 49e session, p. 78 à 80, et 50e session, p. 70 à 71. (2) Bull . Soc. géol. de France, 2e série, T. XXIII, p. 449 à 453. NOTE DE M. DAUSSE. 753 Chapitre I. — Terrasses latérales des vallées. I. Ces terrasses se rencontrent sur les flancs des vallées parfois à plusieurs étages, et elles se prolongent longtemps parallèle¬ ment au fond de ces vallées, sauf les brèches ou les lacunes que les ravins y taillent. A l’embranchement des vallées secon¬ daires, elles prennent sur les flancs de celles-ci la même allure que sur les flancs de la vallée principale, se présentant, aux points de jonction, elles aussi, comme des bastions. Les berges en coin émoussé du confluent des cours d’eau en donnent peut-être plus encore, quoique en petit, une idée exacte. Ces terrasses-là se montrent d’ordinaire à la fois sur les deux flancs des vallées, et à des hauteurs correspondantes, ce qui les rend d’autant plus remarquables. En outre, comme je l’ai déjà indiqué, il y en a souvent plusieurs étages. Transver¬ salement, leurs plates-formes se raccordent, par en haut, plus ou moins, avec les versants supérieurs de la vallée; par en bas, elles se terminent brusquement par un talus roide. se raccor¬ dant plus ou moins lui-même, par son pied, avec les plates- formes inférieures ou avec le plafond de la vallée. Le bord des plates-formes présente ainsi, en somme, longitudinalement, une arête parallèle au thalweg et fort apparente, La correspondance des terrasses de chaque étage, d’un versant à l’autre, établit à première vue un rapport entre elles. Mais, en les examinant de près, en suivant les déchirures faites à leurs talus par les ravins, on leur reconnaît bien vite une autre propriété commune : c’est d’être constituées, du moins à leur partie supérieure, d’assises alluviales planes, d’une faible pente, de la pente du fond des vallées. Cela suffit pour indi¬ quer, à l’égard de ces assises alluviales, une formation toute pareille à celle des dépôts qu’opèrent, à un niveau inférieur, les cours d’eau actuels, et cela rend plus manifeste que les terrasses correspondantes dont il s’agit résultent de l’ablation, du déblai de tous les dépôts qui comblaient le vide béant entre elles et souvent immense. Mais quelle a pu être la cause de cette ablation, de ce déblai souvent si colossal? La réponse est bien simple, quoiqu’on ne la trouve nulle part, du moins que je sache, outre que j’ai scandalisé , à la lettre, en la leur disant, à la réunion de Neu¬ châtel, au moins deux de mes plus savants auditeurs : c’est Soc. géol.} 2e série, tome XXV. 48 754 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. l'abaissement de la barrière liquide ou solide qui soutenait à l'aval le cours d'eau déposant, à V altitude correspondant aux altitudes du bord des terrasses; et , autant il y a d’étages de ces terrasses, autant, à coup sûr , il y a eu de ces abaissements distincts . M. A Iph. Favre prête aux cours d’eau la propriété intrinsèque de s’abaisser sans cesse et de former ainsi les terrasses parallèles au fond des vallées, dont il s’agit ici expressément (1). Selon moi, il y a dans cet auteur, sur ce point et sur d’autres tou- chantaussi à l’hydraulique, des imbroglios et des pas d’école qui le trahissent. En l’espèce on peut affirmer sans risque, je crois, que la formation des terrasses implique, ou l’intermitlence dans la vertu dont M. Favre gratifie les cours d’eau, ou les brusques abaissements des barrages ou des récipients régula¬ teurs de ces cours d’eau; et, comme la première explication est assurément peu soutenable, il ne reste que la seconde. S’ilexiste, en aval des terrasses latérales des vallées, une cluse étroite, et dont les parois rocheuses rapprochées s’élèvent à la hauteur de ces terrasses, il se peut que la rupture qui a pré¬ paré la cluse soit la cause du déblai d’où sont résultées lesdites terrasses. 11 se peut aussi que la rupture fût antérieure, et que l'évidement qui a fait la cluse n’ait eu lieu qu’après la rupture. Souvent, d’ailleurs, en amont des cluses, avant leur évidement, il y a eu des amas d’eau, dont la pression a causé l’évidement, et avec débâcle. Souvent enfin la cluse n’est parvenue à l’état généralement stable où nous la voyons, qu’en plusieurs fois et après autant de débâcles , grandes ou petites. Nombre des ablations qui ont formé les terrasses latérales des vallées des Alpes n'ont pas d’autre cause, et bien entendu qu’alors les dépôts laissés en aval par chaque débâcle sont dépourvus de stratification régulière et témoignent par leur désordre même du cataclysme, petit ou grand, qui les a produits. Mais s’il n’y a aucune cluse rocheuse à l’aval des terrasses, s’il n’y a qu’un vide immense et s’évasant de plus en plus, en ce cas, c’est un lac ou la mer qui formaient la barrière, et c’est l’abaissement de ces récipients qui est la cause cherchée. Ces conclusions, selon moi, sont indéclinables, absolues, ma¬ thématiques, en dépit même de l’incident de Neuchâtel, dont les témoins ont gardé bonne mémoire et que je ne veux pas conter ici, quoiqu’il prouve bien quelque chose de très-pertinent. (1) T. I de ses Recherches géologiques , etc., p. 24, 33, 39, 198, et T. III, p. 530. NOTE DE M. DAUSSE. 755 IL Mais je dois dire à présent qu’il existe dans les vallées des terrasses qui ne proviennent pas de l’abaissement des barrages ou des récipients régulateurs des cours d’eau : ce sont les terrasses dont le bord a une pente plus forte que le fond des vallées, au lieu de lui être parallèle, dernier cas seul considéré et spécifié par M. Favre. Elles ne diffèrent pas autrement des premières, mais cette différence est capitale. Ces dernières terrasses résultent de l’épuration des cours d’eau, épuration qui amène à la fois la concentration et la réduction de la pente d’équilibre de ces cours d’eau, c’est-à-dire qui produit leur encaissement dans les cônes de déjections qu’ils avaient formés précédemment. Ces terrasses, qu’on peut bien nommer , je pense, terrasses d’encaissement , on les voit partir de zéro au récipient et s’élever sur le cours d’eau qui les a faites, au fur et à mesure qu’on le remonte, en raison de la différence des pentes ancienne et nouvelle. Ainsi, la terrasse droite de la Stura,gros et fougueux torrent qui aboutit au Pô, 4,500 mètres en aval de Turin, a environ 12 mètres de hauteur à Altessano, c’est-à-dire à 6,700 mètres de son origine; celle de la Doire- Susine, autre torrent considérable, qui s’unit au fleuve entre Turin et la Stura, a environ 24 mètres de hauteur à Collegno, c’est-à-dire à 12,500 mètres de son origine. La Serra d’Ivrée, qui s’avance dans la plaine du Pô jusqu’au delà de Cavaglia et de Mazzé, présente une colossale terrasse d’encaissement de 650 mètres de hauteur sur la Doire-Battée actuelle, au village d’Andrate, situé sur le faîte de la Serra, un peu en amont d’Ivrée. Mais ici ce n’est plus Je cône de déjections d’un torrent qui a été si profondément évidé, c’est le cône de déjec¬ tions, je veux dire la moraine de l’immense glacier qui partait du mont Blanc et qui a produit, entre autres, les moutonne¬ ments si remarquables du défilé du fort de Bard (1). Cet en- (1) Venant de lire dans un compte rendu récent de l’Académie des sciences (séance du 2 mars 1868), que MM. Élie de Beaumont et Fournet paraissent ne reconnaître encore à présent d’autre extension des glaciers du mont Blanc, que celle qu’accusent les anciennes moraines presque in¬ tactes des Avanchers, entre Chamonix et Argentières, et du Val-Ferret, j’ose les presser ici de revoir les moraines, si éloquemment figurées et de si bonne foi sur les grandes cartes du Piémont, du glacier colossal dont je viens de parler, lequel dépassait les glaciers actuels, non pas de « près d’une lieue, » mais de plus de 25 et même de 27. 756 SÉANûE DU 8 JUIN 1868» caissement, dû surtout à la fonte du glacier, est sans doute l’un des plus considérables que l’on puisse citer. Les terrasses que M. Daubrée a signalées dans la vallée du Rhin (1), à partir de Bâle, sont du même genre que les précé¬ dentes, sauf que leur déclivité, au lieu d’être forte, est faible. Elles présentent deux étages, dont le plus long est de 30 mètres supérieur aux hautes eaux du Rhin actuel, à Bâle, et se perd dans la plaine de Neubrisach, à 51 kilomètres de distance. Sa pente moyenne est de 0mv00127 par mètre, et celle du Rhin, de 0m, 00068» L’autre étage est moins remarquable. Les deux correspondent à deux époques où le fleuve charriait plus qu’aujourd’hui, et plus à la première époque qu’à la seconde, plus à la seconde qu’à l’époque actuelle. Gela accuse donc trois degrés divers de fluidité dans ses crues; car ce sont les crues qui fixent la pente d’équilibre, c’est-à-dire la pente des cônes de déjections dus à chaque état. Le champ des divagations et expansions de ces crues s’est réduit d’époque en époque , parce que les cours d’eau en s’épurant, je le répète, se con¬ centrent et s’encaissent, que leur débit varie ou non avec le temps; de plus, ils peuvent être ainsi rendus capables de rouler de plus gros cailloux que lorsque leur pente était plus forte, circonstance qui se vérifie pour le Rhin. Tous ces faits ont été observés et décrits par M. Daubrée avec la perspicacité et la précision qui le caractérisent; je ne fais ici qu’en proposer l’explication. Chapitre II. — Terrasses lacustres. Les terrasses lacustres dont je dois parler à présent, au lieu de résulter d’un déblai, comme les deux sortes déterrasses latérales des vallées que je viens de considérer, sont au con¬ traire un remblai, pareil à celui que le terrassier forme à la brouette en découvrant une carrière sous un sol en pente. Ce sont des cônes d’éboulement juxtaposés et progressifs. Au fur et à mesure que la rivière apporte des matériaux, arrêtée dans son cours par l’eau dormante, elle laisse tomber ce qu’elle charriait; cet apport coule ou il roule vers le fond du lac sur le talus déjà formé; l’apport suivant fait de même; seulement il s’arrête sur le degré que lui a préparé son devancier, et (1) Bull. Soc. géol. de France , 2e série, T. VII, p. 434 à 439. NOTE DE M. DAUSSE. 757 ainsi des autres; une couche inclinée, plus ou mokis irrégulière et accidentée, se forme de la sorte; après celle-là, une autre pareille vient s’appuyer sur elle et l’envelopper, et cela se con¬ tinue sans cesse, avec toutes les alternatives que comporte le régime actuel du cours d’eau affluent. Mais le talus d’éboulement de ces enveloppes successives n’est pas le môme que celui des terrasses latérales des vallées, qui se fait à l’air. L’eau soutient les apports qui empiètent sur elle, par sa pression qui croît vite avec la profondeur, tandis que la pression de l’air croît lentement. Puis, en réduisant le poids de ces apports immergés, près de 800 fois plus que l’air ne le peut faire, l’eau réduit par là à proportion leur tendance à l’éboulement. Mais, d’autre part, l’eau a sur les matières fines, et surtout sur les matières terreuses, une action liqué¬ fiante et dissolvante que l’air n’a point, et en vertu de laquelle ces matières coulent vers le fond du lac, ou vont s’y étaler plus ou moins loin, suivant que l’affluent est plus ou moins consi¬ dérable et plus ou moins en crue, et suivant que le lac est lui- même plus ou moins agité par les vents ou par ses propres mouvements internes. Dans ce dépôt, les matières les moins ténues se précipitent les premières et le plus près, les matières les plus impalpables, les dernières et le plus avant sur le fond du lac.. De tout cela il résulte : 1° que l’inclinaison de la ter¬ rasse immergée va s’affaiblissant vers le pied et se raccordant avec le fond du lac, comme les talus à l’air avec les plafonds inférieurs, mais dans chaque cas suivant une courbe spéciale, dépendante des causes déjà indiquées et en outre de la forme des éléments du dépôt; 2° que ladite inclinaison est le plus roide vers le haut, et que là, près du niveau du lac, il y a brusque passage de ce talus le plus roide à la faible pente du dernier tronc du lit de l’affluent. Conséquemment, si le lac s’écoule ou s’abaisse considéra¬ blement, la terrasse apparaît sous la forme d’un bastion, dont l’arête supérieure, la couronne, rappelle et précise l’ancien ni¬ veau du lac. Cette remarque est si simple et si intéressante, ce me semble, qu’elle a dû, ou qu’elle aurait dû être faite bien des fois et de¬ puis bien longtemps; je dis, aurait dû, parce que je ne la trouve formulée, appréciée à sa valeur et mise à profit dans aucun des nombreux ouvrages que je viens de parcourir tout exprès pour me fixer sur ce point, et d’abord parce qu’il est sûr qu’elle a échappé à de Saussure, ainsi que je l’ai mis en évidence, je le 758 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. rappelle, dans ma Note du 19 mars 1866. Pour moi donc, les importantes observation et explication dont il s’agit appar¬ tiennent à un modeste habitant d’Omegna, sur le lac d’Orta, Antonio Nobili, comme je l’explique dans ladite Note. Mais Nobili n’est pas allé plus loin ; en songeant au même objet après lui, j’ai compris que les terrasses lacustres devaient présenter les couches inclinées dont j’ai décrit la formation tout à l’heure, et ce n’a pas été sans satisfaction que, m’étant mis en quête, j’ai vérifié le fait, lequel distingue essentielle¬ ment les terrasses formées par les cours d’eau à leur embou¬ chure dans les lacs des terrasses formées par ablation sur les flancs des vallées, que ces terrasses soient ou non parallèles au fond de ces vallées. Dès la première promenade que j’ai faite d’Évian à Thonon, j’ai reconnu que l’immense et haute terrasse sur laquelle la dernière ville est bâtie prouve que le Léman l’a longtemps affleurée; puis, en examinant ses talus, entamés d’abord par la grande route qui descend au port, et plus récem¬ ment par les déblais faits pour l’agrandissement de ce port, j’ai constaté cette inclinaison des couches alluviales, qui dou¬ ble et rend incontestable la preuve dont il s’agit. J’ai eu bâte de visiter alors l’embouchure des autres affluents du lac. Les déblais du chemin de fer côtoyant le lac, à peine achevés cette année-là dans la traversée de Vevey (1), mettaient à découvert des couches inclinées pareilles à celles de Thonon; et, dans le haut, j’ai vu des plates-formes étagées, dont la plus élevée cor¬ respond, à coup sur, aune immense extension du Léman. Et tout cela, je l’ai dit en public, à Genève, à la Société helvéti¬ que des sciences naturelles, le 22 août 1865, ainsi que les actes déjà cités de cette Société en font foi. Je n’ai point parlé des terrasses, si instructives aussi, de la Morge, à Saint-Gingoîph, et d'un lambeau de la terrasse du Rhône, qu’une saillie ro¬ cheuse a conservé à Bouveret (2); d’où vient peut-être que (1) Les talus de ces déblais ont depuis été gazonnés, pour leur maintien. (2) J’ai trouvé, par un nivellement approximatif, le bord de la terrasse supérieure de Saint-Gingolph, de 29m,9 sur le lac, et le bord du lam¬ beau de Bouveret, de 80m,3. A Thonon, aux Capucins, j’avais eu 32m,7. Ces trois cotes me semblent différer assez peu pour accuser ensemble la persistance du lac au niveau correspondant à la terrasse la plus haute et la moins usée par le temps. La même cote est aussi à peu près celle que M. Favre assigne à l’abaissement de l’Arve, dans la partie inférieure de son cours, par rapport aux plateaux voisins, rapprochement que je tiens à NOTE DE M. DAUSSE. ?59 M. Favre n’en parle pas non plus (1). Je ne faisais là qu’une communication d’aventure et à la volée ; il convenait donc, et bien m’en a pris, de la renouveler ailleurs, plus à mon aise et devant des confrères. Mais le sujet, malgré qu’on en ait, est, en effet, encore si neuf, qu’il prête à bien d’autres études. N’ayant pu relever moi-même les profils exacts des terrasses lacustres dont il vient d’être question et de bien d’autres que je n’ai fait que reconnaître en passant, j’ai du moins prié quel¬ ques amis de me venir en aide, en même temps que je cher¬ chais dans les auteurs. J’ai trouvé, dans un plan dressé en 1844 par MM. Bravais et Martins, le dessin approximatif de la terrasse formée par l’Aar dans le lac de Brienz, dessin don¬ nant 30° au talus supérieur et le plus roide de cette ter¬ rasse (2). Puis, M. l’ingénieur Fraisse m’a très-obligeamment communiqué cinq profils d’une terrasse du Rhin dans le lac de Constance, non pas toutefois de la terrasse que le fleuve est en train d’accroître à présent, mais de celle de la baie de Füssach (sur la droite de l’embouchure actuelle), où l’on songe à le rejeter. Ici Je talus supérieur le plus roide ne va pas tout à fait à 10°. A la vérité, depuis que le Rhin s’est écarté de ladite baie, le lac a dû, dans ses tempêtes, adoucir ces talus. Néanmoins, le talus supérieur de la terrasse, aujourd’hui en voie de forma¬ tion, est sans doute moins roide que celui de la terrasse de l’Aar, parce que le Rhin a une moindre pente et charrie con¬ séquemment, dans son récipient, des matériaux moindres que ne le fait l’Aar dans le sien. Mais ce qui importe le plus à no¬ ter, c’est que, pour le profil de la terrasse de l’Aar dans le lac de Brienz, comme pour les cinq profils que j’ai sous les yeux faire, sauf à le revoir bientôt ailleurs à son tour plus ou moins savamment débaptisé [Recherches, etc., T. I, p. 24, 30, 38, etc.). (1) M. Favre cite scrupuleusement les innombrables découvreurs des blocs erratiques, semés, comme on sait, par myriades sur les Alpes et à l’entour, et il ne cite pas l’observateur qui le premier a vu dans les ter¬ rasses lacustres une preuve irrécusable et précise de l’ancien niveau des lacs. Est-ce à dire que ce soit lui-même, ou un inconnu pour lui, ou bien encore tout le monde, hormis toutefois son illustre compatriote de Saus¬ sure?.., La grande érudition attestée par toutes les pages des Recherches géologiques et les rapports -spéciaux de leur auteur avec l’auteur de la pré¬ sente Note, aux réunions de Genève et de Neuchâtel, peuvent, ce semble, autoriser ici ces questions. (2) Bull. Soc. géol. de France , 2e série, T. II, p. 120. 760 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. de l’ancienne terrasse du Rhin dans le lac de Constance, comme pour u« profil non coté de la terrasse actuelle du Rhône dans le Léman, dont je dois aussi le dessin à M. Fraisse (1), comme pour tous ceux que je n’ai faits qu'à vue d’œil sur le pourtour de ce lac et de plusieurs autres, sans être en mesure de les prendre exactement, pour tous ces profils le bord angu¬ leux de la plate-forme affleure le lac. Chapitre III. — Déductions et conjectures . On a donc, dans les terrasses dont la plate-forme se termine par une arête de niveau et qui sont formées de couches allu¬ viales inclinées, des témoins irrécusables des anciens niveaux des lacs, ou des bras de mer tranquilles et peu sujets aux ma¬ rées. Un simple lambeau de ces terrasses peut même suffire à cet important témoignage. Dans ma Note du 19 mars 1866, j’ai dit.qu’un pareil lambeau subsistait au-dessus de Torbaso, con¬ tre un versant du lac Majeur, outre la belle terrasse dite l’Alto- Piano, qui domine Omegna, sur le lac d’Orta. J’ai ajouté que M. Negretti avait mesuré au baromètre l’altitude des bords des deux plates-formes, et qu'il les avait trouvés de niveau. Or, l’altitude de ce niveau est supérieure à l’altitude du lac d’Orta, qui est de 372 mètres (comme celle du Léman actuel), d’environ 76 mètres, et à l’altitude du lac Majeur, qui est de 197 mètres, d’environ 250 mètres; l’altitude commune aux deux bords des terrasses en question est donc de 447 ou 448 mètres. Je donne ces chiffres approximatifs, en vue d’un rapproche¬ ment qui va au but de cette Note. La plus haute plate-forme de Thonon est, d’après M. Favre, de 77 mètres supérieure au Lé¬ man (2), dont l’altitude vraie est de 371m,56, d’après M. Rour- daîoue; l’altitude commune à cette plate-forme et à l’Alto- Piano est conséquemment d’environ 448 mètres. Qu’est-ce à dire, sinon que l’ancien Léman, qui a donné lieu à la formation des plates-formes supérieures de Thonon et de Vevey, et l’ancien lac Majeur, qui a donné lieu à la formation (1) M. Fraisse a eu soin de me dire qu’il n’avait pas relevé lui-même ces profils, et que ceux du Rhin étaient dus, je crois, à des ingénieurs autri¬ chiens, et celui_du Rhône à un ingénieur du Valais. (2) Recherches, etc., T. 1, p. 43. NOTE DE M. DAUSSE. 761 des terrasses d’Omegna et de Torbaso, étaient une même mer, laquelle, doublant les Alpes et l’Apennin, réduisait la France à une grande île forrpée par son plateau central, à une autre île formée par les Vosges , à une presqu'île formée par le Jura et à peine jointe aux Alpes (1), et aux versants su¬ périeurs de cette chaîne de montagnes et des Pyrénées ? Cela suppose, il est vrai, entre autres choses, que le défilé du Fort- de-l’Écluse, sans être aussi creux qu’il l’est aujourd’hui (2), s’abaissait dès lors à moins de 448 mètres d’altitude, ce qui ac¬ quiert peut-être quelque probabilité de la parité d’altitude des anciens lacs Léman et Majeur, et, à coup sûr, des raisons plau¬ sibles données à l’appui par de Saussure (3). Le bord de la terrasse de Thonon domine le lac actuel de 33 mètres environ. Le Léman, qui a cédé la place de cette ter¬ rasse aux dépôts de la Dranse, n’était plus dès lors qu’un lac. Son abaissement ou ses abaissements, des niveaux supérieurs au niveau dont il s’agit, coïncidant, je suppose, tous ou la plu¬ part, avec les violentes secousses que le sol de toute cette ré¬ gion a subies maintes fois, a dû, ou ont dû occasionner des débâcles dans toutes les vallées affluentes, et celles de la vallée de la Dranse auront chacune, s’il y en a eu plusieurs, promp¬ tement déposé au bord du lac d’énormes cônes ou coulées de déjections, lesquelles, en ce casseraient les noyaux de la vaste terrasse actuelle. Les brusques fontes de neiges et de glaces, qui, suivant M. Élie de Beaumont, ont suivi les commotions dont il vient d’être question (4), n’ont pu manquer de grossir aussi ces noyaux de leurs propres déjections. Ces considéra¬ tions, -si elles sont fondées, autoriseraient à beaucoup réduire le nombre colossal auquel on arrive pour la durée de la forma¬ tion de cette terrasse, en s’appuyant seulement sur le progrès annuel de la terrasse qui se forme au niveau actuel du lac. Il y a à Thonon, à Vevey,à Saint-Gingolph, etc., d’autres ter¬ rasses que celles que j’ai indiquées. Il y en a d’une altitude (1) Par l’isthme de La Sarraz, dont l'altitude est de 502 mètres. L’alti¬ tude du col le plus bas du Mont-de-Sion est, d’après de Saussure, de 645 mètres, c’est-à-dire de 143 mètres supérieure à la précédente, ce que je crois à propos de noter. (2) L’altitude du Rhône sous le Fort-de-l’Éeluse est de 325 mètres. (3) Voyages, etc., §§ 213 et 214. (4) Voir, à ce sujet, un très-remarquable travail de ce savant : Bull. Soc. géol. de France. 2e série, T. IV, p. Î334 à 1373. m SÉANCE DU 8 JUIN 1868. plus grande et moindre, et dont les plates-formes sont plus ou moins restreintes et se joignent diversement les unes aux au¬ tres. Ces circonstances correspondent sans doute au mode d’a¬ baissement du lac, par débâcles successives et plus ou moins éloignées entre elles, débâcles résultant, je le répète, et des commotions intermittentes du sol, et des brusques fontes de neiges et de glaces qui ont pu les accompagner, et aussi de l’action incessante du lac et de son émissaire sur les obstacles que leur offrait le défilé du Fort-de-PÉcluse. Mais, pour se faire une idée un peu exacte de ces phénomènes compliqués, il faut tenir compte avec soin de l’altitude, du volume et de la forme des diverses terrasses du pourtour du lac et les bien étudier dans les déchirures qu’elles présentent; il faut savoir s’il y a dans les principales un ou plusieurs noyaux de dépôts désor¬ donnés, et, dans le second cas, si ces noyaux sont séparés par des couches inclinées ; enfin, il faut apprécier avec le même soin la hauteur, la forme, les accidents des terrasses latérales des vallées affluentes et de la vallée d’issue, et cuber les dé¬ blais qui ont creusé ces vallées et fourni matière aux terrasses. C’est un travail défini, restreint, quoique considérable, d’un réel intérêt, facile, commode, agréable à faire dans un pays si privilégié ; il ne peut être longtemps attendu à une époque où plus que jamais on s’occupe des dernières phases géologi¬ ques. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ma- theron : Note sur Y âge des calcaires lacustres à Strophostoma lapicida des environs d'Aix et de Montpellier et sur la position de Y étage de Rognac, par rapport à la série des dépôts crétacés fluvio- lacustres du bassin de Fuveau ; par M. Philippe Matheron. Il est acquis à la science que le puissant étage lacustre qui constitue la partie supérieure du groupe d’Alet de M. d’Archiac, loin d’être spécial au département de l’Aude, se prolonge dans l’Ariége et dans la haute Garonne, pour y constituer le terrain garumnien de M. Leymerie, et qu’on le rencontre aussi dans une direction opposée, notamment à Valmagne, près de Mont¬ pellier, et dans le département des Bouches-du-Rhône, où il NOTE DE M. MATHERON. 763 forme les escarpements supérieurs de Vilrolles et la montagne du Gengle. L’observation démontre en outre que cet étage est inférieur aux couches nummulitiques de la montagne Noire, des monts Alaric, de Couïza et de Biarritz, lesquelles appartiennent à une période antérieure à celle de la base du calcaire grossier de Blaye et sont plus anciennes que les couches à Nummulites lœvigata du bassin de Paris. Il est non moins certain que le terrain nummulitique de la montagne Noire est recouvert par un dépôt fluvio-lacustre à la base duquel on remarque les calcaires lacustres de Ventenac et de la Caunette (1) qui présentent les caractères pétrographi- ques des calcaires qui longent la rive gauche de l’Arc, au quartier du Montaiguet, au sud de la ville d’Aix. Grâce à ces divers ordres de faits, ces calcaires de la rive gauche de l’Arc et ceux qui couronnent la montagne du Cengle deviennent deux excellents horizons géognostiques. Il est évi¬ dent, en effet, que ce n’est qu’au-dessous des premiers et au- dessus des seconds que peuvent exister, dans la contrée, les équivalents lacustres du terrain nummulitique. Ceci explique comment j’ai été conduit à ne placer sur l’horizon de ce terrain que la partie supérieure du grand massif lacustre de Yitrolles et à en exclure tout ce qui, dans ce massif, appartient en réa¬ lité au terrain garumnien, c’est-à-dire, toute la partie qui est inférieure aux couches du Montaiguet et qui comprend à la fois la grande assise calcaire qui couronne le Cengle, les brèches du Tholonet et toutes ces couches plus ou moins rutilantes qui affleurent sur les flancs de la montagne du Cengle (2) et sur les hauteurs de Vitrolles. Les géologues qui ont étudié la localité savent que les calcaires du Cengle, après s’être notablement abaissés, traver¬ sent la vallée de l’Arc au défilé de Langesse, d’où ils se pro¬ longent en constituant la partie supérieure des escarpements qui limitent du côté sud les coteaux du Montaiguet. Ces coteaux (1) Voir mes Recherches comparatives , 1862, p. 51 et suiv. (2) Voir le compte rendu de la Réunion extraordinaire à Marseille; Bull, de la Soc.géol., 1864, 2e série, t. XXI, p. 532 et suiv., avec coupe, sur laquelle les lettres L et M se rapportent au grand étage du Cengle, tandis que la lettre N désigne les couches inférieures du Montaiguet. — Voir aussi la lettre àM. de Rouville, 1866, Bull ., 2e série, t. XXIV, p. 48, et la lettre de M. Leymerie à M. de Verneuil, même volume, p. 308. 764 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. séparent la vallée de l’Arc du bassin de Gardanne dans lequel sont d’autres coteaux formés par des couches plus anciennes qui dépendent plus directement des lignites de Fuveau. La superposition des couches lacustres du Montaiguet aux calcaires du Gengle est partout visible, de telle sorte que, par¬ tant de ces derniers calcaires, on rencontre en avançant vers le nord toute la série de couches dont se compose le groupe du Montaiguet, jusques et y compris les couches calcaires qui longent la rive gauche de la rivière au pont des Trois- Sautets. En continuant la coupe, on rencontre sur la rive opposée de nouvelles couches lacustres que j’avais associées à celles de la rive gauche, mais que de récentes observations me portent à réunir en groupe particulier. Elles constituent différents reliefs du sol le long de la rive droite de l’Arc, et notamment celui qui est connu sous la dénomination de butte de Cuques. Ainsi, en l’état des faits observés, les couches qui constituent les coteaux du Montaiguet et les deux rives de l’Arc qui leur sont adjacentes peuvent être divisées en quatre groupes , savoir : 1° L’étage du Gengle avec ses calcaires compactes et ses argiles rouges; 2° au-dessus des marnes et des calcaires mar¬ neux ou compactes (couches N de la coupe précitée); 3° les couches marneuses et calcaires qui constituent plus particu¬ lièrement le groupe du Montaiguet et qui sont caractérisées par le Planorbis pseudorotundatus, Matheron, et le Bulimus Ho- pei, Bronn; 4° enfin, au-dessus, le groupe de Cuques, lequel est indiqué, ainsi que les précédents, par les lettres N N dans la coupe ci-dessus indiquée. La position géognostique des trois groupes inférieurs de cette grande série se trouve parfaitement déterminée. En effet, puisque l’étage du Gengle, ou soit le garumnien ou soit encore la partie supérieure du groupe d’Alet, est situé à un niveau inférieur au terrain nummulitique de Biarritz et de l’Aude et que les couches lacustres du Montaiguet à Planorbis pseudorotundatus et à Bulimus Hopei se retrouvent dans l’Aude au-dessus du terrain nummulitique, il est évident que celui-ci, s’il a son analogue en Provence, ne peut y être représenté que par le groupe N. Si des observations ultérieures démontrent qu’il n’en est pas ainsi, il faudra admettre d’une part que l’étage du Gengle a été •émergé pendant toute la période nummulitique et d’autre part NOTE DE M', MATHERON. 765 quie les dépôts lacustres n’ont recouvert les dépôts nummuliti- ques de l’Aude qu’après un laps de temps correspondant au dépôt de ces couches N. Quoi qu’il en soit, comme de la position de ces trois groupes de couches dépend plus ou moins cell'e qu’il faut assigner à tout le restant de la grande série fluvio-lacustre du S. E. de la France, sur laquelle quelques points sont restés douteux, j’ai dû m’appliquer à la mieux préciser, si c’était possible, et me livrer en vue de ce but à de nouvelles recherches de détail. Le résultat de ces recherches me permet de présenter dans cette note quelques considérations nouvelles sur diverses questions qui se rattachent à la position occupée par les dépôts fluvio-lacustres du bassin de Fuveau. On sait que ces dépôts constituent une grande et très-puis¬ sante série (1) qui repose sur des couches marines dépendant du terrain crétacé (2) et dans laquelle on remarque des cou¬ ches d’eau saumâtre à la base (3) ; puis le grand groupe des lignites de Fuveau, avec toutes les couches qui lui sont subor¬ données (4); puis l’étage de Rognac (5), au-dessus duquel se trouve celui du Gengle (6). J’ai eu maintes fois l’occasion de parler de ce dernier étage et de la petite faune de Langesse qui le caractérise. Je viens de retrouver cette faune sur les hauteurs de Saint-Antonin et j’ai eu l’occasion de l’enrichir de quelques nouvelles es¬ pèces de Limnées et d’Auricules, ainsi que du Cyclostoma Braunii , Noulet, qui appartient, comme on le sait, au gisement de Montolieu où il est associé à une multitude de grandes Physes. La présence de ce Cyclostome dans des couches dont le pro¬ longement vers Langesse offre à l’observation le Physa prisca est un nouvel argument en faveur du rapprochement de Fétage du Gengle avec le terrain garumnien tel qu’il se montre dans l’Aude et dans l’Hérault. Au surplus, ce rapprochement n’est nullement en question. Mais ce qu’il est à propos de déterminer, ce sont les limites (1) Voir la coupe précitée. (2) Couches B et BB. (3) Couches C, C’ C1 2 3 4 5 6. (4) Couches D, E, F, G et H. (5) Couches I et K. (6) Couches L et M. 766 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. dans lesquelles il doit être maintenu par rapport aux autres étages lacustres du bassin de Fuveau, c’est-à-dire, qu’il s’agit de savoir si ce terrain est entièrement représenté en Provence par l’étage du Cengle seul ou par les deux étages réunis du Cengle et de Rognac. A cet égard, il est une première remarque à faire : c’est qu’au point de vue paléontologique ces deux étages n’ont abso¬ lument rien de commum entre eux. Il y a là deux faunes radicalement différentes que la moindre étude oblige de séparer et dont l’examen fait naître dans l’esprit l’idée de deux périodes complètement distinctes. En effet, on ne rencontre pas plus dans l’étage du Cengle le gigantesque Saurien, le grand Chélonien, les Lychnus, les divers grands Cyclostomes, les Mélanies, les Mégaspires et les Pupa qui constituent la faune de Rognac, qu’on ne trouve dans l’étage de ce nom les Limnées, lesPhyses, lesPlanorbes et les Auricules de Langesse et de Saint-Antonin. Des différences aussi grandes, aussi profondes, ne sauraient être attribuées à des causes purement locales, d’autant que la faune de^Rognac, loin d’être spéciale à la Provence, se rencontre ailleurs, notamment à Yalmagne, entre Montpellier et Pézénas, et dans le nord de l’Espagne, tandis qu’il n’en existe aucune trace dans le garumnien type de la haute Garonne et dans tous les dépôts garumniens de l’Aude et de l’Ariége. Ces différences tiennent évidemment à des causes générales qui ont exercé leur influence dans le midi de la France et dont on trouverait des traces dans l’étage supérieur du groupe d’Alet si elles s’étaient produites pendant la période à laquelle appartient cet étage, c’est-à-dire, à la période garumnienne. Or, comme de semblables traces n’existent pas et qu’autant l’étage supérieur d’Alet (le garumnien de l’Aude) ressemble à celui du Cengle, autant il diffère sous tous les rapports de ce¬ lui de Rognac, on est autorisé à penser que les changements survenus dans la contrée, après le dépôt des couches de Rognac, ont été antérieurs au dépôt des couches qui constituent le ter¬ rain garumnien. Dans ma pensée, c’est à la cause qui a produit ces change¬ ments, dont le plus remarquable a été de mettre un terme à la belle etsi intéressante faune de Rognac, que doivent être attri¬ buées la cessation du dépôt des couches de grès qui constituent la partie inférieure du groupe d’Alet, tel qu’il a été si bien décrit par M. d’Archiac, et celle des assises crétacées à Hé mi- NOTE DE M. MATHERON. 767 pneustes d’Ausseing et de Gensac, si exactement décrites et ap¬ préciées par M. Leymerie (1). Il suit de là que l’étage de Rognac n’est nullement sur le ni¬ veau du garumnien, avec lequel, je le répète, il n’a rien de com¬ mun au point de vue paîéontologique; qu’il représente très- probablement dans l’Hérault et dans les Bouches-du-Rhône ces couches à Hémipneustes et ces grès d’Alet que M. Ley¬ merie place avec raison, suivant moi, au niveau de la craie de Maëstricht; qu’il joue à l’égard de cette craie le rôle que rem¬ plit à l’égard de la craie blanche à Inoceramus Cripsi le grand étage des lignites de Fuveau, et qu’il est en un mot l’équivalent lacustre d’un dépôt marin incontestablement crétacé. L’existence de ces sortes de parallélisme entre des couches lacustres et des dépôts marins est trop dans l’ordre naturel des choses pour qu’elle puisse surprendre. Le terrain garumnien lui-même en présente un exemple des plus remarquables. Ce terrain, tel qu’il a été établi par M. Leymerie et tel que j’ai eu l’occasion de l’étudier dans la Haute-Garonne, dans l’Ariége, dans l’Aude, dans l’Hérault et dans les Bouches-du- Rhône, se présente suivant les lieux sous trois aspects diffé¬ rents. Entièrement lacustre dans l’Aude, dans l’Hérault et dans le bassin d’Aix, il est marin ou plutôt d’eau saumâtre dans PAriége, tandis qu’ailleurs, à Ausseing et à Auzas (Haute-Ga¬ ronne), il est constitué par des dépôts mixtes, marins ou d’eau saumâtre à la base, d’eau douce au milieu et marins au-dessus. C’est dans les couches marines ou d’embouchures de la base qu’on rencontre les beaux fossiles d’Auzas, au nombre des¬ quels je me borne à citer la Cyrena garumnica , d’abord décrite parmi les Vénus, puis ramenée à son véritable genre par M. Leymerie, le Sphœrulitvs Leymeriei, Bayle, la Tornatella Baylei , Leymerie, qui est, je crois, une Actéonnelle plutôt qu’une Tornatelle, et une espèce remarquable appartenant au genre Dejanira créé par M. Stoliczka. La zone marine qui termine la série est riche en fossiles. C’est là qu’on rencontre ces échinides, que M. Leymerie con- j sidère comme formant une colonie et au nombre desquels il me paraît à peu près certain que figure YHemiaster punctatus. La nature de cette note et les limites étroites dans lesquelles je dois la maintenir ne me permettent pas de discuter ici di- (1) Bull, de la Soc. géol., 2e série, 1SG2, t. XIX, p. 1001. 768 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. verses questions se rattachant à cette série d’échinides. Je ne puis, cependant, me dispenser de dire qu’à mon sens les espè¬ ces qu’elle présente sont plus particulières à l’horizon dans lequel on les rencontre qu’on ne l’avait d’abord supposé et que, dans tous les cas, on ne saurait faire descendre les couches ca¬ ractérisées par cette faune au niveau de la craie à Micraster brevis sans violer ouvertement les lois de l’observation. Quoi qu’il en soit, on voit par ce qui précède que le groupe d’Alet ne représente au plus que les deux étapes du Cengie et de Rognac, et qu’on ne saurait admettre, avec M. d’Àrchiac, qu’il équivaut en outre à la série de couches lacustres qui est inférieure à l’étage de Rognac et à laquelle se rattachent les lignites de Fuveau (1). Ceci posé, il s’agit de démontrer que l’équivalent de cette série n’existe pas dans le département de l’Aude, et que la su¬ perposition des grès d’Alet aux marnes bleues crétacées de Sougraines et du moulin de Tiffau est tout à fait transgres¬ sive. Ces marnes occupent une position qui ne saurait être dou¬ teuse. Il suffit de visiter les environs des bains de Renne pour admettre, avec M. d’Archiac (2), qu’elles constituent l’étage le plus élevé de la série crétacée de l’Aude et qu’elles sont im¬ médiatement supérieures à l’étage marneux qui est caractérisé par le Micraster brevis , le Micraster Matheroni , la Rhynchonella diflormis , etc., et qu’on s’accorde à considérer comme l’équi¬ valent de la craie dite de Villedieu. Cet étage à Micraster constitue la partie inférieure du san - tonieri de M. Coquand. Il existe en Provence et il y est recou¬ vert par la craie dite du Plan d’Aups, absolument comme son équivalent dans l’Aude est recouvert par les marnes de Sou¬ graines et du moulin de Tiffau, Cette craie du Plan d’Aups et les marnes crétacées de Sou¬ graines occupent donc une position identique par rapport à l’étage sous-jacent des calcaires marneux à Micraster brevis et à Rhynchonella difformis ; et, comme les caractères paléontolo- giques sont les mêmes de part et d’autre, il doit demeurer acquis que ces deux sortes de dépôts sont synchroniques, c’est- à-dire, en d’autres termes, que les marnes bleues crétacées de (1) Groupes G, G’, C1 2, D, E, F, G, et H de la coupe précitée. (2) Les Corbières, Mém. de la Soc. géol. de France , 2e série, t. VI, p. 846; 1859. NOTE DE M. MATHEHON. 769 Sougraines sont en réalité le prolongement dans l’Aude des couches crétacées du Plan d’Aups. Ges couches (1) jouent un rôle important dans le midi de la France. Elles constituent un excellent horizon géognostique que j’ai pu étudier dans l’Aude, sur divers points du périmètre du bassin de Fuveau et aux environs d’Aix-la-Chapelle (2) et dont l’existence à Gosau m’a été démontrée autant par les tra¬ vaux de M. Zittel (3) que par l’examen des fossiles que je dois à l’obligeance de ce savant et à celle de M. Hornes. C’est par les couches de cet horizon que finirent en Provence les dépôts marins de la période crétacée, et c’est aux causes qui mirent un terme à ces dépôts qu’il faut attribuer la création du bassin de Fuveau, dans lequel séjournèrent d’abord des eaux plus ou moins saumâtres, et qui devint ensuite peu à peu le théâtre de phénomènes purement lacustres ou fluvio-la¬ custres. Ce ne fut que bien plus tard, après les dépôts des lignites de Fuveau et à la suite de nouvelles et profondes modifications survenues dans le relief et dans les conditions organiques de la contrée, qu’eut lieu le dépôt de l’étage de Rognac, lequel, par conséquent, appartient à une période qui est séparée de celle de la craie du Plan d’Aups par tout l'intervalle de temps correspondant à toutes les si nombreuses couches qui se rat¬ tachent particulièrement aux lignites de Fuveau. Or, s’il est vrai, comme je crois l’avoir établi, que la craie du Plan d’Aups est synchronique des marnes crétacées de Sou- graines et qu’à l’étage de Rognac correspondent les grès d’Alet, par cela seul que ces grès sont en contact avec les marnes crétacées, il est évident que toute la série des lignites de Fuveau n’a pas son équivalent dans l’Aude et que le contact précité est transgressif. On voit, d’après cela, que les circonstances qui mirent fin au dépôt de la craie du Plan d’Aups et qui servirent d’introduc¬ tion à un nouvel état des lieux dans le bassin de Fuveau exer¬ cèrent aussi leur influence dans le département de l’Aude et qu’elles eurent de part et d’autre pour principal effet la re¬ traite de la mer crétacée. Mais, tandis qu’aux dépôts jusque-là (1) Couches BB de la coupe citée. (2) J. Müller, Monographie der Petrefacten der Aachener Kreide forma¬ tion, 1847, 1851-1859. (3) Zittel, Die Bivalven der Gosaugebilde , 1864-1866. Soc. gèol 2P série, tome XXV. 4$ 770 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. produits dans cette mer succédaient en Provence les assises si nombreuses, si variées et si multiples, qui sont intimement liées aux lignites de Fuveau, les marnes bleues crétacées de Sougraines et du moulin de Tiffau (Aude) étaient émergées. Ce ne fut qu’à la suite des temps, à l’époque du grand saurien et des Lychnus de Rognac, et des Hemipneustes d’Ausseing et de Gensac, qu’elles furent recouvertes par les eaux dans les¬ quelles se déposèrent les grès d’Alet. Ces causes, qui amenèrent en Provence et dans l’Aude la ces¬ sation des dépôts marins de la période crétacée, ne furent pas purement locales, et on peut citer au nombre de leurs effets les changements qu’elles déterminèrent aux environs d’Aix-la- Chapelle et à Gosau. Ce sont, en effet, ces causes qui firent cesser le dépôt des calcaires d’Aix-la-Chapelle, dont la faune a été décrite par M. Muller (1) et qui mirent plus tard un terme aux dépôts sa¬ blonneux du Lusberg, dont la flore a été décrite par M. Debey (2) et qui furent ensuite recouverts par la craie blanche à Inocera¬ mus Cripsi , Nautüus vaelsensis , Belemnitella mucronata , etc. Des changements, analogues à ceux qui s’étaient déjà ma¬ nifestés en Provence, se produisirent à Gosau. Aux couches marines crétacées, absolument identiques avec celles du Plan d’Aups, succédèrent des dépôts d’eau saumâtre, analogues à ceux qui existent à la base du système à lignites de Fuveau (3). Sous ce rapport, comme sous celui des couches sous-jacentes, il y a donc la plus complète analogie entre Gosau et le bassin de Fuveau; mais cette analogie cesse bientôt; car, tandis que ces couches saumâtres de la Provence sont recouvertes par les cou¬ ches lacustres de Fuveau, celles de Gosau sont surmontées par des couches marines à Inoceramus Cripsi. Or, comme ces couches à Inoceramus de Gosau occupent dans la série crétacée la position de la craie à Inoceramus des environs d’Aix-la-Ghapelle, de Tercis, de Bidart, des environs (1) Monographie der Vetrefacten der Aachener Kreideformationj 1847, 1851, 1859. (2) Die Urweltlichen acrohryen des Kreidegebirges von Aachen und Maes- tricht . (8) C’est à cet horizon saumâtre qu’appartient le faune de Grünbach, Neue Welt3 etc ., dans laquelle figurent les espèces suivantes : Uniu cre- taceus , Cyrena solitaria , Cyclas ambigua , Cyc'.as gregaria , Zittel, Tanalia acinosüy Zekeli, Melania granulato-cincta , Stoliczka, etc. NOTE DE M. MATHERONé 771 de Chambéry, etc., il en résulte qu’elles sont tout aussi bien inférieures à la craie de Maëstricht que les lignites de Fuveau sont inférieurs à l’étage de Rognac. Il suit delà que les couches d’eau saumâtre de la base des lignites de Fuveau et de Gosau paraissent être synchroniques avec les sables à empreintes végétales du Lusberg d’Aix-la- Chapelle, et que la craie à Inocemmus Cripsi n’a pas d’équiva¬ lent dans les environs des bains de Renne, mais qu’elle est représentée dans le bassin de Fuveau par la série lacustre à la¬ quelle sont liés les lignites, c’est-à-dire par l’ensemble des couches qui sont supérieures aux couches d’eau saumâtre de la base et inférieures à l'étage de Rognac. Ce grand étage crétacé lacustre n’est probablement pas tout à fait spécial à la Provence. Les fragments de roches fossilifères qui en dépendent, que j’ai rencontrés enfouis dans une couche bitumineuse, aux environs du Mas d’Azil (1), prouvent qu’il doit en exister des traces dans l’Ariége. Des recherches ulté¬ rieures démontreront si les couches d’où provenaient ces frag¬ ments affleurent quelque part dans cette partie de la France. Ce que je viens d’exposer explique comment j’ai été porté dès 1863 à donner aux lignites de Fuveau une position toute nouvelle, et pourquoi, en l’absence d’une série d’observations que j’ai eu l’occasion de faire depuis, j’avais dû laisser dans le doute, à cette époque, tout ce qui se rattachait à la position des étages de Rognac et du Cengle, par rapport aux étages supé¬ rieurs de la craie (2). De tout ce qui précède et de tout ce que j’ai eu l’occasion d’exposer dans d’autres circonstances, il résulte que la série fluvio-lacustre du bassin de Fuveau est extrêmement complexe, et que toute la série découches qu’elle offre depuis les dépôts d’eau saumâtre de la base, jusques et y compris l’étage de Rognac, paraît être l’équivalent de la série crétacée, qui com¬ mence aux sables à empreintes végétales d’Aix-la-Chapelle et qui finit par la craie de Maëstricht. Quant à l’étage du Cengle qui vient après, c’est-à-dire quant à l’étage garumnien, soit qu’on le place, comme le fait M. Leymerie, au niveau de ce terrain peu connu dont Alcide d’Orbigny a fait son étage danien, soit qu’on le considère comme pouvant être l’équivalent des assises les plus supérieu- (1) Bull . de la Soc. géol 1864, 2e série, t. XXI, p. 589. (2) Ibid., p. 109 et 589. SÉANCE DU 8 JUIN 1868. res de la craie de la Charente, soit enfin qu’on reconnaisse un jour qu’il forme une sorte de lien entre les couches crétacées et ce qu’on est convenu d’appeler l’éocène inférieur, il n’en faut pas moins reconnaître et noter que la faune à laquelle appartiennent les échinides de la colonie de M. Leymerie a une physionomie crétacée. Après avoir ainsi rapidement parcouru les principaux grou¬ pes de couches qui sont inférieurs à l’étage du Cengle et essayé d’en déterminer la position, je reviens aux couches qui lui sont supérieures, c’est-à-dire aux couches qui constituent les coteaux du Montaiguet et les reliefs des bords de l’Arc. Ainsi que je l’ai dit au commencement de cette note, ces couches peuvent être divisées en trois groupes : le groupe in¬ tercalé entre les calcaires du Cengle et les calcaires lacustres que j’ai retrouvés dans l’Hérault et dans l’Aude et que je con¬ tinuerai d’appeler calcaires du Montaiguet, le groupe constitué par ces calcaires, puis, au-dessus, sur la rive droite de l’Arc, l’étage dit de Cuques. Couches inférieures intercalées entre le calcaire du Cengle et les calcaires du Montaiguet. Ces couches, qui paraissent correspondre au terrain nummu- litique de l’Aude, constituent un étage assez puissant indiqué par la lettre N sur la coupe précitée. Elles sont peu fossilifères. Les fossiles qu’on y rencontre sont fortement engagés dans la roche. Leur extraction est à peu près impossible. En l’état de mes observations, je ne connais de cet étage qu’une seule es¬ pèce : c’est une Physe nouvelle, d’assez grande taille , qui se rapproche du Physa Draparnaudi qu’on rencontre dans le ga- rumnien de Langesse. Etage du Montaiguet. Quarante années se sont écoulées depuis le moment où Leu- froy décrivait (1) sous le nom de Ferussina lapicida une nou¬ velle espèce d’un genre auquel Grateloup avait imposé en 1827 le nom incorrect de Ferussina , qu’il n’a pas été possible de remplacer par celui de Ferussacia déjà employé par Risso, et auquel M. Deshayes substitua celui de Strophostoma (2). (t' Annales des sciences naturelles , 1828, t. XV, p. 401. (2) Ibid., t. Xllf, p. 282. NOTE DE M. MATHERON, 773 L’espèce de Leufroy, qui est devenue le S tropkostoma lapicida , provenait des calcaires lacustres de Valmargues, près de Mont¬ pellier, dont la position géognostique était alors tout à fait in¬ connue. Mais, comme Leufroy cite, dans le gisement desaFérussine, V Achatina Hopii, qui est le Bulimus Hopei, Bronn, et que les cal¬ caires lacustres dont il parle sont en réalité ceux des environs de Montpellier, dont j’ai signalé la ressemblance avec ceux du Montaiguet, près d’Aix (1), il m’avait été permis d’admettre que cet intéressant fossile faisait en réalité partie de la faune ca¬ ractérisant ces calcaires. Cependant, comme je ne l'avais jamais recueilli moi-même et que personne ne l’avait d’ailleurs cité aux environ d’Aix, j’étais resté dans le doute sur sa véritable posi¬ tion. Ces doutes viennent de s’évanouir à la vue de plusieurs échantillons du Strophostoma lapicida que M. Marion (2) vient de trouver associés à d’autres fossiles déjà connus de l’étage du Montaiguet. Par celte intéressante découverte la position de cette espèce se trouve déterminée et la faune du Montaiguet se trouve enri¬ chie d’autant. En l’état de mes observations , cette faune comprend les es¬ pèces suivantes : Espèces connues : Strophostoma lapicida , Deshayes, Bulimus Hopei , Bronn , Bulimus subcylindricus , Pupa subantiqua , Pupa elegans, Limnœa aquensis et Planorbis subrotundatus , Matheron. Espèces nouvelles : Hélix Mainoni , ayant la forme, le port et la taille de Y Hélix Droueti deRilly, mais qui en diffère par l’ab¬ sence destries longitudinales et par la présence d’un bord un peu réfléchi ; au moins deux espèces nouvelles de Limnée ; une petite Physe; un Pupa longitudinalement strié et deux Bulimes sénestres dont l’un se rapproche beaucoup par sa forme et par sa taille du Bulimus rillyensisi Deshayes. Le groupe de couches qui est caractérisé par cette faunule est d’une très-grande puissance aux environs d’Aix et dans le bassin de Montpellier où j ’ai reconnu sa présence dès 1862 (3). Depuis cette époque j’ai eu maintes fois l’occasion de revoir (1) Voir mes Recherches comparatives , 1862, p. 84. (2) M. Marion, préparateur à là Faculté des sciences de Marseille, a bien voulu associer à mes recherches dans les environs d’Aix sa jeune et intelli¬ gente activité. (3) Recherches comparatives } p. 35, 774 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. et d’étudier avec soin les couches lacustres de ce bassin et j’ai acquis la conviction que, contrairement à l’opinion que j’avais adoptée, les calcaires de Grabels, que divers géologues considè¬ rent comme la prolongation des couches calcaires supérieures aux Paléothériums de Saint-Gély, appartiennent en réalité à une période bien plus ancienne et qu’il faut les rattacher aux cou¬ ches du Montaiguet. Mon opinion ne repose pas seulement sur des considérations paléontologiques. Elle est surtout fondée sur les données four¬ nies par une coupe générale que j’ai faite depuis Grabels jus¬ qu’à Saint-Gély et jusqu’aux Matelles. Au surplus le bassin lacustre de Montpellier sera de ma part l’objet d’une étude spéciale et assez détaillée. Les fossiles que j’ai vus dans diverses collections me font penser que la ma¬ jeure partie des couches lacustres des environs de Clapiers, Teyran, Assas, Guzargues, etc. , doivent êlre placées au niveau des calcaires du Montaiguet. La localité de Grabels mérite un examen tout spécial. On ren¬ contre là, associés aux espèces du Montaiguet, quelques fossi¬ les qui paraissent particuliers à la contrée. Au nombre de ces fossiles se trouve le Melanopsis Gervaisi , que j’avais d’abord placé surl’horizon des lignites de Saint-Gély et le Planorbis Rouvillei, nouvelle espèce qui a les plus grands rapports avec le Planor- bis Cherlieri, Deshayes, mais qui en diffère par ses tours de spire moins embrassants et par la plus grande largeur de son ombilic. Il est probable que des observations ultérieures feront recon¬ naître la convenance et la possibilité de subdiviser l’étage du Montaiguet ou de Grabels en plusieurs groupes distincts. Quoi qu’il en soit, cet étage n’est nullement spécial à la Pro¬ vence et au bassin de l’Hérault. J’ai signalé sa présence sur le revers méridional de la montagne Noire (1). C’est à lui qu’ap¬ partiennent les calcaires lacustres et les lignites de la Caunette, les calcaires lacustres de Yentenac et des environs d’Aragon (Aude). Tous ces dépôts lacustres de l’Aude reposent directe¬ ment sur le terrain nummulitique et passent sous les grès de Carcassonne avec lesquels ils se lient par leur partie supé¬ rieure et dont, en conséquence, iis constituent en quelque sorte la base. Ils sont donc un peu plus anciens que les grès à Lophiodons dTssel. (1) Recherches comparatives . p. 51. NOTE DE M. MATHERON. 775 Or, comme à Aix l’étage du Montaiguet est recouvert par les couches qui forment la butte de Cuques, et que ces couches, ainsi que nous allons le voir ci-après, paraissent être synchro¬ niques avec les calcaires deSaint-Parreset de Provins, il est per¬ mis d’admettre, jusqu’à preuve du contraire, que les calcaires du Montaiguet et de Grabels et les divers dépôts lacustres de l’Aude ci-dessus énumérés appartiennent à la période du cal¬ caire grossier parisien. Groupe de Cuques. Ce groupe se subdivise naturellement en deux étages dis¬ tincts : argiles et marnes plus ou moins colorées à la base, cal¬ caires au sommet. Ces calcaires, qui sont souvent très-compactes, sont généra¬ lement blancs ou blanchâtres et ont une texture ressemblant as¬ sez à celle de certains calcaires oolithiques. Il sont tout à fait les caractères qu’offrent les calcaires de Provins et de Saint-Parres. Ils sont peu fossilifères; mais les échantillons qu’on y ren¬ contre sont dans un parfait état de conservation. En l’état des observations, la faune de ces calcaires ne se com¬ pose que de sept espèces, savoir : 1° Physa... petite espèce que je crois nouvelle. 2° Limnœa Michelini , Deshayes. 3° Limnœa , autre espèce que je crois nouvelle et dont la spire est plus allongée que celle de l’espèce précédente. 4° Planorbis Leymeriei , Deshayes. 5° Achatina Marioni , espèce nouvelle qui rappelle YAchatina Nodoti , Deshayes, des environs de Nogent-sur-Seine , mais qui en diffère par sa forme moins enflée. 6° et 7° Deux espèces du genre Pupa , dont l’une est presque semblable au Pupa subantiqua , du calcaire du Montaiguet, et dont l’autre, que je décrirai sous le nom de Pupa tenuicostata , est remarquable par sa forme allongée et par la régularité et la délicatesse de ses costules longitudinales. Le groupe de Cuques ne se montre pas seulement aux envi¬ rons d’Aix; il a sa place dans la belle série lacustre du bassin d’Apt et s’y trouve représenté par des calcaires rougeâtres intercalés vers la base du grand dépôt de grès et de marnes rouges qu’on retrouve dans le bassin d’Aix et dans les divers bassins lacustres du département de Vaucluse. Ces couches rouges, qui sont les équivalents des grès de Carcassonne, sont 776 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. recouvertes, à Aix et à Apt, par des calcaires analogues à ceux de St-Ouen, du bassin de Paris , et c’est au-dessus de ces calcaires que se trouve le célèbre gisement de la Débruges, près de Gargas, si riche en ossements de Paléothériums. La position que les calcaires de Cuques occupent dans la série par rapport aux couches du bassin d’Apt et la présence à Apt, comme aux environs d’Aix, du Limnœa Michelini et du Planorbis Leymeriei , ne peuvent laisser subsister aucun doute sur leur parallélisme avec les calcaires de St-Parres et de Provins, que j’ai eu l’occasion d’étudier il y a quelques années et dont la position a été parfaitement déterminée par M. Hé¬ bert (1) et par M. Michelot (2), On peut donc dire que les calcaires blancs de Cuques corres¬ pondent à la partie inférieure du calcaire grossier supérieur et qu’ils doivent être placés, avec les calcaires de Provins et de St-Parres, un peu au-dessous du banc vert du bassin de Paris. Il suit de là que les couches de Cuques doivent être à peu près contemporaines des grès à Lophiodons d’Issel et que les calcaires du Montaiguet et leurs analogues, dans les environs de Montpellier et sur le revers méridional de la montagne Noire sont, comme je l’ai dit ci-dessus, les équivalents du calcaire grossier moyen et inférieur du bassin parisien. Ce que je viens de dire du bassin d’Apt et ce qui a été publié à diverses époques sur le S. E. de la France démontre que la série fluvio-lacustre de cette partie de l’empire est loin de finir avec les couches de Cuques. En effet, si l’on combine entre elles les diverses observations qu’on peut faire en remontant la série dans les divers bassins lacustres de la contrée, on re¬ trouve les équivalents manifestes de tout ce qui existe dans les bassins types, depuis les grès contemporains des sables de Beauchamp jusques et y compris les meulières supérieures et les calcaires de Beauce. On voit en résumé que la série fluvio-lacustre du S. E. de la France est très-complexe et que, contemporaine de la craie à Inocérames par les lignites de Fuveau, de la craie de Maës- tricht par son grand et bel étage de Rognac, du garumnien et de la partie supérieure du groupe d’Alet par son étage du Cengle, elle présente au-dessus des calcaires de cet étage les (1) Comptes rendus des séances de V Acad, des sc.9 1862, t. LIY, p. 513 et t. LV, p. 149. (2} Huit, de la Soc . géol.} 2e série, t. XXI, p. 212. NOTE DE M. MATHERON. 777 équivalents plus ou moins complets de toute la série tertiaire, telle qu’elle existe dans le bassin parisien. On voit enfin qu’il est extrêmement probable que les Lychnus et le grand saurien de Rognac ont été les contemporains du Mosasaure de Maëstricht; que la Physe allongée qu’on trouve dans l'étage inférieur du Montaiguet pourrait bien avoir vécu pendant la durée de la période nummulitique et que 1 eBulimus Hopei et le Strophostoma lapicida vivaient aux alentours de lacs contemporains de la mer dans le sein de laquelle se formait le calcaire grossier moyen ou inférieur. A propos de cette communication, M. Munier-Chalmas présente quelques observations. M. le Dr Blandet fait la communication suivante : L’excès d'insolation considéré comme principe du phénomène pa¬ léothermal, ou le soleil du j our égal et de la zone torride paléo¬ zoïque ; par M. le Dr Blandet. Élévation et progression dans la température, en dehors des régions tropicales, la zone torride remontée insensiblement en latitude, l’uniformité plutôt que l’excès du climat, et enfin la sphère devenue universellement torride, et l’équateur général de chaleur et de jour acquis à l’extrême série, tel a été le phénomène paléothermal. En effet, pour peu qu’on remonte dans le passé, le thermo¬ mètre monte aussitôt à la surface ; on entre comme dans un milieu plus chaud; l’indiee de cette augmentation de tempé¬ rature n’est point la dilatation du mercure ou de l’alcool, ce sont les thermomètres zoïques; c’est le fossile tropical, représentant authentique du climat contemporain, lequel, dans une station arctique quelconque, marque aussi sûrement les 30 degrés de chaleur nécessaires à son existence, que le refroidissement des granités a marqué 1330 à la date de la stéréosphère. La vie a ses lois fixes, ses conditions physiques nécessaires, et elle nous est garante qu’autrefois, comme aujourd’hui, ses formes adaptées à des milieux donnés ont égalé des températures déterminées : les formes froides, température, 0; climat d’heures, 24; incidence, 23 degrés ; et les formes tempérées ou tropicales, température, 10 ou 27 degrés ; climat d’heures, 16 ou 12; incidence, 60 ou 90 degrés. 778 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. Ces prémisses acceptées, dès l’entrée dans le domaine de la paléontologie, on constate un courant ascendant, un processus boréal des formes ou des fossiles tropicaux ; il se fait une mi¬ gration nord des conditions tropicales qu’ils caractérisent. Des isothermes nouveaux se dessinent sur chaque horizon, bien différents des nôtres; l’écart croît comme la distance dans le temps ; il y a empiétement continu de la zone lumineuse et chaude qui envahit successivement les deux autres, et finit par se les assimiler ou les rejeter complètement de la sphère; la zone glaciale, devant un processus torride égal 23° 28' ; la zone tempérée, devant un processus égal 46° 56' + 23° 28'. C’est ainsi que, dès le début de cette chronologie, le 70e degré parallèle sibérien quaternaire devient l’isotherme de notre 68e degré environ, si j’en crois le régime débordé des fleuves et les grands pachydermes foulant les jungles des estuaires sibériens. Au miocène, le 75e degré parallèle serait l’isotherme de notre 45e degré, puisque les lignites miocènes arctiques accusent 12 degrés de chaleur et 15 heures de jour au Spitz- berg, au Groenland, en Islande. La flore de Sheppey donne à la Tamise éocène le climat de 13 heures des bouches du Gange; le coral-rag fait du 55e degré Yorkshire l’équivalent de nos degrés les plus inférieurs; après quoi le climat de 12 heures est acquis à toute la sphère. Le faciès est un, torride, hypertro- pical môme, si bien qu’en l’absence du fossile l’authenticité de l’âge secondaire ou primaire d’un terrain assure à la forma¬ tion le caractère hypertropical. On peut, sur une mappemonde, suivre ou marquer l’ascen¬ sion boréale des fossiles tropicaux, et sur leurs pas le déplace¬ ment des isothermes qu’ils déplacent et remontent avec eux en latitude. Palmiers, laurinées , cycadées, conifères, fougères, coralliaires s’y succèdent dans cette tâche commune, de repor¬ ter plus au nord les limites tropicales. Ainsi se relayent, à cet effet, le palmier fossile qui a vécu du miocène au weald ; le Ptero- phyllum du weald au keuper, les Spirifer ou les Leptœna , du keuper ou du lias, jusqu’aux premiers âges, et tant d’autres. Ces points de repère incontestés d’anciennes stations tropicales dessinent à des limites plus ou moins septentrionales l’aire dé¬ mesurée des zones torrides antérieures; ils figurent le tro¬ pique, ils sont même le tropique de ces horizons; tels nous apparaissent, dans le temps et en latitude, le cordon mobile des fougères et des fucoïdes, et les zones des rescifs coralliaires étagés à toutes les latitudes, depuis les atolls de la Polynésie NOTE DE 3VI. BLANDET. 779 crétacée ou jurassique, jusqu’aux couches de Wenlock. Les deux premières périodes manquent, il est vrai, de fossiles tro¬ picaux, en dehors des tropiques actuels. L ’Elephas sibericus , les deux craggs ne sont rien moins que tels ; mais, par la soli¬ darité des parallèles, ils font remonter de plusieurs degrés le tropique contemporain; le palmier miocène projetterait ce cercle vers les Pyrénées ; Paris éocène est presque tropical et aurait vu le soleil au zénith au moins une fois l’an ; le Nautüus danicus fait de la Scanie une station tropicale ; le terrain ju¬ rassique, qui pousse une pointe nord jusqu’aux bouches de la Petchora, et le carbonifère, qui dépasse l’Oural par un bourrelet parallèle, superposeraient pour ainsi dire le tropique sur le cercle arctique. Que dire des tropiques antérieurs? qu’ils ont décrit tous les parallèles polaires ! Dans cette ascension conti¬ nue, les invertébrés ont le pas sur les vertébrés; les proto¬ zoaires précèdent les trilobites mêmes qui enrayent en Suède sur les grès à fucoïdes. Telle se décompose l’étrange climatologie du passé où la zone torride envahit les deux autres; ce processus tropical est nord pour nous quand on remonte le temps ; il est sud quand on descend les périodes; alors coraux, fougères, fucoïdes, émigrés au nord, rivaux tout à l’heure dans l’hippodrome du temps, pour atteindre la flèche polaire, descendent pas à pas l’échelle des coordonnées de latitude, et semblent ramener avec eux le tropique sur l’équateur. Siluriens, ils étaient au cap nord Scandinave; jurassiques, nous les retrouvons sous nos pieds ; leurs analogues ne vivent plus aujourd'hui au delà de 23° 28'. 23° 28', telle est aujourd’hui la limite tropicale, mais à la surface seulement ; car, dans la profondeur, la vie ou la zone torride se continue au nord sans s’interrompre. Elle y perd, il est vrai, les couches superficielles, le sol et le sous-sol; mais à elle toute la stratigraphie profonde; de sorte que, superfi¬ cielle ou cachée, actuelle ou passée, la zone lumineuse et chaude est totale pour toute la sphère, le fossile tropical y ayant été uni¬ versel, cosmopolite. C’est ainsi que le représentanttropical le plus proche de nous, le palmier, cesse de végéter à la surface, passé le 28e degré environ ; mais le palmier miocène reverdit sous nos pieds ; coralliaires ou fougères, éteints dans les hautes et moyennes latitudes, y ressuscitent en stratigraphie ; un quart seulement de notre hémisphère est torride, les trois autres quarts l’ont été stratigraphiquement. L’immense développe- 780 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. ment boréal des zoophytes dévoniens ou siluriens n’a son ana¬ logue présent que dans les protozoaires de l’océan Indien. Le faciès tropical qui n’affleure plus passé 23°, 28’ persé¬ vère et passe outre en stratigraphie; la zone torride quitte le sol pour le sous-sol. Son plongement sous la couche invariable de température est une pente nord aussi, mais plus inclinée que celle-ci ; elle passe dessous les superficies tertiaires tem¬ pérées ou froides, et parvient ainsi jusqu’au pôle. La quantité de ce plongement varie depuis le 0 tropical, son point de départ, jusqu’à des profondeurs supérieures aux 1,430 mètres polaires de la couche invariable. Mais, en général, on retrouve à 600 mè¬ tres de fond les anciens appareils des surfaces d’autrefois, fossile tropical et température de 30°, fossiles tous deux peut-être, et cela sans besoin absolu de l’intervention centrale ; car ces profondeurs d’à présent, les surfaces du passé, pour¬ raient avoir conservé, sous les dépôts subséquents, avec les ar¬ chives de la vie ancienne, le climat contemporain, la chaleur ou partie delà chaleur tombée sur leur verticale. La stratigraphie est divisible en degrés comme la latitude; si l’on rapproche les 90 degrés de cette échelle d’une échelle de latitude, il vient : 0° latitude = 90° profondeur, et les degrés suivants en re¬ montant jusqu’à la craie. 23° latitude = 23° profondeur, date du climat crétacé, tor¬ ride, universel. 90° latitude = 90° profondeur nulle part. 0° profondeur = 90° latitude à 90° latitude seulement. L’altitude comme la latitude a des rapports avec la profon¬ deur ; si, sous l’équateur, l’ascension de 4,000 mètres donne en bas le palmier, au milieu l’orme, au sommet le pin, le forage renverse au nord cette proportion, et donne, selon le degré, le pin, l’orme et le palmier. Les formes de la vie se refroidissent en altitude comme en latitude, d’où le cosmopolitisme simulé des pins ou des ours à toutes les latitudes , mais à des altitudes diverses. La profondeur égale une racine quelconque delà lati¬ tude et de l’altitude. Étant donnée une station arctique, les for¬ mes descendent en profondeur comme en latitude, tempérées, tropicales, hypertropicales ; partout ailleurs les formes s’exal¬ tent ou persistent en profondeur. Ce processus de la vie tropicale en latitude, à mesure que l’on remonte dans les âges, avait fait supposer que la vie avait débuté au nord, que le pôle avait été son berceau, et que, des NOTE DE M. BLANDET. 781 provinces arctiques comme point de départ, elle avait ensuite rayonné vers l'équateur en descendant progressivement l’é¬ chelle des coordonnées sphériques. La vie ne paraît pas avoir fait son entrée ici-bas sous tel ou tel parallèle. Au début le climat était un, tropical, la forme zoïque une, tropicaux tous deux; conséquemment l’être primordial a donc revêtu le faciès torride comme le climat. Ce régime s’étant modifié par suite du refroidissement des pôles, la zone torride, générale d’abord, s’est repliée sur l’équateur ; la vie tropicale a suivi cette rétro¬ cession; le courant descendant a donc véritablement eu lieu à mesure que l’âge des larges développements synchroniques a pris fin. Celte rétrocession sur l’équateur des formes organi¬ ques n’est pas spéciale à la vie, et se retrouve dans certaines actions chimiques ou inorganiques; les couches de sel gemme, formations neptuniennes évidentes, sont d’autant plus boréales qu’elles sont plus anciennes; triasiques en Russie, éocènesaux Carpathes, pliocènes aux confins du Sahara, ces anciens relais de la mer desséchés se sont superposés aussi en latitude. L’association constante du gypse avec le sel donne au premier les mêmes allures topographiques. Il n’est pas jusqu’aux pétro- lies où l’âge n’influe sur les gisements échelonnés en latitude. Telle est la zone torride, affleurant dans le présent à 23°28', mais totale dans le temps et dans la profondeur où se conti¬ nuent, en s’exagérant, la vie et le climat tropical. Ainsi s’analyse le phénomène ou processus paléothermal. Le fait est évident, sans conteste; ce qui l’est moins, c’est son interprétation. Or, devant le refroidissement continu des pôles tombe toute interprétation en dehors du fait, et qui ne concorde pas avec lui, causes intérieures, perturbatrices, accessoires, etc. Car ces interprétations abondent ; les énoncer suffit souvent pour les réfuter; pôle électrique et lumineux, aurore boréale constante, lumière zodiacale prolongée, et autant de jeux de l’esprit qui n’ont pas plus éclairé les pôles, qu’ils n’éclairent le problème; causes cosmiques, telles que interversion de l’axe ter¬ restre, droit, comme dans Jupiter, couché comme dans Uranus, etautant d’impossibilités astronomiques ou zoïques; causes se¬ condaires ou accessoires, telles que soulèvements partiels, cou¬ rants chauds déterminés, fluides, liquides, etc. , toutes influences locales insuffisantes dans une question générale; hauteur sup¬ posée plus grande de l’atmosphère, plus psychique que ther¬ male, puisque cette atmosphère surchargée de substances ather- manes, et à l’état divisionnaire, le plus athermane de tous, sur m SÉANCE DU 8 JUIN 1888. 100 rayons lumineux, n’aurait laissé passer comme l’eau, comme l’alun, le sulfate de chaux, etc., que 11, 12, 20 de ces rayons. Ca¬ lotte de glace arctique, dont l’absence dans les périodes est pro¬ posée comme la cause de la chaleur polaire ancienne; véritable pétition de principe, puisque l’on demande précisément pour¬ quoi cette calotte a fondu dans les temps antérieurs. L’inclinai¬ son variable de l’écliptique, de 48" par siècle, n’oscillant qu’en¬ tre 3° 45", et périodique en cent mille ans environ, a été l’hypo¬ thèse favorite des géologues; mais elle est par trop insuffisante pour pouvoir s’adapter à la moindre période géologique et à l’uniformité primitive du climat ancien qu’elle auraitrendu plus irrégulier encore, comme dans Uranus. D’ailleurs le phénomène paléothermal n’a pas été fonction discontinue, mais continue dans le temps; il n’a pas alterné en moins, de deux degrés, entre les hémisphères positifs et négatifs ; il n’a pas eu de ces retours producteurs ou destructeurs de la vie; il a été un et synchronique pour les deux hémisphères. Le feu central en se manifestant à la surface aurait-il eu, comme on l’affirme, le privilège d’y annuler la chaleur solaire, et d’y substituer la sienne, ou d'y régner à sa place? Pour réfuter cette singulière hypothèse, qui ne tendrait à rien moins qu'à détrôner le soleil dans les périodes, il n’est besoin d’invoquer ni l’observation journalière de coulées encore incandescentes en dedans et refroidies au dehors, à ce point d’être foulées impu¬ nément ou recouvertes de neiges persistantes, ni le calcul ré¬ duisant presqu’à 0 la quantité du flux intérieur qui traverse un épiderme de roches non conductrices, depuis la fermeture du dedans par la solidification extérieure du sphéroïde, assimi¬ lable à la lave ci-dessus; il suffit pour cela de scinder le phé¬ nomène paléothermal qui est double, chaleur et lumière, et de circonscrire le problème dans un seul de ses éléments, la lumière, le plus clair des deux. La chaleur étant commune au feu sus-jacent et au feu sous-jacent, j’élimine cet élément dou¬ teux, contestable; tollatur de medio : la discussion ainsi sim¬ plifiée, ce n’est plus le thermomètre, c’est le photomètre qui va la résoudre. La lumière a dans la végétation un rôle aussi im¬ portant que la chaleur; puis donc que le végétal vit aussi de lumière, on est en droit de se demander devant un sous-sol houiller arctique quelconque : « Gomment ces fossiles tropi¬ caux, ces fougères, ces calamites, ces lycopodiacées, ont-ils pu résister, non pas à un trimestre de froid (la chaleur n’est plus en cause ici), mais à un trimestre de ténèbres? quels rayons NOTE DE M. BLANDET. 783 lumineux sont tombés à cette place aujourd’hui si déshéritée du jour, et se sont fixés et accumulés dans cette exubérante végétation ? quelle radiation chimique et physiologique in¬ connue a décomposé tout ce carbone? quelle lumière, feu central ou soleil, absorbée dans ce détritus végétal, ressuscite pour nous la combustion de la houille? » Poser une telle ques¬ tion, c’est la résoudre ; évidemment le feu central n’a que faire dans une question d’éclairage et de chimie végétale; évidem¬ ment cette lumière, cette radiation a été la lumière, la radia¬ tion solaire; évidemment le flambeau qui a éclairé les pôles n’a pas été le feu central, mais le soleil; dans ces hautes lati¬ tudes où je circonscris de préférence le phénomène, qui donc aurait pu agrandir le jour, si ce n’est le jour lui-même? dou¬ bler l’insolation, si ce n’est le soleil ? quel autre aurait corrigé ses écarts, ramené au pied de la perpendiculaire le rayon oblique qui rase aujourd’hui l’horizon? quia modifié le régime de ténèbres trimestriels actuel, pour y substituer jadis le nyc- thémeron égal? qui a accumulé la vie primitive, avec la lu¬ mière au nord, sinon l’astre moteur principal delà vie? On va chercher bien loin, dans l’extrême profondeur, un feu caché infiniment probable, mais que personne encore n’a vu, pour expliquer des phénomènes de surface, tandis que leurunique et véritable auteur, le soleil, est là sur nos têtes qui nous éblouit de son éclat! lui seul aura donc régné sans conteste, autrefois, comme à présent, dans la zone torride profonde, comme à la surface, mais plus puissant, plus lumineux ; c’est là cet excès d’insolation si désiré des botanistes, et qui, mieux encore que l’excès supposé d’acide carbonique, aura grossi comme au microscope les mousses et les presles gigantesques des pre¬ miers temps. Au soleil, et à lui seul se rapporte l’élément lumière du phé¬ nomène paléothermal; mais dans la lumière diffuse du soleil, la chaleur est inséparable de la lumière; les deux éléments sont indivis et congénères , puisque la lumière n’est que de la cha¬ leur lumineuse, et la chaleur de la lumière thermale; donc le soleil aura été l’auteur commun des deux excès réunis de cha¬ leur et de lumière, qui constituent le phénomène paléothermaî. Le feu central n’est pas en cause ici ; à lui l’intérieur, soit ; mais au soleil le dehors; avec cette différence toutefois, que l’hypothèse du feu central, infiniment probable, n’est pas en¬ core démontrée, tandis que le soleil, lui, n’est pas une hypo¬ thèse; il se démontre de lui-même. Depuis la date de la sté- 784 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. réosphère, la chaleur ascendante a été insensible à la surface, ou, si elle y est encore perceptible pour le calcul, elle ne l’est plus pour le naturaliste. Le flux intérieur n’a donc pas plus réchauffé les pôles autrefois par une intervention active, que sa non-intervention présente ne les refroidit aujourd’hui. D’ailleurs si notre sphéroïde brûlant eût échauffé la surface à l’égal de nos calorifères, comment la vie eût-elle pris pied à ce contact? Et si la périphérie s’est refroidie ensuite, pourquoi s’est-elle refroidie par les extrémités? Le rayon polaire n’est-il pas plus court, pLus rapproché du centre, plus sensible à sa chaleur que le rayon équatorial? Enfin, si le flux intérieur a tellement transpiré à l’extérieur autrefois, où sont les traces d’une com¬ munication si active, les elforts d’une ascension si énergique et si abondante? Les cratères éteints primaires? une ceinture volcanique quelconque ? la vulcanicité, insensible dans le passé, n’est-elle pas le caractère des dates récentes ou modernes? En résumé, l’excès d’insolation paléozoïque n’a pu venir que du côté lumineux, tropical, de l’agrandissement de la zone lumi- ;i neuse; toutes les hypothèses autres se heurtent et tombent de¬ vant les lois absolues de la lumière et ses droits imprescriptibles. ; L’époque la plus proche de nous, la quaternaire, si courte i au premier aspect, qu’elle a été niée par plusieurs, réunit en elle seule toutes les réfutations des hypothèses précédentes. La terre quaternaire avait eu tout le temps de se refroidir depuis < les premiers âges, et de perdre l’excès du flux intérieur sup¬ posé; et cependant la Sibérie était éclairée assez pour être ha¬ bitable, et surtout pour produire l’alimentation végétale de ces grands appareils de consommation, les pachydermes; le trimestre de ténèbres arctiques y était donc modifié; à moins d’imaginer qu ’Elephas et Merycotherium l’eussent passé dans le sommeil d’hiver. La Sibérie quaternaire jouissait déjà d’un climat analogue à celui de l'Allemagne du nord, dont elle répète en petit, comme dans une réduction géographique, l’orographie et l’hydrographie; et cependant celte contrée n’a subi depuis aucun changement capable d’expliquer une telle différence de climat; pas de soulèvements à invoquer de ce côté ; les Alpes Scandinaves, soulevées depuis longtemps, bar¬ raient alors comme aujourd’hui le passage aux courants chauds de l’Atlantique; l’élévation du sol y était la même, ainsi que sa configuration, ses reliefs; les contra-forts de l’Altaï circon¬ scrivaient, sans offrir de glaciers, les bassins des grands fleuves dont la direction polaire indique des eaux libres se rendant dans NOTE DE M. BLANDET. 785 une mer libre; Tappareil littoral maritime était sensiblement le môme ; donc aucune des causes mentionnées, Finsolalion exceptée, ne rend compte de cette climatologie quaternaire si¬ bérienne, pas môme le feu central, dont on a voulu prolonger l’action jusqu’au diluvium. Là, comme partout, il n’y a eu rien de changé que l’insolation ou le soleil. Cessons donc de chercher ailleurs que dans l’unique source de chaleur et de lumière superficielles l’origine des augments progressifs des températures anciennes, depuis l’écart quater¬ naire jusqu’au jour égal, à la zone torride uniforme, jusqu’à la sphère homœothermale, homœophane primaire; la nature n’a pas opéré dans le passé autrement qu’aujourd’hui ; les voies actuelles, les causes présentes, lentes mais agrandies, suffisent amplement et au delà à toutes les conditions du problème ; si donc le nord paléozoïque a été plus chaud , si sa surface a été plus lumineuse, c’est qu’il aura été plus éclairé, plus échauffé par le soleil. S’il a été plus habité, c’est qu’il aura été plus ha¬ bitable; l’habitat aura fait comme l’habitant, et aura revêtu comme lui des formes tempérées, tropicales, hypertropicales. Il suffit, pour obtenir tous ces résultats, d’agrandir les condi¬ tions actuelles d’illumination ou d’insolation, d’élargir le do¬ maine de la chaleur et de la lumière, c’est-à-dire la zone torride sur la terre et dans le ciel, le soleil. Le diamètre solaire n’est pas fixe et varie déjà pour la terre, selon la série de ses distances au soleil sur l’écliptique; à équidistance de Vénus ou de Mercure, la quantité de variation ne serait plus 66*, mais atteindrait un diamètre même. La gran¬ deur du soleil est donc susceptible de variations apparentes ou réelles, et il ne nous paraît fixe que parce qu’il manque à l’ob¬ servation historique une base chronométrique suffisante pour établir une parallaxe dans le temps; mais ce qui excède la vie de l’homme et de l’espèce, l’immensité dans la durée, les pé¬ riodes géologiques, où le calcul se joue avec les siècles, comme il le fait avec les myriamètres dans l’espace, l’offrentàcoup sûr; et les hectosiècles, les myriasiècles géologiques feront ce que quatre mille ans n’ont pu faire. La dilatation du soleil ou des soleils géologiques se déduit du phénomène paléothermal; elle n’a pas été apparente, mais réelle. La fixité des centres immuables étant un axiome astro¬ nomique, force est bien de rapprocher les circonférences, et des deux en présence la seule dilatable ou fluide, le soleil. Supposons la terre devant un soleil dilaté de 66* seulement; Soc. gèol.y 2e série, tome XXV. 50 788 SÉANCE DU 8 JUIN 1888. une variante de 66", telle que le rapport présent de l’aphélie au périhélie, aurait été, alors comme aujourd’hui, insensible à la surface. D’autre part, la terre miocène a joui de la température de Vénus, puisque Paris miocène accuse 20° de chaleur; la terre miocène aurait donc joui comme Vénus de deux chaleurs, de deux surfaces solaires, de sorte qu’en moyenne il viendrait à cette date, Sibérie, 2°; Paris, 20; équateur, 60°. Dans cette don¬ née la température s’élève peu au nord; mais l’excès équatorial aidant, des courants chauds, établis du sud au nord, auraient pu relever indirectement le degré direct de chaleur et suffire à la végétation. Tant que ces prolongements du rayon solaire ne dépassent pas des minutes, la chaleur concorde assez sur la terre et dans le ciel, avec K 2Qr R 30' supposé l’un miocène, l’autre crétacé. Déjà cependant avec R 30', comme dans Mer¬ cure, huit chaleurs, huit surfaces, deux diamètres, la tempé¬ rature s’accusant 8° en Sibérie, 80° à Paris, 240° à l’équateur, devient presque antibiologique; mais, passé ces périodes, les phénomènes ne concordent plus absolument, et il n’y a plus moyen de s’entendre entre le cieî et la terre; sur la terre, la chaleur torride acquise à la sphère, dès la craie, reste station¬ naire; le thermomètre ne monte plus guère dans les périodes suivantes; il y a seulement diffusion générale de îa môme cha¬ leur, au lieu que, dans le ciel, le rayon solaire prolongé dans le temps croît sur l’équateur céleste, et y continue son ascension parallèlement à cet arrêt de la température teiTestre. Lors donc que la terre secondaire, primaire, marque 30° toujours, 30° partout, le soleil lui répond synchroniquement au carré du dia¬ mètre par les multiples de ces mêmes degrés, c’est-à-dire par une chaleur émise synonyme des R 6° ou R-50, de combustion, de vaporisation pour la terre, et pour Mercure et Vénus avant elle, La formule des dilatations cubiques par la chaleur, qui donne l’excès au lieu de l’uniformité du climat, pèche bien plus en¬ core du côté de la lumière; celle-ci y est tout à fait insuffi¬ sante. Toute la difficulté vient réellement du côté du jour arc¬ tique, car des rayons aussi bas que R 20’, R 30’, n’ont pu le modifier à ces hautes latitudes; vainement invoquerait-on l’in¬ tensité crépusculaire de tels soleils; elle était incapable de rendre équinoxial le régime semestriel de lumière; ce crépus¬ cule aura bien pu, mieux que l’étoile polaire, guider l’hiver l’Éléphant et le Chameau velus aux déserts sibériens; mais le jour réfléchi n’étant pas physiologique n’a, pu suppléer la ra¬ diation solaire absente dans la production de la plante ou de NOTE DE M. BLANDET, 787 Taliment végétal. Le défaut de jour, si sensible à la date quater¬ naire, s’accentue bien plus à l’époque miocène et aux suivantes. Ainsi, devant l’insolation analogue à celle de Vénus ou môme de Mercure, les terres tempérées ou torrides arctiques, des dates miocènes ou carbonifères, fussent restées stériles, no¬ nobstant l’afflux de la chaleur équatoriale supposée. La date évidemment récente et l’immensité du jour miocène au Spitz- berg indiquent une hauteur angulaire dans le soleil correspon¬ dante; le photomètre infirme le thermomètre. Cet antagonisme de la chaleur et de la lumière, l’un voulant des minutes, l’autre des degrés dans les dilatations cubiques, est infran¬ chissable; il dénote un vice radical dans cette formule, qui est de vouloir remonter le temps au lieu de le descendre tout sim¬ plement; de conclure du présent au passé, d’attribuer à un refroidissement général ce qui a été l’effet de la prédominance de l’attraction sur la répulsion, et d’appliquer notre unique coef¬ ficient connu, la chaleur, à la dilatation cosmogonique. Et d’a¬ bord il n’y a pas eu de dilatations, mais des concentrations cubiques ; le paléontologiste n’a donc pas à refaire le soleil, mais à l’accepter tout fait et dilaté par un coefficient inconnu, TXV n’est donc pas applicable au soleil. Cette formule don¬ nant l’excès au lieu de l’uniformité de climat, le crépuscule au lieu du jour, infirmant le cosmopolitisme des êtres, ne ré¬ pond à aucun terme précis de la paléontologie et de l’astro¬ nomie; dans le ciel elle fait des orbites d’immenses foyers de combustion; qu’est devenu le stock de chaleur? Sur la terre, elle fait correspondre la biologie ancienne, la stratigraphie to¬ tale, à un degré dans ce soleil, de sorte que les 89° autres du rayon vecteur, jusqu’au point de sécession, auraient concordé pour la terre avec des états nébuleux ou chaotiques. Pour¬ suivie indéfiniment, cette formule donne la nébuleuse ou le maximum de dilatation, comme le maximum d’éclat et de cha¬ leur. Or, jamais matière cométaire, jamais nébuleuse a-t-elle offert ce maximum, et un éclat autre que la faible lueur qui lui a valu son nom? L’avenir môme que nous réserve la for¬ mule n’est pas rassurant, car il mène directement à l’affai¬ blissement, à l’extinction définitive du soleil. Laissons les errements de la chaleur, suivons les prescriptions absolues de la lumière, comme il a été fait précédemment pour dégager le problème des limbes du feu central, et l’expli— pation suivra claire comme son principe. P’abord, le phénomène paléothermal est un fait, et comme 788 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. tel supérieuràtoute théorie. Une simple coquille tropicale four¬ voyée près du pôle, un Nautile, un Orthocératite, moins que cela, un zoophyte, un coralliaire des mers arctiques, réclamant sa part de lumière, à cette place aujourd’hui si déshéritée du soleil, nous y prescrit les conditions de son existence passée, et aussi certai¬ nes indications cosmogoniques ; ce fossile tropical a vécu dans ces hautes latitudes; donc il y a joui du climat tropical, du jour égal, et de 30° de chaleur, donc T n'a pas été multiplié, mais plutôt divisé par V. Cet infime discute à sa manière nos théo¬ ries, et son interprétation muette n’est pas à dédaigner, car il n’est pas seul de son avis; outre qu’une forêt d’anthozoaires, ses semblables, a recouvert le lit des mers, il a derrière lui une succession infinie de faunes et de flores, toutes solidaires, toutes unanimes sur le témoignage précis du passé, dilatation continue de la zone lumineuse et chaude se substituant succes¬ sivement aux autres, dans le temps et en latitude. Poursuivons ces indications et autres qui dérivent du phéno¬ mène paléothermal précédemment expliqué : la zone torride antérieure se continue avec la nôtre, dans la profondeur; donc le soleil y a continué aussi son rôle de surface, mais exagéré; superficielle ou profonde, présente ou passée, l’insolation a été continue; son intensité, son étendue, ont seules varié; d’où la nécessité d’opérer l’une et l’autre dilatation, le soleil autant que la zone lumineuse et chaude; le dilemme est rigoureux; processus solaire et processus torride ont été deux ordonnées parallèles; le rayon arctique du soleil, et l’élévation en latitude de Ja zone torride ont été prolongés sur leur équateur réci¬ proque, dans une raison commune directe et synchronique. La hauteur du rayon solaire mesure aujourd’hui en moyenne sur l’équateur céleste R. 16T' ; telle est sur cet équateur la hau¬ teur du parallélogramme du jour, dont les côtés, sinus de l’é¬ cliptique, et rayon solaire égalent 16 'lw; dont la base est l’équateur céleste môme, et le côté supérieur parallèle est le rayon vecteur moins le sinus verse. Sinus de l’écliptique et rayon arctique du soleil égalent donc 16' 1*. Cette quantité n’est pas un point dans l’espace ; cependant on la néglige dans la pra¬ tique où la déclinaison se règle sur le centre môme des astres observés au mural, déduite de la demi-somme des deux bords opposés. C’est donc au centre du soleil que correspond la ligne fictive des tropiques; mais, en réalité, la demi-somme ainsi abstraite n’en déborde pas moins la limite torride, laquelle doit être importée plus haut en latitude; en réalité, la valeur hémi- NOTE DE M. BLANDET. 789 cycléenne 16 '2% ou 15 '45% minimum, doit s’ajouter à la zone établie, et reporter celle-ci à 23°48\ au lieu de 23°28% Celte quantité complétive ultratropicale est telle à présent; mais devant l’excès d’insolation ancienne, elle a dû varier avec le rayon arc¬ tique du soleil, comme l’excès paléothermal et son processus bo¬ réal, et dans un rapport commun. Si donc l’observateur présent de la ligne des tropiques, adossé à un mur vertical, y voit le soleil à midi déborder la perpendiculaire de 16,1% l’observa¬ teur quaternaire, tertiaire, etc., s’il en fut jamais, aurait vu ce même bord arctique du soleil déborder non plus de 16,1% mais de 0° ir l'% quantités ultratropicales, et qui doivent en réalité s’ajouter en plus à la zone torride contemporaine. Etant donné l’équateur céleste, on peut construire sur cette base une série de parallélogrammes, dont les côtés s’élèveront, comme la hauteur même du sinus de i’écliplique, à la hauteur du rayon solaire. Dans cette série de rectangles à base commune équatoriale, et se superposant'au sommet, l’angle formé par la diagonale croîtra comme la hauteur des côtés, et il viendra des rayons solaires différents, égaux à des sinus différents. Or, parmi ces valeurs d’angles, il en est une caractéristique, capi¬ tale dans l’histoire de la terre, car elle a coïncidé avec le jour égal, avec le climat uniforme paléozoïque. Besoin n’est pas de prolonger jusqu’à 90° le rayon solaire pour obtenir 90 dans la zone torride terrestre; du moment que le diamètre du soleil aujourd’hui = 16' 1" aura mesuré le sinus de l’inclinaison de l’écliptique — 23 ’28'% dès que le rayon solaire prolongé sur l’équateur y aura égalé en hauteur la hauteur même atteinte par la terre au solstice, ce jour-là les elfets de la translation annuelle ont été compensés, ils ont été annulés; R ayant égalé sinus = 23® 28% inclinaison a égalé 0. L’uniformité du climat a été acquise absolument, et le soleil du jour égal s’est levé sur toute la terre. La terre aura eu beau couper deux fois par an l’équateur, monter, descendre de 23° 28 au-dessus, au- dessous de l’équateur, devant un soleil égal en diamètre au sinus complet, la terre aura trouvé toujours en sa translation un rayon solaire quelconque droit devant elle, et les variations du jour auront été limitées aux seuls effets de la rotation diurne. Je ne sache pas d’autre mécanisme capable de redresser les effets de l’inclinaison sinon l’axe terrestre; car, pour compenser le balancement apparent de la terre au-dessus et au-dessous de l’équateur céleste, il faut absolument imaginer un balan¬ cement égal et synchronique dans le soleil, ou intercaler une 790 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. série continue de soleils entre un rayon égal en hauteur au sinus d’inclinaison, ou simplement agrandir le rayon d’un soleil unique, du sinus même de l’inclinaison = 23° 28’. Du moment que la hauteur du rayon solaire est égale à la hauteur extrême de la terre, au solstice partout elle lui fait équilibre; l’axe de la terre se trouve redressé en puissance, et les condi¬ tions équinoxiales joviennes sont réalisées sur la terre. Soleil primaire ou nébuleuse solaire de 47° — Varallèlogramme du jour égal et du climat torride uniforme , ou rayon solaire 23° 28' = sinus 23° 28' et obliquité de V écliptique — 0. Sécession de Ma*& NOTE DE M. BLANDET. 791 Le rayon actuel R16', par l’effet de l’obliquité de l’écliptique est l’équivalent tropical de 23°28' 16'; prolongé réellement de 23°28', il équivaut à 90°, donc la même construction donne le climat uniforme torride ; elle est commune à la chaleur et à la lumière; car si l’on réunit en un seul les deux parallélo¬ grammes précédents, positif et négatif, il vient de leur somme australe et boréale un parallélogramme unique dont la base est le tropique du Capricorne, et le parallèle supérieur le tropique du Cancer, et dont les côtés sont le sinus complet, et le diamètre solaire, tous deux mesurant 46°56'. L’écliptique devient sé¬ cante, l’équateur est commun. La terre, dans cette construction, quelle que soit sa hauteur de translation, ne sortira pas de la zone torride céleste prolongée ; de sorte que, si on la suppose privée des effets de translation, immobile en hauteur, et si on projette adjacente au parallélogramme, sa figure agrandie à l’échelle du sinus complet, les tropiques célestes prolongés raseront les extrémités des deux axes solaire et terrestre, égaux tous deux à 46°56', la zone torride céleste passera et se conti¬ nuera sur la terre qu’elle couvrira en entier; d’où jour égal et climat torride uniformes sur toute la sphère. Un soleil de 47° n’a pu avoir été qu’une nébuleuse. Le soleil primitivement dilaté ressemblait parfaitement à une nébu¬ leuse, d’après Laplace, et conséquemment était à un degré quelconque de la condensation nébuleuse ou stellaire. Or, sans préjuger en rien la nature de la chaleur et de la lu¬ mière solaires, hypothèse la plus simple, on peut les ranger avec la masse, sous une raison commune de densité, mais avec persistance au total de la même somme thermale ou lumineuse, nonobstant les variations de volume. Ainsi l’intensité lumi¬ neuse, moins dense dans les dilatations cubiques, plus vive dans les concentrations, au total aura pu rester la même. Ces rapprochements numériques ont été établis par Herschell le père, pour la masse, dans les transformations possibles de né¬ buleuses en étoiles, et par Arago, dans les agglomérations cu¬ biques de la lumière nébuleuse, convertie en lumière stellaire. «Les particules lumineuses ne sont pas nécessairement en pins grand nombre dans un astre dilaté, que dans le même astre condensé, dit Arago ; éparpillée ou réduite, la lumière y offrira la même intensité totale . Si l’on écarte graduellement l’ocu¬ laire d’une lunette, on verra l’étoile s’affaiblir à mesure qu’elle remplit le champ de la vision, et l’inverse se produire dans l’image réduite. » L’inverse a pu aussi se produire dans les so- 792 SEANCE DU 8 JUIN 1868. Ieiis dilatés, devant l’oculaire du temps, et la lumière y avoir été divisée et non multipliée parle volume. La chaleur aurafait comme la lumière, et aura été au même degré de rareté qu’elle, dans ces moindres concentrations de la masse. Même avec 47°, la chaleur n’aurait été ni en excès sur la terre, ni en raison des 10,000 surfaces solaires résultantes. On se représenterait en quelque sorte, et on reconstruirait devant le regard ces soleils dilatés d’autrefois, en regardant le soleil présent à l’aide de verres d’un grossissement croissant; suivant le degré d’ampli¬ fication de l’image, la lumière et la chaleur solaires s’affaibliront, et la forme réduite de la concentration présente rétablira seule leur degré d’intensité. Les réductions poursuivies encore plus loin figureraient probablement les soleils de l’avenir. Telle aurait été l’insolation primaire, pâle, voilée, uniforme, spécialement favorable aux plantes de la flore primordiale, qui fleurissent peu ou point, aux Araucaria , aux lycopodiacées, etc. Le cosmopolitisme primaire et même secondaire affirme, comme le parallélogramme précédent, Luniformité du jour et du cli¬ mat synchroniques ; ainsi la bouille a joui du même climat du 33° au 70° latitude; il n’y a pas eu deux régimes de jour et de température pour la même flore ni même pour la faune, l’un au midi et l’autre au nord ; les poissons ganoïdes n’ont pas été des Cœcilia au nord, ni les Stigmaria des plantes an¬ nuelles. Dans ce système, de l’égalité de chaleur, nonobstant la di¬ versité de volume, Lexcès paléothermal aurait eu pour rai¬ son unique le rapprochement du pourtour du soleil, égal au quart environ du rayon vecteur, pour un soleil de 47° ; le rapprochement des équateurs des deux hémisphères en pré¬ sence étant supérieur à celui des pôles, on conçoit la stérilité paléozoïque à l’équateur brûlé par la chaleur et la riche expansion de la vie polaire plus éloignée des ardeurs solaires. La date du refroidissement des granités, =■ 1330° de cha¬ leur, pourrait se déduire aussi de la quantité du rapproche¬ ment, et donnerait précisément la distance solaire synchro¬ nique. Il se peut néanmoins que la chaleur des dilatations cubi¬ ques ne soit pas restée égale, mais quelque peu supérieure; préciser cet augment est impossible. Vrai est-il que si Mercure solidifié, montagneux, circule tel, à 33° du soleil, la terre a bien pu circuler telle aussi à équidistance d’une nébuleuse de 66°. Devant ce périhélie, on conçoit la climatologie primaire, l’océan Glacial devenu thermal, et les formes tropicales déve- NOTE DE M. BLANDET. 793 loppées comme nos cultures forcées, dans les terres chaudes arctiques primaires. Le parallélogramme précédent donne le jour égal direct, absolu et mathématique. Entre R 23°28' et R 16', notre rayon actuel, il se superpose une série décroissante de parallélo¬ grammes intermédiaires avec sinus et cosinus, inversement proportionnels, inscrits au colure des solstices; on aura donc, à mesure que les côtés baisseront, un dérangement de plus en plus accusé du nycthéméron parfait, et il viendra : Sinus et rayon 23°28' — jour égal et obliquité 0, Sin. et R» li°44' = jour 1/2 égal et obliq. d 1°44', Sin. et R. 5° 52' = jour 1/4 égal et obliq. 17°36', etc. Appliquant ces points de repère à la chronologie paléozoï¬ que, ce mécanisme a-t-il fonctionné exactement dans les pé¬ riodes? Non, car il s’y est compliqué de singuliers phénomènes de réfraction et de crépuscule. Si de nos jours la réfraction nous paraît remonter le soleil sur l'horizon, de 33', et si le crépuscule le supplée jusqu’à 18° au-dessous de l’horizon, la réfraction et l’intensité crépusculaires d’aussi prodigieux soleils auront simulé et devancé de beaucoup, dans les périodes, le jour égal, vrai et direct; l’intensité crépusculaire surtout aura pu s’accroître jusqu’à 36° sous l’horizon par la hauteur seulesup- posée double de l’atmosphère primitive. Or, si le jour indirect réfléchi réduit déjà de moitié le semestre ténébreux au pôle et annule la nuit absolue à Paris, au 20 juin, ce jour, multiplié au carré des diamètres solaires, aura multiplié la lumière d’au¬ tant; et voilà pourquoi sans doute dès l’époque crétacée, au quart à peine stratigraphique, le faciès torride paraît général, universel; pourquoi dès le miocène, et même dès la date qua¬ ternaire, les parallèles arctiques ont joui d’une illumination su¬ périeure à leur jour réel. Sous toutes ces réserves, on peut faire une part égale dans l’insolation aux deux jours, vrai et simulé ; R. 23°28' aura dû correspondre]exactementau jourégai direct, et R. 11°44 au jour égal réfléchi, l’un silurien, l’autre crétacé. R. 5°52' aurait enfin concordé avec l’ère miocène , moyenne des trois stades de l’époque tertiaire; et R. 2°56 au¬ rait mesuré le soleil et le jour quaternaire sibérien doublé lui-même dans ses effets crépusculaires. L’uniformité du jour et du climat n’aura même pas été absolue, mais relative, sur la sphère primaire, polaire surtout, où le jour a été la règle, la nuit l’exception. La bouille arctique a été bypertropicale sans que le tropique se superposât sur le cercle arctique; il y 794 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. aura donc eu deux climats torrides, deux jours égaux, l’un vrai antérieur, le jour primaire, l’autre simulé indirect et de beaucoup postérieur ou crétacé. Ces différences produisent bien des illusions d’optique dans le temps et en latitude. Les dilatations cubiques du postulatum cosmogonique de Laplace sont aussi nécessaires à la géologie qu’à l’astronomie. Il y a eu des soleils orbitaires supérieurs, et d’autres inférieurs ou géologiques, lesquels, s’ils n’eussent pas été, devraient être inventés de par l’ordre des sécessions planétaires et le processus paléothermal. Les dilatations cubiques ont été le trait d’union, le pont jeté entre les planètes et l’astre central. Le soleil en sphère de va¬ peur, ou l’atmosphère solaire, aura rempli tous les orbites pla¬ nétaires ; ces orbites nous disent que le soleil s’arrêtait à ces anciennes rives de la mer lumineuse. Supprimez ces retraites successives, et la sécession des planètes, comme leur isolement actuel dans l’espace, deviennent incompréhensibles; en effet, pour que la terre se soit détachée du soleil, il a bien fallu que le disque solaire s’étendît d’abord jusqu’à son orbite, avant de se concentrer jusqu’en ses limites actuelles. La distance de la terre, R. =0 primitivement, est devenue R. 24,000, et le rayon primitif, = 24,001, est aujourd’hui = 1. L’invariabilité du système serait une anomalie dans le mou¬ vement général, universel. « Tout cela ne s’est pas fait dans un jour. )> (Laplace). Puisque la terre a subi de telles évolutions dans sa constitution, son climat, son hydrographie, sa bio¬ logie, etc., Je soleil qui l’éclaire et la vivifie n’a pu rester im¬ muable dans un éternel statu quo. L’invariabilité apparente de son diamètre actuel pouvait être une objection sérieuse dans l’ancienne géologie, alors qu’un cercle consacré étreignait l’âge des périodes entre quelques mille ans; à cette heure que les myriasiècles géologiques peuvent rivaliser, dans le temps, avec les myriamètres uranographiques dans l’espace, les évo¬ lutions ou variations du soleil sont légitimes, nécessaires; elles se déduisent des métamorphoses synchroniques du globe son subordonné. Si le diamètre du globe s’est sensiblement raccourci depuis sa solidification même, le diamètre solaire aura varié dans la proportion d’un corps gazeux à un corps solide; le soleil pré¬ sent n’est que la racine carrée ou cubique des soleils antérieurs; son apparente invariabilité est sans doute l’effet des condensa¬ tions antérieures; la masse est ou parvenue à sa normale de NOTE DE M. BLANDET. 795 densité, ou plus réfractaire et plus résistante à des réductions nouvelles. Le soleil n’a donc pas toujours été une des moindres étoiles du firmament; il pouvait aller de pair avec les autres soleils, quand les rivages de l’océan lumineux s’arrêtaient à l’orbite de Neptune; car sa circonférence a dû décrire, et son diamètre mesurer tous les orbites. Les planètes aussi n’ont pas toujours été ces grandes inutilités physiques d’à présent, bonnes à exercer l’observation et le calcul; car chacune à son tour, ayant été, devant le soleil, lre, 2e ou 3e, comme l’est notre terre, aura joui de périhélies analogues; la pesanteur seule est restée la même devant ces démesurés soleils orbitaires, Possi- donhélios, Uranhélios, Chronhélios, Zeushélios, Asterhélios, Àrhélios, Géehélios, Cyprhélios, Hermhélios, et leurs intermé¬ diaires. L’avenir de la terre nous est indiqué par les planètes su¬ périeures ; son passé se répète sans doute aujourd’hui dans les inférieures; Vénus et Mercure en sont encore à nos époques primaires ou tertiaires, à nos trilobites ou à nos Paléotheriums. Le contrôle géologique direct est applicable au soleil à dater de l’action sédimentaire; la stratigraphie concorde avec la re¬ traite ; la terre s’accroît, le soleil décroît, à la surface ; tous deux procèdent par des cercles concentriques invisibles ou effacés dans l’espace, mais empreints profondément dans la stéréosphère, comme les couches annuelles dans le tronc des dycotilédonées; de sorte que l’ensemble des strates correspon¬ dant à l’ensemble du recul, la stratigraphie ou l’hypsométrie pourrait servir de chronomètre commun. Soit une série de ver¬ ticales atteignant des altitudes diverses, 13,Q0Qra, 5,000, 3,000, 700, 300, 250, 100, etc., je dis que ces puissances du dépôt atteintes par les terrains de transition, carbonifère, crétacé, triasique, oxfordien, basique, etc., sont une mesure commune applicable à la durée des soleils contemporains ; or, à raison de 2 kilomètres de recul pour 1 millimètre de dépôt, les soleils synchroniques de même nom auraient reculé de 6,500,000, 2,500,000, 1,500,000, 350,000, 125,000, 50,000 lieues; d’où il suit qu’à raison de 1 millimètre par siècle pour la formation du dépôt, le soleil aurait mis un siècle à reculer de 2 kilomè¬ tres, et 32,000,000 de siècles à reculer de 16 millions de lieues sur son disque actuel. Cette concordance serait exacte, si dépôts et retraites avaient été lents, continus, réguliers; mais, du côté de la terre, la sédi¬ mentation a dû varier, tantôt chimique, physique et même météorique; du côté du soleil, le soleil a pu subir des résolu- 796 SÉANCE DU 8 JUIN 1868. tions ou révolutions, des précipitations brusques; l’époque glaciaire restée inexpliquée aura pu coïncider avec l’évolution dernière de la nébuleuse solaire résolue en étoile définitive avec lumière zodiacale persistante. En résumé, l’histoire de la terre a dû se passer devant des soleils bien divers, bien différents du nôtre, surtout alio sub sole . L’œil réticulé du trilobite, celui du grand saurien, sous le cercle osseux de sa sclérotique, auront salué des disques lumi¬ neux grands comme nos halos, et dont les rayons chimiques et physiologiques plus puissants que les nôtres auront activé la végétation, la sédimentation ou même le métamorphisme normal. Dans l’immense spirale qu’aura décrite le soleil en s’af¬ faissant sur son centre, la terre, née du soleil, est restée constam¬ ment sous sa dépendance ; puis les horizons terrestres ont reflété les horizons célestes; à la terre primaire, secondaire, tertiaire, correspondaient des soleils de même nom ; à Protogée, Deuté- rogée, Tritogée, Prothelios, Deuterhelios, Trithelios, précédés eux-mêmes de soleils antérieurs, Hermhélios, Gyprhelios, etc. Les Arcadiens se croyaient antérieurs à la lune ; l’Éozoon l’aura été plus sûrement à Mercure. Les cycles paléontologiques ont été subordonnés aux phases et aux conditions des soleils con¬ temporains; avec un diamètre donné s’est accomplie l’évo¬ lution zoïque donnée, d’une classe, d’un genre, d’une espèce; il y a donc eu autant de soleils divers que de faunes ou de flores différentes; il y a eu le soleil des trilobites, des Ammonites, des grands pachydermes, et finalement celui qui associe ses con¬ ditions présentes au règne de l’homme. Le soleil n’a pas dégé¬ néré, tant s’en faut, en se rétrécissant; il s’est perfectionné, et la nébuleuse diffuse est devenue l’étoile brillante d’à présent. La vie s’est inspirée des évolutions de l’astre, son moteur prin¬ cipal; elle a revêtu primitivement, comme son modèle, des formes grandioses, colossales, puis elle s’est tassée comme lui sous des formes plus réduites, moins étendues, mais plus ac¬ complies. La perfection a été atteinte par elle dans l’homme, et divinisée par l’homme même dans les spécimens de Part. Ainsi s’expliquerait la migration boréale de la vie ancienne, dont les retraites sont calquées sur les étapes du soleil dans le ciel, par la retraite ordonnée de la zone torride sur notre équa¬ teur, parallèlement à la retraite dusoleilsur l’équateur et dans la zone torride céleste. Ainsi s’expliquerait l’océan Glacial, pri¬ mitivement thermal, torride, même équinoxial; ainsi s’expli¬ querait le jour égal universel, réel ou simulé, ce sphynx des NOTE DE M. BLANDET. 797 périodes reculées, qui se dresse dans le temps devant tout géologue, et qui m’a tant embarrassé pour ma part. Excès d'insolation des périodes, tels qu’ils s'accusent aux thermo¬ mètres et aux photomètres zoiques . — Résumé chronologique . i# Période du jour égal vrai, direct, où R. 23° = la hauteur du nœud ascendant d’où sphère homéothermale et hoinéo- phane, avec excès lumineux aux pôles, et excès thermal à l’é¬ quateur; soleil primaire, del’Éozoon. 2° Période du jour égal indirect simulé au quart, au tiers à demi crépusculaire, de R. 23° àR. 11°56, jusqu’à la craie; soleil du cosmopolitisme, coralliaire, houiller, sauroïdien; insola¬ tion secondaire, où l’incubation est exclusivement extérieure, le sang froid, et la vie une lutte contre la chaleur; les pôles, libres de glaces comme ils le paraissent dans Vénus et Mercure. 3° Insolation et soleil tertiaire, où le retrait de la chaleur et de la lumière = le retrait solaire ; fin du nycthéméron égal vrai ou simulé, de l’incubation cosmique exclusive; la vie lutte et réagit contre le froid ; le sang, naguère à 0° contre tem¬ pérature 3ü% acquiert 30* contre tempér. 0°; incubation inté¬ rieure, par insuffisance des milieux; calotte de glace polaire; s’accentue comme dans Mars; parquement des formes et des climats refroidis : cosmopolitisme des palmiers et des mammi¬ fères, éocène seulement; jour miocène encore démesuré. 4° Insolation quaternaire; refroidissement subit, précipita¬ tion aqueuse météorique; plein effet de translation et des nœuds avec R. 16' actuel. M. d’Archiac constate que les idées de M. Blandet ne sont nullement en désaccord avec les théories le plus générale¬ ment répandues parmi nos astronomes, ce qui ajoute à leur valeur. M. Tardy, après avoir rappelé que M. Dausse a, dans la séance précédente, porté l’attention de la Société sur le fait si remarquable d’un fleuve rongeant son embouchure, comme le fait le fleuve des Amazones, fait remarquer que, d’après une traduction de Maury, le Gulf-Stream aurait une 798 SÉANCE DU 15 JUIN 1868. vitesse plus grande que les fleuves des Amazones et du Mis- sissipi, et qui serait au moins de 1,800 mètres à l'heure. Il ajoute que le courant sud qui alimente le Gulf-Stream et rase l'embouchure du. fleuve des Amazones a une vitesse d'environ 2,000 mètres, vitesse plus que suffisante pour emporter des boues, des argiles et des sables. Les matériaux de cette nature amenés par les fleuves dans ces courants marins sont conduits, concurremment avec ceux qui pro¬ viennent de la démolition du littoral, vers les régions où la vitesse des courants s'annule. M. Dausse avait fait observer que la corrosion de la côte au voisinage de l’embouchure (corrosion de 200 mètres en dix ans, a dit M. Marcou) explique l’absence de delta, et que les matières apportées par un fleuve dont la crue annuelle a vingt-cinq mètres de hauteur sont sans doute déposées par le courant marin qui s’en empare sur des éten¬ dues immenses, ce qui peut aider à comprendre l’homo¬ généité individuelle des couches marines de tout un bassin géologique et les alternatives de composition et de puis¬ sance qu’elles présentent de l’une à l’autre. Séance du 15 juin 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND, M. Louis Lartet, secrétaire, donne lecture du procès-ver¬ bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Blandet, docteur en médecine, rue de Lyon, 41, à Paris; présenté par MM. d'Archiac et ^lb. Gaudry. Chauviteau, rue d'Anjou-Saint-Honoré, 9, à Paris; pré¬ senté par MM. Hébert et Louis Lartet. fïRAB (Charles), ingénieur civil, à Turckheim (Haut-Rhin^ DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 799 présenté par MM. Dollfus-Ausset et Charles Sainte-Claire Deville. Le Roux (Ernest), an cien officier de marine, rue de T Ar¬ cade, 22, à Paris; présenté par MM, de Billy et Levallois. Mourlqn (Michel), docteur agrégé de la Faculté des sciences, rue de Scharbeck, 97, à Bruxelles (Belgique); pré¬ senté par MM. d’Omalius d’Halloy et Albert de Lapparent. Nivoit, ingénieur des mines, à Mézières (Ardennes) ; pré¬ senté par MM. Gruner et Meugy. Rua Figueroa (D. Ramon), ingénieur en chef des mines de Galice, à la Corogne (Espagne) ; présenté par MM. V. Lopez Seoane et de Verneuil. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Directeur du Dépôt de la guerre, 31e li¬ vraison de la Carte de France , au 80,000e, 9 f. grand aigle. De la part de MM. Delesse et A. de Lapparent, Extraits de géologie , in 8, 725 p... De la part de M. J. Ewald, Geologische Karte der Provinz Sachsen von Magdeburg bis zum Harz (en 4 feuilles), les feuilles Il et IV; 1864; Berlin, 1865; chez J. H. Neumann. De la part de M. F. Fouqué, Rapport sur les tremblements de terre de Céphalonie et de Mételin en 1867; in-8, 38 p., 2 pl.; Paris, 1868; Imprimerie impériale. De la part de M. Éd. Lartet, De quelques cas de progression organique vérifiables dans la succession des temps géologiques sur des mammifères de même famille et de même genre; in-4, 4 p.; Paris, 1er juin 1868; chez Gauthier-Villars. De la part de M. Parés, Sur le nivellement barométrique de la Thrace ( Roumélie ); in-4, 20 p.; Paris. De la part de M. F. J. Pictet, Mélanges palêontologiques (4e li¬ vraison). — Étude provisoire des fossiles de la Porte-de-France, d! Aizy et de Lémenc ; in-4, p. 207-308, pl, 36-43; Bâle et Ge¬ nève, 1868; chez H, Georg, De la part de M, À, Pomel, Explication de la carte géolo* 800 SÉANCE DU 15 JUIN 1868. gique de là province d’Oran , par MM, Rocard , Pouyanne et Po- mel. — Paléontologie . — Zoophytes. — Spongiaires , pl. XVIII. — Échinodermes A, pl. I à VIIL — Échinodermes B, pl. XLV à XLIX. — Échinodermes D, pl. I. De la part de M. U. Schloenbach, Ueber die norddeutschen Galeriien-Schichten und ihre Brachiopoden-Fauna; in-8, 44 p., 3 pl.; Vienne, 1868. De la part de M. L. de Corogna, De Yinfluence des émanations volcaniques sur les êtres organisés , particulièrement étudiée à San- torin pendant Y éruption de 1866; in-8, 161 p.; Paris, 1867 ; chez A. Delahaye. De la part de M. B. Gastaldi, Scandagli dei laghi del Monce - nisio , di Avigliana} di Trana e di Mergozzo ( nei circondari di S usa, di Torino e di Pallanza), con brevi cenni sulla origine dei bacini lacustri; in-8, 18 p., 5 pl.; Turin, 1868; Imprimerie royale. De la part de M. À. Quetelet : 1° Annales météorologiques de Bruxelles, 1re année, 1867; in-8, 96 p.; Bruxelles, 1867; chez M. Hayez. 2° Sur la 6e session du congrès statistique des différents peuples, tenu à Florence , du 27 septembre au 5 octobre 1867; in-8, 7 p. Bruxelles, 1867; chez M. Hayez. 3° Sur les étoiles filantes périodiques du mois d'août 1867 et sur les orages observés en Belgique pendant l’été de 1867 ; in-8, 28 p.; Bruxelles 1867 ; chez M. Hayez. De la part de M. A. E. Reuss, Palaeontologische Beitraege (. Zweite Folge); in-8, 31 p., 3 pl.; Vienne, 1868. De la part de M. A. M. Seabra d’Albuquerque, Considera- çoes sobre o Brazao da cidade de Coimbra; in-8, 28 p.; Coim- bra, 1866. Comptes rendus hebdomadaires des séances de Y Académie des sciences; 1868, 1er semestre, t. LXVI, nos 23 et 24. — Tables du 2e semestre 1867, t. LXV; in-4. Bulletin de la Société de géographie ; mai 1868; in-8. Bulletin de la Société botanique de France , t. XIV; 1868. — Comptes rendus des séances, 1 ; in-8. L’Institut , n° 1797; 1868; in-4. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 801 Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse ; mai 1868; in-8. Bulletin de la Société de V industrie minérale ( Saint-Étienne ) ; juillet, août et septembre 1867; in-8. Société /, d'agriculture , etc., de Valenciennes. — Berne agri¬ cole, etc.; avril 1868; in-8. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de V Yonne; 3e et 4e trimestres de 1867; in-8. Mémoires couronnés et mémoires des savants étrangers publiés par V Académie R. des sciences , etc., de Belgique, t. XXXIII; 1865- 1867; in-4. Bulletin de l'Académie R. des sciences , etc., de Belgique ; 1867 ; in-8. Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par V Acad. R. des sciences, etc., de Belgique, t. XIX et XX, in-8. Tables générales et analytiques du recueil des Bulletins de V Aca¬ démie R., etc., de Belgique ; 2e série, t. 1 à XX (1857 à 1866); in-8. Annuaire de l’ Académie B. des sciences , etc., de Belqique ; 1868; in-18. The Athenœum ; n° 2120; 1868; in-4. The Journal of the Royal Dublin Society ; n° XXXVI (1867); in-8. Neues Jahrbuch fur Minéralogie, etc., de G. Leonhard et H. B. Geinitz; 1868, 3e cahier; in-8. Denkschriften der K. Akademie derWissenschaften (devienne). — Math.-Naturwiss. Classe , t. XXVII; in-4. Sitzungsberichte der K. Akademie der Wissenschaften ( de Vienne). — Math.-Naturwiss . Classe. — Erste Abtheilung, 1867, nos 7, 8, 9 et 10. — Zweite Abtheilung , 1868, nos 8, 9 et 10; in-8. Monatsbericht der K. Preussischen Akademie der Wissenchaften zu Berlin ; janvier, février et mars 1868; in-8. Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Mantovani, qui remercie la Société de l’honneur qu’elle lui a fait en l’admettant au nombre de ses membres. Soc. gèol. , 2° série, tome XXV. 51 802 SÉANCE DU 15 JUIN 1868. M. de Verneuil offre à la Société, de la part de M. Ewald, une carte géologique de la province de Magdebourg, et, au nom de M. da Corogna, une note sur Finfluence des éma¬ nations volcaniques sur les êtres organisés (V. la Liste des dons ) . M. de Verneuil fait ensuite la communication suivante sur la dernière éruption du Vésuve : Dans une lettre à mon ami M. d’Archiac, qui a été insérée dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, j’ai donné des détails sur deux excursions que j’ai faites au Vésuve les 30 avril et 7 mai de cette année. Je demande à la Société la permission de les compléter en lui donnant exactement le résultat des mesures barométriques, que je n’avais pas pu calcu¬ ler en voyage. Quand j’ai quitté Paris, le 2 mars dernier, l’éruption du Vé¬ suve, qui avait commencé le 13 novembre, était encore très- active, et on disait qu’elle avait donné naissance à un nouveau cône dont la hauteur était appréciée très-diversement. Ayant eu l’avantage d’étudier le plateau supérieur et le cra¬ tère du Vésuve pendant les printemps de 1865 et 1866, je dési¬ rais vivement reconnaître les changements apportés par la der¬ nière éruption, et, pour les mieux constater, j’emportai de Paris un excellent baromètre Fortin qui m’avait servi dans mes voyages en Espagne. J’attendis à Rome que l’activité décroissante du volcan per¬ mît d’approcher du cratère. Ce fut le 30 avril que je fis ma première ascension ; j’étais accompagné des savants géologues de Naples : M. Palmieri, directeur de l’Observatoire, son aide D. Diego Franco, et mon ancien ami le professeur Guiscardi. Je reconnus qu’on pou¬ vait monter sur le haut du cône et arriver jusqu’aux bords du cratère ; je réussis même à en faire le tour, malgré les masses de cendres et de pierres qu’il projetait par intervalles et dont les plus grandes roulaient au pied du cône. Le 7 mai je recom¬ mençai l’ascension et je portai mon baromètre à la partie la plus élevée des bords du cratère que j’avais reconnue être du côté de Torre del Greco. J’étais accompagné de M. le pro¬ fesseur Gosselet, notre collègue, et de D. Diego Franco. Le ba¬ romètre fut placé, non sans^peine, à 2 mètres environ plus bas que le bord même du cratère. La pente était très-rapide et NOTE DE M. DE VERNEUIL. 803 les cendres brûlantes. Nous réussîmes à le mettre bien d’aplomb et notâmes les observations suivantes : Hauteur du baromètre . 657mm,8 Thermomètre du baromètre . 23°,2 Thermomètre à l’air libre. . 22°, 2 Nous descendîmes ensuite l’instrument au pied occidental du cône, en un point où celui-ci se détache nettement de l’ancien plateau du Vésuve et près de la grande coulée qui s’est déver¬ sée, le 3 janvier dernier, dans la direction de Résina. Nous re¬ levâmes les chiffres suivants : Hauteur du baromètre . 663mm_,2 Thermomètre du baromètre.. .... 24°,5 Thermomètre à l’air libre . 22° En faisant les calculs au moyen des tables de l’Annuaire du bureau des longitudes, on trouve que la hauteur du cône adven- tif produit par l’éruption de cet hiver est de 67m5. j’ai profité de l’occasion pour mesurer aussi l’altitude du Vésuve lui-même, en comparant mon baromètre à celui de l’Observatoire deM. Palmieri et enobservantsimultanémentavec lui. Cette double observation eut lieu à midi. Pendant que je notais au sommet du Vésuve les chiffres que je viens de citer , le conservateur ou gardien de l’Observatoire écrivait de son côté : Hauteur du baromètre . 709mm,7 Thermomètre du baromètre . 21°,5 Thermomètre à l’air libre . 26° Le baromètre de M. Palmieri étant de 0mm7 plus bas que le mien, il faut ajouter cette fraction à la hauteur observée, ce qui porte sa hauteur réelle à 7iOmm4. On obtient donc les chiffres suivants : Observatoire de M. Palmieri le 7 mai 1868 à midi : Baromètre..... . 710mm,4 Thermomètre du baromètre. ..... 21°^5 Thermomètre à l’air libre . 26° Sommet du Vésuve (2 mètres plus bas que le sommet) : Baromètre . . . 6 5 7 m m ,8 Thermomètre du baromètre . 23°, 2 Thermomètre à l’air libre, 22° 804 SÉANCE DU 15 JUIN 1868. En faisant le calcul, j’ai trouvé que le sommet du Vésuve était à 650 mètres au-dessus de la tour de l’Observatoire et, comme il est bien connu que celle-ci est à 637 mètres au-des¬ sus de la mer, il en résulte que, le 7 mars dernier, le point le plus élevé des bords du cratère, c’est-à-dire le sommet du Vésuve, était à 1,287 mètres au-dessus de la mer. M. Pentland m’a assuré que M. Schiavoni, directeur du bureau topographique, a reconnu, par des mesures trigonomé- triques, que, le 5 avril dernier, la hauteur du Vésuve était de 1,296 mètres (1). Cette légère différence s’explique par la différence des méthodes plutôt que par un affaissement qui, cependant, pourrait avoir eu lieu dans l’intervalle du 5 avril au 7 mai. On comprend que la hauteur du Vésuve soit essentiellement variable, puisque son sommet change avec chaque éruption ; mais, à travers ces incessantes transformations, observées de¬ puis près d’un siècle, on reconnaît un accroissement assez con¬ sidérable en hauteur et qui peut nous éclairer sur le mode de formation du cône tout entier. La Punta del palo,e n face de Y Atrio del cavallo , qui, autrefois, était le plus haut point du cratère, a été l’objet de mesures nombreuses, ainsi que le bord opposé du côté du S. E., au- dessus de Bosco tre case , qui a été longtemps le plus bas (2). Voici des chiffres que nous empruntons à un ouvrage de M. Pentland : mètres. 1773. Saussure mesure barométriquement le point le plus élevé du cratère et lui trouve une hauteur de . 1186 1794. Poli, se servant aussi du baromètre, fixe la hauteur delà Punta del palo à . : . 1180 tandis que Breislak lui en donne . 1194 Après l’éruption qui eut lieu pendant cette même, année de 1794, il fut reconnu que le bord S. E. était de 120 mètres plus bas que la Punta del palo qui était au N. O. 1 805. Humboldt mesure barométriquement ces deux points avec Gay-Lussac et de Buch, et s’assure que la Punta del palo (1) Depuis que cette note a été lue, M. Schiavoni a publié son mémoire intitulé: Osservazioni geodetiche sul Vesuvio eseguite in aprile 1868. (2) Aujourd’hui, au contraire, le point le plus bas est du côté de la Punta del palo , que nous avions encore vue il y a deux ans, mais qui aujourd’hui est recouverte de laves. NOTE DE M. DE VERNEUIL. 805 atteint l’altitude de . 1174 et le bord S. E., qui lui est opposé, celle de . 10 40 la différence entre les deux étant de 134 mètres. 1810 . Brioschi applique la méthode trigonométrique à la mesure du Vésuve, et fixe l’altitude de la Punta del palo à . 1242 1816. Visconti ne trouve plus que . . . 1210 1822. Lord Minto arrive au même chiffre de . 1210 tandis que Monticelli et Covelli trouvent . 1216 Pendant la même année, Humboldt, répétant les mesures qu’il avait prises antérieurement, fixe la hauteur de la Punta del palo à. . . . . 1225 et celle du bord S. E. à . . 1063 trouvant ainsi entre ces deux points une différence de 162 mètres. 1847. Une des mesures les plus exactes est celle que fit en 1847 le professeur Amante, qui réduisit la hauteur de la Punta del palo à. . . . 1203 1850. Entre 1847 et 1850 le Vésuve est en croissance, et le 7 mars de cette dernière année, son point culminant atteint . 1291 1858. A la suite de l’éruption de 1858 le Vésuve perd de sa hau¬ teur, et le professeur Schiavoni ne lui trouve plus que. . . 1241 1863, Le 15 avril une nouvelle mesure fixe sa hauteur à . 1270 1868, Le 5 avril de cette année, le professeur Schiavoni prend de nouveau une mesure trigonométrique du Vésuve, et lui trouve la hauteur la plus grande qu’il ait jamais atteinte, à savoir . 1296 1868. Le 7 mai, l’observation barométrique faite par nous ne lui donne que . 1287 Userait assez carieux de connaître au juste quelle était cette môme altitude le 11 novembre 1867, la veille de la dernière éruption, pour avoir la mesure de ce que celle-ci y a ajouté. Le cône de cendres de 67 mètres qui s’est élevé sur l’empla¬ cement de l’ancien cratère nous donne la mesure de cette surélévation, et comme la hauteur totale du Vésuve ne dépasse j pas de 67 mètres celle qu’il avait en 1863, il y a lieu de croire | que, dans l’intervalle, il s’était opéré quelque petit abais- | sement. Quoi qu’il en soit de ces oscillations da: ns la hauteur duVésuve, le point capital, qui me paraît mériter notre attention, c’est que, depuis moins d’un siècle, les laves et les cendres rejetées par la sommité du volcan ont accru sa hauteur d’une centaine de mètres. Si, depuis l’année 79 de n otre ère, le Vésuve avait grandi dans la même proportion , il n’y a pas de doute qu’il serait plus élevé qu’il ne l’est aujourd’ hui. 806 SÉANCE DU 16 JUIN 1868. Après avoir entretenu la Société de la surélévation que la dernière éruption a imprimée au Vésuve,, je dirai quelques mots des autres phénomènes qu’elle a présentés. L’éruption qui dure depuis le 12 novembre est la reprise, après une courte intermittence, des phénomènes qui, pendant plusieurs années, étaient concentrés dans l’intérieur du cratère. La Société doit se souvenir que notre savant collègue, M. Charles Sainte-Claire Deville, s’est beaucoup occupé de ce genre d’activité du Vésuve, qu’il a désigné sous le nom de phase strombolienne (1). Quand j’ai visité le Vésuve, en avril 1865, le cratère, mesuré au pas, pouvait avoir 700 à 800 mètres de circonférence. Au mi¬ lieu s’élevait un cône de 15 mètres environ qui projetait une grande quantité de cendres et de lapilli. La profondeur du cra¬ tère était d’environ 60 mètres et tendait à se combler par suite d’éruptions incessantes de laves et de scories. Le 14 avril 1866, le cratère n’avait plus qu'environ 40 mètres de profondeur. Il était tranquille, bien qu’il y eût eu, un mois auparavant (le 11 mars), un épanchement de ces mêmes laves scoriacées, noires et brillantes, que j’avais déjà vues l’année d’auparavant, et qui, comme je l’écrivais à M. Deville (2), ten¬ daient à combler successivement la cavité cratériforme. Le cône central, formé par les projections pierreuses de l’année précé¬ dente, avait perdu de sa hauteur par suite des éruptions inté¬ rieures, comme celle du 11 mars, qui en avaient recouvert la base. J’y montai avec quelque peine à cause de la chaleur des gaz qui s’en exhalaient. La cavité centrale, peu profonde, était tapissée de soufre et de chlorure de fer. Le 11 juin 1867, plus d’un an après, M. Mauget, qui s’occupe avec tant de zèle de l’étude du Vésuve, trouva le grand cratère presque entièrement comblé par les coulées de lave sorties à diverses époques du cratère adventif qui en occupait à peu près le centre. Du côté de la Punta del palo , ces laves, fissurées, brisées, dépassaient le bord du grand cratère de 4 à 5 mètres ; du côté opposé, au contraire, la distance du fond du même cratère à son bord le plus élevé était encore d’une vingtaine de mètres environ. Le pourtour du grand cratère, mesuré à la roulette, était (1) Comptes rendus de l’Acad. des sc.} 25 novembre 1867, vol. LXV, p. 900. (2) Comptes rendus } 6 août 1866, vol. LXI1I, p. 242. NOTE DE M. DE VERNEUIL. 807 de 900 mètres. Le sommet du cône du cratère adventif dépas¬ sait les bords du grand cratère d’une dizaine de mètres et sa profondeur n’était que de 5 mètres; il était donc aussi à peu près rempli. On voit, par cette intéressante relation (1), que, du mois d’a¬ vril 1866 au mois de juin 1867, les éruptions intérieures avaient complètement comblé le cratère. On devait s’attendre à ce que la prochaine fît déborder la lave; c’est ce qui est arrivé cinq mois après la visite de M. Mauget, et, comme pour confirmer j l’exactitude de sa description , la lave s’est épanchée principa¬ lement du côté de YAtrio del cavallo et de Résina, là où les bords du cratère étaient le moins élevés. Le petit cône intérieur, percé lui-même d’un cratère que j’avais vu grandir successivement, et qui, en juin 1867, dépas¬ sait déjà de 10 mètres les bords du grand cratère, est devenu le cône qui couronne aujourd’hui le Vésuve et au centre du¬ quel se trouve le cratère actuel. En montant de plusieurs côtés pour en prendre la mesure, je me suis assuré qu’il n’est composé que de cendres, de lapilli et de blocs projetés quelquefois à plus de 100 mètres de hauteur. Parmi ces blocs, on en remarque qui, animés d’un mouvement sur eux-mêmes, ont pris la forme d’un ellipsoïde de rotation, pointu à ses extrémités. Le centre est composé d’une lave com¬ pacte. En général, c’est à la base de ce cône, qui masque les bords de l’ancien cratère, qu’ont pris naissance les coulées de laves de cette année. S’épanchant principalement vers le nord, elles ont traversé l’ancien plateau où, l’année dernière, on voyait encore, en un point, les laves anciennes de la Punta del palo et un abri en pierres fort utile aux voyageurs; puis elles se sont répandues sur les pentes nord et nord-ouest du cône princi¬ pal . Sous ces laves ont disparu les pentes couvertes de cendres qui rendaient autrefois la descente depuis le sommet jusqu’à YAtrio del cavallo si rapide et si facile. Aujourd’hui on aborde le cône du Vésuve par une ancienne bouche d’éruption appelée la Bocca del francese. On peut aller à cheval jusqu’à 2 kilomètres plus loin que l’Observatoire de M. Palmieri. Là, sans entrer, comme au¬ trefois, dans YAtrio del cavallo, on commence l’ascension, qui dure près d’une heure. La descente se fait par le même chemin au milieu des blocs roulants, ce qui la rend pénible et fatigante (1) Comptes rendus , 25 novembre J 867, vol. LXV, p. 898» 808 SÉANCE DU 15 JUIN 1868. Quand on montait par VAtrio del cavallo , après avoir gravi le cône principal, on arrivait à une espèce de plateau ondulé qui par une pente assez douce, conduisait au cratère. J’avais remar¬ qué, en 1 865 et en 1866, que le cratère n’était pas au milieu du plateau qui formait la sommité du Vésuve, mais qu’il était tel¬ lement porté vers le sud que, de ce côté, son bord se confon¬ dait avec le bord même du grand cône. C’est exactement la place qu’occupe le cône de cendres de 67 mètres qui s’est formé cette année. Du côté de Pompéi, sa pente s’unit à la pente de la montagne entière, tandis qu’au nord il en est séparé par le plateau ondulé dont je viens de parler, mais que des cou¬ lées de laves ont rendu méconnaissable. La plus grande par¬ tie de ce plateau, fort accidenté, est couverte d’efflorescences blanches de sulfate de chaux, qui, de loin, pourraient être prises pour un léger manteau de neige. Quant aux produits gazeux de la dernière éruption, qui dure encore, la proportion d’acide sulfureux, d’acide chlorhydrique et de vapeur d’eau sont très-variables d’un jour à l’autre. Lors de ma seconde ascension, le 5 mai, les vapeurs acides étaient si abondantes, qu’il m’eût été difficile de faire le tour du cra¬ tère, comme je l’avais fait huit jours auparavant, malgré les pluies de blocs qui tombaient près de moi. Don Diego Franco, qui s’occupe de l’étude des produits gazeux du Vésuve avec les encouragements de notre collègue, M. Ch. Sainte-Claire Deville, et de M. Palmieri, a observé un fait intéressant : c’est que, dans la dernière éruption , les fumerolles les plus voisines du foyer principal ont donné de l’acide carbonique. Il a fait en notre présence l’expérience suivante : il a introduit le gaz d’une fu¬ merolle dans un verre rempli d’eau de chaux ; l’eau s’est trou¬ blée et est devenue blanche; puis le carbonate de chaux ainsi formé a été dissous avec effervescence par l’acide chlorhydrique qu’il y a introduit. Le point où nous avons recueilli le gaz était à 12 mètres du pied du cône; il était situé au-dessus d’une des coulées principales de cette année, celle du 3 janvier, qui, de la base du cône adventif, s’étendait à l’ouest vers Résina. La tem¬ pérature en était encore assez haute pour que nous ayons pu y fondre du plomb. Les fentes des fumerolles sont tapissées de fer oligiste et de sel commun blanc et pur. Les laves de cette année ont peu d’épaisseur : car elles ont coulé sur des pentes rapides; elles sont en général très- frag¬ mentaires, très-scoriacées et n’ont pas ces belles formes mas- NOTE DE M. DE VERNEUIL. 09 sives, mamelonnées ou cordées, qu’on admire dans les laves de 1858. II est vrai que celles-ci, sorties des flancs du volcan et soumises par cela même à une grande pression, se sont accu¬ mulées dans le Fosso grande sur une épaisseur telle qu’aujour- d’hui encore elles ne sont pas entièrement refroidies. J’ai dit que toutes les coulées de cette année sont parties des bords supérieurs de l’ancien cratère et se sont déversées sur les pentes nord et nord-ouest du Vésuve ; une seule a fait exception ; et a pris naissance au milieu de la hauteur de la montagne, et sur i sa pente opposée ou du côté de Pompéi en descendant sur le territoire de Bosco Reale. Le point par lequel est sortie la lave n’est marqué par aucune cavité ni bouche cratériforme. Quelques blocs déplacés de lave ancienne témoignent seuls des efforts que la lave a du faire pour arriver au jour. De cet orifice il est sorti cependant une masse considérable de lave, une grande coulée, pointue à son origine, s’élargissant progressive- : ment vers son extrémité; elle peut avoir 400 mètres de lon¬ gueur et se voit parfaitement du sommet du Vésuve : car c’est un fait à remarquer, qu’il y a bien moins de laves solides du côté qui fait face à Pompéi que du côté de YAtrio del cavallo , et la couleur noire de cette coulée nouvelle contraste avec la teinte grise des cendres anciennes dont les pentes méridionales du Vésuve sont principalement revêtues. Cette coulée, sur le trajet de laquelle on remarque des cavi¬ tés assez profondes et des couloirs droits à fond plat et à bords escarpés, a commencé le 10 mars et n’a duré que peu de jours (1). Le contraste qu’elle a offert sous ce point de vue avec l’érup- | tion du sommet, qui a duré 5 mois et qui dure encore, mérite j d’être remarqué; mais il n’y a pas lieu de s’étonner que, sur les I flancs ou au pied des volcans, les laves, soumises à une grande (1) Depuis que cette note a été lue à la Société géologique, D. Diego Franco a communiqué à l’Académie des sciences un récit de l’excursion qu’il a faite le 17 mars pour étudier cette coulée. L’action volcanique, dit- il, s’est manifestée d’abord par de petits orifices qui ne faisaient qu’accu¬ muler des laves sur elles-mêmes, puis par une fente et par une bouche qui vomissait la lave à flots. D. Diego Franco a fait de nombreuses recherches sur toutes les bouches, pour y déceler de Facide carbonique, comme il en avait trouvé au sommet, mais tous les essais ont été négatifs ( Comptes ren¬ dus, vol. LXVII, p. 60). 810 SÉANCE DU 15 JUIN 1868. pression, sortent avec plus d’abondance et moins de durée qu’au sommet. Je ne sais si je me trompe; mais il me semble que les érup¬ tions qui, comme celle de cet hiver, sont placées à l’extrémité de la grande cheminée volcanique et sont alimentées par le foyer principal, doivent avoir l’un des caractères des éruptions dites stromboliennes, à savoir la durée (1). Post-scriptum. — Depuis la lecture de cette note, M. Schia- voni a publié son travail sur le Vésuve sous le titre de : Oaserva- zioni geodeliche sul Vesuvio eseguite in aprile 1868, et M. Palmieri nous a envoyé un mémoire très-intéressant intitulé : Bell ’ in- cendio Vesuviano cominciato il 13 novembre 1867, que nous recom¬ mandons aux lecteurs désireux de suivre dans toutes ses phases l’éruption de cet hiver. M. Schiavoni a donné des profils très- intéressants de la forme du Vésuve après chaque éruption, de¬ puis 1845 jusqu’en 1868. On y voit que, dans ce court espace de temps, non-seulement le sommet a été élevé de 1202 mètres à 1296; mais encore que, par suite des coulées et des divers produits éruptifs, la masse totale de la montagne s’est accrue eu tous sens d’une quantité notable. Ces profils ont été insérés dans le mémoire de M. Palmieri. M. Fotiqué demande à M. de Verneuil quelques éclaircis¬ sements sur cette dernière éruption du Vésuve. Dans celle qu’il a pu observer lui-même, en 1865, l’épanchement de lave s’est fait par une fente dirigée vers Résina; c’est pour¬ quoi il lui paraîtrait important de savoir si la coulée ac¬ tuelle a pris naissance sur le prolongement de cette même fissure ou si elle est partie du sommet du cône. M. Fouqué demande en outre si ce cône renfermait des scories bien caractérisées. M. de Verneuil répond qu’il n’a point observé de fissure, (1) Je pourrais citer à l’appui de cette opinion ce qui se passe à l’ile de Santorin, que j’ai visitée en 1866. L’ile de Neokameni et les nouveaux cra¬ tères qui se sont formés à son extrémité occupent, au milieu de la baie de Santorin, la même position que le Vésuve au centre du cratère de la Somma. L’éruption se fait aussi par le sommet du cône central (dont une grande partie est cachée par la mer). Or, voici deux ans et demi qu’elle dure et l’on sait que celle qui l’a précédée au commencement du siècle dernier n’a pas duré moins de cinq ans. NOTE DE M. CHAPER. 811 et que la coulée est partie des bords de l’ancien cratère, re¬ couvert aujourd’hui par un cône de cendres et de lapilli. M. Pomel met sous les yeux de la Société de nombreuses planches de fossiles se rapportant à sa publication sur la Paléontologie de la province d’Oran (v. la Liste des dons). M. Chaper, en présentant à la Société un travail de M. Pictet, sur les fossiles de la Porte-de-France et d’Aizy, entre dans les développements suivants au sujet de cette étude : J’ai l’honneur de présenter à la Société géologique, de la part de M. Pictet, la quatrième livraison de ses Mélanges paléontologiques. Le titre spécial de cette livraison est Élude provisoire des fossiles de la Porte-de-France , d’Aizy et de Lémenc. C’est ce travail auquel je faisais allusion dans l’avant-dernière séance, et que je ne connaissais alors que par l’échange de cor¬ respondance auquel il avait donné lieu entre M. Pictet et moi. Je puis en parler aujourd’hui sans m’assujettir à la réserve que je m’étais imposée d’abord. Je demande donc à la Société la permission de lui en dire quelques mots, afin d’en faire res¬ sortir les conclusions, autant par désir de remplir les intentions de notre savant confrère, que dans le but de faire connaître sans retard des faits que je considère comme fort intéres¬ sants (1). Voici en quels termes M. Pictet expose l’état de la question (p. 207) : « Je dois en quelques mots rappeler... » jusqu’à : zoi1 sites du Sud-Ouest, « que ces marnes et ces calcaires marneux ) « de Foncaude et de la Gaillarde, mais ceux-là seulement jus- ' « qu’ici à sa connaissance (il faudrait peut-être y joindre les « marnes avec lignites de Belus, où M. Bioche a recueilli, à la « partie supérieure des marnes bleues, des restes, malheureu- (1) M. de Serres. Géogn. du terr. tert 1829. — De Rouville. Thèse de Géologie , 1858, p. 16. — D’Archiac, Bull. Soc. géol., t. XVIII, p. 630. 886 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, <( sement trop écrasés, de coquilles terrestres ou d’eau douce, a Hélix indéterminable, Planorbis solidus? grande Cyrena de « forme orbiculaire, etc.), représentent certainement aux en- « virons de Montpellier, comme les couches de Carry auprès de « Marseille, l’étage fluvio-marin de Bazas près de Bordeaux « (étage aquitanien, Mayer, aurélianien et ligérien, de Rouv., « prô parte, falunien B, d’Orb., pro parte) qui occupe dans l’A- « quitaine une position équivalente à celle du calcaire de « Beauce, c’est-à-dire intermédiaire entre le « calcaire à Asté- « ries» (falunien A, d’Orb.) sur lequel il repose, et les faluns « de Léognan (falunien B, d’Orb., prô parte ) par lesquels il est c( surmonté ; le falunien A ou to-ngrien de d’Orbigny manque «jusqu’à présent dans le Languedoc, et le falunien B propre- « ment dit y est au contraire largement représenté par le « cal- c( caire moellon » à faciès généralement jaune, mais qui prend « accidentellement un faciès bleu qui l’a souvent fait confon- « dre avec les « marnes bleues à Cérites» proprement dites de « Caunelle, qui lui servent de substratum, dont il est fort diffé- « rent paléontologiquement et avec lesquelles il n’ade commun « que Tapparence et une dénomination usuelle à laquelle il « faudrait renoncer. » FOSSILES DES MARNES BLEUES DE L’ÉTAGE AQUITANIEN DES ENVIRONS DE MONTPELLIER. NOMS DES ESPÈCES ET LOCALITÉS. Natica burcUgalensis, Mayer?. . . La Gaillarde . Solarium . La Gaillarde. . Moules indéterminables d’une es¬ pèce assez petite et déprimée. Turritellaproto, Bastérot — — Desmarestina , Bast. — GISEMENTS DES ESPÈCES DANS l’aquitaine. Aquitanien supérieur : Mérignac, Léognan, St-Paul de Dax, etc. Falunien : Léognan, Saucats. Type aquitanien de Saucats (à Lariey), t Budos, Balizac, Uzeste, etc. Caractéristique de tout l’étage aqui¬ tanien inclusivement dans le S. 0., depuis les couches inférieures de Martillac jusqu’aux couches supé¬ rieures de Mérignac et de St-Paul de Dax. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 887 Cerithium lignitorum , Eichwald. I Foncaude, La Gaillarde. # — Duboisi, Hornes . \ — papaveraceum, Bast. .. | I — margaritaceum , Broc- \ chi ( C . marginatum , \ M. d, S. C. Serresit , 1 d’Orb.),var. A. moni- J liformis , Grateloup , g Foncaude, etc . I — — var. B. j granulifera , Grate- \ loup, Foncaude. . . . > — — var. C. j calcarata, Grateloup, I Foncaude . I — plicatum , Brug. Id. 1 — — var. incon- 1 stansy Bast. Foncaude. | — — var. minima , I Foncaude . J Pyrula Lainei , Bast. . . La Gaillarde. Chenopus Grateloupi, d’Orb. . — Conus aquitanicus, Mayer... — Ostrea crispata , Goldf. pro parte, in Raul. Delb. ? Foncaude, La Gail¬ larde . Avicula , nov. spec? La Gaillarde. . . Répandues dans tout l’étage aqui- tanien du S. O. Ces trois Cérithes remontent cependant jusque dans Fétage falunien proprement dit à Saucats, Gestas, Baudignan, Ga- barret, etc. Le C. lignitarum at¬ teint même les couches torto- niennes de St-Jean-de-Marsac. Caractéristiques de l’étage aquitanien dans le S. O. et particulièrement des marnes à cyrena Brongniarti , Bast. Types et variétés identiques avec les types et variétés de Sau- cats, Budos, Bazas, St-Avit, etc. Le C. plicatum seul se retrouve ex¬ ceptionnellement dans les couches faluniennes de Saucats à Gien. Caractéristique. Ne remonte pas plus haut que Mérignacou St-Paul de Dax. Aquitanien supérieur de St-Paul de Dax, etc. Falunien de Léognan. Caractéristique des couches aquita-^ niennes de Mérignac, Léognan, La- riëy,la Saubotte, St-Avit, etc. Je crois pouvoir rapporter l’Huître de Foncaude à l’espèce ainsi nommée jusqu’à présent dans l’Aquitaine. Elle caractérise l’étage dans le Ba- zadais et dans l’Agenais où elle forme, à deux niveaux séparés par le calcaire lacustre gris, un grand horizon inférieur à celui de l’O. crassissima, Lk. Plus transverse que VA. phalenacea , Lk., des faluns de Léognan; moins transverse et moins grande que VA . Studeri, A g. -—Se retrouve à Ba¬ zas, Uzeste, Balizac, Lariey, etc. 888 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Area aquitanica , Mayer. Caractéristique ; Bazas, St-Avit, Mé- rignac, etc. Cardium leognanense , Mayer, — Caractéristique ; Aquitanien infé¬ rieur de Martillac; couches aquita- niennes supérieures de Léognan,etc. falunien de Léognan, Saucats, etc. Cytherœa . . . Artémis Basteroti, A g.? . . . . Aquitanien de St-Avit, Balizac, etc. ; falunien de Saucats, Tapes vetula , Bast. minor. . . Lutraria sanna , Bast . Petite forme de Bazas, Uzeste, etc. Caractéristique de l’aquitanien : Sau¬ cats, Bazas, etc. Corbula carinata^ Dujard., minor . La Etage aquitanien, minor ; étage falu- Gaillarde. men. Après ce compte rendu, M. Matheron demande à présenter quelques observations : Note sur les calcaires de Grabels , les marnes bleues de Foncaude et le Cerithium plicatum de Bruguière ; par M. Matheron. M. Matheron regrette que la livraison du Bulletin de la So¬ ciété géologique, qui doit renfermer une note qu'il a adressée à la Société et qui a été lue dans la séance du 4 mai, n’ait pas été encore livrée à la publicité. Il s’en réfère à cette note et en son absence il en cite les principales conclusions en ce qui touche l’âge des calcaires à Strophostoma lapicida des environs d’Aix et de Montpellier. Suivant M. Matheron, les couches de Grabels sont bien plus anciennes que celles de Saint-Gély. Les calcaires blancs ou blanchâtres que la Société a vus dans le fond de la vallée de Valmaillargues, et à la base du coteau de Gra¬ bels, appartiennent à l’horizon des calcaires de Montaiguet près d’Aix et comme eux sont caractérisés par le Bulimus Hopei, sp., Marcel de Serres, par le Planorbis pseudorotundatus , Matheron, peirle Strophostoma lapicida, sp., Leufroy, et, grâce à la découverte qui vient d’être faite par M. Yelain, tous deux aussi par le Buli- mus subcylindricus. Du moins le Bulime trouvé par M. Yelain avec le Strophostoma a les plus grands rapports avec cette espèce. Ces espèces auxquelles M. Matheron dit qu’il faut en ajouter plusieurs autres encore inédites ne sont nullement de l’âge des Paléothériums. L’examen du bassin d’Aix et des couches ligniti- fères de la Gaunette (Aude) ne peut laisser subsister le moindre doute à cet égard. DU il AU 20 OCTOBRE 1868, 889 M. Matheron ajoute que si la Société avait le temps nécessaire pour faire la coupe couche à couche depuis Grabels jusqu’à Saint- Gély, elle s’assurerait que les couches de ces deux localités sont séparées par de très-nombreuses et puissantes assises. M. Matheron ne veut pas abuser des instants de la Société, mais il ne peut cependant se dispenser de dire qu’après avoir mûrement examiné et comparé les fossiles qui lui ont été com¬ muniqués par M. de Rouville et ceux qu’il a recueillis lui-même dans la contrée, il pense que le bassin lacustre de Montpellier est plus complexe qu’on ne l’avait supposé et qu’il ne l’avait supposé lui- même, et qu’en réalité la zone paléolhérienne pro¬ prement dite occupe dans ce bassin une étendue bien restreinte, il pense que les calcaires de Grabels, de Montaiguet et de la Caunette, appartiennent à la période du calcaire grossier pari¬ sien et qu’ils sont plus anciens que les calcaires de Provins et de Saint-Parres, lesquels sont représentés dans les bassins d’Aix et d’Apt, et probablement aussi dans celui de Montpellier. M. Matheron ajoute quelques mots sur les rapports que les couches marines de Foncaude et de Caunelle ont avec les dépôts marins des principaux bassins tertiaires de la France. Note sur les Marnes bleues de Foncaude. Les marnes bleues de Foncaude n’oiîrent qu’un pâle reflet des beaux gisements de Bazas, de Mérignac, dans la Gironde, de Saint-Paul, aux environs de Dax, et de Carry, aux environs de Marseille; mais elles sont de la même époque. Elles sont donc plus anciennes que les falaises de la Touraine. Elles ont leur équivalent lacustre dans le bassin de Marseille, dans le Gers et dans l’Àgenais. Rien ne les représente dans le bassin de Paris et elles n’ont pas leur équivalent marin dans le bassin de la Loire. Le calcaire moellon, par lequel finit la coupe faite dans la journée par la Société, constitue cet excellent horizon qu’on retrouve dans le S. O. et dans le S. E. de la France, comme aussi aux environs de Narbonne et dans l’île de Sainte-Lucie près la Nouvelle. Cet horizon est immédiatement inférieur à celui de Salles, qui est caractérisé parla Cardita Jouaneti , fossile qu’on retrouve au cap Couronne près de Martigues, à Yillelaure dans le dépar¬ tement de Vaucluse, etc., etc. Soc. gèot., 2e série, tome XXV. ü7 890 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Il suit de là que les marnes qui séparent le calcaire moellon de Caunelle des marnes bleues de Foncaude occupent la place des falaises de Saucats et des calcaires lacustres qui sont in¬ tercalés dans les couches marines des environs de Bazas, de Saucats, de Yillandraut, etc. Enfin il doit demeurer bien entendu que les sables supérieurs de Montpellier dont la visite figure dans le programme sont bien plus récents que le calcaire moellon. Note sur le Cerithium plicatum, Bruguière. M. Matberon fait une dernière communication sur le Ceri¬ thium 'plicatum de Bruguière signalé dans les marnes bleues de Foncaude. Mes observations relatives à ce fossile sont, dit-il, d'autant plus opportunes, que l'espèce dont il s’agit a été décrite par Bruguière sur des échantillons trouvés à Foncaude, et que cet auteur eut des liens avec Montpellier. Le Cerithium plicatum appartient à Bruguière. Cette espèce fut décrite par lui en 1789 dans Y Encyclopédie méthodique , tome sixième de Y Histoire naturelle des vers , page 488, n° 21. L'espèce est caractérisée par la phrase suivante : Cerithium , testa subcylindrica , turrita , anfractibus longitu- dinaliter plicatis, transversim trisulcatis , labro crenulato . Dans la description qui vient à la suite de cette phrase, Bruguière dit qu’il découvrit ce Cérite au même endroit que le Cerithium sulcatum dont il vient de parler dans l’article n° 20 (c’est-à-dire à Foncaude), et il termine sa description en disant qu’il ne croit pas que le Cerithium plicatum ait été observé ailleurs que dans les couches marneuses des environs de Montpellier. Il est donc bien certain que le type de l’espèce créée par ce savant médecin provenait des marnes de Montpellier et non du bassin parisien. Cela étant, il n’est pas facile de comprendre pourquoi Lamarck et la plupart des auteurs qui ont écrit après lui ont pris pour type du Cerithium plicatum un fossile du bassin pa¬ risien et ont fait descendre au simple rang de variété le fossile cité par Bruguière. Il est évident que si ce prétendu type, pris dans le bassin de Paris, appartient réellement à l’espèce de Bruguière, ce que Dü il AU 20 OCTOBRE 1868» 89i je ne pense pas, c’est lui qui devrait être placé au rang de variété. La logique des faits l’exige impérativement. Ceci posé, il s’agit de savoir si ce fossile du bassin de Paris, dont à tort Lamarck a fait le type du Cerühium phcatum , ap¬ partient réellement à l’espèce de Bruguière. Dans sa description, cet auteur dit que les plis longitudinaux ne se correspondent pas exactement d’un tour à l’autre tour voisin, que les sutures consistent en un sillon très-marqué, surtout dans l’interruption des plis de chaque tour, que le tour de l’ouverture a, sur la convexité de sa face inférieure, trois ou quatre cotes transverses écartées, composées de tubercules convexes et ronds, et que, dans les sillons qui séparent ces côtes, il existe une strie très-fine qui leur est parallèle. Tout cela s’applique parfaitement à un Cerithium qu’on trouve à Foncaude et à Carry. C’est donc bien ce fossile qui doit être pris pour type du Cerithium plicatum de Bruguière. Or, si l’on compare ce fossile avec le prétendu Cerühium plicatum du bassin parisien, on ne tarde pas à trouver, dans la forme générale, c’est-à-dire dans les rapports existant entre la largeur et la hauteur, dans le nombre, la forme, la disposition et la grosseur des plis longitudinaux et dans l’ornementation du dernier tour de spire, des différences considérables qui ne justifient pas la réunion des deux types en une seule et même espèce. En effet, dans le Cérite de Montpellier, la hauteur est presque quatre fois plus longue que la largeur du dernier tour, tandis qu’elle n’est que triple dans les Cérites des grès de Fontai¬ nebleau; dans ceux-ci les plis sont peu saillants et presque nuis sur les trois derniers tours de spire des coquilles adultes, tandis que dans le fossile de Bruguière ces plis sont extrême¬ ment prononcés, très-saillants, très-rugueux et se montrent ainsi sur toute hauteur et sur tous les tours de spire. Le but de cette note étant simplement de restituer à l’espèce de Bruguière la place qu’elle doit occuper dans la nomencla¬ ture, je n’ai pas à me préoccuper ici du nom qu’il faudra défi¬ nitivement appliquer au Cerithium plicatum de Lamarck. Je crois dans tous les cas que le Cerithium Galeoti de Nyst doit lui être rapporté. Ce dernier nom devrait être adopté s’il était démontré que l’espèce de Lamarck et celle de M. Nyst ne sont pas toutes deux le Muricites plicatus de Schlotheim. 892 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, M. Pomel dit que dans le département de Vaucluse il a trouvé le Palœotherium réuni à Y Anthracotherium, et au mi¬ lieu d’une faune qui plaçait ces terrains bien au-dessus des grès de Fontainebleau. M. G. de Saporta fait la communication suivante : Note sur les calcaires concrétionnés à empreintes végétales de Saint - Gèly [Hérault)', par M. G. de Saporta. Les calcaires concrétionnés de Saint-Gély sont situés bien au-dsGÊOUs de la couche de lignite d’où ont été extraits les restes de Palæothérium et de Xyphodon ; cette couche a pour base des marnes bigarrées et grises qui alternent plusieurs fois, et ce n’est qu’au-dessous de celles-ci qu’on voit paraître les calcaires concrétionnés qui reposent directement sur le néoco¬ mien. Non-seulement ces calcaires se trouvent à un niveau inférieur à celui du Palæothérium, mais ils sont entièrement indépendants de ce dernier, c’est-à-dire qu’ils n’affectent aucune liaison stratigraphique avec les marnes qui les recou¬ vrent, et enfin le mode de formation du dépôt lui-même in¬ dique qu’il a dû le jour à des circonstances tout à fait différentes. En effet, ces calcaires, comme ceux de Brognon (Côte-d’Or) dont ils reproduisent l’aspect travertineux. comme ceux de Sézanne dont ils sont peut-être contemporains, ne sont pas le produit d’une sédimentation lacustre ou fluviatile; leur dispo¬ sition en masse, leur structure caverneuse, Pabondance de la matière calcaire précipitée presque pure à l’état cristallin ou saccharoïde, la fréquence des végétaux terrestres et surtout la présence des Marckantia sont autant d’indices d’une formation terrestre, c’est-k-dire opérée sous l’action de sources vives coulant en cascade sur un sol émergé. L’indice tiré des Mar- chantia est surtout digne de remarque ; ces plantes tapissent naturellement la surface des roches humides baignées inces¬ samment par des eaux jaillissantes; elles cesseraient de végéter si elles demeuraient entièrement submergées au fond des eaux tranquilles. J’ai expliqué longuement, dans mon mémoire sur les plantes de Sézanne, l’effet des eaux incrustantes sur les plantes exposées à leur influence, la lutte de la végétation contre Penvahissement du dépôt chimique et les accumulations de tiges successivement encroûtées qui en résultent. C’est ce que l’on peut voir à Saint-Gély où les empreintes de Marchanda DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 893 remplissent certains blocs et se montrent dans leur position naturelle, ce qui permet d’admettre que ces plantes ont vécu sur place. Les espèces recueillies dans ces calcaires sont encore bien peu nombreuses ; mais elles présentent un grand intérêt à cause de leur âge présumé. Certainement antérieures au Palæolhérium, elles se rangent forcément dans l’éocène, à moins qu’on ne veuille les rattacher à un terme encore plus ancien de la série des terrains. Cepen¬ dant, on ne saurait raisonnablement les reculer au delà du tertiaire inférieur, par la raison que l’espèce la plus abondante de la iocalité est un Palmier ( Flabellaria ) et que ces sortes de végétaux sont, sinon inconnus, du moins très-rares dans la craie supérieure. Les calcaires de Saint-Gély n’étant pas nécessaire¬ ment liés à l’étage à Palæothérium qui les surmonte et reposant directement sur le sol néocomien, on ne saurait invoquer la stratigraphie pour iixer leur âge; il faut recourir pour cela aux fossiles, qui consistent uniquement en végétaux; or, jusqu’à présent, le bassin de Paris est le seul qui nous ait fait con¬ naître en France la végétation propre aux premiers temps ter¬ tiaires. Cette lacune, que l’on peut espérer de voir combler pour nos pays, rend encore plus curieuse la découverte faite aux environs de Montpellier d’une flore appartenant probable¬ ment à cette période. Malheureusement, les débris, quoique très-abondants, sont rarement entiers et surtout leur état de conservation laisse beaucoup à désirer. Il m’a fallu recourir à de nombreux fragments pour retrouver sept espèces dont la détermination, pour quelques-unes au moins, donne encore prise à beaucoup de doutes. Voici comment je conçois le classement de ces espèces. Hépatiques. — Marchanda sezannensis? Sap.,Prodr. d’une flore des trav. de Sézannes, p. 20, pl. I, fig. 1-8 ( Mém . de la Soc. géol., t. VIII, mém. n° 3, p. 308). Je n’ai pu saisir aucune différence sensible entre les frondes de l’espèce de Saint-Gély et celles des travertins de Sézanne. Cependant les expansions de la plante méridionale sont plus confusément ordonnées, moins planes et peut-être d’une con¬ sistance plus coriace; leur réseau veineux est du reste invisible et les traces des organes de la fructification absentes jusqu’ici. La surface et l’intérieur de beaucoup de blocs sont remplis de segments de frondes de cette espèce, accumulés et dirigés dans tous les sens. 894 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Fougères. — Pecopleris ( Alsophila ?) Rouvillei , nob. — Segments de frondes incisées-pinnatifides dont la physionomie et les caractères rappellent Y Alsophila thelypteroides, Sap., Polypoditcs thelypteroides (Brngt) de Suzanne; mais ici les pinnules sont plus inclinées en avant, et Les veines latérales de chacune d’elles plus obliques et bien moins nombreuses. C’est une forme dis¬ tincte de celle de l’étage de Rilly, mais probablement con¬ génère. Palmiers . — Flabellaria gelyensis , nob. Je donne provisoire¬ ment ce nom à l’espèce la plus répandue et la plus saillante de la florule de Saint-Gély ; malheureusement je n’ai obtenu en ouvrant les blocs que des lambeaux de fronde insuffisants pour permettre la reconstruction intégrale de ces organes. On voit pourtant par quelques exemplaires , moins mutilés que les autres, que les feuilles de ce palmier étaient disposées en éven¬ tail, de grandeur moyenne, que les segments ou rayons en étaient réunis sur un espace assez considérable et se séparaient ensuite en divergeant de plus en plus. Chaque segment con¬ sidéré isolément était fortement plié en carène et présentait en outre le long des bords une plicature longitudinale, disposée en sens inverse de celle qui est. formée par la côte médiane; la nervation se compose de veines longitudinales de divers ordres, régulièrement entremêlées, mais peu distinctes. Par le mode de plicature et le repli marginal des segments, cette espèce est évidemment très-analogue à un fragmentées grès deFieulaine figuré dans l’ouvrage de M. Watelet sur les plantes fossiles du bassin de Paris (p. 97, pl. 27, fig. 7). Elle me paraît aussi plus ou moins voisine du Flabellaria suessonensis , du même auteur (p. 95, pl. 25, fig. 2-3 et pl. 26), particulièrement de l’échan¬ tillon figuré sur la planche 26. Protêucées. — Palœodendron ? maximum, nob. Cette espèce est très-fréquente à Saint-Gély; elle consiste en feuilles d’assez grande taille, de consistance coriace, très-entières sur les bords, laneéolées-iinéaires, atténuées aux deux extrémités, décurrentes et presque sans pétiole à la base, terminées en pointe calleuse au sommet. Une nervure médiane épaisse, mais très-peu mar¬ quée en saillie, partage ces feuilles; ii n’existe ordinairement chez elles aucune trace de nervation; elle est cependant visible sur quelques exemplaires et présente alors une nervure anté- marginale reliée à la médiane par des nervures secondaires obliquement dirigées, reliées entre elles par un réseau de vei¬ nules obliquement ramifiées et noyées, pour ainsi dire, dans DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 895 l’épaisseur du parenchyme. Celte nervation a quelque rapport avec celle des Eucalyptus ; mais elle se rapproche bien davan¬ tage de celle des Protéacées à nervures obliques, comme les Grevillea , Hakea , Leucadendron , Persoonia du monde actuel et les Palœodendron , genre tertiaire que j'ai signalé dans le ton- grien de Provence. C'est ce qui m’engage à ranger provisoire¬ ment dans ce dernier groupe l’espèce de Saint-Gély, qui s’y rattache, bien qu’elle soit construite sur de bien plus grandes proportions. Ébénacées. — Diospyros tyracifolia , nob. Feuilles entières, ovales, obtuses au sommet, faiblement atténuées à la base; la disposition des principales nervures et les détails du réseau vei¬ neux annoncent un Diospyros ; mais il existe aussi chez ces feuil¬ les une affinité remarquable avec celle des Styrax, groupe très- voisin, du reste, des Ebénacées. Diospyros raminervis , nob. Autre espèce à feuilles plus grandes, à nervures autrement disposées, saillantes, reliées par un réseau de veinules rameuses qui reproduisent le type de plusieurs Diospyros de l’Inde et de l’île Maurice. Magnoliacées. — Magnolia ? sp.... Feuilles largement oblon- gues, très -grandes , lisses sur les deux surfaces, à nervures secondaires très-peu visibles, obliques, recourbées-ascendantes le long des bords. — Attribution incertaine. La composition de cette florale, l’affinité de ses formes prin¬ cipales, la dimension considérable des feuilles dicotylédones qu’elle renferme, constituent une réunion d’indices qui repor¬ tent l’esprit vers le suessonien ou éocène inférieur. L’identité probable du Marchantia avec une des espèces caractéristiques de Sézanne, l’étroite analogie du Flabellaria gelymsis avec ceux du Soissonnais, la présence répétée du genre Diospyros , signalé dans la plupart des localités éocènes, à Skopau en Saxe, dans les grès du Mans, dans le banc vert du Trocadéro et dans les gypses d’Aix, confirment cette manière de voir, sans qu’il soit possible de préciser davantage, à l’aide de documents encore incomplets, l’horizon auquel ces plantes doivent se rattacher. Le caractère tropical que revêtait sans doute notre végétation méridionale à cette époque ressort de l’examen du petit nombre d’espèces recueillies et s’accentuera encore davantage à mesure qu’elles deviendront plus nombreuses et mieux connues. La Société ayant vu àGrabels un gîte d'argilolites rouges, de calcaire compacte lacustre et de cong omérat fleuri à 896 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, éléments calcaires, qui se rapporte à Y étage garumnien nou¬ vellement établi par M. Leymerie, M. le Président invite celui-ci à donner un aperçu général de ce nouveau type,, qui sera dans une prochaine course Fobjet d’une étude spéciale à Valmagne, où il est^très-développé. M. Leymerie, pour répondre à cet appel, fait la communi¬ cation suivante : Note sur V origine et les progrès de la question relative au type garumnien; par M. Leymerie (pl. VII). Lorsque je fus chargé, en 1841, de la chaire de minéralogie et de géologie à la Faculté des sciences de Toulouse, je tour¬ nai naturellement les yeux du côté des Pyrénées. Je ne tardai pas à reconnaître, dès les premiers pas que je fis dans ces belles montagnes, qu’il y avait beaucoup à faire dans la déter¬ mination des types qui les composent, et je pris la résolution de travailler sans relâche à apporter quelques progrès dans l’œuvre de Dufrénoy, en employant les moyens que l’état plus avancé de la science mettait à ma disposition. — Je portai d’a¬ bord mon attention sur les terrains supérieurs et je m’occupai en premier lieu de la question, alors fort agitée, de la sépara¬ tion du terrain àNummulites et de la formation crétacée. Je crois pouvoir dire que cette séparation fut à peu près accomplie par mon mémoire sur le terrain à Nummulites de l’Aude, où se trouve décrite et figurée la faune nummulitique de ce dé¬ partement (1). — On se demandait alors si, le terrain nummu¬ litique une fois séparé, il y avait dans notre chaîne quelque chose qui pût représenter la craie proprement dite. Mes études subséquentes m’ont misa même de répondre par l’affirmative, et je prouvai par un nouveau mémoire (2) que la craie blanche et la craie de Maëstricht (sénonien, d’Orb.) étaient parfaitement caractérisées dans la Haute-Garonne, et M. Hébert, à cette époque, fit insérer dans notre Bulletin , une note cù il insistait sur ce point, que les caractères de la craie que je venais de (1) Mémoire sur le terrain à Nummulites des Cor-bières et de la Mon¬ tagne-Noire. — Mém . Soc. gèol.y 2e série, t. I, p. 337. (2) Mémoire sur un nouveau type pyrénéen parallèle a la craie propre¬ ment dite. Mém. Soc. géol. , 2e série, t. IV, p. 11 77. l.iïh ftecqiict, Pco'is DU il AU 20 OCTOBRE 1868. 897 faire connaître se rapportaient spécialement au tuffeau de Maëstricht (1). En effet, il était difficile de ne pas reconnaître cette assise supérieure dans un ensemble de couches qui con¬ tenait : ffemipneustes radiatus , Agass., Nerita rugosa, Hœning., Ostrea larva , Lam., Thecidea radiata , Defr. Voilà donc, d’un côté, la craie la plus supérieure, qui fût connue en France et dans presque toute l’Europe bien constatée dans les Pyrénées, et, d’autre part, le terrain nummulitique reposant sur cette craie. Il semblait dès lors que la question de la séparation et de la spécification des deux terrains dût être complètement résolue. Toutefois, en étudiant les petites mon¬ tagnes qui s’avancent au nord des Pyrénées et qui semblent préluder aux grandes Pyrénées, un nouveau fait se présenta, qui vint apporter l’incertitude et l’indécision là ou j’avais espéré une solution nette et définitive. C’est principalement dans le petit massif d’Ausseing, qui forme le reliefle plus marqué des protubérances que je viens de signaler et qui offre un exempleremarquable d’un soulèvement de forme jurassique, que le fait dont il s’agit s’accuse d’une manière des plus prononcées. J’ai donné ailleurs la coupe de ce petit massif qui peut être regardé comme classique pour la question qui nous occupe. Je pense qu’on voudra bien me permettre de la reproduire ici pour la commodité du lecteur, avec des indications spéciale¬ ment en rapport avec la courte description qui va suivre. On voit dans cette coupe (pl. VII, fig. 1), que la montagne d’Ausseing consiste en une vallée centrale de soulèvement de nature argileuse, arquée et bombée. Des crêts calcaires assez élevés, escarpés à l’intérieur, dominent cette vallée de part et d’autre et sont épaulés en dehors par des crêts moins hauts, bien que très-saillants, auxquels succèdent des rides parallèles moins accusées. — On remarquera que le côté sud de ce massif sou¬ levé est dans une position tout à fait normale, tandis que le flanc nord est renversé. L’ensemble forme une protubérance longitudinale dans la direction des Pyrénées. La vallée centrale C1 principalement constituée par desargiles et des calcaires en dalles, avec Orbitolites, Rhynchonelles , Ananchytes, et les crêts C2, formés par un calcaire nankin à Hemipneustes , appartiennent à la craie proprement dite, les cal- (1) Bull . de la Soc. gêol., 2e série, 1862, t. XIX, p.1091. 898 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, caire s représentant particulièrement la craie de Maëstricht. Les flancs se composent de couches éocènes qui commencent, ici comme partout, dans la Haute-Garonne, l’Ariége, l’Aude et l’Hérault, par le calcaire à Miliolites m ; le tout d’ailleurs offre une stratification parfaitement concordante. Il n’y aurait aucune difficulté si le calcaire à Miliolites était immédiatement superposé à celui qui contient les Hemipneusles ; mais il n’en est pas ainsi; entre les deux vient s’interposer un étage ayant 200 à 300 mètres de puissance, qui offre des caractères tout particuliers : c’est le garumnien , dont il est in¬ dispensable de donner ici une idée au double point de vue pétrographique et paléontologique, avant de faire connaître les motifs qui m’ont déterminé à en faire un type spécial et à lui donner un nom. Un coup d’œil jeté sur la coupe montrera immédiatement qu’il se compose, à Ausseing, de trois assises désignées par les notations g 1 g 2 g3. La première g1, creusée en forme de courbe en bas du village d’Ausseing, où l’on voit les dernières couches du cal¬ caire à Hemipneustes passer, en parfaite concordance, sous le nouveau système, est constituée par des argiles bigarrées as¬ sociées à des grès friables et quelquefois à des poudingues avec intercalation de bancs isolés de calcaire impur criblé de trous cylindriques. On n’y trouve pas de fossiles à Ausseing même; mais il en existe plus à l’est dans le massif, et, non loin d’Aus¬ seing, à Marsoulas, où cette assise renferme un peu de lignite ; les recherches opérées pour découvrir ce combustible ont fait découvrir des Huîtres plates [Ostrea depressa, Leym.), des vertè¬ bres de Crocodiles et des ossements deïortues. C’est au même niveau, qu’à Auzas, de l’autre côté de la Garonne, on peut re¬ cueillir en abondance, avec les Huîtres précédentes, et dans un admirable état de conservation, une Cyrène(6T. garumnica , Leym.) d’assez grande taille, Tornatella Baylei, Leym. , Spheruli- tes Leymerii, Bayle, accompagnées de Mélanopsides, de Cérites, de Pitonelles, et par exception, Ostrea larva , Lam., et Hippu- rites radiosusy Desm. La seconde assise g 2 consiste en un ealcaire de couleur claire, compacte au point d’être exploité comme pierre litho¬ graphique, accidenté à Ausseing par la présence de silex grossiers assez volumineux. Ce calcaire se présente sous la forme d’une crête saillante ( Queire ), comme tordue en certains points, qui est un des traits orographiques les plus accusés du 899 DU H AU 20 OCTOBRE 1868. pays et qui se prolonge visiblement à l’est dans l’Ariége où bon y a signalé des coquilles d’eau douce. C’est derrière cette crête que se présente l’assise supérieure g3, terrain des plus curieux, composé de roches peu consistantes qui occupent par conséquent un sillon longitudinal. Les élé¬ ments principaux de cette assise sont des marnes et des cal¬ caires marneux, divisés en deux sous-assises par une légère saillie, formée par des grès et des calcaires. L’une et l’autre de ces sous-assises contiennent de nombreux fossiles marins, la plupart nouveaux. Ceux qui peuvent se rapporter à des es¬ pèces connues sont presque tous crétacés, et parmi eux se font remarquer les oursins, qui sont les plus nombreux et les plus caractéristiques, et qui, soumis aux paléontologistes spéciaux les plus compétents, MM. Desor, Cotteau, Bayle, ont été reconnus comme appartenant à l’horizon de la craie proprement dite. L’espèce la plus abondante est un Micraster globeux à pro¬ fonds sillons ambulacraires, sur la détermination duquel on a longtemps hésité et qui paraît être définitivement Micraster tercensis , Cotteau. Avec cette espèce se trouve Micraster brevis , Agass. , et fréquemment la petite variété de Ananchytes ovata , que M. Cotteau a particulièrement désignée par le nom de tercensis . Une autre espèce également habituelle à ce niveau est Hemiaster nasutulus, Sorignet. On peut aussi y recueillir Cyphosomamag nificum, Agass., et Cardiaster pilula. Toutes ces espèces se rencontrent le plus souvent dans le nord, sur un horizon inférieuràcelui deMaëstricht. Elles sont accompagnées d’autres types, notamment de Micropsis considérés comme nouveaux par M. Cotteau qui les a décrits. — Parmi les mollus¬ ques qui sont presque tous inédits et qui sont trop souvent à l’état de moules intérieurs, je citerai un Pleurotomaire gigantes¬ que que j’appelle danica , parce que je le crois identique avec celui de la craie danienne de Faxoë dont je possède un exem¬ plaire auquel j’ai pu comparer le nôtre. Il y a là aussi Ostrea vesicularis et de rares individus de RhynchonellaBanga, Coquand, espèce qui abonde dans la partie inférieure du sénonien d’Aus- seing et que j’avais mal à propos rapportée à Rhynchonella alata de Brongniarl. Enfin, à cette faune se mêlent quelques types nummulitiques, particulièrement Naticabrevispira, Leym. , qui, chose remarquable, se trouve dans la sous-assise inférieure. Malgré la présence de ces rares espèces de l’étage à Num- mulites, qui ne sont ici qu’accessoires et accidentelles, la faune dont il s’agit est évidemment crétacée, et il est bien remar- 9C0 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, quable qu’au lieu d’offrir un reliquat de fossiles de la craie maëstrichtienne d’Ausseing, ainsi qu’il aurait été naturel de s’y attendre, elle constitue un ensemble de types qui ne se montrent pas, en général, dans notre étage sénonien des Pyrénées, et qui semblent indiquer un niveau inférieur à celui du calcaire à hemipneustes d’Ausseing, comme si une peuplade égarée était venue du nord ou du nord-ouest se réfugier tardivement h une place qui devait lui être interdite par les lois de la paléontologie. C’est donc véritablement une colonie dans toute la force du terme ; c’est même la colonie la plus carac¬ térisée qui ait été signalée depuis que notre éminent confrère, M. Barrande, a introduit cet ordre de faits dans la science. — J’ai recueilli dans cette assise supérieure de notre garumnien environ 50 espèces dont les types nouveaux ont été décrits et figurés depuis longtemps et n’attendent, pour être publiés, qu’une occasion favorable. L’assise que nous venons de décrire se termine, sur le flanc méridional de la montagne d’Ausseing et à Marsoulas près Salies, par des marnes semées de points glauconieux au-dessus desquelles commence immédiatement et d’une manière tout à fait concordante le calcaire à Miliolites (nummulitique in¬ férieur) dont la faune est franchement tertiaire et n’a aucun rapport avec celle dont il vient d’être question. Lorsque l’étage intermédiaire que j’appelle garumnien vint s’imposer à moi pour la première fois, je connaissais à peine sa faune inférieure, et celle de la colonie ne m’avait pas encore offert les nombreux oursins crétacés que des recherches plus générales et plus attentives m’ontdepuis procurés, et l’on com¬ prendra facilement l’embarras où je me trouvai lorsque j’eus à lui assigner une place dans la série de nos terrains. Toutefois la concordance qui vient d’être signalée entre cet étage diffi- eultueux et les couches à Miliolites >et une sorte de passage lithologique qui existe entre ces deux terrains, d’un autre côté la différence tranchée qui sépare les argiles bigarrées g1 du cal¬ caire d’Ausseing que je devais alors regarder comme un repré¬ sentant de la craie la plus récente qui fût connue en France et en Angleterre, m’avaient porté à considérer le nouveau système comme une sorte de transition entre la craie et le terrain nummulitique, et à le rattacher à ce dernier. Telle est l’origine du nom d ’épicrétacé que je proposai alors pour désigner ce grand ensemble, supérieur à la craie de Maës- tricht et qui semblait passer à la craie par la présence d’une DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 901 colonie crétacée. Cette expression d'épicrétacé avait donc alors sa raison d’être ; puis elle représentait même assez heureuse¬ ment l’état des choses dans la phase d’incertitude ou de tran¬ sition où je me trouvais, et j’ose dire que c’est à tort qu’elle a été blâmée par quelques géologues. Plus tard, ayant découvert à Auzas de nombreuses Sphéru- lites (S. Leymeriï) dans l’assise inférieure et Hippurites radio - lus à Séglan au S. O. d’Aurignac, tenant compte du faciès émi¬ nemment crétacé de la colonie et de la différence complète qui sépare sa faune de celle des couches à Miliolites, je me suis décidé à séparer l’étage dont il s’agit de la formation nummuli- tique et à le rattacher à la craie ; et, depuis 7 à 8 ans que j’ai pris ce parti, tous les faits que j’ai observés n’ont fait que m’affermir dans cette manière de voir, qui d’ailleurs a été adoptée par tous les géologues. Ainsi donc, il existe à la base des Pyrénées (demi-chaîne orientale), au-dessus de la craie de Maëstricht, un étage crétacé d’un faciès tout nouveau et très-distinct du calcaire à Hem: - pneustes sous-jacent, qui est plus récent que toutes les craies connues jusqu’ici en Europe et qui constitue par suite un type à part, pour lequel j’ai proposé le nom de garumnien , parce qu’il ne se présente avec tous les caractères qui ont servi à l’établir et à le déterminer que dans les petites montagnes qui s’étendent au pied des Pyrénées dans le voisinage de la Garonne. Nous avons dit qu’il n’existait pas de craie en Europe qui pût être rapportée à ce niveau. Il y a cependant ici à faire une exception pour la craie de Faxoë, qui est le type de l’étage danien de d’Orbigny, auquel ce savant paléontologiste ne rat¬ tache en Franee'quele calcaire pisolithique du bassin de Paris. Toutefois l’analogie de notre garumnien et du danien n’est encore que conjecturale, à cause de la différence des faunes où nous n’avons à signaler jusqu’à présent qu’un seul fossile com¬ mun qui est à la vérité assez remarquable : savoir, le grand Pleurotomaire déjà cité, P. danica , Leym. Faciès lacustre ' rutilant auquel passe le type ~ garumnien dans VAriége et dans l'Aude . — Assimilation à la partie supérieure du groupe d’ Alet. Il s’agit maintenant de montrer comment cet étage princi¬ palement marin, que je n’avais d’abord considéré que comme 902 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, un fait curieux et exceptionnel, constitue un horizon géognos- tique très-étendu dans le midi de la France, sur lequel se trou¬ vent diverses assises rutilantes lacustres, formant une zone presque continue que l’on peut suivre jusqu’en Provence. Les fossiles ne nous fournissent à cet égard qu’une faible ressource ; mais nous pouvons appeler à notre aide un moyen plus efficace et plus direct, je veux parler de la continuité des assises dont il s’agit, qu’il est facile de constater dans presque toute la longueur de la zone qui vient d’être indiquée, parce que tous les gîtes susceptibles d’être rapportés au garumnien y sont presque partout à découvert et s’y manifestent d’ailleurs par des caractères d’une constance remarquable. Il ne pouvait y avoir de difficulté qu’en ce qui concerne le passage du faciès marin au faciès lacustre. Je me suis occupé avec soin de cette partie délicate de la question et je puis dire que la solution s’est présentée à moi d’une manière si naturelle que je n’ai aucun mérite à l’avoir trouvée. L’étage garumnien avec les caractères marins ci-dessus si¬ gnalés, qui nous avaient fourni la précieuse notion de son âge crétacé, commence à Saint-Marcet, du côté gauche de la Ga¬ ronne, à peu près vers le milieu de la chaîne pyrénéenne, à l’endroit môme où commencent les basses montagnes qui sem¬ blent préluder aux grandes Pyrénées, et, à partir de là, il s’é¬ tend parallèlement à la chaîne jusqu’à la Garonne, qu’il traverse vers le parallèle de Martres pour aller former les deux bandes que montrent notre coupe (fig. 2) d’une part et d’autre du petit massif d’Ausseing; après quoi il entre dans le département de l’Ariége où s’effectue et s’accomplit la transformation dufaciès marin au faciès lacustre. Il est facile de suivre le garumnien d’Ausseing et l’étage sénonien qui le supporte, sans aucune interruption importante, sous un chapeau continu formé par le calcaire à Miliolites qui ne fait jamais défaut. Voici d’ailleurs comment les choses se passent : Les calcaires à Hemipneustes qui, à Ausseing, consistent en un calcaire assez pur, de couleur nankin, prend en avançant vers l’est des grains et de petits cailloux arrondis de quartz; peu à peu ce dernier élément devient plus abondant et enfin prédominant, de telle sorte que, même avant d’entrer dans l’Ariége, le calcaire se trouve transformé en un grès jaunâtre qui règne aux environs de Poudelaye et de Sainte-Croix. Le garumnien conserve un peu plus longtemps ses principaux caractères ; mais vers le méridien de Sainte-Croix l’assise in- DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 903 férieure, qui était uniformément grise à Aurignac et qui à Ausseing avait déjà pris des couleurs variées assez vives, devient de plus en plus rouge. Le calcaire compacte persiste; mais il se recouvre souvent d’argilolite rutilante qui vient remplacer la colonie, qui s’éteint définitivement. Déjà au Mas d’Azil, qui n’est éloigné du massif d’Ausseing que de quelques kilomètres, la transformation est complète, en ce sens que le garumnien y est rutilant et exclusivement lacustre. Plus loin, un conglomérat fleuri à éléments calcaires, souvent ferrugineux, vient accidenter les argilolites, l’assise calcaire se dédouble parfois et l’on se trouve en plein faciès languedocien et provençal. Nous avons dit qu’au Mas d’Azil la transformation était accomplie. En effet, que voit-on dans le singulier soulèvement qui rend cette localité si remarquable ? A la base, un étage puissant d’un grès marin jaunâtre, où j’ai trouvé des Cyclolites et des Orbitolites, qui n’est autre chose que notre calcaire nankin transformé, et au-dessus un étage complexe rutilant constitué par des argilolites rouges avec cal¬ caire compacte lacustre intercalé, le tout recouvert par le cha¬ peau de calcaire à Miliolites qui n’a pas cessé de se montrer depuis Aurignac et que l’on voit encore, au delà du Mas d’Azil, se profiler sur une bande rouge à travers l’Ariége. Ayant marché, pour ainsi dire, sur cette bande jusqu’au point où nous sommes arrivés, il n’était pas difficile de la suivre plus loin, sans jamais la perdre de vue, jusqu’à Alet, dans la vallée de l’Aude, où le garumnien lacustre très-carac- térisé repose, comme au Mas d’Azil, sur une assise de grès jau¬ nâtre marin, identique avec celui de l’Ariége, et toujours sous le toit milliolitique qui recouvre ici l’étage rutilant, comme il recouvrait la colonie marine avant qu’elle disparût (1). On acquiert ainsi la certitude que cet étage et le grès sénonien sous-jacent constituent ensemble le groupe d' Alet , que M. d’Ar- chiac a signalé le premier dans son mémoire sur les Corbières (. Mém . de la Soc. géol., 2e série, t. VI) et qu’il y a considéré comme appartenant à la série tertiaire, n’ayant pas entre les mains, comme nous l’avons eue depuis, la preuve manifeste que l’un et l’autre de ces étages étaient réellement crétacés. (1) J’ai fait cette reconnaissance en 1866, avec M. Magnan, sans la moindre difficulté, et il ne nous est resté, à l’égard de l’assimilation dont il s’agit, aucune incertitude. 904 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Notre détermination se trouve appuyée du reste à ■'posteriori par cette considération, que les deux étages de la craie intro¬ duits ainsi dans la géologie des Corbières, tout en faisant dis¬ paraître une véritable anomalie dans la composition du terrain tertiaire, vient combler d’une manière, ce nous semble, assez heureuse une lacune qui n’avait pas sa raison d’être, entre le calcaire à Hippurites sur lequel repose le grès d’Alet et les couches à Miliolites qui, dans les régions que nous venons de traverser, forment constamment la base de la formation num- mulitique, c’est-à-dire de l’éocène. On voudra bien se rappeler à cet égard que j’avais pressenti cette contemporanéité de nos étages sénonien et garumnien avec le groupe d’Alet, dès 1862, devant la Société géologique réunie à Saint-Gaudens (1). Extension du faciès lacustre rutilant à travers le Languedoc et la Provence. J’ai dit ailleurs dans une communication faite à l’Académie des sciences, et dans ma lettre à M. deVerneuil déjà citée, com¬ ment les argiles rutilantes avec leurs calcaires et les conglo¬ mérats fleuris qui s’y trouvent intercalés, loin de s’arrêter aux Corbières, reprennent à Bize pour entrer dans le département de l’Hérault, où cet étage, toujours accompagné de l’assise à Miliolites, forme une bande à peu près continue entre Bize et Saint-Chinian, que nous avons suivie en compagnie de MM. de Rouville et Magnan. Je n’insiste pas d’ailleurs sur les perturbations profondes qui ont fait hésiter un instant noire savant collègue de Montpellier sur le véritable rôle de l’assise rutilante dont il s’agit et qui sont en ce moment l’objet d’une étude remarquable que nous devrons bientôt à notre confrère Magnan. — Au delà de Saint-Chinian, l’horizon des Miliolites fait défaut; mais les caractères si accentués du garumnien la¬ custre persistent et suffisent pour le faire reconnaître à travers l’Hérault et plus loin jusqu’en Provence, où il est représenté (1) Bull . de la Soc. gèol 2e série, t. XIX, p. 1129. Le compte rendu des excursions et des séances de la Soc. géol., qui se trouve à la fin de ce volume, renferme les principaux éléments de la ques¬ tion du garumnien et pourra être utilement consulté par toutes les personnes auxquelles cette question peut offrir quelque intérêt. Voir aussi ma lettre à M. de Yerneuil, qui se trouve à la page 308 du tome XXIV, et une note in¬ sérée dans les comptes rendus de l’Académie des sciences. DU il AU 20 OCTOBRE 1868. 905 par les assises de Vitrolles et de la montagne du Gengle dans le bassin de Fuveau. À cet égard, je dois rappeler que c’est principalement aux observations de M. Matheron que nous devons la première as¬ similation des assises rutilantes que je viens de citer dans le Languedoc et la Provence, à la partie supérieure du groupe d’Alet, d’Arch. Ce parallélisme se trouve établi dans son im¬ portant mémoire sur les formations d’eau douce du midi de la France (1); mais alors il les considérait comme tertiaires, et il était assez embarrassé pour leur trouver un représentant dans le bassin parisien où Pon est dans l’habitude fort peu ration¬ nelle, à mon avis, de chercher les prototypes de tous les terrains, cçmme si le monde avait été créé cl l’image de Paris. Ayant reconnu depuis que le puissant dépôt qui recèle les li- gnites de Fuveau était un faciès lacustre de la craie blanche, il était tout naturel qu’il rapportât à l’horizon garumnien les assises rouges supérieures du Cengle et leurs calcaires, d’au¬ tant plus que là se trouve la place de la fameuse brèche du Tho- lonet, identique avec les conglomérats fleuris et ferrugineux qui constituent un critérium à peu près certain pour les terrains rutilants placés sur l’horizon de la craie garumnienne. Si notre savant confrère a trouvé dans cette détermination une preuve en laveur de l’âge sënonien de l’étage de Fuveau, preuve directe et d’autant plus concluante qu’elle lui était apportée par des observations faites à plus de cent lieues de son pays et d’une manière tout à fait indépendante des siennes, il me sera permis, de mon côté, de voir dans la concordance que je viens de signaler un argument pour la cause garumnienne que 1 je cherche à soutenir dans ce petit travail. Notre savant président, M. de Rouville, ne pouvait rester indifférent à l’égard d’une question qui intéresse à un assez haut degré le département de l’Hérault, qu’il étudie avec tant d’ardeur. Il a voulu contribuer à ses progrès, et ses observa¬ tions sont venues confirmer l’opportunité de la modification que l’établissement du nouvel étage doit apporter dans la I géologie du midi de la France. M. de Rouville nous a montré, à Grabels, un spécimen du garumnien de l’Hérault, et. nous avons pu constater les caractères des principaux éléments qui (t) Recherches comparatives sur les dépôts fluvio-lacustres tertiaires des environs de Montpellier , de l'Aube et de la Provence, 1862. Soc. géol 2e série, tome XXV, 58 906 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, composent partout le type lacustre de cet étage, savoir la cou¬ leur rutilante des argilolites, la présence du calcaire compacte, et enfin la composition et l’aspect tout spécial et agréable de son conglomérat fleuri. Demain la Réunion retrouvera ce terrain derrière l’abbaye de Vallemagne, où il est magnifiquem ent représenté. M. Coquand, à qui la géologie de la Provence doit une grande partie des rapides progrès qui se sont accomplis dans ces derniers temps, et qui a contribué à la détermination, comme crétacé, du dépôt à lignites de la vallée de l'Arc, recon¬ naît aussi la contemporanéité avec le garumnien de l'assise rutilante dont il a été si souvent question dans cette note. Ainsi tous les géologues du Midi, qui sont le plus au courant de la question dont il s’agit, s’accordent pour placer cet étage rutilant sur l’horizon du garumnien de la Haute-Garonne, et par conséquent pour reconnaître son âge crétacé, satisfaits de trouver dans ce classement un moyen de sortir d’incertitude à l’égard de ce terrain pour lequel ils étaient naguère fort em¬ barrassés de trouver une place à la base de la série tertiaire (1). Nous croyons être utile et agréable â nos confrères en ré¬ sumant et peignant à leurs yeux, dans un diagramme théori¬ que (fig. 2), la composition comparée des deux faciès garum- niens et la transformation que le faciès marin subit pour passer au faciès lacustre, entre des limites supérieure et inférieure très-resserrées, à travers le Languedoc et la Provence. Présence du garumnien en Espagne. Probabilité de son existence dans les régions circumméditerranéennes. Le type garumnien, soit marin, soit lacustre, soit mixte, devra être regardé dorénavant comme un des traits de ce faciès spécial que revêtent généralement les terrains secondaires et tertiaires du midi de la France et de toutes les régions qui en¬ tourent la Méditerranée. On pourrait donc s’attendre à le ren- (1) Il manque à ce concert la voix de notre éminent confrère et ami Émi- lien Dumas, que des circonstances particulières ont tenu éloigné depuis trop longtemps de la géologie régionale. On apprendra avec satisfaction qu’il va reprendre et compléter ses belles études sur les terrains du Languedoc, et je ne doute pas qu’il ne reconnaisse notre étage dans le Gard, où il doit sans doute se montrer avant d’atteindre la Provence. BU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 907 contrer en Italie, en Espagne et même en Afrique. Je suis en mesure d’affirmer quùl se montre très-caractérisé en Cata¬ logne, sur le versant méridional des Pyrénées. Je l’y ai reconnu de la manière la plus manifeste dans une exploration que je viens de faire de la vallée de la Sègre, en compagnie de notre confrère, M. Paul Seignette, principal du collège de Foix. Je me propose de communiquer prochainement à la Société géo¬ logique une coupe générale de cette vallée, sur laquelle on a dit et publié des erreurs incroyables. En attendant, je crois qu’on ne me saura pas mauvais gré si j’en détache la partie qui se rattache au garumnien qui repose là, comme, dans la Haute- Garonne, sur le sénonien supérieur, et qui offre le fait curieux de la réunion, dans le même gîte, du caractère marin d’Auzas et du faciès rutilant lacustre du Languedoc. Ajoutons que cette localité privilégiée est encore très-intéressante par cette cir¬ constance toute particulière et unique, qu’elle se trouve au sein des hautes montagnes où elle joue un rôle tout à fait indé¬ pendant de tout dépôt tertiaire, ce dernier terrain ne com¬ mençant à se montrer que beaucoup plus bas, dans la vallée où il se développe tant, et notamment sans être accompagné d’aucune couche qui puisse être regardée comme garumnienne. Ce garumnien espagnol se trouve au nord d’Organya, à l’en¬ droit appelé Col de Nargo. C’a été une grande satisfaction pour moi, au moment de sortir des gorges sauvages et profondes qui portent le nom d’Organya, ouvertes au sein d’un calcaire sombre qui dépend du terrain crétacé inférieur, de voir appa¬ raître et s’épanouir un horizon rutilant où j’ai reconnu immé¬ diatement le nouveau type; et cette satisfaction a été portée à un plus haut degré lorsque j’ai vu s’étendre sous ce garumnien lacustre, et en concordance parfaite avec lui, une assise plus puissante de couleur grise, reposant sur la craie sénonienne et offrant à sa base, où l’on exploite un assez mauvais lignite, de nombreuses Cyrènesavec des Huîtres qui appartiennent à une espèce ( Ostrea Verneuili, Leym.) caractéristique du garumnien inférieur de la Haute-Garonne. La figure 3 représente une coupe de ce garumnien catalan, prise à une petite distance à l’ouest du Col de Nargo, à travers une petite combe qui débouche dans la Sègre. On remarquera que cet étage fait partie d’une série très-régulière, mais plongeant, au nord, en sens contraire du versant méridional de la chaîne, et par conséquent renversée. Le garumnien forme le dernier terme de cette série au N. et 908 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, vient, butter contre un massif calcaire qui dépend des gorges d’Organya, et dans lequel, presque au “contact du gaiumnien, M. Seignette a trouvé de petites Orbitolines, O. conoidea, Albin Gras, et une petite Térébratule lisse, allongée (T. longella , Leym.) , qui est très-fréquente dans le grès vert de Foix et de Vinport. Pour toute explication de cette coupe, nous croyons pouvoir nous borner à la légende suivante : LÉGENDE DE LA COUPE DU GARUMNIEN ESPAGNOL DE LA VALLÉE DE LA SÈGRE. (Fig. 3). Trias. Jurassique. Turonien. Sénonien. Gaiumnien. Grès vert. L a. Poudingues à puissants éléments calcaires alternant avec des grès < rougeâtres et recouverts par des argiles bigarrées et des schistes ( gypsil'ères. ( b. Lias cymbien et toarcien fossilifères. - • t c. Dolomies noires. | d. Calcaire à Hippurites et autres couches fossilifères, i e. Puissante série de calcaires marneux renfermant de nombreux ro- j gnons de calcaire plus pur, sans fossiles. \ ef. Mêmes calcaires avec des Rhynchonelles crétacées, Ostrea larva, etc. f g. Assise de grès sans fossiles, semblable à celui d’Alet. III. Dalles de grès calcaire gris ou bleuâtre et de grès argileux à lig- nites où gisent, avec Ostrea Verneuili, de nombreuses Cyrènes à sillons prononcés, plus petites que Crjrena garumnica, Leym. i. Combe formée par des couches friables argilo-arénacées et marneuses de couleur uniformément grises. j. Assise rutilante principalement formée par des poudingues fleuris, à éléments calcaires, et une argilolite très-rouge ; calcaire peu déve¬ loppé. k. Assise grise de calcaire marneux à rognons semblables au calcaire sénouien e. !p. Rocher saillant contre lequel butte Tassise k, formé par des bancs de calcaire compacte avec Orbitolina conoides et Terebralula longella; se rattachant au système des gorges d’Organya. Lorsque du Col de Nargo, placé sur les bancs poudin, ci- ormes de Tassise rouge, on porte ses regards à l’est et à l’ouest, on voit se prolonger cette trace rutilante derrière la saillie formée par les calcaires d’Organya, dans la direction des Pyrénées, et il n’est pas douteux qu’elle n’existe dans une grande partie de la Catalogne. Nous saurons, au reste, à quoi nous en tenir à cet égard l’année prochaine, notre confrère, M. Seignette, «se proposant de suivre cette piste garumnienne jusqu’aux points où elle viendra à lui manquer. Nous savons déjà, par les observations deM. de Verneuil, que le terrain dont il s’agit se montre au nord de Berga, où il se trouve en relation avec des calcaires à Hemipneustes et Hippu¬ rites radiosus . Il y a là également des dalles à lignites qui font DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 909 suite évidemment à celles que nous avons signalées à la base du garumnien de Nargo (1). M. Matheron, à la suite de cette communication, constate qu’il s’est parfaitement rencontré avec M. Leymerie, pour les terrains de la Provence, dans des observations faites avant d’avoir eu connaissance des travaux de son confrère. 11 diverge pourtant d’opinion avec lui sur quelques ques¬ tions de détail, qui se trouvent consignées dans un Mémoire actuellement sous presse pour paraître dans le Bulletin. M. Goquand, à l'occasion de la position des marbres à Ser- pules de la Valette, pense qu’il lui paraît bien difficile de rapporter le système dont ces marbres font partie à un des étages de la craie inférieure. Au-dessus du néocomien à Spalangus retusus , on ne connaît que le calcaire à Chama am- monia , et aucun géologue ne reconnaîtra dans ceux-ci les ca¬ ractères minéralogiques ou les fossiles qui distinguent si faci¬ lement cette partie du groupe aptien. Il est dès lors disposé à les considérer comme l’équivalent des calcaires lithographiques, qui, dans le midi de la France, sont supérieurs à l’oxfordien et occupent la place des étages kimméridgiens et portlandiens. M. Coquand, pour étayer son opinion, l’appuie sur la présence des Nerinea Gosœe t N .bruntrutana qu’il présente à la Société, et qui ont été recueillies, dans une position identique, aux envi¬ rons de Marseille. A ce sujet, il trace sur le tableau et développe deux coupes, prises, la première, dans le vallon de Toulouze, banlieue de Marseille, et la seconde, dans la chaîne des Dourbes, entre Digne et Barrême, dans les Basses-Alpes, coupes qui indiquent nettement la position des terrains placés entre le néocomien inférieur et l’oxfordien supérieur. La première montre la suc¬ cession suivante : 1° Calcaire à Requienia ammonicr, 2° néoco¬ mien à Spatangus retusus ; 3° valenginien avec Natica Leviathan , 4° calcaire lithographique avec polypiers, Nerinea Gosœ et N. bruntrutana ( 200 m.); 5° dolomies et calcaires magnésiens (150 m.); 6° calcaire lithographique avec Ammonites lortisulca- tus, plicatüis et Belemnites hastatus (oxfordien supérieur) ; (1) Voir à la suite de ma lettre à M. de Verneuil, déjà citée, cette cita¬ tion de notre savant confrère, et d’autres références espagnoles également iitéressautcs (Bul% Soc. géol.} 2e série, t. XXIV, p. 315). 910 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, 7° étage kellovien (. Ammonites macrocephalns) . Le calcaire litho¬ graphique n° 5 est séparé du néocomien inférieur par un banc corrodé, couvert de valves à’Ostrea cretacea , et criblé de per¬ forations de Pholades. La séparation du jurassique d’avec le néocomien peut donc s’opérer d’une manière mathématique, et les calcaires et dolomies (nos 5 et 6) ne peuvent appartenir, les premiers surtout, qu’à la division du jurassique supérieur dont ils occupent la place et contiennent quelques fossiles. La coupe des Dourbes est d’une interprétation plus ardue, à cause de la constance de l’élément minéralogique et de la dif¬ ficulté de séparer nettement le terrain néocomien d’avec le terrain jurassique. La chaîne des Dourbes reproduit les parti¬ cularités du fameux calcaire delà Porte-de-France et présente, au-dessous du néocomien à Belemnites dilatatus , 180 mètres de calcaires lithographiques dans lesquels la découverte de quel¬ ques fossiles a permis à M. Goquand d’établir les divisions suivantes : 1° Calcaire lithographique avec Ammonites ptychoi- chus et A Boissieri (faune de Berrias) ; 2° calcaire lithographi¬ que avec A. Calisto et Hemicidaris purbeckensis ; 3° calcaire lithographique avec Aptychus latus et imbricatus (kimméridg. de Solenhofen); 4° calcaire lithographique avec Cidaris flori- gemma ; 5° calcaire lithographique avec Ammonites transversa - riuse t torûsulcatus (oxfordien supérieur). M. Coquand fait passer sous les yeux de la Société les fossi¬ les qui lui ont permis d’opérer ces divisions. Il parallélise la coupe des Dourbes avec celle des environs de Marseille, et il arrive à cette conclusion que, dans la basse et dans la haute Provence, contrairement aux opinions de MM. Hébert et Bieu- lafait, la division du jurassique supérieur est représentée, et que, par conséquent, de la base au sommet, la série oolithique est complète. Il n’entre pas dans de plus longs détails à ce su¬ jet, parce qu’ils sont consignés dans un mémoire spécial quia été adressé tout récemment à la Société géologique. M. Coquand se borne à appeler l’attention de ses collègues sur les marbres àSerpulesdes environs de Montpellier, qu’on pourrait ratta¬ cher peut-être au calcaire à Serpules (S . coacervata Blum.) que M. Rœmer et d’autres géologues après lui ont mentionné dans le portlandien de Hanovre, où il forme des bancs de 10 mètres d’épaisseur. M. Dieulafait, après cette communication, demande la parole et annonce qu’il a eu l’occasion de s’occuper tout récemment des mêmes questions traitées par M. Coquand, et à peu près DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 911 dans les mêmes régions, et qu’il est arrivé à des conclusions semblables. L’existence dans les Basses-Alpes du représentant du jurassique supérieur est un fait qui lui paraît complète¬ ment acquis aujourd’hui. La séance est levée. Séance du 13 octobre 1868. La séance est ouverte à 8 heures du soir, dans l’amphi¬ théâtre de la Faculté des lettres, sous la présidence de M. de Rou ville. M. Cazalis de Fondouce, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté. M. Meugy fait remarquer, à la suite de cette lecture, que les lignites de Coulondre appartiennent à un système cal¬ caire qui se prolonge à Fouest et à Fest. Dans la première direction on trouve les lignites de la Caunette, dans la se- , conde ceux de Barjac (Gard). Ces derniers sont orientés j N 26° E selon le système des Alpes Occidentales. Les ligni¬ tes de Goulondre paraissent avoir la même orientation. Ce système aurait, par conséquent, laissé aussi son empreinte dans FHérault. M. Coquand rend compte de la course que la Société a faite dans la matinée au grau dePérols. On a pu voir dans cette course le cordon littoral, dont l’étude est très-im- ii portante pour la reconnaissance des littoraux des temps anciens, et constater la formation actuelle de grès coquil- liers. Non-seulement le carbonate de chaux agglutine ces débris de coquillages, mais il se dépose aussi au milieu d’eux sous la forme de cristaux. M. Coquand présente une valve de Pecten Jocobeus , dont l'intérieur est rempli de cris- a taux de carbonate de chaux à rhomboèdre inverse, comme ceux des sables de Fontainebleau. 11 rappelle^ à ce propos les travaux de MM. Marcel de Serres et Figuier, relatifs à ce genre de produits des agents actuels. La Société a pu observer encore à Pérols le phénomène 912 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER des Boulidous , sources bouillonnantes comme des geizers d'eau froide. Ce phénomène est dû à un dégagement con¬ sidérable de gaz. A une question de M. Matheron touchant la nature du gaz,M. Duval-Jouve répond que beau a un goût acidulé bien prononcé, dénotant lJacide carbonique. Une bougie, des¬ cendue dans le puits de Pérols, s’est éteinte à 4 mètres de profondeur, une allumette à 1 mètre; enfin des analyses chimiques ont parfaitement établi la nature du gaz qui se dégage de ces sources. A ce propos M. de Rouville rappelle que ce phénomène, dont le siège est si voisin de Montpellier, a été en 1706 l’objet d’un travail du médecin Rivière, associé de la Société royale des sciences établie dans notre ville, et en 1743 de M. Haguenot, membre de cette société. Haguenot s’exprime ainsi : « Le Boulidou est un creux ou bassin formé par la nature, éloigné d’environ 150 toises du village de Pérols; il est ainsi appelé par les habitants du pays, parce que l’eau qu’il contient bouillonne sans cesse. Celte eau ne vient que des pluies qui tombent du ciel, ce qui fait qu’en hiver le Boulidou est ordinairement plein, et que pendant les fortes chaleurs de l’été il est entièrement à sec. La terre de ce bassin, lorsqu’il y a de l’eau, forme une vase ou boue noi¬ râtre, que l’on détache facilement du fond et qui a ses usages ainsi que les eaux du Boulidou. » Le même auteur signale encore un puits, à Pérols, qu’il dit être une véritable moufette (1). Ce même phénomène se retrouve sur d’autres points du département, entre autres à Puech-Blanc, près de Vendres (arrondissement de Béziers). Le creux de dégagement en est plus grand que celui de Pérols ; il arrive fréquemment que des oiseaux tombent asphyxiés sur les bords. Enfin l’acide carbonique se dégage encore tout près de Montpellier, dans une grotte, dite grotte de la Madeleine, (1) Histoire de la Soc. rGy. des Sc. de Montpellier, t. II, p. 327 et 123, 1778. DU il AU 20 OCTOBRE 1868. 913 creuséedans le terrain oxfordien, près du Mas d’Andos, entre les deux stations du chemin de fer de Montpellier à Cette, qui portent les noms de Villeneuve et de Mireval. Le déga¬ gement n’v est pas permanent, mais il se produit avec une grande activité à certaines époques ; il y aurait imprudence à s’engager sans précaution dans la partie profonde. M. Wolf, alors qu’il professait la physique à la Faculté des sciences de Montpellier, a communiqué, le 8 juillet 1861, à FAcadémic de celte ville, une note, dans laquelle il énonçait le fait, que le dégagement d’acide carbonique lui paraissait se reproduire périodiquement et se lier à la hauteur du niveau des eaux qui remplissent les cavités de la grotte. M. Wolf annonçait des études sur les quantités de gaz dé¬ gagé, que son départ de Montpellier l’aforcé d’abandonner. Aprèsla visite au Boulidou et au cordon littoral, M. Régy, ingénieur en chef des ponts et chaussées, qui dirige les travaux d’assainissement du littoral, et M. Dellon, ingé¬ nieur ordinaire, son collaborateur, ont conduit la Société sur leurs chantiers, et ont gracieusement donné à ses membres toutes les explications orales qu’ils ont pu leur demander. Sur l’invitation du Président, M. Régy a bien voulu reproduire pour le Bulletin ses diverses communi¬ cations. Note sur les courants littoraux , la marche des sables , les atterris¬ sements , les allumons marines et fluviales, les deltas , les consti¬ tutions de la plage et les travaux d’ assainissement , par M. Régy. Les courants de surface engendrés par l’impulsion du vent sur la masse liquide, réfléchis par la côte abrupte ou par le plan incliné du fond, donnent lieu à un courant le long du lit¬ toral ; la tendance des eaux, relevées et soutenues le long du littoral par ces vents, à recouvrer leur état cl’équilibre, donne naissance à des courants sous-marins ou de fond dans des directions diverses. L’ondulation, en approchant des côtes dont le fond se relève, gênée et arrêtée dans son développement, change son mouvement d’osciliation en mouvement d’impul¬ sion horizontale et donne lieu à un courant réfléchi le long de 914 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, cette côte, et à un courant de retour le long de la vague défer¬ lée, dont les eaux, revenant à la mer, s’écoulent suivant le plan du talus du fond. Ces courants littoraux, observés en chaque point de la côte, sont variables de direction et d’intensité, suivant les vents, la direction des vagues et la courbure du rivage. Ajoutons qu’en vertu des lois hydrauliques, les courants, quelle que soit la cause qui les engendre, troublant l’équilibre des eaux, doivent avoir leurs courants contraires et régula¬ teurs, nous ne disons pas parallèles ou superposés, mais dans diverses directions et à des profondeurs différentes de la mer, suivant les lieux où on les observe. C’est ainsi que M. Le Bourguignon-Duperré, dans ses explo« rations des courants dans les parages de Cette, « a vu les eaux à diverses profondeurs entraînées dans des directions très-va¬ riables et même entièrement opposées. » C’est ainsi que les ouvriers, occupés à construire sous mer un mur de revêtement autour des fondations ruinées et compromises des musoirs du brise-lames, nous ont souvent averti des courants qu’ils trou¬ vaient en sens contraire à la surface et au fond ; que nous- même avons pu souvent constater, dans l’avant-port et à de faibles profondeurs, des courants de direction et de tempéra¬ ture différentes. - Instrument pour étudier les courants. — M. Régy décrit ensuite en quelques mots un instrument de son invention destiné à reconnaître l’intensité et la direction des courants marins à toute profondeur et par tous les temps. Marche des sables et atterrissements. — 11 donne quelques dé¬ veloppements touchant les causes principales de la marche des sables et des atterrissements dans le port de Cette, et rappelle h ce sujet l’opinion de M. Bernard, inspecteur général des ponts et chaussées, appelé en 1833 à donner son avis sur le port de Cette. « La vitesse du courant littoral, disait M. Bernard, n’est pas exactement connue, mais de nombreuses observations tendent à faire croire que son maximum est de 5 à 6 centimètres. Il est évidemment impossible, continue-t-il, qu’un pareil courant déplace la moindre parcelle de sable quand la mer est calme ; mais si la mer est fortement agitée, les vagues réagissent sur le fond, remuent les sables et les soulèvent ; cette action est d’autant plus grande que la profondeur d’eau est moindre ; elle DU II AU 20 OCTOBRE 1868. 915 est à son maximum près de la plage, où les lames viennent se briser. Lorsque les grains de sable ont une certaine grosseur, ils sont soulevés un instant, puis ils retombent pour être soule¬ vés de nouveau. Dès l’instant qu’ils ne portent plus sur le fond, ils sont entraînés avec une vitesse égale à celle du courant, mais ils s’arrêtent aussitôt qu’ils sont retombés; ils s’avancent ainsi par mouvements successifs et interrompus jusqu’à ce qu’ils soient arrivés à un point où la vague ne puisse les atteindre, et c’est là qu’ils se déposent et forment un atterrissement. Lors¬ que les grains de sable sont très-menus, ils sont pour ainsi dire mélangés avec le liquide ; ils sont maintenus en suspen¬ sion et ils marchent avec lui, quelle que soit la direction qu’il suive, tant que la mer est grosse. Si le calme se rétablit, ces parcelles tendent à se déposer, et elles descendent vers le fond avec une vitesse plus ou moins grande selon leur degré de ténuité. La durée de leur chute varie entre quelques secondes et plusieurs heures. Si l’eau était immobile et sans aucun cou¬ rant, chaque molécule tomberait verticalement. Mais si l’eau a un mouvement de translation, quelque faible qu’il soit, chaque parcelle. parcourt, avant Ge se déposer sur le fond, un chemin égal à celui que fait le courant pendant tout le temps qu’elle demeure en suspension ; il est donc incontestable que, pendant les grosses mers, les sables du rivage doivent arriver au port de Cette, dans la direction du nord-est au sud-ouest, avec une vitesse qui peut être de plusieurs kilomètres en vingt-quatre heures. » On ne saurait mieux expliquer, ajoute M. Régy, la marche des ensablements ; nous devons rappeler seulement que la marche des sables par mouvements successifs n’a lieu que sur le plan incliné du lit de la mer dans l’étendue de la zone des bas-fonds ; qu’au delà, les matières entraînées de ces bas-fonds vers le large sont des sables fins, légers, des vases que la moindre agitation produite par l’onde et les courants doit maintenir en suspension, qu’ils ne se déposent que sur une grande étendue, et qu’une fois déposés iis ne sont pas repris par la vague. Ainsi donc les ensablements sont très-faibles au delà de la zone des bas-fonds, mais considérables souvent par les tempêtes dans cette zone où les sables roulent et s’avancent par mouvements successifs, très-lentement, puisqu’ils sont alternativement abandonnés et charriés par le petit courant de üm 06 à 0m 07. Ils ne sauraient aller fort loin pendant une tempête, et, comme Grangent et Mercadier l’ont très-bien 916 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, prouvé, le moindre obstacle en travers sur la plage et dans la zone des bas-fonds, une digue, une rivière devraient les arrêter en tous états de la mer. Ainsi ferait la digue de Frontignan, et ces sables arrêtés, accumulés derrière, soulevés par la tour¬ mente et entraînés par le courant de la vague, que Grangent supposait le seul agent des atterrissements, seraient retroussés, repoussés le long de la jetée et rejetés à terre. Des courants aussi faibles que 0m 06 à 0m 07 seraient tout à fait incapables de les retenir et de les entraîner jusque dans l’avant-port et en aussi grande quantité. Les sables amenés dans le pcrt se sont élevés jusqu’à 10,000 et 15,000 mètres cubes par jour de tempête. Ils viennent des alentours, des bas-fonds, principale¬ ment de derrière la jetée de Frontignan, en roulant et coulant le long du talus sous-marin de la plage, sans s’élever beaucoup au-dessus du fond. Ceux qui arrivent à l’entrée du port, par des profondeurs de 5 à 7 mètres, mêlés aux eaux, légers et ve¬ nant de loin, traversent la rade sans se déposer en grande partie; les eaux à la sortie, par la passe Ouest, paraissent en être aussi chargées qu’à leur entrée, et la lame rejette aussi sur le môle Saint-Louis des sables, comme nous avons vu qu’elle en rejetait au large. L’importante question des alluvions au sein des mers, des deltas et des cordons littoraux amène M. Régy à présenter les considérations suivantes : Les alluvions sont d’origine marine, fluviale et terrestre. Alluvions marines , fluviales , deltas . — Les alluvions marines proviennent du lit de la mer, des bancs de sables et de roches sous-marines que la vague soulève, désagrège ou détruit, et livre aux courants littoraux qui les transportent. Les fouilles que nous avons faites à Cette à sec, pour le creu¬ sement d’une partie du canal maritime, nous ont fait connaître la formation de ce terrain que la mer a couvert. Nous en donnons la coupe géologique (PI. VIII, fig. 1). Nous avons trouvé d’abord une couche de sable semblable à celui de la plage, plus ou moins gros, plus ou moins vaseux, et à partir de 2 à 3 mètres des couches de sables vaseux, coquilliers, plus ou moins ag¬ glutinés, alternant avec des couches de formation récente de tuf ou plutôt une espèce de grès coquillier, formé de sables et de coquilles agrégés par un ciment argileux calcaire. Ces bancs sont extrêmement variables d’épaisseur et de dureté; ils ont depuis 0ra.05 et 0m, 10 jusqu’à 0m,20, 0m,30, 0M,40 et plus d’é¬ paisseur. Quelquefois ils passent de la consistance d’une couche 917 DU li AU 20 OCTOBRE 1868. compacte de sable et de vase, avec laquelle ils se confondent, à la dureté de la roche que l’on ne peut détruire qu’à la mine. Le regrettable M. Marcel de Serres était venu sur les lieux en faire une étude particulière, quelque temps avant sa mort. « Les coquilles de ces formations, dit-il, se rapportent à un petit nombre de genres, dont les plus abondants sont les Pectunculus, les Cardium, les Pecten et à peine quelques gastéropodes. On trouve ces mômes bancs de coquillages aussi étendus que puissants sur la côte de France et d’Algérie, avec cette différence, toutefois, que les coquilles de l’Algérie, étant complètement pétrifiées, ont une structure tout autre que celle qu’elles avaient dans leur état particulier de vie. « Le ciment qui les unit est à peu près uniquement formé de carbonate de chaux cristallin, tandis qu’il n!en est pas ainsi de celui qui réunit les sables, les marnes et les calcaires dans lesquels sont noyées les coquilles de notre époque. L’analyse prouve que ce dernier ciment a beaucoup d’analogie par ses qualités et ses propriétés physiques avec l’argile. « Les formations marines de Cette et de ses environs sont tout à fait semblables, dit M. Marcel de Serres, aux dépôts co- quilliers’ des temps géologiques. Leur uniformité ne peut guère nous surprendre, puisqu’elles dérivent des mômes causes et qu’elles sont produites par les mômes genres de matériaux. » Les sondages que nous avons faits sur le littoral, à l’est de Cette, nous ont accusé la même formation. Ce sont ces bancs de formation postdiluvienne ou ceux de formationantédiluvienne, composant, suivant les parages, le lit de la mer dans la zone des bas-fonds, qui fournissent les allu- 5 vions marines. Les sables que nous voyons sur la plage et que la mer y a re¬ jetés sont un composé des sables qui proviennent des deltas sous-marins, récents ou anciens, des rivières qui débouchent Il dans la mer, des débris de bancs désagrégés par la vague ou en décomposition au fond des eaux. Nous y trouvons quelque- fois des lamelles de ces roches de grès, dont nous avons parlé, i que les marins appellent féraillons , et que nous pouvons en quelque sorte surprendre sur la plage même, en voie de for¬ mation, en feuillets minces de sables agglutinés par un ciment calcaire. L’examen et l’analyse des sables de la plage et du port de Cette constatent encore des détritus de plantes et des débris de coquillages. Le calcaire s’y trouve dans les propor¬ tions de 30 à 33 sur 0m,70 à 0m,67 de silice. Les sels solubles, 918 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, les parties organiques et l’eau y figurent ensuite pour 10 à 15 p. 100. Sur îa plage se trouvent souvent des amas d’algues que la mer arrache sur les bancs peu éloignés du rivage. Les alluvions fluviales résultent des crues des rivières qui char¬ rient des sables et des limons dans leur cours jusqu’à leur embouchure. A leur entrée dans la mer, dans ce bassin indé¬ fini, elles s’étendent, se ralentissent dans leur cours, ren¬ contrent les eaux du courant littoral; il en résulte une dimi¬ nution de vitesse et des courants composés qui favorisent les dépôts aux alentours de l’embouchure de la rivière, comme nous l’avons vu. C’est ainsi que se sont formés, aux époques géologiques, ces deltas sous-marins, ces immenses amas de sables qui s’étendent à de grandes distances et dans toutes les directions. A ces époques, les rivières, puissantes par le volume et par le cours impétueux et torrentiel de leurs eaux, attaquaient les terrains dans lesquels elles se creusaient des lits profonds ou en détachaient de grands fragments de roches. Ce sont ces matières enlevées à ces terrains, entraînées, roulées et réduites à l’état de sables qu’elles ont projetées jusque dans les abîmes de la mer. Ce sont ces dépôts sous-marins que les vagues ordi¬ naires remuent, soulèvent et livrent aux courants sur les bords, et que les vagues exceptionnelles, dont nous avons parlé, atteignent quelquefois dans les grandes profondeurs et entraî¬ nent devant elles jusque dans la zone des bas-fonds. Ainsi le delta du Rhône, du Lez, de l’Hérault, des rivières des Cévennes et des Pyrénées, doivent former le long des côtes de grands amas de sables, M. Régy entretient en dernier lieu la Société des parties constitutives de la zone littorale : Constitution de la plage. Travaux d’ assainissement . — La zone littorale, qui a fait l’objet de nos études et de nos projets, s’é¬ tend de la rivière duVidourle, limite Est, à la rivière de l’Aude, limite Ouest du département de l’Hérault; elle a une longueur d’environ 95 kilomètres, une largeur très-variable, depuis 200 à 300 mètres, jusqu’à 6 à 7 kilomètres, et une superficie de 300 kilomètres carrés. Cette zone de plages, d’étangs et de marais, observée dans son ensemble et dans ses divisions plus ou moins distinctes et définies, présente à la vue : Le long de la mer, une plage ou langue de terre sablonneuse, irrégulière, inculte et aride, où l’on remarque quelques rares DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 919 plantations, des monticules de sable formant, par leur réunion, des lignes plus ou moins continues de petites dunes, et des canaux d’écoulement à la mer, plus ou moins ouverts, plus ou moins oblitérés. Dans la partie du littoral s’étendant du Vidourle à l’Hérault, une nappe d’eau à peu près continue, formant par ses rétré¬ cissements, à divers intervalles, des étangs distincts, d’étendue et d’aspect différents; dans la partie s’étendant de l’Hérault à l’Aude, des nappes d’eau séparées, étangs au milieu des terres. Dans ces étangs, sur leurs bords, et entre ces étangs et la terre cultivée, des eaux divisées, des îlots, des parties d'étangs et étangs marécageux, à plages à pentes douces, qu’on peut voir, les jours d’été, abandonnées par les eaux et couvertes de plantes et de mollusques gélatineux en putréfaction; des bas- fonds, des fossés et des canaux sans issues, à moitié desséchés, où se putréfient les matières organiques que les eaux salées ou douces y ont apportées; des marais stériles, quelques-uns cultivés, mais toujours des plus infects pendant les chaleurs. Tel est l’aspect de cette contrée méditerranéenne que la mer a occupée dans toute son étendue, et qu’elle a abandonnée par des mouvements de retraite des eaux, instantanés ou progres¬ sifs, rapides ou lents, pendant une période dont nous ne sau¬ rions assigner ni l’origine, ni la durée,. Elle n’est plus aujour¬ d’hui qu’un vaste lais de la mer, de sables, de terres salées, d’étangs et de marais que la mer envahit et abandonne encore, en partie, dans ses oscillations, par intervalles irréguliers ou périodiques. Cette zone de terrains de formation marine, où viennent faire irruption et se mêler les eaux salées et les eaux douces chargées de matières putrescibles, animales et végétales, est naturellement des plus insalubres. Elle est la source des miasmes délétères qui agissent avec une redoutable intensité sur l’état sanitaire des populations établies soit dans cette zone, soit dans le voisinage et jusqu’à d’assez grandes distances. Ces conditions d’insalubrité établies, M. ïtégy énumère suc¬ cinctement les divers travaux d’assainissement que, de concert avec M. l’ingénieur Dellon, il a conçus et propose au gouverne¬ ment de faire exécuter. Sur la plage : — Digues de défense contre l’envahissement de la mer et de séparation des deux domaines, maritime et terrestre; barrages à clapets mobiles pour l’écoulement des eaux. 920 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Sur les étangs : — Digues de retranchement et d’enceinte. — Graux. — Digues et ouvrages pour le règlement et l’écoulement des cours d’eau. Sur les marais : — Digues de division, en compartimenis, de l’ensemble du bassin —Rigoles.— Canaux collecteurs.— Ma¬ chines d'épuisement. Quelques développements sont ajoutés sur ces diverses opé¬ rations, qui, par leur caractère essentiellement technique, sortent du domaine naturel du Bulletin. Coupe géologique du terrain de la plage à Cette. DU 11 AD 20 OCTOBRE 1868. 921 M. le Président rend compte dePexcursion que la Société a faite, dans l’après-midi, en ces termes : Compte rendu de la course faite à Saint- Aunes, le Crès , la Pom- pignaneet Castelnau , par M. de Roimlle. Voir PI. VIII, fi g. I. La deuxième partie de la journée a été consacrée à l’étude de la mollasse exploitée aux environs de Montpellier, à Ven- dargues près Castries, à celle du terrain secondaire de la colline du Grès, à celle des sables marins supérieurs dévelop¬ pés au quartier dit la Pompignane sur la rive gauche du Lez, enfin au tuf quaternaire de Castelnau. Les sables supérieurs ont été creusés sur une grande étendue pour y établir la voie ferrée de Montpellier à Nîmes ; ils sup¬ portent sur certains points des témoins des assises lacustres qui ont été signalés dans la première course et qui occupaient une surface assez considérable aux environs de la station de Saint- Aunès, avant que les constructions les eussent complètement recouverts. C’est à cette station que la Société a mis pied à terre ; elle n’a pas tardé à rencontrer sur la route des monticules affec¬ tant une hauteur plus grande que celle qu’affectent les sables plus près de Montpellier ; c’est qu’ils présentent ici un revête¬ ment considérable de cailloux dequartzites rubigineux, qui ne sont autre chose que l’extension occidentale et la terminaison de la vaste nappe de cailloux bien connue sous le nom de Crau. Ces cailloux, généralement ellipsoïdaux, de différentes gros¬ seurs, sont constitués pour la plupart par un grès dur, ou quartzite plus ou moins grenu ; on y trouve mêlés des frag¬ ments de calcaires noirâtres, des silex blancs et des jaspes, et aussi quelques roches amphiboliques ; toutes ces roches sont étrangères au sous-sol qu’elles recouvrent. Les cailloux sont incohérents; leur forme varie; quelques-uns offrent des angles obtus et plusieurs faces polies qui rappelleraient plutôt les cailloux entraînés par les glaciers que des galets roulés dans les eaux courantes; un autre caractère tout particulier de ce dépôt caillouteux, et qui semblerait confirmer une interven¬ tion glaciaire, consiste en ce fait, que la position et la hauteur qu’affectent les cailloux en sont pas, comme c’est l’ordinaire, Soc. géol.y 2e série, tome XXV. 59 922 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, déterminés par leur volume ; les plus considérables d’entre eux occupent souvent les sommets des collines. Un autre fait a frappé la Société : c’est la présence parmi ces innombrables cailloux de quartzites, de cailloux blancs translucides de quartz, rappelant les quartz des filons dans les montagnes schisteuses du centre et du midi de la France. Ces quartz sont ici en infime minorité; mais ils augmentent rapi¬ dement de nombre et finissent par prédominer, les cailloux de quartzite disparaissant complètement, quand on se dirige vers l’ouest du département. Dès le plateau même de Montpellier, les quartzites ont cédé la place aux cailloux de quartz qui, sur une surface d’une grande étendue dans la partie méridionale du département, constituent un vaste manteau ; leurs carac¬ tères trahissent comme lieux de leur provenance les terrains schisteux paléozoïques de la montagne Noire. Saint-Aunès serait donc à peu près le point de rencontre de deux courants, dont l’un venant de l’O. apportait les maté¬ riaux des plus anciennes formations du département et l’autre entraînait les quartzites, dont on ne saurait chercher l’origine ailleurs que dans le massif des Alpes. Ce point de leur par¬ cours correspondait à une extrémité commune des deux cônes de déjection formés par chacun d’eux, bord extrême et mitoyen d’un double éventail de débris réduit à une très-faible épais¬ seur. La Société a pu constater de l’œil la bande infiniment mince et très-rapprochée de la mer que les dépôts forment sur les premières ondulations du terrain du littoral ; elle a dé¬ passé vers le N. cette limite, après avoir franchi la légère éminence qui sépare Saint-Aunès du bas-fond où circule la route de Montpellier à Sommières. De ce côté et dans cette direction, les sables marins finissent eux-mêmes, arrêtés par les terrains secondaires. Ces derniers forment une falaise très-accentuée vers Castries à l’E. et le Crès à l’O. ; entre deux le sol offre une surface déprimée, plate, unie, qui semblerait, par l’uniformité de son niveau et son horizontalité, exclure la multiplicité des éléments géognostiques ; cependant un examen minutieux ne tarde pas à découvrir à l’aide du marteau trois natures pétrographiques bien différentes : l’une terreuse, lâche, caractéristique du cal¬ caire moellon; la seconde compacte, à la couleur hrune, aux assises minces et très-réglées; la troisième, compacte comme la seconde, mais d’une couleur blanche et rosée, d’un aspect marmoréen et sous forme de couches massives peu distinctes DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 923 au contact des deux autres. Cette triple juxtaposition sans le moindre relief se retrouve en plusieurs points de l’Hérault et ne contribue pas peu à rendre difficile le diagnostic géologique, que la rareté relative des fossiles rend déjà souvent très- obscur. La mollasse exploitée en ce lieu même se trouve donc juxtapo¬ sée aux calcaires secondaires sans indice aucun de contact; la falaise a probablement été réduite à ce niveau par les dénuda¬ tions ultérieures; dans les conditions actuelles, la mer semble avoir recouvert de ses sédiments l’extrême bord de son littoral. Les carrières ont offert la pierre exploitée avec les caractères ordinaires delà mollasse du Midi; généralement grise, acciden¬ tellement colorée en bleu sur des portions irrégulières de sa surface, elle a fourni les débris d’un Schizaster et un grand nombre de débris de coquilles àpeine reconnaissables, parmi les¬ quelles les Pectens dominent ; la pierre s’exploite en cet endroit sous forme de dalles ; elle est connue des constructeurs sous le nom de pierre de Vendargues ; à quelques pas plus loin, à l’E., elle prend un grain plus fin qui la rend propre à servir de pierre de taille ; elle constitue alors la pierre de Castries, employée pour nos maisons de Montpellier. Une collection faite avec beaucoup de soin dans cette loca¬ lité par M. le docteur Delmas a permis à M. Paul Gervais de dresser la liste suivante des vertébrés de ces calcaires miocènes. Mammifères. — Phoca? Halitherium, Squalodon, Delphinus (Glyphidel- phis sulcatus, P. G.). Reptiles. — Grocodilus. Poissons. — Chrysophrys, Sargus incisivus, P. G., Phylladus, Myliobates micropleur us, arcuatus, Pristis, Squatina, Carcharodon megalodon, Hemipristis paucidens, serra, Galeocerdo aduncus, Onyrhyna hastalis, Xyphodon Desorii, Lamna elegans, dubia, P. G. Un crustacé . — Squilla Delmasi, P. G. Les genres et les espèces recueillis jusqu’à ce jour dans les marnes bleues de la même localité sont : 1° Mammifères. — Phoca? Delphinus (Glyphidelphis sulcatus, P. G.). 2° Poissons. — Ghrysophrys, Sargus incisivus, Sphyrcena? Myliobates ar¬ cuatus, Squatina, Carcharodon megalodon, Hemipristis serra, Galeocerdo aduncus, Onyrhina, Xyphodon, Notidanus primigenus, Otodus, Lamna elegans, Lamna dubia, Centrina, Scyllium (1). ;| (1) Acad, des Sc. et Lett.} Montp. Extrait des procès-verbaux. 186 3» Séance du 14 décembre. 924 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, La roche brune aux assises minces bien réglées qui supporte la mollasse a fourni, quelques pas plus loin, en grande abon¬ dance, la Terebratula peregrina , la même que nous avons ren¬ contrée à la Valette, et ici encore en relation, tout au moins de voisinage, avec la formation de calcaire marmoréen de couleur blanche et rosée à bancs épais, que nous avons signalée dans notre première course comme paraissant recouvrir les couches néocomiennes. On se rappelle les observations de M. Goquand ; M. Dieula- fait en a présenté d’analogues à propos du développement que prennent vers l’O. ces mêmes calcaires, dont les assises, plus nettement réglées dans leur prolongement qu’au point de leur contact avec la mollasse, constituent la colline du Crès ; quel¬ ques rares débris de Nérinées, de polypiers, de Bélemnites n’ont pas permis de trancher plus nettement la question en cet endroit; il s’agit toujours de déterminer la vraie position géognostique de ces calcaires, rangés jusqu’à nouvel ordre par les observateurs locaux dans l’oxfordien supérieur ou le co¬ rallien. On lira plus loin les observations de M. Dieulafait. Un chemin orienté du N. au S. a permis à la Société de redescendre la série des dépôts, le plongement général s’effec¬ tuant au N., et elle n’a pas tardé à changer d’horizon ; aux cal¬ caires blancs ont succédé d’autres calcaires, mais ceux-ci moins compactes, plus terreux, généralement bruns, alternant avec des couches marneuses qui ont présenté en grande abon¬ dance des empreintes du Chondrites scoparius , qui ont révélé la présence de l’horizon bien incontestable de l’oolithe inférieure ; quelques coups de marteau ont permis àM. Dieulafait de retrouver au-dessus de ces couches quelques traces des polypiers deRan- ville, et au-dessous des débris de Lima heleromorpha qui lui ont fait reconnaître le niveau de la couche dite la Molière en Nor¬ mandie; ces diverses assises forment au S. de la colline du Crès un relief assez prononcé, dirigé E. O., connu sous le nom des Mandroux et teinté uniformément sur la carte géologique des environs de Montpellier sous la couleur du bajocien de d’Orbigny. La Société s’est retrouvée, après quelques pas, en suivant la direction N. S., sur le littoral des sables de Montpellier, où elle avait abordé au commencement de la course à la station de Saint- Aunès. Ces sables, très-uniformes dans leur composition sur des épaisseurs plus ou moins considérables, sont l’objet DU 11 AU 20 OCTOBRE 1888. 925 d’explorations importantes sur la rive gauche du Lez, dans le quartier dit la Pompignane ; c’est là qu’est située la campagne de M. Saint-Pierre, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier, qui a bien voulu, avec une grâce parfaite, offrir à la Société une luxueuse collation ; la salle des rafraî¬ chissements, qui n’était autre que le toit d’une carrière riche en ossements, les divers crus au bouquet généreux servis en abondance et qui témoignaient de la fertilité des sables, l’atten¬ tion délicate de l’amphitryon qui avait eu soin de recueillir de nombreux débris organiques dans le lieu même de la réunion, sa cordiale hospitalité, tout concourait à donner à cette halte, après la fatigue de la journée, un caractère d’heureuse conci¬ liation entre les satisfactions du corps et celles de l’esprit et du cœur. Parmi les débris de grands vertébrés exposés par M. Saint- Pierre, MM. Alb. Gaudry et Pomel ont reconnu des os de Rhi¬ nocéros megarhinus et de Mastodon hremrostris , P. G.; quelques traces de débris humains ont été rencontrées dans les portions remaniées de la carrière. Ces sables, dits sables supérieurs de Montpellier , ont fourni à M. Paul Gervais la liste suivante des vertébrés fossiles : MAMMIFÈRES TERRESTRES (géothériens). Mastodon brevirostris, Gerv. Rhinocéros megarhinus, de Christol. Tapiras arvernensis, Croizet et Jobert. Sus provinciaiis, Gerv. Cervus australis, M. de S. Tolozani, de Christol. Cauvieri. id. Cordieri. Id. Ursus minutus, Gerv. Felis maritimus, de Christol. Christolii, Gerv. Felis. Hyæna. M. de Christol cite un Pithecus maritimus dans les sables marins. M. Gervais y cite encore des reptiles, et parmi eux des Testudo , Emys Trionyx (T. œgyptiaca ? Chelonia ? ) Parmi les mollusques une espèce d’Huître, O. undata, Goldf. est essentiellement caractéristique de cette formation ; elle y MAMMIFÈRES MARINS (thalassothériens). Phoca occitana, Gerv. Haplocetus curvidens, Gerv. Halitherium serresia, Gerv. Delphinus. Physeter antiquus, Gerv. Rorqualus. 926 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, forme à diverses hauteurs des bancs d’une épaisseur variable ; on trouve encore dans les sables du quartier Saint-Jaume, non loin de l’octroi de Montpellier, un Cerithium que Marcel de Serres a nommé C. Basteroti et des Auricules parmi lesquelles le A. myotis (Brocchi). Les animaux trouvés dans la portion fluviatile supérieure des sables de Montpellier sont, d’après M. Gervais : Semnopithecus monspessulanus. Felis. Hyæna. Mus. Lepus. Castor sigmo- dus, Gerv. Cervus australis, M. de S. Machairodus, Gerv. Antilope Cor- |£dieri, de Christol. M. Gervais a reconnu encore les débris d’un oiseau qu’il rap¬ porte au genre Falco. Marcel de Serres, dans un mémoire sur les terrains de trans¬ port et tertiaires mis à découvert lors des fondations du palais de justice à Montpellier (1), cite les mollusques suivants : Hélix quadrifasciata, M. de S., Iî. seriensis, M. de S., Auricula dentata, A. myotis, A. limbata, A. acuta, A. myosotis, affinis, M. de S. — Bulimus IL sinistrorsus, M. de S., Casichium, Truncatella littoralis, Risso, Paludina angulifera, P. impura, P. affinis, P. elongata, P. conica, M. de S., Pla- norbis verticilloides, PI. striatus, M. de S., Cyclostoma elegans, affinis? M. de S., Pavonacella unguiformis, Gerv., Testa cella bruntoniana,M. de S. Cerithium gemmulalum, C. Basteroti, M. de S. Les sables de la Pompignane supportent, près du village de Castelnau, un dépôt considérable de tuf qui a de tout temps provoqué l’attention et l’étude des géologues du pays. Dès 1818, Marcel de Serres, dans un mémoire inséré dans le Journal de Physique, t. LXXXYII, p. 127 et suivantes, distinguait quatre formations lacustres dont la supérieure répondait au dé¬ pôt de tuf du bord du Lez à Castelnau ; de là le nom de calcaire lacustre supérieur que notre prédécesseur donnait à cette for¬ mation de travertin, laquelle a malheureusement été maintenue et comprise dans les couches tertiaires par les auteurs qui font autorité en matière géologique (2). Tout récemment les tufs des environs de Montpellier ont été l’objet d’une étude paléontologique spéciale de la part de (1) Acad, de Montpellier, 1849, p. 22. (2) D’Archiac. Géologie et Paléontologie , p. 649, 1866. Raulin. Géologie de la France, 1868. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 927 M. Gustave Planchon, aujourd’hui professeur à l’École de phar¬ macie de Paris (1). M. de Saporta a bien voulu sur les lieux mêmes énumérer les principaux traits caractéristiques de cette flore quaternaire et les rapprocher de ceux qu’il a mis lui même en relief dans son étude des tufs de la Provence ; ses conclusions sont les mêmes que celles de M- G. Planchon : « 11 paraît, dit-il, établi, conformément aux conclusions de M. Gustave Planchon, que la vigne et le figuier ont été autrefois représentés dans le pays par des races indigènes et spontanées, confondues depuis avec les variétés cultivées, introduites par l’homme à l’âge histo¬ rique. Il est probable que le noyer doit être rangé dans la même catégorie. » Voici la liste des plantes reconnues par M. Planchon dans les tufs des environs de Montpellier; nous renvoyons pour les détails et les déductions qui en dérivent à la lecture de son ouvrage et à la communication sur les tufs de la Provence faite par M. de Saporta au congrès d’Aix (2). FOSSILES DES TUFS. 1. Fossiles animaux. Espèces d'eau douce. — Lymnæus ovatus; L.curvus; L. palustris; L. minu- tus; Hiccinea amphibia; Planorbis carinatus, P. marginatus; Bithynia impura; Nenta fluviatilis; Gyclas fontenalis ; Unio pictorum. Espèces terrestres. — Cyclostoma elegans; Bulimus acutus, B. lubricus, B. decollatus; Hélix variabilis, H. rhodostoma, H. nemoralis, H. vermicu- lata, H. ericetorurn, H. cespitum, H. cinctella, H. limbata, H. striata, H. obvoluta, H. lucida, H. nitida, H. rotunda. M. de Serres signale quelques empreintes indéterminables d’insectes aptères. Il faut ajouter une Phryganide du genre Rhyacophila , R. toficola , Gerv. 2. Fossiles végétaux. Clematis veritalba. L. Gasconnet, Castelnau. Acer monspessulanum. L. Gasconnet, Castelnau. opulifolium. L . id. id. var. neapolitanum ; id. id. Vitis vinifera. L. id. id. Ilex aquifolium. L. id. id. Tubus discolor,Weihe et Nees. id. id. Montpellier. (1) Etude des Tufs de Montpellier. G. Planchon, 1864. (2) Congrès scientifique de France, 33e session, t. 1er, p. 257. 928 REUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Cotoneaster pyracantha. Pers. Méric. Hedera Hélix. L. Castelnau, Montplaisir, Martinet, Gasconnes Cornus sanguinea. L. Castelnau, Gasconnet. Viburnum tinus. L. id. id. Rubia peregrina. I. y angustifolia. Gr. et God., Gasconnet. Fraxinus excelsior. L, Castelnau, Gasconnet. ornus. Z. id. id. Phillirea media. L. id. id. angustifolia. L. id. id. Laurus nobilis. L. Gasconnet, Castelnau. Buxus sempervirens. L . id. id. Ficus carica. I. id. id. Ulmus campestris. Smith, id. id. Quercus sessiliflora. id. id. id. ilex. L. id. Salix cinerea. I. id. id. Alnus glutinosa, Gœrtn. id. Montferrier. ? Pinus Laricio — Poir an pinus Salzmanni, Dun? Castelnau, Gasconnet. Smilax aspera. L. Castelnau, Gasconnet. Typha angustifolia. L. Gasconnet, Fontconverse, Montfessier, Clapiés. Pteris aquilina. L. Gasconnet. Scoiopendrium officinale. Sm., Gasconnet. Fegalella conica Carca. Gasconnet. M. Planchon, professeur à la Faculté de médecine de Mont* pellier, rappelle en quelques mots la manière dont son frère a été amené à reconnaître « que les tubes serpuliformes qui ca¬ ractérisent certains blocs de tufs et qu’on a pris quelquefois pour des moules de racines, ne sont autre chose que les abris incrustés d’une larve de jRhyacophila que son frère a dénommée Rhyacophila toficola. » (6e conclusion de sa thèse, p. 65.) A la suite de ce compte rendu, M. Dieulafait présente les considérations suivantes relativement aux roches de la Valette et du Grès : La grande question qu’il s’agissait surtout d’examiner dans la course d’aujourd’hui est celle de la position à laquelle il faut rapporter ces masses de calcaires blancs cristallins, s’é¬ tendant particulièrement sur le territoire de la commune de Castelnau, et qui, jusqu’ici, ont été considérés comme dépen¬ dant de l’oxfordien et du corallien. Pour la partie inférieure il ne peut y avoir de doute; les ossi.les, particulièrement les Ammonites, rencontrés dans ces DU li AU 20 OCTOBRE 1868. 929 calcaires, bien qu’en nombre assez faible, sont parfaitement concluants ; cette division appartient à l’oxfordien. Les choses sont moins claires pour la partie supérieure. L’exploration que nous en avons faite, combinée avec l’examen des fossiles recueillis par notre Président, nous conduit préci¬ sément à poser ces deux questions : 1° L’étage corallien existe-t-il dans les environs de Mont¬ pellier? 2° Dans le cas où il y existe, comprend-il la totalité des cal¬ caires blancs supérieurs à l’oxfordien? D’abord, il importe de bien préciser les faits. Je prends ici le mot corallien avec l’acception qu’on lui a donnée jusqu’ici en France, c’est-à-dire que j’en sépare complètement tout ce qu’on appelle kimméridgien et portlandien ou leurs équiva¬ lents, bien entendu. J’établis ces points afin d’être aussi clair que possible et nullement pour défendre l’autonomie de l’étage corallien. J’apporterai, du reste, très-prochainement à la ques¬ tion de la Terebratula diphya un contingent de faits nouveaux qui montreront bien que, si j’établis la distinction dont il vient d’être question, j’ai pour cela d’excellentes raisons. Ceci posé, voici les résultats constatés par la Société en ce qui touche les calcaires blancs supérieurs à l’oxfordien des en¬ virons de Montpellier. Ces calcaires ne sont pas absolument privés de restes orga¬ niques ; nous en avons rencontré aujourd’hui à diverses repri¬ ses et à différents niveaux dans leurs assises, mais ils étaient si incomplets et si mal conservés, qu’il a été impossible d’as¬ seoir sur leur examen un jugement motivé. Notre Président a trouvé dans ces calcaires un certain nom¬ bre de fossiles, et en particulier des coquilles contournées, res¬ semblant beaucoup à des Dicérates; mais ces coquilles me pa¬ raissent différer notablement du Diceras arietina du corallien; c’est aussi l’opinion de plusieurs de nos savants confrères dont la grande autorité en ces délicates matières est depuis longtemps parfaitement établie. Maintenant, on trouve dans des assises qui paraissent plonger sous ces mêmes calcaires un nombre considérable de grosses Rhynchonelles, dont plusieurs exemplaires parfaitement con¬ servés nous ont été soumis, et que tous les membres présents ont été d’accord avec M. de Rouville à reconnaître pour la R. peregrina . Or, la station de la R. peregrina est dans le néocomien. 930 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Nous savons que cette station a été contestée, mais sans preuves suffisantes. D’un autre côté, notre savant confrère, M. Émilien Dumas, dont l’autorité est si grande, m'autorise à déclarer qu’il a rencontré cette espèce à Châtillon avec de nombreuses Ammonites néocomiennes. Je m’empresse de dé¬ clarer, du reste, qu’en ce qui me concerne, je ne serais nulle¬ ment étonné qu’on trouvât une même espèce dans le corallien et dans le néocomien. Dans tous les cas, le seul point acquis aujourd’hui à la question, c’est que ces calcaires renferment un genr e(Diceras) qui n’a pas été signalé jusqu’ici en dehors du corallien, mais i paraît appartenir à une espèce différente de celle que renferme ordinairement cet étage. 2° S’il était certain que la R. peregrina fût bien cantonnée dans le néocomien, il deviendrait évident qu’une partie au moins des calcaires blancs des environs de Montpellier se rap¬ porterait à cet étage ; malheureusement, comme nous l’avons vu, il n’en est pas ainsi. Toutefois, en considérant l’ensemble des caractères présentés par la partie supérieure de ces cal¬ caires, je les rapporterais volontiers à la division moyenne du néocomien, ou calcaire à Chamaammonia. Mais ce n’est là qu’une impression produite par plusieurs indices (texture de la pierre, débris de polypiers, de bryozoaires, d’oursins, fragments d’Huîtres, etc.), méritant certainement d’être remarqués, mais qui ne peuvent suffire à établir la vérité de l’opinion que je viens d’émettre. En se dirigeant du côté des Mandroux, la Société a descendu ces calcaires, a rencontré les assises oxfordiennes et, au-dessous de celles-ci, des calcaires gris foncé, les uns marneux, les autres compactes et remplis de rognons en silex. Quelques fossiles, et en particulier des empreintes assez nombreuses de Chondrites scoparius , mettent, sansqu’ily ait à hésiter, ces cal¬ caires sur l’horizon de l’oolithe inférieure, ainsi qu’ils sont marqués sur la carte des environs de Montpellier, de notre Président. Au-dessous d’eux, on rencontre, dans les ravins et près de la limite inférieure des parties observables, un calcaire presque noir en bancs assez épais et complètement rempli d’articles d’Encrines. Il se rapporte probablement à l’horizon de la Lima heteromorpha . DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 931 M. Belgrand complète par les observations suivantes les détails donnés sur le tuf de Castelnau. Ce dépôt occupe aujourd’hui le sommet et le revers d’un coteau qui longe une petite vallée ouverte dans le sable de Montpellier. Il a été certainement produit par une ou plusieurs sources incrustantes, dont les eaux contenaient plus de 20 centigrammes de carbonate de chaux par litre, analogues à celles qu’on trouve encore dans un grand nombre de localités, notamment dans les montagnes jurassiques de la Bourgogne. Mais aujourd’hui les sources de Castelnau n’existent plus ; elles sont complètement taries, et j’ajouterai que dans les con¬ ditions météorologiques du climat actuel de la France, il est impossible qu’une source jaillisse au sommet du dépôt de tuf que nous avons visité ce soir. J’ai constaté par de nombreuses observations que dans les vallées entièrement perméables, comme celles dont il s’agit, on ne voit jamais de sources sur le flanc ou au sommet d’un coteau; les sources dans ces con¬ ditions sont toujours confinées au fond des vallées et à une petite hauteur au-dessus du thalweg. Il arrive même, lorsque les vallées sont courtes et débouchent dans une dépression plus profonde, qu’elles sont entièrement dépourvues d’eau courante. C’est ce qui arrive à Castelnau ; la Lez draine com¬ plètement cette localité, et on ne voit aucune source dans la petite vallée, pas plus sur le thalweg qu'à flanc de coteau. Mais j’ai constaté également qu’à l’époque quaternaire les pluies étaient tellement abondantes que les terrains les plus perméables laissaient ruisseler les eaux pluviales à leur sur¬ face, et que des sources coulaient à flancs de coteau. Les cours d’eau étaient incomparablement plus grands que nos rivières modernes. Nous en avons aujourd’hui un exemple bien frappant pour ainsi dire sous les yeux ; le Rhône et ses affluents, nous l’avons vu ce matin, dans notre excursion à Cette, n’amè¬ nent plus à leur embouchure que du limon et du sable; ils en¬ traînaient alors les énormes cailloux qui forment les plaines de la Crau et de Montpellier. A cette époque, il a donc pu exister une source au sommet du dépôt de tuf que nous avons exploré, ce qui confirme l’opinion émise par M. de Saporta, que ce tuf appartient à l’époque quaternaire, car je viens de démontrer qu’il n’a pu être déposé dans les temps modernes, et il est évi¬ demment moins vieux que les sables de Montpellier. 932 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Sur l’invitation de M. le Président, M. Matheron rend compte d’une course qu’il a faite dans le bassin lacustre de Montpellier, tandis que les autres membres de la Société visitaient les bords de la mer et les environs de Castelnau. M. Matheron prie la Société de lui pardonner de s’être séparé d’elle dans cette journée. Il espère que l’intérêt tout particulier que la visite des couches lacustres de la vallée de Teyran offrait, au point de vue des recherches spéciales aux¬ quelles il se livre depuis plusieurs années, lui servira d’excuse. Il rend un hommage public à l’exactitude des masses indiquées sur la carte géologique de M. de Rouville, et dit que, grâce à cette carte, il a pu en moins d’une journée entière visiter avec fruit un grand nombre de points. Ce qu’il a vu dans sa course n’infirme en rien les conclusions de sa note du mois de mai dernier ni ce qu’il a dit dans la séance d’hier, au sujet du bas¬ sin lacustre de Montpellier en général et des couches de Grabels en particulier. 11 a visité toute la vallée dans laquelle se trouvent les villages de Clapiers, Jacou et Teyran. Le temps lui a manqué pour se rendre compte de la position qu’il convient d’assigner aux couches de marnes plus ou moins rutilantes qui existent sur le bord sud de la vallée, et aux¬ quelles sont associées des couches de grès et de poudingues polygéniques. Son attention s’est surtout portée sur les marnes et les cal¬ caires qui occupent la vallée de Teyran. Tous les calcaires de cette vallée sont analogues aux calcaires blancs du bas-fond de Valmaillargues et de la base du coteau de Grabels, et comme eux caractérisés par le Bulimus Hopei. Il a acquis la conviction qu’il n’y avait pas, dans toute cette vallée, un seul lambeau de couches paléothériennes analogues à celles de Saint-Gely. Il a examiné en passant à Viviers les deux descenderies abandon¬ nées, ouvertes dans le temps pour faire une tentative d’exploi¬ tation de lignite, et a cru reconnaître par l’examen des lieux que les couches dans lesquelles ont été faites ces tentatives sont sur l’horizon des lignites de la Caunette, c’est-à-dire qu’elles sont bien plus anciennes que les gypses parisiens, les lignites delaDébruge, près d’Apt, les lignites des environs de Barjac et les couches paléothériennes de Saint-Gely. Il suit de là qu’il y aurait deux niveaux de cette nature de combustible dans le bassin de Montpellier. M. Matheron ajoute qu’il s’est rendu de la vallée de Teyran dans celle d’Assas en traversant le promontoire néocomien qui DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 933 sépare ces deux vallées, et qui expire aux environs de Viviers; il a retrouvé, dit-il, au sud d’Assas, les calcaires blanchâtres de Teyran et de Valmaillargues, et s’est trouvé en présence, à Assas même, avec des couches puissantes de grès et de pou- dingues qui recouvrent les calcaires précités, et qui sont à leur tour recouvertes par de nouvelles assises lacustres qui lui ont paru les analogues manifestes des calcaires de Pondres, près de Sommières. La question qui reste à résoudre est de savoir à quel horizon appartiennent les couches détritiques d’Assas ; de leur horizon dépend, en eflet, celui des calcaires lacustres qui leur succèdent dans la série. Le temps a manqué à M. Matheron pour poursuivre la coupe en avançant vers Saint-Vincent. M. Matheron termine sa communication en répétant ce qu’il a dit la veille, au sujet de la complexité du bassin lacustre de Montpellier. M. Beaudouin fait une communication sur des opercules de Neritopsis (1). La séance est levée. Séance du 15 octobre 1868. La séance est ouverte à 8 heures du soir, dans un des salons de l'hôtel de ville, sous la présidence de M. de Rouville. M. P. Mares, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté. M. le Président, après avoir remercié l'autorité munici¬ pale de Phospitalité qu'elle donne à la Société dans la salle de l'hôtel de ville, annonce deux présentations. Il rend ensuite compte dans les termes suivants de la course faite pendant la journée de la veille. (1) Voir cette communication, Bull., t. XXVI, séance du 9 nov. 1868, p. 182. 934 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Compte-rendu de la course de Vallemagne , par M. de Rou ville» Voir PI. VIII, fi g. 2. Partie à 7 heures du matin en voiture, la Société n’a pu re¬ connaître les sables marins, le calcaire moellon et les marnes bleues que la route de Montpellier à Montbazin traverse suc¬ cessivement; c’est à la limite des dépôts marins tertiaires et du terrain jurassique que la Société a mis un moment pied à terre pour reconnaître ce contact. Les marnes bleues, supportant àMontbazin, comme partout, les marnes jaunes, viennent buter contre les calcaires oxfor- diens, au moment où la route gravit les hauteurs qui séparent la plaine de Gigean du bassin de Villeveyrac; les marnes jaunes se durcissent légèrement près du terrain secondaire; des bancs d’Huîtres [O. crassissima) de grande taille attestent par leur développement, comme les roches jurassiques par leur état de désagrégation, leurs formes grossièrement arron¬ dies et leur état de perforation, la présence d’une falaise, et la production en ce lieu de tous les phénomènes qui s’observent sur le littoral de nos mers actuelles. Le massif jurassique traversé par la route est composé de calcaires gris marneux, quelques-uns très-compactes, un grand nombre passés à l’état de dolomies caverneuses, dont quel¬ ques-unes très-friables et décomposées en sable ; il forme ici, comme à Montpellier, au Crès et à Grabels, la falaise nord des sédiments marins de l’époque tertiaire, et limite du côté du sud les formations lacustres dont l’étude devait faire l’objet de la course de ce jour. Arrivée au col, à la limite des deux bassins, la Société a pu juger de la différence très-frappante du vaste horizon lacustre, qui se développait sous ses yeux, avec la plaine marine qu’elle venait de traverser. Villeveyrac est au centre d’un bassin tra¬ hissant son origine lacustre par la diversité des couleurs et la nature variée des sédiments qui l’ont comblé ; ces dépôts con¬ stituent des gradins successifs s’étageant les uns sur les autres, s’appuyant par leur base aux contre-forts jurassiques, et pré¬ sentant par cette disposition une coupe aussi variée que facile à saisir; moins net et moins aisé à établir devait être leur syn¬ chronisme. Une tranchée effectuée dans le massif oxfordien, pour le DU il AU 20 OCTOBRE 1868. 935 chemin de fer de Montpellier à Paulhan, a mis à jour, sur une largeur de cent mètres, un épanchement de matière sidérolithi- que, rappelant tout à fait par son faciès, sinon aussi complè¬ tement par sa composition, le minerai appelé bauxite, que l’extraction de l’aluminium a rendu célèbre dans ces derniers temps. Le fer à l’état pisolithique s’y trouve empâté dans une argile, elle-même très-ferrugineuse, qui remplit de vastes fis¬ sures et souvent jusqu’aux plus petits interstices de la roche oxfordienne. Les circonstances du gisement retracent une origine érup¬ tive, et présentent comme le type des phénomènes appelés geysériens par Dumont, et sur lesquels M. d’Omalius d’Hal- loy a appelé si souvent l’attention des géologues ; celte éruption s’est faite dans le département de l’Hérault sur un très-grand nombre de points; les environs de Bédarieux la présentent au milieu de la dolomie de l’oolithe sur une très- vaste échelle. Elle se retrouve près de Montpellier, à Villeneuve, sur la route de Cette; on l’observe encore entre Creissels et Quarante, dans l’arrondissement de Béziers; elle se présente partout avec les mêmes caractères pétrographiques et dans les mêmes rapports stratigraphiques, le plus souvent au contact de deux formations d’âge très-différents, sorte de production aquoso-thermale, favorisée pour sa sortie par les failles et les dislocations. La tranchée de Villeveyrac, où ce phénomène s’est présenté avec une aussi grande netteté, se termine, à sa partie occiden¬ tale, par des assises régulièrement stratifiées de calcaires et de marnes, lesquelles constituent le commencement d’un dépôt lacustre très-considérable, qui se développe vers Saint-Par- goire; l’argile ferrugineuse geysérienne a été reprise par les eaux qui ont déposé ces sédiments, et stratifiée à l’égal des autres assises et incluse ainsi dans les couches de cette for¬ mation lacustre. L’attention de la Société devait se porter plus exclusivement sur la série des étages superposés qu’elle avait aperçus de Vil¬ leveyrac et négliger ces dépôts dont la tranchée de Cantagals présentait les premières strates. Une coupe faite, en 1862, par MM. Matheron, Gazalis de Fon- douce et nous-mêmes dans la direction du N. E. au S. O., a permis de reconnaître la série d’assises suivantes que je me borne à extraire du mémoire de notre confrère M. Matheron sur les dépôts fluvio-lacustres tertiaires, 1862. 936 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, La coupe ci-dessous permettra de suivre l’énumération qui se fera dans l’ordre ascendant. Je me borne à rappeler les couches, renvoyant pour les détails au texte de M. Matheron. G. — Dépôt sidérolithique. F. — Grès et argiles de Roquemale, marnes et grès de couleur grisâtre ou jaunâtre à la base. Argiles bigarrées, marnes et. grès en couches nombreuses et mul¬ ticolores. Quelques minces couches de calcaire noduleuxavec Hélix , nov. spec. Physa doliolum , Math. Argiles rouges, bigarrées en lie de vin avec gypse laminaire dissé¬ miné et grès. E. — Calcaire de Yilleveyrac et de Fondouce en couches nombreuses. D. — Marnes jaunâtres ou violacées en couches nombreuses. Grès assez compacte avec Unio Cazalisi. Alternats de couches nombreuses de grès et de marne sableuse de couleur grise ou jaunâtre. (Ces trais derniers termes composent le groupe des grès de Mar- couine, du nom d’une ferme voisine de Fondouce.) C. — Calcaire du Puy-d’ Argent et des Dentelles en couches puissantes avec Hélix, nov. spec. Cyclostoma Baylei, Math., Cyclostoma Lundi , Math , Cyclostoma bulimoides , Math. J53. — Marnes argileuses rouges, poudingues pisolithiques rosés. B2. — Calcaires de la garrigue de Yallemagne. B1. — Calcaire marneux et calcaire compacte en couches peu nombreuses et peu développées avec une Paludine de grande taille qui paraît nouvelle. Marnes jaunâtres. Calcaire marneux et calcaire plus ou moins compacte du Mas de Novi. Marnes jaunâtres et poudingues. C’est à cette dernière assise que s’est arrêtée la coupe faite en 1862. Si l’on poursuit à l’ouest, on recoupe les couches suivantes, disposées en conformité les unes avec les autres, mais en discor¬ dance très-sensible par rapport aux couches repliées en ber¬ ceau du Mas de Novi. A. — Assises de calcaire marneux blanchâtre exploité à PO. de Marcouine, accompagnées de marnes blanches, jaunes, un peu rosées en cer¬ tains endroits. Marnes panachées et marnes rouges alternant avec des poudingues et des sables panachés. Marnes jaunes avec calcaires et blocs roulés. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 937 Plus à l’ouest, du côté de Saint-Pons, la mollasse à grandes Huîtres repose en stratification discordante sur les assises de marnes à gros blocs calcaires. Comme nous le disions, le travail de l’analyse était simple, la coupe était nette ; une simple promenade attentive permettait de saisir chacun des feuillets de ce chapitre de l’histoire de ces formations lacustres; mais cette histoire, il s’agissait de la lire, de l’embrasser dans son ensemble; séparé du livre complet, ce chapitre ne pouvait avoir aucun sens; aussi n’avait-il pas été compris des observateurs locaux qui s’étaient bornés à déchif¬ frer ces pages sans connaître le contexte ; c’est du contexte que la lumière devait jaillir et qu’elle a, en effet, jailli. Les phéno¬ mènes lacustres ont eu leur maximum de développement et comme leur épanouissement en Provence; or, les couches de Villeveyrac isolées, perdues dans le département de l’Hérault, n’étaient qu’une phase de ces grands phénomènes sédimen- taires; il n’était possible d’en saisir la véritable place, qu’à la condition de connaître l’ensemble dont elles font partie. M. Matheron, mettant à profit l’avantage tout exceptionnel de posséder dans sa région naturelle la collection à peu près com¬ plète et presque unique des archives de cette histoire si im¬ portante pour notre Midi, n’a pas eu de peine à rendre à ces terrains leur vrai synchronisme. De son côté M. Leymerie, ainsi qu’on l’a vu dans son mé¬ moire sur le terrain garumnien, a été amené à retrouver la date de ces mêmes dépôts en poursuivant dans son prolonge¬ ment oriental le groupe d’Alet que M. d’Àrchiac avait déjà si nettement détaché des couches recouvrantes à Alet, près de Limoux (Aude) ; l’Aude, comme la Provence, offrait donc des termes de la série dont l’absence à Villeveyrac constituait dans cette partie de l’Hérault une lacune regrettable; ainsi éclairée finalement de l’ouest et de l’est, l’obscurité devait dis¬ paraître; le système de couches rutilantes, qui se développe au- dessus de l’abbaye de Vallemagne, n’est que la suite orientale des argiles à lignites et des argiles bigarrées avec Ostrea et Cy- rènes de l’Aude, comme il continue à l’ouest les argiles ferru¬ gineuses de Vitrolles et du Cengle, de la Provence. Un seul point reste en litige. Faut-il rattacher au système ru¬ tilant les couches si pittoresques qui forment les dentelles près de l’abbaye? Cette question a été débattue par MM. Matheron et Leymerie, qui, n’étant pas du même avis, ont présenté tour Soc. géol., 2° série, tome XXV. 60 938 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, à tour sur les lieux mêmes les considérations qui suivront ce compte rendu. La pl. VIII, fîg. 2, donne à connaître les termes du problème. Après cette discussion, la Société s’est mise en route pour Pézenas ; cette dernière partie de la course n’a été l’objet d’aucune constatation; la route effectuée en voiture est tout entière tracée dans les marnes bleues; la colline deMarennes, entre Montagnac et Pézenas, est remarquable par la coupe na¬ turelle qu’elle présente et les dimensions générales des Huîtres, qui y forment des bancs à diverses hauteurs La Société, après avoir observé ce gisement et recueilli un grand nombre d’é¬ chantillons de ces grandes Huîtres, est arrivée à Pézenas à la nuit tombante. Avant de céder la parole à M. Jaubert, le Président rappelle à la Société, avec un juste sentiment de gratitude, la réception tout ensemble si luxueuse et si cordiale dont elle a été l’objet, de la part de M. le marquis de Turenne, propriétaire de l’abbaye de Vallemagne. M. de Turenne, après une splendide collation offerte aux membres de la Société, les a guidés au milieu des vastes attenances de l’abbaye et du cloître, à la restauration duquel il n’a pas craint de consacrer des sommes consi¬ dérables. M. Jaubert demande à ajouter ici quelques mots. Le gise¬ ment de bauxite de Cantegals est semblable à celui où ce minerai est exploité pour l’usine de Salindres, à Cabasse (entre Soliès et Toucas, dép. du Var). La roche encaissante est jurassique; elle a un caractère oolithique bien déter¬ miné, et M. Jaubert a reconnu que c’était la même roche que dans le Var, soit par ses caractères pétrographiques, soit par la présence d’un petit Pecten (P. Silenus, d’Orb.). Il est fort probable que la bauxite a été injectée dans la roche de bas en haut, mais à une époque qu’il est fort diffi¬ cile de déterminer exactement. M. Coquand constate que les bauxites, qui se trouvent en effet d’ordinaire dans l’oolithe inférieure, se montrent aussi à divers étages, comme dans l’urgonien et le provencien. Quelle est leur origine? Sont-elles éruptives comme les basaltes ? sont-elles contemporaines des terrains qui les DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 939 renferment ou leur sont-elles postérieures? Pour lui elles sont contemporaines. Des sources thermales minérales ve¬ naient mêler leurs dépôts aux produits que la mer dépo¬ sait, et l’on trouve, en effet, dans la masse même de la roche de Cantegals, dont le grain est très-serré et qui est bien de l’oolithe inférieure, de la bauxite, insinuée de la façon la plus intime. De plus, la bauxite affecte ici, sur une grande partie, le caractère oolithique de la roche encais¬ sante. M. Leymerie est bien de l’avis de M. Coquand sur la for¬ mation de ces aluminates de fer par des eaux thermales ferrugineuses, mais il croit que leur apparition n’a eu lieu que longtemps après le dépôt du calcaire et à travers une fracture de cette roche indiquée par des dislocations qu’il a très-bien observées. M. Coquand demande comment il se fait alors qu’à Châ- tilion-sur-Seine, par exemple, le minerai remplisse les Ammonites et les convertisse en oolithe ferrugineuse. M. de Rouville est de l’avis de M. Leymerie. Il admet deux modes de dépôt pour le fer : l’un, éruptif, geysérien, dont la bauxite serait le type; l’autre, sédimentaire, contempo¬ rain des couches qui l’enveloppent, dont le minerai de la Voulte offre un exemple dans le Midi. M. Matheron pense que tout l’ensemble de marnes, de calcaires et de grès lacustres qui forment le bassin de Vil- leveyrac, inférieur au garumnien, mais postérieur aux lignites de Fuveau, est évidemment de la période de la craie supérieure. Cet ensemble est constitué à la base par une couche rouge, reposant directement sur le jurassique et due aux remaniements des argiles ferrugineuses, et se termine par les calcaires des Dentelles. Ceux-ci correspondent aux calcaires à Lychnus de Rognac, dont ils renferment la faune, et représentent dans la série lacustre l’horizon de la craie de Maëstricht. C’est au-dessus de ces calcaires seulement que commence à Vallemagne le système garumnien. M. Leymerie pense que toutes les assises comprises entre l’abbaye de Vallemagne et le Mas del Novi doivent appartenir 940 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, au garumnien, et qu'il n'y a pas lieu de priver cet étage des dentelles dont la nature semble avoir voulu l'orner. Pour rattacher les rochers des dentelles de Vallemagne à l'étage garumnien, il s'appuie d'abord sur l'analogie lithologique et stratigraphique qui saute aux yeux lorsque, quittant l'abbaye, on vient à traverser tout cet ensemble, qui diffère essentiellement du système compris entre Villeveyrac et l’abbaye, lequel représente ici le sénonien lacustre de Fuveau. M. Matberon voudrait particulariser cette assise des dentelles au point d'en faire un faciès lacustre de la craie de Maëstricht. Or, convient-il d'admettre ici, où il n'existe que des fossiles d'eau douce, une séparation que nous ne parvenons pas h introduire dans le sénonien marin de 1a. Haute-Garonne, oùcependant se trouvent lesespèces lesplus caractéristiques de la craie supérieure du Limbourg? Les fossiles des dentelles, dit M. Matberon, diffèrent beaucoup de ceux des calcaires supérieurs. Mais dans le faciès marin de l'étage garumnien, les couches inférieures à Cyrènes et à Sphérulites n'ont absolument rien de commun avec la colo¬ nie, et cependant elles font toutes également partie d'un seul et même groupe. Il paraîtrait plus naturel à M. Ley- merie, si son confrère tient à spécialiser les dentelles, de* les assimiler aux couches à Cyrènes d’Auzas. Pour lui, il pense qu’il n'y a pas lieu d'introduire tant de précision dans une question qui ne lui en paraît pas susceptible, et que le terrain à lignites de Fuveau est assez puissant pour comprendre à la fois la craie blanche et la craie de Maëstricht, qui ne doivent pas plus être séparées ici que dans la Haute-Garonne. M, Matheron ne se rend pas compte des motifs qui portent M. Leymerie à faire entrer les rochers des Dentelles dans son terrain garumnien, et il fait remarquer, dans tous les cas, que la coupe tracée par son savant confrère n’est pas complète. Dans cette coupe, en effet, ne figurent pas les nombreuses cou¬ ches de grès, de marnes et de calcaires de Villeveyrac, les¬ quelles constituent une puissante série qui sépare les rochers des Dentelles du terrain jurassique, et que les lois de la paléon- /%’ V. 1 Bull «1/ la J a. 6têl. de Frann . , REGION D'AGDE. COUPES DE LA RÉGION D'AGDE. N Fiç. J Flç. 6. Fif.7. Fiô. S. Coupe au Sud du mas Ménard Fig 10. LODÈVE - GRAISSE S S AC. Profil du pic vers Trèdos Echelle de 80000 Coupe sur le chemin. d'Agde à Brescou recloUlt. Cap d'Agde, les trois fréres;luffa. soulevé parle basalte. ÎVMurl tteC/emetts PEZENAS.- LE RIE GE Echelle de REGION DE BÉDARTEUX Extrait de Cassini. Echelle de Lith.BuehmX lil:; Mimlp1 80000 . HillllliM mm B ■ !jjf 1 m DU H AU 20 OCTOBRE 1868. 941 tologie obligent d’associer à ces roches. Comme conséquence de l’opinion de M. Leymerie, il faudrait donc faire passer dans le garumnien, non pas seulement les rochers des Dentelles, mais tout l’étage de Villeveyrac, lequel, ainsi queM. Matheron a eu l’occasion de le dire à diverses reprises, est l’équivalent ma¬ nifeste de celui de Rognac (Bouches-du-Rhône). Or, la faune de Rognac n’a absolument rien de commun avec celle du garumnien lacustre, tel qu’on le connaît dans le Midi de la France. Cela étant, il est permis de se demander à quel titre, pourquoi et comment M. Leymerie établit une asso¬ ciation entre deux étages aussi complètement disparates? M. Matheron ajoute que les intéressantes observations faites en Espagne par M. Leymerie viennent à l’appui de la sépara¬ tion qui existe en réalité entre les deux étages. En effet, les couches que ce savant a eu l’occasion d’observer en Espagne sont, au dire même de l’observateur, analogues à celles du dé¬ partement de l’Aude, et, pas plus que ces dernières, ne renfer¬ ment un seul vestige delà faune de Rognac. Or, comme il est cependant certain, d’après les observations de MM. de Verneuil et Coquand, qu’il existe en Espagne, mais dans d’autres loca¬ lités que celles citées par M. Leymerie, des couches incontesta¬ blement identiques avec celles de Rognac, il faut bien admettre qu’en Espagne, comme en France, la faune de Rognac est in¬ dépendante de celle du garumnien. Au surplus, pour tout ce qui se rattache à cette question de l’étage de Rognac, M. Matheron s’en réfère à une note qu’il a adressée à la Société géologique, en mai dernier, et qui a paru dans le présent volume du Bulletin , p. 762. Après cette discussion, M. Cazalis de Fondouce rend compte dans les termes suivants de la course que la Société a faite dans la matinée d'aujourd’hui au volcan d'Agde. Compte rendu de la course faite ait volcan d'Agde ; par M. Cazalis de Fondouce. Voir PI. JX, fig. 4 à 8. Le département de l’Hérault présente des roches volcaniques sur un grand nombre de points. Dans une de ses courses pré¬ cédentes, la Société avait eu l’occasion de visiter le piton vol- 942 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, canique de Montferrier, situé à peu de distance de Montpellier, au milieu des poudingues lacustres éocènes. Dans les courses qu'elle est encore appelée à faire, elle rencontrera aux environs de Clermont et de Lodève des épanchements basaltiques con¬ sidérables; mais les volcans qui se groupent dans les environs d’Agde, de Bessan et de Saint-Thibéry, présentent entre tous ce fait particulier qu’ils appartiennent à une période toute ré¬ cente. Parmi ceux-ci, le plus important sans contredit est celui d’Agde, et c’est celui-là que la Société a été invitée à visiter dans la matinée de ce jour; elle a traversé ensuite en chemin de fer, en se rendant à Pézenas, la région volcanique de Bessan et de Saint-Thibéry. La ville d’Agde, bâtie sur la rive gauche de l’Hérault, est assise sur un épais massif de basalte, auquel ont été emprun¬ tés les matériaux de sa construction ; de là cet aspect sombre et particulier qui lui a valu le surnom de ville noire. Partie de la ville à 6 heures du matin, la Société a traversé la petite plaine basaltique qui s’étend devant elle et s’est dirigée vers le mas de Tredos et le mas de Ménard. C’est ici qu’ont commencé ses observations. Grâce à des tranchées ouvertes pour le chemin de fer et aux chemins creux qui sillonnent la base delà colline, elle a pu re¬ connaître sur divers points, et notamment près de Ménard , la succession de couches qui est indiquée dans la fig. 5, c’est- à-dire, à la base, les cailloutis quaternaires, recouverts par un tuf volcanique à assises généralement régulières, légèrement inclinées de la colline vers la plaine, mais quelquefois très- tourmentées par suite de l’éruption des basaltes qui les ont traversés et en certains points se sont répandus au-dessus d’eux. En revenant sur la route et en continuant à nous diriger vers la montagne, nous avons remarqué la fig. 6, qui offre une ' faille dans le cailloutis et le tuf, due évidemment à la même cause, l’éruption du basalte. Après ces observations, la Société s’est dirigée vers le séma¬ phore, qui se trouve au sommet du pic le plus élevé; mais, à peine avait-elle commencé à gravir la pente qui y mène, qu’elle a pu constater un changement complet dans le terrain. Aux couches régulières des tuffas succèdent des amas de cen¬ dres, de lapilli, de pouzzolanes, et surtout de laves scoriacées. Arrivés au sommet de la colline, qui est à 115 mètres au- dessus du niveau de la mer, après avoir accordé un temps suf- DU il AU 20 OCTOBRE 1868. 943 fusant à la contemplation du spectacle qui nous était offert par la vaste étendue des eaux tranquilles de la Mediterranée et par la riche plaine de l’Hérault qui se déroulait de l’autre côté sous nos veux, nous avons reporté nos regards sur le territoire qui s’étendait immédiatement à nos pieds. Nous avons reconnu alors que le volcan d’Agde, qui, de loin et sous une certaine direction, présente l’aspect d’une seule colline conique, est formé en réalité de sept cônes différents, parmi lesquels nous citerons comme les principaux le grand Pioch, qui forme la masse la plus importante et la plus élevée, sur lequel nous nous trouvions, le petit Pioch et enfin le Pioch d’Aoû Castel . Tout cet ensemble, dont l’aspect est assez semblable à celui d’une coupe démantelée, constitué par les cendres, les pouzzo¬ lanes, les laves scoriacées, représente évidemment le cratère, c’est-à-dire le point principal d’émission du volcan d’Agde. Quant aux cônes qui le hérissent, trois au moins, ceux que nous avons nommés plus haut, sont des points adventifs d’é¬ mission de la matière scoriacée. Autour de cet ensemble, que nous pouvons considérer maintenant comme un cône unique, et qui porte le nom de mont Saint-Loup , se déroule une ceinture de tuf volcanique, déchirée sur certains points, de façon à laisser apparaître à nos yeux le cailloutis siliceux sur lequel il s’est étendu. Au delà et recouvrant le tuf au moins en partie, se montrent des îlots de basalte, dont le plus étendu, limité d’un côté par l’Hérault, et d’un autre se perdant sous les sables de la côte, forme la plaine d’Agde. Un autre de ces îlots de basalte, celui de la Clape , pré¬ sente une particularité qui devait attirer notre attention, son prolongement par un dyke qui va former le cap d’Agde. C’est donc vers ce point que s’est dirigée la Société en descendant du sémaphore. En arrivant vers la Clape nous avons vu les couches de tuf se relever contre le basalte. Mais ce relèvement est surtout très- sensible en longeant le dyke jusqu’au cap. Dans toute cette ligne le basalte a été exploité pour la construction du môle établi par Richelieu à son extrémité. Ainsi a été substituée au dyke une sorte de longue tranchée, au fond de laquelle on retrouve la roche, mais dont les parois sont formées parle tuf dont les couches sont relevées des deux côtés les unes contre les autres. Cette influence de l’éruption du basalte, sur la posi¬ tion des dépôts antérieurs, est toute localisée sur les bords du dyke ; quelques mètres seulement au delà, les couches tuf- 944 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, lacées sont de nouveau horizontales. En les rongeant par leur battement incessant, les flots de la mer ont creusé dans celles- ci un cirque, qui forme l’extrémité du cap, sur laquelle est bâti le fort, et, au milieu de ce cirque, le mur de basalte, lui- même démoli, a laissé comme témoins trois rochers isolés, que la légende populaire a nommés les 7 rois Frères (fig. 8). A peu près dans la direction du dyke, on voit, à une demi- lieue en mer, l’île de Brescou qui est la sentinelle avancée du volcan d’Agde. La Société, ayant terminé là ses observations, est rentrée directement à Agde. D’après ce que nous venons de dire, le volcan d’Agde est très-récent. Nous avons vu, en effet, que les matériaux qu’il a émis ont recouvert les eailloutis quaternaires, et la Société a pu reconnaître le même fait dans la tranchée de Saint-Tbibéry. Ceux-ci recouvrent à leur tour, non loin de Pézenas, comme nous l’avons vu dans une autre course, des alluvions volcani¬ ques qui renferment des restes d’animaux appartenant à la faune pleistocène de Saint-Prest. Or, il est incontestable aujour¬ d’hui que l’homme a habité l’Europe occidentale à l’époque du diluvium et même à celle des dépôts de Saint-Prest. Nos prédécesseurs ont donc vu s’allumer, brûler et s’éteindre les volcans d’Agde et de Saint-Tbibéry. Les historiens et les géo¬ graphes anciens ne nous ont pourtant pas conservé le souvenir de ces grands phénomènes. Il faut donc admettre qu’ils avaient cessé de se manifester avant l’époque historique, et que leur durée doit être fixée entre celle-ci et celle de la pierre éclatée. S’il était permis de faire des suppositions en histoire naturelle, nous serions tentés de rapporter la période d’activité de ces volcans vers l’âge du Renne. M. Matheron prend la parole pour rendre compte de Pex- cursion que la Société a faite dans Taprès-midi. Compte rendu de la course faite dans les environs de Pézenas , sur les bords du Riége et dans les collines de Saint- Simeon; par M. Matheron. Voir PI. IX, fig. 9. Partie de Pézenas à une heure, la Société s’est dirigée vers le Riége, jetant en passant un coup d’œil sur les dépôts marins de la contrée dont la partie supérieure est constituée par ce du 41 au 20 octobre 1868. 946 que M. de Rouviîle appelle la mollasse à dragées (à cause des cailloux amygdalaires de silex blanc qui y abondent). Elle a vu dans le lit d’un ravin situé aux environs du Riége ou ruisseau de St-Martial cette mollasse à dragées recouverte par des couches séaimentaires à éléments basaltiques. Elle s’est rendue ensuite au lieu même dit le Riége, où existe un terrain sédimentaire formé de couches à éléments basalti¬ ques, parmi lesquelles sont intercalées quelques couches de travertin plus ou moins compacte ou marneux. Dans l’une de ces couches, la Société a vu et recueilli une espèce de Limnée qui paraît être l’analogue du Limnœa ovata du monde actuel. Mais ce que ce gisement offre surtout de remarquable, c’est qu’il rappelle les recherches paléontologiques qui y furent faites par Reboul, correspondant de l’Institut, qui habitait Pé- zenas et qui y découvrit plusieurs espèces de mammifères ap¬ partenant tous à cette intéressante et mystérieuse époque qui se rattache au berceau du genre humain et aux études préhis¬ toriques. Sur quelques points du Riége affleurent des couches assez puissantes de travertin assez blanc et très-dur, qui semblent sortir des sédiments volcaniques et dont la position par rapport à ces sédiments n’est pas facile à saisir. Quelques membres ont pensé qu’elles pourraient être plus anciennes, c’est-à-dire qu’elles pourraient exister au-dessous des couches volcaniques, tandis que d’autres les ont considérées comme analogues aux petites couches de calcaire qui sont intercalées dans les sédi¬ ments basaltiques (1). La Société a constaté que les couches du Riége se présentent (1) Quelques jours après, nous avons eu l’occasion, M. Tournoüer et moi, d’observer des laits qui démontrent que cette dernière opinion pourrait n’être pas fondée. Nous avons été très-obligeamment et très-hospitalièrement conduits par MM. de Grasset et Mazuc sur un gisement de sédiments volcaniques qui af¬ fleure sur les bo ds de la Boyne, au confluent du Ruisseau de l’Estang (com¬ mune de Fontès), qui nous a vivement intéressés et dont l’étude est des plus faciles. On voit sur les bords de la Bayne la mollasse marine avec Anomies et Ostrœa çrassissima transgressivement recouverte par un dépôt puissant de travertin et de calcaire lacustre généralement très-dur et exceptionnellement marneux, avec Hélices et Planorbes dans les couches marneuses. A son tour, ce dépôt lacustre est recouvert par de très-nombreuses cou- 946 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, sous des inclinaisons diverses et assez prononcées; d’où il suit qu’elles ont été soulevées ou affaissées après leur dépôt. La Société a quitté le Riége pour gravir les hauteurs qui do¬ minent cette localité. Elle a constaté sur ces hauteurs l’exis¬ tence d’un très-puissant diluvium, composé de petits cailloux, tous quartzeux, qui paraît avoir emprunté ses éléments aux roches de la Montagne INoire. Ce diluvium, sur la nature et l’origine duquel la Société a entendu les intéressantes explica¬ tions de M. de Rouville, diffère beaucoup de celui qu’on ob¬ serve dans la vallée du Rhône. Dans diverses localités de la contrée, notamment sur les hauteurs deValros, il est recouvert par le basalte, que M. de Rouville a signalé à distance dans la direction du Sud. La Société a constaté, en traversant les coteauxqu’elle venait de gravir et en les redescendant, que ce diluvium recouvrait les dépôts sédimentaires volcaniques là où ces dépôts existaient, et qu’en leur absence il était immédiatement en contact avec les couches de mollasse à dragées; elle a constaté dans cette mollasse la présence de quelques petites valves d’Huîtres. La Société s’est ensuite dirigée vers la butte de Saint-Siméon ; elle a gravi cette hutte qui est presque entièrement formée par cette mollasse, et elle a constaté à son sommet l’existence d’un lambeau de calcaire lacustre sur lequel MM. de Rouville et de Grasset ont donné des explications, desquelles il résulte que des calcaires similaires existent ailleurs dans les environs de Pézenas. ches de sédiments basaltiques avec minces couches calcaires intercalées, ab¬ solument identiques avec les couches qui constituent le gisement du Riége. Les couches sédimentaires des bords de la Boyne inclinent dans un sens opposé à celui du cours de la rivière et se terminent brusquement contre un mamelon de basalte compacte non altéré, au contact duquel elles sont relevées en courbe. Ce fait démontre péremptoirement que le basalte a subi un soulèvement après le dépôt des sédiments volcaniques. Les faits que ie viens de signaler dans cette note, à laquelle s’associe mon ami M. Tournoüer, démontrent, conformément aux observations antérieures de MM. de Rouville et de Grasset, qu’il existe dans la contrée des dépôts de travertin et de calcaire lacustre antérieurs aux sédiments basaltiques de la Boyne et postérieurs à la mollasse marine de la même localité. Il est extrêmement probable que les couches de travertin qui affleurent çà et là au Riége, au milieu des couches sédimentaires, dépendent de ces dépôts. M. de Rouville y verrait plutôt un dépôt local et contemporain. ( Note de M. Matheron.) DU 11 AU 20 OCTOBRE 18G8. 947 A la nuit, la Société rentrait à Pézenas. Dans la matinée, tandis que leurs confrères visitaient les ba¬ saltes des environs d’Agde, MM. Alb. Gaudry, de Saporta, Tour- nouër et Matheron se sont rendus à Caux pour y observer des couches lacustres signalées depuis longtemps à la science et qui sont caractérisées par V Hélix Rebouli , dont la description par Leufroy remonte à quarante années. Ce dépôt lacustre est composé de calcaire marneux et de calcaire compacte. Il a été mis à découvert dans une carrière ouverte pour la fabrication de la chaux. Il occupe le fond de cette carrière, et il n’est pas possible d’observer de quelle nature et de quel âge sont les couches qu’il re¬ couvre. Mais il est recouvert par quelques couches de mol¬ lasse marine littorale, et sa surface supérieure offre les carac¬ tères manifestes d’un ancien rivage de la mer, tels qu’érosions, rugosités, perforations diverses et débris de coquilles. Des Huîtres, plus ou moins roulées ou usées par le frottement, abondent sur cet ancien littoral. M. Matheron croit avoir re¬ connu parmi ces Huîtres YOstrea plicatilis , Marcel de Serres, qui appartient à l’horizon du calcaire moellon de cet auteur et qu’on retrouve dans l’îîe Sainte-Lucie, au sud de Narbonne. En l’état des observations, il n’est pas possible de détermi¬ ner exactement quelle est la position qu’occupe le calcaire la¬ custre de Gaux. Il est certain que ce calcaire est plus ancien que celui de Saint-Siméon, mais il n’est pas démontré qu’il soit situé sur l’horizon même des calcaires lacustres des envi¬ rons de Narbonne (1). (1) Avril H dé quitter ies environs de Pézenas, nous sommes allés visiter les environs de Magalas , où nous savions par M. de Rouville qu’il existait des couches lacustres intercalées dans la mollasse. A notre grand étonne¬ ment, nous avons vu qu’il existait dans cette intéressante localité au moins cinq étages lacustres séparés par des marnes marines et des couches de mol¬ lasse à dragées avec Ostrea crassissima. Les valves de cette espèce sont litto¬ rales, c’est-à-dire qu’elles sont souvent usées par le frottement et qu’elles sont intimement unies aux cailloutis de la mollasse à dragées. L’un de ces étages calcaires est extrêmement puissant : c’est celui qui nous avait été si¬ gnalé par MM. de Rouville et dé Grasset et qui est exploité pour l’alimen¬ tation du four à chaux situé sur le bord de la roüte au N. O. de Magalas. Cet étagé, qui est caractérisé par un Hélix à déterminer, recouvre un alter¬ nat de dépôts marins et de couches lacustres et se trouve, à son tour, re¬ couvert par un alternat de dépôts marins et de deux étages lacustres avec 948 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, En résumant et en coordonnant les observations qui ont été faites hier dans les environs de Montagnac et aujourd’hui aux environs de Pézenas, on voit que les couches sédimentaires qui ont fait l’objet des études de la Société occupent de haut en bas la position stratigraphique suivante : 1° Sur le haut des coteaux: diluvium entièrement quartzeux, reposant presque partout sur la mollasse à dragées et, excep¬ tionnellement au Riége, sur les dépôts sédimentaires basal¬ tiques à Elephas meridionalis. 2° Couches de sables basaltiques avec intercalation de min¬ ces couches calcaires, avec Limnée. Gisement des restes de mammifères découverts par Reboui. 3° Calcaire lacustre de Saint-Siméon. 4° Mollasse marine à dragées qui constitue la partie supérieure de la mollasse marine et qui paraît être plus ancienne que les sables supérieurs de Montpellier. 5° Couches marines diverses avec Pecten, qui paraissent cor¬ respondre au calcaire moellon de Montpellier et aux marnes jaunes de Caunelle. 6° Marnes grises et jaunes plus ou moins sableuses avec in¬ tercalation de deux couches d ’Ostrea crassissima , dents de Lamna , Myliobates. 7° Marnes grises ou bleuâtres, dont la partie inférieure est probablement sur l’horizon des marnes de Foncaude. Nous extrayons des Notes de M. Boué, sur les environs de Pézenas, pré¬ sentées dans la séance de la Société géologique du il juin 1883 (Bull, Soc. géol.3 lre série, t. III, 1832 à 1833, p. 327), les quelques lignes sui¬ vantes relatives à la constitution de la colline de Saint-Siméon : « On y voit de bas en haut les couches suivantes : argile marneuse bleue, banc de 12 pieds d’épaisseur composé d’un calcaire coquillier avec beaucoup de débris de coquilles, en particulier du genre Turri telle, Dentales Cardium , Huître, Cythérée, moules, Crassatelles et Pétoncle; sable jaune; argile marneuse bleue avec tubulures remplies de sahles ; plus haut, après un intervalle couvert, des marnes blanches jaunâtres qui peuvent bien être un dépôt d’eau douce ou fluviatile, du calcaire compacte d’eau douce, et Hélix etPlanorbe. Le temps nous a manqué pour étudier cette localité ; mais il paraît résulter de ce que nous avons observé à la hâte qu’il existe aux en¬ virons de Magalas des couches lacustres, qui paraissent respectivement correspondre au calcaire lacustre de Gaux, à celui de Saint-Siméon et proba¬ blement aussi à celui de Fontès. ( Note de MM. Tournoüer et Matheron.) DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 949 enfin du grès grossier à pâte silicéo-calcaire et à fragments de bivalves marins. » Le calcaire d’eau douce intercalé dans le terrain marin qui a si fort inté¬ ressé quelques-uns de nos confrères, et que nous avons retrouvé en d’autres points non encore signalés, Fontès, Saint- Geniès, Magalas, avait été reconnu par Henri Reboul, de Pézenas, membre correspondant de l’Institut, anté¬ rieurement à la communication de M. Boué, et désigné par lui sous le nom de calcaire mixte , à cause de son intercalation au milieu des couches marines. M. Boué l’a signalé encore dans le vallon deVareilles et aussi à Gaux, près de Pézenas («ô .'g?., p. 3B0) : « En allant, dit-il, de Gaux à Àlignan, l’on passe sur du calcaire d’eau douce, recouvrant comme à Yareilles,. du grès et du calcaire coquillier. » Dans la même Note , M. Boué parle du gîte ossifère du Riége dans les termes suivants : « Entre Alignan et Pézenas, se trouve près de Monplaisir, non loin du Riége, un vallon très-évasé, dont le sol est formé par une ar¬ gile marneuse rouge à cailloux de quartz ; c’est ce dépôt qui recèle des os de Mammouth, d’Eléphant et de Cerf gigantesque, et il paraît avoir la plus grande analogie avec celui du Val d’Arno supérieur. » Reboul signalait ce même gîte en 1834 ( Mém . Soc.géol ., lresér., t.1, 2e part., p. 201); plustard, dans la séance du 18 novembre 1833, Marcel de Serres rappelait que de¬ puis plus de trois ans il avait publié des détails sur Pézenas semblables à ceux donnés par M. Boué, et confirmait le rapprochement établi par ce der¬ nier entre le Riége et le Val d’Arno par le fait qu’on y découvrait à peu près les mêmes espèces animales et particulièrement YElephas meridionalis, de Nesti. En 1835, Jules de Ghristol a donné une très-bonne description pétrogra- phique des couches du Riége {Ann. des Sc. nat ., 2e série, t. IV, p. 195). M. Paul Gervais, dans la deuxième édition de sa Zoologie et Paléonto¬ logie française , 1859, p. 356, attribue à la faune du Riége l’âge pléisto- cène, mais commet dans sa description une erreur sur le gîte précis de cette faune. {Note du Président de la session). M. de Rouville tient à établir que le nom de M. de Grasset ne saurait être séparé du sien dans les résultats des obser¬ vations qui paraissent avoir provoqué d’une manière toute spéciale l’attention de la Société. M. Belgrand appelle dans les termes suivants l’attention de la Société sur les cailloutis qu’elle a vus au Riége et à Saint-Aunès dans une course précédente. M. de Rouville nous a fait voir à Saint-Martial et le long du ruisseau qui porte le même nom des terrains de transport 950 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, d’autant plus intéressants qu’on peut fixer leur origine et leur âge avec une certaine précision. Nous avons vu d’abord les terrains miocènes, la mollasse, mais un peu modifiée; aux sables limoneux qui la composent ordinairement s’ajoutent de nombreux petits cailloux de quartz blancs, d’une grosseur presque uniforme, qui ont fait donner à ce terrain le nom de mollasse à dragées. Ce dépôt, incontes¬ tablement d’origine marine, s’est formé, comme celui des autres terrains tertiaires de la contrée, dans les nombreux si¬ nus ou golfes qui découvraient le pied des collines qui bordent la plaine de Montpellier. C’était évidemment un rivage. On connaît même le point de départ des petits cailloux blancs qui, suivant M. de Rouville, ont été arrachés des filons de quartz de la montagne Noire parles cours d’eau. En montant jusqu’au sommet du plateau de Saint-Martial, à l’altitude de 100 mètres environ, M. de Rouville nous a fait voir un autre dépôt des mêmes cailloux blancs et de sable li¬ moneux rougeâtre. Les cailloux sont très-roulés, exactement semblables à ceux de la mollasse à dragées. Ils ont certaine¬ ment la même origine ; ils proviennent des fiions de quartz de la montagne Noire ; mais ce dépôt supérieur est plus récent que celui de la mollasse à dragées, car il en est séparé dans la localité par une couche plus ou moins épaisse de sable argileux sans consistance, et, suivant M. de Rouville, les sables de Montpellier à Rhinocéros megarhinus et à Mastodon brevirostris seraient une autre formation intermédiaire. M. de Ptouville nous a encore fait remarquer que ce terrain de transport était plus ancien que les cônes volcaniques de la contrée. Près du chemin de fer à Agde et sur le plateau du parc de Pézenas, il est recouvert par des coulées de basalte. Il est également plus ancien que les vallées qui sillonnent les pla¬ teaux (1). Si, par la pensée, on suppose les lieux rétablis dans leur état primitif, les cailloux des plateaux de Saint-Martial s’étendraient sans discontinuité, du côté de la mer, jusqu’à la plaine d’Agde, et, du côté des montagnes , jusqu’à l’altitude 231m vers Ro- (1) Il est impossible qu’un terrain de transport caillouteux reste à la sur¬ face d’un plateau découpé par des vallées sans former de dépôts dans ces vallées. Les limons seuls peuvent s’étendre sur les plateaux sans laisser de traces sur les flancs des vallées. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 951 quessels. L’étendue du plateau qu’ils recouvrent, mesurée parallèlement à la mer, dépasse 20 kilom., suivant M. de Rou- ville (1). Ces dispositions ne laissent aucun doute sur l’origine de ce dépôt. Aucun cours d'eau ne peut réduire des cailloux durs à cette grosseur presque uniforme et les étendre régulièrement sur une aussi grande surface au-dessus d’un terrain sans con¬ sistance, avec une pente aussi énorme, sans ouvrir en même temps dans les plateaux de profonds sillons. C’est alors dans ces sillons que se serait portée la force du courant et que les alluvions caillouteuses se seraient accumulées; un seul agent, la mer, a pu donner à ce dépôt des plateaux l’aspect que nous lui voyons aujourd’hui. Il faut donc admettre que dans ces temps anciens la mer venait battre le pied de ce grand cirque de montagnes dont la base passe par Roquessels et se trouve à 230m d’altitude. A cette altitude s’est formé un cordon littoral le long duquel les vagues étendaient les cailloux descendus de la montagne Noire, absolument comme elles étendent encore les sables du Rhône, entre l’embouchure de ce fleuve et la montagne d’Agde. Au fur et à mesure que le niveau de la mer s’est abaissé, la plage de cailloux émergée s’est étendue en vastes plateaux jusqu’au rivage actuel de la Méditerranée. Cette explication est justifiée par les faits; car, dès que la mer s’est retirée, les terrains sans consistance qui se trouvent sous la couche de cailloux des plateaux n’ont pu résister à l’action des eaux pluviales ; des vallées s’y sont creusées et leur alluvion s’est formée aux dépens du dépôt des plateaux et des cendres volcaniques. En général, le fond du ravinement vers Saint-Martial s’est arrêté sur le terrain plus résistant delà mol¬ lasse à dragées. M. de Rouville nous a fait voir qu’au-dessus s’é¬ tendait un dépôt alluvial, formé à sa base de débris volcani¬ ques et de petits cailloux blancs des plateaux, et, à sa partie supérieure, de cailloux blancs et de sable sans mélange de cendres volcaniques. C’est entre ces deux alluvions que M. de Grasset a découvert des ossements très-intéressants et qui per¬ mettent de fixer l’âge de ce remaniement du dépôt des pla¬ teaux. Nous avons vu ces ossements dans sa collection. Je ne dirai rien d’un bois de grand Cerf dont l’âge peut être incer- (1) J’ai trouvé ce même dépôt de cailloux blancs, il y a une vingtaine d’années, au pied de la montagne Noire, près de Gastelnaudary, sur le pla¬ teau qui borde la vallée d’un des affluents du Fresquel, FArgentouiré. 952 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, tain, mais une molaire complète d’Éléphant méridional a été aussi trouvée à Saint-Martial. Or, on sait aujourd’hui que l’Éléphant méridional a vécu, soit à la fin de l’époque pliocène, soit dans les premiers temps de l’époque quaternaire. Lesalluvions remaniées de Saint-Martial remontent donc à cette époque, et, par conséquent, le dépôt caillouteux des plateaux voisins aux dépens duquel elles se sont formées est probablement pliocène. Je dis des plateaux voisins , car dans un terrain aussi meuble que celui de Saint- Martial le creusement de ces petites vallées devait suivre ra¬ pidement le retrait de la mer. Nous avons vu aux Aguales une petite vallée dont un des rameaux est en voie de formation, et on comprend sans peine qu’une seule grande pluie, comme celles qui tombent encore de nos jours dans ce pays, pourrait creuser des ravins presque aussi profonds. Il est donc très-pos¬ sible que, lorsque l’Éléphant méridional laissait ses os à Saint- Martial, la mer était à peu de distance encore, remaniant les cailloux des bas plateaux de la plaine d’Agde. Dans cette hy¬ pothèse, les cailloux de la plaine d’Agde seraient quaternaires, tandis que ceux de Saint-Martial seraient pliocènes. On voit qu’il est bien difficile de séparer le pliocène supérieur du qua¬ ternaire, et que les géologues qui n’admettent pas cette sépa¬ ration, comme M. Paul Gervais, ont peut-être raison. Je ne pense pas d’ailleurs que M. de Rouville considère les cailloux de la plaine d’Agde comme pliocènes. Dans la tournée d’au¬ jourd’hui il les a désignés comme appartenant à l’époque qua¬ ternaire. Le retrait de la mer, ou, si l’on veut, le relèvement du con¬ tinent, a donc été extrêmement lent, puisque le dépôt caillou¬ teux s’est formé à Saint-Martial à la fin de l’époque pliocène, et, dans la plaine d’Agde, dans les temps quaternaires, et cela sans discontinuité. Ce relèvement lent du continent fait comprendre immédiate¬ ment comment les énormes cailloux des plaines de la Grau et de Montpellier ont pu descendre des Alpes jusqu’à la mer pen¬ dant l’époque quaternaire. Le Rhône ne peut charrier aujour¬ d’hui, à son embouchure, que du sable et du limon (1), ce qui (1) Les autres grands fleuves du globe, l’Amazone, le Mississipi,le Gange, n’amènent également que du limon à leur embouchure. On sait que quel¬ ques-uns d’entre eux, le Gange, notamment, charriaient du gravier à l’é¬ poque quaternaire. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 963 tient à ce qu’il est presque dépourvu de pente dans cette partie de son cours, et on se demande quel pouvait être le fleuve, qui, dans ces temps anciens , mettait en mouvement des gra¬ viers comme ceux de la Grau , dont un homme peut difficile¬ ment soulever les blocs les plus volumineux. Mais, en examinant les bords du Rhône, on voit des traces d’anciens lits à une grande hauteur au-dessus du niveau actuel, et cela doit être, puisque le continent était, à l’origine de l’é¬ poque quaternaire, beaucoup plus bas qu’aujourd’bui. Le Rhône pouvait alors couler à une altitude plus grande, avec une pente probablement moindre que la pente moderne ; car, le volume de ces eaux étant plus grand, son régime n’aurait pas été per¬ manent si la pente avait été égale ou plus forte ; il aurait immé¬ diatement abaissé son lit par affouillement. Le continent se relevant lentement, il se formait des chutes vers l’embouchure. Par exemple, si le relèvement du continent était d’un mètre par siècle ou d’un centimètre par an, il est évident qu’il se formait aux Bouches-du-Rhône un seuil de 0m01 au bout d’un an, de 0m10 au bout de 10 ans et ainsi de suite. A la profonde embouchure d’un grand fleuve, ces petits exhaussements du lit pouvaient exister pendant longtemps sans modifier le régime; mais il arrivait un moment où le seuil était assez élevé pour déterminer une chute, et alors il se for¬ mait des rapides qui se propageaient de l’aval vers l’amont et augmentaient considérablement la puissance de transport du fleuve dans le voisinage de la mer. C’est alors que les gros cailloux pouvaient sedéplacer et arriver jusqu’à l’embouchure. J’ai constaté des faits analogues dans le bassin de la Seine. A l’origine de l’époque quaternaire, la pente du fleuve parisien était presque nulle; son lit était beaucoup plus élevé qu’au- jourd’hui et la puissance de transport très-faible; au fur et à mesure que le continent se relevait, des rapides se formaient à l’embouchure, remontaient vers l’amont et augmentaient mo¬ mentanément la puissance du transport, de telle sorte que le transport des graviers devenait possible. C’est ainsi, on nen saurait douter, que sont descendus, pen¬ dant l’époque quaternaire, jusqu’à l’extrémité des vallées, ces masses de graviers et ces gros blocs, que les fleuves, quel que fût le volume de leurs eaux, auraient été impuissants à dépla¬ cer dans des temps de régime normal. Après quelques observations de M. Coquand,sur la cause Soc . géol., 2e série, tome XXV. 61 954 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, qui a étendu sur de vastes espaces ce manteau de cailloux roulés, M. Leymerie dit qu’il lui paraît, comme à M. Bel- grand, dont il ne partage pas, du reste, les autres idées, avoir été déposé ou au moins remanié par la mer. Il ne serait pas éloigné de croire qu’il dût appartenir à la période pliocène au même titre que le sable des Landes. Il ne s’est pas aperçu en se rendant de Pézenas à Agde que le volume des cailloux diminuât; ce serait plutôt le contraire. M. Alb.Gaudry fait connaître les déterminations qu’il a pu faire dans la collection de M. de Grasset des ossements trouvés au Riége. Il y a deux faunes bien distinctes : la première, venant des sables jaunes et de la mollasse à dra¬ gées, est celle des sables de Montpellier; il y a reconnu Rhinocéros megarhinus, Antilope Cordieri. Dans la seconde, qui est celle de l’alluvion volcanique, il a constaté la faune pléistocène de Saint-Prest, notamment Elephas méridional is, Equus et Bos de petite taille. Il fait remarquer que M. P. Ger- vais a cité, en outre, Hippopotamus major et Bison priscus ; mais la pièce la plus importante, parmi toutes celles qui proviennent du Riége et qui se trouvent dans la collection de M. de Grasset, lui paraît être un bois de Cerf, au sujet duquel il donne les détails suivants : Les pièces de Cervus martialis , recueillies par M. de Gras¬ set, me semblent bien dignes d’une mention spéciale, car elles permettent de mieux connaître un des plus remar- -quables animaux qui aient habité nos contrées dans les temps pléistocènes. Les pièces connues jusqu’à présent étaient fort incomplètes. Le Cervus martialis est du groupe des Daims par ses bois aplatis. J’ignore pourquoi M. Richard Owen, dans sa Paleontology , a dit qu’il était intermédiaire entre l’Élan et le Renne, car d’après ce qu’on en connaît jusqu’à présent, il n’a aucun rapport avec l’Élan; il diffère moins du Renne. 11 n’est pas éloigné du Cervus Sedgwickii , trouvé par M. Gunn dans le forest-bed de Cramer (Norfolk), terrain qui semble contemporain de celui du Riége; cepen¬ dant les andouillers sont bien plus rapprochés les uns des autres dans le C. Sedgwickii. Quant au Ç.ardens[ Croiz. et Job.) MJ 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 965 des alluvions ponceuses (pliocènes) de Perrier, il parait bien voisin du C. martialis. Mais ce C. ardens est encore très-mal connu; actuellement je ne vois pas de différences assez tranchées pour autoriser la distinction spécifique ; toutefois le monde paléontologique, dans son incessante transfor¬ mation, présente des nuances si innombrables, qu'il est bien probable que l'on découvrira quelques différences entre l'animal du Riége et celui de Perrier. Actuellement, avec les données qui sont à notre disposition, je suppose que le Cerf du Riége représente une race du Cervus ardens beaucoup plus forte que la race de Perrier. M. Gunn a trouvé dans le forest-bed de Cramer, avec le Cervus Sedgwickii , un morceau de bois qui ressemble bien au C. martialis du Riége. Il serait intéressant que M. de Grasset découvrît des os des jambes pour savoir si le Cerf du Riége avait des doigts latéraux, comme le Renne et l'Élan, ou bien en était dé¬ pourvu comme les Daims et les Cerfs de nos contrées. M. Coquand appelle l'attention de la Société sur une Bé- lemnite qui se trouve dans la collection de M. de Grasset, parmi les fossiles recueillis à Marrou (causse de la Celle, Hérault). Cette Bélemnite ressemble en tous points au B. la tus et semblerait annoncer à Marrou l'existence de la faune de Rerrias. Mais après l'examen comparatif des es¬ pèces avec lesquelles ce céphalopode est associé, M. Coquand est convaincu qu'il appartient à la période oxfordienne. Ces espèces, en effet, sont le Belemnites hastatus , Ammonites oculatus , Ai Henrici , A , canaliculalus , A. phcatilis . Il ajoute qu’il a recueilli à Souloar, dans l’oxfordien de Saint-Marc, près d'Aix, cinq Bélemnites, qu'il présente à la Société, semblables, quoique de taille plus petite, à l'exemplaire de Marrou, et que dès lors il serait dangereux de tirer des conclusions absolues pour la distinction des étages, de certaines formes de coquilles, et surtout des mollusques à osselets internes, dont l’organisation n'est pas assu^ jettie à des caractères constants. La séance est levée vers 10 heures. 956 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Pour ne pas rompre l'ordre naturel des localités visitées, nous donnons ici la communication que M. Matheron a faite dans la séance du 18 octobre à Lodève, sur les calcai¬ res de Brignac et de Castelnau de Guers, près de Pézenas. Note sur les calcaires lacustres de Brignac et de Castelnau de Guers ; par M. Matheron. Parmi les richesses paléontologiques qui ont été recueillies aux environs de Pézenas par MM. de Grasset et Biche, mon at¬ tention s’est portée sur une espèce de Physe qui se rapproche sensiblement d"une des variétés de la Physa prisca , Noul. , et sur une nouvelle espèce de Paludine que j’ai eu l’occasion de trou¬ ver moi-même en 1862 dans les couches inférieures de la butte sur laquelle est situé le Mas de Novi, au-dessus des puissantes couches calcaires qui couronnent le garumnien de Yallemagne. Ces deux espèces fossiles ont été trouvées dans des couches de calcaire lacustre situées près de la maison de campagne dite Brignac au S. O. de Montagnac. J’ai profité de l’offre obligeante qui m’a été faite par MM. Bi¬ che etTriadou, qui ont bien voulu me guider sur les lieux, et j’ai acquis la conviction en les visitant que les couches de Bri¬ gnac appartiennent au même horizon géologique que celles du Mas de Novi. Je ne pense pas qu’on puisse les comprendre dans la série garumnienne,dont la limite supérieure me paraît être parfaite¬ ment établie. J’ai lieu de croire qu’elles appartiennent à la pé¬ riode nummulitique dont les couches marines, on le sait, viennent expirer aux environs de Saint-Chinian. Ces couches ont d’ailleurs besoin d'être étudiées; cependant je ne suis pas porté à croire qu’elles soient contemporaines des couches du Montaiguet et de Grabels. Elles sont incontestablement plus anciennes. En descendant la série lacustre, j’ai rencontré, à la base, des grès que je considère avec MM. de Rouvilie et de Grasset comme étant le prolongement des couches de Villeveyrac; j’ai retrouvé ces mêmes couches aux environs de Castelnau de Guers. Ces grès sont suivant moi tout à fait équivalents à ceux de Rognac. J’y ai trouvé un Chara . M. de Grasset a eu l’occasion d’observer dans les grès de DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 967 Castelnau des fragments de très-grands ossements. Il serait bien intéressant de rencontrer là le grand saurien de Rognac. Cette donnée paléontologique confirmerait, si besoin est, les résultats fournis par la comparaison des faits purement strati- grapbiques. Séance du 18 octobre 1868. La séance est ouverte, à 8 heures du soir, sous la prési¬ dence de M. de Rouville, dans une des salles de l'hôtel de ville. M. Cazalis de Fondouce, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame provisoirement membres de la Société : MM. Achille Munier, à Frontignan (Hérault), présenté par MM. de Rouville et Cazalis de Fondouce. Sabatier-Desarnauds, à Béziers (Hérault), présenté par MM. de Grasset et de Rouville. Il annonce ensuite huit présentations. La Société reçoit : De M. le Dr Bourjot : Promenades géologiques et anthropolo¬ giques aux environs d'Alger ; in-8, 21 p., Alger, 1868. M. le maire de Lodève souhaite à la Société la bienvenue dans les murs de la ville qu'il administre. M. le Président, après l'avoir remercié au nom de ses confrères, donne lecture de la lettre suivante de M. le Dr Bourjot, qui accompagnait l'envoi de ses Promenades géolo¬ giques, A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉUNION EXTRAORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE A MONTPELLIER. Monsieur le Président, Nous avions cru pouvoir espérer ici, à Alger, que quelques- uns des honorables membres de la Société géologique de 958 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, France gui devaient se rendre à la réunion de Montpellier auraient pu commercer par assister à une session plus res¬ treinte de notre Société climalologique et d’histoire naturelle algérienne, pour ensuite se rendre à Montpellier. Notre espoir a été déçu. Notre session s’est en effet ouverte le lundi 23 sep¬ tembre, mais en nombre peut-être trop restreint. Pour ma part, j’eusse désiré beaucoup le concours et la discussion des membres de la Société géologique sur un tra¬ vail que je poursuis depuis dix ans sur le massif chaotique d’Algep, et dont je crois avoir trouvé le nœud ou la clef dans la nature éruptive et basaltoïde de notre calcaire bleu. J’ai donc demandé que la question géognostique fût réservée pour une session extraordinaire des Sociétés géologique et anthro¬ pologique, maintenant sœurs inséparables, pour l’année 1870, à Alger, la Suède ayant été choisie, assure-t-on, pour le congrès international de 1869. Du reste, un compte rendu de notre session, bien qu’un peu abortive, mais rendue très-intéressante par les vues élevées de MM. Lelourneux et de M. le général Faidherbe, développées dans leurs communications, et la démonstration des ossements trouvés dans la grotte de la Pointe-Pescade (1), auxquels étaient mêlés des silex taillés du type de la grotte d’Aurignac, et de Ponte-Mose à Piome, montreront au monde savant combien l’A¬ frique septentrionale est riche en documents, tels que dolmens, cromlechs, et même aux portes d’Alger, puisque, à quelques kilomètres de distance, on trouve des traces de l’âge de la pierre esquilleuse, de l’âge des dolmens, et de l’art graphique libyen ou berbère. J’ai l’honneur de vous adresser, monsieur le Président, pour montrer à la Société géologique un faible côté de l’intérêt que l’Afrique du nord présente dans les questions ethnographiques et géologiques mêlées, un aperçu de nos travaux ou plutôt de mes propositions et de mes vues sur le massif d’Alger, demandant qu’elles soient discutées de¬ vant le savant aréopage de la Société géologique à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir si longtemps lorsque j’ha- (1) Ces ossements ont été déterminés à Paris par MM. ÉJ. Lartet, P. Ger- vais, Pomel et moi. Ce sont des os de Bœufs, species? Ursus? Equus? Capra hispanica, Anti¬ lope Dorcas, Antilope Corinne, Antilope Addaix, Eystrix, Hyæna, un seul os, Felisî il au 20 oêtoèHÉ 1868. 989 bîtais Paris, et à laquelle je reste attaché par tant de précieux souvenirs et par bien des amitiés. Dans le cas où quelques géologues viendraient à Alger, je me mets à leur disposition pour leur servir de guide et leur faire la démonstration des points litigieux. Recevez, monsieur le Président, l’assurance de la haute con¬ sidération que j’ai l’honneur de vous prier d’offrir à l’as¬ semblée. M. Dieulafait rend compte de la partie de l’excursion rela¬ tive aux formations jurassique et triasique de Roujan. M. Charles de Grasset résume en traits rapides les princi¬ paux faits observés dans l’autre partie de l’excursion du 16 oc¬ tobre; il énumère et caractérise par leurs débris organiques les différents terrains de la série paléozoïque qu’on a eu l’oc¬ casion de constater. Ces deux messieurs s’en remettent pour l’exposition par écrit et détaillée aux soins du Président. Les observations per¬ sonnelles, faites isolément par M. Dieulafait dans une région voisine, seront l’objet d’une communication écrite, spéciale, à la suite de cet exposé, dont voici la teneur : Compte rendu de ta course à Roujan. — Cabrïeres ; terrain juras . sique ; terrains paléozoïques ; par M. de Rouville. (Voir PI. VIII, fig. 8.) La Société s’est fait transporter en voiture jusqu’au nord de Roujan, au point où sont exploitées les plâtrières, dites plâ- trières de Roujan. La route plate sans inégalité de terrain longe, non loin de Pézenas, les collines mollassiques, parcou¬ rues la veille de Saint-Siméon et de Saint-Palais, puis se dé¬ roule uniformément sur la surface même du cailloutis sili¬ ceux; au-dessous se retrouvent les marnes jaunes marines crétacées, sous forme de calcaire moellon, souvent, elles- mêmes, remplies de cailloux siliceux, dont la forme générale¬ ment ellipsoïdale, la blancheur et une remarquable transluci¬ dité leur ont fait donner par nous le nom de dragées; d’où la dénomination de mollasse à dragées, que nous avons affectée à cette assise supérieure de mollasse, laquelle, par une coïnci¬ dence mise hors de doute, ne se trouve guère bien développée 960 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, que dans la région où le cailloutis siliceux incohérent atteint lui-même son principal développement. La mollasse, si éten¬ due aux environs de Montpellier, n’en porte pas trace. La rampe de Roujan, que l’uniformité générale du niveau rend plus sensible, est due à la présence de bancs durs dans cette mollasse à dragées qui supporte le village. *Les marnes bleues inférieures, par leur facilité plus grande à se laisser éroder par les eaux, ont aidé à ce relief; elles forment le sol de la route de Vailhan qui passe, sans autre changement topo¬ graphique, sur le toit des plâtrières que l’on exploite au nord de Roujan; les marnes bleues expirent tout auprès et les recou¬ vrent, et, sans les fosses d’extraction, on n’eût pas reconnu le contact des deux formations; quelques roches dolomitiques surmontent les couches de plâtre ; plus au nord, le relief s’ac¬ centue sous l’influence des relèvements du massif paléozoïque, dont les différents éléments allaient sous peu se reconnaître les uns après les autres, grâce à la route qui les franchit dans une direction transversale. Le mode d’être du plâtre, sa qualité, les couches qui le re¬ couvrent, ont un moment arrêté l’attention de la Société; les conditions de gisement se retrouvent ici les mêmes que dans toutes les autres régions triasiques du midi de la France : grands amas plus ou moins épais consistant en couches infi¬ niment minces de marnes interstratifiées entre les parties gyp- seuses qui, elles-mêmes, ne présententaucune régularité ni con¬ tinuité de stratification, filets gypseux flexueux, roses, verts ou blancs, portions plus compactes d’une exploitation productive, mais toujours décomposables en éléments fibreux, limitation plus ou moins irrégulière de la partie renflée, prolongements plus ou moins atténués des extrémités, grands pans verticaux dans la partie renflée exploitée, parties plus ébouleuses au toit et sur le prolongement des carrières, tout indique le mode uniforme de dépôt d’une substance essentiellement sédimen- teuse, mais déposée en nids, poches ou lentilles, grossière¬ ment et sans ordre, au milieu d’argiles terreuses qui n’ont pas permis au dépôt chimique de se séparer entièrement de la ma¬ tière ambiante. Les rochers dolomitiques sus-jacents n’ont pas fourni des caractères précis de niveau bien accusé; pourtant, l’économie géologique de la contrée, établie déjà depuis longtemps, et confirmée par des observations faites la veille par M. Dieula- fait, porte à croire que l’on a affaire aux premiers dépôts ju- DU 14 AU 20 OCTOBRE 1868. 961 rassiques qui continuent plus à 1*E. des témoins irrécusables de l’horizon de P Avicula conforta . Les marnes irisées qui enveloppent le gypse s’étalent dans la plaine, tout en se relevant vers le N., et renferment dans leur épaisseur quelques couches de calcaire solide qui déter¬ minent une première saillie dirigée N. E.-S. O. Le grès bigarré, représenté par un conglomérat à éléments siliceux, très-grossiers, d’une couleur rouge intense, affleure au N., formant une ride moins nette et en contre-bas de la pre¬ mière; il s’adosse sur les schistes d’abord rougeâtres, puis bruns et ardoisés, que leurs caractères pétrographiques et les débris de végétaux qu’ils contiennent font reconnaître sans au¬ cun doute pour les schistes impressionnés permiens. Quelques détails de contact entre ces diverses formations, une sorte de mur formé par le grès bigarré en contre-bas dans la rivière, donnent à penser qu’il y a eu en ce point dislocation et mou¬ vement, moins contestable vers PO. , mais dont la réalité ne sera plus douteuse à l’inspection du conglomérat permien inférieur. Les schistes ardoisiers, peu relevés, se redressent brusque¬ ment contre un banc épais et compacte de conglomérat, à gros éléments, parfaitement cimentés, la plupart calcaires, d’autres, plus rares, siliceux, que MM. Graff et Fournet ont re¬ connu partout comme formant la base du permien et qu’ils ont élevé à la hauteur d’un véritable et très-secourable horizon géologique dans la contrée ; le grès bigarré, ou cordon sili¬ ceux, rencontré auparavant au-dessus du permien schisteux, leur a offert un niveau géognostique non moins constant que le premier, non moins favorable à l’orientation géologique. Les berges de la rivière sont constituées en ce point par la formation permienne et y atteignent une hauteur considérable; elles se resserrent à partir de là et changent de nature; une roche de structure confuse et de couleur verdâtre affleure sous le conglomérat; à l’absence complète de stratification, aux fissures rectilignes et dirigées en divers sens, à la pâte cristalline, généralement peu reconnaissable, mais granitoïde en certains points, avec cristaux de feldspath plus distincts, noyés au milieu d’une masse verdâtre, on reconnaît une roche éruptive, peu susceptible d’être nettement classée et dénom¬ mée, mais attribuable évidemment à l’ensemble des roches porphyriques. L’apposition de ce permien redressé sur la nouvelle roche a provoqué de la part de la Société la question de savoir si le 962 réunion extraordinaire a Montpellier, porphyre avait agi comme masse soulevante et s’il devait être considéré comme n’ayant apparu qu’après la formation per¬ mienne et triasique. M. Graff, dans un mémoire inédit, mais qui sera, nous l’espérons, un jour imprimé, lui attribue, pour date d’apparition, l’intervalle du temps écoulé entre le silurien et le dévonien. Quelques considérations d’associations strati- graphiques ont fait, dans l’esprit d’autres observateurs, re¬ culer leur âge à une époque plus ancienne les faisant con¬ temporains des dépôts siluriens, entre lesquels ils seraient indus; quoiqu’il en soit, ils ont précédé le dépôt du terrain bouiller dont ils paraissent avoir contribué à former les élé¬ ments, ainsi qu’on peut l’observer au N. de Fouzillon, dans le dépôt houiller déposé sur le revers S. du plateau de Sauve- plane. Les dislocations du lit de la Feyne, si visibles à l’œil, pourraient être la conséquence d’un mouvement de beaucoup postérieur à l’épanchement; des traces de ce mouvement se retrouvent à quelques pas plus loin au niveau du moulin de Faytis, où la Société a pu constater un dérangement local et des pendaisons découches en tous sens. L’influence de la dénivellation s’éteint bientôt, et, en amont vers le détour que fait la rivière vers l’E., les couches de schis¬ tes ardoisiers permiens, toujours plongeant au S., se succèdent avec une régularité parfaite dans le lit même de la rivière, et, partant, à un niveau topographique bien inférieur à celui qu’elles affectaient en aval. Au-dessous d’elles apparaissent quelques représentants des conglomérats calcaires qui recou¬ vrent à leur tour le terrain houiller; des grès très-caractérisés, avec traces de Calamites, formant le toit de la couehe de com¬ bustible, décèlent, par leur nature, leurs grains de quartz, leurs paillettes de mica, le nouvel horizon qui forme un affleure¬ ment en écharpe continue et régulière dans l’espace compris entre Nef fiez et le confluent du Ribourel et de la Peyne; ce point hydrographique, remarquable dans la géographie de la contrée, l’est bien davantage encoreaupoint devue géologique. A gauche, à l’O., le terrain houiller bien distinct en ce point semble disparaître et se perdre pour céder la place à un déve¬ loppement considérable de marnes noires schisteuses, dont la couleur analogue à celle du terrain houiller provoque une confusion momentanée; c’est l’horizon des schistes siluriens supérieurs à Cardiolainterruptae t à Graptolites, très-noirs eux- mêmes, qui apparaît ici, venant de l’O. au contact du massif porphyrique, et se perd au contact du terrain houiller. DÜ 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 063 Les couches noires, fortement redresséès, butent en amont contre de vraies murailles de strates quartzeusès, revêtues du Lichen geographicus si caractéristique de la silice, lesquelles se prolongent à l’E., et, découpées en arêtes, forment un relief topographique connu dans la contrée sous le nom de grand et de petit Glauzy. La nature gréso-quarlzeuse des roches qui les constituent leur donne une grande résistance; leur intercalation au milieu de couches plus facilement délitables imprime à ce massif un cachet tout particulier qui s’impose de lui-même ù l’observa¬ tion du géologue; l’intérêt s’accroît quand on vient à constater que ces couches quartzeuses renferment un grand nombre de débris d’Encrines, et qu’elles supportent un ensemble de stra¬ tes calcaires et schisteuses d’aspect jaunâtre, toutes pétries de restes organiques. Ce sont, d’après les notes de M. de Yerneuil, transcrites dans le mémoire inédit de M. Graff, des Orthis , des Leptœna , des polypiers indéterminés dans les couches grési- ques, et dans le calcaire schisteux : Hemicosmites piriformis , Caryocislites . Favosites fibrosa , Chœtetes Torrubiœ , Chœtetes Tri - geri\ Orthis Trigeri? Leptœna? Melania? Quelques membres, et entre autres M. le Pasteur Frossard, de Bigorre, ont cru y re¬ connaître le niveau du dévonien; toutefois, la présence signa¬ lée par M. de Grasset, au-dessus dé ces couches, de l’horizon des schistes noirs à Cardioles, permet d’affirmer que c’est bien à un niveau silurien que l’on a affaire, niveau intermédiaire entre les trilobites e*t les Cardioles, dont les représentants or¬ ganiques, il est vrai, peu déterminables, avaient donné à penser à feu Sæmann, de si regrettable mémoire, que la faune dont ils font partie était plus ancienne qu’aucune autre de France. L’itinéraire tracé, dirigeant toujours en amont la Société, lui permettait, grâce à la pendaison des couches toujours sud, de retrouver les strates inférieures au système du Glauzy : c’é¬ taient des schistes verts ou violacés qui recouvrent immédia¬ tement le porphyre; des parties de cette roche, moins altérées que les autres et lavées par les eaux, ont permis de reconnaître la structure porphyrique plus développée que près de Faïtis; puis viennent les schistes à trilobites dont les relations un peu indécises sur cërtains poirîts semblent se des'sincr en grand comme supportant le porphyre qui' supporterait à soh tour lés couches du Glauzy; le fait incontestable est que plus àl’E., vers la Peyne, les schistes à Âsaphes affectent visiblement le plon- gement S. général, en conséquence duquel ils paraissent na- 964 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, tcrellement former la base de tout ce qui s’est présenté depuis le Glauzy ; ils ont fourni à M. Graff des gâteaux à Asaphes au S. de la campagne nommée Barthez. En ce point, on constate l’existence d’un îlot calcaire, par¬ faitement circonscrit, contrastant par sa pétrographie avec les roches entièrement observées : calcaire blanc compacte, mar¬ moréen, traversé de filets de spath, qu’un grand nombre de Productus très-bien conserves ne tardent pas à placer à leur véritable niveau géologique, le calcaire à Productus ou carbo¬ nifère. Des roches de même nature et de môme aspect, formant des massifs ou plutôt des buttes de même configuration, s’alignent de distance en distance de l’E. à l’O. et se profilent sous les yeux de l’observateur, dessinant, au milieu de la région uni¬ formément schisteuse, une ligne brisée, bizarre par la dispo¬ sition de ses parties ; les Productus qu’elles renferment attes¬ tent une unité d’horizon dont on a peine à s’expliquer les conditions de limitation en largeur et de fragmentation en di¬ rection. Il est probable que ces buttes représentent autant de noyaux calcaires dégagés aujourd’hui de la gangue schisteuse qui les enveloppait autrefois; M. Graff fait très-bien remarquer que les couches inférieures de ces calcaires à Productus sont de nature schisteuse qui les fait quelquefois confondre avec les schistes à Asaphes, leur sous-sol; la configuration des buttes, leur forme grossièrement arrondie qui pourrait les faire comparer à des bulbes d’oignon, leur surface comme lavée, et quelque¬ fois polie, leurs parties les plus extérieures un peu schisteu¬ ses, leur enveloppement partiel dans de vrais schistes, confir¬ ment cette manière de voir. Primitivement disposées en séries régulières et comme en chapelets, elles auraient conservé cette régularité après la dénudation ; en outre, le développe¬ ment sur certains points de parties schisteuses, essentiellement carbonifères, sont encore les témoins de la matière envelop¬ pante aujourd’hui disparue. M. Graff cite d’après M. deVerneuil les fossiles suivants dans le calcaire carbonifère : Productus giganteus, edelbergensis , latissimus , Cora,semireticu- latuSi Spirifer integricosta , lineatus, Evomphalus acutus , Caninia gigantesque voisine de la Caninia gigantea, Lithostrotion floriforme, lithodendron fasciculatum , Bellerophon hiulcus} baguettes de Cidaris, tiges et articulations de plusieurs espèces d’Encrines. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 965 Les buttes calcaires disséminées sur les schistes sont donc en quelque sorte sans racines et témoignent seulement des actions dénudatrices qui se sont exercées au détriment de la formation dont elles sont les seuls restes. Cet isolement leur communique une importance topographique et pittoresque qui ajoute à l’intérêt et à l’originalité de ces régions; l’une d’elles, plus allongée que les autres, ou plutôt, résultant d’un certain nombre d’îlots plus circonscrits, porte [le vieux château des Sept-Vailhan, agrégation de maisons perdues au N. de ces rochers calcaires qui se dressent et dominent la combe schis¬ teuse creusée à leur pied par la rivière. C’est dans cette combe que la Société est descendue après avoir, delà hauteur de Barthez, contemplé la succession si ré¬ gulière des couches qui bornent au S. l’horizon : sommets permiens sans aucune aspérité, affleurement houiller, schiste à Cardioles, système redressé du Glauzy, porphyre, schistes à Asaphes; cette même série se poursuit à l’E., et c’est sur un nouveau témoin du calcaire carbonifère, que la Société a trouvé, dans la vigne de M. deBronac, ingénieur des mines de Neffiez, un rafraîchissement singulièrement apprécié à cause de la bonne grâce de l’hôte et de l’opportunité de l’invitation. Un nouvel élément stratigraphique se présentait à quelque dis¬ tance au N. du lieu de la halte : c’est un massif calcaire dont les caractères et les fossiles ne rappellent aucun de ceux re¬ connus jusqu’alors dans la course, calcaire jaunâtre, dolomi- tique, en assises généralement minces, formant un vaste pla¬ teau; il contient dans son épaisseur des couches quartzeuses qui offrent la particularité d’être criblées de cavités, du fond desquelles s’élancent en forme de colonnettes des tiges d’En- crines entièrement siliceuses; ces couches plus résistantes par leur nature saillent sur certains points du reste de la masse sous forme de crête rectiligne que l’on prendrait de loin pour un filon d’âge postérieur aux couches enveloppantes; cet effet se produit surtout sur le revers nord en vue de Cabrières. Les débris organiques, soumis par M. Graff à l’examen de M. de Verneuil, sont, d’après la liste incluse dans le mémoire inédit du premier : Terebratula princeps ou subwilsoni , reticularis , plicatella ; Lep- tœna imbrex ; Orthis crenistria , striatula ; Pentamerus galeatus ; Evomphalus ; Favosites gothlandica , Goldfussi ; Chœtetes Trigeri ; polypiers indéterminés. Ce plateau, dit le Falgaisas, a son bord découpé au N. E. du 966 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Vailhan, en ligne courbe, formant un demi-cirque, et donne lieu, grâce à l’assise de schistes marneux noirs à Cardioles qui le supporte, à un niveau d’eau très-remarquable dans le pays; il s’étend à l’est jusques au sud de Cabrières et donne, par l’uniformilé de ses roches et de son relief, un caractère de monotonie à la route de Nef fiez à Clermont, qui a engagé la So¬ ciété à faire une partie de ce trajet en voiture. Avant de se diriger vers le nord, elle a constaté deux faits intéressants: c’est d’abord la trace d’une dislocation considé¬ rable accusée par le redressement presque vertical des schis* tes permiens contre le calcaire de Falgaisas, au lieu dit la Resclause: c’est ensuite l’existence, sur le même point, d’un dépôt très-épais de tuf, qui n’a pas offert de débris végétaux, mais dont la formation rentre dans les conditions ordinaires de cette catégorie des phénomènes quaternaires, dont le vil¬ lage de Castelnau, près Montpellier, a offert dès le second jour un si remarquable représentant. La Société n’a quitté la voiture qu’après avoir atteint le bord septentrional du plateau, au moment où un monde tout nou¬ veau allait provoquer son attention ; elle abordait la combe d’Isarne, bien connue dans la région par le nombre des termes de la série paléozoïque qu’elle renferme, et aussi par un souvenir du plus haut intérêt pour l’histoire de la science ; la multiplicité des horizons, l’absence de netteté dans leurs contours et dans leurs relations réciproques, des apparences trompeuses dans les contacts et les rapports stratigraphiques ont donné lieu de la part de MM. Graff et Fournet à une infi¬ délité temporaire aux lois d’une saine paléontologie, dont iis nJont pas tardé à revenir à la lumière des documents fournis parM. de Verneuil, puisés dans une connaissance plus com¬ plète des éléments de la faune paléozoïque. Sous les yeux de l’observateur, placé au commencement du premier des nombreux lacets de la route qui descend vers Ca¬ brières, se dresse au N. un pic élancé, au talus rapide sur les trois quarts de sa hauteur, en abrupt escarpé à son sommet, qui forme le trait le plus saillant de l’orographie du pays : c’est le pic de Bisson ou de Cabrières, du nom de la petite localité qu’il domine; il atteint une hauteur de 482 mètres, altitude faible en elle-même, mais rehaussée par le niveau générale¬ ment déprimé de la région environnante, et aussi par la forme élancée de son sommet, qui se détache en sorte de bonnet phrygien du reste de sa masse. Notre collègue, M. Gh.Martins, DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 967 a retrouvé dans son aspect quelques traits du rocher de Gibraltar. Entre le pic et le lieu actuel de Inobservation, s’étend un es¬ pace de quatre à cinq kilomètres, occupé par un mamelonné formé de talus et d’abrupts, indices de la double nature schis¬ teuse et calcaire des roches qui le constituent; les abrupts s’a¬ lignent vers l’ouest en trois rangées parallèles, séparées par des vallées ou bas-fonds, creusés dans le sous-sol schisteux : l’une, laplus septentrionale et la plus élevée, où saillent les pics de Bisson et de Bissonnet, les deux autres plus rapprochées à gauche de l’observateur; celle que suit la route se trouve au premier détour rompue en deux portions légèrement rejetées l’une par rapport à l’autre. C’est à cette rupture et à ce rejet qu’est due la combe d’Isarne, et, dans cette combe, l’apparition au jour des couches recouvertes, et aussi l’inclinaison rapide vers le sud des roches solides sous l’influence du glissement plus ou moins considé¬ rable des couches schisteuses sous-jacentes. Au-dessous des calcaires du Falgairas se présente un talus rapide, formé par les marnes noires schisteuses à boules et à Cardioles déjà si souvent signalées : c’est l’horizon du silurien supérieur dont M. de Yerneuil a déterminé les fossiles suivants : Siphocrinites elegans ; Cardiola interrupta ; Terebratula Sapho ; Graptolites priodon ; Orthoceratites elegans. Quelques-uns de nos confrères ont recueilli des Cardioles et de nombreux Graptolites. Le contact immédiat de ces schistes avec les calcaires re¬ couvrants ne permet pas de récuser en doute leur succession sans intermédiaire dans la série des dépôts, du moins dans notre région qui en offre plus d’un exemple. En descendant la combe et contre le talus, se trouvent des calcaires en rognons ellipsoïdaux, entremêlés de schistes dont la richesse en Encrines et en Productus établit l’âge pré¬ cis, mais dont lés conditions stratigraphiques sont telles qu’elles ont pu suggérer, et suggéreraient encore, sans le veto de la paléontologie, la notion d’une superposition normale des schistes à Cardioles sur le calcaire carbonifère; ce dernier s’accompagne vers l’est de couches gréseuses, où se rencon¬ trent de nombreuses empreintes de plantes, parmi lesquelles M. Graff signale les Knorria imbricata , Stigmaria ficoides , Lepi- dodendron dichotomum , précurseurs, sinon représentants de la 968 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, flore houillère; ajoutons encore qu’au détour môme de la route, à l’extrémité du premier lacet, dans un rapport d’appo¬ sition presque immédiate au calcaire deFalgairas et aux schis¬ tes à Cardioles, se rencontrent des dalles implantées de cal¬ caire brun rougeâtre, contenant des débris de Goniatites, dont un certain nombre se trouvent isolées sur le sol : Goniatites amblylobus , retrorsus ; l’examen des fossiles a dissipé les ob¬ scurités de la stratigraphie; la simple constatation de ces ho¬ rizons divers, leur coexistence sur une surface aussi circon¬ scrite, le peu d’épaisseur des couches qui les représentent, justifient amplement les défaillances momentanées des pre¬ miers observateurs, et le rétablissement de l’ordre, au milieu d’éléments en apparence si confus, peut être considéré comme l’un des titres les plus éclatants dont puissent se prévaloir les doctrines paléontologiques. Les calcaires dévoniens, accompagnés vers l’est de couches de lydienne, se présentent à droite de la route sur une plus grande surface ; leurs strates minces, relevées vers le nord , carac¬ térisées par la couleur spéciale des marbres griottes de Gaunet, des Pyrénées et de la Saxe, s’appuient sur des calcaires qui constituent la plus méridionale des trois crêtes que nous avons signalées, et que nous avons décrite comme rompue en deux portions déjetées, toutes deux d’une composition identique. Ces derniers calcaires présentent une particularité pétro- graphique remarquable : généralement dolomitiques, ils of¬ frent, dans leur épaisseur, des portions circonscrites demeu¬ rées à l’état calcaire, lesquelles par leur blancheur et leur saillie contrastent d’une façon bizarre avec le fond uniformé¬ ment jaunâtre du reste de la masse. Ces parties de roches nor¬ males semblent, de loin, former un dépôt indépendant et plus récent que les autres; examinées de près, on les voit se fondre peu à peu dans les couches dolomitiques. La plus con¬ sidérable et la plus saillante de ces masses calcaires ainsi cir¬ conscrites forme la gibbosité nommée montagne de Bataille sur la moitié déjetée au nord et à l’ouest; d’autres se profilent en séries rectilignes, qui s’aperçoivent de loin sur les princi¬ paux massifs du même calcaire dolomitique (Bellesadet, la Rossignole, le Serre); les calcaires normaux sont la plupart rubannés de zones de quartz lydien, dont la continuité dans les couches dolomitiques établit à nouveau cette liaison et cette identité. A ces caractères déduits de la pétrographie s’ajoutent ceux que DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 969 la paléontologie fournit et qui concourent avec les premiers, malgré quelques éléments communs, à faire de la formation qui les renferme un horizon nouveau et autonome; c’est d’a¬ bord dans les portions calcaréo-siliceuses la présence d’un grand nombre de pygidium, de têtes, de thorax de trilobites du genre Phacops , Marpes , Bronteus, parmi lesquels M. de Yerneuil a reconnu le Phacops latifrons , le Bronteus pelifer. C’est ensuite une extrême abondance de polypiers qui a valu à cette formation, de la pan. de MM. Graff et Fournet, le nom de calcaire à polypiers ; ce sont parmi les plus communs : Cyatho- phyllum helianthoides , Maliolites inlerstincta> Cylhophyllum , stro- matopora concentrica , Chœtetes Trigeri ;à ces fossiles se joignent des brachyopodes dont la Société a recueilli quelques-uns sur sa route: Terebratula princeps ou subwilsoni , reticularis ; Orthis crenistria , un Spirifer voisin du Spirifer speciosus , un autre qui rappelle le Spirifer Bouchardi. Parmi les débris recueillis par un cultivateur de la localité, nous avons cru reconnaître une Calcéole, mais unique et de provenance peu sûre; toutefois, il n’est pas douteux qu’elle a été ramassée dans l’un des massifs de la région. On y trouve encore un Capulus voisin du Capulus priscus, la Posidonomya Becheri , le Tentaculites ornatus. La fracture qui ferme la combe d’Isarne a mis à jour les schistes inférieurs, où se sont retrouvés sous les yeux mêmes de la Société des gâteaux à Asapbes. Les mêmes schistes forment le sol et les berges de la route jusques à Cabrières, où la Société s’est arrêtée pour passer la nuit. Si nous récapitulons les divers horizons reconnus dans la journée par la Société, nous énumérerons dans l’ordre ascen¬ dant : Schistes à Asaphes. Porphyres. Quartzites et grès de Glauzy. Schistes à Cardiola interrupta. Calcaire dolomitique de Falgairas avec quartz à Enerines. Calcaire à polypiers. Lydiennes, schistes noirs et strates rouges avec Goniatites. Calcaire à Productus. Terrain houiller. Terrain permien. Les fossiles énumérés suffisent à assigner au plus grand nombre de ces dépôts leur place respective dans le tableau Soc . géol,y 2e série, tome XX Y. 62 970 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, général des terrains; le niveau du calcaire à polypiers, que nous rapportons au terrain dévonien, malgré quelques fossiles communs avec le calcaire de Falgairas, que certaines considé¬ rations stratigraphiques nous engagent à laisser dans le silurien, est l’unique objet de divergence entre le classement préétabli par M. Graff et le nôtre. L’opinion de cet ingénieur, tendant à rapporter au silurien toutes les couches ci-dessus énumérées, jusques aux schistes noirs et strates rouges,, pour lui comme pour nous, essentiellement dévoniens, repose sur une interpré¬ tation particulière des faits de stratigraphie qu'en son ab¬ sence nous n’avons pas cru devoir évoquer au sein de la ses¬ sion actuelle ; cette discussion sera le sujet d’une publication ultérieure après l’impression de son mémoire. M. Dieulafait, à l'occasion du gypse de Roujan, fait la communication suivante : En sortant de Roujan la Société a visité les plâtrières ou¬ vertes à une petite distance au nord du village. A Roujan, les gypses font partie de l’étage du keuper. Ceux des membres présents qui avaient exploré les Alpes ont été immédiatement frappés des analogies extraordinaires pré¬ sentées par l'aspect des terrains gypsifères de Roujan avec les terrains correspondants des Alpes, et plus particulièrement avec ceux des Alpes de la Provence. Les gypses de Roujan ont une épaisseur considérable et sont déposés en assises bien stratifiées. Dans les Alpes et leurs dépendances immédiates, les gypses se montrent en général en amas informes, sans suite et sans apparence de stratification. On comprend très-bien, dès lors, qu’à une certaine époque, les gypses aient pu être considérés comme des produits métamorphiques et formés après coup par des réactions chimiques. Aujourd’hui que les phé¬ nomènes anciens tendent de plus en plus à être expliqués par les mêmes causes que les phénomènes modernes, cette idée de gypses métamorphiques doit complètement disparaître. Mais, si cette idée s’offrait naturellement à l’esprit pour les gypses des Alpes, il n’a été possible, à aucune époque, de l’appliquer à ceux du Languedoc. Quand on examine, en effet, les gypses de Roujan, ceux de la Défriche, ceux de l’Avey¬ ron, etc., on constate une superposition si régulière des diffé¬ rentes assises, on voit une si grande identité entre les dépôts DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 971 gypsifères (à part la composition, bien entendu) et les bancs de grès auxquels ils succèdent et avec lesquels même ils alter¬ nent souvent, qu’il est impossible, à l’ouest du Rhône, de se faire sur leur origine une autre opinion que celle qui tend de plus en plus à prévaloir : les gypses de la période secondaire ont été déposés, à une époque coïncidant exactement avec celle des dépôts au milieu desquels ils reposent, par l’évaporation des eaux de la mer. Au-dessus des gypses se développe un système puissant de cargneules qui, là comme dans la région des Alpes, font encore partie du keuper. Elles sont recouvertes par des dolomies très-compactes qui, si on en juge par le caractère minéralo¬ gique, doivent déjà faire partie de l’infra-lias. Toutefois, la So¬ ciété n’a pas réussi à rencontrer dans ce système des restes organiques susceptibles de l’éclairer suffisamment. En franchissant les dolomies et marchant dans la direction de l’ouest, on atteint bientôt, au quartier Cassan, le plan de l’Estang, où les gypses, prolongement des précédents, sont de nouveau exploités. Les gypses de l’Estang sont en contre- bas du sol, et la vallée est remplie par un dépôt assez puissant d’alluvions quater¬ naires. A l’ouest de la vallée on voit se relever un petit massif de calcaire bleuâtre et un deuxième plus au nord de l’autre côté de la route de Roujan à Gabian. Dans le premier on a ouvert une exploitation de chaux. Plusieurs Belemnites , la Terebratula cornuta , la T. resupinata et un nombre assez considérable de très-petites Huîtres identiques avec celles qui dans le Var accompagnent constamment l’O. cymbium dont elles ne sont probablement que des jeunes, et quelques autres fossiles rencontrés dans ces calcaires me font nécessairement les rapporter à l’étage du lias moyen. On ne voit là ni lias inférieur, ni infra-lias, mais il est à peu près certain que ce dernier étage existe au-dessus des gypses et n’arrive pas jusqu’à la surface du sol. En s’avançant vers Neffiez les terrains anciens reparaissent, mais sur le territoire de cette dernière commune on retrouve les terrains sédimentaires très-développés. 11 y a neuf ans que M. Hébert a signalé à Neffiez (1), au- (1) Bull, de la Soc . géol 2e série, t. XVI, p. 905. 972 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, dessus du grès houiller, les trois termes de la formation tria- sique. Sans doute les assimilations établies par M. Hébert n’auront dans la science force de loi que quand on aura décou¬ vert un nombre de preuves et surtout de preuves paléontolo- giques suffisantes pour établir une démonstration complète ; mais, en attendant, rien n’est venuinfirmer les idées du savant professeur de la Sorbonne, et les quelques débris organiques rencontrés à Neffiez dans les parties correspondant au n°i et au n° 2 de la coupe de M. Hébert tendraient plutôt à les justifier. Maintenant, nous dirons que l’étage de l’infra-lias existe pro¬ bablement à Neffiez. Parmi les idées nouvelles et fécondes inaugurées par notre savant Président à la réunion extraordinaire de Montpellier, il en est une qui mérite la reconnaissance de la Société géolo¬ gique tout entière, c’est d’avoir isolé des collections de la Faculté et placé sous nos yeux, avant de commencer l’explo¬ ration de l’Hérault, tous les éléments paléontologiques et miné¬ ralogiques recueillis depuis de longues années dans les régions que nous allions examiner. Dans l’un des tiroirs renfermant les fossiles du muschelkalk je remarquai deux plaques montrant à leurs surfaces un certain nombre de gastéropodes de très-petite taille provenant de Nef¬ fiez. Ces fossiles me semblèrent tout à fait analogues à ceux qui accompagnent toujours en Provence YAvicula contorta. J’ai vu, aux environs de Neffiez, la station qui avait fourni les fossiles précédents; mais elle ne m’a montré rien de bien concluant. Toutefois, je persiste dans ma première opinion, tout en constatant bien qu’elle a besoin de nouvelles preuves pour passer à l’état de fait incontestable. Du reste, la Société peut être certaine que la solution complète de cette question lui sera fournie dans un temps très-rapprocbé. Les fossiles à Neffiez sont assez nombreux et assez bien conservés ; quand nos savants confrères de l’Hérault en auront réuni un nombre suffisant, nous les comparerons soigneusement avec les cen¬ taines de fossiles infra-liasiques et triasiques que j’ai recueillis en Provence, et alors la solution complète de la question que nous signalons ici sortira nécessairement de cette comparaison. M. Paul Gervais rappelle les détails qu'il a publiés (1) au (1) Zoologie et paléontologie françaises } p. 450. — Mémoires Acad, des Sc. de Montpellier , t. V. p. 127. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 973 sujet des ossements d'un grand crocodilien, découverts, auprès de Lodève, dans la propriété de MM. Calvet frères, et que lui ont signalés MM. Émilien Dumas et Paul de Rouville. Ces pièces intéressantes pour la science sont aujourd’hui déposées dans les collections de la Faculté des sciences de Montpellier. Elles consistent en plusieurs vertèbres, dont une entière, et en six côtes, placées en série. Les vertèbres sont biplanes, cylindroïdes, quoique clepsydiformes. Celle qui est entière mesure 0m,12 de longueur et0m,06 de largeur transversale à ses faces articulaires. Les côtes sont fortes, solides, pleines, aplaties d’avant en arrière, et élargies dans le même sens, ainsi qu'à leur extrémité vertébrale, qui, mesurée sur deux d'entre elles, a environ 0m,Û6 sur la face aplatie; la longueur de l'une de ces côtes dépasse 0m,40. Le tout est encore compris dans un bloc du calcaire marneux, de couleur jaunâtre, qui servait de gangue à ces ossements. On ne saurait en établir encore la nature zoolo¬ gique d’une manière définitive. Cependant, à en juger par la forme et la conformation des vertèbres, on est conduit à penser qu'il s’agit ici d'un grand crocodilien, plutôt que d’un animal marin appartenant au groupe des Énaliosau- res, et la comparaison avec l'Ichtbyosaure ne laisse non plus aucun doute sur la dilférence des caractères, parce que ceux-ci ont les vertèbres biconcaves et raccourcies. Les vertèbres du Soekilopleuron, des terrains oolitbiques des environs de Caen, semblent au contraire pouvoir être com¬ parées à celles du grand reptile des environs de Lodève, mais il n'y a aucune certitude que les unes et les autres soient d'animaux ayant appartenu au même genre. M. P. Gervais, en se basant surles caractères dès à présent connus du grand reptile de Lodève, avait été conduit à penser que le terrain dont il provient appartient plutôt aux assises inférieures de la série jurassique qu'au système triasique. Après cette communication, M. le Président rend compte 974 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, des courses faites dans la journée de la veille et dans la matinée de ce jour. Compte rendu des courses faites au pic de Cabrières , à Mouréze , à Clermont et à la tuilerie de Lodève ; par M. de Rouville. Avant de raconter l’ascension au pic de Cabrières, nous croyons devoir renouveler au nom de tous nos confrères l’ex¬ pression d’une juste reconnaissance pour l’hospitalité si spon¬ tanée et si cordiale des habitants de Cabrières; la table de M. Lenoir, servie avec une recherche tout intentionnelle, son humble café transformé en Hôtel des Géologues , les lits mis libé¬ ralement à la disposition des membres de la Société dans cha¬ cune des maisons de ce village, vraie capitale des régions paléozoïques de France, sont autant de traits de cette récep¬ tion exceptionnelle qui ne s'effaceront pas du souvenir de ceux qui en ont été les objets. Divers toasts ont été portés pendant le repas par le Président : àM. Graff, ex-directeur des mines de Neffiez qui, avec M. Fournet, de Lyon, et le concours ultérieur de M. de Yerneuil, a si bien déchiffré les terrains si compliqués et si intéressants de cette contrée, et à M. le pro¬ fesseur Ansted, secrétaire de la Société géologique de Londres, qui a bien voulu venir fraterniser avec ses collègues de France dans une région si éloignée de la sienne; à MM. les membres de la Société géologique par M. Alfred Westphal, qui s'ap¬ plaudit du bon accueil fait parla Société à celles des person¬ nes qui l’ont accompagnée sans faire partie du nombre de ses membres ; à la fraternité scientifique, par M. le pasteur Fros¬ sard qui constate avec bonheur la réunion fraternelle pour la recherche du même but scientifique de tant d’hommes divers de pays et de religion ; enfin aux habitants de Cabrières, si hospitaliers, par M. le vice-président Coquand. Le pic de Cabrières, qüi s’était montré dès la veille à la So¬ ciété sous un jour si pittoresque, est formé pour les trois quarts de son épaisseur par les schistes à trilobites; la partie supérieure présente un système tout différent de couches qui ne contribue pas peu à accentuer la saillie du sommet. Ce sont d’abord des calcaires schisteux rubannés de quartz lydien, puis, ce même quartz sans calcaire, supportant des assises minces de calcaire rouge à Goniatites; le tout est surmonté DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 975 d’un massif de calcaire blanchâtre, marmoréen, présentant une grande quantité d’empreintes d’Encrines, et, en certains endroits, de nombreux trilobites de petite taille; ce calcaire tranche par sa couleur et ses couches massives avec les strates dévoniennes qu’il couronne et revêt vers le nord sur une partie de leur surface. Cette succession d’assises d’observation si facile présente donc un cas de superposition du dévonien sur le silurien moyen, sans l’intermédiaire du double horizon des grès de Glauzy et des schistes à Cardioles. Une lacune non moins importante dans cette même coupe, c’est l’absence du calcaire à Encrines siliceuses qui, partout où il se présente dans la région, recouvre immédiatement les schistes à Cardioles (plateaux de Sauveplane, du Falgairas, mont Conil); de son côté, l’horizon des Goniatites présente ici les divers éléments qui le constituent partout dans les envi¬ rons de Cabrières; la mer dévonienne paraît donc avoir dé¬ posé dans toute son étendue des sédiments similaires ; de plus, elle semble avoir respecté la série formée des grès du Glauzy, des schistes à Cardioles et des calcaires à Encrines siliceuses; en effet, nulle part dans la région ces derniers termes de la série silurienne ne sont recouverts par un dépôt ultérieur et ne présentent de trace de dénudation. La Société a pu jusqu’à un certain point constater de l’œil ces différents faits, grâce au magnifique panorama qui se dé¬ roulait à ses pieds ; son attention s’est portée successivement aux divers points de l’horizon, qui lui offraient tout ensemble les terrains qu’elle avait parcourus la veille et ceux qu’elle de¬ vait traverser dans la seconde partie de la journée. C’était au sud, et jusqu’à la vue de la butte basaltique de Fontès, une succession de collines et de courbes dirigées E.O., celles-ci creusées dans les schistes à trilobites, celles-là for¬ mées par des calcaires tous dévoniens, à l’exception d’un seul, carbonifère (le Vieux-Château), lesquels se présentent sous forme de nappes respectées par l’érosion ou de buttes isolées par elles et offrant aux regards le contraste de roches d’un blanc éclatant, se détachant sur un fond de calcaire jaunâtre et dolomitique. Au delà de ces reliefs la plaine de l’Hérault et son mame¬ lon peu accusé formé par la mollasse, les dépôts lacustres et le terrain jurassique, qui se distingue moins par son altitude que parla couleur de ses roches et l’état dénudé de sa surface , 976 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, au plus loin les étangs et la mer à la séparation desquels, ser¬ vant d’attache au ruban sinueux du cordon littoral, surgissent la montagne jurassique de Cette et la gibbosité volcanique du mont Loup d’Agde. Tout au pied du pic, sur la droite, un accident topographi¬ que très-cireonscrit frappe les regards; c’est un méplat de terrain limité sur trois côtés par un abrupt que l’aspérité de la roche fait reconnaître de loin pour un dépôt de tuf, formé à la longue par une source intermittente à longs intervalles, qu’on appelle dans le pays Estavelle. A l’est, les terrains paléozoïques se prolongent et finissent par disparaître sous les formations du trias et du jurassique in¬ férieur qui enceignent la fraîche oasis de Villeneuvette. A l’ouest, l’œil rencontre un plateau remarquable par sa surface sans inégalité qui lui vaut le nom de causse, dénomi¬ nation générale affectée dans le pays aux plateaux étendus, aux plaines en montagnes, comme les appelle Buffon. C’est le causse de Rouet, de Yalmascle, formé par une masse uniforme de tuf et de basalte qui recouvre les schistes anciens et dé¬ robe aux regards les dépôts secondaires qui se développent au nord du pic. Ces dépôts affectent ici des formes d’une beauté pittores¬ que, exceptionnelle, que l’on chercberaitvainementailleurs et que la Société appréciera mieux quand elle s’en sera rappro¬ chée et qu’elle aura parcouru les méandres des chemins fan¬ tastiques creusés par l’érosion; il s’agit d’un développement unique de la dolomie qui représente ici l’oolithe inférieure ; ses formes bizarres fixent l’attention de l’observateur et semblent reculer bien loin en sa faveur les bornes de l’horizon que la grande muraille dolomitique limite pourtant à une assez faible distance du pic, et au delà de laquelle on ne peut atteindre qu’après s’être rapproché de Clermont-l’Hérault. Cette nouvelle région devant faire l’objet de la course du soir, la Société s’est contentée de cette vue générale et est redescendue à Cabrières sur la même face du pic, par un chemin différent de celui qu’elle avait suivi le matin, mais qui lui a naturellement offert, dans leur même ordre respectif de succession, les divers systèmes de strates déjà reconnus par elle ; les schistes du bas de la montée lui ont permis de faire une abondante récolte de trilobites. Quelques heures après, elle gagnait la région de Mourèze DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 977 pour se rendre à Clermont, d’où le chemin de fer devait la porter le soir même à Lodève» Sur notre passage se trouvait la fabrique de Villeneuvette, si intéressante par son histoire et ses traditions locales, en même temps que par la direction éclairée et paternelle de la famille Maistre. Son représentant actuel, M. Jules Maistre, bien connu, même en dehors de l’industrie, par ses travaux météo¬ rologiques, a bien voulu nous servir de guide au milieu de ses innombrables ateliers. Après une trop courte visite, nous avons franchi en voiture le massif épais de calcaires magnésiens que la stratigraphie rattache au dévonien; ces calcaires repo¬ sent sur des schistes qui, à une très-petite distance, ont fourni un fragment de trilobite, que M. de Verneuil croit être un asa- phien et des sortes de protubérances bilohées portant à leur surface des réseaux de stries qui rappellent les empreintes nommées bilobites, sur la vraie nature desquelles on n’est pas encore d’accord. Nous nous trouvions alors à la limite nord des terrains pa¬ léozoïques; ils disparaissent sous les formations secondaires pour ne plus se montrer nulle part en France avec cette mul¬ tiplicité d’horizons accumulés sur un aussi étroit espace. Calcaires et dolomies de l’oolithe inférieure ( étage bajocien de d’Orb. ), marnes supraliasiques (liasien marneux et toarcien de d’Orb.),lias moyen calcaire, n’occupent vers la descente de Mou- rèze qu’une largeur de quelques mètres, tant il§y sont dressés et resserrés. Le lias moyen formant voûte, l’épaulement ooli- thique nord se développe et la dolomie qui le représente affecte une épaisseur considérable qui, grâce à sa texture lâche et friable, a offert un merveilleux champ d’action aux agents at¬ mosphériques; l’ouvrier n’a pas fait défaut à la matière et l’œuvre n’est pas restée au-dessous de la matière et de l’ou¬ vrier; tout ce que l’imagination peut se représenter de gran¬ diose, de féerique, comme châteaux ruinés dont se distinguent mal les maisons du village, tours démantelées, gigantesques monolithes, murs excavés, voûtes sombres, portiques élancés, figures grotesques, pyramides reposant sur leur pointe, s’y trouve à chaque pas réalisé. Un effet de contraste rehausse le pittoresque; la dolomie déchiquetée en aiguilles supporte des assises nettement réglées, à double courbure en forme de berceau, d’un calcaire compacte blanchâtre que sa pétrogra¬ phie et ses fossiles rattachent à l’oxfordien supérieur et au corallien. 978 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Le sentier que nous avons suivi se déroule au milieu de blocs colossaux de toutes les formes, le long de la paroi qui supporte les couches du jura blanc; un autre spectacle non moins original devait après une heure de marche nous appa¬ raître du milieu même de ce chaos : c’est l’horizon monochrome des schistes permiens de la vallée du Salagou, lesquels, par leur couleur rutilante et leurs formes moutonnées, donnent lieu à une opposition étrange avec la couleur grise et les aspérités sauvages de la contrée où nous nous trouvions. Le jurassique continue à former le sol jusqu’aux portes de Clermont, où le trias, riche en dépôts de gypse, affleure le bas-fond où est placée la ville. Une carrière où se trouve la Gryphœa cymbium , exploitée pour alimenter un four à chaux, indique dès l’entrée l’horizon du lias moyen; la Société s’est bornée à en constater l’existence, l’heure et le programme la dirigeant sur Lodève. Bien des sujets différents d’étude l’attendaient aux environs de cette ville; l’îlot de transition qui supporte Lodève, le per¬ mien et ses ardoises riches en débris de végétaux qui s’y ap¬ puient du côté du nord et de l’est, le développement du trias avec ses empreintes de Labyrinîhodon (1), l’horizon si recher¬ ché de la cosmopolite Avicula contorta (2), enfin le jurassique (1) Je crois que l’empreinte de Cheirosaurus que vous m’avez envoyée est d’une autre espèce que celle de Hildburghausen ; elle ressemble plus à l’es¬ pèce qui a été décrite dans le Quarterly Journal of the Geol. Soc., 1867, vol. XXIIt, p. 56, pl. iii. [Extrait d'une lettre de M. Geinitz à M. Bioche). (2) Au nord du chemin de Lodève à Fozières se dresse le petit monticule de Yinas, dont M. Hébert a dit quelques mots dans sa note sur la limite infé¬ rieure du lias dans le Gard et l'Hérault. [Bull., 2e série, t. XYI, p. 917.) Le sommet de ce mamelon est, comme l’a dit M. Hébert, constitué par un lambeau de dolomie infra-liasique. A quelques mètres au-dessous du sommet , se trouvent des bancs assez épais de calcaire bleu, siliceux. Dans l’un de ces bancs, j’ai recueilli quel¬ ques fossiles peu déterminables malheureusement, mais parmi lesquels notre savant confrère, M. J. Martin, a pu reconnaître Pullastra elongata, Moore ( Cypricardia porrecta, Dumortier) ; Avicula, très-voisiue de VA. Sidœloci , Martin; Avicula, ressemblant beaucoup à VA. falcata , Stoppani; Avicula, Stoppani, pl. Bl,fig. 10, mais à expansion anale moins prononcée; Gervillia, sp. ? Stoppani, pl. 31, fig. 15; Anatina 9 voisine et de l’fl. Remilliana Martin, et del’fl. Suessi, Oppel. Malgré l’absence des Corbula Ludovicœ, Pecten pollux , Ostrea sublamel- DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 979 avec son caractère local de dépôt tranquille et sa forme topo¬ graphique en causses aux vastes étendues, devaient ouvrir de nouveaux champs d’observation à la Société et ajouter à ceux des jours précédents un nouvel exemple de la coexistence sur un espace infiniment resserré d’horizons géologiques très- divers. Malheureusement une pluie torrentielle durant de longues heures l’a forcée de renoncer à cette partie de son programme; une tentative digne d’une meilleure issue lui a permis de tou¬ cher un moment du marteau les premiers schistes ardoisiers de la tuilerie; la coupe du permien de Lodève, dressée par M. Coquand en 1855 (1) et lue sur place par la Société, lui a épargné un travail de recherche que rendaient difficile les con¬ ditions du moment; car, la pluie redoublant, elle a dû battre en retraite et se résigner à chercher dans la cause même de son mécompte un objet d’observation, tout nouveau du reste pour un grand nombre de ses membres peu familiarisés avec les phénomènes hydrologiques du Midi. L’abondance des eaux tombées en un petit nombre d’heures, le grossissement subit de la rivière, la nature et la quantité des matières entraînées, lui donnaient en quelque sorte le spectacle des scènes du même ordre qui ont dû se répéter si souvent à la surface du globe et ont produit les vastes dépôts détritiques qui entrent pour une si grande partie dans sa composition. Les agents ac¬ tuels, dans leur manière la plus habituelle, se sont comme imposés à son souvenir pour la maintenir dans la saine mé¬ thode de l’interprétation géologique. Nos confrères, MM. Mi¬ chel, Ch. Martins et M. Jules Maistre ont bien voulu nous donner quelques chiffres exacts à l’occasion de cette chute d’eau, que nous croyons opportun de placer à la suite de ce compte rendu en l’absence d’aucune autre reconnaissance géo¬ logique dans cette journée; trois ou quatre membres seule¬ ment ont cependant bravé le temps pour aller reconnaître le losa , si abondants à Gammals dans le Ghaylard (Gard), ces calcaires me pa¬ raissent devoir être placés sans aucune hésitation au niveau de la zone à Ammonites planorbis. Au-dessous, viennent des calcaires jaunes, dolomitiques renfermant des dents , des Pecten et des Avicula conforta. Plus bas, cargneules et marnes multicolores alternant ensemble et repo¬ sant sur les grès à Labyrinthodon. ( Note de M. Bioche). (1) Bull., 2e série, t. XII, p. 128, pl. IV. 980 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, gisement de Labyrinthodon dans les assises supérieures du grès bigarré de Fozières. M. Coquand prend la parole pour joindre son témoignage à celui de M. le Président à l’endroit du caractère exceptionnel du développement et de la physionomie pittoresque des dolo¬ mies de Mourèze; il affirme que ni lui, ni aucun autre de ses collègues, malgré des voyages lointains et nombreux, n’ont trouvé nulle part un exemple aussi remarquable des formes que la dolomie est susceptible d’affecter sous l’action des agents atmosphériques. Il convie avec une éloquence persua¬ sive les habitants de Lodève à ne pas demeurer plus longtemps étrangers à cet étrange spectacle. Le même membre met sous les yeux du public un échan¬ tillon de galène argentifère provenant de la tuilerie de Lodève, simple fissure entre les schistes permiens, remplie par la substance métallique. M. de Saporta énumère quelques-unes des plantes les plus caractéristiques de la flore permienne de Lodève; il rappelle à cette occasion tout ce que les formations variées reconnues dans cet arrondissement lui ont offert de particulier et d’inté¬ ressant, et il émet le vœu qu’il soit établi à Lodève un musée des richesses pétrographiques et paléontologiques de la lo¬ calité. La Société tout entière s’unit à M. de Saporta pour recom¬ mander cette création à la haute sollicitude de l’édilité si éclairée de la ville de Lodève. M. Dieulafait fait la communication suivante : JS ote sur T horizon de TAvicula contorta aux environs de Lodève ; par M. Dieulafait. Parmi les lacunes signalées dans la grande chaîne des êtres vivants, la plus considérable était certainement, jusqu’à ces derniers temps, celle qui existait entre la formation triasique et la formation jurassique. Aujourd’hui, cette grande lacune se comble de plus en plus, et les environs de Lodève auront contribué, dans une notable mesure, à amener cet important résultat. Il y a vingt-six ans, le général Portlock découvrit en Irlande, au niveau où existait, dans la chaîne vitale, la lacune que nous DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 981 avons signalée, une petite coquille chétive et insignifiante en apparence, que le géologue anglais appela Avicula contorta . Tout d’abord, personne ne soupçonna, même en Angleterre, le rôle dévolu à cette coquille et à celles qui l’accompagnaient. Ce¬ pendant, les observations s’étendant peu à peu, on retrouva cette coquille en Angleterre, puis sur le continent, en Alle¬ magne et plus tard dans la Savoie et dans les Alpes françaises. En 1862, M. Hébert la fit connaître aux environs de Digne, et, deux ans après, notre savant vice-président, M. Coquand, qui a tant fait pour la science et en particulier pour la géolo¬ gie de la Provence, signala la présence de VA. contorta au bord même de la Méditerranée. Enfin, elle a été découverte tout récemment aux environs de Lodève par M. de Rouville et par nos confrères de l’Hérault. Mais la découverte de la zone à A. contorta ne consti¬ tuait pas seulement un nouveau point de repère pour l’étude des terrains, ce qui eût déjà été énorme; l’ensemble des fos¬ siles fournis par cette zone et dont le nombre s’accrut de jour en jour établit au point de vue zoologique le passage entre la faune du trias et celle du lias : chaque fossile nouveau décou¬ vert dans cette zone vient diminuer l’importance de la lacune existant à ce niveau, et tout nous prouve qu’elle aura bientôt complètement disparu. Ainsi donc, vous le voyez, messieurs, se trouve justifiée l’importance capitale de la zone à A. contorta , au point de vue particulier de la géologie descriptive. Vous comprenez, dès lors, quel puissant intérêt nous avons à rechercher avec tout le soin possible ce précieux horizon. Les deux points où il m’a été donné de constater, aux envi¬ rons de Lodève, la présence de la zone à A. contorta sont au lieu dit la Défriche, entre Villacun et Gampestre, et au cirque de Saint-Étienne de Gourgas, qui m’avaient été signalés par notre Président comme devant me fournir les gîtes les plus favorables à l’observation. Un des maîtres les plus illustres de la science française, M. Hébert, a visité en 1859 les environs de Lodève et en par¬ ticulier le quartier de la Défriche. Le travail de ce savant ne sera pas sensiblement modifié par nos observations, parce que les résultats de M. Hébert sont parfaitement rigoureux; seulement, il sera complété par l’ad¬ jonction d’un fait important, celui de l’existence en ce point de la zone à A. contorta . Coupe de la Défriche. 982 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, La coupe suivante montre la disposition des lieux et les principales divisions des assises (1). Coupe prise entre Villacun et 'Campestre, au quartier de la Défriche. (1) Il est nécessaire d’aborder la coupe du côté de Villacun, parce que la pente, beaucoup plus sensible que de l’autre côté, laisse mieux voir les suc- DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 983 12. Calcaires blanchâtres dolomitiques, en général très- compactes, avec lits de marne, 20 mètres. 11. Calcaires blancs dolomitiques, montrant à la base un grand nombre de fossiles très-brisés, mais dont quelques-uns, et particulièrement des Cardinies, sont très-reconnaissables, 2 mètres. 10. Banc calcaire intercalé dans la partie supérieure des grès arkoses n° 9. Ce banc est, dans toute son épaisseur, une véritable lumachelle fossilifère. J’y ai trouvé plusieurs espèces bien déterminables, et en particulier trois beaux exemplaires de Y Avicula contorta. Ce banc, que rien ne distingue del’arkose, se reconnaît cependant facilement quand on regarde de très-près les tranches verticales des assises. En effet, les arkoses ne mon¬ trent pas, dans la pâte, de solutions de continuité, tandis que le banc lumachelle est rempli d’une multitude de petites cavités dues à la destruction de fossiles de petite taille, 0m30. 9. Grès arkose à grain assez fin et assez régulier, 5 mètres. 8. Grès blanc à grain assez fin, 4 mètres. 7. Marnes noires, 2 mètres. 6. Cargneules, 4 mètres. 5. Marnes et gypses, 40 mètres. 4. Calcaire dolomitique rougeâtre en bancs minces très- bien stratifiés, montrant quelques débris organiques dont quelques-uns m’ont semblé se rapporter à des articles de YEncrinites liliiformis , 6 mètres. 3. Grès blancs avec reflet bleuâtre à éléments assez gros¬ siers, mais fortement agrégés (grès à meules de la Lozère), 2 mètres. 2. Grès à gros éléments avec de nombreux noyaux de quartz roulés à la base, 8 mètres. 1. Grès rougeâtre très-délitable, avec marnes rouges inter¬ calées, 80 mètres. Dans cette coupe, le n° 4 représente l’étage permien, les n08 2 et 3 les grès bigarrés, le n° 4 le muschelkalk, et les noi 5, 6 et 7 les marnes irisées. Le n° 40 correspond évidemment à l’horizon de VA. con¬ torta, puisque c’est là que j’ai trouvé ce fossile; mais, comme la zone à A. contorta est ici tout à fait rudimentaire, qu’on ne peut pas voir son extension régulière du côté de la base, il cessions des assises, et, ensuite, parce qu’il n’y a pas sur le versant sud d’é- boulis comme sur le versant nord. 984 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, pourrait bien se faire que les assises n° 9 et n° 8 fissent encore partie de l’infra-lias. Le n° 11 représente l’horizon de Y Ammonites planorbis ou du calcaire de Yalogne. C’est ce qu’avait déjà établi M. Hébert dans ses recherches aux environs de Lodève. Enfin le n° 12 fait encore partie de la zone à A. planorbis , ou du moins est, par comparaison avec des coupes plus com¬ plètes, inférieur à l’horizon de la Gryphæa arcuata. A Saint-Etienne de Gourgas les résultats ont été du même ordre qu’à la Défriche; seulement la zone à A. contorta est plus développée, et, bien qu’elle se rencontre encore dans la partie supérieure des grès arkoses, on commence à voir appa¬ raître quelques lits de marnes renfermant cette coquille. Voici des échantillons provenant de ce point. Vous voyez un grès extrêmement dur, à éléments assez ré¬ guliers du reste, sur ce grès une couche de marne noirâtre n’ayant pas 2 millimètres d’épaisseur, et, dans cette marne, plusieurs exemplaires très-petits, mais parfaitement conservés de IM. contorta. 11 est évident que nous sommes à la Défriche, et même à Saint-Etienne de Gourgas, tout près des anciens rivages de la mer infra-liasique. Si cette circonstance a rendu notre tâche et celle de nos sa¬ vants confrères plus difficile, la zone à A. contorta, maintenant qu’elle est bien reconnue aux environs de Lodève, retire de cette position limite un intérêt nouveau. En effet, à partir des marnes gypsifères, nous voyons la nature des sédiments se mo¬ difier lentement, sans qu’il nous soit possible d’établir en un point quelconque une ligne de démarcation quelque peu accusée. Les caractères minéralogiques et stratigraphiques, à la Dé¬ friche et à Saint-Étienne de Gourgas, nous conduisent donc aux mêmes conséquences que le caractère paléontologique, c’est-à-dire à l’idée d’un passage continu et sans secousse entre les sédiments du trias et ceux du lias, en un mot, à la suppres¬ sion, même au- point de vue physique, de la lacune reconnue pendant si longtemps entre la formation triasique et la forma¬ tion jurassique. M. le Président lève la séance en exprimant le désir que le vœu, formulé par M. de Saporta relativement à la création DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 985 'un ni usée de géologie locale à Lodève, reçoive une prompte éalisation. 1 otes à, propos de l’inondation du 18 octobre 1868 dans la vallée de V Hérault; par M. le professeur Ch. Martin s, directeur du Jardin des plantes de Montpellier. L’Hérault est un fleuve dont le régime exceptionnel, comme celui de tous les cours d’eau du versant de la Méditerranée, mérite d’être signalé. Les crues sont violentes, mais de courte durée; elles ont lieu ordinairement entre le mois de septembre et le mois de dé¬ cembre, et entre le mois de février et le mois de mai, e’est-à- re aux environs des équinoxes. Les crues d’automne sont habituellement plus fortes que les crues de printemps. Dans l’intervalle qui sépare les crues, les eaux redescendent à un niveau très-bas, et pendant les deux périodes sèches du mois de décembre au mois de février et du mois de mai au mois de septembre les eaux sont habituellement à un niveau -d’étiage presque constant. Le bassin de l’Hérault se compose de trois parties distinctes : deux bassins de montagne et un bassin de plaine. Les deux premiers, celui de l’Hérault et celui de l’Ergue, se développent l’unau nord, l’autre au sud du plateau du Larzac; leur régime torrentiel est le même, mais il arrive heureuse¬ ment pour la plaine que le plateau qui sépare les deux bassins est assez grand pour que les phénomènes météorologiques qui - donnent naissance aux violentes crues de l’un des affluents ne sévissent pas avec la même intensité dans l’autre bassin. L’Hérault est alimenté par les eaux du plateau nord du Larzac, des versants sud des Cévennes au-dessus du Vigan. L’Ergue descend du sud du Larzac et des vallées profondes de VEscandolgue; leur jonction se fait au-dessous de Gignac. A partir de ce point, le régime torrentiel fait place au régime de fleuve de plaine, alimenté par des affluents latéraux à crues soudaines aussi, mais beaucoup moins importantes que celles de l’une ou de l’autre des deux branches principales. Les bassins de l’Hérault et de l’Ergue, au-dessus de Gignac, comprennent une surface d’environ 1,900 kilomètres carrés. Le débit des crues peut être évalué, après la jonction des Soc. géol,9 2* série, tome XXV. 63 986 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, deux affluents, à près de 2 mètres cubes par kilomètre carré, soit de 3,500 à 3,800 mètres cubes par seconde. C’est, dans les Cévennes, un fait d’observation, qu’un bassin de 500 à 2,000 kilomètres carrés fournit aux crues un débit de 2 mètres cubes par kilomètre carré, aux cours d’eau, tant gué leur régime est torrentiel. Ces débits énormes correspon¬ dent à des pluies dont on ne se fait pas volontiers une idée dans les régions septentrionales. Les chiffres qui seront donnés à ce sujet à la Société géologique me dispensent d’insister. Toute crue fait irruption violente dans le lit du fleuve sous forme de ras de marée. C’est une barre qui s’avance avec des hauteurs de 1,00 à 2,00 au-dessus de l’étiage, culbutant tout sur son passage et s’annonçant par le choc des eaux et des pierres à une distance de plusieurs kilomètres. Ce flot marche avec des vitesses de 4 à 5 kilomètres par seconde, lorsqu’il est descendu dans la plaine de l’Hérault, Chaque affluent secondaire présente le même phénomène, jusqu’à ce qu’il soit venu se perdre dans la crue générale. Dans la journée du 18 octobre, l’orage n’a rien présenté d’extraordinaire dans la plaine de l’Hérault, au-dessous de Gi- gnac, ni dans le bassin de l’Ergue. La pluie, à Clermont et à Lodève, au sud du Larzac, n’avait pas une intensité exception¬ nelle pour le pays. On pouvait compter qu’il y aurait une crue; c’était l’époque ordinaire, et les vents du sud, qui soufflaient depuis la veille, l’annonçaient suffisamment; mais rien ne fai¬ sait présager une inondation dont le souvenir dût rester dans les annales de la vallée de l’Hérault. Les eaux du bassin de l’Ergue s’écoulèrent en produisant une crue moyenne au-dessus de l’étiage, dans la vallée de l’Hérault, en se joignant à celles de tous les petits affluents de la rive gauche, où l’on ne signala rien d’exceptionnel. Les eaux provenant de la vallée de l’Ergue, colorées parles débris arrachés au terrain permien rouge si caractéristique de la région, baissaient déjà sensiblement, quand tout à coup le niveau se releva et atteignit la plus grande hauteur connue dans la vallée de l’Hérault. Cette recrudescence provenait uniquement du bassin au nord du Larzac. La pluie y tomba avec une violence extrême et la crue s’éleva, au pont de Gignac, en amont du confluent de l’Ergue, à 13 mètres au-dessus de l’étiage. La plus haute crue connue, au passage de ce pont, était de llm,50 seulement. Ce fut donc, le 18 octobre, une surélévation de im,50. Le pont de DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 987 Gignae a deux arches de 20 mètres et une arche centrale de 48 mètres d’ouverture. A 10 kilomètres plus bas, à Belarga, la crue n’était plus que de 0m,10 au-dessus de la crue de 1860, qui avait été produite en grande partie par les pluies extraordinaires tombées dans le bassin de PErgue. A Montpellier, où il était tombé 0m,13 d’eau, on ne constata non plus rien d’extraordinaire. Ainsi, une pluie pour ainsi dire normale dans toute la partie du département de l’Hérault, au sud du Larzac, a été suivie d’une inondation extraordinaire par suite de l’afflux des eaux provenant du bassin de l’Hérault dans la partie de son cours au voisinage des Gévennes. La quantité d’eau tombée dans ces régions a dû être énorme, puisque PHérault seul, arrivant à Gignae, dans la soirée du 18 octobre 1868, a déterminé une crue dont la hauteur, entre Pézenas et Gignae, a dépassé de 0m,10 la crue du 29 octobre 1860, qui était de 1 mètre supérieure à toutes les crues con¬ nues dans cette même région. Seulement, la crue de 1860 avait été provoquée surtout par l’arrivée simultanée de tous les affluents de la rive droite de PHérault, jointe à une forte crue du bassin supérieur. Les trombes ou masses d’eau prodigieuses, tombant à la fois sur un point particulier du versant des montagnes qui regar¬ dent la Méditerranée, sont fréquentes. Elles sont dues à la lutte qui s’établit entre le vent du Nord et le vent du Sud ; l’o¬ rage s’ensuit, les nuages comprimés laissent tomber des tor¬ rents d’eau, et le phénomène météorologique cesse quand le vent du nord, triomphant enfin, chasse les nuées sur la mer, où elles vont se perdre sans davantage faire parler d’elles (1). (1) M. Jules Maistre, chef de la fabrique importante de draps de Villeneu- vette a relevé les chiffres suivants : Le 17 octobre 1868, la pluie a commencé à 6 heures 1/2 du soir, n’a cessé le lendemain qu’à 2 heures 1/2 de l’après-midi et a donné pour résultat 0m,180 millimètres d’eau en 20 heures. M. Jules Maistre nous donne comme comparaison les chiffres suivants : Le ler et 2 octobre 1865, la pluie tombée fut de 578 millimètres en 26 heures, c’est-à-dire de 0m,022 en moyenne par heure; la pluie la plus forte a eu lieu entre 9 et 11 heures du matin; 185 millimètres d’eau sont tombés dans l’espace de deux heures. Le 23 juin 1868 a vu tomber 210 millimètres d’eau dans 19 heures. Le même jour 18 octobre a vu tomber 68 millimètres d’eau à Saint-Pons 988 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Séance du 19 octobre 1868. La séance est ouverte à 8 heures du soir, sous la prési¬ dence de M. de Rouville, dans le salon de Phôtel de ville. M. Cazalis de Fondouce, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame provisoirement membres de la Société : M. Louis Bazille, à Montpellier, présenté par MM. Paul Marès et Cazalis de Fondouce. M. Georges Pomier-Leyrargues, ingénieur civil, à Mont¬ pellier, présenté par MM. de Rouville et Matheron. M. Frantz Léenhardt, étudiant en théologie, à Sorgues (Vaucluse), présenté par MM. Coquand et de Rouville. M. Alfred Bouscaren, propriétaire, àMontpellier, présenté par MM. Paul Marès et Jules Michel. M. Jules Maistre, propriétaire à Villeneuvette, près Cler¬ mont (Hérault) , présenté par MM. Ch. Martins et de Rouville. M. Caisso, docteur en médecine à Clermont (Hérault), présenté par MM. Coquand et de Rouville. M. Auguste d'Espous, propriétaire, à Montpellier, présenté par MM. de Saporta et Coquand. M. Le Mesle, naturaliste à Marseille, présenté par MM. Coquand et Dieulafait. M. le Président, après avoir remercié Pautorité munici¬ pale, donne la parole àM. Jaubert,qui fait une communica¬ tion su r les formations jurassiques qui recouvrent le versant nord du mont Lozère (1). (N. du département, à 316m au-dessus de la mer), à Loupian (à 2 kilom. de l’étang de Thau), 108 millimètres, à Saint-Maurice, sur le Larzac ( 59 0m), 350 millimètres, le 17 octobre, à Montpellier, 5 millimètres, et le 19, 107 millimètres. (1) Voir Bull,s t. XXVI, séance du 9 nov. 1868, p. 216. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 989 Après la lecture de ce mémoire, une courte conversation s’engage sur son sujet entre l’auteur et M. Coquand. M. de Rouville rend compte de la course que la Société a faite dans la journée en se rendant de Lodève à Bédarieux. Il s’exprime ainsi: (Voir PI. IX, fig. 10 et 11.) La Société a pu, grâce au beau temps qui a brusquement succédé à la tempête de la veille, gravir la rampe du plateau de l’Escandolgue, à travers les assises du trias et un dévelop¬ pement considérable de couches jurassiques, généralement ho¬ rizontales, mais fracturées en divers sens, qui constituent un relief orograpbique tout particulier aux environs de Lodève et jusque dans l’Aveyron et le Gard. Le massif* plus surbaissé de ce côté qu’il ne l’est au nord de Pegayrolles, n’est pas surmonté par les marnes supraliasiques, ni couronné parlesdolomies de l’oolithe qui, rappelant quelques accidents de celles de Mourèze, se développent sur de vastes espaces tout autour du Caylar, sur la route de la Lozère. Des couches dolomitiques puissantes, appartenant au lias, plus résistantes et plus massives que celles de l’ooîithe et des assises calcaires qui leur paraissent subordonnées, forment presque à elles seules la masse de la montagne que la route gravit en lacets allongés. Quelques fossiles trouvés dans un banc calcaire ont rappelé la faune d’Hettange à M. Coquand, qui en fera l’objet d’une mention spéciale. On s’élève insensi¬ blement jusqu’à des bancs dont les caractères extérieurs et quelques débris de fossiles tendraient à fixer la place au niveau du lias moyen; des amas puissants de tufs volcaniques, de pé- pérines grises et rougeâtres, enveloppant de gros nodules de péridot, supportent une nappe solide de basalte compacte qui revêt le massif calcaire en formant une ligne dorsale étroite, mais nettement dessinée du nord au sud, à partir du bois de Guillaumar, dans l’Aveyron, jusqu’au-dessus de Saint-Martin- de-Comhas, et se prolongeant presque jusqu’à la mer en îlots isolés ou sous forme d’évents localisés et circonscrits. Aucune preuve suffisante ne permet encore d’établir la con¬ temporanéité de ces éruptions volcaniques avec celles qui. près de la mer, àSaint-ThiberyetauMont-Loup-d’Agde, ont recouvert de leurs produits le cailloutis siliceux que la Société a observé près de Pézenas; une différence remarquable entre elles gît 990 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, dans la proportion du péridot, infiniment réduit et presque à l’état microscopique dans les basaltes d’Agde et de Saint-Thi- bery, très-considérable au contraire et sous forme de boules et de fragments volumineux dans ceux de la partie nord du département, comme aux évents de Montferrier, près de Mont¬ pellier, et de Fontés près Pézenas. L’ancienneté plus grande de ceux-ci pourrait être admise jusqu’à nouvel ordre. Un peu avant le sommet de la côte, la Société a pu constater le contact du basalte et du calcaire et se convaincre qu’à peu près aucun effet métamorphique ne s’est produit à leur contact. La route, après avoir dépassé le col où se trouve le passage de la dolomie juxtaposée aux calcaires du lias moyen, descend rapidement la même rampe du côté de Lunas, laquelle se dé¬ roule en plein massif jurassique que traversent à intervalles des filons basaltiques généralement étroits, faisant fonction de pieds ou de colonnes du basalte qui s’épate en forme de champignon à la surface de la roche. Le lias inférieur supporte Luxas et se termine à quelques mètres plus bas, vers la vallée de l’Orb, pour laisser apparaître successivement le trias, le permien, le bouiller et le granité. Ges terrains divers saillent très-nettement aux yeux de l’ob¬ servateur, grâce à la disposition en étages qu’ils affectent jus¬ qu’après le Bousquet d’Orb. Les hauts sommets du Mendijo, formés d’une roche grani- toïde et constituant le massif du bois de Vernazobres, se dé¬ tachent directement au nord, supportant successivement, et en retrait les uns par rapport aux autres, les schistes houillers avec couches de combustible exploitées, le grès rouge ou per¬ mien se présentant sous forme de conglomérats littoraux gros¬ siers; les schistes monochromes qui les surmontent, apparte¬ nant au même niveau, ont été érodés par les eaux et se montrent, du côté du sud, sur l’autre bord de la rivière, affleurant, sous forme de talus peu rapides, au-dessous d’une corniche saillante de grès bigarré, que surmonte à son tour un nouveau talus formé de marnes ternes faiblement irisées, le tout recouvert d’un abrupt calcaire, prolongement du massif basique, bord occidental du rocher du même âge, qui enceint Lodève du côté de l’ouest. Le Bousquet d’Orb, placé en contre-bas de ces terrasses, adossé au conglomérat permien, dominé par les roches cris¬ tallines du Mendijo, offrait une halte naturelle à la Société. 991 DU 11 AÜ 20 OCTOBRE 1&68. Elle y a trouvé au sein de la famille de M. Simon, directeur des mines de Graissessac, qui comprennent la concession du Bousquet, un accueil des plus gracieux, un repos des plus con¬ fortables. Mesdemoiselles Simon, en l’absence de leurs parents, retenus bien malgré eux dans ce moment à Paris, pour des affaires urgentes, se sont acquittées de la tâche d’hôtesses avec la plus charmante et la plus délicate simplicité* Après une visite faite à la Verrerie, où l’observation des lai¬ tiers a provoqué des remarques intéressantes sur les phéno¬ mènes relatifs à la cristallisation des roches ignées, la Société a suivi la route de Bédarieux; peu après avoir dépassé le Bous¬ quet, elle a constaté l’abaissement sensible dé tous les systèmes reconnus près de la Verrerie. Le lias forme à lui seul les berges de la route qu’il encaisse et rétrécit, en môme temps que le lit de la rivière, qui a dû se creuser son passage à travers une fracture au milieu de ses berges solides. À gauche de l’Orb s’étagent, sur le lias, les marnes supra- liasiques formant talus et supportant un cordon calcaire, re¬ marquable, sur certains points, par une couleur rougeâtre qui lui a fait donner dans le pays le nom de roc rouge; il représente l’oolithe inférieure calcaire; au delà, sur un troisième plan, et quelquefois sur le bord même de la corniche, se dévelop¬ pent les dolomies de ce même niveau qui, en ce point, vien¬ nent en droite ligne de leur centre d’épanouissement à Mou- rèze. La Société a pu constater cette succession, aussi nette qu’in¬ téressante, de terrains, du haut du plateau basique très-étendu qui se développe sur la rive droite de l’Orb jusque vers Here- pian, en aval de Bédarieux, où le trias affleure de nouveau, fournissant à Lamalou les eaux thermo-minérales qui font le revenu et la fortune de cette localité. Un dernier trait de ce panorama est fourni par la grande muraille formée de schistes et de calcaires anciens qui se profile du côté du sud sur la rive droite de la rivière, et forme de ce côté la limite septentrionale des terrains paléozoïques de Cabrières; un sommet proéminent de cette chaîne rappelant, par sa composition à la fois schis¬ teuse et calcaire, comme aussi par son isolement du côté du nord, le pic de Cabrières, constitue le point orographique le plus considérable de la région de Bédarieux et porte, dans le pays, le nom de Tantajo. M. Ansted désire, au moment où la Société va se séparer, 992 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, faire connaître les impressions quJil a recueillies dans les courses de la session extraordinaire de l'Hérault. Le dépar¬ tement de l'Hérault, dit-il, est surtout remarquable par tout ce qu'il renferme. Nous avons vu se développer une série qui s'étend depuis les terrains les plus récents jus¬ qu'aux vieilles assises siluriennes; nous avons rencontré des granités, des porphyres, des roches volcaniques de di¬ vers âges. A côté de l'intérêt géologique, l’intérêt pittores¬ que a reçu aussi satisfaction, notamment dans la visite aux fantastiques dolomies de Mourèze. Dans un résumé à la fois rapide et complet, le savant Secrétaire de la Société géolo¬ gique de Londres passe en revue toute cette série de terrains que cette session lui a permis de parcourir dans une seule semaine. Il se plaît à constater en finissant que ce résultat immense est dû à la parfaite connaissance qu'une vie, consacrée entièrement à l'étude de ce département, a per¬ mis à M. de Rouville de mettre au service de la Société. M. Coquand donne quelques explications sur la course que la Société fera le lendemain dans le terrain houiller de Graissessac. 11 termine en demandant rétablissement à Bédarieux d'une collection de géologie locale. Séance du 20 octobre 1868. La séance est ouverte à 8 heures du soir, sous la prési¬ dence de M. de Rouville, dans une des salles de l’hôtel de ville, à Béziers. M. Cazalis de Fondouce, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté. M. le Président, après avoir remercié l'autorité munici¬ pale d'avoir bien voulu mettre le salon de l'hôtel de ville à la disposition de la Société, donne la parole à M. Coquand. M. Coquand rend compte de la course faite dans la jour¬ née à Graissessac. La Société a trouvé là des schistes phyl- ladiens à fiions de quartz, sans fossiles, qui rappellent le terrain cambrien. Dans ce terrain cambrien, à couches très- DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 993 relevées, existe un fond de cuvetté dans lequel se sont dé¬ posés les terrains houillers, formés au détriment des roches précédentes, de sorte que les premiers sédiments sont des poudingues ou conglomérats, puis des argiles noirâtres renfermant de nombreux fossiles végétaux de cette épo¬ que, etc. Dans ces terrains lacustres de l'époque houillère, il y a eu des causes perturbatrices; pendant que l’eau for¬ mait ses sédiments, le feu agissait aussi. La Société a pu voir un très-beau porphyre intercalé dans les terrains an¬ ciens de Graissessac. C’est un porphyre bleu turquin, semé de cristaux de feldspath, auquel il ne manque pour être célèbre que de s’être trouvé près de Rome ou de la grande Grèce. Les conglomérats houillers ne renferment aucun élément porphyrique ; les conglomérats permiens de Grais¬ sessac en renferment au contraire; Rage de ce porphyre est donc parfaitement déterminé. La Société a examiné avec beaucoup de soin tout ce qui se rapporte à l’industrie des charbons, notamment ce qui concerne le triage et le lavage des menus et la fabrication des agglomérés. Elle était con¬ duite dans cette excursion par les ingénieurs de la com¬ pagnie, et M. Coquand saisit cette occasion pour remercier en son nom MM. Lombard, Gounot, Sarrut et Pomier- Leyrargues de leur accueil empressé et de leur courtoisie. M. Pomier-Leyrargues a bien voulu résumer, dans la note suivante, les principaux traits du bassin de Graissessac qui avaient plus particulièrement fixé l’attention de la Société. / Note sur le bassin houiller de GraisÊessac ; par M. Pomier- Leyrargues. I. — Position géographique et géologique du bassin. Le village de Graissessac, situé à do kilomètres de Bédarieux, sur la limite nord de l’Héraulb a donné son nom au bassin houiller, dont il occupe à peu près le centre, et qui s’étend dans la direction E. O. , depuis le confluent du Rouffiac et de la rivière d’Orb jusqu’au pont de la Mouline, sur la route d’Agde à Castres. 994 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, Le terrain houiller, presque entièrement découvert, forme, entre ces deux points éloignés de 20 kilomètres, une zone montagneuse, dont la largeur en atteint deux. Au nord et vers l’ouest, il est redressé contre les schistes du terrain de transition. Ces schistes sont traversés en certains points par des filons d’un beau porphyre (1) dont la nature et la direction ont été déterminées par M. de Rouville. Vers le sud, il s’appuie sur des schistes analogues et des calcaires dévoniens, qui donnent à la cuisson une bonne chaux hydraulique. A l’est, dans la concession du Bousquet, il s’est affaissé sous les grès rouges permiens de la vallée de l’Orb. II. — Orographie du terrain houiller. La surface du bassin est très-accidentée ; Ja crête nord de l’encaissement forme les sommets abrupts et élefés (1063 m.) d’une partie de la ligne de partage des eaux de l’Océan et de la Méditerranée, dont l’alignement varie peu en ce point de celui (système des Ballons) 0. 15° N. C’est à ce violent mouvement qu’il faut attribuer le soulè¬ vement du terrain houiller au-dessus de tous les dépôts posté¬ rieurs et les dislocations qui ont ouvert ses vallées et mis à nu ses nombreux affleurements. L’altitude moyenne du terrain houiller est de 380 mètres; son aspect varié. Au-dessus de quelques prairies, qui accompagnent ses thal¬ wegs, s’étagent en gradins, sur les versants méridionaux, les dernières vignes de la contrée. Les pentes tournées vers les autres vents cachent leur cou¬ leur grise sous des bois épais de châtaigniers et leurs cercliè- res, qui font la culture principale du pays. Plus haut, vers le nord, dans ses parties les plus redressées, l’aspect devient plus sauvage; la végétation y est contrariée par la dispersion des blocs de grès et des arènes accumulées par les cassures du terrain et l’action du temps. C’est du milieu de ces éboulis, parsemés de bruyères et de genêts, que se dégagent les crêtes finales du grès houiller. (1) Pâte verte avec grains de quartz améthyste et cristaux de feldspath orthose. DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 995 III. — HISTORIQUE DU BASSIN. Dans le nombre des vallées qui sillonnent le bassin, on peut en distinguer quatre principales, naissant à la ligne de faîte dont nous avons parlé, et découpant transversalement la par- tie supérieure des dépôts houillers dans la direction N. N. O. S. S. E. C’est dans les affleurements de celles de Clédou et d’Espaze, dont les villages de Graissessac et de Camplong occupent le fond, que furent ouverts les premiers travaux. Us remontent fort loin. M. de Gensanne, dans son histoire naturelle du Languedoc , publiée en 1766 , parle en ces termes : « Parvenus à Graissessac, nous avons visité les mines de charbon que le sieur Giral y fait exploiter. Nous avons d’abord observé auprès de l’entrée une quantité considérable de char¬ bons extraits, et, étant entrés dans les travaux, nous y avons trouvé trente mineurs effectifs, avec les officiers nécessaires à ce travail. La veine qu’on exploite a depuis cinq jusqu’à dix ou douze pieds d’épaisseur, et le charbon y est d’une qualité supérieure. Les travaux y sont conduits avec la plus grande intelligence; tout y est solide, bien aéré et soutenu avec soin. L’eau n’y incommode pas, attendu qu’on a eu l’attention de se procurer des percements qui en facilitent l’évacuation. « De là, nous avons passé à Camplong; il y a ici quantité de mines de charbon; on y remarque beaucoup d’ouvertures qui ont été faites par les paysans à la surface des veines, sans or¬ dre ni ménagements. Toutes ces ouvertures superficielles se sont éboulées et rendent l’accès du charbon très difficile et très-coûteux. » Les concessions auxquelles le bassin donna lieu datent de ce siècle. Leur morcellement nuisit au développement des travaux. Ce n’est qu’à partir du moment où les quatre principales furent réunies dans les mêmes mains que l’exploitation prit un premier développement en rapport avec les richesses du bassin. On eut d’abord à lutter contre la difficulté des transports, et cet obstacle arrêta l’essor de l’extraction, qui ne fournissait à la vente qu’une trentaine de mille tonnes, péniblement charriées sur les routes jusqu’au canal du Languedoc. 996 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, L’ouverture du chemin de fer de Graissessac à Béziers, qui eut lieu vers 1858, permit enfin de donner aux travaux une plus grande extension. Encore fut-elle longtemps retenue par les tarifs exorbitants mis en vigueur sur cette ligne. En 1858, l’extraction du bassin était de 39,000 tonnes; en 1867 elle a atteint 177,000 tonnes. Le hameau de Graissessac, qui ne comptait que quelques feux partagés entre les mineurs et les cloutiers, possède au¬ jourd’hui une population ouvrière de 1,900 âmes. IV. — Allure générale des couches. Les travaux entrepris depuis lors ont mis à nu une vaste nappe houillère, dont les couches suivent toutes les inflexions du terrain. Inclinées vers le nord, contre la roche encaissante qui les a comprimées en les redressant, elles s’étendent depuis la sur¬ face du terrain jusqu’à de grandes profondeurs, à la limite de la formation houillère. On peut distinguer plusieurs périodes dans la série de leurs dépôts. Les principaux accidents qui affectent les veines paraissent devoir leur origine aux dénivellations produites par l’ouver¬ ture des vallées et les cassures du terrain. Les couches sont séparées par les alternances de grès fins et de schistes riches en empreintes. La flore houillère y est représentée par des débris qui se rapportent aux fougères ( Sphenophyllum , Annularia bremfolià). Quelques Calamites, et de nombreuses variétés de cycadées, Stigmaria, Sigillaria pachyderma , etc. On n’a point encore trouvé d’empreintes de poissons (Am- blypterus , Palœoniscus. Le grisou y est peu fréquent. V. — Concession, mode d’exploitation. Dans un aperçu aussi rapide que celui-ci, nous devons nous borner à esquisser à grands traits les points principaux sur lesquels s’est portée l’exploitation. Elle est localisée actuellement dans les massifs supérieurs compris entre les vallées. DU il AU 20 OCTOBRE 1868. 997 Ces montagnes houillères ont été percées de larges galeries qui ont recoupé un certain nombre de couches. Dans chacune d’elles a été créé un champ d’exploitation en rapport avec hamont-pendage qu’elles présentent Les quatre concessions dont nous avons parlé plus haut portent les noms des territoires qu’elles comprennent. Ce sont, en commençant à l’est : celle du Bousquet, celle de Boussagues, celle du Devois de Graissessac, celle de Saint- Gervais. Nous dirons un mot des trois dernières, la première ayant été décrite plus haut. Le massif houiller, qui s’étend sous les concessions du De¬ vois et de Saint-Gervais, est sillonné de nombreux affleu¬ rements. Six couches principales sont actuellement exploitées vers la partie est de ces concessions. Elles s’y développent avec une grande régularité d’allure et de composition. L’épaisseur totale de ces couches est de 13m,48, contenus dans un massif degrés et de schistes de 84 mètres d’épaisseur, soit un rapport de 15 p. 100 entre l’épaisseur du charbon et celle de la partie stérile. Les ouvertures par lesquelles ces veines ont été attaquées sont au nombre de quatre, étagées sur le versant est de la val¬ lée de Graissessac. La montagne de la Padène, qui sépare les deux vallées de Graissessac et de Camplong, et à travers laquelle ont été prati¬ quées les premières ouvertures, est comprise dans la conces¬ sion de Boussagues. Huit couches principales ysont exploitées ; leur puissance en charbon varie entre lm,60 et 8 mètres, et elies forment une épaisseur totale de 20 mètres. Le rapport entre l’épaisseur du charbon fin et celle de la partie stérile est, dans cette coupe, de 17 p. 100. Les ouvertures sont percées à différents niveaux du côté de la vallée de Graissessac, et correspondent de l’autre dans celles de Camplong, sous le territoire de laquelle les veines prennent de nouveaux développements. En profondeur, le terrain houiller a été recoupé par un puits de quatre mètres de diamètre, qui a permis de constater la continuité des dépôts dans toute leur régularité, avec toute leur puissance. 998 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER, VI.— Caractères principaux des charbons. Les charbons de ces différents points présentent les variétés comprises entre les houilles grasses et les demi-grasses. Les plus gros occupent la partie centrale du bassin. Dans la partie occidentale, les veines passent aux charbons maigres et anthraciteux. Cette partie du terrain houilier a fait l'objet d’une concession particulière. Les matières volatiles dans ces houilles varient entre 19 et 30 p. 100. La teneur en cendres est entre 3 et 15 p. 100. VIL — Installations extérieures. La gare du chemin de fer de Graissessac à Béziers a été éta¬ blie à la cote 287 mètres, au débouché de la vallée de Grais¬ sessac et à 2 kilomètres des mines les plus reculées , La vallée élargie en ce point offre un espace suffisant aux installations de préparations mécaniques, transformation des menus et ateliers qui y sont concentrés. Les houilles descendent par différents plans inclinés auto¬ moteurs à un premier niveau occupé par une voie horizontale, sur laquelle ils viennent s’embrancher et qui, partant des ex¬ ploitations les plus reculées, traverse le village de Graissessac et vient aboutir à un dernier plan incliné double qui com¬ mande la gare d’expédition d’Estrécboux. Le matériel qui circule sur ces voies est celui de l’intérieur. La benne porte 500 kilog. Les charbons gros sont envoyés directement sur les quais de la gare ; c’est en ce point qu’ils sont triés et défichés avant leur arrimage en wagons. Les tout-venant sont arrêtés à 100 mètres en amont, sur de vastes estacades, d’où ils sont culbutés sur un jeu de cribles, destiné à classer les grosseurs suivant les besoins du commerce et de l’industrie. La différence de niveau entre cette première plate-forme et celle des quais d’expédition, rachetée pour le transport des gros par un plan incliné, a été mise à profit en ce point pour l’installation de ces criblages, des lavoirs et ateliers du coke. En haut, se trouvent les cribles. De ce point, les charbons DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868. 999 préalablement classés sont dirigés suivant leur grosseur et leur destination, les uns, directement sur la gare, les autres, vers les ateliers de lavage, établis parallèlement à un niveau inférieur. Plus bas sont disposés les bassins de dépôts des houilles lavées et les fours à coke. Ainsi, les menus passent rationnellement et mécaniquement par les différentes manipulations qu’ils doivent subir suivant leur qualité. Les fours à coke sont du système Apport. Vis-à-vis de ces premières installations et de l’autre côté du ruisseau qui suit les sinuosités de la vallée, sont installées les machines à agglomérer, et les ateliers de construction et de réparation du matériel et des machines. Les machines à agglomérer, employées à Graissessac, débi¬ tent leurs produits sous la forme de briquettes, du poids de 2 et de 5 kilogrammes. VIII. — Débouché. Les houilles en nature, les cokes et les agglomérés trouvent leur débouché sur toute la ligne du chemin de fer du Midi, depuis Cette jusqu’au pied des Pyrénées d’une part, et de l’autre vers Montpellier, Marseille et Toulon. L’exportation par les ports de Cette et d’Agde en absorbe une certaine quantité, principalement pour alimenter la navi¬ gation à vapeur française dans la Méditerranée, la nature demi-grasse de ces charbons les rendant très-propres à la pro¬ duction de la vapeur. M. de Rouville présente une carte géologique des environs de Béziers, faite sous sa direction par le frère Léothéricien (de la doctrine), et insiste à ce sujet sur l’importance qu'aurait à ses yeux l’exécution de cartes géologiques com¬ munales. Les couleurs y demeurent conventionnelles; on pourrait, ajoute-t-il, tâcher d’y reproduire les couleurs na¬ turelles du sol, afin de rendre la carte plus facile à lire par les habitants de la commune. La présence d’une pareille carte, dans l’école, pourrait frapper les yeux des enfants et les familiariser par avance avec les principaux faits de l’histoire géologique de leur commune, en même temps 1000 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER. qu’elle leur ferait connaître les différents sous-sols don l'agriculture locale doit tenir compte. M. Coquand rappelle que, dans la course de la veille, 1 Société a rencontré, en montant la côte de l'Escandolgue- des grès renfermant des fossiles analogues à ceux des grès d'Hettange. 11 a examiné ces fossiles et fait à ce sujet la communication suivante : En sortant de Lodève et en remontant la côte de l’Escandol gue,la Société, après s’être affranchie des marnes irisées, a eu l’occasion de passer plusieurs fois en revue, h cause des in¬ flexions de la route, les bancs nombreux de dolomies jaunâtres qui surmontent les assises à Avicula contorta , et qui, ainsi que Ta fait observer M. Dieulafait, ressemblent d’une manière si frappante à ceux du Var et des Bouches-du-Rhône, dont la position est d'ailleurs identique. Au milieu de ces dolomies, qu’illustrent des géodes magnifiques tapissées de chaux car- bonatée, il existe, comme il en existe également dans la basse Provence, plusieurs bancs intercalés de calcaires non ma¬ gnésiens, dans un desquels on a été assez heureux pour ren¬ contrer un nid de fossiles, mais tous passés à l’état de moules et d’une extraction difficile. On a pu y reconnaître cependant le genre Cardinia , représenté par plusieurs formes, 1 ’Ampullaria obtusa , Terquem, le Cerithium gratum, Terq., et une Avicula , voisine de VA. D-unkeri , Terq. Le peu de temps dont on pouvait disposer n’a pas permis de fouiller la couche dans son prolon¬ gement et de faire une plus ample moisson de fossiles. Cependant, il est permis de tirer une conclusion capitale de la présence de ces fossiles, puisque leur gisement est précisé¬ ment celui des grès infraliasiques d ’Hettange, et qu’il dévoile une station fossilifère inférieure au niveau des calcaires à Gry- phées arquées. C’est l’opinion que M. Coquand a toujours soute¬ nue pour la plus grande portion des dolomies de la basse Pro¬ vence, dont il a indiqué la position constante entre le lias moyen fossilifère et les couches à Avicula contorta , opinion qui se trouve pleinement confirmée par la découverte faite sur la côte de l’Escandolgue. Si, comme il paraît difficile de le contester d’ailleurs, le calcaire à Cardinia de cette région de l’Hérault correspond au calcaire de Belgentier, de Cuers, de la Sainte-Baume, de Trelz, qui occupe la même place au sein des dolomies infraliasiques, DU 11 AU 20 OCTOBRE 1868, 1001 on aurait, dans le midi de la France, la série liasique aussi complète que dans le nord. M. Coquand, en effet, ne prévoit pas d’objections sérieuses à élever contre l’opinion de ceux qui, comme lui, verraient dans le calcaire fossilifère l’équiva¬ lent des grès d’Hettange et du Luxembourg, et dans les dolo¬ mies qui les surmontent jusqu’à la rencontre du lias moyen fossilifère l’équivalent du lias à Gryphées. M. Coquand ajoute qu’il a remarqué que les paléontologistes ont en général une tendance à ne tenir aucun compte des masses minérales, lorsque ces masses sont dépourvues de fos¬ siles, et c’est là le cas pour les dolomies et les calcaires litho¬ graphiques, qui sont si largement représentés dans la Provence ; mais la paléontologie se charge, de temps en temps, de répri¬ mer ces dénis de justice commis en son nom. Les découvertes récentes opérées dans le Midi, et surtout celle tout à fait inattendue faite sur la côte de l’Escandolgue, montrent que l’école stratigraphique, quoique procédant avec moins d’éclat, mais avec moins de précipitation que l’école pa- léontologique, a eu le mérite d’interpréter les choses d’une façon plus sérieuse que ne l’a fait cette dernière, en donnant aux étages une signification conforme aux lois de succession et conforme, par conséquent, aux lois générales de la géologie. Entre les savants qui prétendent, chacun suivant une tendance exclusive, qu’en dehors de la stratigraphie ou de la paléonto¬ logie il n’existe point de salut, il existe fort heureusement une catégorie d’autres savants, qui sont d’accord pour ne point sé¬ parer les données paléontologiques d’avec les données strati- graphiques. C’est cette école qui seule a fondé et fondera les bases de la géologie des terrains sédimentaires. M. Coquand regrette que la Société n’ait pas pu prolonger de quelques jours la durée de la session, de façon à visiter les environs de Narbonne; mais il sait que quelques-uns de ses confrères se proposent, après la fin des travaux, d’aller à Armissan et à la Clape. Il croit donc opportun, avant que la Société se sépare, de faire connaître son opi¬ nion sur les terrains de cette dernière localité (i). M. le Président, après avoir remercié M. le vice-président (1) Voir cette communication. Bull.} t. XXVI, séance du 9 nov. 1868, p. 187. Soc . géol.} 2e série, tome XXV. 64 1002 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A MONTPELLIER. Ccquand du concours qu'ijlui a prêté, et s.es collègues de l'honneur qu'ils lui ont fait de l'appeler à présider leurs réunions et à diriger leurs courses, prononce la clôture de la session extraordinaire de 4868. Avant de se séparer, la Société, sur la proposition de M. Coquand, vote des remercîments à M. deRouville. TABLÉ GÉNÉRALE DES ARTICLES CONTENUS DANS GE VOLUME L. Dieülafait. ~ Sur l’âge des calcaires blancs des environs de Toulon. Réponse à une note de M. Coquand, du 17 juin 1867. ... 16 Ed. Hébert. — Observations au sujet de la note de M. Coquand, précitée. 20 H* Coquard. — Description géologique des gisements bituminifères et pé^ trolifères de Sélenitza, dans l’Albanie, et de Chieri, dans l’île de Zante . ... i * •. & i .......... . 20 E. Tabariès de Grandsàignes. Étude géologique suif la Corse. ... 74 De Yignet. — Note sur uûé simple question de statique . . 95 F. Garrigou. — Étude du terrain stratifié dit laurentien ou antésilurien, dans l’Ariége et les autres parties des Pyrénées . 97 Edm. Pellat. — Sur le terrain jurassique supérieur du Boulonnais. . 119 J. Marcou. — Sur la carte géologique de la province de Victoria (Aus¬ tralie) .. i * i .... î . 121 J. Marcou. — Sur la grande carte géologique des Iles Britaniques. . , 123 Pïsani. t Sur.uue éruption récente du Vésuve. 134 P* Mares. — .Sur l'existence du terrain secondaire dans le Djurjura (Grande-Kabylie) , 135 F. Garrigou. — Nouvelle note sur le terrain dit laurentien, dans l’A- Hége. i ; . i i î ; * i . 136 Ch. Martirs et Ed. Collomb. — Essai sur l’ancien glacier d’Argelès (Hautes-Pyrénées) j et faune correspondant à l’époqüe glaciaire dans la plaine sous-pyrénéennê. 141 B. Stitder. — Lettre à là Société géologique sur la deuxième édition de la carte géologique de la Suisse. . * . i ..... . 169 G. deMoRTi-LLET. • — L’homme- dans -les temps géologiques. ..... 180 Th. Ébray. — Allures dés couches Sédimentaires aux abords des émissions basaltiques du Coyron f Ardèche) . . . . . 185 C. de BoutignY. — Sur le calcaire cipolin de Fenouillet, près Hyères, (Var) . . . 191 Edm. PelLat — Observations sur quelques assises du terrain jurassique supérieur du bas Boulonnais. . .... t * i . . . . 197 Ch. Lory. — Sur la structure des Alpes occidentales ; observations sur diverses notes de M. Ébray. . . 215 Le même. — Sur les sinuosités dès affleurements dëS failles dans les Alpes. . . . . * . . . . i . ; ; ; . . ; , . . 235 La Société. — Composition du bureau, du conseil et des commissions pour l’année 1868 . ....... i .. i ; . i i 241 hk même. — Interprétation du règlement au sujet de la nomination des membres du conseil. . , . , . 242 1004 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. A Boue. — Sur la carte géologique de laStyrie, publiée par l’Association géognostique et minière de cette contrée ; comparaison des avan¬ tages de la géologie paléontologique avec ceux de la géognosie de position ; sur l’origine des serpentines . 244 L. Ville. — Études géologiques faites dans la Kabylie . 251 Lehardy de Beaulieu. — Sur les fossiles trouvés à la base du ü&s-de $>0*4 Belgique . 276 J. Itier. — Du rôle qu’ont joué les eaux thermales dans les formations géologiques postérieures aux dépôts des derniers terrains ter¬ tiaires . 277 Alb. de Lapparent. — Sur l’extension du terrain crétacé inférieur dans le nord du bassin parisien . 284 Êd. Jannettaz. — Sur une forme nouvelle du clinochlore du Japon. . 290 H. Coquand. — De l’étage des marnes irisées et de l’étage rhétien (cou¬ ches à Avicula contorta) dans les environs de Montferrat (Var), et de leur séparation au moyen du èone-fted . 291 L. Hardouin. — Sur la géologie de la subdivision de Constantine. . . 328 Th. Ébray. — Sur les couches à Terebratula cliphya de la Porte-de-France. 346 Alph. Favre. — Recherches géologiques dans les parties de la Savoie,, du Piémont et de la Suisse, voisines du mont Blanc . 356 La Société. — Commission nommée pour vérifier l’état des collections de la Société; désignation d’un archiviste-adjoint; changement du jour fixé pour la séance générale annuelle, et décision au sujet des notes à insérer au Bulletin . 366 R. Tournouer. — Sur les lambeaux de terrain tertiaire des environs de Rennes et de Dinan, en Bretagne, et particulièrement sur la pré¬ sence des sables de Fontainebleau aux environs de Rennes . . 367 Gruner. — Sur la flore du bassin houiller d'Ahun (Creuse) . 391 Fischer. — Sur la géologie de Madagascar . 398 Delanoue. — Sur la découverte de moraines glaciaires en Auvergne. . 402 Dieulafait. — Sur l’oolithe inférieure, les calcaires à empreintes vé¬ gétales et les calcaires à entroques, dans le sud et le sud-est de la France . 403 H. Coquand. — Sur les gisements asphaltiques des environs de Raguza, dans la province du Val di Noto (Sicile) . 420 Lï même. — Sur l’âge des gisements du sel gemme (Djebel-Melah), sur l’origine des ruisseaux salés (Oued-Melah) et des lacs salés (Chotts et Sebkha) de l’Algérie . « 431 L. Simonin. — Sur les mines d’or et d’argent du Colorado. .... 453 Tombeck. — Sur le terrain portlandien de la Haute-Marne . 456 Le même. — Sur les terrains corallien et kimméridien du même départe¬ ment . 458 J. Seguenza. — La formation zancléenne, ou Recherches sur une nouvelle formation tertiaire . 465 Th. Ébray. — Réponse aux observations de M. Lory, page 215 de ce volume . 488 L. Lartet. — Sur une formation particulière de grès rouge en Afrique et en Asie, à propos de la valeur du caractère lithologique en stratigraphie . . 490 Bilgrand. — Histoire de la Seine . 499 D’Archiac. — Notice sur la vie et les travaux d’Auguste Viquesnel. . 526 Alfred Caildaus. — Notice sur la vie çt les travaux de M. Trijer. . . 647 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 1005 Belgrand. — Sur la découverte de plantes fossiles de l’époque quater¬ naire dans le bassin de Paris . 573 Alb. Gaudry. — Sur YActinodon Frossardi de Muse. . . . 576 Ed. Hébert. — Sur la discontinuité existant, dans l’Yonne, entre le dépôt des assises néocomiennes et portlandiennes . 577 Tombeck. — Observations sur le même sujet . 577 E. Tabariès de Grandsaignes. — Du rôle important des phénomènes chi¬ miques dans la fossilisation . 578 J. Marcou. — Extrait de la narration du voyage autour du monde de la frégate autrichienne Novara} donnée par M. Hochstetter. . . 595 FoüQUË. — Sur la contemporanéité de l’homme avec l'écroulement du centre de l’île Santorin . 597 Alph. Favre. — Sur une station de l’âge du renne au pied du mont Salève. . . .597 Éd. Collomb. — • Présentation du budget pour 1868 . 598 H. Coquand. — Sur l’étage géologique auquel appartient le Cidaris glan- difera , Goldf. . 600 Delesse. — Lithologie des mers britanniques . 604 Ém. Benoit. — Extrait d’une brochure de MM. Faisan et Chantre sur la conservation des blocs erratiques . 612 Bertrand. — Sur des fragments de mâchoires du Bhinoceros pleur ocer os , avec entailles; trouvés dans le miocène inférieur de Billy, près Saint-Germain-les-Fossés . 614 L. Dieulafait. — 4e note sur la zone à Avicula contorta dans le sud-est de la France. . . 616 F. Garrigou et feu Louis Martin. — Géologie de la station thermale de Luchon (Haute-Garonne) . 624 L. Ville. — Note minéralogique sur les environs de Dellys . 641 A. Péron. — Observations sur le terrain tertiaire du sud de la Corse, à propos delà note de M. Tabariès de Grandsaignes sur la géologie de cette île. . . 670 Tombeck. — Sur l’infra-lias de Chalindrey (Haute-Marne) . 676 L. Vaillant. — Sur quelques objets océaniens dont la matière paraît empruntée à des coquilles de la famille des Tridacnidées. . . 681 De Billy. — Sur les ophites . 682 Agassiz et Coutinho. — Sur la géologie de l’Amazone . 685 P. W. Stuart Mentheath. — Sur les évidences d’une époque glaciaire miocène considérées spécialement dans les Pyrénées . 694 H. Magnan. — Sur une 2e coupe des petites Pyrénées del’Ariége, sur l’ophite (diorite), roche essentiellement passive, et aperçu sur les érosions et les failles . 709 F. Garrigou. — Ophites des Pyrénées ; leur origine sédimentaire et métamorphique . 724 Ém. Sauvage. — Sur les poissons fossiles du Boulonnais. ..... 750 Dausse. — Sur les terrasses alluviales . 752 Ph. Matheron. — Sur l’âge des calcaires lacustres à Slrophostoma lapicida des environs d’Aix et de Montpellier, et sur la position de l’étage de Rognac, par rapport à la série des dépôts crétacés fluvio¬ lacustres du bassin de Fuveau . , . 762 Blandet. — L’excès d’insolation considéré comme principe du phénomène paléothermal, ou soleil du jour égal, et de la zone torride paléo¬ zoïque . 777 1006 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. ChàPER. — Sur le travail de M. Pictet : Étude provisoire des fossiles • de la Porte-de-Frauce^ d ’Aizy et de Leraenc . 691 et 811 Ed. Hébert. — Note sur le même sujet . 824 J. Delanoue. — Nature, âge et influence du prétendu granité tertiaire de nie d'Elbe . . 834 Éd. Jannettàz. — Sur le quartz purpurin, imitant le rubis, des minerais cuprifères du Chili . 838 Th. Ébray. — De la manière dont se terminent vers l’est les montagnes du Beaujolais . 840 À. Sautier. — De l’étage rhétien (zone à Avicula ccmtorta) aux environs de Langres (Haute-Marne). . . 2 . 846 Alb. DE Lapparent. — Sur l’étage de la gaize . 868 Càzalis de Fondouce et P. Mares. — Procès-verbal de la réunion ex- * traordinaire de ' la Société à Montpellier . 873 MatheRON". — Sur les calcaires de Grabels, les marnes bleues de Foncaude et le Cerithium plicatum de Bruguière . 888 G. DE Sap'orta. — Sur les calcaires conerétionnés à -empreintes végétales de ’Satnt-Gély ’ ( Hérault ) . 892 Leymerie. — Sur l’origine et les progrès de la question relative au type garümnien . . 896 BéGY. — Note sur les courants littoraux, la marche des sables, les atter¬ rissements, les alluvions marines et fluviales, les deltas, les con¬ stitutions de la plage et les travaux d’assainissement. . . . 913 Màtheron. — Sur les calcaires lacustres de Brignac et de Castelnau de Guers (Hérault) 956 Dieulafait. — Sur l’horizon de V Avicula contorta aux environs de Lo- dèvé (Hérault).' . 930 Ch. MàRTINS. — Note à propos de l’inondation du 18 octobre 1868 dans la vallée de l’Hérault . 985 Pomier-Leyràrgues. — Sur le bassin houiller de Graissessac. . . . 993 FDT DE LA TABLE GENERALE DES ARTICLE^. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS POUR LE VINGT-CINQUIEME VOLUME (deuxième série) Artnéfr 1867 à 1868 A Actinodon Fràssdfdi, de Muse., près Àu- tun, par M. Alb. Gaudrv, p. 576. Afrique. Formation de grès rougëS en — , présumés crétacés, à propos du caractère lilhologique en strati¬ graphie, par M. Louis Lartet, p. 490. Àgassîz et Goutinho. Sur l’Amazone, dont les rives sont formées, suivant eux, de terrain glaciaire. Observa¬ tions de MM. Garrigou, Bel grand, Marcou et Dàussë, p. 685. Id. de M. Tardy, p, 797. A hun (Creuse). Flore du bassin houit- ler «F — , par M. Grimer, p. 3Ê> I . Aix (Bouches-du-Rhône). Age des cal¬ caires lacustres à StrophosUmia lapi- cida, des environs d’ — , par M. Ph. Matheron, p. 762. Albanie. Description dés gisements bi- tuminifèresetpétrolïfèresde Sélenitza * dans F— , par M. H. Coquand, p . 2Ô:. Algérie. Sur l’existence du térrain se¬ condaire dans le Djurjura (grande Kabylie), par M. F. Marès, p. 135. = Etudes géologiques faites par . M. L. Ville dans la Kabylie, compo¬ sée de terrains cristallins, crétacés, ter¬ tiaires, d’alluvions , de roches ignées (pl. 111), p. 251. = Sur la géologie de la subdivision de Constantine, par M. L. Hardôuiu, qui la présente comme formée d'allùvion, de terrains ter¬ tiaire, Crétacé, «té lias, de terrain silurien et de roches ignées (pl. V), p. 3W. — Age des gisements de sel gemme (Djebel-Melah); origine des ruisseaux salés; ( Oued-Mc Mi) et des laes salés (Chotts ètSëbk'ha) eu Algérie, par M. H. CoqtVand, p. 421- = Minéralogie dès en¬ virons dé Deilys, par M. L. V i lie, comprenant le terrain tertiaire avec indices dé lignites, les terrains qua¬ ternaire, al lu vieil et igh’é, p. 639'. Alpes. Structure' des — occidenta¬ les; obsërVatîons' sur divcrsës notes dé i\î. Ebray, par M. Ch. Lory, p. 215. = Sinuosités dés affleure¬ ments des failles dans les Alpes, parle même, p. 235. = Réponse1 dé M. Èbraÿaüx ob'sérvàtibns' ci-dessus de M. Lory, p. 488. Amazone, [ fleuve). Géologie de F —, par MM. Agàssiz et' Côùtinbo; ses rives sont formées , suivant eux, de terrain glaciaire. Observa¬ tions de MM. Garrigou, Beîerand, Marcou et Dausse, p, 685. Iti., de M. Tardy, p. 797. Archiac (d’), Notice sur la vie et les travaux d'Auguste Viqucsbel, p. 526. 1008 TABLE des matières Ardèche. Allures des couches sédimen- taires aux abords des émissions ba¬ saltiques du Goyron, par M. Th. Ébray, p. 185. Argelès ' (Hautes-Pyrénées). Essai sur l’ancien glacier d’Argelès, par MM. Martins et Ed. Collomb (pl. II), p. 141. Aricge. Etude du terrain stratifié dit laurentien ou antésilurien, dans 1’ —, par M. F. Garrigou (pl. I), p. 97. = Nouvelle note sur le même terrain, par le même, p. 186. Asie. Sur une formation de grès rou¬ ges en —, présumés crétacés, à propos du caractère lithologique en stratigraphie, par M. Louis Lartet, p. 490. Asphalte. Gisements asphaltiques des environs de Raguza, dans la province du Val di Noto, par M. H. Coquand, p. 420. Australie. Sur la carte géologique de la province de Victoria, par M. J. Mar- cou, p. 121. Auvergne. Découverte de moraines gla¬ ciaires en — , par M. Delanoüe , p. 402. B Beaujolais. De la manière dont se ter¬ minent vers l’est les montagnes du — , par M. Th. Ebray, p. 840. Belgique. Fossiles trouvés à la base du lœss de — , par M. Lehardy de Beau- lieu. Observations de MM. de Mor- tillet et Belgrand, p. 276. Belgrand. Histoire de la Seine, indi¬ quant les différentes modifications que son lit a éprouvées. Observa¬ tions de MM. Hébert, Ed. Lartet et Dausse, p. 499. = Observations sur la découverte de plantes fossiles de l’époque quaternaire dans le bassin de la Seine. Remarques de MM. Hé¬ bert et Ed. Lartet, p. 578. Benoit (Em.). Extrait de la brochure de MM Faisan et Chantre, sur la conservation des blocs erratiques, p. 612. Bertrand. Fragments de mâchoire de Rhinocéros pleur ocer os , avec entailles, trouves dans le miocène inférieur à Billy, près Saint-Germain-des-Fossés (Allier). Observations de MM. Hé¬ bert, Ed. Lartet et Garrigou, p. 614. Bibliographie, pp. 5, 120, 167, 193, 237, 241, 311, 355, 401, 487, 572, 593, 610, 638, 684, 749, 798. Billy , près Saint-Germain-des-Fossés (Ailier). Fragments de mâchoires de Rhinocéros pleuroceros. Voir ci-dcssus au nom de Bertrand. Billy (de). Sur les ophites. Observa¬ tions de M. Jacquot, p. 683. îd., de M. Hébert, p. 685. Bitume. Description des gisements bitu- minifères de l’Albanie et de l’ile de Caillaux (Alfred). Notice sur la vie et les travaux de M. Triger, p. 547. Carte géologique. Sur la — de la province Zante, par M. H. Coquand, p. 20. Blandet. L’excès d’insolation considéré comme principe du phénomène pa- léotherm il, ou le soleil du jour égal, et de la zône torride paléozoïque. Observations de M. d’Archiac, p. 777. Blocs erratiques. Voir ci-dessus à Benoit. Boue (A). Sur la carte géologique de la Styrie, publiée par l’Association géognostique et minière de cette contrée; comparaison des avantages de la géologie paléontologique avec ceux de la géognosie de position; sur l’origine des serpentines. Observa¬ tions de MM. d’Archiac et Louis Lartet, p. 244. Boulonnais. Terrain jurassique supé¬ rieur du — , par M. Edm. Pellat, p. 119. = Développement du mê¬ me travail. Observations de MM. Triger, de Lapparent et Ed. Hébert, p. 196. == Poissons fossiles du —, par M. Em. Sauvage, p. 750. Boutiny (C. de). Sur le calcaire cipo- lin de Fenouillet, près Hières (Var), p. 191. Bretagne. Sur les lambeaux de terrain tertiaire des environs de Rennes et de Dinan, et observations sur l’éten¬ due des mers à cette époque, par M. R. Tournouër, p. 367. Budget pour 1868, présenté par M. Ed. Collomb, p. 598. Bulletin. Décision au sujet des notes qui doivent y être insérées, p. 366. Bureau. Composition pour l’année 1868, p. 241. de Victoria (Australie), par M. J. Marcou, p. 121. = Sur la grande — des lies Britanniques, par le même. ET DES AUTEURS. 1009 Observations de MM. d’Archiac, de Lapparent et Levallois, p. 123. == Observations au sujet de Ja — de la Suisse (2e édition) , par M. B. Stu- der, p. 169. = Sur la — de la Sty- rie, publiée par l’Association géo- gnostique et minière de cette con¬ trée, par M. A. Boué. Observations de MM. d’Archiac et Louis Lartet, p. 244. Cazalis de Fondouce et P. Mares. Procès-verbal de la réunion extraor¬ dinaire de la Société à Montpellier, qui a visité les terrains quaternaire, tertiaire, crétacé et jurassique et Fé- pancliement de matière sidérolithi- que des environs de Villeveyrac et de Vallemagne; le terrain quater¬ naire et le volcan des environs d’Ag- de ; les terrains quaternaire et ter¬ tiaire des environs de Pé.enas; les terrains quaternaire, tertiaire, se¬ condaire, primaire et la roche érup¬ tive des environs de Roujan et de Cabrières ; le terrain permien des en¬ virons de Lodève ; les terrains secon¬ daire et primaire et la formation volcanique des environs de Béda- rieux; enfin les schistes phylladiens, le terrain houiller et le porphyre de Graissessac, p. 878. Cerithïum plicatum . Sur le — de Bru¬ guière, par M. Malheron, p. 888. Chalindrey (Haute-Marne). Sur l’infra- lias de — , par M. Tombeck. Obser¬ vations de M. Levallois, p. 676. Chaper. Sur le travail de M. Pictet : Etude provisoire des fossiles de la Forte- de-France , d'Aizy et de Lémenc. Ob¬ servations de MM. Ed. Hébert et Marcou, pp. 691 et 811. Cheville ( Alpes Yalaisannes). Sur les trois faunes méro-crétacées de — , par M. E. Renevier. Observations de M. de Lapparent, p. 313. Chili. Sur le quartz purpurin imitant le rubis, des minerais cuprifères du — -, par M. Ed. Jannettaz, p. 838. Cipolin. Voir ci-dessus au nom Boutiny. Collomb (Ed.). Présentation du budget pour 1868, p. 598. Dausse. Nouvelle note sur les terrasses alluviales, p. 752. Delanoue. Découverte de moraines glaciaires en Auvergne, p. 402. = Nature, âge et influence du pré¬ tendu granité tertiaire de File d’Elbe. Observations de MM. Gru- Collomb (Ed.) et Cs. Martins. Essai sur l’ancien glacier de la vallée d’Ar- gelès (Hautes-Pyrénées), et faune cor¬ respondant à l’epoque glaciaire dans la plaine sous- pyrénéenne (pl. II), p. 141. Commissions. Composition pour l’année 1868, p. 241. = Commission nom¬ mée pour vérifier l’état des collec¬ tions de la Société, p. 366. Conseil. Composition pour l’année 1868, p. 241. Coquand (H.). Description géologique des gisements bituminifères et pétro¬ lifères de Sélenitza (Albanie) et de Chieri (lie de Zante), p. 20. = De l’étage des marnes irisées et de l’étage rhétien (couche à A vicula contorla ) dans les environs de Moniferrat ( Var), et de leur séparation au moyen du bone-bed (pl IV), p. 291.= Sur les gisements asphaltiques des envi¬ rons de Raguz*, dans la province du Val di Noto (Sicile), p. 420. = Age des gisements de sel gemme (Djebei- Melah); origine des ruisseaux salés (Oued-Melah) et deslacs salés (Chotts et Sebkha) de l’Algérie, p. 431.= Etage géologique auquel appartient le Cidaris glandifera, Goldf. Obser¬ vations de MM. Marcou, Alb. Gau- dry et Edm. Pellat, p. 600. Corse (Ile de). Étude géologique sur File de — , par M. Tabariès de Grandsaignes, contenant les terrains primaire, à combustible, volcanique, d’alluvion, glaciaire, quaternaire, tertiaire, secondaire , les roches ignées, les gisements métallifères et les eaux minérales (pl. I), p. 74. =s Sur le terrain tertiaire du sud de la Corse, par M. A. Péron, p. 670. Coumi (Eubée). Flore fossile de — , par M. G. de Saporta. Observations de M. Alb. Gaudry, p. 315. Courants littoraux , marche des sables; atterrissements, alluvions marines et fluviales, deltas, constitutions de la plage et travaux d’assainissement , par M. Régy, p. 913. ner, Jannettaz, Levallois et Fouqué, p. 834. Delesse. Lithologie des mers britanni¬ ques. Observations de M. Ch. Mar- tins, p. 604. Dieulafait. Sur le calcaire blanc des environs de Toulon (néocomien). 1010 TABt DES MATIÈRES Réponse à une note de M. Coquand, du 17 juin 1867, p. 16. = Sur l’oo- lîthe inférieure , les calcaires à em¬ preintes végétales et les calcaires à entroques , dans le sud et le sud-est Eaux minérales de la Corse, par M. Ta- bariès de Grandsaignes, p. 93. =Bu rôle qu’ont joué les — dans les for¬ mations géologiques postérieures aux dépôts des derniers terrains tertiaires, par M. J. Hier, p. 277. Ébray (Th.). Allures des couches sé- dimentaires aux abords des émissions basaltiques du Coyron (Ardèche), p. 185. = Sur les couches à Tere- bratula diphya , de la Porte-de-France. Observation de M. de Lapparent, p. 346. = Réponse aux observations de M. Lory faites à la page 215 de ce volume, p. 488. = De la manière dont se terminent yers l’est les Failles. Sur les sinuosités des affleure¬ ments des — dans les Alpes , par M. Ch. Lory, p. 235. = Sur les failles des petites Pyrénées de l’A- riége, ptar M. H. Magnan, p. 719. = De la manière dont se terminent vers l’est les montagnes du Beaujo¬ lais, par M. Th. Ébray, p. 840. Faune. Sur la faune correspondant à l’époque glaciaire, dans la plaine sous-pyrénéenne, par MM. Ch. Mar- tins et Ed. Collomb, p. 164. Favre. (Àlph.). Recherches géologiques dans les parties de la Savoie, du Pié¬ mont et de la Suisse, voisines du mont Blanc; l’auteur y décrit des alluvions anciennes et modernes, des terrains glaciaire, tertiaire, juras¬ sique, le lias, le trias, le terrain si- t lurien, les schistes cristallins et les roches ignées, p. 356, = Sur une station de Rage du renne au pied du Salève. Observations de MM. Benoît et de Mortillet, p. 597. Ferrand de Missol est nommé arcbi- (jàrrigoü (F.). Étude du terrain stra¬ tifié dit laurentien ou antésilurien, dans l’Ariége et dans les autres parties des Pyrénées (pi. I), p. 97. Nouvelle note sur le même terrain, de la France, p. 403. = 4e note sur la zone à A vicula contorta , dans le sud-est de la France, p. 616. = Sur le même horizon, aux environs de Lodève (Hérault), p. 980. montagnes du Beaujolais, p. 840. Elbe (Ile d’). Granité tertiaire. Voir ci-dessus au nom Delanoue. Époque glaciaire. Évidences d’une — miocène, considérées spécialement dans les Pyrénées, par M. P. W. Stuart-Menteath. Observation de M. , Garrigou, p. 694. Émissions basaltiques. Voir ci-dessus au ^ nom Ébray. Érosions. Sur les — dès petites Py¬ rénées de l’Ariége, par M. H. Ma¬ gnan, p. 718. États-Unis. Mines d’or et d’argent du Colorado, par M. L. Simonin, p. 453. viste-adjoint, p. 366. Fischer. Géologie" dû sud de Madagas¬ car. Observation de M. J. Marcou, p, 398. Flore fossile de Goumi (Èubée), par M. G. de Saporta. Observations de M. Alb. Gaudry , p. 315. == — du bassin houiller d’Ahun (Creuse), par M. Gruner, p. 391. Fossilisation. Du rôle important des phénomènes chimiques dans la — , par M. Tabariès de Grandsaignes. Observations dé MM. Louis Laitet , Jacquot et Fouqtié, p. 578. Focqué. Contemporanéité de l’homme avec l’écroulement du centre de l’ile Santorin. Observations de MM. de Mortillet et J. Garnier, p. 597. Fi'ance. Sur l’oolilhe inférieure, les calcaires à empreintes végétales et les caleaires à entroques , dans le sud et le sud-est de la' — , par M. L. Dieulafait, p. 403. = 4e note du même sur la zone à A vicula con¬ torta du sud-est delà —, p. 616. p. 1:36. = Ophites des Pyrénées , p, 724. Garrigou (F.)y et feu Louis Martin. Géologie du la station? thermale de Luchon (Haute-Garonne), p. 624. ET DES AUTEURS. iOîl Gaudry (Alb.). Sur VActinodon Fros- sardi, de Muse, près Autun, p. 576. Géognosie. Comparaison par M. A. Boué des avantages de la géologie paléon- tologique avec ceux de la — de po¬ sition, p. 247. Géologie. Comparaison par M. A. Boué des avantages de la — paléontologi- que avec ceux de la géognosie de po¬ sition, p. 247. = — de la Kabylie et de la subdivision de Goustantine. (Voir à Algérie.) = Recherches géo¬ logiques dans les parties de la Sa¬ voie, du Piémont et de la Suisse voi¬ sines du mont Blanc. (Voir à ce nom.) = — de Madagascar. (Yoir à ce nom .) = Rapport sur les progrès de la — , par M. Alb. de Lapparent, p. 560. = — de la station thermale de Luchon. Voir à ce nom. Gisements métallifères de la Corse , par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 92. Gisements de sel gemme . Age des — en Algérie, par M. H. Coquand, p. 431. Hàrdoüiît (L.). Géologie de la subdi¬ vision de Constantine, formée d’aliu- vion, de terrains tertiaire et crétacé, de lias, de terrain silur en et de ro¬ ches. ignées (pl. V), p. 328. Hébert (Ed.). Observations au sujet d'une note de M. Coquand du 17 juin 1867, sur les calcaires blancs des en¬ virons de Toulon, p. 20. = Sur la discontinuité qui existe dans l’Yonne entre le dépôt des assises néocomien- nes et portlandiennes. Observation de M. Delanoüe, p. 577. = Obser¬ vations sur le mémoire de M. Pictet : Étude provisoire des fossiles de la Porte - de-France, d'Aizy et de Lémenc, p. 824. îles Britanniques. Sur la grande carte géologique des —, par M. J. Marcou. Observations de MM. d’Archiac, de Lapparent et Levatlois, p. 123v Industrie humaine. Sur quelques objets océaniens dont la matière paraît em¬ pruntée à des coquilles de la famille Jàunettaz (Ed.). Sur une forme nou¬ velle d’un clinochlore du Japon, p. 290. = Sur le quartz purpurin, Glacier. Essai sur l'ancien — de la val¬ lée d'Argelès (Hautes-Pyrénées), par MM. Ch. Martins et Ed. Collomb (pl. II), p. 141. Graùsessac (Hérault). Sur le bassin houiller de — , par M. Pomier-Ley- rargues, p. 993. Grenoble (Isère). Sur les couches à Tere- bratula diphya , de la Porte-de-France, par M. Ch. Ébray. Observations de M. de Lapparent , p. 346. = Sur le travail de M. Pictet : Étude provisoire des fossiles de la Porte-de-France, d'Ai¬ zy, et de Lémenc, par M. Ghaper. Ob¬ servations de MM. Ed. Hebert et Marcou, p. 691 et 811. = Même su¬ jet, par M. Ed. Hébert, p. 824. Gruxer. Flore du bassin houiller d'A- hun (Creuse), et cause à laquelle il faut attribuer la nature spéciale de la houille. Observations de MM. Mar¬ cou, Delanoüe, Parran et Delesse, p. 391. Hérault. Sur l'inondation du 18 octobre 1868, dans la vallée de F — , par M. Ch. Martins, p. 985. Homme. Sur 1’ — dans les temps géo¬ logiques, par M. G^ de Mortillet. Ob¬ servations de MM. Ed. Hébert et Alb. Gaudry, p-. 186. = Sur la con¬ temporanéité de 1’ — avec l'éboule- ment du centre de l’île Santorin, par M. Fouqué. Observations de MM.de Mortillet et J. Garnier, p. 597. Houille. Cause de sa nature spéciale. Voir ci-dessus au nom Gruxer. Hyères (Var). Calcaire cipolin de Fe- nouillet, près — , par M. G, de Bou- tiny, p. 191. des tridacnidées> par M. L. Vaillant, p. 681. Italie. La formation zancléenne, ou Re¬ cherches sur une nouvelle formation tertiaire en —, par M. J. Seguenza, p. 465. imitant le rubis, des minerais cupri¬ fères du Chili, p. 838. Japon. Voir ci-dessus au nom Janxettaz. 1012 TABLE DES MATIERES L Lacs salés. Origine des — et des ruis¬ seaux salés en Algérie, par M. H. Co- quand , p. 431. Langres (Haute-Marne). De l’étage rhé- tien (zone à A vicula contorta) aux en¬ virons de — , par M. A. Sautier, p. 846. Lapparent (Àlb. de). Sur l’extension du terrain crétacé inférieur dans le nord du bassin parisien, p. 284. = Rap¬ port sur les progrès récents de la géologie, p. 560. = Sur l’étage de la gaize, p. 868. Lartet (Louis). Sur une formation par¬ ticulière de grès rouges eu Afrique et en Asie, qu’il croit crétacés, à pro¬ pos du caractère lithologique en strati¬ graphie, p. 490. Lehardy de Beaulieu. Sur les fossiles trouvés à la base du lœss de Belgi¬ que. Observations de MM. deMortillet et Belgrand , p. 276. Leymerie. Sur l’origine et les progrès de la question relative au type ga- rumnien (pl. VII). Observations de M. Matheron, 896. Lias. De la séparation de l’étage rhé- tien des marnes irisées au moyen du bone-bed dans les environs de Mont- ferrat (Var) (pl. IV), par M. H. Go- quand, p. 291. = — de la subdivi¬ sion de Gonstantine, par M. L. Har- douin, p. 328. = — des environs du Madagascar , sur la géologie de — , par M. Fischer; observations de M. Mar- cou, p. 398. Magnan (H.). Deuxième coupe des pe¬ tites Pyrénées de l’Ariége. Sur l’o- phite (diorite), roche essentiellement passive, et aperçu sur les érosions et failles. La coupe comprend les ter¬ rains granitique , cambrien ou lau- rentien, silurien, dévonien, triasi- que, basique, jurassique, crétacé, garumnien et tertiaire ( pl. VI), p. 709. Marcou (J.). Sur la carte géologique de la province de Victoria (Austra¬ lie), p. 121. = Sur la grande carte géologique des îles Britanniques. Ob¬ servations de MM. d’Archiac , de Lapparent et Levallois, p. 123. == Extrait de la relation du voyage au¬ tour du monde de la frégate au¬ trichienne Novara, donnée par M. Hochstetter, p. 595. mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. = 4e note sur la zone à avi- cula contorta dans le sud-est de la France, par M. L. Dieulafait, p. 616. = Infra-lias de Chalindrey (Haute- Marne), par M. Tombeck. Observa¬ tions de MM. Levallois et Pellat, p. 676. = — des pedtes Pyrénées de l’Ariége. par M. H. Magnan, p. 712. = De l’étage rhétien (zone à A vicula contorta ) dans les environs de Lan¬ gres (Haute-Marne), par M. A. Sau- tier, p. 846. = Sur le même horizon aux environs de Lodève (Hérault) , par M. Dieulafait, p. 980. Lignites. Indices de — dans les envi¬ rons de Dellys, par M. L. Ville, p. 641. Lithologie des mers britanniques, par M Delesse. Observation de M. Ch. Martins, p. 604. Lodève (Hérault). Sur l’horizon de la couche à A vicula contorta aux envi¬ rons de — , par M. Dieulafait, p. 980. Lory (Ch.). Siructure des Alpes occi¬ dentales ; observations sur diverses notes de M. Ebray, p. 215. = Sinuo¬ sités des affleurements des failles dans les Alpes, p. 235. Luchon (Haute-Garonne). Géologie de la station thermale de — , par MM. F. Garrigou et feu E. Martin, p. 624. Mares (P.). Existence du terrain se¬ condaire dans le Djurjura (Grande- Kabylie), p. 135. Mares (P.) et Cazalis de Fondouce. Procès-verbal de la réunion extraor¬ dinaire de la Société à Montpellier. Voir à Cazalis de Fondouce. Marne (Haute-) (département de la). Ter¬ rain portlandien du — , par M. Tom¬ beck, p. 456. = Terrains corallien et kimméridien du — , par le même. Observations de MM. Hebert et de Lapparent, p. 458. Martins (Ch.). Sur l’inondation du 18 octobre 1868, dans la vallée de l’Hérault, p. 985. Martins (Ch.) et Collomb (Ed.). Essai sur l’ancien glacier de la vallée d’Ar- gelès (Hautes-Pyrénées) et faune cor¬ respondant à l’époque glaciaire dans la plaine sous -pyrénéenne (pl. II), p. 141. Matheron (Ph.). Age des calcaires la- ET DES AUTEURS. 1013 custres à Strophostoma lapicida des en¬ virons d’Aix et de Montpellier, et position de l’étage de Rognac, par rapport à la série des dépôts crétacés fluvio-lacustres du bassin de Fuveau, « p. 762. = Sur les calcaires de Gra- bels, les marnes bleues de Foncaude et le Cerithium plicatum de Bruguière. Observations de M. Pomel , p. 888. = Sur les calcaires lacustres de Bri- gnac et de Castelnau de Guers , p. 956. Mers britanniques. Leur lithologie, par M. Delesse. Observation de M. Ch. Martins, p 604. Minéralogie. Forme nouvelle d’un cli- nochlore du Japon, par M. Ed. Jan- nettaz, p. 290. = Sur le quartz pur¬ purin, imitant le rubis, des minerais cuprifères du Chili, par le même, p. 888. Mines d'or et d'argent du Colorado (États-Unis), par M. L. Simonin, p. 453. Mont Blanc. Recherches géologiques dans les parties de la Savoie, du Pié¬ mont et de la Suisse voisines du — , par M. Alp. Favre, qui y décrit des alluvions anciennes et modernes, des terrains glaciaire, tertiaire, jurassi¬ Ocêanie. Sur quelques objets océaniens dont la matière paraît empruntée à des coquilles de la famille des tridac- nidées, par M. Léon Vaillant, p. 681. Ophites par M. de Billy. Observations Paris. Sur l’extension du terrain cré¬ tacé inférieur dans le nord du bassin de —, par M. Alb. de Lapparent, p. 284. Pellat (Edm.). Terrain jurassique su¬ périeur du Boulonnais, p. 1Î9. = Développement du même travail. Observations de MM. Triger, de Lapparent et Ed. Hébert, p. 196. Péron (A.). Terrain tertiaire du sud de la Corse, p. 670. Pétrole. Description des gisements pé¬ trolifères de l’Albanie et de l’île de Zanfe, par M. H. Coquand, p. 20. Phénomène yaléothermal. L’excès d’inso¬ lation considéré comme principe du — , ou le soleil du jour égal, et de la zone torride paléozoïque, par M. Blan- chet. Observation de M. d’Archiac, p. 777. que, crétacé, le lias, le trias, le ter¬ rain silurien , les schistes cristallins et les roches ignées, p. 356. Montferrat (Var). De l’étage des mar¬ nes irisées et de l’étage rhétien (cou¬ ves kAvicula contorta ) dans les envi¬ rons de — , et de leur séparation au moyen du bone-bed (pl. IV), par M. H. Coquand, p. 291. Montpellier (Hérault). Calcaires lacus¬ tres. Voir ci dessus au nom Mathe¬ ron. = Procès-verbal de la réu¬ nion extraordinaire de la Société à — .Voir à Cazalis de Fon- douce. = Sur les calcaires de Gra- bels et les marnes bleues de Fon¬ caude, par M. Matheron, p. 888. = Sur les calcaires concrétionés à em¬ preintes végétales de Saint-Gely (Hé¬ rault), par M. G. de Saporta, p. 892. = Sur les calcaires lacustres de Brignac et de Castelnau du Guers, par M. Matheron, p. 956. Mortillet (G. de). L’homme dans les temps géologiques. Observations do MM. Ed. Hébert et Alb. Gaudry, p. 180. Muse, près Autun. Sur YActinodon Fros- sardi de — , par M. Alb. Gaudry, p. 576. de M. Jacquot, p. 682 ; id. de M. Hé¬ bert, p. 685. == — des petites Pyré¬ nées de l’Ariége,par M H. Magnan, p. 716.=— des Pyrénées, par M.H. Garrigou, p. 724. Pisani. Sur une éruption récente du Vésuve, p. 134. Plantes fossiles. Observations de M. Bel- grand sur les — de l’époque quater¬ naire dans le bassin de la Seine. Re¬ marques de MM. Hébert et Ed. Lar- tet, p. 573. Poissons fossiles du Boulonnais, par M. Em. Sauvage, p. 750. Pomier Leyrargues. Note sur le bas¬ sin houiller de Graissessac (Hérault), p. 993. Procès-verbal de la réunion extraordi¬ naire de la Société à Montpellier. Voir à Cazalis de Fondouce. Pyrénées. Etude du terrain stratifié dit laurentien ou antésiiurien , dans les —, parM. F. Garrigou (pl. I), p. 97. = Nouvelle note sur le même ter¬ rain, par le même, p. 136. = Faune 1014 TABiÆ DES MATIÈRES correspondant à l’époque glaciaire dans la plaine sous-pyrénéenne, par MM. Ch. Martins et Ed. Collomb, p. 164. = Sur les évidences d’une epoque glaciaire miocène, considérées spécialement dans les Pyrénées, par M. P. W. Stuart-Menteath. Obser¬ vations de M. Garrigou, p. 694, = Deuxième coupe des petiles — de FAriége. Sur l’ophite (diorite), roche R essentiellement passive, et aperçu sur les érosions et failles, par M. H. Magnan. La coupe comprend les ter¬ rains granitique, cambrien ou lau- rentien, silurien, dévonien, triasique, liasique, jurassique, crétacé, garum- nien et tertiaire (pl. VI), p. 709. = Ophites des —, par M. F. Garrigou, p. 724. Règlement. Son interprétation au sujet de la nomination des membres du conseil, p. 242. Régy. Note sur les courants littoraux, la marche des sables, les atterrisse¬ ments, les alluvions marines et flu¬ viales, les deltas, les constitutions de la plage et les travaux d’assainisse¬ ment, p. 913. Renevier (E.). Sur les trois faunes méso-crétacées de Cheville (Alpes Valaisannes). Observation de M. de Lapparent, p. 313. Rhinocéros pleuroceros. Mâchoires de — , avec entailles, trouvées par M. Ber¬ trand dans le miocène inférieur de Billy, près Saint-Germain-des-Fossés (Allier). Observations de MM. Hé¬ bert, Ed. Lartet et Garrigou, p. 614. Salève (mont). Sur une station de l’âge du renne au pied du —, par M. Alp. Favre. Observations de MM. Benoit et de Mortillet, p. 597. Santon'n(île). Contemporanéité de l’hom¬ me avec rébonlement du centre de F—, par M. Fouqué. Observations de MM. de Mortillet et J. Garnier, p. 597. Saporta (G. de). Flore fossile de Coumi (Eubée). Observations de M. Alb. Gaudry, p. 315. = Sur les calcaires concrétionnés à empreintes végétales de Saint-Gély (Hérault), p. 892. Sautier (A.). De l’etage rhétien (zone à Avicula contorta) aux environs de Langres (Haute-Marne), p. 846. Sauvage (Em.). Poissons fossiles du Boulonnais, p. 750. Schistes cristallins des environs du mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. Séance générale annuelle reportée au jeudi, 12 mars, p. 366. Seguenza (J.). La formation zancléenne, ou recherches sur une nouvelle for- Roches ignées de la Corse, par M. Tabariès de Grandsaignes , p. 75. = — de la Kabylie, par M. L. Ville, p. 251. = — de la subdivision de Con- stantine, parM. L. Hardouin,p. 328. = — des environs du mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. = — des environs de Dellys , par M. L. Ville, p. 641. = Nature, âge et influence du prétendu granité ter¬ tiaire de l’île d’Elbe, par M. J. Dela- noüe. Observations de MM. Gruner, Jannettaz , Levallois et Fouqué , p. 834. Rognac (Bouches-du-Rhône). Sur la po¬ sition de l’étage de — , par rapport à la série des dépôts crétacés fluvio¬ lacustres du bassin de Fuveau, par M. Ph. Matheron, p. 762. S j mation tertiaire en Sicile et en Italie, ! p. 465. Seine. Histoire de la — , indiquant les j différentes modifications que son lit a éprouvées, par M. Belgrand. Ob¬ servations de MM. Hébert, Ed. Lar¬ tet et Dausse , p. 499.= Observa¬ tions de M. Belgrand sur la décou¬ verte de plantes fossiles de l’époque quaternaire dans le bassin de la — . Remarques de MM. Hébert et Ed. Lartet, p. 573. Serpentines. Sur l’origine des — , par M. A. Boué, p. 248. Sicile , Sur les gisements asphaltiques des environs de Baguza, dans la pro¬ vince du Val di Noto, par M. H. Co- qtiand, p. 420. = La formation zan¬ cléenne. Voir ci-dessus au nom Se¬ guenza. Simonin (L.). Mines d’or et chargent du Colorado (États-Unis), p. 453. Société. Interprétation du règlement au sujet de la nomination des membres du conseil, p. 242. = Nomination ET ©ES A d’une commission pour vérifier l’état des collections , d’un archiviste - ad¬ joint; changement du jour de la séance générale annuelle, et décision au sujet des notes à insérer au Bul¬ letin, p. 366. Statique. Note sur une simple question de —, par JM. de Vignet, p. 95. Stuart-Menteath (P. W.). Evidences d’une époque glaciaire miocène, con¬ sidérées spécialement dans les Pyré- Tabagies de Grandsai&nes (E.). Étude géologique sur la Corse, comprenant les terrains primaire, à combustible, volcanique, d’alluyioii, glaciaire, qua¬ ternaire , tertiaire , secondaire, les roches ignées, les gisements métal¬ lifères et les eaux minérales (pl. I), p. 74. = Du rôle important des phé¬ nomènes chimiques dans la fossilisa¬ tion. Observations de MM. Louis Lar¬ tet, Jacquot et Fouqué, p. 578. Terrain d'alluvion de la Corse, par M. Ta¬ bariès de Grandsaignes , p. 74. = — de la Kabylie, par M. L. Ville, p, 25i, = — de la subdivision de Constantine , par M. L. Hardouin , p. 328, = — des environs du mont Blanc, par M. Aip. Favre , p. 356. = -TT- de la Seine, par M. Belgrand. Observations de MM. Hébert, Ed. Lartet et Dausse, p. 499. = — des environs de Dellys, par M. L. Ville, M. Tabariès de Grandsaignes, p. 82. = — de la Kabyiie, par M. L Ville, p. 251. Terrain carbonifère. Division des assises du — , d’après les plantes fossiles y recueillies, par M. Gruner. Observa¬ tions de M. Marcou, p. 391. = Sur le terrain houülier de Graissessac (Hérault), par M. Pumier-Leyrar- gues, p. 993. Terrain à combustible de la Corse, par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 82. Terrain crétacé ■ Sur les calcaires blancs des environs de Toulon (néocomiens). Réponse à une note de M. Coquand du 17 juin 1867, par M. Dieulafait. Observations de M. Ed. Hébert sur cette même note, p. 16. ==— de la Kabylie, par M. L. Ville, p. 251 .= Sur l’extension du — inférieur dans le nord du bassin parisien , par M. Alb. de Lapparent, p. 284. = Sur les trois faunes méso- crétacées de Cheville ( Alpes-Valaisannes ) , par ITEPRS. ' ' 101§' nées. Observations de M. Garrigou, • p. 694. Stuber (B.). Observations au sujet de la carte géologique de la Suisse (2e édition), p. 169. Styrie, Sur la carte géologique de la — , publiée par l’Association géognosti- que et minière de cette contrée, par M. A. Boué. Observations de MM. d’Archiac et Louis Lartet, p. 244. Suisse. Carte géologique. Voir au nom Studer. T M. E. Renevier. Observations de M. de Lapparent, p. 3l3.= — de la subdivision de Constantine, par M. L. Hardouin, p. 328. = — des environs du mont Blanc , par M. Alp. Favre, p. 356. = Sur une formation parti¬ culière de grès rouges en Afrique et en Asie, présumés crétacés, à propos du caractère lithologique en strati¬ graphie, par M. Louis Lartet, p. 490. = —des petites Pyrénées de l’Ariége, par M. H. Magnan, p. 713. = Sur la position de l’étage de Rognac, par rapport à la série des dépôts créta¬ cés fluvio-lacustres du bassin de Fu- veau, par M. Ph. Matheron, p. 762. = Sur les calcaires de la Porte-de- France, à propos d’uu travail de M. Pictet, par M. Chaper. Observa¬ tions de MM. Ed. Hébert et Marcou, p. 691 et 811. = Même sujet, par M. Ed. Hébert, p. 824. = Sur l’é¬ tage de la gaize, par M. Alb. de Lap¬ parent, p. 868. Terrain dévonien des petites Pyrénées de l’Ariége, par M. H. Magnan, p. 711. Terrain garumnien des petites Pyrénées de l’Ariége, par M. H. Magnan, p. 715. == Sur l’origine et les progrès de la question relative au type garumnien, par M. Leymerie ( pl VII). Ob¬ servations de M. Matheron , p. 896. Terrain glaciaire de la Corse, par M. Ta¬ bariès de Grandsaignes, p. 81. = — des environs du mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. = Sur la dé¬ couverte de moraines glaciaires en Auvergne, par M. Delanoüe, p. 402. == Sur la géologie de l’Amazone, par MM. Agassiz et Coutinho, dont les rives sont formées, suivant eux, de terrain glaciaire. Observations de MM. Garrigou, Belgrand, Marcou et Dausse, p. 685 , id. de M. Tardy, p. 797. 1016 TABLE DES MATIÈRES Terrain jurassique supérieur du Bou¬ lonnais, par M. Edm. Pellat, p. 119. = Développement du même travail. Observations de MM. Triger, de Lapparent et Ed. Hebert, p. 196. = Sur les couches à Terebratula diphya de la Porte-de-France, par M. Th. Ébray. Observations de M. de Lap- parent, p. 346. = — des environs du mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. = Sur l’oolithe inférieure , les calcaires à empreintes végétales et les calcaires à entroques, dans le sud et le sud-est de la France, par M. L. Dieulafait, p. 403. = Sur le terrain portlandien de la Haute- Marne, par M. Tombeck, p. 456. = Sur les terrains corallien et kimrné- ridien du même département, par le même. Observations de MM. Hé¬ bert et de Lapparent, p. 458. = Sur la discontinuité qui existe dans l’Yon¬ ne, entre le dépôt des assises néo¬ comiennes et portlandiennes , par MM. Ed. Hébert et Tombeck. Ob¬ servation de M. Delanoüe, p. 577.= Sur l’étage géologique auquel ap¬ partient le Cidaris glandifera , Goldf., par M. H. Goquand. Observations de MM. Marcou, Alb. Gaudry et Edm. Pellat, p. 600.= — des petites Pyré¬ nées de l’Ariége, par M. H. Magnan, p. 712. = Sur les calcaires de la Porte-de-France, à propos d’un tra¬ vail de M. Pictet , par M. Chaper. Observations de MM. Ed. Hébert et Marcou, p. 691 et 811. = Même su¬ jet, par M. Ed. Hébert, p. 824. Terrain laurentien ou antésilurien. ^tude du terrain stratifié dit — , dans l’A- riége et dans les autres parties des Pyrénées, par M. F. Garrigou(pl. I), p. 97. = Nouvelle note sur le même terrain , par le même, p. 1 36. = — des petites Pyrénées de l’Ariége, par M. H. Magnan, p. 711 . Terrain primaire de la Corse , par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 74. Terrain quaternaire de la Corse, par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 81. = Sur les fossiles trouvés à la base du lœss de Belgique, par M. Lebardy de Beaulieu. Observations de MM. de Mortillet et Belgrand, p. 276. = Du rôle qu’ont joué les euux minérales dans les formations géologiques pos¬ térieures aux dépôts des derniers ter¬ rains tertiaires, par M. J. ltier, p. 277. = — des environs du mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. = Sur une station de l’âge du renne au pied du mont Salève , par le même. Observations de MM. Benoît et de Mortillet, p. 597. = — des environs de Dellys , par M. L. Ville, p. 641. Terrain secondaire de la Corse, par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 76. = Sur l’existence du — dans le Djurjura, Giande-Kabylie, par M.P. Marès, p. 135. Terrain silurien delà subdivision deCon- stantiue, par M. L. Hardouin, p. 328. = — des environs du mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. = — des petites Pyrénées de l’Ariége, par M. H. Magnan, p. 711. Terrain tertiaire de la Corse, par M. Ta¬ bariès de Grandsaignes, p. 76. = — de la Kabylie, par L. Ville, 251.== — de la subdivision de Constantine, par M. L. Hardouin, p. 328. = — des environs du mont Blanc, par M. Alp. Favre, p. 356. = — des environs de Rennes et de Dinan, en Bretagne, et observations sur l’étendue des mers à cette époque, par M. R. Tournouër, p. 367. — La formation zancléenne, ou recherches sur une nouvelle for¬ mation tertiaire en Sicile et en Italie, par M. J. Seguenza, p. 465. = — des environs de Dellys , par M. L. Ville, p. 641. = — du sud de la Corse, par M. A. Péron, p. 670. = — des petites Pyrénées de l’Ariége, par M. H. Magnan, p. 715. = Sur l’âge des calcaires lacustres à S/ro- phostoma lapicida des environs d’Aix et de Montpellier, par M. Pb. Ma- theron, p. 762.= Sur les calcaires de Grabels et les marnes bleues de Foncaude, environs de Montpellier, par le même, p. 888. = Sur les calcaires concrétionnés à empreintes végétales de Saint-Gély (Hérault), par G. de Saporta, p. 892. = Sur les calcaires lacustres de Brignac et de Castelnau de Guers, par M. Ma- theron, p. 956. Terrain volcanique de la Corse, par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 82. Terrasses alluviales. Nouvelle note sur les — , par M. Dausse, p. 752. Tombeck. Terrain portlandien de la Haute-Marne, p. 456.= Terrains co¬ rallien et kimméridien du même dé¬ partement. Observations de MM. Hé¬ bert et de Lapparent, p. 458. = Sur la discontinui é qui existe dans l’Yon¬ ne, entre le dépôt des assises néoco¬ miennes et portlandiennes. Observa¬ tion de M. Delanoüe, p. 577. = In¬ fra-lias de Chalindrey(Haute-Marne). Observations de MM. Levallois et Pellat, 676. ET DES AUTEURS. 1017 Toulon (Var). Sur les calcaires blancs des environs de — (néocomiens). Ré¬ ponse à une note de M. Coquand du 17 juin 1867, par M. Dieulafait. Ob¬ servations de M. Ed. Hébert sur la même note, p. 16. Tournouer (R.). Sur les lambeaux de terrain tertiaire des environs de Ren¬ nes et de Dinan, en Bretagne, et ob¬ servations sur l’étendue des mers à cette époque, p. 367. Trias. De l’étage des marnes irisées Vaillant (Léon). Sur quelques objets océaniens dont la matière paraît em¬ pruntée à des coquilles de la famille des tridacnidées, p. 681. Verneuil (de). Sur l’éruption du Vé¬ suve de 1867-68, p. 802. Vésuve. Sur une éruption récente du — , par M. Pisani, p. 1 34. =Voir ci- dessus au nom Verneuil. Vignet (de). Note sur une simple ques¬ tion de statique, p. 95. Ville (Ludovic). Études géologiques faites dans la Kabylie, composée de terrains cristallins, crétacés, tertiaires, Yonne. Sur la discontinuité existant dans 1’— , entre le dépôt des assises néocomiennes et portlandienries, par v lante (île de). Description des gise¬ ments bituminifères et pétrolifères de dans les environs de Montferrat (Var) et de leur séparation de l’étage rhé- tien au moyen du bone-bed (pl. IV,) par M. H. Coquand, p. 291. = — des environs du mont Blanc , par M. Alp. Favre, p. 856. = — des petites Pyrénées de l’Ariége , par M. H. Magnan, p. 711. Triger Regrets exprimés par M. le Président sur sa mort, p. 239.= No¬ tice sur sa vie et ses travaux, par M. Alfred Caillaux, p. 547. d’alluvions et de roches ignées(pl.III), p. 251. = Note minéralogique sur les environs de Del lys, contenant l’é¬ tude du terrain tertiaire et des in¬ dices de lignite qu’on y trouve , des terrains quaternaire, alluvien et igné, p. 639. Viquesnel (Auguste). Notice sur sa vie et ses travaux, par M. d’Archiac , p. 526. Voyage. Extrait, par M. J. Marcou, de la relation du — autour du monde de la frégate autrichienne Novara , don¬ née par M. Hochstetter, p. 595. MM. Ed. Hébert et Tombeck. Obser¬ vation de M. Delanoüe, p. 577. 1’ —, par M. H. Coquand, p. 20. FIN DE LA TABLE. Soc. géol., 2e série, tome XXV. 65 1018 LISTE DES PLANCHES. Liste des planches. I, p. 74. Tabariès de Grandsaignes. — Carte géologique de la Corse et car¬ tes de la situation des roches orbiculaires, des mines et des eaux minérales de la même contrée. I, p. 97. F. Garrigou. — 5 coupes du terrain laurentien de l’Ariége. II, p. \ 41. Ch. Martins et Ed. Collomb. — Coupes longitudinales ettrans- versales de l’ancien glacier d’Argelès ; carte de l’extrémité infé¬ rieure du même glacier; coupe transversale de la vallée du Gave de Pau; coupes de diverses moraines frontales et de blocs erra¬ tiques. III, p. 251 . Ville (L). — Essai d’une carte géologique de la Kabylie. IV, p. 291. H. Coquand. — Coupe du Keuper et de la couche à A. conforta dans les environs de Montferrat (Var). V, p. 327. L. Hardouin. — Carte géologique de la subdivision deConstan- tine. VI, p. 709. H. Magnan. — Coupe des petites Pyrénées de l’Ariége entre le pech d’Arbiel et Daumazan. — Carte des Pyrénées et des Corbières. Vil, p. 896. Leymerie (fig. 1). Coupe de la montagne d’Ausseing, montrant le garumnien type en relation avec le sénonien sous-jacent et le terrain à nummulites superposé; F. 2. Diagramme mon¬ trant la transformation de l’étage garumnien et du sénonien sous-jacent dans le midi de la France; F. 3. Coupe de l’étage garumnien prise près du col de Nargo, au sud d’Organya, dans la vallée de la Sègre (Catalogne). VIII, p. 879 et suivantes. De Rouville et Cazalis de Fondouce. F. 1. Carte géologique des environs de Montpellier; F. 2. Id.de Villeveyrac- Vallemagne; F. 3. Id. de Roujan-Cabrières. IX, p. 941 et suivantes. Les mêmes. F. 4. Id. Région d’Agd'e; F. 5. Coupe au sud du mas Ménard ; F. 6. Profil du pic vers Trédos; F. 7. Coupe sur le chemin d’Agde à Brescou ; F. 8. Cap d’Agde ; les trois frères Tuffa soulevé par le basalte ; F. 9. Carte géologique de Pézenas-le-Riége ; F. 10. Id. Lodève-Graissessac ; F. 11. Id. Région de Bédarieux. ERRATA ïome. Page. Ligne. XXIII, 525, 19, au lieu de : (syn., A. infundibulum, d’Orb.), non Sow., lisez : (syn. A. infundibulum, d’Orb., non Sow.). — 25, au lieu de ; Cil, lisez : 52. — 526, 13, au lieu de : A. Calypso , n. sp., lisez : A. Calypso , d’Orb. — 527, 5, au lieu de : en arrière, lisez : en avant. XXIV. 327, 1, au lieu de : Pyrénées orientales, lisez : Pyrénées occi¬ dentales. — 363, fi g. 12, reporter F (faille) à droite, au-dessus de la première ligne ponctuée; mettre N (nord) à gauche et S (sud) à droite de la coupe. 832, 3 et 4, supprimer les 4 noms de fossiles contenus dans la pa¬ renthèse (P. girundicum , P. medium , P. crassum ? P. minus ?) XXV, 78, 8, au lieu de : Nummulites, lisez : Nummulites Ramondi. — 96, 12, au lieu de : émission, lisez : émersion. — — 17 et 18, au lieu de: parfaitement, lisez : puissamment. — ■ — 36, au lieu de : de grandes surfaces, lisez : de plus grandes surfaces . — 98, 9, au lieu de : forment ce que ces géologues ont appelé le groupe de Québec, lisez : est un ensemble du terrain silurien inférieur. — 128, 30, au lieu de : l’Ecole royale fort bien, lisez : l’École royale des mines. — 135, 33, au lieu de : nomment, lisez: placent sous. — 167, 12, au lieu de : Toja, lisez : Toga. — 359, 28, au lieu de : M. Fabre, lisez : M. Favre. 375, 18, au lieu de .* nodosum , lisez : enodosa, — — - 27, après la ligne 27 ajoutez : Fasciolaria polygonata , Brongn., sp — Espèce propre à la zone méridionale (Gaas, Vicentin, etc.). — 376, 34 , au lieu de : le caractère de ceux de la seconde, lisez : les caractères de la première de ceux de la seconde. 492, note, au lieu de : O. Bousingaulti, lisez : O. Boussingaulti 4 — 493, 25, au lieu de : O. decussata, lisez : O. densata , Conrad. ' — 494, 20, au lieu de : ce contrées, lisez: ces contrées. — 496, 31, au lieu de : et atteint, lisez : et où il atteint. 578, dernière . au lieu de : cotte, lisez : cette. 1020 ERRATA. Tome. Page. Ligne. XXV, 591, entre 2 et B.. .. ajoutez : ce que nous venons de dire explique la dolomitisation des fossiles dans les gisements de dolomie métamorphique. Si l’on en trouve de même sorte dans la dolomie sédimentaire, il faudra bien admettre que le test s’est dolomitisé tout en se for¬ mant, pendant la vie de l’animal, dans une eau chargée de cette substance. . — 615, sur le diagramme, rétablissez les chiffres 1 à 10 qui ont été omis vis-à-vis des couches. î-Afeis. — Imp. Édouard blot, rue bleue, 7. t