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Rue de Fleurus, 39.
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4-
SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE
DE FRANCE
Séance du 9 novembre 1868.
PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND.
Par suite des présentations faites dans la réunion extra-
ordinaire à Montpellier, en octobre dernier, le Président
proclame membres de la Société :
MM.
Bazille (Louis), à Montpellier (Hérault; présenté par
MM. Paul Marès et Gazalis de Fondouce;
Bouscaren (Alfred), propriétaire, h Montpellier (Hérault);
présenté par MM. Paul Marès et Jpfe Michel ; 3
Cayrolle (Fabbé), à Béziers (Hérault,),;, présenté fpat ;
MM. Hébert et de Rouville; * R » i % * 1 R1 ; 3 3
D’Espous (Auguste), propriétaire, à Montpellier (Hérault) ;
présenté par MM. de Saporta et Coquand;
Leenhardt (Franz), étudiant en théologie, à Sorgues
(Vaucluse); présenté par MM. Coquand et de Rouville;
Le Mesle, naturaliste, à Marseille (Bouches-du-Rhône) ;
présenté par MM. Coquand et Dieulafait;
Maistre (Jules), propriétaire, à Villeneuvette, près Cler-
mont (Hérault); présenté par MM. Ch. Martins et de
Rouville ;
Molinié, agent voyer, à Lunel (Hérault); présenté par
MM. Boutin et de Rouville ;
Munier (Achille), à Frontignan (Hérault) ; présenté par
MM. de Rouville et Cazalis de Fondouce ;
Pomier-Layrargtje (Georges), ingénieur civil, à Montpellier
(Hérault); présenté par MM. de Rouville etMatheron;
6
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Sabatier-Desarnauds, à Béziërs (Hérault); présenté pai
MM. de Rouville et de Grasset.
Le Président annonce ensuite cinq présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. H. Abich, Geologische Beobachtungen auf
Reisenin den Gebirgslandern, ziüHschen Kur und Araxes ; in -4,
159 p.; Tiflis, 1867.
De la part de M. Édouard Beltremieux, Faune vivante du
département de la Charente- Inférieure, 1er supplément ; in-8,
46 p.; Larochelle, 4868; chez G. Mareschal.
De la part de M. F abbé Bourgeois, Lhomme tertiaire; in-8,
8 p.; Paris, 1867 . ...
De la part de M. G. Capeliini, Fossili infraliassici dei din-
torni dei goîfo âêllaiSpma:; in-8, 101 p . 4 0 pi. ; Bologne, 1 866-67 ;
chez Gamberini et Bsirmqggiani.
V' .pe'Ja part' de,M. P. Cazalis de Fondouce, Recherches sur la
'géologie d,e l’Égypte; iyë; ;9$; p.; 1868; Montpellier, chez
G. Goulet; Paris, chezÉ. SavyF'"
De la part de M. E. Collomb, Sur le volume d'eau débité par
les anciens glaciers ; in-4, 3 p.; Paris, 1868.
De la part de M. Cornet, Études sur le terrain crétacé du
Hainaut (première partie) : — Description minéralogique et
stratigraphique de l’étage inférieur , par MM. A. Briart et F. L.
Cornet (Rapport de M. G. Dewalque); in-8, 10 p. ; Bruxelles.
De la part de M. Daubrée :
1° Expériences synthétiques relatives aux météorites; in-8,
68 p.; Paris, 1868 ; chez Dunod.
2° Notice sur la découverte et la mise en exploitation de nouveaux
gisements de chaux phosphatée; in-8, 32 p,; Paris, 1868; chez
Ve Bouchard-H uzard.
De la part de M. Th. Davidson :
— - On the earhest forms of Brachiopoda hitherto discovered in
he british palœczoic rocks; in-8, 14p., 4 p.; Londres, 1868.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
7
— On the upper silurian brachiopoda of the Pentland hills and
of Lesmahagow, in Larnakshire ; in -4, 24 p., 3 pl.; Glas-
cow, 1868.
De la part deM. J. Delanoüe, Note sur la constitution géolo-
gique des environs de Thèbes ; in-4, 14 p.; Paris, 1868.
De la part de M. G. Dewalque, Prodrome d'une description
géologique de la Belgique ; in-8, 442 p.; 1868; Bruxelles et
Liège, chez Decq; Paris, chez F. Savy.
De la part de M. A. Erdmann, Exposé des formations qua-
ternaires de la Suède; in-8, 117 p., avec atlas in-4, 14 cartes.
Stockholm, 1868 ; chez P. A. Norstedt et fils.
Delà part de MM. Gosselet et G. Malaise, Observations sur le
terrain silurien de l’ Ardenne ; in-8* 15 p.; Bruxelles, 1868;
chez M. Hayez.
De la part de M. A. Charles Grad, Observations sur les gla-
ciers de la Viége et le massif du Monte-Rosa ; in-8, 72 p.; Paris,
1868; chez Challamel aîné.
De la part de M. le comte Jaubert, Étude sur le traité de
commerce avec l’Angleterre; in-8, 42 p.; Bourges, 1868 ; chez
Just Bernard.
De la part de M. de Koenen :
1° Uber die unter-oligocaene tertiaer-F auna vom Aralsee; in-8,
31 p.; Moskau, 1868.. ...
2° Ueber das-Ober-Oligocan von Wiepte ;in-8, 8 p.; Neuhran-
denbourg, 1868 ; chez W. Greve.
De la part de M. H. Le Hon :
1° L’homme fossile , 2e édition ; &36 p.; 1868; Bruxelles,
chez C. Muquardt; Paris, chez C. Reinwald.
2° Influence des lois cosmiques sur la climatologie et la géologie;
in-8, 89 p.; 1868; Bruxelles, chez C. Muquardt; Paris, chez
C. Reinwald.
De la part de M. A. Leymerie :
1° Etude sur l'étage inférieur du bassin sous-pyrénéen et sur la
nature probable des roches qui lui servent de fond. — Application
à la question des eaux souterraines ; in-8, 23 p.; Toulouse, 1868;
chez Douladoure.
8
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
2° Mémoire pour servir à la connaissance de l'étage inférieur du
terrain crétacé des Pyrénées ; in-4, 4 p.; Paris, 1868....
De la part de M. W. E. Logan, Exploration géologique du
Canada ; in-8, 332 p.; Ottawa, 1866; chez G. E. Desbarats.
De la part de M. P. Mantovani, Descrizione mineralogica dei
vulcani laziali ; in-8, 51 p.; Rome, 1868; chez G. Via.
De la part de M. Jules Martin, Note sur la carte géologique
de la Haute-Marne de MM. Royer et Barotte; in-8, 11 p.;
I pl
De la part de M. G. de Mortillet :
1° Matériaux pour l'histoire primitive et philosophique de
l'homme; mai, juillet et août 1868; in-8, chez M. de Mortillet,
à Saint-Germain en Laye (Seine-et-Oise).
2° Rapport adressé au Comité départemental de la Savoie sur
V Exposition universelle de 1867 (section de V Industrie); in-8,
27 p.; Chambéry, 1868; chez F. Puthod.
De la part de M. Michel Mourlon, Recherches sur l'origine
des phénomènes volcaniques et des tremblements de terre, etc.;
Bruxelles, 1867; chez Mayolez.
De la part de sir R. I. Murchison, Address to the R. geogra-
phical Society of London; delivered at the anniversary meeting
on the 25th may 1866; in-8, 74 p.; Londres, 1868; chez
W. Clowes et fils.
De la part de M. J. J. d’Omalius d’Halloy, Précis élémen-
taire de géologie , 8e édition; in-8, 636 p.; 1868; Bruxelles,
chez C. Muquardt; Paris, chez F. Savy.
De la part de M. Charles d’Orbigny, Description des roches,
d’après la classification de feu P. L. A. Cordier; in-8, 553 p.;
Paris, 1868; chez F. Savy et chez Dunod.
De la part de M. F. Pisani, Analyse d' une météorite tombée le
II juillet 1868 à Ornans (Doubs) ; in-4, 3 p.; Paris, 1868
De la part de M. Ramon Rua Figueroa, Minas de Rio-Tinto;
in-8, 304 p.; La Corogne, 1868; chezE. Cascante.
De la part de M. J. Seguenza :
1 0 Notizie succinte intorno alla costituzione geologica dei terreni
terziaru dei distretto di Messina ; in-4, 84 p.; 2 pl»" Messine
1862; chez T. Capra.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
9
2° Paleontologia malacologica dei terreni terziarii del distretto
di ' Messina ; in-4, 88 p., 8 pl.; Milan, 1865 ; chez J. Bernardoni.
3° Sulle importanti relazioni paleontologiche di talune rocce cré-
tacée délia Calabria con alcuni terreni di Sicilia e delY Africa set-
tentrionale; in-4, 17 p., 1 pl.; Milan, 1866 ; chez J. Bernardoni.
4° lntorno alla geologia di Rometta esaminata dal lato petrogra-
fico , stratigrafico e geogenico in rapporto ail’ origine delle acque po-
tabili di quel monte; in-4, 12 p., 1 pl.....
De la part de M. Émile Stohr :
1° Das Pyropissit - Vorkommen in den Braunkohlen bei Weis-
senfels und Zeitz ; in-8, 28 p., 1 pl.; Stuttgart, 1867; chez
E. Schweizerbart.
2° Il Vulcano Tenggher délia Giava orientale ; in-8, 44 p.,
1 pl.; Modène, 1867; chez A. Ferrari.
De la part de M. H. Trautschold :
1° Ber ersten Naturforschersammlung in Russland ; in-8, 49 p.,
5 pl. ; Moscou, 1867.
2 0 Ber südostliche Theil des Gouvernements Moskau; in-8, 77 p.;
Saint-Pétersbourg, 1867.
3° Bie meteoriten des Miner aliencabinets der K. Ackerbau und
F ortsakademie zu Petroivskoje Rasumowskoje bei Moskau ; in-8,
9 p.; Moscou, 1868
De la part de M. le baron Achille de Zigno, Flora fossilis
formationis oolithicæ ; 5e livraison, in-f°; Padoue, \ 856-1868.
De la part de madame veuve Viquesnel, Voyage dans la
Turquie d' Europe, parM. Auguste Viquesnel; 13e et dernière
livraison; in-4; Paris, 1868; chez Arthus Bertrand.
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De la part de M. Linder, Etude sur les terrains de transport
du département delà Gironde, etc. ; in-8, 136 p.; Bordeaux, 1868;
chez Coderc, etc.
De la part de M. J. Malinowski, Essai historique sur l’origine
et le développement progressif de ! exploitation du charbon de terre
dans le bassin houiller du Gard ; in-18, 36 p.; Alais, 1868; chez
J. Martin.
De la part de M. O. Nicour, Expédition scientifique et com-
merciale du Zambèze ; in-8, 6 p.; Le Havre, 1868 ; chez Ro-
quencourt.
10
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
De la part de M. G. Planchon, Étude sur les tufs de Montpel-
lier; in-4, 73 p., 3 pl. ; Montpellier, 1864; Paris, chez
F. Savy; Montpellier, chez Boehm et fils.
De la part de M. Eugène Robert, Toujours des silex travaillés
( station celtique de Luthernay ); in-8, 8 p.; Paris, 1868.
De la part de M. L. Foresti, Catalogo dei molluschi fossili
pliocenici delle colline Bolognesig in-f°, 99 p., 2 pl.; Bologne,
1868 ; chez Gamherini et Parmeggiani.
De la part de M. Th. Fuchs et F. Karrer, Geologische Stu-
dien in den Tertiaerbildungen des Wiener Beckens ; in-8, 18 p.;
Vienne, 1868; chez F. B. Geitler.
De la part de M. G. W. Gümbel, Geognostische Beschreibung
des ostbayerischen Grenzgebirges oder des Bayenschen und ober-
pfalzerWaldgebirges ; in-4, 968 p., et atlas de 6 feuilles ; Gotha,
1868; chez Justus Perthes.
De la part de M. Agatino Longo, Due memorie di geologia e
di vulcanologia ; in-4, 57 p.; Catane, 1868; chez G. Galatola.
De la part de M. Sven Nilsson, Les habitants primitifs de la
Scandinavie; in-8, 323 p., 16 pl.; Paris, 1868; chez G.
Reinwald.
De la part de M. le professeur Owen, Dérivative hypothesis
of life and species : being the concluding (40lh chapter) ofthe Ana-
tomy of vertebrates. — - General conclusions ; in-8, 40 p.; 1868...
De la part de M. W. Thomson, On geological time ; in-8,
28 p.; Glascow
De la part de M. J. F. Walker, On the species of brachiopoda
which occur in the loiver greensand atupware ; in-8, 8 p., 2 ph;
Le Président fait part à la Société de la mort de deux de
ses membres, MM. Boucher de Perthes et delà Roquette. Il
désigne MM. de Mortillet et Mar cou pour rendre compte à la
Société de leur vie et de leurs travaux.
M. Hébert annonce la mort de M. Homes, directeur du
cabinet minéralogique de Vienne, et communique à la So-
ciété les principaux passages d'une lettre dans laquelle
NOTE DE M. INDES. H
M. Bouè lui fait part de cette perte en rappelant les travaux
de ce savant géologue.
La Société décide qu'un extrait de la lettre de M. Boué
sera inséré au Bulletin , parmi les notices nécrologiques.
M. Hébert présente ensuite la traduction française de l'ou-
vrage de M. Nilsson, sur Les habitants primitifs de la Scandi-
navie ( V. la Liste des Dons).
M. de Verneuil présente au nom de l'auteur la note
suivante :
Lettre du frère Indes , sous-directeur de l'école chrétienne à Rome ,
à M. de Verneuil sur la formation des tufs des environs de cette
ville et sur une caverne à ossements.
Monsieur,
Mes promenades dans la campagne romaine pendant l’hiver
dernier ont été dirigées presque exclusivement sur la rive droite
du Teverone (cette rivière est aussi appelée Àniene, de son an«
cien nom Anio.) J'ai spécialement étudié l’espace compris
entre le Monte Sacro et le Ponte Salara. Près de ce dernier point
j’ai découvert une caverne à ossements et une disposition du
tuf qui a particulièrement attiré mon attention; ces deux objets
sont à cent mètres l’un de l’autre, sur le flanc méridional de la
colline qui porte le nom de Monte delle Gioie.
Mais avant de continuer, permettez, Monsieur, que je me fé-
licite de pouvoir dire ici que vous avez vous-méme examiné la
plupart des choses dont j’ai à parler; ce témoignage ne peut
manquer de communiquer à mes paroles quelque chose de
l’autorité dont votre nom jouit à si juste titre.
§ I.
Le Monte delle Gioie forme la pointe de l'ancien confluent
du Tibre et du Teverone; le confluent actuel en est éloigné à
peine d’un demi-mille. Cette colline était autrefois baignée par
deux lacs dont les eaux pouvaient, du moins dans les grandes
crues, se mêler sur sa croupe; il est cependant probable que
dans le cours ordinaire ce mélange avait lieu seulement après
que le Teverone avait franchi un barrage qui reliait le Monte
delle Gioie aux collines de la villa Chiggi; d’ailleurs, les eaux
12
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
du Tibre étaient tenues aussi à une certaine hauteur par une
chaussée analogue, dont les restes sont encore évidents entre
Acquacetosa et Ponte-Molle.
La coupe ci-dessous du Monte delle Gioie est prise dans la
direction duN. au S., et comprend une hauteur de 25m 20,
c’est-à-dire depuis le niveau de la route au-dessous de la
caverne jusqu’au haut de la colline.
Coupe du Monte delle Gioie. — Hauteur 25m20.
1 Argile grise.
2 Argile jaune.
3 Cailloux roulés.
4 Tuf lithoïde.
b Tuf homogène.
6 Tuf stratifié.
7 Sable calcaire argileux.
8 Tuf stratifié analogue au n° 6.
A B Concrétions travertineuses.
a Ouverture de la caverne.
Les numéros 4, 6, 7, ont chacun 5m 80 de puissance. Le nu-
méro 5, 1 mètre. Les nos 1,2 et 3 ont ensemble 1 mètre; ils sont
d’une puissance égale. Les nos 1 et 2 ne contiennent pas d’élé-
ments volcaniques. La couche n° 1 est de couleur grise; elle
a fourni des morceaux de bois pétrifiés et très-roulés; ces
fragments appartiennent au genre Pinus.
NOTE DE M. INDES.
13
L’analogie de cette couche avec une que j’ai remarquée sur
le Janicule également sous les tufs, entre ceux-ci et les gra-
viers jaunes, me fait soupçonner entre les deux rives du Tibre
une conformité qui n’est pas généralement admise. Quoique
je n’aie indiqué dans la coupe qu’une très-faible puissance
pour cette couche, les travaux faits pour le chemin de fer, à
l’O. de la colline, me donnent lieu de penser qu’elle a une
grande puissance.
La couche n° 2 est de couleur jaune ; elle contient des coquil-
les terrestres fort petites et difficiles à étudier à cause de leur
fragilité; j’ai distingué V Hélix nitida et une Pupa. La présence
de ces mollusques indique que ces deux couches sont un dépôt
d’eau douce; cela admis, il sera bien difficile de prouver que
les dépôts supérieurs sont marins: car ils ne contiennent que
des fossiles terrestres, comme des fragments de bois, des os
de Bœuf, de Cerf, etc.
La couche n° 3 me semble être d’une grande importance :
car jusqu’à présent on n’a pas trouvé les cailloux roulés sous
le tuf lithoïde ou non stratifié ; elle me paraît parfaitement sem-
blable au dépôt du Monte Sacro; elle se compose de cailloux
roulés et contient les éléments volcaniques les plus communs
dans tous les dépôts analogues de la campagne romaine, c’est-
à-dire les tufs, les cendres, le pyroxène et l’ampbigène décom-
posé. Les cailloux n’ont rien de particulier; la plupart sont
calcaires et de petite dimension. Une telle couche sous le tuf
lithoïde est un fait qui n’a point été rencontré dans les nom-
breux dépôts de ce tuf qui sont en exploitation dans la cam-
pagne romaine; il contrarie même un peu la théorie qui le
place avant toute autre production volcanique. Cependant, et
quoique la définition en soit un peu vague, il me semble facile
de faire voir que la couche n° 4 ne saurait être rapportée à une
autre formation. On peut d’abord faire remarquer qu’une des
principales raisons qui ont empêché de trouver les cailloux ou
tout autre dépôt volcanique sous le tuf, c’est qu’on l’exploite
rarement à une profondeur suffisante; communément, dans
les exploitations, on ne va pas jusqu’au fond du dépôt. En
outre, les caractères physiques, comme l’absence de stratifica-
tion et la disposition mécanique des parties, me semblent ne
rien laisser à désirer; mais ce qui surtout me paraît décisif,
c’est la présence du tuf homogène du n° 5. Ce tuf, dans toutes
leslocaiités classiques, comme Sainte- Agnès, Monte Yerde, le
Capitole, etc., couronne ce qui a été appelé tuf lithoïde par
7 9 w o
4 & é O
14 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Brocehi et ceux qui Pont suivi. Ainsi, nous avons là une série
des roches les plus communes dans la campagne romaine, et
dans le même ordre où on les voit en tout lieu; il ne peut y
avoir de raison pour changer ici leur dénomination.
A ces remarques on peut ajouter que le dépôt de Monte
delle Gioie n’est point isolé, car il se relie avec d’autres plus
considérables. En face de notre coupe, sur la rive gauche, il en
a été extrait plusieurs milliers de mètres cubes, tant pour le che-
min de fer que pour diverses constructions ; ce qui en reste est
moins dur, mais appartient à la même formation; elle se pro-
longe même sous les collines de la villa Chiggi, qui n’est sépa-
rée des carrières de Sainte-Agnès que par la profondeur d’un
ravin creusé par un ruisseau. Il serait encore facile de faire voir
que ce dernier point s’unit avec les carrières de Pietralata.
Non-seulement la priorité du tuf lithoïde se trouve attaquée par
les faits que je viens de signaler, mais encore sa formation
sous-marine; car si, avant son apparition, la mer pliocène s’é-
tait déjà retirée et avait laissé le temps aux autres formations
de se déposer, il n’est guère probable qu’elle soit revenue à
l’époque volcanique. Toutefois, malgré l’extrême répugnance
que j’ai toujours eue à admettre aux environs de Rome des
volcans sous-marins, je ne pense pas que les couches que je
viens de signaler soient un fait suffisant pour établir quelque
chose de définitif contre une théorie soutenue par des hom-
mes aussi judicieux que MM. Ponzi et Michel de Rossi , ap-
puyés parPautorité de Brocchi et de Breislack. Il est possible
qu’on trouve une explication tant pour justifier l’absence de
débris marins dans les tufs qu’on pense avoir été formés dans
la mer, que pour le fait que je signale.
Les couches représentées par les nos 6, 7 et 8 se continuent
sur la rive gauche, ce qui confirme l’idée déjà énoncée d’un
barrage qui tenait les eaux à une certaine hauteur; elles se
continuent aussi dans la direction N. et N. E. ; enfin elles ont
tous les caractères d’étendue sur lesquels on a coutume de
s’appuyer pour dire que nos tufs stratifiés sont sous-marins,
plusieurs du moins. Le tuf n° 6 n’a rien qui le distingue
des tufs stratifiés de la campagne romaine; ce sont les mêmes
éléments et la même forme qui se présentent partout, et no-
tamment à la Salita del Crocifisso, près le Ponte Salara. Le
sable calcaire argileux du n° 1 a la forme schisteuse; il con-
tient dans ses minces couches des fragments de tiges semi-
ligneuses en très-petite quantité, point de cailloux ni de
NOTE DE M. INDES.
15
fragments de tuf; les éléments volcaniques y sont réduits à la
forme la plus ténue. C’est à la hauteur de cette couche que les
concrétions travertineuses A B commencent à se faire voir pour
se prolonger sur la couche supérieure et s’étendre sur le pla-
teau même de la colline; elles ont des formes bizarres. On voit
souvent d’une manière évidente que c’est dans les fentes du
tuf ou autres roches qu’elles se sont formées; en quelques
endroits elles sont si abondantes qu’elles rendent impossible
la distinction des couches qui forment le dépôt principal.
Lorsque les éléments de cette formation se sont introduits dans
des cavités cylindriques, ils en ont d’abord tapissé les parois;
puis, par des couches qui semblent concentriques et qui se
sont superposées les unes aux autres, ils ont fini par les rem-
plir, formant ainsi comme des stalactites dans l’intérieur des
roches. D’autres fois, il s’est fait un mélange d’une espèce de
ciment avec le sable et les cendres volcaniques ou avec les cail-
loux roulés; d’où il résulte, selon la diversité des éléments, un
travertin très-dur, lorsque le ciment était abondant et que la
chaux y dominait, ou un conglomérat ayant la dureté des brè-
ches. Ce travertin dur, même très-dur pour un calcaire, couvre la
déclivité O. du Monte delle Gioie; après que les éléments
de cette roche ont été déposés, ils ont subi un travail chimique
qui, probablement, dure encore sur plusieurs points. L’obser-
vation attentive prouve que non-seulement cette formation est
la plus récente, mais qu’elle est encore en activité dans l’inté-
rieur des tufs et même de la terre végétale, lorsqu’elle demeure
plusieurs années sans être remuée. C’est en effet près de la
surface du sol, dans les fissures de la terre végétale, que j’ai
trouvé des plaques récemment formées, et tout le monde sait
que, dans les Catacombes, il y a des sépulcres qui en ont été
remplis, et que les os y ont subi une vraie pétrification. J’au-
rai peut-être un jour le loisir de vous exposer, Monsieur, les
phénomènes que l’observation m’a révélés sur ce sujet.
C’est dans ces concrétions et dans la couche n° 8 que la
caverne à ossements, dont l’ouverture est indiquée par la
lettre A, a été formée. Cette couche se compose de tuf strati-
fié ; mais les concrétions que je viens de décrire y sont si abon-
dantes qu’il est impossible de distinguer la vraie stratification.
Du reste, notre caverne est d’une richesse vraiment extraor-
dinaire en fossiles; il ne serait pas impossible de trouver dans
quelques mètres cubes des représentants de toutes les espèces
découvertes dans le reste de la campagne romaine. Je ne
16
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
crois pas exagérer en disant que l’hiver dernier, pendant le
peu de jours qu’on y a travaillé, on a soulevé 400 kilogrammes
d’osde divers mammifères; de cette extrême abondanceje n’ai
retenu qu’environ 30 kilog. en molaires, défenses d’Éléphants,
bois de Cerfs. De ces derniers je dois mentionner un frag-
ment que j’ai déjà eu l’honneur de vous montrer: c’est un
fragment d’un bois du Cervus tarandus ou Renne. Parmi les
connaisseurs auxquels j’ai eu le plaisir de le faire voir, il en
est qui doutent, d’autres qui affirment très-positivement. L’é-
minent professeur Nicoluci me permettra de citer ici son té-
moignage; lorsque je lui ai montré le bois en question avec un
fragment de la même espèce, que je dois à l’excessive bienveil-
lance de M. Éd. Lartet, M. Nicoluci dit en voyant ces deux pièces
qu’il n’y avait entre elles d’autre différence que celle qui
existe entre le bois d’un Cerf vieux et celui d’un Cerf jeune,
c’est-à-dire que l’un, celui du Monte delle Gioie, est plus gros;
l’autre, venant des cavernes de la Dordogne, est plus petit.
Vous remarquerez sans doute, Monsieur, l’importance de ce
fragment trouvé à côté de la caverne. La région la plus méri-
dionale où cette espèce ait été trouvée est, je crois, le dépar-
tement de l’Ardèche, c’est-à-dire vers le 45e degré de lati-
tude N; sa présence dans le post-pliocène de Rome montre
que cet habitant des glaces est descendu jusqu’au 41° 43'.
Avant de finir la description de la colline, je dois signaler
un dépôt argileux qui se trouve adossé au travertin que j’ai
mentionné sur PO. C’est dans ce dépôt que j’ai trouvé une tor-
tue du genre Emys , que je propose de nommer EmysAnienis;
je donnerai plus tard le dessin et la description de cette espèce
nouvelle. L’argile contient aussi beaucoup de coquilles fluvia-
tiles, dont plusieurs vivent encore dans nos ruisseaux; d’autres
en ont disparu; de ce nombre sont un Unio , une Paludine et
une Valvata . Ces mollusques sont à la partie supérieure du dé-
pôt, qui contient aussi des éléments volcaniques; toute cette
partie est adossée au travertin et au tuf; mais la partie moyenne,
celle qui est au niveau du n° 4 de notre coupe, ne contient pas
d’éléments volcaniques ni de coquilles; j’ai pu encore l’obser-
ver à un niveau inférieur aux nos 1 et 2, où je n’ai pas vu non
plus d’éléments volcaniques, ce qui me fait présumer qu’il
existe des rapports intimes entre la partie inférieure de ce dé-
pôt et les couches 1 et 2 de la coupe.
NOTE DE M. INDES
17
CONCLUSION.
Quoique je ne puisse considérer la question de la formation
du tuflithoïde comme entièrement résolue parles faits que j’ai
brièvement exposés, je considère néanmoins ces derniers comme
éminemment propres à hâter sa solution dans le sens de la plu-
part des géologues étrangers qui visitent le pays, c’est-à-dire
qu’il devient de plus en plus probable que cette roche est de
formation atmosphérique, et qu’il faudra la rayer des forma-
tions pliocènes pour l’inscrire la première dans le post-plio-
cène.
Il me paraît en effet évident que, pour la campagne romaine,
le pliocène finit avec ces couches de sable, de gravier ou d’ar-
gile, qui reposent horizontalement sur le subapennin incliné. Elles
ont la plus grande analogie avec le nouveau pliocène, si com-
mun dans le Languedoc et particulièrement dans les environs
de Toulouse.
Avec les volcans commence le post-pliocène; d’après ces
données, je place les couches n03 1 et 2 dans le nouveau plio-
cène et celles indiquées par les nos 3, 4, 5, 6, 7 et 8 dans le
post-pliocène. Les dépôts formés par le remaniement du post-
pliocène proprement dit forment le post-pliocène récent. Cette
classification admettra toutes les subdivisions que l’observation
et l’étude rendront nécessaires, et elle offrira des points de
départ nettement caractérisés.
Tout le monde connaît les caractères généraux du subapen-
nin; mais ici il a cela de particulier qu’il est toujours un peu
incliné, et que tous les dépôts postérieurs sont dans une posi-
tion horizontale, à moins qu’ils ne soient adossés; car alors
ils peuvent présenter une inclinaison accidentelle qu’il est
facile de reconnaître comme telle. Le nouveau pliocène se dis-
tingue des formations subséquentes par l’absence de matières
volcaniques, le post-pliocène, par la présence de ces mêmes
matières. Le post-pliocène récent est caractérisé par sa posi-
tion stratigrapbique et par sa station près des courants d’eau,
mais surtout par la présence de l’homme, des débris de son
industrie, et des animaux qui ont apparu avec lui, comme le
Cervus dama.
§ II.
La caverne du Monte delle Gioie a pour la géologie du pays
tout l’intérêt de la nouveauté, car c’est la première qui ait été
Soc. géol.t 2e série, tome XXVI. 2
18
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1888.
étudiée. Il est vrai que Boucher de Perthes annonça, il y a de
cela 58 ans, qu’il en avait trouvé une à Palo, à 7 lieues de
Rome, et d’où il avait pu extraire des os humains et des silex
taillés; mais il fut seul à voir ces choses. Depuis cette époque,
M. le docteur Bleicher, M. le chevalier de Rossi et moi avons
fait d’inutiles recherches dans cette contrée. Le mot de ca-
vernes a aussi été prononcé dans diverses publications ré-
centes; il semble que les géologues aient soupçonné leur
existence dans les montagnes voisines, mais rien n’a été vu, et
personne, que je sache, n’a pensé à les chercher dans la cam-
pagne de Rome. On semblait même si persuadé qu’il ne pou-
vait y en avoir, que, lorsque j’ai parlé de cette découverte, on
m’a témoigné une surprise qui allait jusqu’à l’incrédulité.
Il est, en effet, difficile de concevoir des cavités naturelles
dans un dépôt formé par les eaux, qui n’a pas subi de secous-
ses depuis sa formation, et dont les couches sont dans une
horizontalité parfaite.
C’est en étudiant ce qui est ici appelé travertin spongieux ,
en rejetant de sa formation l’intervention des eaux thermales,
en tenant compte de l’immense quantité de chaux que les
volcans, ayant leur foyer au milieu des formations calcaires,
ont répandue dans leurs déjections, que je suis arrivé à la con-
clusion, que non-seulement il y avait des cavernes dans les tufs
stratifiés, mais qu’elles doivent y être nombreuses. En effet,
qu’on veuille bien se rappeler que les déjections volcaniques
contiennent de la chaux, soit à l’état de mélanges durcis, soit à
l’état de combinaisons chimiques, et que la désagrégation per-
manente des uns et la décomposition des autres remettent
constamment en liberté une grande quantité de cette substance
qui, entraînée par les eaux dans les fentes ou autres cavités du
sol, tend à se cristalliser ou au moins à se durcir, et forme
ainsi le travertin spongieux ou ces concrétions travertineuses
dont j’ai parlé à l'article précédent. Gela admis, imaginons
(chose qui certainement doit avoir eu lieu) deux fentes dans
le sol, inclinées l’une vers l’autre jusqu’à se toucher par leur
bord supérieur, et même se confondre en une seule, de manière
à former un Y ou un Y, renversés de cette façon 1, a; il suf-
fira qu’un courant d’eau vienne enlever la terre qui se trouve
entre les plaques formées dans ces fentes pour produire une
cavité souterraine dont l’étendue pourra être très-variable.
Cette manière d’expliquer la formation des cavernes dans les
tufs stratifiés de la campagne romaine diminue la difficulté
NOTE DE M. INDES
19
qu’on éprouve à se rendre compte de ce phénomène, quand on
considère qu’il s’est accompli au sein d’une roche friable et
presque à sa surface. Ce n’est pas sans quelque répugnance
que j’expose ici sommairement cette théorie nouvelle, presque
toute dépourvue des faits qui pourraient la soutenir; mais
j’y ai été amené par le besoin d’expliquer la formation de la
caverne que j’ai à décrire.
Cette caverne est située sur le flanc méridional du Monte
delle Gioie, près du Ponte-Salara, à 200 mètres du chemin de
fer, et à 36 mètres au-dessus du niveau actuel du Teverone.
Son ouverture, lorsque je la découvris en février dernier, for-
mait comme une vaste bouche cyclopéenne entr’ouverte et
traversée obliquement par une grosse stalactite qui semblait en
protéger l’entrée; elle avait 3 mètres dans le sens horizontal,
et seulement 0m,50 dans le sens vertical. La pente de la colline
était tellement rapide au-dessous que je ne pus y arriver qu’avec
difficulté et en profitant des travaux faits latéralement pour
chercher de la pierre. Il ne me fut pas d’abord possible d’y pé-
nétrer; mais je pus l’examiner et même recueillir un bois de
Cerf à la surface de la terre végétale, dont la première partie
était remplie. Ce bois, entièrement pétrifié, n’avait pas été dé-
posé ainsi à la surface, mais il avait été soulevé par les Renards,
qui ont fait, pendant des siècles, leur demeure dans cette ca-
verne; les preuves de leur récent séjour étaient abondantes,
comme nous le verrons tout à l’heure.
Les lèvres de l’ouverture, les parois latérales aussi bien que
la voûte sont formées de concrétions calcaires, mamelonnées,
très-dures, qui se sont produites, comme je viens de le dire,
dans les fentes du sol; elles se composent de couches super-
posées, souvent peu adhérentes entre elles, ayant quelquefois
un commencement de cristallisation; elles ont un aspect très-
uniforme dans toute l’étendue de la caverne. Le sol, c’est-à-dire
ce qui reste après qu’on a enlevé la terre végétale ou argileuse
qui remplissait la caverne, se compose de sable, le plus sou-
ventunpeu durci, d’autres fois agglutiné par rognons. La forme
générale de la caverne est celle d’une galerie tortueuse qui
tantôt se rétrécit ou s’élargit, tantôt s’élève ou s’abaisse; j’en
ai déjà déblayé de 13 à 20 mètres, et rien n’annonce que je
sois au bout. La première partie ressemble assez à un four
à pain; de là, par une ouverture basse et étroite, on entre
dans un second compartiment de 2m,50 d’élévation; la voûte
s’abaisse ensuite et les parois se rétrécissent pour s’élargir de
20 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
nouveau, et ainsi de suite. La terre végétale qui remplissait la
première partie avait été remuée et était dans un état pulvé-
rulent dans la direction de l’O., aussi bien que dans un petit
bras qui s’étendait de ce côté; ce bras secondaire a fourni peu
de fossiles; c’est dans cette partie surtout que les Renards
avaient établi leur terrier; les coprolithes anciens et récents
y étaient abondants; ils étaient réunis dans un coin écarté
et couverts de terre; ceux qui m’ont paru les plus anciens
avaient acquis un poids et une dureté considérables.
Au-dessus de cette terre pulvérulente, il existait une petite
couche de sable contenant des débris abondants de poissons,
et au-dessous une petite couche de cailloux roulés, tous de
volume fort petit; ces cailloux reposaient directement sur le
tuf, qui forme la partie principale de la huitième couche. C’est
dans ces cailloux qu’a été trouvé un des silex taillés les mieux
caractérisés.
Je reviens à la partie centrale près de l’entrée. Vers l’E., la
terre végétale était tassée et avait une puissance de près
de 2 mètres; mais dans la seconde partie, au second compar-
timent, elle était stratifiée dans l’ordre suivant de haut en bas ;
1° Boue argileuse, noire, humide, crevassée, contenant des
Hélices et des os fossiles de plusieurs petits animaux vivant
encore dans le pays,
2° Sable fortement coloré par l’oxyde de fer; pas de fossiles.
3° Sable gris un peu durci.
4° Terre noire; c’est là surtout que se trouvent les gros
fossiles.
5° Sable gris moins coloré que le n° 2, contenant une grande
quantité d’os de poissons. Ce sable semble avoir formé le lit
des eaux dans tout l’intérieur de la caverne, et partout les os
de poissons y sont abondants.
Dans toute la longueur de ce bras, les cailloux roulés man-
quent autant que les stalagmites. Les couches observées dans
le deuxième compartiment se prolongent; cependant, arrivé
à 6 mètres, les nos 1 et 3 manquent complètement, et le n°4 ne
se trouve que dans des coins qui sont comme les carrefours de
la galerie principale; ainsi les nos 2 et 5 viennent en contact;
ce dernier, fortement coloré par le n° 2, contient des débris
de grands oiseaux mêlés aux os des poissons. J’ai également
trouvé à la même profondeur des fragments de carapace de
lortue, des os de batraciens, des fragments d’un bras d’un
NOTE DE M. INDES.
91
tM X
crustacé et une mandibule qui me paraît se rapporter au genre
Lézard. Les fossiles ont été abondants et variés dans toute l’é-
tendue de la caverne, mais surtout dans le premier compar-
timent ou première partie ; ils ont même offert sur ce point des
caractères remarquables. D’abord, c’est làquej’ai trouvéréunies
le plus grand nombre des espèces depuis longtemps disparues
du pays; en second lieu, ils n’étaient point roulés, et enfin,
par leur réunion, ils révèlent une main intelligente qui a con-
tribué à leur rassemblement. Indépendamment des os fossiles,
la caverne contenait une quantité prodigieuse d’os frais et sur-
tout d’os de Renards. En comparant les diverses parties du
squelette, j’ai pu constater la présence de 10 à 12 individus de
cette espèce, morts dans la caverne. Quant aux Rats et aux
Campagnols, ils étaient si nombreux que je n’ai pas pris la
peine de les compter; dans la même catégorie, je dois ranger
quelques fragments d’oiseaux de moyenne et de petite taille,
des restes de Taupes. Entre les os évidemment frais et ceux
d’une fossilisation complète, il y en avait d’un caractère dou-
teux qui appartenaient soit au Renard, soit à d’autres petits
carnassiers, comme les Fouines, les Putois, etc.; il n’est pas
toujours facile de les distinguer. L’incertitude très-grande où
l’on se trouve vient de ce que ces os se rencontrent dans cette
partie de la caverne dont la terre a été remaniée, et qui con-
tient, avec ceux d’une fossilisation équivoque, d’autres d’une
fossilisation certaine, soit de Bœuf, de Cheval et même d’Ryène.
Dans la partie stratifiée, les os frais étaient seulement à la
surface, ceux d’une fossilisation douteuse, dans les couches
moyennes; mais ces couches fournissaient aussi des squelettes
entiers ou presque entiers de Taupe et de Putois d’une fossili-
sation la plus complète possible, et même des parties de sque-
lette des espèces disparues. Ce mélange peut s’expliquer en
admettant que les eaux ont introduit dans les fentes du dépôt
formé à l’intérieur de la caverne quelques débris du squelette
des animaux que les Renards apportaient pour la nourriture
de leurs petits. Ces fentes et leur remplissage étaient difficiles
à apercevoir par suite de l’obscurité du lieu, car une grande
partie du travail a dû se faire à la lueur des flambeaux. Il est à
remarquer que le n° 5 ne présente jamais ces anomalies; le
sable gris qui le compose est formé des débris les plus durs
du tuf des environs, et même de quelque peu de sable siliceux;
il a été déposé lorsque les eaux du Teverone arrivaient à cette
hauteur, c’est-à-dire 36 mètres au-dessus de leur niveau actuel,
22
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
et les poissons dont les débris sont si abondants y vivaient en
même temps que ce dépôt se formait.
Voici la liste des animaux dont une étude préliminaire m’a
permis de constater la présence dans la caverne. Lorsque les
espèces n’ont été trouvées qu’à l’état d’une fossilisation dou-
teuse, je l’ai indiqué; mais, lorsque des parties ont été trouvées
à l’état de fossilisation douteuse et d’autres parties à l’état de
fossilisation complète, je n’ai tenu compte que de ces der-
nières :
1° Hérisson ( Herinaceus , Lin.): trois individus, fossilisation
douteuse.
2° Taupe (Talpa europæa) : sept à huit individus.
3° Renard (Canisvulpes) : c’est de tous les carnassiers du Monte
delle Gioie l’espèce la plus nombreuse. Parmi les débris dont
la fossilisation est incontestable, j’ai trouvé trois mâchoires in-
férieures dont la grandeur et la proportion des parties me font
penser qu’elles doivent être rapportées à une espèce voisine
du Renard, mais différente.
4° Loup ( Canis lupus , Cuv.) : un seul fragment de la mâ-
choire inférieure.
5° Quatre carnassiers de petite taille, appartenant aux tribus
voisines des Canidés, comme les Vivérides et les Vermiformes.
6° Hyène (Iiyœna spelœa) : neuf dents et quelques os apparte-
nant au moins à deux individus différents.
7° Chat (Felis fera, Marcel de Serres): deux mâchoires infé-
rieures, quelques os et des coprolithes qui, par leurs dimen-
sions, peuvent lui être rapportés; elles ressemblent à celles
que l’abbé Groizet a nommées Album vêtus (voir son ouvrage,
p. 90).
8° Lynx (Felis lynx ) : un seul fragment de mâchoire inférieure;
c’est trop peu pour une détermination rigoureuse ; je rapporte
ce débris au Lynx, quoique en réalité il soit d’une taille plus
considérable.
9° Hyperfelis Verneuili : c’est un félide de la taille du Lion,
qui diffère de tout ce qu’on connaît de cette tribu, et pour le-
quel j’ai cru devoir former un genre nouveau.
La caverne a fourni plusieurs os qui pourraient se rapporter
à ce dernier; pour le moment, je me bornerai à le caractériser
par sa dentition. 11 a pour formule 7/7 qui se décompose ainsi :
inc. 3/3, can. l/l,fauss. m. 1/1, earn. 1/1, vr. m. 1/1. Quoi-
que cette formule diffère un peu de celle des félidés, je ne crois
pas pouvoir placer ailleurs le carnassier que je décris. Tous les
NOTE DE M. INDES.
23
genres de cette tribu ont 2/2 ou 3/3 fauss. m. et I/O vr. m.,
tandis que YHyperfelis Verneuili al/l pour les fausses m,
et 1/1 pour les vraies molaires; c’est là la différence la plus
évidente, et qui suffirait pour le placer hors de cette famille,
s’il en existait une autre ayant aveô lui des rapports plus rap-
prochés. h
La vraie molaire manque en haufret en bas: mais la place
qu’elle occupait est évidente; à en juger par l’alvéole, elle était
plus grande à la mâchoire inférieure qu’à la supérieure, et,
dans cette dernière, au lieu d’être placée dans une position
inclinée et en dedans comme dans le chat domestique, elle
était située sur la ligne des autres molaires. Son absence dans
les deux mâchoires me fait soupçonner que cette dent n’était
pas destinée à persister durant toute la vie de l’animal. J’ai,
du reste, remarqué ce fait dans le chat domestique, dans lequel
l’unique vraie molaire disparaît (au moins dans les individus
que j’ai pu examiner) vers la dixième année. La carnassière
inférieure diffère de celle de plusieurs félidés par la forme du
talon, dont la pointe se détache de la dent, et tout le talon en
est séparé par un sillon visible surtout à l’extérieur. La fausse
molaire a trois pointes et un petit rebord sensible au bas des
pointes antérieure et postérieure. Les canines sont coniques,
courtes, légèrement aplaties et n’ont point de sillons longitu-
dinaux; les incisives des angles ont un rebord intérieur très-
marqué. La carnassière supérieure mesurée entre la couronne
et la racine a 0m028; on peut y distinguer quatre lobes; celui
situé sur l’arrière a deux pointes ; le suivant, de forme trian-
gulaire, les dépasse tous de 0m003; le troisième, beaucoup
plus petit, est incliné un peu vers l’intérieur; le quatrième a
une position un peu transversale. Le talon de cette grande car-
nassière est situé vers le milieu de la dent, en face du lobe
triangulaire; il avance dans l’intérieur de 0m007. La fausse
molaire supérieure est petite et située plus à l’intérieur que la
carnassière.
En donnant plus tard le dessin de ce carnassier, je complé-
terai sa description. Le trou sous-orbitaire et l’arcade zygo-
matique ont des formes particulières; ils fournissent de bons
caractères; ce que je viens d’en dire suffira, j’espère, pour
justifier l’établissement d’un genre nouveau.
J’ai trouvé des coprolithes en grande abondance, les uns
dispersés, d’autres réunis en un tas, pesant un peu plus
de 2 kilog.; les plus grands ont 0m i3 de circuit; ils ont été
24
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
trouvés aussi bien que les mâchoires, sur le sable n° 5 qui est
adhérent à quelques-uns. Leur présence me semble démon-
trer que V Hyper f élis Verneuili a vécu dans la caverne.
10° Rat (Mus, Cuv.) : individus nombreux, fossilisation dou-
teuse.
li° Campagnol ( Arvicola , Cuv.) : individus nombreux, fossili-
sation douteuse.
128 Castor: un seul individu, représenté par une incisive.
13° Porc-épic ( Histrix , Linn.) : une mâchoire inférieure ; cette
Espèce diffère du Porc-épic actuel du pays par une taille beau-
coup plus grande et par des formes importantes de la mâ-
choire.
14° Lièvre ( Lepus , Linn.) : abondant à toutes les profondeurs ;
pas de différence importante avec le Lièvre actuel.
13° Eléphant?
16° Rhinocéros (Rhinocéros megarhinus ) : la sixième molaire
supérieure droite, quelques vertèbres et un fragment du bas-
sin remarquable par l’impression des dents d’un grand car-
nassier.
17° Cheval (Equus, Linn.) : dents et os assez nombreux, une
omoplate très-rongée. Les dents indiquent plusieurs espèces.
18° Cochon (Sus prisais) : une tête presque entière et quel-
ques os.
19° Cerf (Cervus, Linn.) : six espèces et plus de cinquante indi-
vidus; de ces six espèces, une est nouvelle; son bois est court,
à un seul andouiller basilaire; pédicule de 0m02; la longueur
totale du bois ne devait pas dépasser 0m30. A un décimètre de
Pandouiller unique, il s’élargit brusquement en haut et douce-
ment en bas, et forme une palme qui devait avoir 0m15 de lar-
geur; à raison de la forme de cette palme, je propose pour
cette espèce le nom de Cervus raquettus. Plus tard elle sera
plus complètement décrite.
20° Cervus dama (Linn.); il se distingue du daim par sa
taille beaucoup plus petite et par le pédicule de son bois.
21° Cervus elaphus.
22° Cervus capreolus fossilis.
23° Cervus capreolus Tournalii?
24° Quelques fragments, outre le bois trouvé, à côté de la
caverne, du squelette de Renne.
23° Quelques débris du squelette d’un ruminant de très-
petite taille; il me semble ne pas avoir été aussi grand que le
Renard.
NOTE DE il. INDES.
2o
26° Bœuf ( Bos primigenius) : sept individus au moins.
27° Oiseaux nombreux : quelques-uns, trouvés dans la couche
n° 5 avec les os de poissons, sont d’une grande taille ; il y a des
cubitus de 0m16, de 0m30 et même de 0m40, des métacarpes
de 0m09 de longueur.
28° Tortue ( Emys ).
29° Grenouille ( Rana , Linn.) : nombreux individus.
30° Crapaud ( Bufo , Linn.) : individus de belle taille etnom-
breux.
31° Poissons d’eau douce, très-abondants.
32° Traces de crustacés.
En tout, vingt genres de mammifères et vingt-sept à trente
espèces sont représentés dans cette caverne; quelques espèces
y ont laissé des individus en très-grand nombre. Prenant une
moyenne de cinq individus par espèce, ce qui est certainement
au-dessous de la réalité, nous arrivons à une population de
cent cinquante mammifères; les oiseaux et les reptiles pour-
raient fournir un nombre approchant. Quant aux poissons, je
n’ai pu encore déterminer le nombre des espèces; mais celui
des individus est incalculable; le sable qui forme le fond en
est littéralement pétri.
A la vue de ces faits, une question se présente d’elle-même.
Comment tous ces animaux sont-ils venus là? Y ont-ils vécu?
Il est bien évident que tous n’ont pas pu y vivre, et que ceux
qui l’ont pu ont dû s’y succéder , car il ne saurait, d’une part,
y avoir société entre quelques-uns d’entre eux, comme l’Hyène
et les Lièvres ou les Cerfs, et, d’un autre côté, le même
élément ne convient pas à tous. Les débris de Rhinocéros,
d’Éléphant et d’Ours y ont été transportés par les eaux ; ceux
de Cheval, de Bœuf, de Cerf, de Lièvre et de Rat y ont été
charriés par les carnassiers; quelques-uns cependant ont pu
aussi y être transportés par les eaux. Restent les débris de
poissons et de carnassiers ; les premiers me paraissent y avoir
vécu lorsque les eaux du Teverone arrivaient à la hauteur de
la caverne. M. le professeur Nicolucci semblait porté à les
considérer comme des restes de la nourriture de l’homme
habitant de cette caverne; je ne puis adopter cette idée, parce
que ces os sont trop abondants, trop disséminés dans toute
l’étendue de la caverne et trop mêlés au sable du fond.
Pour ce qui est des carnassiers, je ne crois pas qu’il puisse
y avoir de doute, et surtout au sujet de YHyperfelis Verneuili ;
ses os les plus importants, ceux de la tête, ont été trouvés sur
26
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
ce sable gris qui contient les restes si abondants des pois-
sons; on voit qu’ils sont restés là pendant fort longtemps avant
la formation des couches supérieures, car ils sont couverts de
concrétions stalagmitiques ; mais, ce qui est plus significatif,
c’est le monceau de coprolithes déposés dans le môme sable
qui leur est quelquefois adhérent; ils ont été évidemment
déposés au lieu où nous les avons trouvés par l’animal môme
et non par les courants. Quant aux Renards, nous avons déjà
fait voir qu’ils étaient en possession de ce lieu au moment
même où nous faisions les fouilles. Mais il me semble, Mon-
sieur, vous entendre m’adresser une autre question beaucoup
plus intéressante que celle que je viens de résoudre : Et
l’homme n’y a-t-il pas habité? Lorsque vous me fîtes l’honneur
d’une visite, conduisant avec vous le professeur de géologie
de l’université d’Qxford, M. Phillips , cet illustre savant nous
dit qu’il pensait que l’homme avait habité cette caverne, mais
peu de temps. Le résultat de mes recherches, depuis cette
époque, tend à confirmer cette opinion , car j’ai trouvé des
traces de son travail, ce qui indique qu’il y a vécu; mais ces
traces ne sont pas abondantes, ce qui prouve qu’il n’y est pas
demeuré longtemps. Aux silex que vous avez vus en avril der-
nier sont venus s’en ajouter d’autres bien mieux caractérisés;
aux outils s’est joint le travail qu’ils ont servi à accomplir :
c’est un fragment de crâne de Cerf, dont les deux bois ont été
taillés au-dessus de la meule avec un instrument tranchant.
Du reste, plusieurs raisons portent à croire que la partie du
devant, celle qui était la plus commode et la plus convenable
pour être habitée, a dû s’écrouler, de sorte qu’il ne nous reste
que l’arrière-habitation. Cependant, je crois pouvoir ajouter aux
preuves précédentes un fait qui me paraît très-significatif et
qui est d’un grand intérêt, parce qu’il se rattache à l’histoire
de nos animaux domestiques, ou au moins des animaux con-
temporains. J’ai déjà mentionné l’abondance des bois de Cerf
trouvés dans la caverne; il est inutile de faire remarquer com-
bien il est peu probable que ces animaux aient été se réfugier
dans cet antre; d’ailleurs, s’ils y étaient morts, on devrait y
trouver les autres parties du squelette; si leurs débris avaient
été portés là par les animaux carnassiers, la conséquence se-
rait la môme. Il n’est pas non plus vraisemblable que les eaux
aient pu les y charrier, car ils y ont été transportés lorsque
déjà elles avaient considérablement baissé; ils ne se mêlent
jamais au sable n° 5 qui forme le dépôt le plus ancien, celui
NOTE DEM. INDES.
27
fait proprement lorsque les eaux arrivaient à cette hauteur. Il
n’y a donc que l’homme qui ait pu les y transporter; cette in-
duction est puissamment fortifiée par les remarques suivantes :
1° Ces bois ne sont pas tombés d’eux-mêmes par suite
de leur maturité, car tous portent une partie de l’os du crâne;
2° dans les autres dépôts on trouve pour le moins autant de bois
entiers ou ayant une certaine longueur que de bois brisés, et
lorsqu’ils sont brisés, c’est tantôt la partie supérieure, tantôt
l’inférieure qu’on trouve. Ici, c’est bien différent, tous les bois
sont brisés, et tous de la môme manière, un peu au-dessus de
la meule, et on ne trouve jamais la partie supérieure, ni même
la moyenne. Au lieu d’être dispersés comme cela arrive toutes
les fois que le transport se fait par une force aveugle, ils étaient
réunis au nombre de vingt-sept en un monceau, dans un coin.
Il me semble impossible de ne pas conclure de toutes ces cir-
constances qu’une main intelligente a présidé à leur réunion,
qu’elle en a pris ce qui pouvait lui être utile, et a ensuite
abandonné le reste; en d’autres termes, il me paraît évident
que l’homme réfugié dans cet antre s’est servi de la partie su-
périeure de ces bois pour en faire des armes ou d’autres outils.
Un mot maintenant sur ces Cerfs. Us appartiennent à deux
ou trois espèces; elles se distinguent toutes de ce qui a été
trouvé dans la campagne romaine, par un seul andouiller basi-
laire. Comme leurs bois sont très-incomplets, leur étude pré-
sente de grandes difficultés; aussi me bornerai-je à l’examen
d’une seule espèce, celle qui a fourni quinze bois qui conser-
vaient des fragments du crâne assez grands pour en déterminer
la forme. J’ai comparé cette espèce avec les bois du Daim
[Cervus dama); je me suis aidé des gravures de Cuvier, et je
n’ai remarqué aucune différence spécifique; il en existe au
contraire deux bien sensibles entre notre espèce et le Daim
fossile ( Cervus dama giganteus); notre espèce est beaucoup plus
petite, et son bois, au lieu de reposer directement sur le
frontal, a un pédicule de 0m01. Je crois donc pouvoir affirmer
que l’espèce de Cerf la plus abondante dans la caverne du
Monte delle Gioie est identique avec le Cervus dama actuelle-
ment vivant. Cette question est fort intéressante , car elle tend
à prouver que les Daims, si rares aujourd’hui à l’état de liberté
complète, ont été très-abondants dans l’Italie centrale; je ne
pense pas cependant qu’ils y soient venus en même temps que
le Renne et le Cervus elaphus ; plusieurs autres espèces non
encore décrites, que j’ai trouvées dans les cailloux roulés de la
28
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
campagne romaine, ont dû également le précéder dans le pays;
il a été ici le compagnon de l’homme, qui s’est nourri de sa
chair et a employé le reste de ses dépouilles pour se faire des
armes. Il semble même que ces deux êtres, l’homme et le
Daim, aient fait leur apparition dans l’Italie centrale vers la
même époque. Ce fait conduit naturellement à se demander si
l’homme ne l’a pas amené avec lui, ou s’il n’est pas un des
premiers qu’il s’est assujettis. On sait, du reste, que le Daim
s’apprivoise plus facilement que le Cerf, qu’il ne s’éloigne ja-
mais à de grandes distances, même quand il est poursuivi par
les chasseurs.
Quant à ce qui est de savoirlaquelle desdeux races d’hommes,
la dolicocéphale ou la brachycéphale, a habité cette caverne,
je ne vois pas qu’il y ait le moindre fondement à se prononcer
pour l’une plutôt que pour l’autre, car plusieurs découvertes ré-
centes faites en Belgique prouvent que l’on trouve ces deux
variétés de l’espèce humaine ensevelies dans des cimetières
communs, et que, par conséquent, elles ont vécu ensemble;
et les découvertes encore plus récentes de M. Michel de Rossi
confirment le même fait. Il me semble aussi un peu difficile de
se prononcer sur l’époque où la caverne a été habitée; car, si
les instruments que j’ai trouvés appartiennent à l’époque ar-
chéolithique, on pourrait peut-être objecter que ce ne sont pas
de vrais instruments, mais des pièces de rebut, de simples
éclats de l’époque néolithique. Je pourrais bien répondre qu’il
en est qui sont incontestablement des instruments, et des
instruments de l’époque archéolithique; mais j’aime mieux
laisser cette question indécise, car il me paraît que les prin-
cipes sur lesquels on établit la distinction tant des deux
époques que des deux races sont loin d’être à l’abri de toute
critique.
M. Daubrée présente la note suivante de M. Mussy :
Roches ophitiques du département de VÀriège; par M. Mussy.
Je désignerai sous le nom générique d’ophites toutes les ro-
ches granitoïdes, à silicates plus ou moins magnésiens, qui
forment des amas irréguliers, toujours peu étendus au milieu
des formations sédimentaires appartenant à presque tous les
étages géologiques, depuis l’âge le plus reculé jusqu’aux assises
nummulitiques.
NOTE DE M. MUSSY.
$9
Ces roches présentent les aspects les plus variés; souvent
formées d’éléments éminemment cristallins, elles ont une ap-
parence granitoïde, une couleur verdâtre foncée, sont dures et
résistantes au marteau et constituées de minéraux basiques,
riches en magnésie, tels que le péridot et le pyroxène ; elles
sont alors connues sous le nom de lherzolite, du nom de l’é-
tang de Lhers, où pour la première fois elles ont été étudiées;
d’autres fois elles sont de véritables diorites verdâtres, également
cristallines, dont les parties constitutives sont un feldspath du
sixième système plus ou moins grenu et compacte et l’amphibole
plus ou moins cristalline en lamelles et aiguilles. Fréquemment
altérées à la surface et jusqu’à une certaine profondeur, elles
passent insensiblement par tous les degrés de décomposition
jusqu’à des terres ocreuses, argileuses ou magnésiennes, où
toutes traces de cristallisation ont disparu; elles se distinguent
alors à peine des marnes plus ou moins argileuses encaissantes
avec lesquelles elles paraissent stratifiées en parfaite concor-
dance; le plus souvent cette stratification est des plus confuses,
complètement indistincte, et la roche transformée en arènes
ocreuses et terreuses paraît traversée de fissures irrégulières qui
s’entre-croisent en tous sens.
Généralement basique, l’ophite sur certains points assez ra-
res passe lentement à des roches plus acides et môme parfois à
de véritables quartzites spongieux.
Le plus souvent compacte, plus ou moins fissurée, la roche
a un aspect uniforme, sans rien de saillant ; d’autres fois elle
prend une apparence globuleuse et fragmentaire et paraît con-
stituée de deux éléments différents, qui ne sont autres que de
l’ophite à deux degrés de décomposition.
Les opinions les plus diverses ont été successivement adop-
tées sur la constitution et le mode de formation des ophites.
Ainsi, les lherzolites, qui composent une fraction notable des
roches ophitiques de l’Ariége, d’abord considérées par M. Le-
lièvre comme une variété de péridot, ont été classées par
M. Charpentier parmi les pyroxènes purs; ce dernier attribuait
à deux états différents d’agrégation de ce minéral le manque
évident d’homogénéité de la roche qui, au premier aspect, pa-
raît constituée de deux éléments distincts.
On sait maintenant, d’après l’examen queM. Damour a fait de
cette roche, que lalherzoliteest composée de péridot, auquel se
joignent l’enstatite, le pyroxène, et quelquefois le spinelle
30
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
(picotite) (1). Les beaux travaux de M. Daubrée sur les météo-
rites ont fait reconnaître tout l’intérêt que présente cette roche
à raison de l’analogie remarquable qu’elle présente avec les
météorites ; car il a pu reproduire artificiellement ces dernières
en soumettant la lherzolite à certaines actions réductrices (2).
Quant au mode de formation de ces roches, je n’émettrai
aucune hypothèse pour le moment. Suivant les uns, les ophites
sont le produit des couches argileuses et schisteuses, transfor-
mées en un état granitoïde spécial par le concours ordinaire des
phénomènes de métamorphisme ; suivant d’autres, les ophites
ont une origine purement ignée; peut-être à cet égard serait-il
prudent de faire une distinction entre les lherzolites et les dio-
rites ordinaires, toujours plus ou moins altérées et terreuses.
Je renvoie à plus tard l’étude de ces questions complexes, me
contentant pour le moment de décrire les faits tels que je les
ai observés dans les nombreuses courses que j’ai faites pour
l’exécution de la carte géologique du département.
Dans cette étude, je suivrai la classification des terrains
adoptée dans mon esquisse géologique de l’Ariége.
I. GRANITE.
Le granité de l’Ariége présente trois variétés principa-
les; la première, de beaucoup la plus commune, est à grains
moyens ou à petits grains renfermant une assez grande
quantité de feldspath du sixième système mélangé à l’orthose,
accompagné de mica noir, brun ou verdâtre; cette variété
forme le centre et la majeure partie des massifs granitiques du
plateau centrai ancien.
La seconde variété de granité présente, dans une pâte ordi-
naire de granité commun de l’espèce précédente, de grands
cristaux d’orthose, qui donnent à la roche un aspect porphy-
roïde; cette variété se rencontre fréquemment dans le massif
primitif de la crête frontière et particulièrement dans le plateau
deQuérigut, les montagnesd’Ax, Gudanes et Bassiés.
Au voisinage des gneiss et micaschistes les roches primitives
présentent une troisième variété de granité, qui passe à la peg-
matite et à la leptynite ; la masse est formée de larges cristaux
d’orthose gris blanc, gris bleu ou rose, associés à de larges
feuillets de mica diversement coloré, blanc, vert, noir ou
(1) Bull, de la Soc . gèol. de France , 2e série, t. XIX, p. 413.
(2) Ibib.j 2e série, t. XXIII, p. 291.
NOTE DE M. MUSSY.
brun; la tourmaline y est fréquente. Sans former d’amas isolés
importants, cette variété se présente en larges veines et masses
irrégulières, enchâssées au milieu du granité ordinaire à grains
moyens; il est surtout commun au contact des micaschistes et
roches de transition ou secondaires, toujours, dans ce cas,
plus ou moins métamorphiques.
Les minéraux à base de magnésie ne sont pas rares sur plu-
sieurs points et sont parfois assez abondants pour donner à la
roche une physionomie spéciale ; l’amphibole lamelleuse verte
se substitue quelquefois au mica en s’associant à du feldspath
du sixième système d’un gris blanc, à de l’orthose blanc ou
rose et à du quartz gris en petite quantité ; cette amphibole
donne à la roche l'aspect d’une véritable syénite verdâtre ; cette
syénite est surtout abondante aux pourtours des divers massifs
granitiques et au contact du granité de la frontière et des roches
anciennes, comme dans le bassin de Quérigut; on la retrouve,
du reste, en quantités plus ou moins considérables, aux bords
extrêmes de tous les bassins granitiques, comme à Tarascon,
Yicdessos, Quérigut, Lacour, Castillon, où elle constitue par-
fois de véritables formations ; ces syénites passent toujours aux
granités par degrés insensibles en perdant lentement leur am-
phibole, peu à peu remplacée par le mica à mesure qu’on
marche des bords de la formation primitive vers son centre.
Parfois, dans les mêmes conditions, l’amphibole est rempla-
cée par les minéraux magnésiens hydratés, tels que le talc et
la chlorite, et la roche devient une protogine ; cette substitu-
tion au mica d’un minéral magnésien, comme dans le cas pré-
cédent, se fait rarement au centre des massifs primitifs, mais
surtout à leurs limites extrêmes, au voisinage des couches de
transition ou secondaires ; cette variété granitoïde est beau-
coup plus rare que la syénite; elle forme surtout des amas in-
finiment moins importants et plus irréguliers ; elle a cependant
pu être constatée un peu partout et surtout dans les régions de
Quérigut, Tarascon, Vicdessos et Castillon.
Les roches granitoïdes, formées principalement de minéraux
à base de magnésie, pauvres en silice et essentiellement basi-
ques, désignées sous le nom générique de roches ophitiques,
sont rares dans les formations granitiques; elles sont très-
communes au voisinage du granité; assez souvent elles se ren-
contrent au contact du granité et de roches sédimentaires va-
riées ; mais, dans la presque totalité des cas, on trouve dans
leur voisinage des ophites identiques en relation évidente avec
32 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
les formations sédimentaires auxquelles l’ensemble est natu-
rellement rapporté.
Je n’ai constaté que sur un seul point des roches ophitiques
en relation bien nette avec le granité dans lequel elles sont en-
caissées, assez loin de toute formation sédimentaire.
Ce point assez remarquable est situé dans le canton de Qué-
rigut, un peu en avant du village du Pla et au fond du ravin
de la Bruyante, sur le bord du chemin qui conduit du Pla au
hameau de Carcanières.
v»
Tout le plateau de Quérigut est constitué par un granité por-
phyroïde à larges cristaux d’orthose, transformé presque par-
tout, du moins à la surface, en arènes sableuses.
Au milieu de ces arènes, vers un vieux pont qui portait au-
trefois la route de l’ancienne forteresse de Montlouis à travers
le Quérigut, sont deux affleurements ophitiques, formés de dio-
rite ordinaire verdâtre à deux éléments, feldspath labrador,
pauvre en silice, gris verdâtre, compacte, avec cristaux lamel-
leux d’amphibole vert-poireau; la roche est grenue et à son
centre est assez dure ; elle se décompose facilement à la surface
et sur ses bords et donne des arènes jaunâtres granitiques qui
entourent l’amas ophitique.
Le tableau suivant précise la situation de ces affleurements,
très-rares dans les masses granitiques.
-V
RATURE.
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
1. Diorite ordinaire
avec arènes terreu-
ses et ocreuses.
1. Deux affleurements,
rive droite du ruis-
seau de Quérigut;
à un kilomètre en
aval du Pla.
1. Au milieu des gra-
nités porphyroïdes
à larges cristaux
d’orthose, décom-
posés en arènes sa-
bleuses.
1. Deux affleurements
circulaires très-voi-
sins ayant chacun
80 à 90 m. de dia-
mètre.
Surface totale : 1 hect.
II. MICASCHISTES.
La formation des micaschistes entoure en forme d’auréole
irrégulière à peu près tous les massifs granitiques à leur voisi-
nage des schistes anciens; elle est au contraire assez rare et
très-mince autour du granité quand il est en contact direct
avec les formations secondaires.
NOTE DE M. MUSSY.
33
Le micaschiste est généralement formé de larges feuillets de
mica et lits siliceux, à structure entrelacée, empâtant à l’inté-
rieur des noyaux quartzeux ; il passe tantôt au granité par
de larges bancs alternants de pegmatite et gneiss, tantôt aux
schistes ordinaires anciens par des schistes siliceux, feldspa-
thiques, micacés, et parfois môme amphiboliques; il est riche en
macles variées.
Assez fréquemment, le talc, à base de magnésie, se substitue
au mica et donne des talcschistes soyeux et doux au toucher ;
cette substitution est irrégulière et se rencontre sur presque
tous les points où le micaschiste affleure.
Par places, le talc s’isole en couches pures; il est blanc, à
peine teinté de vert, et donne lieu à quelques exploitations dont
une à la montagne de Lordat, tout près du pic de Saint-Barthé-
lemy; sur ce point, le talc forme deux belles couches parallè-
les : l’une inférieure, de 3 mètres, séparée en deux par un
banc de schiste talqueux de Gm,30 ; l’autre supérieure, de
2 mètres; ces bancs sont enclavés dans des schistes micacés
tout près de leur contact avec les granités, et reposent en stra-
tification régulière sur ce dernier.
Des traces de talc existent dans les mêmes conditions, sans
être exploitées, sur plusieurs points du dépar tement, entre autres
à Rabat.
Je n’ai jamais eu l’occasion de constater dans cet étage des
micaschistes la présence de roches ophitiques.
DI. Silurien inférieur.
Les schistes du terrain silurien inférieur, tantôt simplement
feuilletés ardoisiers, tantôt pyriteux, disposés en assises plus
ou moins épaisses, à cassure pseudorhomboédrique, ont dans
le voisinage des terrains primitifs une tendance à s’adjoindre
des minéraux à base de magnésie et à prendre une texture plus
ou moins métamorphique.
Entre les feuillets s’interposent des lits minces de mica ou
talc, la roche devient luisante et satinée, et passe au micaschiste
et au talcschiste; parfois même le talc s’isole en bancs régu-
liers et purs de 0m,50àl mètre, comme dans les montagnes de
Mauzone, entre Montferrier et Montségur, et devient exploi-
table ; il est presque blanc, légèrement verdâtre et inférieur en
qualité à celui des micaschistes de Lordat.
Soc. géol. , 2e série, tome XXYI.
3
34 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Sur d’autres points, le contact des granités et micaschistes
développe dans les schistes siluriens des cristaux en fines ai-
guilles de rnacles, dypire, amphibole, chlorite, stéatite, pyri-
tes, grenats et autres minéraux variés.
Le talc est surtout commun dans ces conditions; sur de
grandes étendues il transforme les schistes siluriens en schistes
talqueux et satinés, parfois riches en minéraux métalliques,
galène, blende et pyrites, comme dans les hautes montagnes
d’Aulus, Ustou et Sentein.
Ces mêmes schistes talqueux ont dans certains bancs une
tendance à une structure plus métamorphique; la masse inté-
rieure se transforme en une pâte dure, compacte, verdâtre,
présentant à la loupe un aspect cristalloïde, au milieu de la-
quelle se développent des cristaux bien visibles d’amphibole
verte en aiguilles fines et allongées; ces cristaux se présentent
surtout bien nettement sur les surfaces polies par les eaux ou
dans les bancs légèrement décomposés à la surface, où les cris-
taux d’amphibole apparaissent nettement en saillies sur la pâte
jaune, verdâtre, un peu terreuse. Ce fait de schistes talqueux
transformés par métamorphisme en bancs réguliers, à appa-
rence porphyroïde, concordant avec les schistes ordinaires
encaissants, est des plus communs dans la formation silurienne
qui constitue les hautes montagnes frontières d’Aulus, Ustou
et Sentein; et il n’est pas rare de trouver dans leur voisinage
des gisements métalliques plus ou moins considérables de ga-
lène, blende ou pyrites, disposés comme eux en concordance
de stratification avec les schistes talqueux qui les enclavent.
L’étage des schistes siluriens métamorphiques ou non pré-
sente un petit nombre d’amas de roches ophitiques dont le
détail est le suivant :
1° Amphibolite de Boutadiol. —.Dans le Quérigut, à l’extrémité
supérieure du vallon d’Artigues, quartier de Boutadiol, est un
gisement considérable de fer magnétique, accompagné en son
toit d'une masse d’amphibole pure, verte et fibreuse. L’en-
semble est compris au voisinage immédiat de roches primitives
syénitiques qui ont fortement métamorphisé les assises de
transition, en y produisant des injections fréquentes de syénite,
pegmatite et quartz.
Aux environs du gisement, on remarque de fréquentes alter-
nances pseudostralifiées de gneiss, micaschistes, granité et
calcaire cristallin; un affleurement étendu de roches amphi-
boliques et grenalifères marque la présence du gîte métallique
NOTE DE M* MUSSY. 35
entre une syénite gneissoïde faisant toit et un calcaire saccha-
roïde, siliceux et dolomitique faisant mur.
La salbande du toit se compose d’amphibole lamelleuse,
passant insensiblement à la syénite d’une part et d’autre part
au minerai; la salbande du mur est formée de grenat alman-
dine, tantôt cristallisé, tantôt en roche se perdant insensi-
blement dans le minerai de fer.
L’amphibole imprègne les masses primitives du toit qu’elle
transforme en syénites et les calcaires du mur où elle donne
de belles hémitrènes (calcaires saccharoïdes dolomitiqnes cri-
blés de cristaux d’amphibole verte en fines aiguilles).
L’affleurement d’amphibolite pure a une faible étendue et
n’a guère que quelques mètres de long sur à peu près un
mètre de largeur moyenne.
2° Diorite de Lordat. — - En montant de Garanou à Lordat,
vallée d’Ax, on recoupe une série schisteuse plus ou moins
ardoisière , qui vers Garanou donne quelques exploitations
pour ardoises ; ces schistes, appartenant au silurien inférieur,
présentent de fréquents filons de quartz concordant avec les
couches auxquelles sont reliés des gisements de fer oîigiste,
exploités parfois, comme à Albiès et Lassur.
Un peu au-dessus de Yernaux, ces schistes enclavent un
amas ophitique paraissant orienté en bancs grossiers assez
réguliers, concordant avec les couches schisteuses qui l’en-
clavent au nord et au sud ; cette roche parfois dure et com-
pacte, surtout à son centre, appartient à la variété dite dio-
rite, formée de feldspath gris verdâtre, un peu altéré et
compacte, souvent terreux, avec cristaux d’amphibole verte
bien visible, surtout dans les régions un peu décomposées.
Elle présente de petites cavités ovoïdes et bulleuses, rem-
plies d’oxyde de fer, argile ou sable, et est alvéolaire; sur ses
bords elle passe à un ophite très-grossier, presque terreux, et
à des wakes ocreuses à forte odeur argileuse.
Enclavée au nord et au sud dans les schistes siluriens, elle
se termine du côté de l’ouest sous le château de Lordat, contre
une petite formation de calcaire griotte, rouge et blanc, à Nau-
tiles, qui paraît devoir être rapporté à l’étage dévonien ; elle
en reste séparée par des amas grossiers, siliceux, en forme
d’éponges quartzeuses, et des marnes argileuses griottiformes
vertes et rouges.
Cet amas dioritique, plus ou moins terreux et celluleux,
peut avoir 100 mètres de puissance et affleure en concordance
36
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
avec les schistes anciens de l'est à l’ouest, sur près d’un kilo-
mètre.
Au-dessus de l’ophite dans les schistes sont quelques traces
de galène en nids irréguliers, inexploitables.
3° Diorite d’Antras. — Au fond du vallon de Saint-Paul,
près Foix et un peu au-dessus du hameau d’Antras, le che-
min qui conduit de ce hameau à Mercus parle col de Lespinas
recoupe une série de schistes noirâtres plus ou moins terreux
ou ardoisiers, orientés 0 30° à 65° S, qui reposent sur le massif
primitif de la montagne de Tabes ; la roche ancienne est sur
ce point formée de bancs alternants de gneiss et pegmatite,
fréquemment décomposés par places et transformés en kaolins
assez purs, disposés en nids irréguliers et pauvres au milieu de
la masse.
Au contact des schistes et des pegmatites, le chemin de Mer-
cus recoupe, à un kilomètre au-dessus d’Antras, un petit amas
de belle diorite, dure, non altérée et d’une belle couleur verte,
formée de feldspath grenu gris verdâtre, compacte, avec amphi-
bole vert-poireau bien cristalline et lamelleuse ; l’amas ophi-
tique affleure sur une faible étendue; il n’a pas plus de 200 mè-
tres du nord-est au sud-ouest et une épaisseur de 50 mètres en-
viron; il fait corps avec les schistes, dont il est une dépendance
évidente, et s’appuie sur les roches primitives dans lesquelles il
ne pénètre pas.
4° Magma ophitique du Montcoustant. — La montagne du
Moncoustant, qui sert de limite aux communes de Saint-Martin-
de-Caralp, Serres, Cadarcet et Alzein, et domine le col del
Bouisch, traversé par la grande route de Foix à St-Girons, est
formée par les schistes pyriteux et ardoisiers de l’étage silu-
rien ; à son versant nord, sur les schistes, repose la formation
secondaire du trias qui comprend des grès à sa hase et des
marnes irisées à sa partie supérieure ; le grès forme au pied
de la montagne silurienne une série de petits coteaux légère-
ment ondulés, alignés de l’est à l’ouest, au pied desquels les
marnes s’étendent en plateaux presque horizontaux.
A l’ouest de Montcoustant, le calcaire dévonien dispose ses
couches à Nautiles en strates presque horizontaux sur les hau-
teurs d’Alzein, en superposition directe avec les schistes ; au
bord est du Montcoustant, le granité sableux, aréniforme, du
vallon de la Barguillière vient mourir à son pied.
Entre le granité à l’est et le calcaire dévonien à l’ouest, sur
une étendue de plus de 2 kilomètres, le contact des schistes
NOTE DE M. MUSSY.
37
siluriens et du trias est occupé, sur une largeur de 200 à
400 mètres, par des roches ophitiques de nature variée qui se
continuent dans tout cet espace sans interruption.
Dans la région occidentale vers le Coffre, au voisinage des
calcaires dévoniens, l’amas est formé de feldspath cristallin
avec quartz grenu, sans minéral basique ; la roche devient
parfois siliceuse presque pure, celluleuse et légère, et passe
à une éponge simplement quartzeuse; elle prend un aspect ru-
gueux et caverneux et s’associe quelques dolomies très-sili-
ceuses, cariées, criblées de cellules.
Vers son bord méridional, au contact des schistes anciens,
l’ophite est constitué par un feldspath ou schiste feldspathique
gris jaunâtre, un peu terreux, stratifié en bancs grossiers,
assez réguliers et orientés comme les schistes siluriens de la
montagne ; dans la pâte terreuse feldspathique se voient des
cristaux vert clair d’amphibole, souvent en partie décomposés,
et l’ensemble prend un aspect porphyroïde ; le feldspath do-
mine de beaucoup ; les cristaux d’amphibole sont relativement
rares et dispersés irrégulièrement dans la pâte compacte ; la
roche est encore formée d’éléments acides.
Sur son bord septentrional, au voisinage des grès bigarrés,
l’amas est surtout formé d’éléments basiques où domine l’am-
phibole pure à l’état de çornéenne souvent schisteuse et
orientée en bancs bien stratifiés et assez feuilletés comme les
couches encaissantes ; cette çornéenne est noire, résistante
au marteau, sonore et assez dure; elle présente de rares cris-
taux d’amphibole noire isolée en petites aiguilles courtes et
épaisses.
Tout cet ensemble ophitique se décompose assez facilement,
mais seulement à la surface ; des travaux de mine exécutés
dans le voisinage ont permis de reconnaître que cet état de
décomposition plus ou moins avancé ne pénétrait pas à de
trop grandes profondeurs.
Cet amas ophitique paraît en relation avec plusieurs gise-
ments minéraux importants qui sont disposés sur tout son
pourtour dans les roches encaissantes sans jamais pénétrer
à son intérieur.
Sur sa lisière méridionale, au contact de l’ophite et des
schistes anciens toujours très-riches en affleurements pyri-
teux, est une série de masses irrégulières formées de calcaire
blanc, magnésien, allongées du nord au sud, au milieu des-
quelles on reconnaît des gisements parfois très-beaux de ga-
38
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
lène et de blende peu argentifère, susceptibles de donner d’ex-
cellents alquifoux, comme à la mine de plomb dite de Mont-
coustant, commune de Cadarcet.
Les grès bigarrés qui bordent au nord, en bande mince, la
formation ophitique, sont recoupés à leur base par de puissants
filons de baryte sulfatée, riches en minerais de cuivre, tels
que cuivre carbonaté bleu et vert et cuivre gris ; ces minerais
y sont dispersés en mouches irrégulières ou petits filets de
quelques centimètres, un peu discontinus, et ne sont point
exploités ; mais à une époque reculée ils ont donné lieu à
des travaux souterrains très-considérables, dont on retrouve
des traces presque continues depuis la métairie du Maté à
l’est jusqu’au Coffre à l’ouest; sur plusieurs points, comme au
Maté, au Gayet, à Moutou, au Coffre, sont d’anciens déblais en
monticules élevés, des galeries et puits accessibles, des débris
de scories, d’anciennes poteries ayant servi à la fonte des mé-
taux, qui paraissent révéler les traces d’une industrie impor-
tante.
Vers l’extrémité orientale du massif ophitique, dans la
pointe où vient mourir le granité aréniforme de la Barguü-
lière, sont quelques petits amas de minerai de fer hydroxydé
un peu quartzeux et inexploités.
5° Magma ophitique de Montels. — En suivant vers l’ouest la
base inférieure du grès bigarré et son contact avec les schistes
anciens qui le supportent, on trouve dans la commune de
Montels, vers les hameaux de Martussol et des Rames, deux
magmas ophitiques en relation avec les schistes et analogues à
l’ophite de la région occidentale du gisement du Montcoustant;
ils sont formés surtout de feldspath gris avec grains de quartz
et de très-rares cristaux d’amphibole; la roche est très-grenue,
siliceuse, s’associe des quartz éponges vers les grès bigarrés ;
la surface est décomposée et donne des terres grisâtres très-
siliceuses.
Les schistes avec lesquels ils sont liés sont anciens et appar-
tiennent à l’étage silurien ; cependant ils font partie de la
bande schisteuse qui, comme je l’ai fait observer dans la pre-
mière partie de cette note, tient la place des schistes houillers
et ils présentent quelques traces graphiteuses.
Ces amas ophitiques sont d’une assez faible étendue et con-
tiennent peu de minéraux basiques magnésiens.
6° Dionte schisteuse de Car bourat. — Plus loin, toujours dans
les mômes conditions, on trouve au voisinage du contact de la
NOTE DE M. MUSSY.
39
même bande schisteuse et des grès bigarrés, vers le hameau
de Carbourat, commune de Rimont, mais complètement en-
clavé dans les schistes, un petit amas de diorite grossière, schis-
teuse, en bancs orientés comme les schistes encaissants ; la
roche est en partie décomposée, le feldspath est gris terreux,
l’amphibole est bien visible en cristaux minces vert clair ; au
pourtour de l’amas l’ophite devient schisteux, s’oriente en
assises minces et passe insensiblement à un schiste grossier
sans cristaux d’amphibole.
Au voisinage de la formation du grès bigarré se développent
quelques couches calcaires à cassure grise et esquilleuse, stra-
tifiées en bancs minces, qui paraissent tenir la place du mus-
chelkalk, circonstance assez rare dans le trias de l’Ariége.
7° Diorite cristalline de Lacour. — La vallée du Sallat pré-
sente vers le hameau de Lacour un beau cirque assez ouvert,
entouré de coteaux peu élevés où viennent aboutir en forme
d’éventail sept formations différentes : le granité, le gneiss
avec micaschistes, les schistes du silurien inférieur, les ealc-
schistes dévoniens à Nautiles et griottes, les schistes terreux et
marneux coquilliers du lias inférieur, les calcaires dolomi-
tiques du lias supérieur et les calcaires esquilleux marmoréens
du calcaire à Dicérates; ce point est des plus remarquables et
n'a guère d’analogue dans l’Ariége que le vallon de Beles-
ta, où vient sourdre la belle fontaine intermittente deFontes-
torbe.
Sous le vieux château de Lacour, à peu près au point de
jonction de tous ces étages, apparaît un grand amas de belle
diorite dont le pied est recoupé par la grande route qui suit
la rive gauche du Sallat.
Cette diorite est dure, résistante au marteau, grenue et cris-
talline à grains moyens ; elle est formée de feldspath labrador
gris verdâtre, grenu, rarement lamelleux, et d’amphibole vert
poireau, largement cristalline et à éclat vitreux et gras ; l’am-
phibole domine.
Le même minéral imprègne toutes les roches primitives du
voisinage et transforme les granités et gneiss à une forte dis-
tance en syénites ordinaires et syénites schisteuses.
La roche ophitique présente de nombreuses fentes et fissures
remplies de belles cristallisations d’épidote; parfois on peut
y apercevoir des traces de cuivre pyriteux dans les mêmes
conditions.
r
40 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Les calcaires voisins sont imprégnés de magnésie et très-
dolomitiques.
Au centre de l’amas est un bassin circulaire d’à peu près
une centaine de mètres de diamètre de gypse cristalloïde la-
minaire, en bancs puissants à strates indistincts ; rouge et vert
à la surface et mélangé d’argile plus ou moins ferrugineuse, il
devient blanc grisâtre dans les profondeurs et donne du plâtre
de bonne qualité exploité dans deux carrières voisines ; ce
gypse est imprégné de petits cristaux de pyrites de fer, comme
généralement le sont tous les gypses en relation avec les roches
ophitiques, dont ils font alors partie essentielle.
L’amas dioritique de Lacour est considérable ; quoique au
point de jonction de divers étages, il a été rapporté aux
schistes siluriens, dont il paraît se rapprocher le plus; mais
rien ne s’opposerait à ce qu’on lui donnât un âge plus récent,
intermédiaire entre ceux des diverses assises qui viennent
mourir dans son voisinage.
Le tableau suivant résume les divers caractères des roches
ophitiques rapportées au silurien inférieur :
NOTE DE M. MUSSY
41
nature;
i. Amphibolite.
|2. Diorite alvéolaire.
3. Diorite.
4. Magma ophitique
du Montcoustant,
feldspath et quartz
à l’Ouest. Au Sud,
feldspath et schistes
feldspathiques. Au
Nord, cornéennes et
schistes amphiboli-
ques.
5. Magma ophitique
de Martussol ; feld-
spath et quartz,
grenu et rares cris-
taux d'amphibole.
6. Magma ophitique
des Rames, Mon-
tels.
7. Diorite schisteuse
et terreuse.
. Diorite cristalline
avec gypse.
SITUATION
géographique.
1. Au toit du gise-
ment de minerai de
fer magnétique de
Boutadiol, commu-
ne d’Artigues, Qué-
rigut.
2. De Lordat à Yer-
naux, canton des
Gabannes.
3. Au S. 0. d’Autras,
vallon de Saint-
Paul de Jarrat.
4. De la métairie du
Coffre à Tresbens,
par Moutou , le
G-ayet et le Maté.
SITUATION
géologique.
5. Entre Berny et
Martussol, commu-
ne de Montels.
6. Les Rames, près
Montels.
7. Sur un petit tertre
àl’E. de Carbourat,
commune de Ri-
mon.
8. Lacour , sur les
bords du Sallat.
1. Dans des schistes
siliceux très-méta-
morphiques, au voi-
sinage des granités
porphyroïdes de
Quérigut.
2. Dans les schistes
ardoisiers siliceux
à minerais de fer,
au voisinage des
griottes dévonien-
nes.
3. Dans les schistes
siluriens, au con-
tact des gneiss et
pegmatites.
4. Dans les schistes
ardoisiers et pyri-
teux siluriens, sup-
posant au N. les
grès bigarrés et li-
mités à l’0. par les
calcaires dévoniens,
à l’E. ; par le gra-
nité aréniforme de
la Bargnillière.
5. Dans les schistes
terreux supportant
les grès bigarrés.
6. Dans les schistes
terreux anciens, au
voisinage des grès
bigarrés.
7. Dans les assises
supérieures des
schistes terreux an-
ciens, au voisinage
du grès bigarré.
8. Au point de jonc-
tion du granité,
gneiss, silurien in-
férieur, dévonien,
lias inférieur, lias
supérieur, calcaire
à Dicérates.
ETENDUE.
1. Un seul affleure-
ment
Longueur, 10 m.
Largeur, 1 m.
Surface totale, 10 mq.
2. Longueur E. 0.,j
1000 m.
Largeur N. S., 100 m.
Surface totale, 10 hect.
3. Longueur S. N.,|
200 m.
Largeur E. O., 50 m.
Surface totale, 1 hect
Longueur E. O., J
2250 m.
Largeur N. S., 300 m.
Surface totale, 67 hect.
50 ares.
5. Longueur E. O.,
200 m.
Largeur N. S., 50 m.
Surface totale, 1 hect.
6. Longueur E. O.,
600 m.
Largeur N. S,. 100 m.
Surface totale,- 6 hect.
7. Surf. totale, 20 ares
8. Formation circu-|
laire, dont le dia-
mètre est environ |
300 m.
Surface totale, 6 hect.
50 ares.
IV. Silurien supérieur.
L’étage du terrain silurien supérieur est formé dè calcaires
et calcschistes gris esquiileux, bleuâtres, assez souvent cris-
talloïdes ; à son intérieur se développent parfois des couches
amygdalines donnant des marbres griottes, comme dans les
42
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868»
montagnes de Montferrier, vallée de l’Ariége, de Couüens et
pont de la Taule, vallée du Sallat.
Les minéraux et filons métalliques y sont très-communs, et
la formation peut mériter le nom de calcaire métallifère ; dans
le bassin de l’Ariége, elle présente de nombreux amas de mi-
nerai de fer carbonaté ou hématite brune et rouge ; dans celui
du Sallat, elle est riche en affleurements variés de galène,
blende, pyrites de fer et de cuivre, liés à des filons quartzenx.
Ce calcaire est généralement séparé des roches primitives
par une bande plus ou moins puissante de schistes anciens, et
les phénomènes de métamorphisme y sont moins fréquents
que dans les schistes ; cependant, sur les quelques points où
il approche des granités et gneiss, il s'imprégne de minéraux
magnésiens ; il devient cristallin, parfois dolomitique, et pré-
sente parfois de très-belles cristallisations d’amphibole verte
en cristaux allongés, imprégnant toute la masse et donnant
à certaines roches l’aspect des dolomies amphiboliques de
St-Gothard ; de beaux exemples de cristallisations de cette na-
ture se rencontrent dans le petit massif calcaire qui repose
sur les micaschistes à la carrière de talc située au pied du
pic de St-Barthélemy,
Dans les montagnes d’Orlu, quelques bancs calcaires 'de cet
étage sont enclavés dans le granité ; vers l’étang de Naguille,
ils sont transformés en marbre saccharoïde, très-cristallin, avec
cristaux d’amphibole.
En général, le voisinage du granité développe dans le cal-
caire ancien des amas dolomitiques plus ou moins puissants,
au milieu desquels apparaissent des minéraux variés, tels que
î amphibole trémolite et actinote, le grenat, comme dans les
calcaires du port de Paiîhès, canton de Quérigut, l’épidote, les
macles, le mica, le talc, la stéatite, etc.
Certains bancs schisteux compris dans les calcaires anciens,
comme aux environs des eaux minérales d’Àuius, deviennent
durs, compactes, prennent un aspect cristalloïde à la loupe et
présentent une pâte feldspathique avec cristaux d’amphibole
veite, ces bancs à apparence porphyroïde affleurent réguliè-
rement sur de grandes étendues de l’est à l’ouest avec plu-
siems mètres d épaisseur en concordance parfaite de stratifi-
cation avec les couches encaissantes.
Siii quelques points, dans le voisinage d’affleurements nié-
ta îques, comme à la’ mine de fer du Sourd, près Celles, vallon
Uv o rut-Paul , on trouve dans les salbandes qui séparent la
NOTE DE M. MUSSY. 43
roche clu minerai de l’amphibole verte fibreuse en petits amas
irréguliers.
Les affleurements ophitiques d’une certaine étendue sont
rares dans cet étage; l’ophite même pur n’affleure nulle part.
Dans le canton de Quérigut les calcschistes, riches en petits af-
fleurements cuivreux, présentent au nord de Rouze une for-
mation gypseuse tout à fait identique avec celles qui, d’habi-
tude, accompagnent les ophites, et qui doit naturellement leur
être rapportée.
1° Gypse de Rouze. Cet affleurement gypseux est enclavé
dans des calcaires verdâtres et quelques bancs schisteux, qui
parfois sont graphiteux et pyriteux, comme aux sources miné-
rales d’Usson ; le gypse est cristalloïde, laminaire comme les
gypses ophitiques , contient des pyrites de fer en petits
grains et est accompagné par des argiles vertes et rouges ; il
est exploité pour les besoins delà localité;
Le tableau suivant précise sa situation :
NATURE.
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
1. Formation gyp-
S seuse analogue à
! celles qui accorn-
1 pagnent les roches
B ophitiques.
i. À 2 kilomètres du
gNord de Rouze,
canton de Quérigut.
1. Enclavée dans les
calcschistes du si-
lurien supérieur,
non loin du granité
de Quérigut.
1. Longueur, E. 0.,
200 m.
Largeur S. N., bO m.
Surface totale, 1 hect.
Y. Calcaire dévonien.
Le terrain dévonien est formé de calcaire gris bleuâtre, de
calcschistes amygdalins et, par places, de schistes rougeâtres
et violacés, plus ou moins ferrugineux ; il présente rie belles
assises amygdalines à Nautiles exploitées pour marbre.
Les minéraux, moins communs que dans l’étage précédent,
s’y rencontrent assez fréquemment en petits amas irréguliers
rarement exploitables ; on y trouve de la baryte sulfatée, du
manganèse, du fer oligiste compacte, de la galène, du cuivre
pyriteux et parfois des hématites abondantes et du fer ma-
gnétique, comme à Alzein.
Cet étage ne se voit pas en contact avec le granité et autres
roches primitives, et les phénomènes de métamorphisme y
44
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
sont assez rares ; au voisinage des grès bigarrés, il présente
quelques amas de baryte sulfatée en masses irrégulières, et les
roches encaissantes sont plus ou moins minéralisées et impré-
gnées de minerais métalliques, tels que galène, cuivre gris et
pyriteux en mouches.
Les roches ophitiques sont rares dans cette formation ; je
n’ai guère pu y constater que deux petits amas dans le calcaire
dévonien d’Alzein, en relation avec un gisement de feroxydulé
magnétique et pyriteux, et compris au voisinage de la bande
de schistes anciens qui tient dans l’Ariége la place du terrain
houiller.
1° Diorïte compacte d'Alzein. — Sur la lisière septentrionale
des assises dévoniennes du plateau d’Alzein, au pied de l'an-
cienne chapelle du Baoux, sont deux amas de diorite compacte
et cristalloïde ; le mélange de feldspath et d’amphibole est as-
sez intime; l’ensemble est vert foncé et a une cassure inégale
et grenue; il est dur, non décomposé; au contact de l’un de ces
amas et des calcaires dévoniens est un assez beau gisement
de fer oxydulé magnétique de 2 mètres d’épaisseur séparé des
calcaires par un banc pyriteux d’un demi-mètre ; le second
amas ophitique ne paraît pas contenir de minerais métal-
liques; mais dans le voisinage est une mine de fer assez im-
portante formée de fer carbonaté et d’hématite, connue sous le
nom de Y ancien minier .
Le tableau suivant précise les faits :
NATURE;
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
i. Diorite compacte
d’Alzein avec py-
rites et fer magné-
tique.
1. Au pied N. de la
chapelle du Baoux.
1. Dans les assises su-
périeures du cal-
caire à Nautiles,
non loin des schis-
tes anciens, tenant
la place du terrain
houiller.
1. Deux petits affleu-
rements ayant 30 m.
de diamètre.
Surface totale , 1 are.
50 mq.
VI. Grès bigarré.
Le grès bigarré est tantôt rouge, tantôt gris clair ou formé
de giains tins de quartz agglutinés par un ciment rouge argilo-
ferrugineux ; parfois le ciment argileux domine et la roche
NOTE DE M. MUSSY.
45
passe à un schiste violacé feuilleté ; le mica est fréquent, dis-
séminé en paillettes dans toutes les variétés de grès ; le grès
bigarré est souvent accompagné de poudingues ou conglomé-
rats rouges à galets quartzeux blancs, qui donnent à la roche
l’aspect porphyroïde ; ces poudingues dominent dans le trias
du bassin du Lez, aux environs de Sentein et Saint-Lary. L’é-
tage est fréquent en minéraux très-abondants et variés, tels
que la baryte sulfatée en puissants filons avec cuivre gris carbo-
naté et pyriteux ; le fer oligiste et le manganèse y forment
d’importants amas.
1° Diorite compacte de Courderouech. — Les roches opbitiques
sont très-rares dans cet étage; je n’ai eu l’occasion de constater
qu’un seul amas de cette nature à l’extrémité des poudingues
porphyroïdes du trias au fond de la vallée de Saint-Lary, près
du hameau de Courderouech, compris dans les poudingues
au contact de calcscbistes du lias supérieur qui forme tous les
hauts coteaux de cette région ; il est constitué par une diorite
compacte à cristallisation grenue; sur ses bords il a une ten-
dance à se décomposer et à passer à une diorite grossière un
peu terreuse.
Sa situation est indiquée par le tableau suivant :
NATURE
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
i. Diorite compacte.
i. Courderouech, près
Saint-Lary, vallon
du Rouech, à 2 ki-
lom. en amont de
Saint-Lary.
1. Dans les poudin-
gues du grès bi-
garré, au contact
des calcschistes ba-
siques.
1. Longueur N. S.,
150 m.
Largeur E. 0, 50 m. |
Surface totale, 75 ares. 1
VII. Marnes irisées.
L’étage des marnes irisées s’étend sur la route de Foix à
St-Girons, depuis le col del Bouich jusqu’au bord du Sallat,
près Eycheil, en plateaux légèrement ondulés au pied des co-
teaux de grès bigarré ; sa puissance assez grande atteint par-
fois plus d’un kilomètre vers Labastide de Serou.
Dans toute cette étendue se développent dans les marnes
des amas de roches ophitiques presque toujours plus ou moins
décomposées, dont l’ensemble paraît orienté de l’est à l’ouest
46
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
comme les assises des marnes encaissantes ; vers l’est, les
ophites paraissent se rapprocher du contact des marnes et
calcaires dolomitiques du lias ; au centre, ils occupent indis-
tinctement toute la formation des marnes irisées, qui parfois est
réduite à quelques bancs peu épais ; vers l'ouest ils se concen-
trent dans les couches inférieures, au voisinage des grès
bigarrés.
Les ophites presque toujours décomposés, transformés par-
fois en terres jaunâtres ocreuses et magnésiennes, sont accom-
pagnés dans ce parcours d’argiles bariolées vertes et rouges,
renfermant de fréquents gisements de gypse cristallin et fi-
breux en nids irréguliers, peu puissants, rarement exploités.
Les masses sont souvent fissurées, et les fentes minées sont
remplies de minéraux variés, tels que spath, calcaire fibreux,
stiibite en filets de plusieurs millimètres d’épaisseur avec cas-
sure rayonnée, entrelacée et couleur blanc grisâtre tirant
sur le vert ; parfois l’ophite est globuleux, composé de blocs
arrondis, alignés en couches régulières parallèles aux marnes
du voisinage et enclavant des galets ronds calcaires orientés
comme les blocs ophitiques.
Sur un assez grand nombre de points, la masse présente des
gisements de fer oxydulé magnétique en filons irréguliers, de
puissance variable depuis quelques centimètres jusqu’à lm50 ;
ces filons, transverses de la direction générale des ophites,
persistent peu en direction et profondeur et s’entre-croisent en
tous sens; ils sont très-communs au centre de la formation
ophitique près Ri mont.
D’autres fois se présentent en nids et amas très-discontinus
des minerais de fer d’autre nature, tels que des fers hydroxy-
dés compactes, des hématites brunes géodiques, des terres
noires ferrugineuses etmanganésifères, dont les débris épars à
la surface du sol recouvrent la superficie de la formation,
comme à Mazères, près Labastide-de-Serou.
Les formations ophitiques du trias sont des plus importantes;
elles occupent une assez vaste surface ; les principales sont les
suivantes :
1° Terres ophitiques de Mazères. — Tout le plateau élevé, voi-
sin de Labastide-de-Serou, compris entre ia métairie de la
Beuze à 1 ouest, la tour de Loly à l'est, qui domine le vallon
de la Laujole et comprend les métairies de Roulastech, Ma-
zères et Ruffat , est formé de terres argileuses jaunâtres,
ocreuses, paraissant le produit de la décomposition de roches
NOTE DE M. MUSSY*
47
ophîtiques souterraines. Cette décomposition paraît presque
complète ; l’élément magnésien se révèle en rares cristaux d’am-
phibole et s’est transformé lui-même en terres douces au tou-
cher, onctueuses et magnésiennes ; l’ensemble est du reste iden-
tique avec les wakes terreuses qui accompagnent les affleure-
ments ophitiques du même étage vers Rimontet Ségalas, et où
il est possible de passer par degrés insensibles depuis Pophite
grenu et cristallin jusqu’à la terre simplement argileuse où l’é-
lément magnésien se dénote par l’onctuosité du toucher.
Au milieu de ces terres apparaissent un très-grand nombre
de petits amas irréguliers de minerai de fer, notamment aux en-
virons de Mazères et de la Beouze; le minerai est formé de fer
hydroxydé compacte ou cristallin, hématite brune géodique en
rognons de belle qualité, hydroxydé terreux souvent très-man-
ganésifère; ces amas atteignent rarement plus de 3 à 4 mètres de
puissance en toutes dimensions et ne pénètrent pas en pro-
fondeur.
Tous les ruisseaux qui descendent des sommets de cet amas
ophitique au sud et au nord passent de temps immémorial
pour aurifères ; dans leur lit on trouve des paillettes d’or mé-
langées à des débris sableux de minerai de fer ; les principaux
sont ceux de Tarol sur le versant septentrional et ceux de la
Beuze et Ruffat au sud. Comme je l’ai fait observer dans la
première partie de cette note, on peut considérer les ophites
de cette région et surtout les minerais de fer qu’ils encaissent
comme la roche mère des gisements aurifères constatés dam
le lit de l’Ariége, du Sallat et des ruisseaux voisins dans leur
traversée de la formation du poudingue de Paîassou ; cet amas
considérable est à peu près circulaire et a plus d’un kilomètre
de diamètre.
Un peu au sud de cette formation ophitique, les marnes
irisées qui s’étendent au pied pour constituer le plateau de la
Laujolle présentent plusieurs gisements de gypse rouge et
cristallin dont les relations avec i’ophite sont incertaines, no-
tamment prèsLabastide-de-Serou, aux métairies desAndreaux,
des Cotes et au pont de Labastide ; un peu à l’ouest des An-
dreaux sourd des marnes gypseuses une source salée de faible
débit, dont la teneur saline est peu considérable, mais se re-
connaît bien franchement au goût.
2° Diorite grossière avec wakes terreuses de Vie et de Ségalas. • — *
Un peu au delà, à l’ouest deLabastide-de-Serou, se développe,
à la partie supérieure des marnes irisées, près des couches
48 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
du lias, un long affleurement d’ophite grossier et terreux qui,
partant de Vie, s’étend sur près de 4 kilomètres jusqu’au delà
de Ségalas avec une puissance de près de 200 mètres ; vers
l’ouest il se termine en se bifurquant en deux branches re-
coupées parla route de Ségalas à Castelnau-Durban.
La roche est rarement cristalline ; dans ce cas elle est gris
verdâtre, un peu foncée, passant au brun rougeâtre ; sa cassure
est inégale, terreuse, et présente de petites cavités remplies
d’ocre ou d’argile ; elle appartient à la variété des diorites et
est formée d’un mélange de feldspath presque toujours plus ou
moins altéré, de cristaux d’amphibole verdâtre mieux con-
servée ; le plus souvent elle est presque complètement décom-
posée et transformée en terres argileuses et ocreuses avec cris-
taux d’amphibole vert clair épars dans la masse. Par places la
décomposition de l’amphibole est commencée et la roche passe
à des terres onctueuses au toucher et magnésiennes ; la dio-
rite grossière domine vers l’est à Vie, à Ségalas ; l’ophite est
presque toujours altéré et formé de terres argileuses, ocreuses
et parfois magnésiennes.
Sur plusieurs points, entre autres à Vie, sur la route près
Ségalas, on voit les assises ophitiques orientées régulièrement
suivant la direction O 25° à 20° S en stratification régulière et
concordante avec les couches de schistes argileux rouges ou
verts qui les enclavent et appartiennent aux marnes irisées ;
parfois il y a passage insensible de l’ophite en bancs indistincts
à la marne ordinaire par des wakes ophitiques pseudostrati-
fiées et globulaires, dont les blocs arrondis sont orientés sui-
vant les strates et enclavent des galets calcaires, comme à
Ségalas.
Sur la lisière septentrionale de l’ophite vers Vie, les cal-
caires du lias du contact sont formés d’une dolomie très-
grossière et caverneuse, grenue, rugueuse, sans strates dis-
tincts, et souvent siliceuse; la dolomie empâte fréquemment
des blocs d’ophite, et le contact est fait par des produits com-
plexes en forme de poudingue mélangé d’ophite globuleux,
dolomie caverneuse et silice en éponges.
Dans la même région sous Vie, on a constaté quelques petits
amas de gypse passant comme toujours à l’ophite par des
marnes fortement colorées, rouges et vertes, où se divisent en
ramification irrégulière des filets de gypse blanc toujours un
peu fibreux.
3° Diorite grossière de RimonU — L’ophite grossier et ter-
NOTE DE M. MUSSY.
49
reux du trias, un moment interrompu sous Ségalas, ne tarde
pas à apparaître un peu au delà vers l’ouest, au nord de Cas-
telnau-Durban, et tout d’abord il occupe les assises supérieures
des marnes irisées au voisinage des calcaires dolomitiques du
lias ; il s’étend dès lors régulièrement vers l’ouest sur près de
li kilomètres sans interruption, depuis la métairie de Lespy,
près Castelnau, jusqu’au hameau deTéoule, près Baliar, par le
Coulomé, Riinont, la Serre, la Tour-du-Baup et Picarets ; sa
puissance un peu variable atteint parfois 600 et 800 mètres; en
moyenne elle est de 500 mètres. Vers son centre à Rimont elle
occupe presque toute la largeur des marnes irisées et ne laisse
que quelques bancs schisteux terreux, fortement colorés, tan-
tôt à son centre, tantôt sur ses bords. Au delà, vers l’ouest, elle
tend à diminuer de puissance, se rapproche du grès bigarré;
parfois elle se bifurque en laissant voir à son centre entr’ou-
vert des marnes ordinaires bariolées, comme vers la Tour-du-
Baup.
Dans ce parcours la roche est parfois dure, cristalline,
comme les diorites ordinaires, surtout dans sa région occi-
dentale vers Lescure, Picarets, Teoule sur les bords du Baup ;
le plus souvent la roche est décomposée, transformée en
terres jaunâtres ocreuses, où cependant les cristaux d’amphi-
bole sont bien visibles et peu altérés au milieu de la pâte
feldspatbique jaunâtre, comme aux environs de Rimont et
Castelnau, sur le versant de la rivière de Castelnau.
L’opbite décomposé de Rimont est recoupé de fissures qui
se recoupent et s’entre-croisent en tous sens, et il est difficile
d’y apercevoir une apparence de stratification ; il en est de
même des diorites fissurées de Lescure, visibles sur le bord de
la grande route de St-Girons, qui apparaissent bien cristallines,
sans orientation nette. Les fissures sont souvent remplies de
spath calcaire et de stilbite.
Au quartier du Coulomé, qui domine en petite butte l’an-
cienne route de Castelnau à Rimont, affleure un filon irrégulier
de fer oxydulé magnétique dirigé 0 40° N, oblique à la direc-
tion générale de la formation et enclavé dans des terres ophi-
tiques très-décomposées, onctueuses au toucher et magnésien-
nes ; ce filon plonge de 35 à 50° au nord-est, a une puissance
variable de ûm 50 à lm 50, et a été reconnu par quelques travaux
sur une trentaine de mètres en étendue.
Plus loin, à 200 mètres à l’est, est dans les mêmes conditions un
filon de fer magnétique de même nature, mais moins puissant,
Soc. géol.j 2e série, tome XXVI. 4
so
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
et des traces noirâtres révèlent à la surface une série minérale
presque continue entre les deux filons.
Vers l'ouest, des traces de minerai de fer se continuent avec
quelques centimètres depuissance jusqu’au delà de Rimont, et
Tune d'elles est même bien visible dans le fossé de la grande
route qui descend de Rimont à Lescure.
Cette grande formation ophitique est accompagnée fréquem-
ment sur son pourtour de marnes rougeâtres et verdâtres for-
tement colorées, avec gypse fibreux, qui passent à des gisements
gypseux notables ; on a constaté un bel amas de cette roche
largement cristalline sur le bord de l’ancienne route de Cas-
telnau à Durban ; des traces gypseuses apparaissent également
au contact nord de l’ophite, à la descente de Rimont à Les-
cure. A l’extrémité de la formation, vers Teoule-de-Raliar, est
une carrière de gypse roux fibreux exploité» Ces gypses ne
sont pas cristalloïdes laminaires et imprégnés de pyrite de fer,
comme les gypses ordinaires des ophites ; ils sont largement
fibreux et cristallins, comme ceux des environs de Labastide
compris dans les marnes irisées dont les relations avec les
ophites sont incertaines, malgré leur très-grande proximité.
4° Diorite grossière de Lort. — Au nord du long affleurement
ophitique de Rimont et sous le hameau de Lort, entre Lescure
et Balier, est au bord de la grande route un petit affleurement
de diorite grossière verdâtre assez cristalline, décomposée à la
surface, et sur ses bords transformée en wakes terreuses ; elle
est identique avec celle de Rimont.
5° Diorite grossière de Paletes. — En remontant la rive droite
du Sallat en amont de Saint-Girons, on recoupe les marnes
irisées et de petits amas de calcaire dolomitique du lias, criblé
de cellules, caverneux et carié, plus ou moins pénétré de si-
lice. Sous la métairie de Paletes, qui domine de quelques
mètres le Sallat, est un affleurement ophitique à peu près cir-
culaire, au contact des marnes irisées et des calcaires ba-
siques; la roche appartient à la variété dite diorite grossière,
d’un gris verdâtre passant le plus souvent au brun rougeâtre; le
feldspath est altéré, brun terreux ; l’amphibole s’y dessine net-
tement en cristaux vert clair. Par places et sur le pourtour
la roche est presque complètement transformée en arènes ter-
reuses et ocreuses, dont la distinction des marnes est parfois
assez difficile à définir. Cette formation a la plus grande ana-
logie avec les ophites de Rimont et de Lescure.
6° Diorite grossière d’ E y cheii. — Sur l’autre versant du Sallat,
NOTE DE M. MUSSY.
51
en face de Paletes, apparaît également sous Eycheil un amas
moins étendu de diorite grossière brun rougeâtre, accompagné
d’arènes terreuses, tout à fait identique avec le précédent et
placé au point obvient mourir la formation du trias, pour ne
reparaître que beaucoup plus à l’ouest et au sud dans le bassin
du Lez, près Sentein ; cette diorite est comprise dans les marnes
irisées au pied d’un coteau de grès bigarré, qui se termine au
même lieu.
Dans le voisinage les grès renferment de gros filons quartzeux
avec traces de minerais cuivreux, cuivre carbonaté et pyriteux,
pyrite de fer, quartz, ocre, etc.
Le trias disparaît en reposant sur les griottes dévoniennes.
Le tableau suivant résume les conditions de divers amas
ophitiques des marnes irisées.
1 1 » 11 ■—
NATURE.
i. Terres ophitiques
de Mazères, avec
rainerais de fer.
2. Diorite grossière
de Yic et de Séga-
ias, avec gypse.
3. Diorite grossière
de Rimont, avec
gypse et fer magné-
tique.
4. Diorite grossière
de Lort.
5. Diorite grossière
de Paletes.
6. Diorite grossière
d’Eyoheil.
SITUATION
géographique.
1. De la Beuze à la
Tour de Loly,. de
Labastide de Serou
à Suzan.
2. Do Vie à Ségalas,
entre Labastide et
Gastelnaù-Durban.
3. De Castelnau à Ba-
liar, par Lespy, le
Côulomé, Riiaont,
la Serre, la Tour de
Baup-Teoule.
4. Lort, entre Lescure
et Baliar, sur le
bord de la route.
5. Paletes, près Saint-
Girons, sur le che-
min de Rivernert,
rive droite du Sal-
lat.
6. Eycheil, près Saint-
Gifons, rive gauche
du Sallat.
SITUATION
géologique.
1. Dans les assises su-
périeures des mar-
nes irisées, à leur
contact avec le lias
inférieur et le lias
dolomitique.
2. A la partie, supé-
rieure des marnes
irisées, dans le voi-
sinage du lias do-
lomitique.
3. Enclavée dans les
marnes irisées, dans
presque toutes les
assises; à l'E., au
contact du lias; à
l’O., au contact du
frès bigarré.
)ans les assises su-
périeures des mar-
nes contre le lias
dolomitique.
5. Au contact des
marnes irisées et
du calcaire dolomi-
tique du lias.
6. Dans les marnes
irisées, au voisinage
des griottes dévo-
niennes.
ÉTENDUE.
1. Longueur E. O.,
1500 m.
Largeur N. S., 1000 m.
Surface totale, 1 myr.
50 hect.
2. Un affleurement
divisé en deux bran-
ches presque paral-
lèles. — Longueur
E. O., 4000 m.
Largeur N. S., 200 m.
Surface totale, 80 hect.
3. Longueur E. O.,
11000 m.
Largeur N. S.. 500 m.
Surface totale, 5 myr.
50 hect.
4. Longueur E. O.,
200 m.
Largeur N. S., 50 m.
Surface totale, 1 hect.
5. ; Affleurement cir-
culaire de 300 m.
de diamètre.
Surface totale, 6 hect.
80 a.
6. Longueur E. O.,
150 jpa.
Largeur, N. S., 40 m.
Surface totale, 60 ares.
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
52
VIII. Lias inférieur.
Le lias inférieur est formé de schistes terreux, de calc-
schistes plus ou moins argileux, coquilliers, à deux bancs fossi-
lifères distincts, de poudingues, brèches et calcaire marneux ;
il n’est jamais en contact avec les roches primitives, ne pré-
sente nulle part de traces métamorphiques et ne révèle au jour
aucun affleurement ophitique.
IX. Lias supérieur.
L’étage du lias supérieur est principalement calcaire et do-
lomitique ; il affecte deux faciès distincts suivant qu’il est
compris entre les divers bassins sédimentaires de la montagne
enclavés dans les massifs primitifs ou qu’il repose au nord du
plateau ancien du centre du département ; dans les deux cas
il est toujours très-dolomitique, celluleux, tantôt gris clair,
tantôt rosâtre ou bleuâtre, parfois noirâtre, et les couches su-
périeures sont bréchiformes et très-caverneuses ; la stratifica-
tion est souvent difficile à reconnaître, les bancs sont puissants.
La dolomie est souvent siliceuse ; la silice domine parfois, et
la roche passe à un sable blanc pur ; dans les régions situées
en avant du plateau ancien, la dolomie est toujours très -cris-
talline, en petites lamelles très-brillantes à l’éclat du soleil,
et n’affecte jamais l’état saccharoïde et 'marmoréen. Dans les
divers bassins sédimentaires du centre des montagnes, le lias
s’adjoint des bancs de calcaires cristalloïdes et calcschistes non
dolomitiques, et passe fréquemment à un calcaire saccharoïde
et marmoréen, qui n’est dolomitique que par exception.
Les amas ophitiques sont très-rares dans la première va-
riété du lias ; tout au contraire, le lias saccharoïde et marmoréen
des montagnes présente en très-grand nombre les plus belles
variétés d’ophites des Pyrénées, et notamment la lherzolite
pure.
Ces roches sont principalement concentrées dans les bassins
de Vicdessos, Aulus et Seix, et, pour préciser les faits, je me
contenterai d’indiquer les allures et la manière d’être du lias
de cette région qui encaisse les opbites.
Ce lias comprend trois sous-étages distincts, dont les deux
extrêmes, constitués par des calcaires plus ou moins cristallins,
NOTE DE M. MUSSY.
Kl C\
DO
renferment à leur centre une série principalement schisteuse.
Cette division n’est guère applicable qu’au canton de Vicdes-
sos ; plus loin à l’ouest, vers Aulus et Seix, les assises saccha-
roïdes supérieures seules persistent et représentent presque
tout le lias.
L’assise inférieure du lias où ont été constatés les fossiles,
tels que Peignes, Térébratules, Bélemnites, polypiers, qui ont
servi à Dufrénoy pour la classer, est formée de calcaire gris
bleuâtre, esquilleux et cristalloïde, imprégné de grains de
pyrite de fer; elle présente quelques amas irréguliers dolomi-
tiques et renferme les riches gisements de minerai de fer des
concessions de Rancié et de Lercoul, accompagnés dans leur
pourtour d’une certaine auréole de calcaire spatbique large-
ment cristallin avec fer carbonaté pauvre, de calcaire saccha-
roïde blanc avec pyrites et grains de fer carbonaté et calcaire
grenu rougeâtre métallifère.
Le second sous-étage, à physionomie essentiellement schis-
teuse, est composé d’assises alternantes de schistes argileux,
calcaires marneux noirâtres, de poudingues et brèches à ci-
ments et fragments calcaires ou marno-calcaires ; les assises
schisteuses sont parfois carburées et fortement ployées ; l’en-
semble est fréquemment recoupé de filons irréguliers de spath
calcaire.
La série liasique supérieure, qui contient la masse des af-
fleurements ophitiques, est constituée par un calcaire saccha-
roïde et marmoréen blanc ou légèrement coloré en gris et
rosâtre. Il affecte l’apparence d’un marbre blanc, mais est im-
prégné de grains siliceux qui la plupart du temps en empêchent
le poli; il devient doîomitique au voisinage des ophites.
Au calcaire sont subordonnées par places des brèches jaune
nankin susceptibles de donner de beaux marbres, formées de
fragments anguleux de dimensions variées, tantôt calcaires
jaunes plus ou moins cristallins, tantôt schisteux bleuâtres
avec ciment calcaire saccharoïde; ces brèches sont surtout très-
bien développées dans les bassins de Vicdessos et d’Aulus,
au pourtour des amas ophitiques.
Entre Suc et Saleix, le calcaire saccharoïde donne parlefrof-
tement une odeur d’hydrogène sulfuré ; à la Bousche, près
Yicdessos, à l’Escourgeat et à Montbea, il est phosphorescent.
Du côté d’Estou, il est veiné de couleurs variées et donne
des marbres ; sous le château de Mirabat près Seix , il est
noir et contient quelques assises schisteuses.
54
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Vers l’extrémité occidentale du canton de Vicdessos, à Si-
guer, le calcaire saccharoïde diminue de puissance et s’associe
des calcaires gris bleuâtres cristalloïdes, et même par places
des calcschistes noirâtres. Au delà, dans la vallée del’Ariége,
il se développe de nouveau dans le bassin secondaire de Ta-
rascon avec sa structure ordinaire saccharoïde, celluleuse et
marmoréenne ; il s’amincit en montant l’Ariége pour affleurer
sur une très-vaste étendue à Prades-de-Montailhou, où il va
former au pied méridional de la haute chaîne de Saint-Barthé-
lemy tout le sol du haut plateau du pays de SaulL
Dans les bassins de Vicdessos et d’Aulus le calcaire saccha-
roïde forme la masse des hautes crêtes calcaires qui séparent
les vallons de Suc et de Saleix dans le canton de Vicdessos, les
crêtes de Montbea, les pics compris entre les rivières d’Aulus
et d’Ustou, canton d’Oust, et au delà vont mourir au fond du
vallon des Bints, près Seix.
Au delà le lias supérieur, avec une structure plus ou moins
cristalloïde, réapparaît entre le Sallat et le Lez ; mais il est ra-
rement saccharoïde et reste pauvre en amas ophitiques.
Les minéraux étrangers et magnésiens sont fréquents dans
cet étage, surtout au voisinage des ophites et des roches primi-
tives, avec lesquelles il est fréquemment en contact.
La présence de l’ophite très-souvent compris dans le cal-
caire saccharoïde au voisinage du granité développe dans les
calcaires voisins des dolomies très-cristallines, des cristaux
d’amphibole verte en fines aiguilles empâtées dans les dolo-
mies, des couséranites en plus ou moins grande abondance ;
le granité du voisinage est toujours plus ou moins modifié et
transformé en syénite par la substitution de l’amphibole au
mica; cette modification des roches encaissantes, due à la
présence de l’ophite, est des plus remarquables et est surtout
bien apparente au centre de la formation près l’étang de
Lhers; elle se voit bien également sur plusieurs points du can-
ton de Vicdessos entre Suc et Saleix, à l’Escourgeat et ailleurs,
à Aulus, à la Soumere, entre Seix et Alos, dans le vallon de
Moulis, et à l'autre extrémité du département, vers Prades, ri-
che en beaux affleurements de lherzolite.
Le quartz est disséminé presque partout dans la masse en
grains, rarement en cristaux.
La pyrite de fer est très-commune presque partout.
L’épidote se rencontre en niasses vertes ou j couleur fleur de
pêcher au voisinage des ophites, vers l’étang de Lhers, à la
NOTE DE M. MUSSY.
55
fontaine de Neupont, près Aulus, à la Trappe qui conduit à Us-
tou, à la montagne de Geu.
Le talc se voit en petites lames dans les calcaires de Suc,
Ercé et Castillon.
La couséranite noire ou verdâtre est disséminée un peu par-
tout ; elle est surtout commune au fond du vallon de Saleix,
à la Trappe, à Geu et à Mirabat, près le pont de la Taule.
Les roches ophitiques du lias supérieur appartiennent pres-
que toutes à la variété connue sous le nom de lherzolite, dont
le type a été découvert tout d’abord à l’étang de Lhers, situé
à la limite des cantons de Vicdessos, Massat et Oust.
Depuis peu de temps les éminents travaux de M. Daubrée
sur les météorites ont révélé une analogie de composition re-
marquable entre les météorites et la lherzolite des Pyrénées, qui
a été reconnue pour être un mélange de péridot vert clair com-
pacte et de pyroxène cristallin appartenant aux deux variétés
dites diopside etenstatite; la masse est fréquemment recoupée
l’étang de Lhers par de petits filons de pyroxène pur, largement
cristallin.
La roche est généralement dure, brusque sous le marteau et
se casse en fragments irréguliers et anguleux; elle se décompose
superficiellement et présente souvent un enduit pulvérulent de
couleur ocreuse, formé d’une pâte terreuse jaune ou rougeâtre,
au milieu de laquelle se détachent en belle couleur vert clair
les cristaux de pyroxène, dont la teinte a été pâlie.
La lherzolite contient fréquemment des cristaux d’amphibole
lamelleuse, du talc et de la stéatite vert clair à surface lisse et
éclatante, indiquant un frottement de la roche sur elle-même,
et passe parfois à la serpentine; cette circonstance est surtout
remarquable dans les ophites de Bernadouze et del’Escourgeat,
vallon de Suc ; parfois, dans les fissures qui la traversent en
divers sens, la lherzolite présente quelques nids d’asbeste fi-
breux et du spath calcaire ; à son contact avec les roches pri-
mitives sont quelques amas de fer oligiste quartzeux et com-
pacte.
La lherzolite se décompose parfois à une certaine profondeur
et donne des wakes terreuses passant du gris verdâtre clair ou
foncé au brun rougeâtre et noirâtre; la roche prend un aspect
plus ou moins globulaire, parfois bréchoïde, comme à l’Es-
courgeat, à la crête de Berquié et à Fontanabouche, près Vic-
dessos, où des ophites moins altérés se détachent en blocs ar-
rondis ou fragmentaires au milieu de wakes terreuses qui ne
,% SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
sont autres que la même roche presque entièrement décom-
posée.
Les principaux gisements ophitiques du lias supérieur sont
les suivants :
1° Lherzolite de Prades. — Tout le haut plateau de Prades et
du pays de Sault est formé par le calcaire liasique plus ou
moins saccharoïde et marmoréen, généralement blanc et strati-
fié en grands bancs presque horizontaux avec de nombreuses
ondulations en divers sens ; à ce calcaire sont associés fré-
quemment de belles brèches jaune nankin ou de couleurs
variées, qui dans le ravin de la Frau donnent de très-beaux
marbres.
Au nord-ouest de Prades apparaissent quelques petits pitons
dominant le plateau élevé calcaire, dont la masse est formée
par une très-belle lherzolite largement cristalline ; à leur con-
tact le calcaire est complètement blanc, très-saccharoïde et di-
visé en assises plates et minces plus ou moins ondulées ; par-
fois il s’imprègne de cristaux de couseranites.
Ces affleurements de lherzolite sont assez considérables et
forment la serre qui sépare le plateau de Prades du ravin de
l’Ourza, le pic de Géralde et de petits pitons situés au sommet
des ravins de Boudigous et du Basquy.
Ces gisements ophitiques sont tous assez éloignés des roches
primitives, telles que granité, gneiss et pegmatites.
2e Lherzolite d'Appy. ■ — Un peu au nord d’Appy, canton des
Cabannes, au contact du lias et des granités de Tabes, est un
pointement de lherzolite en relation avec des calcaires saceha-
roïdes et des brèches jaune nankin avec couseranites; sur
son pourtour la roche est altérée et passe à des arènes ter-
reuses; ce pointement est assez étendu.
3° Lherzolite de Ste-Tanoque de LercouL — A la croix de Saint-
Tanoque, coteau qui domine à l’ouest le village de Lercoul, est,
au contact d’un granité syénitique et d’un calcaire blanc sac-
charoïde associé à de très-belles brèches jaune nankin, un af-
fleurement circulaire assez considérable de lherzolite large-
ment cristalline, analogue à la roche de l’étang de Lhers.
4° Dionte schisteuse ducol de Rancié .--La lherzolite deSainte-
lanoque est en relation avec le calcaire saccharoïde qui con-
stitue 1 étage supérieur du lias ; elle est transverse aux couches;
en allant de Ste-lanoque au col de Rancié vers l’ouest, l’ophite
pénètre insensiblement dans l’étage schisto-calcaire moyen du
lias de Vicdessos, et en même temps il prend une structure
NOTE DE M. MUSSY.
57
tout à fait différente ; il perd l’apparence lherzolitique pour
passer à une véritable diorite schisteuse ; la roche est stra-
tifiée en bancs minces et réguliers concordant avec les
schistes encaissants; dans leur voisinage elle passe insensible-
ment à de simples schistes argileux, verdâtres, satinés et ar-
doisiers.
L’influence du milieu encaissant sur la nature de l’ophiteest
des plus remarquables; l’ophite devient lherzolite dans les cal-
caires saccharoïdes marmoréens et reste diorite dans les argi-
les, schistes et ealcschistes non cristallins.
La diorite du col de Rancié est formée d’une pâte verdâtre
claire, feldspathique, avec cristaux d’amphibole verte plus fon-
cée en fines aiguilles; elle est complètement encaissée dans l'é-
tage schisto-calcaire à quelque distance du granité, dont elle est
séparée par 100 ou 150 mètres de calcaire saccharoïde et de
brèches jaunes.
5° Lherzolite de Sem. — Au niveau du village de Sem et à
300 mètres environ au nord, les calcaires saccharoïdes du lias
supérieur présentent un petit amas très-peu apparent de lher-
zolite cristallisée, légèrement altérée à la surface ; l’intérieur
de la roche est dur et largement cristallin ; des brèches sé-
parent l’ophite du calcaire, qui en ce point est très-saccharoïde
et dolomitique; le granité est dans le voisinage.
6° Lherzolite de Berquié. — Un peu au midi de la crête de Ber-
quié, qui domine en roc escarpé le village de Vicdessos, sur le
passage de Sem à Goulier, est un amas de lherzolite an contact
des schistes ardoisiers siluriens et des calcaires cristalloïdes, non
saccharoïdes, du lias inférieur de cette région; largement cris-
talline vers le calcaire basique, elle s’altère et passe à des
wakes terreuses et ocreuses contre les schistes anciens ; vers
le col de Rizoult ces arènes sont en contact avec un calcaire
rouge métallifère, qui d’ordinaire à Rancié révèle des gise-
ments de minerais de fer.
Getophite se trouve en relation avec les assises les plus in-
férieures de la formation basique.
7° Lherzolite de Saleix. — Un peu à droite et au-dessus du
chemin qui conduit de Saleix au port d’Auîus, les calcaires
saccharoïdes laissent à nu, à un kilomètre aunord-ouest du vil-
lage, un petit affleurement de lherzolite cristalline qui se révèle
de loin en forme de bosse en saillie sur les parois fortement
inclinées et régulières de la montagne calcaire ; cette lherzo-
iite est assez éloignée du granité de Bassiés.
58 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
8° Lherzolite de Fontanabouche , près Vicdessos. Au quartier
de Fontanabouche, tout près de Vicdessos, et un peu au nord,
le contact du granité et des calcaires saccharoïdes est marqué
par un long affleurement de lherzolite qui gravit le pendage de
la montagne d’Qrus en suivant ce contact ; la roche est cris-
talline, vert foncé ; elle se décompose superficiellement en
donnant des arènes ocreuses et argileuses; dans le voisinage
sont quelques brèches avec de rares couseranites.
9° Lherzolite de Porteteny , près Vicdessos. — A quelques
mètres au sud de Pophite de Fontanabouche, on trouve au
quartier de Porteteny un petit amas de lherzolite cristalline
complètement enclavée dans le calcaire saccharoïde avec couse-
ranites ; le granité n’est pas éloigné.
10° Lherzolite de Pladessus de Sentenac. — En suivant le con-
tact du granité et du calcaire à partir de Fontanabouche, on
gravit la montagne d’Orus et on atteint un petit col assez élevé
où est une métairie indiquée sous le nom de Pladessus, ap-
partenant au hameau de Sentenac ; en ce point, au contact des
deux formations se développe un amas lherzolitique assez peu
étendu, analogue à celui de Fontanabouche.
11° Lherzolite de Bernadouze et de V E scourgeat , vallon de Suc.
— Au fond du vallon de Suc et sur la rive droite de la rivière de
ce nom, le contact des roches primitives et du lias est indiqué par
un long affleurement ophitique aux quartiers de Bernadouze
et de PEscourgeat. Les roches primitives forment au-dessus du
fond du vallon de petites buttes couronnées par d’assez larges
plateaux occupés par Pophite ; l’ensemble est dominé parles
pics aigus et escarpés du calcaire du Fraichinède.
Le granité paraît séparé des ophites par une formation ré-
gulière de 300 à 400 mètres de roches granitoïdes pseudo-strati-
fiées, imprégnées de minerais magnésiens; on y rencontre une
succession très-irrégulière, discontinue en direction, de schiste
siliceux, schiste talqueux et stéatiteux, pétro-silex tacheté de
talc, de micaschistes, gneiss, pegmatite etprotogyne avec nids
de graphite ; les amphibolites sont fréquentes en lits indis-
tincts et associées à des quartz.
Laroche ophitique s’étend de l’est à l’ouest sur près de
2 kilomètres, avec une épaisseur de 160 mètres ; toute voisine
des roches primitives, elle en est cependant séparée par
quelques mètres de calcaire très-saccharoïde etdolomitique
imprégné de cristaux d’amphibole et de couseranite. Elle se di-
\i$e en deux bandes parallèles de texture différente ; celle du
NOTE DE M. MUSSY. 59
nord près du granité est constituée par une belle lherzolite
très-largement cristalline, vert poireau foncé, à cristaux nets
parfois susceptibles d’être isolés de pyroxène noir, très-
ferrugineux; sur son pourtour elle renferme quelques amas
isolés, irréguliers, de fer oligiste compacte et quartzeux, qui se
confondent dans l’ophite et s’y perdent insensiblement en ra-
mifications s’appauvrissant en fer et passant lentement à la
lherzolite.
Par places, la lherzolite présente des surfaces vertes écla-
tantes, douces et onctueuses au toucher, serpentineuses, qui
paraissent des surfaces de frottement de la roche sur elle-
même.
Le seconde bande ophitique située au sud au contact du cal-
caire liasique est formée de wakes terreuses ophitiques qui sont
le produit de la décomposition de la lherzolite ; dans la masse
aréniforme, sur divers points, apparaissent quelques filons
ocreux très-discontinus et pauvres en fer.
12° Lherzolite de la Taupe -de- V Ourse. — En remontant le
vallon de Suc, avant d’atteindre le col qui conduit à l’étang de
Lhers, on trouve au-dessus d’une belle tourbière située au
contact du granité et du lias un petit piton pointu et isolé d’as-
sez belle lherzolite, avec wakes terreuses, enclavée dans les
calcaires saccharoïdes et brèches jaunes ; le point est désigné
sous le nom de la Taupe-de-l’Gurse,
13° Lherzolite de Montceint. — Plus loin encore, au-dessus du
col de Suc et près du sommet de la crête calcaire du Montceint,
est également au milieu du calcaire un pointement de lherzo-
lite.
14° Lherzolite de V étang de Lhers. — Le grand massif ophitique
de l’étang de Lhers, qui a donné son nom à la roche, est com-
pris au sommet du vallon de Courtignou, canton de Massat, à
peu près au point de jonction des cantons de Massat, Vicdes-
sos et Aulus ; la lherzolite est complètement enclavée dans les
calcaires saccharoïdes marmoréens du lias; mais du côté nord
elle n’est séparée des roches primitives des montagnes des
Trois-Seigneurs et de Montgallos que par une ceinture de quel-
ques mètres de calcaire très-cristallin imprégné de cristaux
d’amphibole et decouseranites, mélangé de brèches jaune nan-
kin. De plus, entre les roches primitives et le lias règne entre
le col de Suc et le col Dret d’Ercé, qui conduit de l’étang au
hameau d’Ercé, de l’est vers l’ouest, une assise assez mince,
d’une centaine de mètres au plus, et discontinue de schistes
60
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
anciens, siluriens, soyeux et satinés, métamorphisés parle voi-
sinage de l'ophite et des roches primitives encaissantes.
La lherzolite de l’étang sert de type à la roche ; vert foncé,
largement cristalline, elle est formée d’une pâte grenue, vert
clair, depéridot cristalloïde, au milieu de laquelle s’entre-
croisent en grande abondance de beaux cristaux vert foncé
de pyroxène diopside associés à de fines aiguilles de pyroxène
appartenant à la variété dite enstatite. Suivant les beaux tra-
vaux de M. Daubrée, cette roche a la plus grande analogie
avec certaines météorites, dont on peut reproduire des idem
tiques en soumettant la lherzolite à certaines actions réduc-
trices.
L’ensemble est fréquemment recoupé à l’étang de Lhers par
de petits filons de pyroxène diopside largement cristallin et
très-lamelleux.
Si on arrive à l’étang de Lhers par le col Dret d’Ercé qui le
domine à l’ouest, on contourne le haut massif de Montbea,
formé de calcaires saccharoïdes, tantôt gris bleuâtre, tantôt
blancs, chargés de couseranites, qui au voisinage des terrains
anciens passent à des brèches jaune nankin; au col même on
marche sur des schistes soyeuxetmicacés à feuillets contournés,
plus ou moins métamorphiques; les roches primitives se termi-
nent au contact par des pegmatites, des protogynes et des mi-
caschistes.
Au voisinage de l’étang, le lias présente un magma de cal-
caires blancs saccharins, jaunes, sales, noirs et gris noir, bleuâ-
tres, empâtant des brèches variées; ce magma renferme des
roches feldspathiques et des cornéennes en petits amas irrégu-
liers; les calcaires noirs présentent de très-grosses couseranites.
Les brèches sont surtout puissantes à la ceinture calcaire
qui enveloppe l’étang du côté du nord et sépare l’amas ophi-
tique des roches primitives des Trois-Seigneurs ; elles empâtent
des noyaux de lherzolite. Plus près de l’étang, la lherzolite
encaisse quelques noyaux calcaires, et à l’étang le dépôt de
lherzolite est pur et forme tout son sol et le haut coteau qui le
domine au sud ; les mêmes phénomènes se répètent sur tout
le pourtour du dépôt ophitique.
Dans les environs, les roches primitives s’imprègnent de mi-
néraux magnésiens et se modifient ; l’amphibole se substitue
en partie au mica et donne des syénites recoupées de filons de
feldspath et d’amphibole ; de plus, la roche est souvent à
l’état d’arènes sableuses et ocreuses.
NOTE DE M. MUSSY.
61
En se rapprochant du col de Suc on quitte la lherzolite et
on retrouve les mêmes phénomènes de métamorphisme dans
les calcaires et dans les granités du voisinage.
L’affleurement de lherzolite de l’étang de Lhers est le plus
considérable de tous les amas de cette nature et forme une vé-
ritable montagne d’une étendue de plus de 2 kilomètres de
l’est à l’ouest et près d’un kilomètre du nord au sud.
15° Diorite grossière de ï étang de Lhers. — Un peu en avant
de l’étang de Lhers et à l’est du côté du port de Suc est, en re-
lation avec les schistes anciens soyeux et talqueux qui sépa-
rent les assises granitiques du lias, un assez long affleurement
de diorite grossière alignée de l’est à l’ouest comme les
schistes voisins.
Cette diorite formée de feldspath terreux et d’amphibole en
cristaux vert clair est fréquemment globuleuse, et paraît plus
ou moins orientée dans le lit des ravins qui la découpent en di-
vers sens ; elle a souvent l’apparence bréchoïde d’un conglo-
mérat jaunâtre ocreux dont la surface est toujours plus ou
moins altérée ; la roche est généralement décomposée et trans-
formée en wakes terreuses ; elle est complètement indépen-
dante de la lherzolite, dont elle est toujours séparée par une
centaine de mètres de calcaire et est en relation avec les
schistes ; elle forme de petits mamelons arrondis de terres
ocreuses et feldspathiques, qui viennent mourir sur le bord
oriental de l’étang.
L’influence du milieu encaissant est, comme je l’ai déjà fait
remarquer, digne d’être notée ; dans le calcaire saccharoïde
l’ophite est une lherzolite, dans les schistes et argiles une dio-
rite tantôt cristalline, tantôt schisteuse, tantôt grossière et
transformée en wakes terreuses.
Cet amas ophitique affleure régulièrement en rapport avec
les schistes sur plus de 2 kilomètres ; sa puissance est res-
treinte et ne dépasse pas 200 mètres ; vers le nord il passe in-
sensiblement aux arènes granitiques.
16° Cornéenne du col de Saleix. — Lorsqu’on gravit le vallon
de Saleix qui conduit au col de Coumebières, d’où l’on des-
cend à Aulus, on suit le contact du granité et des calcaires plus
ou moins cristallins du lias; le granité au contact devient sou-
vent une véritable syénite et les calcaires contiennent quelques
assises noires riches en couseranites.
Un peu au-dessus des métairies de Salingres, on voit le cal-
caire enclaver quelques petits amas schisteux dans lesquels se
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
62
développent des cristaux en aiguilles noires paraissant de Pam-
phibole, et les schistes prennent une texture dure, compacte,
cristallisée à la loupe, imitant par places la cornéenne, si an-
ciennement connue sous le nom de pierre de corne, qui n’est
autre qu’une amphibole noire et compacte.
Tout près du port, au même contact, apparaît une formation
schisteuse importante, encaissée entre des granités un peu ter-
reux et des calcaires saccharoïdes et bréchiformes dulias; ces
schistes contiennent des pyrites en abondance et sur plusieurs
points sont transformés en véritables cornéennes ou amphibo-
lites compactes avec cristaux d’amphibole noire; certains bancs
de cornéenne vers le sommet du port alternent avec des assises
de calcaire très-saccharoïde et des brèches amphiboliques.
17° Biorite de Prat. — Sur la rive gauche du Sallat, le lias
supérieur a une constitution tout à fait autre que dans le
reste de l’Ariége ; les assises inférieures manquent et les seuls
bancs en évidence sont ceux voisins des schistes supralia-
siques ; les couches consistent surtout en calcaires noirâtres
avec veines blanches spathiques, brèches noirâtres à éléments
anguleux, unicolores, schistes noirâtres et calcschistes ; la do-
lomie est rare et le calcaire saccharoïde et marmoréen n’appa-
raît jamais.
Les roches ophitiques en relation avec cet étage ne sont
point des lherzolites, mais des diorites plus ou moins cristal-
lines ou décomposées.
Sous le château de Prat, qui domine la route de Saint-Girons
à Toulouse, est un affleurement ophitique de quelque étendue;
cristalline et d’une belle couleur verte sur la tranchée de la
route, au midi du château, la diorite est altérée et donne des
wakes terreuses et ocreuses.
Dans le voisinage sont des traces gypseuses.
En dehors de la diorite de Prat, qui se trouve dans des con-
ditions minéralogiques toutes spéciales, le gypse n’a jamais été
constaté, du moins jusqu’à ce jour, au voisinage des lherzo-
lites.
Il résulte des faits cites plus haut que la îherzolite est spé-
ciale à 1 âge du lias supérieur et est en relation forcée avec les
calcaires saccharoïdes marmoréens souvent doloroitiques de
cet étage, toujours plus ou moins métamorphiques.
Les ophites du même âge liés à des couches schisteuses sont
des diorites ou des amphibolites.
... Le tableau ci-dessous résume les faits cités plus haut con-
NOTE DE M. MUSSY.
63
cernant les roches ophitiques de la formation du lias supé-
rieur.
SITUATION
SITUATION
ÉTENDUE.
NATURE.
géographique.
géologique.
1. Lherzolite.
. Au N. 0. de Prades
deMontailhou, can-
ton d’Ax.
y
i . En pointements
irréguliers, au mi-
lieu des calcaires
saccharoïdes du lias
supérieur, en rela-
tion avec de belles
brèchesjaune nan-
kin , susceptibles
de donner de beaux
marbres à cousera-
nitès.
1. Quatre affleure-
ments Ourza.
jongueur, 1300 m.
jargeur, 400 m.
Surface, 52 hect.
2. Geralde.
jongueur, 700 m.
margeur, 300 m.
Surface, 21 hect.
3. Boudigous.
longueur, 300 m.
margeur, 100 m.
Surface, 3 hect.
4. Basquy.
jongueur, 600 m.
Margeur, 400 m.
Surface, 24 hect.
Surface totale, 100
hect.
2. Lherzolite.
2. Au midi d’Appy,
près les Cabanries,
montagne de Saint-
Barthélemy.
2. Dans les assises
inférieures du cal-
caire liasique , à
son contact avec les
roches primitives
et schistes satinés.
2. Longueur E. O.,
700 m.
Largeur N. S., 150 m.
Surface, 10 hect.
50 ares.
3. Lherzolite.
3. Croix de Sainte-
3. Au contact du gra-
3. Longueur E. O.,
Tanôque de Ler-
cohl, canton de
Yicdessos.
nite et du calcaire
saccharoïde du lias.
200 m.
Largeur N. S., 150 m.
Surface, 2 hect.
4. Diorite schisteuse.
4. Col de Rancié,
4. Enclavée dans la
4. Longueur E. O.,
■ *rrrrf?rrr,t“'-«
chemin de Sem à
Lercoul, id.
bande schisteuse du
lias de Yicdessos,
non loin du gra-
nité.
400 m.
Largeur N. S., 100 m.
Surface, 4 h., 10 ares.
5. Lherzolite.
5. A 300“ au N. de
Sem et au même
niveau, id. •
5. Enclavée dans le
caleaire saccharoïde
avec brèches , au
voisinage du gra-
nité.
5. Longueur E. O.,
100 m.
Largeur N. S. 40 m.
Surface, 40 ares.
6. Lherzolite avec arê-
6. Crête de Berquié,
6. Dans les assises
6. Longueur E. O.,
nés terreuses.
sur le chemin
inférieures du lias,
20Q m.
de Sem à Gou-
lier, id.
à son contact avec
les schistes silu-
riens.
Largeur N. S., 50 m.
Surface, 1 hect.
7. Lherzolite.
7. A un kilomètre
au N. 0. du vil-
lage de Saleix, id.
7. Dans le calcaire
saccharoïde , non
loin du granité.
*
7. Affleurement cir-
culaire de 60 m. de
diamètre.
Surface, 28 ares.
8. Lherzolite.
8. Quartier de Fon-
tanabouche , près
Yicdessos.
•
8. Au contact du
granité et du cal-
caire saccharoïde.
8. Longueur N. S.,
50Q m.
LargeurE.O.,100 m.
Surface, 5 hect.
9. Lherzolite.
9. Quartier de Por-
teteny, près Yic-
dessos.
9. Dans le calcaire
saccharoïde , non
loin du granité.
9. Longueur N. S.,|
100m. t
Largeur E. O. ,40 m. g
Surface, 40 ares.
jto. Lherzolite.
10. Pladessus de Sen-
tenac, canton de
Yicdessos.
10. Au contact du
granité et du cal-
caire saccharoïde.
10. Longueur E. O., g
200 m.
Largeur N. S., 50 m.|
Surface, 1 hect. 1
64
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868,
nature.
SITUATION
géographique.
è
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
li. Lherzolite avec
11. 7'Bernadouze et
11. Dans le calcaire
11. Longueur E. 0.,
i arènes terreuses.
l’Escourgeat de
Suc, id.
saccharoïde , tout
près de son contact
avec le granité.
1700 m.
Largeur N. S., 150 m.
Surface, 25 hect.
50 ares.
12. Lherzolite.
12. La Taupe-de-
l’Ours de Suc, id.
12. Dans le calcaire
saccharoïde du lias,
non loin du gra-
nité.
12. Longueur E. 0.,
600 m.
Largeur N. S.. 100 m.
Surface, 6 hect.
13. Lherzolite.
13. Pic du Montceint,
entre Vicdessos et
Aulus.
13. Au milieu d’une
puissante formation
de calcaire saccha-
roïde.
13. Longueur E. 0.,
700 m.
Largeur N. S., 200 m.
Surface, 14 hect.
14. Longueur E. 0.,
2200 m.
Largeur N. S., S00 m.
Surface , 1 myk.
76 hect.
14. Lherzolite.
14. Étang de Lhers,
vallon du Courti-
gnan-Massat.
14. Dans le calcaire
saccharoïde , tout
près de son contact
avec le granité.
15. Biorite grossière.
15. En avant de la
lherzolite de l’étang
de Lhers.
15. En relation avec
des schistes an-
ciens, au contact
du lias et du gra-
nité.
1 5. Longueur, 2700 m.
Largeur, 200 m.
Surface, 54 hect.
16. Cornéenne.
16. Col de Saleix,
allant à Aulus,
versant de Saleii,
canton de Yic-
dessos.
16. En relation avec
des schistes , au
contact du granité
et du lias.
16. Longueur E. 0.,
1200 m.
Largeur N. S., 200 m.
Surface, 24 heet.
17. Diorite.
17. Prat, sur les
bords du Sallat ,
près Saint-Girons.
17. En relation avec
des calcschistes non
cristallins, des cou-
ches supérieures du
lias.
17. Longueur E. 0.,
200 m.
Largeur N. S., 150 m.
Surface, 3 hect.
X. — Marnes et schistes supraliasiques.
Au centre du département, dans les bassins de l’Ariége et de
l’Arize, la formation des schistes supraliasiques n’est guère
représentée, au nord du plateau central ancien, que par une
assise mince, terreuse, formée d’argile pure, rougeâtre, conte-
nant de nombreuses concrétions ferrugineuses en forme de
pisolithes analogues au minerai de fer du Berry; à son centre
est une couche mince de schiste noir, charbonneux, abon-
dante en belles Ammonites et en lignites pauvres ; et l’en-
semble, toujours très-mince, sépare les calcaires dolomiti-
ques du lias du calcaire à Dicérates.
Dans les bassins du Sallat et du Lhers, aux deux extrémités
du département, cet étage prend un grand développement et
NOTE DE M. MUSSY. 65
est constitué par des schistes terreux, des schistes noirs plus
ou moins ardoisiers et de rares calcschistes noirâtres.
Dans les bassins sédimentaires compris entre les divers
massifs primitifs, les schistes du supralias apparaissent sur de
grandes étendues et forment le centre des bassins aux environs
de Tarascon, Saurat, Massat, Oust, Rogalle et la Bellongue.
Les schistes tantôt terreux, tantôt ardoisiers, présentent
fréquemment des Ammonites; ils sont riches en pyrites de fer
plus ou moins décomposées et transformées en fer hydroxydé
pauvre; ils donnent parfois d’excellentes ardoises, comme dans
la vallée de Bellongue.
Ils paraissent rarement en contact avec les roches primitives,
et dans ce cas ils subissent au voisinage des granités un cer-
tain degré de métamorphisme ; ils deviennent soyeux, onc-
tueux au toucher, s’imprègnent de talc et sont des schistes
argilo-talqueux, plusjou moins pénétrés de cristaux de dipyre,
comme aux environs de Castillon, d’Engommer, d’Arnave,
d’Arignac, etc.
De tous les étages géologiques qui constituent le sol de l’A-
riége, celui des schistes supraliasiques est le plus riche en
affleurements ophitiques, et ces ophites sont remarquables par
les nombreux et importants gisements gypseux qui les accom-
pagnent presque toujours.
Les principaux sont les suivants :
1° Diorite grossière de Saint- Antoine. — Un peu au-dessus de
l’usine de Saint-Antoine, entre les routes qui conduisent de
Foix à Tarascon et àLavelanet, est une petite butte formée d’une
diorite grossière, rarement bien cristalline, plus ou moins al-
térée et transformée en arènes terreuses ; dans les parties
dures on distingue assez bien les deux éléments feldspath gris
terreux et amphibole en cristaux vert clair. Cette diorite gros-
sière paraît en relation avec les schistes supraliasiques qui li-
mitent au sud en bande mince la formation crétacée du bas-
sin de Saint-Paul; elle est comprise dans ses assises inférieures
et à son extrémité occidentale. Au même point viennent mou-
rir contre la formation primitive en pointes amincies les
schistes anciens siluriens, les calcaires siluriens à Orthocères et
dévoniens à Nautiles ; ces derniers sont en contact direct avec
la roche ophitique, du côté du sud ; à ce contact ils sont plus
ou moins saccharoïdes et dolomitiques et renferment quelques
minerais de fer en nids irréguliers et très-pyriteux; l’un d’eux
Soc. géot ., 2e série, tome XXVI. &
66
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
est bien visible sur le talus même de la route de Tarascon,
avec des traces blendeuses.
Ce petit amas ophitique, généralement terreux, a quelque
étendue et se dirige du nord-ouest au sud-est, au contact des
schistes supraliasiques et des calcaires à Nautiles.
2° Diorite d'Arnave avec gypse. — La formation ophitique
d’Arnave est comprise sur les deux bords du ruisseau de ce
nom, au contact des roches primitives de Saint-Barthélemy et
des schistes terreux et pyriteux supraliasiques du bassin de
Tarascon; elle est en relation avec un puissant amas gypseux
qui occupe la rive droite du vallon, tandis que l’ophite affleure
surtout sur la rive gauche; le contact est recouvert par un petit
dépôt diluvien qui en voile les caractères.
A une assez grande distance au sud-ouest, au voisinage
des deux formations, le granité a une teinte verdâtre et l’as-
pect d’une syénite; il s’imprègne de Laïc et d’amphibole ; les
schistes sont séparés des roches primitives et de l’ophite par
des calcaires micacés, des calcaires amphiboliques, caverneux
et boursouflés, empâtant des couseranites, des amas irrégu-
liers de steatites savonneuses et nacrées; la masse ophitique
de la rive gauche touche aux schistes, est considérable, et ap-
partient à une belle variété cristalline qui est une diorite
pure.
Sur la rive droite le gypse louche au 0Ur lequel n
repose au sud, et à ce contact est un magma confus de syénite
granitoïde, syénite schisteuse, diorite, roches gypseuses et
calcaires imprégnés de cristaux d’amphibole ; toutes ces va-
riétés empâtent des cristaux de pyrite de fer dodécaédriques.
L amas gypseux alterne avec des couches de calcaire blanc
lamelleux micacé et chloriteux, orienté de l’est à l’ouest et pa-
raissant une trace du lias supérieur dolomitique ; ce calcaire
est coloré diversement en blanc, roux ou bleu, et donne des
marbres lamelleux avec mica et chlorite en nids, avec struc-
ture rayonnée; parfois il est traversé par des filons de granité*
le gypse lui-même, très-saccharoïde, cristallin, est fréquemment
imprégné de paillettes de mica et de chlorite ou de grains de
pyrite de fer dodécaédrique.
Dans 1 amas gypseux sont des masses d’anhydrite à larges
cristaux rectangulaires, bleuâtres, entourées de gypse saccha
roide^avec filon de chaux carbonatée cristalline, et rognons de'
Le gisement de gypse d’Arnave peut avoir 200 à 250 mètres
NOTE DE M. MUSSY, G7
de long sur §0 à 40 mètres de puissance; il donne des carrières
importantes exploitées à ciel ouvert.
3° Gypse d’Arignac et de Bedeillac. — Si on suit, à partir d’Ar-
nave vers l’ouest, le contact du granité et des étages se-
condaires du bassin de Tarascon, on traverse l’Ariége et on
remonte le profond vallon de Saurat creusé entre les roches
primitives du prat d’Albis au nord et le terrain secondaire
du pic de Soutours.
Dans ce vallon, entre Arignac et Bedeillac, se poursuit entre
les deux formations un amas gypseux considérable qui s’étend
en couche presque verticale plongeant un peu au sud et repo-
sant sur le massif primitif ; il va presque sans interruption du vil-
lage d’Arignac à l’est jusqu’au hameau d’Aynat à l’ouest; la
masse minérale atteint parfois 100 mètres de puissance, dé-
passe généralement 50 mètres et affleure sur près de 2 kilo-
mètres, dans la direction O. 30 à 35° N.
Elle est traversée en biais par la rivière de Saurat, qui y a
creusé un lit profond, parfois de plus de 100 mètres; sur les
deux bords de la rivière sont réparties un peu irrégulièrement
les carrières, celles d’Arignac à l’est sur la rive droite et celles
de Bedeillac à l’ouest sur la rive gauche ; l’exploitation de ces
carrières, qui sont des plus importantes et peuvent dopper an-
nuellement plus de 200 mille hectolitres de plâtre, se fait de
chaque côté du rayin par tranchées à ciel ouvert et par un
simple grattage superficiel.
Le gypse est très-blanc, saccbaroïde, très-cristallin, et con-
tient des paillettes de mica et des grains de pyrite de fer ; il est
identique avec celui d’Arnave.
La montagne de Soutours domine le gisement gypseux
au midi, à son sommet, formé par les couches du calcaire à
Dicérates; ses deux versants appartiennent aux schistes noirs
terreux et ardoisiers supraliasiques ; sur le penchant méridio-
nal opposé aux carrières, des assises dolomitiques bien con-
tinues séparent les schistes du calcaire à Dicérates en sup-
portant régulièrement le supralias et restant en discordance
manifeste de stratification avec le calcaire crétacé qui les
domine.
Sur le Versant septentrional des carrières, le crétacé inférieur
repose en concordance sur les schistes du supralias, qui
occupent le milieu du penchant, et ces derniers, à leur tour,
sont appuyés sur le gypse. A l’extrémité orientale du gise-
ment, vers Arignac, le gypse paraît en contact direct avec le cal-
68 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
caire crétacé, et le supralias schisteux ne commence qu’un peu
au delà, pour continuer sans interruption jusqu’à Aynat; par
places, et surtout vers Arignac, sont quelques îlots de calcaire
dolomitique, caverneux, très-spongieux, contenant de la si-
lice mélangée à sa pâte et parfois passant à de véritables
éponges siliceuses ; ce fait est surtout remarquable entre la
vieille carrière d’Arignac, qui termine à l’est la série minérale
et le village de ce nom.
La roche primitive au contact du gypse est formée d’une
bande mince de couches très-cristallines à fréquentes injec-
tions de granité ; ce sont des alternances de gneiss, mica-
schistes, schistes chloriteux et amphiboliques, pegmatites et
leptynites avec calcaires intercalés.
A la carrière située au sud-est d’Arignac, le gypse est en
contact avec un calcaire cristallin, lamelleux, blanc et marmo-
réen ; ce calcaire renferme des feuillets de mica et est ac-
compagné de gneiss ordinaire et de gneiss amphibolique ; les
couches sont traversées de filons de granité peu quartzeux
composé d’albite et de chlorite au lieu de mica ; dans ce granité
sont de nombreuses veines d’amphibole verdâtre et d’épidote
vert clair, et la roche granitoïde est constituée par un mélange
d’amphibole, d’aîbite et d’épidote.
Le calcaire lamelleux et cristallin se rencontre en bancs
largement stratifiés avec le gypse dans presque toutes les car-
rières d’Arignac ; parfois le mélange est tellement intime que
le gypse n’est plus exploitable pour pierre à plâtre.
Ce calcaire est souvent voisin des roches primitives et im-
prégné de cristaux d’amphibole, et donne de belles hémitrènes
micacées passant à la syénite ; d’autres fois le calcaire passe à
des dolomies et à des calcaires alvéolaires siliceux.
Nulle part on ne voit le gypse d’Arignac et de Bedeillac en
relation avec des amasophitiques de quelque importance; mais
la présence de petits amas d’amphibole, et l’identité de nature
de ce gypse avec celui d’Arignac le font évidemment rappor-
ter à la formation ophitique.
4° Diorite de Quié. — Si on quitte la bordure septentrionale
de la formation des schistes supraliasiques du bassin de Ta-
rascon pour se transporter à sa limite méridionale, on ren-
contre sui le chemin de Tarascon à Génat, par Quié, un petit
amas de diorite ordinaire cristalline, en relation avec les
schistes terreux et compris à leur contact avec les calcaires à
Dicérates de la crête de Très-Courtals, crête qui domine du
NOTE DE M. MUSSY.
69
côté de l’ouest le haut plateau de Génat. Cette diorite se dé-
compose un peu à la surface et au pourtour de l’amas en don-
nant un ophite terreux, grossier ; le gypse n’a pas été constaté
dans le voisinage. Cet affleurement est d’une très-petite étendue
et est à peine visible.
5° Diorite grossière de Rabat. — Sur la montagne qui domine
à l’est le vallon de Rabat, est, au quartier de la Garrigue, à
moitié montagne, un affleurement peu étendu de diorite gros-
sière et terreuse, en relation avec un minerai de fer assez abon-
dant ; cette mine est sur le chemin qui conduit de Rabat à
Génat par le col de Très-Courtals ; l’amas est situé comme ce-
lui de Quié à l’extrême limite méridionale du bassin central
des schistes supraliasiques, en relation avec ces schistes, dont
il occupe les assises supérieures ; l’ophite est compris presque
au contact des couches inférieures du calcaire à Dicérates, qui
couronne les crêtes de Très-Courtals.
La diorite, rarement bien cristalline, est souvent altérée, ter-
reuse et globuleuse, disposée en bancs pseudo-réguliers, comme
les schistes encaissants, et contient dans ses strates supérieures
le minerai de fer, dont quelques bancs de 0,20 à 0,30 alternent
à la surface avec des couches pseudo-stratifiées de roches ophi-
tiques terreuses.
L'amas minéral en relation avec la partie supérieure de l’o-
phite sépare en général ce dernier du calcaire; il est orienté
O. 20° N . avec plongement sud de 50°; il affleure sur 50 à 60 mè-
tres, avec une épaisseur variable de 4 à 5 mètres ; il est
composé de bancs irréguliers en richesse d’oligiste rouge, com-
pacte ou cristallin vers le toit et de fer oxydulé magnétique au
mur en couches stratifiées et entremêlées d’assises ophitiques
pauvres ; il a été reconnu sur 25 à 30 mètres de profondeur ;
l’oligiste rouge domine au toit et en profondeur; il est assez
pur et à peu près exempt de pyrites. Au mur le minerai est
magnétique, sableux et siliceux, et contient des pyrites.
Ce gisement a été à diverses époques l’objet de travaux, et
de recherches assez importants.
6° Gypse deSurba. — Sur Je revers méridional de la mon-
tagne de Soutours, opposé à celui des carrières à plâtre d’Ari-
gnac et de Bedeillac, on a constaté depuis longtemps, au con-
tact des schistes supraliasiques et des calcaires dolomitiques ba-
siques qui sont couronnés au sommet du pic par les assises du
calcaire à Dicérates, un petit gisement gypseux un peu im-
70
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868,
pur, mêlé d’argile rouge, qui paraît analogue au gypse d Ari-
gnac et est rapporté comme ce dernier aux ophites.
7° Gypse du col de Port . — Si on remonte le vallon de Saurat
pour passer à celui de Massat, après avoir traversé les grès du
crétacé supérieur qui occupent le fond du vallon, on ne tarde
pas, un peu au delà de Saurat, à entrer en plein granité ; en ce
point les deux massifs granitiques des Trois-Seigneurs et de
Fonfrède se réunissent pour former un énorme empâtement
de roches primitives; un peu avant d’atteindre le col, apparaît,
enclavée dans les granités, une bande mince de calcaire cré-
tacé, séparée à sa limite méridionale de ces derniers par une
assise très-peu épaisse, mais régulière et bien continue, de
schistes noirs, quartzeux et pyriteux, contenant des traces de
lignite graphiteux et des rognons abondants de pyrite de fer.
Cette assise est le représentant bien net, quoique très-faible,
de l’étage des schistes supraliasiques, partout riches en affleu-
rements de pyrites et de lignites.
Au col de Port môme, et surtout sur le versant occidental du
côté de Massat, se développe, en relation avec ces schistes
noirs, entre les deux massifs granitiques qui le resserrent en
bande mince, un amas gvpseux de près de 100 mètres de
puissance, où sont des traces importantes d’anciennes exploi-
tations de gypse pour pierre à plâtre ; l’amas descend réguliè-
rement d’une centaine de mètres sur le versant de Massat pour
se resserrer un peu au delà et se réduire plus loin à quelques
alternances minces de gypse et de terres jaunâtres, ocreuses,
onctueuses au toucher, magnésiennes, tout à fait analogues
aux terres produites par la décomposition complète des roches
ophitiques.
L’affleurement gypseux reporté à la lisière nord de la for-
mation sédimentaire s’associe, comme à Arignac, des calcaires
dolomitiques, cellulaires, siliceux et alvéolaires, et un peu
plus vers le sud quelques bancs de calcaire gréseux et mar-
neux, de calcaire esquilleux analogue à la roche à Dieérates,
dont l’ensemble ne dépasse pas 100 mètres et rappelle le cré-
tacé inférieur du reste du département.
Cette petite formation secondaire très-mince ne tarde pas
à disparaître un peu au delà avant Rieupregon, et les arènes
granitiques de Fonfrède restent en contact direct avec les
schistes de transition des bassins de Massat, Lhers et le
Port.
8 — 9U gypses de la Ilouqueille et du Touron de Boussenac.-™- En
NOTE DE M. MUSSY.
71
continuant à descendre vers Massat, on suit le contact des
sables granitiques de Boussenac, très-quartzeux et chargés de
tourmalines e‘t de schistes anciens ; de temps à autre appa-
raissent en forme d’ilots irréguliers à ce contact des amas de
gypse diversement coloré, en relation avec des schistes noirs
plus ou moins ligniteux et pyriteux fortement bouleversés, des
calcaires dolomitiques alvéolaires et des argiles magnésiennes
très-plastiques. Le gypse est tantôt blanc laiteux, blanc de
neige, rouge sanguin, empâtant des pyramides hexagonales
de quartz hyalin et des pyrites ; le schiste au voisinage se
charge de fer oligiste rouge, sanguin, analogue au peroxyde for-
tement calciné.
Ces amas irréguliers se retrouvent sur presque toute la li-
sière, de chaque côté du col des Caugnous et depuis ce point
jusque vers Matalas et le port de Massat ; on en a constaté à la
Rouqueille et au Touron de Boussenac, au col del Four, à
Biazi, etc.
10* Diorite grossière avec gypse de Matalas de Boussenac . — A la
suite des affleurements précédents est à Matalas de Boussenac,
au-dessus du pont de Massat, sur FArce, un amas ophitique
assez étendu qui sépare de l’est à l’ouest les arènes granitiques
de Boussenac des grès crétacés supérieurs des environs de
Massat.
Les arènes sont riches en veinules et filons de quartz, en peg-
matite abondante en tourmalines ; les grès sont ferrugineux,
très-tourmentés et sont séparés de l’ophite par deux assises dif-
férentes; la première, au contact des grès, est constituée par
un schiste très-noir, charbonneux, imprégné de pyrite de fer
blanche, en rognons, qui, quoique mince, est bien le représen-
tant de la formation des schistes supraliasiques si bien déve-
loppée au centre du bassin de Massat; entre les schistes et l’o-
phite sont des calcaires cariés, celluleux et dolomitiques, en
amas irréguliers, empâtant des blocs ophitiques et passant in^
sensiblement à l’ophite, situé un peu plus au sud, sous le ha-
meau même de Matalas.
Les schistes sont toujours très-ferrugineux, donnent nais-
sance, aux Balmes près l’Arac, à une source ferrugineuse et
sont recoupés de filons de fer hydroxydé pauvre et quartzeux,
comme aux métairies de Verenset, d’Aubignan et des Balmes.
L’ophite est une diorite grossière, gris verdâtre, générale-
ment claire, rarement foncée, passant par places au brun rou-
geâtre ; la cassure est inégale et un peu terreuse ; la roche est
72
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
alvéolaire avec cellules remplies d’ocre ou d’argile; elle a une
odeur argileuse ; elle est sur plusieurs points presque complè-
tement altérée et transformée en wakes terreuses et magné-
*
siennes, surtout au voisinage des arènes granitiques.
Dans le ruisseau qui descend de Matalas au pont de Massat
est un bel amas de gypse laminaire cristallin, en relation évi-
dente avec l’ophite, auquel il passe insensiblement par des
wakes terreuses plus ou moins colorées et chargées d’oxyde de
fer.
11. 12, 13. Diorites et gypses de Massat à Aleu. — Le contact
des granités aréDiformes de Boussenac et des schistes supralia-
siques continue plus loin à l’est par Biert, le col de Boulogne
et Aleu; à ce contact se développent parfois quelques assises
de calcaire à Dicérates, très-dur, en bancs épais qui bordent
de leurs flancs escarpés la rive gauche de l’Arac en formant
une série de crêtes et de pitons aigus connus dans le pays sous
le nom de Kers (Rer de Biert, Ker de Boulogne, etc.) ; ces kers
sont discontinus, etfréquemment les schistes secondaires repo-
sentsurles granités etgneiss primitifs de Boussenac et de Soulan.
A ce contact, apparaissent de temps à autre, comme k Ma-
talas, des amas plus ou moins irréguliers de diorite cellulaire
et grossière, tantôt cristalline, tantôt altérée et transformée en
wakes terreuses; sur plusieurs points la diorite passe à des gi-
sements gypseux par des argiles diversement colorées et des
arènes terreuses.
Les principaux amas, dont quelques-uns sont considérables,
sont les suivants :
'11. Dans le vallon de la Fresles, entre le col de Boulogne et la
Bourdasse, commune d’Aleu, est un assez long affleurement
de diorite terreuse avec gypse entre les gneiss et les mica-
schistes de Soulan et les schistes noirâtres et terreux d’Aleu ; l’en-
semble touche au ker de calcaire à Dicérates du col de Boulogne ;
12. De Biech à Coumelary, commune d’Aleu, est une bande
mince de diorite grossière, accompagnée de wakes terreuses
et de traces gypseuses entre lesmêmes gneiss et micaschistes et
mêmes schistes secondaires ; quelques bancs calcaires l’ac-
compagnent ;
13. Sous le village d’Aleu est une diorite généralement bien
ciistalline, globulaire, accompagnée à son pourtour seulement
de wakes terreuses sans gypse connu ; l’amas est comme les
piécédents au contact des gneiss et des schistes secondaires.
14. Diorite avec feldspath de Serraing de Sentenac ( Seix ). — En
NOTE DE M. MUS SV.
73
remontant le vallon qui conduit de Sentenac de Seix à Alos par
le col dret, on suit le contact des arènes granitiques de la
grande montagne de Bouirex et des couches secondaires du
Bassin de Rogalle, formées des schistes supraliasiques et des
grès calcaires du crétacé supérieur ; un peu en amont des
lanes de Sentenac et au-dessous du hameau de Serraing, on
rencontre un petit massif de diorite cristalline à la jonction de
deux ruisseaux dont l’un vient de Serraing, et l’autre de la Sou-
mère; cette diorite, d’un beau vert, est comprise à une pointe ex-
trême des schistes supraliasiques du Rogalle ; non loin, affleu-
rent les calcaires dolomitiques du lias au hameau de Sarrat
qui, plus à l’ouest vers la Soumère, sont en contact direct avec
les arènes de Bouirex.
Si de ce point on marche à l’est vers le col qui conduit à
Rogalle, on rencontre un assez épais massif métamorphique
ou primitif remarquable ; il est presque uniquement formé de
feldspath orthose largement cristallin avec un peu de quartz ;
ce massif assez étendu est en contact avec les arènes graniti-
ques de Sentenac, la diorite de Serraing, le calcaire dolomi-
tique du Sarrat, les schistes supraliasiques et le grès crétacé
de Rogalle ; il paraît en relation avec la formation primitive
arénîforme, dont il pourrait être un épanchement accidentel
au milieu des couches secondaires.
45. '16, 17. — Diorites grossières de Cescau et de Castillon. —
Dans la vallée du Lez, d'Engomer à Bordes de Castillon, le con-
tact des arènes granitiques de la montagne de Bouirex et
des schistes supraliasiques de laBellongue est marqué par une
série uniforme de traces métamorphiques assez régulières; les
schistes s’imprègnent de chlorite, de talc et de pyrites, devien-
nent des ardoises argilo-talqueuses, et s’imprègnent de cristaux
de dipyre en prismes rectangulaires à quatre faces, de couleur
blanc grisâtre ou jaune d’ocre, parfois en masses basilaires
imparfaitement lamelleuses, à clivage quadruple. A ce contact
se développent des amas irréguliers de calcaire très-cristallin,
doîomitique, carié et celluleux, avec dipyre et amphibole, eten
relation avec ces calcaires de petits affleurements ophitiques;
ces ophites sont des diorites grossières et celluleuses, souvent
altérées et transformées en wakes terreuses; elles sont alvéo-
laires, avec cavités remplies par des ocres et des argiles; dans
les délits des roches sont des petits amas de talc et de chlorite
qui donnent à la masse l’aspect d’une serpentine soyeuse, onc-
tueuse au toucher; dans les fissures sont des petits filons
74 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
d’asbeste fibreux, entre les opbites et les calcaires cellu-
leux.
Ces traces métamorphiques de roches magnésiennes s’é-
tendent assez régulièrement d’Engomer à Bordes par Cescau et
par Castillon; des amas ophitiques assez importants ont été
constatés à :
15. — Cescau. — Au contact des schistes et des arènes ;
16. — Castillon , sur le bord de la grande route avant l’entrée
au village, du côté de Saint-Girons, dans la même situation
géologique;
17. — Sous le vieux château de Castillon et à Bordes près
Castillon.
Dans le premier et le troisième cas, les calcaires cellulaires
avec quartz en éponge dominent ; dans le second l’ophite ter-
reux et serpentineux est plus abondant.
Tous ces affleurements ophitiques sont compris au contact
des arènes et des schistes supraliasiques.
18. 19. Diorites grossières de Salsein et d' Argein. — Un peu en
amont de Castillon, à Salsein et dans la Bellongue à Àrgein
sont également d’assez importants affleurements ophitiques en
relation avec les schistes supraliasiques; ils sont aussi accom-
pagnés de calcaires celluleux et dolomitiques avec cristaux de
dipyre et d’amphibole; à Salsein Cophite est une diorite parfois
très-largement cristalline et dure ; le feldspath labrador est
grenu, cristalloïde; l’amphibole est en beaux cristaux lamelleux
et d’une belle couleur vert foncé; sur le pourtour et
au voisinage des amas calcaires, la roche se décompose,
s’altère et donne des terres ocreuses variées; il en est de même
à Àrgein.
A Salsein la diorite en relation avec les schistes est au
contact de ces dernières et des calcschistes Basiques qui
foi ment la haute serre d Arraing; l’ensemble n’est pas éloigné
des arènes granitiques de Castillon.
A Argein 1 ophite est complètement enclavé dans les schistes
ardoisiers et assez distant des granités.
j Diorite grossière de Carrère de Clermont près le Mas -
d'Azil. — Tous les gisements ophitiques cités plus haut
sont compris dans des formations plus ou moins importantes
de schistes du supralias des divers bassins sédimentaires
enclavés, au cœur du département, entre des bandes de roches
primitives.
Comme je l’at fait observer, au nord du plateau ancien central
NOTE DE M. MUSSY.
75
de l’Ariége, l’étage supraliasique est représenté par une assise
mince argileuse imprégnée souvent de pisolithes rouges, ferru-
gineuses et de schistes ligniteux, dont la puissance dépasse
rarement quelques mètres.
Cette couche est pauvre en amas ophitiques; cependant
quelques-uns ont été constatés, entre autres un assez con-
sidérable dans la commune de Clermont près du Mas-d’Azil,
sur un coteau peu élevé, entre les hameaux de Carrère et
de Marillac.
L’assise supraliasique est constituée par une argile rougeâtre
assez riche en pisolithes ferrugineuses sans lignite; elle peut
avoir plus d’une centaine de mètres et sépare le calcaire à
Dicérates des grands bancs de calcaire dolomitique du lias
qui forment tout le haut plateau de Marillac, entre Rimont et
Clermont; vers son centre elle présente une assez belle diorite
cristalline, mais généralement altérée et transformée presque
partout en terres ocreuses et parfois magnésiennes; par
places sont quelques indices un peu vagues de gypse rouge
cristallin.
Cet affleurement peu puissant affleure en direction sur
d’assez grandes étendues de l’est à l’ouest et a une appa-
rence pseudostratifiée en concordance avec les argiles encais-
santes.
21. — Diorite grossière de Roquelaure. — * Vers le hameau de
Roquelaure, près Taurignan, compris dans le canton de Saint-
Lizier, sur la rive droite du Sallat, est également une bande
mince de marnes et de schistes terreux supraliasiques, pauvres
en pisolithes ferrugineuses, qui séparent le calcaire à Dicé-
rates de la dolomie basique; cet étage marneux se termine
sur les bords du Sallat par un monticule ophitique formé d’une
diorite compacte, parfois cristalline, mais le plus souvent
altérée et transformée dans presque toute sa masse, du moins
superficiellement, en terres ocreuses ; l’ophite a souvent une
texture globuleuse et contient des traces de fer oxydulé ma-
gnétique.
22. — Diorite grossière de Montgauch. — Surlarive gauche du
Sallat, les schistes supraliasiques remplissent tout le bassin de
Montégut, de Montgauch et de Gazavet, entre les calcschistesdu
lias supérieur des bords du Sallat et le calcaire à Dicérates des
pics assez élevés de Maléchart qui séparent Mongauch de Bala-
guères ; le pendage des couches est méridional et renversé, les
76
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
assises à Dicérates des montagnes deMaléchart présentant un
double pendage anticlinal.
Dans ces schistes à l’est et à l’ouest de Montgauch est une
bande assez mince, mais très-régulière et bien continue en
direction, de diorite grossière et schisteuse, qui s’étend sur plus
de 2 kilomètres au nord de Montgauch avec une puissance
variable de 100 à 200 mètres. Cette diorite est rarement
largement cristalline; le plus souvent elle est formée d’une pâte
compacte avec cristaux plus ou moins apparents d’amphibole
verte avec une certaine texture porpbyroïde; parfois elle passe
à de véritables schistes compactes, verdâtres, parsemés de rares
cristaux épars dans la masse ; elle est fréquemment altérée et
transformée en terres ocreuses ; assez souvent elle devient
schisteuse et s’oriente en bancs réguliers comme les schistes
encaissants.
Tel est l’ensemble des amas ophitiques en relation avec la
formation des schistes supraliasiques; ils appartiennent prin-
cipalement à la variété des diorites tantôt cristallines, tantôt
altérées, terreusesou schisteuses; ils sont surtout remarquables
par la quantité et l’importance des gisements gypseux avec
lesquels ils sont en relation.
Le tableau suivant résume les divers caractères de ces
ophites.
NOTE DE M. MUSSY
77
NATURE.
1. Diorite grossière
avec arènes ter-
reuses.
2. Diorite cristalline
avec gypse et an-
hydrite.
3. Gypse avec am-
phibolites rares.
4. Diorite.
5. Diorite terreuse
avec fer magné-
tique et oligiste.
6. Gypse.
7. Gypse.
8. Gypse et traces
ophitiques.
9. Gypse et traces
ophitiques.
10. Diorite grossière,
bulleuse avec gypse
et calcaire alvéo-
laire.
11. Diorite grossière
avec gypse.
12. Diorite grossière
avec traces gyp-
seuses.
SITUATION
géographique.
1. Roc de Saint- An-
toine, près Saint-
Paul-de-Jarrat.
2. Arnave, canton de
Tarascon.
3. Arignac et Bedeil-
lac , au fond du
vallon de Saurat.
4. Quié,surle sentier
montant de Taras-
con à Genat.
5. Rabat, quartier de
la Garrigue, sur le
chemin de Rabat à
Genat.
6. Surba.
7. Gol-de-Port, ver-
sant de Massat.
8. La Rouqueille-de-
Boussenac, bord de
la grande route.
9. Le Touron de
Boussenac.
10. Matalas de Bous-
senac, près le pont
de Massat.
11. Yallée de la
Fresles, entre le col
de Boulogne de la
Bourdasse, Aleu.
12. De Biech à Cou-
melary. Aleu.
SITUATION1 '%■
géologique.
1. En relation avec
les schistes supra-
liasiques, au voisi-
nage des schistes
anciens calcaires à
Nautiles.
2. Au contact des
granités, gneiss et
des schistes supra-
liasiques.
0
3. En relation avec
les schistes supra-
liasiques et les ro-
ches primitives du
prat d’Albis.
4. Au contact des
schistes supralia-
siques et du cal-
caire à Dicérates.
5. Dans les schistes,
au contact du cal-
caire à Dicérates.
6. Au contact des
schistes et du lias
dolomitique.
7. En relation avec
les schistes au con-
tact du calcaire à
Dicérates, le tout
enclavé dans les
granités.
8. En relation avec
le supralias, au
contact des arènes
granitiques et des
schistes siluriens.
9. En relation avec
le supralias , au
contact des arènes
et des schistes silu-
riens.
10. En relation avec
le supralias , au
contact des arènes
et du crétacé su-
périeur.
U. Au contact des
gneiss de Soulan
et des schistes su-
praliasiques, voisin
du calcaire à Dicé-
rates.
12. Au contact des
gneiss de Soulan
et des schistes su-
praliasiques.
ÉTENDUE, a
1. Longueur N. 0.-
S. E., 1000 m.
Largeur, 400 m.
Surface, 40 hect.
2. Longueur E. O.,
2500 m.
Largeur S, N., 250 m.
Surface, 62 hect.
50 ares.
3. Longueur N. O.-
S. E., 2800 m.
Largeur, 150 m.
Surface, 42 hect.
4. Longueur E. O.,
60 m.
Largeur N. S., 30 m.
Surface, 18 ares.
5. Longueur E. O.,
200 m.
Largeur N. S., 80 m.
Surface , 7 hect.
60 ares.
6. Surface, 100 mq.
7. Longueur E. O.,
400 m.
Largeur N. S., 100 m.
Surface, 4 hect.
8. Longueur N. E.
S. O., 300 m.
Largeur, 60 m.
Surface , 1 hect.
80 ares.
9. Longueur N. S.,
200 m.
Largeur E. O., 70 m.
Surface , 1 hect.
40 ares.
10. Longueur E. O.,
1200 m.
Largeur N. S., 100m.
Surface, 12 hect.
11. Longueur E. O.,
500 m.
Largeur N. S., 60 m.
Surface, 3 hect.
12. Longueur E. O.,
900 m.
Largeur N. S., 70 m.
Surface , 6 hect.
3 ares.
78
SÉANCE PU 9 NOVEMBRE 1868.
NATURE.
1 3. Diorite cristalline,
globuleuse, parfois
terreuse.
14. Diorite cristalline
avec feldspath.
15. Diorite grossière,
bulleuse, avec cal-
caires alvéolaires.
16. Diorite grossière,
bulleuse, avec cal-
caires alvéolaires.
17. Id.
18. Diorite grossière.
19. Id.
20. Diorite cristalline
et grossière.
21. Diorite grossière.
22. Diorite grossière
et schisteuse.
SITUATION
géographique.
13. Aleu, sous le vil-
lage même.
14. Serraing, com-
mune de Sentenac
de Seix.
15. Cescau, près Cas-
tillon.
16. Entrée de Cas-
' tillon , bord de la
grande route.
17. Vieux château de
Castillon.
18. Salsein, près
Castillon.
19. Argein, psès Cas-
tillan.
20. Entre Carrère et
Màrillac,' commune
dé Clermont’, près
le Mas-d’Azil.
21. Roquelaure de
Taurignan, canton
de Saint-Lizier,
iive droite du Sal-
lat.
22. Montgauch à l’E.
et â l’O. du village
près Saint-Girous.
jl1 r>»r-r
SITUATION
géologique.
13. Au contact des
gneiss et des schis-
tes supraliasiques.
14. En relation avec
le supralias, entre
les arènes grani-
tiques et le lias.
15. Au contact des
schistes et des
arènes granitiques.
16. Dans les schistes
supraliasiques voi-
sins des arènes.
17. Au contact des
schistes et des
arènes.
18. Au contact des
schistes et des
calcschistes liasi-
ques, non loin dés
arènes granitiques.
19. Au milieu des
schistes supralia-
siques , non loin
des arènes.
20. Dans les argiles
pisolithiques, au
contact du lias dolo-
* mitique et du cal-
caire à Dicéraies.
21. Dans les argiles
pisolithiques, au
contactduliasdolo-
mi tique et du cal-
caire à Dicérates.
22. Enclavée dans les
schistes supralia-
siques.
ÉTENOUE.
-
13. Longueur E. O.,
400 m.
Largeur N. S., 200 m.
Surface, 8 hect.
|4. Longueur E. O.,
300 m.
Largeur N. S., 100 m.
Surface, 3 hect.
15. Longueur N. S.,
200 m.
Largeur E. O., 100 m.
Surface, 2 hect.
16. Longueur S. N.,
700 m.
Largeur E, O., 250 m.
Surface, 17 hect.
50 ares.
17. Longueur N. S.,
400 m.
Largeur, 100 m.
Surface, 4 hect.
18. Longueur E. O.,
1200 m.
Largeur N. S., 300 m.
Surface, 36 hect.
19. Longueur E. O.,
700 m.
Largeur N. S., 150 m.
Surface, 10 hect.
50 ares.
20. Longueur E. O.,
1100 m.
Largeur N. S., 120 m.
Surface, 13 hect.
20 ares.
21. Longueur E. O.,
400 m.
Largeur N. S., 150 m.
Surface, 6 hect.
22. Longueur E. O.,
2200 m.
Largeur N. S., 150 m.
Surface, 33 hect.
XI. Calcaire a dicérates.
L’étage du calcaire à Dicérates ou crétacé inférieur est
essentiellement formé de calcaire gris clair ou noirâtre carac-
térisé par les coquilles dites Dicérates appartenant au genre
Requienia ; il est fréquemment susceptible de recevoir le poli
et donne de très-beaux marbres, comme aux environs de Saint-
(note de m. mushy. 79
Girons, où il est exploité pour marbre lumachelle, grand et
petit antique, noir funéraire, etc.
11 ne renferme que très-accidentellement des couches schis-
teuses ou terreuses, et les affleurements ophitiques y sont
très-rares; je n’ai eu l’occasion de constater dans cette for-
mation que deux amas d’ophite situés tout près l’un de l’autre,
au hameau de la Grausse, commune de Clermont, sur le bord
de la route nouvelle qui conduit du Mas-d’Azil à Saint-Girons
par Clermont et Lescure ; l’ophite est une diorite tantôt cris-
talline, tantôt terreuse et altérée passant sur son pourtour à des
argiles fortement colorées en rouge par de l’oxyde de fer à
l’état de peroxyde (sanguine). Chacun des deux amas avec
terres rouges associées est encaissé de part et d’autre dans les
assises du calcaire à Dicérates et loin de tout affleurement
granitique ; au contact des calcaires et des ophites $ont de
belles brèches variées fortement colorées, qui donnent des
marbres cervelas de toute beauté, exploités depuis peu de
temps.
Le tableau suivant détermine la situation de ces ophites.
i * - ' J r ' +
NATURE.
SITUATION
géographique.
i • f - •
SITUATION
i i ; : i
gé.ologique.
ÉTENDUE.
1. Diorite grossière
avec argiles ferru-
gineuses.
1. La Grausse de Cler-
mont, près le Mas-
d’Azil.
i. Deux affleurements
voisins et paral-
lèles, encaissés dans
l’étage du calcaire
à Dicérates.
1. Longueur de cha-
que affleurement ,
400 m.
Largeur de chacun,
50 m.
Surface totale, 4 hect.
XIÎ. Crétacé supérieur,
' ■ ' i .< H -r ;f. *.*■», ' • ■
Le terrain crétacé supérieur est constitué par des argiles,
des marnes fossilifères, des calcaires grossiers marneux et des
grès plus ou moins calcaires à délits enduits de mica; il est
rarement métamorphique et en contact avec les roches primi-
tives; il est pauvre en affleurements ophitiques; cependant il
en contient quelques traces aux deux extrémités du dépar-
tement dans les bassins du Lherset duSallat.
1 . Gypse de Rousseau , commune de Benaix , près Layelanet. —
Dans la commune de Benaix, bassin du Lhers, le crétacé
80 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
supérieur est remarquable par ses bancs à rudistes et cyclolites ;
il renferme entre les hameaux de Rousseau et Pages un
affleurementgypseux peu considérable, exploité depuis quelque
temps pour pierre à plâtre; le gypse est en relation avec des
marnes rouges et vertes fortement colorées par l’oxyde de fer,
tout à fait identiques avec les marnes connexes du gypse des
opbites compris dans l’étage du trias; la roche opbitique
n’apparaît nulle part; le gypse est toujours laminaire, cristallin,
comme dans les gisements de cette nature dépendant des
affleurements ophitiques.
2° Diorite grossière de Mercenac et de Bourepeaux avec gypse et
fer magnétique. — Sur la rive droite du Sallat, entre le Gap de
la Lane, commune de Mercenac, et Bourepeaux, est un long
affleurement ophitique formé d’une diorite grossière verdâtre,
tantôt cristalline et alvéolaire, tantôt grossière, plus ou moins
altérée et transformée en terres ocreuses, tantôt schisteuse,
orientée parallèlement aux bancs schisto-terreux encaissants,
passant parfois à de véritables schistes verdâtres satinés et
luisants, à peine imprégnés de quelques cristaux verts d’am-
phibole.
Dans les régions cristallines la diorite est gris verdâtre,
foncée, passant au brun rougeâtre ; elle a des cavités ou cellu-
les en forme d’alvéoles ovoïdales remplies d’ocre ou d'argile;
telle est sa constitution vers l’est, du côté de Mercenac.
A l’ouest, vers Bourepeaux, elle devient plutôt compacte,
terreuse, et passe à des schistes grossiers à peine cristallins.
Cette diorite, qui affleure de l’est à l’ouest sur près de 2 kilo-
mètres et demi avec une puissance variable de 100 à 300 mètres,
sépare les assises gréseuses et marneuses du crétacé supérieur
dont elle occupe la base des couches esquilleuses du calcaire à
Dicérates; elle est en relation avec des dolomies celluleuses et
cariées et des éponges quartzeuses.
Vers son extrémité orientale, la diorite renferme un gise-
ment de fer oxydulé magnétique un peu pyriteux, sur lequel des
travaux assez considérables paraissent avoir été exécutés; le
minerai est à la surface pulvérulent et sableux.
A l’ouest, à la métairie du Barbut et à Bourepeaux sont en
relation avec la diorite d’importants gisements de gypse cris-
tallin laminaire grisâtre, imprégné de grains de pyrite de fer;
&JPS® est exploité activement dans plusieurs carrières pour
les besoins de la localité»
NOTE DE M. MUSSY.
81
Le tableau suivant résume les caractères des amas ophi-
tiques des marnes du crétacé supérieur.
NATURE.
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
1. Gypse avec marnes
colorées.
1. Rousseau , com-
mune de Benaix,
près Lavelanet.
1 . Au milieu des
marnes à rudistes
du terrain crétacé
supérieur.
2. A la partie infé-
rieure des marnes
du crétacé supérieur
à leur contact avec
le calcaire à Dicé-
rates, en relation
avec des calcaires
alvéolaires , sili-
ceux.
1. Surface, 10 ares.
2. Diorite grossière
et schisteuse, avec
gypse et fer magné-
tique.
2. Du cap de la Lane,
Mercenac, à Boure-
peaux, par le Bar-
but.
2. Longueur E. 0.,
2500 m.
Largeur N. S., 200 m.
Surface, 50 hect.
XII. Terrain nummulitique.
Le terrain nummulitique de l’Ariége renferme six étages
distincts qui sont :
1. Schistes et quartzites ou grès éocène;
2. Marnes rouges;
3. Calcaire à Miliolites;
4. Étage nummulitique proprement dit;
5. Alternances variées avec bancs lacustres.
6. Poudingue de Palassou.
Les deux premiers étages essentiellement argileux ou schis-
teux présentent quelques affleurements ophitiques ; les autres
plutôt calcaires n’en contiennent point; cependant, dans le
bassin nummulitique tout spécial du massif d’Ausseing, à l’ex-
trémité occidentale du département de l’Ariége, l’étage pure-
ment argileux, supérieur nummulitique, immédiatement infé-
rieur au poudingue de Palassou qui paraît correspondre à
l’étage n° 5 de la formation ordinaire nummulitique des envi-
rons de Foix, présente les belles diorites avec gypse de Bet-
chat.
Les principaux amas ophitiques de cette formation nummu-
litique sont les suivants :
Soc. géol.y 2e série, tome XXVI.
G
82
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1888.
XIII. Schistes etquartzites ou grès eocene.
Les ophites de cette formation sont tons compris dans la
moitié occidentale du département, où eile est à peu près uni-
quement constituée par des schistes terreux alternant avec de
petits bancs de quarlzites ; les grès éocènes du centre de l’A-
riége n’en présentent aucun; ils sont :
1° Diorite grossière de Capens et de Saint-Alby. — Si on descend
la route de Durban à Clermont, près le Mas-d’Azil, on recoupe
successivement les formations basiques et crétacées dans toute
leur étendue; après avoir traversé les dernières assises du
crétacé supérieur, formées de marnes et de calcaires marneux
jaunâtres, de poudingue à galets calcaires, de quelques grès
grossiers rougeâtres très-ferrugineux, on entre dans une série
alternante de schistes argileux terreux , de quartzites et de
schistes siliceux dont l’ensemble forme la base de la série
nummulitique.
Vers la partie inférieure de ces couches scbisto-siliceuses et
argileuses, tout près de leur contact avec le crétacé supérieur,
est au-dessous du hameau de Capens un affleurement ophitique
un peu complexe, qui comprend une diorite grossièrement
cristalline, des marnes rouges ou vertes fortement colorées
par de l’oxyde de fer en bancs pseudo-stratifiés, dontl’ensemble
rappelle un peu les ophites du trias.
bn face de cet affleurement, sur l’autre versant du vallon, à
la métairie de Saint-Alby, est un amas du même genre de
diorite grossière, accompagnée par une très-grande abondance
de marnes rouges riches en peroxyde de fer.
2° Gypse de Gausser aing. — Un peu plus à l’ouest, sur le bord
de la grande route qui conduit du Mas à Saint-Girons par Cler-
mont et Lescure, on trouve, un peu avant d’atteindre le ha-
meau de Piconis, un gisement assez considérable gypseux en
relation avec des ophites terreux analogues à ceux de Capens,
des marnes rouges et alvéolaires fortement colorées. Cet en-
sem jlt, situé à 1 entrée du vallon de Gausseraing sur la rive
gauche du vallon de Piconis, donne quelques exploitations de
pieires a p âtre, sur 1 autre bord opposé du vallon, il apparaît
ga ement sans être exploité ; le tout est compris dans l’étage
es sc istes et quartzites, non loin de leur voisinage des as-
sises marneuses du crétacé supérieur qui passent un peu plus
haut, au village de Clermont.
NOTE DE M. MUSSY.
83
3* Gypse et sel de Sarradas . — En amont des gypses de Gaus-
seraing et sur le versant méridional du haut coteau qui sépare
les vallées de Clermont et de Camarade, est, au quartier de
Sarradas, un gisement gypseux analogue à celui de Gausse-
raing et compris dans la même formation des schistes terreux
alternant avec des schistes siliceux et des bancs de quartzites ;
ces gypses sont accompagnés d’un vieuxpuits salin qui doit sans
doute, comme à Camarade, révéler la présence souterraine du
sel gemme ; l’ophite proprement dit n’apparaît nulle part,
mais la similitude de situation avec les gisements de Capens,
de Saint- Alby etdeGausseraingdans les mêmes couches permet
d’établir une certaine connexion entre ces gypses avec sel et
les roches ophitiques.
4° Gypse et sel de Camarade . — * Le gisement de Camarade est
compris à la limite supérieure des schistes et des quartzites à
leur contact avec une bande mince de grès sableux et de marnes
rouges formant l’étage inframiliolitique ; en ce point les quart-
zites manquent presque totalement, les schistes sont terreux
et tendres et passent le plus souvent à des marnes jaunâtres
ayant quelque analogie avec les terres ocreuses ophitiques.
Le sol est formé d’argiles jaunâtres et de grès terreux; à
peu de profondeur on rencontre des masses 'gypseuses très-
puissantes, englobant des amas irréguliers de sel gemme qui
saturent toutes les eaux et donnent naissance à un puits salin
connu dans tout le pays depuis un temps immémorial.
Ce puits salin avait 7 à 8 mètres, creusé dans une argile bru-
nâtre, renfermant des cristaux de sélénite et du gypse fibreux;
tout le sous-sol est formé par des argiles gypsifères ; les eaux
salées marquaient 10° à l’aréomètre ; leur richesse et leur quan-
tité étaient variables. Dietrich, qui avait visité ce puits vers 1780,
dit qu’on en tirait par 24 heures 23 cuveaux de 4741 pouces
cubes ou 2462 litres ; on traitait l’eau salée dans une petite
chaudière et on obtenait par jour 200 kilog. de sel.
En 1831, l’extraction moyenne était de 10 à 12 hectolitres
par jour ; à la suite de pluies, et presque subitement, le
niveau de l’eau s’élevait dans le puits et la salure de l’eau aug-
mentait; le minimum de salure correspondait au niveau le
plus bas des eaux et au temps de sécheresse.
Plus tard, ce puits salin fut approfondi vers 1848 ; il avait
14 mètres de profondeur et donnait de l’eau salée d’une ma-
nière assez régulière.
A la même époque des travaux importants furent exécutés :
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
1° Au bas du puits de 14 mètres de profondeur une galerie
sinueuse dont le développement était de 12 mètres ;
2° Cinq sondages différents, dont trois dans les argiles avec
plâtres salifères et deux dans les grès environnants; chaque
sondage est resté dans le terrain où il a été commence; leur
profondeur ne dépassait pas 25 mètres ;
3° Un grand puits cuvele, carre, de 2 métrés de cote et de
33 mètres de profondeur; en le creusant on a rencontré une
petite source salée marquant 50° à l’aréomètre ; ce puits est
englobé dans l’enceinte actuelle de l’usine ; on l’avait creusé
pour y conduire la source de l’ancien puits qui paraît d’ailleurs
en profondeur venir de ce côté.
Plus tard on a prolongé de 5 mètres dans la direction de la
source la galerie sinueuse commencée au bas du petit puits
ancien ; de plus on a commencé un sondage dans les argiles
au toit des couches où coule la source salée ; le 17 octobre
1849, le trou de sonde avait 22 mètres et la teneur de l’eau
était la suivante :
POUR UN LITRE D’EAU
Chlorure de sodium 119 g. 044
— magnésium 2. 082
— calcium 0. 817
Sulfate de soude 8. 002
— chaux 1. 054
130. 999
et en sel cristallisé, 138 gr. 349.
A la même époque, la quantité d’eau amenée par la source
était de 3 litres 92 par minute; elle marquait 12° à l’aréo-
mètre et 13° au thermomètre ; ce débit et la teneur en sel
étaient très-variables suivant les saisons ; à plusieurs reprises
on a pu constater des affluences d’eau considérables ; le débit
s’est élevé parfois jusqu’à 20 litres par minute à la suite de
pluies ; l’eau marquait alors 21° à l’aréomètre ; d’autres fois ce
débit s’est réduit à 2 litres 50, et l’eau ne marquait plus que 5°
à l’aréomètre.
Plus tard deux sondages furent exécutés, l’un à 180 mètres au
N. N. O. de l’ancien puits et l’autre au S. S. E. et à environ 260 mè-
tres de ce puits; ces opérations donnèrent peu de résultats.
En 1850 un nouveau sondage fut essayé à 192 mètres au N. O.
du puits d’extraction englobé dans l’usine ; ce sondage a tra-
versé des marnes et des argiles gypseuses sur une profondeur de
NOTE DE M. MUSSY.
85
19 mètres 65, et a pénétré dans des gypses nonsalifères où il est
resté jusqu’à 34 mètres 10 ; à ce point il a rencontré des
gypses plus ou moins salifères et a atteint le sel gemme à la
profondeur de 64 mètres 10 ; il a successivement traversé trois
couches de sel dur et très-pur, séparées par de petites assises
boueuses et argileuses d’une faible puissance; l’épaisseur de
la première couche était de 1 mètre 25 à 1 mètre 30, celle de
la deuxième de 2 mètres 90 à 3 mètres ; enfin la troisième
couche n’a été percée qu’à la profondeur d’un mètre, bien
que la sonde en ramenât un sel dur, très-blanc, propre sans
préparation aux usages domestiques ; le sondage a été arrêté
à la profondeur de 70 mètres 40.
A la même époque, le puits de l’usine fut approfondi jus-
qu’à 56 mètres ; les 22 premiers mètres sont dans les marnes
et argiles gypseuses, le reste dans les gypses non salifères ; au
fond du puits un sondage fut essayé ; il est resté dans les gypses
jusqu’à la profondeur de 80 mètres, et a pénétré alors dans la
formation des gypses salifères, où il a été approfondi jusqu’à
109 mètres, sans recouper le sel gemme.
Un grand sondage a été un peu plus tard exécuté à 80 mè-
tres au N. O. du puits de l’usine et à 112 mètres au S. E. du
premier sondage ; il a successivement rencontré le gypse à
11 mètres, le gypse salifère à 39 mètres 70 et le sel gemme à
46 mètres 80 qu’il a traversé sur une profondeur de 22 mètres,
sans trouver la base inférieure du gisement salin.
Pour recouper l’amas de sel gemme rencontré dans les deux
principaux sondages, une galerie horizontale de recherche
fut commencée au bas du puits etdirigéeauN. O. vers la dernière
masse découverte ; elle avait 80 mètres à parcourir pour l’at-
teindre ; à environ 60 mètres du puits, elle rencontra une forte
source qui inonda tous les travaux et dont les pompes ne pu-
rent parvenir à se rendre maîtres ; depuis cette époque les tra-
vaux souterrains de Camarade sont noyés et l’exploitation n’a
d’autre objet que l’évaporation dans des chaudières de l’eau
salée, qui afflue en grande abondance dans le puits principal
de l’usine.
L’extraction de l’eau salée se fait au fur et à mesure des be-
soins par une pompe d’épuisement qui fonctionne un jour par
semaine, quand l’atelier d’évaporation est en bonne marche ;
dans ces conditions elle peut donner 100 hectolitres d’eau par
heure, contenant 33 kilog. de sel par hectolitre ; le niveau su-
périeur de l’eau salée est toujours à 18 mètres en contre-bas
86
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
du sol de l’usine ; le reste est pendant l’hiver plein d’eau non
salée qu’on épuise une fois pour toutes au commencement de
chaque campagne par une pompe spéciale.
L’ensemble de ces faits indique la présence de sources sa-
lées dues à l’existence de masses de sel gemme et une con-
nexion intime entre ce sel et les gypses et argiles gypsifères ;
d’autre part la constatation des mêmes gypses dans le voisinage
en relation avec des roches ophitiques permet de rattacher aux
affleurements des roches de cette nature le gisement gypseux
et salifère de Camarade.
Le tableau suivant indique l’ensemble des faits ophitiques
qui se rapportent à l’étage des schistes et des quartzites.
NATURE.
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
1. Diorite grossière,
1. Capes et Saint-
•
1. En relation avec
i. Longueur E. 0.,
arènes et terres
Alby, sur le chemin
les schistes terreux
700 m
rouges.
de Durban au Mas-
d’Azil, de chaque
côté de la route.
de l’étage des schis-
tes et quartzites,
non loin de son con-
tact avec le crétacé.
Largeur N. S., 50 m.
Surface, 3 hect. 50 a.
2. Gypse et terres rou
2. Gausseraing, sur
2. Dans les schistes
2. LongueurN.O. S.E,
ges.
la route de Cler-
mont au Mas-d’A-
zil.
terreux avec quart-
zites, non loin des
marnes du crétacé
supérieur.
1000 m.
Largeur, 200 m.
Surface, 20 hect.
3. Gypse et sel.
3. Sarradas, en amont
de Gausseraing.
3. Dans les schistes
terreux, avec quart-
zites, à leur contact
avec le calcaire à
Miliolites.
3. LongueurN.O. S.E. f
300 m.
Largeur, 100 m.
Surface, 3 hect.
4. Gypse et sel.
4. Camarade, quar-
tier de Laffite, puits
salin.
4. Dans les schistes
terreux, avec quart-
zites, à leur contact
avec le calcaire à
Miliolites.
4. LongueurN.O. S.E.
600 m.
Largeur, 200 m.
Surface, 12 hect
X1Y. Marnes rouges inframiliolitiqites.
L étage des marnes rouges vivement colorées, à bancs rares
de grès plus ou moins calcaires, est pauvre en affleurements
ophitiques ; à l’extrémité orientale du département, au Val-
d Amour, qui descend de l’est à l’ouest vers Belesta, en par-
tant de la limite de 1 Aude, on voit se développer dans ces
marnes des masses de gypse rouge, au contact du calcaire à
Miliolites; deux sont exploitées, l’une un peu au-dessous et à
gauche du hameau de Carme dans l’Ariége et l’autre un peu
NOTE DE M. MUSSY. 87
au delà sur le bord de la grande route à la limite extrême de
l’Ariégê et de l’Aude et dans ce dernier département.
Ces gypses sont analogues à ceux de Gausseraing ; des
schistes et des quartzites peuvent également être rapportés aux
formations ophitiques ; ils sont accompagnés de quelques ar-
giles très-rouges et colorées par le peroxyde de fer, comme
dans la région du Mas-d’Azil.
Le tableau suivant précise la situation de ce gisement gyp-
se ux :
NATURE.
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
ÉTENDUE.
1 . Masses gypseuses
avec argile rouge
ferrugineuse.
1. Carme Val d’A-
monr, à l’E. de Be-
lesta.
1. Dans les marnes
infra-milioli tiques ,
au contact du cal-
caire à Miliolites.
1. Surface, 50 ares.
XV. Étace nummulitique supérieur.
La formation nummulitique du massif d’Ausseing comprend
au-dessus du calcaire à Miliolites trois sous-étages qui sont
par ordre d’âge : un étage calcaire, un étage essentiellement
marneux et le poudingue de Palassou, analogue à celui du
bassin de l’Ariége.
La fraction essentiellement marneuse présente à l’extrême
limite du département de l’Ariége, dans la commune de Bet-
chat, un affleurement ophitique des plus étendus et des plus
r&narquables.
Le bassin gypseux et ophitique occupe un large espace
triangulaire allongé, dont la base ayant 2,500 à 3,000 mètres
suit le chemin qui conduit du hameau de Clouzet au vieux
château de Castelbon et de Nauton ; les deux côtés du triangle
sont formés du côté de l’ouest parle chemin de Clouzet à Jour-
dyn par Pontsole, du côté de l’est par la rivière du Lins, qui
forme la limite de l’Ariége et de la Haute-Garonne ; la hauteur de
ce triangle est de 2 kilomètres ; sur la rive droite du Lins dans
la Haute-Garonne, la formation gypseuse s’étend en lisière
étroite sur une centaine de mètres au plus, dominée par un
bourrelet étroit d’ophite cristallin.
Au centre du triangle minéral de Betchat et sur presque tout
8S
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
son pourtour sont des masses ophitiques formées d'une dio-
rite très-cristalline qui s’étendent entre les hameaux de Char-
ron, Pontsole, Grange et Castelbon ; la diorite est vert foncé,
largement cristalline, formée de feldspath labrador et d’amphi-
bole ; elle est surtout remarquable en bourrelet étroit et sail-
lant au nord de la formation et sur la rive droite du Lins dans
la Haute-Garonne.
Tout autour du noyau ophitique central, le gypse est dis-
posé en forme de croissant très-épaisau nord-ouest et à l’ouest,
mince au sud et à l’est ; dans sa région la plus riche au quar-
tier de Jourdyn, la masse gypseuse affleure sur une largeur
de 500 à 600 mètres du nord au sud, et sur une étendue de
près d’un kilomètre ; son épaisseur, qui a été fréquemment
sondée jusqu’à 50 mètres et 60 mètres par des travaux d’ex-
ploitation sans recouper la roche stérile, est très-grande et in-
connue.
La diorite passe au gypse par des argiles gypseuses bario-
lées, colorées en rouge ou vert par l’oxyde de fer; elle est rare-
ment décomposée et ne donne point de wakes ocreuses.
Le gypse est disposé en masses irrégulières de qualité va-
riable, séparées par de vastes surfaces de délits entre-croisées,
plongeant en tous sens de 40° à 45° ; il est toujours plus ou
moins cristallin, rarement complètement blanc, comme à
Arignac, souvent un peu grisâtre terreux, assez fréquemment
coloré en rouge ou en vert, surtout à la surface, et mêlé à des
argiles ocreuses fortement colorées par l’oxyde de fer; il est
souvent criblé de grains de pyrite de fer.
L’exploitation du gypse à Betchat pour pierre à plâtre re-
monte à une époque très-reculée et est des plus importantes;
les carrières sont nombreuses, souterraines et parfois très-
profondes; par places sont de grands effondrements remplis
d’eau, qui révèlent la présence d’anciens travaux souterrains
très-considérables ; la production annuelle des carrières de
Betchat atteint près de 300,000 quintaux métriques.
Le tableau suivant précise la situation du grand affleurement
ophitique de Betchat.
NOTE DE M, MUSSY.
89
NATURE.
SITUATION
géographique.
SITUATION
géologique.
*
ÉTENDUE.
1. Diorite cristalline,
avec gypse cristal-
loïde imprégné de
pyrite de fer.
1. Betchat, extrémité
N. 0. du départe-
ment. s’étendant un
peu dans la com-
mune de Gerizols,
par Manton.
1. En relation avec
l’étage marneux
nummulitique du
massif d’Àusseing,
immédiatement in-
férieur au poudin-
gue de Palassou.
1. Longueur N. 0. S. E.
Largeur moyenne .
1000 m.
Surface, 2mq 50hect.
Les autres formations nummulitiques et le miocène de la
basse Ariége ne renferment pas d’affleurements ophitiques ;
les faits cités plus haut indiquent que la principale masse de
ces roches peut être rapportée à peu près par proportions
égales aux transformations des marnes irisées, du lias cristal-
lin et des marnes ou schistes supraliasiques.
Résumé. Pour préciser les idées au sujet de l’importance des
roches ophitiques de l’Ariége, j’indique dans le tableau ci-des-
sous le nombre et l’étendue de chaque massif rapporté aux
divers étages géologiques de la contrée.
90
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868
Total
NOTE DE M. MUSSY.
91
Pour mieux comparer les importances relatives des affleu-
rements ophitiques des divers étages géologiques, je suppose-
rai à l’ensemble de chaque groupe une épaisseur moyenne
d’un kilomètre; le tableau suivant indique alors leur longueur
correspondante :
I-II. Granités et gneiss 10 mètres
III. Silurien inférieur 922
IV. Silurien supérieur 10
V. Dévonien Q, 1
VI. Grès bigarré 7, 5
VIL Marnes irisées 7884
IX. Lias supérieur 4271
X. Marnes et schistes supraliasiques. . 308 0
XL Calcaire à Dicérates 40
XII. Crétacé supérieur 501
XIII. Schistes et quartzites . 385
XIV. Marnes rouges inframiliolitiques. 5
XV. Étage nummulitique marneux.. 2500
Pour l’ensemble des formations. . . 19615
En résumé, l’ensemble des affleurements ophitiques du dé-
partement de l’Ariége occupe une superficie qui ne dépasse
pas un rectangle de 20 kilomètres de long sur un kilomètre de
large.
Je me bornerai pour le moment à la description de ces faits
concernant les affleurements ophitiques de l’Ariége, meréser-
vant de renvoyer à une note postérieure les hypothèses pos-
sibles sur le mode de formation de ces roches.
Avant de terminer, je ferai observer de nouveau que, chargé
par Son Excellence le Ministre de l’agriculture, du commerce
et des travaux publics et le Conseil général du département de
PAriége de continuer la carte géologique de ce département,
commencée autrefois par M. François, inspecteur général des
mines, j’ai extrait cette petite note de mon travail actuellement
terminé et j’ai eu fréquemment recours aux excellentes notes
que je dois à l’obligeance de M. François.
M. Daubrée présente ensuite, en son nom, deux notes,
Pune sur de nouveaux gisements de phosphate de chaux
( V . la Liste des Dons), l’autre sur de nouvelles expériences
synthétiques relatives aux météorites (F. la Liste des Dons).
92
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
M. Longo offre à la Société deux notes sur la vulcanogéo-
logie (K la Liste des Dons).
M. Terquem demande l’insertion dans les Mémoires delà
Société d’un travail sur le Fuller's-earth de la Moselle.
Cette demande est renvoyée au Conseil.
M. Marcou présente au nom de M. Barrandedeux notes :
la première sur la faune silurienne de Hof en Bavière, la
deuxième sur la réapparition du genre Arethusina , et de-
mande, au nom de leur auteur, l'insertion de ces deux
notes au Bulletin.
Le même membre met ensuite sous les yeux de la Société
une pierre météorique, tombée le 11 juillet 1868, àLavaux,
près d'Ornans (Doubs), et lit sur cette chute la note suivante :
Notes sur une météorite tombée le 11 juillet 1868, cl Lavaux, près
Ornans (Doubs); par M. Jules Marcou.
J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société une
météorite tombée récemment, 11 juillet dernier, dans la vallée
de Lavaux, sur le territoire d’Ornans (Doubs). Je la dois à mes
amis, MM. Gustave Courbet, le célèbre maître-peintre d’Or-
nans, Max Buchon, le poète franc-comtois, et le docteur
Éd. Ordinaire, qui ont mis la plus grande complaisance pour
me procurer la moitié de ce qui a été trouvé après la chute.
Le fils du docteur Ordinaire, M. Olivier Ordinaire, jeune chi-
miste déjà connu dans la science, a bien voulu recueillir sur
les lieux mêmes les renseignements relatifs au phénomène et
que je vais résumer.
Le 11 juillet, vers sept heures un quart du soir, par un temps
très-beau et sans nuage, on entendit, dans la ville d’Ornans et
dans les villages voisins, quatre détonations semblables à des
coups de canon, tirés à intervalles égaux et assez longs pour
que l'on pût faire une réflexion entre chacun d'eux. Ensuite,
neuf ou dix coups plus faibles se succédèrent très-rapidement,
comme un feu de peloton. Le dernier fut plus violent que les
autres et de la même intensité que les quatre premiers. Aussitôt
après, un sifflement commença, comparable à celui que ferait
un grand nombre de locomotives sifflant toutes à la fois. Puis,
un corps noir tomba à terre, dans la vallée de Lavaux, au lieu
dit ia raie de Coutaule , au sud-ouest d’Ornans, dans la direc-
NOTE DE M. MARCOU.
93
lion de Flagey. Deux ouvriers nommés Roussel et Coulet,
occupés à faucher de l'herbe, furent renversés, et virent tomber
la météorite à seulement soixante-cinq mètres de distance du
point où ils étaient. S'étant approchés, ils trouvèrent la mé-
téorite encore tiède et brisée en deux parties égales; elle avait
fait dans la terre végétale un trou de vingt-huit centimètres de
profondeur sur vingt-un centimètres de largeur. Le temps qui
s’est écoulé entre la première détonation et la chute est con-
sidérable; car, d’après Roussel, l’un des spectateurs du phé-
nomène, il aurait été de dix minutes. En vérifiant sur le terrain
même, et montre en main, les allées et arrêts faits par Roussel
et Coulet, qui, effrayés, ont cherché un abri, M. Olivier Ordi-
naire est arrivé à peu près au même résultat. C’est peut-être
l’exemple le mieux constaté d'une aussi longue durée de temps
entre la première détonation et la chute d’une météorite. Le
bolide marchait du sud vers le nord ; et, quoique les éléments
pour en tracer la trajectoire ne soient pas encore suffisants,
on peut dire que les détonations et le sifflement semblaient
partir de Salins (Jura) et venaient en s'approchant d’Ornans.
Entendus dans un grand nombre de villages autour d'Ornans,
surtout à Longeville, Ghantrans, Montgesoye, Maisières, Vuil-
lafans, Cléron, Malbran, Scey, Chassagne, Flagey, etc., tous les
habitants ont cru aux premières détonations que les Prussiens
bombardaient les forts de Salins.
Lesdeuxfragments, quijuxtaposésreproduisaient lamétéorite
telle qu'elle existait au moment de rencontrer le sol, pesaient
six mille cinquante grammes. Sa surface est recouverte d’une
croûte semblable à celle de la plupart des météorites pier-
reuses. Analysée par notre confrère M. F. Pisani, à qui je
l'avais confiée, et qui a publié les résultats de son analyse dans
les Comptes rendus de l’Académie des sciences , séance du 28 sep-
tembre dernier, la météorite d’Ornans rentre dans le sous-
groupe des cryptosidères de la classification de M. Daubrée ;
elle est à la limite des espèces où le fer métallique est peu
abondant, et elle se rapproche beaucoup des météorites qui
en sont dépourvues.
Sa couleur, à la cassure, est d'un gris un peu plus foncé que
la plupart des autres météorites pierreuses; sa texture est gra-
nuleuse, ooiithique et très-friable ; et au premier aspect on la
prendrait pour un morceau de grès de mollasse suisse, des en-
virons de Lausanne ou de Berne. Elle ressemble aussi à de la
cendre volcanique cimentée assez faiblement et soumise à une
9ï SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
forte pression. Sa porosité est considérable, puisqu'en deux
heures un fragment plongé dans Peau en a absorbé environ 1/10
de son poids. Le fer métallique y est en grains très-petits, visibles
seulement à la loupe, et en petite quantité. Elle est très-peu
magnétique. Sa densité est de 3,599. Au spectroscope, on voit la
chaux et la soude. Sa composition est de 75,10 de péridot;
silicate inattaquable, 15,26; fer nickelifère, 1,85; pyrite ma-
gnétique, Fe7S8, 6,81; et fer chromé, 0,40. Ce qui frappe sur-
tout dans cette météorite, c'est la grande quantité de péridot
qu'elle renferme et qui dépasse beaucoup la moyenne des
autres météorites connues jusqu'à présent. Au lieu de 50 p. 100,
elle contient 75 p. 100 de péridot. Sous ce rapport, elle est
unique , et elle semble donner un grand poids à l'idée émise
par notre savant confrère, M. Daubrée, que le péridot peut être
considéré comme scorie universelle.
Analyse totale par M. Pisani.
Silice
Alumine
Oxyde ferreux
Oxyde de manganèse
Magnésie
Chaux
Soude, potasse. .....
Oxyde de Nickel....
Fer nickelifère
Soufre
Fer
Cuivre
Fer chromé
Phosphore
Après quelques observations de M. Pisani, à propos de
cette météorite, M. Marcou fait passer sous les yeux de ses
confrères une photographie prise au musée de Christ-
Church, dans la Nouvelle-Zélande, et représentant 3 sque-
lettes de Dinornis.
M. Daubrée fait la communication suivante :
3J, 23
4, 32
24, 71
traces
24, 40
2, 27
0, 55
2, 88
1, 85
la) 6’81 Fe’S8
traces
0, 40
traces
r"™ • <
99, 42
NOTE DE M. DAUBRÉE.
95
Observations sur la météorite d’Ornans et sur l’imitation artificielle
de sa structure globulaire ou chondritique ; par M. Daubrée.
Je demanderai à ajouter quelques observations aux deux
notes intéressantes dont la météorite d’Ornans vient d’être
l’objet de la part de M. Jules Marcou et de M. Pisani.
Fusion de la météorite. M. Olivier Ordinaire avant bien voulu
«/
se dessaisir, en faveur du Muséum, du bel échantillon qu’il
possédait, on se représente facilement, en rapprochant ce frag-
ment de celui que nous possédions déjà, la forme et les dimen-
sions qu’avait la météorite, avant qu’elle se fût brisée sur le sol.
Gomme d’ordinaire, elle a la forme d’un fragment polyédri-
que à arêtes émoussées, dans lequel on distingue deux grandes
faces sensiblement parallèles, et deux autres plus petites, à
angle droit entre elles, en même temps que sur les deux pre-
mières. Les dépressions, quelquefois si fréquentes, sont ici
comparativement rares. Toutefois, on y remarque, comme
dans beaucoup d’autres cas, des sillons très-prononcés ou en-
coches^ qui sont au nombre de deux.
Les trois dimensions principales ont 25, 15 et 10 centi-
mètres.
La croûte, qui est mate, présente des caractères très-diffé-
rents, suivant les faces de l’échantillon. Sur la plus grande
étendue, elle est faiblement rugueuse et chagrinée. Au con-
traire, sur la principale face plane, la croûte est très-fortement
bulleuse, en même temps qu’elle y a acquis plus d’épaisseur.
Si l’on en examine la disposition générale, on voit que la ma-
tière vitrifiée, à laquelle la croûte doit naissance, a ruisselé vers
cette large face plane qui, manifestement, occupait l’arrière du
projectile, pendant son incandescence momentanée.
Quand on fond la météorite d’Ornans, dans un creuset bras-
qué de charbon, à la haute température du chalumeau à gaz de
M. Schlœsing, on obtient, comme d’ordinaire, une masse com-
posée de deux parties distinctes : l’une métallique, l’autre li-
thoïde.
La première est formée par le fer de la météorite, auquel
s’est ajouté celui qui provient de la réduction d’une partie du
péridot. A part le culot qu’elle constitue, cette partie métalli-
que est disséminée en grenailles à la surface et dans l’inté-
rieur de la masse pierreuse.
A la partie supérieure du culot est une sorte d’anneau for-
96 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
iné de sulfure, qui s’est isolé, à raison de la différence de den-
sité.
La couleur gris de fer du culot métallique présente un reflet
cuivreux, comme celui que donne le titane.
Quant à la matière lithoïde, elle est entièrement cristalline
à sa surface et montre, de toutes parts, des octaèdres à base
rectangulaire, très-obtus, caractéristiques du péridot.
On n’y distingue pas, comme dans le produit de la fusion
de beaucoup d’autres météorites, des aiguilles d’enstatite. Le
bisilicate, qui doit s’y trouver, est caché dans la masse de péri-
dot, ainsi qu’onl’a expliqué, à propos d’expériences antérieu-
res (1). En tous cas, on peut voir dans cette expérience la con-
firmation du résultat de l’analyse, savoir que le péridot do-
mine dans la météorite d’Ornans.
Structure oolithique de la météorite. La météorite d’Ornans est
si peu cohérente qu'elle se désagrégé sous la simple pression
des doigts; on ne peut même en toucher la cassure, sans qu’il
en adhère aux doigts de la poussière. C’est un caractère extrê-
mement rare, qui suffirait déjà à la distinguer des météorites
du type commun et à la rapprocher des météorites charbon-
neuses.
Si l’on examine la matière désagrégée, on reconnaît à l’œil
nu, ou mieux à la loupe, qu’elle se compose d’innombrables
petits globules, les uns sensiblement sphéroïdaux, les autres
de formes diverses, mais toujours arrondis.
Ces globules ont un diamètre inférieur à 1/3 de millimètre
(0mm,30). Il en est même beaucoup dont le plus grand diamè-
tre n’est que de 0mm,20 à 0mm,10; d’autres enfin sont encore
moindres. La partie la plus tenue, examinée au microscope,
paraît aussi globulaire pour la plus grande partie, si ce n’est
même entièrement.
On sait que pour la plupart, les météorites pierreuses pré-
sentent dans leur cassure des formes globulaires qui, dans la
classification de M. Gustave Rose, ont valu au principal groupe
le nom de chondrites . Mais la météorite d’Ornans diffère de cel-
les qui ont été décrites par le développement, dans toute la
masse, par 1 uniformité et par la finesse de la structure globu-
laire.
Parmi les roches terrestres qui se rapprochent le plus, pour
(1) Bull, de la Soc. géol.} 2e série, t. XXIIÎ, p. 291.
5
NOTE DE M, DAUBRÉE. 97
la structure, de la météorite d’Ornans, on peut citer le cal-
caire oolithique, si abondant, dans certains étages du terrain
jurassique, ainsi que certains quartz, comme on en trouve
dans les terrains tertiaires du Berry, par exemple, et qui parais-,
sent provenir d’une épigénie du calcaire oolithique sous-ja-
cent. Quant aux roches terrestres formées de silicates, comme
la partie oolithique des météorites, il en est beaucoup de glo-
bulaires, telles que les pyromérides de Corse, certaines roches»
feldspathiques de 111e d’Aran, les perlites, etc. Mais entre ces
roches et la pierre d’Ornans, il existe des différences du môme
genre que celles qui séparent de cette dernière les autres mé-
téorites oolithiques.
Les globules, qui constituent la météorite d’Ornans, parais-
sent être à peu près dépourvus de ciment. Soumis à l’action
de l’eau distillée, ils ne donnent que des traces de sel soluble,
consistant en sulfate de magnésie et d’alcali, sans fer.
Il n’est d’ailleurs pas besoin de cette petite quantité de»
substance saline pour expliquer la faible agglutination que,
présente la pierre; car il est remarquable que quand les globu-<
les ont été désagrégés par la pression, on peut les réagglutiner,
en leur apportant un peu d’eau, et on reconstitue ainsi, en
quelque sorte, la météorite primitive.
Examinés au microscope, les globules d’Ornans sont opaques
sur presque toute leur étendue. Ils perdent cette opacité, quand
on les traite par l’acide chlorhydrique, ce qui paraît résulter de
la dissolution du fer métallique, qui forme comme un enduit
à leur surface. Une fois décapés de cette manière, ils agissent
sur la lumière polarisée.
Ce fait indique que la pierre d’Ornans doit prendre place
dans le groupe des Kryptond'eres. Elle se distingue toutefois de
ia manière la plus nette des types de Ghassigny et de Juvinas et
constitue un nouveau type.
Si on écrase les globules, on obtient un grand nombre de
fragments transparents, qui agissent aussi très-vivement sur la
lumière polarisée et se comportent comme des fragments de-
cristaux. On peut alors reconnaître que leur structure ne pré-
sente pas de couches concentriques ni de fibres rayonnant, à
partir du centre, ainsi qu’on le trouve dans certains pisolithes
terrestres, tels que ceux de Carlsbad. formés par des dépôts
successifs.
Ces derniers caractères négatifs paraissent d’ailleurs se trou-
ver en général dans les globules si fréquents dans les météo-
Soc. géol., 2e série, tome XXVI, 7
98 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868»
rites, ainsi qu’il résulte de l’examen microscopique qui en a
été fait par M. Gustave Rose (1). Ce savant y a seulement con-
staté des faisceaux de lignes parallèles, dont j’ai trouvé les
analogies, en cherchant à reproduire artificiellement les mé-
téorites.
Parmi les météorites où la structure est particulièrement
développée, on peut citer : 1° celles de Montréjeau (Haute-
Garonne), 9 décembre 1858 et de Pégu (Inde), 27 décembre
1857 ; 2° celles de Bustee (Inde), 2 décembre 1852 et de Sige-
na (Espagne), 17 novembre 1773; 3° celle de Parnallee (2),
(Inde), 28 février 1857, et 4° celle d’Ornans.
Imitation artificielle de la structure oolithique. — A quelle cause
peut-on attribuer cette texture globulaire, si fréquente dans
les météorites et si caractérisée dans celles d’Ornans en par-
ticulier?
Dans les roches et minéraux terrestres, où il existe une
structure semblable, tels que, d’une part, les dépôts calcaires
de Carlsbad et la îimonite oolithique et, d’autre part, les
roches sili calées, elle peut dériver de plusieurs causes dis-
tinctes.
Sans revenir sur des modes de formation qui sont connus,
j’ai cherché dans quelles circonstances spéciales la texture glo-
bulaire des météorites, telles que celle d’Ornans, a pu se for-
mer, en tâchant de l’imiter.
Dans des expériences antérieures (3), j’avais déjà obtenu,
sous la forme globulaire, des silicates magnésiens de composi-
tion analogue à ceux des météorites; mais il est possible de les
imiter plus complètement encore, non-seulement dans leur
forme, mais même dans leur composition chimique.
Si l’on fond du péridot, après l’avoir mélangé préalable-
ment de charbon, de manière à le diviser suffisamment, la
substance silicatée, en refroidissant, s’isole, sous forme de pe-
tits globules, les uns sphéroïdaux, lesautres présentantdes dé-
formations entièrement semblables à celles qu'on observe dans
les globules d’Ornans.
(O Beschreibung und Eintheilung der Meteoriten, 1864, p. 98,
(2) N. S. Maskelyne. Notices of aerolites.
(3) Expériences synthétiques relatives aux météorites. Bulletin de lq
Société géologique de France , âc série, t. XXI II, p. 291,
99
NOTE DE M. DAUBRÉE,
La ressemblance est encore plus intime que n’indiquerait la
première vue; car les globules, ainsi obtenus, ne sont; plus
exclusivement formés de péridot, mais ils sont intimement
mélangés de fer métallique très-divisé, résultant évidemment
d’une réduction partielle du silicate primitif, qui est, comme
on sait, à base de magnésie et de protoxyde de fer.
En outre, comme on l’a observé dans des expériences anté-
rieures, par suite de cette réduction partielle, il se reproduit,
aux dépens du protosilicate (péridot), du bisilicate (enstatite
ou pyroxène), tel qu’en présente aussi la météorite qui nous
occupe.
Enfin, ces globules artificiels, examinés en tranches minces
à l’aide de la lumière polarisée, se comportent exactement
comme les globules de la pierre d’Ornans.
Gomme on le voit, ils ne diffèrent sensiblement de ceux-ci
que par leur diamètre moyen, qui est plus grand.
Il suffit de mélanger au péridot 1/8 de son poids de charbon
pour obtenir une granulation parfaitement nette.
Bien des substances, autres que le charbon, interposées dans
la masse silicatée, au moment de sa solidification, peuvent
produire le même résultat (1).
L’expérience que je viens de signaler jette donc du jour sur
l’origine de la structure oolitbique delà météorite d’Ornans et,
en général, sur la structure globulaire des météorites.
Quant à l’état de division du fer, au milieu des silicates qui
constituent la pâte, il ressemble complètement à celui sous le-
quel il se sépare dans une masse de péridot, que l’on réduit
par l’hydrogène. La couleur d’une pareille masse est d’ailleurs
identique avec celle de la météorite d’Ornans.
L'expérience vient encore à l’appui d’une supposition, an-
térieurement émise dhme manière générale (2), que les mé-
(1) C’est ainsi que dans les appareils connus sous le nom de pulvérisa-
teurs, c’est l’air, d ns lequel les liquides sont projetés, qui les réduit à l’état
globulaire. Le mercure donne un exemple bien connu de cette forme dans
les liquides.
Dans la fabrication du plomb de chasse, la granulation s’obtient d’une au-
tre manière.
Quant aux laitiers granulés, tels qu’on les obtient on les faisant arriver du
creuset dans l’eau, la forme des grains ne présente plus la régularité des*
globules obtenus par le procédé qui vient d’être indiqué.
(2) Bull . Soc. géol. de France. 2° série, t. XXllt, p. 398. 399 et 403,
/
100 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
téorites se seraient formées dans une atmosphère hydro-
génée.
Le Secrétaire donne lecture des deux notes suivantes de
M. C o quand :
Note sur les assises qui, dans les Bouches-du-Rhône, sont placées
entre Voxfordien supérieur et V étage mlenginien ( base du terrain
crétacé ); par M. H. Coquand.
La géologie stratigraphique dans les contrées non tourmen-
tées et riches en fossiles est chose généralement assez simple
et commode, quand on ne désire pas entrer trop avant dans
les questions de détail, et qu’on se contente d’examiner les
étages en bloc, sans s’occuper des subdivisions en lesquelles
ils sont susceptibles d’être dépecés. Un paléontologue exercé
se tire d’affaire en peu de temps, et je n'en veux pour preuve
que le nombre d’excellents mémoires qui souvent ne sont le
résultat que de deux ou trois excursions de la part de leurs
auteurs. Mais il n’en est pas ainsi lorsqu'on s’attaque à des
régions bouleversées comme les Alpes et les Pyrénées, et nous
pouvons ajouter les Alpes provençales, quoique ces dernières
soient établies sur une échelle plus modeste. Pour le classement
des masses pauvres en corps organisés fossiles, on sait tous
les efforts et toute la science qu’il a fallu dépenser, pour resti-
tuer aux étages méconnus ou outragés de ces diverses mon-
tagnes ce qu’on pourrait, par figure, appeler leur état civil ;
et, malgré les résultats positifs obtenus, combien de ques-
tions relatives à leur constitution attendent encore leur solu-
tion définitive. 11 faut bien reconnaître que ces difficultés sont
grandes, puisqu’elles ont arrêté des observateurs habiles et
expérimentés qui, après avoir enlevé d’assaut toutes les posi-
tions fossilifères, ont dû s’arrêter et réserver leur opinion rela-
tivement a des portions de ces montagnes, de plusieurs centaines
de mètres de puissance, qu’ils n’ont pu classer, soit parce qu’ils
avaient perdu le fil conducteur en perdant la piste des fossiles,
, ou bien que le temps leur manquait pour le retrouver. En gé-
néral, ils n’ont deviné juste qu’à la condition d’avoir pu lire à
livre ouvert par les yeux de la paléontologie, et ils ont erré ou
NOTE DE M. COQUAND.
101
sont devenus muets, quand, le caractère paléontologique leur
faisant défaut, il convenait de réclamer des arguments aux
études stratigrapbiques, études toujours rudes et ingrates, et
dans lesquelles M. Lory a si habilement réussi. Mon intention
est de fournir, dans cette note, quelques éclaircissements pour
certaines questions relatives à la position qu’occupent, dans la
série, des masses très-puissantes de dolomies et de calcaires
blancs, qui se trouvent incontestablement placés entre le valen-
ginien d’un côté et l’oxfordien supérieur de l’autre, et que
quelques géologues persistent à faire remonter au niveau des
calcaires blancs à Chaîna ammonia.
Dans son excellent mémoire sur la Provence, M. Hébert (1)
n’a pas dépassé, dans la nomenclature des divers étages juras-
siques qu’il a reconnus dans les environs de Solliès, le niveau
des marnes oxfordiennes. 11 ne s’est point prononcé sur l’âge
des dolomies et des calcaires blancs qui surmontent ces marnes,
et dans lesquels les fossiles, quand on a la bonne fortune d’en
rencontrer quelques-uns, sont tellement empâtés dans la roche,
qu’il devient presque impossible de les déterminer. Or, c’est
justement cet ensemble de couches qui, sur plusieurs points,
et notamment dans la montagne de Garpiane, près de Marseille,
atteint, s’il ne les dépasse, 300 mètres de puissance, que je con-
sidère comme le représentant du corallien et du jurassique
supérieur peut-être, puisqu’il en occupe la place. Cette opi-
nion, je l’avais déjà émise dans mon mémoire sur la Sainte-
Baume (2) en 1864; mais, comme elle n’a pas été acceptée par
tous, et que, d’un autre côté, dans le massif montagneux de la
Sainte-Baume, à cause des nombreuses failles qui le dénivellent
à chaque pas, les coupes se présentent rarement d’une manière
bien nette, je me suis mis en quête de terrains mieux réglés, et
je pense avoir réussi à en découvrir qui me paraissent devoir
satisfaire les exigences, d’ailleurs légitimes, des géologues les
plus difficiles.
La route de Marseille à Cassis est tracée à travers une chaîne
de montagnes qui sépare la vallée de l’Huveaune de la Méditer-
ranée, et dont le point culminant, nommé Carpiane, atteint l’al-
titude de 646 mètres. Au delà du village de Sainte-Marguerite,
elle entame successivement le calcaire à Chaîna ammonia , le
(1) Hébert, Du terrain jurassique de la Provence, 1861.
(2) Descript . gèol, du massif de lu Ste Baume } p. 59 et suiv. 1864.
102 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
néoeomien et le valenginien, puis des calcaires blancs, des
dolomies grenues, enfin les étages oxfordien et kellovien qui
occupent le fond du vallon de Vaufrége; et, comme en ce point
où les couches se courbent en route, la plongeaison, qui est
d’abord de PE. à Ï’O., s’opère en sens opposé, c’est-à-dire de
PO. à PE., on recoupe la série dans un ordre inverse et on finit
par retomber sur le calcaire à Charria qu’on n’abandonne plus
jusqu’à Cassis.
La description qui va suivre a pour but de faire connaître les
divers terrains que l’on rencontre à partir du fond du vallon de
Vaufrége jusqu’à Carpiane; et, comme dans ce trajet aucune per-
turbation n’a changé l’ordre normal de succession, il nous sera
facile de nous rendre compte de la composition des roches et
de leur épaisseur. J’aime à croire qu’il ne s’élèvera aucune ob-
jection sérieuse contre les conséquences qui découleront de
mon exposition, et que l’on voudra bien me savoir quelque gré
du nouveau travail que j’entreprends, à cause des difficultés
très-grandes que présente l’étude du terrain jurassique dans
nos montagnes littorales :
En partant des fours à chaux de Vaufrége, et en remontant
vers les cimes de Carpiane, c’est-à-dire en marchant de PE. à
PO., on recoupe les assises suivantes (fig. i) :
1° Calcaires marneux C alternant avec des argiles noirâtres
feuilletées et délitables, représentant dans leurs bancs supé-
rieurs le keilovien supérieur que caractérisent d’une manière
sûre les Ammonites macrocephalus , A. anceps et A. subbackeriœ ,
d’Orb.
2° Calcaires gris D en bancs épais, fort réguliers, à cassure
lithographique, exploités comme pierres d’appareil et comme
pierres à chaux. Dans quelques feuillets argileux subordonnés
et dans le calcaire même, on recueille les Ammonites plicatilis
et A. tortisulcatus , ainsi que le Belemnites hastatus. Ces calcaires
sont donc le véritable représentant de P oxfordien et leur puis-
sance oscille entre 70 et 80 mètres. On les retrouve dans Sep-
lêmes même, entre Aix et Marseille, où ils sont exploités pour
les mêmes usages et contiennent les mêmes fossiles. Une dis-
tance de 25 kilomètres au plus sépare la vallée de Saint-Marc,
au nord d’Aix, de la station de Septêmes. Depuis Saint-Marc
jusqu’à Rians et même au delà, en passant par Vauvenargues,
le fond des vallées est occupé à la base par des marnes grises
que surmontent des calcaires marneux renfermant à profusion
les représentants les plus communs de la faune oxfordienne,
Étage aptien avec Ancyloceras Matheronianum.
104
i
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
et reproduisant le type argileux de l’oxfordien d’Argovie et
d’une grande partie du Jura. Or, dans la chaîne de l’Étoile
à laquelle appartient la commune de Septêmes, et depuis
Septêmes jusqu’à la mer, le caractère minéralogique a com-
plètement changé. Ces argiles sont remplacées par des cal-
caires compactes sans mélange d’argiles, et ce n’est qu’à la
suite de recherches persévérantes que l’on parvient à y décou-
vrir quelques fossiles qui, en réalité, sont toujours ceux qui
abondent dans l’oxfordien des environs d’Àix, Ce changement
radical, survenu dans la composition des roches, démontre le
peu d’importance qu’il s’agit d’attacher au caractère pétrogra-
phique dans les questions de stratigraphie pure.
3° Dolomies grenues E en bancs alternativement épais et
minces, à stratification confuse et moutonnée, susceptibles de
se désagréger avec la plus grande facilité et de se convertir en
une arène meuble, miroitant vivement au soleil, et dont chaque
grain est un rhomboïde de double carbonate de chaux et de
magnésie. Cette arène ressemble d’une manière frappante à des
grains siliceux, comme la roche elle- même dans les parties
frustes ressemble à un grès. Ce système dolomitique, dont font
partie les dolomies de Saint-Hubert dans le Var, et que M. Hé-
bert, trompé par les apparences, a considéré comme une roche
de grès, joue un rôle important dans les montagnes littorales et
se fait reconnaître de loin par sa teinte brune et par la structure
émoussée et arrondie de la sortie des couches ainsi que des blocs
éboulés. Il constitue un bon point de repère qui sert à séparer
nettement les calcaires oxfordiens des étages supérieurs. Mal-
heureusement il est dépourvu de fossiles, ou du moins, si dans
quelques bancs calcaires subordonnés on observe quelques
traces de polypiers et de Nérinées, ces corps organisés sont si
solidement empâtés dans la roche, qu’on ne peut les obtenir
que brisés, et ils sont incapables de pouvoir conduire à une
détermination spécifique. La puissance des dolomies est com-
prise entre 130 et 140 mètres. C’est un minimum.
Il est incontestable que leur position est celle du corallien et
que la présence de polypiers et de Nérinées donne un grand
poids à cette présomption qui, pour moi, est passée à l’état de
certitude. C est aans une position identique, mais dans des con-
ditions d’observation moins favorables, que dans les environs
de Viognon, entre la Sainte-Baume et Saint-Zacharie, j’ai dé-
couvert des baguettes de 1 Hemicidaris crenularis et des articles
d Eue Lines que je rapporte à 1 ’ Apiocrinus Munslerianus. Les cal-
NOTE DE M. COQUAND.
105
eaires qui renferment ces fossiles sont mélangés avec des dolo-
mies et se trouvent placés au-dessus des calcaires oxfordiens
avec Ammonites plicatilis et Belemnites hastatus . C’est aussi au
môme niveau que M. Marion a découvert, entre îtians et le
puits de Itians, sur le revers nord de Sainte-Victoire, des gise-
ments superbes de polypiers et VHemioidaris crenularis dans
des calcaires blancs superposés aux marnes à Ammonites trans -
versariuse t à A. toriisulcatus. Et, dans cette région, ilseraitab-
surde de rattacher les calcaires blancs aux calcaires à Chaîna
qui manquent, car ce n’est que 12 kilomètres plus au nord, à
Ginaservis, que le terrain jurassique est recouvert par le cal-
caire néocomien à Oslrea rectangularis et à O. Couloni.
4° Un système de calcaires blanc jaunâtre F à cassure ci-
reuse ou subsaccharoïde disposés en couches épaisses et bien
réglées, et admettant de distance en distance des bancs subor-
donnés de dolomies à grains serrés et non susceptibles de se
convertir en arène meuble. Ces calcaires sont remarquables
autant par leur puissance, qui est de plus de 100 mètres, que
par leur compacité. Cependant en examinant avec soin les sur-
faces des bancs exposés depuis longtemps aux injures atmo-
sphériques, on ne tarde pas à remarquer que se détachent, au
milieu de la masse pierreuse, des blocs ellipsoïdaux de dia-
mètre variable*, de couleur plus claire, d’une texture plus homo-
gène, subsaccharoïde, reproduisant dans la cassure fraîche le
grain miroitant du marbre de Carrare. Ces blocs ellipsoïdaux
ou circulaires ne sont autre chose que des polypiers, dans quel-
ques-uns desquels on finit par apercevoir la structure étoilée ou
multiloculaire spéciale à la famille des radiaires. Je ne doute
pas que des recherches persévérantes n’aboutissent un jour à
des découvertes paléontologiques qui permettront de se pro-
noncer, avec plus de certitude qu’on ne peut le faire aujour-
d’hui, sur la position précise que ces masses puissantes oc-
cupent dans la série jurassique. Si les dolomies représentent
réellement le corallien, les calcaires blancs qui leur sont supé-
rieurs représenteraient-ils le corallien d’Angoulins, près de la
Rochelle, ou bien celui de Tonnerre, appartenant l’un et l’autre
à l’étage kimméridgien? Voilà une question qu’il serait préma-
turé de trancher, moins à cause de la disette de fossiles qu’on
y remarque qu’à cause de l’impossibilité de les déterminer
exactement. Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins acquis
à la cause que je soutiens, qu’il existe, au-dessus de l’oxfordien,
plus de 250 mètres de dolomies et de calcaires avec polypiers
106
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
et Nérinéôfi, et qui incontestablement font partie de la formation
jurassique, à moins qu’on ne doive allonger le néocomien d’un
ou de deux étages nouveaux, car en continuant l’examen de
notre coupe nous trouvons au-dessus des calcaires blancs :
5° Des calcaires grisâtres G disposés en couches interrom-
pues, grumeleuses et enveloppées dans des argiles verdâtres,
délitables, qui se font reconnaître de loin à cause des dépres-
sions ou combes qu'ils forment au milieu des masses abruptes
et raboteuses dans lesquelles ils sont enclavés et de la facilité
qu’ils cnt de retenir les eaux. Dans des déserts comme ceux
que nous décrivons, et où le calcaire nu ne se prête qu’au déve-
loppement d’une végétation des plus pauvres, dont quelques
rares troupeaux se chargent de les dépouiller, on a utilisé ces
argiles en y creusant quelques puits pour l’alimentation des
bêtes à laine. Elles sont Sa véritable patrie de la Nalica Levia-
than ( Strombus Sautien , Coq.) qui, dans le Jura et les Alpes pro-
vençales, fixe nettement, au-dessous des marnes d’Hauterive,
la base du terrain crétacé, que l’on désigne par le nom plus
spécial d’étage valenginien. Notons de plus que, si la séparation
du valenginien d’avec les calcaires blancs jurassiques s’opère
avec la plus grande facilité, tant au point de vue des change-
ments radicaux survenus dans le caractère pétrographique que
sous le point de vue paléontologique, il existe encore une cir-
constance qui, malgré la concordance qui existe entre la for-
mation jurassique et la formation crétacée, indique qu’après
le dépôt du calcaire blanc il s’était manifesté un mouvement
dans le sol, suffisamment indiqué par la disposition raboteuse
de la dernière couche jurassique recouverte par la première
couche crétacée, les nombreuses perforations de Pbolades dont
elle est criblée et par des quantités de valves d’Huîtres encore
adhérentes à sa surface. C’est un littoral des mieux caractérisés.
Or, cette particularité n’est pas spéciale au lieu que nous dé-
crivons en ce moment; nous l’avons observée sur une foule
d’autres points.
Je pourrais à la rigueur arrêter ici mon travail, puisqu’en
dehors de toute idée systématique il démontre, d’une manière
irréfragable, qu’il est de toute nécessité d’attribuer au terrain ju-
rassique supérieur à l’oxfordien les 250 mètres de dolomies et de
calcaires blancs dont on avait renforcé injustement le calcaire à
Charnu, malgré la présence de l’étage valenginien et l’étage néo-
comien proprement dit, interposés entre ces deux niveaux; mais
j’ai cru utile de compléter par de nouveaux détails ce que l’on
NOTE DE M. GOQUAND.
107
a connu jusqu’ici du terrain néocomien, détails qui montreront
que celui-ci présente dans la Provence littorale plusieurs parti-
cularités intéressantes.
6° Au-dessus des marnes valenginiennes G, on remarque des
calcaires compactes blancs PI avec Osirea Couloni , Terebratula
t amarindus , Nérinées et une Requienia de petite taille, qui n’est
pas la R. Lonsdalii. Puissance, 35 à 40 mètres.
7° Calcaires marneux t avec O. Couloni , Echinospatagus cordi-
formis , Ammonites Astierianus , etc., correspondant aux marnes
d’Hauterive ou au néocomien proprement dit. Puissance, 45 à
50 mètres.
8° Le calcaire à Charnu ammonia K, qui couronne les crêtes
montagneuses de la chaîne de Marseille à Cassis, et sur la
position duquel il est impossible de se méprendre.
9° Enfin, sur le revers oriental des montagnes de la Penne,
les calcaires marneux aptiens Lavée Ancy laceras Matheronianum
et Belemnites subfusiformis.
Voilà la succession normale et régulière des couches que bon
traverse dans la coupe que nous venons de donner et qui trouve
sa confirmation et son contrôle, lorsque du sommet de Car-
piane on se dirige vers le village de la Penne, sur Cassis ou sur
Saint-Loup. À cause de la disposition bombée et concentrique
des étages autour d’un noyau central qui appartient, comme
nous l’avons vu, aux marnes kelloviennes, chaque rayon tracé
du centre à la circonférence fournit le même résultat d’obser-
vations.
Mais, pour compléter ce que nous avons à dire sur les parti-
cularités spéciales au terrain néocomien, nous franchirons le ,
vallon de Vaufrége par le col de la Planouze et nous pénétre-
rons, plus au nord, dans celui de Toulouze, qui aboutit au vil-
lage de Saint-Tronc, banlieue de Marseille. C’est donc le revers
septentrional de la chaîne de Carpiane que nous allons exa-
miner, et dans lequel les nombreuses carrières ouvertes pour
l’exploitation des arènes dolomitiques et des pierres à chaux
permettent de suivre une foule de détails que les éboulis et les
dégradations de la surface masquent en grande partie dans les
régions que nous venons de parcourir.
L’omnibus de Marseille à Saint-Tronc vous laisse au pied
des montagnes secondaires, et on p/a qu’à suivre le chemin
charretier qui conduit aux fours à chaux du vallon de Toulouze
pour passer successivement en revue les divers étages dont ces
montagnes sont formées.
t
408 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Afin de simplifier notre description, nous nous placerons au-
dessus de la carrière principale ouverte dans le voisinage de la
maison d’habitation des fours, et nous trouverons d abord au
sommet de la montagne :
N.
F Calcaire blanc à coraux percé par les Pholades. — G’” G” G’ Étage valenginien. —
H Néocomien blanc à Nérinées. — I Néocomien marneux avec 0. Couloni. — K Cal-
caire à Chama ammonia.
1° Le calcaire à Chama ammonia , K.
2° Le néocomien marneux avec Oslrea Conloni, I, Echinospa-
tagus cordiformis; Natica allaudensis, Math.
3° Le néocomien blanc, exploité pour la fabrication de la
chaux grasse H, contenant des Nérinées et la Requienia de pe-
tite taille. Puissance, 25 à 30 mètres.
4° Calcaire marneux feuilleté G' (valenginien supérieur);
4 mètres.
5° Argiles grises G" avec calcaire en plaquettes et Strombus
Sautîeri ; 25 mètres.
6° Calcaire gris bleuâtre moucheté G'" avec nerfs argileux
et Strombus Saulieri (pierre à chaux hydraulique). Puissance,
8 mètres.
7° Calcaire blanc F en couches fort épaisses avec Nérinées;
partie supérieure du terrain jurassique. La surface de contact
de ce calcaire et de 1 étage valenginien est criblée de trous de
Pholades.
NOTE DE M. COQUAND.
109
En pénétrant dans le fond du vallon parle chemin charretier
qui conduit aux carrières de pierres d’appareil, on recoupe au-
dessous des calcaires blancs les dolomies, les calcaires gris
oxfordiens avec Belemnites hastatus , et enfin les calcaires mar- “
neux kelloviens à Ammonites anceps que nous connaissons déjà
dans le vallon de Yaufrége.
Si du vallon de Toulouze on veut se rendre au village de
Saint-Loup par le chemin de la montagne, on traverse les car-
rières d’arènes dolomitiques exploitées comme sable de con-
struction, puis on remonte successivement la série que nous
venons de faire connaître jusqu'à Saint-Loup, qui vous place en
plein dans le calcaire à Chama.
Four en finir avec le centre que nous avons choisi comme
type de notre description, nous dirons qu’entre Sainte-Margue-
rite et Yaufrége, en tirant à travers champs de l’auberge dite
le Repos des Chasseurs aux fours à chaux qui sont établis à la
droite du chemin, on rencontre une petite carrière, ouverte dans
un calcaire compacte blanc entièrement formé d’oolithes mi-
liaires, contenant en outre de nombreux polypiers, et servant
de piédestal à toute la série néocomienne. Sur le seuil de l’au-
berge même on retrouve les calcaires perforés par les Pho-
lades avec valves d’Huîtres adhérentes.
Nous ne quitterons point les alentours immédiats de Mar-
seille sans revenir sur le vallon delà Cloche, dans la chaîne de
la Nerthe, et dont nous nous sommes occupé en 4864, dans
notre mémoire sur la Sainte-Baume. Les failles multiples qui
ont brisé ce massif ont occasionné un renversement de cou-
ches qui nous avait échappélorsde nos premières explorations,
et qui a été signalé par M. Matheron, à l’époque de la vi-
site de la Société géologique. J’avais attribué les bancs
oolithiques avec Nérinées, polypiers et un bivalve, que j’avais
considéré comme la Diceras arietina , à l’étage corallien. Cette
opinion fut partagée par tous les membres présents. Plus tard,
M. Hébert admit que ces Dicérates étaient de véritables Re-
quienia , et qu’au lieu du corallien c’était le calcaire à Chama
ammonia qu’il fallaitproclamer en ce point. Comme le calcaire
oolithique repose entre deux étages calcaires dépourvus de
fossiles, la position que je lui avais assignée n’est nullement
attaquée par l’erreur que j’ai commise en ne reconnaissant
pas le renversement signalé plus tard; seulement les dolomies
que j’avais considérées comme supérieures doivent reprendre
la position qu’elles ont à Yaufrége, et les calcaires gris que je
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868...
considérais comme oxfordiens doivent être rapportés au valen-
gînien, et cela avec d’autant plus de raison que, deux pas
plus loin, on rencontre le néocomien à Ostrea Couloni , que re-
couvrent plus loin encore les calcaires à Chama ammonia qui,
à leur tour, sont surmontés par l’aptien inférieur.
La coupe exacte relevée par M. Matheron, chargé de la di-
rection des travaux pendant le percement du tunnel de la
Nerthe, et qui figure dans la planche Vil du volume XXI du
Bulletin ne peut laisser subsister aucun doute à cet égard. Elle
démontre que mon calcaire oolithique est séparé du calcaire à
Chama ammonia par plus de 120 mètres de roches appartenant
aux étages valenginien et néocomien, exactement comme nous
l’avons constaté dans la montagne de Carpiane. ■
Nous avons vainement tenté jusqu’ici, plusieurs géologues
de Marseille et moi, de recueillir sur ce point des fossiles qui
pussent éclairer notre opinion et nous dire s’il devait être
rattaché au valenginien à Natica Leviathan , dont il formerait
alors la base, ou bien au calcaire corallifère de Vaufrége ou de
Saint-Tronc. Si on arrivait à cette conclusion, que les calcaires
oolithiques de la Nerthe sont équivalents des calcaires blancs
perforés de Vaufrége, que nous savons être positivement in-
férieurs au valenginien à Strombus Sautieri , et que les uns et les
autres sont d’origine crétacée, il découlerait de ce principe
admis la nécessité de leur attribuer en outre les dolomies
qui les supportent et de proclamer que, exceptionnellement
dans le midi de la Provence, le valenginien, tel qu’il est connu
et constitué dans la Suisse et le Jura, ne forme point la base du
terrain crétacé et que celui ci doit être allongé de 250 mètres
de calcaires et de dolomies, en d’autres termes, de toute l’é-
paisseur des couches que l’on observe, dans les Bouches-du-
Rhône, entre l’oxfordien supérieur et les assises à Natica
Leviathan. Dans ce cas, M. Hébert aurait parfaitement le droit
d’affirmer que le terrain jurassique finit à l’oxfordien, et
qu’au-dessus de celui-ci nous n’avons que de la craie.
Pour mon propre compte je ne saurais me ralliera cette
idée, et aucun géologue du Midi ne s’y ralliera à coup sûr,
d’abord parce que la Natica Leviathan fournitun point de repère
bien précis, et, en second lieu, parce que les perforations des
Pholades qui marquent le contact du valenginien avec les cal-
caires blancs fournissent un nouvel argument qui me paraît dé-
cisif pour introduire ces derniers dans la formation jurassique.
Dans tous les cas, les doutes émis relativement à la coupe en-
NOTE DE M. G O QU AND.
taillée de ia Nerfche ne touchent en rien aux déductions que
nous avons tirées de nos études dans les vallons de Vaufrége
et de Toulouze. Laissons donc, si l’on veut, le vallon de la
Cloche comme point réservé. Toutefois j’affirme d’avance qu’il
sera impossible de rattacher ces calcaires oolithiques avec po-
lypiers et Nérinées à l’horizon du calcaire à Chaîna ammonia.
S’il m’est permis de chercher en dehors de la Provence des
points de comparaison pour donner force à mon opinion, ces
points ne manquent pas certainement; je ne les donne ici qu’à
titre de simple renseignement, renonçant d’avance à tonte idée
préconçue d’identification entre les points que je vais citer et
ceux que je signale dans cette notice.
M. Credner (1) établit entre le wealdien et les couches co-
ralliennes à Cidaris florigemma, dans son groupe kimméridgien,
une zone spéciale qu’il nomme Nerineen-schichten et qui
correspond à l’étage séquanien. Cette zone, d’après l’auteur,
contient les Nerinea tuberculosa , Rom., N. Cœcilia , d’Orb.,
N. MandeUlohi , Broun, N. conulus , Ptrs. , N. strigillata , Credo.,
N. reîiculata , Credo., N. nodosa , Voltz, N. Calliope , d’Orb.,
N. ornata , d’Orb., et N . obtusa, Credo.
Et dans un niveau supérieur à l’astartien, caractérisé par le
Pterocera Oceani et la Terebratula subsella , les JV. pyramidalis ,
Munst., iY. Bruntrutana, Thurm., N. Gosœ, Rom., N. Deswidyi ,
d’Orb,, N. Mariœ , d’Orb., N. Moreana , d’Orb., N . tuberculosa ,
Rom.
Je n’ai point à discuter ici le mérite des déterminations
faites par M. Credner. Il me suffit d’indiquer qu’il reconnaît
dans son kimméridgien deux niveaux distincts de Nérinées.
M. Contejean (2) admet comme une subdivision spéciale du
kimméridgien un calcaire à Diceras qui couronne son groupe
virgulien, et qui contient les Nerinea Gosœ , N. subcylindrica ,
d’Orb., N. speciosa , Voitz, N. styloidea , Contej., N. turritella ,
Voltz, N. bruntrutana , N. depressa, Voltz, et plusieurs autres
espèces indéterminée^. A ces gastéropodes sont associés des
polypiers et surtout la Diceras suprajwrensis , Thurm., qui est
très-abondante.
Le même géologue (p. 117) introduit, au-dessus des assises
(1) Credner — Oberen Jura formation und der Wealdienbildung in Nord «
Deutschland. 186 3.
(2) Contejean. Monographie de l’Étage Kimméridgien. 18 59.
112
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
à Oslrea virgula, son groupe nérinéen, dans lequel, outre les
espèces déjcà nommées, il cite la N. subpyramidalis , Munst.,
N. salinensis , d’Orb., N. trinodosa , Yoltz, N. Orbignyana ,
Thurm., JV. cylindrica, Yoltz, TV. grandis, Yoltz, Ad Eudora ,
d’Orb.
Nous avons signalé nous-même (1) à la montée de Sainte-
Barbe, près d’Angoulôme, dans un calcaire oolitbique iden-
tique avec celui de Vaiîfrége et appartenant avec l’étage kim-
méridgien, les N. Gosæ, N. santonensis , d’Orb., N. Goodhallii ,
Sow., et k Elea, d’Orb.
MM. Pictet et Campiche (2), à leur tour, placent dans leur
étage séquanien, au-dessus de la Terebratula humer alis , 300 pieds
de calcaires en bonne partie oolithiques et d’une blancheur
éclatante, où se trouvent des Dicérates et des Nérinées. Ce
sont les mêmes calcaires avec les mêmes fossiles et une quan-
tité prodigieuse de polypiers que nous avons eu l’occasion
d’étudier dans le Mont-d’Or, près de Jougne (Doubs).
Enfin, M. Peliat (3) vient tout récemment de nous faire con-
naître dans le Bas-Boulonnais, dans l’étage kimméridgien, et
au-dessus du corallien supérieur, l’existence de la Nerinea
Gosæ et de la N. Goodhallii , logées dans un calcaire oolitbique
qui contient en outre la Terebratula humeralis. On sait que
M. Cotteau (4) est arrivé tout récemment à la même conclusion
pour les assises coralliennes des environs de Tonnerre qu’il
considère aujourd’hui comme kimméridgiennes ; ce faciès co-
rallien se maintient en Afrique jusque sur les limites du désert
où les environs d’Aïn-Riche nous fournissent une faune ana-
logue à celle d’Angoulins, de Tonnerre et de la Charente.
Nous voyons donc qu’en dehors de toute opinion préconçue
il existe en Suisse, dans le Jura, dans le Bas-Boulonnais, dans
les Deux-Charentes et en Algérie, nous pouvons .ajouter au-
jourd'hui, dans ie Liban, ainsi que dans la Basse-Provence, des
calcaires blancs et oolithiques caractérisés par des Dicérates,
des Nérinées et des polypiers. Or, si dans les diverses contrées
(1) Coquand. Description géologique du Département de la Charente,
t. L, 1858.
(2) Pictet et Campiche. — Terrain crétacé de Ste-Croix, t. I., 1858.
(3) Peliat. Observ. sur quelques assises du terr. jur. sup. du Bas-Bou-
lonnais. 1868.
(4) Cotteau. Nouvelles observations sur le terrain jurassique des envi-
rons de Tonnerre. 1868,
NOTE DE M. COQUAND.
113
que nous venons de nommer, et surtout dans les environs
de Sainte-Croix, les 300 pieds de calcaires blancs et. oolithiques
qui se développent au-dessous des bancs à Natica Leviathan
avaient appartenu réellement au terrain crétacé et non point
au terrain jurassique, nous n’eussions pas hésité à leur assimi-
ler nos 250 mètres de calcaires blancs et de dolomies qui, à
leur tour, occupent le même niveau. En agissant différemment
de ce que nous avons fait, nous décapitions, contrairement
aux règles analogiques, la formation jurassique, et nous allon-
gions, sans pouvoir en justifier le motif, la formation crétacée,
qui aurait été ainsi dotée d’un appendice qui ne trouve d’é-
quivalent nulle part ailleurs.
Mais poursuivons.
Si, délaissant les montagnes littorales, nous pénétrons dans
l’intérieur des terres et que nous consultions les montagnes
qui séparent le bassin d’Aix de celui de Marseille, nous re-
trouverons les mêmes relations d’étages que celles qui nous
ont déjà été dévoilées. Ce sont ces mêmes montagnes qui,
prolongées vers le sud, constituent les massifs de la Sainte-
Baume, des environs de Toulon, la chaîne de Sainte-Victoire,
etc. Ainsi, les pierres dures exploitées à Septêmes appartien-
nent à l’oxfordien et les dolomies constituent les sommités
crénelées du Pilon du Roi et de l’Étoile.
Toutefois, un des points les mieux choisis pour ce genre
d’observations est sans contredit la route qui met en commu-
nication les mines de charbon de Fuveau avec Marseille.
A six kilomètres environ de la ville, près du hameau de la
Bourdonnière, on s’affranchit des poudingues miocènes qui
constituent ce qu’on appelle la plaine de Marseille, et on entre
franchement en montagne (fig. 3). Le cimetière est établi sur le
néocomien même à Ostrea Couloni (I), et au-dessus se déve-
loppe le calcaire à Chama( K). En redescendant vers la grande
route, on trouve les calcaires néocomiens blancs avec Nérinées
(H) qui, là aussi, sont inférieurs aux assises avec Echinospata-
gus cordiformis. Puis, en remontant le vallon, on rencontre,
sur sa droite, un système assez puissant de calcaires marneux
(G), alternant avec des argiles grisâtres et remarquables dans
ce pays généralement si sec par le grand nombre de petites
sources auxquelles il donne naissance. 11 représente le vaien-
ginien à Natica Leviathan. Après un parcours de quelques cen-
taines de mètres, on traverse la route sur un pont et on entre
alors en plein, à partir du 14e kilomètre, dans les calcaires
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114
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
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Ammonites
Deshayesi , A. Nisusr Ancylocercis grande , Ostrea aquila, O. Ley-
merii , Plïcatula plaeunœa , Astarte laiicosta, Terebratula sella. On
reconnaît bien là les enfants de nos argiles à Plicatules, bien
que le plus grand nombre des espèces citées pénètre, en Pro-
vence, dans la Clape, en Espagne et dans l’Algérie, dans les
assises inférieures à ces argiles, et dont on a créé les sous-éta-
ges rhodanien et urgonien. Seulement, en Angleterre, les
Ostrea Leymerii et Nautilus plicatus remontent jusqu’aux bancs
les plus élevés du groupe, tandis qu’en France, jusqu’à présent
du moins, on ne les a observés qu’au-dessous de l’aptien pro-
prement dit. Toutefois l’existence à ce niveau de V Ostrea Ley~
(1) Judd. On the Speeton-clay . Proceedings of the Geological Society, for
August 1868.
212
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868,
merii rappelle l’association dans une même couche d argile,
immédiatement au-dessous du gault , des Ostrea Leymeni ,
0. aquila et lerebratula sella.
Le néocomien moyen compte parmi ses fossiles les Belemni -
tes semicanaliculalus, Ammonites cvassicostatus , A. angulicostatus ,
Crioceras Duvalii , C.Emerici , Ostrea macroptera, O . aquila , etc.
Ces espèces se retrouvent en France, les unes dans l’aptien à
Plicatules et dans le sous-étage rhodanien, et les autres dans le
sous-étage urgonien ou barrémien. Quelques-unes, telles que
YOstrea aquila et le Belemnites semicanaliculatus , traversent la
série entière, ainsi que cela se vérifie en Provence, à la Clape
et en Espagne. On peut donc raisonnablement voir dans le
néocomien moyen de M. Judd l’équivalent, à quelque chose
près, du rhodanien et de l’urgonien ou barrémien.
C’est à ce même niveau que la Requienia Lonsdalii , si abon-
dante dans l’urgonien du midi delà France, des Pyrénées et de
l’Espagne, mais qui dans ces contrées se montre aussi jusque
dans le rhodanien, a été découverte en Angleterre pour la pre-
mière fois.
Le néocomien inférieur est plus complexe dans sa composi-
tion et il a été divisé en trois zones : la première (zone à Am-
monites speetonnensis) est caractérisée par les Ostrea aquila ,
Ammonites Nisus et les Crioceras [Ancyloceras) Puzosianum , Du-
valii et Emerici;
La deuxième (zone à Ammonites noricus, Schloth.), renferme
V Ancyloceras Puzosianum ;
Enfin la troisième zone (zone à Ammonites Astierianus) contient
les Ammonites Astierianus , A. multiplicatus (bidichotomus) ,
Toxaster complanatus ( Spatangus retusus) et Ostrea Couloni.
Il est évident que la dernière zone correspond exactement
au néocomien français (marnes d’Hauterive), dont elle occupe
la position et contient les fossiles les plus communs. C’est la
première fois, je crois, que l’identité complète entre la craie
inférieure de l’Angleterre et celle de la France a été dé-
montrée avec tant d’évidence, et le mérite de cette démonstra-
tion revient de droit à M. Judd.
Cependant je me permettrai de faire quelques réserves rela-
tivement à la place assignée aux deux premières zones, dans
lesquelles reparaissent les Ancylocères du néocomien moyen.
Je pense qu’il serait plus convenable de les rattacher à ce "der-
nier, dont elles formeraient alors la base. De cette manière la
même faune ne se trouverait pas scindée en deux, et on aurait
NOTE DE M. COQUAND.
213
en Angleterre des divisions identiques avec celles que nous of-
frent les contrées classiques de la Provence. Ce n’est en défini-
tive qu’une simple question d’accolade.
Nous comprenons très-bien les difficultés auxquelles on se
trouve exposé, quand il s’agit de dépecer d’une manière pré-
cise 500 pieds de terrains, qui, n’étant formés que d’argiles, ne
présentent pointées différences de composition qui, avec l’aide
de la paléontologie, aident si puissamment les classificateurs
pour l’établissement de leurs divisions.
Si le néocomien à Spatangus retusus , qui est ordinairement
d’une composition calcaréo-marneuse, s'était trouvé séparé, en
Angleterre, des étages supérieurs, comme il l’est dans la Pro-
vence littorale, par les calcaires blancs et compactes du sous-
étage urgonien, on n’aurait point été probablement entraîné à
séparer en deux tronçons les marnes à Ancylocères, pour en
attribuer l’un au néocomien inférieur et l’autre au néocomien
moyen. La même confusion s’est produite pour les Basses-
Alpes, où, trompés par le caractère minéralogique, et au mé-
pris de la superposition et de faunes radicalement différentes.^
plusieurs géologues ont introduit les bancs à Ancylocères et à
Scaphites Yvanii dans les marnes d’Hauterive. Maisla découverte
de ces mêmes fossiles dans le calcaire à Chama a dévoilé les
vices d’une intrusion pareille ; car elle forçait de les consi-
dérer comme appartenant au néocomien moyen sur un point
et aunéocomien inférieur sur un autre, et cela pour deux sta-
tions presque contiguës. Il est à remarquer en outre que V Am-
monites speetonnensis,Yom\g et Bird, qui sert de porte-étendard
à la première zone, n’est qu’une variété des A. venustus et con-
cinnus, Phill, qui se trouvent dans le Speeton-clay, au-dessus du
lower greensand, et est par conséquent une espèce aptienne.
Nous voyons donc en France, dans le Hanovre, en Bavière,
en Angleterre, la zone à Ammonites Astierianus (marnes d’Haute-
rive) supporter directement, en Angleterre, dans les Basses-
Alpes, dans la Drôme, dans les Alpes suisses, les bancs hEchi-
nospatogus argilaceus , à Crioceras Duvalii et Emerici , à Scaphites
Yvanii, à Belemnites semicanaliculatus , à Reguienia Lonsdalii, à
Nautilus plicaius, à Ostrea Leymerii et aquila , et à Orbitolma
lenticulata ; dans la Basse-Provence, les Pyrénées, l’Algérie, et
en Espagne, la même zone supporter les calcaires à Reguienia
Lonsdalii, Nautilus plicatus , Belemnites semicanaliculatus, Ostrea
aquila et O. Leymerii , Scaphites Yvanii , Echinospatagus argila-
ceus ; dans le bassin parisien la même zone supporter les argiles
214
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
4
à Ostreci Leymerii, Plicatula placunœa, ISiautilus phcatus , Echi-
nospatagus argilaceus. Puisqu’à des termes qui occupent une
position identique correspondent des faunes identiques, il y a
lieu de proclamer leur équivalence, malgré les différences pé-
trographiques qu’on peut observer suivant les lieux où l’étage
est développé.
Nous voyons donc que le travail de M. Judd, publié avant
l’impression de notre notice sur la Clape, confirme en tous
points les conclusions auxquelles nous ont conduit nos études
récentes sur le groupe de la craie inférieure, et qu’il dévoile
une identité complète entre les divers termes de ce groupe de
l’Angleterre et ceux du continent (1).
M. Hébert répond de la manière suivante :
Classification des assises néocomiennes. — Réponse aux critiques
de M. Coquand ; par M. Hébert.
M. Coquand ne reproduit pas exactement ce que j’ai dit;
ainsi M. Coquand dit ( ante , p. 203) : « M. Hébert sépare radica-
lement les calcaires à Chaîna (urgonien) des calcaires à Orbi-
tolites (rhodanien). » Or, le lecteur peut se reporter h mon
mémoire (Bull., t. XXîY, p. 375), et il lira ceci : « M. Lory a
montré que les couches à Orbi toli tes et à Heteraster ohlongus
étaient intercalées dans les calcaires à Caprotina ammonia (ur-
gonien, d’Orb.); l’étage rhodanien n’avait donc plus de raison
d’être, etc. » Et en note j’ajoute que j’ai vérifié cette intercala-
tion. Dans le tableau, de la page 379, le calcaire à Chama et
le calcaire à Orbitolites sont tous deux réunis dans le même
sous-étage urgonien; seulement ce dernier, le calcaire à Orbito-
lites, constitue en général une assise supérieure.
Ainsi, il est bien évident qu’ici mon opinion n’est pas fidè-
lement présentée.
(1) Aux nombreuses espèces communes citées dans le néocomien à faciès
provençal (étage barrémien) et dans les autres termes du groupe .aptien, il
convient d ajouter la Terebratella Astieriana, d’Orb., qu’il est si facile de re-
connaître à cause de son large sillon dorsal. M. Coste, de Marseille, un de
nos confrères, possède un Âncyloceras Duvalii de Barrême, dans lequel est
implanté ce brachiopode. Or la T. Astieriana est principalement caractéris-
tique des argiles à Plicatules.
NOTE DE M. HÉBERT.
215
J’ai séparé les couches à Ostrea aquila des Pyrénées des
couches à Chama Lonsdalii , parce que c’est là ce que j’ai vu et
ce qui existe. Je n’ai jamais dit qu’il était impossible de trou-
ver au-dessus de ces dernières de nouvelles couches à Chama
Lonsdalii , pas plus que je n’ai nié la possibilité de rencontrer
V Ostrea aquila au-dessous des argiles à Plicatules. M. Coquand,
en émettant de pareilles assertions, rend la discussion impos-
sible.
Quant aux alternances des véritables argiles aptiennes avec
les calcaires urgoniens, je ne trouve, dans ce que dit M. Co-
quand à ce sujet pour tous les lieux que j’ai visités, c’est-à-dire
dans le Midi, les Pyrénées et la Provence, que de pures asser-
tions sans preuves suffisantes. Bien entendu, je lui laisse les
Corbières, l’Espagne et l’Algérie, mais ma confiance ne va pas
jusqu’à admettre, sans vérifications nouvelles, ce que ditM. Co-
quand pour ces régions qui me sont inconnues. En effet, si tous
les faits que cite M. Coquand sont aussi exacts que celui de la
Bedoule, où il prétend qu’un calcaire à Chama Lonsdalii de
30 mètres d’épaisseur est intercalé au milieu même des argiles
aptiennes à Ostrea aquila, bien au-dessus de l’étage urgonien
[ante, page 205), je serai porté à tenir peu de compte de ses
autres observations et à penser que les causes qui ont agi sur
lui, au moment où il lisait mon travail d’une manière si mal-
heureuse, ont pu aussi agir sur lui au moment où il observait.
Je tiens toute prête une coupe détaillée des couches urgo-
niennes et aptiennes de la Bedoule, et il n’y a dans cette coupe
rien de semblable à ce qu’annonce M. Coquand.
M. Coquand défend énergiquement la classification qu’il a
proposée et dans laquelle il place les argiles ostréennes du
bassin de Paris et les calcaires à Scaphites Yvanii à la base de
l’urgonien. Ceci n’est qu’une question d’accolade qui n’a pas
une très-grande importance, mais néanmoins je persiste à
croire mieux fondée la place que j’ai assignée à ces couches. Je
ne force pas M. Coquand à admettre mes idées; j’espère qu’il
voudra bien me laisser la même liberté.
Il est tout à fait inexact de dire, comme le fait M. Coquand,
que je lui ai fait des reproches à propos de V Ostrea Leymern, et
je cherche en vain le passage auquel M. Coquand fait allusion.
Je ne crains pas la comparaison entre le mode de discussion de
M. Coquand et le mien, mais je puis dire hardiment que je ne
me suis jamais servi à son égard du procédé qu’il emploie si
souvent au mien. Il serait, en effet, beaucoup trop long de
216
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
relever dans ie travail précédent tous les passages où M. Go-
quand a cité mes opinions d’une manière inexacte et quelque-
fois entièrement fausse. Je préfère m’en tenir à ce que je viens
de dire; une pareille discussion n’a rien de scientifique, et il
me suffit d’avoir prévenu le lecteur du Bulletin qu’il doit cher-
cher mes véritables opinions dans ma propre rédaction, et non
dans celle de M. Coquand.
Quant au travail de M. Judd, sur lequel M. Coquand trouve
moyen d’appuyer sa classification, la conclusion de M. Judd
est que le néocomien de Speeton se divise en trois sous-étages
comme en France et comme en Hanovre, et non pas en deux
comme le veut M. Coquand. Cette conclusion est donc plus
conforme à la classification généralement adoptée qu’à la
sienne. M. Judd fait connaître de nombreux passages entre les
trois faunes néocomiennes, ce qui est conforme aux idées que
j’ai exposées dans mon mémoire sur les Pyrénées ; mais, en
outre, on remarque dans le mémoire de M. Judd des affinités
paléontologiques plus grandes entre le néocomien inférieur et
le néocomien moyen qu’entre celui-ci et le néocomien supé-
rieur, ce qui est contraire à la classification de M. Coquand.
Note sur les formations jurassiques qui recouvrent le versant nord
du mont Lozère ; par M. Jaubert.
(Communiqué à la Réunion extraordinaire de Montpellier, 1868,
séance du 19 octobre.)
PREMIÈRE PARTIE. — BASSIN DE LA MÉDITERRANÉE.
Description orographique.
La bande ouest des sédiments de l’époque jurassique r
déposés autour du plateau central de la France, est légèrement
interrompue par les granités, près d’Aubin. C’est de là que
partait une brisure qui traversait toute la largeur du plateau,
de 1 ouest à lest, et venait atteindre la bande est, dans
l’Ardèche, près des Vans.
Les eaux des bassins jurassiques aquitanien et méditerra-
néen, communiquant librement par cette ouverture, la partie
méridionale du plateau central, composée des massifs du
mont Lozère et de l’Aygonal, se trouvait donc entourée d’eau
NOTE DE M. J AUBERT.
217
de tous côtés, et formait un îlot séparé du continent par le
détroit que je désignerai sous le nom de détroit de Bleymard.
Entre Rodez et Sévérac, les eaux s’étalaient, acquéraient en
descendant au midi une surface de plus de 60 kilomètres de
largeur et formaient un golfe assez grand, au fond duquel, vers
le nord-est, est aujourd’hui Mende.
La mer de l’est, à la hauteur à peu près du même parallèle
de Mende, entre Bességes et Joyeuse, ou soit aux Yans, lançait
à Bintérieur des terres à la rencontre de celle de l’ouest un
long bras de 35 kilomètres qui, par la vallée dont le Ghanezac
occupe aujourd’hui le fond, remontait jusques à Chasseradès.
II est probable qu’elle ne pénétrait pas au delà de ce point,
car je n’ai pas connaissance qu’elle ait laissé plus à l’ouest des
traces de son passage. Elle rencontrait d’ailleurs là les hautes
régions situées à plus de 1200 mètres d’altitude qui, par la
plaine de Monthel et le vaste plateau du Palais-du-Roi, attei-
gnent les sommités de la montagne de la Margeride. Je ne
veux pas dire par là que les plateaux dont je viens de parler
manquent de calcaires. Je ne parle ici que du versant méditer-
ranéen.
Aussi la communication entre les deux bassins ne s’opérait-
elle point de ce côté, mais par l’échancrure de Villefort, qui
se trouve placé vers le milieu de cet ancien golfe, dans un petit
enfoncement, au sud-ouest.
Ce golfe, que l’on peut appeler de Villefort, était bien
moins large que celui de Mende, et la plus grande étendue, au
détroit de Villefort en allant vers le nord, ne pouvait guère
dépasser 20 kilomètres.
Si, comme tend à le faire présumer la position ordinaire
presque horizontale des sédiments, le sol est resté ce qu’il était
alors, le niveau de la mer jurassique n’aurait point dépassé
l’altitude de 1200 mètres, car le point le plus élevé où elle ait
déposé des sédiments est le Bleymard, où l’oolithe inférieure,
un peu moins complète qu’à Mende, arrive à la cote 1190.
Si donc les dolomies de l’ermitage de Saint-Privat , au-
dessus de Mende, ne se rencontrent point au Bleymard, ce que
du reste je n’ose pas affirmer, c’est que les sédiments en ce
point avaient comblé le bassin, ou que la mer s’est alors
retirée.
On pourrait donc figurer avec assez de justesse les contours
de la mer jurassique, en traçant sur la carte de l’état-major,
qui porte d’assez nombreuses cotes d’altitude, la courbe bori-
218
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
zontale passant par 1200, et l’on verrait alors les deux bassins
du sud-ouest et du sud-est s’avancer l’un vers l’autre à travers
le continent, par deux grands bras, dont la jonction entre
Mende et Villefort se serait opérée par une fente si exiguë que
la largeur du détroit ne devait généralement pas dépasser six à
sept kilomètres, et que, près du Bleymard,à Saint-Julien, il
devait se rétrécir jusqu’à 2500 mètres.
Le fond de ce détroit est aujourd’hui occupé, sur le versant
de l’Océan, par le lit du Lot, et, sur le versant méditerranéen,
par celui de l’Altier. Ces deux cours d’eau sont si profondé-
ment encaissés, qu’on n’a pas quelquefois dix mètres à fran-
chir pour passer d’une rive à l’autre.
L’infinie petitesse de l’homme, que l’on n’a pas toujours assez
piésente à la pensée, est un obstacle sérieux, qui empêche de
juger sainement de la vraie configuration du terrain, dès qu’il
s’agit, surtout, d’apprécier les pentes et les escarpements des
montagnes.
En suivant les vallées, on est tout disposé à se croire au fond
d’un immense V, dont les branches se dresseraient presque
verticalement au-dessus de soi, et l’habitant des plaines
principalement, s’il avait à représenter ce Y, ne craindrait pas
de le faire le plus aigu possible.
Il en est pourtant tout autrement, et si je veux reproduire,
par exemple, le profil de la vallée de l’Altier, à un point que je
choisis très-précis pour qu’on puisse le trouver immédiatement
sur la carte, au village même d’Altier, à 1° 70' de longitude
Est, où la vallée est bornée d’un côté par le sommet du mont
Lozère, de l’autre par celui de la montagne du Goulet, séparés
par une distance horizontale de 12 kilomètres et demi, les dif-
férences de niveau et les pentes, quoique considérables, ne
seront presque pas sensibles sur le profil rapporté géométrique-
ment. Pour se mettre d’accord avec l’impression inspirée par
la vue des lieux, je vois qu’il faudrait adopter pour les hauteurs
une échelle environ 15 fois plus forte. La décupler seulement,
ce qui est certainement déjà énorme, ne me paraît pas satis-
faisant.
La figure ci- après, p. 219, rendra très-sensible ma pensée.
La ligne pleine supérieure donne le profil naturel et réel du
terrain, à l’échelle de 1 à 500,000;
La ligne ponctuée inférieure, ce même profil avec une
échelle de hauteurs décuple;
Enfin la ligne pointillée inférieure, ce même profil, en con-
NOTE DE M. J AUBERT. 219
servant toujours l’échelle des largeurs, et l’adoptant vingt fois
plus forte pour les hauteurs.
Fig. 1.
Sommet
dnf mont Lozère.
1550 9000 3500
1250
1250
1250
\ » ;
\ î t
V I /
\W
Sommet
de la montagne
du Goulet.
7 jo Rivière d’Altier.
Ce dernier exagère peut-être un peu l’impression reçue,
mais le second ne l’accentue pas assez. Elle serait donc parfai-
tement rendue par le terme moyen indiqué : 15.
La fracture qui limite si nettement au nord le mont Lozère,
en l’isolant tout à fait du sol environnant, sur plus de 40 kilo-
mètres de longueur dans la même direction, et ne laisse en
dehors que l’extrémité Est de cette haute chaîne, n’est inter-
rompue qu’en deux points, où les contre-forts, descendant per-
pendiculairement du mont Lozère, barrent la vallée et remon-
tent de l’autre côté, le reliant ainsi d’un côté à laMargeride, de
l’autre à un chaînon secondaire dépendant du massif lozérien,
et qui sépare la vallée de la Cèze de celle du Chassezac.
Le col du Bleymard forme une arête arrondie, étroite, com-
prise entre 1000 et 1100 mètres d’altitude, que traverse la
route impériale dans son point le plus bas, et qui établit la
ligne actuelle de partage des eaux des bassins de l’Océan et de
la Méditerranée.
Le col de Yillefort, appelé le Colet, appartient à une autre
arête qui descend aussi perpendiculairement de la Lozère sur
Yillefort, d’un signal géodésique coté 1490, à la limite des
bois des Armes et de Longuefeuille. Le col s’abaisse là jusqu’à
651 mètres, pour se relever brusquement de l’autre côté, et
atteindre, à moins d’un kilomètre en distance horizontale, le
plateau assez vaste des Balmelles situé à 837 et plus. Là il se
recourbe à angle droit pour former une nouvelle arête fort
étroite, parallèle à celle de la chaîne principale, et formée
220 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
d’une série alignée de pitons dont les altitudes sont 975, 915,
879, 972, 955, 900, 897. Le dernier de ces pitons, à l’ouest de
Naves,près des Vans, termine la chaîne, et porte un signal géo-
désique désigné sur la carte sous le nom de Barri et coté 911.
La plaine des Vans, sur les bords du Chassezac, n’est plus
qu’à environ 200 mètres d’altitude.
Ces pitons portent diverses dénominations locales, mais il
convient de les remplacer par un nom géologique unique, et
je ne puis mieux faire que de choisir celui de la seule localité
que l’on rencontre sur son parcours, et précisément au centre.
Je désignerai donc cette chaîne secondaire sous le nom de
montagne de Malons.
Le Colefc de Villefort est un point géographique extrêmement
curieux, qui a à peine dix mètres de largeur, et présente la
seule issue par où l’on puisse pénétrer convenablement dans le
département de la Lozère; aussi les ingénieurs des ponts et
chaussées en ont habilement profité pour l’établissement des
routes, et les deux qui viennent du Gard, ainsi que celle qui
vient de l’Ardèche, convergent en ce point et s’y réunissent.
Le chemin de fer aussi le franchit par un souterrain, dont ce
point bas a permis de réduire la longueur à 460 mètres.
La vallée de la Cèze se creuse à partir du Colet de Villefort.
Les sédiments qu’a dû y déposer la mer jurassique ont été
plus nettement qu’ailleurs balayés dans cette vallée, et le lam-
beau le plus rapproché que l’on y retrouve en allant vers Bes-
séges est celui du château du Gheylard près d’Aujac, dont
M. Hébert a donné une coupe des plus détaillées dans le Bulle-
tin , tome XVI, page 910.
Cette contrée du reste doit rester en dehors de mon étude.
La belle carte de notre confrère Ém. Dumas, les travaux de
MM. Hébert, Dumortier et autres, ne laisseraient à dire rien
qui ne soit déjà connu de tous.
Je dirai donc seulement que l’altitude des grès infra-liasiques
y est infiniment plus faible que dans la Lozère et atteint à peine
600 mètres.
Le revers nord du mont Lozère est coupé de nombreux
vallons très-rapprochés et profondément creusés par les ruis-
seaux descendant de ces hauteurs sous des pentes très-rapides,
qui ont fait disparaître complètement, en pénétrant bien au-
dessous d’eux, les dépôts jurassiques, qu’ils n’ont respectés
que sur les flancs des vallées, et les arêtes des étroits contre-
forts qui les séparent, qui se trouvaient à l’abri de leur action.
NOTE DE M. J AUBERT.
221
Mais je ne saurais oublier de signaler un fait très-remarquable
qui s’observe sur le versant méditerranéen et se trouve bien
moins prononcé sur celui de l’Océan, parce que l’existence sur
ce parcours de la chaîne de la Margeride, qui atteint des alti-
tudes peu inférieures à celles du mont Lozère et offre de
vastes plateaux, rendait les conditions orographiques à peu
près semblables sur les deux flancs du bassin, et différentes de
celles où s’est trouvé placé le versant que je considère.
Les premiers dépôts jurassiques s’y présentent à un niveau
qui varie peu de 1000 mètres. C’est ainsi qu’ils se montrent
disposés sur la rive droite de la vallée.
Il semblerait donc tout naturel de les retrouver au même ni-
veau sur la rive gauche; mais, si j’excepte le Bleymard, où
une langue étroite, sur le col même, pénètre dans ce versant,
nulle part ailleurs je n’ai vu ni appris que les schistes qui
composent la montagne du Goulet se trouvent avoir conservé
la trace du moindre dépôt.
La seule hypothèse qui puisse indiquer la cause de ce fait, et
que rend assez plausible l’étude de la carte d’état-major, est
la suivante :
Les sommités de la montagne du Goulet ne présentent
qu’une arête étroite, offrant immédiatement un double pen-
dage, l’un vers la vallée d’Altier, l’autre vers celle du Chas-
sezac, et de plus cette crête n’était en saillie au-dessus du
niveau de la mer que de 150 mètres au maximum, et moins,
dans la majeure partie de son parcours. De plus la pente est
bien plus abrupte que celle du revers de la Lozère, et les eaux
fournies par la surface donnée par un aussi faible relief ne
pouvaient presque jouer aucun rôle.
Le revers du mont Lozère au contraire présentait un tout
autre développement, qui se déployait sur quatre à cinq cents
mètres de hauteur, et une surface horizontale trois fois supé-
rieure à celle du Goulet, couronnée par de vastes plateaux.
Dès lors les eaux, plus abondantes d’ailleurs qu’elles ne le
sont de nos jours, ce qui n’est point une hypothèse absolument
nécessaire, mais possible, se précipitant de ces hauteurs, arri-
vaient perpendiculairement sur la rive opposée, et y établis-
saient un courant dont l’action était de beaucoup plus active
et plus violente que sur l’autre, où relativement les eaux de-
vaient rester calmes. C’est la conséquence naturelle de leur ré-
gime et l’explication la plus satisfaisante, je crois, qu’on puisse
donner de cette particularité.
222
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Dans cette échancrure intérieure du plateau central, les
dépôts jurassiques ont laissé pour témoins de leur existence les
plateaux plus ou moins vastes connus sous les noms de Causses
deConcourès, de Sévérac, deLarzac, de Mende, duBleymard,
qui se continuent de là jusqu’aux Vans par une série de petits
îlots bien régulièrement alignés, dont la disposition générale
est fort bien rendue sur la Carte géologique de la France, où ils
sont teintés comme appartenant à l’étage inférieur du système
Qolithique.
Mais on n’a guère fait figurer que les dépôts que traversait
précisément l’ancienne route, et qui ne pouvaient dès lors
échapper aux observateurs. Ceux qui sont cachés dans l’intérieur
des terres, loin de toute voie de communication, ne pouvaient
guère être connus, et il paraît en effet difficile, de quelque feu
sacré que soit animé un géologue étranger à la. localité, de le
voir se hasarder dans des contrées aussi pénibles à parcourir,
loin de quelques centres principaux, alors qu’il pourrait s’ex-
poser à ne trouver dans un moment venu ni gîte, ni couvert,
car il faut faire souvent plusieurs lieues pour rencontrer une
habitation, et encore quelle habitation !
Mais si des études assez précises ont été faites déjà depuis
longtemps sur la première zone de cette échancrure, de Deca-
zeville à Mende et même jusqu’au Bleymard, il n’en est plus
de même de l’intervalle compris entre le Bleymard et Villefort.
Je ne connais pas d’étude un peu détaillée sur cette région, et
celles qui s’appliquent de ce dernier point aux Vans m’ont
paru fort peu exactes.
11 existe bien une carte de l’Ardèche par M. Dalmas ; mais
les lambeaux calcaires alignés dans cette direction n’y sont pas
même indiqués, ce qui est certainement une lacune regrettable
dans une carte spéciale de département, qui n’est plus seule-
ment un travail général, dans lequel les détails peuvent être omis.
Mon service ne me laissant guère le temps de faire des
courses fréquentes sur le terrain, et m’obligeant à les mainte-
nir dans un rayon très-restreint, j’avais compté pouvoir consa-
crer trois ou quatre jours, dans le mois de septembre écoulé,
saison la plus favorable dans ce pays, à l’exploration du bassin
du Lot, entre Mende et Villefort, sauf à y employer plus tard
encore un jour ou deux, si je n’avais pu me rendre compte
dans ce temps de tous les détails. Mais les pluies sont surve-
nues dès les premiers joins du mois et ont duré sans interrup-
tion près de vingt jours consécutifs*
NOTE DE M. JAUBERT.
Forcé donc de renoncer à mon projet, j’ai dû aussi abandonner
mon plan primitif, qui devait comprendre tout le revers du
mont Lozère, et ii m’est resté à peine le temps nécessaire pour
rédiger ma notice, qui ne comprendra que le versant méditer-
ranéen, que je suis loin encore de connaître en entier, comme
il l’eût fallu, pour que mon travail pût avoir tout son effet
utile.
Tel qu’il est, néanmoins, j’espère qu’il n’en recevra pas moins
de mes honorés collègues l’accueil sympathique qirils n’ont
jamais manqué d’accorder à un essai consciencieux.
Composition générale des terrains de la contrée.
Pour la composition générale du terrain, on peut prendre
comme point de départ et type normal les indications que
donne Dufrénoy, tome II, page 706 de V Explication de la
carte géologique de la France , sur les environs de Mende, et
mieux encore la coupe plus complète de M. Rœchlin Schlum-
berger, Bull., 2e série, tome XI, page 605, que je transcris ici,
en allant de bas en haut.
L’ordre inverse serait plus rationnel sans doute; mais celui-
là est plus naturel, parce que dans les pays à pentes abruptes
surtout, comme l’est celui-ci, il suit neuf fois sur dix, sinon
sans exception, le sens de l’exploration, et que toutes les notes
prises sur le terrain s’y rapportent.
a. Grès à meules 5m, 0 0
b. Calcaire magnésien, brun de capucin 50 00
c. Calcaire compacte à grains fins 150 00
d. Calcaire compacte gris foncé, à Gryphœa arcuata Couche mince.
e. Le même calcaire à grain plus fin. Couche de passage. Id.
fc Calcaire marneux bleu et marnes schisteuses noires (lia—
siennes.) 4D* 00
g. Calcaire noir schisteux à Posidonies. Couche de passage.... 2 00
h. Schistes marneux noirs et calcaires (toarciens) 45 00
i. Calcaire bleu supérieur, à J., subradiatus, observé seulement
sur 20 ou 25 mètres, inabordable dans sa partie supérieure,
mais figuré sur la coupe avec une épaisseur d’environ. ..... 50 00
j. Calcaire jaunâtre grenu, à Ostrœa Phædra , d’Orb ........ 20 00
k. Calcaire dolomitique, clair, caverneux, alternant avec du cal-
caire gris, pétri d’Entroques. 30 00
Tout cet ensemble mesure donc près de * 400m,00
224 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Aucune de ces mesures bien entendu ne saurait avoir un ca-
ractère absolu. L’auteur lui-même ne donne que quelques-unes
de ses appréciations ; j’ai dû moi-même déduire les autres des
observations qu’il a [consignées dans son travail, même sans
avoir recours aux dimensions portées dans la coupe.
Si, à l’aide de l’examen des cotes d’altitude, j’essaye de con-
trôler ce chiffre de 400 mètres, je suis loin de l’atteindre. Mal-
heureusement, je ne trouve point de cote dans ,1e ravin de
Rieucros. J’ai bien vu les grès sur la route même, dans ces en-
virons, mais il me serait difficile de préciser le point, qu’il eût
fallu au moins marquer sur une carte. Mais enfin je me servirai
des éléments que je trouve, et c’est la cote 782 que je vois au
tournant delà route, à un peu plus d’un kilomètre de distance
de Rieucros. Or, comme c’est vers ce point que j’ai vu les
grès, après tout la route impériale n’ayant qu’une pente régle-
mentaire qui ne saurait dépasser 0,05 par mètre, un kilomètre
de plus ou de moins ne saurait affecter le résultat de plus
de 50 mètres, et la cote de la Causse de Mende étant à peu
près 1,050, la différence de hauteur me donnerait de 270 à
320 mètres.
Si donc je rapproche de ce résultat les observations que j’ai
faites au Bleymard sur un ensemble à peu près semblable, en
tenant compte de l’épaisseur de la partie doiomitique de l’oo-
lithe inférieure que je n’y ai pas vue, je ne saurais guère arriver
sous la puissance des sédiments du Bleymard, à plus de
200 mètres, ce qui m’autorise à penser que l’évaluation des
épaisseurs aurait été un peu exagérée par l’auteur, surtout celle
de la couche c, qui me paraît véritablement anormale et peu en
rapport avec tout ce que j’ai vu ailleurs.
Les grès de la base sont sûrement ceux de l’infra-lias. Je ne
les ai vus qu’en passant, et je dois ajouter, en voiture; et de
plus, à cette époque, je ne connaissais encore aucun des nom-
breux gisements de la contrée, où ces grès se montrent à dé-
couvert, avec une certaine épaisseur, comme à Mende. Mais
dès ces premières observations je dois dire que je ne pus
m’empêcher de penser que ces grès de Mende, que je n’avais
pour ainsi dire qu’entrevus, étaient les équivalents de ceux
que j’explorais. Et cette particularité, qu’ils avaient été ex-
ploités comme meules, qui se répétait à Villefort et ailleurs, n’a
pas peu contribué à entretenir cette conviction. Je dois dire
que j’ai toujours supposé qu’il s’agissait de meules de moulins,
et non pas de meules à aiguiser. Quoi qu’il en soit, je dois
NOTE DE M. J AUBERT.
m’abslenir jusqu’à ce que je puisse aller les examiner conve-
nablement et voir si ma supposition est justifiée.
Les calcaires magnésiens brun de capucin qui les surmon-
tent se voient presque partout clans la môme position, mais
acquièrent ailleurs au plus la moitié de l’épaisseur qui leur est.
assignée dans cette coupe.
Seulement, est-il bien sûr que ce soient là des calcaires
magnésiens? L’aspect extérieur peut le faire croire. Si on les
examine attentivement, on est fort tenté de leur enlever cette
dénomination.
Les calcaires compactes à grains fins qui suivent consliluent
ailleurs et partout les couches fossilifères de l’infra-lias ; et
les fossiles y sont si nombreux, qu’il me paraîtrait difficile de
ne pas les avoir rencontrés à Mende, en parcourant, môme une
seule fois, tout ce terrain. Cependant il faut reconnaître que si
l’on ne suit que les escarpements nord des coteaux, où les
têtes de couches seules se présentent sans saillies, alors que
ces couches penchent légèrement d’ordinaire, mais toujours
plus ou moins vers la montagne, on risque fort, en effet, de
ne rien rencontrer. C’est là un fait général qui s’est continuel-
lement représenté, môme dans les points où l’abondance des
fossiles est extraordinaire. J’ai bien, sur les revers nord, re-
cueilli quelques fragments, parce que surtout j’étais certain
qu’il était impossible de ne pas les y rencontrer; mais si je n’a-
vais eu que cela, j’eusse été fort peu avancé, et ce n’est que
sur les revers sud, et là où je voyais les surfaces de plongeaient
des assises, qu’elles m’ont laissé voir et récolter toutes les ri-
chesses qu’elles contiennent. Or, si l’on en juge par sa coupe,
M. Kœchlin, en dehors des rives gauches du Rieucros et du
Lot, se serait trouvé précisément dans les conditions les plus
favorables du second mode de recherches que j’indique.
Aussi je puis assurer que j’éprouve un désir bien vif de pou-
voir aller visiter celte môme localité.
Entre les lumachelles de l’infra-lias, visibles presque partout
dans les lieux que j’ai explorés, et le lias moyen, on trouve un
ensemble assez puissant de calcaires dolomitiques, gris foncé
ou bruns, à nombreuses poches remplies de cristaux de chaux
carbonatée, qui ne renferment que de petites empreintes tout
à fait indéterminables, et occupent bien le niveau de l’étage si-
némurien à Gryphœa arcuata , dont il ne m’a cependant jamais
été donné de rencontrer la moindre trace, malgré le soin que
j’ai apporté à examiner cet ensemble couche par couche.
Soc. géol 2e série, tome XX Vî.
226
SEANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Si l’on veut bien remarquer que M. Kœchlin dit, page 624
de son mémoire, que le lias inférieur qu’il a appelé stérile
contient aussi à Mende de beaux et intéressants cristaux de
chaux carbonatée, on en déduira aisément que le terrain dont
je viens de parler est aussi le sien, c’est-à-dire la couche que
dans ma coupe j’ai marquée c, que je regarde comme appar-
tenant en partie à l’infra-lias, et en partie au lias inférieur.
Mais, comme toutes les formations du versant méditerranéen
ne m’ont guère offert qu’une puissance à peu près moitié
moindre que celles indiquées à Mende, je ne saurais trouver là
de termes de comparaison pour reconnaître quelle est l’épais-
seur de la couche c, qui doit élre attribuée à l’un ou à l’autre de
ces termes, et si, des 150 mètres alloués à cette couche, je me
contentais d’en retrancher environ 30, reconnus autre part
comme appartenant au lias inférieur, il m’en resterait 120 à
donner à l’infra-lias, ce qui me paraît énorme»
Faute donc de bonnes données, je partagerai la couche c en
deux parties égales, pour poser, grossièrement il est vrai, des
termes de comparaison, et j’en attribuerai une à l’infra-lias,
l’autre au lias inférieur. C’est là, je le sais, une supposition ab-
solument gratuite et que rien n’autorise, sinon cette raison,
qu’en agissant ainsi j’amoindrirai le plus possible l’erreur
dans les deux sens; alors j’obtiendrai pour la puissance des
diverses formations des environs de Mende :
Infra-lias. — Couches a-b et moitié de c 130m »
Lias inférieur. — Moitié de c-d et e si l’on veut 77 »
Lias moyen. — /et g , ou simplement f 40 ou 42m
Lias supérieur. — h et g si l’on veut 47 ou 45m
Qolithe inférieure. — ije t k 100 »
11 me reste à procéder à la description des divers gisements,
et comme la série la plus complète se trouve au Bleyinard, je
commencerai par celui-là et le décrirai en entier. Cela me per-
mettra d’éviter des redites, en me bornant pour les autres à
indiquer leur position topographique, accompagnée d’ailleurs
de coupes et de leur légende. Cela fini, je grouperai ensemble
les divers membres de chaque série qui ont entre eux les plus
intimes rapports et ne présentent d’ailleurs que des variations
locales de très-minime importance. Chacun des termes se trou-
vera donc aussi étudié à la fois dans son ensemble et dans ses
détails, et présentera réunis d’un seul coup les rapports et les
différences, sans qu’il soit nécessaire pour le lecteur de faire
NOTE DE M. JÀUBERT.
aucun effort de mémoire, ou de rechercher des détails, qu’une
description spéciale de chaque gisement aurait fait disséminer
un peu partout, dans le cours de cette étude.
Le Bleymard. — Cubières.
Le Bleymard est, après Mende, une des localités fossilifères
les plus communes de la Lozère, à cause surtout des nombreux
et superbes exemplaires de quelques espèces du lias moyen
qu’on peut s’y procurer. Mais au-dessus du lias moyen, on y
trouve l’oolithe inférieure, dont il a à peine été pa'rlé/et en
dessous, un infra-lias très-développé, dont on n’a jamais rien
dit, bien que la route impériale ait été établie au milieu de ses
assises les plus caractérisées et les traverse sur une assez
grande longueur, au grand tournant de la descente du col
vis-à-vis de Cubières.
Si du village on veut se rendre au hameau de Malecombe
un petit sentier permet d’atteindre en cinq minutes le point le
plus rappioche de la route, juste a 1 origine du tournant. A
peine s’est-on élevé de quelques dizaines de mètres au-dessus
de Cubières, que l’on voit les schistes gris ordinaires de la
contrée prendre une couleur violet rougeâtre, se feuilleter, se
charger de beaucoup de mica, et, à ces schistes ainsi complète-
ment modifiés sur une hauteur de sept à huit mètres, succéder
une formation calcaire en assises régulières, peu épaisses, qui
présentent de nombreuses empreintes de fossiles, que l’on
trouve aussi éparses sur le sol.
Cette modification des schistes est un fait constant partout où
j’ai pu voir des sédiments calcaires, qu’ils consistent en grès
ou en calcaires; et, comme je n’ai pas souvenir d’avoir vu ce
changement se produire ailleurs que dans une zone étroite de
schistes placée au-dessous du niveau des terrains secondaires;
que, par exemple, lorsqu’une lentille calcaire ou gréseuse re-
pose sur les flancs ordinairement très-abrupts des montagnes
schisteuses, les schistes, lorsqu’ils reparaissent par-dessus,
n ont pas éprouvé de modification semblable, il me semble
qu’on pourrait attribuer cette coloration particulière à la solu-
tion de l’élément ferrugineux qui existe souvent dans les grès,
toujours dans les calcaires dolomitiques bruns qui les sur-
montent, et qui aurait lentement imprégné la roche sous-
jacente.
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 18 68.
ns
L’analyse chimique comparative des schistes altérés et mar-
neux et des grès ou calcaires qui les recouvrent, pourrait
certainement indiquer la nature exacte de la solution, et
montrer si cette explication est ou non acceptable, mais ne
saurait jamais dans tous les cas résoudre qu’unepartie du pro-
blème, celle qui regarde la coloration, sans indiquer en rien
pourquoi cette roche a éprouvé un véritable métamorphisme,
qui en a complètement modifié la texture. C’est, dans tous les
cas, un phénomène très-curieux que celui que j’indique, et je
laisse à de plus compétents le soin d’en donner une explication
vraisemblablement plus plausible et qui résolve la question
dans toute sa généralité.
Coupe entre Cubières et Malecombe, avec le coteau du Bleymard, à gauche,
dans le fond. — Échelle de longueur : 1 à 25,000.
Fig. 2.
Causse du Route Causse de
Bleymard. impériale. Malecombe.
Neyra 1187 1030 1195
A Oolithe inférieure. — B Lias moyen. — C Lias inférieur. — D Infra-lias.
E Schistes siluriens.
Si de nouvelles recherches démontraient que ce fait se répète
en d’autres points de la Lozère, il pourrait avoir une certaine
importance géologique, en ce sens que lorsque les formations
secondaires ont été complètement emportées, si ces schistes
précurseurs (1) avaient eux-mêmes laissé des traces, ils pour-
(1) Cette expression est en elle-même peu exacte. Elle ne peut être prise
que dans ce sens, que, lorsqu’on rencontre ces schisles, on peut être certain
NOTE DE M. J AUBERT.
22 9
raient servir eux-mêmes à désigner les places où ils élaient
autrefois recouverts par les dépôts secondaires, et fournir
quelques repères pour le tracé des contours de la mer jurassi-
que, tout aussi bien presque que si ces sédiments supérieurs
existaient encore eux-mêmes sur les points observés.
Les grès que l’on remarque d’habitude sur ces schistes mo-
difiés et à la base de l’infra-lias manquent à Gubières, au point
où j’ai relevé ma coupe, ce qui n’est nullement une raison pour
qu’on ne les retrouve pas ailleurs, sur les contours de l'îlot,
car ils sont visibles dans la plupart des autres gisements sem-
blables, bien que réduits quelquefois à une très-faible puissance.
Infra- lias.
La formation commence par un calcaire gréseux, à pâte très-
line, contenant de petites lamelles de mica, et moucheté d’une
ioulede petits points ou linéaments très-courts, noirs, ressortant
peu dans une pâte brun chocolat, mais donnant à la roche une
grossière apparence de gneiss. Quelques couches de la base
m’ont montré des empreintes de Cardinies, mais elles y sont
rares, et il est impossible de déterminer l’espèce.
On peut évaluer leur épaisseur à. 3m,00
Calcaire marneux dolomitique roussâtre, sans fossiles 10 00
Calcaires feuilletés en couches minces, fossilifères 8 00
Calcaires gris, à pâte line, durs, à cassure unie, vive, dont les
lits de séparation offrent des surfaces bosselées, noduleuses, et
présentant souvent comme un aspect de brèche, mais à noyaux
arrondis, non anguleux, étroitement soudés ensemble, formant
comme de simples taches..... 40 00
Calcaires gris clair, en couches très -variables , depuis 0,05 jus-
qu’à 0,50 d’épaisseur, entremêlées de marnes grises et de cou-
ches de lumachelles, et présentant une énorme quantité de
fossiles appartenant à la zone de Y Ammonites Planorbis. C’est
le gisement principal des fossiles de la formation, et il pré-
sente dans le haut des calcaires plus rudes et sans marnes in-
tercalées 20 00
Puissance totale de l’infra-lias à Cubières 81“, 00
Le calcaire gris, d’aspect bréchiforme, ou dans la pâte du-
de trouver presque aussitôt les calcaires. Si elle échappe encore à ma plume,
parce qu’elle est significative, il faudra donc la prendre exclusivement dans
cette acception.
230 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
quel se remarquent, surtout sur les surfaces exposées à l’air,
comme des taches à teintes peu différentes du gris général,
mais néanmoins très-sensiblement visibles, me rappelle exac-
tement certains calcaires du Yar que, faute d’avoir connu le
niveau de Y Ameuta contorta , je n’avais pu faire autrement que
de classer dans le muschelkalk, et qui, aujourd’hui, sont re-
connus appartenir h l’horizon de l’infra-lias.
Ces derniers calcaires atteignent la route au tournant même
où aboutit le sentier; mais, en descendant la côte, tout le dépôt
se relève assez rapidement du sud au nord, de sorte que la
route le traverse dans toute son épaisseur, pénétrant successi-
vementtoutes les assises qui finissent, avant d’arriver au fond du
tournant et au chemin de Malecombe, par passer au-dessus
d’elle, et ne plus laisser voir que les schistes modifiés, et après
eux les schistes ordinaires du pays. On pourrait donc, avec du
temps, relever presque une à une toutes les assises de cette
formation, dans le talus d’amont. Mais, toutefois, cette belle
coupe, qui devait se montrer dans tous ses détails au moment
de la construction de la route, n’est point aussi nette que la
disposition bien favorable des lieux semblerait pouvoir le faire
supposer, et bien des termes, surtout ceux de la base, n’y sont
pas visibles.
Lias inférieur.
Depuis la route, en partant du point où je me suis arrêté,
jusqu’au haut de la partie vue du coteau, où les pentes s’adou-
cissent assez pour former un petit plateau, on peut remarquer
une série de calcaires d’apparence très-uniforme, que leur po-
sition tend à faire classer dans le lias inférieur, et dont suit le
détail :
Calcaire argileux brun, dolomitique, ressemblant, du reste,
beaucoup à celui de la base, qui est plutôt une sorte de grès
vaseux qu’un véritable calcaire, et renferme de très-nombreu-
ses poches tapissées de beaux cristaux de chaux carbonatée.
J’y ai observé de plus de la baryte sulfatée et des rognons de
plomb sulfuré. Ces calcaires paraissent dépourvus de fossiles;
il n’en est rien cependant, et, si l’on brise les blocs, on verra,
dans la cassure fraîche, ressortir d’assez nombreuses emprein-
tes, dont il est difficile de bien saisir les contours, et qui
appartiennent à de petites coquilles bivalves, au nombre des-
quelles je crois avoir remarqué une Lima, petite, très-convexe.
Je n’ai pu retourner au Bleymard depuis que j’ai fait cette re-
NOTE DE M. J AUBERT.
231
marque, mais elle me laisse espérer que les assez longues
recherches que j’ai faites dans ces calcaires, pour y découvrir
VOstrœa arcuata, si elles restent infructueuses à l’égard de cette
espèce caractéristique, pourront bien amener d’une autre façon,
et à l’aide d’autres preuves paléontologiques, au but que je
poursuis.
De nombreuses carrières ayant été ouvertes au-dessus de cet
ensemble de couches, pour les besoins de l’empierrement de
la route, des tas de débris de calcaires cariés, de marnes et de
calcaires marneux désagrégés, recouvrent le sol, et empêchent
de suivre les détails. Ces débris ne m’ayant pas offert de fos-
siles, il faut en conclure, dans tous les cas, que dans la série
supérieure ils doivent être extraordinairement rares, si toute-
fois il y en a.
A partir de la base des carrières, j’ai mesuré :
B assises de calcaire dolomitique feuilleté, gris jaunâtre lra,00
Couche de calcaire gris vif 0 25
Filet de marne grise 0 05
Couche de calcaire gris, compacte 0 60
Marne jaunâtre, ou plutôt calcaire feuilleté 0 15
Couche de marne grise liée à la marne jaune, et qui disparaît en
coin 0 25
Cinq couches de calcaire roussâtre , dolomitique , très-argileux,
avec nombreux cristaux de chaux carbonatée. Séparations con-
luses et peu suivies. Les deux supérieures, épaisses de 0,80, se
réunissent souvent en formant alors un énorme banc de 1,60,
épaisseur réunie 2 35
Couche d’argile grise 0 1S
Couche de calcaire jaune argileux 0 30
2 minces filets de calcaire argileux; ensemble 0 10
Couche de calcaire compacte 0 10
3 ou 4 couches de calcaire, en feuillets minces 0 50
Terre végétale ; » »
Puissance du lias inférieur 26 10
Lias moyen.
Les carrières que l’on exploitait depuis de longues an-
nées dans le système sinémurien, ne présentant que quel-
ques assises utilisables et non contiguës, ce qui devait,
à cause de la grande masse des déchets, rendre l'exploi-
tation très-onéreuse, ont été abandonnées, et les nouvelles
23 2
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
recherches reportées plus à l'ouest, en se rapprochant du col
même, et presque sur le bord amont de la route. Elles se
trouvent là dans les premières assises du lias moyen; comme
elles n’ont guère encore pénétré dans le sol de plus de 1 à
2 mètres, elles ne peuvent être d’aucune utilité pour relever
des coupes, mais seront visitées avec fruit.
Toutes les parties marneuses, en effet, ont été rejetées sur le
bord des excavations, ou dispersées sur le sol environnant,
et l’on peut y recueillir bon nombre de fossiles détachés. Ce
sont en général des moules de bivalves et une immense quan-
tité de Belemnites paxillosus .
Pour étudier ce terrain, qui n’est plus visible en ce point
sous la croûte végétale du mamelon, il faut redescendre au
point de départ, appuyer à l’ouest, et atteindre le coteau qui
sépare Cubières du Bleymard, que j’ai représenté dans le fond
de ma coupe, à gauche.
Il ne m’a pas été possible, sur les diverses lignes que j’ai
suivies, de trouver des points qui m’aient permis de suivre une
coupe et d’en relever les détails. On est interrompu par les
cultures qui cachent la roche et ne laissent apercevoir de
temps à autre que quelques couches à découvert. Il faudrait
donc avoir beaucoup de temps à soi pour relier entre elles ces
faibles parties visibles, éparses un peu partout, et placées à des
hauteurs différentes.
Je ne puis donc parler que de l’ensemble. C’est une série de
calcaires roux, grossiers, marneux, même siliceux, en couches
régulières, séparées par des lits étroits, marneux. Ils laissent
saillir de tous côtés des tronçons de Belemnites paxillosus, beau-
coup d’énormes Pecten œquivalvis, des Spiriferina et des Tere-
bratula , dont l’espèce qui domine est la cornuta , et aussi la
Rhynchondla acuta. Presque à chaque pas on rencontre des
poches de cristaux de chaux carbonatée, comme dans les cal-
caires inférieurs du lias sinémurien. On peut même, en brisant
les grosses boules, y obtenir des rhomboèdres assez bien dé-
limités. Ces couches laissent aussi voir de nombreuses Entro-
ques ; et toutes les surfaces exposées à Pair, étayant éprouvé un
commencement de destruction, laissent ressortir, de plusieurs
millimètres, de très-nombreux petits fragments, implantés
dans la pâte, de quartz à angles plus ou moins émoussés.
J’y ai aussi rencontré, comme dans l’étage inférieur, du
plomb sulfuré, mais qui, là, se présente en cristaux assez
réguliers.
NOTE DE M. J AUBERT.
233
Sur le sommet de la causse de Malecombe, j’ai vu, détachés
dans les champs, de nombreux débris de silex zonés qui pa-
raissent avoir formé de véritables assises, car ils montrent des
lits parallèles très-réguliers.
Ces calcaires sont durs, tenaces, fort rebelles au marteau, et
il est bien rare qu’on puisse en retirer les fossiles. Mais les
pluies, et les gelées probablement plus encore, attaquent et
désagrègent assez rapidement cette roche, détachent les fossi-
les, et opèrent à la longue un nettoyage assez avancé pour
qu’il soit assez facile, avec un peu de patience, des burins et des
brosses, d’obtenir de superbes exemplaires. On rencontre assez
communément des individus détachés, que la charrue a ame-
nés à la surface des champs cultivés, ou que les eaux d’orage
ont entraînés et accumulés dans de petits bas-fonds.
J’ai pu ainsi, dans des envois que me fait detemps en temps,
après les grands orages, un brave homme de ce pays, que
j’encourage le plus que je puis, quoique j’y retrouve toujours
la même chose à peu près, me procurer des espèces fort inté-
ressantes, que je n’ai jamais aperçues moi-même dans le sein
des couches.
La faune n’est pas extrêmement variée; mais cependant je
compte environ une soixantaine d’espèces que m’a données ce
terrain, la plupart très-connues, quelques-unes non décrites
encore et dont suit la liste :
Fort peu d’Ammonites. L’espèce la plus répandue est VA.
margaritatus , A. fim.br iatus , etc.; deux ou trois autres en frag-
ments seulement; Belemnites paxillosus en immenses quantités,
umbilicatus , etc.; Chemnitzia ou Turritella, deux espèces à l’état
de moules; Trochus amor? moule ; Pleurolomariamopsa , moule;
deux ou trois autres espèces, dont une énorme ; PholadomiaRœ -
meri , Ag., Urania , d’Orb., ambigua , Sow .,Hausmanni, Goldf.,
Thracia elongata , Ag., ou très-voisine ; Pleuromya unioides , en
nombreuses variétés, striatula , Ag., rugosa , Chap., œquistriata,
rostrata, glabra , angusta? Ag., crassa , Ag., ou fort voisine;
Arcomya elongata, Rœm., Ag., nov. spec . , Myacites ( Amphidesma )
rotundata, Phill., donacifornis , Goldf. (Lutaria) ; Mactromya lia-
sina , autre espèce, un peu oblique, et quelques autres moules
de lamellibranches peu déterminables; Lima Hermanni , Voltz
(très-grosse); autre qui est fort voisine de décor ata, punctata ;
forme et ornementation, mais très-convexe, et presque aussi
épaisse que haute ; Pinna , espècefort grande; Pecten œquivalvis,
acuticosta , Lam., liasinus, Nyst, ( disciformis , corneus ), très-grand,
234
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
nov.spec.y à stries disposées en chevrons très-aigus, le même
qui est très-répandu dans le Yar, dont M. Dumortier, tome II de
ses belles études, donne la figure et la description page 216,
en l’assimilant au priscus de Schlot. 11 est. cependant bien diffé-
rent, et bien aisé à reconnaître, et surtout n’est pas du lias infé-
rieur, ni dans le Yar, ni ailleurs. Dans un travail que je pré-
pare et qui verra peut-être le jour, si après examen d’amis
compétents il en est jugé digne, je l’ai nommé P. Dieulafaiti (1).
(1) Côtes souvent très-aiguës ainsi que les sillons qui en reproduisent
exactement la forme en creux. Mais toutes les parties tranchantes ou an-
guleuses s’émoussent et s’arrondissent ; les côtes de la valve droite en arri-
vent jusqu’à être absolument convexes et à se plaquer l’une contre l’autre,
sans laisser d’autre largeur au sillon qui les sépare que le trait du fond (un
trait de scie). Il n’y a de constant que l’ornementation remarquable des
stries concentriques, qui traversent côtes et sillons par une série de chevrons
à angles fort aigus (ou s’arrondissant plus ou moins sur les arêtes saillantes
ou rentrantes à mesure que celles-ci se modifient), mais qui sont toujours rele-
vées ou abaissées très-obliquement sur les flancs. Si l’on veut d’ ailleurs voir
cette disposition exactement représentée, il n’y a qu’à se reporter à la pl. 90
de Goldf., fig. 7 du P. dentatus. En tant qu’ornementation de valve, on ne
pourrait être plus parfait.
Comme cette obliquité des stries est toujours apparente, quelle que soit
l’usure de l’exemplaire , je ne comprends pas que ce caractère, indépen-
damment d’autres différences, ait pu laisser confondre cette espèce avec le
priscus.
Quenstedt, Der Jura , p. 147, dit que la meilleure figure de ce Pecten
est celle de Goldfuss, pl. 89, fig. 5. Or, ni cette figure, ni la caractéristique
latine, ni le texte allemand, pas plus que Quenstedt, lui-même, n’indiquent
cette disposition en chevrons. La diagnose porte mêm evalva lœvi , le texte
allemand : Clatt, geript. Il ne saurait donc pouvoir s’établir de con-
fusion.
Le Var offre encore dans le lias supérieur deux autres Pecten nouveaux.
Le premier est celui que M. Dumortier a désigné sous le nom de persona-
tus, et qui n’a absolument de commun avec cette espèce que les côtes inté -
rieures, et pour le reste en diffère du tout au tout. C’est aussi celui dont
M. Dieulafait parle dans sa dernière note, et auquel il restitue sa véritable
place. Je l’avais désigné moi-même dans ma coupe , séance de la Société à
Marseille, sous le nom de disciformis , auquel les exemplaires usés se rap-
portent bien, Vel. nov. spec.y et aussi dans le lias supérieur. Dans mon
travail, il figurera sous le nom de P. Dumortieri.
Le second Pecten nouveau du lias supérieur est assez rare. Il a, bien plus
que le Dieulafaiti , l’aspect du Pecten priscus. Comme chez ce dernier, les
valves sont lisses. Les côtes et les sillons y sont aigus, mais il s’en dis-
tingue très-nettement par une rangée d’écailles pointues, en dents de râpe,
NOTE DE M. J AUBERT.
235
— textorius , beaux exemplaires; Harpax pectinoides , E. Desl.
— nov. spec ., très-robuste, magnifique, et d’une admirable con-
servation ; Plicalula Ostrœa cymbium ( gigantea ) et deux autres es-
pèces bien distinctes; Spiriferina rostrata, pinguis, Hartmanni ;
Terebratula subnumismalis, Mariez, cor nuta, quadrifida , et plu-
sieurs autres; Rhynchonella acuta , partout.
Je ne saurais évaluer la puissance totale de cette série au-
dessous de 35 mètres.
Les marnes schisteuses noires, qui constituent à Mende
la partie supérieure de cet étage, et le lias supérieur à
nombreuses Ammonites pyriteuses, n’apparaissent pas en ce
point, même sous une forme réduite, et je dois ajouter qu’au-
cune rencontre de fossiles dans les calcaires ne m’a annoncé
le lias supérieur.
11 ne serait pourtant pas impossible que des marnes foncées,
profondément ravinées, que l’on voit au pied du bois de Ney-
rac, entre ce village et le sommet du col traversé par la vieille
route impériale, au sud du Bleymard, représentassent les
marnes schisteuses de la vallée du Lot; mais le temps m’a tou-
jours manqué pour aller les explorer.
Oolithe inférieure.
En continuant à s’élever sur le col, et bien avant d’atteindre
le sommet du plateau, la couleur des calcaires devient beau-
coup plus claire. Ils sont plus argileux, et se délitent en pla-
ques minces, couvertes de nombreuses empreintes de Chon-
drites, dont les brins paraissent bien plus étalés et moins serrés
que ceux du Scoparius des environs de Lyon, mais qui, à part
cela, lui ressemblent beaucoup.
La roche qui contient cette algue présente cet aspect si par-
ticulier que les géologues lyonnais ont qualifié du nom peu
scientifique peut-être, mais à coup sûr des plus significatifs, de
calcaire à coups de balai.
très-régulière, qui occupe juste le milieu des flancs. Un individu, qui laisse
voir les côtes les plus extérieures, porte des épines assez longues placées sur
le dos même de ces côtes et couchées, comme cela se rencontre à un niveau
plus élevé, chez le Pecten barbatus , dont il prend dans ce cas tout à fait
l’aspect.
Dans mon travail, il sera figuré sous le nom de notre chef de file du
Midi, et appelé P. Coquandi.
236
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1888.
C’est exactement le niveau et la continuation du calcaire à
fucoïdes, signalé par M. Kœchlin sur la pente nord de la mon-
tagne de Saint-Privat, où il alterne avec les calcaires bleus à
Ammonites subradiatus dubajocien, et, pour compléter l’identité,
j’ajouterai qu’au-dessusdes fucoïdes on peut récolter en gran-
des quantités YOstrœa sublobata, Desh., Héb. (Ostrœa Phœdra,
d’Orb., Kœchlin, Chap. etDew.).
C’est le troisième niveau des fucoïdes de M. Dieulafait.
Quelques rares fossiles accompagnent cette algue : de petits
Pecten, une Lima , quelques acéphales; mais tout ce que j’ai
rencontré est peu déterminable. Je ne dois pas moins constater
la présence de ces fossiles, parce qu’il est très-probable que
des recherches plus prolongées en feront découvrir de bons
individus, qu’on pourra alors reconnaître.
Sur le flanc sud du mamelon, en descendant le petit ravin qui
part du croisement de la vieille route avec le chemin vicinal
qui monte sur la Lozère, ravin qui se dirige sur le hameau du
Mazel, on pourra, sur la rive droite, peu au-dessus du fond,
recueillir, autant qu’on en désirera, d’ Ostrœa sublobata en par-
fait état de conservation.
Je crois que les dolomies supérieures de Dufrenoy, avec
silex, alternant avec les calcaires à Entroques de M. Kœchlin,
manquent en ce point, car les couches à Ostrœa sublobata dis-
paraissent bientôt contre les schistes, au pied môme du pre-
mier bois, à quelques cents mètres à l’ouest du chemin vicinal,
et sont composées de marnes grises alternant avec des calcai-
res gris marneux.
En dessus même de la vieille route et dans ses talus, une
très-faible butte marneuse m’a fourni un petit Mytilus fort
élégant, cylindrique, peu courbé, d’un centimètre de diamètre
environ et de quatre à peu près de longueur, qui y paraît assez
abondant, mais que je n’ai pu détacher qu’en fragments.
Mais le fossile le plus intéressant est une petite Rhynchonelle
de la forme de varians ou callicosta, toute mignonne, et dont
je ne connais pas l’espèce. Elle y est fort répandue, et présente
cette heureuse particularité, que le dépôt qui remplit les val-
ves se laisse assez facilement ramollir par un séjour prolongé
dans l’eau, pour qu’on arrive assez aisément à vider ces valves
qui restent excessivement minces, fragiles, translucides, et lais-
sent apercevoir, parfaitement conservées, les lames de l’appa-
reil apophysaire. On peut même alors faire jouer les valves
l’une sur l’autre, ce qui amène ordinairement leur séparation.
NOTE DE M. JAUBERT.
237
Je cite celte particularité rare, qui pourra piquer la curiosité
des amateurs, car la géologie de ce département pourra se
faire d’autant mieux et plus tôt, que le nombre de ceux qui
viendront l’explorer sera plus grand, et qu’il importe avant
tout d’indiquer ce qui pourra les y attirer.
La conformation du terrain, qui sur la ligne que j’ai suivie
monte d’abord pour s’arrondir en suivant le plateau, pour de
là s’abaisser, puis se relever encore, ne permet pas d’évaluer
avec une grande précision la puissance de l’oolithe inférieure,
que je crois pouvoir fixer à environ 40 mètres.
En résumé donc, le massif jurassique que l’on a vu, plus
haut, varier à Mende entre 270 et 400 mètres, ne présente
plus au Bleymard, point où il montre, comparativement à ceux
que j’ai étudiés, le développement le plus complet, plus de
485 mètres; et si je contrôle ce chiffre par les cotes d’altitude,
je trouve au sommet de la série, au nord du Bleymard 4487m
A l’origine du grès basique, dans le fond de la vallée
de Gubières environ 4010
La différence obtenue 477
se trouve concorder avec celle que j’ai obtenue sur les lieux,
sans le secours de la carte, que je n’avais pas encore en ce
moment.
Gisements de Pomaret.
On peut, en prenant le chemin de Pomaret, observer de nou-
veau les terrains que j’ai étudiés dans ma coupe de Gubières, à
la base du coteau, sur la rive droite de la rivière; mais l’étude y
est moins commode; je n’y ai vu que peu de fossiles, et je me
suis contenté de les suivre pour en déterminer les limites, et
sans y faire de recherches.
Ils suivent le contour de la montagne, et remontent le flanc
gauche de la vallée de Cubiérettes, jusque près de ce village,
sur3à4 kilomètres. Il m’a paru qu’ils s’arrêtaient là ; puis,
traversant la vallée, je les ai retrouvés sur le flanc droit, où
après avoir franchi la vieille route, vers l’origine de la montée
du col de Bournon, ils contournent la montagne comprise
entre cette route et P Altier, où ils se maintiennent en dessus de
la mi-hauteur de l’escarpement, pour se terminer près de
ïreimes.
Je regrette de ne point m’être élevé jusqu’au col de Bournon,
par lequel la route franchit le faîte, parce que j’espérais y re-
238
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
trouver l’oolithe, dont je crois avoir aperçu des lambeaux con-
servés sur le flanc gauche de la vallée de Cubiéreües; mais un
orage subit m’obligea, au moment où je me disposais à faire
cette reconnaissance, à chercher au plus tôt un refuge dans la
localité la plus rapprochée.
La même contrariété s’étant renouvelée dans une seconde
course où j’avais la même intention, j’ai dû renoncer à aller
reconnaître, aux environs du col, sur un kilomètre et demi de
longueur environ, la limite sud de ce dépôt.
Cette petite chaîne, dont l’altitude se maintient entre 1050
et 1,100, présente une arête arrondie de quelques centaines de
mètres de largeur, parallèle au cours de l’Altier, qui, au col de
Bournon, se retourne à angle droit, et s’élève jusqu’aux som-
mités du mont Lozère.
En l’abordant par son flanc est, du côté des Rochettes et de
Treimes, au moment où l’escarpement terminal commence à
se redresser sous un angle de 25 à 30 degrés, l’approche des
sédiments secondaires est annoncée par les schistes précur-
seurs, violet rougeâtre, comme d’habitude, et qui là sont tel-
lement feuilletés, qu’il faut arriver dessus pour ne pas croire
que l’on a devant soi de véritables marnes.
Au-dessus, au milieu de nombreux éboulis, se montrent les
grès, en une ou deux assises minces, partout où le terrain est
débarrassé de débris, ou creusé par les petits ravins.
En tournant le coteau pour atteindre son revers sud, si l’on
se tourne vers le mont Lozère, on arrive à un plateau incliné
qui commence au-dessus des champs cultivés, et l’on peut voir,
à deux kilomètres au plus dans le fond de la vallée, et un peu
sur la gauche, le village de Pomaret, qui m’a paru le plus con-
sidérable parmi ceux que l’on rencontre dans les environs.
C’est pourquoi j’ai choisi son nom pour désigner le coteau.
A droite, plus rapproché et au fond d’un petit cirque à mi-
chemin, entre Pomaret et le col de Bournon, on a le hameau
du Crouzet. Au pied est du coteau, dans le fond de la vallée,
est un autre hameau nommé Redoussas.
Si l’on a assez avancé sur la montagne pour perdre de vue
Redoussas et apercevoir Pomaret et le Crouzet dans les po-
sitions respectives que j’ai marquées, on se trouvera précisé-
ment sur le point le plus fossilifère de ce gisement.
JTy ai recueilli, éparse sur le sol, vierge probablementencore
de toutes recherches, et où, par suite, les fossiles, détachés de
leur gangue depuis des siècles peut-être, se montraient à pro-
NOTE DE M. J AUBERT.
239
fusion, une fort grande quantité d’espèces de la zone de
Y Ammonites planorbis.
J’avise qu’il serait absolument inutile d’essayer de rien re-
tirer de la roche ; elle est trop dure et trop vive, et la marne y
est rare. Il ne faudrait donc pas espérer y être aussi heureux
que je l’ai été dans ma première visite, et je m’en suis bien
aperçu lorsque jJy suis retourné depuis.
Il faut peu remonter pour trouver le lias moyen, qui, là
aussi, montre assez de fossiles. L ’Ostrœa cymbium n’y est pas
très-commune, mais on peut en rapporter quelques exemplai-
res d’une bien rare conservation.
Si l’on veut se bornera étudier simplement la superposition
des couches, il vaudrait mieux encore passer sur le revers nord
du chaînon; mais, si l’on s’attache principalement aux fossiles,
il sera préférable de ne point quitter la pente sud.
Coupe du coteau entre l’ Altier et Pomaret.
Échelle des longueurs :
Fi?. B.
Pomaret.
867 (1047)
A
E E
A O'træa cymbium.
B Lias moyen.
G Lias inférieur.
E
D Infra-lias.
G Grès.
E Schistes siluriens
vo
P<
.a
p-t
i i
i (
i i
1 i
00
80
Infra-lias a-f. Puissance 39m0 0.
Micaschistes modifiés, puis au-dessus :
a . Grès à grains moyens, quartz, feldspath, pâte calcaire 2m,00
b. Grès tufacé, très-fin, brun chocolat 0 80
c. Grès à pâte fine, à fragments de schistes, passant à unebrèche. 0 20
d. Grès vaseux , brun chocolat, extrêmement fin, dont la struc-
ture ne se voit bien qu’à la loupe. A l’œil nu, on dirait un cal-
caire dolomitique. Sans fossiles 10
A reporter
13 0 0
240 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Report 13 0 0
e. Calcaire et marnes grises, entremêlés de nombreuses couches
de lumach elles. Très-fossilifère. Ostræa sublamellosa. Pecten
et Lima valoniensis, Ammonites planorbis. Vers le haut, très-
nombreux Pecten Thiollierei , et quelques couches de calcaire
fragmentaire 20 00
f. Couches calcaires très-minces, en plaquettes. Débris fossiles.
Une dent 6 00
Lias inférieur g-h. Puissance 31m00.
g. Dolomie sableuse grise, dure, avec fossiles indéterminables. 1 00
h. Grès calcaire jaunâtre, à pâte très-fine, ressemblant beaucoup
à du calcaire dolomitique, contenant de très-nombreux cristaux
translucides de chaux carbonatée. Sans fossiles 30 00
Lias moyen i-j. Puissance 35m00.
i. Grès grossier, ressemblant du reste beaucoup à celui de la base,
à ciment calcaire, à nombreuses Belemnites paxillosus. Traces
à.' Ostræa, de petits Pecten , à' Ammonites alternant à diverses re-
prises avec des calcaires assez terreux, jaunâtres ou gris, à
Rhynchonella acuta , et formant à la partie supérieure de gros
bancs avec Pecten œquivalvis, liasinus
j. Calcaire gris roussâtre, rude au toucher, à très-nombreux
grains de quartz implantés dans la pâte et ressortant sur les
surfaces exposées à l’air, avec couches minces subordonnées de
silex zonés. Belemnites paxillosus nombreuses. Ostræa cym-
bium , etc
Puissance de l’ensemble
20 00
15 00
105 00
Interrompu par l’échancrure de la vallée, cet ensemble re-
paraît sur le dos de l'arête suivante, qui sépare Pomaret de la
Pigère ; mais, déposé sur une pente abrupte, il n’en est resté
qu’une lisière qui a été entraînée aisément, et dont la base seule
s’est conservée. La vieille route de Mende a légèrement échan-
cré cette base. On peut se passer de visiter ce gisement. Il est
très-réduit, caché parles cultures, et, dans les petits emplace-
ments qui semblaient promettre quelque chose, je n’ai trouvé
que de très-rares individus mal conservés des espèces les plus
communes.
J’ai aussi recueilli en ce point, roulés, des rognons de plomb
sulfuré.
NOTE DE M. J AUBERT.
241
Gisements de Bergougnon .
En continuant toujours à marcher sur Villefort, poussant
des pointes tantôt à droite, tantôt à gauche de la vieille route,
on aperçoit les premiers calcaires au pied du hois situé au
nord d’une grande ferme nommée la P rade. Ils forment une
bande étroite qui s’élargit en allant vers Bergougnon, situé
précisément sur l’arête du contre-fort. La route coupe ces cal-
caires, qui finissent avant d’atteindre les maisons, pour passer
en grande partie au-dessous de cette route et former le ma-
melon qui s’allonge au nord nord-est, dans la direction du
village d’Altier.
Entre la Prade et Bergougnon, on aperçoit à peine les grès
de la base, affleurant dans une ravine que suit un petit sentier,
mais qui n’a pas souvent un mètre de profondeur.
Mais si, comme je l’ai fait ordinairement, on aborde le gise-
ment en venant d’Altier, après avoir suivi pendant une demi-
heure à peu près la rude montée du chemin vicinal qui unit
ces deux villages, on atteint un petit plateau doucement in-
cliné, qui rompt la raideur de l’escarpement. Au milieu de ce
plateau, sur les schistes modifiés, paraît, tout à fait à décou-
vert, une bande de grès que l’on peut suivre sans peine en
contournant le mamelon vers l’est. A cause de l’adoucisse-
ment de la pente, le grès occupe en surface une zone qu’il est
possible cette fois de faire figurer sur une carte géologique.
Dans les localités précédentes, si on l’essaye, ce ne pourra
être, quelque étroite que soit la bande coloriée, qu’en exagé-
rant démesurément sa largeur réelle sur le terrain.
De Bergougnon, situé à l’altitude 995, pour arriver en sui-
vant le chemin jusqu’au grès, on a dû s’abaisser de près de
50 mètres, mais on remonte à l’est pour suivre ces grès, et, s’ils
n’atteignent pas tout à fait le niveau de Bergougnon, ils ne pa-
raissent pas en être au-dessous de plus de 30 à 35 mètres. Ils
restent donc sensiblement au-dessous de celui où on peut les
observer ailleurs, environ d’une quarantaine de mètres.
Les divers termes de l’infra-lias surmontent ces grès, et la
formation calcaire du mamelon de Bergougnon, qui appartient
au lias moyen Je plus caractérisé, va se terminer contre les
schistes, à peu de distance au-dessus du village de la route.
Soc. géol.} 2e série, tome XX Yi.
16
242 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
Coupe d 'Altier àBergougnon. — Échelle des longueurs :
G Grès.
D Infra-lias.
C Lias inférieur.
B Lias moyen.
K Calcaires.
K Calcaires gréseux.
Infra-lias a-f. Puissance 46m00.
Au-dessus des schistes modifiés :
a. Grès à gros grains de quartz blanc, à angles peu émoussés,
en 3 ou 4 couches, plus ou moins agrégés. Un gros banc de
0,80, moyennement dur et friable. Des couches minces, à
grains plus fins, passant à une marne gréseuse. Quelques par-
ties bréchiformes, à fragments de schistes, et nombreux ga-
lets de quartz arrondis , souvent aplatis , usés et roulés, qui
font passer au poudingue» Grains de feldspath. . , 2m,00
6. Calcaire gréseux, siliceux, à pâte très-fine, couleur brun
chocolat, en couches minces. Sans fossiles. 8 00
c. Calcaire gris à pâte fine, noduleux, fragmentaire. Sans fos-
siles., 6 00
d. Calcaire gris, lumachelle, mélangé de marnes grises, avec de
nombreux fossiles de la zone à Ammonites planorbis. Ostrœa
sublàmellosa. Pecten Thiollierei, Cardinies, etc 15 00
e. Calcaire marneux jaunâtre, avec les mêmes fossiles* Terebratula
Psilonoti , . , ; * , . . , i 5 00
A reporter
36 00
NOTE DE M. JAUBERT.
243
Report. 36 00
f. Calcaires gris, rudes, à Entroques, Peu de fossiles. Plus de
marnes., 3,0 oo
Lias inférieur g. Puissance lô^OO.
g . Calcaire gréseux dolomitique, roux, à nombreux cristaux de
chaux carbonatée. Baryte. Plomb sulfuré. Stérile 15 00
Lias moyen h-i. Puissance 19m00.
h. Le même calcaire de couleur brun chocolat, à cristaux de chaux
carbonatée comme dessus. Pecten œquivalvis et acuticostata ,
liasinus , — Polypiers, — Térébratules, — se délitant en pla-
ques minces 10 00
i. Grès à grains fins ou moyens, sans gros galets, en 7 ou 8
bancs épais, avec très-nombreuses valves des mêmes Pecten,
Petites assises siliceuses subordonnées, peu visibles en place,
mais dont les débris recouvrent les pentes. C’est une agglo-
mération de valves de Pecten (deux espèces et une Lima)i mé-
langées en tout sens, mais généralement à plat, le tout changé
en un vrai silex, L’assise atteint jusqu’à 0,25 9 00
Puissance de l’ensemble. 80 00
De Bergougnon à Yillefort, sur environ 1Q à 12 kilom., au-
cun des contre-forts, au nombre de six ou sept, que montre
eneore le revers du mont Lozère, ne présente plus aucune trace
de terrains secondaires ou autres. C'est du reste un effet de
l’accroissement du volume des eaux, dont le courant devenait
plus terrible et plus destructeur à mesure qu’il s’éloignait du
lieu de départ et recevait avec chaque nouveau cours d’eau
une nouvelle puissance, d’autant plus redoutable que jusque-
là il est bon de faire remarquer que le bassin s’est maintenu
tout aussi étroit qu’à l’origine. Aussi si l’on jette un simple
coup d’œil sur les trois coupes que j’ai données ci-dessus, le
résultat théorique est fort sensible et montre les lambeaux
respectés diminuer à mesure que la cause de destruction aug-
mente.
Il me paraît certain que vers la fin de l’époque du trias un
mouvement du sol s’est opéré, qui a permis à la mer de péné-
trer dans cette moitié du détroit du Bleymard que jeyiens d’é-
tudier, Ce mouvement ne peut avoir eu que deux causes : un
exhaussement du fond des mers en des points peut-être fort
éloignés de celui qui m’occupe, qui aurait obligé les eaux à
agrandir leur bassin dans cette direction et pénétré dans les
244
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
dépressions jusque-là émergées, ou un abaissement de la ré-
gion en question, ce qui évidemment peut être dû à une oscil-
lation unique comme à des oscillations fractionnées qui se se-
raient lentement continuées jusqu’à la fin de l’oolithe inférieure.
A cette époque, M. Hébert a prouvé que le mouvement d’af-
faissement se produisait vers l’est.
Alors aurait commencé l’oscillation en sens contraire, que
je ne prétends point rattacher, bien entendu, aux mouvements
généraux de la masse entière, pour la petite région dont je
crois au contraire que le mouvement d’ensemble devait et pou-
vait se fractionner en mouvements secondaires, se faisant sen-
tir plus vivement en un point que dans un autre, même voisin,
mais soustrait à son influence, ou la subissant dans des con-
ditions différentes. Ainsi, dans le cas actuel, ce que je viens
d’exposer semble indiquer que le retrait des eaux du Bieymard
aux Vans s’effectuait en coulant de l’ouest à l’est, précisément
le contraire de ce qu’aurait dû produire le relèvement général
qui s’opérait alors en sens opposé. Mais je ne vois rien d’im-
possible à cela, rien même qui attaque le résultat général in-
diqué par cette théorie.
De quelque façon que se soit fait le mouvement, il a provo-
qué la retraite des eaux, qui auront peut-être, si cette retraite
a été tant soit peu brusque, pu commencer à détruire elles-
mêmes une partie de l’œuvre qu’elles venaient d’accomplir
lentement, laissant aux phénomènes naturels ordinaires le soin
de l’achever, ou même d’exécuter à eux seuls cette œuvre de
destruction.
Arrivé à Villefort, je poursuis l’indication des gisements, en
allant recommencer au nord-ouest, à l’extrémité du bras de
mer qui se prolongeait jusque dans la région supérieure du
bassin actuel du Chassezac.
Gisements de la haute vallée du Chassezac.
Il ne m’a point été possible encore d’aller visiter cettê con-
tçée, où existent des causses , ou plateaux calcaires.
Leur existence m’est signalée près de Chasseradès :
1° Au hameau de l’Estampe, dans la direction du Bieymard;
2° Au hameau du Mas, entre Chasseradès et Puy-Laurent,
où existe précisément un centre de fabrication de chaux pour
la contrée environnante ;
3° Au hameau de l’Hermet, en face de Puy-Laurent;
NOTE DE M. JAUBERT.
245
4° Au hameau de la Jare, près Prévenchères, au sud-ouest.
Ces quatres lambeaux sont alignés de l’ouest à l’est, 20 de-
grés sud.
Je connais ce dernier gisement. Tl m’a montré Tinfralias à
peu près complet, mais non recouvert. Je le décrirai ci-après.
En ce qui regarde les trois premiers, je ne suis encore en
mesure d'affirmer qu’une chose : c’est l’existence certaine du
lias moyen au hameau du Mas, et précisément de sa partie
supérieure.
Les échantillons de roche que j’ai envoyé recueillir en ce
point aux environs du four à chaux sont des grès fins et gros-
siers et des calcaires gréseux absolument identiques avec ceux
qui composent le lias moyen de Bergougnon et de Pomaret,
et ils contiennent exactement les mêmes fossiles. La similitude
est telle entre ces restes et les roches qui les renferment, que,
si les échantillons de ces diverses provenances étaient mélan-
gés ensemble sans qu’on eût pris la précaution de leur appli-
quer des marques distinctives, il deviendrait impossible de
pouvoir les rapporter à leurs gisements respectifs.
Des calcaires dolomitiques rencontrés dans ces échantillons
indiquent le lias inférieur. Aucune de ces diverses roches ne
pouvant être exploitée pour chaux, l’agent que j’avais chargé
de faire ces recherches, qui d’ailleurs notaient point destinées
à un but géologique, mais seulement à savoir si je pouvais
trouver là des matériaux propres à fournir des moellons d’ap-
pareil et de la pierre de taille, n’a recueilli que ceux qui lui
paraissaient propres à remplir ce but, et n’a nullement songé
à m’envoyer les calcaires de l’infra-lias qui doivent là comme
ailleurs alimenter les fours à chaux.
La cote indiquée par la carte d’État-major est 1033 au ha-
meau du Mas. On voit que les calcaires s’y rapprochent très-
sensiblement des niveaux qu’ils occupent dans la vallée de
l’Altier.
Gisement de la F are.
A une demi-lieue au plus de Prévenchères, à l’ouest, en ap-
puyant un peu au sud, un petit mamelon en cône tronqué,
que l’on aperçoit de loin parce qu’il est isolé au milieu du sol
environnant, est recouvert d’une mince calotte de calcaire, qui
forme une petite plate-forme circulaire de lüO mètres environ
de diamètre.
De tout temps cette butte a été exploitée par des fabricants
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
246
de chaux pour l’usage des localités environnantes, et, comme
d’ailleurs le bois manque absolument dans cette région, on
cuisait cette chaux avec du genêt. On doit voir quel singulier
produit on pouvait ainsi obtenir; aussi les trois quarts du
temps les fournées entières étaient perdues, et il était rare
qu’on en réussît une de temps à autre. L’incertitude de pa-
reille fabrication se reconnaît à la multitude de fours ruinés
qu’on rencontre sur ce mamelon. L’industriel, dégoûté, était
remplacé par un autre qui établissait un nouveau four et était
forcé de l’abandonner bientôt, après de nouvelles tentatives
malheureuses. Aujourd’hui tout s’est régularisé, et la fabrica-
tion se fait à la houille.
Les grès, quoique très-amincis, s’y voient pourtant très-bien
sur le revers est, au-dessus des schistes modifiés.
Le reste de l’infra-lias y est fort beau. S’il n’est pas tout à
fait complet, il doit n’y manquer au plus que quelques cou-
ches, et j’y ai retrouvé en abondance, dans les champs sur le
revers sud, à 100 mètres à l’est du four à chaux, la plupart
des fossiles des autres gisements et de plus quelques espèces
que je n’avais point rencontrées ailleurs.
Coupe du mamelon de la Fare.
Fig. 5.
Chemin
Four à Chaux. vicinal.
Au-dessus des schistes rouge violet on trouve :
A. Grès grossier, peu agrégé, se décomposant en sable avec la
plus grande facilité et ne paraissant qu’en petites j lentilles,
dans les petits plis creusés par les eaux. Au plus
B. Grès vaseux, calcaires siliceux à grains nombreux de quartz
NOTE DE M. JAUBERT. 247
Report 2m, 00
translucide très-petits, formant des taches bleues vitreuses
dans une pâte brun chocolat très-foncée, se délitant en pla-
quettes très-minces. Sans fossiles *. , , * ; . » . 25 00
C. Calcaire gris marneux et petites couches de marnes gris noi-
râtre, à Ostrœa sublamellosa , Pecten Thiollierei 10 0 0
D. Lumaehelles de calcaire gris marneux avec nombreuses A,
planorbis, Cardinia , etc 15 00
E. Calcaire gris bleu à pâte très-fine, vif et non argileux, exploité
pour chaux.. 10 0 0
F. Calcaire noduleux, à rognons irréguliers, arrondis, fortement
unis ensemble sans ciment interposé. Roche très-dure à atta-
quer au marteau, mais facilement désagrégée par faction at-
mosphérique, et jonchant le sol de ses débris 2 00
G-, Calcaire grossier, dur, fendillé, sans fossiles , exploité pour
chaux , surtout anciennement, 00
H. Calcaire de même nature que le précédent, à nombreux débris
d’Entroques. Rares échinodermes 1° 00
Puissance totale. . . 78 00
Gisements de la Champ du Roure , de la Garde et des Balmelles .
Les dépôts que je réunis ici, parce qu’ils formaient autrefois
un plateau très-vaste qui se continuait dans l’Ardèche, où
M. Dalmas le marque sur sa carte, entre Sainte-Marguerite et
Montselgues, et aussi sur le versant nord de la montagne de
Malons, ne présentent absolument que les grès de la base non
recouverts d’autres sédiments. Ils reposent en partie sur les
schistes, toujours dans ce cas modifiés au point de contact, en
partie sur les granités qui ont imprimé h cette région un tout
autre relief que celui de la vallée d’Altier.
En retraçant les contours du plateau, on trouve que ce der*
nier formait à peu près une circonférence de 9 à 10 kilomètres
de diâmètre.
Le niveau est un peu inférieur à celui des autres grès, et la
carte donne les cotes suivantes :
Plateau de la Champ du Roure, 905 au sud, 962 au nord;
Plateau de la Garde, 856;
Plateau des Balmelles, 826 et 837 ;
Sainte-Marguerite à Montselgues, 974 sud, 1027 centre,
1060 nord ;
Les lambeaux qui unissent les BalmellesaujMas de PAir, 845 ;
248
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
et du Mas de l’Air, en descendant aux Vans, ces cotes s’abais-
sent beaucoup, et à la Rousse, dernier point qu’aient encore
atteint mes recherches, l’altitude des grès ne dépasse pas 600.
Je n’ai point vu les grès de Montselgues. J’en parle, parce
qu’ils sont figurés sur la carte de M. Dalmas.
Trois crevasses principales, très-étroites, aux parois presque
à pic, aux bords singulièrement déchiquetés, ont profondément
découpé ce plateau dans trois directions, au sein même des
granités, jusqu’à 250 à 300 mètres au-dessous des plateaux.
Dans l’une s’engouffre l’Altier, qui, peu avant Villefort,
à Bayard, dévie sensiblement de sa direction générale et obli-
que au nord-est. Elle a séparé au sud le plateau actuel des
Balmelles.
L’autre reçoit le Chassezac, qui oblique, au contraire, vers
le sud-est, et coule à partir d’Albespeyres, près de la Garde,
au fond d’une gorge excessivement pittoresque.
Dans le triangle ainsi compris entre ces deux crevasses et la
route de Villefort à Langogne se trouve isolé à son tour le
plateau de la Garde, siège le plus actif de l’exploitation indus-
trielle des grès, qui fournissent à la contrée d’excellents ma-
tériaux de construction, et sont une ressource précieuse, sans
laquelle on ne pourrait avoir recours qu’aux granités, dont la
mise en œuvre coûterait cinq à six fois plus cher.
La troisième crevasse enfin, non moins grandiose que les
deux autres, a ouvert le plateau du nord au sud et séparé ce-
lui de la Champ du Roure de celui de Montselgues. La rivière
de Borne, qui coule dans le fond, est la limite des départe-
ments de la Lozère et de l’Ardèche. Les trois cours d’eau vien-
nent converger en un point unique, Sainte-Marguerite, pour, un
seul d’entre eux, le Chassezac, conserver son nom et continuer
encore pendant une lieue ou deux d’occuper le fond d’une
fente très-resserrée, avant de voir son bassin s’élargir, en at-
teignant la plaine des Vans.
Dans cette région étendue les grès acquièrent une puis-
sance tout autre que celle que nous avons pu leur voir jus-
qu’ici.
Bien que ces grès puissent rigoureusement présenter quel-
ques légères différences avec ceux que j’ai suivis dans leurs
divers gisements, au-dessous des calcaires de l’infra-lias, il me
semblerait difficile de pouvoir les en séparer. Comme ils ne
sont pas recouverts, ou que, lorsqu’ils le sont, comme au Mas
de TAir, et en descendant sur les Vans, c’est par des calcaires
NOTE DE M. JAUBERT,
249
qui sont fort loin, comme on Ta cru, d’appartenir à Pinfra-iias,
on n’aurait pas, faute d’autres présomptions, de raisbn absolue
et sans réplique à opposer à ceux qui pourraient persister à
les placer dans le trias; mais les partisans de cette opinion au-
ront à leur disposition, pour l’appuyer, moins d’arguments
peut-être que leurs adversaires pour la combattre.
Dès qu’on a pu étudier ces grès, là où leur place n’est pas
douteuse, qu’on les a suivis de proche en proche pour arriver
ainsi jusqu’à ces derniers, le doute ne me paraît même plus
possible, et, pour ma part, je me range avec toute conviction à
l’avis de MM. Dufrénov, d’Archiac et Hébert, ce qui ne saurait,
bien entendu, empêcher qu’il ne puisse exister plus loin, dans
le Gard, des grès autres que ceux dont je parle, et qui appar-
tiennent au trias, comme l’a dit M. Émilien Dumas.
A l’aide des indications que je viens de donner, il sera, je
crois, peu difficile, muni d’une carte quelconque, si on n’avait
point celle de l’État-major, de savoir trouver, presque comme
si on le connaissait déjà, chacun des points que j’ai désignés.
Il me reste, comme je l’ai annoncé plus haut, à grouper dans
un examen unique les divers termes de chaque étage.
Infra-lias. — Grès de la base .
J’ai dit que je n’ai pu encore le voir au Bleymard ; sur le co-
teau de Pomaret il atteint au plus 2 mètres de puissance.
La cassure fraîche offre une pâte brun clair, sur laquelle se
détachent des points blancs peu étendus, très-irréguliers dans
leur contour, que l’on serait tenté de prendre pour de la silice
sèche, arrivée à l’état d’agrégation par forte pression, mais
non par fusion. Le quartz se présente en petits grains blancs;
mais, s’ils ont été cassés eux-mêmes, on eu trouve bon nombre
de gris bleu et d’aspect vitreux. La surface extérieure est tou-
jours rongée jusqu’à plusieurs millimètres et montre aux trois
quarts libres les grains de quartz, qui laissent souvent très-
bien voir encore leurs facettes et leurs angles de cristallisation.
Des taches à cassures lamelleuses et miroitantes indiquent
le feldspath. Le mica est rare.
Partout en dessous le sol est recouvert d’une petite couche
de sable grossier.
Des fragments de roche, recueillis dans les débris, montrent
une pâte plus terreuse et plus brune, à grains de quartz moins
250 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
nombreux, et enchâssent des fragments de schistes micacés,
blanchâtres et gris de plomb.
Cette brèche apparaît par places sur les contours du mame-
lon, au-dessus du hameau de Redoussas; elle a là 0m,25 d’é-
paisseur, et se trouve séparée des schistes, modifiés par une
couche de 0m,80 d’une espèce de tuf gréseux rougeâtre, qui
remplace le grès compacte.
Sur le mamelon qui sépare Pomaret de la Pigère ce grès
paraît aussi sur quelques points de peu d’étendue. Il est, en
général, à grains plus petits, et à pâte plus brune, mais de
même aspect qu’à Treimes et à Redoussas.
En dessus de la Prade il affleure à peine, mais au-dessous
de Bergougnon il se présente très-nettement, en trois ou quatre
bancs, dont l’un très-épais.
Il est là, par places, à grains très-petits, mais ordinairement
de moyenne grosseur, moins cimenté que dans les premiers
gisements, ce qui fait qu’il se décompose plus aisément en
sable grossier. Des galets de quartz aplatis, arrondis, traversés
par le roulage, s’y voient irrégulièrement disséminés et font
passer le grès au poudingue, sans être, toutefois, assez nom-
breux pour que cette roche puisse être désignée sous ce nom.
Quand le grès est plus fin, il se détache quelquefois en pla-
ques feuilletées, mais ne présente pas cependant ces masses de
marnes gréseuses, que l’on remarque aux Balmelles ou au Mas
de l’Air.
Enfin, au mamelon de la Fare ce même grès est encore
moins fortement agrégé, et partout où il est mis à découvert il
est promptement réduit en sable. Aussi le cordon de la base
est-il formé de lentilles interrompues, visibles seulement sur
quelques mètres, dans quelques petites dépressions du sol.
Quelque attention que j’aie apportée à l’examen de ces grès,
je n’ai pu y apercevoir aucune trace de restes organisés; aussi
je crois bien qu’il faudra renoncer à trouver dans cette région
les équivalents des couches à Avicula contorta et du bone-bed.
La première butte de grès, au-dessus de Villefort, que l’on
rencontre tout à fait au sommet de la montée de la vieille route
des Vans, montre à la base une marne bariolée, argileuse, dont
la couleur dominante est le vert pâle, qui empâte de très-
nombreux galets, et souvent fort gros, de quartz, et beaucoup
aussi de fragments de schiste quarizeux noir, à pâte fine, pas-
sant à une vraie lydienne. C’est exactement la même lydienne
que la Société a vue à mi-hauteur du pic de Cabrières, dans
NOTE DE M. JAUBERT.
251
l’Hérault. Lorsque l’argile est moins abondante, cette roche est
alors un véritable poudingue. En ce point les marnes argi-
leuses se décomposent avec la plus grande facilité, les galets
s’en détachent et roulent sur les pentes où les suivent bientôt
les grès durs qui les surmontent, et qui, minés par-dessous
et séparés par de nombreuses fentes verticales, peuvent se
maintenir quelque temps en surplomb, mais se séparent tout
d’un coup en grandes masses, puis se cassent en gros blocs,
qui s’usent et se divisent eux-mêmes en fragments, qui finis-
sent, vers le bas des escarpements, par se réduire en galets,
puis en sable.
La destruction des grès est aussi très-rapide, et les pourtours
des plateaux, dont la surface se rétrécit chaque jour pour
ainsi dire d’une façon sensible, se trouve limitée de tous côtés
par ces falaises verticales, qui les font si bien reconnaître de
loin, pour peu qu’on ait pris l’habitude de la configuration de
ces plateaux.
La coupe qui suit est un exemple curieux des effets que peu-
vent produire les agents naturels ordinaires, et montre que
bien des phénomènes, même des plus grandioses, peuvent
s’expliquer très-simplement si, à une action naturelle insen-
sible, mais sans arrêt, on veut bien appliquer ce coefficient
qu’on néglige trop souvent, ou dont la si courte durée de notre
existence ne saurait nous permettre de saisir complètement
l’incommensurable puissance, le temps, ou, bien mieux,
l’infini.
Coupe d’une butte de grès entre Villefort et le Mas de l’Air.
Fig. 6.
S’il nous était possible de mieux nous accoutumer à compter
par millions de siècles, peut-être serait-il moins nécessaire
d’avoir si souvent recours, comme on l’a fait, à des cataclysmes
violents et subits, qui ne sont pas toujours démontrés, qui,
252
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
d’ailleurs, ont aussi apporté leur concours, ainsi que cela
arrive encore trop souvent, que cela vient malheureusement
de se produire en ce moment môme, à cette œuvre de destruc-
tion, ou mieux, pour me servir d’un terme plus juste, de mo-
dification, car cette œuvre n’est que la construction de l’avenir.
Rien, en effet, ne se détruit, elle bloc arraché ici, en quelques
particules ténues qu’il puisse se résoudre, en vînt-il à l’état
de solution homœopathique, n’en existe pas moins pour cela,
et soit dans l’air, soit dans l’eau, soit où l’on voudra, ne peut
que se fixer quelque part, et concourir ày former quelque chose.
Cette petite butte peut se voir sur la vieille route de Yillefort
aux Vans, à moins de cent mètres à gauche, vis-à-vis du hameau
des Balmelles. Au sommet, la plate-forme n’a pas conservé dix
mètres de large, et la base n’en a pas plus de quarante à cin-
quante.
L’entraînement des particules y est plus lent qu’ailleurs, at-
tendu qu’elle n’est point placée sur une pente, mais, malgré
ces conditions très-favorables à la conservation, il ne reste plus
au-dessus de la base marneuse que quelques mètres d’épaisseur
de grès qui s’écroulent en quelque sorte à vue d’œil, et, si
on admet que chaque année les pluies d’orage n’emportent
que quelques centimètres d’épaisseur des marnes peu solides
de la base, dans moins de deux siècles, probablement, ce té-
moin de l’ancien état des lieux aura disparu à son tour, comme
font fait déjà ses voisins moins bien placés que lui.
La bande de grès, en effet, qui unissait le mamelon de Ville-
fort à celui du Mas de l’Air, ne forme plus que quelques lam-
beaux excessivement réduits, quelquefois de peu d#mètres de
longueur.
Le premier de ces lambeaux, que l’on aperçoit à droite et
contre la route, en allant vers le Mas de l’Air, est composé de
grès peu agrégé, extrêmement ferrugineux, presque un minerai
de fer. Celui-là, aussi, aura bientôt disparu, et ne s’est aussi
conservé jusqu’à cette heure, que parce qu’il se trouve sur un
plan de schistes peu incliné à la vallée, qui, à peu de distance,
descend presque à plomb à une centaine de mètres de pro-
fondeur, bien que cette vallée prenne son origine là même.
Quant aux grès de la Champ du Roure, de la Garde, des Bal-
melles, et très-probablement quant à ceux de l’Ardèche, deSte-
Marguerite à Montselgues, que, je le répète, je n’ai pas visités,
quant à ceux aussi de la descente des Vans, ils sont absolument
identiques avec ceux du Mas de l’Air; et, comme là ils ont été
NOTE DE M. JAUBERT»
253
mieux préservés qu’ailleurs par la calotte calcaire qui les re-
couvre et qui ne se décompose pas du tout, car ce calcaire n’est
ni marneux, ni gélif, ils y ont conservé toute leur puissance;
aussi ne pouvais-je mieux choisir, qu’en levantla coupe qui suit
de la falaise qui borde le plateau, près de vieilles carrières,
aujourd’hui abandonnées et qui étaient exploitées lorsque la
vieille route passait au-dessus d’elles. Cette coupe représentera
donc, avec le plus d'exactitude possible, l’aspect et la compo-
sition de ces grès, et on pourra aussi avoir recours à la des-
cription qu’en donne M. Hébert dans le volume XVI du Bulle-
tin, page 907.
Coupe de la falaise de grès du Mas de l’Air.
Fig. 7.
S Schistes. G Grès.
G Marnes et cargneuies dolomitiques.
254 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
La série à partir des schistes modifiés se compose, en remontant de
Couche de grès friable, à gros grains lm,00
Gros banc de grès dur, compacte. . 2 60
Grès plus tendre 0 60
Grès dur, à grain fin 1 30
Couche sableuse 0 20
Grès marneux, en 3 ou 4 petites couches feuilletées. 0 50
Grès dur. 1 00
Grès plus tendre. , — . . 0 50
3 couches compactes, de 0,60, et au-dessus gros banc de lm,00
à peine séparées par de très-minces filets de marne gréseuse. 2 80
Grès moyennement dur, en bancs irréguliers, séparés par des
marnes argileuses, irisées, à pâte fine, se divisant en pla-
quettes minces, que j’ai explorées avec la plus vive attention,
sans y rencontrer la moindre trace de corps organisés 6 00
Grès dur en une douzaine de couches très-régulières , séparées
par des lits extrêmement minces de marne fine 10 00
Grès tendre, mélangé d’argile sableuse micacée brune, se décom-
posant aisément, qui le mouchète de taches nombreuses assez
grandes, et, lorsque la décomposition de ces petits nids marneux
est plus avancée, donne au grès un aspect tufacé ou spongieux 3 00
Ces grès sont surmontés d’un ensemble peu épais de marnes
gréseuses, bigarrées, et de cargneules dolomitiques caverneu-
ses, difficiles à étudier au-dessous des calcaires delà première
lentille que l’on rencontre en ce lieu, à travers laquelle M. Hé-
bert a pratiqué la coupe qu’il a donnée dans \e Bulletin, tome XVI,
p. 906, mais on les voit très-bien à l’extrémité de la seconde
lentille, dans les talus de la route qui les a traversées en
entier.
Cet ensemble, de 3m,50 seulement d’épaisseur, se décompose
comme il suit :
Couche calcaire dolomitique, gris rosé, fragmentaire 0 60
Marnes gréseuses bariolées. 0 20
Couche calcaire semblable au n° 1 0 50
Marries schisteuses, argileuses , bariolées 0 50
4 à 5 couches d’argile feuilletées, avec plaques calcaires. Couche
calcaire tufacée (cargneule) 0 50
Argile gréseuse noirâtre 0 20
Suivent au-dessus des calcaires francs, durs, en assises bien
suivies.
De même que les grès tufacés du sommet semblent être un
passage aux cargneules, de même ce petit système semble in-
NOTE DE M. JAUBERT. 2S5
diquer une petite période d’hésitation, amenant insensiblement
aux dépôts de calcaire.
Calcaires siliceux (magnésiens?) brun de capucin.
Cet ensemble de couches, assez uniformes et qu’on ne peut
guère diviser, surmonte partout les grès.
Ces calcaires terreux, très-durs, siliceux, micacés, sont le
plus ordinairement de couleur brun de capucin, ou couleur
chocolat, et ne sauraient, comme aspect et cassure dans le plus
grand nombre des cas, être mieux comparés qu’à cette der-
nière substance.
Mais, si on les examine à la loupe, on s’aperçoit que ce sont
tout simplement des grès vaseux à particules excessivement
ténues. Des paillettes, presque invisibles, de mica et de très-
petits grains de quartz se sont mélangées dans une vasecalcaire
rouge très-ferrugineuse et ont formé des couches qui se divi-
sent aisément en feuillets de quelques centimètres d’épaisseur.
Les petits grains de quartz, dans la cassure, forment des ta-
chés d’un bleu noirâtre, vitreuses, et qui tranchent peu sur la
couleur foncée de la pâte.
A Gubières, ai-je dit, cette roche contient des Cardinies, et
c’est le seul point où j’ai pu y voir des restes organisés.
Entre Treimes et Redoussas, la pâte est très-brune, extrême-
ment fine, et les grains de quartz ne s’y laissent pas voir. Un
scintillement, que l’on ne voit que lorsqu’on tourne la roche
sous certains jours, est dû à une innombrable quantité de par-
celles de mica, pas plus grosses qu’une très-légère piqûre d’ai-
guille et distinguibles seulement à la loupe.
Quelques échantillons montrent des taches blanchâtres, qui
paraissent provenir de petits fragments de schistes altérés. Us
rappellent alors un peu les brèches que j’ai signalées à la base.
Sa puissance y atteint une dizaine de mètres.
Il en est à Bergougnon exactement comme à Pomaret.
Le plus beau développement de cette série est à Prévenchè-
res, au mamelon de la Fare, où il est surtout très-aisé de l’é-
tudier sur la pente sud-est. Là, la puissance atteint 25 mètres.
Les calcaires se détachent en feuilles minces, et à peu de
distance se laissent prendre pour des schistes. La couleur brun
chocolat y est des plus prononcées. Quelques plaquettes
paraissent comme saupoudrées de cristal brisé; c’est dire,
256
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
tout à la fois, que les grains de quartz y sont abondants, irré-
guliers, peu émoussés, et ont une certaine limpidité.
Calcaires lumachelles et marnes fossilifères.
Les calcaires brun de capucin sont surmontés d’une série,
dans laquelle il serait bien difficile d’établir de bonnes sub-
divisions, de calcaire gris clair, un peu bleuâtre , à pâte fine
et à cassure conchoïdale, avec couches delumachelie et marnes
intercalées en lits minces ou qui acquièrent une certaine
épaisseur, gris foncé, et qui renferment une énorme quantité
de fossiles. Le gisement principal n’est point à la base, mais
vers le milieu et dans des couches plus terreuses, à cassure
beaucoup moins cristalline, et surtout, quand on le rencontre,
dans un calcaire marneux peu clair et donnant un peu sur le
jaune. On le voit principalement, sous cette dernière forme, à
Bergougnon, mais ailleurs ce calcaire conserve sa pureté et sa
cassure nette et vive.
Un des termes que bon peut cependant bien distinguer des
autres se retrouve partout. Il se compose de cinq ou six cou-
ches, d’une sorte de brèche ou plutôt de roche fragmentaire
en petits noyaux très-serrés, qui se séparent avec facilité tout
seuls, bien que fort difficiles à détacher au marteau, et dont les
cassures sont planes et très-vives, comme celles des couches
inférieures, ce qui prouve que ce ne sont pas des noyaux adhé-
rents, mais une roche tout aussi compacte et uniforme que les
autres. Elle n’a guère que deux ou trois mètres d’épaisseur et
occupe ordinairement la base des falaises calcaires qui bordent
les plateaux, exactement comme le font ailleursles falaises de
grès. Cette roche se désagrégeant, ainsi que je l’ai dit, se
creuse en dessous des assises supérieures, infiniment plus te-
naces, et forme de nombreuses cavités irrégulières qui pénè-
trent dans le massif, de un ou deux mètres, séparées entre elles
par de petits piliers en troncs de cône.
Les calcaires qui suivent ont la pâte un peu plus grossière.
Us sont aussi extrêmement durs, gris ou roussâtres, fendillés,
en couches bien régulières, sans séparations marneuses, et
aussi sans fossiles.
Enfin, les calcaires les plus supérieurs prennent un aspect
rude et laissent voir de nombreuses articulations d’Entroques,
très-répandues aussi dans les lumachelles delà partie moyenne,
et des pointes d’oursins.
NOTE DE M. JAÜBERT.
257
Quelques-uns des mamelons de la contrée sont couronnés
par ces derniers calcaires : tel est celui de la Fare. Ils compo-
sent aussi les falaises qui couronnent les plateaux de Bergou-
gnon, qui, vus d’en bas, de la route impériale, semblent les
terminer. Mais là ils sont recouverts, un peu en arrière, d’au-
tres calcaires qui n’appartiennent plus à l’infra-lias. Je ne
dois pas oublier de signaler, à la Fare, des boules de silice,
arrivée presque à l’état pulvérulent, trouvées dans les débris
détachés au pied de l’escarpement calcaire, et qui m’ont laissé
recueillir toute une petite colonie de charmantes Astartés qui
recouvraient la surface d’une couche de plusieurs centimètres,
qui en était entièrement composée. Ces petites coquilles se
sont détachées très-nettement de la gangue, ainsi que plusieurs
petits Pecten , dont les ornements sont d’une extrême délica-
tesse et de la plus belle conservation. C’est aussi dans une de
ces boules que j’ai trouvé un superbe Mytilus , qui appartient,
sûrement, à une espèce nouvelle.
Partout, cet ensemble de calcaires durs a été exploité pour
la fabrication de la chaux et continue à l’être.
Les fours sont pour la plupart établis au niveau des calcaires
fragmentaires, mais il paraît, toutefois, que l’on choisit les
calcaires vifs à pâte fine du dessous, et même les supérieurs.
A Cubières, on exploite même, à un niveau un peu moins
élevé, les lumachelles, qui se montrent là en couches épaisses,
au milieu de la série marneuse.
Sur le coteau de Pomaret, versant nord, en face de Villes-
Basses, un vieux four abandonné avait été établi même dans les
calcaires de la base, au-dessus du calcaire siliceux.
Entre Pomaret et Bergougnon, on en voit aussi deux aban-
donnés, à peu près dans la même position. Il faut bien que les
produits fussent mauvais, pour qu’on ait ainsi renoncé depuis
longues années à cette industrie.
A Bergougnon, un four en activité est établi au-dessus des
parties marneuses moyennes et brûle par conséquent les
calcaires vifs, inférieurs aux couches fragmentaires.
J’ai parlé déjà, plus haut, de l’exploitation de la Fare, et là,
comme ailleurs, les fabricants ont abandonné les calcaires su-
périeurs, pour se placer un peu plus bas.
Gomme tout cet ensemble est assez uniforme, je renvoie aux
diverses coupes, et n’ai plus qu’à signaler une circonstance
spéciale au gisement de Bergougnon.
A un demi-kilomètre environ, à l’ouest du village, en dessus
Soc. géoL, 2e série, tome XXVI. 17
258
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
de la route et de la ferme de la Prade, dont j’ai déjà parlé, les
calcaires à Ostrea sublamellosa et à Lima valoniensis , cette der-
nière accompagnée, là, du Pecten valoniensis assez abondant,
tandis qu’il est fort rare ailleurs, excepté à Cubières, où je l’ai
aussi trouvé, sont recouverts de couches fort intéressantes, que
je n’ai encore aperçues que là.
J’ai bien observé leurs analogues à la Grand’Combe, mais
ceci est en dehors de mon cadre.
Ce sont de vrais récifs de polypiers, bien encore en place,
et qui se sont développés en ce point, et non ailleurs, sur l’an-
cien rivage. Ils sont agrégés en masses, dans une roche extrê-
mement dure, et changés eux-mêmes en grande partie en
spath calcaire, qui fait qu'on ne saurait en détacher un seul,
parce que tout se réduit en fragments sous le choc du marteau.
Il faut donc se contenter du contour toujours fort peu con-
servé qui se montre à la surface des rochers. Mais dans la pâte
qui a comblé les vides, et qui malheureusement est très-dure,
on aperçoit très-fréquemment poindre des spires très-élégan-
tes de gastéropodes, quelquefois microscopiques, qui sont ad-
mirablement conservées dans les portions dégagées, mais ne
veulent point se laisser extraire. Je n’ai pu en reconnaître au-
cun, mais ils rappellent singulièrement les charmantes espè-
ces de la zone supérieure de ce terrain, c’est-à-dire celle de
V Ammonites angulatus.
Peut-être parviendrai-je à rencontrer quelque poche, où la
gangue, plus maniable, me permettra d’en retirer quelques-
uns. Quoi qu’il en soit de la présence de cette zone, je dois dire
que rien ne peut m’autoriser à la proclamer encore.
Bien plus, ce calcaire à polypiers, qui termine en ce point
le dépôt calcaire et n’est pas recouvert, renferme une espèce
dont on retrouve les débris nombreux dans les calcaires infé-
rieurs à Qstrea sublamellosa , et qui sont encore plus abondants
en approchant du village de Bergougnon, dans les assises eal-
caréo-marneuses de la partie moyenne,. On le retrouve aussi à
Cubières et ailleurs, dans les couches appartenant incontesta-
blement à V Ammonites planorbis.
Rien donc, je le répète, n’autorise à supposer l'existence
de la zone supérieure, mais il est incontestable aussi que plu-
sieurs espèces de la première zone, et en assez grand nombre,
appartiennent à celle de Va. angulatus.
Le temps que j’ai pu donner à ces recherches est beaucoup
trop limité pour que je puisse croire que cette conclusion sera
NOTE DE M. JAUBERT.
m
le dernier mot de la question. Il me paraît, au contraire, pres-
que impossible qu’un ensemble aussi puissant, et composé
comme il l’est, ne renferme qu’un seul terme de cette série,
alors que les autres existent non loin de là.
Si, malgré toute l’attention que j’y ai apportée, des demi-
journées tout entières consacrées à des recherches unique-
ment dirigées vers ce but ne m’ont point permis de l’attein-
dre, j’espère bien que quelque confrère, qui aura plus de temps
et de bonheur que moi, y arrivera quelque jour, et que les
calcaires supérieurs, examinés en des points plus favorables,
ne resteront pas toujours muets.
Telle est, comme j’ai pu jusqu’à ce jour la voir, la compo-
sition de l’infra-lias, dans la portion du détroit du Bleymard
appartenant au bassin méditerranéen et dans la vallée du
Ghassezac.
J’ai dit que les fossiles s’y rencontraient en abondance. Ils
sont à peu près les mêmes partout, sauf que telle espèce qui
couvre le sol dans un gisement est souvent rare, ou manque
dans un autre; mais c’est là un détail sans intérêt, et j’ai d’ail-
leurs consacré encore si peu de temps aux recberches, que je
n’ai dû certainement découvrir qu’une partie, peut-être bien
faible, de la faune si intéressante de cette formation.
Je compte néanmoins déjà bien près de 150 espèces, et je
donne ici la liste de celles que j’ai reconnues, ou que je crois
du moins avoir convenablement déterminées.
Ammonites planorbis , Hagenovi , Chemnüzia Yesta , Melania ab -
breviata , usta , Littorinaarduennensis, Rissoa . .. , Phasianellamoren-
ciana... autre, Pleurotomaria Psilonoti, rotellœformis , Hennocquei ,
Trochus jamoignanus. . ., deux ou trois autres, Trochotoma clypeus ,
Neritopsis, sp. nov., Turritella Zeukeni , Dunckeri, Deshayesea, Nu-
cléus et autres, Pholadomya prima et plusieurs autres, Myacites
liasinus , Alduininus , Pleuromya , Anatina , deux ou trois, Lyonsia
socialis , Lucina arenacea , ovula , obscura , Corbula Ludoyica , Pul-
lastra elongata, Leda, Nucula subovalis . . . , autre, Astar te cingulata ,
deux autres, Gervilia..., solen. .., Cucullœa hettangiensis, similis,
navicula, Cypricardiaindusa? compressa? autre, Cardinia exigua,
Eveni , lamellosa , subœquilateralis , quadrangularis , unioides , in-
féra ? ovaliSj Deshayesi et autres, en général à l’état de moules,
et dès lors d’une détermination fort difficile, et un peu ha-
sardée, Pinna trigonata et une autre fort belle, mais dont je
n’ai pu avoir encore le test, qui reste toujours adhérent à la
roche. Mais j’ai l’intérieur des valves en parfait état et laissant
260
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
voir très-nettement toutes les impressions musculaires. Myti-
lus productus , scalprum , Stoppanii , llillanus , Psilonotus , /iasi-
nus , rusticus, Dalmasi , woü. spec., très-belle, Lima gigantea
jeune, valoniensis , exaltata , compressa , nodulosa , tuberculosa ,
heüangiensisy dentata, Hausmanni , une autre, Plicatula Baylei ,
Bettangiensis , Intustriata , Crucis , autre, Carpenteria Heberti ,
Harpax spinosus , Pecten valoniensis , Thiollierei , Pollux , securis ,
autre, Ostrœa sublamellosa , autre, peut-être deux, Terebratula
Psilonoti , Hemipedina microporum, Michelini , nor. sp., Diadema
indéterminable, radioles, Pentacrinus Psilonoti , une vingtaine
environ de polypiers; deux dents.
Lias inférieur.
Je n’ai rien à dire sur cette formation, dont l’existence, dans
la couche que j’ai étudiée, n’est encore appuyée d’aucune
preuve paléontologique. On sait seulement qu’à Mende des ob-
servateurs consciencieux ont dit avoir trouvé la Gryphœa ar-
cuata; mais, tout en affirmant le fait, M. Kœchlin ne peut s’em-
pêcher de manifester des doutes et laisse croire qu’il a eu
affaire à l’oblique. La position de cette série, entre un infra-
lias et un lias moyen, que nul ne songera à contester, ne sau-
rait toutefois laisser de doutes sur le nom qu’on a à lui donner.
Le gisement du Bleymard ayant été décrit en entier, je ne
pourrais que me répéter, car aucun des autres ne m’a offert
rien de spécial ; aussi je me contente de renvoyer aux coupes
et aux détails qui les accompagnent. On y verra que le carac-
tère particulier et constant de cet étage est de présenter dans
toute son épaisseur une multitude de poches tapissées de cris-
taux de chaux carbonatée (ce qui ne lui est pas, il est vrai, pré-
cisément spécial, et se continue dans Je lias moyen), et de
renfermer quelques substances minérales : la baryte et le plomb
sulfuré.
Lias moyen .
Gomme pour l’étage précédent, je ne puis que renvoyer aux
coupes.
C’est au Bleymard incontestablement qu’on trouve le plus de
fossiles, mais je suis fort surpris de n’avoir pas aperçu là ces
grès, qui sont si apparents à Pomaret et à Bergougnon, et n’ai
pas remarqué non plus que les calcaires du Bleymard, si on les
examine à la loupe, montrent, comme les autres, cette con-
NOTE DE M. J AUBERT. 261
texture de grès vaseux, qui fait qu’on ne saurait considérer
cette roche comme un véritable calcaire.
Je dois me hâter de dire que j’ai fort peu parcouru les ter-
rains du Bleymard. Mes courses, entièrement guidées par le
hasard dans des régions absolument inconnues pour moi, ne
m’ont pas toujours fait tomber sur des points favorables à l’é-
tude, etj’ai souvent perdu considérablement detemps à suivre
des directions qui ne m’ont rien appris, qu’à ne pas y retour-
ner une autre fois, ce qui est bien déjà quelque chose. A me-
sure que leur cercle se resserrera dans un meilleur centre
d’observations, j’aurai donc à l’avenir plus de temps à donner
aux recherches utiles, et, comme les formations calcaires m’ont
paru y occuper un espace assez étendu, en les dirigeant dans
de nouvelles localités, il ne me paraît guère possible de ne pas
y retrouver ces grès, et aussi le représentant au-dessus d’eux, et
avant d’atteindre l’oolithe, du lias supérieur, qui, avec la
grande extension qu’il atteint dans la vallée du Lot, à peu de
distance du Bleymard, ne saurait évidemment y avoir absolu-
ment disparu.
Je crois bien, par exemple, qu’il ne peut y exister à l’état de
marnes noires, car avec semblable composition il ne saurait
échapper à la vue, et la frapperait même à très-longue dis-
tance; mais il peut fort bien s’y rencontrer sous une autre
forme, et je compte bien, au printemps prochain, savoir au
juste à quoi m’en tenir là-dessus. Je dis au printemps seule-
ment, car la saison des explorations dans ce pays est dès ce
moment passée.
11 me resterait à parler des dépôts calcaires qui couvrent le
versant nord de la montagne de Malons, depuis le Mas de l’Air
jusqu’aux Vans, mais le temps me manque tout à fait; ce tra-
vail est déjà d’ailleurs fort long, et les nouveaux terrains dont
j’aurais à parler exigent eux-mêmes une étude assez déve-
loppée.
Le travail est fait depuis plusieurs mois déjà, sous ce titre :
Existence de l’oolithe inférieure au Mas de l’Air, près Villefort,
avec niveau de fucoïdes ( Chondrites scoparius) dans la partie
supérieure ou fullers-earth.
Mais, comme je ne pensais en aucune façon, au moment où
j’ai rédigé cette note, à entreprendre l’étude actuelle, j’avais
dû parler de beaucoup de choses qui se trouvent ici, faire
l’histoire du Chondrites , en rappelant les travaux antérieurs
262 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
auxquels il avait donné lieu, afin de réduire à sa juste valeur
l’importance stratigraphique de cette algue.
Dès l’instant oùj’ai eu pris la résolution d’agrandir le champ
de mes études, détermination que la Réunion actuelle, presque
dans ces pays, n’a fait qu’affirmer davantage, ma première note
avait besoin d’être remaniée, et je ne l’adressai point, comme
j’allais le faire, au Secrétariat.
J’ai d’autant plus lieu de m’en louer, qu’à peu près à cette
même époque, un heureux hasard avait conduit notre collè-
gue, M. Dieulafait, à qui la géologie du Midi doit déjà de très-
importantes découvertes, à traiter cette même question. Tout
ce qui regarde le Chondrites serait absolument inutile, après
sa note insérée dans le dernier Bulletin paru. Il a dit ce que je
disais moi-même en grande partie, mais moins bien qu’il ne
l’a fait, car je n’avais pu généraliser la question aussi bien que
lui, attendu que mes observations embrassaient une surface
beaucoup plus restreinte.
Je me contenterai donc de résumer en quelques mots, sauf
à reprendre ce travail, en le réduisant à ce qu’il doit être au-
jourd’hui, les conclusions qu’il entraînait.
Le gisement du Mas de l’Air est celui que M. Hébert a dé-
crit dans le Bulletin , tome XYI, page 905.
Trompé par les études antérieures, n’ayant donné sans
doute en passant qu’un simple coup d’œil à cette formation
calcaire très-restreinte, dont la position est bien faite pour
donner le change à tout le monde, et où il n’est d’ailleurs pos-
sible d’obtenir quelques fossiles un peu reconnaissables que
par des recherches extrêmement minutieuses, que ne peut
faire qu’un habitant de la localité, et encore s’il est prévenu
comme je l’ai été par un très-heureux hasard, qui m’a cette
fois bien servi, la première fois que je suis allé au Mas de l'Air,
dans un but tout autre que celui de faire de la géologie, et alors
que j’ignorais absolument s’il y avait là des grès infraliasiques
ou toute autre chose, en sorte que je me trouvais agir en dehors
de toute idée préconçue, notre savant collègue a décrit les
calcaires qui recouvrent les grès comme appartenant aussi à
Tinfra-lias.
Ces calcaires sont de beaucoup plus récents, et représentent
l’oolithe inférieure.
La présence seule de Bélemnites, très-abondantes, et incon-
nues presque dans l’infra-lias , aurait dû peut-être prémunir
contre ce classement, mais tous les jours on voit se produire
NOTE DE M. JAUBERT. 263
des faits de semblable nature, et l’on rencontre dans un terrain
des espèces et des genres qu’on avait crus ne pas exister.
Mais la rencontre à la base, presque au contact des grès, de
la Terebratula perovalis , grosse variété du type Oleinii de La-
marck, qui n’y est même pas très-rare, exactement la même,
du reste, que celle qu’on trouve abondamment dans le Var, au
niveau de la malière normande, de la Lima heieromorpha , du
Cidaris Courtaudina, à la vue duquel M. Gotteau me disait :
Vous n’avez pas à conserver de doutes; c’est là une des espè-
ces les plus caractéristiques que je connaisse.
Un peu plus haut, Y Ammonites Murchisoni. Ces Bélemnites,
sillonnées de la base au sommet, qu’on ne peut guère rapporter
qu’aux espèces bessinus et Blainvillei; les Pecten personatus et
articulatus , de nombreux fragments de grosses Lima pectinifor-
mis , des couches pétries d’Entroques sur plusieurs mètres de
hauteur, un niveau ferrugineux, et au-dessus, enfin, toute une
série d’Ammonites du fullers-earth, parmi lesquelles domi-
nent les Parkinsoni et linguiferus, Defrancii , Martinsii , Bron-
gnartiy ferrugineus , Oppel, procerus, Schlœnbach, ces deux
dernières, déterminées par M. Bayle, et cette détermination
contrôlée, séance tenante, sur les beaux exemplaires de l’École
des mines.
Voilà, je crois, plus qu’il n’en faut pour lever tous les dou-
tes et montrer combien cet étage y est complet.
Je ne parle là que des espèces les plus remarquables et les
plus généralement connues. Mais avec beaucoup de recher-
ches j’ai pu retirer de ce gisement plus de 70 espèces du
même niveau.
Je crois avoir à peine besoin de dire que, depuis que j’habite
ce pays, j’ai pu complètement me familiariser avec les formes
de l’infra-lias, et rien de ce qui provient du Mas de l’Air ne
saurait inspirer même le soupçon que cela puisse être rappro-
ché d’aucune espèce infraliasique.
C’est précisément au-dessus des couches à Ammonites du
fullers-earth , et dans les derniers calcaires qui couronnent
l’ensemble et disparaissent contre les schistes, que se trouve en
abondance le Chondrïtes sous la même forme exactement qu’il
affecte au Bleymard, et dans un calcaire jaunâtre se débitant
en plaques, absolument identique. Que ce soit ou non le Sco-
parius des environs de Lyon, il lui ressemble assez pour qu’on
puisse croire à leur identité, et le niveau où je l’ai rencontré
264
SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868.
serait le même, mais peut-être encore un peu. plus élevé que
celui signalé déjà par M. Ébray et autres dans l’Ardèche.
Je dois ajouter que la superposition de l’oolithe inférieure,
en concordance, sur les grès infraliasiques, n’est point dans ce
pays un fait isolé et spécial au Mas de l’Air, et que déjà je
l’ai retrouvé se représentant de la même manière, à 4 ou
5 kilomètres de là, dans le premier dépôt calcaire que coupe la
route des Vans, le seul que j’aie encore pu explorer sérieu-
sement.
Les fucoïdes ne s’y voient pas, mais à leur place est un
petit dépôt de marnes bleues à Posidonies. Ces marnes, mal-
heureusement, bien qu’elles renferment une assez grande
quantité d’empreintes, Ammonites et autres, sont si friables
et coupées en feuillets tellement minces, que les fossiles très-
aplatis qu’elles renferment se réduisent en poussière, aussitôt
qu’on cherche à les détacher.
Je rédigerai donc probablement une note à ce sujet, car ce
fait est doublement important, d’abord parce qu’il détruit une
erreur qu’ont reproduite déjà, sur la foi de M. Hébert, des
ouvrages récents (voir Stoppani, Dumortier, qui citent comme
localités typiques de Tinfra-lias la localité des Balmelles, la
Paléontologie française qui figure une Térébratule de l’oolilhe
inférieure, comme la gregaria).
Ensuite, parce qu’il est le trait d’union qui établit la parfaite
continuité des dépôts jurassiques à travers le plateau central.
Je suis peut-être entré dans des détails qui pourront paraître
oiseux, mais je crois que dans une étude relative à une contrée
aussi inconnue encore que celle où je me trouve, il est de
beaucoup préférable de dire trop que trop peu.
J’ai pris d’ailleurs trop de soin d’indiquer en toute occasion
ce que je n’ai pu voir ou faire, que l’on reconnaîtra par la mi-
nutie précisément que je n’ai pas craint d’apporter dans mon
travail, que je ne le considère moi-même tout au plus que
comme une simple ébauche, que je m’efforcerai de compléter
autant que je le pourrai, dans le temps qu’il me reste encore à
passer ici, moins d’un an sans doute, mais qui, dans aucun
cas, ne saurait être inutile à ceux qui y viendront après moi.
265
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
Séance du 16 novembre 1868.
PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY, VICE-PRÉSIDENT.
M. Louis Laftet, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière
séance, le Président proclame membres de la Société :
MM.
Boissauveur, ancien officier d'administration de la ma-
rine, rue Cherroy, 6, à Paris-Batignolles; présenté par
MM. Ch. Sainte-Claire Deville et Fouqué.
üugniolle (Maximilien), professeur de minéralogie et de
géologie à l'Université, coupure rive gauche, n° 57, h Gand
(Belgique).
Michel-Lévy, ingénieur des mines, au Val-de-Grâce, à
Paris; présenté par MM. Gruner et Delesse.
Serre (le comte François-Gaston de), rue Las Cases, 8, à
Paris; présenté par MM. Daubrée et Ch. d’Qrbigny.
Stoehr (Émile), directeur des mines, villa Schwarzenberg,
sulla costa, à Florence (Italie); présenté par MM. J. Capel-
lini et G. de Mortillet.
Le Président annonce ensuite deux présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. le ministre de l'agriculture, du com-
merce et des travaux publics, Exposition universelle à Paris en
1867. — Notices sur les collections, cartes et dessins relatifs au
service du corps impérial des mines; in-8, 346 p. ; Paris, 1867;
chez Paul Dupont.
De la part de M. Ch. L. Frossard, Notice géologique sur le
pic Péguère ; in-8, 8 p., 1 pl.; Bagnères-de-Bigorre, 1868;
chez J. Gaze n ave.
266
SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1868.
De la part de M. E. Jacquot, Description géologique et miné-
ralogique du département de la Moselle ( avec coopération de
MM. O. Terquem et Barré) ; in-8, 490 p., 5 pl. ; Paris, 1868...
De la part de M. Alph. Milne-Edwards, Note sur Inexistence
d’un Pélican de grande taille dans les tourbières d' Angleterre ; in-4,
9 p., 1 pl. ; Paris
Delà part de M. V. Raulin, Éléments de géologie [Géologie de
la France ); in-12, 282 p.5 1 pl.; Paris, 1868; chez L. Ha-
chette et Ce.
De la part de M. Achille de Zigno, Descrizione di alcune cica-
deacee fossili rinvenute nell’oolite delle Alpi Venete ; in-8, 16 p.,
1 pl. ; Venise, 1868; chez Antonelli.
M. Eug. Jacquot présente la description géologique de la
Moselle (voir la Liste des dons ), qu'il a rédigée, à l'appui de
la carte de M. Reverchon, avec le concours de MM. O. Ter-
quem et Barré.
M. Tabariés de Grandsaignes fait la communication sui-
vante :
De quelques terrains cristallins , sédiment aires et glaciaires de la
Corse; par M. Tabariés de Grandsaignes.
Je viens de visiter quelques régions des moins explorées de la
Corse, et je présente à la Société les principaux résultats de
cette étude.
Terrains porphijriques. — J’ai cherché à reconnaître l’étendue
du terrain porphyrique qui apparaît depuis les golfes de Ga»
leria et de Porto jusqu’au Niolo, et à déterminer l’âge de ces
porphyres. Quant à l’étendue, elle est double, à peu près, de
celle qu’on lui assigne sur les cartes. Le porphyre occupe, en
effet, d’une part, la presque totalité des terrains de la côte
occidentale, appelés terrains à combustible par M. Pareto, de
l’autre, tout le massif du Monte Cinto, désigné comme grani-
tique sur la carte du même géologue.
Il paraît y avoir des porphyres de trois ou quatre époques
différentes, bien distincts par la direction de leurs filons et
leur coloration.
1° Le porphyre rose, le plus ancien, qui forme la base et la
NOTE DE M. TABARIÉS.
267
F
ij
I
masse du système porphyrique. Je l’ai rencontré dans le bois
d’Asco, dans celui de Carrozica, jusqu’au sommet de la Pie-
drella, dans l’intérieur du vallon de Marsolino, sur un coteau
voisin de la mer, le long de la Spovata où il devient orbicu-
laire sans changer de composition, et contient des orbes de
quarante centimètres de diamètre, dans la forêt de Filosorma,
au bas de la falaise de Girolata, au-dessus de Curzo, au-dessus
de Porto, en face d’Otta, enfin dans le Niolo. Lorsqu’il est en
filon, il paraît avoir la direction N. S. coïncidante avec celle
du soulèvement de la Corse.
2° Un porphyre blanchâtre, qui paraît être venu recouvrir
celui-ci ou former sa partie supérieure; on ne le trouve que
dans la vallée de la Sposata.
3° Un porphyre vert, qui coupe les deux précédents en liions
presque verticaux, dirigés de l’Ouest à l’Est, c’est-à- dire per-
pendiculaire à la direction du système de la Corse. La façon
dont il pénètre les deux porphyres précédents confirme dans
la pensée que ceux-ci ne sont pas du même âge. En effet, le
porphyre vert coupe le rose en filons larges, non ramifiés, d’un
vert intense, sans se mêler à la pâte traversée ; il se montre, au
contraire, dans le porphyre blanc, en ramifications plus
étroites, plus nombreuses, d’un vert plus pâle, et qui colorent
plus ou moins, dans leur voisinage, ia roche encaissante. On
voit trois exemples remarquables du premier état dans la
falaise de Girolata et sur la route de Porto, à quatre kilomètres
au nord de ce petit port. On en voit de plus nombreux du
second, sur la route de Galeria, à la Bocca di Parma Sottana.
4° Un porphyre gris, qu’on ne trouve que dans le bassin de
la Girolata, associé à des schistes anthracifères qu’il a disloqués
et renversés. Comme il n’est pas traversé par le porphyre vert,
il me semble l - pius récent de tous.
Mais quel est l’âge absolu de ces divers porphyres? C’est ce
qu’il est difficile de découvrir. Le porphyre rose paraît se lier
au granité, qui forme la moitié occidentale de l’île, soit par des
passages au granité porphyroïde, comme à Girolata et à Porto,
soit par la nature de certaines montagnes, qui présentent tout
un versant granitique et l’autre porphyrique, comme la Pie-
drella, entre Asco et Calensana et la colline de Marsolino, entre
Calensana et Galeria. Le porphyre gris a surgi pendant ou peu
après la période primaire.
Terrains 'primaires. — Les terrains à combustible de M. Pareto
doivent être rangés parmi les terrains primaires. Ils se compo-
268 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1868.
sent, dans le bassin de la Girolata: 1° du dépôt anthracifère
d’Osani subordonné à des grès et à des schistes argilo-caicaires
gris, brisés par l’éruption du porphyre gris dont j’ai parlé plus
haut et à un calcaire noir, pyriteux, à veines de spath en con-
tact avec l’anthracite. Ce charbon paraît peu abondant et de
mauvaise qualité; l’exploitation en est abandonnée. La grande
route coupe cette formation sur une étendue d’environ six
kilomètres. — 2° D’un dépôt d’anthracite plus abondant et
récemment découvert, au sommet d’une pointe de porphyre
rose, appelée II Forno, à trois kilomètres O. de Girolata. — ■
Dans le bassin de la Spovata, d’un dépôt de calcaire gris
bleuâtre, sans apparence de stratification, traversé par un
réseau de veines spathiques et enclavé au milieu du porphyre.
Ce dépôt m’a paru d’origine éruptive, d’après sa structure et
sa position, et, à raison de sa proximité, je le crois du même
âge que celui d’Osani.
Terrains secondaires. — J’ai retrouvé, à deux kilomètres S. O.
d’Asco, un curieux gisement sédimentaire signalé seulement
par Barrai, en 1783. Au milieu du granité, et à vingt kilomètres
au moins des terrains sédimentaires les plus voisins, se trouve
une formation composée, dans sa partie supérieure, à l’endroit
où elle est coupée par le chemin d’Asco à Calensana, de
schistes argileux noirs, ayant exactement l’apparence des ar-
doises d’Angers, et, plus bas, d’un calcaire gris stratifié, le tout
en couches parfaitement horizontales. Je ne puis m’expliquer
l’apparence et la situation de ce dépôt, qui descend jusqu’au
fond de la vallée, qu’en le considérant comme un dépôt sédi-
mentaire lacustre, dont les couches calcaires inférieures pro-
viennent de sources chargées de carbonate de chaux, et les
couches argileuses supérieures du lavage des terres environ-
nantes par les eaux atmosphériques. Il serait difficile et même
impossible de l’expliquer par une dénudation ; car, d’une part,
il forme le fond de la vallée et non pas le sommet d’une pointe ;
de l’autre, il est dominé de tous côtés par des montagnes gra-
nitiques, sauf si l’on descend pendant plus de vingt kilomètres
le cours extrêmement sinueux du fleuve Asco, qui ne présente,
dans ce parcours, aucun vestige de terrain sédimentaire. On
peut se représenter la situation du dépôt par la coupe sui-
vante ;
i
NOTE DE M. TABARIÉS.
269
Malgré son aspect, et comme je n’ai pu y trouver de fossiles,
je le rattache aux terrains secondaires, dont il est beaucoup plus
rapproché que des dépôts plus anciens de la côte occidentale.
Formations quaternaires. — J’ai examiné, aux environs de
Corte, deux formations tufacées, les seules que je connaisse en
Corse et qui n’ont jamais été signalées. L’une, dont j’avais ren-
contré des blocs taillés dans les ruines de Saint-Jean (ancienne
Corte), se trouve à cinq kilomètres de Corte, sur la grande
route de cette ville à Bastia. Elle a l’aspect d’une colline qui se
détache d’une chaîne plus élevée, et descend, en forme de V
renversé, sur la route et jusqu’au fond de la vallée. La route la
coupe sur une étendue de 500 mètres, en présentant la section
suivante :
Corte. ' : , Bastia.
Le tuf jaunâtre A, en général assez dense et résistant, est
superposé à la serpentine D et à un calcaire gris secondaire C.
Dans sa partie la plus épaisse, on le voit reposer directement
sur un calcaire blanc, dur, compacte et schisteux. Dans une
grotte formée par éboulement au-dessus de la route, on voit la
même superposition; le calcaire compacte est également in-
cliné de 20° N. E.-S, O. et le tuf se trouve séparé de lui par une
270
SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1868.
couche de dix à quinze centimètres de sable calcaire. Quant à
l’âge du tuf, il est donné par les empreintes qu’il renferme ;
elles se rapportent à des feuilles de Châtaigniers, d’Ormes et
d’autres dicotylédones et de Roseaux. Les Châtaigniers et les
Roseaux n’existent plus à l’état vivant en cet endroit; il ne s’y
trouve que des Figuiers ; autour de leurs racines, les infiltra-
tions d’une petite source forment, aux dépens du tuf que nous
considérons, un nouveau dépôt bien distinct du premier par sa
couleur blanche et sa fragilité. Il résulte de ces faits que le
tuf de la colline n’est pas de l’époque contemporaine, mais doit
être assimilé aux dépôts quaternaires ; il s’est produit à une
époque où le climat de ce canton était plus humide et plus
froid qu’aujourd’hui.
Un tuf semblable, mais dans lequel je n’ai pas rencontré
d’empreintes , existe au village de Piedigriggio , canton
d’Omessa.
J’ai rencontré sur la côte de Saint-Florent, à l’est de cette
ville, un conglomérat marin élevé de plusieurs mètres au-
dessus du niveau de la mer, et qui n’est autre qu’un de ces
cordons littoraux quaternaires signalés déjà à Ajaccio et à
Santa-Manza.
Dépôts glaciaires . — - J’ai eu la satisfaction de trouver les traces
de deux glaciers anciens dans le massif du Monte Cinto. Lors-
qu’en partant de Calasima, dans le canton du Niolo, on s’élève
au nord, vers la crête du massif, on arrive à un endroit appelé
Valle dello Stagno, et connu pour la beauté des jaspes qu’on
peuty récolter. Cette petite vallée est formée par deux rameaux,
dont l’un, à gauche, est à pic, et l’autre descend, par une
pente beaucoup plus douce, vers l’affluent du Viro, qui coule
au pied du premier. Au moment où la vallée , qui montait
vers le nord, fait un brusque détour vers l’est, on aperçoit, sur
. le versant droit, d’énormes blocs qui barrent tout à coup la
vallée. Examinés de près, ces blocs se montrent détachés de la
roche porphyrique qui forme le sol et composés d’un jaspe
rouge, bréchiforme ; ils sont dans des positions d’équilibre
variées et ne paraissent que sur un espace d’une vingtaine de
mètres en largeur. Leur masse, leur forme et la configuration
des versants s’oppose absolument à ce que l’on puisse supposer
qu’ils aient roulé, de l’un ou de l’autre, dans la vallée; enfin,
ils sont accompagnés, dans l’espace qu’ils occupent, d’une
foule de galets non roulés de jaspes vert, brun et sanguin. Il
me paraît impossible de voir dans ces roches autre chose que
NOTE DE M» TABARIÉS.
271
des blocs erratiques déposés sur une moraine latéro-lerminale
où un glacier venait autrefois déverser ses débris sous l’in-
fluence combinée de la pente générale du massif et de la con-
figuration de la vallée.
Des blocs de même nature et de même aspect, plus nom-
breux. mais moins gros, existent dans une vallée située
au-dessus du bois de Carrozica (commune d’Asco), sur le
versant nord du grand massif du Monte Ginto. Je crois difficile
de leur assigner une origine différente, et je pense que, si l’on
explorait les trois ou quatre autres vallées qui rayonnent du
pic du Cinto, on trouverait des vestiges analogues. Les traces
de glaciers anciens dans cette partie de la Corse n’ont rien de
surprenant, puisqu’il s’agit ici du massif le plus élevé de l’île
entière, qui se trouve contigu à. celui du Monte Paglia-Orba,
où Raphaël Pumpelly a signalé des glaciers anciens dès 1859
{Bull, de la Soc. géol. , 2e série, t. XVII).
M. de Mortillet demande s’il existe en Corse des cailloux
striés et des roches polies et moutonnées.
M. Tabariés répond qu’il n’en a pas observé, mais que
M. Pumpelly a signalé des traces de stries sur certains ro-
chers du pays.
M. Morel de Glasville met sous les yeux de la Société une
mâchoire de mammifère qu’il a découverte dans les meu-
lières supérieures, à Cernay-la-Ville, entre Dampierre et
Chevreuse.
Séance du 7 décembre 1868.
PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière
séance, le Président proclame membres de la Société :
MM.
Dupui (Louis), professeur, au >sset(Var); présenté
par MM. Toucas et Hébert.
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
Indes (le frère), sous-directeur de l'école chrétienne, à
Rome (Italie); présenté par MM. de Yerneuil et Collomb.
Le Président annonce ensuite deux présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Geoffroy d'Ault-Dumesnil :
1° Phénomène de dénudation et de désagrégation. — Recherches
sur la provenance des granités gui ont servi à élever les monuments
dits celtiques; in-8, 11p.; Vannes, 1866 ; chez L. Galles.
2° Traité des minéraux du Morbihan; in-8, 45 p.; Vannes,
1866; chez L. Galles.
Delà part de M. J. R. Bourguignat :
1° Notice prodromique sur quelques Ursidæ d'Algérie; in-8,
7 p.; Paris, 1868; chez Ve Bouchard-Huzard.
2° Notice complémentaire sur diverses espèces de mollusques et
de mammifères découvertes dans une caverne près de Vence ;
in-8, 12 p.; Paris, 1868; chez Ve Bouchard-Huzard.
De la part de M. A. Caillaux :
1 Documents statistiques et géologiques sur les principaux mi-
nerais à V Exposition de 1867; in-8, 124 p. , 1 pi. ; Saint-
Etienne, chez Ve Théolier aîné et Ce.
2° Les minerais autres que le fer et les combustibles à l’Exposition
universelle de 1867 et suite; in-8, 111 p. 265-292 et 427-452.
De la paît de M. G. Capellini, Ricordi di un viaggio scien-
tifico neW America settentrionale nel 1863 ; in-8, 279 p 1 carte •
Bologne, 1867; chez G. Vitali.
Delà part de M. Clément-Mullet, Essai sur la minéralogie
arabe; in-8, 248 p.; Paris, 1868; imp. Imp.
De la part de MM. E. Desor et P. de Loriot, Échinologie hel-
^Ue' . escriPt™n des oursins fossiles de la Suisse; in-4,
r wfK1S01!;ita^le I'Ivettextei‘Ivî1868; Wiesbade, chez
G. W. Kreidel ; Paris, chez Ch. Beinwald.
De la part de M. James Hall :
1° Notes upon the geology
Saint-Paul to the western ?
° portions oj Minnesota , from
in-4, 12 p.; 1866
bons faits a la société.
273
. 2° Note uP°n the 3enws Palœaster and other fossil Starfishes •
in-8, 23 p. 1 pl.; 1866. ' ’
De la part de M. L. Lartet, Mémoire sur une sépulture des an-
ciens Troglodytes du Périgord, in-8, 28 p....
De la part de M. F. J. Pictet, Matériaux pour la paléontologie
suisse, dO'etll' livraisons. - Monographie des couches de l'étage
valangiendes carrières d'Arzier ( canton de Vaud), in-8, 110 p. 9
pl.; Genève et Bâle, novembre 1868; chez H. Georg.
-de f ' Ch' Conte''ean ’ La lune r°™e au pays de
Montbehard; in-8, 51, p., i pl.; Paris:...., chez J. B. Baillière
6t fils»
De la part de M. H. Yinay :
1» Note sur une découverte de coquilles marines fossiles dans un
gisement de sables et galets à l’Herm, près le Monastier ( Haute-
Loire), in-8, 13 p.; Le Puy, 1868, chez Marchesson.
2° Inauguration du Musée Crozatier , in-8 35 n • Tp Pmr
1868, chez Marchesson. ’ P-’ Uy’
De la part de M. Ant. d’Achiardi, Corallarj fossili del
terreno nummulitico delV Alpe Venete , in-4, 31 p.,8 pl.* Milan
1868, chez G. Bernardoni.
De la part de M. Alpheus Hyatt, The fossil Cephalopods of
the Muséum of Comparative Zoology, in-8, 32 p....
De la part de M. Isaac Lea , Observations on the genus Vnio
etc...... in-4, 62 p.; Philadelphie, 1867, chez T. K. Collins!
De la part de M. F. A. Pereira da Costa, Descripçao de al-
guns dolmins ou antas de Portugal, in-4, 97p., 3 pl.; Lisbonne.
De la part de M. J.-B. Perry, Queries on the red sandstone of
ermont and ils relations to other rocks, in-8, 16 p.; Boston,
1868, chez Abner A. Kingman.
Delà part de M. L. F. de Pourtalès, Contributions to the
Fauna of the GulfStream at greatdepths, in-8, 18 p.; Cambridge,
1867.
■ i . . '„i : I . v. -w tt k - :-f ■ ■ ■-'
M. Louis Lartet présente une étude sur une sépulture des
Troglodytes du Périgord, suivie de la description des crânes
humains et des espèces éteintes d'animaux qui s'v trou-
274 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
vaient associées, par MM. Pruner Bey et Édouard Lartet
(v. la Liste des dons).
En offrant à la Société, au nom de l’auteur, M. de Loriol, la
monographie des couches de l’étage valangien des carrières
d’Arzier (y. la Liste des dons), M. Gotteau communique les ob-
servations suivantes :
Les carrières d’Arzier, qui font l’objet de la nouvelle mono-
graphie que vient de publier M. de Loriol, sont situées près du
village de ce nom, sur le flanc du Jura vaudois. Ces carrières,
quej’ai visitées tout récemment, en compagnie de M. de Loriol,
présentent un beau développement du terrain néocomien
inférieur ou valangien. Les couches inférieures sont formées
de calcaires blanchâtres, compactes, exploités comme pierre
de taille ; les fossiles y sont très-rares et se bornent à quelques
débris indéterminables et à quelques moules de très-grande
taille de la Natica Leviathan , Pictet et Campiche. Ces calcaires
sont surmontés par des marnes de couleur bleue ou jaunâtre,
désignées sous ie nom de marnes d’Arzier, très-riches en fos-
siles, et dont la puissance, suivant la coupe relevée par M. de
Loriol, est de 4 mètres au maximum. Au-dessus de ces mar-
nes, sur une épaisseur de trois à quatre mètres, se montrent
des calcaires très-durs, fissiles, de couleur jaunâtre, correspon-
dant à la limonite valangienne. Les fossiles, le plus souvent em-
pâtés dans cette roche très-dure, sont assez abondants, moins
cependant que dans les marnes.
M. de Loriol, avec le soin et l’exactitude qui lui sont habi-
tuels, a décrit et figuré 112 espèces recueillies dans cet en-
semble de couches. Sur ce nombre, 18 espèces appartiennent
aux mollusques gastéropodes, 36 espèces aux mollusques acé-
phales, 7 espèces aux mollusques brachiopodes, 13 espèces
aux bryozoaires, 14 espèces aux échinodermes, 6 espèces aux
polypiers et 18 espèces aux spongitaires. Les céphalopodes
sont extrêmement rares; aucune espèce déterminable n’a été
rencontrée par M. de Loriol, qui signale seulement une loge
de Nautile. La nature de cette faune fait penser à M. de Loriol
que ces dépôts se sont formés dans une mer profonde et ce-
pendant peu éloignée du rivage.
Sur les 112 espèces décrites par l’auteur, 36 sont nouvelles;
76 avaient déjà été recueillies dans d’autres localités de la
Suisse et de la France, soit dans les couches valangiennes, soit
dans le néocomien moyen, soit même, pour quelques-unes
NOTE DE M. COTTE AU.
275
d’entre elles, dans le néocomien supérieur ou urgonien. Nous
retrouvons dans le néocomien moyen d’Auxerre et de Gy-l’É-
vêque (Yonne) 31 des espèces que décrit M. de Loriol. Nous
citerons parmi les plus connues le Cardium sub-hillanum ,
Leymerie, VAstarte elongata , d’Orbigny, 1 ’Opis neocomiensis ,
d’Ürbigny, le Lithodomus oblongus , le Pecten Archiacianus ,
d’Orbigny, le Janira atava (Rœncer) d’Orbigny, les Ostrea Bous-
singaulti et Couloni , d’Orbigny, la Terebratula pseudo-jurensis,
Leymerie, les Pseudodiadema Bourgueti , Desor et Autissiodorense,
Cotteau, 1 e Stylosmilia neocomensis, de Fromentel, et YHolocœnia
collinaria (d’Orbigny) de Fromentel. Indépendamment de ces
espèces, qui sont les plus répandues, nous citerons encore des
types beaucoup plus rares, Tylostoma naücoide , Pictet et Cam-
piche, Colombellina neocomiensis, d’Orbigny, Pecten icaunensis ,
Cotteau, Pseudodiadema Guirandi , Cotteau.
Associées à ces espèces, il s’en rencontre d’autres essentiel-
lement propres aux couches néocomiennes inférieures ou va-
langiennes ; il suffit d’indiquer la Natica Sautieri , Pictet et Cam-
piche, la Pholadomya valangiensis, Pictet et Campicbe, la Venus
helvetica , Pictet et Campiche, le Phyllobrissus Duboisi , Desor,
V Acrosalenia patella (Agassiz) Desor, V Acrocidaris minor, Agas-
siz, Y Hemicidaris saleniformis , Desor, le Cidaris pretiosa, Desor
De cette association, il faut conclure, avec M. de Loriol, que les
couches valangiennes dont on a fait, pendant longtemps, en
Suisse, un étage distinct, indépendant, un groupe particulier,
se rattachent par leur faune, delà manière la plus intime, aux
couches du néocomien moyen, et se relient même directement
aux couches urgoniennes.
M. de Loriol va plus loin encore ; ces faits, suivant lui,
peuvent tendre à faire envisager l’étage valangien, non comme
une formation distincte, mais simplement commeunfaciès local
du terrain néocomien, lequel se serait déposé dans des parages
qui présentaient quelques conditions particulières, en même
temps que se déposaient, dans la Haute-Saône, l’Yonne, etc.,
les couches du néocomien moyen ou néocomien proprement
dit.
L’association d’espèces reconnues par M. de Loriol ne nous
paraît pas conduire nécessairement à de pareilles conclusions.
Cette association établit qu’un certain nombre d’espèces, après
avoir vécu dans les couches inférieures du terrain néocomien,
se sont multipliées de nouveau dans les couches moyennes, et
que quelques-unes de ces espèces ont persisté jusque dans le
276 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
terrain néocomien supérieur; elle prouve le lien qui unit les
différentes parties de ce grand étage; elle ne démontre pas
leur synchronisme.
La monographie des couches de l’étage valangien des car-
rières d’Arzier fait partie des Matériaux pour la paléontologie
suisse , publiés par M. Pictet, et termine la quatrième série de
cet important ouvrage.
M. Gotteau offre, au nom de MM. Desor et de Loriol,
Y Èchinologie helvétique (v. la Liste des dons). Il expose que le
nombre des échinides connus en Suisse a plus que triplé
depuis l'ouvrage d'Agassiz, et que le nouveau travail envoyé
à la Société géologique comble une véritable lacune dans
la science ; car beaucoup d'espèces avaient été nommées
par M. Desor, sans qu'aucune description en fût publiée.
La classification adoptée par les auteurs de Y Èchinologie est
celle de la Paléontologie française , également suivie par
M. Wright, et dans laquelle le principe d'antériorité préside
à la nomenclature des espèces. La première livraison, limi-
tée au genre Cidaris. comprend la description d'une ving-
taine d’oursins jvursVsiques.
M. Deshayes exprime le regret qu’on ait cru devoir re-
monter, pour la nomenclature, à une époque antérieure à
Linné qui, par l'invention de la classification binaire, a
créé, en quelque sorte, l'état civil en histoire naturelle.
Après quelques observations échangées, sur le même
sujet, entre MM. Cotteau, Deshayes et Levallois, M. A.Cail-
laux présente ses travaux statistiques sur les minéraux
utiles à l'Exposition universelle de 1867 (v. la Liste des
dons).
Le Secrétaire communique le mémoire suivant de M. Ley-
merie :
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276
SÉANCE DD 7 DÉCEMBRE 1868.
terrain néocomien supérieur; elle prouve le lien qui unit les
différentes parties de ce grand étage ; elle ne démontre pas
leur synchronisme.
La monographie des couches de l'étage valangien des car-
rières d’Arzier fait partie des Matériaux pour la paléontologie
suisse, publiés par M. Pictet, et termine la quatrième série de
cet important ouvrage.
M. Cotteau offre, au nom de MM. Desor et de Loriol,
YÉchinologie helvétique (v. la Liste des dons). Il expose que le
nombre des échinides connus en Suisse a plus que triplé
depuis l’ouvrage d’Agassiz, et que lenouveau travail envoyé
à la Société géologique comble une véritable lacune dans
la science ; car beaucoup d’espèces avaient été nommées
par M. Desor, sans qu’aucune description en fit publiée.
La classification adoptée par les auteurs de YÉchinologie est
celle de la Paléontologie française , également suivie par
M. Wright, et dans laquelle le principe d’antériorité préside
ù. la nomenclature des espèces. La première livraison, limi-
tée au genre Cldaris. comprend la description d’une ving-
taine d’oursins jurassiques.
M. Deshayes exprime le regret qu’on ait cru devoir re-
monter, pour la nomenclature, à une époque antérieure à
Linné qui, par l’invention de la classification binaire, a
créé, en quelque sorte, l’état civil en histoire naturelle.
Après quelques observations échangées, sur le même
sujet, entre MM. Cotteau, Desbayes et Levallois, M. A.Cail-
laux présente ses travaux statistiques sur les minéraux
utiles à l’Exposition universelle do 1867 (v. la Liste des
dons).
Le Secrétaire communique le mémoire suivant de M. Ley-
merie :
Bu/l de fa Sor . Ceo/ de Bfrance
Mémoire de M.LEYMERIE sur la division inférieure du terrain crétacé pyrénéen. ( Grès vert)
Parba'éan
Frontùjnan
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C ontrée de Siradan
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an . ( E ch elle 8~
0,000 ; hauteurs doublées)
Ko que/ de
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Qui/lan.
es vert pyrénéen entre S1 Gaudens et Giro
E cEelLe 8 o , o o o ; Eauteurs
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■ès vert pyrénéen dans la Contrée de Bize-nistos (Echelle 8 oTboo; hauteurs doublées)
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SfPaol
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Ze Séné . T. XXI 7 , Pt //, / *age : syj .
Fig-1 — Profil géognostique de la Vallée de Garonne . ( Cote droit ) entre Ore et Baser! et du Chaînon de Gourddn (Echelle
4.6,000 ;Eauteurs doublé es)
Montagne, de Li/srn/t
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Mémoire le lv£..Leymerie
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du grès vert pyrénéen .
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ici. . . . plus 'jeune .
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contorta, d'Orb.
par vola., Xejm
plus jeune.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
277
Mémoire pour servir à la connaissance de la division inférieure du
terrain crétacé pyrénéen ; par M. A. Leymerie. (PI. II et III.)
PRÉAMBULEg — ÉTAT DE LA QUESTION.
Depuis 1845 je m’occupe de l'étude des Pyrénées. J’ai touché
à tous les terrains et je crois avoir fait faire quelques progrès
vers la connaissance géognostique de cette chaîne, et notam-
ment en ce qui touche à la craie (terrain crétacé supérieur) (î)
et aux relations, jusque-là si obscures, qui existent entre ce
terrain et la formation nummulitique.
Une difficulté persistait encore, il y a quelques années, sur
cette dernière question; j’ai été assez heureux pour la résoudre
par la création de V étage " garumnien , qui a pris et qui prend
chaque jour, malgré les obstacles qui lui sont opposés, dans
la géologie du Midi de la France, une importance à laquelle,
dans l’origine, j’étais assez loin de m’attendre.
Maintenant je considère la question de la craie comme étant
résolue, au moins à l’égard de la moitié orientale de la chaîne;
mais il n’en est pas ainsi pour le terrain crétacé inférieur, et,
bien que je me sois occupé de ce terrain avec une certaine
persistance, je n’étais arrivé, jusqu’à ces derniers temps, à au-
cun résultat qui pût me satisfaire ; mais, tout récemment, me
trouvant dans la nécessité de tracer définitivement, sur la carte
géologique de la Haute-Garonne, une limite restée jusqu’à ce
jour indécise entre cette grande formation et le terrain juras-
sique, j’ai fait de nouveaux efforts qui m’ont enfin conduit à une
solution dont je me propose de faire connaître les éléments
dans le présent mémoire.
J’aurais voulu retarder cette publication jusqu’au moment
où elle aurait pu être plus mûrie et plus complète, notamment
en ce qui concerne les fossiles; mais les circonstances m’obli-
gent à la faire dès à présent, et je prie les lecteurs de n’y voir
w J’emploie ici exclusivement le nom de craie . ainsi que je l’ai toujours
fait jusqu’à ce jour, pour désigner le terrain crétacé supérieur ou la craie
proprement dite. Je pense qu’il y a quelque inconvénient à l’appliquer au
terrain crétacé considéré dans son ensemble, ainsi que le font plusieurs
auteurs.
278
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
qu'un essai, et comme le prodrome d’une description que
j’aurai peut-être la satisfaction de faire plus tard. L’unique but
que je me propose ici, pour le moment, est de produire les
faits les plus indispensables pour appuyer la manière de voir
à laquelle j’ai fini par me fixer, après maintes variations et os-
cillations qui peuvent être attribuées, sans doute, à mon peu
de sagacité, mais qui tiennent aussi, j’ôse le dire, à la difficulté
du sujet.
Je ne chercherai pas à m’excuser pour ces oscillations, qui
prouvent au moins ma sincérité et mon ardent désir d’arriver
à la vérité. Les mouvements de va-et-vient ne sont-ils pas
d’ailleurs le caractère d’un équilibre stable ! Je n’ai jamais eu
la prétention de voir les grands faits géologiques du premier
coup, et c’est toujours par des essais successifs, et avec une
lenteur qui est une condition de maturité, que j’ai eu le bon-
heur de produire, dans ma longue carrière, des résultats peu
nombreux, sans doute, mais qui sont entrés dans la science, où
ils ont fini par s’établir, malgré le peu de soins que j’ai mis à
les faire valoir (1).
Il ne sera pas inutile de dire un mot de ces fluctuations et
des péripéties qui ont caractérisé les diverses phases par les-
quelles j’ai dû passer pour arriver à la solution que cet essai
doit faire connaître, ne fût-ce que pour donner un aperçu de
la difficulté qui s’attache à la question dont il s’agit.
L’idée que le calcaire à Dicérates de Dufrénoy représente le
calcaire à Chama d’Orgon, et que les couches à Exogyra sinuata
doivent se trouver par-dessus, lorsqu’elles existent, est la pre-
mière qui doit se présenter à tout élève qui vient de lire un
manuel où se trouvent décrits les terrains classiques de la Pro-
vence, et c’est ainsi, je l’avoue, que j’étais disposé à voir les
choses en entrant dans les Pyrénées; mais lorsque, après de
nombreuses excursions, je me fus un peu familiarisé avec le
faciès de ces montagnes, je m’aperçus que la composition de
l’étage dont le calcaire à Dicérates fait partie était loin d’être
aussi simple que je l’avais d’abord supposé.
Une des principales difficultés consistait dans la liaison du
calcaire dont il s’agit et des assises arénacées qui lui sont as-
sociées avec une série de calcaires gris ou noirs, dénués de
(t) C’est ainsi que je suis arrivé au garumnün par Yépicrétacé, qui doit
disparaître aujourd’hui, mais qui avait sa raison d’être à l’époque où je
l’ai proposé.
MEMOIRE DE M. LEYMERIE.
279
fossiles caractéristiques, qui, dans la Haute-Garonne particu-
lièrement, se développe largement au sud du lias fossilifère,
série que la tradition me faisait au moins une convenance de
regarder comme étant de l’âge des calcaires du Jura.
Un moment j’ai cru que tout était jurassique. C’était une er-
reur sans doute, mais peut-être la trouvera-t-on excusable
quand on connaîtra une partie des apparences fallacieuses que
la nature semblait avoir rassemblées dans ce terrain, comme
pour mettre à l’épreuve la patience et la sagacité du géologue.
Je vais indiquer ici quelques-unes de ces apparences si pro-
pres à induire en erreur.
Nous verrons bientôt que le terrain dont il est question se
termine, dans la Haute-Garonne, par une assise où le calcaire
en bancs homogènes et continus est tout à fait subordonné, et
qui est essentiellement composée de conglomérats calcaires, de-
grés argileux de couleur sombre, et de schistes terreux.
Ces conglomérais se présentent en face de Saint-Gaudens, au
bord droit de la Garonne, sous la forme de bancs très-inclinés
au nord. Ces bancs m’ont offert des Bélemnites et d’autres fos-
siles appartenant à la formation jurassique. Je m’explique
maintenant ce fait par la considération, que ces fossiles se
trouvaient dans des fragments qui ont pu provenir de calcaires
réellement de cette époque, placés plus haut dans les mon-
tagnes.
C’est encore de cette manière que je me rends compte de la
présence, dans un calcaire de Rieucazé, d’un fragment de Ci-
daris qui portait des caractères assez significatifs pour que
M. Cotteau ait été autorisé à le rapporter sans hésitation au
C. nobilis. Je l’avais recueilli dans un gros bloc, et j’ai re-
connu depuis que ce bloc n’était là qu’en seconde main, à titre
d’élément d’un conglomérat crétacé, dépendant de la forma-
tion qui nous occupe.
Enfin, le calcaire de Miramont. et de Yalentine, où l’on
trouve de rares indices de Dicérates, et qui constitue, en avant
des conglomérats dont il vient d’être question, une assise
d’une faible épaisseur, contient, comme fossile assez habituel,
un grand Peigne à côtes simples qui ressemble, à s’y méprendre,
au Pecten œquivalvis.
D’un autre côté, certaines couches des environs de Bize-
Nistos (Hautes-Pyrénées), que nous verrons bientôt faire partie
d’un ensemble où le calcaire à Dicérates joue le rôle caracté-
ristique, sont remplies de Nérinées, qui ont tout à fait le faciès
280
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
jurassique et qui viennent d’être rapportées, par M. Hébert, à
des espèces du coral-rag, et, dans le marbre de Lourdes, qui
est pétri de tests de Caprotines et d’autres fossiles, j’avais vu
aussi des Nérinées analogues (1). Je pourrais citer un assez
grand nombre d’autres signes trompeurs, comme la présence,
dans le calcaire à Dicérates d’Aubert, près de Saint-Girons,
d’une Térébratule {T. Dutempliana, d’Orb.) de la taille et de
la forme de T. perovalis. Enfin, j’avais découvert à Galié, au
sein des montagnes, presque au contact des dolomies jurassi-
ques, avec des calcaires réputés de cet âge jusqu’alors, une
assise à Caprotines bien caractérisées, à 9 ou 10 kilom. au sud
de la zone extérieure où l’on croyait devoir reléguer le terrain
crétacé.
Remarquez qu’à cette époque tout le monde était d’accord
pour attribuer à la formation jurassique toute la longue série
de calcaires que nous allons ci-après parcourir dans la vallée de
la Garonne, et qui s’étend entre le pic de Gar et Gourdan ; le
calcaire à Dicérates de Gourdan, même, était teinté en bleu
sur la Carte géologique de la France.
Étant obligé, en 1866, de prendre un parti, et n’osant pas
rompre brusquement avec la tradition qui voulait que la masse
de nos calcaires secondaires fût jurassique, j’étais revenu, en
désespoir de cause, à mes premières idées, et je m’étais dé-
cidé, sans conviction, puisqu’il fallait une limite, à la tracer
derrière l'assise qui avait fourni des fossiles crétacés, et qui
comprenait le calcaire à Dicérates et les conglomérats, grès et
schistes de Miramont, rapportant d’ailleurs cet étage ainsi li-
mité au type cénomanien, par des raisons que j’exposerai plus
loin.
Je laissais de côté le calcaire à Caprotines de Galié, et je
fermais les yeux sur d’autres difficultés qui n’existaient pas
dans la Haute-Garonne à un aussi haut degré que dans les dé-
fi) Je crois devoir indiquer ici le gîte d’une de ces Nérinées. Ce gîte était,
en 1855, à Mont-de-Marsan, sur une des tables du principal café. J’en ai
pris sur place un croquis. D’autres individus ont été observés par différents
géologues au sein du même calcaire, notamment par M. Ém. Frossard. Au
reste, les caractères de ces Nérinées ne doivent plus nous embarrasser,
maintenant que nous voyons par les belles planches des fossiles de Sainte-
Croix, publiées par M. Pictet, des espèces crétacées qui ressemblent d’une
manière très-marquée aux espèces coralliennes, et qui ont avec les nôtres
une grande analogie.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
281
parlements voisins. Mais ce n’était qu’un expédient qui me
permettait de sortir d’embarras, pour l’instant, et que je dési-
rais vivement remplacer par un moyen plus rationnel. Dans
cette conjecture, j’ai pris le parti d’aller encore sur le terrain
pour y faire de nouvelles observations avec une attention
particulière et l’esprit dégagé de toute préoccupation de tra-
dition ou de déférence.
Je suis revenu de ce voyage avec des idées radicales complète-
ment inverses de celles que j’ai indiquées précédemment.
J’avais considéré comme jurassique toute la série qui s’étend
au nord du lias, y compris le calcaire à Dicérates; maintenant
je crois que cette série est tout entière crétacée .
Ainsi j’en suis arrivé à n’attribuer à la formation jurassique
que ce qui m’est démontré tel par les fossiles et par la position,
comme le lias et les dolomies qui lui sont superposées, et à
rattacher à la formation crétacée une série beaucoup plus
puissante, exclusivement calcaire, dépourvue, dans la Haute-
Garonne, de fossiles caractéristiques, qui s’étend au nord jus-
qu’au pied des montagnes, où elle se termine par le calcaire à
Dicérates et par les schistes et conglomérats et calcaires ci-
dessus signalés. Tout cet ensemble représenterait, dans mon
opinion actuelle, cette division inférieure que les Anglais ont
nommée green-sand , et que nous appelions, en France, grès vert
avant l’introduction du type néocomien.
Tel est le système que je vais chercher à soutenir dans ce
mémoire. Je le ferai par quelques coupes choisies, dont cha-
cune apportera sa preuve, et par une revue rapide des terrains
secondaires supérieurs des Pyrénées, destinée à élargir la base
et à fortifier les fondements de l’édifice que je me propose de
construire. Je m’occuperai d’abord des Pyrénées de la Haute-
Garonne, qui se trouvent au centre de cette chaîne et que j’ai
plus particulièrement étudiées.
GRÈS VERT DANS LES PYRÉNÉES DE LA HAUTE-GARONNE.
Je commencerai par une coupe détaillée du terrain dont il
s’agit, tel qu’il se présente dans la vallée même de la Garonne :
Coupe de la vallée de la Garonne.
Cette coupe (PI. II, fig. 1) représente géologiquement le
côté droit de la vallée, entre Galié, où commence le système
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1803,
dont il s’agit, après le terrain jurassique d’Ore et de Saint-Pé,
jusqu’à Montrejeau où les schistes terreux crétacés s h s’enfon-
cent sous un plateau diluvien a 2 très-caillouteux, qui se trouve
au niveau géologique de Saint-Gaudens. Cette coupe, ou plutôt
ce profil, qui embrasse une succession de terrains d’environ
12 kilomètres, où les étages et assises ne sont guère indiqués
que par leurs affleurements, montre le versant droit delà vâdée
jusqu’à Bazert, près Labroquère, complété par le chaînon de
Gourdan que je suppose vu de la plaine de Yalentine. Nous
allons la décrire brièvement en commençant par ce dernier
appendice qui a ici une grande importance.
Le chaînon que je désigne par le nom du village de Gour-
dan, situé à son pied, peut être regardé comme un hors-
d’œuvre pyrénéen, qui barre à l’ouest le beau bassin de Yalen-
tine. Il est formé par trois protubérances. La première
(la Pelade) , la plus rapprochée des montagnes, semble s’y rat-
tacher par ses caractères physiques. Sa forme est arrondie et
elle est entièrement couverte de bois, analogie qui va se trou-
ver confirmée et complétée par l’identité des roches.
Les autres parties du chaînon consistent en deux pics ro-
cheux, arides, qui, vus du bassin de Yalentine, offrent à l’œil
l’image de deux pyramides égyptiennes, qui se toucheraient en
confluant assez légèrement à leurs hases. Ces pics pyramidaux
sont composés de calcaires à Dicérates et en constituent même
un des types les plus connus.
Le calcaire de Gourdan, représenté dans la coupe par la
lettre d, est sub-compacte, à pâte assez fine; sa couleur est tan-
tôt le gris clair tirant au blanchâtre, et tantôt le gris bleuâtre.
Il est fétide sous le marteau. Les bancs qui se trouvent du côté
oriental, où ils sont exploités comme pierre à chaux et comme
pierre d’appareil, offrent habituellement, à la cassure, de
nombreuses lignes noires courbes de diverses formes que l’on
considère comme des tests de Gaprotines (G. Lonsdalei ), et les
surfaces exposées depuis longtemps à l’air laissent apercevoir
les indices d’autres fossiles, parmi lesquels on reconnaît des
radioles de Cidaris ( C . pyrenaica). Il y a aussi des bancs à
Annulites , nom que j’emploie pour indiquer la présence d’an-
neaux blancs, très-réguliers, qui ne sont autre chose que des
sections d’une assez grosse Serpule ou Dentale; mais cet acci-
dent est assez rare.
Ces pics sont hérissés d’aspérités, offrent partout des traces
de dislocation, et la stratification y est assez difficile à dé-
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 283
brouiller; cependant, après une étude attentive, on ne peut pas
douter que les bancs n’y soient presque verticaux, avec une
tendance à pencher au S. O. qui est assez souvent réalisée, et
que la direction au N. N. O. est conforme à celle de la petite
chaîne elle-même.
On peut attribuer 800 mètres de puissance à ce petit sys-
tème; mais il n’est pas entièrement composé de couches à
Gaprotines. En effet, si on le traverse perpendiculairement à la
direction, c’est-à-dire de l’orient à l’occident, on voit ces
rudistes, qui étaient très-nombreux sur le versant oriental,
disparaître au delà de la ligne culminante, et l’on ne rencontre
plus alors, jusqu’à la Garonne, que des calcaires gris, fétides,
où les fossiles sont rares s’ils existent.
La manière dont se termine le chaînon de Gourdan au nord,
et ses relations avec les schistes terreux crétacés de Montre-
jeau, à l’extrémité de notre coupe, méritent que nous nous y
arrêtions un instant.
Sur la rive droite de la Garonne, vers le point où elle reçoit
la Neste, au-dessous d’une petite crête qui porte une ruine, le
massif du calcaire à Dicérates est brusquement coupé au bord
même du fleuve, de manière à offrir une surface abrupte, ro-
cheuse, ruinée, où tout indique la trace d’une violente rupture;
mais, de l’autre côté du fleuve, en face de cette surface hé-
rissée, les choses se passent tout différemment, et contrastent
par leur allure régulière et tranquille avec le désordre et la
violence accusée sur la rive opposée. En effet, que voit-on de ce
côté? La ville deMontrejeau assise au bord d’un plateau dilu-
vien a2, au niveau de celui de Saint-Gaudens, sous lequel
plongent des schistes terreux s à, inclinés au nord d’une ma-
nière très-régulière, et dont la direction O. S. O. est presque
perpendiculaire à celle du calcaire à Dicérates de Gourdan.
L’étroit passage qui sépare ces deux ordres de choses si
différents, par lequel la Garonne entre actuellement dans le
bassin de Yalentine, correspond évidemment à une rupture ou
à une faille, et la discordance manifeste qui existe entre le cal-
caire à Dicérates et les schistes terreux semblerait autoriser
à placer là une ligne de séparation entre deux étages crétacés
très-distincts. Nous ne pensons pas toutefois devoir adopter
cette manière de voir d’une manière générale, parce que nous
trouverons ailleurs ces schistes alternant avec le calcaire à
Gaprotines. Nous avons même à cet égard, dans le chaînon de
Gourdan, un fait curieux à signaler et qui est resté pour nous
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868,
inexplicable jusqu'à présent. Il consiste dans la présence, au
hameau de Beaucoulan, dans la petite gorge qui sépare les
deux grandes pyramides, d’une petite assise x de schistes iden-
tiques avec ceux de Montrejeau, et qui, là, chose fort singu-
lière, sont dirigés comme eux, c’est-à-dire dans un sens trans-
versal relativement à celui du calcaire à Dicérates, avec un
plongement rapide vers le sud, que nous allons ci-après re-
connaître dans les calcaires noirs de la Pelade.
Nous avons déjà dit que ce dernier nom était celui d’une
montagne boisée, arrondie, à laquelle le système des deux
pyramides de Gourdan vient se souder, et dont les caractères
indiquent cependant un tout autre ordre de choses. En effet,
les calcaires c, qui composent cette partie du chaînon, au
moins son lobe principal, sont tout différents de ceux que
nous venons d’étudier. Ils ont une couleur très-noire, ne mon-
trent jamais de tests de Gaprotines et alternent avec des dalles
irrégulières ou lavasses de même couleur. Voilà pour leur
composition ; quant à leur stratification, elle s’accorde pour la
direction avec les schistes de Montrejeau, dont elle s'écarte
pour le sens de l’inclinaison qui a lieu ici vers le sud. C’est
assez dire que ces calcaires et lavasses sont en complète dis-
cordance avec le calcaire à Dicérates qui, cependant, semble
se confondre avec eux dans le même massif. Les deux pyrami-
des de Gourdan forment donc un petit système à part, ayant
une allure toute spéciale entre deux terrains qui ont la direc-
tion normale du pays. On dirait qu’après avoir été soulevé, ce
système est retombé ensuite après avoir fait un demi-tour dans
le plan horizontal. C’est cette discordance bien marquée entre
le petit massif et les calcaires noirs, que nous allons voir se
prolonger dans la montagne suivante, qui m’avait déterminé, à
une époque récente, que j’ai ci-dessus indiquée, à faire passer
derrière le calcaire à Dicérates la limite du terrain crétacé.
Si l’on passe du chaînon de Gourdan à la montagne de Burs,
qui en est séparée par un étroit défilé, où coulait autrefois la
Garonne et où passe maintenant la route impériale de Toulouse
à Luchon, on retrouve les calcaires noirs c et leurs lavasses,
avec la direction et l’inclinaison méridionale qu’ils avaient à
la Pelade. Ils forment là une assise qui règne dans la plus
grande partie de la montagne, et constituent un type impor-
tant et distinct dans l’ensemble assez uniforme que comprend
notre profil.
Ces calcaires et lavasses ont une puissance assez considé-
MEMOIRE DE M. LEYMERIE.
rable et que je ne crois pas inférieure à celle de l’assise à
Dicérates de Gourdan.
Je désigne ces calcaires par le nom du village de Cier, situé
derrière la montagne de Burs, au bord du bassin de Valen-
tine, parce qu’ils sont là très-caractérisés.
11 y a, en effet, dans la contrée de Cier, des dalles bien réglées,
et le calcaire est assez noir et assez compacte en certaines
places pour qu’on ait cherché à l’exploiter comme marbre
imitant le noir de Belgique. Ce marbre a une cassure unie. Il
est accompagné de calcaires également noirs, mais plus gros-
siers, qui sont veinés et mouchetés de spath blanc. Je n’ai
jamais vu de fossiles dans cette assise, si ce n’est de très-rares
Annulites.
La montagne de Burs fait partie de l’enceinte du grand bassin
auquel nous donnons le nom du village deLoures, situé vers sa
partie centrale. Si nous continuons à suivre cette enceinte,
du côté oriental, nous verrons succéder au calcaire noir de
Cier, et en concordance parfaite avec lui, d’autres calcaires
de couleur claire, cassants et compactes au point de mériter
la qualification de lithographiques. Plus au sud, les calcaires
disparaissent sous un flanquement e de cailloux et de blocs
transportés, qui monte très-haut sur le flanc de la montagne,
jusqu’au hameau de Burs, qui trouve sa raison d’être à une si
grande hauteur au-dessus des bois, dans les champs cultivables
que le terrain de transport a déterminés (1).
La montagne que nous venons d’explorer est séparée, par
une dépression, d’un petit système ‘composé de trois protubé-
rances, sur lequel nous allons donner quelques indications.
La première de ces petites montagnes est arrondie. Elle est
formée par un calcaire d’un gris clair, en partie bréchoïde,
irrégulièrement veinulé de blanc, et dont la stratification est
très-obscure par suite des dislocations qu’il a éprouvées. — Ce
calcaire, dont la puissance est d’environ 400 mètres , paraît
sous la forme de rochers saillants au milieu des bois.
Après cette première montagne, la coupe montre deux
pointes coniques qui offrent ,uné composition et une allure
très-différentes de celles de la montagne précédente, et qui en
(1) Cet amas, sur lequel on remarque des blocs de granité d’un volume
assez considérable, se trouve là, en face de la vallée en amont de Loures,
et exactement dans sa direction. Il s’élève à plus de 130 mètres au-dessus
du fond de la plaine.
286
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
* '
sont d’ailleurs séparées par une étroite gorge qui résulte évi-
demment d’une faille. C’est le système de Barbazan, village
situé à une assez grande hauteur, dans une position pittoresque,
sur la ceinture que nous suivons. Ce petit groupe est principa-
lement composé d’un calcaire (b de notre coupe) qui a, comme
celui de Burs ou de Cier, une couleur noire prononcée, mais
qui s’en distingue par une plus grande compacité, par une
cassure ridée ou palmée, et par la propriété qu’il a de prendre
à sa surface, par l’action de l’air, une légère teinte cendrée,
inégalement répartie.
Fréquemment, il est accidenté par des veinules blanches,
quelquefois jaunes, qui le font ressembler un peu au marbre
de Portor. On y voit, sur les surfaces concaves usées par les
influences atmosphériques , des traces de fossiles (Cérites,
Astartes, etc.); j’y ai aperçu et dessiné une section de grande
Nérinée. On y a trouvé un tronçon d’Ammonite, qui n’a pas
encore été déterminé.
Ce calcaire de Barbazan est en bancs fortement et régulière-
ment inclinés au nord, c’est-à-dire en sens inverse du calcaire
noir de Cier; il est d’ailleurs dirigé, comme lui, à l’O. S. O., con-
formément à la direction générale de la contrée. Le chemin
de Barbazan à Sauveterre se trouve entre les deux petits pics,
dans une fissure ouverte au milieu de ce calcaire et dans sa
direction.
Si l’on veut observer les couches inférieures à ces calcaires,
il faut passer derrière le pic principal (le plus oriental); on
voit alors sortir, de dessous les bancs dont il vient d’être ques-
tion, d’autres couches qui consistent en des calcaires marneux
et en des schistes terreux et calschistes qui forment la base
du pic.
Ce versant oriental, où affleurent les couches précédentes,
est surtout intéressant par la présence, dans les bancs noirs
inférieurs immédiatement superposés aux calcaires marneux,
d’une multitude de véritables Serpules appartenant à une es-
pèce assez mince, ondulée, et qui diffère essentiellement de
celle qui a pu donner naissance aux Annulites ci-dessus signa-
lées, qui sont dans tous les cas' beaucoup plus larges. Ces
Serpules se concentrent ici dans un ou deux bancs, désignés
sur la coupe par la lettre s, de manière à former une luma-
chelle particulière d’un aspect assez agréable, qui constitue,
comme nous le verrons par la suite , un point de repère pré-
cieux dans la difficile question de l’âge de nos calcaires. Ces
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 287
bancs se prolongent à l’orient jusque dans le bassin de Sauve-
terre où ils sont très-caractérisés. Us offrent, outre les Serpules,
quelques coquilles malheureusement indéterminables, parti-
culièrement de petites ostracées.
Cet horizon fossilifère donne de l’intérêt et de la vie, pour
ainsi dire, au petit système de Barbazan, que je crois différent
de celui de Cier et plus ancien que lui, malgré la ressemblance
des calcaires, bien qu’il y aurait peut-être une apparence de
probabilité dans la supposition que les calcaires noirs pour-
raient se lier à ceux de la montagne de Burs et former avec
eux un fond de bateau qui serait rempli par les calcaires gris
irréguliers, comparables à des calcaires à Caprotines où ces
fossiles n’existeraient pas.
Le petit système de Barbazan, dont l’épaisseur est d’environ
300m, se trouve séparé par un ravin ou gorge de la montagne
suivante, qui commence par des lavasses calcaires grises, qui
reprennent l’inclinaison S. du système de Burs et de Cier; et
il y a probablement là une nouvelle faille suivant le thalweg
de ce ravin qui suit lui-même la direction normale du pays.
Le profil représente le versant occidental de cette montagne,
que nous appellerons montagne de Luscan, nom du village qui
se trouve à son pied dans sa partie moyenne. En longeant ce
versant du nord au sud, nous quittons le petit bassin de Lour-
des, pour entrer dans une partie étroite de la vallée de la Ga-
ronne, qui relie ce bassin à celui d’Ore ou de Frontignan, où
s’arrête notre profil.
La montagne de Luscan, ainsi que notre figure l’indique,
consiste en un massif dont le versant, qui descend à la Ga-
ronne, n’offre d’autres traces de division ou d’accident que
quelques étroites fissures. Sa composition est également assez
uniforme. Il est d’ailleurs difficile de l’étudier, à cause de la
rapidité des pentes et des éboulis qui cachent souvent la base
jusqu’à une certaine hauteur ; cette montagne paraît consister
principalement en lavasses souvent terreuses. Les calcaires
francs n’y sont qu’accessoires. La direction O.S.O. est toujours
celle qui régit la contrée ; l’inclinaison y est considérable et
oscille autour de la verticale. D’abord, elle se porte au sud,
ainsi que nous l’avons déjà dit; mais, au delà de Luscan, elle
semble passer au nord.
Entre Barbazan et Luscan, ce système de lavasses (/ de la
coupe) offre une petite assise de calcaire noir compacte, assez
analogue à celui de Barbazan, et, à Luscan même, on peut
233 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1808.
*
voir, à la fontaine, des dalles de calcaire bleuâtre presque ver-
ticales.
Ce système monotone de lavasses et de calcaires /, jusqu’à
1500m environ du village de Galié, constitue un ensemble où
il y a peut-être quelques inflexions, qui ne sont pas indiquées
toutefois assez clairement pour que nous puissions les admet-
tre. Il est plus sage et probablement plus vrai de supposer que
cet étage forme un tout dont la puissance, indiquée par le nom-
bre et la position presque verticale des couches, ne peut être
portée à moins de 3000m.
La seule partie intéressante de ce versant, représenté sur
notre profil, est celle qui traverse la commune de Galié.
En effet, lorsque, après avoir suivi le pied de la montagne sur
la rive droite de la Garonne, à partir de Luscan, on se trouve
à environ 1500m de ce village, on voit apparaître au bord du
chemin une assise de calcaire noir n, moucheté et veiné de
blanc, accompagné de dalles irrégulières ou lavasses, rappelant
assez l’assise de Cier, le tout formant une succession de cou-
ches bien réglées, inclinées au nord sous un angle, d’environ
50°. Cette assise (puissance 300m) s’arrête brusquement au ha-
meau qui précède Galié, à une crevasse ou faille, au delà de
laquelle se montre une nouvelle assise, qui se recommande
tout particulièrement à notre attention, car c’est elle qui offre
un calcaire à Dicérates que j’ai depuis longtemps signalé, et
qui doit jouer un certain rôle dans la question qui nous oc-
cupe.
Ce dernier calcaire ne forme que trois ou quatre bancs d où
les Caprotines sont clairement accusées, et il est facile de les
observer en montant, à partir de Galié, à un village appelé
Monl-de- Galié, situé sur la montagne, par un sentier très-rapide
qui passe longitudinalement sur ces bancs eux-mêmes à une
certaine hauteur. Ceux-ci font partie d’un petit ensemble dont
les couches septentrionales g , dérangées et oscillant de part et
d’autre de la position verticale, consistent en des calcaires gris
peu compactes, souvent tenaces, devenant bleuâtres vers le
nord de l’assise et alternant alors avec des lavasses schistoïdes,
habituellement grises, mais quelquefois d’une couleur lie de
vin prononcée. Aux bancs à Caprotines d commence un ordre
de chose plus régulier. Les couches qui les suivent au sud
offrent de nouveaux calcaires plus compactes d’une couleur
claire, affectant une inclinaison méridionale prononcée et régu-
lière.
MÉMOIRE DE M. LEYMEPJE. 289
Les calcaires de l’assise dont il vient d’être question se
montrent dans le village de Galié même, où ils sont exploités
comme pierre à chaux; mais je n’y ai pas vu de Gaprotines,
bien que ces rudistes existent dans leur prolongement dans le
sentier où nous venons de les signaler. Il semblerait donc que
ces fossiles se sont réfugiés dans quelques bancs sur une épais-
seur d’environ 2 mètres, et seulement en certaines places.
Les rapports de position de cette assise avec les calcaires
noirs mouchetés n, assez analogues à ceux de Gier, semble-
raient autoriser la supposition que les calcaires à Gaprotines de
Galié pourraient se rattacher à ceux de Gourdan; mais il fau-
drait, pour réaliser cette conception, supposer des courbures
de terrain d’une si grande portée (10 à 12 kilom.) que nous
n’oserions nous y arrêter. Nous pensons qu’il y a ici une assise
à Dicérates nouvelle, très-dérangée sans doute, mais non loin
de la place que la nature lui a assignée.
Gette récurrence du calcaire à Dicérates sera confirmée par
les coupes que nous allons bientôt faire connaître. D’ores et
déjà, elle est à peu près certaine pour notre vallée, par le cro-
quis que nous donnons (fig. 2), pris de l’autre côté de la Ga-
ronne, croquis qui montre, plus clairement que ne pourrait le
faire la coupe prolongée sur la rive droite, les relations de ce
calcaire avec le lias et les dolomies supra-liasiques, où nous
pensons qu’il y a lieu d’arrêter le terrain jurassique.
Le même croquis comprend un autre fait très-curieux et que
nous ne sommes pas fâché de mettre sous les yeux de nos lec-
teurs, bien qu’il soit étranger à la question qui nous occupe. Je
veux parier d’une faille déjà signalée dans le compte-rendu de la
Réunion extraordinaire de la Société géologique à Saint-Gau-
dens, qui met en contact le lias et les schistes siluriens, et par
laquelle est sortie une plaque d’ophite qui, très-probablement,
a donné naissance aux sources salines séléniteuses de Sainte-
Marie et de Siradan.
Nous donnons ici la légende de ce croquis :
g.} granité éruptif, analogue à celui de Luchon.
gn., gneiss se liant au granité, en partie pénétré par lui et passant au
schiste de transition.
si., schiste argileux sul>satiné (silurien supérieur ou cambrien).
cr., cargneules; base du lias dans toutes ces contrées.
calcaires et schistes du lias se prolongeant vers Mauléon, où l’on trouve
des Bélemnites, Peignes et autres fossiles du lias moyen ou cymbien.
dn.} dolomies noires, grenues, bitumineuses, qui généralement reposent
Soc. géol. , 2e série, tome XXVI, 49
290
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
sur le lias ^ dans les Pyrénées, et qui représentent un étage jurassique.
d., calcaire gris clair, fétide, identique avec le calcaire de Galié, dont
quelques bancs renferment des Caprotines, et qui irait rejoindre ce cal-
caire, si on le prolongeait assez pour lui faire traverser la vallée.
(Ce calcaire est exploité dans une carrière sur le bord de la route impé-
périale, entre Bagiry et Bertren).
Ces assises sont presque verticales avec une tendance à
prendre l’inclinaison S. ; elles sont suivies, comme du côié
droit dç la vallée représenté dans la grande coupe, d’une
épaisse formation de calcaire noir, avec lavasses généralement
inclinées au nord, sous un angle approchant plus ou moins
de 90°.
Coupe des deux étages du grès vert suivant le méridien de
Saint -Gau dens.
Nous venons de voir qu’il existe, dans la partie inférieure de
la vallée de Garonne (montagne), une série principalement cal-
caire, dont la puissance dépasse 5000m, qui est comprise entre
deux assises de calcaire à Dicérates, et qui devra être rangée
dans l’étage inférieur du terrain crétacé que nous appelons
grès vert.
En poussant plus loin nos investigations, nous arrivons à
reconnaître qu’elle constituerait, dans le grès vert lui-même,
un étage inférieur à un système arénacé qui n’existe pas dans
notre coupe, mais qui se montre et se développe non loin à
l’est, derrière le village de Miramont.
Pour appuyer cette dernière prévision, nous ferons observer
que dans la région qui vient d’être étudiée il n’entre guère
que des calcaires, et que les roches arénacées y sont à peu près
étrangères. D’un autre côté, je remarque que le système de
conglomérats de grès et de schistes que je viens de signaler,
et qui s.’avance au sud de Miramont jusqu’au parallèle d’Aspret,
au nord d’Encausse, se dirige généralement à l’O. N. O., paral-
lèlement aux Pyrénées.
Cette direction, prolongée dans notre région où règne l’orien-
tation O. S. O., ferait passer l’étage entier au-devant de la série
calcaire, sous le bassin de Valentine, d’où il irait se raccorder
avec les schistes de Montrejeau, pour disparaître comme eux
sous le diluvium.
Si cette manière devoir est vraie, l’assise des calcaires noirs
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
291
de la Garonne n’aurait de représentant, sous le méridien de
Saint-Gaudens, que dans les calcaires et les lavasses qui exis-
tent aux environs d’Encausse, d’où ils s’étendent jusqu’au lias
d’Aspret.
Il y aurait seulement cette différence que, dans cette région
plus orientale, le calcaire à Dicérates bien caractérisé manque-
rait ou serait dissimulé dans la partie inférieure de la coupe,
d’où il ne faudrait tirer aucune conséquence contre nos vues
ci-dessus exposées; car l’existence de ces fossiles, évidemment
crétacés, n’est accusée à Galié que dans une étendue de quel-
ques mètres, comme pour nous avertir que l’assise dont ces
bancs font partie appartient à cette époque. Sans cette circon-
stance, en quelque sorte accidentelle, il est certain que celte
assise aurait été rapportée à la formation jurassique. Ce gîte
exceptionnel des Gaprotines de Galié joue ici le môme rôle
que la colonie du massif d’Ausseing, qui s'est trouvée là tout
exprès, et fort heureusement, pour démontrer l’âge crétacé de
l’étage garumnien, qui jusqu’alors avait été considéré comme
tertiaire, et qui continuerait à être ainsi classé sans la présence
des oursins et autres fossiles de la craie.
Nous donnons (fig. 3) un profil suivant le méridien de Saint-
Gaudens, qui comprend à la fois les deux étages dont il s'agit,
et qui montre les relations qui les lient entre eux et avec le
lias des environs d’Aspret.
Cette coupe sera suffisamment expliquée, pour le but que
nous nous proposons, par la légende qui suit :
a et a1, diluvium de la vallée de la Garonne.
ni, — du plateau de Saint-Gaudens (terrasse).
m , terrain tertiaire miocène limoneux jaunâtre, prenant des cailloux
quartzeux dans sa partie supérieure; stratification horizontale.
G2, grès vert (étage supérieur) composé de conglomérats à gros et à fins
éléments de grès et de schistes terreux principalement développés à la
base.
Les morceaux ou blocs calcaires généralement anguleux qui
entrent dans les conglomérats renferment quelquefois des fos-
siles jurassiques, et certains contiennent de pelites Orbitolines
avec des polypiers siliceux et quelquefois des Caprotines. Ces
éléments calcaires sont associés à des fragments de schiste
et d’une roche verdâtre tigrée qui ressemble beaucoup à
l’ophite. — Direction des Pyrénées. — Inclinaison plus ou
moins forte, constamment au N.
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
L’étage semble se terminer au calvaire de Miramont par
quelques bancs de calcaire gris clair compacte c, où existent
des fossiles fondus dans la pâte, notamment un grand Pecten
voisin de Yœquivalvis , et de rares indices de Caprotines; mais,
en réalité, il s’avance plus loin, car on peut voir réapparaître
les conglomérats au bord de la Garonne, un peu en aval de ce
calcaire et même de l’autre côté du fleuve, dans les tranchées
du chemin de fer, particulièrement sous le château de Lama-
guère, en face de Pointis.
Ces bancs calcaires sont séparés des conglomérats grossiers
qui se développent derrière par une simple couche d’un calcaire
noirâtre sub-terreux contenant de petites Orbitolines (1).
Passé le parallèle d’Aspret, on voit apparaître, après des
schistes terreux très-développés et très-tourmentés, le système
inférieur dont l’inclinaison se porte en masse vers le sud, c’est-
â-dire en sens inverse de celle qui règne dans l’étage des con-
glomérats, avec une tendance vers la direction O., un peu S.,
qui domine dans la vallée de la Garonne.
Ce nouveau système commence par des calcaires noirs et
des caîschistes, où j’ai trouvé un fragment d’Ammonite. Puis
vient le calcaire de Regades, qui est tout â fait semblable à
celui de Barbazan, avec les mêmes veinules souvent jaunes et
les mêmes traces de fossiles.
Au sud d’Encausse, ces calcaires et caîschistes sont associés
à des schistes grossiers, remarquables par leurs vives couleurs
jaune, rouge violet, lie de vin.
La montagne de Cabanac, qui vient ensuite, est encore
composée de calcaires noirs ou bleuâtres avec des lavasses fré-
quentes, qui rappellent la montagne de Luscan dans la vallée
de la Garonne. Elle se termine à Izaut par deux petits pics cal-
caires, dont le dernier, au pied duquel est le village, est formé
par un calcaire compacte de couleur claire, qui est très-ana-
logue à celui qui, à Galié, fait partie de l’assise à Dicérates.
Cette montagne est séparée de celle de Girosp, à l’ouest
(1) Nous avons décrit cet étage ailleurs, et notamment dans notre es-
quisse des Pyrénées de la Haute-Garonne. M. Hébert en a donné récem-
ment une coupe détaillée avec une description où règne quelque confusion
par la distinction qu il a faite, au milieu de ces bancs arénacés, d’un con-
glomérat contenant des fossiles jurassiques et qu’il considère comme étant
de oette époque (chose singulière!).
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 293
d’Aspret, par une dépression où s’est déposé un terrain de
transport caillouteux ( t ) qui cache le terrain fondamental.
Enfin, cette dernière montagne par laquelle se termine notre
coupe, qu’il a fallu dévier un peu à l’est de sa direction méri-
dienne pour l’y faire passer, offre un système nouveau,/ incliné
au N. O., qui est jurassique.
En effet, à Girosp même se trouvent les dolomies noires
supra-jurassiques, associées à des calcaires magnésiens bré-
choïdes versicolores, et, au-dessous, les schistes et calcaires
du lias (cymbien et toarcien) à Belemnites ,• Pecten œquivalvis ,
Terebratula punctata, T. Jauberti , Gryphœa sublobata,e te.
ÉTENDUE ET CARACTÈRES DU GRES VERT DANS LA MOITIÉ OCCIDENTALE
DES PYRÉNÉES.
Les faits qui viennent d’être exposés nous ont fourni une
indication générale de la composition de l’étage crétacé infé-
rieur dans les Pyrénées et tendent à démontrer la probabilité
de l’opinion qui conduirait à faire considérer comme crétacés
des calcaires noirs secondaires rapportés naguère à la forma-
tion jurassique. Néanmoins, il ne sera pas inutile de confirmer
et de corroborer ces observations faites dans le département
de la Haute-Garonne par de nouveaux faits offerts par d’autres
régions pyrénéennes plus favorables, et de faire voir que l’étage
dont il s’agit s’étend sur presque toute la longueur de la
chaîne, avec un ensemble de caractères analogues. C’est ce
dont nous allons maintenant nous occuper, en commençant
par la partie qui se trouve à l’ouest de la Garonne.
Coupe du grès vert dans la contrée de Bize-Nistos
( Hautes-Pyrénées ) .
Nous donnerons d’abord une coupe prise à 10 kilomètres
environ à l’ouest des limites de la Haute-Garonne, dans la con-
trée de Bize-Nistos (Hautes-Pyrénées), contrée qui est connue
des géologues par son calcaire àNérinées.
Cette coupe, qui se trouve figurée dans notre planche sous
le n° 4, montre, dans sa partie nord, le village de Saint-Paul,
situé sur une langue de diluvium a2, à peu près au niveau de
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE l868.
294
Montrejeau et de Saint-Gaudens, en avant du plateau tertiaire
de Lannemezan, m.
En certains points du talus qui relie ces hauteurs avec la
plaine, des écorchures du terrain laissent voir les schistes ter-
reux crétacés s h offrant les caractères et l’allure de ceux qui
ont été signalés à Montrejeau dans notre grande coupe. Si, à
partir de ce point, on suit notre profil actuel en se dirigeant au
sud, on le verra traverser le fond de la vallée de la Neste,
composé d’une plaine basse a et d’une terrasse diluvienne peu
élevée a1. A la limite de cette plaine se trouve le village de
Nestier, où commence une série de calcaires et de schistes,
dont cette coupe est destinée à indiquer les caractères, les re-
lations et l’âge.
A Nestier même existe une grande carrière où l’on exploite
un calcaire gris c, 'assez compacte, veiné de blanc, dont la stra-
tification est très-obscure et dans lequel je n’ai pu distinguer
aucun fossile. Il pourrait représenter le calcaire de Miramont,
d’autant plus que, au sud de ce calcaire, qui n’a pas une
grande épaisseur, se.trouve une montagne G2 qui paraît princi-
palement composée de schistes terreux et de roches arénacées.
Le terrain fondamental y est habituellement caché par un limon
jaunâtre qui résulte de la décomposition des schistes; mais j’ai
pu observer ces roches avec des conglomérats à éléments cal-
caires dans la montagne qui est à l’est de celle-ci, et dont les
couches se prolongent de manière à passer dans la première.
11 me paraît évident, d’après cela, que la première partie de
la série coupée dans notre figure appartient à l’étage supérieur
G* du grès vert pyrénéen. C’est donc à partir de la dépression
qui vient après la montagne schisteuse que commencerait l’é-
tage inférieur G1; en effet, les couches nombreuses que nous
allons rencontrer en marchant dans ce sens sont presque
exclusivement composées de calcaires gris ou noirs.
Je ferai remarquer, avant de commencer cette exploration,
que cette série calcaire, aussi bien que les schistes G2, suivent
généralement la direction de la contrée qui est 0. S. O.,
comme dans la vallée de la Garonne; les couches y sont d’ail-
leurs dans une position presque verticale, avec une tendance
au sud, qui est souvent satisfaite. L’ensemble du système plonge
donc vers les montagnes, ce qui n’implique pas un renverse-
ment, qui serait inadmissible, mais bien un affaissement au sud,
phénomène qui est, au reste, habituel dans les Hautes et dans
les Basses-Pyrénées. D’un autre côté, il n’y a, dans cette série,
MEMOIRE DE M. LEYHERIE.
295
aucun fait de nature à y faire admettre des plis ou des failles
ayant pu déranger fondamentalement l’ordonnance du système.
Tout au plus pourrait-on y soupçonner une reproduction du
calcaire à Dicérates, qui sera indiquée ci-après, et qui n’aurait
d’ailleurs aucune influence sur l’ensemble des faits ni sur les
conclusions que nous aurons à en tirer. J’ajouterai môme que,
dans la ligne que j’ai adoptée pour ma coupe, se trouve une
masse ophitique qui, par extraordinaire, n’a causé dans les
calcaires dont il est question aucune perturbation remar-
quable.
Nous pouvons donc être à peu près sûrs, en traversant le
système du N. au S., de suivre l’ordre d’ancienneté relative
des couches.
Lorsqu’on se rend deNestierà Bizepar la route nouvelle, les
premières roches que l’on rencontre après la dépression accusée
sur la coupe, et qui forment saillie au quartier des Peyrets,
sont des calcaires noirs et gris assez compactes, où l’on trouve
des indices de fossiles, principalement de polypiers. Plus loin,
au hameau des Pléchats, existe une autre -assise calcaire qui est
séparée de la précédente par des schistes terreux peu déve-
loppés. Cette seconde assise n’est autre qu’un calcaire à Dicé-
rates de couleur claire, fétide, où les tests de Caprotines sont
très-bien accusés. Il est exploité là, comme à l’ordinaire, pour
la fabrication de la chaux. Ce calcaire est en bancs réguliers
fortement inclinés au sud, ainsi que les schistes qui le précè-
dent. Plus loin, on rencontre d’autres calcaires noirâtres ou
gris, jusqu’à Bize; mais il y a sur cette route beaucoup d’inter-
ruptions; notre coupe suit une direction parallèle, un peu à
l’ouest de la route, et passe dans une région plus favorable où
se prolongent les assises que nous venons de rencontrer. Nous
avons d’ailleurs un moyen de concordance très-sûr dans le
calcaire à Dicérates d , qui se montre sur l’une et l’autre ligne
dans une position analogue.
Quant aux calcaires noirs des Peyrets, dont on ne voyait
qu’une partie sur la route, ils se présentent ici au nord du cal-
caire à Dicérates avec tout leur développement. La roche do-
minante est encore, dans la ligne que nous avons adoptée, un
calcaire noir souvent moucheté de blanc par du spath calcaire,
alternant avec quelques lavasses également noires. Et c’est
parmi ces calcaires, particulièrement, vers leur limite septen-
trionale, et dans une position par conséquent qui indique un
âge postérieur à celui du calcaire à Dicérates, que se trouvent
206
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE i 868.
deux ou trois bancs n pétris de Nérinées, ayant l’aspect des
Nérinées coralliennes , mais qui ressemblent aussi à des especes
crétacées de Suisse, que M.Pictet a décrites dans son beau travail
sur le terrain crétacé de Sainte-Croix; et ici j’ai à me reprocher
d’avoir considéré ces bancs comme jurassiques à une époque
où je ne connaissais cette contrée que pour l’avoir traversée
rapidement, et où je n’avais pas encore assez appris à me dé-
fendre contre Jes séductions que dame Paléontologie se permet
quelquefois lorsqu’elle agit seule en l’absence de sa sœur plus
sévère, la Stratigraphie. Ces calcaires ont d’ailleurs tous les
caractères du calcaire noir des Peyrets et de ceux qui s’y trou-
vent associés tant au nord qu’au sud du calcaire à Dicérates,
qui est représenté dans notre coupe par quelques bancs où les
Caprotines sont très-caractérisées. Ces bancs à Nérinées appar-
tiennent donc incontestablement au grès vert et même à une
partie relativement récente de l’étage inférieur. Je rappellerai
à cet égard qu’il y a des Nérinées de forme jurassique dans le
marbre de Lourdes, qui est un véritable calcaire à Dicérates.
C’est au milieu de ces calcaires que s’intercale le massif d’o-
pbite dont nous avons fait mention ci-dessus. Après l’avoir
traversé, on retrouve encore des calcaires semblables aux pré-
cédents.
Au hameau d’Ore, et près du château de Bize, situé au pied
d’un pic dont le sommet s’avance au nord en forme de bec, on
peut encore observer le calcaire à Dicérates d plongeant forte-
ment au sud (1).
Ce pic lui-même se compose de calcaires gris, ayant à peu
près la même allure que les couches précédentes , et dont la
succession peut s’observer assez commodément dans le vallon
du Merdan, au sud de Bize, au fond duquel existent, dans le
W C’est ce calcaire auquel je faisais allusion quand je parlais d’une
réapparition possible. Il se pourrait, en effet, que cette assise du château ne
fût qu’une reproduction de celle déjà signalée au nord, par l’effet d'une
voûte actuellement arasée. Dans cette hypothèse, qui ne me paraît pas
probable, il faudrait chercher au sud du château un représentant du cal-
caire à Nérinées, que très-probablement on n’y trouverait pas. M. Hébert
indique, dans cette région et dans celles qui lui succèdent à l’est, des calcai-
res à Ostrea aquila. Quant à moi, je n’y aijamais rencontré ce fossile. Peut-
être mon honorable confrère, qui ne distingue pas les Huîtres desExogyres,
aura-t-il considéré comme se rapportant à l’espèce dont il s’agit quelques
fragments d’Huîtres qui peuvent s’y trouver.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 297
quartier de Cassagne, des carrières dans les assises les mieux
caractérisées.
Les premiers calcaires que l’on rencontre en remontant ce
vallon, après le calcaire à Dicérates de Bize, n’ont rien de re-
marquable. Ils sont gris, sub-compactes, et l’on n’y voit guère
d’autres corps organisés que de rares anneaux blançs ( Annuli -
les). Plus loin, dans le vallon, vers le milieu de sa longueur, ces
fossiles paraissent plus abondamment et se concentrent même
localement dans quelques bancs noirs, de manière à former
une sorte de marbre utilisé à la marbrerie de M. Géruzez, à
Bagnères de Bigorre; mais, avant d’arriver à ces marbres noirs
à Annulites, on traverse des calcaires à Dicérates fétides, de
couleur claire, d, où les Caprotines sont évidentes et peuvent
même en partie se détacher.
Les dernières couches exploitées au fond du vallon offrent
des caractères particuliers; ce sont des calcaires compactes br ,
en partie bréchoïdes, offrant une teinte blanchâtre, variée par-
dès accidents de coloration rouge et verte d’un effet agréable.
Les bancs inférieurs sont traversés par des veines irrégulières
d’une véritable brèche à petits et moyens fragments blancs,
rouges, verts, brun rougeâtre, et quelquefois enduits, dans les
fissures, d’une matière onctueuse, d’un vert analogue à celui
de la smaragdite.
Prolongement du grès vert à travers les vallées des Hautes et des
Basses-Pyrénées .
L’assise qui succéderait, au sud, à cet ensemble observable
du vallon du Merdan, est composée de lavasses et de calcaires
noirs, que des obstacles naturels m’ont empêché d’étudier sur
les lieux, mais qui se prolongent en direction dans la vallée
d’Aure, où ils se trouvent représentés dans une coupe insérée
au Bulletin , 2e série, t. XIII, page 671.
Cette coupe accuse, comme celle que nous venons d’expli-
quer, deux calcaires à Dicérates, et l’on y retrouve à peu près
les mêmes couches, excepté peut-être le calcaire à Nérinées
qui paraît n’être qu’un accident local. Ainsi, le calcaire à Di-
cérates inférieur y succède à un calcaire bréchiforme noir,
veiné et accidenté de blanc (noir antique), exploité à Héchettes,
qui représente le marbre bréchoïde versicolore qui, dans le
vallon de Merdan, occupe absolument la même position; et, en
298
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
effet, c’est immédiatement au sud de ce marbre d'Héchettes
que se développe, dans la vallée d’Aure, l’assise de schistes et
de calcaires noirs précédemment cités, jusqu'au vallon de Lé-
chan qui sépare le grès vert des dolomies jurassiques (1).
L’étage G* 2 du grès vert n’entre pas dans le diagramme que
nous citons ; mais il serait facile, en prolongeant vers le nord
ce profil, d’y introduire les schistes terreux et les conglomé-
rats qui existent au sud de Montoussé et qui se terminent par
un calcaire sans fossiles qui représente celui de Nestier. La
même coupe, continuée plus loin encore au delà de la Neste,
montrerait des affleurements de schistes terreux qui s’enfon-
cent, à Scala, sous le diluvium et sous le plateau tertiaire de
Lannemezan, ainsi qu’ils le font à Saint-Laurent, près Saint-
Paul, et à Montréjeau.
L’étage inférieur du grès vert pyrénéen, après avoir traversé
la vallée d’Aure, s’amincit en se prolongeant à l’ouest. C'est
lui qui constitue la crête d’Esparros, qui va le porter dans la
vallée de Campan, où il se termine à la penne de Lhiéris si
connue des botanistes, et qui jusqu’à présent avait été consi-
dérée comme jurassique.
On sait que ce pic est séparé, par la gorge d’Asté, de la mon-
tagne de Pennarouye, qui est composée du lias et des dolomies
supra-liasiques, les mêmes que nous avons ci-dessus signalés
à Rebouc, dans la vallée d’Aure (2).
Cette similitude s’explique d’ailleurs facilement, quand, je-
tant un coup d’œil sur une bonne carte, on y voit la penneju-
rassique de Bassia partir de Rebouc, traverser tout le massif
qui sépare la vallée d’Aure de celle de l’Adour, et se terminer
par une courbure qui la rapproche de Bagnères. Je ferai re-
remarquer d’ailleurs que, dans toutes ces régions des Hautes-
Pyrénées, le sens dominant de l’inclinaison, qui est d’ailleurs
en général très-forte, est vers le sud, circonstance, je le ré-
pète, qui n’indique pas un renversement, mais bien un affais-
sement du côté des montagnes.
(t) En amont de ces dolomies se montre le lias où les travaux d’un
canal ont mis an jour, à Rebouc, près Sarrancolin, des fossiles caractéris-
tiques de l’étage cymbien en nombre assez considérable, notamment :
Ammonites planicosta, A. Davœi , avec des Bélemnites, des Peignes, etc.
(2) Voir ma notice sur le terrain jurassique des Pyrénées, dans YHist.
des progr . de la gèol. de M. d’Archiac, t. VI, page 541, et les coupes qui
s’v rapportent insérées dans le Bull, de la Soc. géolt) 2e sér., t. XIII, p.671.
MÉMOIRE DE M, LEYMERIE. 291)
J’ajouterai à cette manifestation du grès vert pyrénéen aux
environs de Bagnères un fait plus restreint et plus local, que
mon ami,M.Ém. Frossard, m’a depuis longtemps fait connaître
et que j’ai plusieurs fois vérifié : je veux parler de la présence,
au nord de Bagnères, à l’entrée du chemin de Labassère, au lieu
dit Lagailleste, d’un calcaire noirâtre pétri des.mêmes Serpules
sur lesquelles j’ai déjà appelé l’attention, à Barbazan, dans la
description du grès vert inférieur de la vallée de la Garonne,
et qu’il ne faut pas confondre avec les anneaux blancs {Annu-
lites), signalés à Bize et ailleurs comme des sections de larges
Serpules ou de Dentales.
Je pourrais, avec les documents que je possède et que j’ai
recueillis sur le terrain, montrer le grès vert pyrénéen et ses
relations avec les terrains antérieurs et postérieurs dans toute
la partie des Pyrénées qui s’étend à l’ouest de la vallée de
l’Adour; mais cette étude, que je reprendrai plus tard, nous
mènerait trop loin aujourd’hui, et je me bornerai à signaler la
présence de ce grand étage et les deux calcaires à Dicérates
qui s’y trouvent presque partout clairement indiqués.
Dans la vallée de Lavedan ou d’Argelès ce calcaire est repré-
senté par le marbre de Lourdes, sorte de lumachelle très-em-
ployée dans tout le Midi, qui, avec de nombreux tests de Ca-
protines, de polypiers et autres fossiles, offre assez rarement
des Nérinées semblables à celles de la contrée de Bize. A ce
marbre succède brusquement, au nord, le système des schistes
à fucoïdes, et au sud se trouvent des lavasses, des calcaires et
des schistes ardoisiers ammonitifères exploités, que nous ran-
geons dans notre étage inférieur du grès vert, ainsi que les cal-
caires qui leur succèdent, jusqu’à la dolomie noire fétide d’A-
gos, non loin d’Argelès, où commencerait le système jurassique.
Si nous nous transportions dans la vallée d’Asson, en la
descendant à partir de Ferrières, nous verrions notre étage G1
y prendre naissance en amont des forges de Nogarot où passe
la dolomie d’Agos. Nous y retrouverions les deux calcaires à
Dicérates dont le plus extérieur, à Saint-Paul d’Asson, corres-
pond sans doute à la lumachelle de Lourdes.
Le même étage, dans son prolongement, traverse la vallée
d’Ossau avec les calcaires à Dicérates. On exploite à Loubie ce
calcaire, qui d’ailleurs est très-caractérisé et développé dans le
bassin d’Arudy (i).
(1) Nous ne comprenons dans cette dénomination de calcaire à Dicérates
303
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
De là, on le voit passer dans la vallée d’Aspe où il forme au
moins deux crêtes parallèles, la penne d’Escot et la montagne
de Binet, séparées par un étage de schistes noirs qui rappellent
singulièrement celui que nous retrouverons à Quillan, avec des
fossiles aptiens et dans la même position. Peut-être même de-
vrait-on lui rattacher le calcaire de Sarrance, qui offre aussi des
lignes courbes de couleur noire, et faire remonter la limite du
grès vert jusque vers le bassin de Bédous où se trouvent des
dolomies et des couches renfermant des espèces du lias
moyen.
Plus à Pouest encore, les deux calcaires à Dicérates conti-
nuent à se montrer, et nous avons eu l’occasion de les recon-
naître, en 1866, dans la vallée du Gaisonou de Mauléon, section
de Larrau, avec MM. Lartet fils et Tardy. Ils y sont séparés par
plusieurs assises, dont une consiste en un calcaire où se trouve
Belemnites semi-canaliculatus . De là, le même calcaire passe
dans la branche de la vallée qui est désignée sur la carte de
Gassini par le nom de vallon dextre ; mais il y semble réduit à
son assise extérieure. Je l’ai reconnu là avec les jeunes géolo-
gues que je viens de citer, en association avec des couches
marneuses renfermant Belemnites semi-canaliculatus , des Pen-
tacrinites, de petitesTéréhratules, etc.
Cette dernière observation a été faite un peu au nord de La-
carry, d’où l’on voit le calcaire à Dicérates entrer, de l’autre
côté du vallon, dans le massif de Lixarra (Cassini), où il se ter-
mine sans doute, car on ne le retrouve plus à Saint-Jean-Pied-
de-Port, ni en aucun point situé à l’ouest du méridien de cette
ville.
Dans les dernières vallées, traversées par le calcaire à Dicé-
rates, ce calcaire est accompagné de roches argilo-schisteuses
noires, avec nodules de calcaire ferrugineux et de sidérose li-
thoïde, qui sont très-développées principalement au sud de
que les calcaires fétides qui renferment des Gaprotines nombreuses et ca-
ractérisées. Celui qui constitue le pic de Rebenac ne remplit pas cette der-
nière condition ; néanmoins nous le considérons comme appartenant au
même horizon. Le pic lui-même paraît être sorti du sein des schistes
crétacés par un soulèvement tout local. Il contient une assise de calcaires
schisteux où M. Hébert a cité Exogyra sinuata , Sow., qu’il appelle Ostrea.
aquila. J’ajouterai que dans la même contrée, au col de Sévignac, j’ai ob-
servé une valve supérieure de ce fossile sur le seuil d’une maison du
village.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
301
Tardets, dans le haut de la vallée de Barétous, en avant de la
crête calcaire extérieure, et qui occupent aussi un grand espace
en arrière dans la contrée de Lacarry. C’est une formation
particulière très-analogue à celle de Quillan (Aude), et qui al-
terne, comme cette dernière, avec le calcaire à Dicérates.
Nous pensons qu’il est indispensable de la comprendre,
comme le calcaire lui-même, dans le grès vert, bien que nous
n’y ayons pas rencontré jusqu’à présent un seul fossile.
Dans le pays béarnais, l’assise extérieure du calcaire à Dicé-
rates forme comme un mur au nord duquel tout semble avoir
été déprimé ou affaissé. C’est, au reste, le rôle que joue ce
calcaire dans toute la chaîne; mais nulle part ce trait orogra-
phique n’est plus marqué que dans cette partie occidentale des
Pyrénées. Le Béarn proprement dit n’est vraiment, au nord de
cette crête calcaire, qu’une plaine mollement ondulée ou ma-
melonnée.
Grès vert soulevé à Orth'es et à Vinport.
Cette tranquillité du pays béarnais est cependant troublée en
un point, à Orthès, où un soulèvement a mis brusquement en
relief, à la surface du sol, le calcaire à Dicérates, qui, sans cette
circonstance, serait resté caché dans le sein delà terre.
Le géologue doit se féliciter de cette catastrophe locale et
exceptionnelle, d’autant plus que les couches qu’elle a
mises au jour, comme pour les offrir à ses observations, se
montrent ici dans des conditions spéciales et favorables, au
moins à l’égard du caractère paléontologique.
Dufrénoy a fait connaître cette localité remarquable dans
son important mémoire sur le terrain crétacé du sud de la
France.
Nous y avons découvert quelques faits nouveaux, et notam-
ment la présence d’argiles hFxogyra sinuata à Sainte-Suzanne,
qui nous ont engagé à en adresser un croquis, avec une courte
notice, à l’Académie des sciences de Paris en 1862 (voir Comptes
rendus , t. LIY, page 683).
Nous donnons ici une nouvelle édition de ce croquis revue
et complétée, avec quelques mots d’explication :
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
On y voit les couches argileuses à Exogyrasinuata, qui d’ail-
leurs contiennent Toxaster Collegnii et d’autres fossiles aptiens
avec Toxaster complanatus , espèce néocomienne, occuper,
sous le pont de Sainte-Suzanne, le fond du ruisseau de Laa,
d’où elles s’élèvent au S. O. pour aller former le sol d’une mé-
tairie à l’entrée du chemin de Bérenx, oùla Société géologique
a recueilli, en 1866, de nombreux individus d ’Exogyra sinuata
et d’autres fossiles.
Voici la liste bien incomplète des espèces qui s’y trouvent, à
ma connaissance :
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
303
Ammonites fissicostatus, Phill espèce du gault.
Trigonia Hondaana, Lea ? de l’aptien d’Espagne.
— limbata , d’Orb?. turonien.
Cypricardia secans , Coquand aptien d’Espagne.
Corbis cordiformis , Desh., Levm néoc.
Exogyra sinuata, Sow aptien.
Terebratuîa longella, Leyra Fl. III, fig. 1 et 2.
Toxaster Collegnii, Agass aptien des Corbières.
— comp/anatus, Agass néoc.
Polypier turbinolien.
On remarquera ici l’absence des Caprotines et celle des pe-
tites Orbitolines.
Lorsque, à partir de cette métairie on suit le petit chemin
qui vient d’être indiqué, en se dirigeant vers Bérenx, on ne
tarde pas à rencontrer, en montant au plateau figuré sur la
coupe, le calcaire à Dicérates (Caprotines) en roches irréguliè-
res, qui constituent toutefois, dans leur ensemble, une assise
évidemment supérieure aux argiles à Exogyres, et qui supporte
à son tour des marnes blanchâtres (craie) et des schistes terreux
plongeant au S. O.
Si, au contraire, partant du pont de Sainte-Suzanne, on se
dirige vers un moulin situé en amont du village, on voit appa-
raître, sur le bord de la petite rivière déjà citée, d’autres cal-
caires également à Caprotines, et qui offrent même en certai-
nes places ces fossiles très-caractérisés, accompagnés de
nombreuses Orbitolines de petite taille ( Orbitolina conoidea). En
montant à partir de là au nord, à la petite montagne de Mon-
talibet, on rencontre des marnes noirâtres, et, vers le sommet,
on trouve d’anciennes carrières où se montrent de nombreuses
couches, inclinées au N. O., les unes marneuses ou argileuses,
les autres calcaires, où régnent encore Orbitolina conoidea et
discoidea , avec des polypiers et d’autres fossiles. Les couches
les plus inférieures de ces carrières sont des calcaires à Capro-
lines qui paraissent descendre vers les bords du Gave à Orthès.
Tel est l'état des choses dans le relief produit au sud d’Or-
thès par le soulèvement dont il s’agit. Si l’on descend de Mon-
lalibet à Orthès même, on y voit le Gave coulerdans une fracture
opérée au sein d’un calcaire à Dicérates, de couleur assez
claire, calcaire qui se montre beaucoup mieux caractérisé au
bord de la route de Bayonne, où l’on trouve, même avec les
petites Orbitolines déjà signalées, des Caprotines susceptibles
d’être détachées de la roche.
304
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
Ges bancs rocheux de la route de Bayonne se reproduisent
un peu plus loin, à Bérenx, où se montrent quelques fossiles
que nous n’avions pas encore rencontrés. Nous réunissons ici
les noms des espèces que nous avons pu recueillir dans ces
calcaires à Caprotines des environs d’Orthès.
Nerinea- indét
Ostrea carinata ou macroptera, .
Terebralula longella, Leym
— tamarindus , Sow . . . .
— lentoidea, Leym. . . .
Terebratella crassicosta , Leym. . .
Rhynchonclla parvula, Leym,. . .
Caprotina Lonsdaîei, d’Orb
Caprina Verneuili , Bayle?. . . . . .
Cidaris pyrenaica, Gott. .......
Orbitolina conoidea, Alb. Gras..
— discoidea , — -
route d’Orthès à Orion.
Sainte-Suzanne.
PI. III, fig. 1 et 2.
Bérenx.
— , St-Suzanne, PL III, fig. B et 4.
— — PL III, fîg. 8 et 9.
partout.
Gave à Orthès.
| partout (t).
Les calcaires à Caprotines qui se trouvent du côté droit du
Gave, le long de la route de Bayonne, servent de base à une
série crétacée plus moderne, qui occupe tout le coteau au nord
d’Orthès et que nous rapportons à la craie.
Cette série, que son inclinaison moyenne porte vers le nord,
est principalement constituée par un calcaire blanc sub-
crayeux qui est une véritable craie. On y a trouvé Ananchytes
ovata et Ostrea vesicularis; mais il y a, vers la base de cette
craie et dans les carrières de la craie elle-même, des bancs
durs très-compactes où existent des tronçons de Caprinelles
( C . triangularis?) très-caractérisés, et quelquefois des moules
d’un rudiste de petite taille, de forme triangulaire ( Radiolites ?
Caprina?),
On ne voit pas clairement, dans la ligne même que suit notre
coupe, les couches intermédiaires entre cette craie et le cal-
caire à Caprotines, couches qui ont subi d’ailleurs des déran-
gements plus ou moins prononcés. Il y a sous la tour de Mont-
calm, indiquée sur le croquis, des roches argileuses et
marneuses où je n’ai pas vu de débris organiques; mais, plus
à l’est, à la gare du chemin de fer, existent des calcaires blancs
(1) M. Dumortier a cité, en outre, dans ces calcaires Terebratula bipli-
cata, Defr., Rhynchonella lata , d’Orb., et M. Hébert dit y avoir trouvé
Ostrea Leymerii , Desh.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
305
très-compactes et comme fayencés, et c’est peut-être dans le
prolongement de cette assise que M.Ém. Frossard a fait la décou-
verte, dans les tranchées du chemin de fer, à environ 1 kilom.
du côté de Pau, de quelques coquilles qui offrent beaucoup
d’intérêt. Parmi ces fossiles, j’ai reconnu Ammonites gallo-
villensis, d’Orb., qui est une des espèces principales du gîte de
Bidart, sur la côte du golfe de Gascogne, accompagnée d’em-
preintes d’un végétal turbiné qui est très-fréquent dans la
mêmecontrée. Avec ces fossiles se trouvait une grande Baculite
et des empreintes de Scalpellum.
Ces couches fossilifères, parleur position, sembleraient être
au-dessous de l’horizon des Caprinelles, ce qui serait un fait as-
sez anormal.
Le coteau crayeux d’Orthès est enfin couronné par un ter-
rain tertiaire horizontal, miocène, composé de sable et d’un
gravier dont les éléments sont de petits cailloux quartzeux,
parfaitement arrondis, et qui paraît reposer sur une base ar-
gileuse.
Ajoutons qu’entre ce terrain et la craie se trouve, en plu-
sieurs places, de petits dépôts coquilliers qui appartiennent à
l’époque nummulitique, sur lesquels M. Tournoüer a récem-
ment appelé l’attention des géologues.
Nous venons de résumer, peut-être trop succinctement, mais
avec une scrupuleuse fidélité, les traits les plus essentiels qui
caractérisent l’accident plein d’intérêt qui interrompt momen-
tanément, à Orthès, l’allure généralement si calme des terrains
béarnais. Un mot maintenant sur le rôle que joue l’argile à
grandes Exogyres dans cet ensemble.
Frappé de cette circonstance que cette argile ne paraissait
nulle part ailleurs dans toute la contrée que dans ce fond du
ruisseau de Lâa et dans une partie du coteau qui le domine au
sud, j’ai pensé qu’elle passait par une courbure sous l’un et
l’autre des deux calcaires à Dicérates, accusés de part et d’au-
tre du ruisseau dans notre croquis, et j’avoue que cette manière
de voir me paraît la plus probable et le plus en rapport aver
l’observation des lieux, il n’y aurait rien d’inadmissible
non plus dans la supposition que cette assise argileuse se
trouvât entre deux calcaires à Caprotines, puisque nous avons
vu que c’était ainsi que se présentaient les choses dans toute la
chaîne. Il faudrait, dans cette hypothèse, imaginer une faille
qu’il serait bien difficile de figurer d’une manière un peu na-
turelle, et il y aurait quelque trace d’argiles à Exogyres sur le
Soc. géol,3 2e série, tome XXVI. 20
306
SÉANCE DU DÉCEMBRE 1868.
plan de Montalibet, qui descend à Orthès, ce que les faits
ne montrent pas.
Ce qui ne peut être soutenu, et ce qui est contraire à l’ob-
servation, c’est que les deux calcaires dont il s’agit appartien-
nent à deux étages crétacés, séparés par un intervalle considé-
rable, l’un étant cénomanien tandis que l’autre serait
néocomien. Je ferai remarquer à cet égard que le calcaire qui
supporte immédiatement la craie au nord d’Orthès, qui devrait
être considéré comme supérieur dans l’hypothèse des deux
calcaires, offre des Caprotines très-caractérisées avec des Or-
bitolines, aussi bien que celui qui se trouve à la base du Monta-
libet, près Sainte-Suzanne.
Le calcaire de Sainte-Suzanne, comme celui de Bérenx, qui
se montre de part et d’autre du Gave à quelques kilomètres à
l’ouest, est remarquable par des accidents bitumineux.
Il y a été fait autrefois des recherches de charbon, et il ne me
paraît pas douteux que c’est à ce niveau que l’on exploitait ja-
dis, à Saint-Lon, dans les Landes, un combustible dont la va-
leur était loin de couvrir les frais d’extraction.
C’est encore le même calcaire qui se relève au bord de
l’Adour, à Vinport, à environ 8 kilomètres au S. O. de Dax, où
il passe sous la craie de Tercis. Ce gîte est très-intéressant par
les nombreux fossiles qu’il présente, et il y aurait bien des
choses à dire à ce sujet; mais il n’entre pas dans notre plan de
le décrire en détail. Nous nous bornerons à donner une indica-
tion des principales espèces des brachiopodes qui jouent un
rôle très-important dans cette faune et dont nous avons décrit
et figuré plusieurs espèces nouvelles à la fin de ce mémoire.
Voici l’indication de ces brachiopodes et de quelques autres
fossiles :
c. Terebratula longella, Leym PI. m fig, \ et 2.
citée par les auteurs sous le nom de pseudojurensis .
Terebratula tamarindus , Sow.
— lentoidea, Leym.
c. Terebratella crassicosta, Leym pj. jqi, fig. B et 4.
c. Rhynchonella parvula , Leym pi. m fig. g e ^ g#
— aturica , Leym PI. III, fig. 5.
— régulons, Leym PI. III, fig. 6.
— conforta, d’Orb PI. III, fig. 7 (1).
(1) MM. Dumortier, Noguès et Hébert indiquent Terebratula sella,
Sow., T. prœlonga , Sow., qui n’est probablement qu’une variété grande de
307
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
Orbitolina conoidea.
— discoideu, Alb. Gras.
Espèces qui sont très-communes dans les couches inférieures, où il y a
aussi beaucoup de bryozoaires et Cidaris pyrenaica, Cott. Les couches
supérieures sont très-riches en polypiers.
On remarque dans ce gîte l’absence des Caprotines.
Je reviendrai, au reste, plus loin, sur ces fossiles, et je ter-
mine cette courte mention du gîte de Vinport en faisant remar-
quer que rien n’indique, entre cette assise et la craie deTercis,
la présence des argiles aptiennes dont on devrait rencontrer
quelque affleurement si elles occupaient réellement une posi-
tion supérieure, relativement aux couches à Rhynchonelles
dont nous venons de parler. Ces argiles peuvent exister sans
doute dans les Landes ; mais tout nous porte à croire que ce ne
peut être que dans les profondeurs du sol, sous les calcaires à
Rhynchonelles.
Calcaire à Caprines de Sare.
Dans notre revue rapide du calcaire à Dicérates de la moitié
occidentale des Pyrénées, nous avons vu ce calcaire, à l’ouest
de la vallée de Mauléon, pénétrer dans le massif de Lixarra, où
nous avons pensé qu’il se terminait. En effet, avons-nous dit,
on ne le retrouve plus au méridien de Saint-Jean-Pied-de-Port
ni au delà. Toutefois, si nous continuions à suivre la chaîne
sur cet horizon jusqu’à son extrémité occidentale, nous ver-
rions, au méridien d’Ainhoa, commencer une muraille calcaire
qui domine le bas pays basque, ainsi que le faisait le calcaire
à Dicérates à l’égard du bas pays du Réarn; mais ce calcaire
basque n’est plus le même, paraît-il, que celui qui règne dans
presque toute la longueur des Pyrénées; on n’y trouve plus les
tests noirs de Caprotines qui caractérisent le calcaire à Dicéra-
tes. Il n’offre même pas en général de fossiles reconnaissables.
Cependant, une circonstance heureuse m’y a fait découvrir
au' sud du village de Sare, à la base de la montagne d’Ibantelîi,
r. longella , Rhynchonella lata, Sow., et R. depressa, qui doit être notre
espèce R.parvula, très- distincte de l’autre par les caractères que nous avons
fait connaître. Les mêmes auteurs citent encore Janira atava, Rœm., 0?-
trea macroptera, Sow., O. Tombechiana, O .Roussingaultii , d’Orb., Caprina
Verneuili , Bayle, Monopleura Lamberti, d’Orb. , Goniopygus Noguw' , Cot-
teau ,ryphosoma Lnryi , Cott.
308
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
des coquilles qui se trouvent tout à fait caractéristiques pour
J’étage cénomanien. Ces coquilles, dont la détermination ne
peut laisser le moindre doute, puisqu’elle a été contrôlée par
M. Bayle, sont Caprina adversa et Spherulites foliaceus ou aga-
riciformis. J’ai eu l’avantage de les montrer sur place à la So-
ciété géologique, extraordinairement réunie à Bayonne en 1866*
Nous donnons ici un croquis destiné à représenter la posi-
tion de ce calcaire à Caprines et à donner une idée de l’aspect
pittoresque qu’il offre dans la montagne d’Atchioula, au pied
de laquelle se trouve une grotte fossilifère.
Vue du calcaire à Caprines dans la montagne d' Atchioula.
d. Grotte à ossements.
sd. Schiste argileux dévonien.
g. Grès rouge.
gs. Schistes rouges,
c. Calcaire à Caprines et calcaire bréchiforme.
sc. Calschistes noirâtres.
et. Schistes terreux à fucoïdes.
Ce calcaire est associé vers sa base à une sorte de marbre
bréchoïde versicolore, à parties rouges, vertes, etc., et offre
ainsi avec le Calcaire à caprotines une certaine analogie qui est
encore corroborée par ses relations orographiques. Mais ici il
n’y a plus ni grès vert inférieur, ni dolomie, ni lias par-dessous,
mais bien le grès rouge (trias) qui, lui-même, repose sur un
schiste argileux appartenant probablement à l’époque dévo-
nienne (i).
(1) Entre le grès rouge et le schiste, se trouve, à la montagne d’Iban-
telli, sur la frontière espagnole, une faible assise houillère très-pareav.
MEMOIRE DE M. LEYMERIE.
309
Le calcaire à Caprines des Basses-Pyrénées, qui représente
évidemment l’assise cénomanienne que caractérisent les
mêmes rudistes dans les Charentes, ne doit pas être confondu
avec le calcaire à Cicérates (Caprotines) (2). Il ne faut pas même
le considérer comme un type français. On le voit passer sur le
versant méridional des Pyrénées, à une assez faible distance de
la région de Sare et d’Espelette. Il paraît jouer un rôle impor-
tant vers la crête, sur les hauteurs où prennent naissance les
vallées de l’arrondissement de Mauléon, notamment dans la
montagne d’Orrhi, d’où il s’étendrait sur les régions élevées
qui dominent dans la vallée d’Ossau.
Il me paraît probable que c’est ce calcaire que nous avons
traversé, MM. Lartet fils, Tardy et moi en 1866, en montant de
Larrau au pic d’Orrhi, où nous n’avons pu arriver à cause d’un
violent orage. Ce calcaire était associé à des brèches versico-
lores, et nous y avons vu divers débris organiques, notamment
des parties d’oursins, et une assez petite espèce de Caprine.
DU GRÈS VERT DANS LA DEMI-CHAÎNE ORIENTALE.
Après avoir suivi le terrain crétacé inférieur autant que pos-
sible jusqu’à sa limite du côté occidental des Pyrénées, nous
allons revenir à la partie centrale où ont eu lieu nos principales
observations et donner, à partir de là, quelques rapides indi-
cations sur les caractères qu’il présente dans la demi-chaîne
orientale et dans les corbières.
Voyons d’abord ce qu’il devient dans le département de
l’Ariége.
mais bien caractérisée géologiquement par de nombreuses empreintes vé-
gétales déterminées par M. Ad. Brongniart. Cette assise reparaît par une
faille dans le massif de la Rhune.
(2) J’avais bien fait cette distinction sur les lieux mêmes, et en séance de-
vant la Société géologique à Bayonne ; aussi ai-je vu avec quelque surprise
dans le compte-rendu qu’on m’y faisait caractériser ce calcaire à Caprines
par Caprotinalœvigata .
310
séance du 7 décembres: 1888.
Ariége.
Nous avons peu d’observations personnelles sur la vallée du
Salat et sur les montagnes qui se trouvent comprises entrecette
vallée et celle de l’Ariége. Cependant il y a dans la planche déjà
citée (vol. XIII du Bulletin , 2e série) trois petites coupes prises
par nous dans cette région, coupes dont l’explication se trouve
dans le t. VI de 1 Hist. des prog. de la Géol. de M. d’Archiac.
i3ans la première, qui est comprise entre la chapelle de
Sainte-Maure et le village de Francazal, on voit un calcaire
à Dicérates, très-caractérisé, faisant partie d’un ensemble que
je crois maintenant appartenir au grès vert.
La seconde coupe, qui passe par Aubert, au bord de la pe-
tite rivière du Lez, non loin de Saint-Girons, en se dirigeant
par le bois de Lembège sur Montégut, offre un autre calcaire
à Dicérates où les Caprotines sont évidentes*
Ce calcaire où j’ai trouvé une grosse Térébratule, T. Dutem-
pleana, d Orb., succède d’ailleurs, comme à Héchettes, dans la
vallée d Aure, à des calcaires noirs bréchoïdes, veinés de blanc,
dont 1 un, à larges veines, anciennement exploité par les Ro-
mains, est un des plus beaux marbres de deuil connus (i).
Le calcaire à Dicérates, qui est ici assez largement développé,
piécede une assise marno-schisteuse où j’ai vu des traces
d Ammonites et de Bélemnites (probablement B. semi-caualicu-
latus), à laquelle succède une protubérance calcaire qui sup-
porte le village de Montégut. Je n’insiste pas d’ailleurs sur ces
assises dont les caractères ont été esquissés dans un travail
sur le terram jurassique des Pyrénées, inséré dans le tome VI
de 1 Hist. des prog. de la Géol. par M. d’Archiac, travail qui de-
vrait etre considérablement modifié actuellement en ce qui
concerne 1 âge relatif des couches qui y sont décrites.
La troisième petite coupe, qui porte le n° 5 sur la planche
du Bulletin de la Société géologique ci-dessus indiquée, passe par
Montesquieu à une certaine distance à l’est du Salat. Celle-ci
id lu! qUG lettGrrainjurassi(ïue’ et’ ^ nous la rappelons
Z J qUe HaS del’AriéSe’ très-fossilifère
res e de 1, T ’ ? 6St * PGU près comPosé comme dans le
este de la chaîne, et qui! s’y trouve aussi recouvert par un
l’EmieLValtoludeÉ3118 ^ °raementati^ d“ de
MÉMOIRE DE M. REYMERIE. 311
étage de dolomie qui, lui-même, sert de base à une série de
calcaires qui doivent être rapportés au grès vert.
La conclusion à tirer des deux premières coupes, c’est que,
dans la vallée du Salai, comme dans celles de la Garonne,
d’Aure, etc., il y a deux niveaux de calcaires àDicérates, entre
lesquels se trouvent diverses assises, notamment des schistes
à Belemnites semi-canaliculatus.
Les observations assez anciennes que nous venons de rappe-
ler sont loin de suffire pour donner une juste idée de la com-
position géologique du grès vert de la région intéressante dont
Saint-Girons est le chef-lieu.
Tout récemment, M. Magnan y a fait une exploration plus sui-
vie et dans des circonstances scientifiques et matérielles très-
favorables, et ilapurésumer ses étudeset les rendre sensibles en
des coupes où l’on trouve la confirmation de ce fait, que nous
ayons reconnu dans presque toutes les vallées à l’ouest de l’A-
riége, savoir qu’il existe plusieurs assises de calcaires àDicérates,
séparées par des marnes ou des calcaires noirs qui doivent être
rapportés au terrain crétacé inférieur; mais, tandis que dans
la Haute-Garonne ces assises intermédiaires sont dénuées de
fossiles déterminables, on y trouve, dans la région explorée
par M. Magnan, des fossiles aptiens et notamment Exogyra si-
nuata et Toxaster Collegnii , qui viennent apporter ici des preuves
positives en faveur de nos vues fondées sur des considérations
purement stratigraphiques.
Je citerai particulièrement la présence, dans ces couches à
fossiles aptiens, d’un calcaireà Serpules, identiqueavec celui qui,
à Barbazan et à Sauveterre, constitue un horizon remarquable
dans un système que l’on avait jusqu’ici rapporté au calcaire
du Jura , lumachelle d’un genre tout particulier, que nous
avons aussi mentionnée au nord de Bagnères de Bigorre. Je
dois encore signaler, dans ces coupes, que M. Magnan a bien
voulu me communiquer, l’énorme développement d’un conglo-
mérat à éléments volumineux, souvent gigantesques, qui ne
faisait que se montrer dans les parties limitrophes delà Haute-
Garonne, comme à Salies, Touille, etc., et dont l’identité avec
les conglomérats crétacés de Miramont ne me paraît pas en-
core établie.
Passons à la vallée de l’Ariége. Là nous trouverons le pech
de Saint-Sauveur où les diverses assises du terrain crétacé
inférieur se sont, pour ainsi dire, condensées, de part et
d’autre d;un noyau jurassique eu l’on retrouve encore le lias
312
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
moyen (cymbien) et les dolomies supra-liasiques, recouvertes
d’un limon ferrugineux en partie pisolithique {bauxite) qui les
sépare du système crétacé (1).
Celui-ci forme principalement, au nord de cette montagne
et du pech de Foix qui lui correspond du côté opposé de l’A-
riége, un revêtement d’une faible épaisseur, et qui cependant
renferme des fossiles qui sembleraient indiquer des âges assez
différents.
Le calcaire à Caprotines y est réduit à une mince assise;
mais il y a d’autres calcaires qui sont très-riches en petites
Orbitolines, qui contiennent en outre la plupart des fossiles les
plus habituels de Vinport et de Sainte-Suzanne.
J’indiquerai particulièrement les Rhynchonelles, ici très-
abondantes, que nous avons déjà citées à Vinport. On y trouve
aussi fréquemment Terebratula longella, Leym., Terebratella cras-
sicosta , Leym., avec Ostrea macroptera et Ostrea carinata.
En général, les brachiopodes y jouent un rôle important,
comme à Vinport, et cette circonstance nous a déterminé à les
étudier d’une manière toute particulière et à en faire l’objet
d’une note paléontologique qui se trouve à la fin de ce
mémoire.
Sur ces couches reposent, au sud de la tuilerie de Sarda,
avec des calcaires lithographiques exploités, d’autres couches
à polypiers et à fossiles siliceux.
M. Hébert dit avoir recueilli de ce côté, mais plus à l’est, au
nord du pech de Foix, des espèces du gault.
Ce fait n’a rien qui doive nous étonner, car que ne trouve-
t-on pas dans cette mince assise de Foix I J’ai d’ailleurs re-
connu moi-même Ammonites inflatus et A. latidorsatusy avec
d’autres espèces indéterminées dans une argile noire, qui a
été découverte récemment à Foix même en creusant le sol au
pied sud de Saint- Sauveur, sur la rive gauche de la petite ri-
vière de l’Arget. Cette assise repose de ce côté sur un ensemble
assez mince de couches calcaires dont les plusinférieures ren-
ferment, avec d’autres fossiles à l’état de moules, une grande
et belle Nérinée, de forme cylindrique, N. Fuxea , Leym., dont
j’ai des tronçons de 20 centimètres de longueur, et qui res-
semble à N. Archimedi, d’Orb., dont elle diffère toutefois par
ses plus grandes dimensions et par un sillon prononcé qu’elle
(1) Voyez notre Esquisse géognostique de la vallée de l’Ariége [Bulletin
de la Soc. gèol ., 2e série, t. XX, page 24 5).
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
313
porte vers le milieu de la concavité de ses tours. Nerinea Ar-
chimedi se trouve aussi dans ce calcaire avec une autre espèce
plus petite.
Ce calcaire affleure plus loin, sur la route de Foix, aux ro-
chers de Garalp où il offre avec des Nérinées de nombreux in-
dividus de Terebratula longella , Leym.
Il y a du même côté du pic une couche de calcaire à fossiles
siliceux où j’ai recueilli anciennement, avec de jolis polypiers
et diverses espèces de coquilles, Trigonia spinosa , espèce qui
appartient à la faune de l’étage cénomanien.
Quant au véritable calcaire à Dicérafes, il ne se manifeste pas
nettement sur ce versant méridional de la montagne ; mais on
peut l’observer avec un assez beau développement à l’ouest,
dans le prolongement, sous le méridien de Cadarcet. Là il est
remarquable surtout par le bel état de conservation des petites
Orbitolines, qui abondent surtout dans les bancs les plus anciens
ou plutôt à leur surface, lorsque celle-ci a été depuis longtemps
exposée aux influences atmosphériques. Elles s’y montrent en
saillie, dans toutes les positions, en vertu de leur nature sili-
ceuse qui les a préservées de la destruction.
Nous avons pris, sur les lieux, une petite coupe où s’accu-
sent, d’une manière assez nette, les relations du calcaire à Di-
cérates avec les terrains supérieur et inférieur. Nous la don-
nons à la page suivante avec quelques mots d’explication.
314
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
Coupe des terrains secondaires suivant le méridien de Cadarcet [Ariège).
ôaragne. Serre de Cor. Laplagne. Cadarcet. Berny. Montredon.
m. Calcaire à Miliolites (éocène).
k. Argiles rutilantes et calcaire lacustre (garumnien).
g. Grès d’Alet et de Labarre (sénonien).
Faille.
t. Calcaire marneux avec polypiers et indices de rudistes (turonien?)
h. Assise argileuse grise.
d. Calcaire à Dicérates avec petites Orbitoünes, Rhynchonella parvula ,
Leym., Cidaris pyrenaica, etc.
f. Horizon rouge avec pisolithes ferrugineuses {bauxite).
e. Calcaire dolomitique.
^ j Lias moyen à Gryphœa cymbium et Terebratula subpunctata.
' | Infra-lias avec Avicula contorta observée, par M. l’abbé Pouech.
i. Argiles grises et irisées avec calcaires.
R. Schistes et calcaires dévoniens, avec une roche euritique en décompo-
sition, renfermant un filon plombifère qui s’étend de l’est à L'ouest.
On remarque dans cette coupe une faille au sud du grès de
Labarre, de part et d’autre de laquelle les couches prennent
des inclinaisons en sens opposé.
La faune de cette région de l’Ariége, qui est si analogue à
celle de Vinport et qui certainement appartient à la même
époque, mériterait d’être complétée et étudiée avec soin , et
ce n’est qu’à titre de document que nous donnons la liste des
fossiles que nous avons pu recueillir jusqu’à ce jour.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
315
Nerinea Fuxea , Leym Saint-Sauveur côté sud.
très-grande et belle espèce.
— Archimedi , d’Orb Id.
— sp. nova ?.....
Turritella aurigera, Leym,... Pech-de-Foix, côté nord.
voisine de T. Tournali, Coq.
Cerithium pulchellum , Leym.. Id.
— plusieurs espèces in-
déterminées.
Natica , plusieurs espèces avec les grandes Nérinées de Saint-Sauveur.
Panopœa gigantea , Leym. ..... grande espèce du Pech-de-Foix, su h
Ceromya Fuxea , Leym Id.
Trigonïa spinosa, Park Saint-Sauveur, sud.
— Picteti, Goquand Saint-Sauveur, nord.
Bivalves (moules) indét St-Sauveur avec les grandes Nérinées.
Ostrea macroptera , Sow environs de Foix.
— carinata , Lam Pech-de-Foix, nord.
— indét. — environs de Foix.
Caprina Verneuili , Bayle? Saint- Sauveur, nord.
Caprotina Lonsdalei, d’Orb.. . . Id.
Terebratula longella , Leym.
PI. III, fig. 1 et 2 Saint-Sauveur, Caralp, Pêch-de-Foix.
Terebratula Chloris, Coq Pech-de-Foix, nord.
Terebratula sella, Sow Pradières, Saint-Gironnais.
— Dutemplana , d’Orb.. cale, à Caprotines d’Aubert, près
Saint-Girons.
Terebratella crassicosta, Leym.
PL III, fig. 3 et 4 Id.
(1) Rhynchonella parvula , Leym.
PL III, fig. 8 et 9 Saint-Sauveur, Caralp, Cadarceh
Rhynchonella aturica , Leym.
P.l III, fig. 5 Pech-de-Foix, nord.
Rhynchonella reqularis , Leym.
PL III, fig. 6 Id.
Rhynchonella conforta, d’Orb.
PL III, fig. 7 Saint-Sauveur, Pech-de-Foix, nord.
Rhynchonella elegans, Sow. PL
III, fig. 7 vallée de Lherm.
Rhynchonella lata (pars), d’Orb.
Cidaris pyrenaica, Cotteau environs de Foix.
(1) Je n’ai pas mentionné ici une grande Rhynchonelle à petits plis fins
filiformes, égaux et réguliers qui se trouve avec R. aturica, et dont je n’ai
que des échantillons incomplets ou écrasés. Cette espèco se rapproche A ia
fois de R. aturica, de R. régularisai encore plus de R. difformis.
316
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE
Hemiaster indét Pech-de-Foix, nord.
Orbüolina conoidea , Alb. Gras.
— discoidea , Alb. Gras.
Nombreux polypiers à étudier... Certaines couches en sont pétries.
Serpula assez grosse espèce ....
— espèce presque filiforme en faisceau parallèle.
Je n’ai pas compris dans cette liste les fossiles albiens cités
dans le texte, considérés ici comme hors-d’œuvre.
On sait que, dans le pays de Foix et dans cette ville même,
le terrain crétacé est brusquement arrêté par une faille contre
le granité; de sorte que la série sédimentaire, si continue et si
régulière au nord de la montagne de Saint-Sauveur, se trouve là
interrompue dans son développement inférieur. Cependant, au
sud du massif granitique, on retrouve les anneaux de la chaîne
brisée dans le calcaire à Dicérates de Bedeillac, près Taras-
con, et dans les assises calcaires qui s’étendent au sud jusqu’à
Ussat.
ïl y a donc dans la vallée de l’Ariége au moins deux assises
de calcaire à Caprotines qui appartiennent, l’une et l’autre, au
terrain crétacé inférieur.
Plus à l’est, le même calcaire s’accuse d’abord à Belesta et
ensuite plus loin dans la même direction, par un relief ro-
cheux abrupt qui reprend ici le rôle que nous lui avions reconnu
dans les Pyrénées-Occidentales. Ce calcaire est remarquable, à
Belesta même, par la présence de quelques bancs d’un marbre
noir, assez curieux par les nombreux débris de polypiers qui
s’y trouvent concentrés sous forme de petites parties, d’un
blanc mat, très-rapprochées les unes des autres. Ce marbre,
connu dans le pays sous le nom de grénite , a été employé pour
la décoration de la place centrale de Carcassonne ; il y forme
les fûts des colonnes qui marquent les quatre coins de la
place.
Cette muraille de calcaire à Dicérates se continue dans
l’Aude, où nous allons la retrouver au sud de Quillan.
Vallée de l’Aude, coupe entre Roquefort- de-Sault et Quillan.
La petite ville de Quillan est située sur la rive gauche de l’Aude
dans un bassin très-curieux qui constitue, pour le terrain qui
nous occupe, un gîte véritablement classique. Nous nous y ar-
rêterons donc un instant. Toutefois, nous n’avons pas lapréten-
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
317
tion d'en faire une nouvelle description qui, certainement, ne
vaudrait pas celle qui a été donnée par M. d’Archiac, dans
son beau mémoire sur les Corbières. Nous nous contenterons
de rappeler que ce bassin, remarquable par sa couleur noire et
qui renferme de véritables montagnes composées de roches
argilo-schisteuses, associées à des calcaires argileux de couleur
très-sombre, est entouré de toutes parts, surtout au sud, au
nord et à l’ouest, par une enceinte que l’on ne peut franchir
qu’en gravissant des côtes très-rapides. Cependant la vallée
de l’Aude le traverse, mais elle ne parvient à en sortir que par
une étroite coupure du calcaire à Dicérates, et elle n’y entre
que par une ouverture très-resserrée, à l’issue de plusieurs dé-
filés profonds et abrupts qui se réduisent toutefois à deux
principaux, savoir : la gorge de Pierre lis et celle de Saint-
Georges.
Ces gorges peuvent être regardées comme un des accidents
les plus curieux et les plus pittoresques des Pyrénées. Leur
fond est à peine assez large pour contenir la rivière qui s’y
trouve encaissée entre des murailles presque verticales, ayant
plus de 100 mètres de hauteur.
M. d’Archiac a fait connaître la composition de cet ensemble
qui se rapporte au terrain crétacé inférieur, et il en a même
tracé une coupe, et nous devrions peut-être nous borner ici à
y renvoyer le lecteur. Toutefois, cette coupe s’arrête en deçà
des hautes régions où nous aurions intérêt à la voir s’étendre,
et nous avons pensé qu’il ne serait pas inutile d’en produire
une nouvelle en la poussant jusqu’au granité. C’est celle qui
se trouve figurée, sous le n° 5, dans notre planche. Elle résulte
d’une exploration que j’ai faite, en 1866, avec M. Magnan en
la compagnie de MM. Paul Seignette et Sermet, et d’ob-
servations antérieures qui me sont personnelles.
Cette coupe traverse trois grands systèmes dans leur ordre
d’ancienneté, savoir : le granité, le terrain de transition (dévo-
nien), principalement calcaire, et enfin plusieurs crêtes de
calcaires secondaires alternant avec des assises schisteuses,
correspondant à des dépressions. L’ensemble des terrains stra-
tifiés est fortement incliné toujours au sud, passant souvent à
la position verticale.
En suivant notre figure du sud au nord, on y voit d’abord le
plateau granitique de Roquefort (1), auquel se trouve accolé
(1) Ce granité appartient à la catégorie des passifs. On ne le voit pas
318
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18G8.
un système de schistes, de calcaires et de dolomies que nous
croyons pouvoir considérer comme dévonien, et c’est ainsi que
M. d’Archiac les a représentés sur sa carte; mais il a eu tort
de leur faire succéder du granité au fond des rivières de
l’Aude et de la Guette. Ce granité n’y existe pas; il n’y a là que
les premières couches d’un calcaire marmoréen blanc, sac-
charoïde ou sub-lamellaire, qui constitue la crête qui succède
au terrain de transition.
C’est dans ce calcaire que s’ouvre la gorge dite de Saint-
Georges, où l’Aude, qui jusque-là avait suivi une direction
longitudinale relativement aux Pyrénées, commence à s’en-
caisser en adoptant définitivement le sens du méridien qui lui
fait traverser les massifs calcaires qui vont nous occuper.
Cette première crête calcaire fait partie d’une longue arête
ou chaîne (chaîne de Lesquerde) qui s’étend le long des Pyré-
nées, notamment du côté oriental jusqu’à Estagel. C’est d’abord
un marbre blanc, assez cristallin en certaines places, pour
être considéré comme statuaire, et qui est accompagné parfois
de dolomie et habituellement d’une brèche pâle, accidentée de
jaunâtre, et le tout rappelle le marbre de Saint-Béat (Haute-
Garonne) qui est regardé comme un calcaire jurassique mar-
morisé.
Ce marbre ne règne pas d’ailleurs dans toute l’étendue du
défilé; il passe, vers le nord, à un calcaire compacte gris ou
bleuâtre, accidenté par quelques parties bréchoïdes, et qui
n’offre que çàefc là quelques faibles traces de marmorisation.
Entre cette première crête et la suivante est un petit évase-
ment qui annonce la présence de roches faiblement consistan-
tes. Ce sont des calcaires bleus veinés, argilifères, passant à des
lavasses; puis s’ouvre une nouvelle fracture également très-
étroite et d’une profondeur effrayante, dont les parois sont
presque exactement verticales, au sein d’une masse calcaire à
pâte fine, à cassure compacte un peu argileuse, d’un gris clair
uniforme, où il n’y a aucune trace de fossiles. C’est la deuxième
section du défilé de Saint-Georges.
Le géologue qui vient de traverser cette double gorge sau-
pénétrer dans le terrain adjacent. C’est, du reste, une belle roche à feld-
spath blanc abondant, mica brun ou noir, peu riche en quartz, avec horn-
blende disséminée. Il donne en se désagrégeant une belle arène blanche.
Le plateau de Roquefort offre des accumulations assez considérables de
gros blocs du même granité.
1
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
319
vage et profonde retrouve avec plaisir Pair et la lumière en
entrant dans le bassin d’Axat, où la vallée se continue, mais
avec des caractères bien plus modérés, au sein d’un puissant
système de calschistes en dalles bien réglées et fortement in-
clinées au sud, associées à des calcaires noirs qui, d’abord
subordonnés aux dalles, deviennent ensuite dominants près de
la rivière deRibenti, qui coule vers la limite de ce système.
Après avoir passé la rivière, on a devant soi une nouvelle
crête calcaire peu considérable que la vallée traverse en se
resserrant, mais non d’une manière excessive. G’estun calcaire
à Dicérates où les Caprotines se montrent très-nombreuses et
bien caractérisées, auquel succède une assise de schistes noi-
râtres, qui donne à la vallée l’occasion de former encore un
évasement beaucoup plus restreint que le précédent, au bord
duquel s’élève le village de Saint-Martin.
En quittant cette partie évasée, l’Aude traverse une dernière
gorge plus longue et presque aussi sauvage que celle de Saint-
Georges, et qui est tellement resserrée que ce n’est qu’en
creusant la roche en berceau et en tunnel, dans le mur qui
domine la rive gauche de la rivière, que l’on a pu y pratiquer
un chemin qui était bien nécessaire pour faire communiquer
avec la plaine les pauvres habitants de la haute vallée (1).
C’est la Pierre lis , dont la roche dominante est un calcaire
plus ou moins compacte, gris bleuâtre, veinulé de blanc çà et
là, où je n’ai pas remarqué de Caprotines. Ce défilé entre dans
le bassin de Quillan par une ouverture profondément entaillée
dans une grande plaque calcaire, à peu près verticale, derrière
laquelle est une petite assise de schiste noir calcarifère, où j’ai
trouvé Orbitolina discoidea et une Lime, qui est un peu plus
grande que Lima Cotlaldina , d’Orb.
La coupe, en sortant de ces défilés, montre le bassin de
Quillan lui-même, composé de roches schisteuses qui suivent à
peu près l’allure générale ci-dessus indiquée, avec des pertur-
bations locales qui sont, en partie, la cause du relief caracté-
risé qu’elles présentent. M.d’Archiaca bien décrit ces schistes
au milieu desquels se trouvent isolés ou groupés des bancs de
(1) Ce chemin est dû à l’énergie et à la persévérance d’nn pauvre curé,
le curé de Saint-Martin, qui, travaillant de ses mains avec les paysans de
la contrée, est parvenu à accomplir cette œuvre que l’on aurait pu croire
impossible sans le secours des moyens puissants employés actuellement pour
les travaux publics.
320
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
calcaire noirâtre ou bleuâtre très-durs. Nous ajouterons que
ces schistes, habituellement calcarifères, contiennent souvent
des rognons calcaréo-ferrugineux compactes, qui rappellent
singulièrement ceux du terrain schisteux noir de Tardets et de
la vallée de Barétous (Basses-Pyrénées). Ces deux assises noi-
res, si éloignées géographiquement Tune de l’autre, offrent les
mêmes caractères lithologiques et les mêmes rapports de po-
sition. Mais, dans celle du bassin de Quillan, il y a ce qui
manque dans les Basses-Pyrénées, savoir : des fossiles tout à
fait expressifs comme Exogyra sinuata ou aquila , Toxaster Col -
legnii , espèces essentiellement aptiennes, qui doivent au moins
affirmer le droit de ces schistes noirs à faire partie du terrain
crétacé inférieur.
La rivière d’Aude, après avoir traversé ce bassin, en sort en-
fin par un étroit goulet, ouvert dans une dernière crête con-
sistante qui est encore composée de calcaire à Dicérafes; après
quoi elle entre dans un système tout différent et discordant
avec le précédent, remarquable par sa couleur rouge. C’est
l’étage crétacé tout à fait supérieur que nous avons appelé
garumnien (1).
Telles sont la composition et les relations réciproques des
terrains traversés par notre coupe. Si nous les reprenons à
partir du calcaire marmoréen, où commence la série secon-
daire, nous éprouverons d’abord quelque embarras pour clas-
ser la crête dont ces calcaires font partie. Sa position à la base
de la série et la très-grande ressemblance de ses roches mar-
moréennes, principalement de ses brèches, avec les calcaires
du Mont à Saint-Béat, me porteraient à croire qu’elles appar-
tiennent au terrain jurassique. J’étendrais même cette déter-
(1)11 est bien remarquable que cet étage lacustre, qui n’est autre chose que
l’assise supérieure du groupe d’Alet de M. d’Archiac, n’offre dans l’intérieur
du bassin de Quillan aucun affleurement, tandis qu’il se développe large-
ment à l’extérieur au nord et à l’ouest.
Rien n’est si frappant, lorsqu’on est sur un des cols par lesquels on sort
du bassin à l’ouest, que le contraste de la couleur noire de ce dernier avec
l’aspect rutilant du bassin de Brenac où les argiles garumniennes, avec lès
calcaires et les poudingues qui les accompagnent, s’étalent largement dans
une plaine en s’appuyant au sud d’une manière discordante contre les mu-
railles abruptes du calcaire à Dicérates ; d’où il résulte que le bassin de
Quillan était déjà formé lorsque le lac garumnien est venu envahir la con-
trée, entourer le bassin et déposer ses sédiments à l’extérieur de son en-
ceinte trop élevée pour que ses eaux aient pu la franchir .
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
321
mination jusqu’aux calcaires du défilé de Saint-Georges et ce
serait au bassin d’Axat que je ferais commencer le grès vert;
d’où il résulterait que des deux grandes chaînes signalées par
M. d’Archiac, l’une, la chaîne de Lesquerde, serait jurassique,
tandis que celle de Saint-Antoine serait crétacée ainsi que les
schistes noirs de Saint-Paul de Fénouillet et de Caudiès qui
séparent ces deux grands reliefs. Il y a cependant contre cette
manière de voir, que nous émettons ici simplement comme
possible, une objection à faire : c’est que nous avons vu partout
jusqu’ici le terrain jurassique se terminer par des dolomies
succédant au lias fossilifère, et que ni l’un ni l’autre de ces
caractères ne se présentent ici.
Je ferai remarquer, d’un autre côté, qu’il y a, dans le sys-
tème du grès vert, en le supposant même réduit conformémentà
l’hypothèse qui vient d’être hasardée, au moins deux calcaires à
Dicérates très-caractérisés, l’un à St-Martin, au sein du système
argilo-calcaire inférieur noir d’Axat, et l’autre à la limite même
de l’étage crétacé inférieur, à Saint-Ferriol, à l’issue du bassin
de Quillan ; d’où l’on voit que cette récurrence du calcaire à
Dicérates de la vallée de l’Aude, qui avait été considérée
comme un fait extraordinaire pour lequel on avait mis en avant
des moyens d’explication peu naturels, est absolument con-
forme au plan que la nature a suivi dans la composition et la
structure des terrains pyrénéens.
Les calcaires et les schistes traversés par la coupe que nous
venons d’expliquer se prolongent au loin vers l’est, ainsi que
nous l’avons déjà dit, en lignes longitudinales, de manière à
former principalement deux crêtes saillantes comprenant entre
elles une vallée noire sans rivière où ’se trouvent des fossiles
aptiens, parmi lesquels se mêlent un certain nombre d’espèces
très-connues pour appartenir à l’albien ou gault. Ces crêtes et
le sillon noir qui les séparent s’étendent jusque dans le dé-
partement des Pyrénées-Orientales et préludent aux Corbières
orientales et^aux montagnes delà Clape.
M. d’Archiac ayant donné une description détaillée de ces
contrées extrêmes, nous nous dispenserons d’en parler autre-
ment que pour appeler l’attention sur un fait général qui con-
firme nos vues sur le grès vert pyrénéen.
Le savant [géologue que je viens de citerja^partout reconnu,
dans ces régions orientales, qui forment une sorte d’appendice
aux Pyrénées, i^que le calcaire à Dicérates y était supérieur à un
autre étage argilo-marneux que caractérisent principalement
Soc. géol.} 2 e série, tome XXVI. 21
322
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
des fossiles aptiens et qui renferme aussi des espèces néoco-
miennes. Cet état de choses était contraire à ce qui se passe en
Provence où c’est l’ordre inverse qui se trouve constamment
observé ; mais il n’a rien de nouveau ni d’insolite à l’égard des
Pyrénées, où nous avons vu, presque partout, deux calcaires à
Dicérates, dont l’un est habituellement postérieur à une assise
argileuse comparable à celle qui, à Quillan et à la Clape, a été
considérée comme représentant l’étage aptien. Ici seulement
il n’y aurait qu’un calcaire à Dicérates supérieur, ou bien l’as-
sise la plus ancienne n’existerait que dans la profondeur où
elle resterait cachée par l’étage marneux, qui, généralement,
est peu incliné dans la région dont il s’agit.
RÉSUMÉ. — CONCLUSIONS.
Arrivé au terme de la tâche que je m’étais imposée, je rap-
pellerai au lecteur ce que j’ai annoncé en commençant, c’est-à-
dire que je n’ai ici, en l’accomplissant, d’autre but que d’es-
quisser rapidement les caractères généraux du terrain crétacé
inférieur des Pyrénées, tel que je suis arrivé à le concevoir
après maintes tentatives et oscillations.
J’aurais préféré ne produire ce travail que plus tard, lorsque
j’aurais été en mesure d’utiliser les nombreux matériaux que
j’ai recueillis dans toutes les vallées. Je regrette particulière-
ment d’avoir négligé la partie paléontologique ; mais des cir-
constances, que je ne veux ici ni caractériser ni qualifier, ne
me permettaient pas d’ajourner cette manifestation de mes
longues études sur la question difficile dont il s’agit. On vou-
dra bien, je l’espère, me tenir compte de cette nécessité. Au
reste, quelque incomplet et insuffisant que soit le travail que
je soumets aujourd’hui aux géologues, il renferme assez de faits
significatifs pour que je puisse me croire autorisé à en tirer
quelques conclusions importantes, que je vais énoncer après un
court résumé.
Résumé.
Le calcaire à Dicérates de Dufrénoy constitue le caractère le
plus marqué du terrain crétacé inférieur des Pyrénées, où ce
calcaire se fait facilement reconnaître par des sections courbes,
de formes variées, de couleur noire, qui accusent la présence
d’une Caprotine que les géologues semblent vouloir rapporter
à C. Lonsdalei , d’Orb., espèce urgonienne. Ces traces de Ca-
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 323
protines sont souvent accompagnées de radioles de Cidaris
(C. pyrenaica, Cotteau) et quelquefois de petites Orbitolînes
{O. discoidea , O. conoidea) qui, en Dauphiné, se trouvent ha-
bituellement dans l’étage aptien.
Ce calcaire à Dicérates n’occupe pas une place unique dans
la série des assises que nous comprenons dans l’étage crétacé
dont il s’agit. Il s’y montre par récurrence au moins deux fois,
et forme ainsi deux zones fort redressées, ordinairement sail-
lantes, qui s’étendent, à travers les vallées, dans presque toute
la longueur de la chaîne, entre la vallée de Mauléon et l’extré-
mité des Pyrénées-Orientales. Ces zones sont séparées et quel-
quefois suivies par des schistes argilo-calcaires et des calcaires
noirs habituellement sans fossiles, mais renfermant dans quel-
ques lieux privilégiés (Sainte-Suzanne près Orthez, Ariége au
nord de Saint-Girons, Quillan) les fossiles les plus caractéristi-
ques de l’étage aptien de d’Orbigny.
D’où il résulte que, dans les contrées pyrénéennes, les deux
types urgonien et aptien se confondent, les fossiles habituels
de ces types se trouvant localisés, non en raison de leur âge
relatif, mais bien plutôt eu égard à la nature minéralogique des
assises qui les renferment. Cet état de choses est d’ailleurs
conforme à celui qui a été reconnu par M. Coquand en Espagne
et en Algérie, régions qui appai tiennent à un même faciès,
comprenant les Pyrénées, qui pourrait s’appeler méditerranéen ,
la séparation de ces deux types en Provence devant être regar-
dée comme un cas particulier.
Dans la plupart des vallées pyrénéennes, au sud de cette
série urgo-aptienne , entre elle et les dolomies jurassiques, se
trouvent de nouveaux calcaires, de couleur foncée, qui n’of-
frent généralement aucun fossile reconnaissable, qui étaient
autrefois regardées comme jurassiques etque nous comprenons
dans le même étage crétacé. D’un autre côté, il se développe en
avant de la même série et habituellement en discordance avec
elle, dans la partie centrale de la chaîne, un système de con-
glomérats à gros et petits éléments, de grès et de schistes ter-
reux, contenant les petites Orbitoline3 déjà citées, qui pourrait
être regardé comme une assise supérieure de la même formation.
Le tout réuni forme un grand étage ayant une puissance de
5,000 à 6,000 mètres et dont les couches sont habituellement
redressées sous un angle très-grand, qui détermine un plonge-
ment méridional dans la plupart des cas, avec une orientation
qui les porte fréquemment à PO. S, O.
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
La régularité stratigraphigue de cet étage est quelquefois
troublée par des failles et par des discordances qui se mani-
festent principalement dans les Pyrénées centrales.
Conclusion.
Après avoir résumé les faits de notre mémoire qui se rap-
portent à la composition géognostique et à la stratigraphie,
occupons-nous de la partie paléontologique et des rapproche-
ments ou références que la distribution des fossiles pourra
nous suggérer, malgré l’état assez peu avancé de nos connais-
sances à cet égard.
La faune du grand étage qui nous occupe, il faut en convenir,
offre des caractères suffisants pour qu’il soit convenable de
la rapprocher du type néocomien. Toutefois je rappellerai ici
une remarque qui a déjà été faite : c’est qu’on n’y rencontre
jamais Exogyra Couloni ni les céphalopodes déroulés et les
Bélemnites plates qui caractérisent, en Provence, le néocomien
inférieur; le Toxaster complanatus , lui-même, ne s’y montre
que rarement.
J’appellerai l’attention, d’un autre côté, sur le faciès céno-
manien qu’offrent certains gîtes, notamment ceux de Yinport
et de Foix, où l’on trouve, comme fossiles habituels, des
Rhynchonelles , dont quelques-unes se rapprochent de R.
Lamarckiana , d’Orb., avec Ostrea carinata , Trigonia spi -
nosa , etc. etc., circonstance qui m’avait déterminé, à une cer-
taine époque, à élever au niveau cénomanien une partie des
calcaires à Dicérates, détermination erronée sans doute, mais
que j’avais faite en bonne compagnie, puisque c’est à peu près
en même temps que M. Bayle émettait, devant la Société géo-
logique, l’opinion que le calcaire à Dicérates des Pyrénées
était cénomanien, et que MM. de Yerneuil et Triger disaient en
revenant des provinces basques espagnoles, qu'il n'y avait rien
de plus ancien dans cette partie de l'Espagne , qui est cependant
constituée comme nos montagnes, à l’égard du terrain crétacé
inférieur [Bulletin de la Société géologique , t. XVIII, page 361) (1).
Le grand étage pyrénéen, dont nous venons d’esquisser les
(1) Les Caprotines, que l’on regarde actuellement comme C. Lonsdatei ,
étaient alors rapportées à C. lœvigata, espèce cénomanienne ; et il faut
avouer que ces deux espèces se ressemblent beaucoup. MM. de Verneui] et
Triger citaient d’ailleurs dans les mêmes couches Rhynchonella conforta,
d’Orb., variété de Lamarckiana ?, Ostrea carinata, etc.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
325
principaux caractères, présente aussi, çà et là, une légère
teinte d’albien ou gault, notamment à Foix, à Quillan, et sur-
tout à Saint-Paul de Fénouillet où des schistes noirs, qui cor-
respondent à ceux d’Axatet qui sont par conséquent plus an-
ciens que le calcaire à Dicérates de Saint-Martin, et, à plus
forte raison, que l’assise de Quillan, contiennent, dans leur
faune principalement aptienne, des espèces albiennes très-
caractéristiques, signalées par M. d’Archiac, comme : Nucula
pectinata , Sow., Cardita tenuicosta, Mich., Ammonites Mille-
tianus , cl’Orb.
Ilrésultede ces dernières considérations quelesseules faunes
qui aient un caractère de généralité suffisant pour qu’il soit
permis deles considérer commefaunes pyrénéennes, sont celles
qui se rapportent aux types urgonien et aptien de la Provence, le
premier de ces types n’y étant caractérisé réellement que par
un seul fossile, Caprotina Lonsdalei, que l’on ne trouve que très-
rarement à un état déterminable. D’un autre côté, la strati-
graphie nous oblige à ne pas séparer ces deux types et à les
réunir dans un seul groupe. Il semblerait dès lors assez naturel
d’appeler notre étage ur go-aptien ou néocomien supérieur; mais
cette dénomination laisserait en dehors les fossiles assez nom-
breux du calcaire à Spatangues, que l’on trouve à la Glape et
dans quelques parties des Corbières, et la série des calcaires
qui, dans la plupart des vallées, précèdent au sud les calcaires
à Dicérates, série qui représente peut-être le néocomien infé-
rieur. Dans le sens opposé, le même nom ne pourrait com-
prendre les fossiles albienset cénomaniens qui s’introduisent,
çà et là, dans la faune générale.
Nous croyons être plus dans le vrai en appelant grès vertt out
cet ensemble, ce nom étant rétabli avec le sens large qu’on lui
attribuait jadis, en Angleterre, où il s’appliquait à toute la
partie du terrain crétacé qui est inférieure à la craie propre-
ment dite, et qui avait été adopté par Dufrénoy. On trouvera
peut-être un peu vague cette conclusion ; mais elle répond à
l’état mixte et indécis de l’étage dont il s’agit; il est des cas où
la précision est opposée à V exactitude.
Nous devons toutefois faire ici une réserve. En mentionnant
quelques fossiles cénomaniens qu’offrent certaines couches
fossilifères de l’étage, nous ne prétendons qu’exprimer un
fait, une nuance, et il ne faudrait pas en conclure que nous
rattachons à notre grès vert le type cénomanien, tel que d’Or-
bigny Fa établi.
326
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1863.
Cette question tient d’ailleurs à une difficulté qui nous
préoccupe encore actuellement : je veux parler de la déter-
mination de la ligne où commence la craie (terrain crétacé
supérieur).
La séparation des deux étages crétacés paraît, au premier
abord, très-tranchée dans nos montagnes et semblerait coïnci-
der avec une dénivellation longitudinale très-brusque, qui
forme un des traits les plus accentués du relief pyrénéen (1).
Nous avons déjà dit que le calcaire à Dicérates se présentait,
vers le pied des montagnes, comme une haute muraille à la
base de laquelle la craie constituait une basse région relative-
ment plane, qui semblerait résulter d’un affaissement en
masse au nord d’une grande faille. Cet état de choses est no-
tamment très-marqué dans le Béarn et dans une partie du pays
basque, surtout en traversant les vallées du Gaison, d’Aspe,
d’Ossau. Il s’accuse encore d’une manière frappante dans le
pays de Bigorre, en bas des vallées d’Argelès, de l’Adour,
d’Aure, dans l’Ariége et surtout dans les Corbières. Ces der-
nières montagnes offrent même une discordance manifeste
entre le calcaire à Dicérates et les couches inférieures de la
craie, en sorte que là l’hypothèse d’une révolution qui aurait
séparé les deux divisions se trouve réalisée. Dans l’Ariége,
peut-être, y a-t-il aussi des exemples de cette discordance ;
mais elle ne paraît pas exister partout. Ainsi, dans les vallées
d’Aspe et du Gaison, les dernières crêtes du calcaire à Dicéra-
tes semblent sortir d’une assise de schistes calcarifères noirs,
que Ton pourrait qualifier d’aptiens, et qui, d’un autre côté,
forment un élément de la plaine où ils se lient aux schistes et
aux calcaires à fucoïdes. Il y a d’ailleurs dépression de part et
d’autre de ces crêtes. D’un autre côté, je ferai remarquer que
le rôle de muraille dominant une plains schisteuse est aussi
celui du calcaire à Caprines (cénomanien) du canton de Sare
(Basses-Pyrénées).
Sans rejeter l’idée d’un mouvement du sol qui aurait eu
lieu, en certaines parties de notre chaîne, notamment dans les
Corbières après le dépôt du calcaire à Dicérates, je pense qu’il
pourrait se faire que la principale cause de cette brusque dif-
(1) L’ingénieur Flamichon avait reconnu ce fait orographique dès 1780.
Il se trouve consigné dans un ouvrage aujourd’hui oublié, intitulé :
Théorie de la terre déduite de T organisation des Pyrénées, qui contient
quelques autres aperçus très-remarquables pour l’époque.
MEMOIRE DE M. LEYMERIE.
férence de niveau qui nous occupe se trouvât dans la dénu-
dation qui aurait agi largement et efficacement en dehors des
dernières assises rocheuses des Pyrénées sur les schistes ter-
reux peu consistants qui se développent presque seuls en avant
des montagnes. Nous rappellerons à cet égard que, dans le
soulèvement local d’Orthès, les couches marneuses et les
schistes pourris qui succèdent, du côté sud, au calcaire à Ca-
protines, et la craie à Ananchytes qui constitue les coteaux au
nord, paraissent concordants avec lui, et se conforment à l’in-
clinaison qu’ils devaient prendre par l’effet du soulèvement,
qui a dû, par conséquent, s’effectuer postérieurement à la for-
mation de la craie.
La délimitation dont il s’agit se rattache aussi à la solution
d’un problème qui offre des difficultés : je veux parler de
la classification de la grande formation schisteuse et calcaire
à fucoïdes qui constitue presque tout le bas pays béarnais et
basque, formation plus complexe qu’il ne le semble au premier
coup d’œil et qui représente plusieurs assises de la craie et
peut-être même une partie du grès vert.
Nota. — Depuis que ce mémoire est écrit, j’ai eu connaissance des ob-
servations qui ont conduit quelques géologues allemands à lier avec le
terrain crétacé inférieur les assises supérieures de la formation jurassique
et à faire de certains étages, où la séparation leur a paru impossible, un
type mixte qu’ils appellent tithonique. Aurais-je fait ici du tithonique sans
le savoir? Dans tous les cas, les auteurs auxquels je fais allusion pourraient
trouver dans l’état de choses que je viens de signaler dans ce mémoire, en
toute sincérité, un nouvel appui pour leurs idées systématiques que je me
réserve d’étudier d’une manière plus spéciale.
NOTE SUR LES BRACHYOPODES DU GRÈS VERT PYRÉNÉEN.
Nous avons vu que les brachyopodes jouaient un grand rôle
dans certains gîtes de grès vert pyrénéen qui semblent consti-
tuer un faciès particulier, que nous appelons mixte , vers la
partie supérieure de cette importante formation.
Au premier aperçu, les faunes de ces régions mixtes, qui
sont principalement caractérisées à Vinport, dans les Landes,
et aux environs de Foix, nous avaient paru offrir un faciès cé-
nomanien. Cette idée, qui était venue en même temps à
MM. de Yerneuil et Triger pour les provinces basques de l’Es-
pagne, m’avait été particulièrement suggérée par les Rhyncho-
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
328
nelles qui occupent dans ces faunes une place considérable. En
effet, parmi ces brachyopodes pyrénéens, il en est qui semblent
pouvoir être rapportés aux types R. Lamarckiana et R. con-
forta, tels qu’ils sont figurés dans les planches de d’Orbigny (1).
Tout récemment, j’ai voulu éclaircir les doutes que j’avais con-
çus à cet égard et j’ai prié M. Guéranger, qui a étudié les fos-
siles du Mans avec un soin consciencieux, de m’envoyer les
meilleurs types de Rhynchonelles de cette localité classique,
notamment R. Lamarckiana , d’Orb., avec toutes ses variétés.
Ce savant paléontologiste a été au delà de mes désirs en m’a-
dressant une suite nombreuse d’individus parfaitement conser-
vés, et la comparaison que j’ai pu faire alors de nos espèces
avec celles du Mans m’a convaincu que celles-ci, à l’exception
d’une seule, étaient différentes. Ayant d’ailleurs vainement
cherché à rapporter nos Rhynchonelles à des types connus, j’ai
dû prendre le parti de les décrire et de les figurer sous de nou-
veaux noms, dans une petite planche (PI. III) que l’on trouvera
à la fin de ce mémoire.
Voici un petit état des brachyopodes de notre grès vert,
considéré, seulement dans les Pyrénées proprement dites,
avec des descriptions succinctes pour ceux que j’ai été amené
à considérer comme nouveaux.
r
Etat des brachyopodes du grès vert.
Terebratula longella, Leym., PI. III, fig. 1, a, b, c et fig. 2. —
Le nom que nous donnons à cette espèce indique sa petite taille
et sa forme allongée. Elle est lisse, ovalaire, peu épaisse et
porte au front deux légers plis qui ne se prononcent bien que
chez les individus adultes. Valve dorsale sub-carénée ; valve
ventrale un peu bombée sous le crochet qui est court et percé
d’un trou rond de médiocre grandeur.
Longueur : 20 à 25 millim.; largeur: 14 à 16 millim. ; épaisseur :
8 millim.
Cette Térébratule, qui n’est pas sans offrir quelque analogie
(1) L’habitude où était Aie. d’Orbigny de figurer beaucoup d’espèces
avec des dimensions exagérées et la régularité mathématique et uniforme
qu’il donnait systématiquement à ses figures ont nui singulièrement à la
vérité des types qu’il a fait représenter, et il en résulte que le géologue qui
se sert de ces figures, en quelque sorte artificielles, pour déterminer certains
genres de fossiles, doit souvent être porté à des hésitations et à des erreurs.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 329
avec T. prœlonga, Sow., en diffère toutefois par sa taille qui est
moindre et par ses plis moins prononcés. Elle a été confondue
à tort avec T. pseudojurensis , Leym., du calcaire néocomien
de l’Aube. Il est vrai qu’elle ressemble à cette espèce par sa
taille et par sa forme allongée; mais ses contours sont diffé-
rents. Elle est plus ovalaire et son front n’est pas tronqué ou
digone comme celui de l’autre espèce, telle que nous l’avons
décrite et figurée.
On peut regarder cette Térébratule comme le fossile le plus
habituel et le plus caractéristique du faciès mixte de notre
grès vert. Elle est très-répandue à Vinport et dans le pays de
Foix où elle accompagne les petites Orbitolines (Saint-Sauveur,
Caralp, Pech-de-Foix).
Terebratula sella , Sow. — Cette espèce, qui est très-fréquente
à la Clape et dans quelques parties des Corbières, ne se montre
qu’assez rarement dans les Pyrénées proprement dites, et je
suis porté à croire que l’on a quelquefois cité sous ce nom des
Térébratules qui dépendent d’autres espèces.
M. Hébert l’a signalée à Vinport et au Pech-de-Foix, et
M. Magnan au nord de Saint-Girons, dans l’Ariége.
Terebratula Chloris, Coquand. — Cette Térébratule remarqua-
ble par sa forme toute spéciale et par son test lisse et comme
poli, se rapporte exactement à celle que M. Coquand a décrite
et figurée pl. XXII, fig. 3 à 5 de sa Monographie de l’étage aptien
d’Espagne. Celle-ci provenait des couches supérieures d’Obon
(Aragon); la nôtre se trouve rarement à la base nord du Pech-
de-Foix dans les couches à Orbitolines.
Terebratula tamarindus , Sow. — Cette jolie espèce, qui est
fréquente à la fontaine salée de Sougraigne (Corbières) se trouve
aussi à Bérenx, près Orthès, et à Vinport où elle est souvent
représentée par des individus jeunes de figure ovoïde.
Terebratula lentoidea , Leym. — Celle-ci, à contour tranchant
et orbicuîaire, est de la taille de la précédente, qu’elle accom-
pagne dans les localités citées. Elle pourrait bien n’être qu’une
variété de cette espèce où les protubérances latérales auraient
disparu.
Terebratula Dutempleana, d’Orb. — Nous rapportons à cette
espèce une grande et grosse Térébratule, ovalaire, lisse, que
nous avons extraite du calcaire à Caprotines d’Aubert, près
Saint-Girons, fossile qui nous paraît identique, malgré quel-
ques légères défectuosités, avec le grand individu figuré par
d’Orbigny dans la paléontologie française (T. crétacé), pl. 511,
330 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
fig. 1, 2, 3, et que cet auteur a cité comme provenant du
gault.
Longueur: 50 millim., largeur 40 millim., épaisseur 29 roillim.
Au premier aperçu, on lui trouve certains rapports avec
T. perovalis , Sow., espèce bajocienne qui en diffère par cer-
tains détails de forme, notamment parla valve ventrale qui est
plus bombée dans notre espèce.
Terebratella crassicosta , Leym., PI. III, fî g. 3, a, b ; fig. 4. —
Cette Térébratelle est une des espèces les plus importantes pour
notre grès vert. C’est un type spécial jusqu’à présent aux Pyré-
nées. Elle est à peu près de la taille de Terebratella Menardi et lui
ressemble pour la forme générale, surtout dans le jeune âge.
Ces espèces ont l’une et l’autre une longue area et une grande
ouverture; mais la Térébratelle pyrénéenne n’a pas, comme
celle du Mans, un sillon dorsal correspondant à un relèvement
de la valve ventrale. Le caractère distinctif essentiel de notre
espèce consiste dans ses grosses côtes, peu nombreuses, arron-
dies et grossièrement écailleuses, quelquefois même noduleu-
ses, irrégulièrement dichotomes, caractère qui se prononce de
plus en plus avec l’âge et qui nous avait suggéré le nom de
crassicosta avant que M. Hébert eût proposé celui de Delbosi.
Hauteur: 15 mUlim.; largeur, 18 millim.
L’épaisseur augmente avec l’âge par des accroissements
successifs, qui se manifestent par des rides au front des vieux
individus.
Rhynchonella aturica , Leym., PL III, fig. 5, a, b, c. — Grande
espèce, trigone, un peu transverse, peu épaisse, acuminée,
crochet ordinairement allongé et aigu. La base a la forme d’un
arc assez étendu dont la régularité n’est troublée que par une
légère déformation. Côtes saillantes, filiformes, nombreuses et
serrées. Valve ventrale convexe dans les individus bien conser-
vés, souvent aplatie par compression.
Hauteur: 25 millim.; largeur, 23 millim.; épaisseur, 15 millim.
Cette espèce est le principal type des Rhynchonelles du grès
vert de Vinport et de Foix. Les autres grandes espèces s’y rat-
tachent par des analogues. Les individus le mieux caractérisés
se trouvent à Vinport sur la rive gauche de l’Adour; d’où le
nom d 'aturica. R . aturica est assez souvent aplatie par com-
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
331
pression, auquel cas elle ressemble un peu à R. compressa ,
d’Orb., qui est à peu près delà même taille.
Rhynchonella regularis , Leym.,Pl.III, fig. 6, a, b. —Nous avons
hésité avant de créer cette espèce, qui ressemble à la précé-
dente en quelques points, notamment parla taille; mais il y a
aussi entre ces deux Rhynchonelles des différences assez mar-
quées qui nous ont déterminé à une séparation. Sa forme,
plus transverse, au lieu d’être trigone, est ovoïde transversa-
lement, et son crochet est relativement court; les côtés sont
gracieusement arrondis et le front est assez large et régulier.
La valve ventrale se relève modérément. Les plis sont assez
fins, ronds, serrés, uniformes. En somme, cette espèce est
gracieuse de forme et régulière dans toutes ses parties, et
mérite le nom que nous lui avons attribué.
Hauteur : 23 millim.; largeur, 29 à 30 millim. ; épaisseur, 14 raillim.
Elle est moins fréquente que R. aturica , avec laquelle on-
ia trouve dans les gîtes précédemment cités.
Rhyrichonella conforta, d’Orb.,Pl.HI, fig. 7, a, b. — Il ne peut
guère y avoir de doute sur l'identité de cette espèce cénoma-
nienne avec une de nos Rhynchonelles que l’on trouve assez fré-
quemment à Foix et à Yinport, en compagnie des grandes es-
pèces ci-dessus décrites et dont nous donnons la figure dans
notre planche. Elle est de moyenne taille, un peu trigone, assez
globuleuse, à peine transverse, et porte des plis assez gros.
C'est probablement cette Rhyncbonelle qui a été souvent citée
par M. de Yerneuil sous le nom de conforta dans le grès vert
d’Espagne.
Hauteur: 21 millim.; largeur, 22 milfira. ; épaisseur, 15 millim.
Rhynconhelia elegans , Sow. — Nous conservons ce nom pour
une Rhyncbonelle à petits plis réguliers, à front relevé, que d’Or-
bigny a réunie, suivant nous, à une ou deux autres espèces sous
le nom de laùa. La nôtre, que nous avons trouvée au nord du
Pech-de-Foix, dans la vallée de Lherm, et dont la place géo-
gnostique reste un peu incertaine, se rapporte exactement à la
figure 11, Pl. HT, que M. de Yerneuil a donnée dans le t. X du
Bulletin, 2e sér., pour une Rhyncbonelle provenant du calcaire
à Caprotines d’Espagne, qu’il a désignée sous le nom de lata.
Rhynchonella parvula, Leym., Pl. III, fig. 8, a, b, c; fig. 9. —
Petite espèce presque aussi haute que large, subtrigone, assez
déprimée; crochet aeuminé assez court, percé d’une ouverture
332
SEANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
ronde; contour circulaire à la base, avec une légère sinuosité
au front; plis fins et serrés.
Hauteur maximum, ’ 15 millim.; largeur, 14 à 15 millim.; épaisseur,
9 millim.
Elle ressemble pour la forme générale au jeune individu du
groupe des lata de d’Orbigny, représenté dans ses figures 15 et
16, dont elle diffère essentiellement par la taille qui est bien
moindre môme dans nos individus adultes qui sont d’ailleurs
moins allongés. Elle diffère encore plus de R. depressa , Sow.,
non-seulement par une taille moindre, mais encore par la fi-
nesse de ses plis et même par la forme générale.
Elle se trouve souvent dans le calcaire à Caprotines, sans
connexion avec les grandes espèces ci-dessus décrites, notam-
ment à Berenx et à Sainte-Suzanne, près Orthès, et dans le
pays deFoix à Yernajoul, Caralp, Cadarcet.
Rhynchonella Eudesi , Goquand, PI. III, fig. 10 a, b. — Nous
avons profité d’une petite place à la fin de notre planche de
brachiopodes du grès vert, pour figurer cette Rhynchonelle sé-
nonienne qui joue un rôle important dans notre craie propre-
ment dite, notamment dans le calcaire argileux d’Ausseing,
sous-jacent aux couches à Hemipneustes. Nous l’avions désignée
par le nom d’alata dans notre mémoire sur la craie de Gensac
et de Montléon ; mais il y a longtemps que nous avons reconnu
qu’elle devait constituer une espèce particulière que nous ap-
pelions subalata. Ce n’est que tout récemment que nous avons
appris de M. Coquand qu’il avait décrit et figuré la même
Rhynchonelle sous le nom d * Eudesi, dans son important travail
sur la région de Gonstantine où elle gît, comme dans la Haute-
Garonne, au sein d’une assise sénonienne. Elle est également
très-répandue au même niveau géognostique dans la Dordogne,
notamment à Périgueux. •
ESSAI D’UNE CLASSIFICATION DU TERRAIN CRÉTACÉ DES PYRÉNÉES.
Bien qu’il reste encore beaucoup à faire sur le terrain cré-
tacé des Pyrénées et que nous ne soyons pas encore en mesure
d’en donner une classification tout à fait générale, nous avons
pensé qu’il ne serait pas inutile, maintenant que nous avons à
peu près fixé les limites et les caractères de l’étage inférieur,
de faire connaître le point où nous en sommes sur cette partie
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 333
importante de la géologie pyrénéenne qui a été l’objet princi-
pal de nos études pendant un grand nombre d’années.
Tel est le but que nous avons cherché à atteindre en con-
struisant le petit tableau ci-après.
Le terrain crétacé pyrénéen s’y trouve divisé, conformément
aux idées de Dufrénoy, en deux grands étages, savoir : le grès
vert et la craie , ce dernier nom n’étant appliqué qu’à la craie
proprement dite, y compris la craie chloritée.
L’étage inférieur, qui se compose essentiellement deVurgo-
nien réuni à Y aptien, est cependant nuancé çà et là par des
fossiles du calcaire à Spatangues, du gaultetmême du cénoma-
nien. Il offre, dans toute l’étendue de la chaîne, à peu près les
mêmes caractères essentiels, dont le plus marqué consiste
dans la présence de plusieurs assises de calcaire à Dicérates,
Dufr., qui s’y dessine, principalement à l’extérieur, sous la
forme d’une crête saillante.
Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu, quant à présent, d’y
faire des subdivisions; mais nous y distinguons trois faciès,
savoir : 1° le calcaire à Dicérates proprement dit; 2° un faciès
souvent schisteux argilo-calcaire, caractérisé par une faune
principalement aptienne; 3° un faciès mixte offrant à la fois
plusieurs caractères des précédents, plus une nuance céno-
manienne.
La même uniformité n’existe pas pour la craie. Celle-ci se
montre à la base des montagnes sous deux formes différentes,
qui se partagent à peu près également la longueur de la chaîne,
de part et d’autre du plateau de Lannemezan. L’un de ces
faciès, le faciès occidental, se manifeste par un puissant étage
schistoïde qui, souvent, montre de nombreuses empreintes de
fucoïdes, dans lequel Userait difficile de faire des divisions et
qui appelle des études nouvelles très-attentives. — Dans l’autre
région, au contraire, la craie se compose d’assises fossilifères
qui ont été étüdiées avec soin et qui ont pu être rapportées aux
types connus, y compris le type danien , ce dernier y étant re-
présenté, d’une manière curieuse et inattendue, par l’étage
garumnien .
Il résulte de ces considérations que le tableau de classifica-
tion que nous soumettons aujourd’hui aux géologues, bien
qu’il comprenne réellement tout le terrain crétacé des Pyré-
nées, est particulièrement applicable, en ce qui concerne la
craie proprement dite, à la moitié occidentale de la chaîne où
ce terrain est admirablement représenté et caractérisé.
334 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
ESSAI D’UNE CLASSIFICATION DU TERRAIN CRÉTACÉ
DES PYRÉNÉES
Super-stratum : Calcaire à Miliolites (Éocène inférieur).
/
GARDMNIEN. .
SENONIEN
TURONIEN
FACIÈS LACUSTRE
(Ariége, Aude)
Argiles rutilantes avec poudin-
gues versicolores souvent fer-
rugineux, renfermant une ou
plusieurs assises de calcaire
compacte avec : Physa prisca ;
Lymnea Leymeriei, Bulimus
primævus.
Partie supérieure du groupe
d’Alet , d’Archiac ; Calcaire
infra-nummulitique de Mon-
tolieu (Aude).
CÉNOMANIEN. .
Craie.
FACIÈS FLUVIO-MARIN
(Haute-Garonne)
Horizon blanc à Operculines et
Piléoles (1).
Colonie marine: Micraster ter -
ccnsis ; Ananchytes ovata (var.
tercensis ) ; Hemiuster nasu-
tulus; Cyphosoma magnifîcum;
T ereb ratatina tenuistriuta; Na-
tica brevispira; Pleurotomaria
danica, etc. — • Sable jaune
d’Aurignac.
(= Calcaire lithographique avec si-
lex.
!= Aigiles bigarrées; sables, grès
et calcaire argileux.
Crocodiles et Tortues : Ostrea
Vemeuili; Cyrena garumnica;
Melanopsis Collatdina; Torna-
tella Baylei; Radiolites Ley-
meriei.
Calcaire jaunâtre de Séglan ,
près Aulon, avec Hippurites
radiosa.
— Calcaire nankin à Orbitolites d’Ausseing ; couches de Saint-Marcet,
Gensac, Monléon : Hemipneu^tes radiatus ; Nerita rugosa; Janira
striuio-costata ; Exogyra pyrenaica; Ostrea larva; Ostrea unci-
nella; T ht eide a radiata ; Orbitolites socialis ; 0. secans.
I— Grès à lignLes de T Ariége et de l’Aude (partie inférieure du groupe
d’Alet, d’Archiac).
= Couches argileuses inférieures, d’Ausseing, de Saint-Martory , de
Gensac : Ananchytes ovata (var. haute : tenui-tuberculata) ; Ostrea
vesicularis (var. spissa ) ; Rhynchonella. Eudesi (2), etc.
— Craie de Tercis et d’Orthès ; calcaires noirs du cirque de Gavarnie....
Partie du système à fucoïdes?
Calcaire à Hippurites et à polypiers de T Ariége, de l’Aude et des Hau-
tes et Basses-Pyrénées.
Assise à Micraster des bains de Rennes.
Couches à spongiaires et rudistes siliceux de Paillon, près St-Martory.
Partie du système à fucoïdes des Pyrénées-Occidentales.
Couches à Exogyra columba des Gorbières et de l’Ariége. — Couches à
Radiolites foliacea? de la Salz aux bains de Rennes.
Calcaire de Sare à Caprina adversa et Radiolites foliacea. = Calcaire à
Caprinelles d’Orthès.
(1) Nous appelons ainsi une coquille bivalve ayant le faciès d’une Réquiénie, dont la
grande valve a la forme d’un bonnet conoïde plissé, l’autre valve étant operculiforme.
^2) C’est cette espèce que nous avions d’abord rapportée à R. alata, Brong.
MÉMOIRE DS M. LEYMERIE.
OOD
Grès vert.
Assise supérieure arénacée : Conglomérats; brèches à grands et petits éléments, grès et
schistes terreax de la H au te -Garonne et de l’Ariége. Calca're à Dicératesde Miramont.
Partie du système à fucoïdes des Pyrénées -Occidentales.
ASSISE INFÉRIEURE.
FACIÈS URGONIEN.
Calcaire à Dicé'.ates pro-
prement dit : CaprotinaLoni-
dalei, Rhynchonella parvula ,
Cidaris pyrenaica, petites Or-
bitolines conoidea et discoi-
dea. Il forme des crêtes paral -
lèles dans presque toute la
longueur de la chaîne.
' — Calcaire à Ostrea ma -
croptera et à grandes^ Néri-
nées du pays de Fois.
FACIÈS APTIEN.
Gouches noires schistoïdes
argilo-calcaires de Sainte-Su-
zanne, Quillan, Saint-Paul de
Fenouillet : Exogyra sinuata;
Toxaster Collegnii ; Diadema
Malbosii, avec fossiles néoco-
miens et albiens accessoires.
— Assise noire sans fossiles
de la vallée d’Aspe.
— Calcaires noirs à An-
nulites, Serpules , Nérinées
courtes à faciès jurassique de
la Haute-Garonne , de l’A-
riége et des Hautes-Pyrénées.
FACIÈS MIXTE.
Calcaire à Caprotines et à
petites Orhitolines de Fois, de
Sainte-Suzanne, de Vinport,
caractérisé par une couleur
cénomanienne : Rhynchonella
aturica , R. conforta , Tere-
bratula longella; T. tama-
rindus ; Terebratula crassi-
costa ; Ostrea carinata et ma-
croptera ; Trigonia spinosa.
Suh-stratum : Dolomies fétides supra-liasiques.
— Lias et infra-lias.
A l'occasion de cette communication, M. Hébert croit
devoir faire observer que M. Leymerie avait, jusqu'à ces
dernières années, contesté l’existence du terrain néocomien
dans les Pyrénées. A la suite de la réunion extraordinaire de
Bayonne, en 1866 , M. Hébert a publié, dans le Bulletin , un
mémoire où il établissait l'étendue et les caractères de ce
terrain dans la région pyrénéenne. Le silence gardé par
M. Leymerie à l'égard de ce travail met M. Hébert dans la
nécessité de le rappeler au souvenir de la Société géolo-
gique.
M. Hébert ajoute qu’il n'admet pas le faciès mixte du grès
vert que M. Leymerie indique à Foix, à Sainte-Suzanne et
à Vinport. L'examen d'une série très-complète de fossiles
provenant de ces localités l'a convaincu qu'il n'y avait
aucun mélange de faunes, et que la succession normale
des assises n'y était troublée que par des failles.
M. Parran conteste les alternances signalées par M. Ley-
merie entre l'urgonien et l'aptien; il ne lui semble pas
possible que deux étages si distincts dans la Provence puis-
sent se confondre ailleurs.
338
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1888.
M. Hébert n'a pas vu, non plus, d’alternances de ce genre.
Il croit seulement que les grands groupes du terrain néo-
comien peuvent avoir les uns avec les autres beaucoup
d'espèces communes.
M. Alfred. Caillaux présente, de la part de M.Capellini,des
souvenirs d'un voyage scientifique dans l'Amérique septen-
trionale (v. la Liste des dons).
M. Caillaux donne ensuite lecture de la traduction sui-
vante qu'il a faite d'un résumé des travaux minéralogiques
de M. le professeur Bombicci.
Résumé des diverses publications de M. le professeur Luigi
Bombicci , sur la théorie des associations polygéniques,
appliquée à V étude et à la classification des minéraux; par
M. A. Caillaux.
Dès 1860, tout en s’occupant de la publication de son cours
de minéralogie, publication qui fut achevée en 1862, M. Bom-
bicci, cherchant à interpréter la composition des phosphates
et des arséniates hexagonaux, et isomorphes, représentée par
la formule générale
3 RO, M05 + fRCh,
tels quel'Apatite, la Piromorphite, laMimetèse et le Zuieselite,
émit l’idée que le chlorure métallique, avec coefficient inva-
riable, se trouvait associé à ces divers composés, de la même
manière que l’eau de cristallisation dans un grand nombre
d’autres composés (Cours de minéralogie, p. 486).
Ce fut la première manifestation positive, de la part de l’au-
teur, de l’idée de l’association polygénique, qufil développa
ultérieurement dans plusieurs publications spéciales.
M. Bombicci donne le nom d 'association polygénique à l’ag-
grégation mécanique de molécules chimiques différentes, avec
arrangement symétrique et équilibre réciproque, molécules
qui, en se groupant, conserveraient leur propre individualité ;
il en résulterait des particules physiques , aptes à se réunir,
sous forme de cristaux, de la même manière que les molé-
cules d’une seule substance minérale.
NOTE DE M. BOMBICCI.
337
Ainsi, les cristaux del’andalousite pure sont composés de mo-
lécules identiques de silicate d’alumine ; ceux de la wollasto-
nite pure sont formés de molécules identiques de silicate de
chaux; tandis que les cristaux d’anorthite sont formés par
l’agrégation de particules physiques, dont chacune est con-
stituée par l’association polygénique de n molécules de sili-
cate d’alumine du type andalousite, et n molécules de silicate
de chaux du type wollastonite, qui conservent leur individua-
lité propre.
Andalousite =
Si
VI
(Al2)
•r
03 = Wollastonite
ntt
Si2
IV
(Al2)
Ca
08 = Anorthite.
Si nous cherchons de nouveaux exemples, nous voyons que
l’anorthite se convertirait en labradorite par la seule addition
d’une molécule de silice dans l’arrangement mécanique qui lui
est propre, addition qui en modifiera légèrement les caractères;
et que n particules de labradorite se groupant avec n molécules
d’alhite produiront 2 n molécules d’oligoclase.
trr
Si2
VI
Ai
ir
Ga
ntt
-{- Si 0~
ftrt
Si3
VI
Al
n
Ca
U
010
Anorthite 4-Silice = Labradorite,
Labradorite
nn
Si3
Albite
VI
(Al2)
tt
Ga
rttr
Si6
VI
010 + (Al2)
Na2
016
ttrt
Si9
VI
Al2
tt
Ga
0 6 =
Oligoclase.
Na2
Soc. géol. , 2e série, tome XXVI.
22
338
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
L’association polygénique d’une molécule de péridot et de
trois d’andalousite, avec trois molécules d’acide borique de
cristallisation, engendre la tourmaline normale et ainsi de
suite.
Cette idée si simple et si naturelle en elle-même, une fois
acceptée, conduit, ainsi que nous allons le voir, à des résultats
de la plus grande importance.
Dans la première publication faite à ce sujet, se trouve
comprise l’étude de l’association polygénique pour les sulfures
métalliques.
Il résulte de cette étude, que la série des sulfures métalli-
ques est beaucoup plus simple et plus naturelle en réalité que
celle qui a été admise jusqu’à présent.
Que dans cette série on comprend seulement un petit nom-
bre de types fondamentaux, bien définis quant à leur compo-
sition et à leur forme; que les sulfures minéraux sont dus à
un arrangement réciproque et mécanique des molécules chi-
miques (qui conservent leur individualité) en particules physi-
ques, aptes à se grouper (et généralement groupées) en cristaux.
Enfin, que les sesquisulfures d’antimoine et d’arsenic peuvent
fonctionner dans les sulfures cristallisés, dits sulfures doubles ,
absolument comme s’ils enconstituaient l’eau de cristallisation;
ils varient, en effet, suivant des quantités bien définies et ra-
tionnelles, en même temps que varient les conditions dans
lesquelles se reproduisent les cristaux, ainsi que cela se passe
pour l’eau dse cristallisation dans les composés hydratés.
Jamésonite PôS + f S é2S?,
Piagionite P b S -f- - S b* c3,
Type galène -f- n Sè2S3(gaî. sulfurée antimoniée),
Zinkénite P b S -f- S b1 S3,
imésonite PèS -f- f S ZrS3,
i C /,2 ^3
Héteromorphite P b S-f- 1 8&2S3,
Boulangérite P& S -j-f $b~tf,
Géocronite P&S -f- j S b* Ss.
NOTE DE M. BOMBICCI.
339
Si Ton généralise ainsi pour le sulfure d’antimoine, pour ses
analogues et pour beaucoup d’autres composés (ainsi que nous
le voyons plus loin), l’action mécanique que l’eau de cristalli-
sation exerce dans la genèse des cristaux des corps auxquels
elle s’unit en les hydratant, on généralise un fait qui, jusqu’à
présent et sans véritable motif suffisant, a été uniquement ap-
pliqué à l’eau; on voit disparaître les difficultés qui, dans l’in-
terprétation rationnelle des sulfures doubles, proviennent des
différences atomistiques de l’antimoine et des autres radicaux
métalliques.
Les sulfures doubles sont considérés, relativement aux sul-
fures simples, de la même manière que les sels hydratés, rela-
tivement à leurs correspondants anhydres.
Enfin et surtout, si l’on applique au sulfure d’antimoine, etc.,
la loi connue depuis les découvertes de Mitscherlich, relative au
polymorphisme des sels susceptibles de s’hydrater par diver-
ses proportions d’eau suivant la température, on a l’explication
la plus naturelle du polymorphisme des différents sulfures an-
timonifères, dont le plus grand nombre ne diffèrent entre eux
dans leurs formules que par les différences dans les quantités
de molécules du sulfure.
Après avoir reconnu l’association polygénique entre les chlo-
rures et les phosphates, dans l’apatite, la pyromorphite, etc.,
après avoir cherché à en démontrer la réalité par le raisonne-
ment et par l’expérimentation dans le groupe le plus étendu
des sulfures minéraux, il restait à soumettre à ce nouveau
point de vue, et à concilier avec les nouvelles doctrines, le
groupe si vaste et si compliqué des silicates. — Ce travail a été
récemment terminé par l’auteur, et il faut l’avouer, avec une
facilité inattendue.
En effet, malgré l’importance de la question à traiter, malgré
la complication d’un très-grand nombre de formules, l’idée de
l’association polygénique favorisa tellement la synthèse natu-
relle des groupes et la démonstration du mécanisme molécu-
laire des composés, que non-seulement il fut possible de passer
rapidement en revue un grand nombre de silicates minéraux,
mais l’auteur put, en même temps, reconnaître des données
d’un très-grand intérêt pour l’étude des hydratations, des sub-
stitutions par isomorphisme f des pseudomorphoses des miné-
raux, et éclairant les rapports jusqu’à présent inconnus ou né-
gligés qui existent entre les diverses espèces minéralogiques
et les roches ou les gangues qui les renferment. 11 s’est ouvert
340
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
un champ d’étude vaste et nouveau pour la chronologie des
minéraux, et particulièrement pour le métamorphisme.
Avant de procéder au résumé méthodique du mémoire sur
les silicates minéraux considérés suivant la théorie de l’associa-
tion polygénique, il est nécessaire de dire que la publication
de ce mémoire avait été précédée par une autre beaucoup
moins étendue et renfermant le contenu d’une lettre que l’au-
teur adressait au professeur Daubrée. Une circonstance parti-
culière avait en effet appelé cette communication.
Dès le début des premières recherches générales sur les si-
licates, vers la moitié de 1867, l’auteur était inévitablement
conduit à cette conclusion : savoir que les silicates du type péri -
dot et du type pyroxène étaient les racines ou les souches de la série
entière des silicates. En un mot, le péridot et le pyroxène (celui-
ci peut directement dériver de celui-là) auraient engendré la
serpentine en se réunissant molécule à molécule;
. nu
Péridot \ ^
(R2
ri'r
" Si
04+ n
R
03 Pyroxène
Serpentine
n'i
Si2
tandis qu’en se groupant dans des proportions diverses ils
donnaient naissance aux chlorites.
Ensuite, à mesure que l’oxyde et le silicate d’alumine se
formaient, et avec leur concours, les mêmes minéraux susdits
ils auraient produit les types feldspathiques et les zéolithes qui
s’y rapportent. En d’autres termes, le péridot et le pyroxène
représenteraient les résultats directs des premières réactions chi-
miques silicatées dans la croûte terrestre, et ils composeraient
la première pellicule scoriacée qui s’y est formée.
Le type pyroxène serait dérivé du péridot grâce à l’action
oxydante de l’eau, particulièrement sur le fer et sur le ma-
gnésium qu’il contient, et sous l’influence probable d’une
haute température : ce qui explique encore l’union très-fré-
quente des oxydes de fer avec les serpentines et de l’oxyde hy-
draté de magnésie dans les ophiolites ferrifères du Texas, etc.
Ce fut au moment où ces études se complétaient que l’auteur
eut connaissance de l’important mémoire deM. Daubrée, dans
lequel ce savant géologue, après avoir décrit ses exnériences
' f • i '. ' ‘ . . • • .1
NOTE DE M. BOMBICCI.
341
sur les météorites, démontrait les rapports existant entre ces
derniers et certaines serpentines, la possibilité de convertir
artificiellement les uns dans les autres, et déduisait de ses étu-
des que le péridot doit avoir été le silicate dominant et carac-
téristique de la première pellicule scoriacée de la croûte du
globe ; que le pyroxène doit avoir succédé au péridot, précé-
dant à son tour les silicates alumineux ; que pour cette raison
les serpentines doivent avoir précédé les granités, et ainsi de
suite.
De sorte que l’on arrivait, pour ainsi dire, aux mêmes con-
séquences, soit par les belles études expérimentales de M. Dau-
brée, soit par l’appli cation, à l’étude des silicates minéraux, de
la nouvelle théorie sur leur composition moléculaire.
Afin de ne pas rendre trop long le présent compte rendu,
nous nous bornerons à exposer les conclusions les plus impor-
tantes relatives à l’étude générale des silicates minéraux, dans
le même ordre où elles se trouvent dans le livre qui les ren-
ferme. Les formules des silicates, prises en considération et,
pour ainsi dire, comme termes de comparaison avec les formu-
les proposées, sont celles de M» Weltzien, publiées, de-
puis 1864, dans un ouvrage intitulé Systematische Uebersicht
der Silicate , dont l’auteur signale quelques-uns des passages
les plus remarquables et les plus caractéristiques.
1° La théorie des associations polygéniques, appliquée à
l’étude et au classement des silicates et des minéraux en géné-
ral, ne change pas essentiellement le caractère des familles , des tri-
bus, des genres ; elle se conforme, au contraire, avec les classifi-
cations actuelles adoptées par les auteurs les plus modernes et
les plus éminents.
2° Cette théorie n’altère en aucune manière les lois fonda-
mentales et la philosophie actuelle de la chimie générale.
Elle présente sous un nouveau jour les formules des composés
de nature complexe et se substitue aux autres interprétations
vagues et bornées de leur mécanisme moléculaire.
3° Elle sous-entend la distinction à établir entre les réactions
chimiques proprement dites, et les solutions, les hydratations,
les alliages, etc., mais dans le sens unique suivant : que la
réaction chimique a lieu entre des atomes de molécules qui,
par cela même, sont modifiées et renouvelées intimement
dans leur nature et dans leurs propriétés; tandis que la
solution, l’hydratation, et dans beaucoup de cas, les alliages se
produisent par le rapprochement mécanique et l’équilibre de
342
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
molécules déjà constituées, qui persistent dans leurs qualités et
conservent leurs propriétés caractéristiques ; une chaleur rela-
tivement élevée se manifeste toujours dans la vraie réaction
chimique ; cette chaleur semble directement proportionnelle
aux carrés des vitesses avec lesquelles les atomes se rappro-
chent, et nous représente ainsi la transformation de leur mou-
vement initial; au contraire, il ne se développe qu’une chaleur
relativement faible dans l’acte de la solution, due au frottement
des molécules qui prennent un nouvel arrangement dans les
particules physiques qui se forment de nouveau, et, en géné-
ral, on signale plutôt un signe négatif pour cette chaleur,
c’est-à-dire un abaissement sensible de température par la
transformation en mouvement du calorique spécifique des
substances en action.
La réaction chimique s'effectue nécessairement et éternelle-
ment suivant des proportions définies, tandis que les dissolu-
tions, les alliages, les hydratations (en un mot, les associations
polygéniques dans leurs différentes manifestations) , s’effectuent
suivant des proportions indéterminées, ou définies seulement
entre des limites généralement éloignées, variables avec les
variations de la température, de la pression, et d’autres cir-
constances extérieures, par la simple raison que la molécule y
reste dans son même état, et il n’y a de modification que dans
la masse seule dont cette molécule est l’élément matériel.
Ceci ne veut pas dire que les [phénomènes de la réaction
chimique, aussi bien que ceux de la dissolution, n’aient pas éga-
lement leur raison moins connue et première dans le ^mouve-
ment et dans le dynamisme; mais ils sont d’ordre différent, en
ce que, dans un cas, la molécule, ou la véritable individualité
chimique , s’altère et se modifie et, [[[dans l’autre, cette molé-
cule reste intacte (1).
4° Les silicates minéraux complexes dérivent de l’association
(1) L’auteur cherche à démontrer ici toute la généralité de la loi de Ma-
riotte, relative au rapport entre les volumes des gaz et les pressions [aux-
quelles ces gaz sont soumis, en attribuant les exceptions que présentent les
gaz facilement compressibles et qui firent considérer cette loi^comme limite,
au simple fait de sur-liquéfaction , tout à fait comparable aux surfu-
sions, etc. (V. Considerazioni sugli pseudostereismi dei corpi colloidi, sui
cambiamenti di stato, etc., que l’auteur a exposées dans le Mémoire [déjà
cité sur les sulfures, et dans la même publication sur les silicates dont il est
question ici.)
NOTE DE M. BOMBICCÏ.
343
mécanique de silicates relativement plus simples; et cette in-
terprétation de leur origine s’accorde pleinement et avec avan-
tage, soit avec leurs propriétés physiques, soit avec les conditions de
leur gisement , avec la composition minéralogique des roches qui les
renferment , et avec le mode et le temps de leur formation.
5° La substitution des corps isomorphes est un fait qui ressort
spécialement de l’association polygénique ; en effet, si la substi-
tution par isomorphisme était dépendante d’une réaction
chimique, si elle se rapportait aux atomes élémentaires, on ne
pourrait pas concevoir la grande variabilité de proportions
dans les corps qui se substituent, variabilité que l’on a consi-
dérée comme un des caractères de l’isomorphisme dans le
règne minéral. Si, au contraire, l’isomorphisme et les substi-
tutions qui en dépendent consistent dans l’association méca-
nique de parcelles semblables quant à la forme et au type de
composition, différentes seulement par le radical qu’elles
renferment, on comprend parfaitement la variabilité dans les
proportions réciproques des différentes parcelles aptes à en-
gendrer un cristal ou une masse cristalline. Ces parcelles
jouissent des mêmes aptitudes, dans le sens mécanique et cris-
tallogénique, parce qu’elles sont identiquement construites,
bien que les radicaux métalliques des unes ou des autres soient
différents.
Nous allons en donner un exemple.
Plusieurs pyroxènes contiennent parmi leurs radicaux, dans
leurs cristaux, du magnésium, du fer et du manganèse.
La formule jusqu’ici adoptée pour ces variétés,
rtrt
Si
r tr tt
(mn fe mg)
ne saurait avoir qu’une signification purement conventionnelle,
car le magnésium, le fer et le manganèse, bien que jugés iso-
morphes, ne peuvent se trouver tous ensemble unis avec un
atome de silicium et3 d’oxygène, sans varier dansleurs propor-
tions relatives jusqu’à la disparition de l’un ou de l’autre, même
lorsque l’on voudrait admettre l’hypothèse arbitraire et contre
nature de la neutralisation partielle de leur atomicité. Au con-
traire, et par un fait exlrêmement simple, les molécules du
pyroxène pur de fer, celles du pyroxène pur de magnésie,
celles du pyroxène pur de manganèse peuvent s’agréger et se
grouper en une même masse crisfalline ou en un cristal,
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
parce qu’ils sont semblables et isomorphes; les unes peuvent
dominer les autres sans aucune proportion déterminée, parce
qu’elles sont toutes identiques relativement à la fonction mécani-
que de la cristallisation. C’est tout au plus, si l’on verra changer
quelque caractère extérieur du minéral cristallisé, comme 1a.
couleur, le degré de transparence ou d’homogénéité. Ceci est
confirmé par l’observation pratique, caron voit des cristaux de
pyroxène qui, comme beaucoup d’autres, varient dans leur
couleur, la limpidité qui s’efface graduellement, ou brusque-
ment de la base au sommet, de l’axe à la périphérie.
La véritable formule du pyroxène de magnésium, fer et
manganèse sera donc la suivante :
Si
Mg
+ "
Si
&
Mn
dans laquelle les coefficients m, n, p, exprimeront la propor-
tion réellement variable dans des limites indéterminées, pro-
portion qui .existe, par exemple, dans le pyroxène bustamite,
entre les molécules isomorphes des pyroxènes de type wollas-
tonite, de type grunerite et de type rodonite.
6° L’idée de l’association polygénique peut faire reconnaître
si l’eau contenue dans un composé donné, comme un silicate,
par exemple, s’y trouve à l’état de combinaison chimique, ou à
l’état de simple association. Et en effet, l’idée d’admettre que
les silicates composés dérivent de l’équilibre mécanique des
parcelles ou des molécules de silicates plus simples, nous
permettra de reconnaître quels sont ceux de ces silicates sim-
ples qui concourent à former le silicate composé hydraté sou-
mis à l’examen. S’il ne reste libre aucune molécule de silice,
l’eau sera de cristallisation ; mais si, au contraire, nous avons
de la silice libre en plus de celle qui sera nécessaire à la con-
stitution des molécules de chacun des silicates élémentaires,
nous pourrons la regarder comme silice hydratée, du type
opale, et l’eau lui sera chimiquement combinée. L’auteur donne
des exemples nombreux à l’appui de cette importante obser-
vation.
7° Dans les silicates minéraux, les substances qui, le plus
souvent, fonctionnent comme éléments de cristallisation, sont
l’eau et la silice. Celles-ci peuvent souvent être accompagnées
ou remplacées par d’autres. Ainsi , nous voyons l’alumine
et ses hydrates; la magnésie, la zirconie, certains titanates,
NOTE DE M. BOMBICCI.
345
quelques chlorures, fluorures, etc., et particulièrement l’acide
borique, se réunir en équilibre mécanique, cristallogénique à
des groupes moléculaires d’espèces bien définies.
De cette manière, on interprète simplement et rationnelle-
ment la composition des silicotitanates, silicotantalates, des
fluosilicates et des borosilicates. Ces diverses substances
peuvent quelquefois, en s’associant polygéniquement, et en
entrant dans la composition des cristaux, maintenir la forme
que ceux-ci auraient prise s’ils s’étaient produits sans leur in-
tervention.
Ainsi, par exemple, la leucite maintient la forme monomé-
trique, bien que dans sa propre cristallisation intervienne une
molécule de sulfate de chaux et d’alumine pour former la
haüyne ou une molécule de népheline et deux de chlorure de
sodium, formant ainsi la sodalite, etc.
On a de remarquables exemples de ce fait dans les si nom-
breuses variétés de tourmalines, qui ont donné lieu, à cause
des différents résultats de leurs analyses, à des formules aussi
nombreuses que variées. La composition de la tourmaline étant
interprétée dans le sens de l’association polygénique, on re-
connaît facilement que toutes ses variétés se rapportent à un
seul type, donné par la réunion d’une molécule pyroxénique,
avec trois molécules de silicate d’alumine et trois d’acide bo-
rique de cristallisation, acide borique non indispensable h
l’existence de l’espèce.
Ce type dont la formule est
Si4
VI
(Al2)3
rr
R2
s’adjoignant de nouvelles molécules, tantôt de silicate d’alu-
mine, tantôt d’orthose, de spinelle, même de grenat et de lé-
pidolite, produit toutes les autres variétés connues, tout en
gardant ses caractères cristallographiques, sa double hémié-
drie, son aspect extérieur et ses propriétés physiques.
On peut encore regarder comme fait assez général que, lors-
qu’un groupe moléculaire jouit d’une grande aptitude pour la
cristallisation, il conserve sa forme et la plupart de ses propriétés
physiques , malgré l’union polygénique de plusieurs différentes molé-
cules ou particules physiques. (Ex. leucite et dérivés ; cordiérite
et dérivés, pyroxènes et amphiboles, épidote, etc.)
n tu r
019+3B203,
346
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
Pourtant quand, dans les silicates, on trouve de la silice
associée pour ainsi dire comme élément de cristallisation, ou
de complément de la parcelle cristalline, ces silicates sont
généralement plus altérables et plus altérés que ceux qui n’en
possèdent pas. (Ex : silicates magnésiens, pectolites, orthocla-
ses, labradorites, etc.).
8° Une dernière considération générale précède cette partie
de l’ouvrage qui considère les silicates, et en discute les diver-
ses formules, pour en déduire le mécanisme moléculaire poly-
génique et les classes. Cette considération se rapporte à la
véritable cause des pseudomorpboses des espèces minérales,
c’est-à-dire, en général, des altérations chimiques que présen-
tent certaines substances cristallisées, dans lesquelles persiste
la forme cristalline préexistante. Toujours, en partant du point
de vue de l’association polygénique, cette cause peut se retrou-
ver dans la différence d'altérabilité chimique des diverses mo-
lécules qui composent un minéral complexe et cristallisé. En
effet, si les molécules de l’une des différentes substances
associées entre elles mécaniquement sont plus susceptibles
que les autres de ressentir l’influence des agents extérieurs,
ainsi que cela doit arriver dans beaucoup de cas, toutes les fois
que les agents extérieurs exerceront leur action, les molécules
de cette substance se désagrégeront, elles cesseront de faire
partie de l’équilibre général déjà existant, et pourront être
éliminées par action chimique ou mécanique; le minéral chan-
gera de nature, mais la forme extérieure de sa masse et de ses
cristaux pourra facilement se maintenir et se conserver.
La pseudomorphose vient ainsi à être considérée comme
une véritable dissociation moléculaire qui, présentant un
fait inverse à l’association polygénique, concourt toutefois à la
confirmer. Au milieu de nombreux exemples, on peut citer,
comme le plus simple, celui de la pseudomorphose de la
gehlenite dont on a constaté l’identité de forme avec l’idocrase,
sans que rationnellement il fût possible de prévoir qu’il y avait
là une pseudomorphose de ce minéral. La gehlenite n’est pas
autre chose que l’idocrase qui , dans des circonstances parti-
culières ( molto localizzate ), a perdu une molécule de silice.
Résumant rapidement la classification des silicates modifiée,
telle qu’elle est représentée dans un tableau subséquent et que
l’auteur met dans la plus grande évidence dans ses publica-
tions, par le moyen de grands tableaux synoptiques très-dé-
taillés, placés avant l’étude de chaque espèce, nous trouvons,
NOTE DE M. BOMBICCI. 347
avant toute chose , que la racine ou la hase théorique de la
série entière est Yacide silicique neutre normal
rr
04,
dans laquelle se substituant
Mg2, Fe2, Ca2, etc,
et plus rarement
Ce2, Y2, La2, etc.
on a le type péridotique, c’est-à-dire le résultat le plus grand et
le plus caractéristique des réactions ignées qui ont formé la
première pellicule scoriacée de la terre. Le péridot, sous l’in-
fluence de l’eau qui s’exerça vraisemblablement à une haute
température et sous une forte pression, donna lieu à la forma-
tion des types pyroxéniques.
L’association molécule à molécule de ces deux types en-
gendra facilement la riche série des serpentines et de toutes
leurs variétés, par la fréquente adjonction de silice, de ma-
gnésie, d’oxyde de fer, etc.
L’aluminium s’étant oxydé, commencèrent les associations
des types péridot, pyroxène et serpentine avec les molécules
des silicates d’aluminium, et se formèrent alors les chlorites,
les micas, les grenats, les feldspaths, etc., dont les groupes mo-
léculaires, souvent anhydres, souvent hydratés, partant d’une
condition relativement simple, telle qu’on peut l’observer dans
la ripidolite, la biotite, le grena t, la wernerite, l’orthose et l’al-
bite, etc., passentpour ainsi dire graduellement à des types plus
compliqués. Ces types offrent dans la théorie des polysilicates une
complication extraordinaire, anormale, souvent excessive. Au
contraire, en se rapportant au point de vue de l’association
polygénique, on reconnaît qu’ils sont dus à un mécanisme
d’une simplicité surprenante. Aussi nous paraît-il utile de re-
produire ici l’un des derniers paragraphes des considérations
générales, que l’auteur met en tête de la partie appliquée de
son travail.
« Le savant minéralogiste Des Cloizeaux, dit-il, a souvent
préféré transcrire la composition centésimale des silicates,
en les décrivant dans un excellent manuel de minéralogie,
1862, et dans la première partie, plutôt que de se contraindre
348
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
à exposer des formules d’une valeur très-incertaine, et qui ne
méritaient qu’une confiance très-bornée; et cela malgré tant
d’analyses, après tant d’études , pendant que tant d’éminents
chimistes faisaient les plus grands efforts pour discerner la
cause première de la divergence de ces analyses, de ia variété
dans la composition des espèces, en un mot, pour découvrir
la loi générale qui gouverne les composés chimiques de la
croûte du globe.
Devra-t-on conclure que cette loi générale n’existe pas?
Que les 360 espèces de silicates appartiennent réellement à
180 types chimiques, c’est-à-dire deux espèces seulement pour
chaque type (en moyenne), tandis que nous avons remar-
qué qu’environ 140 de ces types comprennent une espèce
seule? Devra-t-on conclure que, par conséquent, la nature,
toujours merveilleuse dans la généralité , la constance et la
simplicité de ses lois, dans quelque ordre que ce soit de la
création, organiques ou inorganiques, positives ou abstraites,
a failli à elle-même dans la production des vrais minéraux,
tandis qu’elle a laissé surprendre quelques-unes de ces lois
pour les produits dits de laboratoire ?
Non, certainement! Une loi générale doit exister, et j’ose
espérer que la théorie des associations polygéniques sera un
pas non indifférent vers sa découverte complète et sa juste
définition.
Suit la classification des silicates, nouvellement modifiée :
Silicates
TABLEAU GÉNÉRAL
Péridots
Andalousites. . .
Pyroxènes
Serpentines. . . .
Ghlorites et Mi-
cas. . ,
Grenats
Feldspaths et
Zéolithes ....
Enstatites,
Apophy lûtes.
Pyroxènes.
Spodumènes.
Axinites.
Talcs.
Stéatites.
Ripidolites.
Delessites.
Meroxènes.
Margarites.
Grenats.
Wernerites.
Allanites.
Epidotes.
avec radicaux bi-
atomiques domin.
avec radie. mowo-
atomiques domin.
NOTE DE M. BOMBICCI.
349
Les péridots proprement dits et les gadolinites étant, pour
ainsi dire, identifiés pour ce qui regarde leur typede compo-
sition, leur mécanisme moléculaire et la forme cristalline, on
trouve que l’ilvaïte inscrite jusqu’ici dans le groupe des anda-
lousites, dans les classifications méthodiques, appartient au
groupe péridotique, soit par la construction de sa formule , soit
par ses caractères cristallographiques. — L’ilvaïte est un véri-
table peridot ferrifère, analogue aux autres péridots, à autres
radicaux, par la forme, par le rapport atomique et souvent par
le mode de gisement.
Le péridot, prenant la magnésie pure, comme dans d’autres
cas il prend l’eau, produit lachondrodite. — Il convient de rap-
peler que cette chondrodite se retrouve habituellement dans
les laves préhistoriques, riches de péridot, contiguës à celles
qui renferment la périclase, ou la magnésie pure et cristalline.
Les associations moléculaires des aluminates monométri-
ques ou spinellides (spinelle, pleonaste, magnésite, etc., tous
octaèdres et isomorphes) avec les silicates, qui se sont déjà
manifestées dans la discussion des formules et des caractères
cristallographiques de certains minéraux, ont été considérées
comme réelles , seulement lorsque l’examen des roches ou
gangues du gisement a confirmé la présence de ces spinel-
lides, en même temps que celle des silicates en question. Ce
fait étant constaté et étant reconnu tout à fait vraisemblable,
que, de même que pour d’autres composés du premier système,
les aluminates octaédriques puissent faire partie d’un édifice
moléculaire cristallin , grâces à la contiguïté des molécules en
voie de formation, on obtient immédiatement la plus utile
interprétation de la formule des diverses xantopyhllites, de la
saffirine, de la vermicolite, de certaines variétés de tourma-
line, etc.
La silicatisation des péridots, avec l’altération de leur struc-
ture cristalline qui devenait amorphe toutes les fois que les
masses péridotiques venaient à être désagrégées, ou empâtées,
ou scagliose (écailleuse), avec surfaces lisses , et par suite de
mouvements locaux et variables, transformant les péridots
en un grand nombre de variétés de stéatites, avec tous les
différents degrés de leur hydratation.
Le type pyroxène varie de deux manières , de même que
beaucoup d’autres, par la variation, dans les cristaux de ce type,
de la proportion numérique entre les molécules pyroxéniques,
différents par leur radical métallique. Dans ce cas, l’analyse
3o0
SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868.
d’un cristal donne la formule complète du pyroxène propre-
ment dit; mais on voit dominer, tantôt le fer, tantôt la magné-
sie, la chaux ou le manganèse, sans aucun rapport rationnel
entre les radicaux dominants et ceux qui leur sont subordonnés.
Bien souvent les diverses parties d’un même cristal montrent,
en ce sens, de notables différences dans les résultats des ana-
lyses, et ceci est tout d’abord indiqué par le polychromisme,
comme celui du diopside et de l’Hédembergite.
En second lieu, le type pyroxène varie par l’association avec
ses molécules d’autres molécules ou groupes moléculaires, qui
entrent en fonction mécanique dans la parcelle physique com-
plète, ou vont simplement faire partie de la disposition cristal-
logénique. Dans ce cas, la formule brute (bruta)des composés
ne répond plus au type pyroxénique qui, pourtant, se laisse en-
trevoir, quelque latent ou masqué qu’il puisse être. On peut citer
comme exemples la leucophane ou melinopbane (type pyroxé-
nique et fluorure de sodium), la wohlerite (type pyroxénique et
zirconie), la pectolite (type pyroxénique avec silice hydratée),
l’augite (type pyroxénique et alumine), etc.
Dans ces substances, la nature pyroxénique se révèle par le
rapprochement dans les valeurs des angles entre leurs formes
primitives et celles des pyroxènes fondamentaux.
Nous avons déjà vu qu’en associant au type pyroxénique un
égal nombre de molécules du type péridotique, on constituait
les serpentines, avec toutes leurs nombreuses variétés, généra-
lement amorphes et hydratées.
La formule de l’axinite se rattache facilement au type pyro-
xénique, en y considérant l’acide borique comme élément de
cristallisation, et de cette manière s’explique la cristallisation
assymétrique, la pyroélectricité et les autres propriétés phy-
siques qui rapprochent ce minéral des borates et borosilicates.
La composition polygénique de l’axinite est alors représentée
par six molécules de pyroxène de calcium, associées à deux
molécules du type andalousite.
Les principaux chlorites et les micas dérivent de la modifi-
cation, par association polygénique, de trois espèces fonda-
mentales , ripidolite , delessite et meroxène. — La première
concourt à former le clinocblore, la thuringite et la sismon-
dine; la seconde, la calcodite, la rodofillite, l’ottrelite et l’épi-
cblorite; la troisième, entre essentiellement dans la consti-
tution moléculaire des biotites, de la muscovite et des micas
liihinifôres ou lépidolites.
NOTE DE M. BOMBICCI.
m
En général, le type du péridot et celui de l’àndalousite sont
les composants primaires des molécules du type chlorite. Les
micas pourraient nous représenter autant de chlorites anhydres •
ou déshydratés ; les associations polygéniques de nouvelles
parcelles de silicates d’alumine ou d’alumine pure, de silice
ou d’eau etc., donnant lieu à des modifications plus ou moins
importantes dans leurs dispositions cristallines, rendent compte
de chaque variation dans la structure et dans les phénomènes
optiques de ces espèces minérales et de beaucoup d’autres.
On a encore vu que la tourmaline était une simple tri-anda-
lousite, péridotifère , avec acide borique de cristallisation,
apte à s’associer avec les molécules de divers autres types
(silice, orthose, spinelle, lepidolite etc.), et à engendrer un
grand nombre de variétés.
M molécules de péridot, N molécules d’alumine ou du type
andalousite et, dans des cas assez rares, quelque molécule
de silice, donnent lieu, en s’associant polygéniquement, ■'à tous
les types principaux monométriques, dimétriques, trimétri-
ques et monocliniques du groupe nombreux des grenats. Le
grenat proprement dit, monométrique, peut se constituer de
bien des manières, suivant que varient les conditions de son
origine et de son gisement. L’idocrase, souvent isomère avec
le grenat, donne un exemple de dimorphisme. — La gehlenite
est un idocrase qui a perdu une molécule de silice.
Le type grenat, par la simple association avec une molécule
d’alumine, variant d’autre part dans sa forme et dans sa cris-
tallisation, donne lieu aux épidotes et aux allanites biréfrin-
gentes, qui sont isomorphes avec les précédents.
Enfin, les feldspaths (et par suite les zéolites, qui ne sont
autres que les résultats de leur hydratation, et suivent les chan-
gements de structure et de cristallisation qui en sont les con-
séquences) ont leur base dans l’anorthite produite elle-même
par l’union de n molécules du type pyroxénique (avec radicaux
terreux et alcalins) et n molécules du type andalousite. Le
type de l’anorthite, en se modifiant par la substitution dans le
propre élément pyroxénique, de molécules alcalines aux ter-
reuses, passe par une progressive silicatisation aux types de la
labradorite, de la leucite, de l’orthose et de l’albite, de la
jalophane, de l’oligoclase et de la cordiérite. Il est intéressant
de voir une fois expliquées, grâces à la nouvelle théorie, les
passages de l’anorthite à la labradorite, de la labradorite à l’oli-
goclase etc. Il devient facile de comprendre certaines transi-
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
tiens, certains métamorphismes, des roches laviques aux
roches feldspathiques, aux ophiolites , de certaines euphoti-
des entre elles, et avec d’autres à base de saussurite.
Nous rappelerons rapidement que de la leucite dérivent,
comme d’une souche, avec forme cristalline permanente,
l’haüyne, le lapis-lazuli, la sodalite, remarquables par l’asso-
ciation polygénique entre leurs molécules et celles de sulfates
alumineux et alcalins.
Le Pollux, toujours uni au Castor , dans le granité tourmali-
nifère de l’Elbe, serait le Castor lui-même avec l’association
de trois molécules au type andalousite (les deux minéraux se
trouvent au milieu de masses feldspathiques, lithinifères, très-
altérées en kaolinites), plus deux molécules d’eau de cristal-
lisation.
M. Louis Lartet met sous les yeux de la Société, de la
part de M. J. Hall, deux photographies relatives à la décou-
verte, en Amérique, d’un Mastodonte gigantesque.
Séance du 21 décembre 1868.
PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres delà Société:
MM.
Hératjd (le docteur), professeur à l’école de médecine na-
vale, boulevard Napoléon, 15, h Toulon (Var); présenté par
MM. Hébert et de Limur.
Joubert (le docteur), membre de Pexpédition du Mé-
Eong, rue Jacob, 12, à Paris; présenté par MM. Hébert et
Louis Lartet.
Le Président annonce ensuite trois présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Albert Gaudry, Cours annexe de paléontolo-
> NOTE DE M. FABRE. 353
gie. — Leçon d'ouverture ; in-8, 20 p.; Paris, 1868; chez
Germer-Baillière.
De la part de M. Dollfus-Ausset, Vigie nationale. — In-
struction populaire en Europe; 1867; in-18, 24 pages; Mul-
house, 1868; chez L. L. Bader.
M. Hébert présente de la part de M. Georges Fabre, la
note suivante :
Note sur la base de V oolithe inférieure dans les environs de Nancy ;
par M. G. Fabre.
Cette note a pour but de montrer quelles sont les couches
qui commencent l’oolithe inférieure dansles environs de Nancy,
de préciser la position du calcaire à fucoïdesdéjà indiqué dans
cette partie de la France par M. Dumortier (1) et de faire con-
naître en outre deux localités de l’Alsace où l’on constate la
présence du même niveau de fucoïdes. On sait que le lias su-
périeur se termine dans la Meurthe par une couche puissante
d’hydroxyde de fer oolithique, exploitée par galeries; mais les
assises qui surmontent ce minerai ne sont jamais mises à nu
dans les exploitations et sont généralement masquées par les
éboulis. On peut cependant les observer en place dans l’an-
cienne minière de Chavigny et surtout dans la coupe dont nous
allons donner le détail. Elle a été prise dans les bois de Cham-
pigneulles, à 400 mètres environ à gauche de la route impé-
riale de Nancy à Metz, un peu avant d’arriver au pont biais
du chemin de fer sur le canal. L’escarpement formé par les
couches se voit parfaitement du bas de la côte, et il est dû à un
énorme glissement qui s’est produit lors de la construction du
chemin de fer.
(1) Bull. 3 2e série, t. XX, 1862, p. 113.
Soc. géol 2e série, tome XXVI,
1
1
Z
4
5
6—
7
8
9
10
11
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14
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868
Échelle de 0m501 pour lm,00.
5
NOTE DE M. FABRE. 355
On a dans cet escarpement de haut en bas:
1. Calcaire dur, d’un jaune d’ocre foncé, à cassure spathique, avec
facettes miroitantes, et oolithes ferrugineuses très-petites (J).
— Les bancs sont régulièrement stratifiés, séparés par de
minces lits de marne brune, et ne contiennent que de très-ra-
res fossiles, empâtés dans la roche. Épaisseur visible. ...... 4m
2. Calcaire jaune clair, très-dur, à cassure spathique et à facettes
miroitantes. Cette couche est remplie de Pecten personaius ,
Goldf., et contient en outre accidentellement Belemnites a b-
breviatus , Mill., et Ostrea sublobata, Desh. (2) 0.20
3. Calcaire brun, à cassure terreuse, et âpre au toucher; sans
fossiles 0.30
4. Calcaire terreux, brun, se divisant en plaquettes couvertes d’em-
preintes de fucoïdes ( Zoophycos scoparius, Thioll., sp.). Il ne
contient pas d'autres fossiles o . 4 0
5. Calcaire jaune, très-dur, restant en saillie sur l’escarpement,;
cassure miroitante avec une multitude de petites oolithes fer-
rugineuses. Rares fossiles empâtés, parmi lesquels on peut re-
connaître cependant O. sublobata, Desh 0.50
6. Marne grise avec galets roulés de calcaire couverts de Serpules.
Avec les galets sont mélangés des moules très-roulés de grosses
Pholadomyes. — La partie supérieure de la couche est irré-
gulière et ravinée, et le calcaire superposé s’est moulé dans
les cavités 0.05
7. Marne un peu micacée, brune, devenant, par places, rouge par la
présence des oolithes ferrugineuses. Pas de fossiles 0.40*
8. Calcaire gréseux, assez dur, pétri d’oolithes ferrugineuses. Pas de
fossiles * 0.60
9. Marne grise avec moules roulés de coquilles bivalves et galets cal-
caires, couverts de Serpules, criblés de trous de lithophages,
et portant encore des Huîtres adhérentes à leur surface. —
Cette couche mince devient par places très -ferrugineuse ; le fer
s’y trouve à l’état de nodules roulés d’hydroxyde 0.10
(1) Pour me conformer à l’usage reçu, je nomme oolithes les grains d’hy-
droxyde de fer qui se trouvent dans cette roche et dans toutes les suivan-
tes, bien que leur structure soit complètement différente de celle des vérita-
bles oolithes ferrugineuses. Ce sont, au contraire, de petits grains fins, polis,
semblables à ceux de la poudre à canon, et ne présentant jamais les enve-
loppes concentriques qui constituent, à proprement parler, l’oolithe ; aussi
la roche qui les contient offre-t-elle de grands rapports avec les roches syn-
chroniques du Wurtemberg (étage p du Jura Brun de Quenstedt).
(2) C’est YOstrea Phœdra , d’Orb. Elle se trouve absolument au même
niveau à Mâcon et dans toute la Lozère.
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
356
10. Argile grise, un peu micacée, devenant parfois jaune à sa partie
supérieure. Pas de fossiles 1.30
11. Minerai de fer oolithique rouge argileux, avec banc de calcaire
subordonné. Pas de fossiles » 0.60
12. Marne grise micacée sans fossiles 2.00
13. Calcaire pétri d’oolithes ferrugineuses, d’une dureté variable;
avec galets parfois très-gros de minerai de fer compacte ; ces
galets sont généralement perforés par les lithopbages. Cette
couche est remplie de fossiles d’une très-belle conservation.
L’ensemble de la faune a un faciès franchement oolithique, bien
que les espèces soient pour la plupart nouvelles. — Aucune
d’elles ne descend dans le minerai de fer sous-jacent, dont la
faune est par contre complètement basique. Les espèces que
l’on rencontre le plus communément dans cette couche sont :
Lyonsia abduda, d’Orb. , Ammonites Murchisonœ , Sow. , As-
tarte Menardi , Desh., Montlivaltia Delabechei (1),M. Edw.
et J. Haime 0.20
14. Minerai de fer oolithique rouge compacte, fortement marneux par
places. Ce minerai forme un escarpement à pic d’une hauteur
de plus de six mètres. Il est ici assez riche en fossiles, parmi
lesquels nous avons recueilli en place : Belemnites tripartitus,
Schl. , Ammonites primordialis , Schl., A. aalensis, Ziet.,
Ostrea ferruginea , Terq., O. polymorpha , Gold., Trigonia
similis , Ag., Mytilus greyarius, Gold'., Trigonia navis (2).. 6.00
Si l’on veut se rendre compte des assises qui surmontent
cette série de couches et qui complètent la zone à A. Murchi-
soncBy il faut remonter les fonds de Toul en suivant la nouvelle
route qui joint la maison forestière de Bellefontaine aux Bara-
ques de Toul. La route présente à droite une suite non inter-
rompue de tranchées qui, malgré les éboulis, laissent voir
Pensembie delà composition du terrain.
On rencontre d’abord à la pépinière même de Bellefontaine
les marnes bleues du lias supérieur, plus loin le minerai de fer,
assez riche en A. aalensis , puis les marnes qui les surmontent,
et enfin de grandes plaques éboulées du calcaire à fucoïdes
(n° 4 de la coupe ci-dessus) recouvertes par les calcaires à
Pecten personatus (n° 2). On est alors à plus de deux kilomètres
de Bellefontaine; à cet endroit la route se bifurque; dans
Pangle des deux routes se trouve dans le bois une ancienne
(1) C’est le Montlivaltia decipiens , M’Coy.
(2) Cette espèce est donc ici au même niveau qu’à Gundershoffen et dans
le Wurtemberg.
NOTE DE M. FABRE.
357
carrière qui montre l’entier développement des couches n° i
de la coupe précitée.
Ce sont des calcaires gréseux d’un jaune brunâtre, presque
sans fossiles; mais la partie supérieure, quoique un peu rema-
niée, laisse voir un lit mince, irrégulier, ayant tout l’aspect
d’un conglomérat. On le retrouve à 300 mètres plus loin, le
long de la route de droite qui s’enfonce dans la forêt de Slage,
et on peut constater en cet endroit que les calcaires n° 1 se
terminent en haut par une couche ravinée, pénétrée d’oxyde de
fer, et dont les anfractuosités sont remplies de morceaux roulés
de calcaire ferrugineux, mêlés à des fossiles d’une conser-
vation admirable. Les plus gros de ces galets sont souvent re-
couverts de Serpules, de petites Huîtres, et même de Montli-
mltia Delabechei. Le fossile le plus commun est le Lyonsia
abducta , mais la faune est très-variée et presque toute inédite;
elle est caractérisée par la présence de VA. Sowerbyi qui, en
Lorraine, ne se trouve qu’à ce niveau. C’est ce mince lit coquil-
lier qui a offert aux persévérantes recherches de MM. Schlum-
berger et Roubalet de très-belles séries de fossiles de l’oolithe
inférieure. Au-dessus de ce banc mince, commence la série
des couches calcaires, très-dures, fossilifères, exploitées pour
moellons dans tous les environs de Nancy sous le nom de
roche: c’est la zone à A . Humphriesianus.
Nous retrouvons donc à Nancy l’équivalent complet de la
matière de Normandie, c’est-à-dire la zone à A. Murchisonœ. On
peut y distinguer en résumé de haut en bas :
m.
i° Couche ravinée fossilifère à A. Sowerbyi 0.10
2° Calcaire gréseux à B. abbreviatus 4.00
8° Bancs à Pecten personatus 0.50
4® Calcaire terreux à fucoïdes 1.20
5° Marnes grises et bancs ferrugineux 5.00
6° Conglomérat ferrugineux fossilifère à A. Murchisorue . ... 0.20
Total 11.00
Ce sous-étage est donc parfaitement bien limité tant en haut
qu’en bas par deux couches durcies et ravinées, et le lias
supérieur à A. primordial is se termine bien comme l’avait dit
depuis longtemps M. Hébert (1) au lit à Montlivaltia. Je ferai
remarquer en outre que le mélange, si souvent indiqué dans le
(1) Mers anciennes et leurs rivages, p. 19.
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
368
minerai de fer de la Meurlhe, d’espèces liasiques avec d’autres
de l’oolithe inférieure, tient à ce que les fossiles sont générale-
ment recueillis dans les haldes des mines, et qu’il est difficile
parla composition minéralogique seule de reconnaître la cou-
che à Montlivaltia de certaines parties du minerai de fer.
Quant aux deux petites couches marquées 9 et 6 sur la
coupe, il ne faut pas leur attribuer plus d’importance qu’elles
n’en ont réellement ; elles indiquent seulement de légers temps
d’arrêt dans l’affaissement graduel du bassin jurassique et
montrent que l’ensemble des circonstances qui, en Lorraine,
ont imprimé aux derniers sédiments du lias un faciès si parti-
culier, n’a pas fait place subitement à un ordre de choses nou-
veau. En effet, lespremiers sédiments de la mer del’oolithein-
férieure ont différé très-peu des derniers de l’époque basique,
et ne s’en distinguent que par la prédominance graduelle du
calcaire. — Il semblerait même que ce n’est que sous l’in-
fluence d’un mélange de calcaire gréseux et de marne que les
fucoïdes ont pu vivre et se développer, car la roche qui les
contient conserve identiquement les mêmes caractères minéra-
logiques sur une étendue de plus de 200 lieues, depuis Metz
et Nancy au nord jusqu’au Gard et à la Lozère au sud ; cela
expliquerait comment, les mêmes conditions de sédimentation
pouvant s’être reproduites plusieurs fois dans les mêmes lieux,
on trouve en certains endroitsplusieurs niveaux de fucoïdes (1).
Quelque intérêt que l’on puisse attacher à ces récurrences
d’une même faune ou flore (2), il n’en demeure pas moins
établi que le niveau principal de fucoïdes, celui qui, selon
l’expression de M. Dumortier, est un excellent horizon géolo-
gique, est compris entre le lias supérieur et la zone à A. Hum -
phriesianus. Telle est la position du calcaire à fucoïdes de la
Lozère que j’ai eu l’occasion d’étudier, non-seulement à
Mende, mais à Marvejols et àMeyrueis. Ces calcaires à fucoï-
des, qui ont 40 mètres dans la Lozère, ne tardent pas à s’a-
mincir quand on les suit vers le nord à travers l’Ardèche; ils
(1) Dieulafait. Bull., 2e série, t. XXV, 1868, p. 408.
(2) Ces récurrences de fucoïdes ne s’observent pas seulement dans le Var,
comme M. Dieulafait semble le supposer; son troisième niveau se trouve
en effet intercalé dans le calcaire jaune (calcaire à Entroques), dans le
Lyonnais, et encore plus nettement dans le Méconnais, comme l’indiquent
MM. Faisan et Locard dans leur Monographie du Mont-d'Or lyonnais,
p. 264.
NOTE DE M. FABRE.
359
n’ont plus que 5 mètres dans le Lyonnais , et aux environs de
Dijon, oùM. J. Martin lésa retrouvés, ils sont réduits à un feuil-
let de quelques centimètres, mais ils reprennent un peu de
puissance en pénétrant dans le bassin de Paris et ne dispa-
raissent qu’au nord de Metz.
On les retrouve exactement au même niveau, et avec le
même faciès minéralogique, de l’autre côté de la chaîne des
Vosges, dans le petit golfe jurassique de l’Alsace, et j’ai pu en
constater l’existence dans deux localités du Bas-Rhin, fort
distantes l’une de l’autre.
La première est Gundershoffen ; en cet endroit « les marnes
du lias sont recouvertes par des marnes sableuses et micacées
auxquelles est associé un grès jaunâtre (1). » C’est au milieu
de ces marnes que j’ai reconnu des plaquettes calcaires, couver-
tes d’empreintes de fucoïdes et remplies de moules de bival-
ves trop mal conservées pour qu’on puisse en déterminer les
espèces avec quelque certitude. C’est la zone à A. Murchisonœ
d’après M. Engelbardt (2). '
La seconde localité est aux environs de Barr, le long de la
route qui remonte la vallée; les conditions du gisement sont à
peu près les mêmes, la roche seulement un peu ferrugineuse.
RÉSUMÉ.
1° Le lias supérieur de Lorraine (minerai de fer) se termine
par une couche durcie ravinée, riche en fossiles de l’oolithe
inférieure.
2° La zone à A. Murchisonœ se termine par une couche sem-
blable à celle qui en forme la base, et non moins fossilifère. ■
3° La partie moyenne de cette zone constitue l’horizon du
calcaire à fucoïdes.
4° Cet horizon se suit sans interruption depuis la Méditerra-
née jusqu’en Lorraine, et même en Alsace.
Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de
MM. Faisan et Chantre :
(1) Daubrée. Description géologique du Bas-Rhin , p. 145.
(2) Daubrée. Ibid., p. 159.
360
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
Rapport à M. Belgrand , président de la Société géologique de
France , sur le tracé d’une carte géologique du terrain erratique
et sur la conservation des blocs erratiques de la partie moyenne
du bassin du Rhône ; par MM. Faisan et Chantre.
Depuis que le célèbre B. de Saussure, au retour de son voyage
en Provence, en 1780, expliqua la présence des blocs errati-
ques sur les plateaux sablonneux d’Auberives, près Vienne,
par leur transport au moyen d’un courant d’eau considérable
descendu probablement des Alpes du Dauphiné, un grand
nombre de savants géologues se sont occupés de l’étude du
terrain erratique du bassin du Rhône. En dehors des géologues
suisses qui ont concentré leurs observations dans le bassin su-
périeur de ce fleuve, il nous suffira de citer, pour cette simple
note, les noms de MM. Élie de Beaumont, Fournet, Leymerie,
Necker, Collomb, Gras, Blanchet, d’Archiac, Jourdan, Du-
mortier.
Enfin, nous devons ajouter que MM. Benoît, Favre etLory,
en résumant et en discutant les travaux de leurs devanciers et
en s’appuyant principalement sur leurs nombreuses observa-
tions personnelles ont établi sur une base solide l’étude de
cette importante question géologique. Aussi a-t-il été donné à
ces messieurs de mettre en lumière la véritable solution scien-
tifique de ce grand problème, après avoir esquissé largement et
avec une remarquable précision les caractères essentiels de ce
terrain, dont l’origine et le mode de formation étaient resté s si
longtemps inconnus.
Dans de telles conditions, il devenait difficile ou presque
inutile d’entreprendre de nouvelles études sur ce même terrain.
Nous fûmes donc bien surpris lorsque M. Favre, professeur de
géologie à l’Académie de Genève, nous engagea lui-même à
nous occuper encore de ces couches de transport. 11 est vrai
qu’il s’agissait du tracé d’une carte spéciale du terrain errati-
que de la partie moyenne de la vallée du Rhône et des environs
de Lyon, ainsi que de la conservation des blocs les plus curieux
dans ces mêmes contrées. L’exemple des travaux entrepris ac-
tuellement et dans un semblable but, sous la direction de
M. Favre, en Suisse, où le terrain erratique a été étudié d’une
manière si complète et depuis si longtemps, nous aida à vaincre
nos hésitations, et, nous confiant dans l’appui qu’on voulait
NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 361
bien nous promettre à Genève, à Paris, à Lyon, à Grenoble,
nous consentîmes à marcher dans la voie qu’on venait d’ouvrir
devant nous. Du reste, qu’on ne nous fasse pas le reproche de
vouloir enfoncer une porte ouverte ; nous le savons et nous
nous plaisons à le répéter, MM. Benoît, Favre et Lory ont une
dernière fois et largement ouvert cette porte ;« souvent déjà
entr’ouverte et refermée. » Notre désir est simplement d’em-
pêcher qu’on essaye de la refermer encore.
Nous venons donc apporter de nouvelles preuves à l’appui
des théories soutenues par ces savants observateurs; nous
voulons les suivre pas à pas afin d’aplanir pour tout le monde
les difficultés qu’ils ont surmontées les premiers et si laborieu-
sement. Enfin, nous nous efforcerons de figurer et de conserver
les éléments de leurs travaux.
Pour tracer notre carte spéciale du terrain erratique,
nous avons adopté la méthode qui nous a paru la plus
naturelle. Nous avons supposé que, si les conditions avaient
été favorables, le glacier aurait pu creuser sur toute la surface
qu’il a parcourue et recouverte des stries semblables à celles
que nous avons observées sur plusieurs points. Nous avons
donc essayé de reproduire sur des cartes de l’État-major, au
moyen de lignes teintées, toutes ces stries réelles ou fictives,
dont l’ensemble permît ainsi d’embrasser d’un seul coup
d’œil toute l’extension du phénomène glaciaire et la marche
de sa progression avec tous ses détails. Pour le grand gla-
cier descendu des Alpes, nous traçons des lignes coloriées
en orange; pour les glaciers locaux des montagnes du Bugey
ou des chaînes lyonnaises, les lignes sont bleu clair. Ces deux
couleurs s’enlèvent assez vivement de dessus les hachures noi-
res de la carte de l’État-major pour que leur lecture ne rende
pas difficile celle du travail topographique. Dans toutes les lo-
calités où apparaissent encore des lambeaux ou des nappes de
terrain erratique, les lignes sont pleines ; pour les surfaces où
le même terrain a été emporté comme dans certains cantons
du Bas-Dauphiné, nous ne faisons que ponctuer les lignes pour
ne pas les interrompre, et elles ne redeviennent pleines que
lorsque nous trouvons de nouveau la boue glaciaire et les
cailloux striés. Parfois le glacier, en vertu de son expansion
latérale, a surmonté des glaciers locaux, à éléments étrangers
aux Alpes; alors nous prolongeons les lignes oranges par des-
sus les lignes bleues. Enfin, par un système de signes conven-
tionnels, des flèches, des points, des hachures, nous indiquons
362
SEANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
les stries apparentes, gravées sur les rochers, les moraines
frontales ou latérales, les alluvions glaciaires et le lehm. A
l’exemple de M. Favre pour la carte du terrain erratique de la
Suisse, nous figurons les blocs les plus intéressants par la
lettre initiale du nom de la roche dont ils sont composés, et
près de cette lettre nous mettons un numéro qui se rapporte à
celui des catalogues et du texte explicatif; puis nous inscrivons
encore ce môme numéro au bas des dessins que nous avons le-
vés d’après nature, ainsi que sur les échantillons que nous dé-
tachons de ces blocs et que nous classons par ordre dans une
salle que M. Bonnet, ingénieur en chef de la ville de Lyon, a
bien voulu mettre à notre disposition au parc de la Tête d’Or.
Sur les feuilles des catalogues nous écrivons, dans des
colonnes séparées, le numéro d’ordre du bloc, la localité,
l’altitude, les dimensions, le volume, la nature de la roche, le
mode de groupement, l’origine présumée, les légendes et re-
marques diverses, le nom du propriétaire et celui de l’obser-
vateur. Il y a quelques mois, nous avons distribué un grand
nombre de ces catalogues en faisant notre appel ; mais, à part
quelques rares indications isolées, nous n’avons encore à
adresser des remercîments qu’à MM. Fournet, Benoît, Lory,
Dumortier, et nous le faisons avec d’autant plus de plaisir.
Nous nous sommes également préoccupés de la conservation
des blocs les plus curieux; mais nous nous sommes trouvés en
face de grandes difficultés. La plupart des blocs que nous avons
catalogués appartiennent à des particuliers qui en compren-
nent si peu l’importance scientifique, qu’ils seraient très-
heureux de les briser pour en débarrasser leurs champs. La
crainte seule de la dépense les arrête dans cette œuvre de
destruction. Ajoutons qu’il est souvent difficile de savoir quel
est le propriétaire de ces blocs. Est-ce l’État, la commune ou
un particulier? Puis, lorsque cette première détermination est
faite, il faut entreprendre de nouvelles démarches, de nouvel-
les courses, souvent longues et pénibles et toujours fastidieu-
ses, pour arriver à faire prendre les mesures nécessaires à la
conservation de ces remarquables débris. Pour obtenir facile-
ment ce résultat et abréger des lenteurs inutiles, nous aurions
besoin de requérir l’aide d’un agent de l’autorité, du garde
champêtre par exemple, en parcourant les communes. Autre-
ment notre tâche devient impossible.
Déjà, monsieur le Président, d’après la demande que
M. Favre vous a adressée en faveur de notre travail, vous avez
NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 363
eu l’obligeance d’écrire à messieurs les Préfets du Rhône, de
l’Ain, de l’Isère, pour nous obtenir cette autorisation qui nous
est nécessaire ; mais jusqu’à ce jour nous sommes privés de
l’appui que vous avez sollicité pour nous. Nous espérons que
vous ne nous retirerez pas votre protection, et que grâce à
votre influence nous finirons par obtenir cette permission de
MM. les Préfets ou même de Son Excellence Monsieur le Mi-
nistre des travaux publics (1).
Ainsi que nous aurons l’honneur de vous l’exposer plus bas,
la destruction des blocs est constante et rapide. Il faut se bâter,
si l’on veut conserver quelques-uns de ces monuments de
l’histoire primitive de notre pays (2).
Après avoir ainsi formulé d’une manière précise l’esprit et
le but de notre œuvre, nous vous prions de nous permettre
(1) Postérieurement à la lecture de ce rapport à la séance du 21 décembre
dernier, et sur la demande de M. Belgrand, inspecteur général des Ponts
et Chaussées et président de la Société géologique de France, S. Exc. M. le
Ministre des travaux publics a adressé des lettres à MM. les ingénieurs en
chef des départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône pour les inviter à
nous faciliter autant qu’ils le pourront l’accomplissement de nos travaux.
MM. les ingénieurs se sont empressés de souscrire à cette invitation.
En faisant connaître ces faits, nous sommes heureux d’exprimer en même
temps toute notre gratitude.
(2) A titre de simple renseignement, veuillez nous permettre, monsieur
le Président, de vous indiquer quelques-uns des blocs que nous avons re-
connus sur les biens des communes ou de l’État, et par conséquent dont la
conservation est possible.
Bloc de grès houiller de 9 mèt. cub.} à Bin, communal de Yollien, Ha-
meau de Cuzieu (Ain).
Divers blocs de grès houiller ou d’autres roches alpines sur la montagne
de Parves, près de la Croix-Ste-Anne, à l’est de Belley (Ain).
Bloc de grès houiller de 1 mèt . euh ., près du bloc de poudingue de Va-
lorsine de 8 mèt. cub., décrit par M. E. Benoît, sur la montagne de
Talabois, à l’ouest de Souclin (Ain) (*).
Bloc de poudingue de Valorsine de 20 mèt. cub., vers la croix de Liu-
don, sur le bord du chemin d’Ordonnaz à Lompnaz, au-dessus et au nord
de Lompnaz (Ain).
Bloc de brèche triasique de la Tarent aise de 112 mèt. cub.} appelé la
Pierre du Diable , communaux de Trept, près Crémieu (Isère).
Bloc de brèche triasique de la Tarentaise de 240 mèt. cub., appelé la
Pierre du Bon Dieu; communaux de Trept, près Crémieu (Isère).
(*) Bulletin de la Société, géologique , 2e série, t. XX, p. 354.
364
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
quelques réflexions générales et de nous laisser essayer de ré-
sumer nos récentes observations en renvoyant à quelques mois
Fexposé de notre travail graphique.
Lorsque nous avons écrit notre appel, notre conviction sur
le mode d’origine du terrain erratique de nos environs n’était
pas encore complète, et, malgré notre tendance intime à
adopter la théorie glaciaire, nous subissions parfois et malgré
nous l’influence des théories opposées. Du reste, les ravages
causés par les débordements terribles de nos deux grands
fleuves ont dû toujours prédisposer les géologues et le public
lyonnais à attribuer une importance extrême aux effets torren-
tiels et diluviens, qu’ils sont même tentés d’exagérer facile-
ment. Leur imagination au contraire s’effraye de l’extension
des phénomènes glaciaires, qu’ils n’ont souvent entrevus que
de très-loin et qui sont familiers pour tous les habitants des
régions alpestres. Certainement c’était bien la vue constante
des glaciers et de leurs moraines qui inspira à Perraudin, sim-
ple chasseur de chamois, la magnifique théorie qu’il commu-
niqua à M. de Charpentier et qui a fait le tour du monde. Les
idées diluviennes nous entourent et dominent près de nous, et
cependant nous n’avons pu faire une course, une observation
sans retrouver des preuves du système glaciaire, si bien qu’en
parcourant les montagnes du Bugey et du bas Dauphiné, le
plateau de la Dombes, il nous semblait, pour ainsi dire, assister
encore au retrait de ces immenses glaciers qui ont recouvert
Lyon et les plaines voisines de leurs vastes débris.
Le grand glacier du Rhône, après être descendu des hau-
teurs du mont Rose et du massif du mont Blanc, a comblé tout
le Valais d’une masse de glace compacte ; puis il s’est divisé
en deux courants. L’un s’est épanché au nord par la vallée de
la Suisse pour venir rejoindre le glacier de l’Aar et s’étendre
avec lui jusque dans la vallée du Rhin; l’autre, suivant presque
le cours du Rhône, a envahi latéralement toutes les vallées du
Bugey, et, après avoir pivoté autour du Molard de Don (1), est
venu abandonner ses moraines profondes et frontales sur les
plaines du Dauphiné et de la Dombes, jusque vers Bourg et
Brou (2), ainsi que sur les collines du bas Lyonnais.
Les glaciers de l’Arve et de l’Isère, et sans doute ceux qui
(1) Bulletin de la Société géol.f 2e série, t. XX, p. 821 .
(2) Necker. Études géol. dans les Alpes, p. 270 (1841).
NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 365
descendaient de la chaîne méridionale des Alpes françaises, ont
apporté également leurs tributs à ce gigantesque fleuve solide
qui a fini par submerger, dans sa marche lente et progressive,
toute la belle vallée du Rhône jusque près de la mer et de
Montpellier (1) ; mais nous n’avons pas à nous préoccuper au-
jourd’hui de cette immense nappe de glace, et nos recherches
se sont concentrées dans la partie moyenne de l’ancien glacier
du Rhône.
Cependant, nous ferons remarquer d’une manière générale
que les deux courants de ce glacier ont continué à progresser
avec un ensemble prodigieux, après s’étre séparés sur la ligne
de partage des bassins du Rhin et du Rhône ; ainsi le grand
cirque de Belley, que M. E. Benoît a décrit (2) comme un im-
mense réceptacle de débris de moraines et de blocs erratiques
glaciaires, se trouve à la même distance que Soleure du dé-
bouché du Valais, point de bifurcation des deux courants, et
vers ces deux villes les blocs sont nombreux et atteignent les
mêmes altitudes. C’est près de Soleure que sont accumulés les
blocs si remarquables du Steinoff, entre autres ce fameux bloc
d’Arkésine de 60,000 p. c. (3). Ces blocs sont groupés à une
altitude de 534m, mais M. Lang en a signalé un de 750 p. c. à
Herbertsvyl, à un niveau de 850 à 900m au-dessus de la mer.
Le bloc de quartzite de 40 m. c. que nous venons de décou-
vrir près du sommet de la montagne de Lâchât, sur le revers
S. O. du Molard de Don et à l’ouest de Belley, se trouve égale-
ment à plus de 1000m. Déjà M. Benoît avait indiqué des frag-
ments de roches alpines très-nombreux et souvent volumineux
sur Je plateau d’Inimont, au pied du Molard de Don (4). Pour
dire encore un mot de ce parallélisme, ajoutons que les blocs
signalés par ce même géologue au Grand-Colombier, à 1200,
correspondent à ceux du Chaumont, au-dessus de Neuchâtel, à
la cote 1220. Il serait facile, du reste, de multiplier ces points
de comparaison dans la marche de ces deux courants, ainsi
que pour ceux de l’Arve et de l’Isère, depuis les sommets des
Alpes jusqu’à leurs limites d’extension, en citant un grand
nombre de blocs parmi ceux qui sont dispersés sur les monta-
gnes du Jura, du Bugey, de la Chartreuse et de tout le Dau-
(1) Dernière réunion extraord. de la Soc. géol.
(2) Bulletin de la Soc. géol.y 2e série, t. XX, p. B21.
(3) Favre. Recherches géol., t. I, p. 113.
(4) Bulletin de la Soc. géol. de France , 2e série, t. XX, p. 352.
366
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
phiné; mais ce simple coup d’œil suffit pour permettre d’em-
brasser l’ensemble de ce grandiose phénomène et en rétablir
l’unité.
Afin de rentrer dans le cadre plus restreint de notre étude,
cherchons à retrouver sur le sol et dans un endroit déterminé
l’empreinte de la marche d’une portion de ce grand glacier
dont nous venons d’admirer la surface. Déjà, M. E. Benoît a
indiqué (1) ses extensions latérales à travers les vallées du Bu-
gey. Des traînées de roches de cristallisation au milieu des
calcaires jurassiques et crétacés lui ont servi de guides pour
suivre d’une manière certaine le phénomène glaciaire jusque
dans la Michaille, le Valromey et sur les plateaux du haut et du
bas Bugey; cet automne, nous sommes arrivés à la démons-
tration des mêmes faits par un moyen différent. Nous avons
étudié principalement les environs de Belley, car, après avoir
dépassé le Grand-Colombier, le glacier ayant dû s’épanouir
dans plusieurs directions, il nous a semblé possible de retrou-
ver sur les roches dures de cette contrée les traces de cette
grande dispersion. Aidés de quelques indications de M. E. Be-
noît, nous avons recherché attentivement les stries gravées sur
les rochers, et toujours nos observations sont venues confirmer
les faits avancés par ce géologue.
Au sud-ouest de Culoz, au nord de Ceyzérieux, entre ce vil-
lage et la Grange-des-Roches, on aperçoit un vaste affleure-
ment de roches néocomiennes dont la surface, sur un espace
d’environ un kilomètre, est entièrement sillonnée de stries et
de cannelures rectilignes et parallèles, toutes dirigées vers le
N. O., c’est-à-dire vers le Valromey et les échancrures de
Thézilieux et de Saint-Rambért. Près de cette station de la
Grange-des-Roches, à Ardosset, un second affleurement de néo-
comien présente des stries dans la même direction. Ces deux
points ne sont éloignés que de 4 à 5 kilomètres du pied du
Grand-Colombier ; et pourtant ces stries, dont la prolongation
à l’est viendrait presque croiser à angle droit la direction nor-
male du glacier dans la vallée du Rhône, nous démontrent
d’une manière palpable les effets de l’expansion latérale ; et,
sans doute, si le fond du Valromey n’était pas encombré par
les grès tendres de la mollasse et par les débris calcaires du
glacier local inférieur, on y retrouverait les stries du grand
glacier se dirigeant vers le nord. Sur les flancs durs et com-
(1) Bulletin de la Soc. géol., 2e série, t. XX, p. 845.
NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE.
367
pactes de cette longue dépression on peut étudier de nouvelles
directions de stries ; ainsi dans celles (N. O.) que M. E. Benoît
nous a signalées au col qui sert de passage à la route de Cham-
pagne à Cormoranche, on peut reconnaître encore un effet du
même phénomène. Ces stries suffiraient pour prouver que le
grand glacier s’est déversé sur le plateau d’Hauteville.
Revenons à la masse principale du glacier qui ne s’est pas
écartée de sa direction primitive pour remonter vers le nord.
Sur les bords du marais de Lavours apparaît un rocher isolé
surmonté du vieux château de ce nom; au pied d’une des
tours le calcaire néocomien est raboté, poli et couvert de stries.
Leur direction n’est plus au N. O.; mais sous la pression du
glacier de l’Arve, et peut-être d’une branche de celui de l’Isère,
qui a franchi et strié les rochers de Chanaz, elle n’est plus di-
rectement au S.; elle s’infléchit à l’O. , précisément en se diri-
geant vers le col de Saint-Benoît (528m), où M. Benoît a
reconnu, avec sa sagacité habituelle, le principal passage par
lequel le glacier a dû franchir la chaîne du Molard de Don
pour rejoindre le Rhône, après avoir laissé sur les roches de
ce col des stries qui se redressent déjà vers le N. O. Comme
point intermédiaire entre ces deux stations, nous avons dé-
couvert des stries O. 30 S. sur un affleurement de calcaire,
au milieu de l’ancienne route de Belley à Ceyzérieux, eu face
de Marignieu. La petite différence qui existe entre la direction
reconnue à Lavours et celle de Marignieu peut résulter des
obstacles présentés par plusieurs chaînes de collines transver-
sales qui sillonnent cette contrée; du reste, nous venons d’ap-
prendre que M. E. Benoît a trouvé près de cette station, au
sud de Billieu, sur une surface de calcaire à Entroques, des
stries se dirigeant d’une manière normale vers le col de Saint-
Benoît. Il n’y aurait donc eu qu’un simple croisement acciden-
tel de ces deux directions.
Au midi de cette grande ligne qui vient aboutir à la mon-
tagne de Tantainé, la direction des stries est franchement S. O.
Elle est parallèle à la crevasse du Lit-au-Roi, dans laquelle passe
la route, et qu’a dû suivre le glacier.
Au midi de Parves, près d’un chemin qui conduit au hameau
de Poisson, des strier apparaissent encore à l’angle d’un champ,
mais elles se dirigent presque vers le S. avec une légère in-
flexion seulement à l’ouest. Sans doute, la dorsale de la mon-
tagne de Parves les maintenaitdans ce sens, tandis qu’à Pierre-
Châtel, l’obstacle se trouvant directement au S., la direction se
368
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
trouva entièrement modifiée et passa complètement de l’est à
rouest. Près de l’ancienne Chartreuse, les stries ont presque
partout disparu, et les grandes parois verticales de rocher qui
supportent les forts ou qui dominent la route d’Yenne ne pré-
sentent que des surfaces moutonnées.
Dès qu’il eut franchi cet étroit défilé et qu’il eut surmonté la
chaîne qui lui barrait le passage à l’ouest, Je glacier s’est
avancé librement dans la plaine du Dauphiné et a pu de nou-
veau suivre la vallée du Rhône devenue assez vaste pour le
contenir. La progression du glacier se fît dans le sens de cette
vallée, comme le prouvent de la manière la plus évidente les
stries N. O. qui sont gravées sur le choin de Grattet, au N. O.
de Villebois, et surtout celles qui se développent avec tant de
régularité au-dessus des plateaux de Morestel, d’Amblagnieu,
de Parmilieu, de Pressieu en Dauphiné, sur un espace de plu-
sieurs kilomètres carrés (1). Ce choin, qui représente la grande
oolithe, est un calcaire très-dur, compacte, éminemment propre
à recevoir le poli et à conserver les stries glaciaires. Aussi, en
étudiant avec attention ces localités, on y reconnaît tous les
accidents décrits par MM. Collomb, Hogard et les géologues
suisses. Ces stries sont de toutes les grosseurs et restent tou-
jours rectilignes, malgré les différentes inclinaisons de la ro-
che; parfois elles deviennent de véritables sillons de 0m,30 à
0m,40 de profondeur.
Ces surfaces, qui servent souvent d’aires pour battre le blé,
sont généralement recouvertes par une couche peu épaisse de
boue glaciaire, dont la nature argileuse les a conservées avec
tous leurs détails d’une manière remarquable, en les préservant
de tout contact avec les eaux atmosphériques.
On voit encore en place des grains de quartz ou de roche
dure qui ont servi de burins pour tracer ces stries, qui vont tou-
jours en s’approfondissant dans le sens de la marche du glacier,
jusqu’à ce que la résistance de la roche soit devenue supérieure
aux efforts exercés sur elle. Nous avons tellement admiré ces
stries, que nous avons fait transporter au parc de la Tête
d’Or une dalle qui en était couverte.
L’examen de cet ensemble de stries, constamment tracées
dans un sens déterminé, se rapportant toujours aux résultats
d’autres investigations, fournit, il nous semble, une preuve ir-
(1) Lory. Descript. géol, du Dauphiné , t. III.
NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 369
récusable, matérielle, palpable, à l’appui du système de l’ex-
tension des glaciers en dehors des Alpes et du transport, par
leur moyen, des blocs erratiques. Des torrents d’eau ou de boue
peuvent moutonner des roches dures, creuser des cannelures
tortueuses au fond des vallées ou sur leurs flancs, mais ils sont
incapables de tracer des stries toujours parallèles et toujours
rectilignes, sans qu’elles se modifient d’après les ondulations du
sol ou des différences de niveau de près de 300 mètres.
Le glacier qui a riflé et usé les calcaires durs du bas Dau-
phiné, qui y a creusé des cannelures de 0m,40 recouvertes
encore par sa moraine profonde, a dû fonctionner pendant un
grand laps de temps. La durée de ce phénomène peut se
prouver encore par les immenses accumulations de débris et de
boue glaciaire qui sont placardées contre les flancs des mon-
tagnes du bas Bugey, dans les dépressions de l’Huis de Lomp-
naz, de Bénonces, de Villebois, etc. Au-dessus du hameau de
Bouis, dans cette dernière commune, et près de la tufière, le
ruisseau du Riby a entamé le terrain erratique pour y former
un escarpement de 50 à 60 mètres de hauteur. Des fragments
de roches des Alpes de tous les volumes sont entassés pêle-
mêle dans une boue jaunâtre, colorée ainsi par la décomposi-
tion des calcaires tendres du voisinage.
Quelquefois, de gros blocs préservant des dégradations plu-
viales le terrain qui les supporte, tandis que les autres débris
sont entraînés par les eaux sauvages en bas de l’escarpement,
il se forme petit à petit des 'pilastres erratiques ou cylindres de
débris qui rappellent les colonnes d’Useignes de la vallée d’Hé-
rens, décrites par M. de Charpentier. C’est encore un point de
similitude entre la formation glaciaire du Bugey et celle de la
Suisse.
Afin d’identifier davantage ces deux terrains et pour mieux
prouver le transport des blocs par le glacier, nous dirons en-
core qu’il est facile de retrouver, dans les environs de Belley
ainsi que dans le bas Dauphiné, des groupements de roches,
des convois de hlocs analogues à ceux que M. Guyot a si bien
étudiés dans toute la Suisse jusque vers le défilé du fort de
l’Écluse, qu’il regardait comme la limite du terrain erratique
dans la vallée du Rhône.
Ainsi que l’a ditM. Benoît (1), on trouve dans «. le Jura mé-
(1) Bulletin de la Soc. gèol . de France , 2e série, t. XX, p. 321.
Soc. géol.j 2e série, tome XX YI. 24
370
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
ridional les débris de toutes les roches des Alpes, depuis les
Pennines jusqu’à la Tarentaise. Il y a eu convergence sur le
bassin de Belley, suivant la déclivité générale des contre-forts
des Alpes. »
Les serpentines du haut Valais, les euphotides de la vallée
de Saaz continuent à caractériser, sur le pourtour du Bugey,
les vestiges de l’ancien glacier du Rhône. En outre, de vérita-
bles traînées ou convois de poudingues de Valorsine se recon-
naissent sur toute la montagne de Parves.
Cette roche y domine presque exclusivement. Au pied de
cette montagne, que le géologue que nous avons déjà si sou-
vent cité compare avec tant de raison au Salève, il y a un
nouveau groupement de roche : c’est une sorte de phyllade
noirâtre, lustré, peut-être l’analogue de ces prétendues ardoi-
ses noires que M. Favre a observées sur les hauteurs du massif
du mont Blanc.
Au sud de ce château de Montarfier nous avons reconnu un
bloc de cette roche, cubant près de 400 mètres ; et près des
maisons de Lassigneux on voit les fragments d’autres blocs
semblables qu’on a brisés depuis peu d’années. A cette espèce
appartient encore le gros bloc de près de 300 mèt. cub. qu’on
a commencé à exploiter pour faire des soles de four, et qui
sert de limite aux trois communes de Cuzieu, de Virieu et de
Saint-Martin de Bavel. Ainsi, les plus gros blocs sont formés de
la même roche, et cette roche tendre, se délitant facilement,
offre peu de résistance. Comment dans de telles conditions ex-
pliquer son transport lointain par un charriage, soit par un
torrent boueux, soit par des débâcles diluviennes au milieu
d’un pays accidenté et à toutes les altitudes ?
A Seillonnaz, à Souclin, à Ordonnaz, on trouve ce phyllade
associé au grès et au poudingue de Valorsine, qui y sont arrivés
en convois sur le dos du glacier qui les déposait à tous les ni-
veaux. A la Croix de Luidon, entre Ordonnaz et Lompnaz,
nous avons découvert, à près de 900 mètres, un bloc anguleux,
presque cubique, de 200 mètres, de poudingue de Valorsine.
Cette roche, il est vrai, est très-dure, mais elle a conservé tou-
tes ses saillies. Le bloc de grès houiller, qui apparaît perché
sur un de ses angles comme un énorme carreau (9 mèt. cub.),
au milieu des pentes néocomiennes fortement inclinées de
Vollien, communal de Cuzieu, offre les mêmes caractères et
permet de tirer les mêmes conclusions.
Des laits et des groupements analogues se reconnaissent sur
NOTE DE MM. FÀLSAN ET CHANTRE. 371
les bas plateaux calcaires qui forment Fextrémité nord du dé-
partement de l’Isère; ainsi à Parmilieu, àCharette et à Optevoz,
les blocs coralliens et néocomiens dominent, mélangés aux
grès triasiques.
Plus au sud, près de Crémieu, nous trouvons à Trept, à
Moras, un groupe considérable de blocs formés par la brèche
du trias de la Tarentaise ou du Valais. Le plus gros de ces blocs,
appelé la Pierre-du-Bon-Dieu, ne cube pas moins de 240 mèt.
A Frétignieu, près du lac de Moras, ce sont au contraire les
gneiss et les granités qui sont les roches les plus abondantes.
Près de Lyon la plupart des gros blocs apparents ont été dé-
truits depuis longtemps; mais ceux qui ont été épargnés pré-
sentent également des angles à peine émoussés, usés un peu
par leur transport sur le glacier, mais non roulés comme s’ils
avaient été entraînés par les eaux; pour exemple, nous citons
les blocs de Saint-Genis, d’Oullins, de la Croix-Rousse, de
Sathonay, du marais des Échets, de Rancé, dh\rs, etc.
Ces derniers blocs disparaissent chaque jour ; à Meximieux,
à Saint-André de Corcy, des fours à chaux sont alimentés en
partie par des blocs erratiques calcaires. Les blocs erratiques
étaient très-abondants, près de Trévoux; ceux des hauteurs de
Sainte-Euphémie ont été brisés pour l’empierrement de la
route d’Ars, lors de sa rectification. La pierre brune de Rancé
(50 mèt. cub.) a déjà été exploitée. Près de ce village, dans
celui de Toussieu, à l’est de Trévoux, on a détruit, il y a une
quinzaine d’années, un bloc de protogine de près de 5 mèi.
cub. qui, en s’appuyant sur d’autres blocs, formait une sorte
de dolmen !
Le bloc de quartz laiteux du camp de Sathonay a été brisé
en plusieurs fragments ; le bloc de 35 mèt. cub. du chemin de
fer de la Croix-Rousse sert de fondation à la culée d’un pont.
Pourtant ces blocs étaient les jalons indicateurs de la limite du
terrain erratique au milieu de nos vastes plaines et de nos
collines; ils étaient souvent pour le géologue les seuls indices
apparents de toute une formation qui se dérobe presque tou-
jours à toute recherche superficielle. Nous ne pouvons donc
nous empêcher de rappeler encore l’importance qu’il y aurait
à en conserver quelques-uns des plus remarquables.
En l’absence des blocs on ne peut observer et étudier le
terrain erratique que dans les gravières, les tranchées artifi-
cielles ou les escarpements des ravins. Une couche plus ou
moins épaisse de terre végétale recouvre tout le pays d’un
372
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
manteau uniforme; cette terre, c’esi le limon jaune de M. E.
Benoît, le lehm des géologues, le diluvium jaune et rouge de
M. Sauvanau, et encore le terrain blanc goutteiix des cultiva-
teurs de la Dombes. Ce terrain résulte de la trituration de tou-
tes les roches usées et transportées par le glacier; il s’est
étendu en nappe immense pendant et après la fonte des gla-
ces. Du reste, il se modifie et s’accroît toujours par des ad-
jonctions provenant des couches décomposées, sous-jacentes,
des localités voisines.
Par l’absorption des eaux acidulées atmosphériques qui dé-
composent et entraînent le calcaire, lorsque l'épaisseur du
dépôt ne s’y oppose pas, ce terrain finit souvent par n’être
plus qu’un composé argileux brunâtre ou simplement de la si-
lice pulvérulente d’une ténuité extrême (1) (87 °/°), mélangée à
un peu d’argile. Il prend alors une teinte blanche. Quant aux
colorations jaunâtres ou rougeâtres, elles ne peuvent servira
déterminer deux formations géologiques; elles dépendent seu-
lement de l’état d’oxydation du fer, et ce phénomène pure-
ment accidentel rentre dans ceux de la rubéfaction des roches,
si bien étudiée par notre maître, M. Fournet (2).
Ces décompositions déjà étudiées par M. Benoît (3) n’agissent
pas simplement à la surface du sol; elles se font sentir souvent
à une grande profondeur et elles modifient entièrement l’aspect
et la composition des terrains. Tout le carbonate de chaux est
entraîné; les cailloux calcaires commencent par perdre leurs
stries; puis ils finissent par disparaître complètement en ne
laissant qu’un peu d’argile à leur place. Les blocs calcaires de
plusieurs décimètres cubes sont attaqués et restent dans des
sphères creuses, tapissées d’une argile brune, résidu de leur
composition. Tous les fragments des roches feldspathiques ou
siliceuses sont soumis à des effets chimiques analogues et su-
bissent des modifications qui ont été déjà bien souvent étu-
diées. Les véritables quartzites résistent seuls et deviennent
ainsi les éléments dominants et môme exclusifs de ce terrain,
tellement modifié, qu’il devient impossible de le déterminer
et de le différencier du terrain inférieur qui subit les mêmes
(1) F. Pouriau. Études gèol chim. et agron. sur les sols de la Bresse,
p. 56.
(2) Ann • de la Soc. cTagric.de Lyon , t. VIII, P* I (1845).
(E) Bull, de la Soc. géol., 2e série, t. XV, p. 840 (1858).
NOTE DE MM. FÀLSAN ET CHANTRE. 373
accidents» Ce terrain inférieur appelé conglomérat bressan nous
paraît, dans son ensemble, de formation marine et rattaché à
la mollasse, miocène supérieur, dont il renferme les fossiles
caractéristiques lorsqu’il a été à l’abri des influences décompo-
santes. II aurait été transporté et roulé par les eaux de la mer
lors du soulèvement de la mollasse jusque auprès du Crêt de
Chalam (Ain), à l’altitude de 1233 mètres (1). Parfois la surface
de ce terrain inférieur n’est qu’une alluvion glaciaire ou encore
des lambeaux pliocènes.
On peut se demander ce que devient le carbonate de chaux
qui résulte de ce grand lessivage. C’est lui, croyons-nous, qui
va cimenter des couches inférieures de graviers pour en for-
mer ces poudingues qui apparaissent à mi-coteaux sur la rive
gauche de la Saône; c’est lui qui fournit le calcaire à toutes
les sources qui en déposent sur ces collines, et nous n’attri-
huons pas une autre origine à ces grands amas de tuf de
Meximieux et de Dagnieux, dont M. le comte de Saporta étudie
la flore dans ce moment et qu’il est tenté de regarder comme
du pliocène moyen ou inférieur.
Tout en admettant la théorie glaciaire, on ne peut nier les
effets diluviens ; mais il faut les restreindre dans certaines li-
mites et les regarder comme résultats des torrents sous-gîa-
ciaires ainsi que de la fonted.es neiges, môme si elle s’est
opérée lentement.
Les eaux ont repris en sous-œuvre les déhris transportés et
striés ou polis par le glacier, et leur ont fait perdre leurs ca-
ractères distinctifs. Cette action a rendu plus fréquentes les
difficultés d’observation. Ainsi à la Trappe du Plantay, en
Dombes, pendant le forage d’un puits, nous n’avons reconnu le
terrain erratique normal qu’à une profondeur de 6 mètres.
Pour l’atteindre il avait fallu traverser le lehm, les couches
décomposées et l’alluvion glaciaire, indiquée par de petits
bancs de sable fin. Toutefois, un bloc assez volumineux de
schiste micacé, gisant près de la porte de l’hôtellerie, aurait
suffi pour faire reconnaître la présence de ce terrain.
Souvent, au milieu de l’alluvion glaciaire, il reste quelques
cailloux striés; la détermination du terrain devient alors facile;
c’est ce qui nous est arrivé pour les petites collines de Tossiat,
entre Bourg et le Bevermont, et pour les gravières du marais
des Échets.
(1) E. Benoît. Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. XV, p. 326.
374
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
Toute la plaine de la Dombes et du bas Dauphiné a donc été
recouverte par la moraine profonde du glacier du Rhône et de
ses tributaires, et à la limite de ce terrain qu’ont tracée MM. Be-
noît et Lory on trouve des lambeaux de moraines frontales ou
terminales. Nous en avonsaussireconnu au pied du mont d’Or et
sur les plateaux du bas Dauphiné. Il y a déjà dix ans que
M. Benoît (1) a considéré comme des moraines terminales les
bourrelets sur lesquels on a construit le camp et la chapelle de
Sathonay.
Les travaux de tranchée qu’on a entrepris depuis pour le
chemin de fer de Bourg ont confirmé cette détermination d’une
manière évidente, et on n’a qu’à examiner les talus de la voie
pour y retrouver toute la structure des moraines frontales, cet
amoncellement de blocs, defragments de toutes grosseurs sans
stratification, sans triage.
Enfin là, comme dans le Bugey et le plateau du Dauphiné,
on peut revoir ces groupements de blocs de même nature,
inexplicables par la théorie diluvienne. Ainsi, dans les cham-
bres d’emprunt de Caluire et des Échets, il n’y a presque que
des calcaires coralliens ou néocomiens: vers le marais des
r '
Echets ce sont des schistes noirs calcaréo-siliceux, des proto-
ginesà grands cristaux, des grès avec quelques empreintes de
l’époque tertiaire.
Le terrain erratique a donc partout les mêmes caractères.
Disons encore que le marais des Échets nous paraît placé dans
une grande cuvette en forme de croissant, prise entre deux
moraines presque concentriques, et que ce bassin nous rap-
pelle tous les petits lacs des environs de Belley, situés à toutes
les hauteurs dans la boue argileuse glaciaire, depuis les lacs
d’Armaille et de Conzieu, à 331 mètres, jusqu’à ceux de Crotel
et d’Àmbléon, à 528 et 705 mètres. On pourrait encore placer
dans cette catégorie tous les étangs de la Dombes, puisqu’ils
doivent leur origine à l’imperméabilité du terrain erratique
répandu sur tout ce pays. Les eaux des petits lacs du plateau
qui domine la grotte de la Balme et Crémieu, en Dauphiné,
entre autres celles du lac de Moras, sont retenues de la même
manière dans des dépressions de moraines.
Les collines de Fourvière, de Sainte-Foy, d’Oullins, deSaint-
Genis, nous paraissent couronnées par des moraines frontales
(1) Bail, de la Soc. géol. de F ance, 2e sér.; t. XV, p. 330 et 333 (1858).
NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 375
/
qui ne seraient que le prolongement de celles de la Croix-
Rousse, de Sathonay, d’Ars. Nous avons d’abord pensé qu’au
delà de Givors, au pied du Pilât, au-dessus du plateau de
Sainte-Colombe, nous trouverions le terrain erratique, si bien
développé sur les collines de Vienne ; mais nos recherches ont
été infructueuses; nous n’avons pas vu un seul bloc, un seul
caillou strié. Cette absence de terrain erratique alpin dans
cette localité, pour nous ne peut s’expliquer qu’en suppo-
sant sur le massif élevé du Pilât un glacier particulier qui au-
rait repoussé les débris étrangers et ne leur aurait pas permis
de dépasser les hauteurs de Vienne.
Peut-être encore des glaciers locaux, semblables à ceux que
M. Benoît a décrits dans les vallées du Bugey, fonctionnaient,
à la même époque, dans les montagnes du Beaujolais. Du
moins, de gros blocs de porphyre, de granité, à peine émous-
sés et alignés sur lespremiers contre-forts de cette chaîne, sem-
bleraient appuyer cette hypothèse. Il nous suffît maintenant de
signaler ces faits, que nous nous proposons d’étudier attenti-
vement.
M. Belgrand fait les observations suivantes sur la communi-
cation de MM. Faisan et Chantre :
La Société apprendra sans doute avec plaisir que les gran-
des administrations de France ont pris des mesures pour
faciliter les recherches de nos deux confrères.
M. le Ministre des travaux publics a invité MM. Dumoulin,
ingénieur en chef du département delà Savoie, Collet-Meygret,
ingénieur en chef du département de la Haute-Savoie, Bau-
dari, ingénieur en chef du département de l’Ain, Meynard, in-
génieur en chef du département du Rhône, et Berthier,
ingénieur en chef du département de l’Isère, à faciliter autant
qu’ils le pourront l’accomplissement de leurs travaux, et à
donner à cet effet des instructions à MM. les ingénieurs et aux
agents placés sous leurs ordres.
M. le Directeur général des forêts a envoyé des instructions
analogues à MM. les Conservateurs de la Savoie, de la Haute-
Savoie, de l’Ain, de l’Isère et du Rhône.
La Société comprendra sans peine combien le concours de
ces deux administrations est important. Sans les gardes fores-
tiers et les cantonniers, bien des blocs erratiques, des plus
intéressants, resteraient cachés sous le feuillage des forêts.
376
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
MM. les préfets des mêmes départements ont bien voulu
mettre à la disposition de nos confrères une autre classe d’a-
gents non moins précieux, les gardes champêtres. Enfin, la
Compagnie du chemin de fer de Lyon a bien voulu leur délivrer
des cartes de circulation gratuites sur les lignes de son réseau
avoisinant la Suisse et la Savoie.
Le concours de ceux qui s’intéressent à la science est donc
assuré à MM. Faisan et Chantre.
M. Michal se souvient d'avoir observé autrefois, près du
sommet du Pilât et sur la rive gauche du Gier, des blocs
erratiques à arêtes vives qui, peut-être, pourraient être
considérés comme les témoins de l’ancien glacier particu-
lier du Pilât.
Cette observation est confirmée par M. Munier-Chalmas.
Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. de
Roys.
Note sur les formations d'eau douce supérieures aux sables de
Fontainebleau ; par M. le marquis de Roys.
Dans une course faite en 1837, avec Constant Prévost et
M. Lajoye, aux buttes deRumont, Fromont, Amfreville, et à
deux ou trois lieues à l’ouest de Nemours, nous avons vu que
le calcaire lacustre, immédiatement supérieur au grès de Fon-
tainebleau, était recouvert par une assise de marnes très-argi-
leuses, vertes et jaunes, surmontées elles-mêmes par un second
calcaire d’eau douce, riche en Hélix , fossile qui nous a paru
manquer complètement dans l’assise inférieure. J’ai eu occa-
sion de rappeler ce fait, il y a deux ans, à l’occasion d’une
communication de M. Tournouër cherchant, dans le bassin de
Paris où il ne connaissait que le calcaire de Beauee, l’équiva-
lent des trois calcaires lacustres qui, en Aquitaine, sont sépa-
rés par des formations marines. Bans sa coupe théorique,
Constant Prévost n’a distingué que par des chiffres ces di-
vers étages de calcaire d’eau douce, formations qu’à l’exemple
de Cordier il nomme travertins. Dufrénoy ayant donné le
nom de calcaire de Brie au calcaire inférieur aux sables de
Fontainebleau, le plus élevé ayant reçu de tous les géologues
le nom de calcaire de Beauee, je proposerai le nom de calcaire
NOTE DE M. DE ROYS.
377
du Gâtinais pour celui qui recouvre immédiatement les grès, et
qui est assez développé à Fontainebleau, Nemours, Château-
Landon, Paley, Lorrez dans l’ancienne province du Gâtinais,
située entre la Brie, qui finit à Melun, et la Beauce, qui com-
mence à Amfreville, où il plonge sous les argiles et le calcaire
de Beauce.
J’ai constaté la présence de ces trois formations près de
Montfort l’Amaury, où le calcaire de Beauce est représenté par
une couche assez mince d’un conglomérat ferrugineux, dont
les pisolithes sont liées par un ciment calcaire quelquefois do-
minant. J’ai suivi cette assise du plateau de Blusche à Mont-
fort jusqu’au delà des étangs de la forêt de Bambouillet, à plus
de 8 kilomètres. Ce conglomérat est pareil à celui dont on
trouve quelques rognons épars à Meudon, dans la même posi-
tion, au-dessus des argiles à meulières supérieures. Mais celui
de la forêt de Rambouillet forme une assise continue, atteignant
30 à 40 centimètres de puissance près de l’étang d’Hollandre.
A une distance assez considérable, dans la commune de
Tbury (Oise), j’ai relevé une coupe analogue. Au-dessus des
sables de Fontainebleau, un calcaire assez argileux, de deux à
trois mètres de puissance, est exploité à d’assez grandes distan-
ces comme marne pour l’amendement des terres grasses de
tous les plateaux. Dans un chemin qui va de Collinance à
Rouvres, chemin qui est un véritable ravin, ce calcaire, qui est
très-blanc, est recouvert d'argiles vertes et jaunes, tout à fait
semblables à celles de Rumont, sur deux mètres de puissance,
que j’ai aussi observées dans une excavation au-dessus des bois,
près du chemin de Thury. Au-dessus, on trouve de gros
rognons de silex de la forme d’un pain de munition, dont la
cassure grisâtre présente des bandes parallèles, d’un noir foncé,
et de différentes largeurs. Avec ces silex on trouve en grand
nombre des rognons aplatis de limonite siliceuse. Je n’oserais
dire que ces rognons forment une assise, puisqu’ils sont sim-
plement répandus sur les argiles précédentes et sans adhérence
entre eux. Cependant ils y sont constants et en grand nombre
puisqu’ils forment une assez notable partie des approvisionne-
ments pour l’entretien des routes. Ils sont presque partout
recouverts par une couche épaisse de lœss que les travaux de
l’agriculture font descendre sur les pentes qui ne sont pas très-
rudes, de manière à les masquer très-ordinairement. J’ai cru
devoir attirer l’attention de la Société sur cette coupe si com-
plètement analogue à celle de Montfort-PAmaury et à celle de
378
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
Meudon. Les trois formations d’eau douce des environs de Ne-
mours s’y retrouvent bien distinctes quoique la supérieure n’y
existe que d’une manière rudimentaire.
Dans une de ses dernières communications, notre regretté
collègue, M. Goubert, cite des Hélix parmi les fossiles des car-
rières de Fontainebleau, route de Paris. J’ai longtemps habité
Fontainebleau ou ses environs et sans cesse visité ces carrières;
je n’y en ai jamais trouvé. Je ne voudrais pas affirmer qu’il n’y
en a point. J’en ai bien remis à M. Ch. d’Orbigny, en 1836,
pour le Muséum, une provenant du calcaire de Brie, recueillie
dans la carrière de M. de Nonville, à Treusy, avec des Limnées
et des Planorbes connus dans cette assise. J’y suis revenu plus de
vingt fois sans en trouver d’autres. Mais je puis assurer qu’elles
sont au moins très-rares, s’il y en a. Je n’en ai jamais trouvé
dans tous les autres affleurements du calcaire du Gâtinais,que
j’ai visités souvent et en grand nombre. Je n’ai pas besoin de
rappeler que c’est l’absence complète d’Helix dans le calcaire
du Gâtinais et leur fréquence dans le calcaire de Beauce qui ont
déterminé Constant Prévost, en 1837, à distinguer ces deux as-
sises et à rapporter à l’argile à meulières supérieures les argi-
les vertes et jaunes qui les séparent.
Ainsi, môme pour les géologues qui placent les sables et les
grès de Fontainebleau dans l’étage éocène, le calcaire de
Beauce doit appartenir à la partie supérieure de l’étage mio-
cène, puisqu’il n’y a au-dessus de lui que les lambeaux de fa-
luns de la Touraine et de la Bretagne. J’ai cru devoir faire cette
observation parce que, dans une communication récente,
M. de Mortillet a dit que les cailloux à empreintes, au moins
problématiques, de la main de l’homme, trouvés par MM. les
abbés Bourgeois et Delaunay dans le calcaire de Beauce, pro-
venaient de la base de l’étage miocène. Je n’ignore pas qu’on
a créé pour ces faluns un étage falunien auquel on a rapporté
toute la mollasse marine du sud-est de la France. Mais d’abord
ce nom d’étage falunien est un nom détestable. Bien qu’on ait
cessé de donner, comme on le faisait il y a trente ans, le nom
de falun au dépôt de Grignon, on ne doit pas oublier que l’A-
quitaine est criblée de faluns appartenant à tous les terrains
antérieurs, même à celui du calcaire grossier. Qu’est-ce qu’un
étage falunien en dehors duquel se trouve la majeure partie
des faluns de la France ?
Il y a longtemps que j’avais cru devoir placer au niveau des
faluns de la Touraine l’étage supérieur de la mollasse, sorte de
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378
SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868.
Meudon. Les trois formations d’eau douce des environs de Ne-
mours s’y retrouvent bien distinctes quoique la supérieure n’y
existe que d’une manière rudimentaire.
Dans une de ses dernières communications, notre regretté
collègue, M. Goubert, cite des Hélix parmi les fossiles des car-
rières de Fontainebleau, route de Paris. J’ai longtemps habité
Fontainebleau ou ses environs et sans cesse visité ces carrières;
je n’y en ai jamais trouvé. Je ne voudrais pas affirmer qu’il n’y
en a point. J’en ai bien remis à M. Ch. d’Orbigny, en 1836,
pour le Muséum, une provenant du calcaire de Brie, recueillie
dans la carrière de M. de Nonville, à Treusy, avec des Limnées
et des Planorbes connus dans cette assise. J’y suis revenu plus de
vingt fois sans en trouver d’autres. Mais je puis assurer qu’elles
sont au moins très-rares, s’il y en a. Je n’en ai jamais trouvé
dans tous les autres affleurements du calcaire du Gâtinais,que
j’ai visités souvent et en grand nombre. Je n’ai pas besoin de
rappeler que c’est l’absence complète d 'Hélix dans le calcaire
du Gâtinais et leur fréquence dans le calcaire de Beauce qui ont
déterminé Constant Prévost, en 1837, à distinguer ces deux as-
sises et à rapporter à l’argile à meulières supérieures les argi-
les vertes et jaunes qui les séparent.
Ainsi, même pour les géologues qui placent les sables et les
grès de Fontainebleau dans l’étage éocène, le calcaire de
Beauce doit appartenir à la partie supérieure de l’étage mio-
cène, puisqu’il n’y a au-dessus de lui que les lambeaux de fa-
luns de la Touraine et de la Bretagne. J’ai cru devoir faire cette
observation parce que, dans une communication récente,
M. de Mortillet a dit que les cailloux à empreintes, au moins
problématiques, de la main de l’homme, trouvés par MM. les
abbés Bourgeois et Delaunay dans le calcaire de Beauce, pro-
venaient de la base de l’étage miocène. Je n’ignore pas qu’on
a créé pour ces faluns un étage falunien auquel on a rapporté
toute la mollasse marine du sud-est de la France. Mais d’abord
ce nom d’étage falunien est un nom détestable. Bien qu’on ait
cessé de donner, comme on le faisait il y a trente ans, le nom
de falun au dépôt de Grignon, on ne doit pas oublier que l’A-
quitaine est criblée de faluns appartenant à tous les terrains
antérieurs, même à celui du calcaire grossier. Qu’est-ce qu’un
étage falunien en dehors duquel se trouve la majeure partie
des faluns de la France ?
Il y a longtemps que j’avais cru devoir placer au niveau des
faluns de la Touraine l’étage supérieur de la mollasse, sorte de
Bu7/. r(c /et « S'fsc .cjct'L. Je // -fii/ce
Note de M. DIEULAFAIT ( Zone à Avicula coiitorta dans le midi de la "France )
2f Série, T, JTX17. PL. IV Pape 3g& .
Zone. à. Avicula. contortci.
7,o,æ à. Auunnrutrs pZtuwr/ôcs ■ ■ — i
Infra -Lins etLtas lv*V' '7-1
Oolit/te infYet grajide Aol/tAo
Ojclbrdlen,
AUBEXAS
fi
I. Coupe d' Aubenas à Lodève
LARGE N Tl ERE
JOYEUSE
LES VANS
A Jean du Gard
S1*’ Croit'
S T H ï P POLYT E
S* Etienne de G-ourdas
^ 1 y [} 1 ^ I,1 y ! j 1 ii l 'J i h 1 1 n i m i iiillmïï m m i m fil mm i fi T ni \ iTfnffTfjx
LODEVE
-LES VA XS
VJlsLEL O ET Eercjougnon,
Cttbièf'ej'
II Coupe des Vans a Milhau
Les Coupes I et n sont surtout destinées a montrer les rapports generaux de TMra-lias avec les terrains inférieurs et avec 1 "horizon La partie comprise entre S1 H^ppolyte et Lodève n’est qu'approximative
LE BLEYMAKD MENDE
7‘vl Je. Mxf.’iljniral
F LO RAC
ï’reissinet
Cot del&jurc, MEYRUETS
MILHAU
RERAJJL T
AUDE C HE
III Coupes rapportées au niveau géologique commun de I Ammonites plauorbis
LOZÈRE
AVEYR ON
GARD
G- sré Ji&<-AlzrrzZ TTiénarcL. 7.
Pu Becquet. Paru
NOTE DE M. DE ROYS.
379
grès formé presque entièrement de rhomboèdres de ehaux car-
bonatée, débris de coquilles fossiles, et de grains de quartz
connu des carriers sous le nom d e safre. Partout où je l’ai
étudié, aux pieds de Youlon, de l’Aiguille, etc., près de Beau-
caire, à Barbentane, à Notre-Dame-du-Château dans les Al-
pines, etc., il m’a paru se séparer assez nettement des étages
inférieurs par la stratification et parles fossiles, n’y ayant point
trouvé les Clypéastres, si communs dans l’étage moyen, surtout
à sa partie supérieure, formée d’une multitude d’assises min-
ces qui s’exploitent en grandes dalles pour des clôtures. La
partie inférieure fournit ces magnifiques pierres d’appareil qui
sont employées dans le Midi de temps immémorial et s’ex-
portent fort au loin. Dans cet étage, M. Matheron a signalé
quelques fossiles de l’étage des sables de Fontainebleau du
bassin de Paris, d’autres, en plus grand nombre, de l’Aqui-
taine, rapportés aux mêmes sables, et même quelques-uns du
calcaire grossier, comme la Turriiella imbricataria , etc. On
comprend que sur les rivages exposés au midi, dans une mer
méditerranéenne, ces mollusques aient pu vivre encore lors-
qu’ils avaient déjà cessé d’exister sur les rivages exposés au nord
d’une mer plus septentrionale. L’étage inférieur est un calcaire
un peu argileux à Barbentane, où il fournit de belles pierres
bleues, mais ne pouvant être employées que dans des inté-
rieurs non humides, très-argileux et se délitant facilement, à
Beaucaire, dans la tranchée qui précède le tunnel du chemin
de fer. Marcel de Serres, à cause de ses caractères exté-
rieurs, l’avait pris pour les marnes subapennines. Cette
formation marine, remplacée quelquefois, et notamment dans
le bassin de Marseille, par une formation d'eau douce, repré-
sente la totalité de l’étage miocène. Les fossiles indiqués paF
M. Matheron me paraissent établir formellement la contem-
poranéité démon étage moyen avec les sables et grès de Fon-
tainebleau qui, par conséquent, devront être rapportés à
l’étage miocène, comme Font toujours enseigné M. Élie de
Beaumont, Dufrénoy, Constant Prévost, etc. Ainsi, le cal-
caire de Beauce doit être évidemment placé dans la partie
supérieure de cet étage.
Dans son excellente carte des environs de Paris, notre sa-
vant collègue, M. Raulin, trompé sans doute par ces marnes
blanches et les argiles vertes et jaunes qui les recouvrent et
qu’il avait probablement rapportées à celles de l’étage gypseux,
a placé le plateau deïhury, à Villers-Coterets, à un niveau trop
380
SÉANCE DU 4 JANVIER 1869.
bas. J'ai constaté leur superposition aux sables de Fontaine-
bleau, à Collinance, à Grouy, etc., ce qui ne peut laisser au-
cune incertitude sur leur véritable position.
M. Munier-Chalmas n'admet pas la distinction fondée sur
la présence ou l'absence des Hélix dans le calcaire lacustre
supérieur. Suivant lui, la partie inférieure du calcaire de
Beauce, soit à Fontainebleau, soit à Étampes, contient
beaucoup de fossiles du genre Hélix , associés à la faune des
couches à Potamides Lamarcki,
M. Tournoüer ayant dit que, jusqu’à présent, il avait cru
pouvoir distinguer, dans les calcaires de la Beauce, deux
faunes successives, celle des meulières de Montmorency, à
Potamides Lamarcki et à Limnées, et celle des calcaires de
l’Orléanais,
M. Munier-Chalmas répond qu'il possède des documents
établissant de nombreux passages entre ces deux faunes.
MM. de Lapparent et Munier-Chalmas croient que le pou-
dingue ferrugineux et manganésifère des plateaux deMeu-
don est un dépôt très-récent, probablement diluvien, qui
ne saurait, comme le croit M. de Rovs, représenter le cal-
caire du Gâtinais.
M. le Président ayant soulevé la question de l'origine du
manganèse, si fréquent dans le diluviupa parisien, M. Mu-
nier-Chalmas répond que ce métal a dû être amené par des
sources dont l'action colorante s’est aussi fait sentir sur les
grès d'Orsay.
Séance du 4 janvier 1869.
PRÉSIDENCE DE M. ALFRED CAILLAUX, VICE-PRÉSIDENT.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres de la Société :
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
381
MM.
Julien (Alphonse), pharmacien, licencié ès-sciences, rue
de Seine, 52, à Paris; présenté par MM. d'Archiac et Éd.
Collomb.
Làfouge, capitaine d’État-major, rue Jacob, 41, à Paris;
présenté par MM. Hébert et Louis Lartet.
Piccinini (le professeur Ralfaele), Marche-Pesaro-Pergola
(Italie); présenté par MM. de Lapparent et Éd. Collomb.
Zittel (le DrR.), professeur à PUniversité et conservateur
du musée paléontologique, à Munich (Bavière), est admis
sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Gustav Jenzsch, Ueber eine mikroskopische
Flora undFauna krystallinischer Massengesteine [Eruptivgesteine) ,
in-8, 29 p. ; Leipzig, 1868; chez Von W. Engelmann.
De la part de M. U. Schloenbach, Ueber Belemnites rugifer ,
Schloenb ., nov. sp ., aus dem eocenen Tuffe von Ronca; in-8, 14 p.,
1 pl.; Vienne, 1868.
De la part de M. L. Zejszner, O dolomicie w pasmie dewons -
kiérn , rozpostartêm pomiedzy Checinami a Sandomierzem ; in-8,
14 p.; Cracovie, 1868.
De la part de M. K. Justus Andrae, Bericht über die Ergeb~
nisse geognostischer Forschungen im Giébeie der 14, 18 und
19 Section der General-Quartier-meierstabs-Karte von Steiermark
und lllyrien wdhrend des Sommers 1854; in-8, 40 p. ; Vienne,
1858.
De la part de M. Emil Czyrnianski, Chemische Théorie auf
der rôtir enden Bewegung der Atome basirt, kritisch entwickelt;
in-8, 39 p.; Cracovie, 1868.
De la part de M. Friedrich Rolle :
1° Die Braunkohlen-Gebilde bei Rottenmann , Judendorf und
St. Oswald und die Schotterablagerungen im Giebete der oberen
Mur in Steiermark ; in-8, 28 p. ; Vienne, 1856.
382
SÉANCE DU 4 JANVIER 1869.
2° Geologische Untersuchungen in dem Theile Steiermarks
zivischen Gratz , Obdach , Hohenmauthen und Marburg ; in-8,
31 p. ; Vienne, 1836.
3° Geologische Untersuchungen in der Gegend zwischen Ehren-
hausen, Schwanberg, Windisch-Frestritz und Windisch- Gratz in
Steiermark; in-8, 23 p.; Vienne, 1857.
De la part de M. Dionys Stur, Workommen ober-silurischer
petrefacte am Erzberg und in dessen Umgebung bei Eisenerz in
Steiermarh; in-8, 11 p.; Vienne, 1865.
M. le Président annonce que M. Dolffus-Ausset vient de
compléter, par un second envoi de cinq mille francs, le don
qu’il avait promis à la Société géologique; des remercî-
mentssont votés par acclamation an donateur.
M. Hébert présente une série de travaux offerts par les
géologues autrichiens (V. la Liste des dons).
M. Hébert rappelle à la Société la mort, encore assez ré-
cente, de M. Héricart-Ferrand, doyen d’âge des géologues
français.
RAPPORT DE LÀ COMMISSION DE COMPTABILITÉ.
383
*
Compte des recettes et dépenses effectuées pendant Vannée 1867
pour la Société géologique de France , présenté par M. Éd.
Collomb, trésorier.
7
RECETTE .
DESIGNATION
des
chapitres
de la recette.
J 1. Produits or-
dinaires des ré-
ceptions
§ 2. Produits extr.
§ 3. Produit des
publications. . .
§ 4. Capitaux pla-
cés i
CD
(“H
O
Sh
a
ai
CD
NATURE DES RECETTES.
Droit d’entrée et de diplôme. .
I de l’ann. courante.
Cotisations j des années précéd.
' anticipées
Cotisations une fois payées. . .
Bulletin
Table des vingt 1ers vol., 2e sér.
Mémoires
Histoire des progrès de la géo-
§ 5. Recettes di-^
verses
13
1 14
15
16
17
logie.
Arrérages de rentes 3 •/„• .
Intérêts d’obligations. . . .
Allocation du Ministre de l’in-
publications de la Société. .
Souscription du Ministre de
l’Instruction publique auj
Mémoires et reliquat
Recettes extraordinaires rela-
tives au Bulletin
Recettes imprévues
Loyer de la Société météorolog
1867.
RECETTES
prévues
au budget
de 1867.
RECETTES
effectuées
en 1867.
AUGMENTA-
TION.
DIMINUTION.
500
»
720
»
220
>
»
D 1
8,350
»
7, 423
75
M
J)
926
25
2,550
»
1, 750
D
»
2>
800
»
300
»
564
»
264
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»
»
1,200
2>
900
»
»
y>
300
»
1,200
*
1,513
»
313
»
»
D |
»
»
201
50
201
50
D
» 1
800
7>
962
60
162
60
»
» |
150
»
115
D
»
»
35
y>
1,870
»
1,870
»
»
»
»
b
585
»
585
>
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»
»
1,000
»
1,000
»
»
»
D
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1,200
»
»
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»
D
1,200
y> B
»
»
150
2>
150
M
D
» S
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»
>
»
»
»
» |
400
»
400
»
»
»
»
» §
. 20,105
631
»
05
18, 154
631
85
05
1,311
10
3,261
25 1
r
. 20,736
05
18,785
90
COMPARAISON.
La recette présumée était de 20,736 05
La recette effectuée est de . . . 18,785 90
1,950 15
Il y a diminution de recette de,
384
SÉANCE DU 4 JANVIER 1869
DÉPENSE.
DESIGNATION
des
chapitres
de la dépense.
NATURE DES DÉPENSES.
traitement.
|§ 1. Personnel.
§ 2. Frais de lo- r u
gement . .... J 9
* 10
§ 3. Frais de bu- ^11
reau « 12
( 13
§ 4. Matériel. . .(!!
§ 5. Publications.
§ 6. Emploi de,
capitaux. . . .
Agent
et gratification.
Aide temporaire
( Garçon de
bureau
(ses gages. . . .
gratificat. ordin.
gratifie, extraord
Loyer, contributions, assuranc
Chauffage et éclairage. . . .
Dépenses diverses
Ports de lettres
Impression d’avis et circulaires
Change. »
Mobilier
Bibliothèque. — - Reliure, port
Bulletin.
Mémoires.— Impression, papie
et planches , . .
Placement de cotisations uniq
Dépenses imprévues. ...
DÉPENSES
prévues
au budget
de 1867.
DÉPENSES
effectuées
eu 1867.
augmenta-
tion.
DIMINUTION.
1,800
D
1,800
»
»
»
»
»
300
D
300
»
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D
400
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D
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D
100
»
0
»
»
»
100
»
100
»
D
D
»
»
3,000
»
2,984
55
»
»
15
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ï>
482
95
»
»
217
05
300
»
325
40
25
40
»
»
300
»
231
50
»
»
68
50
100
»
44
»
»
»
56
»
20
»
19
95
»
»
1 •»
05
100
D
114
10
14
10
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»
300
»
479
20
179
20
J>
»
8,500
D
6, 555
70
»
J>
1, 944
30
700
D
782
05
82
05
»
»
2,500
»
2,090
10
D
D
409
90
»
»
y>
»
»
D
D
D
»
»
81
75
81
75
0
»
20,420
y>
18, 091
25
382
50
2,711
25
COMPARAISON.
La dépense présumée était de 20,420 »
La dépense effectuée est de 18,091 25
Il y a diminution de 2,328 75
RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1867.
18,785 90
18,091 25
694 65
La recette totale étant de. .
Et la dépense totale étant de.
Il reste en caisse audit jour
RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ.
385
MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYEES ET DES
PLACEMENTS DE CAPITAUX, EXERCICE 1867.
NOMBRE
DE
COTISATIONS
VALEURS
Recette ) antérieurement au 1er janvier 1867. .
/ pendant l’année .1867
177
fr# c
53,008 *55*
3
900 »
Totaux. ......
180
53,908 55
Legs Roberton. .
12, 000 »
Total des capitaux encaissés. • .
65,908 55
PLACEMENT.
fr. C.
fr. c.
ê
1, 870 » Rentes 3 0/0 et frais de mutation
4 1/2 en 3 0/0. .....
47,699 25
585 » Intérêts de 89 obligations de che- >59,048 »
mins de fer, achetées antérieure- I
ment au 1er janvier 1867. . . 11, 848 75 J
2,455 » — Excédant de la recette sur la dépense. , . | 6, 860 55
MOUVEMENT DES ENTREES ET DES SORTIES DES MEMBRES
AU 31 DÉCEMBRE 1867.
Au 31 décembre 1866, le nombre des membres inscrits sur les listes
officielles s’élevait à 499, dont :
367 membres payant cotisation annuelle. . . j .
Knn , } ci. » . 499
132 membres a vie . . . .J 5
Les réceptions du 1er janvier au 31 décembre 1867 ont été de 41
Total. 540
A déduire pour cause de décès, démissions et radiations . . 12
Le nombre des membres inscrits sur les registres, au 31 dé-
cembre 1867, s’élève à 528
"" . l 393 membres payant cotisation annuelle,
ÏÏS ’s i 135 membres à vie.
Soc. géol ., 2e série, tome XXVI.
25
J
386 SÉANCE DU 4 JANVIER 1869.
M. le marquis de Roys présente, au nom de la Commis-
sion de comptabilité, le rapport suivant :
Rapport de la Commission de comptabilité sur les comptes du Tr é-
sorier pour l’exercice 1867; par M. le marquis de Roys,
rapporteur *
Messieurs,
Le rapport qui vous a été présenté Tannée dernière consta-
tait une augmentation notable sur les recettes principales de
notre budget. On avait alors l’espoir de voir se continuer cette
amélioration. L’Exposition devait amener à Paris la plupart de
nos collègues de la France et de l’Étranger. Ils auraient donc
toute facilité pour acquitter les cotisations qu’il est quelquefois
si difficile de nous faire parvenir. Nous avons le regret de dire
que, malgré tout le zèle et l’insistance de notre Trésorier, ces
prévisions ont été déçues.
Nous ne pouvons mieux faire que de suivre, dans notre rap-
port, la marche si naturelle et si claire qui nous a été tracée
dans les rapports des années dernières par leur habile rappor-
teur, M. Parés. Nous examinerons donc :
1° Les recettes et dépenses fixes;
2° Les recettes et dépenses peu importantes par leur chiffre;
3° Les recettes et dépenses essentielles, que M. Parés a si
heureusement nommées vitales .
I. — Recettes et dépenses fixes.
/
Les recettes fixes se .composent des arrérages de rentes et
obligations de chemins de fer. Nous devons exprimer le regret
devoir que, depuis notre installation rue de Fleuras, le surcroît
forcé de dépenses a obligé nos deux Trésoriers à ne point tou-
jours placer, suivant l’usage, le produit des cotisations une fois
versées, et à les employer à solder les excédants de dépenses
annuelles. Sans doute notre règlement ne nous fait point de ce
placement un devoir rigoureux, mais un usage constant de
trente ans l’avait établi, et il est fort à désirer, pour l’avenir de
la Société, qu’on puisse y revenir au plus tôt.
Nos dépenses fixes se composent du personnel et du loyer.
La nécessité d’avoir toujours au bureau, pendant la durée de
l’Exposition, quelqu’un pour répondre aux membres étrangers.
* RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 387
avait fait voter une somme de 300 francs pour un aide tempo-
raire à l’Agent. Cette somme a été dépensée, mais cette dépense
ne se renouvellera pas.
II. — Recettes et dépenses peu importantes par leur chiffre.
Ces dépenses se rapportent aux nos 10 à 14 du budget des dé-
penses. Elles ne peuvent donner lieu ici qu’à des éloges pour le
zèle de notre Trésorier à les réduire autant que possible.il y a
eu une augmentation de 25 fr. 40 c. sur les dépenses diverses,
plus que compensée par les diminutions de 68 fr. 50 c. sur les
ports de lettres, 56 francs sur les impressions lithographiques;
mais le mobilier a donné lieu à une augmentation de 14 fr. 10c.
et la bibliothèque de 179 fr. 20 c., en sorte que l’ensemble des
cinq articles présente une augmentation de 94 fr. 20 c. Cette
augmentation est plus que justifiée par l’insuffisance no-
toire de l’allocation de 300 francs qui avait été votée. La biblio-
thèque de la Société avait déjà une importance notable. Elle
s’est augmentée par des dons d’une valeur considérable, et il
est bien à désirer qu’on puisse bientôt lui accorder des alloca-
tions plus convenables»
III. — Recettes et dépenses principales.
1° Recettes „
Les recettes les plus importantes de la Société sont d’abord
les droits d’entrée et les cotisations de ses membres; en second
lieu la vente de ses publications.
Les droits d’entrée et de diplômes, calculés sur l’admission
en moyenne de 25 membres, étaient prévus au budget pour
une somme de 500 francs. Le nombre des membres admis
a été beaucoup plus considérable, et l’Exposition pouvait le
faire prévoir. Il a été de 36. La somme reçue s’est élevée à
720 francs, avec une augmentation de 220 francs.
Les cotisations sont de quatre sortes : celles de l’année cou-
rante, les cotisations arriérées, les cotisations anticipées et
les cotisations une fois payées.
Les premières étaient prévues au budget pour une somme
de 8,350 francs, et certes cette prévision n’avait rien d’exagéré.
Le nombre des membres qui la devaient était, au commence-
ment de l’année, de 367. Avec les admissions nouvelle^, la
somme due aurait dépassé onze mille francs. La somme tou-
388
SÉANCE DU 4 JANVIER 1869.
chée n’a été que de 7,423 fr. 75 c. Ainsi, dans une année qui
amenait à Paris un si grand nombre de membres éloignés, un
tiers au moins n’a point acquitté ses cotisations. La diminution
sur cet article a été de 926 fr. 25 c. Elle a été de 800 francs sur
les cotisations arriérées portées pour une somme de 2,250 fr.
qui n’était pas la moitié de la somme due. Nous savons cepen-
dant que notre Trésorier a multiplié les avertissements soit
verbaux, soit par de nombreux envois de circulaires. Les co-
tisations anticipées, prévues pour 300 francs, ont produit564 fr.;
en sorte que le déficit réel s’est élevé sur les quatre articles à
1,442 fr. 25 c., plus 300 fr. sur les cotisations une fois payées,
prévues pour 1,200 fr., 900 francs seulement ayant été reçus.
Nous avons déjà fait remarquer que l’usage constant de la
Société avait été de placer ces cotisations une fois payées. An-
térieurement à 1867, la somme non placée s’élevait à 5,960 fr.
55 c. En y ajoutant les 900 francs reçus pendant cet exercice,
on voit que nos revenus fixes auraient dû être augmentés de
plus de 300 francs.
La vente du Bulletin , prévue pour 1200 francs, en a produit
1513. Celle des Mémoires , prévue pour 800 francs, a produit
962- fr. 60 c. Celle de V Histoire des progrès de la géologie ,
prévue pour 150, n’en a produit que 115. Mais il y a eu une
recette extraordinaire relative au Bulletin de 150 francs ; puis
un nouveau sujet de vente, la Table générale des vingt premiers
volumes de la seconde série du Bulletin qui a produit
201 fr. 50 c. ; en sorte que sur la vente de nos publications il y
a eu une augmentation de 792 fr. 10 c.
Nous n’avons rien à dire sur les allocations ministérielles et
le loyer de la Société météorologique.
2° Dépenses .
Nous avons déjà parlé des augmentations sur le mobilier et
la bibliothèque; sur les prévisions pour le loyer, une réduction
insignifiante de 15 fr. 45 c. ; pour le chauffage et éclairage, une
réduction de 217 fr. 05 c., due en partie à la tenue des séances
dans la salle de la Société d’encouragement, objet sur lequel
nous reviendrons.
La dépense capitale de la Société est celle de ses publica-
tions. La plus importante pour nous, celle qui est réellement
la vie de la Société, c’est le Bulletin. Nos dépenses pour cet
objet ont toujours été en croissant, et nous ne pouvons le re-
RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 389
gretter que par rapport à la longueur de quelques mémoires.
Il est très-essentiel que le Conseil tienne à la règle qu’il a im-
posée, de mettre à la charge des auteurs tout ce qui excède
deux feuilles d’impression. L’impression du Bulletin n’est
portée dans les comptes de 1867 que pour une somme de
6,555 fr. 70 c., inférieure de 1,944 fr. 30 c. à la prévision
8,500 francs du budget. On se tromperait étrangement si on
voyait là une économie. Elle tient à ce que les dépenses faites
n’ont point été acquittées en 1867 et devront être reportées sur
les comptes de l’exercice de 1868. On ne peut en douter en
voyant les frais de port offrir un accroissement de dépense de
82 fr. 05 c. Nous pouvons en dire autant des Mémoires, dont
les dépenses portées au compte de l’exercice de 1867 semblent
présenter une réduction de 409 fr. 90 c. Cette dépense, pour
les Mémoires , devra attirer l’attention du conseil. Elle est très-
considérable et la vente en est insignifiante. La Société géolo-
gique de Londres, qui est vingt fois plus riche que la nôtre, a
ajourné indéfiniment la publication de nouveaux Mémoires.
Ne pourrions-nous pas demander au Conseil de s’occuper de
cette question et de voir s’il ne serait pas convenable de
prendre une mesure semblable, au moinsjusqu’au moment où
nous aurions pu opérer le placement des 6,860 fr. 55 c. de
capitaux que nous aurions dû placer et qui ont servi à ac-
quitter des dépenses auxquelles ils n’étaient point destinés.
On le voit, malgré le zèle et l’incessante activité de notre ex-
cellent Trésorier, nous ne pourrions féliciter la Société sur le
bon état de ses finances si un don aussi généreux qu’inattendu
n’était venu nous placer dans un état plus prospère. Un de nos
collègues, M. Dollfus-Ausset, qui fait le plus noble usage de sa
grande fortune, a bien voulu faire à la Société un don de dix
mille francs , spécialement destiné à nous procurer une salle de
séances plus convenable. Les dix mille francs ont été versés, et
notre Trésorier pourra placer ce qui en reste après les douze
cents francs déjà dépensés pour le loyer, pendant ces deux
années, de la salle où nous nous trouvons. Son revenu devra
former à l’avenir un chapitre spécial dans nos recettes fixes,
avec mention du nom du donateur pour perpétuer le souvenir
de ce don et l’expression de notre reconnaissance. Si le pro-
duit de ce placement se trouve insuffisant pour la dépense à
laquelle il est affecté, ce ne sera qu’une charge bien légère et
que la Société votera certainement très-volontiers.
390
SÉANCE DU 4 JANVIER 1869.
Conclusions.
La recette prévue était de 20,736 fr. 05 c. ; il fr- -
a été reçu seulement.. 18 785 90
Les dépenses prévues étaient de 20,420 fr. 00;
il a été dépensé 18 091 25
Reste à porter dans les comptes de 1868. . . . 694 65
La Commission propose de donner une entière approbation
aux comptes que lui a présentés M. Éd. Collomb, trésorier, et
de lui voter des remercîments.
Le marquis de Rois
rapporteur.
A. D AMOUR.
Alb. Gâudry.
M. Éd. Collomb, trésorier, présente l’état de la caisse au
31 décembre 1868 :
>
fr. c.
Il y avait en caisse au 31 décembre 1867 ... . 694 . 65
La recette du 1er janvier au 31 décembre
a été de 22,175.30
Total..... 22,869.95
La dépense du lep janvier au 31 décembre
1868 a été de 22,058.20
Il reste en caisse au 31 décembre 1868. .... 811.75
La Société adopte successivement les nominations des di-
verses Commissions, pour Tannée 1869, faites par le
Conseil dans sa séance de ce jour, 4 janvier 1869.
Ces Commissions sont composées delà manière suivante :
1° Commission de comptabilité , chargée de vérifier les
comptes du Trésorier : MM. le marquis de Roys, Marcou,
Pellat.
2° Commission des Archives . MM. Delesse, Alf. Caillaux ,
Parés.
3° Commission du Bulletin : MM. d’Àrchîac, Deshayes,
Damour, Hébert, Tournoüer.
NOMINATIONS DU BUREAU POUR 1869.
4° Commission des Mémoires : MM. Daubréo, Albert Gau
dry, Paul Gervais.
Il est ensuite procédé à l’élection du Président pour
Pannée 1869»
M. de Billy, ayant obtenu 100 suffrages sur 173 votes, est
élu président pour l’année 1869.
La Société nomme ensuite successivement :
Vice-présidents : MM. Paul Gervais, Deshayes, Albert
Gaudry, D amour.
Secrétoire : M. Louis Lartet.
Vice-secrétaire : M. Chaper.
Membres du Conseil : MM. Alfred Caillaüx, J. Margot),
Tournouer, Beusrand, Perlai, Mis de Roys, Dollfus-Ausset.
Par suite de ces nominations, le Bureau et le Conseil
sont composés, pour l’année 1869, de la manière suivante :
Président
M. de Billy.
M. Paul Gervais.
M. Deshayes.
Secrétaires
Vice-présidents
j M. Albert Gaudry.
| M. D AMOUR.
Vice-secrétaires
M. Albert de Lapparent.
M. Louis Lartet.
Trésorier
M. Éd. Collomb.
Membres
M. Àlph, Bioghe.
M. Chaper.
Archiviste
S M. E. Danglure.
du Conseil
M. Éd. Lartet.
M. de Verneuil.
M. Hébert.
M. Delesse.
M. d’ARGHIAC.
M. Alfred Caillaüx.
M. Jules Marcou.
M. Tournouer.
M. Belgrand.
M. Pellat.
M. de Roys.
M. Dollfus-Ausset
Commission de comptabilité : MM. le marquis DE
Marcou, Edm. Perlât.
Roys
392
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
Commission des archives: MM. Delesse, Alf. Caillaux, Pares.
Commission du Bulletin : MM. cTArchiac, Deshayes, Damour,
Hébert, Tournouer.
Commission des mémoires : MM. Daubrée, Alb. Gaudry,
P. Gervais.
Séance du 11 janvier 1869.
PRÉSIDENCE DE M. de BILLY.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Le Président annonce ensuite deux présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Eugène Deslonchamps, Notes paléontolo -
giques. Prodrome des Téléosauriens du Calvados ; in-8,
pp. 95-162, pl. X-XII; 1867, Caen, chez le Blanc Hardel;
Paris, chez F. Savy.
De la part de M. J. Gosselet :
i°Sur le terrain nommé système ahrien par André Dumont
(Lettre à M. d'Omalius d'Halloy) ; in-8, 5 p.; Bruxelles, 1868.
2° Études paléontologiques sur le département du Nord et ob-
servations sur les couches de la craie traversées par le puits Saint-
René, à Guesnain, près Douai ; in-8, 21 p.; Lille, 1868; chez
L. Panel.
De la part de M. Louis Lartet, Congrès international d'ar-
chéologie préhistorique . — Session de Norwich. - Compte rendu;
in-4, 7 p. (Revue des Cours scientifiques, 2 janvier 1869).
De la part de M. G. Carrel :
1 Le gouffre des Busserailles à V ait or nenche ; in-8, 14 p.;
Turin, 1866, chez G. Cassone, etc., lre et 2e édition.
2* Le col de Saint- Théodule (Lettre à M. B. Gastaldi ) ; in-8,
15 p.; Turin, 1866; chez G. Cassone, etc.
3 La vallée de Valtornenche en 1867; in-12, Turin, 1868'
chez G. Cassone, etc.
NOTE DE M. ÉBRAY. 393
4° Ascensions du Mont- Cer vin en 1868; in-18, 7 p. ; Aoste,
1868; chez J. B. Mensio.
De la part de MM. E. Chelloneix et J. Ortlieb, Notice géo-
logique sur le mont de la Ferme-Masure , près Roubaix , in-8,
12 p.; 2 pl.; Lille, 1868; chez L. Danel.
De la part de M. L. Parisot, Supplément à V esquisse géologi-
que des environs de Belfort ; in-8, 12 p.; Montbéliard, 1868;
chez H. Barbier.
De la part de M. G. G. Laube :
1° Die Fauna der Schichten von St. Cassian; in-8; mars et
avril 1868.
2° Ein Beitrag zur Kenntniss der Echinodermen der vicenti -
nischen Tertidrgebietes ; in-4, 38 p., 7 pl.; Vienne, 1868.
De la part de M. R. F. Peters, Zur Kenntniss der Wirbelthiere
aus den Miocenschichten von Eibiswald in Steiermark ; in-8,
4 p. ; Vienne, 1868.
M. de Billy remercie la Société géologique de Fhonneur
qu'elle lui a fait en l’appelant à la présidence.
M. Hébert annonce la mort de M. Fournet.
M. le Président ne doute pas que cette perte ne soit vive-
ment sentie par tous ceux qui s'intéressent à la géologie.
Sur l’invitation de M. le Président, M. Alfred Caillaux se
charge de faire la notice nécrologique de M. J. Fournet.
Le Secrétaire lit la note suivante de M. Ébray.
Recherches sur l’inclinaison des couches jurassiques ci l’ouest des
Alpes dauphinoises; par M. Th. Ébray.
L’étude de la géologie des Alpes a toujours présenté de
grandes difficultés. Son histoire le prouve. En compulsant les
divers travaux publiés sur ces montagnes, on constate une
très-grande diversité d’opinions. Les difficultés sont en effet
grandes et nombreuses, mais la lumière commence à se faire.
Les géologues qui ont étudié préalablement les pays de plaine
voient que pour toute géologie alpine les lois ne diffèrent
pas de celles qui régissent les superpositions et les allures des
couches des autres pays.
394 SÉANCE Dü 11 JANVIER 1869.
L’étude des montagnes du Morvan m’a montré que des cou-
ches jurassiques, presque horizontales, butaient au p _
cette chaîne par l’intermédiaire d’une faille profon' •
montagnes du Beaujolais sont séparées des plaines de la S
par une rupture d’une grande étendue, de meme celles d
Cévennes, entre la Voulte et Lescrinet, ainsi que le plateau
central vers Saint-Amand. J’ai cherché si ce même phénomène
se reproduisait au pied des Alpes dauphinoises, et je 1 ai re-
trouvé là aussi clairement qu’ailleurs. Toutefois, comme
M. Lory, dans sa notice en réponse à mes observations, a mis
en doute cette inclinaison des couches annoncée uans mon
travail, je viens fournir de nouveaux renseignements sur cette
question importante. Pour procéder régulièrement avec surcte
et sans être obligé de revenir sur ses pas, il ne faut avancei
qu’après avoir bien établi la réalité des faits sur lesquels on
cherche à s’appuyer. .
On sait que le savant géologue de Grenoble prétend contr -
rement à mes assertions que les couches jurassiques se rem-
vent entre Grenoble et Uriage, entre Goncelm et Allevard,
entre Ghamousset et Aiguebelle, vers la chaîne des Alpes dau-
phinoises, et il met en avant un prétendu clivage simulant une
stratification. 11 y a longtemps que j’ai appris à distinguer e
clivage de la stratification, et ce n’est pas à la légère que j ai
étudié cette question. M. Lory verra en lisant cette notice que
les raisons sur lesquelles j’appuie mon opinion sont tout a iai
péremptoires; si je ne les ai pas fait connaître dans ma no e
sur les Alpes dauphinoises, c’était uniquement pour rendre
mon travail plus bref et plus concis. Il existe, en effet, au mi-
lieu des couches basiques et jurassiques des fissures qm se
dirigent dans des sens divers, mais par crainte d’erreur j ai
cherché un guide plus certain dans l’étude de la composition
des couches et dans l’inclinaison des filons qui les traversent.
Les sédiments s’étant déposés conformément à des lois
identiques sur une certaine étendue, il y a lieu d’admettre, ce
qui est d’ailleurs confirmé par l’observation, que les bancs pa-
rallèles de composition minéralogique semblable indiquent la
véritable stratification. 11 est évident encore que, si, dans un
système de couches sur la stratification duquel on est d ac-
cord, on constate des filons disposés suivant une certaine in-
clinaison, ces filons pourront servir à fixer une stratification
équivoque dans un cas où d’autres indices ne seraient pas
suffisants.
NOTE DE M. ÉBRAY. 305
C’est en partant de ces deux principes que j’ai pu résoudre
la question.
Disposition des filons de carbonate de chaux dans le massif juras-
sique de la V or te-de-F rance.
Les terrains jurassiques et le lias sont traversés par une
multitude de filons et de veines de carbonate de chaux. Dans
certaines localités ces filons paraissent, au premier abord,
obéir à des inclinaisons diverses ; mais en les examinant plus
attentivement on s’aperçoit bientôt qu’ils se coordonnent à
deux inclinaisons principales : 1° inclinaison dépendant d’une
perpendiculaire à l’inclinaison des couches ; 2° inclinaison pa-
rallèle à la stratification. Les faits se vérifient à Grenoble môme
dans les anciennes carrières contre lesquelles sont adossés les
fours à ciment de M. Bumolard. Après avoir passé devant ses
bureaux on arrive à la rampe qui conduit sur les fours à
chaux; les bancs oxfordiens ont, dans cette région; une incli-
naison de 70° environ, admise par M. Lory lui-même; les
filons affectent manifestement les deux inclinaisons dont on a
parlé, conformément au croquis ci-dessous :
s f s
A, four à chaux; R, rampe; /, filons parallèles à la stratifica-
tion; s, salbandes argileuses; f, filons perpendiculaires à la
stratification.
On sait que les eaux chargées de carbonate de chaux ont
dû de préférence suiyre les fissures de la stratification et celles
des cassures perpendiculaires à cette première. Geci posé,
nous allons examiner les couches aux abords de la chaîne
principale des Alpes dauphinises.
396
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
1° Entre Giers et Uriage.
Les filons de carbonate de chaux sont nombreux sur ce Ira-
jet. Au premier village, à la sortie de la combe de Giers la
route se dirige E. 10» N ; les couches plongent de 15 vers les
Alpes principales, et les filons sont perpendiculaires et paral-
lèles à cette inclinaison; à 500™ plus loin on fait la même r®"
marque ; à 1,200™ se présente un grand déblai à gauche de la
route; on y voit les couches s’affaisser de 25* vers la chaîne;
elles contiennent de nombreux filons affectant les mêmes al-
lures. *
A Uriage, seulement, point de passage de la faille occiden-
tale, l’on constate des bancs dont la direction se rapproche
quelquefois delà verticale. Ces perturbations dans les inclinai-
sons peuvent se voir non-seulement à Uriage, mais encore
Allevard et à Aiguebelle; elles indiquent un brouillage, résultat
ordinaire des grandes ruptures.
2° Entre Goncelin et Allevard .
Entre Goncelin et Allevard, les filons de carbonate de chaux
ne sont pas nombreux ; mais par contre il existe quelques dé-
blais creusés dans les massifs, dont les bancs sont de composi-
tion minéralogique diverse et qui s’affaissent évidemment vers
l’Est
Au kilom. 32, les déblais indiquent un plongement de 30°
vers les Alpes; au kilom. 33, 500“, on rencontre à droite de la
route, en allant vers Allevard, un autre déblai qui montre une
succession de bancs compactes à cassure légèrement subla-
inellaire, alternant avec des bancs marneux; la stratification
conforme à celle des autres déblais échelonnés sur la route
est donc ici incontestable ; elle est de 30° vers 1 Est. ^
Au kilom. 34, on peut faire la même remarque. Ce n est
qu’en arrivant aux sources minérales, c’est-à-dire au passage
de la faille, que se manifestent des redressements et des incli-
naisons anormaux ; ce fait confirme l’existence de la faille,
comme nous l’avons déjà dit.
3° Le long de la rivière de l'Arc.
A l’entrée de la berge de l’Arc, sur la rive droite du torrent,
on constate à l’époque des basses eaux un gros filon de carbo-
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
397
nate de chaux perpendiculaire à l’inclinaison que nous avons
indiquée dans notre note sur les Alpes dauphinoises. Plus
loin, en approchant d’Aiguebelle, la roche que l’on aperçoit
sur la même berge est parsemée de filons de 5 à 10 centimètres
d’épaisseur, parallèles à la stratification; ces filons occupent
l’intervalle entre deux bancs. Il me paraît bien difficile, en pré-
sence de ces faits, de nier le plongement vers la chaîne.
Nous n’avons fait, comme on l’a vu, que nous appuyer sur
l’observation directe des couches pour en conclure l’existence
delafaille occidentale des Alpes dauphinoises, sans nous engager
dans la question de savoir à quel étage appartiennent les grès
d’Allevard et quelle est la provenance des gypses d’Aiguebelle;
la présence dé ces lambeaux au pied même de la chaîne ne peut,
de quelque manière qu’on les envisage, infirmer les résultats
d’une observation directe de stratification. Nous savons d’ail-
leurs que les gypses des Alpes sont rarement dans leur vérita-
ble place; très-souvent ils représentent des paquets descendus
des hauteurs, comme j’ai eu déjà l’occasion de le montrer. Ce
régime d’éboulement n’est pas particulier aux Alpes seules.
Je rédige cette note à Monistrol-d’Allier ; là j’ai vu cette ri-
vière, devenue un torrent, couler entre deux parois de basalte,
reposant, par l’intermédiaire d’un terrain de transport, sur les
schistes micacés. Tous les ans, des blocs énormes se déta-
chent des faîtes et viennent se projeter sur les alluvions de
cette rivière ; aussi la réglementation de ce régime d’éboule-
ment constitue une des parties les plus difficiles de l’art de
’ingénieur, forcé dans ces contrées de chercher des moyens,
sinon pour arrêter la loi naturelle des éboulements, du moins
pour en circonscrire les effets et en prévenir les dangers.
Après la lecture de cette note, divers membres expriment
l’opinion que l’auteur a attaché trop d’importance à la di-
rection des filons, considérée comme un indice de la strati-
fication des roches encaissantes.
M. Hébert rend compte de la note suivante de M. Dieu-
lafait.
398
SEANCE DU 11 JANVIER 1869,
Zone à Avicula contorta et Infra-lias dans le Midi de la
France, à l'ouest du Rhône {Ardèche, Lozère , Aveyron ,
Hérault); par M. Louis Dieulafait (PI. IV).
La zone à Avicula contorta n’a été signalée, jusqu’ici, dans le
midi de la France, à l’ouest du Rhône, que dans quelques
points isolés, bien que cette partie de notre pays ait été à di-
verses reprises explorée par des observateurs de premier
ordre.
Dans une excursion à travers le Languedoc, j’avais, il y a
trois ans, essayé de découvrir le niveau si précieux qui me
guidait avec tant de sûreté en Provence ; mes résultats, à ce
point de vue, avaient été à peu près nuis ; je n’avais pas vu
autre chose que les savants qui m’avaient précédé.
Fortifié par trois années d’études consacrées à l’exploration
de la zone à A. contorta , depuis le Rhône jusqu’à l’est du golfe
de Gênes, j’ai repris cette année mes recherches dans le Lan-
guedoc, et cette fois les résultats ont dépassé mes espérances.
Non-seulement j’ai rencontré la zone à A. contorta, quelque-
fois prodigieusement fossilifère, mais la position qu’elle oc-
cupe déplace singulièrement, comme nous allons le voir, les
limites assignées jusqu’ici au trias et à l’infra-lias dans cette
province.
La Carte géologique de la France nous montre la formation
jurassique, commençant dans le Languedoc, en face de Va-
lence, et formant jusqu’à Saint-Hippolyte, dans le Gard, une
bande, dont la largeur n’est pas très-considérable, mais qui se
développe sur une longueur de près de cent cinquante kilo-
mètres. A partir de Saint-Hippolyte, elle s’étend dans tous les
sens et pénètre dans les départements de l’Hérault, de Î’A-
veyron et de la Lozère.
C’est ce grand massif que j’ai exploré en me maintenant, au-
tant qu’il m’a été possible de le faire; vers la limite inférieure
des terrains jurassiques.
Comme le montre bien la Carte géologique de la France, il
existe encore, dans la région dont nous nous occupons, un
certain nombre de lambeaux isolés appartenant à la meme
formation.
•J’en ai examiné un certain nombre, et plus particulièrement
NOTE DE M. DÏEULAPAÏT* 399
ceux que l’on rencontre en suivant la nouvelle route des Vans à
Villefort et l’ancienne route de Villefort à Mende.
Dans tout ce grand massif l’A. contorta n’a été jusqu’à ce
jour citée qu’en deux points : à Joyeuse (Ardèche), par M. Du-
mortier, et, tout récemment, aux environs de Lodève (Hérault),
par MM. de Rouville et Bioche.
Si on n’a pas signalé plus tôt dans le Languedoc, particu-
lièrement dans l’Ardèche et dans le Gard, le développement
considérable de la zone à A. contorta que nous allons faire
connaître, il faut, sans aucun doute, l’attribuer à cette opinion,
justifiée d’ailleurs jusqu’ici, par toutes les analogies, que les grès
existant constamment à la base des terrains jurassiques, dans cette
'partie de la France, faisaient déjà partie de cette formation. C’est
cette idée qui m’avait fait concentrer tous mes efforts sur
l’exploration de ces grès, et qui m’avait amené, dans mon ré-
cent, comme dans mon premier voyage, de la Voulte jusqu’à
Largentière, sans obtenir aucun résultat. C’est seulement à
partir de ce point, qu’abandonnant les grès je commençai à
m’élever dans les assises calcaires, et que je vis apparaître les
horizons fossilifères, vainement cherchés jusque-là dans les
dépôts inférieurs.
Le premier point où je rencontrai bien en place la zone à
A, contorta est sur le territoire du village d’Assion, au hameau
de la Ribeire, au-dessous de la propriété Terisse, au bord
môme de la route.
Quand on a dépassé de 100 mètres environ la dernière mai-
son, on voit, à l’ouest, un puits; il est creusé dans la zone à
A. contorta et, entre ce puits et la route, on peut observer
un très-beau développement de cette zone.
Elle est là, par tous ses caractères, identique avec celle de
la Provence, c’est-à-dire éminemment calcaire, sans la moindre
trace non-seulement de grès, mais sans aucune parcelle de
sable dans la pâte.
Ce point très-favorable pour constater la présence de la
zone à A. contorta ne l’est plus pour établir les relations de
cette zone avec les assises qu’elle supporte et celles sur les-
quelles elle repose. Mais une fois ce niveau bien reconnu, il n’y
avait plus qu’à le suivre pour trouver dans cette région au-
tant de coupes qu’on en pouvait désirer.
Je donne ici (PL IV, coupes III, tig. 1) celle que j’ai menée
perpendiculairement à la route, à âOO mètres au sud du pont
de la Boutonnelte, distant lui-même de quelques centaines de
400
SÉANCE DU tl JANVIER 1869.
mètres du point où nous venons de constater la présence de la
zone à A. contorta.
Cette coupe sera toujours bien facile à retrouver, et, de plus,
c’est, une coupe limite . Elle montre, en effet, avec évidence,
que, si la zone à A. contorta est réellement dans les strates
calcaires, comme nous l’avons dit, elle est, en ce point, au
voisinage des grès.
(Dans cette coupe et dans toutes celles qui vont suivre, les
assises se succèdent de haut en bas dans l’ordre naturel.)
Coupe du ravin de la Boutonnette (PI. IY, coupes III, fig. 1).
Lias inférieur. ( Épaisseurs
Dolomies et calcaires infraliasiques avec zone à< non
Ammonites planorbis. ( mesurées.
16. Calcaires lumachelles en gros bancs bleuâtres, pétris de débris
de fossiles « «
15. Calcaires fissiles parfaitement réglés et calcaires plus com-
pactes, montrant de nombreux fossiles, et en particulier IA.
contorta lm80
14. Cargneules extrêmement cloisonnées, usées, et fortement cor-
rodées à la surface, avec marnes verdâtres à la base; en tout. 0.80
13, Grès fins, avec petits fragments de quartzite empâtés et ter-
minés par une couche de grès à éléments roulés, indiquant une
sédimentation beaucoup plus agitée 0.60
12. Marnes noires avec débris de fossiles (?) 0.60
11. Grès grossier, analogue au n° 9 0.20
10. Marnes noires..... 0.10
9. Grès grossier 0.30
8. Grès à grain très-fin 1,80
7. Calcaires fissiles remplis de débris de fossiles et appartenant
très-probablement à la zone à A. contorta , bien que je n’aie
pu y rencontrer ni cette coquille, ni aucun fossile bien déter-
minable, se rapportant à cette zone. 0.80
6. Grès blanc bleuâtre, à éléments grossiers, alternant avec car-
gneules dolomitiques jaunâtres 1,00
5. Calcaire jaune siliceux dolomitique montrant, à la surface des
bancs, un grand nombre de ramifications cylindriques... 3.50
4. Calcaire siliceux alternant avec marnes vertes, surtout à la
base 2.50
3 . Calcaire siliceux avec petits lits de marne verte î.oo
2. Grès à grain assez fin et assez régulier, un peu calcaire 1.50
1. Grès blancs, à gros grains très-irréguliers, en cinq bancs très-
variables 2.00
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
401
Fond du ravin.
Les différences si considérables que vient de nous révéler la
coupe précédente dans la nature des sédiments nous montrent
avec évidence que nous sommes ici au voisinage d*un ancien
rivage ; mais aussi, constatons que, même en ce point, le déve-
loppement de P A. contorta coïncide avec la prépondérance
de l’élément calcaire.
En marchant vers le sud, on voit les couches s’incliner légè-
rement ; aussi la lumachelle à A. contorta et les bancs com-
plètement calcaires qui la renferment ne tardent pas à arriver
au niveau de la route. On suit cette zone, toujours très-fossili-
fère, sans la moindre difficulté; mais le point où elle se mon-
tre le mieux à découvert est aux environs de propriétés isolées,
appelées le Mas du Plantier. Elle se continue bien au delà avec
quelques interruptions, et va passer aux Vans où elle est très-
développée.
La lumachelle est là constituée (échantillon n° 5) par un
calcaire gris foncé, très-dur, très-résistant, renfermant certai-
nement de la silice, mais de la silice à l’état gélatineux com-
binée avec le calcaire, en un mot, sans aucun élément gréseux.
A côté de magnifiques échantillons de PA. contorta, cette
lumachelle montre une multitude de fossiles entiers, et sur-
tout de débris de fossiles de très-petites dimensions.
Très-développée au bord même de la route de Villefort,
quand on sort des Yans, elle demeure visible pendant un cer-
tain temps; mais, le système général se relevant plus vite que
la route ne monte, on rentre bientôt dans les grès inférieurs.
La lumachelle se prolonge toujours au-dessus, et, si l’on suit
une coupe perpendiculaire à la route, en un point quelconque,
on retrouve aussitôt la lumachelle, toujours exclusivement
calcaire, bien qu’elle continue à se maintenir dans le voisinage
des grès (1).
En marchant vers Villefort, à partir des Yans, on ne tarde
(1) Une coupe, exécutée entre les Vans et le sommet de la montagne qui
s’élève au sud, m’a montré que la série depuis la zone à A. contorta jus-
qu’à l’Oxford-clay était là complète et normale. Cette coupe, qui n’avait pas
d’autre but que de me donner une connaissance précise de la succession
des étages, au moment où j’allais pénétrer dans le Gard et dans la Lozère,
trouvera sa place ailleurs.
Soc. géol.} 2e série, tome XXVI.
20
SÉANCE DTI 11 JANVIER 1869.
pas à voir reparaître les schistes anciens ; mais entre ces deux
localités on trouve quatre lambeaux isolés de terrains secon-
daires qui offrent le plus grand intérêt.
Le premier, que Fôfi trouve à 5 kilomètres des Vans, est à
260 métrés au-dessus de ce village.
J’espérais retrouver clans ce lambeau et dans les suivants
une répétition de ce que je venais d’observer entre targen-
tière et les Vans ; mais il fut loin d’en être ainsi. En effet, sur
les schistes anciens on voit des grès et des marnes calcaires
verdâtres, identiques, a fous les points de vue, avec les assises
correspondantes des coUpes du pont de la Boutonnette et des
Vans, inférieures à l’horizon de VA. contorta. Mais, en exami-
nant les bancs de plus près, je reconnus immédiatement, et
non sans surprise, un horizon dont je me suis beaucoup oc-
cupé, et que je venais cbétudier tout récemmen t dans le midi
delà Provence, Vhorkon de la Lima heteromorpha. Ces dépôts
sont là, absolument comme dans le Var, formés de calcaires
ferrugineux en bancs assez épais, remplis de débris de coquil-
les et d’articles d’Encrines, montrant un grand nombre de
gros silex branchus, faisant saillie sur les plans de stratifica-
tion, et surtout sur les tranches. Mais, ce qui est, bien plus
concluant encore, c’est qu’ils renferment les fossiles les plus
caractéristiques de l’horizon auquel je lés rapporte : Belemnites
sidcatüs , Ammonites Mitrchisonœ, Lima heteromorpha (?), Pecten
barbalus, plusieurs Terébratuïés, parmi lesquelles trois gros et
très-beaux échantillons de la T. perovàlis , etc., etc,
Au-dessus de ces calcaires durs à Silex, viennent, absolu-
ment encore comme dans le Var, des calcaires bleus très-
marneux, dont quelques bancs sont remplis d’Ammonites,
mais en général écrasées et tombant en débris quand on veut
les détacher. J’ai cependant rapporté de ce point des À. Hum-
phriesianus , A , Garrantianus , A. Mariinsii, dont la détermi-
nation ne peut laisser aucun doute, et un Ancyloceras (fi.
annulatus?) qui m’a paru identique avec celui qu’on retrouve
fréquemment dans le Var à ce môme niveau. Enfin, dans les
parties élevées apparaissent d’abondantes empreintes de Chon-
drites scoparins.
En s’avançant toujours à l’ouest, on rentre dans les schistes,
et, à 2 kilomètres du lambeau précédent, on en rencontre un
second à une altitude de 410 mètres par rapport aux Vans,- k
150 mètres, par conséquent, au-dessus du premier.
Il présente absolument la môme disposition générale que le
NOTE DE M. DIEULAPAIT.
403
précédent : marnes bleues à Ammonites Humphriesianus et
Chondrites scoparins en haut, calcaires à silex avec A. Murchi -
sonæ et Terebratula perovâlis à la base. Seulement cette der-
nière division de l’oolithe inférieure n’est ici séparée des
schistes anciens que par un ensemble assez faible de marnes
vertes dolomitiques et gréseuses, sur lesquelles elle repose, en
outre, en stratification très-discordante.
Le troisième lambeau est distant du précédent d’un kilo-
mètre; son altitude au-dessus des Vans est de 560 mètres ;il
est donc au-dessus du second à la même hauteur que le se-
cond au-dessus du premier, -150 mètres. Il occupe le sommet
de la montagne du Mas de l’Air, et c’est, comme étendue, le plus
important des quatre. 11 ne diffère pas, dans son ensemble, des
deux précédents; seulement les grès sont beaucoup plus déve-
loppés à la partie inférieure.
La nuit qui arrivait ne me permit pas d’examiner le qua-
trième lambeau qui domine Villefort.
En comparant les résultats de l’examen de ces trois lam-
beaux avec les coupes que j’avais relevées entre Largentière et
les Vans, je retrouvais des grès quartzeux et des marnes
vertes identiques avec l’ensemble qui, dans les coupes précé-
dentes, là où la série est complète , servent de support à la zone
à A. contorta. Je me trouvais donc amené forcément à cette
conclusion que, dans les trois lambeaux jurassiques explorés,
les grès et les marnes vertes faisaient partie du trias, et que,
dans ces trois points, non-seulement l’infra-lias, mais les trois
autres étages du lias, faisaient complètement défaut.
Le soir j’eus la bonne fortune de rencontrer à Villefort notre
savant et excellent confrère M. Jaubert, qui avait exploré l’un des
trois lambeaux précédents (celui du Mas de l’Air), et j’eus la
satisfaction de voir que ses résultats coïncidaient exactement
avec les miens.
M. Jaubert eut la complaisance de me donner les renseigne-
ments les plus précis sur deux autres lambeaux de terrains
jurassiques que je devais visiter le lendemain, celui de Ber-
gougnon et celui du Bleymard, ce qui me permit, sans tâtonne-
ment et sans aucune perte de temps, d’aborder directement
les points que je me proposais d’étudier spécialement.
je trouvai, à l’est de Bergougtion, en montant vers le nord,
la zone h Ammonites planorbis , très-riche en fossiles et parfaite-
ment reconnue déjà par M. Jaubert. Mais je ne tardai pas, en
appuyant toujours vers l’est, à rencontrer une lumachelle pé-
404 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
trie de débris de fossiles, parfaitement indéterminables, il est
vrai, mais tellement identique avec celle du Yar et des Alpes-
Maritimes que je ne doutai pas un seul instant que je ne fusse
bien clans la zone à A. conforta. En effet, je rencontrai bientôt
un certain nombre de fossiles, Avicula , Monotis«Rissoa , etc., qui
partout, en Provence, accompagnent P A. conforta , et, en bri-
sant quelques fragments de lumacheîle, je découvris bientôt ce
dernier fossile lui-même.
L’échantillon n°2, provenant du pointprécédent, montre, d’un
côté, la lumacheîle, et de l’autre, avec quelques débris de fos-
siles divers, un très-bel exemplaire de l’A. conforta. Je dois dire
cependant qu’à Bergougnon l’A. conforta me paraît être très-
rare. H est possible et même probable qu’une exploration plus
complète de cette station fera reconnaître ce fossile en quan-
tité plus considérable, ce qui du reste devient à peu près in-
différent au point de vue de l’horizon, maintenant que son exis-
tence est bien constatée en ce point.
Troislambeaux de terrain jurassique, avec infra-lias à la base,
s’étendent à l’ouest, au sud et au nord du village de Cubière.
Dans ces trois gisements, j’ai rencontré immédiatement un
bon nombre de fossiles qui, en Provence, dans l’Ardèche et
dans le Gard accompagnent P A. conforta ; mais je n’ai pu dé-
couvrir un seul exemplaire de ce dernier fossile.
Le point le plus favorable à l’observation, dans cette région,
est le nord du village de Cubière, en arrivant par la nouvelle
route. Là les assises des terrains se succèdent avec une régu-
larité parfaite et laissent voir avec la plus grande facilité leurs
relations mutuelles.
Ce qui frappe tout d’abord, à Cubière comme à Bergougnon,
du reste, c’est la présence et surtout la richesse fossilifère de
la zone à A. planorbis.
En suivant les affleurements infraliasiques, depuis Bergou-
gnon jusqu’aux environs de Pornaret, et en remontant le ravin
qui s’ouvre au sud vers Cubierette, j’avais rencontré plusieurs
fragments bien reconnaissables de l’A. planorbis , mais je n’en
avais pas trouvé un seul en place. Au nord de Cubière, il n’en
est plus ainsi.
Quand on arrive par l’est au point précédent, on voit les
schistes anciens imprégnés d’un minerai de fer, qui les colore
fortement en rouge, s’enfoncer sous un massif calcaire formant
falaise au bord de la route et divisé en deux par un ravin qui
s’ouvre vers ie nord.
NOTE DE M. DIEULAFAIT. 405
Dans la première partie, les couches sont à peu près hori-
zontales.
A droite, à trois mètres en moyenne au-dessus du niveau de
la route, on voit des marnes blanchâtres, grossières, grume-
leuses avec un grand nombre de petites parties verdâtres. Elles
tracent, à la hase des calcaires, une ligne qui frappe à première
vue : c’est le niveau de VA. planorbis. On trouve dans les par-
ties délitées ce fossile en compagnie d’une foule d’autres, et,
en dégageant un peu le terrain, on peut très-facilement les
voir en place.
Ces nuances sont en contact avec une lumacheîle formée
d’un calcaire noir gris, très-dur, très-compacte, remplie et
couverte d’un grand nombre de fossiles, identique avec celle qui
existe, à ce niveau, dans la Provence, le Gard et l’Ardèche.
Maintenant, entre ce niveau bien défini de l’A. planorbis et
les schistes anciens, la distance ne dépasse pas trois mètres.
Tout à fait à la base, en contact avec les schistes, se montrent
quelques traces de grès grossier, puis d’autres grès un peu
plus réguliers. Au-dessus viennent quelques assises d’un cal-
caire bleu, à pâte fine, avec traces de fossiles. Elles corres-
pondent probablement à l’horizon de l’A. contorta , mais je
n’ai pas réussi en ce point à trouver cette coquille.
On rencontre ensuite les marnes blanchâtres à A. planor-
bis, puis des calcaires siliceux dolomitiques, et, plus haut,
des bancs épais formés d’un grès grossier et sableux qu’il faut,
malgré ses caractères tout à fait marneux, rapporter au lias
moyen , puisqu’il en renferme les fossiles les plus caractéris-
tiques, VOstrea cymbium et le Pecien œquimlms en particulier.
Enfin, au-dessus des grès basiques, on trouve les puissantes
assises de la zone à Lima heteromorpha , avec un ensemble de
caractères pétrdgraphiques et paléontologiques identiques avec
ceux qu’elle montre au Mas de l’Air et dans les autres lam-
beaux que nous avons rencontrés entre Villefort et les Vans.
Après avoir traversé le massif jurassique qui, commençant à
Gubière, s’étend surtout sur le territoire de la commune de
Bleymard, on rentre dans les terrains anciens.
A onze kilomètres de ce dernier village, en face de celui du
Chadenet, les schistes anciens disparaissent de nouveau et sont
recouverts par des assises de calcaires siliceux bleuâtres et
rougeâtres, montrant, à plusieurs niveaux, des couches, en
général très-minces, de marnes noires. Ces assises appar-
tiennent à l’infra-lias, et sont supérieures à l’horizon de l’A.
406 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
planorbis. En effet, dans le ravin qui sert de limite aux deux
communes de Chadenet et de Sainte-Hélène, et aux environs,
on rencontre des calcaires magnésiens remplis de fossiles re-
posant sur d’autres calcaires rougeâtres à Gardinies. Or, en
jugeant ces fossiles, par comparaison avec ceux des points où la
série est complète, on voit qu’ils appartiennent aux parties
élevées de la portion fossilifère de la zone à A. planorbis .
Ces calcaires à Gardinies se continuent et se montrent très-
développés, à l’ouest de ce point, là où la route tourne brus-
quement pour descendre à Sainte-Hélène.
Au point où nous sommes parvenus, on quitte les lambeaux
de terrains jurassiques pour entrer dans le grand massif dont
Mende, Rodez, Sainte-Affrique, Lodève, Saint-Hippolyte, le
Vigan et Florac marquent le périmètre,, Aussi la série des
étages devient, non-seulement plus régulière et plus complète,
mais c’est avec une profonde satisfaction que le géologue des
Alpes se retrouve en présence de terrains qui, par leur dispo-
sition, leur état minéralogique, leur couleur, etc., etc., repro-
duisent complètement les types les mieux connus de cette
dernière région. C’est ce qui arrive à partir de Sainte-Hélène.
Là, le lias moyen formé de bancs de calcaire bleu marneux
montrant d’énormes Ammonites fimbriatus arrive rapidement
au niveau delà route. Il est recouvert par un puissant dépôt de
marnes noires appartenant au lias supérieur, et celles-ci à leur
tour supportent un système puissant de calcaire, noduleux
d’abord, et plus haut lithographique, dépendant du système
oolithique.
Il ne m’a pas paru possible de faire arriver, en ce point, la
coupe jusqu’aux terrains anciens. Mais, en suivant la route, on
descend la série, et, à quelques centaines de mètres au sud
du village, les schistes anciens revenant au jour, on constate que
les dépôts fossilifères qui les recouvrent appartiennent, comme
dans la partie nord du village, à l’horizon de PH. planorbis.
Le système jurassique s’éloigne momentanément de la route,
mais au village de Nojaret, au point où la route passe sur la
rive droite du Lot, on le voit de nouveau reparaître formant
escarpement en face du pont.
Coupe (PI. IV, coupes IIÎ, fig. 2) prise sur la rive droite du Lot en face
de Nojaret.
15. Calcaires dolomitiques siliceux . . » »
14. Route de Toulouse.
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
407
14. Calcaire dolomitique blanc grisâtre. 10m00
13. Lumachelle avec débris de fossiles 0.50
12. Calcaires dolomiticjues rougeâtres, les premiers bancs usés et
alternant dans tout l’ensemble avec des assises sub-mar-
neuses ....... 25.00
11. Marnes jaunes noirâtres »... * ..... . 1.00
10. Calcaires dolomitiques siliceux en gros bancs jaunes. ....... 5. 00
9. Calcaires dolomitiques assez compactes 1.00
8 . Marnes grenues très-magnésiennes. „ . . t * ............... * 1.50
7. Calcaire dolomitique, avec un grand nombre de grains de
quartz dans la pâte 0.50
6. Marnes magnésiennes.
5. Calcaire dolomitique* avec grains de quartz, formant barre. . 0.30
4. Calcaire compacte dolomitique, 0 . G0
3. Marnes noires .. ............. .. » .. ..... 0.10
2. Calcaire dolomitique jaune marneux » . „ * . i ......... 4 . » ». . 0.30
1 . Marne noire friable. » . 0*30
Terrains cristallisés .
Il était évident qu’en ce point la zone A . conforta et même
la partie fossilifère de la zone à A. pianorbis manquaient
complètement. Toutefois, pour laisser le moins possible à
l’hypothèse, je revins à la base des dépôts calcaires et les
suivis dans le sens horizontal. Je ne tardai pas à voir apparaître
à la partie tout à fait inférieure les calcaires rouge foncé,
remplis de Cardinies et reposant, comme à Sainte-Hélène, sur
les schistes anciens, ce qui confirmait complètement ma pre-
mière impression.
Dix coupes menées successivement, en m’avançant toujours
vers Mende, ne m’ont appris rien de nouveau, si ce n’est que
l’infra-Iias ne semblait pas descendre, en général, plus bas
que l’horizon des Cardinies.
A trois kilomètres avant d’arriver à Mende, on atteint le val-
lon de Rieuxcros-Abaïsse signalé, comme on le sait ( Bail .,
2e série, t. XI, p. 607), par M. liœchlin-Schlumberger comme
fournissant une coupe très-favorable pour observer l’infra-lias
et le lias inférieur. En effet, ce vallon qui s’ouvre de l’est à
l’ouest, perpendiculairement à la route, montre, dans le fond,
les schistes anciens colorés en rouge, et, au-dessus, un puissant
dépôt dont la stratification est assez apparente ; tout cet en-
semble plonge assez rapidement vers l’est.
408
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
Coupe (PI. IV, coupes III, fig. 3) de la partie sud du vallon de Rieuxcros-
Ab disse.
18. Bancs dolomitiques siliceux, en général très-compactes et assez
puissants, alternant avec de nombreux lits de marnes noires,
toujours relativement très-minces
17. Deuxième petite barre, un peu en arrière de la première, dont elle
est séparée par un lit de marnes noires ; le calcaire dolomiti-
que qui constitue cette barre renferme beaucoup de fossiles
fortement empâtés
16. Première barre très-apparente et parfaitement visible, allant,
au niveau de la route, s’enfoncer sous le sol. Elle est formée
pai un banc de calcaire siliceux, se brisant en fragments
verticaux polyédriques, et de plusieurs assises de calcaire
siliceux dolomitique, très-compacte, renfermant des fossiles
comme la division précédente. En tout
15. Couche très-mince de marnes noires
14. Banc dolomitique rempli de fossiles
13. Ensemble de bancs dolomitiques avec quelques traces de
marnes
12. Trois gros bancs dolomitiques avec marnes noires inter-
calées
11. Ensemble de bancs rougeâtres à l’extérieur, très- durs, très-
siliceux
10. Couche mince de marnes noires
9. Calcaire compacte dolomitique
8. Couche mince de marnes vertes
7. Couche dolomitique avec Gervülia , Àvicula , etc
6. Marnes dolomitiques
5. Calcaire dolomitique compacte
4. Marnes rouges magnésiennes, avec lumachelle gréseuse,
montrant des traces de fossiles tout à fait indéterminables..
3. Grès blanc à gros grain compacte, montrant à la partie su-
périeure une petite couche à éléments plus fins (grès à
meules)
2. Grès blanc sableux
1. Traces de marnes.
3 0 m 0 0
0.80
2.80
» »
0.10
10. 00
4.00
20.00
» »
1.50
» »
0.10
1.50
1.00
2.50
2. 50
1.00
Schistes anciens .
On voit, par la coupe précédente, que Tensemble des assi-
ses qu’elle comprend n’est pas complètement privé de fossi-
les, comme on l’avait pensé jusque-là. Elle montre, au contraire,
trois niveaux fossilifères bien définis.
A 1 ouest de Mende, à un kilomètre environ de la ville,
ouvie un lavin assez profond qui porte encore le nom de
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
409
ravin de Rieuxcros. Quand on le remonte, en suivant le che-
min de la rive gauche, on descend la série. Au bout de 700 ou
800 mètres, on rencontre, à droite, un deuxième ravin qui
vient s’embrancher sur le précédent : c’est celui qui descend
de Châtel-Nouvel.
A l’angle très-aigu que forment les deux ravins en se réunis-
sant on voit affluer les schistes anciens toujours fortement im-
prégnés d’oxyde de fer.
On trouve là une très-bonne coupe, en partant de la pointe
précédente, remontant le ravin de Châtel-Nouvel, pendant en-
viron 60 mètres, et franchissant le ravin pour s’élever dans les
escarpements, de manière à aller passer au parapet de la
route de Paris à Nîmes.
Coupe (PI. IV, coupes III, fi g. 4) partant du point de jonction du ravin de
Rieuxcros et du ravin de Châtel-Nouvel .
29. Calcaires en gros bancs pétris de débris de fossiles et surtout de
valves d’Huîtres. De grandes Huîtres, très-répandues dans
quelques bancs, ont été assimilées par M. Kœchlin-
Schlumberger à certaines variétés du lias inférieur, et, par
suite, les calcaires dont il s’agit appartiendraient à ce dernier
étage. Je ne saurais partager cette opinion; je considère les
grandes Huîtres de Mende comme appartenant aux espèces
du lias moyen. Je n’ai rien vu aux environs de Mende qui,
au point de vue paléontologique, me permette de penser que
l’étage du lias inférieur existe dans cette région » »
28. Ensemble de cargneules, de calcaires cariés, de dolomies cloi-
sonnées, de marnes vertes, etc., tranchant de la manière
la plus absolue avec les assises silicéo-calcaires inférieures
sur lesquelles elles reposent et avec les gros bancs de cal-
caire bleu fossilifère qui les recouvrent 1.00
27. Calcaires siliceux, en bancs assez minces, avec quelques lits
de marnes 12.00
26. Calcaires magnésiens en bancs compactes 7.00
25. Marnes et calcaires fissiles , l.°°
24. Calcaires marneux 1.00
Route de Paris à Nîmes.
23. Calcaire silicéo-magnésien formant barre « 5.00
22. Calcaires magnésiens, en général sans marnes, montrant dans
les parties basses et moyennes des fossiles assez fréquents,
mais très-mal conservés. A la base, ces assises forment
barre 20.0 0
21. Mince lit de marnes noires » »
20. Calcaires dolomitiques blancs, avec d’assez nombreux fossiles. . 4.00
410
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
3 9. Escarpement calcaire et marneux
1S. Calcaires et marnes noires recouverts par la végétation
17. Marnes grises
1 G . Marnes noires
15. Calcaires silicéo-magnésiens blanchâtres
14. Bancs très-puissants de calcaires gréseux, à grains assez fins,
rouges jusqu’à l’intérieur, et montrant dans la pâte un grand
nombre de petits silex plus ou moins roulés .
13. Assises de calcaire gréseux rouge, à grains très-fins,
12. Calcaires en plaquettes. » -
11. Calcaire assez compacte, se brisant verticalement.
1 0. Mince lit de marnes. .... .••••••••••••
9. Calcaires siliceux, en assises assez minces, se brisant en irag-
ments polyédriques verticaux.
8. "Couche de marne verte très-mince, mais très-apparente
7. Lumachelle épaisse de quelques centimètres seulement, mais
remplie d’une multitude de fossiles bien conservés, Avicula ,
Gervillia , Mytilus , Monotis , etc., etc. .... . • • »
6. Marnes et calcaires marneux.
5. Banc analogue au n° 3 • »
4. Lit de marnes. 8 .................. *
3. Gros banc, très-compacte, rouge jusqu’au centre et taisant
barre
2. Bancs jaunâtres dolomitiques assez compactes
1. Marnes jaunâtres dolomitiques
7.00
4.00
1.00
1.00
3.00
3.00
1.00
1.50
» »
» »
2.00
» »
» »
2.50
0.40
» »
0.60
0.80
0.50
Schistes anciens imprégnés d'oxyde de fer .
Ce qu’il importe surtout de remarquer, dans la coupe pré-
cédente, c’est la présence de la lumachelle n° 7 et des nom-
breux fossiles qu’elle renferme. C’est celle que nous avons
déjà rencontrée au vallon de Rieuxcros-Abaïsse, au-dessus des
grès à meules (n° 7 de la fig. 3) ; seulement, dans ce dernier
point les fossiles sont moins bien conservés qu’au vallon de
Châtel-Nouvel.
La lumachelle dont il s’agit n’ayant, clans les deux coupes
précédentes, que quelques centimètres d’épaisseur, et se
trouvant noyée dans des calcaires et des marnes silicéo-ma-
gnésiennes, complètement privées de fossiles, il n’est pas éton-
nant qu’elle ait échappé, jusqu’ici,. aux recherches des géolo-
gues qui ont exploré les environs de Mende. Mais sa minime
épaisseur ne l’empêche pas d’avoir une grande constance,
comme il est facile de s’en convaincre, soit en faisant des coupes
parallèles à notre coupe générale, en différents points du val-
NOTE DE M. DÏEULAFÀITe
4il
Ion, soit en suivant, dans le sens horizontal, les affleurements
de ce niveau fossilifère.
Que représente ce niveau?
Si je pouvais admettre, avec un grand nombre de géologues
des plus autorisés, les géologues allemands en particulier, que
les fossiles de la zone à .4. contorta sont spéciaux à cette zone
et ne se trouvent plus dans l’horizon de PA. planorbis , il n’y
aurait pas à hésiter un seul instant sur la réponse à faire à la
question précédente ; la lumachelle de Mende dépendrait
complètement de la zone à A. contorta .
En effet :
1° Les fossiles dont la lumachelle de Mende est pétrie,
Mytilus, Gervillia , Avicula. Monoiis , etc., me paraissent iden-
tiques avec ceux qui en Provence accompagnent VA. con-
torta.
2° En comparant les fossiles de la lumachelle de la Lozère
avec ceux qui, dans la même région (Ardèche et Gard), se
rencontrent constamment avec PA. contorta , je n’y trouve pas
de différences appréciables.
Pour permettre à la Société de se former, autant qu’il est
possible, une opinion dans cette importante question, je lui
adresse plusieurs échantillons pris parmi ceux dont l’examen
m’a conduit aux conclusions précédentes. Je prie en même
temps nos savants confrères de remarquer que ce ne sont
pas là des échantillons rares et exceptionnels; on pourra
toujours en recueillir de parfaitement identiques, et par mil-
liers, dans les points où je lésai rencontrés.
Le n° 4 est la lumachelle de Mende, prise au vallon de Châ-
tel-Nouvel.
Le n° I vient de l’Ardèche (commune d’Assion). Il montre
plusieurs bivalves que je considère comme identiques avec
celles de Mende, à l’une des extrémités un très-bel exemplaire
de PA. contorta , et sur Pautre côté un fragment d’os et plu-
sieurs autres débris et empreintes organiques. Au point de vue
minéralogique même, cet échantillon de l’Ardèche ne diffère
pas sensiblement de celui de Mende.
Le n° 3 vient du Gard (tranchée du chemin de fer au nord
de la station de Molière). Là encore, au milieu d’un ensemble
de fossiles variés et montrant, entre autres, plusieurs beaux
échantillons deQ’A. contorta , je retrouve des bivalves qui me
paraissent être les memes que celles de Mende.
Voici maintenant les raisons qui ne me permettent pas, mal-
412
SÉANCE DU il JANVIER 1869,
gré ce qui précède, de conclure avec certitude que la zone à
A. coyitorta existe aux environs de Mende.
1° En comparant les nombreux fossiles que j’ai recueillis en
Provence, sur les mômes plaques que VA. contorta, avec les
fossiles de l’infra-lias figurés par les géologues les plus auto-
risés dans la question, en les comparant avec les fossiles en
nature quej’ai recueillis moi-même dans la plupart des loca-
lités classiques en France et en Italie, j’ai acquis la conviction
qu’un bon nombre de ceux qui sont donnés comme spéciaux
à la zone de VA. planorbis commencent dans la zone à A. con-
Zorta. L’indépendance que certains géologues avaient cru pouvoir
établir, au point de vue paléontologique, entre la zone à A.
contorta et la zone à A. planorbis disparaît donc en présence
du grand nombre de fossiles communs que renferment ces
deux zones. Il n’y aura donc plus lieu, dès lors, de séparer ces
deux horizons et surtout de rattacher l’un au trias et l’autre à
la formation jurassique (1).
2° Je n’ai pas rencontré aux environs de Mende la zone à
A. planorbis , et, si elle y existe, il est certain qu’elle ne se
présente pas là avec son aspect ordinaire. Je dois dire du reste
que je n’attacherai à cette suppression de la zone à A. planor-
bis , quand môme elle serait bien constatée, qu’une importance
très-secondaire, puisque, jusqu’ici, il ne m’a pas encore été
possible de constater sa présence dans le midi de la Provence,
où cependant, comme on le sait, la zone à A. contorta est si
prodigieusement développée.
Quoi qu’il en soit, je regarde comme certain que la luma-
chelle de Mende n’est pas supérieure au niveau de l’A. pla-
norbis, et j’incline même à penser qu’elle fait déjà partie de la
zone à A. contorta. Dans tous les cas, la question arrivée à ces
termes ne peut manquer d’avoir une solution prochaine. Elle
sera donnée par le premier observateur qui aura assez de
temps et de patience pour explorer, aux environs de Mende,
les dépôts toujours peu épais compris entre la lumachelle dont
nous avons fixé la place et les terrains anciens.
Pour continuer à explorer la base des terrains secondaires,
je me dirigeai vers Florac.
(l) On trouvera dans mon travail général sur V Infra-lias dans le bassin
franco-italien de la Méditerranée, qui paraîtra dans quelques mois, la
preuve de ee que j’avance ici.
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
413
A partir de Mende, dans la direction du sud, les terrains
s’abaissent assez rapidement. Aussi, on rencontre bientôt le
lias moyen, les marnes noires du lias supérieur, puis les cal-
caires noduleux et marneux de l’oolithe inférieure, avec em-
preintes de Chondrites scoparius , arrivant au niveau de la
route.
A 3,500 mètres de Mende, on franchit le Lot au pont neuf.
Bien qu’on se soit déjà abaissé de 30 mètres, on voit descendre,
au niveau de la route, les calcaires de la grande oolithe et pro-
bablement môme ceux de l’étage oxfordien; mais ce n’est là
qu’un accident local. Bientôt le système se relève, et on ne
quitte plus l’oolithe inférieure jusqu’au village de Bulsièges,
où la nouvelle route de Florac s’embranche sur l’ancienne.
En suivant la nouvelle voie, on remonte le ruisseau de Val-
donnés et on continue de s’avancer pendant deux kilomètres
dans l’oolithe inférieure. On laisse à droite le hameau de la
Fonts, et, à 700 ou 800 mètres plus loin, une faille considé-
rable, passant par le sommet de la montagne, ramène subite-
ment, en les élevant à une hauteur considérable, les marnes
noires du lias supérieur.
A partir des environs de la faille, la vallée s’élargit en en-
voyant une ramification du côté de l’est et une autre dans la
direction du sud-est. C’est cette dernière que suit 1a, route.
Elle franchit le fond de la vallée à l’aide d’un pont assez long,
et va passer à l’est et au-dessous du château de Montialoux.
Quand, des environs du pont précédent, on regarde autour
de soi, on voit, dans toutes les directions, de grands escarpe-
ments constitués, dans leurs parties basses et moyennes, par
les marnes noires du lias supérieur, si facilement reconnais-
sables dans toute cette région. Elles arrivent, du reste, jusqu'à
la route, et, à 200 mètres au sud du pont, elles montrent, en
prodigieuse abondance, les Belemnites du lias supérieur, et en
particulier B . tripartitus , Schloth., B. canaliculatus, Schloth, de
nombreuses Ammonites ferrugineuses d’assez petite taille (1).
On s’avance pendant environ 4 kilomètres dans ces marnes
ou dans leur voisinage, et on peut constater qu’elles sont tou-
jours très-riches en fossiles du lias supérieur.
(1) J’ai rencontré là aussi, dans les mêmes bancs que les fossiles précé-
dents, de nombreux échantillons d’une petite Plicatule ayant beaucoup de
rapports avec la Plicatula spinosa du lias moyen, mais montrant des com
rayonnantes plus prononcées.
414 SÉANCE DU 11 JANVIER 1889.
On entre alors dans une petite vallée qui m’a offert une par-
ticularité extrêmement remarquable. Cette vallée est remplie
par un dépôt énorme de cailloux, en général roulés, et dont un
très-grand nombre, souvent complètement arrondis, montrent
des dimensions très-considérables.
Si j’avais rencontré ces dépôts à une latitude plus septen-
trionale, je n’aurais pas hésité à y voir le produit d’un ancien
glacier.
Appliquée aux lieux dont il s’agit, cette conclusion serait
très-importante, puisqu’elle aurait pour conséquence de faire
descendre, les glaciers dans dès latitudes beaucoup plus méri-
dionales (en dehors des Alpes et des Pyrénées) qu’on ne l’a-
vait admis jusque là.
J’ajouterai que, quand on s’avance à partir de Villefort par
l’ancienne route de Mende, on voit, à 2 kilomètres environ,
dans la vallée dont la route suit le flanc E., des dépôts qui
pourraient bien avoir la même origine. Ils sont, du reste, à
peu près exactement à la même latitude que ceux dont il est
question.
Tout en restant dans la réserve que me commande l’insuffi-
sance de mes recherches sur cette grande question, je n’hésite
pas à consigner ici les remarques qui précèdent, et à appeler,
sur ces dépôts, l’attention de ceux de nos savants confrères qui
se sont particulièrement occupés de l’étude de la période
glaciaire.
En marchant toujours au sud, ces dépôts disparaissent. On
voit alors, au bord de la route et aux environs, des assises
calcaires, à aspect gréseux, se séparant en dalles de quelques
centimètres d’épaisseur, et montrant, sur leurs surfaces, de
grandes Ammonites se rapportant au type de VA. serpeniihus .
Ces assises sont d’ailleurs directement recouvertes par des
marnes noire remplies d ’A. bifrons .
Bientôt on se trouve reporté à la limite des terrains anciens
et des terrains secondaires; mais, comme cette limite coïncide
avec un ravin où les dérangements ont été considérables, et
qu’il est d’ailleurs obstrué par des débris de toute espèce, je
n’ai rencontré jusqu’au col de Montmirat, sur un parcours
de 4 kilomètres, rien qui, au point de vue de l’infra-lias, mé-
rite d’être signalé.
Bien après, à partir du col de Montmirat, les terrains secon-
daires s’étendent et offrent une disposition plus régulière; je
descendis à Florac, et c’est seulement quand j’eus exploré les
NOTE DE », DIEÜLAFÂÏT.
41b
environ s de celle dernière localité, que, revenant sur mes pas,
je complétai la série interrompue de mes observations en re-
joignant le col de Montmirat.
Les environs de la petite ville de Florac offrent plusieurs
points très-favorables à l'observation du contact entre les ter-
rains sédimentaires et les schistes anciens. Mais celui qui m’a
paru le plus favorable est fourni par la colline qui, se détachant
un peu des hauts escarpements ruiniformes qui dominent
Florac, vient, au sud de la ville, se terminer à la route d’Aiais.
En montant, à partir du pont de bois, dans la direction de
l'ouest, on constate d’abord l’existence de la succession géné-
rale suivante, avec les épaisseurs approximatives de chaque
étage ;
m
Calcaire blanc, compacte, ruiniforme. ....... 50
Calcaire noirâtre, à pâte assez fine. ......... 30
Calcaire marneux noduleux à Chondrites sco-
parius. 9 . 30
Marnes noires et calcaires noirs 20
Calcaires bleuâtres, très-compactes, remplis de
débris de fossiles. 35
Je n’ai rencontré aucun fossile se rapportant à
cet étage. »
Calcaires siliceux dolomitiques. 70
Oxfordien .........
Grande ooiithe, . .
Ooiithe inférieure. . .
Lias supérieur
Lias moyen
Lias inférieur
Infra-lias
Ces grandes divisions, une fois reconnues, il fallait revenir à
la base et examiner, en détail, les parties inférieures.
Le point qui m’a semblé le plus favorable pour bien saisir
toutes les relations est le côté sud d’un petit bois de châtai-
gniers, qu’on aperçoit de la route» J’y ai relevé la succession
suivante :
Coupe (PI. IV, coupes III, fig, 5) prise au sud de Florac.
6. Dolomie très-compacte, très-siliceuse, en gros bancs formant m
barre * • 4.00
5. Calcaires dolomitiques siliceux, rougeâtres à l’extérieur, se bri-
sant en fragments polyédriques perpendiculairement aux plans
de stratification, et formant une grande barre tout à fait ver-
ticale . .* ................ i ï i ........... s . 0 0
4* Bancs dans lesquels l’élément calcaire- devient plus abondant, et
terminés, à la partie supérieure, par des lits très-minces 1.50
3, Calcaires dont l’aspect général est le même que celui du n° 2,
mais qui, vu de près, montre une texture manifestement ooli-
thigue, Ces, calcaires renferment beaucoup de fossiles, particuliè-
416
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
rement des bivalves, mais les espèces sont peu variées 2.00
2. Bancs minces dolomitiques siliceux, avec une lumachellede quel-
ques centimètres d’épaisseur, dont les fossiles ne m’ont pas paru
déterminables 1.50
1. Gros banc dolomitique siliceux, montrant dans sa pâte, d’ailleurs
assez fine, un certain nombre de grains de quartz, et terminé,
à la base, par un conglomérat quartzeux à gros grains intime-
ment uni avec lui 2.00
Schistes anciens .
Les fossiles que je rencontrais, à la base des dolomies, dans
la coupe précédente, rappelaient ceux de la zone à A. planor-
bis; mais je ne trouvais là ni les moules de Cardinies, ni les
Huîtres, ni les Mytiles, ni surtout les lumachelles de calcaire
bleu noir, etc., qui, partout ailleurs, à défaut de VA. planorbis,
toujours très-rare, caractérisent parfaitement la zone à laquelle
cette dernière coquille a donné son nom.
Pour sortir, s’il était possible, de l’indécision dans laquelle
je me trouvais amené, la marche était naturellement indiquée
par la vue des lieux qui m’environnaient. Toutes les vallées
étant, aux environs de Florac, ouvertes dans les schistes an-
ciens, on aperçoit parfaitement à découvert, à une hauteur plus
ou moins grande, la base des terrains secondaires reposant, en
général, sur les schistes. 11 fallait donc suivre, sur les flancs des
montagnes, la ligne de contact des deux formations, et voir si
les assises des terrains secondaires se modelaient sur les dé-
pressions des terrains schisteux, auquel cas il n’y avait rien de
nouveau à espérer, ou bien si, dans ces dépressions, s’étaient
déposés des sédiments un peu plus anciens que ceux de la
coupe du pont de bois.
Partant de Florac, je remontai d'abord les escarpements qui
forment les flancs ouest de la vallée du Tarn, et j’allai rejoindre
la route au col de Montmirat, là où, quelques jours aupara-
vant, j’avais interrompu mes observations.
Dans toute cette région, qu’on ne peut du reste explorer
qu’au prix d’une fatigue extrême, je ne rencontrai rien de bien
concluant. Cependant, au-dessus du hameau de Monteil, on
voit des calcaires en plaques, avec Cardinies, rappelant tout à
fait ceux de Sainte-Hélène, et probablement identiques avec
eux.
Le versant est de la vallée, que j’explorai les jours suivants,
ne me fournit pas de meilleurs résultats.
NOTE DE M. DIEULAFÀIT.
417
Il devenait dès lors très-probable que, dans les parties ex-
plorées, entre Florac et Montmirat, Pinfra-lias débutait parles
parties les plus supérieures de la zone à A. planorbis.
Mais, comme j’avais vu constamment, dans cette région,
les schistes anciens parfaitement nivelés, recouverts toujours
parallèlement par les terrains secondaires, il fallait, avant d’a-
bandonner mes recherches, trouver une dépression dans ces
schistes et voir comment les sédiments y étaient déposés.
Revenu à Florac, je dirigeai mes observations dans une di-
rection opposée. Je remontai la rive gauche du Tornon, en
marchant par conséquent dans la direction du sud.
Plus heureux que dans la vallée du nord, je ne tardai pas à
rencontrer tous les éléments nécessaires à la solution de la
question que je poursuivais.
En suivant la base des terrains sédimentaires, à partir de la
coupe dupont de bois, je vis bientôt quelques sédiments nou-
veaux à la partie inférieure. Des grès très-grossiers, quelques
calcaires magnésiens, des marnes compactes et grenues de
couleur verte, empâtant des débris de schistes, se montrèrent
successivement. 11 devenait en même temps manifeste, quand
même le baromètre ne me l’eût pas montré avec précision, que
je m’enfonçais dans une dépression des schistes anciens.
Ces grès se développant de plus en plus deviennent blancs,
avec reflet bleuâtre, et finissent par prendre une apparence et
une constitution tout à fait identiques avec celles des grès des
environs de Mende, désignés sous le nom de grès à meules. Mais,
et c’est là le point important, entre ces grès et les calcaires si-
liceux à fragments polyédriques qui, à Florac, arrivent pres-
que au contact des schistes anciens, on voit apparaître, à
mesure qu’on s’avance, un système calcaire tout nouveau. Son
plus grand développement est sur le flanc nord d’un ravin très-
abrupt, s’ouvrant à 4 kilomètres de Florac, et coïncidant avec
un abaissement momentané des schistes anciens jusqu’au ni-
veau de la route. Deux petites exploitations, ouvertes précisé-
ment dans le système dont il s’agit, permettront de le
retrouver avec la plus grande facilité.
La zone à A. planorbis apparaît là, très-développée, très-
riche en fossiles, avec ses lumachelles et tout l’ensfjqible de
.ses caractères ordinaires.
Soc. géol., 2e série, tome XXVI.
27
418
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
Coupe (PI. IV, coupes III, fig. 6) perpendiculaire à la route cl’Alais, i
4 kilomètres au sud de Florac .
12 * Barre : calcaire dolomitique siliceux, rougeâtre à l’extérieur, se
brisant en fragments polyédriques verticaux 5m00
11 i Petites assises de calcaire bleu 0.50
10. Calcaire bleu se délitant et rappelant beaucoup les assises du
fullers earth de la Provence. 0.50
9. Calcaires en minces assises, très-fossilifères 0.80
8. Calcaire gris en très-petites plaquettes, entièrement pétri de fos-
siles : A. planorbis^ Cardinia avec test et moules de Cardi-
nies, MytiluSj Lima , Pecten , Plicatula , Ostrea, etc., etc., et
un grand nombre de débris d’Échinodermes 1.00
7. Calcaires siliceux gris et rougeâtres, avec beaucoup de fossiles
très-mal conservés, paraissant analogues à ceux des bancs
n° 8 * 4.00
6 . Gros banc calcaire siliceux 1.00
5. Calcaires siliceux en bancs assez minces, et renfermant quel-
ques fossiles peu déterminables [A. contoria ?) 1.00
4. Banc siliceux très-dur 1.00
8. Bancs de grès avec lits de calcaires intercalés 2.00
2 . Grès blanc à grains grossiers, très-compacte (grès à meules) . . 2.00
i. Grès grossier se désagrégeant facilement 1.00
Schistes anciens.
La zone à A. planorbis apparaît, dans cette coupe, de la
manière la plus nette. Sa partie fossilifère correspond aux as-
sises 7, 8 et 9.
La zone à A. conforta ex iste-t-elle en ce point? J'ai rencontré
dans les calcaires gréseux delà division n° 5 quelques fossiles
appartenant à cette zone; mais ce que j’ai dit, à propos des
coupes de Mende, au sujet du nombre considérable de fossiles
communs à la zone de VA. planorbis et à la zone de VA. con-
forta empêche que je puisse tirer de la présence de ces fossiles
un argument en faveur de l’existence, même probable, de la
zone à A. conforta en ce point.
Dans tous les cas , l’horizon de VA. planorbis bien fixé
comme il vient de l’être, le champ où peut se rencontrer VA.
conforta devient tellement restreint qu’il est impossible que ce
fossile échappe encore longtemps aux recherches des géolo-
gues, si réellement il existe aux environs de Florac.
Les terrains secondaires, débutant par la zone à A. planor -
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
419
bis et couronnés par les calcaires ruiniformes de l’oxfordien,
constituent, sans interruption, les parties élevées de la chaîne
de montagne qui, partant de Florac, va, parallèlement à !â
route de Meyrueis, passer à l’ouest et au-dessus des villages de
Saïgas, de Vebron et de Freissinet de Fourgues.
Dans un parcours d’environ 16 kilomètres, les terrains se-
condaires paraissent tout à fait horizontaux. Et, en effet, la base
de l’infra-lias, au fond de la vallée de Freissinet, est seulement
de 75 ou 80 mètres plus élevée qu’aux environs de Florac.
Il semble, dès lors, que, dans cette région, il ne s’est pro-
duit aucun mouvement sensible depuis les premiers dépôts de
l’infra-lias, et que le creusement lent des vallées soit la seule
modification apportée par les périodes suivantes. Mais quand,
à 5 kilomètres plus loin, on a atteint le col du Perjuret, les
choses changent complètement.
Si, pour sortir de la vallée de Freissinet, au lieu de suivre la
route, on monte, dans la direction du nord-ouest, vers les
escarpements, on retrouve toujours une coupe à peu près
identique avec celle de Florac, excepté à la base où elle est
tout à fait incomplète. Je n’ai rencontré là aucun fossile de
l'infra-lias.
J’ai exploré, sans plus de succès, les vallons profonds qui,
descendant du col du Perjuret, s’ouvrent vers Freissinet. Il me
paraît évident que, dans tous les lieux explorés, l’infra-lias dé-
bute par les parties élevées de la zone à A. planorbis .
En suivant les contours de la route, on remonte également
la série, mais bien plus lentement. A 3 kilomètres de Freissi-
net, sur le fianc de la deuxième vallée, on retrouve, au-dessus
des dolomies infra-liasiques, les calcaires lumachelles et fossi-
lifères du lias moyen, et, au-dessus, les marnes noires si ca-
ractéristiques du lias supérieur. La route les coupe aux envi-
rons du premier col, et on peut constater qu’elles sont là,
comme dans tout le reste du département, remplies d’une
multitude de Bélemnites, accompagnées des Ammonites les
plus caractéristiques de cet étage.
On quitte bientôt les marnes du lias pour entrer dans l’oo-
lithe inférieure, et jusqu’au col, c’est-à-dire sur une longueur
d’environ 3 kilomètres, on ne sort plus de cet étage.
Comme, à partir du col du Perjuret, la route s’abaisse con-
stamment vers Meyrueis, on doit redescendre la série. En
effet, on retrouve bientôt les marnes noires du lias avec petites
Ammonites ferrugineuses, et, à 1500 mètres du col, là où la
420
SÉANCE DU il JANVIER 1869.
rampe devient plus prononcée, on rencontre un grand déve-
loppement de marnes et de calcaires marneux, avec Belem -
nites tripartitus , B. unicanaliculatus , toujours en quantité pro-
digieuse, accompagnées de quelques espèces d’Ammonites, et
en particulier de VA. bifrons , qui prend ici un développement
tout particulier.
Bientôt on voit sortir, au-dessous de ces marnes, des cal-
caires durs en gros bancs, pétris d’Encrines, et montrant de
nombreuses Bélemnites : c’est le lias moyen. Cet étage, sa par-
tie fossilifère du moins, n’a pas, en ce point, plus de 9 ou
10 mètres d’épaisseur.
Le lias moyen repose sur des calcaires siliceux dolomitiques
montrant, ça et là, comme partout dans le Languedoc, à ce
niveau, de petits lits de marnes noires. Cet ensemble dépend
de l’étage de l’infra-lias.
La route semblant descendre plus vite que les couches, on
devrait atteindre facilement la base du système, mais il n’en
est rien. Du col du Perjuret au hameau de Salvensac, la dis-
tance est de 9 kilomètres, la différence d’altitude 250 mètres,
et cependant la base de l’infra-lias ne revient pas une seule fois
au jour. Des dérangements, des failles et des renversements
continuels établissent le contraste le plus frappant entre cette
région et celle que nous avons parcourue précédemment. On
se croirait volontiers subitement transporté dans les terrains
analogues de la région des Alpes.
En face du hameau de Salvensac, à 4 kilomètres de Mey-
rueis, la base de l’infra-lias reparaît. Les grès à gros grains, les
uns compactes et fortement agrégés, les autres plus ou moins
friables, sont plus développés que précédemment ; leur puis-
sance est de 15 ou 16 mètres. Au-dessus d’eux, on voit un
système de calcaires toujours dolomitiques et siliceux, mais
en bancs assez minces, et différant notablement, dans son en-
semble, de tout ce que nous avons vu jusqu’ici à ce niveau.
Les restes organiques semblent y être très-rares, au moins
dans la partie inférieure. Je n’y ai rencontré que quelques dé-
bris d’Huîtres et quelques bivalves tout à fait indéterminables.
En approchant de Meyrueis, l’ensemble du système jurassi-
que s’abaisse rapidement, et, bien que ce village soit sensi-
blement à la même altitude que Florac, l’oxfordien arrive
presque jusqu à son niveau. C’est, en effet, à cet étage qu’ap-
partiennent, les masses énormes de calcaires blancs qui domi-
nent Meyrueis et qui couronnent, d’une façon à la fois si
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
421
pittoresque et si grandiose, les deux autres murailles de ro-
chers, entre lesquelles coule la Jonte de Meyrueis à Peyreleau,
sur une longueur de 23 kilomètres.
De Meyrueis à Peyreleau, et de ce point à Milhau, c’est-à-
dire sur une longueur de 45 kilomètres, l’infra-lias n’apparaît
plus, bien qu’on descende constamment. Il y a donc, entre
Meyrueis et Milhau, un abaissement considérable. En effet,
en prenant pour repère un horizon bien connu, celui des mar-
nes à Ammonites bifrons par exemple, on constate que l’infra-
lias se trouve moyennement, dans ce dernier parcours, à
plus de 4Ü0 mètres plus bas qu’entre Florac et le Perjuret.
Si le long ravin de la Jonte ne montre pas la base de l’infra-
lias, il m’a fourni, sur d’autres horizons, des données nouvel-
les et importantes.
On n’a pas signalé jusqu’ici la présence delà grande oolitbe
dans la Lozère et dans l’Aveyron; on a même pensé que cet
étage devait y faire défaut. Elle s’y rencontre, au contraire,
parfaitement caractérisée.
A mesure qu’on s’éloigne de Meyrueis, on voit se dévelop-
per, au-dessous des calcaires ruiniformes de l’Oxford-clay, un
système de calcaires bleus, marneux, à pâte fine, montrant
dans leur ensemble un faisceau d’assises de même nature ,
mais très-minces. On trouve dans ces calcaires des Limes, des
Pboladomyes, des Panopées, etc.
Ces fossiles ont déjà été signalés dans une excellente étude
que vient de faire paraître M. Reynès sur la géologie de
l’Aveyron (1) ; seulement, ce savant, n’ayant pas de termes de
comparaison, n’a pu en tirer parti pour fixer un horizon. Pour
moi, sans me préoccuper des noms de ces espèces dont plu-
sieurs sont certainement nouvelles, je les reconnus immédia-
tement pour appartenir aux parties élevées de la grande
ooîithe, parce qu’elles me semblaient identiques avec celles
que je rencontre par centaines, depuis des années, dans le Var
et dans les Alpes-Maritimes, au niveau de Ranville, et où elles
se rencontrent toujours accompagnées des espèces les plus
caractéristiques de ce niveau, Terebralula flabellum , T. cardium ,
Rhynchonella continua, R. decorata , etc., etc.
Du reste, dans les deux flancs du ravin de la Jonte, dont
(1) Essai de géologie et de paléontologie aveyronnaise. 1 volume in-8,
110 p. et 8 pl. de fossiles. Paris, J-B. Baillère et fils, rue Hautefeuille ;
1868.
SÉANCE DU il JANVIER 1869.
l’un appartient au département de la Lozère et l’autre au dé-
partement de l’Aveyron, les bivalves dont il vient d être
question ne sont pas les seuls fossiles que montic e niveau
dont nous nous occupons. On y trouve entre autres de nom-
breux bryozoaires, la R. decorata , une petite Huître fortement
p lissée que je rapporte à YO. gregaria (1), une Lime identique
avec celle qui existe au même niveau dans le sud de la Pro-
vence, etc. *
Cet important horizon, que j’ai retrouvé dans un grand
nombre découpés, jusqu’au-dessous des derniers escarpements
qui dominent Milhau, du côté du nord-est, me paraît tiès-
constant. Il est placé à environ 40 mètres au-dessous des
calcaires ruiniformes qui dominent toutes les montagnes de
ces régions, calcaires se rapportant à l’Oxford-clay, puîsqu ils
m’ont fourni plusieurs Ammonites du groupe des plicatilis.
Ce n’est pas seulement dans la région qui nous occupe que
se développe l’horizon de la grande oolitbe; il commence aux
environs de Mende, peut-être même à Sainte-Hélène, et se con-
tinue par Florac et Meyrueis, à l’est du massif secondaire, et
de là, au sud-ouest, jusqu’à Miihau. On constate, en outre, en
remontant, à partir de Peyreleau, la rive gauche du Tarn, que,
du côté de l’ouest, ce niveau n’est pas moins constant. Il en
est encore très-probablement de même dans la partie méri-
dionale du massif secondaire dont nous nous occupons.
Revenons à l’infra-lias.
La partie de l’Aveyron où l’on a signalé depuis longtemps la
présence des grès infra-liasiques et un développement consi-
dérable des petits bancs du système jurassique est 1 arrondis-
sement de Milhau et surtout celui de Saint-Affrique.
C’est cette région que j’ai particulièrement explorée. Mais
dans cette partie de l’Aveyron mes résultats ont été absolument
nuis relativement à la zone de l’A. contovta et très-imparfaits
en ce qui touche la zone à A. planorbis.
J’étais, du reste, à peu près certain à l’avance d’arriver à ce
résultat négatif, car je savais qu’un observateur habile,
M. Reynès, qui connaît si bien l’Aveyron, qui a donné une
carte géologique de l’arrondissement de Saint-Affrique,
(1) Il se peut que ce nom ne soit pas le véritable, mais cette Huître est
identique avec celle du Var et celle de Ranville, ce qui est la seule chose
dont nous ayons ici besoin de nous préoccuper.
NOTE DE M. DIEULÀFAIT. 423
n’avait jamais rencontré aucun fossile se rapportant à la zone
de VA. contorta ou à celle de- IM. planorbis.
Pour fixer les idées et montrer quelle est dans l’arrondis-
sement de Saint- Afïrique la nature des sédiments, à partir des
grès, je donne ici une coupe prise à l’ouest de l’ancienne rouie
de Milhau, à 3 kilomètres au nord de Saint-Affrique.
(PI. IV, coupes III, fig. 7 ) Saint-Affrique.
m
1 1 . Calcaire siliceux formant barre » 3.00
10. Ensemble de gros bancs siliceux. 4.00
9. Gros banc calcaire avec assises minces à la base 2.00
8. Calcaire siliceux en très-grosses assises formant saillie. 4.00
7. Calcaire en petits bancs 5.00
6. Marnes verdâtres calcaires et magnésiennes. 2.00
5. Grès dur, blanc, faisant barre, 4.00
4. Grès et grès marneux 2.00
3. Grès analogue au n° 1 en deux bancs 1.50
2. Grès rougeâtre, friable 1.00
1 . Grès blanc à gros grains (grès à meules) 0.80
Calcaire blanchâtre dolomitique 0.50
Grès rougeâtres, calcaires bariolés de rouge et de vert, etc.,
épaisseur indéterminée, la coupe ne pouvant descendre plus
bas,.
Neuf ou dix coupes relevées aux environs de Saint-Affrique
m’ont fourni des résultats analogues et, par conséquent, tout
aussi peu concluants.
Maintenant, j'ai rencontré, à l’ouest de Saint-Affrique, un
fragment de îumachelle calcaire, empâtant plusieurs fossiles
et en particulier quelques valves d’Huîtres. Je suis bien con-
vaincu qu’elle appartient à la zone à A. planorbis, mais il m’a
été absolument impossible de découvrir cette Iumachelle en
place, bien que, pendant une journée entière, j’aie exploré,
sur plus de trois kilomètres, la base des assises calcaires.
J’ai retrouvé cette même Iumachelle dans le vallon de Fon-
damonte, au-dessous de Cornus. Ici, il n’y a pas de doute, elle
dépend parfaitement de la zone à a. planorbis.
Enfin, tout à fait à la limite de l’Aveyron et du Gard, sous
les assises du vieux château qui domine, du côté du sud-ouest,
la commune de Saint-Jean-de-Bruel, j’ai rencontré, dans des
calcaires siliceux, un fragment très-bien reconnaissable de
VAo planorbis .
424 SÉANCE DU H JANVIER 1869.
En sortant du département de l'Aveyron, ma conviction
était, partageant en cela les idées de mes prédécesseurs, que
la zone à A. conforta faisait défaut dans les arrondissements cle
Saint -Affrique et de Milhau, et que la zone à A. planorbis
n’y était que très-imparfaitement représentée. Mais, je me nate
d’ajouter, que les résultats si importants et si concluants obte-
nus, quelques jours après, dans l’exploration du Gard, modi-
fiaient complètement les idées précédentes, et on verra, un
peu plus loin, les raisons qui m’autorisent à penser que la zone
à A. planorbis et la zone à A.' conforta pourraient très-bien
exister dans le département de l’Aveyron.
En passant du département de l’Aveyron dans celui de e-
rault, les choses changent et la série redevient complète, sinon
tout à fait normale.
J’ai exposé dans le compte rendu de la réunion extraordi-
naire de la Société géologique de France à Montpellier (Bull.,
2e série, t. XXV, p. 980) les résultats obtenus, à ce point de
vue, dans l’arrondissement de Lodève. Pour ne pas introduire
un double emploi dans le Bulletin, je n’y reviendrai pas ici.
Je rappellerai seulement que, dans l’arrondissement de Lo-
dève, VA. contorta se trouve dans les derniers bancs gréseux*
immédiatement au-dessous des calcaires magnésiens à Car-
dinies, et que, dans cette région, l’A. contorta n’est pas ac-
compagnée des fossiles si nombreux au milieu desquels on
la trouve toujours en Provence, dans l’Ardèche et dans le
Gard.
Quand on a bien reconnu la position de la zone à A. contorta
à l’ouest de Lodève, au quartier de la Défriche, il est très-facile
de la retrouver dans le grand massif jurassique que remonte, à
partir de Lodève, la route de Bédarieux. Elle passe h une très-
petite distance du four à chaux hydraulique isolé, au bord de
la route. En prenant la zone en ce point, il sera certainement
facile de la suivre dans la direction du nord-est et de s’assu-
rer si réellement elle remonte à travers l’Aveyron, ou bien si
elle disparaît en s’avançant vers Saint-Affrique.
La partie nord du massif jurassique, comprise entre Nant,
dans l’Aveyron, et Saint-Hippolyte, dans le Gard, ne m’a mon-
tré comme niveau bien reconnaissable que les calcaires dolo-
mitiques siliceux se divisant en fragments polyédriques; les
zones fossilifères de l’infra-lias ont constamment fait défaut.
Le seul point où j’aie obtenu un résultat important, bien qu’il
soit incomplet, est, comme je l’ai dit, sur le territoire de
425
NOTE DE M. DIEULAFA1T.
Saint-Jean-de-Bruel, au-dessous des ruines du vieuA château
qui le domine au sud-ouest. Là, j’ai relevé la succession sui-
vante qui montre, en ce point, la présence de la zone
planorbis.
(PI. IV, coupes III, fig. 8) Sommet du vieux château au sud-ouest de Saint-
Jean-de-Bruel*
8. Calcaires siliceux dolomitiques, gris en bas, blancs en haut, et
rappelant parfaitement, par leurs caractères généraux, les dolo-
mies infraliasiques du reste du Languedoc. Ces calcaires m ont
fourni, avec quelques débris de fossiles à peine discernables,
un fragment parfaitement reconnaissable de VA. planorbis.
7. On atteint le sommet de la colline au-dessus de la carrière à
gypse; mais, comme l’ensemble des assises plonge fortement à
l’ouest, on continue à remonter la série en marchant vers le
vieux château. On rencontre bientôt des grès arkosestout à fait
comparables à ceux de Lodève, mais je n ai pu découvrir dans
leurs assises une partie calcaire et fossilifère analogue à cel e
qui, au quartier de la Défriche, m’a fourni VAvicula conforta. ^
6. Assises alternantes de grès vert et blanc ‘
5. Grès, marnes rouges et grès complètement rouges.
4. Marnes calcaires, très-gréseuses, et banc de grès fortement co- ^ ^
loré en vert ** **■' *“*
8. Gypse en assises parfaitement stratifiées, et marnes intercalées.
2. Marnes rouges et vertes.
1. Grès rouge à gros grains et marnes.
Schistes anciens très-redressés vers l'est.
La portion des terrains jurassiques comprise entre Lodève
et Saint-Hippolyte du Gard et toute la partie orientale ne
montrent sur la Carte de la France rien de plus ancien que le
système oolithique inférieur. Je n’ai pas exploré cette région.
J’ai repris mes observations à Saint-Hippolyte du Gard, et
remontant par Anduze, Alais, Saint-Ambroix, Robiac, etc., je
suis venu rejoindre, aux Vans, dans l’Ardèche, une coupe
PrEn marchant, à partir de Saint-Hippolyte, dans la direction
du nord, vers Lasalle, on voit les assises oxfordiennes, très-
développées, se relever assez rapidement et laisser apparaître
des dolomies très-analogues à celles de l’infra-lias, puis un
calcaire noir, pétri d’articles d’Encrines, dépendant 1 un et
l’autre du système oolithique moyen. Plus bas, des assises de
426 SÉANCE DU il JANVIER 1869.
7 ' t\ >'■ ' ( f' «•> . - T * • rf-r •. ' \ .... . • r ' T ^ ‘ f . -• ' ^ *"v
calcaires bleus, noduleux, un peu marneux, montrent, avec de
nombreuses empreintes de Chondrites scoparius , des Bélem-
nites,des Térébratules et des fragments d’Ammonites. Ils ap-
partiennent à la base de l’oolitke inférieure.
A 4 kilomètres de Saint-Hippolyte, on atteint un ravin qui
sert de limite à cette commune et à celle de Monoblet. Les
gypses sont très-développés dans ce vallon, et plusieurs ex-
ploitations y sont ouvertes.
Je n’ai vu là ni la zone à A. conforta , ni la zone à A. pla-
norbis. J’ai rencontré seulement dans un calcaire doîomitique,
blanchâtre, trois exemplaires d’une Térébratule qui me paraît
identique avec la T. psilonoti (Quenstedt), telle qidelle est
figurée dans je beau travail de M, Dumortier (1), PI. VU,
fig. 3, A et 5.
En suivant la route, on rentre bientôt dans les schistes et les
terrains anciens, et on atteint le village de Lasalle sans les voir
disparaître. Si, après avoir laissé ce village à gauche, on
quitte la route pour s’élever vers Sainte-Croix, on monte
presque jusqu’au sommet de cette montagne sans sortir de ces
terrains. Mais, en approchant de Sainte-Croix, et surtout de
l’autre côté, l’infra-lias siliceux est très-développé. J’ai bien
rencontré, à plusieurs reprises, aux environs de Sainte-Croix,
quelques débris de fossiles, mais je ne pense pas que la base
de l’infra-lias existe en ce point.
Quand on a franchi la vallée et qu’on est remonté sur le flanc
de la montagne que, contourne le chemin de Saint-Jean du
Garu, on rencontre, à droite, un développement considérable
de marnes rouges gypsifères. Elles sont recouvertes par les
calcaires dolomitiques que nous venons de signaler et, là,
comme à Sainte-Croix, la base de l Infra-lias m’a paru faire
défaut.
En s’avançant vers Anduze, à partir de Saint-Jean du Gard,
on voit un énorme système de grès, de marnes rouges et ver-
te&y de calcaires siliceux et dolomitiques, etc., le tout parfai-
tement stratifié, avec un plongement très-marqué vers le
sud-est. , . ..
En m élevant à travers ces assises, et les suivant bancs par
bancs, a peu près dans la direction de l’est, je rencontrai,
quand je fus complètement sorti des grès, un ensemble d’as-
G) Op. cit.
NOTE DE M, DIEULÀFAIT. 427
sises très-minces, d’un calcaire noduleux, bleuâtre, remplies
d’un grand nombre de fossiles.
Quand même je n’aurais pas rencontré presque aussitôt
plusieurs fragments très-bien conservés de VA. planorbis , il
n’y aurait pas. eu à hésiter pour moi un seul instant ; je retrou-
vais îà l’ensemble des fossiles qui, partout dans la haute Pro-
vence, accompagnent VA. planorbis.
Je suivis ce niveau du côté du sud, et, après quelques acci-
dents, je me trouvai reporté au niveau de la route, en face
d’une auberge isolée à 3 kilomètres environ de Saint-Jean du
Gard.
La zone à A. planorbis se reconnaît, en ce point, avec la
plus grande facilité, par sa couleur bleue et la faible épaisseur
de ses bancs ; mais un détail précis, bien que tout à fait acci-
dentel, la fera retrouver immédiatement.
On voit, dans les lieux dont il s’agit et tout près de la route,
cinq fours à chaux hydraulique, alignés sur une longueur de
1 kilomètre -environ. Ils sont placés précisément à la limite
supérieure de la partie fossilifère de la zone à A. planorbis.
Ce niveau bien reconnu, il fallait chercher au-dessous la zone
h A. conforta. '
La végétation empêchant de voir en ce point ce qui se
trouvait au-dessous de la route, je m’avançai vers le sud-est en
suivant, avec la plus grande facilité du reste, la zone à A.
planorbis , et à un kilomètre plus loin, là où la rivière se rap-
proche tout à fait de la route, je trouvai, avec une coupe con-
venable, la solution de la seconde partie du problème cherché.
En aval de la rivière on voit un ensemble d’assises généra-
lement gréseuses, lavées et usées par les grandes eaux, et
plongeant vers le nord-ouest. A l’est de la route, on aperçoit
très-bien, à une certaine hauteur, les assises marneuses de la
zone à A. planorbis , et il est facile de constater que la suc-
cession est parfaitement normale.
(PI. IV, coupes III, fig. 9) Coupe pariant de la rivière du Gardon , à
4 kilomètres sud-est de Saint-Jean du Gard.
34. Grande barre formée de calcaires dolomitiques rouges à la sur-
face et très-siliceux.
33. Calcaires minces, marneux, à A. planorbis, remplis de fossiles ;
moules de Cardinies, Pinna , Mytilus , M. Stoppanii (Dumor-
tier), M. scalprum (Goldfuss), Cypricardia Breoni (Martin),
Cypricardia porrecta (Dumortier), Corbula Ludovicœ (Ter-
428
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
quem), Lima valonensis (Defrance); je rapporte à cette der-
nière espèce la Lima de ce niveau en acceptant l'opinion de
M. Dumortier (Op. cit., PI. VI, fig. 8 et 9, et page 53); Os-
trea Rhodani (Dumortier), O. anomala (Terquem) et beaucoup
d’autres fossiles de différentes espèces. Ces assises fossilifères
mesurent environ 3.00
31. Calcaires siliceux, très-durs, en bancs d’épaisseurs variables.. 6.00
30. Calcaires noirs en bancs minces 2.50
29. Marnes noires 0.50
28. Calcaire dolomitique blanchâtre en bancs minces 1.00
27. Marnes noires et jaunâtres 0.50
26. Lits noduleux minces, pétris de débris de coquilles et de grains
de quartz, avec fragments d’os et dents de poissons 1.50
25. Gros banc de calcaire jaune dolomitique 0.80
24. Marnes noires 0.50
23. Calcaire analogue au n° 22, mais plus foncé, et montrant dans
le milieu un lit de marne noire 1.50
21. Calcaire bleu, en lits minces, montrant les premières traces de
fossiles, et parmi eux trois exemplaires de VA. conforta , dont
un parfaitement reconnaissable 1.50
20. Grès gris, compacte 0.50
19. Marnes noires et calcaires 0.50
18. Calcaire siliceux jaune 1.00
17. Marnes noires et calcaires 2.0 0
16. Grès gris o.80
15. Grès gris avec marnes noires 1.50
14. Grès gris 0.80
13. Marnes et calcaires gris 0.50
12. Grès jaune assez grossier 0.80
11. Marnes et calcaires marneux 1.50
10. Grès très-grossier, spongieux 1.50
9. Calcaire bleu 100
8. Grès bleu avec assises, les unes à pâte fine, et les autres à pâte
grossière 2<50
7. Marnes calcaires et calcaires bleus 1.50
6. Grès bleuâtre, grossier à la base 0.50
5. Grès très- dur, rougeâtre, à grains grossiers 1.00
4. Grès blanc bleuâtre, à grains très-fins et très-durs 2.00
3. Grès fin jaune 1 qo
2. Grès avec blocs empâtés et une assise de calcaire marneux à la
partie supérieure # 100
1. Grès blanc compacte 1.00
NOTE BE M. DIEULAFAIT.
m
Rivière du Gardon (1).
La série infraliasique est complète sur ce point puisqu’on y
trouve le bone-bed et la zone à A. contorta ; mais il est évident
que ce dernier horizon est ici tout à fait rudimentaire.
Du côté du sud-est les assises à A. planorbis s’élèvent d’a-
bord, puis disparaissent sous la terre végétale; mais à un kilo-
mètre de là, elles redeviennent très-visibles pendant 700 ou
800 mètres, toujours dominées par les énormes bancs de cal-
caires siliceux rougeâtres de l’infra-lias.
J’ai retrouvé la zone à A. planorbis dans un grand nombre
de points, entre la station précédente et Anduze, mais elle ne
m’a montré aucune modification assez importante pour qu’il
soit nécessaire d'en faire ici mention.
D’Anduze à Àlais on ne rencontre pas l’infra-lias, mais on le
voit aux environs de cette dernière ville parfaitement caracté-
risé. Toutefois, c’est dans la région dont Robiac est le centre
que l’infra-lias se montre à la fois le plus développé, le plus
riche en fossiles et le plus facilement observable. Aussi c’est
dans cette partie du Gard que nous allons le décrire, en le
faisant avec assez de détails pour qu’il soit facile de reconnaître
ensuite si, dans un point donné du département, cet étage
existe en tout ou en partie.
En arrivant à Robiac je commençai par examiner la re-
marquable collection de notre savant confrère, M. l’abbé
Berthon, curé de Robiac, surtout les séries de fossiles pro-
venant des environs. Mon attention fut immédiatement attirée
par la vue de grandes plaques, couvertes de bivalves, dont l’en-
semble présentait la plus grande analogie avec ce que les géo-
logues anglais ont appelé Monotis-bed et qui, en Angleterre,
dépend de la zone à A. contorta. J’ai retrouvé en Provence ce
Monotis-bed parfaitement caractérisé, mais il est toujours à une
hauteur considérable au-dessus des assises qui renferment
l’A. contorta , et jamais je n’ai vu, dans le Monotis-bed de la
Provence, la moindre trace de ce dernier fossile.
A part les plaques dont il vient d’être question, je ne recon-
nus dans la collection de M. le curé de Robiac rien qui dépen-
dît, d’une manière certaine, de la zone à A. contorta. Presque
(1) Du n® l au n* 28 la coupe remonte la rivière sans sortir du lit.
430 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
V — * -T*
tous les fossiles, au contraire, se rattachaient d’une manière
évidente à l’horizon de VA. planorbis.
Toutefois, à la faveur de la gracieuse hospitalité que m’of-
frait notre savant confrère, et guidé par ses précieuses indica-
tions, je commènçai à explorer les parties inférieures du
système jurassique, ou du moins, ce que nous considérions
comme tel, c’est-à-dire les grès et les calcaires gréseux.
M. l’abbé Berthon avait, depuis longtemps, rencontré des
fossiles dans ces grès, et nous ert trouvâmes encore un certain
nombre dans nos premières explorations. Tous étaient assez
mal conservés; mais, cependant, on reconnaissait parfaitement
leurs formes générales. Aucun d’eux ne se rapportait à ceux
que, jusqu’ici, j’avais rencontrés avec VA. conforta.
A Robiac les calcaires à Gryphées arquées du lias inférieur
sont parfaitement développés ; d’un autre côté, quand on
descend assez bas, on trouve des bancs de grès grossier blanc,
avec reflet bleuâtre, qui me paraissent identiques, par leur
constance et leur position géologique, avec les grès à meules de
la Lozère. # ,
S’il existait là des zones fossilifères dépendant de l’infra-
lias, on devait les rencontrer en examinant soigneusement les
assises comprises entre ces deüx niveaux.
L’un des lieux qui me parut le plus favorable pour exécuter
cette recherche est la colline qui s’élève, sur la rive droite de
la Cèze, en face de l’église de Robiac.
(PI. IV, coupes III, fig. 10) Coupe prise à V ouest de Robiac.
42. Calcaires noduleux du liasinfér. (calcaire à Gryphées arquées). » »
41. Calcaires très-compactes, très-siliceux, magnésiens, en bancs
puissants.... 13.00
40. Calcaires dolomitiques siliceux, rouges à l’extérieur, identiques
à tous les points de vue avec les calcaires àcbaux hydrauli-
que de Saint- Jean du Gard. Ils sont également exploités plus
au sud et dans la vallée de la Grand’Combe, pour cet objet. 6.00
39. Calcaires dolomitiques blanchâtres montrant plusieurs fossiles
des assises n° 38, particulièrement des Huîtres.
38. Calcaires siliceux blanchâtres, très-compactes, dont les bancs
sont profondément usés, avec A. planorbis, Huîtres, Cardi-
nies, etc., etc 2.00
37. Calcaires dolomitiques en bancs grisâtres et bleuâtres 8.0 0
36. Calcaires bleus et calcaires dolomitiques avec quelques lits de
marne 6.0 0
85. Banc de calcaire fissile parfaitement stratifié. . 0.50
NOTE DE M. DIEULAFAIT. 431
B 4. Calcaires bleus compactes, très- durs, profondément usés et
corrodés à la surface des assises, d’ailleurs parfaitement stra-
tifiés, pétris , surtout à la bas q, d'une quantité prodigieuse de
débris de coquilles , montrant aussi un certain nombre de
fossiles bien conservés et en particulier de magnifiques échan-
tillons de YAvicula contoria ............ . « . . . . 1.00
83. Marnes bleues et calcaires. ............. 0.50
32. Alternance de calcaires marneux et de calcaires siliceux jau-
nâtres, quelquefois gris . . . * 6.00
31. Calcaires dolomitiques siliceux et marnes intercalées » »
30. Calcaires dolomitiques blanchâtres. ........ 3.00
29. Grès calcaires avec grains de quartz 0.30
28. Calcaires dolomitiques blanchâtres. . 0.50
27. Marnes calcaires difficilement observables. . ... ........ ,3..O0
26. Calcaire dolomitique très-siliceux et très-compacte. 0.60
25. Calcaire marneux fissile jaunâtre 0.50
24. Calcaire jaunâtre dolomitique avec grès et traces de fossiles à
la surface 0.80
23. Marnes jaunes feuilletées en haut. 1.00
22. Calcaire schisteux dolomitique, avec lit de grès fin à la sur-
face, montrant quelques débris de fossiles. » »
21. Calcaire siliceux à grain très-fin, blanc, très-dur, avec débris
de fossiles. •.*.■.■». L . 0.30
20. Calcaire siliceux analogue à celui du n° 19, mais jaune . » »
19. Calcaire siliceux, marneux, bleu verdâtre, un peu rognoneux. 0.80
18. Calcaire dolomitique, blanchâtre, à grain fin. . , 0.,60
17. Marnes et calcaires noirâtres 1.50
16. Assises calcaires cristallines, très-usées et corrodées à la sur-
face.. . » 0.30
15. Banc compacte de calcaire dolomitique blanchâtre avec de nom-
breuses vacuoles, tapissées de cristaux de carbonate de chaux 1.00
14. Marnes et calcaires marneux grisâtres 1.00
13. Calcaires très-analogues à ceux du n° 12, mais de pâte plus
homogène et plus siliceuse ....... 0.30
12. Calcaires dolomitiques, blanchâtres à l’extérieur, mais zonés de
bleu à l’intérieur . . 0.60
11. Gros bancs de grès jaune, à éléments assez fins très-réguliers,
et n’ayant qu’une assez faible cohérence. Les parties les
moins agrégées renferment beaucoup de fossiles qui, à cause
de la nature de la roche, sont à la fois mal conservés et très-
difficiles à isoler f .ÜÔ
10. Grès fissile avec fossiles 0" .30
9. Calcaires dolomitiques blanchâtres, avec calcaires marneux,
montrant à leur surfacs de nombreux débris dé plantes ; .-. . 1.00
8. Assises de marnes calcaires, noires, fissiles (elles se retrouvent
de l’autre côté de la rivière, sous le presbytère même de
^4 ; . . . , • . . t _ . ; . .* _ , J \J • •. • J -J *J- i- - }
^32 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
Robiac) avec débris de fossiles
7. Calcaire dolomitique jaunâtre
6. Calcaires jaunes et marnes noires *
5. Marnes calcaires noires et jaunes
4. Grès friable bleuâtre.
8. Grès analogue au n° !..
2. Assises très-siliceuses, très-vertes, à aspect marneux, mais en
réalité très-compactes
1. Gros bancs de grès blancs à reflet bleuâtre (grès à meules de la
Lozère) (1)
La zone à A. coniorta montre dans la coupe précédente un
développement complet. Mais il est à peu près certain que si je
n’avais pas exploré, en Provence, ce niveau pendant des années,
ou si la lumachelle de Robiac eût été très-différente de celle de
cette dernière province, elle m’aurait échappé dans le Gard,
comme elle' avait échappé jusque-là aux recherches de mes
prédécesseurs. Mais en arrivant aux assises n° 34 de la coupe
précédente je fus immédiatement frappé de l’identité des ca-
ractères présentés par ces assises avec ceux des sédiments qui,
dans le Var et les Alpes maritimes, renferment VA. contorta.
Ainsi, à Robiac comme à Bergougnon, c’est le caractère li-
thologique de la roche qui m’a permis de découvrir le pré-
cieux niveau à A . contorta.
Il est un autre caractère purement minéralogique et strati-
graphique sur lequel j’appelle, d’une manière toute spéciale,
l’attention des explorateurs du Languedoc, c estl existence du
banc de calcaire fissile n° 35, servant de toit à la partie fossili-
fère de la zone à A. contorta.
Ce banc, dont l’épaisseur ne dépasse jamais 0m,50, est ex-
trêmement reconnaissable à ce caractère, qu’il se débite natu-
rellement en plaques pouvant parfois avoir plusieurs décimè-
tres de côté, plaques parfaitement planes et n’ayant pas plus
d’épaisseur que les ardoises ordinaires. Souvent ces calcaires
sont très-résistants, d’autres fois ils deviennent marneux et
tombent à l’état d’ardoises pourries; il n’est même pas rare de
rencontrer, sous les deux états, ces calcaires dans les mêmes
lieux. ..
Par la minceur et le parallélisme de leurs assises ils contras-
tent, de la manière la plus complète, avec les bancs plus ou
0.50
3.00
0.50
0.50
0.50
1.50
0.50
?
(1) La' coupa ne peut pas descendre plus bas.
NOTE DE M. DIEULAFATT.
433
moins réguliers, mais toujours épais et compactes, au milieu
desquels ils sont intercalés. Une fois qu’on est prévenu, on
peut apercevoir et reconnaître ces bancs à une distance consi-
dérable, et, dans tous les cas, il est impossible que dans une
coupe, ne fût-ce qu’une coupe de reconnaissance, ils ne s’im-
posent pas d’eux-mêmes à l’attention de l’observateur. Ces
mêmes calcaires fissiles se retrouvent en Provence; seulement,
comme les dépôts renfermant PA. contorta sont là beaucoup
plus épais que dans le Languedoc, on rencontre en Provence
plusieurs niveaux de marnes et de calcaires fissiles; mais le
plus développé et le plus constant occupe, à l’est comme à
l’ouest du Rhône, exactement la même position géologique.
Il recouvre directement les assises à A. contorta.
Au nord de Robiac s’ouvre la vallée au fond de laquelle
coule la rivière de Ganière, que domine, du côté de l’est, le
vieux château ruiné de Castillon. Quand on remonte cette val-
lée, on arrive au terrain bouiller des Salles, où de grandes ex-
ploitations sont en pleine activité.
J’ai examiné toute cette région, et j’ai eu l’avantage défaire
une partie de mon exploration avec l’un des hommes qui ont
le plus contribué à faire connaître ce district houiller, avec
notre savant confrère M. de Lavernède.
Le grès houiller occupe le pied des montagnes, mais il est
recouvert par un ensemble de terrains calcaires, très-épais,
dans lesquels, à première vue, on reconnaît plusieurs étages de
la formation jurassique.
L’un des points les plus remarquables pour étudier, dans
cette région, la constitution de l’infra-lias, est la montagne
qui, du côté de l’est, domine le village des Salles.
Guidés par la coupe de Robiac, nous montâmes, M. de La-
vernède et moi, dans les escarpements, à la recherche du
banc de calcaire fissile , que nous aperçûmes, en effet, à
50 mètres de distance. A peine arrivés dans son voisinage,
M. de Lavernède rencontra, dans un fragment de roche
détachée, un exemplaire bien caractérisé de l’A. con-
torta et, bientôt après, nous trouvâmes, immédiatement sous les
calcaires fissiles, la lumachelle parfaitement en place avec plu-
sieurs fossiles et un certain nombre de très-beaux exemplaires
de l’A. contorta. L’un d’eux avait même des dimensions si
considérables que j’hésitai un instant à le reconnaître.
Dans la coupe de Robiac la zone à A. planorbis est à envi-
ron 15 mètres au-dessus de la zone à A. contorta . Je m’élevai
Bull. Soc. Géol., 2e série, t. XXVI.
28
434 SÉANCE DU 11 JANVIER 1809.
dans la montagne des Salles d’une hauteur à peu près égale, à
partir des calcaires fissiles, et je vis apparaître la zone à A.
planorbis avec les mêmes fossiles et les memes caraclèits (ju h
Robiac.
M. de Lavernède ne pouvant, a mon grand regret, continuer
avec moi l’exploration de la montagne, je revins à la base, et je
relevai la coupe suivante :
(PI. IV, coupes III, fig. Il) Coupe partant de la montagne à l'est du
village des Salles, en partant du puits Lavernède.
32. Bancs extrêmement remarquables, composés presque exclusive-
ment de silice à l’état spongieux et empâtant un nombre con-
sidérable de fossiles appartenant au lias inférieur
31. Calcaires gris noir, en bancs bien stratinés, montrant dans
toutes leurs parties de nombreux et gros rognons de silex. . .
30. Calcaires jaunâtres, noduleux, avec quelques silex et de nom-
breuses Bélemnites, ; •
29. Calcaire moins siliceux, avec Bélemnites dans les parties
élevées »
28. Dolomies très-siliceuses formant barre en haut.
27. Calcaire marneux blanchâtre avec Ammonites planorbis, etc.,
et tous les fossiles de Robiac
26. Calcaires analogues à ceux du n° 23, mais en bancs plus
minces
25. Gros banc de calcaire très-compacte et très-siliceux
24. Calcaires marneux, jaunâtres, avec traces de fossiles
23. Calcaires en gros bancs blanchâtres siliceux
22. Calcaires compactes marneux et siliceux
21. Banc de calcaire marneux -
20. Calcaire compacte avec lumachelle fossilifère
19. Calcaires fissiles »
18. Lumachelle avec A. contorta, etc., etc
17. Marnes vertes
16. Calcaires gris en gros bancs, montrant un ceitain nombre de
lits, extrêmement minces, de grès engagés dans la pâte. . . .
15. Calcaires marneux en gros bancs ; l’un d’eux se délite comme
le fuller's earth de la Provence
14. Marnes vertes et calcaires cariés
13. Gros banc de calcaire dolomitique rempli de débris de fossiles.
12. Système de cargneules très-développées et de marnes vertes
rappelant tout à fait les dépôts sur lesquels reposent les pre-
mières assises renfermant VA. contorta en Provence
11. Ensemble de gros bancs de calcaire gris siliceux
10. Calcaires siliceux en bancs assez minces devenant quelquefois
feuilletés. *
20.00
45.00
25.00
15.00
40.00
4.00
2.00
2.50
0.20
2.00
2.00
0.20
1 .00
0.50
1.00
0.20
2.00
2.00
1.00
1.50
2.50
9.00
8.00
NOTE DE M. DIEULAFAÏT.
9. Gros banc de calcaire jaune dolomitique Y. ....... . 0.60
8. Calcaires jaunes et marnes vertes , 0.60
7. Gros banc de grès grossier très-compacte (grès à meules de la
Lozère) 0.80
6. Marnes rouges bariolées 3.00
5. Alternance de calcaires jaunâtres dolomitiques, marnes vertes
et quelques lits de grès grossier 5.00
4. Grès grossier quartzeux 0.50
3. Gros banc de calcaire jaune dolomitique 0.80
2. Alternance de grès grossier, grès fin et marnes 4 0 . 0 0
1. Marnes noires 12.00
Grès à gros grains de quartz; limite supérieure du terrain houiller. » »
En marchant, à partir de Robiac, dans la direction du sud-
est, on constate facilement que le système général se relève
d’une manière régulière, à mesure qu’on s’approche de la
station de Molière,
A 400 mètres au nord de cette station se trouve le hameau de
Gammal. Ce point a é é examiné par M. Hébert, il y a neuf
ans (1), et plus récemment étudié par M. Dumortier (2) à qui
il a fourni un certain nombre de fossiles se rapportant tous au
niveau de VA. planorbis.
Je vais d’abord faire connaître la succession des assises et
préciser la position des niveaux fossilifères. On verra alors, par
la seule inspection de la coupe, comment je suis amené forcé-
ment à une opinion tout à fait différente de celles de mes sa-
vants prédécesseurs.
Les travaux du chemin de fer, entre Molière et Gammal, ont
entaillé complètement les terrains. Il y a là une coupe magnifi-
que dans toute l’acception du mot. M. le chef de gare de Mo-
lière et M. le directeur des travaux ayant bien voulu m’auto-
riser à pénétrer sur la voie ferrée, j’ai pu suivre, avec la plus
grande facilité, la succession des assises.
(PI. IV, coupes III, fîg. 12) Coupe des terrains compris entre la station de
Molière et le hameau de Gammal ensuivant la tranchée du chemin de fer.
21. Calcaires bleuâtres, compactes, et calcaires grès siliceux 50.00
30. Calcaire bleu très-marneux et calcaires en plaquettes, avec A,
planorbis et un grand nombre de fossiles du même horizon. 6.00
(1) Bull,, 2e série, t. XVI, p. 905.
(2) Op. cit 1864.
436
SEANCE du il JANVIER 1869.
18.
17.
16.
15.
Bancs puissants de calcaires rougeâtres montrant un gran
nombre 'de lamelles de carbonate de chaux cristallisé, dispo-
sées perpendiculairement aux plans de stratification
Calcaire très-siliceux, gris, en assises minces
Calcaire gris en très-gros bancs
Calcaire jaune marneux en plaquettes ..........
Gros banc de calcaires gris et bleu avec quelques lits de calcai-
res bleus en plaquettes à la base
14. Calcaire' siliceux gris bleuâtre.
13. Marnes et calcaires marneux fissiles
12 Marnes vertes avec cargneules à la base
ni Lumachelle calcaire à A-. contovia avec un grand nombre
d’autres fossiles
10. Calcaire fissile bleu
9. Calcaires en plaquettes jaunes.
8. Calcaire bleu fissile
7. Lumachelle très-fossilifère à A . contorta, etc
6 Marnes vertes et cargneules peu visibles dans la tranchée,
mais bien développées quand on remonte le flanc de la mon-
tagne ; * v * * *
5. Calcaires blanchâtres, parfois bleuâtres, dont certains bancs
sont énormes et forment barre. Ces bancs sont extrêmement
compactes et séparés par des assises marneuses grises ou
noires ne montrant aucune partie rouge, environ
4. Gros banc degrés isolé, dur, compacte, et pétri de petits quart-
zites plus ou moins roulés •
B. Alternance de marnes dans lesquelles la couleur rouge domine
toujours, de marnes vertes et de très-nombreux bancs de
calcaire siliceux jaunâtre, environ .
2. Alternance de marnes dans lesquelles la couleur rouge domine
surtout , de marnes vertes et de calcaires passant de plus en
plus à l’état gréseux à mesure qu’on descend, au moins
1. Dolomies compactes, cloisonnées ou terreuses
Calcaire marneux et schiste noir
3.00
1.50
3.00
0.50
2.00
2.00
1.50
4.00
1.00
0.30
2.00
0.50
» »
2.00
35.00
1.50
20.00
80.00
12.00
10.00
Au-dessus des gros bancs de calcaires rougeâtres n* 19 on
ne peut plus suivre la coupe dans la tranchée; elle est complè-
tement interrompue par un fort mur de 60 mètres de long sur
le milieu duquel s’appuie le pont de Gammal ; mais, en mon-
tant au-dessus de la tranchée, du côté de l'ouest, on voit se
développer, au-dessous du village de Gammal et aux environs,
un ensemble de calcaires marneux en plaquettes s’inclinant,
comme le reste du système, d’environ 50° au nord, mais ayant,
comme tout le reste aussi probablement, un plongeaient bien
marqué vers le sud.
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
437
La puissance de ces calcaires marneux est, à Gammal, rela-
tivement considérable; mais, à cause de leur fort plongement
vers le sud, ils sont, pour ainsi dire, plaqués sur le flanc de la
montagne, et, si on ne se rendait pas bien compte de l’état des
lieux, on serait disposé à leur donner une épaisseur d’au moins
30 mètres, tandis que, en réalité, elle ne doit pas dépasser 5 ou
6 mètres.
Ce sont ces calcaires qui ont été signalés, d’abord, par
M. Hébert comme fossilifères, et explorés, plus tard, par
M. Dumortier, qui les a rapportés, avec raison, à l’horizon de
IM. planorbis. Il m’ont fourni, avec un bon nombre des fos-
siles décrits par M. Dumortier, plusieurs exemplaires de l’A.
planorbis.
Au-dessus de ces calcaires vient, comme à Robiac, comme
à Saint-Jean du Gard, un puissant système de calcaires
bleuâtres, siliceux, magnésiens, qui occupent toutes les hau-
teurs jusqu’au ravin de Perret. Seulement, comme le système
général s’incline toujours au nord, les bancs marneux à A.
planorbis arrivent presque au niveau du ravin, et, par suite, la
zone à A. contorla est complètement recouverte. Sur la rive
droite du ravin de Perret, les calcaires marneux à A. planor-
bis sont très-visibles et parfaitement reconnaissables à plusieurs
kilomètres de distance, à cause de leur couleur bleu foncé et
de leur état marneux. Ils contrastent ainsi de la manière la
plus complète avec les calcaires dolomitiques rougeâtres et
très-compactes qui les recouvrent et qui forment, en ce point,
un abrupt tout à fait vertical.
Ce vallon de Perret correspond à une petite faille, car, sur
la rive opposée, on ne retrouve plus les calcaires marneux à
A. planorbis , mais seulement les bancs compactes rougeâtres
supérieurs.
Au-dessus de ces assises, se développe l’étage du lias in-
férieur, formé de calcaires bleus très-compactes, puis de cal-
caires noduleux, un peu marneux, montrant un certain nombre
de fossiles, parmi lesquels de nombreuses Bélemnites, VAm-
monites bisulcatus et la Grypbée arquée. Ce dernier fossile,
si remarquable, me paraît identique avec les types les plus
connus et les plus classiques ; seulement il se montre ici à
plusieurs niveaux parfaitement distincts.
L’ensemble des faits que nous venons de faire connaître,
avec détails, aux environs de Robiac, se reproduit, avec
quelques différences d’un ordre très-secondaire, dans toute la
438 SÉANCE DU il JANVIER 1869.
partie nord du département du Gard ; c’est ce qui a lieu, no-
tamment, sur le territoire de la commune de Meyranne, au
sud-est de Robiac, du côté du nord quand on s’avance vers les
Yans, et au nord est en marchant vers Villefort.
J’ai fait dans ces directions, et en remontant depuis Alais
jusqu’à la Grand’Combe la vallée du Gardon d’Alais, un cer-
tain nombre d’observations, sur lesquelles j’aurai à revenir
ailleurs, mais dont l’exposition ne paraît modifier en rien les
conséquences qui résultent des faits consignés dans le travail
actuel.
Avec la zone à A. contorta et la zone à A. planorbis il existe
dans l’infra-lias du Languedoc un troisième niveau fossilifère :
c’est un niveau à polypiers.
Tous les géologues qui se sont occupés de l’infra-lias, au
point de vue paléontologique, ont cité des polypiers dans cet
étage. Celui qui a surtout fait connaître l’importance de ces
restes organiques est M. Duncan, en Angleterre. Ce savant,
qui a eu à sa disposition des matériaux considérables et qui a
fait de ces restes une étude extrêmement étendue, rapporte
leur plus grand développement à l’horizon de V Ammonites an-
gulatus.
Or, dans le Languedoc, le niveau à polypiers dont nous par-
lons est toujours placé dans les dolomies compactes siliceuses,
au-dessus de la partie fossilifère de la zone à A. planorbis.
Il sera certainement très-intéressant, au point de vue pa-
léontologique, d’étudier cette zone à polypiers; mais il n’est
pas nécessaire que cette étude préliminaire soit faite pour que
ce niveau mérite toute l’attention des géologues. Il trace, en
effet, dans le système dolomitique inférieur au lias à Gryphées
arquées , un plan aussi régulier et aussi constant que celui de
IM. contorta à la base du système.
Je n’ai pas pu en tirer parti dans mon excursion à travers le
Languedoc, car ce n’est que très-tard que j’ai soupçonné son
importance, et ce n’est mêmequ’après avoir, de retour à Tou-
lon, dépouillé et comparé les centaines de coupes partielles
et locales toutes relevées au baromètre, rapportées de mon
voyage, que j’ai vu ce niveau à polypiers se révéler de lui-
même, avec une régularité parfaite, dans mes coupes géné-
rales.
Il nous reste maintenant à examiner une question considérée
comme résolue par beaucoup de nos confrères, mais qui, pour
nous, est loin de l’être : c’est celle-ci :
NOTE DE M. DIEULAPAIT.
439
Le lias inférieur existe-t-il dans le Languedoc? Il y a à ce
point de vue deux divisions à faire. La première comprend
l’Ardèche et le Gard ; la deuxième, l’Hérault, l’Aveyron et la
Lozère (1).
Pour la première région il n’y a pas de doute à conserver.
Depuis longtemps M. Dumas, M. Hébert, etc., ont montré que
la véritable Gryphœa arcuata^V Ammonites bisulcatus, etc., exis-
taient dans le Gard.
Dans l’Ardèche, la Gryphœa arcuata a dû être signalée. Je
l’ai, dans tous les cas, rencontrée à l’est de Largentière et
dans plusieurs autres points du département de l’Ardèche.
Dans la 2e partie du Languedoc il en est tout autrement.
Au point de vue paléontologique, les seuls fossiles cités jus-
qu’ici, comme se rapportant au lias inférieur, sont : la Lima
gigantea, Sow. et le Spirifer Walcotii , d’Orb. Ils ont été rencon-
trés, dans l’Aveyron, par M. Reynès, qui s’appuie sur leur pré-
sence pour admettre, dans ce département, l’existence du lias
inférieur.
Malheureusement les fossiles précédents n’ont pas la signifi-
cation précise que leur attribue notre savant confrère, puisque
en Bourgogne, pour ne citer que cette région, la Lima gigantea
et le Spirifer Walcotii descendent jusque dans la zone à A.
planorbis (2).
Au point de vue pétrographique l’infra-lias se confond, de la
manière la plus complète, avec les dépôts rapportés au lias
inférieur.
« La partie supérieure des bancs calcaires renferme quelques
fossiles du lias inférieur ( Spirifer Walcotii, Lima gigantea) , mais
on ne saurait établir une ligne de démarcation entre ces cal-
caires et ceux qui sont au-dessous. La seule différence facile à
observer, c’est que les calcaires du lias inférieur sont d’une
teinte blanchâtre, tandis que ceux de l’infra-lias sont blancs ;
il n’y a donc pas possibilité de limiter nettement l’infra-lias et
le lias inférieur. » (M. Reynès) (3).
(1) J’ai à peine besoin de faire remarquer que j’emploie les noms de dé-
partements pour plus de simplicité, et sans prétendre que ce qui va suivre
«'applique rigoureusement à la circonscription administrative correspondant
à chacun d’eux.
(2) Voir, en particulier, M. Martin. Mém . de la Soc . géol. , 2* série,
t. VII, p. 30.
(3) Op. cit., p. 43.
440
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
Au point de vue stratigraphique , il y avait dans cette question
une marche toute tracée.
Puisque dans la première partie du Languedoc les calcaires à
Gryphées arquées recouvrent l’infra-lias, il fallait relever, dans
les deux régions, deux séries de coupes comprises entre deux
niveaux paléontologiques bien précis, et comparer ensuite
les deux séries de résultats. C’est ce que j’ai fait, en pre-
nant pour limites la zone à A. planôrbis , en bas, et les assises
à Ostrea cymbium du lias moyen, en haut.
J’ai relevé onze coupes dans la première partie (Gard,
Ardèche) et quatre-vingt six dans la deuxième (Hérault,
Aveyron, Lozère).
Après avoir comparé et discuté, avec le plus grand soin, (tous
les éléments de ces coupes, j"ai obtenu un certain nombre de
résultats généraux, résumés dans les trois propositions suivan-
tes, qui, je l’espère bien, ne seront pas sensiblement modifiées
par les observations ultérieures.
1° Ces dépôts dolomitiques succédant, à la partie fossilifère
de la zone à A . planôrbis se montrent dans tout le Languedoc
avec les mêmes caractères, qu'ils soient ou non recouverts par les
calcaires à Gryphées arquées. Il me paraît donc absolument certain
que ces dépôts correspondent exactement à un même système
et ont été formés sous l’influence de conditions tout à fait
identiques dans toute l’étendue de cette province.
2° En considérant dans la première région, là où les calcaires
à Gryphées n'existent pas, l’ensemble des calcaires plus ou moins
dolomitiques compris entre la zone à A. planôrbis et la base
du lias moyen , on trouve que l’épaisseur est sensiblement plus
grande que celle des calcaires analogues compris entre la
zone à A. planôrbis et la base du lias inférieur ; dans la pre-
mière région, la différence en plus peut être évaluée à un cin-
quième de l’épaisseur totale.
3° Mais si, dans les deux régions, on compare l’ensemble des
dépôts compris entre les deux horizons servant de points de
repères (zone à A. planôrbis et niveau de l’O. cymbium ), on
reconnaît immédiatement que l’épaisseur est beaucoup plus
grande dans la première région (Gard et Ardèche) que dans la
deuxième. Ici la différence en plus est d’au moins la moitié.
La conséquence qui résulte de ces trois propositions est que
le lias inférieur n’existe pas, ou n’existe que très-imparfaite-
ment, dans l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère.
Remarquons bien, comme fait acquis àla science, et sanspré-
NOTE DE M. DIEULÀFAIT.
441
judice delà solution définitive de la question agitée ici, que cette
absence du calcaire à Gryphées arquées , et peut-être du lias in-
férieur dans une partie du Languedoc, et. la présence de ces
calcaires très-développés dans une autre, établissentune grande
et nouvelle analogie vraiment extraordinaire avec la Provence,
puisque, dans cette dernière province, on a constaté exacte-
ment la même différence entre la région du nord, où les cal-
caires à Gryphées arquées atteignent un très-grand dévelop-
pement, et la région du sud qui n’en montre pas la moindre
trace.
A ce point de vue, l’Ardèche et le Gard se rattachent complè-
tement à Vaucluse et aux Basses-Alpes, comme l’Hérault,
l’Aveyron et la Lozère se rattachent aux Bouches-du-Rhône, au
Var et aux Alpes maritimes.
Constatons bien que les différences et les analogies signalées
ici existent d’une manière absolue, et qu’elles n’en resteraient
pas moins quand on viendrait à découvrir, dans l’ouest du
Languedoc et même dans le sud de la Provence, des repré-
sentants bien authentiques de l’étage du lias inférieur.
Sans doute, je ne considère pas comme rigoureuses les con-
séquences déduites des trois propositions établies plus haut.
Mais, si la suppression du lias inférieur dans l’ouest du Lan-
guedoc n’est pas parfaitement démontrée, il faut bien recon-
naître aussi, d’après ce que nous avons établi, que cette
suppression complète ou partielle serait au moins possible.
Dans tous les cas, et c’est là pour la science le résultat le plus
utile qu’auraient amené mes observations, nos savants confrères
du Languedoc se trouvent actuellement dans l’obligation de se
livrer à de nouvelles recherches et de fournir de nouveaux ar-
guments à l’appui de leurs idées, s’ils veulent que nous re-
connaissions, avec eux, l’étage du lias inférieur, dans l’ouest
du Languedoc.
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.
I. — La première conséquence qui résulte des faits exposés
précédemment, et particulièrement de l’examen des coupes du
Gard, est que les grès infraliasiques de la Carte de la France doivent ,
au moins dans le grand massif jurassique du Languedoc, être
C07nplétement séparés de la formation jurassique et reportés dans le
trias. C’est là, on le sait l’opinion de M. Émilien Dumas, dans
ses travaux si remarquables sur le département du Gard.
4Ï2
SÉANCE DU il JANVIER 1869.
Je me trouve ainsi en opposition formelle avec les illustres
auteurs de la Carte géologique de la France et avec les géolo-
gues français les plus autorisés, MM. Hébert et d’Archiac en
particulier. Mais, malgré l’autorité si grande de ces illustres
maîtres, l’opinion que je viens de formuler me paraît être ex-
pression de la vérité. , ,
D’abord, elle est incontestable pour le département de 1 Ar-
dèche et celui du Gard, puisque la série infraliasique, complète
dans ces deux départements, montre la zone à .4. contorta ,
parfaitement développée, parfois placée, il est vrai, au voisi-
nage des grès, mais toujours au-dessus et faisant constam-
ment partie d’un système sédimentaire, de nature éminem-
ment calcaire.
Dans la Lozère, la conséquence est encore rigoureusement
la même pour le seul point où j’aie rencontré 1 A. contorta (Ber-
gouguon). Elle fait partie de sédiments exclusivement cal-
caires.
Dans l’Hérault, à l’ouest de Lodève (Défriche), VA. contorta
fait réellement partie des grès arkosiques ; mais elle se trouve
dans une couche complètement calcaire, et, d’ailleurs, à la par-
tie tout à fait supérieure du système gréseux. De l’autre côté
de Lodève, à Saint-Etienne-de-Gourgas, on constate quelque
chose de très-analogue. J’ai rencontré, sur une assise de giès
arkosiques, une couche de marne noirâtre que 1 ongie pou-
vait facilement rayer, n’ayant pas deux millimètres u épais-
seur, et tapissée d’un certain nombre de valves très-petites,
mais parfaitement conservées de VA. contorta , et presque im-
médiatement au-dessus la lumachelle calcaire noire avec ses
caractères ordinaires. Plus haut les grès ont complètement dis-
paru. Donc, dans l’Hérault, les grès se terminant avec 1 appa-
rition de la zone à A. contorta ne peuvent appartenir au lias,
et font dès lors partie du trias.
Cependant, pour bien établir l’état de la question, il im-
porte de faire remarquer que les grès arkosiques de l’Hérault,
dont il est ici question, me paraissent spéciaux à cette région.
Ce sont des grès dans lesquels l’élément calcaire n’est jamais
étranger, dans lesquels il domine même parfois complète-
ment. En second lieu la zone à H. contorta à Saint-Etienne-de-
Gourgas, et surtout à la Défriche, est tout à fait rudimentaire.
Il n’y aurait rien d’impossible à ce que ces grès appartinssent
réellement, en tout ou en partie, au véritable infra-lias. Seu-
lement ils sont tout à fait différents des grès infraliasiques
NOTE DE M. DIEtJLAFAIT. 443
de la Carte de la France, qui, du reste, ne signale pas dans
l’Hérault la présence de cet étage.
Reste l’Aveyron.
Ici les documents paléontologiques que j’ai pu recueillir
sont, comme je l’ai dit, tout à fait incomplets. Mais, en l’ab-
sence de preuves paléontologiques permettant de se prononcer
avec certitude, il est un élément minéralogique et stratigraphi-
que qui mérite une sérieuse attention : c’est la présence con-
stante, quand le système gréseux est un peu développé, de gros
bancs de grès blanc à éléments grossiers, mais très-compacte,
appelé grès à meules dans la Lozère, et qu’on retrouve dans la
plupart de nos coupes.
Or, en examinant la coupe à peu près complète de Saint-Jean
du Gard (PI. IV, coup. 111, fîg. 9) et les coupes très-complètes
de Robiac et des Salles (fîg. 10 et 11), on constate, avec la der-
nière évidence que ces grès à meules sont bien inférieurs à l’ho-
rizon de VA. conforta , et font, dès lors, forcément partie du
trias. Or, dans l’Aveyron et dans la Lozère, comme dans tout
le reste du Languedoc, les grès à meules se montrent toujours
dans les parties les plus élevées du système gréseux, ce qui
fait rentrer dans le trias ces grès eux-mêmes et toutes les
assises analogues inférieures, ensemble qui, dans l’Aveyron et
dans la Lozère, a été rapporté aux grès infraliasigv.es.
Maintenant il est un point sur lequel je dois revenir, comme
je l’ai promis, au sujet de l’Aveyron.
Après avoir constaté, à ma profonde stupéfaction, je l’avoue,
le développement complet de la zone à A. conforta aux envi-
rons de Robiac, non-seulement en dehors du système des grès ,
mais très-haut dans les assises calcaires , en me rappelant la ren-
contre de la véritable lumachelle à A. planorbis , aux environs
de Saint- Affri que et au ravin de Fdndamonte, sans que j’aie
pu trouver ces lumachelles en place, j’ai été amené à me de-
mander si je m’étais suffisamment élevé dans le système cal-
caire de l’Aveyron, si je n’avais pas exploré seulement des
dépôts correspondant aux assises 1, 2, 3, 4, 5, 6, de la coupe
de Molières, et enfin, comme conséquence, si la zone à A.
contorta et la zone à A. planorbis n’étaient pas parfaitement
développées dans l’Aveyron, où elles occuperaient des positions
analogues à celles de ces deux niveaux aux environs de Robiac.
Après avoir relu mes notes et examiné mes coupes de l’A-
veyron, je dois dire que la chose me paraît bien probable. Dans
tous les cas, en nous en tenant, pour le moment, aux carac-
444
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
tères minéralogiques et stratigraphiques exposés plus haut, en
voyant surtout comment les choses se passent dans les parties
du Languedoc où la série infraliasique est complète, ilme paraît
presque certain que dans l’Aveyron, comme dans les quatre
autres départements, tout le système gréseux inférieur aux
calcaires fait partie de la formation triasique.
Mais ce n’est pas tout.
A quelle division du trias doit-on rapporter ces grès?
Là, je continue à m'éloigner de plus en plus, non-seulement
de l’opinion des maîtres illustres que j’ai cités plus haut, mais
aussi de celle de M. Émilien Dumas.
Je pense que ces grès appartiennent à la division inférieure
du trias : à V étage du grès bigarré . Voici mes raisons :
1° Dans les coupes des environs de Robiac, et plus particu-
lièrement dans celle de Molière, il faut trouver une place aux
puissantes assises calcaires comprises entre le banc de grès
compacte n° 5, et les marnes vertes sur lesquelles reposent
les premières lumachelles à A. contorta.
Recouvert par la zone à A. corilorta, cet ensemble n'est pas
plus récent que l'étage des marnes irisées ; mais en le compa-
rant avec ce dernier étage tel qu’il est connu dans les lieux
classiques, le système du Gard n’a avec lui presque aucun
rapport. Son analogie avec le muschelkalk du Var est, au con-
traire, très-grande. La partie marneuse est plus développée
dans le Gard, mais la puissance des bancs, leur composition,
leur aspect blanchâtre, le grain fin des sédiments, etc., etc.,
rappellent parfaitement le muschelkalk du Var, surtout sa
partie moyenne.
2° Si les assises calcaires représentent le muschelkalk, il
faudrait admettre dans le Gard la suppression de l’étage des
marnes irisées; au moins ne seraient-elles représentées que
par les faibles dépôts de marnes vertes et de cargneules ser-
vant de base à la zone à A. contorta . Mais cette suppression,
au lieu d’être une objection à notre manière de voir, lui serait
au contraire extrêmement favorable, en ce sens qu’elle établi-
rait une analogie frappante de plus entre le Languedoc et la
Provence.
On sait, en effet, que les illustres auteurs de la Carte géolo-
gique de la France n’ont pas admis dans la Provence l’existence
des marnes irisées. En réalité elles s’y rencontrent, mais tou-
jours extrêmement réduites, et, dans une foule de lieux, elles
manquent à peu près complètement.
NOTE DE M. DIEULÀFAIT.
445
Maintenant, si les choses sont réellement ainsi, elles entraî-
nent une conséquence qu’il importe de signaler : c’est que les
gypses de Molière seraient, non plus dans les marnes irisées,
mais dans les grès bigarrés. Ce serait là un fait dont je ne
connais pas un seul exemple en Provence ; mais, dans le Lan-
guedoc, il paraît qu’il en est autrement, puisque plusieurs
géologues ont placé certains gisements de gypses à ce ni-
veau, et que, dans un travail tout récent, M. Reynès y rapporte
ceux de Saint-Vincent, près de Saint-Affrique.
3° Aux environs de Lodève (Défriche), les grès blancs à élé-
ments grossiers, mais très-compactes, (grès à meules), sont bien
visibles. Ils occupent la partie supérieure du système (PI. IV,
Coupes III, fig. 0), des grès bigarrés et supportent un en-
semble de calcaires dolomitiques et siliceux que je rapporte
au muschelkalk. Remarquons bien que cette position, attribuée
aux grès des environs de Lodève, n’est pas une opinion qui me
soit personnelle; c’est celle de M. Hébert et de nos savants con-
frères du Languedoc qui ont exploré cette localité. La seule
chose, au reste, qui m’appartienne dans la coupe de la Dé-
friche, c’est la découverte et l’établissement de la position
exacte de la zone à A . conforta en ce point.
Si donc les grès dont il s’agit appartiennent, de l’avis de
tous les géologues, à l’étage des grès bigarrés, il en devient
naturellement de même dans tout le reste du Languedoc.
Sans doute, on pourra m’adresser ici une objection que je
n’ai pas manqué de me faire à moi-même, dans tout le cours
de mes excursions : ces bancs de grès blancs compactes ap-
partiennent-ils réellement, dans les différents lieux, au même
niveau géologique?
Il ne m’est pas permis de répondre à cette question par une
affirmation absolue ; mais il est infiniment probable qu’il en
est ainsi, parce que j’ai suivi ces grès, sans solution de conti-
nuité, sur de longues étendues, et qu’ils se montrent toujours
avec les mêmes caractères et dans la même position relative
toutes les fois que la série est complète.
Je dois dire maintenant que M. Reynès, dans son récent
travail sur l’Aveyron, est arrivé à des conclusions tout à fait
semblables aux miennes, en ce qui touche les grès infraliasiques
de la Carte de la France ; seulement ce savant et consciencieux
géologue, n'ayant pas étendu ses recherches en dehors de l’A-
veyron, n’a pas trouvé, plus que moi, dans ce département, de
preuves irrécusables pour justifier sa manière de voir. Je ne
446 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
puis donc m’appuyer, autant que je le voudrais, sur son auto-
rité: mais je constate que les analogies ont conduit M. Reynès,
pour l’Aveyron, au point où j’ai été amene moi-même par
l’ensemble des faits que j’ai reconnus dans le reste du Langue-
doc.
II. — Dans le Languedoc l’expression zone à A. planorbis doit
être (pour la partie fossilifère) prise dans un sens littéral,
c’est-à-dire, qu’il y a, au niveau indiqué par ces mots dans mes
différentes coupes (Gammal, Bergougnon, Florae, etc.), une
énorme quantité de fossiles, quelquefois bien conservés et
plus souvent brisés et triturés, mais accumulés dans des bancs
dont Y ensemble ne mesure jamais qu’une faible épaisseur.
Maintenant, dans tous les points où la zone fossilifère à A.
contorta est bien développée , il y a, entre elle et la zone à A.
planorbis , un système de bancs calcaires à peu près sans fos-
siles, dont l’épaisseur dépasse quelquefois 10 mètres.
La zone à A. planorbis commençant avec l’apparition de ce
fossile et de ceux qui l’accompagnent, tout ce qui est inférieur
à cet horizon dépend nécessairement de la zone a A. contorta .
Si, dès lors, on examine la série des Coupes III, on voit que
partout dans le Languedoc apparaît, de la manière la plus ma-
nifeste, la zone à A. planorbis. Comme, d’un autre côté, cette
zone ne repose presque jamais directement sur les schistes
anciens, il en résulte que les dépôts qui lui sont inférieurs
font partie de la zone à A. contorta.
Si on ne considérait que.les résultats fournis par le départe-
ment du Gard, il faudrait, en jugeant par comparaison, conclure
que la zone fossilifère à Avicula contorta n’existe pas dans l’A-
veyron, excepté peut-être à Florae (Coupes III, fig. 6). Mais la
coupe de l’Ardèche (fig. I) et celle de l’Hérault (fig. 0) nous
montrent que l’A. contorta peut arriver presque au con-
tact de la zone à A. planorbis , et par conséquent il peut se
faire que, dans la Lozère, aux environs de Mende, en particu-
lier, on arrive à rencontrer l’A. contorta.
III. — Ce qui m’a surtout déterminé à considérer les grès
infraliasiques comme ne dépendant pas du lias, c’est que leur
partie supérieure (grès à meules), en conservant toujours les
mêmes caractères, supporte (Coupes III et Coupe II, entre Vil-
lefort et les Vans) les dépôts les plus divers, et, ce qui m’a
amené à les ranger dans le grès bigarré , c’est surtout la posi-
tion qu’ils occupent, dans le Gard, par rapport à la zone à A.
contorta (Coupes III, fig. 9, 10, II, 12).
NOTE DE M. Hébert. 447
Noos pourrions maintenant comparer les terrains infraliasi-
ques du Languedoc avec les terrains correspondants de la Pro-
vence; mais, outre que l’espace nous manque ici, cette compa-
raison sera faite, avec tout le développement convenable, dans
notre travail général. Constatons seulement en terminant que
les grandes lignes géologiques de l’est du Rhône se reprodui-
sent à l’ouest sans modifications bien sensibles. Et même, si
on rapproche les détails exposés dans le travail actuel de
ceux que j’ai fait connaître en Provence, il devient évident que
l’analogie entre les deux provinces se poursuivra jusque dans
un grand nombre de points tout à fait secondaires.
M. Parran, tout en constatant qu’il existe du gypse dans
la partie inférieure du trias en Provence, est d’accord avec
M. Hébert pour placer dans les marnes irisées la principale
masse des gypses de ce pays. Il rappelle que la base du
trias y renferme des conglomérats riches en minerais mé-
talliques. Quant aux grès supérieurs indiqués par M. Dieu-
lafait, M. Parran les croit indépendants du lias, car en di-
vers points ils supportent directement le terrain oxfordien
sans aucune trace délias.
Après la lecture du mémoire de M. Dieulafait, M. Hébert
présente les observations suivantes :
Observations sur les couches inférieures de /’infra-lias du Midi de
la France ; par M. Hébert.
Le travail que cite M. Dieulafait, dans son mémoire sur
l’infra-lias du Languedoc, avait pour but principal la compo-
sition du trias et la limite inférieure du lias dans les départe-
ments du Gard et de l’Hérault.
J’avais établi (1) : 1° que les grès micacés de l’Hérault, à
Calamites arenaceus e t h Labyrinthodon , correspondaient exacte-
ment aux grès bigarrés de la Lorraine et de l’Allemagne; 2° que
ces grès étaient reconnaissables par du calcaire dolomitique
que je rapportais avec doute au Muschelkalk ; 3° que ceux-ci
supportaient un système de marnes bigarrées, associées à des
(1) Bull . 2e série, t. XVI, p. 917.
448
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
calcaires marneux et à du gypse, système représentant exacte-
ment le heuper , ou marnes irisées; 4° que les conglomérats et
les grès dits arkoses qui surmontaient le tout formaient la base
de V infra-lias.
Ces conclusions ont été confirmées par de nombreux faits.
— Le sel gemme, mentionné par M. Gruner dans le système
gypseux n° 3, les fossiles du muschelkalk recueillis, aux envi-
rons de Neffiez, par MM. Graff, J. Fournet(l), et plus récem-
ment par M. de Grasset, ne permettent plus aucun doute sur
l’âge des calcaires dolomitiques n° 2.
M. Reynès (2) a tout récemment montré avec la plus grande
évidence que le trias de l’Aveyron était exactement constitué
des mêmes éléments que celui du Gard et de l’Hérault, et là
aussi on a recueilli les fossiles caractéristiques du muschelkalk
( Articula socialis) dans les calcaires qui occupent le milieu de la
série triasique.
Cela posé, il est tout à fait impossible de mettre, comme le
veut M. Dieulafait, les gypses de Molières dans les grès bigar-
rés, car ce système gypseux est évidemment le même que ce-
lui de Neffiez, de Lodève et de l’Aveyron, c’est-à-dire qu’il est
supérieur au muschelkalk, représenté pour moi à Molières par
les dolomies compactes ou cloisonnées et les calcaires marneux
qui forment la base de la coupe que j’ai donnée de cette loca-
lité ( loc . cit.y p. 913) et le n° 1 de la coupe de M. Dieulafait.
En comparant nos deux coupes on verra qu’elles ont beau-
coup de parties communes, mais la mienne donne la position
du système gypseux, qui est omis dans celle de M. Dieulafait,
et c’est une grande lacune.
Dans l’hypothèse de M. Dieulafait le grès bigarré de Mo-
lières aurait une composition tout à fait anormale, puisqu’il
serait composé de gypses, d’argiles rouges ou vertes et do-
lomies et de calcaires, et qu’il ne renfermerait pas de grès. 11
(1) Bull. 28 série, t. VIII, p. 54. — Si dans ma note citée ci-dessus je
ne me suis point appuyé sur les fossiles mentionnés par M. Fournet, cela
tient à l’incertitude, dans laquelle j’étais alors, du gisement de ces fossiles
que M. Fournet ne précisait pas, incertitude qui a disparu depuis que
M. de Grasset m’a apporté des échantillons fossilifères, recueillis dans les
calcaires gris de fumée, intercalés entre le système gypseux et les grès à
Calamites arenaceusf c’est-à-dire dans les calcaires n° lde ma note (Loc.
cit. p. 91 4).
(2) Essai de géologie et de paléontologie aveyronnaise ; 1868.
NOTE DE M. HÉBERT.
449
est certain que la présence de marnes de couleurs variées
dans les grès bigarrés n’a rien d’extraordinaire, mais, les gyp-
ses et les calcaires remplaçant totalement les grès, cela serait
nouveau. Il n’est donc pas exact de dire que la série de Mo-
lières est la même que celle de Lodève ; elle ne peut être com-
parée qu’à la partie supérieure de cette dernière, et ni dans
ma coupe de Molières, ni dans celle deM. Dieulafait, il n’y a
apparence de grès bigarré. Si cet étage existe, il est au-
dessous.
En outre, je ne comprends pas pourquoi M. Dieulafait, qui
range dans les grès bigarrés les arkoses inférieures à la zone
à Avicula contorta , met ceux de Lodève, aussi bien que les gyp-
ses, au-dessus du muschelkalk. U y a donc pour M. Dieulafait
deux arkoses, l’une inférieure au muschelkalk, l’autre supé-
rieure au gypse. Quoi qu’en dise M. Dieulafait et quelque effort
qu’il fasse pour expliquer cette contradiction, elle est
flagrante.
Gela posé, puisque le système des arkoses supérieures de
Lodève renferme dans ses assises , d’après la découverte de
M. Dieulafait lui-même, la zone à Avicula contorta , puisque
dans d’autres localités encore ce fossile se trouve dans les grès,
bien qu’à la partie supérieure, puisque ces grès forment aussi
bien que les gypses qui sont dessous un horizon constant, et
que ceux-ci avec leurs marnes bigarrées étant supérieurs au
muschelkalk représentent nécessairement lekeuper, les arko-
ses sont donc de l’infra-lias, à moins de les couper en deux et
de mettre dans l’infra-lias la partie renfermant les fossiles et
dans le keuper la base à éléments en général plus grossiers et
non fossilifères.
Cette conclusion n’aurait sans doute rien d’absurde, mais
elle ne me paraît pas naturelle. M. Dieulafait s’est laissé con-
duire dans cette circonstance par un principe qu’on ne saurait
admettre, à savoir qu’il ne peut pas y avoir danskinfra-lias de
couches inférieures à celle qui renferme V Avicula contorta ,
comme si, lors de la rentrée de la mer le long des bords mé-
ridionaux du plateau central, il n’avait pas dû se former des
sédiments grossiers, dus au remaniement par les eaux des élé-
ments désagrégés des roches adjacentes précédemment
émergées, éléments exclusivement quartzeux, micacés ou
feldspathiques dans le voisinage des roches granitiques ou cris-
tallines, éléments marneux ou magnésiens dans le voisinage
des dépôts triasiques. Ce n’est qu’après un certain temps que,
Soc. géol 2e série, tome XXVI. 29
4^0 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
le calme rétabli, des animaux ont pu vivre et leurs dépouilles
s’accumuler; et si, en Provence et dans les Alpes, les couches
fossilifères succèdent immédiatement aux gypses et , _
gneules, c’est que ces contrées n’étaient point précisemen
des rivages contre lesquels la mer venait battre et former un
cordon littoral, mais seulement des plages ou des fonds de
mpa preuve que la nature de ces sédiments est nécessairement
en relation avec celle des roches formant le rivage, c est que
M. Dieulafait a constaté, entre les Vans et Villefort, au contac
des schistes anciens, des lambeaux de grès et marnes calcaires
verdâtres , identiques (v. supra, p. 402) avec les assises in é-
rieures à l’horizon de YAvicula contorta, mais il aurait pu
ajouter, identiques aussi avec les assises intercalées dans cet
horizon, comme cela résulte de la coupe qu’il donne du ravin
de la Boutonnette (v. suprà p. 400). Or, ces dépôts servent de
base à l’oolithe inférieure (1), et on ne saurait être autorise
à les détacher des couches fossilifères supérieures pour les
placer dans le grès bigarré, il y aurait d’ailleurs autant e
raisons de mettre ces grès et ces marnes dans 1 inlra-lias,
puisque des roches identiques s’y rencontrent.
11 me paraît tout aussi impossible de voir, dans les trois
mèires tv.suprâ, p.405) qui séparent, aux environs de Cu-
bières, la zone à Ammonites planorbis des schistes anciens, a
la fois la zone à Âvicula contorta et le grès bigarre, comme
aussi de rapporter à ce dernier étage les 3 à 4 mètres de grès
qui forment la base de la coupe du vallon de Rieuxcros, près
Mende. 11 me paraît beaucoup plus rationnel de rapporter e
tout au premier horizon, c’est-à-dire à la zone de 1 Avicula
COTXtOVtCl
Le mémoire de M. Dieulafait est rempli d’observations de
nature à justifier le peu d’importance qu’il faut, dans ces ré-
gions, attacher aux caractères minéralogiques; c’est ainsi qu il
(1) M. Dieulafait m’écrit qu’il pense que le lambeau de Balmelles, que
j’ai décrit comme étant de l’infra-lias, appartient à la même époque
(oolithe inférieure). — J’ai donné ce lambeau comme infra-lias, parce que
je n’avais aucune raison de le détacher de cet horizon où le plaçaient les
autres géologues. — Les fossiles que j’ai cités de celte localité ont été dé-
terminés depuis par plusieurs paléontologistes (MM. Deslonchamps, Du-
mortier, etc.) comme étant infraliasiques. Je suis donc tout prêt à accepter
la preuve qu’annonce M. Dieulafait.
NOTE DE M. HEBERT,
451
signale entre la zone à Ammonites planorbis et le lias moyen
à l’état de grès grossier, des calcaires siliceux dolomi-
tiques, comme il en signale au-dessous de la zone à Avicula
contorta , de môme qu’il donne le détail d’une épaisse série
de cargneules, de calcaires siliceux, de marnes noires, grises
ou vertes qui, à Rieuxcros (v. suprà p. 408), sépare le lias moyen
de la zone à Avicula contorta ou à A. planorbis.
Mon opinion est donc que la zone à Avicula contorta com-
mence, dans toute la région suivie par M. Dieuîafait, par des
couches de nature et d’épaisseur variable, non fossilifères,
mais dont la base est constamment formée par des grès ou
des conglomérats quartzeux bien caractérisés, surtout lorsque
cette série repose directement sur les schistes anciens, de
même qu’àFlorac, cette assise non fossilifère inférieure serait
* peut-être la base de la zone à Ammonites planorbis.
Tantôt cette base se réduit à 2 ou 3 mètres, tantôt elle
pourrait atteindre 30 à 40 mètres ou même une épaisseur en-
core plus considérable. A Molières, la série infraliasique com-
mence pour moi au n° 4 de M. Dieuîafait (v. suprà, p. 435) et
comprend par suite toutes les assises dolomitiques , mar-
neuses ou gréseuses, supérieures au système gypseux; c’est-
à-dire que mon opinion sur ce point reste la même qu’il y a
dix ans.'
Ce ne sont pas d’ailleurs les seules régions où la couche à
Avicula contorta , ou l ebone-bcd qui l’accompagne, ne se présente
pas tout à fait à la base de l’infra-lias. Déjà à Digne (1) j’ai
signalé au-dessous un banc de grès et un lit de schistes noirs
qui reposent sur les cargneules du keuper.
Aux environs d’Autun, M. Pellat a montré (2) qu’au-dessous
des calcaires siliceux à Avicula contorta il y avait 6 à 8 mètres
de grès dont les bancs inférieurs sont remplis d’empreintes
végétales ( Equisetites , Calamites, etc.).
Ces grès correspondent exactement par leur position, et pa-
raîtraient même correspondre par leur flore aux grès infé-
rieurs du bone-bed de la Franconie, décrits avec tant de soin
par M. Gümbel (3); mais, dans cette région, ils ont beaucoup
(1) Bull. Soc. géol. de France, 2e série, t. XIX, p. 107.
(2) Bull. Soc. géol. de France, 2e série, t. XXII, p. 555, 1865.
(3) Abhandlungen der k. bayerisch.Acad. der Wissenschaften — Maillent «
Physike Classe, 7 mai 1864.
452 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
plus d’importance, car ils atteignent une épaisseur de 15 et
même de plus de 25 mètres au-dessous du bone-bed, et pré-
sentent plusieurs niveaux de végétaux dans leurs couches su-
périeures. M. Giimbel pense, et les nombreuses coupes qu’il
donne le montrent avec évidence, que ces grès ne sont qu’une
dépendance du bone-bed , mais plusieurs de ces coupes indi-
quent aussi une telle liaison, une telle analogie de caiacteres
entre les couches à Ammonites angulatus , celles à Ammonites
planorbis et le bone-bed , que ce sont de nouveaux arguments
pour ranger ces trois horizons dans un même ensemble, Y infra-
lias.
M. Dieulafait réplique en ces termes aux observations de
M. Hébert :
M. Hébert ayant eu la complaisance de me communiquer la
note précédente, ce dont je le remercie vivement, je présen-
terai à ce sujet les remarques suivantes :
1° Une erreur de copie a seule fait que les gypses de Molières
ne sont pas signalés dans ma coupe de cette localité. Ils occu-
pent les parties moyennes de la division n° 3.
2° Je ne puis me rendre compte de la contradiction que
M. Hébert m’attribue au sujet des arkoses de Lodève.
« Il y a donc pour M. Dieulafait deux arkoses, l’une infé-
rieure au muschelkalk, l’autre supérieure au gypse. »
Mais, certainement, il y a deux arkoses placées dans les deux
positions précédentes.
Les couches étant parfaitement régulières et presque hori-
zontales, c’est là un résultat géométrique sur lequel on ne
peut élever le moindre doute. Du reste, M. Hébert, il y a dix
ans, l’a parfaitement établi.
« La dolomie infraliasique avec arkose , peu épaisse à la base,
recouvre les marnes des gypses (1). »
Voilà mon arkose supérieure , celle dans laquelle j’ai rencon-
tré VA. contorta.
« La partie inférieure des grès est V arkose, avec cailloux de
quartz, passant à un véritable conglomérat (2). »
Voilà mon arkose inférieure , et je suis complètement d’ac-
cord avec M. Hébert ; je la rapporte au grès bigarré.
(1) Bull.', 2e série, T. XVI, page 915*
(2) Ibid. } page 916.
NOTE DE M. DIEULAFAIT.
453
Maintenant voici le point délicat :
Quand on s’éloigne de Lodève, l’une des deux arkoses seule
persiste. Laquelle ? Là est toute la question.
M. Hébert pense que c’est l’arkose supérieure. Je crois, au
contraire, que c’est l’arkose inférieure. C’est à elle que je
rapporte les arkoses et conglomérats qui, dans mes coupes,
sont désignés sous le nom de grès à meules. Il peut se faire
que je me trompe et que M, Hébert ait raison; il peut môme
se faire que les grès à meules de mes coupes ne correspondent à
aucune des deux arkoses de Lodève, mais il u’y a, dans ce que
j’ai écrit, aucune contradiction.
3° Je reconnais très-volontiers que pour moi l’infra-lias
commence avec les premiers dépôts de la zone à A. contorta
et du bone-bed. Les raisons qui ont déterminé cette opinion
résultent des études que je poursuis depuis six ans dans les
A'ipes, sur l’horizon qui nous occupe. Ce sont des raisons pu-
rement stratigraphiques, dans lesquelles la paléontologie
n’intervient en aucune façon. On pourra le juger prochaine-
ment ; elles sont complètement exposées dans mon Étude gé-
nérale sur l'infra-lias dans le Midi de la France qui s’imprime en
ce moment.
4° Dans les quatre lambeaux de terrains secondaires, com-
pris entre les Yans et Villefort, je n’ai pas rencontré, malgré
le soin et le temps que j’y ai employés, la moindre trace de
fossiles infraliasiques ni même de fossiles liasiques. Je serais
très-heureux que nos savants et si autorisés confrères,
MM. E. Deslonchamps et Dumortier, voulussent bien me com-
muniquer les fossiles qu’ils rapportent à l’infra-lias dans ces
localités. Dans tous les cas, les fossiles de la zone à Lima he-
teromorpha , cités dans mon mémoire, se trouvent parfaitement
dans les lambeaux de terrains secondaires dont il est ici ques-
tion, et cela jusqu’au contact des grès.
Il y a dans mon mémoire deux points à considérer : 4° les faits
nouveaux que je soumets avec confiance à la bienveillante ap-
préciation de nos savants confrères et qui resteront acquis à la
science ; 2° les conséquences de ces faits, notamment celles que
j’ai cru pouvoir en déduire. Je reconnais parfaitement que ces
conséquences ne sont pas à l’abri d’objection. Je les ai, du
reste, présentées comme telles dans mon mémoire; cepen-
dant, après un nouvel examen, je suis amené à persister dans
mes premières conclusions. Mais, quand les travailleurs isolés
émettent des idées que n’acceptent pas les maîtres de la
454
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
science, c’est un devoir pour les premiers de se livrer à de
nouvelles recherches. C’est ce que je ne manquerai pas de
faire. Je vais retourner incessamment dans le Languedoc pour
examiner de nouveau les points douteux, et, comme ces points
se trouvent parfaitement limités dans mon mémoire, j’espère
bien arriver à découvrir un ensemble d’éléments dont la si-
gnification sera assez précise pour porter, dans un sens ou
dans l’autre, la conviction dans tous les esprits.
Le Secrétaire lit la note suivante de M. d'Archiac.
Note sur le genre Fabularia, Defrance ; par M. d’Archiac.
Le genre Fabularia , établi par Defrance (1) pour un petit
corps fossile du calcaire grossier des environs de Paris, qu’il
regardait, à l’instar de Los de la Seiche, comme provenant
de l’intérieur de quelque mollusque, a été depuis étudié par
plusieurs naturalistes, sans être encore pour cela suffisamment
connu. Son abondance dans les bancs du calcaire grossier
moyen de la rive droite de la Seine, autour de Meulan, parti-
culièrement dans les carrières deDamply, de Seraincourt, etc.,
nous a engagé à nous en occuper de nouveau.
La roche est ici tantôt friable, ses éléments étant à peine ag-
glutinés par une très-faible proportion de calcaire spathique,
tantôt, au contraire, gris jaunâtre, dense, rendue très-solide
par l’abondance de cette dernière substance. Elle est presque
entièrement dépourvue de matière sédimentaire proprement
dite (argile ou sable siliceux), mais composée de débris de
très-petites coquilles (gastéropodes et acéphales'), de fort
petits échinides (Scutellina) , de bryozoaires, de polypiers
(Turbinolia sulcata), et surtout de rbizopodes, parmi lesquels
dominent VOrbitolites complanata , 1 ’Alvulina Bosci , les Rotalines,
les Miliolites, associées à une grande quantité de Fabularia.
Les figures qu’adonnées Defrance de la Fabularia discolithes,
qu’il comparait sans doute h cause de sa forme à une petite
fève, sont assez exactes. La figure 5b, ayant 7 millimètres dans
son plus grand diamètre, il est douteux que les deux autres
figures soient des grossissements du même individu, parce
que leur forme sphéroïdale ou globuleuse est celle du jeune
(1) Dictionn, des sc. naturelles , vol. XVI, 1820.
U
NOTE DE M. D’âRCHUC.
455
âge, lorsque le diamètre n’a encore que 2 ou 3 millimètres.
Dans ces figures très-grossies, le corps est privé de son enve-
loppe externe ou épithèque lisse, et présente à la surface de pe-
tits canaux, courts, flexueux, longitudinaux, caractéristiques
de la couche sous-jacente. La coupe transverse montre une
lame spirale, dont l’intervalle des tours est rempli par un dé-
pôt calcaire d’apparence celluleuse ou spongieuse. Aucune
ouverture n’est distinctement indiquée.
En 1825, Aie. d’Orbigny (1) comprend la Fabularia dans sa
famille des entomostègues (cinquième famille des céphalopo-
des foraminifëres) et la place avec les Amphislegina , les Hetero-
stegina , les Alveolïna , etc. Il admet et figure, comme Defrance,
une spire, mais dont le dernier tour présente, dans le plan
d’une troncature terminale, des trous nombreux, régulièrement
circonscrits, et dont la disposition rappelle celle d’une pompe
d’arrosoir. L’extérieur du corps, partagé obliquement en deux
par une ligne très-prononcée, bordant une sorte de bourrelet,
est marqué, non pas de canaux courts, discontinus, flexueux,
comme dans la figure donnée par Defrance, mais de stries
droites, équidistantes, régulières et continues sur toute la hau-
leurdutest. Cette représentation des caractères extérieurs delà
Fabularia est infiniment moins exacte que celle qui en avait été
donnée la première fois.
Éclairé sur ses vrais rapports par une étude ultérieure. Aie.
d’Orbigny reconnaît en 1846 (2) la véritable analogie de la
disposition générale des loges embrassantes alternes de ’la
Fabularia avec ce que l’on observe dans les Biloculines; et il
la range alors dans la famille des agathistègues. Il remarque,
comme différence, que chaque loge, au lieu d'être vide, est di-
visée par un grand nombre de tubes capillaires, et que l’ou-
verture est multiple au lieu d’être simple. Les figures sont
d’ailleurs toujours très-fautives, et les caractères en sont exa-
gérés ou mal compris. Ainsi, la forme générale est beaucoup
trop régulière et symétrique, les stries droites du pourtour, la
projection de la dernière loge, avec une troncature normale
et l’ouverture multipore, sont des caractères artificiels qui
n’ont été observés sur aucun échantillon et que n’offre aucun
de ceux delà collection de l’auteur.
(1) Ann. des sc. naturelles, 1825. p. 141, pl. J 7, fig. 14, 15, 16, 17.
(2) Foraminifères du bassin tertiaire de Vienne, p. 267, pl. XXI,
fig, 55, 56; 1846, — Cours de paléontologie, vol. III, p. 203; 1851.
456
SÉANCE DU 11 JANVIER 1869.
En 1860, MM. W. Parker et R. Jones (1) constatent l’analogie
de la structure intérieure de la Fabularia avec celle des Alvéo-
»
lines. Deux ans après, M. W. B. Garpenter, qui s’était associé
les deux savants que nous venons de citer dans sa belle Intro-
duction à l’étude des foraminifères (2), commence à traiter ce
sujet en faisant une critique peu équitable de l’opinion théori-
que de Defrance. Il n’était pas, en effet, plus déraisonnable de
rapporter la Fabularia à un osselet intérieur de quelque mol-
lusque que de ranger toutes les coquilles microscopiques
dans les céphalopodes, comme le faisaient Cuvier, de Lamarck,
de Férussac et tous les zoologistes de cette époque. M. Carpen-
ter distingue et représente d’ailleurs très-bien l’enveloppe ex-
térieure lisse qui avait échappé à ses prédécesseurs, la
structure canaliculée de la lame sous-jacente, la disposition
alterne des lames et des loges successives, d’après le type des
Milioles , le remplissage des intervalles par une masse cal-
caire que traversent trois sortes de pores, les uns extérieurs
correspondant aux canaux de la surface, petits, réguliers et
contigus, les autres s’appuyant contre le plan interne de la
loge plus large, moins nombreux, moins réguliers, enfin les
canaux qui traversent la loge obliquement dans diverses di-
rections. L’auteur, tout en conservant une ouverture multipore
comme ses prédécesseurs, donne cependant une représen-
tation de la Fabularia infiniment plus exacte.
Voyons maintenant, à l’aide de nombreux échantillons pris
à divers âges et à divers degrés de conservation, quels sont
réellement les caractères de la Fabularia.
Cette coquille de rhizopodes est globuleuse ou ovoïde dans
le jeune âge, au diamètre de 2 ou 3 millimètres. Elle s’allonge
ensuite dans un sens, se déprime légèrement dans l’autre,
devient pulviniforme, peu régulière, et atteint 6 à 7 millimètres
dans son plus grand développement. Elle est obscurément di-
visée à sa surface en deux parties inégales par une ligne obli-
que à l’axe, parfois un peu flexueuse, mais toujours peu pro-
noncée. L’une de ces divisions du test représente la surface
externe de l’avant-dernière loge , l’autre, un peu plus grande,
celle de la dernière, qui se prolonge légèrement suivant l’axe
(1) Ann. andMagaz. ofnat . hist. 1860, p. 18, ou Mern.— Ibid., 1868
p. 2.
(2) Pa 82, pl. VI, fig. 37, 38. (Éditée par la Société Royale ; 1862.)
NOTE DE M. d’aRCHIàG. 457
pour former une protubérance terminale très-faible, quelque-
fois nulle.
La surface extérieure est complètement recouverte d’une
enveloppe calcaire, lisse, appliquée sur la lame principale que
sillonnent partout les canaux déjà mentionnés, lesquels lui
impriment ce caractère particulier qui permet de reconnaître
de suite les plus petits fragments de Fabularia. Ces canaux con-
vergent sensiblement vers l’extrémité supérieure de chaque
loge. Dans les vieux individus surtout, la dernière loge s’é-
largit un peu vers l’extrémité supérieure ou axillaire, et la
minceur du test, comme celle de la couche externe en ce
point, y occasionne constamment des brisures qui se prolon-
gent plus ou moins sur les côtés, simulant ainsi un plan de
troncature, dont le milieu serait occupé par l’ouverture mul-
tipore qu’ont figurée les auteurs.
Quant aux caractères intérieurs, ils ont été bien compris par
M. Carpenter; mais peut-être leur analogie avec ceux des Al-
véolines et des Fusulines, sauf l’enroulementaxiliaire de la lame
spirale, continue dans ces derniers genres, n’a-t-elle pas assez
frappé le savant micrographe anglais. Cette structure, tout à fait
anormale pour le type des Miliolites, diffère à quelques égards
aussi de celle des genres précédents, dont l’ouverture ne
pouvait être terminale, mais est parallèle à l’axe et montre
dans toute sa longueur les pores ou orifices des pseudopodes.
Pour retrouver quelque chose d’analogue dans la Fabularia ,
il faudrait qu’il y eût, non pas une ouverture terminale, simple
ou multiple, comme on l’a supposé d’après le plan des Milio-
les, mais bien une double série de pores, ouverts de chaque
côté de la dernière lame, ce qui n’a pas lieu, puisque celle-ci
est complètement soudée à la précédente dans les individus
bien conservés. D’un autre côté il semble que la coupe
faite suivant le grand axe, et parallèlement au plan déprimé
du corps, devait offrir des traces des ouvertures successives et
alternes aux extrémités, un peu élargies, des loges; or on n’y
remarque rien de particulier; c’est toujours la structure des
parties latérales avec un peu plus d’écartement des lames, et
par suite des rangées de pores qui les accompagnent, ce qui
contribue à la forme générale plus haute que large de la
coquille.
L’existence d’une ouverture terminale constante, régulière,
symétrique, comme chez les Milioles, avec la seule différence
d’orifices multiples, nous semble donc très-problématique,
458 SÉANCE DU 18 JANVIER 1869.
n’ayant pu distinguer encore que des fractures accidentelles et
irrégulières du test, précisément dans sa partie la plus déli-
cate, la plus exposée aux chocs et aux frottements. Aussi ap-
pellerons-nous sur ce sujet l’attention des observateurs, car
l’absence de pores à la surface lisse, pour le passage des
pseudopodes, est une autre difficulté. Gomment, en eflet, la
masse sarcodique était-elle en communication directe avec le
milieu ambiant?
Quant à la Fabularia compressa du calcaire grossier du Co-
tentin, elle atteint 8 millimètres de haut sur 5 et demi de large
et 2 d’épaisseur. Plus grande par conséquent et plus déprimée
que les individus des environs de Paris, il semble qu’elle n en
soit encore qu’une forte variété. Elle est d’ailleurs associée à
VOrbitolites complanata et à une multitude de Milioles et
d’autres rhizopodes.
Enfin, de même que l’espèce, le genre est jusqu’à présent
confiné à ces deux localités et à un seul horizon. On n’en
connaît encore ni dans les périodes tertiaires suivantes, ni
dans les mers actuelles. C’est donc en réalité un type tout à
fait particulier, propre à ce niveau, où il s’est multiplié sur
certains points avec une abondance extrême.
Séance du 18 janvier 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres de la Société :
MM.
del Castillo (Antonio), professeur de minéralogie à PÉ-
cole des mines, à Mexico (Mexique); présenté par MM. Ch.
Sainte-Claire-Deville et Edm. Guillemin-Tarayre.
Cogordan (Louis), rue Saint-Félix, 26, à Valence-sur-
Drôme (Drôme); présenté par MM. A. Leymerie et H.
Magnan.
Le Président annonce ensuite deux présentations.
DÉCISIONS DU CONSEIL.
459
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Delesse, Distribution de la pluie en France ;
in-8, 8 p., 1 carte; Paris, 1868.
De la part de M. E. Renevier, Quelques observations géologi-
ques sur les Alpes de la Suisse centrale , comparées aux Alpes vau -
doises ; in-8, 18 p., 1 pl.; Lausanne, 1868.
De la part dé M. F. Karrer, Die miocene Foraminiferen
Faunavon Kostej im Banat ; in-8, 73 p., 5 pl. ; Vienne, 1868.
De la part de M. J. S. Newberry, Notes on the lutter extinct
floras of North America , with descriptions of some new species of
fossil plants from the cretaceous and tertiary strata; in-8, 76 p.,
New-York, 1867.
M. le Président soumet à Papprobation de la Société les
décisions prises par le Conseil dans la séance de ce jour.
La proposition ayant pour but de fixer le jour de la
séance annuelle de 1869 au jeudi 1er avril, afin de per-
mettre aux confrères de la province de profiter, en même
temps, de la réunion à Paris du Comité des sociétés savantes,
est mise aux voix et adoptée.
M. le Président met ensuite en délibération la propo-
sition relative à Fheure des ‘Séances ordinaires de la
Société.
t rr v • •s .
Après une observation de M. Jacquot, sur la convenance
qu'il y aurait à modifier les heures adoptées pour les réu-
nions du Conseil, afin qu’elles ne vinssent pas retarder
l’ouverture des séances ordinaires, la Société adopte la
proposition de fixer l’heure de cette ouverture à huit heures
très-précises.
Enfin, M. le Président annonce que, par suite d’une dé-
cision du Conseil, la bibliothèque de la Société, rue de
s ' t - • 1 ■
Fleurus, 39, sera désormais ouverte tous les jeudis soirs,
de huit heures à onze heures.
460
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
Séance du lep février 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres de la Société :
MM.
Baron (Gustave), rue Bréa, 6, à Paris; présenté par
MM. Pisani et Collomb.
Labourdette, docteur en médecine, boulevard de Bercy, 4,
à Paris-Bercy; présenté par MM. Alfred Caillaux et Alb. de
Lapparent.
Le Président annonce ensuite une présentation.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Joachim Barrande, Silurische Fauna aus
der Umgebung vonHof in Bayern; in-8, 56 p., 1 pi.; 1868.
De la part de M. J. Marcou, De la science en France. —
1er fascicule. — Le corps impérial des Mines. — La Carte géo-
logique de France; in-8, 99 p.; Paris, 1869; chez C. Reinwald.
De la part de M. Émile Thomas, Rapport sur le gisement de
pierres lithographiques découvertes par Rencurel fils à Menton
{Alpes-Maritimes) ; in-4, 4 p.; Paris
De la part de M. Franz de Ritter, Geologische Uebersicht-
karte der œsterreichischen Monarchie . — Blatt VI. Oestliche Al -
penlœnder; in-8, 44 p.; Vienne 1868. — Blatt X. Dalmatien ;
in-8, 24 p.; Vienne, 1868.
M. le Président annonce qu'il a pris des renseignements
auprès de divers membres du Conseil général de l'Ain, au
sujet de la demande faite par MM. Faisan et Chantre pour
la conservation des blocs erratiques. Il résulte de ces ren-
seignements que la question a été simplement ajournée
NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORT AL. 461
faute de fonds disponibles, et que le Conseil est favorable
en principe à la solution qui lui a été soumise.
Le Secrétaire communique les décisions suivantes, prises
par le Conseil dans sa séance du 4 janvier dernier :
« La société accorde l°à chaque membre deux feuilles d'im-
pression au plus pour chacune de ses communications, et quatre
feuilles pour la totalité de ses communications pendant une
année;
2° Elle prélève sur chaque membre dont les communications
ne rentreraient pas dans ces limites une indemnité proportion-
nelle à l'excédant.
M. Marcou présente un travail de M. Barrande sur la
faune silurienne de Hof (v. la Liste des dons.)
M. Marcou offre la première livraison d'un travail inti-
tulé «La science en France » (v. la Liste des dons ), et an-
nonce la prochaine publication des autres fascicules.
M. Lory met sous les yeux de la Société la minute, à
l'échelle de mfôTo de sa carte géologique de la Savoie et
donne quelques explications sur les terrains qui y ont été
distingués.
M. Garrigou fait, en son nom et au nom de M. Duportal,
la communication suivante :
Ages de l’Ours , du Renne , de la pierre polie et des dolmens dans
le département du Lot ; par MM. F. Garrigou et H. Du-
portal.
Les deux seuls observateurs qui ont écrit jusqu'à présent
sur la vallée du Lot sont J. -A. Delpon et M. Combes, pharmacien
à Fumel, qui s’est occupé surtout de la vallée touchant à cette
petite ville. Nous avions nous-mêmes déjà donné à l’Académie
des Sciences de Toulouse une notice sur la caverne de Mar-
temprou (près Fumel) et une énumération de la faune con-
tenue dans les alluvions du Lot. Une étude plus complète de la
semble des différentes époques d’habitation des cavernes par
l’homme.
m
SÉANCE DU lep FÉVRIER 1869.
Ce sont les résultats d’une longue et pénible campagne géo-
logique et anthropologique que nous venons esquisser au-
jourd’hui.
Nous énumérerons les faits que nous avons été à même d’ob-
server entre Cahor§ et Saint-Cirq; nous en tirerons ensuite les
conséquences rigoureuses.
1° A 11 kilomètres de Cahors, sous les rochers du Tustal,
sur la rive droite du Lot, les tranchées de la route de Figeac
ont mis à découvert dans les éboulis qui forment le flanc de la
montagne des foyers très-nombreux. Ils sont peu épais, multi-
pliés et échelonnés le long du Lot, à 15 mètres environ au-
dessus de son niveau. On y trouve en très-grande abondance,
surtout des silex taillés, et aussi quçlqqes poinçons semblables
à ceux de tous les gisements de l’âge du Renne, ^es. ossements
cassés appartenant principalement au Renne et à quelques
autres espèces y sont assez abondants ; ils se brisent facile-
ment si on les retire sans précaution. La couche d’éboulis qui
recouvre ces foyers est très-considérable sur les points où s’est
produit le maximum d’épaisseur de la formation, et fait pré-
sumer que les foyers ont une très-haute antiquité.
Toutes les vallées latérales à celle du Lot renferment des
foyers semblables, en même temps que des cavernes habitées
par l’homme à diverses époques. Nous en verrons quelques
exemples.
2° St-Géry. — Le village fort pittoresque de St-Géry est
bâti au pied d’un immense cirque, dont la projection serait un
arc de cercle à concavité tournée vers le midi. Les escarpe-
ments de ce cirque, formés par le calcaire corallien , sont cri-
blés de cavernes placées à des hauteurs relativement inégales,
mais disposées en général sur une ligne N. S. plongeant de
quelques degrés vers le sud. Ces cavernes sont tellement ex-
posées au soleil, que même en hiver, lorsque le ciel est sans
nuages, leur séjour n’est pas désagréable pendant la majeure
partie de la journée. Les cavernes qui sont au contraire creusées
dans les rochers bordant la rive gauche de la rivière sont com-
plètement privées des rayons du soleil; on ne peut y séjourner
sans être promptement saisi par un froid pénétrant qu’un feu
bien alimenté peut à peine chasser. Plusieurs de ces cavernes
ont été habitées par l’homme, dans l’été sans doute, mais les
débris de repas et les traces d'habitation n’y sont pas aussi
abondants que dans les premières.
Au Cuzoul de Mousset, nos fouilles ont été fort considérables.
NOTE DE MM. GARRÏGOU ET DUPORTAL. 463
Nous sommes descendus là jusqu’à 5 mètres de profondeur
point où la roche en place nous a arrêtés.
Voici d’abord la coupe de la caverne, avec les couches di-
verses que nous avons traversées.
A, Brèche rougeâtre très-résistante, avec ossements de
Renne et silex, autrefois exploitée, dit-on, dans le pays, pour
faire du salpêtre. Il n’en reste plus que quelques lambeaux
fortement attachés aux parois de la grotte. Cette brèche pouvait
bien avoir lm40 d’épaisseur.
B, Au-dessous était une autre couche de brèche intacte
de 40 centimètres d'épaisseur, se terminant insensiblement par
C, un dépôt meuble composé de petits fragments anguleux de
calcaire et d’une sorte d’argile sèche très-poudreuse. On voit,
sur la coupe que nous avons pratiquée, que l’épaisseur moyenne
de cette couche est de lm,70 environ. Nous y avons découvert
D, vers le bord extérieur du surplomb, cinq niveaux de foyers.
C’est là surtout que nous avons pu recueillir des ossements
déterminables, appartenant au Renne, au Cheval, au Bœuf, à un
grand Cerf, à une Chèvre, peut-être aussi à un Mouton? Ces
derniers ossements, intimement mélangés à ceux des autres
animaux, étaient en général calcinés et tous fragmentés. J’ai pu
reconnaître un fragment inférieur de radius et des os cunéi-
formes. Avec cela abondaient les silex, qu’on peut réunir par
hectolitres, et présentant toutes les variétéspossibles de formes,
depuis les grattoirs de 8 à 10 centimètres de long jusqu’aux
pointes les plus acérées et les plus courtes.
Avec ces objets se retrouvent des instruments en bois de
464
SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869.
Renne, en général assez mal conservés, et aussi des fragments
de coquilles marines venant de l’Océan, par exemple, un Cé-
rite, deux Natices, un Peigne. Aux silex taillés il faut joindre de
nombreux cailloux roulés du Lot, quartzeux, porphyroïdes et
micacés, dont quelques-uns étaient taillés comme les silex et
ressemblaient à ceux des cavernes des Pyrénées. — Sous la
couche G est l’assise.
F, de 20 centimètres d’épaisseur, formée par une terre
ferrugineuse rouge, dans laquelle étaient encore deux énormes
plaques calcaires calcinées, G, et directement placées sous les
fovers. En
H, est enfin une couche d’alluvions, que l’un de nous a re-
connue pour être la même que celle du bas des vallées secon-
daires du Lot. Le tout repose sur la roche en place, trouvée à
im 50 de profondeur dans la couche H.
Les faits intéressants fournis par l’exploration du Cuzoul de
Mousset, sont donc :
1° La grande durée d’habitation de cette caverne, puisqu’il y
a plus de 3m 30 de débris de cuisine accumulés;
2° La présence d’ossements humains calcinés et cassés au
milieu de ceux des autres animaux, fait incontestable pour
nous de cannibalisme. Ce fait est unique jusqu’ici pour l’âge du
Renne, si nous ne faisons pas erreur, venant confirmer les sup-
positions de M. Roujou. Dupont en avait cité un semblable dans
une caverne de l’âge de l’Ours, et M. Spring, de Liège, plu-
sieurs pour l’âge de la pierre polie.
En suivant le flanc du cirque et remontant vers le N. on longe
une série de surplombs, tous habités à la même époque que le
Cuzoul de Mousset, et offrant exactement les mêmes débris. ïl y
avait là un véritable village troglodytique de l’époque du Renne.
Dans plusieurs des petites cavernes qui accompagnent ces sur-
plombs, on remarque aussi des traces d’habitations plus ré-
centes, et les empreintes des poutres enchâssées dans le roc,
de même que les pans de mur encore debout, laissent supposer
qu’il y a peu de temps encore (quelques siècles peut-être) ces
cavernes et ces surplombs servaient de demeure à plusieurs
familles. Quelques-unes de celles que caractérisent surtout les
ossements de Renne présentent des enfoncements artificiels
très-curieux ; certaines sont creusées de main d’homme en forme
d’escalier grossier et de siège. Deux d’entre elles ont une source
s’épanchant dans un bassin qui n’est pas l’œuvre de la nature.
A l’extrémité S. et à l’extrémité N. du cirque de St-Géry se
465
NOTE DE MM* 6ARRI60U ET DEPORTAI..
trouvent encore deux autres grottes dont la description sera,
croyons-nous, instructive. Ce sont les grottes des Genettes et
du roc de Peyroune.
1° Grotte des Genettes ou des Fées . — Elle est située au S. du
cirque et du Cuzoul de Mousset, à peu près à un kilomètre de
cette dernière* Elle est composée ainsi que le représente le
plan ci-dessous (A) de trois compartiments dont la longueur
totale est à peine de 15 à 18 mètres.
La première salle surtout nous a paru intéressante. Nous
Pavons fouillée dans toute son étendue.
Voici sa coupe (B) sur 2“ 50 de profondeur.
A, Couche de sable rouge très-anciennement creusée de
main d’homme, sur laquelle repose B, un dépôt remanié, ca-
ractérisé par le Renne, le Cheval, un Bœuf, le Bouquetin, le
Mouflon, un grand Cerf, un autre plus petit ; avec cela des
silex et des quartzites taillés en très-grande abondance, du char-
bon, des cendres, des poteries non tournées, avec dessins par
lignes et croix de Saint-André.
En c, au milieu de ce dépôt hétérogène étaient des osse^
ments humains non calcinés, fracturés de façons variées et
diverses, appartenant à un seul individu, dont le crâne était
complètement brisé.
Nous avons supposé que c’était là une sépulture de l’âge de
la pierre polie, faite dans une caverne habitée par l’homme à
l’âge du Renne, et peut-être remaniée plu» tard.
Soc, géol.t % • série, tome XXVI.
3»
466 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869.
2° Grotte du roc de Peyrous.se. — Située au N. du cirque, elle
a présenté à la coupe, à partir du bas :
A, une couche d’humus noir reposant sur le coral-rag, a) ant
40 centimètres d’épaisseur. Au-dessus,
B, une assise d’argile très-compacte, rouge, contenant des
fragments anguleux de calcaire, des siiex et des quartzites gros-
sièrement taillés, avec quelques ossements indéterminables.
Épaisseur lm 10. ; .
B', une brèche très-épaisse de l’âge du renne, aujourd’hui
totalement détruite.
G, Sorte de fond de bateau creusé dans la couche B.
Il’ était rempli de charbon, de cendres, de silex appartenant
à la couche B, de poteries on ne peut plus grossières, de bri-
ques cuites, avec des ossements rares de Bœuf (grand), de
Brebis, de Genette? Avec cela nous avons trouvé une phalange
de Cerf percée et un andouiller d ’Elaphus scié et appointi.^Au
milieu de cette masse gisait un amas d’argile, prise peut-être
dans les alluvions du Lot, conservant encore les traces d’une
fine stratification. C’était probablement cette argile qui avait
servi à fabriquer les poteries.
D, Un peu en arrière de ce fond de bateau était une sorte
de puits de lm50 de profondeur rempli : 1° de matériaux ap-
partenant aux deux couches précédentes; 2° de matériaux
étrangers, poteries tournées et vernies, cendres, charbons,
etc.
Le plan ci-dessous donnera une idée de cet ensemble :
A, sol le plus ancien de la caverne.
B, fond de bateau avec poteries grossières.
C, puits avec poteries vernies.
Le sol A, avec silex, mais sans ossements, pourrait bien ap-
NOTE DE MM. GAHRIGOU ET DUPORTAL. 467
partenir à une époque plus ancienne que celle de Renne, peut-
être celle de l’Ours ?
Le dépôt B est contemporain, suivant toule probabilité, de
l’âge de la pierre polie. Le puits C, lui est postérieur.
Pour terminer ce qui a rapport à cette partie de la vallée du
Lot, nous allons donner une coupe théorique de l’ensemble que
nous venons d’étudier.
St-Géry.
t
1. Grotte des Genettes, la pins basse (âge du Renne et de la pierre” polie).
2. Cuzoul de Mousset (âge du Renne).
B, 4. Surplombs divers (âge du Renne).
5, 6. Grottes de divers âges avec murs d’apparence peu ancienne.
7. Surplombs (âge du Renne).
8. Grotte du roc de Peyrousse (âge de l’Ours et âge de la pierre polie).
Hauteur 130 à 150 mètres au-dessus de Saint-Géry.
9. Roc de Peyrousse.
AB. Lot passant à Saint-Géry.
Nous voyons donc que la caverne qui nous a présenté des
objets appartenant probablement à l’âge de l’Ours est la plus
élevée de la région.
Nous constatons également que les dépôts de l’âge de la
pierre polie surmontaient également ceux de l’âge du Renne.
Les choses se passent donc ici comme dans les Pyrénées.
3° Bouziès. — En remontant le Lot, on arrive au village de
Bouziès. La rivière est limitée en ce point, sur la rive droite, par
d’immenses roches à pic dans lesquelles sont creusés des tunnels
ou des galeries pour le passage d’une route aussi pittoresque
qu’elfrayantc. La hauteur de ces escarpements est de 100 mè-
tres au moins.
Sous d’immenses surplombs s’ouvrent des quantités de ca-
vernes plus ou moins vastes, dont le sol inférieur, contient
presque toujours des ossements d’uneforme caractérisée palé»
ontologiquement par le Renne, et lithologiquement par un
cailioutis rouge fort considérable.
468
SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1860.
Cependant quelques-unes de ces cavernes paraissent avoir
été habitées pendant l’époque de la pierre polie. L’une d’entre
elles surtout, appartenant à M. de Malleville, nousa présenté les
traces d’une habitation très-longue et datant probablement de
plusieurs époques. Les dépôts artificiels caractérisant l’âge de
lapierre polie y étaient on ne peut plus abondants. Des monceaux
de cendres et de charbons encombraient quelques-unes des
galeries, renfermant des ossements d’animaux domestiques,
des poteries grossières, des meules et des outils en pierre polie
(silex et serpentine).
Dans une sorte de salle circulaire, située sur la droite,
quand, après avoir gravi l’entrée, entre des murailles écroulées,
on pénètre dans la caverne, nous avons relevé la coupe sui-
vante :
1° Cailloutis dans une sorte d’humus noir, ayant environ
20 centimètres ;
2° Cendres avec ossements de Bœuf, de Mouton et de Sus ,
ainsi que charbons : 25 centimètres ;
3° Argiles avec charbon: 10 centimètres;
4° Cendres: 10 centimètres;
5e Argile avec charbon et cendres : 15 à 20 centimètres ;
6° Cendres et charbons: 50 centimètres ;
7° Stalagmite : 90 centimètres ;
8° Roche en place.
Des couloirs latéraux plus ou moins tortueux, ascendants et
descendants, conduisent dans diverses parties de la caverne,
s’ouvrant au dehors par des cavités qui paraissent inabordables,
en les voyant de la route.
À en juger par la quantité de matériaux accumulés dans
cette caverne, l’habitation a dû en être très-longue et les habi-
tants fort nombreux. Dans quelques couloirs, en effet, on reti-
rerait sans peine plusieurs charretées de cendres.
4° Grotte de Pélissié (à Saint-Martin-Labouval). — Quelques
kilomètres au sud de Saint-Martin-Labouval, entre ce village et
celui de Bouziès, est une caverne fort importante, celle dite
de Pélissié. Pour l’atteindre, on passe tout près d’un immense
éboulis appelé Rouin dans le pays, et sous lequel, suivant la
légende, aurait été englouti tout un village dans des temps ex-
cessivement reculés. Les éléments calcaires énormes de cet
éboulis reposent sur les dépôts meubles des pentes de cette
région, qui renferment des silex taillés et des foyers de l’âge du
Renne. Après avoir laissé sur la gauche cet immense chaos, on
NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORTAL.
469
gravit, à travers champs, la montagne jusqu’à une hauteur de
150 mètres, après avoir traversé un petit vallon très-court et
très-peu marqué. Là, sous une petite maison d’hahitation qui
est presque à la crête, se cache l’entrée basse et peu large de
la caverne de Pélissié.
Après être entré presque en rampant, on suit une pente assez
rocailleuse qui dure environ l’espace de 40 à 50 mètres, puis
on marche sur un terrain plus horizontal. La voûte est alors
à 12 mètres au-dessus du sol.
Dès le premier coup d’œil, nous vîmes que c’était là un dépôt
artificiel qui formait cette pente; nous le fouillâmes. Nos re-
cherches portèrent surtout autour du point P, bloc calcaire
énorme détaché, comme plusieurs autres, de la voûte hori-
zontale.
La masse du dépôt formant la pente était exclusivement
composée de cendres, de charbons, d’argile, d’humus, avec
ossements de Renne, de Cerf, de Bœuf, de Cheval, etc. Autour
du bloc P, les cendres étaient tellement épaisses qu’elles indi-
quaient parfaitement l’emplacement d’un foyer principal. Elles
contenaient des quantités énormes Hélix nemoralis.
A la surface et jusqu’à une certaine épaisseur, se trouvaient,
de loin en loin, des fragments de poteries grossières non tour-
nées et quelques cailloux aplatis, dont l’un en roche ophi-
tique, ressemblant à des meules cassées.
Cet ensemble reposait sur un dépôt de sable argileux rouge,
stratifié, existant dans toute la caverne dont il forme le sol, et
contenant au pied de la pente surtout, et sous les dépôts de
cette pente, du charbon et des os du grand Ours des cavernes
portant des cassures caractéristiques, prouvant irrécusablement
que l’homme les a produites pendant que les os étaient frais.
Le dépôt argilo-sableux est stratifié et 'caractérisé dans toute
la caverne par les mêmes ossements.
Ainsi donc la caverne de Pélissié a présenté trois dépôts
superposés :
1° Celui de l’âge de l’Ours, stratifié très-régulièrement et ré-
pandu dans toute la caverne dont il forme le sol ;
2° Celui de l’âge du Renne, limité à l’entrée de la caverne,
reposant sur celui de l’âge de l’Ours et supportant des bloc*
considérables tombés de la voûte ;
3° Enfin, celui P P, très-rudimentaire, de l’âge de la pierre
polie, à la surface du précédent.
4° En remontant la petite vallée du Burnac, sur la rive
470
SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869.
gauche du Lot, au-dessous de Saint-Martin, nous avons trouvé
aussi de nombreux surplombs et des cavernes dont le sol ren-
fermait aussi des traces non équivoques d’habitation pendant
que le Renne abondait dans le pays. Les cavernes de cette petite
vallée sont très-froides en hiver.
5° Vallée du Célé. — Cette vallée qui conduit vers Figeac est
excessivement curieuse. Dans l’étendue qui existe entre le
village de Cabrerets et l’embouchure du Célé dans le Lot,
les roches, surtout celles de la rive droite du ruisseau, sont
ittêralement criblées de cavernes. Nous n’avons pas essayé de
les fouiller toutes, car il faudrait plusieurs mois d’un travail
incessant pour les expLorer en partie seulement. Les princi-
pales nous ont occupés.
La grotte Grande, celle des Huguenots, les surplombs du roc
Grand, les talus faits par la route, nous ont fourni, environ à
10 et 20 mètres au-dessus du Célé, d’abondants débris de renne,
de Bouquetin, de Chamois, de grand Cerf, de Sus, de Cheval,
etc., ainsi que des cendres, du charbon, des silex taillés, quel-
ques débris d’instruments en bois de Renne, etc. Sous les murs
mêmes du château de Cabrerets existent des foyers nombreux
et parfaitement caractérisés de l'âge du Renne. La route est
certainement empierrée partout avec ces précieux débris.
Dans le village de Cabrerets on voit sous des surplombs gigan-
NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORTAL. 471
tesques des maisons bâties sur remplacement même d’habi-
tations de l’âge du Renne. Nos fouilles nous ont permis de
recueillir des débris caractéristiques et d’y compter des foyers
nombreux et très-étendus. Plusieurs cavernes dont le sol est
parfaitement caractérisé par les fossiles de cette époque anté-
diluvienne servent de granges ou d’habitations aux gens de la
localité.
En poursuivant plus loin sa route on arrive au moulin de la
Pescalerie, dont les environs sont intéressants. Cent mètres
environ avant le moulin est un immense surplomb presque
complètement encombré d’éboulis, dans lequel on a trouvé, au
milieu d’un gisement de Pâge du Renne, un crâne humain,
brisé involontairement parles ouvriers qui Pavaient découvert
plusieurs années avant notre exploration. Dans les couches
supérieures des éboulis était un vase grossier en poterie non
tournée peut-être, et plus loin, dans les mêmes éboulis de la
surface, une hache en pierre polie.
A plusieurs lieues de ce moulin, dans la direction de Figeac,
est la fameuse grotte de Rrengue, fouillée et décrite par Del-
pon. Tout le monde sait que dans cette caverne furent trouvées
des quantités considérables d’ossements de Renne.
A un quart d’heure deCabrerets environ, dans le pech Merle,
est située une grotte portant le nom de grotte de Cabrerets, et
dans laquelle nous avons exécuté pendant plusieurs jours des
fouilles considérables. Cette caverne est à un niveau qui nous
a paru le même, par rapport au Lot, que celui de la grotte de
Pélissié et de la grotte du roc de Peyrousse , c’est-à-dire
150 mètres environ au-dessus de l’embouchure du Célé dans
le Lot, et 80 mètres à peu près au-dessus du ruisseau incrus-
tant de la Plagne, au pied du pech Merle.
Nous croyons utile de donner le plan de cette caverne, où
la composition du sol et de la voûte est aussi curieuse qulns-
tructive. Nous commencerons par faire connaître la composi-
tion des dépôts, puis nous nous occuperons du parcours, des
parois et de la voûte, pour arriver ensuite à des conclusions
décisives.
472
SÉANCE DU 1er FÉVRUR 1869.
1° Stratigraphie des dépôts . — Nous avons pratiqué, environ
à 45 ou 20 mètres de l’entrée, une tranchée de 5 mètres de
long sur 3 mètres de large et 5 mètres de profondeur. Voici
l’énumération et la description des couches que nous avons
traversées.
4. — A la surface, dans uncailloutis avec terreau noir très-
abondant, se trouvaient quelques fragments de poteries, mélan-
gés avec des silex et des os de Renne, ainsi que des cendres
et du charbon. Épaisseur 65 centimètres.
2. — Même cailloutis et terrain noir avec mêmes objets,
poteries infiniment plus rares; à la base, mélange de sable avec
le terreau. Épaisseur 65 centimètres.
3. — Couche de sable formant un niveau très-peu régulier.
Épaisseur maximum 50 centimètres.
4» — Niveau d’un cailloutis avec os de Renne, silex et quart-
xites taillés, ainsi que charbon. Épaisseur 30 centimètres.
— Couche de sable argileux. Épaisseur 40 centimètres.
6. — Cailloutis avec quelques silex taillés. Les os de Renne
NOTft DK M9L «ARRIGOU ST DURQRTÀL.
473
et surtout les bois entiers, mais très-friables, abondaient dans
cette couche. Nous y avons trouvé des fragments d’outils en
bois de Renne, ainsi que du charbon. Épaisseur 4“50. L’en-
semble de la faune de ces couches était : le Renne, deux Cerfs,
Sus , Carnassier? Bœuf, Bouquetin.
T. — Argile rouge, parfaitement stratifiée, avec ossements de
grand ours des cavernes cassés par la main de l’homme ; cen-
dres et charbons c, c' c®, et un fragment plat de stalagmite
calcinée au milieu de cet emplacement de foyer. Épaisseur
4*70.
8. — Parois calcaires de la caverne.
Nous avons laissé, au fond de cette immense tranchée, des cail-
loux, des pièces de monnaie à l’effigie de l’Empereur, des
fragments de bois, afin que l’on puisse retrouver le point de
notre fouille, le propriétaire de la caverne nous ayant obligés à
remettre le sol de la caverne dans son état primitif. Nous re-
grettons que d’autres explorateurs ne puissent pas profiter du
travail énorme que nous avions déjà fait.
2° Sol du reste de la caverne . — Fouillé sur plusieurs points
dans l’interieur de la caverne, et même jusqu’au point le plus
reculé, le sol ne nous a fourni partout que la couche d’argile
sableuse rouge stratifiée, avec ossements d’Ours et de grand
Chat.
Ainsi donc, ce ne serait que vers l’entrée que nous aurions
trouvé les restes caractéristiques de l’homme et de son indus-
trie pendant la période quaternaire caractérisée paléontologi-
quement par le Renne.
Sur certains points du parcours, et principalement au fond
de la caverne, on trouve des fragments de la voûte calcaire
éboulés, ainsi que des morceaux considérables de stalactites
et de stalagmites anciennes.
Le parcours total est de 140 mètres.
3* Voûte et parois de la caverne . — La voûte et les parois sont
tapissées de stalactites et de stalagmites, Et d’abord, nous
ferons remarquer que ce mot de stalagmite, appliqué aux cou
crétions adhérentes à la voûte, ne doit pas étonner.
474
SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869,
-t. . — -—~~7 gi
ù ^_SMùî^M^3 g-,
S'.
>ÏL
M" v
NOTE DE MM. GARR1GOU ET DUPORTAL. 475
En effet, en prenant respectivement chacune des coupes AB,
CD, EF, GH, nous voyons des lambeaux de tables horizontales
s et s' attachés encore à la voûte par des piliers plus ou moins
courts. ïl est incontestable que ces lambeaux de table, pour
être déposés horizontalement, devaient reposer sur quelque
chose d’horizontal; sans cela, il se serait formé non des dépôts
horizontaux, mais des dépôts verticaux, des stalactites. Cela
fait donc supposer qu’autrefois le sol de la caverne n’était pas
au niveau M, M', M", M'", comme aujourd’hui, mais immédia-
tement au-dessous et au contact des stalagmites s et s' ; car,
théoriquement, rien autre chose, si ce n’est le sol, ne pou-
vait supporter, soutenir ces concrétions horizontales. Et, en
effet, le sol de la caverne était si bien au niveau de ces stalag-
mites, qui semblent aujourd’hui attachéesau plafond, qu’onvoit
encore de l’argile plastique enchâssée dans les anfractuosités
de ces stalagmites et des stalactites roulées encastrées entre
divers niveaux de ces stalagmites aériennes, ainsi que les repré-
sentent les coupes AB, au point a, et GH en a, b et c. Bien plus,
dans la coupe CD, nous voyons de vrais galets en a et b sur la
stalagmite CD, tandis que le niveau du sol actuel est en M/v.
Ceci démontre de la façon la plus nette et la plus irrécusable,
que l’ouverture de cette caverne doit être bien antérieure à
l’époque de l’ours qui caractérise paléontologiquement le sol
actuel M, M', M", M"' de la caverne. Nous croyons que cette
caverne, ainsi que beaucoup d’autres, nous allons bientôt le
démontrer, remonte, comme date d’ouverture, à une époque
géologique reculée, atteignant même l’époque des terrains se-
condaires les plus rapprochés de l’émergence des terrains
jurassiques.
La caverne de Cabrerets aurait donc été soumise, ainsi que
plusieurs cavernes des Pyrénées à divers phénomènes de rem-
plissage et d’érosion.
7° Dolmens du Quercy. — Les dolmens abondent dans cette
partie du département du Lot. Sur cent environ que nous avons
visités, et on sait que Delpon en avait visité ou fouillé cinq
cents, nous n’en avons trouvé que deux seulement intacts. Les
marchands de pierre du pays les démolissent pour avoir la
pierre à bon marché et la vendre cher. Nous protestons vive-
ment contre un pareil vandalisme, et nous appelons de tous
nos vœux l’attention de Fautorité et des corps savants sur des
faits semblables, afin qu’on les réprime et qu’on laisse encore
subsister les très-rares dolmens non détruits.
476
•ÉANCK DU 1er FÉVRIER 1869.
Nos fouilles dans ces dolmens mutilés ont mis au jour :
des ossements humains, des objets de parure, des colliers en
coquilles, des flèches en silex, une épée en bronze (trouvée par
des Vandales) dans le dolmen de M. Pradines, à Limogne.
Un grand nombre de ces dolmens étaient orientés N. S. et non
pas E. O. Bien que cette dernière direction soit donnée à plu-
sieurs de ces monuments funéraires, il ne faut pas la considérer
comme exclusive.
8* Les alluvions récentes du Lot ont fourni une hache en
serpentine polie dans les environs de Bouziès.
Nous avons donné à l’Académie des sciences de Toulouse
la liste complète des mammifères trouvés dans les alluvions
les plus anciennes; c’est ici le lieu de les énumérer de nouveau.
Trois espèces de Bœufs, l’un grand ( Urus ?), les autres plus
petits, deux espèces de Chevaux, dont l’une est moitié plus
petite que l’autre, un Cerf de petite taille, le Renne, le Castor,
deux rongeurs plus petits, la Chauve-souris, le Lièvre, VHyœna
spelœa , le Felis spelœa , l'Ursus spelœus , le Loup, un Chien plus
petit, le Renard, l’Éléphant.
Les alluvions du Lot forment trois terrasses superposées de
même que toutes celles des grands cours d’eau du bassin sous-
pyrénéen. On peut voir en effet ces terrasses successives :
1° Pour le Lot, entre Trentel et Rougette, près de Port-de-
Penne (Lot-et-Garonne).
2° Pour l’Aveyron, à Villemeure.
3° Pour le Tarn, à Villemeure et à Villaudrie.
4° Pour la Garonne, à Grisolles.
5* Pour l’Ariége, à Pamiers.
6° Pour l’Adour, dans toute la plaine du Béarn.
La même forme caractérise toutes ces alluvions anciennes,
celles qui forment les terrasses les plus élevées, ou les couches
alluviennes les plus profondes.
Ainsi donc la marche des grands cours d’eau, qui se déver-
saient dans le bassin sous-pyrénéen, pendant la période qua-
ternaire, était la même. Les trois grandes époques paléontolo-
giques des cavernes correspondraient, en conséquence, aux
trois grands étages d’alluvions quaternaires déposés sur la
série des terrains tertiaires.
9* Avant de faire connaître les conclusions générales de
notre travail, nous terminerons par quelques observations sur
l’âge et le creusement des cavernes de la vallée du Lot et sur
la formation des cavernes et des vallées en général.
NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORTÀL, ’ 477
C’est l’étude des directions et des niveaux des grottes qui va
nous guider dans ces observations.
Lorsqu’une vallée rencontre une formation très-perméable,
les affluents disparaissent et les eaux pluviales se rendent au
thalweg par des galeries souterraines qui servent de con-
duites à des sources plus ou moins importantes, suivant les
conditions météorologiques et l’étendue de cette partie du
bassin.
On peut généralement retrouver ces conduites, ou du moins
leurs directions principales, et constituer ainsi l’hydrographie
souterraine de la contrée. Cette étude présente un grand inté-
rêt, et conduira peut-être à des solutions simples et économi-
ques de l’irrigation des plateaux les plus arides. Nous allons
poser quelques-uns des principes qui nous guident dans ce
genre de recherches.
Le Lot est une de ces rivières qui descendent du plateau
central, et traversent toutes les formations qui l’entourent.
Pendant l’époque tertiaire, c’était un fleuve qui avait son em-
bouchure dans la mer nummulitique, non loin de Capdenac;
plus tard il se jetait, près de Libos, dans le miocène, et vers la
fin de l’époque pliocène, c’était déjà un affluent du fleuve dont
il est aujourd’hui tributaire. Mais si son importance et son dé-
veloppement ont changé, nous espérons démontrer que son
thlaweg a très-peu varié.
La vallée du Lot forme, en effet, une coupure profonde dans
les formations oolithiques qui occupent le centre du départe-
ment auquel il donne son nom. Toutes ses berges concaves sont
situées au pied de grands escarpements de 100 à 150 mètres de
hauteur, dont les dislocations ne paraissent avoir influencé que
fort peu la direction de la vallée. Leurs accidents se retrouvent
sans déplacements verticaux sur la berge opposée, et l’on ne
peut attribuer nulle part à la présence d’une faille impor-
tante l’orientation de la vallée principale.
Mais si ces failles sont restées sans grande influence sur le
cours d’eau principal, elles ont eu une part considérable dans
la direction des affluents souterrains.
Concevons, en effet, au commencement de l’époque crétacée
le Lot traversant le plateau très-perméable de l’oolithe. Il
recevait probablement par infiltration des sources descendues
des plateaux voisins dont les eaux suivaient de préférence les
failles parallèles à l’Erzgebirge, aux Cévennes, à la côte d’Or,
soulèvements parallèles qui venaient de disloquer la région; de
478 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869.
là au sommet des escarpements du Lot une série de grottes
dont la direction générale est à peu près E. N.
Lorsque le soulèvement du mont Viso s’est effectué plus
tard, ces conduites souterraines d’eau se sont brisées, et les
eaux des sources qui sortaient au-dessus du thalweg principal
approfondi se sont dirigées dan§ les failles parallèles au sou-
lèvement du mont Viso, N. 25 à 26° O., creusant de nouvelles
galeries, sans abandonner complètement les premières.
C’est, en effet, aux deux directions principales, E. 40° N. et
N 27° O., que se rapportent, en effet, presque toutes les orien-
tations des galeries1 les plus élevées des quatre étages de
grotte qu’on remarque si fréquemment dans les escarpements
du Lot. ,
Le soulèvement des Pyrénées a de même donné un nouvel
étage de grottes qui ont tari les premières sources pour les
conduire plus directement au thalweg, qui s’était approfondi
pendant le temps écoulé entre ce soulèvement et celui du mont
Viso. ; ,
Les cavernes inférieures sont de même plus particulièrement
orientées parallèlement aux Alpes principales et aux Alpes oc-
cidentales. Mais, dans ces cavernes, les failles occasionnées par
les soulèvements précédents ont souvent été suivies par les
eaux souterraines comme raccordements, et il est facile de
s’expliquer, la boussole à la main, comment s’enchevêtrent les
unes dans les autres les grottes si capricieuses de la vallée du
Lot. .
Comme nous l’avons dit, il existe quatre étages de galeries
souterraines dans les calcaires secondaires du Lot. Les galeries
les plus basses sont très-peu élevées au-dessus du thalweg ac-
tuel, et généralement elles ne peuvent être visitées, car elles
servent de débouché à des sources importantes, comme celles
de Cahors et de Touzac, qui font tourner plusieurs meules de
moulin. Quant aux trois autres niveaux, ils sont complète-
ment à sec, sauf de très-rares exceptions, où après de forts
orages, il arrive que les galeries de l’étage immédiatement
supérieur servent de déversoir au trop-plein des sources
actuelles. Il existe, en outre, de légers suintements au fond des
galeries les plus élevées, dernier vestige de l’action première
qui a créé la galerie.
Ainsi donc, en résumé, le premier étage de grottes, élevé de
100 à 150 mètres au-dessus du Lot, est placé dans des failles
orientées sur la côte d’Or et sur le mont Viso. — Le second est
OBSERVATIONS DE MM. GARRIGOU ET DUPORT AL. 479
situé dans des failles orientées suivant les Pyrénées, se bifur-
quant souvent dans des failles parallèles aux deux soulèvements
précédents. — Le troisième est reconnaissable à la direction
des Alpes occidentales, suivie parquelques couloirs se raccor-
dant à d’autres orientés par quelques fractures de la côte d’Or,
du mont Yiso et des Pyrénées. — Enfin, le quatrième étage
forme les affluents souterrains actuellement en activité, orientés
suivant les Alpes principales.
Si ces cavernes étaient formées, ainsi que nous Pont démon-
tré leur étude spéciale et les détails dans lesquels nous venons
d’entrer, au moment de l’époque quaternaire, il est évident que
l’homme a pu les habiter à diverses époques.
Mais avant de donner notre théorie pratique des diverses
époques d’habitation des cavernes, donnons une dernière
preuve de l’antiquité très-considérable du thalweg du Lot, an-
tiquité remontant à la fin de la période jurassique.
Au confluent du Célé et du Lot il existe une presqu’île qui,
en raison de la pente considérable de l’affluent et de la per-
méabilité des roches jurassiques, est traversée par des pertes du
Célé qui se précipite dans le Lot, non en suivant l’arc décrit à
à ciel découvert par les escarpements, mais en suivant la
corde souterraine de cet arc de cercle. Or, cette communica-
tion entre les deux cours d’eau a eu lieu de tout temps, et l’on
peut voir, au-dessus de la perte actuelle, les galeries qui ont été
suivies aux époques des trois autres niveaux des grottes.
Cette confirmation de la fixité de la vallée du Lot se retrouve,
du reste, dans l’isthme delà presqu’île de Cahors, que la rivière
coupe aussi par un conduit souterrain dont on peut suivre les
anciens niveaux.
Nous savons maintenant que les vallées confluentes du Lot
et la vallée du Lot ont des niveaux successifs de cavernes, dont
le plus élevé semble être à 150 mètres environ au-dessus du
cours d’eau principal. Dans ces cavernes les plus élevées, on
retrouve l’homme contemporain du grand Ours, du grand Chat
et de l’Éléphant, dont les débris, surtout ceux des deux pre-
miers, gisent dans les dépôts stratifiés que ces cavernes con-
tiennent. D’un autre côté, les alluvions quaternaires du Lot
sont caractérisées par la même faune que les cavernes de
150 mètres de hauteur. Ces dépôts sont donc du même âge.
Mais, puisque les dépôts stratifiés des cavernes sont les mêmes
que ceux déposés par les alluvions anciennes, argiles rouges
sableuses, sorte de loess surmontant les cailloux roulés des
480 mUnci wj iw févribr 1869,
vallées, il s’ensuit que les eaux qui formaient ces dépôts dans les
vallées devaient atteindre le niveau des cavernes à 150 mètres.
Donc les cavernes situées au-dessous étaient obstruées, soit par
des dépôts, soit par les eaiâc elles-mêmes, et l’homme, pas plus
que les animaux, ne pouvait les habiter. Plus tard, le niveau
des eaux baissant, les cavernes des étages inférieurs furent
mises à découvert, et l’homme put les habiter. Mais la faune
ayant changé, on devait retrouver dans ces cavernes, après
qu’elles eurent cessé d’être habitées, une nouvelle faune, celle
dans laquelle domine le Renne, différente de celle des cavernes
de i50 mètres , des cavernes caractérisées par VUrsus spelceus .
L’homme qui habitait ces cavernes inférieures pouvait aussi
habiter les cavernes supérieures anciennement fréquentées par
ses ancêtres à l’âge de l’Ours. De là la superposition dans les
cavernes supérieures de dépôts de l’âge de la pierre polie,
de l’âge du Renne et de l’âge de l’Ours. De même encore, si par
un phénomène d’érosion nous voyions le niveau du Célé et du
Lot s’abaisser etles cavernes qui forment les’ dérivations na-
turelles du Célé se dessécher, nous pourrions visiter et habiter
ces cavernes servant actuellement de conduits souterrains aux
énormes sources dont nous avons parlé.
Les choses se sont donc passées dans le Lot comme dans
les Pyrénées, au point de vue de l’habitation des cavernes.
Nous terminerons en [disant que les faits précédents nous
permettent de conclure :
1» Que la loi établie par l’un de nous pour l’ouest de l’Eu-
rope (1) est vraie pour les abords du plateau central, comme
elle l’est pour les Pyrénées. Nous rappellerons cette loi : Toutes
les fois que dans une même vallée, d’une région montagneuse,
il existe divers niveaux de cavernes, on peut être sûr qu’à
moins de bouleversements locaux expliquant l’exception, les
cavernes contenant la faune la plus ancienne sont aussi les
plus élevées par rapport au fond de la vallée, les faunes les
plus récentes se trouvant surtout dans les cavernes inférieures.
Lorsque, dans les cavernes supérieures, on retrouve aussi les
faunes spéciales aux cavernes inférieures, «es faunes occupent
toujours un niveau stratigraphique supérieur à la faune an-
cienne. On peut avoir ainsi dans les cavernes supérieures,
chose très-fréquente, le sol composé de quatre niveaux pa-
léontologiques différents :
(1) Alluvitw quaternaires, par F. Garrigou; cha* J. -B» Baillière.
OBSERVATIONS DE DIVERS. 481
1° A la surface, niveau historique ;
a» Au-dessous, niveau antéhistorique, des âges du fer rin
bronze ou de la pierre polie ; ° ’ du
3° Niveau de l’âge du Renne ;
4° Niveau de l’âge de l’Ours. ’
M M. Lartet croit que la distinction, dans les cavernes
des ta niveaux de l'O.rs, du Benne e. de 1» pierre pï
i ° ' 1 ® des cavernes- Situées à un niveau très-bas, où
l'Ours n°e 65t ComP*et entre faune du Renne et celle de
Répondant ensuite à une observation de M. Belgrand,
M Garngou admet que les grottes inférieures ont d’abord
et^abTtéêr P3r d6S d6PÔtS Slaciaires’ Puis mises a« jour
floservations sont ensuite échangées entre
MM. Ld. Lartet et Garngou sur les divers planchers de sta-
agmites superposés dans la caverne de Rébenacq, ainsi
que sur le limon rouge qui contient la faune du Renne
D accord avec M. Paul Gervais, M. Garrigou considère les
epots rouges, à ossements de Renne, comme de véritables
Ajœkkenmaddmgs , qui sont partout identiques, quelles que
soient les vallées où on les observe.
M. Garngou signale la rapide destruction des dolmens
u Lot et la convenance qu’il y aurait à prendre des me-
sures pour assurer leur conservation.
Séance du 15 février 1869.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS, VICE-PRÉSIDENT.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal delà dernière séance, dont la rédaction est adoptée
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres de la Société :
Soc. géol., 2e série, tome XXVI.
31
482 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
M. Gauthier, boulevard du Nord, 7, à Marseille (Bouches-
du-Rhône); présenté par MM. Coquand et J. Goste.
M. Vézian , professeur de géologie à la Faculté des
sciences, à Besançon (Doubs), ancien membre, est admis,
sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société.
Le Président annonce ensuite quatre présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Ami Boué, Ueber die ISothwendigkeit einer
Reform des bergmœnnischen Unterrichtes in Oesterreich , etc., in-8,
30 p. ; Vienne, 1869 ; chez M. Brauniüller.
De la part de M. G. Cotteau :
1° Notes sur quelques Musées d' histoire naturelle de lu Suisse et de
V Allemagne du Sud; in-8, 29 p. ; Auxerre, 1869; chez G. Per-
riquet.
2° Sur les Êchinides fossiles recueillis par M. L. Lartet en Syrie ,
pendant son voyage avec M . le duc de Luynes; in-4, 2 p.; Paris,
1869.
De la part de M. Ernest Favre, Note sur quelques glaciers de
la chaîne du Caucase , et particulièrement sur le glacier de Devdo-
roc; in-8, 36 p., 1 carte ; Genève, 1869.
De la part de M. G. de Saporta, Caractères de V ancienne végé-
tation polaire, — Analyse raisonnée de V ouvrage de M. Osw. Heer ,
intitulé Flora fossilis arctica; in-8 , 43 p.; Paris, 1868; chez
Victor Masson*
De la part de M. Adolph Steen, Om Integrationen af Diffe-
rentialligninger, der fore tïl Additionstheoremer for transcendente
Funktioner; in-4, 14-3 p. ; Copenhague 1868.
Le Secrétaire, au nom du Trésorier, qu'une indisposition
empêche d’assister à la séance, dépose sur le bureau :
!• les comptes de 1868, qui sont renvoyés à l'examen de la
Commission de comptabilité; 2° le projet du budget de la
Société géologique pour 1869, tel qu il a été arrêté par le
Conseil dans sa séance du 13 février.
BUDGET DE 1869
483
Budget pour 1869
RECETTE
.
DESIGNATION
des
chapitres
de la recette.
|N0Sdes articles.
NATURE DES RECETTES.
RECETTES
prévues
au budget
de 1868.
RECETTES
effectuées
en 1868,
RECETTES
prévues
pour 1889. |
'S 1 . Prnrl iiit.s nr.
1
Droit d’entrée et de diplôme. .
600 »
680 »
600 »
2I
1 de l’ann. courante.
8, 500 »
8, 945 d
9, üuo »
nflnt.innfi. .
3
Cotisations j des années précéd.
2, 000 »
2, 680 »
2,000 »
4 J
' anticipées
300 »
255 »
300 »
§ 2. Produits extr.
5 | Cotisations une fois payées. . .
900 k
1,800 »
1,200 »
fi \ Bulletin
1,200 »
1,064 »
1,100 »
§ 6. Produit des
I 7
Table des vingt lers vol., 2e sér.
100 i»
132 »
160 »
publications. . .
8
Mémoires
800 >
582 00
600 »
9
Histoire des progrès de la géol.
100 »
231 70
200 »
§ 4. Capitaux pla-
cés
10
11
xlrrérages de rentes 3 %• • • •
A rréra crp.s d’nhlin-ntinns
1,870 >
585 »
1,870 »
585 »
1,870 »
1,005 »
12
Allocation du Ministre de l’in-
struction publique pour les
publications de la Société. .
1,000 »
1,000 >
1,000 »
1 13
Souscription du Ministre aux
§ 5. Recettes di-
Mémoires
1,200 »
1,200 »
600 »
verses. .....<
li
Recette, extraordinaire relative
1
au Bulletin.
100 »
150 »
200 »
1
J 15
Recette extraordinaire relative
aux Mémoires
T> »
x> »
1,100 »
! 1
* 16
Lover de la Société météorolom
400 ..
400 »
400 »
17
Recettes imprévues. ......
800 »
600 »
225 »
Total de la recette. . . .
20,455 »
22,175 30
21,560 »
§ 0, Solde de 1868
Reliquat au 31 décembre 18G8.
» )>
)> »
811 751
I
Total de la recette prévue pour
I
1
1869
■» »
» »
22,371 75 j
EMPLOI DES FONDS PROVENANT DE LA DONATION DE M. DOLLFUS-AtJSSET
Recette.
Reçu de M. Dollfus-Ausset en 1867 et 1869 ,• . . 10,000 00
O •
Dépense.
Loyer de la salle rue Bonaparte en 18 68. , . 4
600
00
Achat de 25 obligations Ouest.
8,186
24
Solde disponible au 31 janvier 1869 à la Société des
dépôts et comptes courants .......
1,213
76
10.000
00
484
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
Budget pour 1869
DEPENSE
DÉSIGNATION
des
chapitres
de la dépense.
NATURE DES DÉPENSES.
§ 1. Personnel
§ 2. Frais de lo- \ 5
gement \ 6
f 7
( 8
§ 3. Frais de bu- ï 9
reau 1 10
fil
f 12
§ 4. Magasin. • • \ ]3
(14
§ 5. Publications. I }g
17
18
19
S traitement _
travaux extraordinaires
indemnité de logement
et gratification. . . .
Garçon de bureau, ses gages et
gratification 1
Loyer, contributions, assuranc
Loyer. rueBonaparte, 1867, 1868
Chauffage et éclairage. . .
Dépenses diverses
Ports de lettres
Impression d’avis et circulaires
Change et retour des mandats
Mobilier
Bibliothèque. — Reliure, port
et planches.
Dépenses imprévues ....
Pension à l’anc. garçon de bur
Placement de cotisations a vie
DÉPENSES
prévues
au budget
de 1868.
1,800
1>
300
D
400
D
1,060
>
2.850
J>
800
»
500
r >
250
250
»
100
»
20
»
175
»
375
D
9,000
»
700
D
2,000
I)
»
»
200
))
i>
»
20,720
»
DÉPENSES
effectuées
en 1868.
DÉPENSES
prévues
jour 1869.
1,800 »
1,800 »
300 »
300 »
400 »
O
O
1,062 50
1,000 »
2,866 05
2, 870 »
600 »
600 »
402 95
550 »
233 15
240 »
288 30
300 »
fil 50
100 »
13 95
30 »
155 »
400 »
582 70
500 »
9,543 25
10,000 »
609 »
700 »
1,949 85
1,000 »
» »
1) I)
200 »
200 »
900 »
1,200 »
22,058 20
22, 190 »
■Si La recette étant évaluée ii
La dépense à
Il y aura un excédant de recette de
22,371 75
22,190 00
181 75
Après la lecture des articles, les deux sections des recettes
et des dépenses sont successivement mises aux voix et
adoptées.
M. Meugy fait la communication suivante :
Sur le lias; par M. Meugy.
Je me suis proposé dans cette note de relier entre [elles les
observations faites sur les divers étages du terrain basique du
NOTE DE M. MEUGY.
485
N. E, delà France, et d’examiner les conséquences qui peuvent
en être déduites relativement au classement de ces étages, qui
portent souvent des noms différents dans chaque département
ou dans chaque province, et dont on peut ne pas apercevoir
nettement de prime abord la corrélation.
On distingue dans le lias trois termes principaux, qui sont
de bas en haut:
1° Le grès infra-liasique ;
2° Le calcaire bleu ;
3° Les marnes supra-liasiques.
La superposition de ces trois groupes l’un au-dessus de
l’autre a été reconnue partout où ils se trouvent réunis. Quel-
quefois le calcaire à Gryphées arquées est recouvert unique-
ment par des marnes qu’on englobe toutes ensemble dans
l’étage supérieur. Mais il arrive aussi, comme dans le N. E.,
qu’on trouve, au-dessus du même calcaire, une série de couches
non-seulement marneuses, mais aussi calcaires, sableuses, fer-
rugineuses, qui diffèrent entre elles par leur nature minéra-
logique comme par leurs fossiles, et qu’on a dû par suite distin-
guer les unes des autres en leur donnant divers noms. De là des
difficultés qui naissent toujours dès qu’on entre dans plus de
détails, et ces difficultés se conçoivent d’autant mieux que toutes
les couches reconnues dans un point peuvent ne pas se
retrouver au complet dans un autre, ou qu’au moins elles peu-
vent ne pas s’y retrouver exactement avec les mêmes carac-
tères pétrographiques et paléontologiques.
Cependant il convient de remarquer, d’une part, que dans
une couche régulière la nature minéralogique de la roche est
assez constante pour qu’on puisse sérieusementy avoir égard, et
d’un autre côté, que les conditions climatériques étaient assez
uniformes à l’époque du lias, pour permettre à un moment
donné le développement de faunes identiques aux mêmes pro-
fondeurs, indépendamment de la latitude.
D’où proviennent donc les difficultés que nous signalons? De
ce qu’il peut arriver qu’une couche ne se prolonge pas sur de
grandes étendues et soit renfermée dans les limites d’un bassin
circonscrit, et aussi de ce qu’on ne connaît pas complètement
les fossiles des étages que l’on est appelé à comparer.
Ces considérations s’appliquent d’autant mieux au sujet qui
nous occupe, qu’il s’agit ici de dépôts de sédiment remplissant
le golfe profond du Luxembourg, dont les rivages pouvaient
présenter des pentes variables suivant les mouvements qui leur
486
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
étaient communiqués de l’intérieur du globe, mouvements par
suite desquels le centre du bassin de dépôt se déplaçait néces-
sairement davis un sens ou dans un autre.
Notre mémoire ne sera peut-être pas dépourvu d’intérêt au
moment où le Gouvernement vient de décréter l’exécution
d’une carte géologique détaillée de la France , et qu’il va
falloir s’occuper de raccorder entre elles plusieurs cartes déjà
publiées.
On a déjà beaucoup écrit sur le même sujet, et le Bulletin de
la Société renferme plusieurs notes de MM. Dewalque, D’Oma-
lius, Levallois, Hébert, Terquem etPiette (1), qui ont défendu
avec talent leur manière de voir, chacun à son point de vue,
quelquefois peut-être avec une certaine vivacité, et même avec
passion, mais avec cette passion qui ne peut être considérée
que comme l’expression exagérée de l’amour de la science. Car
nous ne pouvons avoir, tous tant que nous sommes, qu’un seul
but, celui d’arriver, par nos communs efforts, à la découverte
de la vérité.
Cependant, si les faits ont été bien établis, les interprétations
qu’on en a données n’ont peut-être pas toujours été à l’abri de
critiques, et c’est surtout dans le raccordement des étages de la
même formation qui se montrent dans divers lieux, qu’il peut
rester quelque chose à désirer.
Rappelons d’abord la nomenclature des différentes assises
superposées au calcaire à Gryphites, dans les Ardennes et la
Meuse, dans la Belgique et dans TEst.
ARDENNES ET MEUSE.
(MM. Sauvage et Buvignier.)
Oolithe inférieure.
Marnes supérieures.
Calcaire ferrugineux.
Marnes moyennes.
Calcaire sableux.
Lias à Gryphites.
Grès inférieurs.
BELGIQUE ET LUXEMBOURG.
(M. Dumont.)
Calcaire de Longwy .
Oolithe lerrugin. de Mont-St-Martin,
Schiste bitumineux et marne de Grand-
court.
Schiste et macigno d’Aubange.
Schiste d’Ethe.
Grès de Virton.
Calcaires et marnes de Strassen,
Sables et grès de Luxembourg.
Marne de Jamoigne.
Grès de Martinsart.
(H 2e série, t. IX, XI, XIV, XV, XIX, XX.
NOTE DE M. MEUGY.
487
MOSELLE ET MEURTHE.
(M, Simon, M. Levallois.)
Calcaire à polypiers ,
Marnes grises. % t ,
Minerai oolithique
Marty sandstone. , . f ,
Marnes schisto-bitum. à Posidonies
Grès médio-liasique
Marnes feuilletées ou marnes bleues à ovoïdes
Cale, à Bélemnites ou cale, ocreux.
Calcaire à Gryphées arquées.
Grès infra-liasique.
HAUTE- MARNE.
(M. Duhamel.)
Calcaire à Eniroques .
Marnes à Posidonies.
Marnes avec calcaire noduleux.
Marnes brunes.
Lias bleu.
Grès inférieurs du lias.
Marnes supérieures.
Id.
Id.
Marnes moyennes.
Id,
Id.
Marnes inférieures.
YONNE.
(M. Raulin.)
Calcaire à Eniroques.
Marnes supérieures à Bélemnites.
Calcaire à Gryphœa cymbium.
Marnes inférieures à Bélemnites.
Calcaires et argiles à Gryphées arquées.
Lumachelles h Cardinies.
Arkose granitoïde et silex.
Ce qui frappe tout d’abord quand on compare ces légendes,
c’est non-seulement la diversité des noms, qui s’appliquent
pourtant quelquefois à des roches semblables, mais encore la
disparité dans la succession des assises; et c’est autant pour
chercher à reconnaître l’accord qui doit exister entre ces di-
verses dénominations, que pour me rendre compte des diffé-
rences existant dans l’ordre de succession des couches, que j’ai
visité quelques localités dans les Ardennes et la Meuse, dans la
Belgique et le Luxembourg, dans la Moselle, dans la Meurthc,
les Vosges, la Haute-Marne et l’Yonne.
Je vais exposer successivement les observations que j’ai re-
cueillies ;
Ardennes. — Rappelons d’abord que la formation du calcaire
sableux, à laquelle les auteurs de la Carte géologique des Ar-
dennes assignent une puissance de 110 mètres, peut être sub-
divisée en trois parties, savoir, de bas en haut :
l°Desbanes calcareux jaunâtres, séparés par des lits de sables,
de même couleur (Sedan, Romery), où l’on remarque l’absence
des Bélemmites (50 mètres environ).
2°Des bancs de calcaire argileux bleuâtres alternant avec des
488
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
couches de sables, le plus souvent bleues comme les calcaires,
très-argileux, et remplacés vers le haut de l'étage par des cou-
ches de marnes (St-Laurent, Villette), (20 à 30 mètres). Les
fossiles sont tout différents de ceux qu’on trouve dans la partie
inférieure : ce sont des Bélemmites, des Gryphœa cymbium en
grande abondance avec la Gryphœa obliquata , des Térébatules,
des Spmfer , des Plicatules, et notamment la Plicatula spinosa ,
le Pecten œquivalvis, etc.
3 Des alternances de sables et degrés calcaires généralement
plus épais que ceux de la partie inférieure (Breux, Sapogne,
Herbeuval) (40 mètres environ), (Bélemnites, Ammonites, Gry-
phœa cymbium, (variété aplatie), Pecten œquivalvis , etc.)
u calcaire sableux succèdent les marnes moyennes ordi-
nairement de couleur grise, avec ovoïdes de calcaire argileux
e de fer carbonaté (70 mèt.), (Bélemnites, Ammonites, Pecten
œquiva ms, etc.), puis le calcaire ferrugineux, consistant en une
série de bancs de calcaire argileux ou sableux souvent coloré en
jaune par hydroxyde de fer qui se concentre en certains points
sous forme géodique.
L’expression de calcaire ferrugineux dépeint mieux que
ou e autre cette formation où les sources ferrugineuses et cal-
caires mélangeaient intimement leurs dépôts. On y voit des
par îes cacaires solides, sillonnées de filets ferrugineux, d’au-
res couc es minces etfriables au milieu desquelles on distingue
u er y roxydé géodique noyé dans un argile jaune. Certains
ancs son c argésdepetites oolithes ferrugineuses, et sont em-
p oy s avantageusement comme castine, et môme comme mi-
r* \ es ^auts_f°orneaux (Signy Montlibert, sur les con-
la p/6 fi euse^‘ Parm* les fossiles de cet étage, on remarque
* Plicatula spinosa , que je crois devoir citer, bien qu’elle soit
» , 1(^Uef C0m^le rare dans les Ardennes, parce qu’elle est plus
quen e en d autres points sur le même horizon, comme nous
e verrons plus tard ; de nombreuses Térébratules (T. tetrae-
j i’ p \ r^mon^es costatus , des Bélemnites, etc. Les auteurs
j tf\ ' rf ^'° °^ue des Ardennes assignent une puissance
de 40 a 50 métrés à leur calcaire ferrugineux.
miA supen®ur du terrain basique des Ardennes est dési-
gne sous le nom de marnes supérieures.
fniw^x de*.“arnes généralement noirâtres ou d’un bleu
nnîir Par, S Sj lsteuses’ s°uvent utilisées sous le nom de cendres
sV TronvlT tmeDt des,terres> en raison des pyrites de fer qui
y vent, et qui par leur décomposition donnent lieu à une
NOTE DE M. MEUGY.
489
certaine quantité de sulfate de chaux. Leur teinte foncée est un
caractère assez constant qui permet de les distinguer des marnes
moyennes, au moins dans beaucoup de localités. Toutefois, elles
sont quelquefois grises, comme ces dernières, et on y remarque
aussi des ovoïdes calcaires et ferrugineux. Aux environs de Signy-
le-Petit, près de la limite du département de l’Aisne, elles con-
tiennent, d’après MM. Sauvage et Buvignier, quelques bancs
d’un calcaire argileux bleuâtre que je signale avec intention,
parce qu’ils me paraissent être l’équivalent de la pierre à ci-
ment de Yassy, dont il sera question plus loin. Enfin, on a
constaté vers la partie supérieure de ces marnes, près d’Han-
nogne -Saint-Martin et de Villers-sur-Bar, un minerai de fer
en grains irréguliers et en plaquettes, empâtés dans une terre
ocreuse et formant une couche assez régulière d’une épaisseur
variable, qui semble se prolonger au même niveau géologique
par Fresnois, Remilly, Amblimont etMalandry. Cet étage mar-
neux, qui dans les Ardennes n’a pas moins de 90 mètres de
puissance, est caractérisé par un fossile, la Posidonia Bronnii ,
qui n’a pas encore paru dans les étages précédents. On y a
rencontré aussi des Ammonites et des Bélemnites de diverses
espèces, ainsi que des indices de poissons et de sauriens.
J’ajouterai, pour la complète intelligence des faits observés
dans les départements de l’Est, que les marnes supérieures
du lias sont immédiatement recouvertes ici par l’oolithe infé-
rieure, qui commence ordinairement par des calcaires mar-
meux avec oolithes ferrugineuses de formes irrégulières et de
grosseurs variables. J’ai observé ces sortes de calcaires (dont
je parle à dessein parce que j’aurai occasionde les rappeler plus
tard) sur ,1a grande route de Mézières à Retbel, à proximité
d’Evigny, et au-dessus de Fresnois, près Sedan.
Meuse. — Les divers étages que je viens de rappeler se pro-
longent en Belgique et dans le département de la Meuse.
M. Buvignier, dans l’explication de la carte géologique de ce
département, décrit successivement : le calcaire sableux, les
marnes moyennes, le calcaire ferrugineux, les marnes supé-
rieures et l’oolitbe inférieure. La partie supérieure du calcaire
sableux, principalement composée de roches sableuses, appa-
raît, pour ainsi dire, seule dans la Meuse, les parties inférieures
de cette formation n’affleurant que plus au nord, sur le terri-
toire Belge. Je rappellerai que des minerais de fer sont exploi-
tés aux environs de Tbonne-le-Thil et de Thonnelle, au nord
de Montmédy, dans le calcaire ferrugineux, c’est-à-dire, dans
490
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869,
les mêmes conditions de gisement qu’à Signy-Montlibcrt (Ar-
dennes). Je rappellerai également les calcaires à oolithes ferru-
gineuses que M. Buvignier signale à la base de sonooiithe infe-
rieure, ainsi que les polypiers en calcaire saccharoïde qui les
surmontent. Ces polypiers méritent en effet d’être mentionnés,
parce qu’ils deviennent très-abondants au même niveau dans
la Moselle et la Meurthe, ce qui a même fait donner au cal-
caire qui les renferme, et qui est toujours placé au-dessous du
f aller' s-earth , le nom de calcaire à polypiers.
Me trouvant à Montmédy, tout près de la frontière de Belgi-
que, ou les dénominations de terrains adoptées parM.?Dumont
ne sont plus les mêmes que sur notre territoire, préoccupé
aussi de la situation géologique des minerais de fer exploités,
sous le nom de minette , à Mont-Saint-Martin et à Longwy, j’ai
cru devoir rechercher s’il y aurait possibilité de raccorder ces
dernières stations avec la Meuse et les Ardennes. Je me suis, à
cet effet, transporté à Grand-Verneuil, petit village à une lieue à
l’est de Montmédy, où la carte de la Meuse indique le calcaire
oolithique superposé aux marnes supérieures du lias.
Les roches du calcaire ferrugineux se montrent, en plusieurs
points, dans les fossés de la route avec les caractères qu’on leur
connaît dans les Ardennes. Ce sont des calcaires gréseux, tan-
tôt durs, tantôt friables, qui ont une teinte grise quand ils ne
sont pas imprégnés de limonite, et où l’on rencontre duferhy-
droxydé en géodes ou en concrétions affectant différentes for-
mes. Ces calcaires affleurent en descendant à un petit affluent
de la Chiers, au delà duquel ils plongent sous les marnes su-
périeures, qu’on suitsans interruptionjusqu’au village de Grand-
Verneuil. Ces marnes sont d’un gris bleuâtre et empâtent de gros
rognons de fer carbonaté argileux. Si à l’entrée du village on
prend un petit chemin dirigé au N. E., on ne tarde pas à at-
teindre la limite des marnes, auxquelles succèdent les roches
calcaires de l’oolithe inférieure. A 4 ou 5 mètres au-dessus du
contact de ces deux terrains se trouve *un lavoir alimenté par
une source, et auquel aboutit un chemin creux dans lequel on
n’observe que des calcaires jaunes, plus ou moins friables, et
plus ou moins chargés d’oolithes ferrugineuses, dont certains
échantillons rappellent la mine pauvre exploitée comme cas-
tine à Longwy. Mais je me hâte d’ajouter que, dans ma pensée,
toutes les couches de ce chemin creux sont géologiquement
supérieures à la minette de la Moselle, qui elle aussi supporte
une série de couches semblables. Au-dessus du chemin creux,
NOTE DE M. MEUGY. 491
on ne voit plus que quelques calcaires jaunes avec Entroques,
puis le calcaire à polypiers cristallin comme à Montmédy.
Si la source du lavoir était due à une couche marneuse dis-
tincte des marnes noires, et dont l’affleurement serait masqué
par des éboulis, il se pourrait qu’il existât ici un lambeau de
l’oolithe ferrugineuse qu’on exploite plus loin à l’Est, et dont il
sera question tout à l’heure ; mais cela est fort douteux. Quoi
qu’il en soit, cette formation calcaire et ferrugineuse a au
moins 10 mètres de puissance, dans le point où je l’ai observée
près de Grand-Verneuil.
Longwy (Moselle).— Nous allons maintenant décrire la forma-
tion ferrugineuse de Longwy et de Mont-Saint-Martin, où sont
ouvertes des exploitations très*actives du minerai de fer qui a
amené, on peut le dire, une sorte de révolution dans la fabri-
cation de la fonte. Il suffit, pour faire sentir le prix qu’on atta-
che à ce minerai, de dire qu’il s’en transporte journellement
50 wagons de 10,000 kilogrammes pour les usines du dépar-
tement du Nord, et 20 wagons pour les hauts fourneaux
belges. Ce minerai revient sur place à 2 fr. 50 environ la tonne
et ne rend pas moins de 33 p. 100 de fonte. Plusieurs fourneaux
ont été construits dans ces dernières années au bas de la côte
deLongwy, près de la station de Mont-Saint-Martin ou du Port-
Sec. On voit dans la tranchée de cette station une marne schis-
teuse noirâtre qui affleure aussi dans la cour de rétablisse-
ment voisin. Si l’on gravit la côte à partir de ce point pour
gagner Longwy-Haut, on rencontre d’abord, immédiatement au-
dessus de la marne noire, qui représente évidemment les
marnes supérieures du lias, un sable jaune micacé de 15 mè-
tres au moins de puissance exploité pour le moulage, avec des
lits de sable gris argileux et des cordons parallèles de grès
effervescent de couleur grise.
Au fur et à mesure qu’on s’élève, ces parties dures prennent
plus d’épaisseur et deviennent jaunâtres. C’est une espèce de
grès qui forme des bancs continus superposés l’un à l’autre.
Puis viennent des calcaires remplis de petites oolithes ferrugi-
neuses à surface lisse et brillante alternant avec des couches de
minerai plus pur et plus tendre, et dans lesquels on remarque
de nombreux filons blancs de chaux carbonatée cristallisée. Les
fossiles principaux sont des Bélemnites , des Lima et des Ostrea
de diverses espèces, entre autres une Ostrea de forme bombée
(O. ferruginea , Terquem). On n’exploite à Longwy que la couche
supérieure, dont la puissance est de 2 à 3 mètres. Au-dessus de
492 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
cette couche reposent des calcaires de môme nature, mais
moins riches en fer, qui sont utilisés comme castine. Vient en-
suite un banc de glaise grise micacée, dont l’épaisseur vaiie
de lm,50 k 4 mètres, puis une dizaine de mètres de calcaires
plus ou moins ferrugineux avec Entroques, rappelant bien ceux
de Grand-Verneuil, et aussi ceux de Fresnois et d Evigny (Ar-
dennes), puis enfin le calcaire à polypiers. En résumé, la puis-
sance de cette formation, jusqu’à la couche de glaise micacee
inclusivement, serait d’environ 35 mètres, savoir:
Glaise micacée
Calcaires à oolithes ferrugineuses et minerai. .
Grès et sables.
1,50 à 4 mètres.
10 à 12 »
20m.
Un puits de recherche creusé au S. O. de Longwy, près de
Cous-la-Granville , a permis de constater que le terrain dont il
s’agit s’amincit rapidement dans cette direction.
M. Munier, ingénieur civil à Longwy, m’a dit avoir reconnu
son existence à Vezin et à Velosnes, entre Longuyon et Mont-
médy. Mais le minerai n’est plus exploitable, et du reste
M. Munier n’a vu dans ces localités ni la couche de glaise mi-
cacée qui le recouvre, ni les sables et grès de la base. De sorte
qu’il reste ici le même doute que pour Grand-Verneuil. Dans
tous les cas, il est constant que la puissante formation ferrugi-
neuse dont nous venons de parler r/existe pour ainsi dire plus
à l’ouest, ou bien elle y est tellement restreinte qu’il devient
impossible d’en tirer parti industriellement. On conçoit d ail-
leurs que si la petite couche de glaise supérieure vient à man-
quer, on n’a plus de repère pour distinguer les calcaires ferru-
gineux qui la surmontent de ceux qui se trouvent en dessous
d’elle et par conséquent on peut confondre d’autant mieux ces
deux sortes de calcaires, qu’ils ont un faciès analogue etqu ils
se trouvent tous deux à la base du terrain oolithique.
Quoi qu’il en soit, on ne peut méconnaîtreles rapports inti-
mes qui existent au point de vue minéralogique entre l’oolithe
ferrugineuse de Longwy et les couches calcaires de l’oolithe in-
férieure. Aussi comprenons-nous très-bien queM. Dumont l’ait
rangée avec le calcaire de Longwy dans le système bathonien,
et nous sommes d’autant plus porté à adopter cette manière
de voir, que les sables qui forment la base de l’oolithe ferrugi-
neuse constituent un dépôt de transport qui marque une pé-
riode de trouble et d’agitation comme celles qui sont indiquées
à l’origine de la plupart des terrains.
NOTE DE M. MEUGY,
493
Belgique et Luxembourg . — Lorsqu’on suit la grande route de
Longwy à Aubange et qu’on a descendu la côte le long de
laquelle se font remarquer plusieurs extractions de minerai,
on traverse d’abord les marnes noirâtres supérieures du lias,
appelées parM. Dumont : schiste bitumineux et marne de Grand-
cour , du nom d’un hameau voisin de la frontière française, entre
Virton et Longwy. Puis on marche sur le terrain auquel M. d’O-
malius a donné le nom de macigno ou grès calcaire. Ce terrain
comprend un ensemble de couches marneuses et calcaires qui
sont l’équivalent exact du calcaire ferrugineux des Ardennes
et de la Meuse. J’ai reconnu à Aubange même, près de l’église,
ainsi que sur le chemin de Rachecourt, ces couches minces
et fissiles de calcaire gréseux micacé ou de grèsargilo-calcaire
alternant avec des marnes, et généralement imprégnées comme
ces dernières d’hydrate de fer qui, en certains points, s’accu-
mule sous forme de géodes , en donnant lieu à un véritable
minerai. Le macigno d’ Aubange renferme non-seulement les
fossiles indiqués dans le calcaire ferrugineux des Ardennes,
tels que la Terebratula ietraedra et la Plicatula spinosa , qui pa-
raît ici beaucoup plus abondante qu’à l’ouest, mais aussi le
Pecten œquivalvis et la Gryphæa cymbium (variété dilatata ) (1),
Nous croyons devoir appeler l’attention sur cette dernière
coquille, qui peut aider à déterminer l’horizon de certaines
couches dans le département de l’Yonne.
A la station d’Athus, sur le chemin de fer de Longwy à Ar-
lon, il existe une grande tranchée d’environ 15 mètres de hau-
teur, qui est tout entière dans les marnes schisteuses noirâtres
superposées au macigno d’ Aubange. La voie suit ensuite le
ruisseau de Messancy, dans le macigno et longe, entre Differt
et Autel , l’affleurement des marnes moyennes ( schistes
d’Èthe), qui, en ce point, ont une teinte bleuâtre. La couleur
n’est donc pas un caractère qui permette de distinguer toujours
les marnes moyennes de celles supérieures; et si ces marnes
sont généralement grises à l’ouest dans les Ardennes et la
Meuse, elles deviennent souvent plus foncées versl’est. D’Autel
à Arlon, le chemin de fer traverse en tranchée, d’abord des
calcaires et des marnes appartenant à la formation de Stras-
sen, puis une série de bancs de grès calcaires et de sables. Ce
sont bien là les mênaes roches qui constituent le calcaire sa-
(1) Dewalque, Bulletin , 2e série, tome XI, p. 553.
494
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
bleux supérieur des environs de Breux et de Carignan. A Arlon
môme, affleurent des sables jaunes ou bruns plus ou moins
friables, et sans trace de carbonate de chaux. De la station
d’ Au tel, où s’embranche la ligne de Luxembourg, à Sterpemch
sur la frontière belge, la voie repose sur un terrain tres-humide
dont l’imperméabilité est due aux marnes moyennes. De bter-
penich à Capellen, elle traverse la large vallée de l’Eisch, qui
est criblée de trous pour l’extraction du minerai de fer d a lu-
vion. On arrive ensuite à la station de Marner par une tranchée
qui montre distinctement des couches alternantes de marnes
et de calcaire bleuâtre à Gryphites représentant les dépôts de
Strassen. Ces calcaires sont exploités et donnent une très-
bonne chaux hydraulique. ABertrange, en lace de Strassen, on
voit le môme terrain bien caractérisé et reposant près de Meile
sur ,1e grès de Luxembourg qui affleure sur les deux rives de la
Pétrusse.
La ville de Luxembourg est bâtie sur ce grès, dont les cou-
ches nombreuses et puissantes forment des escarpements
abrupts et pittoresques le long de la profonde vallée de l’Al-
zelte. Les plis et replis de cette vallée détachent de la masse
du grès une série de contre-forts sur lesquels sont bâties les
fortifications de la place. J’ai visité quelques-unes des carrières
qui touchent à la ville du côté de l’ouest et du sud-ouest. La
première, toute voisine de la route de Longwy, était ouverte
dans des grès solides blanchâtres et effervescents, alternant
avec des sables jaunâtres plus ou moins friables et très-peu
caicareux. Dans celle qu’on rencontre au sud de la ville, près
d’Hollerieh, on remarque des bancs épais de grès calcaires et
de sables. Les grès nuancés de jaunâtre et de bleuâtre font une
légère effervescence avec les acides. Ce sont bien les mômes
couches qu’à Sedan , seulement développées sur une plus
grande échelle. Les fossiles y sont rares. On peut citer la Lima
gigantea , un grand Nautile, des Turritelles, des Turbo, etc. On
voit dans les mêmes carrières le grès de Luxembourg recou-
vert très-nettement par des marnes bleuâtres avec aiguilles
cristallines gypseuses et des bancs minces de calcaire argileux
renfermant beaucoup de Gryphées arquées. C’est là un fait tout
à fait inconnu dans le département des Ardennes, où les Gry-
phites ne s’observent que dans le calcaire de Warcq inférieur
au calcaire sableux de Romery et de Sedan. De cette anomalie
sont nées toutes les discussions qui se sont produites à l’occasion
des rapports du calcaire sableux inférieur des Ardennes avec le
NOTE DE M. MEUGY.
495
grès de Luxembourg. S’il était vrai que les marnes de Strassen
ù. Gryphées arquées se reliassent avec celles de Jamoigne, il
faudrait admettre que le grès de Luxembourg s’amincît en
coin aux environs d’Arlon, et que le calcaire sableux inférieur
des Ardennes prît naissance précisément vers le même point.
Dans ce cas, ce dernier serait géologiquement supérieur au
grès de Luxembourg. Si, au contraire, le grès de Luxembourg
se trouve exactement au même niveau que le calcaire sableux
inférieur de Sedan et de Romery, il faut concevoir que les
marnes à Grypbites de Strassen disparaissent à l’ouest d’Ar-
lon.
Cette dernière opinion, qui est celle de M. Dewalque, paraît
plus conformé aux faits observés par cet habile géologue dans
les environs d’Heinsch. Toutefois, comme le dit Mi Dewalque,
c’est là qu’est le nœud de la question, et c’est entre Heinsch et
Vance que les investigations les plus minutieuses devraient se
porter pour résoudre le problème. Quoiqu’il en soit et jusqu’à
plus ample informé, nous adopterons les idées de M. Dewal-
que qui a exploré depuis longtemps ces localités avec le plus
grand soin. Est-ce à dire qu’il ne reste plus rien à faire? Non ;
car M. Dewalque dit lui-même qu’entre Heinsch et Vance les
sables d’Arlon empêchent de suivre l’affleurement des marnes
de Strassen, qui paraît du reste se diriger au sud-ouest dans
les bois de Stokem, c’est-à-dire, en se tenant toujours à distance
des marnes de Jamoigne qui, elles, suivent la rive droite de la
Semois (1).
M. l’abbé Wies, professeur de géologie à Luxembourg, nous
a fait voir le contact du grès avec le marnes inférieures qui af-
fleurent le long de l’Alzette, au nord de la ville, près d’Eich. Il
est vrai que là on ne rencontre aucune Gryphée arquée; mais
(1) MM. Terquem et Piette distinguent quatre zones au-dessus du grès in-
fra-liasique, savoir, de bas en haut : une première zone à Ammonites pl a-
norbis ou psilonotus ; une deuxième à Ammonites angulatus , comprenant le
grès de Luxembourg ; une troisième zone à Ammonites bisulcatus , corres-
pondant aux marnes de Strassen à Gryphées arquées, et enfin une qua-
trième zone à Belemnites brevis , qui comprendrait le calcaire sableux in-
férieur des Ardennes. J’avoue que, tout en ayant la plus grande estime
pour les travaux de ces savants paléontologistes, je ne puis les suivre dans la
même voie et que je ne désirerais rien autant que de voir confirmer strati-
graphiquement leurs vues par le raccordement continu des couches des Ar-
dennes et de la Belgique avec celles du Luxembourg. Dans ce cas, la suite
496
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
l’absence de ce fossile caractéristique n’est suivant toute pro-
babilité qu’un accident tout à fait local, puisque plus loin, près
de Metzert, au nord d’Arlon, comme aussi à Distroff, à l’ouest
de Kédange, le même fossile se retrouve au même niveau géo-
logique.
Nous avons suivi ensuite le chemin de fer pour nous rendre
directement à Hollerich, où les marnes à Gryphites de Strassen
sont recouvertes par une alîuvion ferrifère, puis nous sommes
allés de ce village à Gasperich, sur un plateau voisin qui borde
la rive droite de la Pétrusse.
Nous avons perdu alors les marnes à Gryphites dont l’épais-
seur s’élève rarement au delà de 4 à 5 mètres, et auxquelles
succèdent d’autres marnes de couleur grise ou gris bleuâtre
avec Bélemnites, au milieu desquelles se trouvent des bancs
de grès calcaire à grains fins et serrés, d’un brun jaunâtre et
très-dur, employé à l’entretien des routes. Le village de Gas-
perich est bâti sur ce grès qui est caractérisé par divers fossiles
parmi lesquels je citerai des Bélemnites, un Peigne lisse, le
Plagiostoma striatum et la Gryphœa cymbium (variété bom-
bée), signalés aussi dans le calcaire sableux moyen des Arden-
nes. Plus haut, on voit les marnes à ovoïdes (marnes moyennes)
qui ont été anciennement exploitées pour la faïencerie de Sep t-
des strates entre les points extrêmes de l’est et de l’ouest pourrait être ex-
primée graphiquement par le diagramme ci-dessous :
o
77777777m///7/////////////7T77M7m
<3
1 Calcaire sableux supérieur. b Marnes (le Strassen.
c Calcaire sableux moyen. 3 Grès de Luxembourg.
2 Calcaire sableux inferieur. a Marnes d’HelsiDgen.
c’est-à-dire que le grès de Luxembourg et le calcaire sableux inférieur des
Ardennes seraient séparés par la marne de Strassen à Gryphées arquées.
Dans le cas contraire, au lieu de voir ces deux étages s’amincir en sens
inverse l’un de l’autre, ce serait la marne de Strassen qui disparaîtrait
aux environs d’Arlon, comme le montre la figure suivante :
NOTE DE M. MEUGY.
497
Fontaines, et qui plongent sous le grès de Dippach, qui n’est
autre que le macigno d’Aubange.
Les marnes qui séparent le calcaire argileux àGryphées ar-
quées et le grès calcaire à Gryphœa cymbium de Strassen
ont une épaisseur très-variable. Ces deux sortes de calcaires se
rapprochent jusqu’à se toucher. Mais il n’en est pas moins
Vrai qu’ils ne se ressemblent en aucune manière, ni minéralogi-
quement, ni au point de vue de leurs faunes, qui sont tout à
fait différentes. Il convient donc de les distinguer et de diviser
les marnes dites de Strassen , en deux parties : l’une inférieure
à Gryphites, l’autre supérieure à Gryphœa cymbium . D’après
M. l’abbé Wies, voici quelles sontles épaisseurs maximum des
divers étages qui se succèdent dans le Luxembourg :
Schiste bitumineux et murne de Grandcour. ..... 110 mètres.
Macigno d’Aubange avac marnes d'un gris terne. 40 à 50 mètres.
Marnes à ovoïdes ferrugineux (marnes moyennes) 80 mètres.
Marnes et calcaires de Strassen, (partie supérieure
à Gryphœa cymbium) 10 à 15 mètres.
Marnes et calcaires de Strassen, (partie inférieure à
Gryphées arquées) 5 à 10 mètres.
Grès de Luxembourg. , loo mètres.
Marnes inférieures du lias 10àl5 mètres.
C’est ici le lieu de présenter quelques observations sur les
teintes qui figurent sur la carte géologique de la Belgique. Les
terrains compris entre le grès de Luxembourg et la marne de
Grandcour inclusivement sont désignés par deux couleurs,
l’une qui se rapporte à la fois aux sables et aux grès de Luxem-
bourg, et aux calcaires et marnes de Strassen, l’autre au
schiste et au macigno d’Aubange. Or, cette dernière s’applique
à deux étages qui, dans les Ardennes et la Meuse, ont été sépa-
rés sous les noms de marne moyenne et de calcaire ferrugineux.
Il est bon d’appeler l’attention à ce sujet, parce qu’on pourrait
être induit en erreur, comme j’ai failli l’être moi-même, par
certaines publications de M. Dumont antérieures à 1852, où
les marnes de Strassen sont assimilées aux marnes moyennes
des Ardennes. Ainsi, par exemple, on peut s’assurer en lisant
un Rapport du savant auteur de la carte de la Belgique sur un
mémoire de MM. Dewalque et Chapuis, relatif à la province
de Luxembourg (page 9), qu’il considérait alors les marnes
moyennes et les marnes de Strassen comme formant un seul
et même étage. D’après les termes mêmes de ce Rapport, on
Soc. géol ., 2e série, tome XXVI. g 2
498
SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
pourrait donc croire que les marnes moyennes du département
des Ardennes sont comprises dans la teinte affectée au grès de
Luxembourg, tandis qu’elles sont réellement englobées dans
celle qui, sur la légende, se trouve en regard du titre : schiste
et macigno d’Aubancje. Ces marnes moyennes sont, du reste,
connues en Belgique sous le nom de schiste d' Ethe (1) que leur
a donné postérieurement M. d’Omalius, et forment une bor-
dure continue autour du macigno, sur le territoire belge et
dans la province de Luxembourg. ...
Quant à la teinte qui, sur la carte de la Belgique, indique en
môme temps le grès de Luxembourg elles marnes de Strassen,
elle peut être elle-même subdivisée en trois autres : 1 une ap-
plicable au grès de Luxembourg proprement dit, la seconde
aux marnes et calcaires de Strassen dont M. Dewalque a fait
connaître les limites (2), et la troisième aux sables et grès
d’Arlon et Virton. M. Dewalque a suivi l’affleurement des
marnes de Strassen, de Steinfort et de Sterpenich, sur les con-
tins de la Belgique et du Luxembourg, à Waltzing, Frassem, la
Bellevue, Viville* la papeterie sousHeinsch, en tournant autour
d’Arlon; puis ces marnes paraissent se perdre dans les bois de
Stokem. Elles sont donc évidemment recouvertes par les sa-
bles et grès d’Arlon et par conséquent antérieures à ces der-
niers. On peut ajouter que l’affleurement des mêmes marnes
s’épanouit, entre Autel et Arlon, jusqu’aux environs de Wolk-
D’un autre côté, le même géologue, en partant de la frontière
française, fait passer la limite nord de ces mêmes grès et sables,
dont il fait un étage particulier sous le nom de grès de. Virton,
près de Limes, Géronville, Meix, d’où cette limite continuerait
à se diriger à l’est au milieu des bois, en passant au nord
d’Ètbe, de Saint-Léger et de Châtillon.
Je ferai remarquer à ce sujet que l’étage du grès de Virton de
M. Dewalque se trouve dans le prolongement du calcaire sa-
bleux supérieur des Ardennes et de laMeuse, qui affleure entre
Carignan et Virton, notamment à Sapogne, Herbeuval etBreux,
comme nous l’avons déjà dit. De sorte que la limite nord de ce
grès serait en même temps la limite méridionale de la bande
de calcaire sableux moyen qui, partant de Saint-Laurent, près
Mézières, passe au sud de Sedan et s’étend entre Pouru-Saint-
(1) Village à 4 kilom. au nord-est de Virton.
(2) Mémoire déjà cité, page 245.
1 CW
NOTE DE M. MEUGY.
499
Remy, Messincourt, Mathon, le Tremblois, an nord ,et Carignan,
Auflance et Margny, au sud. Cette bande, dont la largeur est
d’environ 5 kilomètres, pénètre en Belgique au-dessus de Vil-
lers, devant Grval, et traverse la grande forêt de Merlanvaux.
La difficulté que présente la circulation dans cette contrée
toute couverte de bois est certainement la principale cause qui
a empêché jusqu’ici de suivre la lisière septentrionale de ladite
bande sur le territoire belge. Néanmoins il ne paraîtra pas
trop hardi de supposer que cette ligne, qui dessine en même
temps la limite sud du calcaire sableux inférieur ou du grès de
Luxembourg, va se souder dans les bois de Stokem à celle qui
représente la même limite autour d’Àrlon, laquelle est nette-
ment indiquée de ce côté par les marnes et calcaires de Stras-
sen qui semblent manquer à l’ouest.
Rappelons ici la constitution de l’étage connu dans les Ar-
dennes sous le nom de calcaire sableux moyen. Je crois que la
description qu’en donne M. Sauvage n’a pas été interprétée
d’une manière complètement exacte. Cet étage commence par
les couches calcaires et sableuses de Saint-Laurent et se ter-
mine par des calcaires alternant avec des couches de marne
grise et noire, qu’on peut observer à Prix et à Villette sur les
bords de la Meuse. Ce système plonge sous le calcaire sableux
supérieur des environs de Carignan, qui n’est autre chose que
le prolongement en France des sables et grès d’Arlon et de
Virton. C’est, comme on le voit, la partie la plus marneuse du
calcaire sableux. Les calcaires y sont argileux et donnent de la
chaux plus ou moins hydraulique, et, vers le haut, les couches
de sable font place à des couches de marne. Le calcaire sableux
moyen paraît donc tenir la place des marnes et des calcaires de
Strassen.
Si nous consultons les faunes fossilifères de chaque étage
dans les deux pays, nous reconnaissons dans le calcaire sableux
supérieur des Ardennes, comme dans les sables et grès d’Arlon
et de Virton, la Gryphœa cymbium (variété aplatie); et dans le
calcaire sableux moyen, comme dans la partie supérieure des
calcaires de Strassen, la Gryphœa cymbium (variété bombée).
Mais nous ne voyons rien au-dessus du calcaire sableux infé-
rieur des Ardennes qui puisse être comparé à la partie infé-
rieure de la formation de Strassen. Il n’y a entre les premiers
sédiments de cette formation et le calcaire sableux moyen
rien d’analogue, et nous sommes porté à en conclure que les
marnes et calcaires à Gryphées arquées de Strassen, qui repo-
500 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
sent directement sur le grès de Luxembourg, se peident à
l’ouest et n’existent pas dans les Ardennes Nous sommes donc
sur ce point parfaitement d’accord avec M. _ Dewa que. Mc ,
d’un autre côté, la grande similitude qui existe entre les > cou-
' ches supérieures du calcaire sableux moyen et ie^s caicaires
supérieurs de la formation de Strassen nous porte à les placei
sur le même horizon. . . . .
Les faits les plus importants qu’on puisse constater dans le
Luxembourg sont en résumé :
1» La superposition aux marnes à Gryphées arquees de
Strassen d’autres marnes à Bélemnites, avec bancs de ca caire
brun gréseux à Gryphœa cymbium.
2° La disparition à l’est des puissants dépôts sableux d Ailo
et de Virton qui font suite au calcaire sableux supérieur des
On peut acquérir une conviction entière à cet égard en sui-
vant la route de Luxembourg à Dippach jusqu’à moins de
3 kilomètres de la ville, comme nous l’avons fait. Car on verra
les marnes moyennes succéder immédiatement aux couches a
Bélemnites et à Gryphœa cymbium qui, elles-mêmes, reposent
sur les marnes à Gryphées arquées, superposées au grès de
Luxembourg.
Départements de l'est. — Il nous sera maintenant facile, en
nous basant sur ces premiers résultats, de raccorder les cou-
ches basiques du nord avec celles de l’est.
En effet, si nous suivons la description qu’en a faite
M. Levallois pour le département de la Meurthe, nous remar-
quons d’abord, au-dessus des calcaires à Gryphées arquées,
une première division dite des marnes inférieures , laquelle se
compose de marnes ordinairement peu épaisses, à Ilippopodium
ponderosum , auxquelles fait suite un système de bancs calcai-
res et marneux, particulièrement abondants en Gryphœa cym-
bium, et dont les plus élevés sont exploités près de Nancy pour
l’entretien des routes (Essex,Tomblaines, etc.). J’ai eu occasion
d’observer ces roches, qui sont souvent cristallines et qui 11e
diffèrent des bancs à Gryphœa cymbium des environs de Luxem-
bourg qu’en ce que la matière calcaire y est notablement plus
abondante que dans ces derniers. Ce sont ces calcaires que
M. Levallois a cru pouvoir appeler ocreux en raison de leur
teinte jaunâtre, qui résulte de la décomposition des pyrites dont
ils sont imprégnés. Ces bancs offrent d’ailleurs une assez
grande régularité. Car ce sont les mêmes calcaires qui ont reçu
NOTE DE M. MEUGY.
501
de M. Simon, dans la Moselle, le nom de calcaires à Bélemnites ,
et M. Levalloisles a suivis jusqu’à Bouzanville, aux confins des
Vosges.
J’ai aussi constaté leur présence à Ghaudenay, dans la
Haute-Marne, à peu de distance de Chalindrey, sur la ligne de
Paris à Mulhouse. Les bancs calcaires ont en ce point de
0m,30 à 0m,80 d’épaisseur; ils sont séparés par de petits lits de
marne jaunâtre et contiennent beaucoup de Bélemnites, de
Gryphœa cymbium (forme bombée), d’ Ammonites, de Peignes,
de Térébratules, etc. Ce système, dont la puissance ne dépasse
pas d’ailleurs 3 à 4 mètres, repose sur des marnes d’une
épaisseur à peu près égale qui le séparent du calcaire à Gry-
phées arquées. L’ensemble de ces couches s’observe très-bien
dans les carrières ouvertes entre la grande route et le village de
Ghaudenay. Elles sont, comme je viens de le faire remarquer,
très-rapprochées l’une de l’autre et comprises sous la notation
j 4 (lias bleu) sur la carte géologique de la Haute-Marne. Les
couches supérieures se distinguent par leur épaisseur de celles
inférieures à Gryphées arquées, qui sont ordinairement très-
minces.
Au-dessus de son calcaire ocreux, M. Levallois fait sous le
titre de marnes moyennes une deuxième division qui comprend :
Des marnes bleues, avec ovoïdes de fer carbonaté argileux,
renfermant entre autres fossiles le Pecten œquimlms et une
Gryphœa cymbium très-dilatée;
Puis un grès calcaire, qu’il appelle médio-liasique , abondant
en fossiles, parmi lesquels se trouve V Articula inœquivalvis ,
Y Ammonites spinatus , la Terebratula triplicata , la Plicatula
spinosa;
Et enfin, un système de marnes schisteuses ou schisto-bitu-
mineuses, avec Posidonies et Inocérames, dans lesquelles on
a aussi trouvé des débris d’Ichthyosaures.
Les marnes qui forment la partie inférieure de cette division
correspondent évidemment aux marnes feuilletées de la Mo-
selle et aux marnes moyennes des Ardennes. Elles sont en effet
au même niveau géologique; seulement leur couleur est,
comme on le voit, un caractère assez fugitif, puisqu’elles sont
tantôt grises, comme dans les Ardennes et la Meuse, et tantôt
bleuâtres, ou gris bleuâtre, comme dans les départements de
l’est.
G’est sur les mêmes marnes qu’est bâti le village de Châte-
nois, près Neufchâteau (Vosges). Elles ont là 30 mètres au
502 SÉANCE DE 15 FÉVRIER 1869.
moins de puissance, et on y trouve des Bélemnites en giand
nombre.
Ce sont encore les mêmes marnes feuilletées et bleuâtres
qui affleurent au-dessous de la Griffonnotte, à 4 kilomètres de
Langres, sur la grande route de Mulhouse, et que traverse le
tunnel du chemin de fer, entre Chalindrey et Chaudenay.
Le grès médio-liasique, que M. Levallois a signale dans la
Meurthe, notamment près d’Agincourt, se prolonge aussi plus
loin au sud. Les échantillons que j’ai recueillis près de Nancy,
à l’ancienne poudrière transformée en fabrique d’huile, con-
sistent en un grès à grains fins, micacé, de couleur gris
bleuâtre ou gris jaunâtre, qui fait effervescence avec les aci-
des. C’est exactement la môme roche qui surmonte les marnes
bleuâtres de Châtenois et que M. Élie de Beaumont a désignée
sous le nom de calcaire sableux. Elle alterne avec de petits lits
de marne, et certains bancs sont remplis de fossiles, parmi
lesquels domine la Plicatula spinosa. Cet étage n’a dans cette
localité que 15 mètres environ d’épaisseur. Mais il prend
beaucoup plus d’importance dans la Haute-Marne, où il porte
sur la carte géologique de ce département la désignation de
marnes avec calcaire noduleux. C’est , en effet , un système
principalement composé de marnes souvent ferrugineuses, qui
renferment plusieurs bancs de grès calcaire jaunâtre et qui
impriment un cachet particulier à tout le plateau situé à l’est
de Langres. Les terres de ce plateau paraissent, en effet, très-
humides, ce qui tient au peu de perméabilité du sous-sol. Une
tranchée du chemin de fer, près de la gare de Langres,
présente une belle coupe de ce terrain. On voit au pied de la
tranchée les marnes bleues à ovoïdes, recouvertes par un sys-
tème marneux gris, traversé par plusieurs cordons de grès de
peu d’épaisseur. En cet endroit les marnes dominent ; mais au
nord-ouest de Langres, le long de la vallée de la Marne, les
bancs solides prennent plus de puissance, et on les voit dans
toutes les tranchées du chemin de fer jusqu’à Rolampont,
quelquefois presque en contact l’un avec l’autre, ou séparés
par des intervalles marneux peu épais. Tout ce système super-
posé aux marnes moyennes est l’exact équivalent du macigno
d’Aubange et du calcaire ferrugineux des Ardennes. Il pré-
sente même aux environs de Langres un développement com-
parable à celui qu’on lui a reconnu dans la province de
Luxembourg et dans la Belgique. Car je ne crois pas exagérer
en attribuant à cette latitude une puissance d’au moins 40 m.
NOTE DE M. MEUGY.
503
Les marnes schisto-bitumineuses noirâtres qui constituent la
partie supérieure des marnes moyennes de M. Levallois se
trouvent sur un horizon bien nettement déterminé. Je les ai
observées près de Nancy, au-dessus du grès médio-liasique de
la poudrière et à l’estacade de déchargement de la mine des
Prussiens à Maxeville. Je les ai observées aussi au-dessus du
calcaire sableux de Ghâtenois qui n’est autre, comme nous ve-
nons de le dire, que le grès médio-liasique. Ce sont des marnes
grises compactes, vers la base desquelles on remarque des
calcaires bleuâtres, argilo-ferrugineux, sous forme de très-
gros nodules, ou en bancs réguliers très-schisteux, se divisant
en minces feuillets qui portent des empreintes nombreuses de
Posidonies. Ces bancs se trouvaient bien à découvert dans le
fossé qui borde la route, au point où celle-ci forme un coude
prononcé pour descendre à Châtenois. Les mêmes marnes gri-
ses affleurent sur toute la rampe comprise entre la route et le
plateau supérieur. Vers le haut de l’étage elles se chargent de
carbonate de chaux en même temps que d’hydroxyde de fer, et
renferment même des veines d’un véritable minerai. J’y ai
trouvé aussi des plaquettes de fer carbonaté argileux. Cette
couche, à la fois calcaire et ferrugineuse, a quelquefois l’appa-
rence d’une lumachelle grossière. Elle est particulièrement
très-abondante en Bélemnites. Des marnes grises la séparent
. du calcaire à Entroques qui couronne le plateau. Mais je
m’empresse de déclarer que je n’ai rien vu là qui pût rappeler
la minette de Longwy. Cette couche, ou plutôt cette succession
de veines ou de petits lits ferrugineux subordonnés aux mar-
nes, n’a que 2 ou 3 mètres d’épaisseur au plus, et ne paraît pas
s’étendre au loin bien régulièrement. Je ne l’ai pas remarquée
dans la côte de Langres, où les marnes à Posidonies atteignent
cependant comme près de Châtenois une puissance assez con-
sidérable qui n’est pas moindre que 50 mètres. Je serais porté
à y voir quelque chose d’analogue à la couche ferrugineuse,
signalée dans les Ardennes par MM. Sauvage et Buvignier, au
même niveau géologique.
La troisième division de M. Levallois comprend uniquement
les terrains superposés aux marnes à Posidonies, qui sont si
bien caractérisés à Longwy, et dont nous avons plus haut
donné la description. Ces terrains offrent dans la Meurthe la
même succession de couches que dans la Moselle, mais d’une
manière moins complète et moins développée. Ainsi, tandis
que l’ensemble de ces couches atteint à Longwy une puissance
^04 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
de 35 à 40 mètres, l’épaisseur du même terrain n’est plus que de
25 mètres environ sur les bords de la Meurthe. Si Ton se trans-
porte de Nancy à l’Estacade de la mine des Prussiens, près du
fourneau de M. Sépulchre, on observe d’abord, au-dessus des
marnes noirâtres supérieures, des grès argileux et micacés
non effervescents, bleuâtres et jaunâtres (15 mètres), puis des
bancs calcaires plus ou moins imprégnés de grains ferrugineux
(8 à 9 mètres), recouverts par une couche de marne argileuse
de 1 à 2 mètres qui plonge sous le calcaire oolithique. La
rampe du plan incliné automoteur, qui relie les extractions
souterraines du minerai de fer à l’Estacade, est tout entière
dans les grès argileux. Je n’y ai pas vu de sables comme au
pied de la côte de Longwy. Le minerai exploité forme une
couche de lm,60 de puissance presque immédiatement au-
dessus du grès dont il n’est séparé que par un banc de calcaire
rougeâtre de 0m,50 seulement d’épaisseur. Au-dessus de cette
couche s’en trouvent d’autres, moins riches, qui sont analogues
à celles qu’on exploite à Longwy comme castine.
ALiverdun, à 7 kilomètres à l’ouest de Frouard, on voit les
derniers affleurements de l’oolithe ferrugineuse qui s’enfonce
sous les calcaires blancs de la formation oolithique, lesquels
paraissent seuls en bancs multipliés dans les hautes tranchées
du chemin de fer jusqu’à Fontenoy sur Moselle et Gondreville.
Du côté du sud, dans les Vosges et dans la Haute-Marne, je
n’ai rien remarqué entre les marnes supérieures et le calcaire
oolithique qui puisse être considéré comme représentant
l’oolithe ferrugineuse.
Yonne. — * Il nous reste à exposer les résultats de nos observa-
tions dans le département de l’Yonne. La carte géologique de
ce département, exécutée par M. Raulin, indique au-dessus du
calcaire à Gryphées arquées :
1° Des marnes inférieures à Bélemnites ;
2° Un calcaire à Gryphœa cymbium ;
3° Des marnes supérieures à Bélemnites.
Comment ces trois groupes se rattachent-ils aux étages que
nous avons étudiés plus au nord? Ici, nous ne pouvons nous
appuyer sur les caractères de continuité, puisque nous nous
trouvons sur une rive différente de celle que nous avons suivie
jusqu’ici. Cependant, je crois qu’en nous aidant des observa-
tions faites sur les lieux et en les comparant à celles recueillies
sur l’autre rive du bassin, notamment aux environs de Langres,
point le plus rapproché de l’Yonne où se relèvent les couches
NOTE DE M. MEUGY. 505
du lias, il nous sera possible de raccorder d’une manière sa-
tisfaisante les deux affleurements opposés.
Nous sommes parti d’Avallon où l’on voit l’arkose, cette
roche siliceuse d’origine geysérienne, recouvrant le granité
qui se montre partout autour de la ville dans les gorges pro-
fondes où serpente le ruisseau de Cousin. En nous dirigeant
vers Vassy par la grande route, nous sommes passé presque
immédiatement de l’arkose sur le calcaire à Gryphites, dans
lequel ont été ouvertes plusieurs carrières actuellement rem-
blayées. Ce calcaire se trouve lui-même recouvert par des
marnes compactes grises où pullulent les Bélemnites qui font
souvent saillie dans les fossés par suite des petits éboulis qui
s’opèrent autour d’elles. Ces marnes affleurent sur toutes les
éminences qui s’élèvent au-dessus des plaines basses environ-
nantes. On peut distinguer, à la partie inférieure, des bancs
calcaires, caractérisés par le même fossile, qui touchent
presque le calcaire à Gryphées arquées. Ce dernier se montre
à découvert dans une carrière ouverte près d’Étaules, entre ce
village et l’église Saint-Valentin. 11 est employé avec Farkose
pour l’entretien des routes, On y remarque des Gryphites en
grand nombre avec des Ammonites, de petites Térébratules,
des lima, etc.
Les marnes dont nous venons de parler forment la base du
coteau de Vassy et ont au moins 30 mètres de puissance (1).
Elles sont surmontées par des couches de calcaire sableux et
jaunâtre de 0m,60 environ d’épaisseur, alternant avec des mar-
nes ferrugineuses, où l’on observe de nombreuses Gryphées
dites cymbium , très-aplaties, des Bélemnites, des Ammonites
(margaritatus , spinatus ), des Pecten ( œquivalvis , discus) , la
Plicatula spinosa , etc. C’est sur ces bancs calcaires, qui ont
dans leur ensemble une puissance de 10 ou 12 mètres, qu’est
bâti le village de Vassy. Puis viennent des marnes très-schis-
teuses et noirâtres, avec lits subordonnés d’un calcaire argilo-
ferrugineux de couleur gris bleuâtre et à grains fins, exploité
pour la fabrication du ciment (2).
(1) Elles auraient 50 mètres d’épaisseur d’après M. de Bonnard. (Voir
plus loin la coupe générale du lias (n° 3.)
(2) On compte à Vassy huit veines de pierre à ciment qui, suivant leur
épaisseur, sont désignées sous les noms de gros banc, de petits bacns ou
de rayons. Le gros banc, dont la puissance maximum est de 0m,50 à 0m,60,
commence à peu de hauteur au-dessus des calcaires à Gryphées aplaties;
506
SÉANCE DU 15 février 1869.
La pierre à ciment renferme d’après une analyse de M. Du
mas, insérée dans le Bulletin de la Société d encoufctgemcnt .
Carbonate de chaux
Carbonate de magnésie
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Silice
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On voit que cette pierre n’est autre qu’un calcaire argileux,
mêlé intimement de fer carbonaté. Aussi le ciment de assy
prend-il toujours une teinte jaunâtre.
Cet étage marneux renferme plusieurs fossiles, parmi es-
quels on doit surtout signaler : des Ammonites de diverses
espèces ( Charmassei , Requienianus , heterophyllus , serpentinus) ,
des Bélemnites dont la surface est souvent recouverte d une
mince pellicule pyriteuse qui leur donne une apparence aigen-
tée, un gros Nautile, des Posidonies, des vertèbres d Ichthyo-
saure, des troncs d’arbre transformés en jayet.
M. Moreau, professeur à Availon, qui connaît très-bien la
localité, n’a jamais rencontré dans la pierre à ciment le Pecten
œquivalvis qui n’existe qu’avec les Gryphœa cymbium dilatées
dans les calcaires inférieurs à cette formation. D’après le
meme observateur, les marnes qui recouvrent la pierre à ci-
ment se distinguent aussi par une faune particulière com-
prenant entre autres fossiles : Y Ammonites biffons , un petit
Pecten (P. paradoxus) , un polypier presque microscopique
( Fungia mactra ), le Trochus duplicatas. On y a trouvé aussi les
empreintes d’un poisson indéterminé, dont un bel échantillon
figure dans la magnifique collection de M. Cotteau, à Auxerre.
Avant d’exposer les conséquences qui nous paraissent ré-
sulter des faits que nous venons de rapporter, nous résumerons
la coupe générale du terrain basique, donnée par M. de Con-
viennent ensuite, à lm,35 au-dessus du gros banc, deux petits bancs de
0m,12 à 0m,15, puis quatre rayons de 0m,05 à 0m,06. Ces différents lits
sont séparés par des intervalles schisteux de 0m,60 environ d’épaisseur et se
voient bien dans la plupart des excavations voisines de Yassy, notamment
dans une ancienne carrière sise à un demi-kilomètre du village, à gauche
d’un chemin dirigé au nord-est et conduisant de Yassy à la Tour-du-Pré,
qui présente une coupe assez complète sur 5 à 6 mètres de hauteur.
NOTE DE M. MEUGY.
507
nard, autant pour rappeler les divers niveaux des pierres à
ciment que pour embrasser d’un coup d’œil l’ensemble des
couches et saisir plus facilement leurs relations réciproques.
Au-dessous du calcaire à Entroques, M. de Bonnard donne
la série suivante de haut en bas :
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1° Marnes bleu noirâtre ou brunes feuilletées 20,00
Marnes avec calcaire argileux et plâtre ciment 10,50
[Gisement de Vclssij).
Marnes bleu noirâtre feuilletées 3,00
2° Calcaires moduleux, ferrugineux, coquillier, avec marnes
brunes ferrugineuses 10,00
3° Marnes argileuses d’un gris bleuâtre 50,00
4° Calcaire argileux à Bélemnites et à chaux hydraulique al-
ternant avec des marnes 3,50
[Gisement de Venarey , près les Laumes ).
5° Calcaire à Gryphites chargé de pyrites 1,80
Calcaire à chaux grasse ou peu hydraulique 8,00
Calcaire argileux à chaux hydraulique et plâtre ciment. . . . 2,00
6° Lumachelle argileuse (chaux un peu hydraulique) ou sili-
ceuse 1,60
Alternances d’arkose, de grès à grains plus ou moins fins,
de marnes argileuses noires et de calcaire argileux à
chaux hydraulique et plâtre-ciment 14,70
[Gisement de Pouilly),
On peut donc trouver des calcaires à chaux hydraulique ou
à ciment, soit dans l’infra-lias, soit dans le lias proprement dit,
soit dans les marnes supra-liasiques.
Maintenant, nous ferons remarquer que si, comme cela
paraît certain, les Posidonies et les débris d’Ichthyosaures ne
se trouvent à Vassy que dans les couches à ciment, il est im-
possible de ne pas placer les marnes schisteuses noirâtres de
cette localité sur le même horizon que les marnes supérieures
des Ardennes, où l’on se rappelle qu’on trouve des nodules et
même des bancs de calcaire argileux dont la composition
est précisément la même que celle de la pierre à ciment de
Vassy (1).
D’un autre côté, si Pon compare le calcaire sableux jaunâtre,
qui se trouve immédiatement au-dessous de la pierre à ciment,
au calcaire ferrugineux de MM. Sauvage et Buvignier, on re-
(1) Géologie des Ardennes , p. 261,
50S SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869.
connaît dans les deux roches la plus grande analogie au double
point de vue minéralogique et paléontologique. En effet, la
Gryphœa cymbium aplatie, le Pecten œquivalms et la Plicaiula
spinosa, qui sont associés dans le calcaire de Yassy, sont aussi
les fossiles les plus caractéristiques du macigno d’Aubange.
Aussi me paraît-il hors de doute que ces deux systèmes se rac-
cordent souterrainement entre eux.
Ce rapprochement devient encore plus frappant au fur et à
mesure que nous descendons plus bas dans 1 échelle géologi-
que. En effet, que trouvons-nous au-dessous du calcaire ferru-
gineux de Yassy? Un nouvel étage marneux très-épais qui,
d’après l’ordre de superposition bien constate dans lenoid-est
de la France, dans la Belgique et dans le Luxembourg, se
relie naturellement aux marnes moyennes à ovoïdes de ces
contrées.
Si nous descendons encore, nous rencontrons, avant d at-
teindre les Gryphées arquées, un calcaire argileux à Bélemnites
qui parait parfaitement correspondre au calcaire ocreux et à
Gryphœa cymbium de M. Levallois. 11 est vrai que ce banc cal-
caire est moins développé dans l’Yonne que plus au nord. Mais
nous ferons observer que ce même banc n’a guère plus de
puissance dans la Haute-Marne, où nous l’avons étudié, et
nous insisterons surtout sur cette circonstance, que les Bélem-
nites ne deviennent très-nombreuses qu’à partir de ce niveau.
Car on n’en rencontre pour ainsi dire pas ou elles sont relati-
vement très-rares, dans le calcaire à Gryphées arquées. Aussi
est-il présumable que ces calcaires à Bélemnites renferment
aussi la Gryphœa cymbium bombée qui caractérise les mêmes
couches dans les départements de l’Est.
Conclusion. — Il résulte de tout ce qui précède que les lé-
gendes des cartes géologiques des divers pays que je viens de
passer en revue peuvent être mises en parallèle ainsi qu’il
suit :
ARDENNES ET MEUSE. BELGIQUE ET LUXEMBOURG. MOSELLE ET MEURTHE. HAUTE-MARNE. YONNE.
NOTE DE M. MEUGY.
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is cette différence ne m’a pas paru suffisante pour le sépa-
rer de VHol. excisus.
Loc. Aïn Musa (Ammonitide).
En France, VH. excisus se montre à Fouras, àl’île d’Aix (Cha-
rente-Inférieure) et au Mans (Sarthe), dans l’étage cénomanien.
Holectypus Larteti, Cott. [nov. sp.).
NOTE DE M. COTTE AU.
537
Holectypus Larteti, Cotteau ( n . sp.). — Par sa taille, sa
forme générale, sa face supérieure épaisse et renflée, son
péristome étroit et très-enfoncé, cette espèce rappelle, au
premier aspect, YH. turonensis, Desor; elle s’en éloigne d’une
manière positive par ses tubercules moins nombreux et au-
trement disposés, et surtout par son périprocte beaucoup moins
développé. Ce dernier caractère lui donne quelque ressem-
blance avec le Discoidea pentagonalis , mais cette espèce est
moins grande, plus renflée et plus pentagonale, et sa face in-
férieure est plus plane; son périprocte se rapproche beaucoup
plus du péristome que du bord, tandis que c’est le contraire
qui a lieu dans YHol. Larteti.
Loc. du W. Haïdan au W. Mojeb (Ammonitide).
Heterodiadema libycum (Desor), Cotteau. — Cette curieuse
espèce forme le type du genre Heterodiadema, et sera toujours
facilement reconnaissable à l’ensemble de ses caractères, et
surtout à la forme toute particulière de son appareil général,
qui écbancre si profondément l’aire interambulacraire posté-
rieure. Les exemplaires assez nombreux, recueillis par
M. Lartet, ne me laissent ancun doute sur leur identité spéci-
fique; f’un d’eux est remarquable par sa grande taille.
Zoc. W. Mojeb, Àïn Musa (Ammonitide).
h' H. libycum occupe un très-vaste horizon; il est abon-
dant à Batna, à Tébessa, à Bou-Saada, au col de Sfa, en Al-
gérie. M. Dastugue l’a rencontré, aux environs de l’Oasis de
Mograr, Tahtania, sur le bord du Grand Désert; M» Desor le
mentionne en Égypte; je l’ai recueilli moi-môme en France,
près des Martigues (Bouches-du-Rhône), sur les bords de l’é-
tang de Besse, au-dessous de la zone à Caprina adnersa. La dé-
couverte de Y H. libycum, en Syrie, vient accroître encore
l’extension géographique de cette espèce, qui existait à
l’époque cénomanienne en Europe, en Afrique et en Asie.
Cyphosoma Delamarrei, Desbayes? — Je fais suivre cette dé-
termination d’un point de doute, les échantillons que je rap-
porte à cette espèce étant trop mal conservés pour que je
puisse être bien affirmatif ; si, d’un côté, ils se rapprochent du
C . Delamarrei par leurs pores simples près du sommet, par
la grosseur et la disposition de leurs tubercules, je dois recon-
naître qu’ils s’en éloignent un peu par leur forme moins ren-
flée, leur zone porifère moins onduleuse, leurs plaques coro-
nales à sutures moins apparentes, leur appareil apicial
relativement plus développé.
538
SÉANCE DIJ 4er MARS 1869.
Loc. Contre-forts du Jebel Haroun, près de Petra (Idumée).
Le C. Delamarrei, assez commun en Algérie, se rencontre
à Batna, à Tébessa, etc., associé à VHelerodiadema libycum et
parai! caractériser les mêmes couches.
Goniopygns Brossardi, Coquand. — Un seul exemplaire de
cette espèce a été rencontré par M. Lartet. Malgré son mauvais
état de conservation, je n’hésite pas, en raison de sa taille, de
sa forme légèrement pentagonale, de ses aires ambulacraires
étroites et renflées et de son périprocte triangulaire à le réunir
au G. Brossardi , Coquand, que j’ai décrit et figuré pour la
première fois dans la Paléontologie française.
Loc. W. Mojeb.
M. Coquand a rencontré cette espèce au Dj. Madid Sétif,
dans l’étage cénomanien; elle y est rare.
Sur les onze espèces que M. Lartet a recueillies, sept, comme
on vient de le dire, ont déjà été indiquées dans d’autres pays.
Ces espèces, à l’exception peut-être de V Holectxypus seidalis,
dont le gisement, soit en France, soit en Algérie, ne me paraît pas
fixé d’une manière bien positive, caractérisent ces couches in-
termédiaires entre le gault et la craie proprement dite, dési-
gnées pendant longtemps sous le nom de grès verts et auxquel-
les d’Orbigny a donné le nom d’étage cénomanien. La présence
de ces diverses espèces d’échinides dans les couches crétacées
de Syrie fournit un point de repère fort utile, et c’est avec cer-
titude qu’on peut rapporter ces mêmes couches à l’époque cé-
nomanienne.
Séance du 1er mars 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE B1LLY.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres delà Société:
MM.
Poisse, ancien directeur des mines de Carmaux, ingénieur
à Rodez (Aveyron); présenté par MM. Delesse et Alf.
Caïllaux.
Cléradlt (Fernand), ingénieur au corps impérial des
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 539
mines, rue des Écuries-d'Artois, 9, à Paris; présenté par
MM. de Verneuil et Alb. deLapparent.
Douvillé (Henri), ingénieur au corps impérial des mines,
rue d’Assas, 116, à Paris; présenté par MM. de Chancour-
tois et Edm. Fuchs.
Ledoux (Charles), ingénieur au corps impérial des mines,
à Alais (Gard); présenté par MM. de Billy et Edm. Fuchs.
Le Président annonce ensuite trois présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de MM. Delesse et Alb. de Lapparent, Revue de
géologie pour les années 1866 et 1867 ; in 8, 304 p. ; Paris, 1869 ;
chez Dunod.
De la part de MM. Aug. Dollfuset deMont-Serrat, Voyage
géologique dans les Républiques de Guatemala et de Salvador ;
in-4, 535 p., 18 pl.; Paris, 1868; imprimerie Impériale.
De la part de M. Ch. Mayer :
1° Tableau synchronistique des terrains jurassiques ; 1 f. co-
lombier; Zurich, août 1864; chez Oxell, Füssli et Gie.
2° Tableau synchronistique des terrains tertiaires de T Europe ;
1 f. colombier double; Zurich, mars 1865; chez les mêmes
éditeurs.
3° Tableau synchronistique des terrains tertiaires supérieurs ; 1 f.
colombier, 4e édition; Zurich, 1868; chez les mêmes
éditeurs.
4° Protokoll der geologisch-mineralogischen Sektion an der Ver-
sammlung der Schweizerischen Naturforschenden Gesellschaft den
25 August 1868; in-8, 12 p. ; Einsilden; chez C. et N. Ben-
zinger.
De la part de M. A. Bayssellance, Quelques traces glaciaires
dans la vallée d’Ossau ; in-8, 8 p. ; Toulon, nov. 1868.
De la part de M. W. de Haidinger, Zur Erinnerung an Fer-
dinand Fr. v. Thinnfeld ; in-8, 16 p.; Vienne, 1868.
De la part de M. G. H. F. Ulrich, Notes and observations on
the Nuggety Reef, Maldon ; in-8, 9 p., 1 pl. ; Melbourne, ;
chez J. Ferres.
540 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
Le Secrétaire donne communication des décisions sui-
vantes prises par le Conseil dans sa séance du 4 janvier
dernier :
« La Société 1° accorde à chaque membre deux feuilles
« d’impression, au plus, pour chacune de ses communi-
a cations et quatre feuilles pour la totalité de ses commu-
te nications pendant une année;
« 2° Elle prélève sur chaque membre, dont les com-
« munications ne rentreraient pas dans ces limites, une
« indemnité proportionnelle à l’excédant. »
M. Tombeck fait la communication suivante :
J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société, au nom
de M. l’abbé Vallet, quelques fossiles qui ont failli être l’occa-
sion d’une grosse, question dans la science. Ces fossiles (une
Dicérate, une Nérinée, desAstartes, desTrigonies, une Corbis,
des polypiers) ont été recueillis au-dessus du village de Saint-
Claude, près de Chambéry, dans une oolithe blanche, à gros
grains, en tout semblable à l’oolithe corallienne. Ils ont été
examinés par des paléontologistes dont l’autorité fait, d’ordi-
naire, loi dans la science, et ces messieurs n’y ont vu que des
fossiles coralliens.
Et cependant l’oolithe qui les renferme paraît bien évidem-
ment reposer sur plus de 200 mètres de calcaires valanginiens,
et est surmontée par les couches néocomiennes h Ostrea ma-
croptera et à Ostrea Couloni el Toxaster complanatus.
Heureusement, la paléontologie a fini par se mettre d’accord
avec la stratigraphie. M. Munier-Chalmas a, en effet, reconnu
dans la Dicérate de Chambéry un fossile déjà trouvé dans l’é-
tage néocomien ; de mon côté, je n’ai vu dans les polypiers
que j’ai recueillis moi-même, ou qui m’ont été communiqués
par M. l’abbé Vallet, que des genres et même des espèces déjà
recueillis par moi dans les terrains néocomiens des environs
de Vassy. Enfin j’ai trouvé dans ce même gisement un exem-
plaire de la Belemnites pistiiliformis , ce qui tranche la question.
Ces fossiles sont donc bien néocomiens comme le veut leur gi-
sement.
Mais il reste de là cette conclusion : c’est que, quand un
même faciès minéralogique reparaît à des époques différentes,
il ramène, sinon une faune identique, au moins des faunes tel-
NOTE DE M. COQUAND. Ml
lement voisines, qu’il faut quelquefois au géologue une attention
sévère pour ne pas s’y laisser tromper.
M. Tardy, qui a parcouru le bassin du Rhône en novembre
1868, fait une communication qu’il résume ainsi :
Les plaines qui s’étendent de Nîmes au méridien (Est 2° 30°)
sont fortement colmatées; c’est l’ancien estuaire du Rhône. Au
contraire, la craie située à l’est de ce méridien est aride. C’est
un cône de déjection aqueuse, dont la pente est de 3“,25 par
kilomètre, et dont le point d’origine est à 105 mètres d’alti-
tude au col de Lamanon, qui sépare la Crau de la Durance.
Il est donc évident que, dans les grandes crues de la Durance
quaternaire ou antérieure, une partie des eaux passait torren-
tiellement par le col sur la craie et n’y pouvait déposer que des
cailloux et du limon. L’autre partie des eaux (environ les deux
tiers) formait les diverses crues que l’on connaît au nord de la
chaîne des Alpines. Leurs âges, s’ils pouvaient être déterminés,
fixeraient l’époque des différentes érosions du lit du Rhône et
la durée relative de chaque lit.
M. de Mortillet pense que les poudingues diluviens de la
Crau ne sont pas de produit d’une seule crue, mais qu’ils
ont été déposés aux diverses époques de creusement de la
vallée du Rhône.
Après quelques observations de MM. Écl. Lartet et Tardy
sur le débit probable du Rhône à l’époque quaternaire, le
Secrétaire communique la note suivante de M. Coquand :
La Crau , sa composition géologique et son origine ;
par Ma Coquand.
CHAPITRE PREMIER.
Description géologique ,
On sait que, dans le midi de la France, l’expression de crau
sert généralement à désigner une région ou un terrain com-
posé de cailloux. La grande plaine caillouteuse qui s’étend,
comme un Sahara pierreux, entre la chaîne des montagnes des
542
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
Alpines et la Méditerranée, dans le département des Bouches-
du-Rhône et que le chemin de fer traverse dans ses plus grands
axes, est la Grau par excellence à cause de sa vaste étendue,
et, depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, elle a eu
le privilège d’attirer l’attention des esprits observateurs.
500 ans avant Jésus -Christ, Eschyle (1) raconte dans sa tragé-
die de Prométhée, que Jupiter fit pleuvoir l’immense quantité
de cailloux, dont sa surface est recouverte, pour fournir des
armes à Hercule qui avait épuisé ses traits en combattant les
Liguriens.
Vers le milieu du seizième siècle, Soléry, dans sa géogra-
phie manuscrite de la Provence, a, le premier, émis l’idée que
la plaine de la Grau avait été formée par la Durance, qui, au
lieu de suivre son cours actuel, se serait ouvert, à l’époque de
la dispersion de cailloux, un passage à travers la vallée de La-
manon. Le naturaliste Lamanon, par des recherches très-lon-
gues et des observations très-exactes, dit l’auteur de la Statisti-
que des Bouches-du-Rhône, reconnut la vérité de cette asser-
tion; mais le môme auteur se hâte d’ajouter que, sans le
concours de l’élévation de la mer, la Durance n’avait pu former
une plaine de cailloux aussi vaste que la Grau. C’était s’enrôler
en plein, ainsi que nous le démontrerons plus loin, dans la
phalange des fabricateurs des systèmes du monde, en entrant
dans le domaine des hypothèses, sans tenir aucun compte des
faits d’observation et des impossibilités qu’ils dévoilent.
Saussure s’est occupé également de l’origine de la Crau et de
la provenance de ses cailloux. Il combat l’opinion de Lama-
non, mais il lui en substitue une autre bien moins acceptable,
et qui se ressent singulièrement des idées qui gouvernaient, de
son temps, la géologie. Saussure, avant tout, était un liiho-
logue habile. M. le comte de Villeneuve, préfet du département
des Bouches-du-Rhône, en traitant, à son tour, le même sujet
en 1821, est tombé dans des erreurs bien autrement graves que
celles que l’on peut relever dans les écrits des deux naturalis-
tes que nous venons de nommer, sans avoir, comme eux, des
droits à la môme indulgence. Et, chose faite pour étonner,
(1) La pluie d’Eschyle rappelle celle dont parle Josué dans la bataille de
Béthoron. 11 serait curieux de savoir s’il existe une crau dans cette localité.
On serait tenté de le croire, d’après le rapport du P. Berruyer qui l’a dé-
couverte à Azéca, qui se trouve à plusieurs lieues de Béthoron, (Lamanon,
manuscrits).
NOTE DE M. COQUAND.
543
nous voyons les géologues modernes, accepter de confiance,
sans les contrôler, les théories fausses de Lamanon et de la
Statistique.
Placé en présence d’une foule de contradictions impossibles
à concilier, nous avons pris le parti de subordonner au prin-
cipe d’autorité, toujours dangereux dans les sciences d’obser-
vation où les faits sont tout, l’étude des causes qui avaient pu
leur donner naissance, et nous nous sommes livré, sans idées
préconçues, à l’examen géologique de la Grau, convaincu que
c’était le moyen, sinon le plus court, du moins le plus sûr, de
parvenir à dissiper l’obscurité qui enveloppe encore la ques-
tion si controversée et si délicate en même temps de l’origine
de la fameuse plaine.
Pour procéder avec méthode, il devenait indispensable de
dresser l’invenlaire et de bien préciser l’âge, dans la région
qui constitue la Crau, des divers terrains qui contiennent des
cailloux roulés ou des poudingues, et de faire, grâce à cette
ventilation (qu’on veuille bien me passer cette expression em-
pruntée au droit), la part des cailloux qui appartiennent réel-
lement à la Grau, et la part de ceux qui appartiennent à des
formations plus anciennes ou plus modernes, cailloux que
Ton a constamment confondus, en les ramenant à un niveau
unique, et qui, lorsque le moment est arrivé des explications
théoriques, ont fait surgir les hypothèses les plus audacieuses,
et ajoutons, les plus fausses en science. Disons de suite, afin
d’indiquer à l’avance toute la partie de la question, qu'il existe
dans le champ que nous avons à décrire, cinq époques géolo-
giques distinctes qui contiennent des poudingues ou des cail-
loux roulés, comme cela va ressortir clairement de notre
étude.
§ I. Premier niveau de cailloux et de poudingues appartenant à la
formation crétacée.
Le système garumnien de M. Leymerie, introduit depuis peu
d’armées dans le domaine de la science, comprend, comme on
le sait, entre la craie supérieure de Maestriclit et la formation
tertiaire éocène, une série de couches de composition com-
plexe, parmi lesquelles se font remarquer, dans le départe-
ment des Bouches-du-Rhône et dans celui de l’Hérault, des
bancs très-puissants d’argiles d’un rouge amarante très-vif,
admettant, comme roches subordonnées, des brèches et des
544
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
poudingues. Ces argiles rubiennes , pour me servir du nom que
leur a valu leur coloration, sont très-largement développées
dans la vallée de l’Arc, notamment aux environs d’Aix, où elles
contiennent le fameux marbre du Tholonet, constituent les
barres de Rognac et de Vitrolles, à l’est de l’étang de Berre, et
viennent expirer, près de Foz, dans les marais qui séparent le
plateau de la Crau du delta du Rhône.
Lorsque de Martigues on se rend à Foz par la rive droite de
l’étang de Caronte, on coupe une presqu’île qu’occupe presque
en entier la commune de Saint-Mittre jusqu’en face du Mas de
Bourdin, on traverse des argiles rouges fouettées de gris qui
forment la base de l’étage garumnien. A Bourdin même, on
constate l’intercalation de bancs subordonnés de poudingues
d’épaisseur variable, mais très-irréguliers dans leurs allures,
comme le sont généralement toutes les couches produites par
une cause violente. Les cailloux calcaires prédominent, et on
y reconnaît facilement des représentants des formations juras-
siques et crétacées des contrées environnantes. Leur volume,
de petit calibre, si on le considère en bloc, varie depuis la
grosseur d’un œuf de poule jusqu’à celle du poing ; quelques-
uns cependant atteignent les dimensions dune demi -tête
d’homme; mais ils sont très-rares. On y remarque également
des cailloux, de quartzite, blancs dans la cassure, mais à la
surface recouverte d’une patine ocracée ou rougeâtre, des
schistes siliceux (phtanites), rubannés, verdâtres ou jaunâires.
Ces quartzites ne peuvent être distingués de ceux de la Grau,
et ont très-probablement la même origine, ou du moins pro-
viennent de terrains analogues. Nous avons observé aussi quel-
ques cailloux de quartz blanc et de granité, mais dont le feld-
spath passé à l’état de kaolin les convertissait en une roche
pourrie, chez laquelle les caractères primitifs étaient effacés.
On remonte la série géologique à mesure qu’on se rapproche
de la mer, et on peut constater alors que les bancs de poudin-
gues, d’abord subordonnés aux argiles, se les subordonnent à
leur tour et deviennent prédominants. De plus, comme ils
tendent à se désassocier, à cause de l’incohérence qui tenait
unis leurs éléments, ceux-ci se rendent libres, et forment, à
partir de la côte, au-dessous du niveau de laquelle ils plongent,
jusqu’à la base de la mollasse marine sous lesquels ils s’enfon-
cent au nord, une véritable Grau, un campus lapideus que dé-
paissent les troupeaux, mais séparée de la grande Grau qua-
ternaire par toute l’épaisseur de l’étage miocène, et dont il
NOTE DE M. COQUAND.
serait bien difficile de la distinguer, si ce n’est par l’âge, c’est-
à-dire, par un niveau géologique différent.
Sur le plateau qui supporte le Mas de Milan, on peut obser-
ver des bancs très-inclinés de poudingues qui mesurent de 3 à
b mètres, et qui alternent, jusqu’au rivage de la mer, avec des
argiles rouges. Les poudingues horizontaux de la Grau n’attei-
gnent jamais une pareille puissance. Si, à la base de la forma-
tion garumnienne, les cailloux calcaires prédominent, comme
nous l’avons constaté à Bourdin, ce sont les cailloux de quart-
zitequise montrent les plus abondants dans la partie supé-
rieure. Ainsi le quartier connu sous le nom de la Grande-Colle
n’est, à proprement parler, qu’un plateau de cailloux roulés,
élevé de 60 mètres au-dessus de la Méditerranée, et par con-
séquent de 27 mètres au-dessus de la plaine de la Grau, tandis
qu’au-delàdu canal de Bouc à Arles les mêmes cailloux sont
recouverts par les eaux de la mer.
Cette différence d’altitude tient uniquement à la dénivella-
tion des couches du système garumnien, dont l’inclinaisonj
dans le trajet de Martigues à Foz, oscille entre 12 et 45 degrés.
Elle est plus forte toutefois dans les environs de Bourdin qu’à
Milan, où elle atteint son minimum. On comprend de suite
que c’est surtout sur les points où les couches se montrent le
plus aplaties que la désagrégation des poudingues tend à
former des plaines ou des plateaux caillouteux, donc une Grau.
Mais il ne faudrait pas confondre la Grau de la Grande-Colle
avec la Grau proprement dite, ainsi que l’a fait, si mal à pro-
pos, l’auteur de la Statistique.
Il ne faut pas trop s’étonner d’ailleurs du nombre prodigieux
de cailloux roulés dont le sol de la région que nous décrivons
est parsemé, si on veut bien reconnaître avec nous que les pou-
dingues polygéniques s’y montrent, à plusieurs niveaux, au
milieu des argiles garumniennes, et qu’en certains points,
dans la cuvette même du canal de navigation d’Arles à Bouc,
leur épaisseur atteint, si elle ne le dépasse même, le chiffre
respectable de 40 mètres, tandis que les poudingues quater-
naires de la Grau approchent rarement de celui de 4 à 5
mètres.
§ II. — ■ Deuxième niveau de poudingues et de cailloux appartenant
à la formation tertiaire (étage falunien).
• ■ >"■
Gomme l’intervalle qui sépare le plateau caillouteux de Mi-
lan de la plaine de la Crau'est insignifiant, deux kilomètres au
Soc. (jéol.: 2 e série, tome XXVI. 35
546 SÉANCE DU ior MARS 1869.
plus, et qu’après avoir franchi le Pont-du-Roi, on tombe en
plein dans le marais, tout autre observateur qu’un géologue
pourrait être entraîné à confondre ces deux dépôts pour ainsi
dire contigus, de composition presque identique, mais d’âge
différent, et de les rapporter à une même époque. Mais, pour
se prémunir contre une confusion decette nature dans laquelle
sont entrés presque tous les auteurs qui ont écrit sur la Grau,
on a les coteaux qui barrent l’horizon au nord de Milan et
dont la position géologique permet d’établir une séparation
nette et radicale entre les deux formations. Ces coteaux ap-
partiennent en effet à la mollasse miocène, si bien caractérisée
dans toute la Provence littorale, et que l’on voit s’étendre di-
rectement et transgressivement sur les argiles et les poudin-
gues garumniens, qui sont d’origine lacustre, sans qu’il soit
possible d’observer un passage ménagé entre les deux.
Yoici la coupe que nous avons relevée entre les coteaux de
Milan et la mer. Elle porte avec elle son enseignement et peut
se passer de commentaires.
Milan. Canal. Méditerranée.
A. Mollasse coquillière tendre, fournissant des pierres de taille : 25 mètres.
B. Mollasse coquillière avec cailloux de quartzite disséminés : 10 mètres.
C. Banc de cailloux libres ou agglutinés en poudingues avec des valves
à’Ostrea dépareillées et usées : 2m,5Q.
D. Banc à’Ostrea entières avec cailloux de petit calibre disséminés : 2 m.
E. Sable jaune et gravier grossier : 1 mètre. C’est par cette dernière assise
que débute la mollasse. Au-dessous se développe l’éiage garumnien.
F. qui consiste en une soixantaine de mètres de poudingues et d’argiles
rouges alternantes.
NOTE DE M. COQUAND.
547
La discordance de la mollasse par rapport à cette dernière
formation est flagrante, et il devait en être ainsi, puisque, sur
le point que nous décrivons, il manque, entre les deux termes
de la série stratigraphique, toute l’épaisseur de l’étage éocène,
et de plus les gypses d’Aix, ainsi que les calcaires lacustres qui
les surmontent.
Les cailloux provenant de la désagrégation des poudingues
miocènes se mêlent avec ceux de l’étage garumnien et contri-
buent, quoique dans une proportion comparativement assez
faible, à rendre les plateaux de la Grande-Colle plus caillouteux
encore. Toutefois, ce sont les falaises garumniennes de la
pointe de Saint-Gervais qui fournissent à la mer actuelle les
matériaux roulés que l’on remarque dans le cordon littoral du
golfe de Foz et qui les ont fournis à d’autres cordons littoraux
plus anciens, engagés dans l’intérieur des terres, cordons dé-
signés par le mot provençal de couadoulière (amas de cailloux)
et que les archéologues ont considérés, les uns, comme des
chaussées élevées de main d’hommes, destinées à protéger
contre les attaques de la mer le canal de dérivation creusé par
Marius, et les autres comme une grande voie romaine qui au-
rait abouti au marais impraticable de Galéjon, où tout établis-
sement était impossible et de plus sans utilité (1).
(1) Voici en quels termes s’exprime à leur sujet M. Saurel dans sa No-
tice sur les Fossœ Marianœ, 1865, p. 25 ; « C’est évidemment une voie
romaine dont la conservation est telle qu’il n’est guère possible d’élever des
doutes sur son origine. Ce chemin commence aux bords mêmes de l’étang
de Galéjon, côtoie la mer à une distance de 1 kilomètre environ et est éta-
bli dans les marais qui séparent ce même étang de Galéjon de la Pointe de
; Saint-Gervais. Elle a près de 5 kilomètres de longueur, depuis son point de
départ jusqu'aux approches de Foz. Elle est formée par un empierrement
de galets de la mer , mélangés de sable et de terre. » Millin fait également
mention de cette prétendue voie romaine.
M. Des jardins qui a rédigé une étude très-détaillée sur les embouchures
du Rhône (Paris, 1866, p. 38), à l’occasion du creusement actuel du canal
de Saint-Louis à la mer, dit, en parlant des couadoulières : « La levée prise
par M. Saurel pour le chemin de Marius n’est pas unique. Il en existe une
autre plus près de la mer et suivant une direction souvent parallèle à la
première. Leur écartement, dans les points où le parallélisme cesse, varie
de 100 à 500 mètres entre l’étang de Galéjon et Foz. Ces deux levées sont
construites de même avec des pierres apportées de la crau , et leurs inter-
stices sont remplis de terre d’alluvion; celle du sud a 11 kilomètres, à la
base 30 mètres et au sommet 7 mètres. Elle est élevée de 0m?46 au-dessus
548 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
L’existence de bancs puissants de poudingues, à la base de la
mollasse est un fait général dans la Basse-Provence. Aie. d’Or-
bigny (1) mentionne qu’il a eu l’occasion d’observer au Rouet
de Carry, sur la côte opposée à Marseille, que l’étage falunien
a pour base des assises puissantes de poudingues contenant de
nombreux galets de la Durance , semblables à ceux de la Crau.
La mollasse se continue, à partir de Foz, jusqu’au delà de
Salon, où elle s’appuie contre les montagnes néocomiennes,
et elle constitue une série de coteaux bas qui limitent du sud
au nord la plaine de la Crau. Or, comme l’inclinaison des
couches est vers l’ouest, celles-ci ne tardent pas à disparaître
sous le manteau des poudingues delà Grau, comme il est facile
de s’en assurer à la station de Miramas et sur une foule d’autres
points.
Il existe dans les environs immédiats de Foz, et presque en
contact les uns avec les autres, quatre dépôts de cailloux
d’âge tout à fait différent, donnant naissance à deux Craux,
l’une créée surplace aux dépens des poudingues garumniens
et faluniens, l’autre plus moderne et formée de matériaux qui
n’existent pas en place dans la contrée, mais qui ont été trans-
portés de loin par des courants énergiques et dont la direction
et le point de départ sont connus. Quant aux couadoulières ,
leur dépôt est certainement de l’époque contemporaine.
Il était indispensable de bien établir cette distinction, parce
que les faits qui s’y rattachent conduisent à des conséquences
de première importance, de la même manière que ces mêmes
faits mal interprétés par plusieurs observateurs, et notamment
du sol et de lm,26 au-dessus de la basse mer. La couadoulière du nord a
à sa base 41®, 50, au-dessus du sol de lm,88 à 2m,80 et de 2m,31 à 2m,93
au-dessus de la basse mer. Ces deux digues avaient pour but de contenir les
eaux du canal (de Marius). Leur écartement montre qu’il s’agissait d’une
masse d’eau considérable. »
Dire que les prétendues digues sont formées de cailloux de très-petite di-
mension, arrachés par la mer aux falaises garumniennes de Saint-Gervais,
et non point de cailloux delà Grau; qu’ils sont mélangés avec du sable de
rivage et des débris roulés de coquilles marines; ajouter que la mer, quand
les vents du midi soufflent, n’avait besoin que d’une seule vague pour ba-
layer et précipiter dans le canal le frêle édifice destiné à le protéger, c’est
démontrer suffisamment, en négligeant toute autre considération, l’infirmité
des déductions imaginées par les deux savants archéologues dont nous ve-
nons de reproduire l’opinion.
(1) D’Orbigny, Géologie stratigraphiqne , p. 785.
NOTE DE M. COQUAND.
549
par l’auteur de la Statistique , les ont entraînés dans un sys-
tème d’applications erroné de tous points, dans un labyrinthe
sans issue. On va en juger.
En parlant de quelques vallons creusés au milieu des colli-
nes qui courent d’Istres à Foz, il est dit dans cet ouvrage (1),
que les vallons sont bordés de chaque côté par des roches cal-
caires (molîasse| assises en bancs horizontaux sur le poudingue de
la Cran. Il ajoute ensuite : « ce poudingue qui compose le sol
de la Crau est le même que celui de Lamanon, de Sénas et de
Saint-Rémy, et il est incontestable que les galets sont ceux de la
Durance. Le poudingue occupe non-seulement la plaine de la
Crau, mais encore il passe sous les collines d’Istres, du Plan
d’Aren, de Foz, et de toute la presqu’île qui est entre le golfe
de Foz et l’étang de Berre. On voit le poudingue sous le calcaire
qu’on a taillé pour creuser le canal de communication qui va
de l’étang de Berre à celui d’Istres, dans le val d’Antoulen,
dans le canal de Bouc et dans plusieurs autres endroits du
bord de la mer, du côté de l’étang de Caronte. D’autres obser-
vations, faites sur les lieux avec beaucoup de soin, prouvent
que le poudingue est recouvert par les collines riveraines delà
Crau dans toute la circonférence de cette plaine, et qu’il passe
par la vallée de Lamanon, dont il occupe toute la longueur,
dans le bassin de Sénas jusqu’aux bords de la Durance. »
Ainsi le terrain de la Crau, d’après la Statistique , serait l’aîné
de la formation miocène, et son origine remonterait à des
milliers de siècles antérieurs à la période quaternaire; et cette
antériorité lui est déférée, parce que l’on a confondu les cailloux
des alluvions modernes de la Durance avec les cailloux roulés
par lesquels débute la mollasse marine. Or, comme ceux-ci se
retrouvent dans la même position à Lamanon, c’est-à-dire,
sous la mollasse qui constitue le col par lequel on pénètre avec
le plus de facilité de la Crau dans la vallée de la Durance, on
a proclamé, en violant de la manière la plus arbitraire les lois
de la superposition, la contemporanéité de ces cailloux mio-
cènes avec les cailloux de la Crau et la contemporanéité des
uns et des autres avec les cailloux des alluvions modernes de
la Durance. Voilà donc, grâce à cette explication, quatre dé-
pôts de cailloux, appartenait incontestablement à quatre épo-
(1) Statistique du département des Bouches-du-Rhône , par M* de Ville
neuve, t. I, p. 66.
550 SÉANCE DU l*r MARS 1869.
ques différentes et séparés les uns des autres par des intervalles
de temps très-longs, réunis et attribués à une époque unique,
par la raison seule qu’ils contiennent des cailloux que 1 on le- ;
trouve dans le lit actuel de la Durance.
Et c’est à cette erreur inqualifiable qu’est due l’invention
d’une série d’hypothèses gratuites, à l’aide desquelles on vou-
drait établir, que, pendant l’époque diluvienne, la Durance,
après avoir renversé les obstacles que lui opposaient ies mon-
tagnes qui réglaient son cours et qui le règlent encore aujour-
d’hui, avait pu le réfracter à angle droit, en face de Mallemort,
changer brusquement de direction et déserter une plaine
plate, située en contre-bas de la pente naturelle, qui par con-
séquent ne lui offrait aucune résistance, et que les lois de
l’hydrostatique lui faisaient une loi de suivre, pour se creuser
un lit à travers le rempart montagneux de Lamanon et deverser
ainsi dans la plaine de la Grau qui, à cette époque, aurait été
un golfe, la mer de cailloux qui la recouvre. Cette opération
impossible une fois accomplie, la Durance se serait décidée à
reprendre son aimable lit, et à renverser de nouvelles montagnes
pour devenir à nouveau tributaire du Rhône.
Nous aurons à revenir plus tard sur cette fameuse théorie de
Lamanon qui fait encore autorité en science, et qui, en realite,
ne repose sur aucune base sérieuse. Et cependant le Rhône,
dont le volume des eaux est bien plus considérable, qui, au-
jourd’hui môme, dans ses périodes de grandes crues,, vient
inonder la base de la Grau, jusqu’à la hauteur de Mouriès, et
qui, à l’époque des alluvions anciennes, n’avait point encore
creusé son lit aussi profond qu’il l’est en ce moment, ni donné
naissance au delta de la Camargue* aurait abdiqué en faveur
de la Durance, et lui aurait laissé remplir, sur sa rive gauche,
un rôle qui était le sien, dont il ne pouvait s’affranchir et dont
il s’acquittait si merveilleusement, et sur une si grande échelle
sur sa rive droite, en y déposant une Grau languedocienne
équivalente à la Grau provençale.
M. Jacquemin (t) commet la même erreur que la Statistique
en écrivant, qu’en suivant le poudingue de la Grau depuis le
pont de Ghamet (près d’Arles), où il commence à se montrer,
jusqu’au delà de Fontvieille, dans la direction des Baux, on le
voit disparaître d’abord sous les immenses amas de tourbe qui
(1) Jacquemin, Guide duvogageur dans Arles , 1835, p. 65.
NOTE DE M. COQUAND.
mi
comblent les bas-fonds intermédiaires, puis s’enfoncer sous le
calcaire coquillier (mollasse miocène) exploité pour les con-
structions. Plus près du village des Baux* la superposition des
deux roches est encore plus évidente.
La présence des poudingues à la base de la mollasse n’est
point une particularité spéciale à la mollasse des Bouches-du-
Rhône seulement. Elle se manifeste également sur les bords du
Rhône, où elle débute par des sables et des poudingues.
M. Sc. Gras (1) décrit à Barris et à Vacqueyras, dans le départe-
ment de Vaucluse, des poudingues dans cette position qui ac-
quièrent une puissance de 15 à 18 mètres, trois fois au moins
celle des poudingues quaternaires de la Crau.
§ III. — - Troisième niveau de cailloux el de poudingues appartenant
à la formation pliocène.
Depuis longtemps M. Ëlie de Beaumont a appelé, dans un
célèbre mémoire, l’attention des géologues sur la plaine élevée
que le département des Basses-Alpes renferme dans sa partie
méridionale et qui, vers l’ouest, est limitée par une chaîne de
montagnes formées principalement de mollasse. Ce vaste bas-
sin a été rempli par un puissant terrain d’eau douce qui, sur
tous les points où il est en contact avec la mollasse, la recouvre
directement. 11 est essentiellement composé de poudingues,
de cailloux incohérents, de marnes argileuses, grises ou rou-
geâtres, d’argiles sableuses et de grès friables à ciment mar-
neux. L’immense majorité des cailloux dont il est composé
appartient à des calcaires.
M. Sc. Gras (2), qui s’est occupé spécialement de cette forma-
tion, fait remarquer que lorsqu’on compare les poudingues ter-
tiaires aux dépôts quaternaires des bords de la Durance, avec
lesquels ils sont en contact immédiat sur de grandes lon-
gueurs, on est frappé de la différence qui existe entre eux sous
le rapport de la composition. Les dépôts quaternaires ren-
ferment une proportion de roches alpines cristallisées, parmi
lesquelles on en distingue sans peine qui sont propres au dé-
(1) Sc. Gras , Description géologique du département de Vaucluse , 1862,
p. 194.
(2) Sc. Gras, Loco citato} p. 216.
SÉANCE Dü 1er MARS 1869,
parlement des Hautes-Alpes. Dans le poudingue tertiaire, on
n’en trouve pas une seule. Il est clair, par conséquent, que le
terrain s’est formé à une époque où la pente générale du sol
n’était pas la môme que de nos jours. La vallée de la Durance
n’était pas encore recouverte.
Relevé jusqu’à la verticale et souvent même renversé, entre
Yaionne et Digne, le terrain tertiaire supérieur s’incline insen-
siblement vers le sud du département, où il ne conserve plus
qu’une faible pente. Son épaisseur, qui atteint 200 mètres à
Valonne, se réduit à 80 à Gubières, sur la frontière de Vau-
cluse, et à 1 5 à 20 mètres près du pont de Mirabeau M. Sc. Gras
en cite des dépôts, en face des Alpines, entre les torrents de
Laval et de Mardarie, sur le plateau de Cadenet,et à Puyvert,
sur la gauche de la route de Gadenet à Cucuron.
Enfin le dépôt le plus méridional, et par conséquent le plus
rapproché delà mer, constitue le fond de la plaine de la Grau,
ainsi que celle d’Eyragues, et n’a rien de commun avec les
cailloux roulés qui les recouvrent et qui appartiennent à l’épo-
que quaternaire. L’auteur de la Statistique a méconnu son
existence, bien que Saussure (i) eût déjà établi la distinction
de ce poudingue tertiaire d’avec les cailloux superficiels. En
effet, le naturaliste génevois dit que le pont de Crau, près
d’Arles, est dominé par des collines composées de cailloux
roulés, mais de tout autre genre que ceux de la Grau. Ils sont
bien plus petits et puis, calcaires, dans la proportion des neuf-
dixièmes. Effectivement, on n’v remarque aucune des roches
euphotidiques, granitiques ou porphyriques, qui sont propres
aux montagnes des Grandes-Alpes, et qui se montrent dans les
alluvions anciennes et modernes du Rhône et de la Durance.
On y observe cependant des cailloux dequartzite, particularité
qui ne se produit jamais dans les dépôts contemporains des
Basses-Alpes. Nous aurons à expliquer cette différence impor-
tante.
Jacquemin, dont la science archéologique déplore la perte
récente, a donné plus de corps à l’observation de Saussure, en
décrivant la Grau de la manière suivante (2) :
« Nous n’avons pas été longtemps sans nous apercevoir qu’il
suffisait de la plus légère attention pour s’assurer que le pou-
(1) Saussure, Voyage dans les Alpes, 1796.
(2) Jacquemin, Guide du voyageur dans Arles, p. 68.
NOTE DE M. COQUAND.
553
dingue qui forme le terrain le plus ancien de la Crau et les
cailloux détachés de sa surface sont entièrement indépendants
les uns des autres, et qu’ils appartiennent à des époques géo-
gnostiques évidemment distinctes.
« Le poudingue déposé sur une grande étendue en bancs
puissants et presque horizontaux alterne à plusieurs reprises
avec des lits de sable, de gravier et de cailloux non agglutinés.
Il est presque entièrement composé de petits galets calcaiçps,
liés entre eux par une pâte silicéo-calcaire, ayant tous les ca-
ractères du grès-mollasse proprement dit. Dans beaucoup
d’endroits les galets diminuent de volume, deviennent de plus
en plus rares et clair-semés, puis enfin ils disparaissent entiè-
rement, et alors le poudingue se trouve remplacé par du véri-
table grès mollasse.
a Les cailloux détachés de la surface, au contraire, beaucoup
plus gros que ceux qui entrent dans la composition du pou-
dingue, appartiennent spécialement aux terrains Inférieurs
(anciens) et sont presque tous quartzeux, à l’exception du petit
nombre de porphyres, de jades, de granité et devariolites qu’on
y trouve. La présence de celles-ci semble devoir ne laisser
aucun doute sur l’origine de ces cailloux, dont les analogues se
trouvent encore aujourd’hui dans le lit de la Durance. Il est
évident qu’ils ont été amenés là par cette rivière dans un
temps où 1 e. volume de ses eaux beaucoup plus considérable se pré-
cipitait dans un lit dont la place variait selon les accidents, et
où elle se jetait à la mer par une embouchure distincte de
celle du Rhône. Selon nous, la différence qui existe entre le
poudingue de la Grau et les cailloux détachés de sa superficie
est telle que le poudingue s’est formé sous les eaux de la mer,
à une époque où la série des terrains qui composent l’écorce du
globe n’était pas achevée, tandis que les cailloux de la surface,
au contraire, ont été amenés là où ils sont aujourd’hui, dans
un temps où il ne se formait plus de terrains proprement dits.
Ils pourraient être classés dans les terrains de transport anté-
historiques les plus modernes et rapportés à l’époque des cail-
loux de la vallée du Rhône, »
En rapportant le poudingue calcaire de la Crau au terrain de
mollasse, Jacquemin a reproduit l’erreur déjà commise par la
Statistique , et en faisant provenir les cailloux quaternaires de
la Durance, il a répété l’opinion de Lamanon.
Les poudingues tertiaires alternent avec des argiles rouges,
des grès sableux, comme on peut s’en assurer dans la tranchée
WÜIJ
oo4
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
du chemin de fer qui entame le plateau de la Grau, au pont de
Chamet, près Arles, dans la commune de Mouriès et entre la
Teulière et Barbegal, sur les falaises méridionales de l’étang
du Comte.
Il n’est pas facile, dans une contrée aussi peu accidentée que
celle dont nous nous occupons, de vérifier, d’après des coupes
naturelles, l’épaisseur et la constitution géologique des pou-
din^ues. On peut réclamer cependant des renseignements pré-
cis à quelques points exceptionnels ainsi qu’à des sondages de
puits.
La statistique nous vient en aide à ce sujet, car elle donne
le résultat de cinq sondages de puits : le premier, à L extrémité
nord de la Crau, à une lieue de Salon; le deuxième, à deux
lieues de cette ville, en pleine Crau; le troisième, à Entressen ;
le quatrième, à Saint-Martin de Grau, et le cinquième, près de
l’étang de Dézaumes (1).
1
2
3
J 4
5
1° Terre végétale ronge mêlée de galets
2° Sistre on poudingue
0,50
0 60
0,50
1 00
0,30
K OO
0,20
/, Kf\
0,50
3° Gravier mêlé de galets
2,50
0,05
0,05
»
n 9n
‘2 K Ci
q n n
UvJ
4e Grès calcaire compacte coquillier
0,10
0,10
0,15
3,00
0,30
0 50
5 50
0,50
0,20
O j O U
9 4.0
u j DU
0,90
o Qn
b” Lit de sable avec grains de quartz. . .
0,30
0,80
c ne
6° Terre argileuse brune avec galets. . . .
u, o u
0,25
1,50
1.00
0,10
7* Banc de sistre (poudino-nei. . .
8° Lit de sable mêlé de gravier et de galets. . . .
9 Calcaire horizontal coquillier. .........
J>
J)
O
* « ao
•N
O
0,05
1,00
1 .
3,70
2,55
co
V*
œ
o
18,75
7,05
On voit, d après ces indications, qu’un grès coquillier marin
(n 4) se trouve à une très-faible profondeur au-dessous des
assises qui le recouvrent et dont l’épaisseur est de huit mètres
au maximum. Nous ferons remarquer, en outre, l’alternance
qui existe entre les roches d’origine marine et d’autres pou-
dmgues qui, évidemment, ne peuvent plus être ceux de l’épo-
que diluvienne. L’enseignement que nous fournissent les son-
dages précités amène à la conclusion suivante : c’est que la
Ciaua pour base un poudingue, des sables et un calcaire d’ori-
gine marine. Cherchons, en dehors des puits, au fond desquels
(t) Statistique des Houches-du-Rhône , t. I, p. 411,
RÉPONSE DE M. MEÜGY.
555
on pourrait supposer que la vérité géologique ne se trouve
pas toujours, d’autres instruments de contrôle moins contes-
tables, d’autres éléments de conviction.
Le poudingue calcaire de la Crau est bien l’équivalent de
celui des Basses-Alpes que nous savons être supérieur à la
mollasse miocène. Mais il ne faudrait pas inférer de cette équi-
valence qu’il a succédé immédiatement à ce dernier terrain, ou
qu’à lui seul il représente l’étage pliocène complet. Bans les
départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, il existe,
entre la mollasse et les poudingues calcaires qui forment la
base de la Grau, un système marin, de composition niarno-
sableuse, correspondant exactement aux marnes bleues suba-
pennines, que nous avons retrouvées dans l’arrondissement
d’Uzès, notamment dans la commune de Vénéjean, sur la rive
droite du Rhône, où les argiles alimentent plusieurs brique-
teries. ,
M. Sc. Gras a décrit, à son tour, dans la commune de Bollène
(Vaucluse) (1), un dépôt vraiment remarquable par le nombre
prodigieux de fossiles subapennins, dont sont remplies les
argiles bleues qui le composent. Ces argiles supportent des
sables quartzeux avec cailloux roulés de même nature que ceux
qui existent dans la Grau, et dont les sondages des puits nous
ont révélé l’existence. Citer, parmi ces fossiles, les Turriteila
Brocchii , Turbo rugosus , Nassa semistriata , Area diluvii , Ostrea
undata , Ceratotrochus duodecimcostatus, c’est affirmer que les
marnes appartiennent bien certainement à l’étage pliocène.
C’est dans la même position et avec les mêmes fossiles que
se montrent les gisements de Visan, de Valréas et de Ceiranne.
Les marnes subapennines franchissent la Durance, et nous
les avons découvertes sur plusieurs points du département des
Bouches-du-Rhône, notamment dans les territoires de Saint-
Remy, d’Eyragues, de Lagoy, de Noves, sur le revers septen-
trional des Alpines, et ce qui a une importance capitale, à la
base même de la Grande^Crau, dont les communes de Mouriès
et d’Arles, entre la Teulière et Barbegal. C’est le terrain que
M. Matheron (2) désigne par le nom de tertiaire supérieur
marin, et dont il fixe très-exactement la position entre la mol-
(1) Gras, Loco cit.ato, p.197.
(2) Matheron, Catalogue des corps organisés fossiles des Bouches-du-
Rhône } 1842, p. 90.
55(3 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
lasse miocène et une couche de poudingue en tout semblable
à celui de Grau.
Examinons avec toute l’attention qu’il réclame ce nouveau
terme de la série géologique. La Petite-Crau, dite de Saint-
Remy, forme, au-dessus des alluvions modernes delà Durance,
une île allongée du sud au noid, dont les talus, occupés par
des roches sableuses et argileuses, sont couronnés par un en-
tablement de poudingues diluviens. Au midi d’Eyragues, une
grande croix a été plantée snr une espèce de promontoire.
Quand, de ce point, on descend vers le village par le quartier
des Sablières, on remarque au-dessous du poudingue quater-
naire des marnes bleues micacées avec coquilles subapen-
nines et dents de squale, auxquelles succèdent des bancs de
grès quartzeux, tendres, verdâtres, passant à un sable friable
et contenant la Turritella Brocchii , VOstrea undatay des Pecten
et de nombreux bryozoaires. Ce système marin incline vers le
sud, et il est facile de s’assurer qu’il avait été exposé à des
ravinements profonds avant d’avoir été recouvert par le pou-
dingue diluvien, car celui-ci s’est modelé dans toutes les dé-
pressions préexistantes qu’il a nivelées, et il se montre con-
stamment en discordance de stratification avec le premier; ils
sont effectivement séparés l’un de l’autre par la révolution
connue sous le nom de soulèvement des Alpes principales.
Lorsque le poudingue est en contact immédiat avec des
grès, le ciment qui unit les cailloux est sableux. Sur la route
môme d’Eyragues à Saint-Remy, on aperçoit dans les fossés
les sables inférieurs avec lentilles de grès subordonnées. Deux
kilomètres avant d’arriver à l’antiqne cité grecque de Glanum,
on constate, au-dessus des sables, un dépôt puissant d’argiles
bleues que l’on exploite pour le service de plusieurs tuileries,
et, au point même où la grande carraire de Noves abandonne
la Petite-Crau, on observe très-clairement les poudingues
quaternaires P, qui peuvent avoir de lm,50 à 2 mètres d’é-
paisseur, recouvrir transgressivement les marnes subapennines
NOTE DE M. COQUAND.
557
A, sans qu’il soit possible de remarquer aucun passage miné-
ralogique des uns aux autres ; d’où la conséquence nécessaire
que le poudingue superficiel est réellement de date très-ré-
cente et ne saurait être rattaché , à aucun titre , à un des
termes de la série tertiaire, même le moins ancien.
Les exploitations ouvertes dans les marnes ont permis,
comme on le voit, de relever exactement leur position par rap-
port aux grès qui les supportent et par rapport aux poudingues
qui les recouvrent. Mais les dénudations qui ont affecté l’étage
subapennin, après leur redressement, ont eu pour résultat
de déraser les bancs les plus supérieurs, de sorte qu’il est
difficile de voir le couronnement par lequel se terminait l’édi-
fice. Cependant, le Mas de Viré, situé en pleine petite Crau,
à 1,500 mètres environ au nord de Saint-Remy, présente à
cet égard une exception dont j’ai fait mon profit. Le cellier
et l’écurie de la ferme ont été creusés dans le cœur même
de la colline à laquelle ils sont adossés, et j’ai pu constater
dans la portion entaillée la succession des couches suivantes :
A. Argiles bleues micacifères (partie supérieure des carrières exploitées à
mi-coteau.
B. Grès micacifère : 0m,50.
G. Banc de poudingue composé de cailloux de quartzite en plus grand
nombre, reliés par un ciment sableux : 0m,7 5.
D. Calcaire coquillier marin : 0m,9 0.
E. Cailloux en partie calcaires et en partie siliceux (quartzites) engagés
dans un sable marin fossilifère : 0m,S5.
F. Poudingue quaternaire de la Crau.
Même inclinaison sur ce point que dans la coupe précédente,
et même discordance du poudingue diluvien et de l’étage suba-
pennin.
Cette nouvelle station démontre que les marnes bleues ne
sont point le dernier terme de l’étage pliocène, puisque nous
les voyons surmontées par des grès, des sables, des poudin-
gues et un calcaire coquillier, lequel rappelle complètement
558
SÉANCE DU 1er MARS 1889.
la panchina classique, qui, en Toscane, couronne les marnes
bleues; or, nous savons déjà que les poudingues à éléments
calcaires sont du pliocèue supérieur dans les Basses-Alpes.
Nous les retrouvons dans une position identique dans les alen-
tours de Saint-Remy, et nous allons les signaler bientôt sous
la plaine de la Grau, où ils supportent également les cailloux
quaternaires.
Si dans les Basses-Alpes le terrain tertiaire supérieur est re-
présenté exclusivement par des dépôts d’eau douce, ainsi que
l’attestent les Limnées et les Planorbes qu’il renferme, il est
évident, d’après les faits déjà exposés, qu’à l’époque où un lac
occupait la partie méridionale de ce département, lac qui se
terminait au grand barrage jurassique de Mirabeau, la mer
tertiaire s’avançait dans le voisinage de ce lac et déposait à
son tour des sables, des grès, des argiles, des poudingues et
des calcaires ; et si les poudingues, qui sont supérieurs aux
marnes bleues, n’ont plus que quelques mètres de puissance,
cette faiblesse relative se trouve compensée par l’épaisseur des
marnes et des grès inférieurs qui sont les équivalents des 200
mètres de poudingues calcaires des Basses-Alpes ; or, ce sont
justement ces grès et ces poudingues qui émergent au Mas de
Viré et que les puits ont atteints dans la grande Grau.
On a constaté, ainsi que cela a déjà été consigné dans cet
écrit, que les poudingues lacustres des Basses-Alpes ne ren-
fermaient aucun représentant des roches des grandes Alpes,
et que celles dont iis étaient composés avaient toutes été em-
pruntées aux formations secondaires de la contrée. La mer
subapennine, dont le domaine était bien plus étendu, emprun-
tait bien aussi aux mêmes montagnes subalpines qu’elle bai-
gnait les matériaux de même nature que ceux que l’on re-
marque dans le dépôt d’eau douce, mais elle recevait en même
temps, d’autres affluents plus éloignés et qui lui arrivaient
du nord, des produits arrachés aux Grandes-Alpes, et c’est là
la raison pour laquelle on voit des cailloux de quartzites mélan-
gés avec des cailloux calcaires.
Il est utile de faire observer qu’il serait tout à fait impossible
de rapporter au terrain de la mollasse les sables, les argiles
les marnes, les calcaires coquilliers et les poudingues que nous
venons de décrire. La mollasse miocène existe au sud de Saint-
Remy, où elle est fortement redressée, et c’est dans son pro-
longement, vers le nord, qu’elle s’enfonce sous la petite Crau,
qu’elle supporte, par conséquent, ainsi que le terrain subapen-
NOTE DE M. COQUAND.
nin intermédiaire. La stratigraphie et la paléontologie sont
donc d’accord pour assigner aux divers termes de la série ter-
tiaire, qui se succèdent dans les régions limitrophes de la Grau
et dans la Grau elle-même, leurs dates véritables et qui sont
bien réellement celles que nous avons formulées dans les pages
précédentes.
Abandonnons, à présent, la vallée de la Durance, et pénétrons
dans celle du Rhône en franchissant la chaîne des Alpines,
et arrivons, par le méridien d’Eyguières, jusqu’au pied des
falaises par lesquelles le plateau de la Grau se termine brus-
quement dans la région basse des marais d’Arles, dont fait
partie l’étang du Comte, au-dessous de la ville déserte des
Baux. On s’affranchit des terrains secondaires à Aureille. La
route d’Âureille à Mouriès est tracée en pleine Grau, que l’on
abandonne à 2 kilomètres avant d’arriver à ce dernier bourg.
Sur ce point elle se rajuste, au moyen d’un lacet, avec la ré-
gion du pays bas ou des marais. Les zigzags du lacet sont tra-
cés en plein dans l’étage subapennin, lequel consiste, comme
à Eyragues, en des argiles bleues et grises, micacifères, en
argiles rougeâtres sableuses, en grès tendres et en bancs de
poudingues subordonnés, à cailloux calcaires et à cailloux de
quartzites, et en couches minces de calcaire coquillier (pan-
china). Les couches pendent sous la Grau, donc vers le sud,
mais avec une inclinaison si faible, qu’on les croirait presque
horizontales, et elles sont recouvertes par les cailloux quater-
naires. On les voit s’appuyer au sud-ouest, sur une diramation
qui les détache des Opics, et les cailloux superficiels de la Grau
recouvrent indifféremment les deux formations, circonstance
qui dévoile clairement leur complète indépendance.
La route de Maussane à Saint-Martin de Crau, après avoir
traversé le marais des Baux, entame près du Mas de la Four-
bine la formation jurassique qui consiste en des calcaires
Tenlière.
i
t
*
e. | E.
560
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
blancs A, avec Diceras Lucii , Terebratula Repeliana , (polypiers),
représentant l’étage kimmeridgien , en dolomies grenues B,
occupant la place du corallien, en calcaires C lithographiques
avec Belemnites hastatus et Ammonites plicatiiis (oxfordien). Ces
diverses assises plongent vers le sud, sous un angle de 65°. Au-
dessus de la Teulière, elles sont recouvertes par un puissant
manteau de brèches calcaires D, inclinées de 45° vers le N. O.
Ces brèches sont les mômes que celles duThoïonet, près d’Aix,
et appartiennent à l’étage garumnien. C’est sur elles que re-
posent les diverses assises de l'étage subapennin qui se mon-
trent à découvert dans les falaises verticales que l’on voit se
développer le long de l’étang du Comte, jusqu'au Mas de l’Is-
lon, et que l’on dirait avoir été créées tout exprès pour les
géologues qui veulent étudier le sous-sol de la Crau. L’histoire
géologique de la fameuse plaine est toute là.
Lorsqu’on a dépassé un vallon creusé au milieu des brèches
garumniennes, on traverse successivement jusqu’à la base du
poudingue quaternaire :
1° Des argiles bleues micacifères et sableuses E, qui ont ali»
menté autrefois une tuilerie, d’où la ferme de la Teulière a tiré
son nom. Elles y sont fossilifères et contiennent, entre autres
fossiles, VOstrca undata : 8 mètres;
2° Des grès sableux F friables, se convertissant en sables
jaunes argileux, en couches bien réglées, et contenant par
places des cailloux d’un petit calibre : 15 mètres;
3° Grès grossier G, gris, friable, avec cailloux de quartzites et
de calcaire : 0m,30 c. ;
4° Argiles rouges H, grumeleuses, avec noyaux de calcaire :
0m,40 c. ;
5° Calcaire travertineux grisâtre et rosé I, grumeleux, avec
valves de Pecten : lm,80 c.
Ce n’est qu’à la crête des escarpements formés par ce cal-
caire, que l’on rencontre le poudingue quaternaire P de la
Crau, qui, là encore, est assis en complète discordance de stra-
tification sur les bancs subapennins, et dont les premières
traînées ont eu pour mission de combler les inégalités et les
poches profondes creusées par les érosions, après le soulève-
ment qui fit émerger les terrains pliocènes, et par conséquent
le plateau de la Crau.
Comme les diverses assises de l’étage subapennin retiennent
des fossiles à tous les niveaux, et que les fossiles sont ces
Ostrea undata 9 Nassa semistriata , etc. , il ne peut] exister aucun
NOTE DE M, CO QUAND. 561
doute sur leur âge. Sur un parcours de plusieurs kilomètres,
on retrouve les sables, les marnes, les argiles rouges ou grises,
les grès, les calcaires coquilliers avec lesquels nous ont fami-
liarisés nos études de la petite Crau de Saint-Remy. Au delà
de l’Islon et jusqu’à Barbegal (1), les falaises cessent et sont
remplacées par des talus à pentes douces qui recouvrent les
cailloux de la Crau et sous lesquels disparaissent les roches
précédentes. Entre l’étang de la Peluque et le pont de Cbamet,
vers lequel les couches inclinent, on trouve les poudingues
calcaires décrits par Saussure et Jacquemin, et par lesquels
semblent se terminer les marnes subapennines. Ce niveau est
représenté entre la Fourbine et la Teulière (p. ), v. ci-dessus
le diagramme, par des sables jaunes K, friables, alternant avec
des poudingues à éléments calcaires. Leur absence au-dessus
des falaises de l’étang du Comte s’explique par l’inclinaison
des couches qui les rejette du côté d’Arles, où naturellement
la base de l’étage n’affleure pas, mais où la partie supérieure
est plus complète.
Le poudingue à cailloux calcaires de la Crau, sur lequel
s’étend le manteau des cailloux diluviens, est donc d 'origine
marine , et de l’époqne subapennine. Ce résultat inattendu, et
dont je suis redevable aux falaises de la Teulière, trouve sa
confirmation dans les sondages des puits que nous avons re-
latés, et, de plus, il concorde avec tous les faits d’observation
qui ont été recueillis dans la petite Crau de Saint-Remy et
dans les départements limitrophes du Gard, de l’Hérault et de
Vaucluse.
Ainsi le terrain tertiaire supérieur, qui est d’origine lacustre
(1) Avant les travaux entrepris en vue du dessèchement des marais
d’Arles, le Rhône formait, entre la Crau et les montagnes de Fontvieille, du
Paradou, de Maussane et de Mouriès, un grand étang dont il ne reste plus
aujourd’hui que celui du Comte. Cet ancien étang n’avait pas moins de
16 kilomètres de long sur 3 de large. Sa surface était donc de 48 kilomètres
carrés. Le mistral y soulevait de véritables tempêtes et poussait les eaux
contre les falaises de la Teulière qui sont opposées à sa direction. En effet,
en suivant le chemin qui conduit de cette ferme à Barbegal, on marche sur
une plage de galets très-petits et très-plats qui ne sont autre chose que des
cailloux de la Crau descendus dans l’étang par éboulement. Lorsque dans
la période des grandes inondations le Rhône emporte ses digues, le ma-
rais actuel des bancs est de nouveau converti en étang jusqu’au dessus d,e
Mouriès.
Soc. géol ., 2e série, tome XXVI.
36
562 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
dans le département des Basses-Alpes, a pour équivalent dans
celui des Bouches-du-Rhône un terrain de même date, mais
déposé au fond des mers. Dès lors la présence de cailloux
calcaires de composition identique au milieu de ces deux dépôts
contemporains n’offre rien qui ne soit très-normal, puisque le
lac tertiaire et la mer tertiaire occupaient des régions contiguës
et puisaient leurs éléments pierreux, en partie du moins, dans
un arsenal commun. La prédominence de l’élément argileux
dans le bassin d’eau douce et la prédominance de l’élément
sableux dans le bassin marin sont encore la conséquence du
régime différent auquel sont assujetties les eaux des lacs et
celles des grandes mers.
Nous ajouterons que, lors de l’exécution dn chemin de fer,
plateau de la Crau fut entamé, au pont du Chamet, par une
profonde tranchée qui mit à nu les poudingues calcaires. On
fit la découverte sur ce point d’ossements de taille gigantesque
qui ont été dispersés. M. Desplaces, ingénieur en chef de la
ligne, m’a assuré que ceux qu’il avait conservés avaient été
reconnus par des savants compétents pour avoir appartenu au
genre Mastodon, Or, la tranchée étant ouverte dans un terrain
d’origine incontestablement subapennine, les Mastodontes qui
ont été signalés à ce niveau sont les M. dissimilis (arvernensis) et
Borsoni, espèces qui existent dans les sables supérieurs de
Montpellier, ainsi que dans l’enceinte même de Lyon, associées
à des cailloux de quartzite et à des coquilles marines [Balanm,
Buccinum Michaudi , Dendvophyllici Coulongeoni , Pcctcn , etc.
Il ne faudrait point supposer d’ailleurs que les terrains dont
nous sommes occupé soient spéciaux aux points seuls que
notre description a touchés. On ne doit point oublier que le
cadre monographique qui compose notre sujet nous interdit
de nous jeter trop en dehors des régions qui ne s’y rattachent
pas d’une manière directe. Mais la nature sait donner a ses
œuvres une plus large extension. Ainsi aux départements pio-
vençaux, déjà cités comme contenant des dépôts subapennins,
il convient d’ajouter ceux des Alpes-Maritimes, du Yar, du
Gard, de l’Béraultet des Pyrénées-Orientales, et probablement
celui du Rhône, dans lesquels nous retrouvons le pliocène
avec son cortège habituel de fossiles, de poudingues et de
sables.
Les poudingues pliocènes sont largement développés et très-
fortement redressés dans la vallée du Loup, entre Antibes et
Villeneuve, ainsi que dans celle du Yar, qu’ils remontent
NOTE DE M. G O QUAND*
563
jusqu’à la hauteur de Carros, en donnant, naissance par leur
désagrégation, à des terrains caillouteux qui, dans le pays, ont
reçu le nom de craux , mais qui sont plus anciens que la crau
d’Arles, si dans celle-ci on ne considère que les cailloux quater-
naires, et contemporains de cette même crau, si on les
compare au poudingue calcaire qui en forme la base. C’est
encore à ce niveau qu’appartient le dépôt des poudingues avec
argiles rouges subordonnées que l’on observe dans la plaine
qui s’étend entre Hyères, la Garde, Solliès, et à laquelle la
commune de la Crau est redevable de son nom. Nous ajoute-
rons que, dans les environs d’Antibes, les marnes bleues infé-
rieures aux poudingues sont remplies de fossiles suba-
pennins.
C’est donc à tort que Lamanon pensait que la crau d’Arles
était un terrain unique dans le monde entier. Si nous ne consi-
dérons que son manteau superficiel de cailloux, nous la voyons
se reproduire sur la rive droite du Rhône, sur la rive langue-
docienne, remonter le fleuve jusqu’au-dessus de Lyon, s’intro-
duire très-avant dans les vallées de la Durance, du Drac, de
l’Isère. Si nous l’examinons au point de vue de son sous-sol,
nous retrouvons ses équivalents dans le poudingue calcaire des
Basses-Alpes, dans ceux de la Crau (Var) et des vallées du
Loup et du Var. Enfin, au point de vue paléontologique, elle
correspond aux sables supérieurs de Montpellier et aux marnes
subapennines d’Antibes, de Perpignan, du Gard et de Vau-
cluse.
Nous admettons donc, et notre opinion nous paraît à l’abri
de toute contestation sérieuse, que le poudingue calcaire, sur
lequel sont répandus les cailloux diluviens de la Grande-Crau,
est d’origine marine et constitue la partie la plus supérieure
de l’étage subapennin. Comme les marnes bleues représentent
plus spécialement le pliocène moyen, ou le plaisancien, que
dans les poudingues qui les surmontent et dont fait partie
celui de la Crau on veuille voir le pliocène supérieur, ou le
sous-étage astien, nous n’avons point à contester sur ce point.
C’est là une question de détail tout à fait secondaire, et qui ne
saurait infirmer en rien les conclusions auxquelles les faits
d’observation nous ont conduit*
564
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
IV. — Quatrième niveau de poudingues et de cailloux roulés
appartenant à la période quaternaire ancienne ,
Puisque les cailloux superficiels de la Crau reposent trans-
gressivement sur l’étage pliocène, ils ne sauraient appartenir au
terrain tertiaire. Ils sont donc de l’époque quaternaire et pos-
térieurs par conséquent au dernier soulèvement qui a façonné
nos continents. C'est là un point solidement établi, je pense,
et sur lequel tous les géologues seront d’accord. A la période
de violence qui a amené leur disposition correspondent, comme
dépôts opérés dans des conditions de tranquillité parfaite,
les grands amas travertineux des environs de Marseille, et
dans lesquels ont été découvertes des dents du Mammouth
de Sibérie (Elephas primigmius).
Les cailloux superficiels de la Crau sont libres ou bien
agglutinés sous forme de poudingues, par le secours d’un
ciment silicéo-calcaire emprunté à la mollasse marine ou à
l’étage subapennin sous-jacents. Ils sont presque tous de
nature siliceuse. Les quartzites blancs des Alpes en constituent
les neuf dixièmes. Le dernier dixième est constitué par des pro-
togines, des orthophyres, des granités, des roches amphibo-
leuses, des calcaires. On y remarque quelques variolites du
Mont-Genève et quelques spilites à amygdales calcaires du
Drac. Le fameux Campus lapideus n’est donc, à proprement
parler, que la collection géologique de toutes les montagnes de
la partie des Alpes tributaires du Rhône. On a fait la remarque
que les cailloux originaires de la vallée de la Durance sont
d’un volume plus considérable que ceux que contiennent les
alluvions modernes de cette rivière. Il devait en être ainsi,
puisque à l’époque de la fusion des glaciers, à laquelle la Crau
superficielle doit son existence, la Durance avait un cours plus
rapide, et devait transporter des blocs d’un plus fort calibre
que ceux qu’elle peut entraîner aujourd’hui.
Il ne faut point s’attendre à trouver dans les diverses craux
que l’on rencontre dans la vallée de la Durance la même
constitution géologique que dans la grande Crau d’Arles,
puisque, celle-ci ayant été formée par le Rhône, la provenance
des cailloux est toute différente. Ceux qui ont écrit sur
la Crau n’ont jamais donné à cette comparaison l’impor-
NOTE DE M« COQUAND.
565
tance qu’elle réclame et qui devait être cependant le
point de départ de leurs observations. Or, en examinant la
nature des poudingues et des cailloux diluviens qui envahissent
la vallée de la Durance, depuis Sénas jusqu’au-dessus de
Charleval, c’est-à-dire dans la zone à travers laquelle on a
supposé que la rivière avait fait brèche pour faire irruption
dans la Grau, en passant par le vallon de Lamanon, on est
étonné du nombre prodigieux de roches vertes qu’ils contien-
nent; ces roches sont des serpentines, des euphotides et des
variolites provenant du Briançonnais. On peut les y recueillir
par centaines et sans grandes recherches. Or, comme sur
la rive gauche les alluvions anciennes remontent depuis Sénas
jusqu’à mille mètres avant d’arriver à Lamanon, les roches
vertes se montrent très-abondantes jusqu’à ce dernier village.
Le canal de Boisgelin, qui passe au fond même du vallon,
tant qu’il n’a pas franchi la ligne de faîte qui établit la sépara-
tion des eaux de la Durance de celles du Rhône, a été creusé
dans le poudingue diluvien de la vallée de la Durance. Mais,
en se rapprochant de Lamanon, c’est dans la mollasse miocène
que sa cuvette est pratiquée. Or c’est justement cette mollasse
qui, dans le col même, sépare les deux craux, et qui, une fois
franchie, mais en tranchée, livre au canal l’accès de la crau
d’Arles, de laquelle semblent avoir disparu, comme pa
enchantement, les variolites, les serpentines et les euphotides
qui sont si abondantes à quelques pas, dans la crau duran-
cienne; du moins si l’on en trouve quelques échantillons, les
a-t-on comptés; ils sont au nombre de cinq ou six. 11 devait en
être ainsi, si la Grande-Crau a été déposée par le Rhône,
puisque les cailloux provenant de la Durance ont dû être
mélangés avec les cailloux, bien plus nombreux, que le Rhône
avait reçus des autres rivières, ses tributaires. Ainsi les craux de
laDurance sont essentiellement euphotidifères, tandis que celle
d’Arles est une crau de quartzites. Il serait impossible d’expli-
quer cette différence radicale de composition si la Grande-
Crau était due à l’intervention directe de la Durance. Les
cailloux devraient être les mêmes au nord comme au sud de
Lamanon; et c’est le contraire qui se vérifie non-seulement
dans le défdé, où l’on devrait retrouver les traces d’un ancien
lit de fleuve, mais aussi dans les alentours d’Eyguières, du
Merle et de Salon, qui sont les points où la Durance aurait
commencé à s’étaler, si elle se fût jetée autrefois dans la mer
par le golfe de la Grau.
566 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
Le croquis suivant aidera beaucoup à l’intelligence du
texte :
Crau d’Arles. Lamanon. Sénas. Durance.
La vallée de Lamanon n’a donc jamais livré passage aux eaux
de la Durance. Seulement, à cause de la nature friable des
sables miocènes qui en constituent le fond et qui l’ont exposée
à des dénudations énergiques, cette vallée est devenue le
point où les deux craux de la Durance et du Rhône se sont le
plus rapprochées Tune de l’autre, mais sans jamais se toucher
ni se confondre.
Le village de Lamanon est placé à peu près à égale distance
de Sénas et de Salon. Le point où le canal de Craponne et celui
des Alpines se traversent, un peu au nord de Lamanon, est à
l’altitude de 106m,54 au-dessus de la mer, Sénas, de 87 mètres, et
Salon (qui est bâti sur la mollasse), de 76. On voit donc que
Lamanon est une ligne de faîte à partir de laquelle on peut, à
volonté, descendre dans la vallée de la Durance ou dans la
plaine de la Crau. C’est ce qu’établissent nettement les nivelle-
ments, les tracés des routes et celui du chemin de fer, qui est
obligé de recourir aux remblais pour relier la crau de Sénas au
col de Lamanon.
§ Y, — Cinquième niveau de cailloux appartenant d la période
actuelle.
Nous ne les mentionnons ici que pour mémoire. Ce sont ceux
que charrie la Durance en ce moment, et qui, comme les
poudingues diluviens de cette vallée, sont très -riches en
variolites, en euphotides et en serpentines du Briançon-
nais.
Les anciens cordons littoraux de la plage de Foz, que nous
avons fait connaître sous le nom de couadoullières, et la plage
NOTE DE M. COQUAND.
567
de galets de l’étang du Comte font également partie fie la
période contemporaine.
CHAPITRE II.
De la formation de la Crau.
A présent que les cinq dépôts de cailloux ou de poudingues
qui ont concouru à la formation de la Crau proprement dite
ou à celle des terrains immédiats nous sont connus, et qu’on
peut éviter, en les distinguant les uns des autres, les graves
erreurs auxquelles leur confusion a donné naissance, abordons
le point délicat autour duquel se sont groupées des opinions
si divergentes, le point qui tient à la question des provenances
des cailloux quaternaires.
Nous avons déjà exposé l’opinion d’Eschyle, que Pomponius
Mêla s’est borné à traduire en prose. Yoici celle d’un auteur
plus sérieux en fait des choses de science, Strabon (1) :
« Entre Marseille et l’embouchure du Rhône, à environ
100 stades de la mer, dit ce géographe, est une plaine de forme
circulaire, de 100 stades de diamètre, à laquelle un événement
singulier a fait donner le nom de champ de cailloux. Elle est
en effet couverte de cailloux gros comme le poing. Aristote
prétend que la terre, par des tremblements de terre de l’espèce
de ceux qu’on appelle brassus , avait vomi à sa surface tous ces
cailloux qui, naturellement, se sont accumulés dans les plus
bas du terrain. Possidonius veut que cette plaine ait été autre-
fois un lac congelé avec le limon de la terre, et que ce soit par
l’effet d’une grande agitation que les eaux, en se morcelant,
aient formé un grand nombre de pierres semblables, par le poli
et par le volume, aux cailloux des fleuves et aux galets des bords
de la mer. Telles sont les explications que ces deux écrivains
donnent de ce phénomène, explications qui me paraissent
pécher toutes deux contre la vraisemblance; car toutes ces
pierres ne pouvaient s’accumuler d’elles-mêmes ni se former
d’une eau convertie en glace; mais il faut, de toute nécessité,
qu’elles soient les débris de quelques grands rochers qui se
seraient brisés à différentes époques. »
On reconnaît dans les paroles de Strabon l’esprit d’un obser-
(1) Strabon, livre IV, p. 182.
m
SÉANCE DU l*r MARS 1869.
vateur sagace. Il rejette avec raison les fables d'Aristote et de
Possidonius, comme il aurait rejeté, à coup sûr, les explications
de quelques écrivains modernes, s’il lui avait été donné de les
connaître. Si les raisons qu’il fournit sont insuffisantes pour
embrasser le phénomène dans tous ses détails, la cause qu’il
lui allègue est du moins assez juste au fond.
Solléry, géographe provençal qui écrivait en 1550, est le
premier qui ait eu l’idée d’attribuer les cailloux de la Crau à
l’intervention directe de la Durance, qui autrefois aurait passé
vers le lieu de Lamanon. Cette opinion a été partagée par
Bouche, Papou, Peyresc, Gassendi et Lamanon. C’est surtout
ce dernier, dont le nom faisait autorité en science, qui l’a vul-
garisée et lui a donné le crédit dont elle jouit encore auprès de
ceux qui trouvent plus commode de s’en rapporter aux autres
que de les contrôler directement sur le terrain.
Bouche (I) s’exprime de la sorte : « Pour moi, j’avais autre-
fois estimé qu’il y avait très-grande apparence que l’étang des
Martigues était anciennement beaucoup plus grand et plus haut
qu’il n’est maintenant, agrandi et relevé par les continuelles
eaux des rivières de l’Arc et de la Tolobre, et que n’ayant point
encore, en ce temps-là, des issues en la mer, les eaux surna-
gèrent par toute la campagne de la Crau, faisant un lac d’une
étendue immense, et se relevant bien haut sur la terre. Joint à
cela qu’au terroir d’Istres, qui est presque au bord de cet étang,
l’on voit en quelques éminences, maintenant assez éloignées
de cet étang, des écailles d’Huîtres empierrées dans le rocher
(mollasse marine), qui est un argument que l’eau de l’étang
montait jusque-là. Et comme avec le temps il s’est fait une
ouverture et issue de cet étang, ou par art ou par nature, dans
la mer, les eaux s’étant abaissées, les unes de ce grand étang
entrèrent dans la mer, et les autres, qui se trouvèrent enfermées
par des éminences, demeurèrent croupissantes , et n’ayant
aucune vuidange, elles se congelèrent ou caillèrent avec le
limon de la terre, et se convertirent en pierres, comme le
gravois qui se forme des eaux des rivières. »
Bouche, remarquant plus tard que les petites rivières de l’Arc
et de la Touloubre auraient été impuissantes pour exhausser
l’étang à la hauteur de la Crau, modifia sa première opinion et
admit qu’anciennement la mer venait jusqu’à Arles, et que,
I.T-,1 ... - - - -
(1) Bouche, Chorégraphie ou description de la Provence , p. 21, 1664.
NOTE DE M. COQUAND.
569
reculant vers l’endroit où on la voit aujourd’hui, elle laissa des
eaux croupissantes en forme d’étangs, là où sont aujourd’hui
les pierres de la Grau, qui en furent formées par voie de congé-
lation avec le limon de la terre. C’était aussi le sentiment
de Peyresc et de Gassendi (1), qui firent intervenir les sucs
lapidifiques.
Les Annales des voyages (2) font connaître un manuscrit dé-
posé à la Bibliothèque impériale, dans lequel Lamanon déve-
loppe, en la complétant, la théorie qu’il avait déjà exposée
dans le Journal de physique (3). Nous nous contenterons de
(1) Sic rogatus (Peyresc) de lapidibus Crautiæ, Herculeorumve campo-
rum, censuit totam illam planitiem potuisse olim restagnare, exundante
potissimùm seu Druentiâ, seu Rhodano, et lapidifico germine, simul devecto,
coagulante. Argumento fuit, quod in salium concretione observamus. Quippè,
ut in vase, ex quo aqua sali commista evaporatur, tessellæ majores in fundo,
quàm ad latera relinquuntur ; quod illic salsedo uberiùs, diutiùsque resi-
deat; sic in medio Crautiæ, quod depressius est, majores longé lapides,
quàm ad oras observantur ; et ad maritimas quidam, paludosasque præser-
tim, ubi lapilli vix attingunt nuculæ magnitudinem, cùm in medio lapides
sint capiti humano plerumque æquales. Gassendi, Vie de Peyresc , 1641,
page 241. Voyez aussi sa Physique, tome II, où les mêmes idées sont re-
produites.
(2) Annales des voyages , t. III, page 291.
(S) Je dois à l’obligeance de M. Boy, libraire à Marseille, la communi-
cation de cinq volumes in-folio manuscrits, dans lesquels Lamanon avait
consigné ses observations. Il est curieux de connaître la manière dont ce
naturaliste comprenait la formation des cailloux. Il s’inspire des idées de
Peyresc et de Gassendi.
« Les cailloux sont formés instantanément sur les lieux mêmes où on les
trouve. Ils ne sont autre chose que du sable ou de l’argile pétris ensemble
par les eaux et caillés ou durcis par une plus forte attraction des parties que
le voisinage occasionne. Il ne faut que quelques minutes au lait pour se
cailler; pourquoi un ou deux jours ne suffiraient-ils pas pour cailler un
caillou?
« S’il y a de plus gros cailloux en Crau que sur le lit de la Durance,
c’est qu’il manque un élément aux eaux de la Durance pour former des
gros cailloux. Cet élément est le sel, le plus fort des ciments. La Durance,
en faisant reculer la mer de la Crau, a fait que la mer y a laissé des parties
salines qui se sont ensuite dissipées.
« La nature de la Durance, qui de très-grosse devient très-petite dans
peu de jours, n’a pas peu contribué à la formation des cailloux. Le soleil
durcit les cailloux. La sécheresse, si commune en basse Provence au plus
fort de l’été, amène la perfection des coagulations commencées. » — Lama-
non, manuscrits.
570 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
lui emprunter les passages qui se rapportent à notre sujet.
Le naturaliste salonais admet (page 294) qu’il résulte de la
comparaison des cailloux, qui sont les mêmes dans la Grau que
sur les bords de la Durance, que la vraie origine de la Crau
n’est due ni à un tremblement de terre, ni à un lac, ni à la mer,
ni enfin au Rhône, mais à la Durance, qui passait autrefois par
la gorge de Lamanon, formée dans une montagne de grès, et
qui n’a abandonné son lit qu'après s’être ouvert un passage
dans une colline de pierre calcaire qui est du côté de Sénas
(montagne néocomienne de la Cabre).
La Durance (p. 297) était probablement plus considérable
autrefois qu’elle n’est aujourd’hui. C’est par là qu’on peut ex-
pliquer la différence qu’il y a dans la grosseur des cailloux de
la Crau et de ceux du lit actuel de la Durance. En dessous de
la masse de cailloux on trouve une pierre coquillière; donc la
mer occupait cet endroit avant que la Durance y portât ses
cailloux. Il y a dans la Crau des puits de 15 à 16 toises, et qui
sont creusés dans une masse de poudingues. La Durance pas-
sait donc 15 à 16 toises plus bas lorsqu’elle a commencé de
former la Crau que lorsqu’elle s’en est retirée; sa pente était
donc beaucoup plus forte. Le fond de la Crau est au-dessous
du niveau de la mer dans plusieurs endroits; donc la Durance
se jetait dans la mer, qu’elle forçait de se retirer, en aggravant
déplus en plus les côtes où le niveau de la mer était autrefois
beaucoup plus bas qu’aujourd’bui.
On voit que Lamanon confond les poudingues garumniens et
inclinés des environs de Foz, qui effectivement plongent sous
la Méditerranée, avec les cailloux superficiels de la Crau, qui
sont horizontaux et se montrent au-dessus du niveau de la
mer. La Durance, pour reprendre son ancien lit, aurait été
obligée de rompre une barrière de pierre calcaire du côté de
Sénas, comme elle avait été obligée d’en rompre une première
dans la montagne des Alpines, pour pouvoir déboucher dans le
golfe de la Crau. Et toutes ces théories fantaisistes ont été
imaginées uniquement pour expliquer la présence de cailloux
de la Durance dans la plaine de la Grau. Et Lamanon était ce-
pendant le premier à reconnaître, et cela en contradiction avec
ses propres idées, que les cailloux micacés de la Crau étaient
plus anciens que ceux de la Durance {p. 294). S’ils étaient plus
anciens, la Durance n’avait donc pu les y porter; or, comme
ils sont mélangés avec ces derniers, il s’ensuit ’ qu’il aurait
existé deux cours d’eau, dont l’un aurait apporté les granités
NOTE DE M. COQUAND.
571
anciens des Alpes, et l’autre les roches plus modernes du
Briançonnais. Notre intention est moins de jeter de la défaveur
sur le mérite du naturaliste provençal, en lui opposant ses
propres contradictions, et qui sont excusées en quelque sorte
par l’état de l’avancement de la science à l’époque où il écri-
vait, que de trouver étrange qu’on ait adopté aujourd’hui ses
idées sans les soumettre à aucun contrôle.
Si encore l’auteur n’avait construit son édifice que sur les
hypothèses qui étaient en vogue de son temps, en invoquant,
par exemple, quelque révolution du globe, nous comprendrions
à la rigueur qu’il eût pu avancer que la Durance s’était frayé
un passage à travers les montagnes de Lamanon. Mais Lama-
non, discutant le mérite des fables anciennes, pour en séparer
le vrai du merveilleux, et distinguant, relativementaux champs
herculéens de la Grau, entre Hercule le Grec et Hercule le Gau-
lois, admet que celui-ci avait bien pu détourner la Durance de
son ancien lit, pour la diriger dans la mer, comme le premier
avait détourné le cours d’un fleuve pour nettoyer les écuries
d’Aùgias. Adam de Craponne n’aurait donc été qu’un imita-
teur, en créant son canal fertilisateur de la Crau.
Mais il ne s’arrête pas là. Il cherche à démontrer que la Mé-
diterranée recouvrait la Crau en partie. Lorsqu’elle s’est préci-
pitée dans l’Océan, par la rupture du détroit de Gibraltar,
cette plaine a dû rester à découvert. Et cela ne l’empêche pas
de dire que c’est la Durance qui l’a formée, car c’est elle qui a
amené tous les cailloux qui y sont, et obligé, en partie, la
mer de se retirer (p. 300). On voit que Lamanon a pris pour
son compte les opinions de Bouche et de Peyresc, en les mo-
difiant toutefois.
Saussure, qui n’a point admis le système de l’infortuné com-
pagnon de la Peyrouse (1), a su trouver des arguments sé-
rieux quand il s’est agi de les réclamer aux indications litholo-
giques. Ainsi, il signale le peu de rapports qui existe entre
les cailloux de la Grau et ceux de la Durance; les quartzites
sont rares et les variolites très-abondantes dans le lit actuel de
cette rivière, tandis que les premiers prédominent et les se-
condes forment une exception infinitésimale dans la Crau. Il
s’appuie sur l’uniformité de la surface de cette plaine et sur
le volume plus considérable des cailloux qu’elle renferme,
pour considérer le Rhône et la Durance comme incapables
(0 Saussure, Voyages dans les Alpes , § 1595.
572
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
d’avoir pu en opérer le transport. 11 en trouve la cause dans la
débâcle générale qui se serait produite lorsque les eaux de la
nier, abandonnant nos continents, se portèrent avec une vio-
lence extrême vers les lieux les plus bas du sol, où s’étaient
ouverts les gouffres qui les engloutirent. C’était faire retour à
des idées surannées et qu’un savant de son mérite aurait dû se
dispenser de reproduire.
Nous passerons sous silence le sentiment de Darluc, qui
ci oyait que les cailloux de la Crau avaient été apportés par le
flux de la mer.
Il était réservé à un ouvrage spécial sur le département des
ouches-du-Rhône, écrit en 1821, à une époque où régnaient
en géologie les idées saines de Brongniart, de Werner et de
'école anglaise, de dépasser tout ce que l’imagination la plus
nardie avait pu suggérer d’outré aux anciens fabricateurs
des systèmes du monde.
Laissons la parole à la Statistique (1) : « Il n’est plus besoin,
oit son auteur (p. 67), d’avoir recours à des hypothèses pour
expliquer la formation de la Crau. Les faits seuls en rendent
raison, et il suffira pour cela de les ranger dans l’ordre con-
venable.
« 1° Le plus ancien terrain de la Crau est le poudingue de la
Durance. Cette rivière y coulait par la vallée de Lamanon,
alors beaucoup plus large qu’aujourd’hui, puisque le groupe de
collines (mollasse miocène) qui esta l’ouest de cette vallée est
assis tout entier sur le poudingue.
« 2° La Crau était un golfe de la mer, dans lequel la Durance
se jetait, puisque les couches les plus basses du poudingue
(étage garumnien) sont au niveau actuel “de la mer, et même
au-dessous. Les Alpines et les différents revers des montagnes
de Salon, de Cavaillon, de la Fare, n’avaient alors que leurs
anciens revêtements de calcaire compacte (néocomien), con-
tenant les coquilles dites pélagiennes.
« 3 La mer, gonflée par une cause quelconque, a élevé ses eaux
au-dessus du niveau actuel et poussé tous les galets vers le
nord, de manière que les eaux de la Durance ont reflué vers
leui source, et que les galets se sont étendus en couches dans
tout l’espace inondé qui comprenait la Crau, les vallées de La-
manon, les bassins de Sénas, de Saint-Remy.
« 4 Sur ces couches de galets, que le temps a depuis con-
(1) Statistique des Bouches-du-Rhône, t. I*r.
NOTE DE M. COQUAND.
573
vertiesen poudingues parleur agglomération, la mer a déposé
différentes couches de calcaire coquillier (mollasse miocène),
dont les plus récentes forment la lisière actuelle de la Crau.
Cette formation coquillière s’étend très-loin. Elle existe au
pied du Léberon, dans tout le contour des Alpines, sur la Tré-
varesse, où elle recouvre le calcaire lacustre (gypses d’Aix),
dans les bassins de Pertuis et de Peyrolles. Elle recouvre tous
les rivages de Foz, de l’étang de Caronte et de celui de Berre,
les collines littorales depuis Bouc jusqu’à Carry, et à l’ouest
celles du Languedoc.
« Solléry avait, le premier, reconnu le passage de la Du-
rance par la vallée de Lamanon ; mais, sans le concours de l’in-
tervention de la mer, la Durance n’aurait pu former une plaine
de cailloux aussi vaste que la Crau. Papon l’avait bien senti;
mais le peu de connaissances géologiques qu’il possédait l’en-
traîna dans des hypothèses au moins très-basardées. Les résul-
tats que nous indiquons concilient ces divers auteurs et con-
firment leurs observations, en constatant que la formation des
poudingues est antérieure aux calcaires coquilliers déposés par
la mer sur la côte et sur les flancs des collines que baigne la
Durance. »
La Statistique , après avoir provoqué dans les terres l’irrup-
tion de la mer qui sillonna la surface de la Crau, et l’avoir fait
remonter par la vallée de la Durance jusqu’au pied du Léberon,
continue ainsi l’histoire de ses faits et gestes dans la contrée :
« Là le courant (p. 92), ne pouvant franchir cette barrière (le
Léberon), agit sur les deux cotés de la vallée ; il brisa la digue
de Malemort et déchiqueta les collines de la Cabre pour se ré-
pandre dans le bassin de Sénas, déposant sur tous les bords de
la vallée et des ruisseaux qui s’y rendent le calcaire coquillier
qu’on y trouve encore et qui est le même que celui de la Crau.
La mer, ayant fait sa retraite, reprit son cours en formant sur
son passage les dépôts de poudingue et de sable qui sont su-
perposés au calcaire coquillier. Arrivé à Malemort et ne trou-
vant plus de digue, elle prit son cours vers Orgon, où, étant ar-
rêtée de nouveau, elle s’épancha dans le bassin de Sénas etalla
accumuler ses dépôts sur le flanc occidental de la colline de
Lamanon.
« Avec le temps la digue d’Orgon céda à son tour, et les eaux
inondèrent le bassin de Saint-Remy, où elles formèrent la Crau
qui est entre Orgon et Mollèges, la Petite-Crau et le Touret,
qui sont trois formations de galets et de sable de la Durance.
574 SÉANCE DU 1er MARS 4869.
Enfin, par un dernier changement, la rivière, qui d’Orgon
avait d’abord couru à l’ouest par la vallée où passe aujourd’hui
la grande route, se détourna au N. O.* vers Gavaillon, et aban-
donna le bassin de Saint-Remy. »
Ainsi, d’après la Statistique , les cailloux de l’étage garum-
nien, ceux de la mollasse et de l’étage subapennin, appartien-
draient tous aux alluvions de la Durance, et la mer, en sortant
brusquement de son lit, se serait chargée, en y procédant à
plusieurs reprises, et en culbutant les barrières que les mon-
tagnes opposaient à son action, de les distribuer successivement
sur les Graux d’Arles, de Mollèges et de Saint-Remy. Ce mi-
racle ne pouvait s’opérer qu’à la condition de supprimer les
eaux de la Durance, de les refouler vers leur source, puis de
faire déposer sur ces cailloux ainsi distribués la mollasse co-
quillière. Par conséquent, l’effet du flux fut de faire remonter
vers le nord les cailloux de la. Durance, qui se jetait dans le
golfe de la Crau par la vallée de Lamanon, laquelle était alors
beaucoup plus large, puis de combler cette môme vallée, en y
déposant la mollasse qui la recouvre aujourd’hui. Après le dé-
pôt de celle-ci, le reflux étendit sur sa surface un manteau de
cailloux roulés, toujours empruntés à la Durance, comme le
flux avait eu pour mission d’étendre les cailloux de la Crau
profonde. Cet acte de vigueur une fois accompli, la mer rentra
dans son ancien lit, et la Durance dans le sien. Quant au
Rhône, il n’en est fait aucune mention, la mer s’étant chargée
de toute la besogne.
Nous n’abuserons pas des textes que nous venons de trans-
crire ou d’analyser pour pousser plus loin notre critique. On
pourrait croire que nous leur accordons plus d’importance
qu’ils ne le méritent. Nous n’avons pu cependant nous dispen-
ser de les placer sous les yeux de nos lecteurs, afin qu’ils
pussent juger par eux-mêmes de la valeur des hypothèses aux-
quelles on a été obligé de recourir, et de l’incohérence des
conséquences qui en découlent, pour avoir rattaché, sans
preuves, la formation des cailloux de la Crau à un double dé-
placement de la mer et du lit de la Durance, et cela en violant
sans hésitation les lois de l’hydrostatique.
H est temps de rentrer dans le domaine des faits d’observa-
tion et de reconnaître qu’après le soulèvement des grandes
Alpes auquel est dû le relief de la Crau subapennine, qu’on
pourrait appeler la Crau quaternaire ou superficielle, l’ossature
de la Provence a toujours été telle que nous la voyons aujour-
NOTE DE M. COQUÀND.
575
d’hui, sauf quelques modifications insignifiantes, G’est à cette
époque que se place, comme on le sait, la date de l’extension
des glaciers dans l’Europe entière. Les eaux de la Durance,
gonflées par la fonte des glaciers des Alpes briançonnaises, ont
formé les diverses Craux que l’on remarque sur ses deux rives,
comme le Rhône, dont le volume des eaux était bien plus con-
sidérable, a formé les Craux qui se trouvent également sur ses
deux rives, depuis son embouchure jusqu’au lac de Genève.
C’était la seule opinion rationnelle qu’il eût été convenable
d’adopter à priori. Mais nous avons vu le géographe Solléry
et, après lui, Paponet Lamanon, se fondant sur la présence de
quelques variolites (1) parmi les cailloux de la Crau (comme
si le Rhône, qui les reçoit de la Durance f n’en contenait
point aujourd’hui dans ses alluvions modernes) pour destituer
le Rhône, autoriser la Durance à se réfracter au milieu d’une
plaine plate et sans obstacles, à renverser des montagnes, et
tout cela pour effectuer un dépôt que le Rhône pouvait effec-
tuer sans violence, dépôt qui se continue de nos jours, dans
des conditions sinon égales, du moins semblables. *
« On pourrait croire, dit Papon, que les cailloux de la Crau
ont été roulés par le Rhône ; mais, outre que le lit de ce fleuve,
depuis Tarascon jusqu’à la mer, est beaucoup plus bas que la
Crau, les monticules qui la séparent du Rhône, du côté de l’E.
N. E>, rendent le fait impossible (2). » Papon oublie d’ajouter
. g j — . . i B ' - - 8gBÿ8< — : :
(1) Voici boniment Lamahon s'exprime à l’etldroit dëS vâriolités : t)n
dit en. T. T* T>
Sert lo n. renversée-
S action, normale
T. Trias in/ T .Trias sup — h Lias et Dolomies^ ^v. Grès vert — S en. S énoncera Gac. CrarumnierL
-Série- Sec o rc cl cl i, r e.
E o cène*
S- Tertiaires
Fi£ 2 Coupe en travers du Bassin de Cerdague passant par Puycerda
( Long eur 10 TU. )
Hg. 4- Coupe de l'Etage Garumnien au Maseas de Nar ?
I
Crxz>é chui,AzjriL/'7>
ImpBecquet Parts
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
605
tend d’une manière continue à la base du versant français
dans sa moitié orientale. Cet espoir avait été d’ailleurs fortifié
par la citation d’un gîte évidemment garumnien observé par
M. de Verneuil, au nord de Berga, en Catalogne (1). Cette
dernière circonstance, et des conditions particulièrement fa-
vorables qui se sont présentées à moi en août dernier,
m'ont déterminé à choisir la vallée de la Sègre, vallée extrê-
mement sauvage et par cela même très-peu fréquentée et res-
tée à peu près inconnue géologiquement, bien qu’elle ait été
l’objet d'un mémoire de M. l’ingénieur Noblemaire (2).
J’ai employé environ trois semaines pour cette étude que
j’ai eu l’avantage de faire en la compagnie d’un de mes disci-
ples, actuellement notre confrère, M. Paul Seignette, principal
du collège de Foix.
Nous avons abordé le haut de la vallée (Cerdagne) par
l’Ariége. Partis de Foix, nous nous sommes rendus, par Ax,
à i’Hospitalet, dernier village de ce département, d’où nous
sommes montés au col de Puymorens, pour redescendre du
côté opposé par la vallée de Carol (Pyrénées-Orientales), qui
débouche dans la plaine de Cerdagne.
Cette traversée nous a offert des faits intéressants dont nous
croyons devoir d’abord dire quelques mots.
Trajet entre THospitalet et Carol (Cerdagne).
La route de l’Ariége, entre Ax et l’Hospitalet, est tracée,
comme nous avons eu l’occasion de le dire ailleurs (3), à tra-
vers une masse de roches granitiques, appartenant à la catégo-
rie de ce granité polymorphe éruptif, dont le type est à Ba-
gnères de Luchon. A une petite distance de l’Hospitalet,
presque en sortant de ce village, du côté de l’Espagne, nous
avons franchi la limite de ce granité et du gneiss qui l’accom-
pagne de ce côté, pour entrer dans une région schisteuse qui
lui succède brusquement et qui s’accuse à l’œil par des for-
mes plus déprimées, plus douces et mollement arrondies.
(1) Bulletin de la Soc. géol. de France, 2e série, t. XXIV, p. 315.
(2) Étude sur les richesses minérales du district de la Seu d’Urgel (Cata-
logne). Annales des Mines , 5e série, t. XIV; 1858.
(3) Esquisse géognostique de la vallée de l’Ariége. Bulletin de la Soc.
géol., 2e série, t. XX, p. 245.
606
SÉANCE DU l9r MARS 1869.
Ces schistes ont une teinte grise assez uniforme. Ils sont de
nature argileuse, avec un faciès sub-satiné, quelquefois rubané,
strié ou guilloché, et passent à la mâcline par la présence de
petits nœuds noirâtres, qui tendent à devenir des mâcles ou
des staurotides. Cette assise, absolument dépourvue de cal-
caire, et dans laquelle nous n’avons pu distinguer la moindre
trace organique, me paraît devoir être regardée comme silu-
rienne (étage inférieur). Elle plonge en masse, vers le nord,
sous un angle assez modéré, comme si elle se disposait à passer
sous le granité de l’Hospitalet.
Lorsque l’on a franchi l’Ariége, au pont de Cerda, pour
monter au Col de Puymorens par le sentier direct, on marche
constamment sur ces schistes et Ton ne voit pas autre chose
jusqu’au col, qui lui-même est assis dessus; mais si, au lieu de
traverser la rivière au pont, on continuait à la remonter en
suivant le chemin ordinaire de l’Andorre, on apercevrait, sur
la rive droite, des affleurements d’un schiste carburé très-
noir qui, dans les Pyrénées, se trouve constamment à la base
du silurien supérieur. Je n’ai pu m’assurer, d’une manière cer-
taine, de sa position, relativement aux schistes sub-satinés de
la montée du col ; il m’a semblé qu’ils passaient par dessous,
ce qui indiquerait un renversement.
Le col de Puymorens consiste topographiquement en une
selle presque plane, gazonnée, jonchée de blocs, dominée
au N. E. et au S. O. par des montagnes qui s’élèvent à une
grande hauteur, particulièrement au N. E. Le col lui-même
acquiert une altitude considérable, dont la cote maximum
1,931 mètres se trouve à la cabane des douaniers. Nous avons
vu que le sol de cette plaine était essentiellement formé par
les schistes siluriens. Toutefois, cette roche fondamentale n’y
affleure pas; elle s’y trouve partout recouverte et cachée par
un terrain superficiel, composé de cailloux et de blocs graniti-
ques, libres à la surface ou emballés dans une terre grossière,
blanchâtre ou brunâtre.
Quelle est l’origine de ce dépôt clysmien, situé à une telle
hauteur? Jusqu’à quel point les glaciers auraient-ils pu con-
tribuer à sa formation ? Nous laissons de côté cette question
dont l’étude nous entraînerait trop en dehors de notre sujet
principal.
On descend du pont, au milieu de ces blocs, pour entrer,
dans la vallée de Carol, longue fracture au milieu d’un nouveau
massif granitique qui s’étend jusqu’à la plaine de Gerdagne. La
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE,
607
ligne qui sépare ce granité de la bande silurienne de Puymo-
rens coïncide exactement, du côté N. E., avec le fond du petit
vallon de Font Vive , où se trouve le village de Porté ; mais, si on
cherchait à la prolonger en ligne droite dans le sens opposé,
elle irait butter contre la montagne granitique de Fontfrède ,
qu’elle serait obligée de contourner, en remontant jusqu’aubord
du col, pour se diriger ensuite vers l’ouest où elle viendrait
couper l’Ariégetout près de sa source.
La vallée de Garol, qui commence à Porté, se compose de
deux parties distinctes par la forme et par la direction.
La première, qui suit exactement la ligne méridienne, n’a
que trois kilomètres de longueur. Elle se termine par le petit
bassin où est situé le village de Porta. Elle est ouverte dans le
granité ; toutefois, cette roche y est comme bordée, au nord,
par une lisière comprenant des roches cristallines stratifiées,
où l’on distingue près de Porté, sous les ruines d’un vieux
château, un beau gneiss, en partie noduleux, très«brillant et .
noir par l’abondance d’un mica de cette couleur.
Après le bassin de Porta, commence la seconde partie
de la vallée, la partie principale, qui fait avec la première
un angle très-marqué qui la porte au sud-ouest, direction
qu’elle conserve jusqu’à son entrée dans la plaine de Ger-
dagne. Cette partie, longue de 8 kilomètres environ, est une
véritable gorge portant tous les caractères d’une fracture,
dont les parois, très-rapprochées de la route, offrent à l’obser-
vateur des surfaces vives et fraîches qui lui permettent d’étu-
dier la roche et d’en reconnaître la composition et les diverses
variétés.
Le granité de la vallée de Garol diffère essentiellement des
roches granitoïdes variables et incertaines de l’Ariége, entre
Ax et l’Hospitalet. Il est généralement massif, franc, vif à la
cassure, homogène, à feldspath (ortbose) blanc dominant;
le quartz y est gris, très-clair, vitreux, se fondant fréquemment
sur les bords avec le feldspath. Je n’ai vu, dans ce granité,
qu’un seul mica qui est noir, très-brillant, et assez uniformé-
ment dispersé en lamelles souvent groupées, de manière à
former de petits paquets qui prennent quelquefois une forme
allongée, simulant l’hornblende. La couleur de la roche
dépend principalement de l’espacement plus ou moins grand
de cet élément lamelliforme. Habituellement, les lamelles sont
assez écartées, et le granité offre, par suite, une couleur claire
qui lui ferait donner le nom de granité blanc. Les variétés où le
608
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
mica est plus serré prennent une teinte grise plus prononcée.
Il y a aussi quelques granités de cette catégorie dont la couleur
générale passe au bleuâtre, à cause d'une légère teinte bleue
qu’offre l’élément feldspathique.
Nous ne devons pas passer sous silence un caractère acces-
soire, mais assez général, qui se montre d’ailleurs dans pres-
que tous les granités francs des Pyrénées. Il consiste dans la
présence de taches noires assez grandes et nettement circons-
crites, dans la plupart des cas, à figure irrégulière, anguleuse
ou grossièrement curviligne. Elles sont dues, croyons-nous, à
la concentration des éléments du granité réduits à un état de
ténuité extraordinaire, avec prédominance du mica, et peut-
être aussi du quartz. Dans tous les cas, ces taches sont con-
temporaines du granité, et se sont formées pendant que les
éléments de cette roche s’individualisaient et se séparaient
sous l’influence de la cristallisation.
Le granité blanc où le mica est relativement espacé, très-
souvent taché de noir, règne dans tout le massif dont il est
question; les autres variétés ne sont qu’accessoires. Il est re-
marquable, par sa constance, dans une aussi grande étendue.
Pour ma part, je n'avais pas encore eu l’occasion de traverser,
dans les Pyrénées, sur un espace de 10 kilomètres, un gra-
nité en masse aussi franc et aussi homogène.
C’est à une petite distance de Carol (1), en amont, que
cette roche massive cesse enfin, pour céder la place à des
schistes de transition, identiques avec ceux de. Puymorens,
et qui doivent appartenir au même étage. C’est, en même
temps, vers cette limite que la vallée commence à s’élargir, et
se prépare, pour ainsi dire, à s’épanouir dans la plaine dont il
va être question ci-après. Le terrain de transport qui couvre le
fond de la vallée cache les schistes au village même, mais on
peut observer facilement ces roches fondamentales, sous l’é-
glise qui est située sur un piton où nous avons retrouvé les
schistes striés, à petites mâcles ébauchées de la montée du
col. Ce gîte se rattache à un étage assez considérable que nous
aurons l’occasion d’étudier ailleurs.
Avant de quitter la vallée de Carol, nous signalerons de nom-
(1) Ce village porte dans le pays le nom de Tour-de-Carol ; mais nous pen-
sons qu’il convient de réserver ce nom pour la tour ruinée, qui constitue un
accident pittoresque à 5 kilomètres plus haut dans la vallée et dont on fait,
mal à propos, remonter la construction jusqu’à Charlemagne.
MEMOIRE DE M. LEYMERIE.
609
breuses roches moutonnées et mamelonnées, souvent même po-
lies, qu’il est impossible de ne pas remarquer lorsqu’on mar-
che dans la partie supérieure, entre Porté et Porta, et
particulièrement dans le petit bassin où se trouve ce dernier
village. Faut-il voir dans cet état des affleurements granitiques
de cette région un effet d’anciens glaciers? Nous devons dire,
à cet égard, que nous n’avons remarqué sur les surfaces polies
de ces roches, aucune strie ou cannelure, et en cherchant à
distinguer le sens de Faction qui a pu produire ces surfaces,
nous n’avons vu nulle part la preuve que ce sens eût été celui
de la vallée. Nous avons cru reconnaître, au contraire, des
indices d’un mouvement transversal.
En admettant l’existence d’un ancien glacier, on pourrait
trouver la trace d’une moraine dans une protubérance qui se
trouve à l’entrée de la vallée, vers le bord septentrional, sur
laquelle est situé le village d ’Enveigt.
VALLÉE DE LA SÈGRE.
»
Aperçu général.
La vallée de la Sègre appartient au versant méridional des
Pyrénées, partie orientale.
Elle commence au pied d’un cirque élevé et rapide, par un
bassin allongé très-étendu, dont l’enceinte est formée par des
montagnes de transition, où se trouvent de hautes cimes, et
qui constitue un territoire mixte, entre la France et l’Espagne,
appelé la Cerdagne. Le cirque, qui est la partie principale de
cette enceinte, s’élève jusqu’à 1,662 mètres au col de la
Perche, passage direct par lequel communiquent les deux
versants.
La vallée proprement dite, qui succède à ce bassin, est tout
entière espagnole et dépend de la province de Catalogne. Elle
consiste en une gorge profonde et sauvage, interrompue en
quelques points par de petits bassins qui résultent de l’entrée
latérale de vallons secondaires.
Le principal de ces bassins est celui où est situé la S eu
d'Urgel , chef-lieu de la vallée, à l’endroit où le val d’Embalire
ou d’Andorre vient se réunir à la vallée générale. Les autres bas-
sins sont, en amont d’Urgel, celui de Belver et, en aval, ceux
d’Organya et d’Oliana. En traversant ce dernier, qui consiste
Soe. géol.t 2e série, tome XXVI. 39
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
610
en une plaine assez étendue, la Sègre quitte les hautes mon-
tagnes, les véritables Pyrénées, pour entrer dans une région de
collines qui précède la plaine de PEbre.
Lavallée de la Sègre n’est pas directement transversale, re-
lativement à l’axe pyrénéen ou, du moins» elle ne le devient
qu’à partir du village du Pla ou plutôt de celui de Naves , situé en
aval d’Urgel, où elle se courbe pour prendre une direction à peu
près méridienne. Jusque-là, elle se dirigeait obliquement au S.
O., un peu O. (1). Sa longueur totale, y compris la plaine de Cer~
dagne, jusqu'à Oliana, où elle quitte les Pyrénées proprement
dites, est de 95 kilomètres (près de 25 lieues métriques) qui
sont ainsi distribués entre les trois parties qui la composent.
1° Bassin ou plaine de Cerdagne entre Saillagouse et Isobol. . 20 kilom.
(Largeur moyenne, 6 kilom.)
2° Vallée proprement dite, partie oblique entre Isobol et Naves. 50 »
8° Partie méridienne, entre Naves et Oliana 2 5 »
Total 95 »
Au-delà d’Oliana, la vallée s’élargit en entrant dans une ré-
gion, relativement basse, et passe à Lérida avant de s’épanouir
dans la grande vallée de l’Ebre; mais nous ne la suivrons pas
dans cette partie inférieure de son cours, où elle présente
beaucoup moins d’intérêt au point de vue géologique.
La Sègre, qui donne son nom à la vallée, résulte de la réu-
nion de trois petites rivières, savoir: la Sègre proprement dite
qui entre dans le bassin latéralement à la base du cirque, côté
oriental, en sortant d’une gorge profonde ; la Raour et la
rivière de Carol provenant l’une et l'autre des montagnes si-
tuées du côté occidental du cirque. La réunion de la Raour et
de la Sègre se fait un peu au-dessous de Bourg -Madame; mais
ce n’est qu’à environ 5 kilomètres plus bas que la rivière de
Carol vient apporter le tribut de ses eaux.
La Sègre ainsi constituée est une rivière assez médiocre, dont
l’eau est habituellement louche, avec une teinte grisâtre, qui
devient presque noire par l'effet des grandes pluies.
Les trois divisions, que la topographie nous avait suggérées,
dans la vallée qui nous occupe, pourraient être regardées
(1) Nous faisons abstraction dans cet aperçu très-général d’une petite
partie dirigée de l’est à l’ouest, comprise entre Isobol et le Martinet.
■ MEMOIRE DE M. LEYMEME. 611
k comme des régions naturelles; car il se trouve qu'elles se dis-
: tinguent également par la plupart des aulres caractères, et
surtout au point de Yue géologique. En effet, si nous considé-
rons d’abord le bassin de Cerdagne, en laissant de côté pour
l’instant le fonds du bassin lui-même, qui offre deux dépôts
récents que nous étudierons plus loin, pourrie porter notre at-
tention que sur les terrains anciens qui forment son enceinte,
nous verrons d’abord, que le cirque au pied duquel cette plaine
prend naissance, est constitué parle granité flanqué de schistes
de transition sans fossiles, et que ce sont également des schistes
anciens qui forment les parties latérales de la même enceinte.
La première section de la vallée proprement dite, celle qui
commence à l’extrémité sud du bassin, est presque exclusive-
ment ouverte dans l’étage dévonien où le calcaire joue un rôle
important, tandis qu’il manquait complètement dans les schis-
tes de la ceinture. Enfin, le terrain secondaire constitue entiè-
rement la section inférieure ou méridienne, celle qui offre au
plus haut degré le caractère de gorge et dont les accidents oro-
rà ] graphiques sont les plus imposants; ce terrain s’y montre deux
i v fois ou en deux séries, l’une normale et l’autre renversée; cette
dernière étant à peu près complète.
Quant aux basses montagnes ou collines qui succèdent au
bassin d’Oliana et qui contrastent, par leurs formes arrondies,
leur végétation (bois de pins), et par l’inclinaison de leurs
couches avec les montagnes hardies et arides de la section
précédente, elles ont aussi une composition toute spéciale.
Leurs éléments sont des grès, des poudingues calcaires et
des argiles souvent bigarrées, appartenant à la formation nam-
mulitique (éocène), qui n’a aucun représentant dans la haute
vallée. Elles forment, à la base de la chaîne, une sorte d’inter-
médiaire entre les véritables Pyrénées et la plaine de l’Ebre,
dont le sol fondamental est un terrain lacustre miocène.
La coupe générale qui accompagne ce mémoire accuse
aux yeux la plupart des caractères généraux que nous ve-
nons d’esquisser. Cette coupe a été construite à l’échelle
de a &oT~0 o o Pour ^es distances horizontales : l’absence de
cotes exactes nous a obligé de nous y contenter de probabilités
pour l'es hauteurs qui s’y trouvent un peu exagérées. Ce profd
(pl. V fig. 1) traverse d’abord le cirque dans sa partie occiden-
tale, et l’on y voit clairement les relations qui existent entre le
granité et les schistes anciens. Il représente le bassin de Cer-
dagne dans sa longueur avec projection de sa ceinture occi-
612
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
dentale et suit plus loin la vallée en reproduisant presque par-
tout son versant droit. Nous avons dû placer, dans ce dessin, à
la suite Tune de l’autre, sur une môme ligne droite, les deux
sections de la vallée proprement dite, bien qu’elles forment un
angle prononcé ; mais nous avons indiqué les deux directions
et même la direction E. O. accessoire par la notation ordinaire.
C’est ce profil qui va nous servir de guide dans la courte des-
cription que nous allons faire des divers terrains qui s y
trouvent représentés. Nous commencerons naturellement par
la Cerdagne.
De la plaine de Cerdagne et de son enceinte.
Le bassin de Cerdagne est une des particularités les plus cu-
rieuses de la vallée que nous décrivons. En effet, tandis que
dans les vallées considérées d’une manière générale, les éva-
sements qu’on appelle bassins sont d’autant plus importants
qu’ils se trouvent plus bas, c’est-à dire plus loin de l’origine de
ces grands sillons des montagnes, celui-ci qui est lui-même le
commencement de la vallée et dont l’altitude n’est pas moindre
de 1,140 mètres à Bourg-Madame, constitue une plaine ayant
19 kilomètres de long sur 6 environ de largeur, qui est la plus
étendue, la plus peuplée de la vallée, et qui contient la prin-
cipale ville, Puycerda.
La fertilité de cette plaine est réellement remarquable eu
égard à son altitude. Elle tient sans doute à la nature de son
sol; mais principalement à sa situation méridionale au fond
d’un cirque élevé, qui la tient h l’abri des vents du Nord. Ce
bassin devrait appartenir entièrement à l’Espagne ; mais par
une de ces inconséquences, dont la chaîne des Pyrénées offre
malheureusement trop d’exemples, la partie la plus septen-
trionale est française et, chose particulièrement bizarre, dans
cette région, qui dépend du département des Pyrénées-Orien-
tales, se trouve enclavée une commune espagnole, Livia, qui
ne peut communiquer avec l’Espagne sans traverser le sol
français.
La capitale de la Cerdagne est Puycerda , ville espagnole
située sur une hauteur au fond du bassin et dont le terrain n’est
séparé de Bourg-Madame, village français appartenant au can-
ton de Saillagouse, que par la petite rivière de la Raour.
Le fond du bassin de Cerdagne, assez inégal et bosselé au
pied du cirque, dans sa partie française, qui offre une pente
613
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
générale vers le midi, se régularise en aval de Puycerda et
prend la forme d’une plaine longitudinale bordée par une
terrasse.
Nous nous occuperons bientôt de cette plaine d’une manière
spéciale ; mais il convient de prendre préalablement une idée
de l’enceinte et d’abord du cirque qui en est la partie prin-
cipale.
Du cirque au pied duquel commence le bassin.
Pour cette reconnaissance du cirque, qui est tout entier dans
la Cerdagne française, nous l’avons attaqué en premier lieu du
côté oriental en montant aux Escaldas, où se trouvent des eaux
chaudes sulfureuses très-abondantes.
A partir du Bourg-Madame, où nous avions établi notre
quartier général, le chemin qui conduit à cette station ther-
male se trouve d’abord en plaine et longe la Raour sur sa rive
gauche. C’est au village d’Ur que commence la montagne, et à
peine avions-nous commencé à la gravir, que nous avons ren-
contré une formation schisteuse qui se rattache aux schistes
sombresen partiemâclifères, signalésprécédemmentàCarol. En
montant d’Ur à Villeneuve par un chemin assez rapide, tracé au
bord gauche de la petite rivière qui porte le nom de ce village,
nous avons d’abord traversé ces schistes, puis nous les avons
laissés à gauche du chemin, ayant en vue, de l’autre côté du
ruisseau, une bordure granitique sur laquelle nous n’insiste-
rons pas, parce qu’elle, disparaît presque aussitôt en descendant
sous les dépôts de la plaine.
En marchant constamment au bord de la région schisteuse
nous avons pu en étudier les caractères. Les schistes qui la
composent sont d’un gris foncé, argileux, sub-satinés en partie
mâclifères, et quelquefois alumino-pyriteux. On y rencontre
de rares filons ou veines de quartz et quelques accidents euri-
tiques, mais jamais de calcaire. Le tout forme un étage homo-
gène en grand, d’une teinte sombre uniforme, qui plonge assez
rapidement au nord comme s’il devait passer sous une crête
granitique que nous voyions saillir de ce côté, au pied de
laquelle sourdent les eaux thermales des Escaldas et de Dorres.
A Villeneuve, le chemin qui conduit à ces sources prend une
direction septentrionale, et semble encore suivre la ligne qui
sépare les schistes de transition d’une langue granitique qui
s’avance, au sud, par le village d’ Angoustrine . On ne voit sur
614
SÉANCE DU 1er MARS 1869»
ce chemin que des blocs de granité qui, naturellement, sont
beaucoup plus nombreux et pins amassés du côté orienta! sur
la pente de la langue granitique qui vient d’être signalée. De
l’autre côté doit exister le schiste qui s’y élève à une hauteur
nusitée au sommet de Bailloc (1,688 mètres); mais les blocs
de granité dominent au bord du chemin.
C’est, comme nous l’avons dit ci-dessus, au pied d’une crête
granitique escarpée, dans un site sauvage et très-élevé, où la
rivière de Villeneuve tombe en cascade au milieu d’un chaos
de blocs volumineux et presque au contact de la formation
schisteuse, que sourdent les eaux sulfureuses thermales des
Escaldas et celles de Dorres, qui ont été étudiées par le savant
et consciencieux Anglada (1). Les principales, celles des Es-
caldas, sont franchement sulfureuses (2) et peuvent 'être com-
parées pour le volume aux eaux d’Ax; mais leur température
n’atteint que 42°, 5. Ces thermes ne sont guère fréquentés que
par des Espagnols malades, ce qui tient à ^insuffisance des
moyens de communication et surtout à la concurrence des
établissements du Vernet, d’Amélie et d’Ax qui sont en position
d’offrir aux baigneurs des ressources et des distractions qu’il
serait impossible d’introduire en un lieu si écarté (3).
Le granité de cette contrée se prolonge dans celui de la
vallée de Carol et offre identiquement les mêmes caractères
(1) Traité des eaux minérales des Pyrénées-Orientales, t. t, p. 7 3. An-
glada considérait ces eaux, avec raison, je crois, comme étant celies des
Pyrénées qui sourdent à la plus grande hauteur. L’altitude de la station de
Dorres qui se trouve tout près des Escaldas, mais un peu plus haut, atteint
1,458 mètres.
(2) D’après Anglada un litre d’eau des Escaldas contiendrait Ogr,144 de
matières étrangères dont les principales s’y trouveraient dans les propor-
tions suivantes :
Silice
0,039
Garb. de potasse. . .
0,012
Sulfnre de sodium. .
0,033
Ghlor. de sodium..
0,006
Carb, de soude. . . .
0,027
Glairine
0,007
Suif, de soude
0,018
(8j II ne faudrait pas conclure de ce que nous venons de dire que réta-
blissement des Esca.das soit en défaut à l’égard du confortable. On y fait
dans ce sens tout ce qu’il est possible, et non s pou vons ajouter que nous
avons été, pour notre part, très-satisfaits et même étonnés de la manière
dont nous y avons été traités. Quel contraste avec les mauvaises posadas
qu’il nous a fallu subir dans la plus grande partie de notre voyage!
615
MÉMOIRE DE I, LEYMERIE.
pour lesquels nous renvoyons à l'indication que nous en avons
donnée plus haut. L'un et l’autre dépendent d’un immense
massif qui constitue la plus grande partie des Pyrénées-Orien-
tales et qui comprend le Canigou.
Nous avons voulu compléter cette reconnaissance de la par-
tie occidentale du cirque en descendant à Livia, village es-
pagnol situéau bord de la plaine, contre la pointe d’une petite
montagne schisteuse, où nous avons retrouvé les caractères
des schistes d’Ur et de Garol.
Il résulte de l’ensemble de ces observations, que les schistes
(S1 de la coupe) cfui se développent au bord occidental du cirque,
au fond duquel commence le bassin de Cerdagne, cons-
tituent un étage uniforme et régulier, dénué de calcaire et
sans la moindre trace de fossiles, qui semble être une repro-
duction de celui qui a été mentionné plus haut au col de
Puymorens, dont il offre les caractères lithologiques et strati-
graphiques, et que l’un et l’autre doivent dépendre d’un seul
et même système, probablement silurien (étage inférieur).
Ces schistes forment en Cerdagne une zone courant dans la
direction O. S. O., avec une inclinaison septentrionale, qui
tendrait à les faire passer sous le massif granitique g qui se
développe au nord.
Tel est le résultat de notre reconnaissance dans la partie oc-
cidentale du cirque. Pour en reconnaître le fond et le côté
oriental, la voie la plus directe et la plus commode était
celle qui conduit droit à Montlouis par le col de la Perche.
C’est cette voie que nous avons adoptée. Nous ne dirons rien
pour l’instant du trajet entre Bourg-Madame et Saillagouse,
village situé sur la Sègre au pied du cirque. Cette partie ap-
partient au bassin même dont nous allons bientôt nous occu-
per d’une manière toute spéciale.
Après avoir traversé la Sègre à Saillagouse, on a devant soi
une côte rapide qui indique assez clairement que l’on quitte en
effet le bassin pour s’élever sur le cirque qui est la partie la
plus remarquable de son enceinte et qui se termine par le col
de la Perche et par le plateau de Mont-Louis,
Je m’attendais, en montant vers ces hautes régions que je
savais être granitiques, à y trouver le granité franc et vif des
Escaldas et de Carol, après avoir coupé le prolongement de
l’étage silurien reconnu précédemment ; mon attente a été
trompée. Le premier terrain qui s’est présenté sur la côte, au
sortir du village, s’est trouvé être une sorte d’argilolifce rouge,
616
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
bizarrement ravinée, qui est comme flanquée à la base de la
montagne, et qui appartient, comme je l’ai reconnu depuis, à
un dépôt qui semble avoir comblé Je bassin vers la fin de l’é-
poque tertiaire et dont il sera particulièrement question un
peu plus loin. Les schistes anciens, recouverts par ce dépôt,
affleurent cependant en quelques points de la côte qui con-
duit à une première station qu’on appelle col de Riga ; mais ils
ne se manifestent un peu largement qu’après ce col, dans
la plaine qui le sépare du col de la Perche , qui est plus loin et
plus élevée. On reconnaît alors un schiste qui diffère sensible-
ment de celui d’Ur et de Garol. Il est mat et mjune terreux, et
d’une couleur claire passant au blanc sale. Le gazon qui re-
couvre celte plaine, à une hauteur où se montrent des forêts de
sapins dans la montagne voisine* est jonché de blocs de quartz
blanchâtre, à peine arrondis sur les angles qui indiquent la
présence de cette roche dans ces schistes ou dans ceux des
montagnes entre lesquelles la plaine est comme encaissée.
Après avoir traversé ce plateau gazonné, on franchit le col
de la Perche, molle dépression en forme de selle très-élargie
(largeur 3 kilomètres), dont l’altitude est cotée 1,622 mètres
sur la grande carte de France, et qui est limité latéralement par
des escarpements granitiques très-prononcés du côté oriental.
C’est là que l’on commence à rencontrer le granité. Sur le col
lui-même et en descendant à la Cabanasse , dans un petit vallon
qui le sépare du plateau de Mont-Louis, cette roche se montre
sous un aspect terne et même terreux, et avec une couleur sale
d’un gris un peu roussâtre, et l’on rencontre à chaque pas de
nombreux blocs en état de désagrégation par couches concen-
triques qui se réduisent peu à peu en une arène de même
couleur. Au reste, ce granité n’occupe pas une très-grande
surface, et j’ai lieu de croire qu’il ne se montre, dans le mas-
sif général que nous avons déjà indiqué, qu’en larges taches où
la roche, franche et vive habituellement, semblerait atteinte
d’une sorte de maiadie qui paraîtrait tenir particulièrement à
la décomposition du mica. Si l’on descendait à l’est de Mont-
Louis, dans la vallée de la Têt, on verrait le granité reprendre
ce faciès vif et brillant qui témoigne de son état sain : il en
serait de même si l’on marchait sur le plateau au nord, dans la
direction de Fourmiguières (1).
(L Le granité des Pyrénées-Orientales offre dans ces parages, un acci-
nent assez curieux. G est une matière verte ou verdâtre, comme serpenti-
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
617
Le granité malade du col de la Perche m’a rappelé celui de
Foix et plus particulièrement encore le granité de la partie
orientale duCanigou, sur le chemin d’Arles à la Batère qui est
là, comme dans la montée delà Perche, en relation avec des
schistes blanchâtres ou légèrement jaunâtres sans éclat.
Le temps nous a manqué pour étudier en détail l’escarpe-
ment oriental du cirque au col de la Perche et au-dessous. Il
nous a paru que la roche qui succédait immédiatement au gra-
nité de ce côté était un gneiss ou hyalomicte, à mica bronzé en
décomposition. La gorge par laquelle la Sègre fait son entrée
dans le bassin débouche au sein de cette roche, d’où sourdent
également les eaux thermales sulfureuses de Llo.
Il semblerait résulter de ce rapide aperçu que le côté orien-
tal du cirque diffère sensiblement du côté occidental. Nous n’y
avons rien vu notamment qui pût nous rappeler les schistes
sombres, sub-satinés, mâclifères, d’Ur et de Carol; mais nous
n’insisterons pas sur cette différence qui mériterait d’être l’ob-
jet d’une étude plus approfondie.
Occupons-nous maintenant de la partie de l'enceinte qui cir-
conscrit le bassin latéralement. Elle est constituée par des
schistes de transition. Nous avons constaté ce fait des deux côtés
du bassin; mais principalement du côté oriental où ces schistes
s’offrent, pour ainsi dire, d’eux-mêmes à l’observateur, au pied
des montagnes et dans les gorges qui en sortent pour venir dé-
boucher dans la plaine. Nous avons pu faire cette reconnais-
sance facilement en profitant d’un chemin qui passe à la base
des montagnes, par une suite de villages (Palau, Villalobent ,
Urch, Alvilar) qui semblent situés là comme des jalons pour
marquer de ce côté la circonscription de la belle plaine qui
va être ci-après l’objet de notre attention.
Cette exploration ne nous a offert nulle part les schistes si-
luriens en partie mâclifères de Carol; mais bien une suite
assez uniforme d’autres schistes d’un gris cendré, ternes
quelquefois même sub-terreux, notamment dans une gorge
près de Pareras , où ils ressemblent à de la boue desséchée. Il
est difficile de découvrir l’allure générale de ces schistes à
cause des inflexions et des autres dérangements qui les affec-
tent, bien que ces perturbations ne soient jamais bien pro-
noncées. — En approchant du village d’Urch, la roche en
lieuse, mais légèrement foliacée, qui s’y trouve en veines ou qui pénètre
aussi moléeulairement dans la masse.
618
SÉANCE DIJ 1er MARS 1869.
place se trouve un peu cachée ou éloignée du chemin ; mais
les murs de clôture des champs (ressource précieuse dans des
cas semblables pour le géologue) accusent des schistes souvent
assez massifs, d’une couleur légèrement verdâtre, passant
parfois au schiste novaculaire, et entre Urch et Alvilar nous
en avons remarqué qui manifestaient une tendance à la struc-
ture amygdaline, caractères qui semblaient nous indiquer la
présence ou au moins le voisinage de l’étage dévonien.
C’est dans ces circonstances que nous sommes arrivés à la
gorge de Pardinella où passe le chemin de Puycerda à Bar-
celonne. Là nous avons reconnu des schistes légèrement ver-
dâtres ou gris sub-ardoisiers, plongeant fortement au N. E. Le
ruisseau lui-même coule sur des affleurements de ces schistes,
et montre des blocs, généralement peu arrondis, descendus
des montagnes qui s’élèvent immédiatement à l’est. Nous
avons vu parmi ces blocs des schistes nettement et agréable-
ment rubanés ; mais la plupart consistent en des conglomérats
vivement colorés en vert et en rouge, qui sont composés d’une
matière schistoïde ou euritique, empâtant des fragments de
grauwacke très-fine et surtout de quartz blanc, et dans laquelle
cette dernière roche s’introduit même sous forme de veines
enlaçant les autres éléments, de manière à constituer avec eux
un magma dur et solide. On sait que ces vives couleurs sont
dans les Pyrénées, un indice presque certain pour l’étage dé-
vonien supérieur, et cet indice se trouve d’ailleurs fortifié par
la présence de blocs de marbre rouge, analogue à l’incarnat et
à la griotte du Languedoc, tout près de là dans le terrain de
transport de Sanavastre , et sur lesquels nous aurons l’occasion
de revenir.
Le village que nous venons de nommer est d’ailleurs à une
très-petite distance d’ Isobol, vers l’extrémité sud du bassin où
la vallée proprement dite s’ouvre dans une assise dont les ca-
ractères dévoniens ne sauraient être contestés. Il ne me paraît
donc pas douteux que la gorge de Pardinella et tout ce qui lui
succède au sud appartient à cet étage; peut-être même fau-
drait-il faire remonter la limite au nord, du côté d’Urcb.
Quant aux schistes gris-terne, qui se développent en deçà de ce
village, ils pourraient être regardés comme siluriens (étage
supérieur).
Tel est 1 état des choses dans l’enceinte du bassin du côté
oriental. Le côté opposé offre à Deu près la même succession,
sauf la piésence des schistes siluriens intérieurs de Carol qui se
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE, 619
prolongent là, tandis que nous ne les avions vus nulle part
dans l’exploration précédente.
En suivant la route d’Urgel, du côté droit de la Sègre, nous
avons en effet reconnu, dans les murs de clôture, à défaut d’af-
fleurements, ces schistes bien caractérisés. Us paraissent se
continuer jusqu’à Volvir et même un peu au delà où ils se
montrent enfin d’une manière directe, avec un prolongement
septentrional, et par conséquent conforme à celui de Carol.
Plus loin, on perd de vue le terrain de transition ; mais après
avoir dépassé le village &’ Ailes, les débris employés dans la
construction des murs témoignent de la présence des schistes
verdâtres que nous avions rencontrés à Urcb, de l’autre côté
du bassin. Enfin, en approchant d’isobol, où nous allons bien-
tôt indiquer des griottes en place, de nombreux fragments de
calcaires gris, mêlés à quelques calcaires rouges amygdalins,
indiquent que l’on a franchi la limite qui sépare le silurien
du dévonien.
En résumant toutes nos observations sur l’enceinte du bas-
sin de Gerdagne, on voit que ce bassin est acculé au nord con-
tre un massif granitique g. auquel s’accolent des schistes de
transition nettement accusés et caractérisés à l’est, et qui
doivent appartenir à l’étage inférieur du système silurien, tan-
dis que ses parties latérales consistent en des roches schisteuses
plus ternes et d’une teinte cendrée qui pourraient être encore
siluriennes (étage supérieur), passant, par des schistes légère-
ment verdâtres, à un étage d évidemment dévonien D, qui
constitue la partie extrême du côté méridional.
Abstraction faite de ces roches extrêmes, l’ensemble de
cette enceinte schisteuse constitue un puissant système azoï-
que, dont l’inclinaison générale est au nord, et qui semble,
dès lors, occuper une position renversée avec surincombance
du granité. On remarquera que ce système est entièrement dé-
pourvu de calcaire, circonstance qui suffirait pour le faire dis-
tinguer de l’étage dévonien qui le suit, et qui explique l’ab-
sence des pierres de cette espèce, et celle de la chaux dans
les constructions du pays.
Du Bassin lui-même.
Le bassin riche et fertile qui constitue principalement la
Gerdagne, et dont nous avons indiqué plus haut la forme
allongée et la grande étendue, a été regardé par plusieurs ob-
020
SÉANCE DU îer 31 A RS 1869.
servateurs, comme un lac desséché. Rien n’est mieux fondé
que celte supposition qui devient presque une réalité, lors-
qu’on vient à considérer cette plaine au point de vue géog-
nostique. En effet, malgré le remaniement opéré dans ce bas-
sin par les eaux diluviennes qui l’on recouvert finalement de
matériaux plus grossiers, il reste des indices et des témoins
qui suffisent pour mettre l’observateur à même de constater
l’existence au fond du bassin d’un grand dépôt lacustre ( P de
la coupe générale), et de reconnaître même la composition et
sa structure. D’abord il s’est conservé presque intact tout
autour du bassin, où il forme, à la base des montagnes, une
bordure saillante, quelquefois élevée, presque continue, surtout
du côté oriental. D’un autre côté, on peut s’assurer directe-
ment de sa présence dans l’intérieur, sous le diluvium, en
certains points où des tranchées profondes traversent entière-
ment ce dernier dépôt.
11 y a donc lieu de distinguer dans le terrain de comblement
du bassin de la Gerdagne, deux formations : l’une, lacustre;
et l’autre, diluvienne. Nous allons nous occuper successive-
ment de ces deux ordres de dépôts, en commençant par le
premier.
Dépôt lacustre. — Le terrain qui a comblé primitivement le bas-
sin de l’ancien lac, et qui en occupe encore le fond et les bords,
est lui-même susceptible d’être divisé en deux assises, dont la
plus récente se trouve être aussi la plus grossière. Gelle-ci se ma-
nifeste surtout dans la bordure extérieure ; l’autre, qui se trouve
naturellement au fond, où elle est recouverte par le diluvium,
se laisse voir cependant, en quelques points, là où ce dépôt su-
perficiel est entamé profondément. Elle se compose d’argiles
souvent sableuses, accompagnées de grès friables de couleur
claire; les couches les plus inférieures, toutefois, offrent sou-
vent des argiles assez pures, d’une couleur plus sombre, obs-
curément bariolées.
L’assise supérieure consiste, presque partout, en une argilo-
lite grossière rouge, quelquefois jaune d’orange, renfermant
des fragments anguleux de schistes provenant des montagnes
voisines ; un gravier, ordinairement quartzeux, s’y trouve aussi
en petits amas ou veines, principalement dans la partie supé-
rieure.— G’est cette assise que sa couleur rutilante fait particu-
lièrement remarquer au pied des montagnes de l’enceinte
(côté oriental), où elle passe derrière les nombreux villages
que nous avons déjà eu l’occasion de nommer.
.MÉMOIRE DE M. LE YM ER IE.
621
Ce dépôt lacustre, considéré dans son ensemble, offre des
traces d’une véritable stratification, et ce qu’il y a de remar-
quable dans l’allure des strates, c’est l’inclinaison très-sen-
sible qu’ils offrent presque toujours. Toutefois, cette incli-
naison est assez faible vers le fond du bassin. Quant au sens,
il est assez variable; mais nous avons cru remarquer qu’il
tendait le plus souvent à faire descendre les couches des bords
à l’intérieur.
Ces faits généraux sont le résultat d’une reconnaissance que
nous avons faite tout autour de la plaine, et aussi dans la
plaine elle-même, et dont nous allons donner une courte
analyse.
C’est principalement la bordure orientale qui a attiré notre
attention. On se rappelle que dans notre excursion au Col de
la Perche et à Mont-Louis, nous avons rencontré, en mon-
tant, au nord de Saillagousse, un terrain rutilant vivement
raviné. Ce terrain n’était autre chose qu’un affleurement pro-
noncé du dépôt lacustre que nous décrivons, qui se trouve là
flanqué contre les roches anciennes. En examinant de plus
près les talus escarpés qui bordent la route à droite, on voit
que la partie inférieure consiste en des argiles verdâtres et
violacées contenant de petits rognons calcaires, des indices
de lignite et quelques accidents ferrugineux ; mais que la masse,
qui appartientpresque entièrement ànotreassise supérieure, est
formée par des débris schisteux grisâtres, emballés dans l’ar-
gilolite rouge, matière qui se présente aussi seule en bandes
particulières, le tout plongeant légèrement vers le fond de la
vallée.
Des caractères semblables se remarquent, à partir de ce
point, tout le long du bord oriental du bassin. Nous l’avons
constaté en suivant cette partie de l’enceinte jusqu’à la gorge
de Pardinelîa, d’où l’on voit la ceinture rouge que nous avions
rarement perdue de vue jusque-là, se prolonger au sud der-
rière le village d 'Asp et tous les autres villages qui se trouvent
de ce côté au pied des montagnes, jusqu’à l’extrémité du
bassin.
Nous avons particulièrement étudié cette ceinture derrière
les villages français d’Osseja et de Palau, où le terrain rouge
s’accuse d’une manière remarquable par son épaisseur et par
son étendue, et exerce même une influence sur la forme du
relief. Il forme là de petites collines et des promontoires en avant
des montagnes, et on l’y voit pénétrer par des gorges, dont les
SÉANCE DU lor MARS 1869.
622
escarpements offrent des coupes de ce terrain qui permettent
d’en reconnaître la composition et la structure. C’est toujours,
en masse, uile terre argileuse, grossière, de couleur rouge, con-
tenant des fragments de schistes, un peu de quartz et quel-
ques autres éléments d’un petit volume qui sont disséminés
dans la roche terreuse. Ces éléments et Pargilolite elle-même,
forment aussi des couches qui descendent vers le fond du
bassin, sous un angle dont la valeur va peu à peu en dimi-
nuant.
Le gîte dont nous venons de donner un léger aperçu, ne
montre pas les couches inférieures du dépôt; mais ces couches
paraissent plus près du centre dans certaines écorchures d’une
teinte jaunâtre, que l’on laisse à droite, lorsqu'on se rend de
Bourg-Madame à Saillagouse, par la route de Perpignan. Nous
avons eu l’occasion, d’ailleurs, d’en traverser des affleurements
en continuant à suivre la lisière orientale sur le territoire espa-
gnol, après avoir passé le gisement de Palau. Un de ces affleu-
rements s’est présenté à nous, notamment un peu après avoir
traversé le village de Villalobent, en un point où un petit ravin
entame une argile verdâtre obscurément tachée de rouge qui
ressemble beaucoup à celle qui gît à la base du terrain rouge
à Saillagouse. — Nous citerons encore un autre gîte de cette
assise inférieure que nous avons rencontré à l’entrée du village
d’Urch, où se trouve également un ravin qui permet d’en ob-
server les caractères. C’est une argile analogue à la précédente
que l’on observe en cet endroit; mais elle y offre cette curieuse
circonstance qu’elle alterne en strates inclinés de 25 à 30 de-
grés avec des couches de grès friable et de petits cailloux quart-
zeux agglomérés. Le tout est recouvert par une assise arénacée
blanchâtre, passant au jaunâtre où la couleur rouge fait défaut,
circonstance qui pourrait s’expliquer par une destruction
locale de l’assise supérieure.
Dans nos observations sur cette assise inférieure, nous avons
vu quelque fois les argiles en contact avec les schistes sous-
jacents, et il nous a semblé remarquer un passage du schiste
en décomposition à l’argile.
Nous nous sommes arrêtés dans cette reconnaissance de la
bordure orientale du dépôt lacustre, à la gorge de Pardinella,
ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut; mais nous avons
suivi des yeux l’assise rouge au delà de cette limite, où elle
continue à passer derrière les villages jusqu’au fond du
bassin.
MEMOIRE DS M. LEYMERIE.
Cette bordure, si accusée au bord oriental, doit avoir un
représentant du côté opposé. C’est ce que nous avons
constaté en suivant la route de Puycerda à Urgel, entre la
première de ces villes et le village d’isobol où se termine la
plaine ; mais ici, les caractères du terrain lacustre ne sont pas
aussi prononcés ; ses formes sont plus étalées, plus vagues, et
la couleur rutilante s’y trouve généralement remplacée par des
teintes plus pâles et plus ternes. C’est ce que l’on peut recon-
naître presque en sortant de Puycerda, dans le talus qui des-
cend à la vallée, sous le village de Guils.
L’endroit où la bordure lacustre se manifeste le plus de ce
côté, est derrière le village d’ Ailes, où elle affecte une disposition
en gradins que l’on distingue de loin, à cause de cette forme
spéciale et aussi par les teintes alternativement jaune-orangé
et blanche de la matière argileuse qui la compose. C’est cette
partie occidentale de la ceinture que nous avons projetée en P
sur notre coupe générale, à cause de sa proximité; elle se
trouve particulièrement représentée dans le profil transversal
(fig. 3).
Le terrain que nous venons de reconnaître tout autour du
bassin passe évidemment sous le dépôt diluvien pour consti-
tuer le fond. C’est un fait dont nous avons vu la confirmation
en plusieurs points où le diluvium a été entamé assez com-
plètement, pour mettre a nu le dépôt sous-jacent. C’est ce que
nous avons notamment observé dans les tranchées du mon-
ticule qui supporte Puycerda. En effet, le rapide chemin par
lequel on descend de cette ville du côté occidental, montre un
dépôt de cailloux diluviens reposant brusquement et en dis-
cordance sur une argile blanc-jaunâtre qui est évidemment
lacustre. Ce fait qui est rendu sensible aux yeux dans la
figure 2, se repro'duit encore, ains que le montre la même
figure, à la gauche de la Sègre, dans la terrasse diluvienne
sur laquelle est tracé le chemin de Bourg-Madame à Palau,
et nous allons en signaler d’autres exemples en parlant des
lignites qui gisent dans le terrain qui nous occupe.
On y rencontre des traces de ce combustible en beaucoup de
points ; mais on ne connaît que deux gîtes où il se soit trouvé en
assez grande abondance pour mériter une exploitation suivie.
L’un est sur le territoire de la commune française d’Estavar, à
l’extrémité nord du bassin, et l’autre à Sanavastre (Espagne),
vers l’extrémité opposée. Nous dirons un mot de chacun de ces
gîtes.
m
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
Le gîte d’Estavar se trouve dans un petit vallon par lequel
le ruisseau qui passe à ce village arrive dans la plaine, tout
près de la limite qui sépare son territoire de l’enclave espa-
gnole de Livia. Ce vallon est encaissé entre des schistes silu-
riens, et l’on n’y voit aucun affleurement du dépôt lacustre qui
ne peut exister qu’au fond. C’est là, en effet, que l’on avait jadis
commencé des travaux au milieu d’une argile sableuse qui ne
pouvait être que l’assise inférieure du terrain qui nous occupe.
MM. Bouis et Farine, de Perpignan, ont parlé de ce gîte.
D’après M. Farine, la lignite y formait une couche épaisse
inclinée au S. E. dans laquelle ce combustible se présentait
d’une manière assez irrégulière, avec des traces des fibres
ligneuses et môme sous forme de branches et de troncs
d’arbre.
Le même savant a signalé, dans les argiles supérieures au
lignite, des lits contenant beaucoup de coquilles écrasées,
parmi lesquelles, il a reconnu : Limneus stagnalis , palastvis ,
auricularia; Paiudim impora; Valvata piscinalis; Planorbis
carinatus, espèces qui appartiennent toutes à l’époque actuelle,
et des cyclades indéterminables spécifiquement. D’autres ont
cité, dans le même gîte, des cônes de pin et des ossements de
mammifères. — Aujourd’hui, cette exploitation est complète-
ment abandonnée, et nous n’avons pu même en découvrir,
sur les lieux, la moindre trace.
Il n’en est pas de même de l’autre gîte. Celui-ci est encore
l’objet d’une exploitation que Bon pousse activement par des
travaux souterrains d’une étendue considérable. (Voyez le pro-
fil, fig. 3). Il faut dire aussi qu’il est favorablement situé, à
. une faible hauteur au-dessus du fond de la plaine, au bord
d’un ruisseau qui passe derrière le village de Sanavastre. D’où
Front et entrée de la mine de lignite
de Sanavastre.
I
il résulte une facile sortie
pour le combustible et un
écoulement tout naturel pour
les eaux rencontrées dans les
travaux. Nous donnons ici un
croquis représentant le front
de la mine où Bon voit l’ac-
tion des galeries percées dans
la couche de lignite dont l’é-
paisseur est d’environ 1 mètre.
La même figure montre que
cette couche est comprise entre des bancs de grès friable, de
MEMOIRE DE M. LFYMERÏE. ()25
couleur claire sous-jacents, à une argile sableuse blanchâtre ; le
tout étant 'surmonté, d’une manière brusque, par un dépôt cail-
louteux qui appartient au diluvium. L’ensemble du dépôt ligni-
tifère offre d’ailleurs une stratification marquée avec une assez
faible inclinaison dont nous n’avons pu reconnaître clairement le
sens. — Le lignite de Sanavastre est schisteux, avec une ten-
dance à la cassure rectangulaire. On y remarque des impres-
sions de tiges végétales tout à fait indéterminables.
Il résulte des faits et des considérations qui viennent d'être
exposés que, à une époque antérienre à celle où s’est exercée
l’action violente qu’on appelle diluvienne, un lac remplissait
le bassin aujourd’hui émergé de Cerdagne, et que ce bassin a
été comblé à cette époque par un dépôt considérable d’atté-
rissements apportés dans cette vaste dépression par les tor-
rents qu’y déversaient les gorges déjà ouvertes au sein des
montagnes de l’enceinte, principalement du côté oriental.
En considérant ce dépôt lacustre en lui-même autant qu’il
nous est permis de le faire dans les parties accessibles aux
observations, on peut y distinguer deux assises.
La première, celle qui occupe le fond, se compose, à la base,
d’argiles assez pures d’un gris verdâtre ou obscurément pana-
chées et, plus haut, d’argiles aréneuses et de grès friable de cou-
leur claire, associé, en quelques points, à du gravier quartzeux
à petits éléments. Elle renferme souvent des traces de lignite;
mais ce combustible s’y trouve accumulé, en quelques en-
droits, de manière à mériter d’être exploité, notamment vers
les extrémités du bassin.
L’assise supérieure, de composition plus grossière, consiste
généralement en une argilolithe qui est d’un rouge vif dans la
partie orientale du bassin, où elle contient des fragments an-
guleux de schistes et de quartz qui s’y trouvent en amas dis-
persés ou qui s’y disposent en couches alternant avec les cou-
ches argileuses. Du côté occidental, la composition de la
même assise devient plus uniforme, moins grossière, et la
couleur rutilante s’atténue au point de passer à des teintes
ternes et insignifiantes.
Tout ce système lacustre se relève tout autour du bassin sous
un angle sensible et croissant du fond vers les bords. On y
remarque aussi des inclinaisons en d’autres sens qui semble-
raient indiquer un soulèvement postérieur.
Pour arriver à une détermination de l’âge de ce dépôt lacustre
de Cerdagne, nous ferons remarquer qu’il est très-analogue à
Soc. cjèoU, 2e série, tome XX VT. 40
f}9(3 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
celui qui constitue le fond de la plaine du Roussillon. J ai été
particulièrement frappé de la ressemblance de notre bordure
avec celle qui forme, à la base des albères, le dépôt roussil-
lonnais sous un manteaux de cailloux diluviens qui ne semble
pas partager l’inclinaison du terrain qu’il recouvre. On re-
marque, en effet, dans cette dernière bordure, une terre argi-
leuse souvent rouge, renfermant des fragments et de petits
cailloux, et les fossés profonds, ainsi que les berges des rivières
montrent une assise argileuse où l’on trouve, notamment à
Banyuls-les-aspres, des coquilles marines qui indiquent l’épo-
que pliocène. La présence de ces animaux marins s’explique
très-bien ici où la plaine est largement ouverte vers la mer;
dans notre bassin tout intérieur, nous sommes nécessairement
privé de ce moyen de détermination ; mais 1 analogie strati-
graphique qui existe entre les deux dépôts, l’un marin et 1 autre
lacustre, notamment l’inclinaison quelquefois très-prononcée
qui tend à les séparer assez profondément du diluvium qui les
recouvre, nous autorisent jusqu’à un certain point à les rap-
porter l’un et l’autre à la même époque (pliocène).
Dépôt diluvien. — Après le retrait des eaux du lac de la Cerda-
gne, le dépôt qui s’y était formé, a été remanié et creusé de
l’amont à l’aval par des eaux courantes d’un volume extraor-
dinaire et animées d’une grande vitesse. Ces eaux, dans leur
période de calme relatif, y amenaient et déposaient les cail-
loux roulés, et les blocs que nous voyons aujourd’hui brusque-
ment superposés au terrain lacustre qui se distingue d’ailleurs
immédiatement par sa composition incomparablement moins
grossière. Ce nouveau dépôt n’est autre qu’un individu de ce
grand genre de terrains clysmiens qu’on a appelé diluvium, qui,
lui-même, n’est qu’une forme du terrain quaternaire. Le dilu-
vium se trouve, en effet, dans toutes les vallées, et notamment
dans celles des Pyrénées; mais ce qu’il offre de singulier en
Cerdagne, c’est qu’il y prend un développement et des formes
accusées, à l’origine même de la vallée de la Sègre, à 1,100 à
1,200 mètres d’altitude; tandis que dans les autres grandes
vallées pyrénéennes, ces caractères ne se dessinent qu’au dé-
bouché dans les plaines basses ou un peu en amont, mais
jamais dans les parties élevées où la rivière n’est, en général,
qu’un torrent sans lit bien déterminé.
Si l’on considère d’abord le dépôt diluvien de Cerdagne, en
amont de Puycerda, où il n’y a pas encore de rivière princi-
pale, et où la vallée n’est pour ainsi dire pas constituée, on
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
627
le voit couvrir comme d’un manteau irrégulier les ondulations
de cette région initiale qui semble préluder à la plaine. Il ne
commence réellement à s’établir et à prendre les formes ca-
ractéristiques dont nous venons de parler, qu’au sud de Puy-
cerda. Là, on voit se dessiner immédiatement le caractère
orographique le plus saisissant de ce comblement diluvien;
ce caractère que nous avons fait particulièrement ressortir
dans la fîg. 2 qui représente une coupe transversale du bassin
au parallèle de Puycerda, consiste en une terrasse élevée qui
borde la plaine à sa gauche, suivant la loi générale qui régit
les dépôts diluviens dans les vallées, et qui est si remarqua-
blement observée dans les plaines de la Garonne et du Tarn,
ainsi que nous l’avons expliqué ailleurs (1). Cette terrasse va
butter latéralement contre la bordure du terrain lacustre, et
sa limite, de ce côté, passe à peu près par les villages nom-
breux et rapprochés qui ont été précédemment nommés. ■ —
On pourrait lui rattacher l’étroit plateau, à l’extrémité duquel
est situé la ville de Puycerda, qui domine de là toute la plaine.
Nous avons déjà dit que les cailloux roulés qui constituent
cette banquette, reposent sur l’assise argileuse lacustre qui
affleure à la base, notamment en bas de la côte par laquelle
on descend de la ville du côté occidental. (Voyez fîg. 2.)
La grande terrasse dont nous venons de signaler l’exis-
tence, et que nous avons vue s’étendre jusqu’à la bordure
lacustre dans la partie orientale de l’enceinte, est coupée
dans le sens opposé, de manière à offrir un talus qui descend
rapidement vers le fond de la vallée et qui montre clairement
la structure du diluvium et les caractères des matériaux qui
e composent.
J’ai eu l’occasion d’observer ce talus en plusieurs points
notamment vers le parallèle de Puycerda en allant de Bourg-
Madame à Palau (voyez la coupe, fîg. 2), et, plus bas, au pont
sur la Sègre où passe le chemin de Barcelonne.
Dans le premier point, j’ai cru distinguer deux assises dans
le dépôt diluvien, savoir: des cailloux plats serrés, d’un schiste
gris assez massif, reposant sur un amas de couleur jaunâtre
plus terreux, contenant des fragments de schistes et quelques
blocs de quartz arrondis. La tranchée, en cet endroit, traverse
(1) Voyez Bull, de la Soc. géol. de France, 2e sér., t. XII, page 1299;
1855 et Notice sur le phénomène diluvien dans le bassin de Lavilledieu
Mém. de V Acad, de Toulouse), Ge série, t. V, page 132 ; 1867.
(5:28 SEANCE DU Ier MARS 1869.
toute la formation et entame légèrement, une roche sous-ja-
cente, probablement lacustre, de nature argileuse, verdâtre,
divisée en strates inclinés qui semblent indiquer que l’argile
résulte de la décomposition sur place d un schiste aigileux de
transition.
Le pont sur la Sègre, ci-dessus mentionné, qui se trouve
à six kilomètres environ en aval du point précédent, se ter-
mine au pied de la même terrasse, et les tranchées faites dans
le dépôt diluvien pour le passage du chemin de Barcelonne,
montrent un amas confus de gros cailloux roulés et de petits
blocs arrondis de quartz, de granité et de schiste gris-cendré
massif, et accusent par conséquent une composition beaucoup
plus grossière que celle de la terrasse de Palau.
En suivant le chemin de Sanavastre, qui se sépare de la
route de Barcelonne, un peu après ce pont, et qui se trouve
alors sur la terrasse même, près de son bord, on ne tarde pasà
voir paraître un nouvel élément du diluvium qui offre un cer-
tain intérêt. C’est une roche singulière où dominent des cou-
leurs vives tantôt vertes, tantôt rouges, et qui n’est autre chose
que le conglomérat ou magma déjà signalé dans la gorge de
Pardinella, et qui se trouve ici à l’état de blocs, dans le do-
maine du diluvium. Ces blocs, dans l’intervalle qui sépare de
Sanavastre le pont dont il s’agit, sont accompagnés de blocs
granitiques, dont le volume atteint celui d’une tête de veau. —
Nous avons déjà dit qu’à proximité de ce dernier village, appa-
raissent de nouvelles roches qui ont un caractère dévonien pro-
noncé, savoir : des calcaires roses ou rouges qui rappellent les
marbres incarnat et les griottes des Pyrénées et du Languedoc.
La présence de ces blocs calcaires colorés, et celle des con-
glomérats ou magmas vert et rouge dans cette partie extrême
du bassin, est due incontestablement à la proximité des roches
dévoniennes, et il n’est pas douteux que la plupart de ces blocs
sont arrivés dans la vallée par les gorges de Das et de Pardi-
nella. Quant au volume plus considérable de ces matériaux di-
luviens, relativement à ceux que nous avions reconnus plus
haut, vers Puycerda, il s’explique assez naturellement par les
apports particuliers de la rivière de GaroJ, dont le confluent se
trouve tout près du pont où nous avons fait nos dernières ob-
servations.
Nous n’avons vu dans le bassin de Gerdagne aucune trace
manifeste d’une action glaciaire quelconque.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 629
Vallée proprement dite.
Le bassin de Gerdagne est dirigé à peu près au sud-ouest,
ainsi que nous Lavons dit plus haut. Là où il se termine com-
mence une longue et profonde gorge, d’un aspect sauvage,
qui n’est interrompue jusqu’au bassin d 'Urgel que par un petit
évasement où se trouve Belver et, plus loin, par ceux d’Orga-
7iya et du col de Nargo.
Nous avons étudié cette gorge en descendant la Sègre par le
chemin de Lérida, qui se maintient constamment vers le fond,
tantôt à droite, tantôt à gauche, et qui n’est le plus souvent
qu’un sentier à peine praticable, et notre retour à Urgel parle
même chemin nous a permis de reviser nos observations et de
découvrir même des faits qui nous avaient échappés à la des-
cente. A partir d’Urgel, nous avons pris pour retourner dans
LAriége un nouveau chemin par le val d’Andorre qui n’entre
pas dans le plan de cette étude.
Nous avons indiqué en commençant les sections qu’il y a
lieu de distinguer dans notre vallée, qui diffèrent entre elles à
la fois par les caractères géognostiques et par la direction. 11
s’agit maintenant de faire connaître, d’une manière rapide,
chacune de ces sections, en commençant, bien entendu, par
celle qui correspond au terrain paléozoïque.
Section paléozoïque entre Isobol et Urgel.
A Isobol , village situé à l’entrée de la vallée proprement dite,
celle-ci fait, avec l’axe du bassin, un angle qui la porte presque
exactement vers l’ouest, direction qui persiste jusqu’au village
du Martinet , et même plus loin jusqu’à Puente de Bar ; après
quoi elle repasse au sud-ouest au moins jusqu’à Urgel. U y a
donc là deux parties ou sous-sections qui diffèrent par des ca-
ractères spéciaux, bien que dans l’une comme dans l’autre, ce
soit ie faciès dévonien qui domine. Nous allons jeter successi-
vement un coup d’œil sur chacune d’elles.
Partie comprise entre Isobol et le Martinet (direction E. O.) —
Le changement de direction que nous avons signalé ci-des-
sus, au point où le bassin de Gerdagne se termine et où la
vallée commence, correspond à un changement géognostique.
On s’en aperçoit facilement lorsque, après avoir traversé le
village d’isobol, on pénètre dans le défilé qui sépare notre
630
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
grand bassin du petit bassin de Belver. En effet, tandis que
l’élément calcaire manquait essentiellement dans les assises
schisteuses de la Cerdagne, l’entrée du défilé se fait au milieu
dérochés de cette nature, et le village d’isobol lui-même est
situé sur des rochers calcaires, les uns gris, les autres rouges,
en partie amygdalins, passant à de véritables griottes. On voit
même, en traversant le village, ces griottes s’arquer au-dessous
d’une assise de calcaire gris qu’elles semblent supporter. Si
l’on s’engage dans le défilé à partir de ce point où les caractè-
res dévoniens sont déjà très-accusés, en suivant, sur la rive
droite de la Sègre, un mauvais sentier qualifié dans le pays de
Route-Royale , on coupe une puissante assise de poudingue et
de grès, roches également inconnues dans la plaine, associées
à des schistes argileux noirâtres. M. l’ingénieur Duroeher a
parlé de ce poudingue dans un mémoire sur le terrain de tran-
sition des Pyrénées (Annales des mines , 4e série, tome VI). Il
y indique des cailloux grossièrement arrondis, dont le dia-
mètre varierait de 10 à 15 centimètres, qui seraient formés
par du quartz, du granité, du schiste, emballés dans une pâte
d’argile schisteuse.
C’est au milieu de cette formation où le schiste argileux a
pris un plus grand développement, que l’affreux sentier déjà
cité monte, en vue du joli bassin de Belver, sur une protu-
bérance où reparaît le calcaire, qui est ici assez compacte et
d’un gris sombre. De là, nous apercevions cette petite ville,
qui doit évidemment son nom à sa position pittoresque sur
un piton calcaire qu’entoure une ceinture de champs cultivés,
animée par quelques villages.
La formation toute nouvelle que nous venons de tra-
verser avant d’atteindre ce petit bassin, sorte d’oasis vers
l’entrée du pays sauvage que nous parcourons, offre des
inflexions et, par conséquent des inclinaisons inverses qui
sembleraient devoir nous laisser incertains à l’égard du
sens général du système. M. Duroeher qui, dans le mé-
moire déjà cité, a donné une coupe de la vallée entre
Urgel et Belver qu’il a prolongée jusqu’à Isobol, probablement
par induction, fait plonger cet ensemble au S. -O. Nous pen-
sons, au contraire, que c’est le sens N.-E. qu’il faudrait pré-
férer, et voici nos motifs : d’abord, c’est de ce côté que nous
avons vu les couches s’incliner le plus souvent ; mais ce motif
n’est, à nos yeux, que secondaire à l’égard de celui que nous
trouvons dans l’allure générale du terrain de transition de
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
631
la Cerdagne. On se rappelle que la formation schisteuse qui
constitue essentiellement ce terrain plonge en masse et
très-régulièrement au N.-E. contre le granité, et nous avons
reconnu qu’elle était renversée. Or, les caractères de ces
schistes, indiquant avec évidence un âge silurien et, dans tous
les cas, plus ancien que le système nouveau que nous venons
de traverser, où les caractères dévoniens sont d’ailleurs très-
marqués, la position de ce dernier sous les schistes du bassin
serait tout à fait rationnelle ; car tout semble faire présumer
qu’il a participé au renversement. Autrement il faudrait ad-
mettre entre les schistes siluriens et la nouvelle assise une
faille dont rien n’indique l’existence.
Étant dans l’impossibilité de marquer sur notre coupe gé-
nérale les inflexions particulières des couches dont il s’agit,
nous avons dû les porter en masse au N.-E., conformément à
la supposition que nous venons d’indiquer.
On remarque dans la même coupe, au fond du bassin de
Belver, les hachures caractéristiques du terrain lacustre que
nous avons vu si développé dans le bassin de la Cerdagne.
Elles indiquent un amas considérable d’argilolithe rouge su-
perposé à une terre argileuse d’un blanc verdâtre, formant,
à la base des montagnes, au sud, un flanquement qui doit se
terminer en haut par un petit plateau. Nous n’avons pas exa-
miné de près cet amas ; mais il nous a été facile d’y recon-
naître, étant placés à une certaine hauteur, sur la rive op-
posée, un témoin du dépôt lacustre à la couleur rutilante de
son assise supérieure. Il produit, du reste, dans ce petit bas-
sin un grand effet par cette vive coloration qui tranche sur la
teinte sombre des montagnes contre lesquelles il s’applique,
et parce qu’il s’élève brusquement à une assez grande hauteur
au-dessus du niveau de la Sègre.
La présence de ce dépôt dans ce lieu nous apprend que la
formation lacustre de Cerdagne n’appartient pas exclusivement
à ce grand bassin. Nous la retrouverons bientôt encore dans le
bassin d’Urgel, et nous verrons, en continuant à descendre la
vallée, qu’elle ne dépasse pas, au moins avec les caractères
que nous lui connaissons, la section qui fait en ce moment
l’objet de notre étude, où elle semble liée à la présence de
terrain de transition.
On sort du bassin de Belver en marchant sur des bosselures
composées de schistes et de calcaires gris, avec des griottes
subordonnées qui rappellent celles d’isobol ; puis on coupe
632
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
des schistes gris, verts et rouges, dont les caractères dévoniens
sont incontestables. Ici encore, l’allure des couches est assez
embrouillée : il aurait fallu beaucoup de temps pour l’étudier
en détail. Nous pensons qu’il pourrait y avoir là un relève-
ment qui ferait réapparaître les calcaires d’isobol, sortant de
dessous les schistes gris et les poudingues que nous venions
de traverser, et qui ne se représentent plus en aval.
Dans l’étroit défilé où l’on entre pour aboutir au Martinet,
on continue à marcher au milieu de blocs dont les vives cou-
leurs et la structure témoignent de la continuation des roches
dévoniennes; mais en approchant de ce petit village, station
habituelle des muletiers qui voyagent journellement dans cette
vallée, on voit le terrain changer d’aspect, et les tranchées
que l’on ne cesse d’avoir à droite en suivant le chemin mon-
trent des calcaires d’un gris bleuâtre et des schistes très-
pyriteux noirâtres et même carburés qui ressemblent beau-
coup aux roches du terrain silurien supérieur de Luchon. On
remarque deux inclinaisons contraires dans ces couches; il
semble qu’il y a là une inflexion qui fait affleurer une
assise silurienne sous-jacente, et c’est ainsi que nous avons
fait figurer les choses dans notre coupe générale.
Entre le Martinet et le bassin d’Urgel (direction S. O.). —
La section qui commence au Martinet pour se terminer au
bassin d’Urgel offre l’aspect d’uue gorge aride et sauvage.
Elle est principalement caractérisée, au point de vue géogno-
stique, par l’intercalation du granité au milieu du terrain de
transition. Le village du Martinet est situé en pente sur des
roches qui s’évasent un peu du côté droit de la Sègre, grâce
à l’influence de la gorge de la Llosa qui vient apporter en ce
point un peu d’air et de lumière. La végétation en profite pour
reparaître timidement, il est vrai, sous la forme de vignes, les
premières que nous ayons vues dans la vallée, plantées sur de
petites banquettes en gradins qui témoignent du zèle indus-
trieux des habitants. La rive gauche suit le pied d’un immense
escarpement presque vertical, en haut duquel on aperçoit une
partie du village de Montalba , et qui serait de nature calcaire
d’après M. Noblemaire (Mémoire déjà cité), qui a reconnu de
ce côté une roche porphyroïde éruptive. Le même ingénieur
a signalé au nord de la Sègre, notamment dans la gorge de la
Llosa, plusieurs affleurements de filons cuprifères.
Ces phénomènes particuliers qui se présentent au Martinet
paraissent liés à l’apparition d’un massif granitique qui com-
MEMOIRE DE M. LEYMERIE.
633
mence à se montrer immédiatement en aval de ce village, et
les filons dont nous venons de parler se trouvent même dans
le granité au voisinage du terrain précédent. A peine avions-
nous traversé la rivière pour reprendre le chemin, qui se porte
ici sur la rive gauche, que nous avons rencontré cette roche
qui nous a paru analogue à celle de Garol, sauf le mica, qui se
trouve affecter ici une teinte un peu verdâtre avec une certaine
onctuosité.
La présence du granité, nous l’avons déjà dit, est un carac-
tère spécial pour cette section de la vallée. Cette roche toute-
fois, n’y forme pas une masse continue. On peut y distinguer
deux parties qui sembleraient pouvoir se relier à la hase par
un affleurement accessoire, sorte de quille au sommet de la-
quelle est perché le village d’Aristôt. Les intervalles assez
courts, compris entre ces trois granités, sont remplis par des
roches de transition parmi lesquelles il en est beaucoup que
leurs couleurs vives font aisément reconnaître comme dévo-
niennes. Ce sont des calcaires rouges en partie suh-amygda-
lins, d’autres roches vertes ehdes schistes verts et violets. Sans
affirmer qu’il n’existe pas sous ces schistes et calcaires des
couches qui pourraient se rapporter à l’étage silurien, nous
pensons que la plupart de ces roches de transition doivent être
regardées comme dévoniennes. Ces couches subissent d’ailleurs
des perturbations qui en rendent l’allure variable et irrégulière.
C’est à Puente-de-Bar, petit village situé sur la Sègre, que
commence la seconde masse granitique, qui est la plus consi-
dérable. Là se trouve un pont qui nous a permis de passer sur
la rive droite que nous n’avons plus quittée jusqu’à Urgeh Au
delà de ce pont se présentent des escarpements granitiques où
la roche semble se diviser en couches parla présence de joints
ou fissures parallèles, disposition qui a été également men-
tionnée par M. Noblemaire dans la quille d’Aristôt. Nous avons
aussi remarqué dans ce granité de Puente-de-Bar une roche
trappéenne d’un vert sombre en décomposition qui s’y trouve
intercalée comme une couche ou un filon.
Nous n’avons cessé de marcher au bord de ce granité jus-
qu’à une certaine distance au delà de Saint- Vincent , où sour-
dent des eaux sulfureuses qui se conforment ici encore à la
loi générale qui astreint les sources thermales de ce genre a se
trouver près du contact du granité et des terrains stratifiés (1).
(1) Les eaux de Saiat-Vincent sont administrées dans un petit établis-
634
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
On se rappelle que nous avions déjà vu cette loi confirmée par
la position des thermes de Cerdagne.
C’est environ à 800 mètres en aval de Saint-Vincent que se
termine définitivement le granité. Au delà de cette limite, on
rentre dans un terrain de transition très-bouleversé, où le ca-
ractère dévonien domine encore; car le chemin montre fré-
quemment des blocs de calcaire rouge et des schistes verts.
On y constate cependant d’autres calcaires de couleur grise
assez souvent rayés par des lits schisteux d’une teinte analogue
plus ou moins foncée, qui pourraient être siluriens. Cette par-
tie de la gorge qui succède au granité est réellement remar-
quable par les dislocations, les bouleversements et enfin par
les perturbations de tous genres qu’elle offre à l’observateur.
On y voit d’énormes masses qui ont été détachées par des bri-
sures et qui sont descendues des hauteurs, gisant en tous sens
les unes contre ou sur les autres, et dans les escarpements qui
montrent le terrain vif, on reconnaît sans peine des fractures,
des failles, des plis compliqués qui indiquent une action vio-
lente et très-énergique provenant de l’intérieur (1).
C’est après avoir traversé une fracture, étroit ravin où le
terrain est bouleversé comme nous venons de le dire, que nous
avons rencontré des calcaires bleuâtres en couches assez min-
ces et peu inclinées, alternant avec des lits argileux et même
avec des couches de schiste noir carburé. Nous étions alors
près du village de Torres , situé sur un roc calcaire assez élevé.
On nous avait signalé de ce côté des fossiles siluriens; mais
nous n’osions espérer la bonne fortune qui nous a fait rencon-
trer, chemin faisant, des ortbocères dont nous avons pu re-
cueillir même quelques individus passables. C’était, pour ainsi
dire, la vie qui se manifestait à nous pour la première fois,
après tant de recherches infructueuses dans les terrains de
transition que nous venions de traverser et dans celui du bassin
sement un peu primitif. Elles ont une saveur franchement hépatique. Leur
température serait d’environ 3 5 degrés, d’après notre estimation.
(1) Ceci s’applique particulièrement au côté droit de la vallée, le seul
que nous ayons observé de près. M. Noblemaire qui paraît avoir considéré
plutôt le côté opposé, y signale aussi des plissements et renversements ;
mais il ajoute : « Ces accidents affectent très-régulièrement toutes les cou-
ches; aucune faille n’est visible, aucune cavité ne s’est formée par la sépa-
ration des deux assises juxtaposées; la formation tout entière s’est inflé-
hie. »
635
MÉMOIRE DE M. LEYMERIË.
de Cerdagne. Il y a là un massif calcaire particulier dont les ,
caractères rappellent ceux du calcaire des environs de Saint-
Béat, qui renferme, avec des orthoeères lisses et réguliers
semblables à ceux de Torres, des fossiles siluriens incontes-
tables (silurien supérieur) et particulièrement Cardiola inter -
rupta , que nous avons vainement cherchée dans la vallée de la
Sègre. Ce calcaire se prolonge, au bord du chemin, jusqu'à
5 ou 6 kilomètres en aval de Torres, où commence le bassin
d’Urgel. Au delà se présente un puissant étage schisteux assez
régulier. Nous allons revenir sur ces deux assises en nous oc-
cupant du bassin lui-même.
Bassin d’Urgel (direction S. O.). — La rivière de Balire
ou d ’Embalire , qui descend de l’Andorre du N. au S.,
en se réunissant à la Sègre dont la direction est au S. O.,
fait avec cette dernière un angle. De là résulte une petite
plaine triangulaire où se rendent, du côté gauche de la
Sègre, trois gorges principales qui viennent y apporter leur
tribut, savoir : la gorge ou grand ravin de Labastida et ceux de
Ségars et de Narines , dont l’origine remonte jusqu’aux crêtes
secondaires que nous allons bientôt rencontrer dans leur pro-
longement en continuant à descendre la vallée.
C’est dans ce petit et fertile bassin, sur une légère émi-
nence diluvienne, que se trouve la petite ville d’Urgel , chef-Jieu
du district, et qu’on appelle aussi la Seu ou Seo d’Urgel, parce
que, malgré sa faible importance, elle est le siège d’un évêché,
duquel dépend même le pays d’Andorre.
Nous avons dû passer quelques jours dans cette ville pour
les observations qu’il était indispensable de faire dans les en-
virons. Ce séjour nous a été très-utile et, en même temps,
agréable, grâce à la cordiale hospitalité que nous avons reçue
dans la famille Llorens, une des plus considérables et des plus
estimées du pays.
Géologiquement, la plaine d’Urgel consiste en un dépôt
diluvien qui dépasse la Sègre pour aller former, sur la rive
gauche, une sorte de bordure ou bourrelet/ La ville domine
cette plaine du haut de la butte ci-dessus mentionnée. Nous
avons dit ci-dessus que cette butte était elle-même diluvienne.
On peut facilement s’assurer qu’il en est ainsi tout autour de
la ville, mais particulièrement vers la tête du pont qui traverse
la Sègre au S. E., où une tranchée haute d’environ 4 mètres
accuse un amas confus de gros cailloux principalement grani-
tiques. Si, après avoir passé ce pont, on prenait à gauche le che-
636
SÉANCE DU 1er MARS .1869.
min d’Alas, on rencontrerait soit dans le lit de la rivière, soit au
pied de la bordure dont il a été ci-dessus question, associés
aux cailloux granitiques, des blocs et cailloux d’une autre na-
ture et qui se montrent pour la première fois. Ce sont des
grès rouges et des poudingues du trias, dont la présence ici
s’explique d’ailleurs naturellement, puisque les roches trans-
portées gisent vers le débouché de la gorge de la Bastida, dont
nous avons déjà signalé l’origine au sein ou au voisinage des
terrains secondaires.
Quant à l’enceinte du bassin, elle est formée, ainsi que nous
l’avons déjà dit, par le terrain de transition. Pour reconnaître
ce terrain, nous avons fait le tour de la plaine, en commençant
par le versant nord que côtoie de très-près la route de Puy-
cerda à Urgel et sur lequel nous avions déjà jeté un regard en
arrivant.
A la première vue, on distingue de ce côté deux assises très-
différentes qui semblent affecter en masse une inclinaison
au nord-est, savoir : une assise schisteuse et une assise calcaire
qui est superposée à la première.
Les schistes constituent d’abord tout le massif compris entre
la Sègre et l’Embalire. En entrant un peu dans la vallée qu’ar-
rose celte rivière andorraine, on voit ces roches au bord du
chçmin, et l’on peut aisément constater que ce sont des schistes
argileux gris ou gris verdâtre qui sont faiblement accidentés
par quelques veines ou nœuds de quartz. Sur ces schistes, qui
sont médiocrement inclinés au nord-est, reposent des roches
du même genre, quelquefois assez massives, qui diffèrent ce-
pendant des premières par une teinte noirâtre ou bleuâtre et
par une disposition rubanée assez habituelle.
Si, après avoir contourné ce massif commun aux deux val-
lées, on revient sur ses pas pour reporter toute son attention
sur les pentes qui descendent directement au bassin d’Urgel,
on retrouve d’abord les schistes précédents dans leur prolon-
gement; mais, à 3 ou 4 kilomètres d’Urgel, en amont, on voit
succéder à ces assises aux teintes banales et insignifiantes, de
nouveaux schistes qui se distinguent à première vue par des
couleurs vives qui sont le violet , le rouge lie de vin et le vert , et
qui prennent en même temps, çà et là, une structure bacil-
laire. Ces vives couleurs sembleraient déjà indiquer l’âge dé-
vonien de ces schistes, indication qui se trouve confirmée par
une particularité que nous allons faire connaître. Je veux parler
de la présence, dans cette masse schisteuse, de bandes peu
MEMOIRE DE Al. LE Y ME RIE. 037
épaisses d’une roche massive, ordinairement un peu terreuse
et ocreuse, sorte d’eurite en décomposition, dont certaines
parties sont pétries de fossiies, malheureusement à l’état de
moules en creux ou d’empreintes qui sont serrés et comprimés
les uns contre les autres, de manière à former dans l’ensemble
une roche caverneuse dont les moindres fragments offrent des
traces organiques. Ces fossiles, dans cet état, échappent à la
détermination; toutefois, on y distingue plusieurs genres de
brachiopodes paléozoïques particulièrement des spirifères.
Il y a aussi des indices de bivalves, de polypiers et même de
gastéropodes allongés. Cette roche fossilifère pourrie rappelle,
jusqu’à un certain point celle qui, dans les Pyrénées fran-
çaises (Brada, Col-d’Aubisque, Mérens), renferme Atrypa reti-
cularis et Retepora reticularis; mais je dois avouer que je n’ai
pu y reconnaître ces espèces avec quelque certitude. Je n’en
suis pas moins porté à considérer comme dévonienne l’assise
dont cette couche fait partie.
En continuant à explorer ce grand système schisteux qui
circonscrit le bassin vers le nord, dans la direction du chemin
de Puycerda, on voit succéder à l’assise précédente des schis-
tes argileux uniformément gris ou noirâtres plus ou moins fis-
siles. Tels sont ceux qui passent immédiatement sous les cal-
caires bleuâtres à orthocères de Torres déjà signalés.
L’assise calcaire elle-même commence à peu près à l’endroit
où la Sègre entre dans le bassin, et l’on ne cesse de la côtoyer
lorsqu’on remonte le chemin de Puycerda jusqu’à Torres et plus
loin encore, à 2 kilomètres au delà de ce village. La roche qui
domine d’abord est un calcaire gris-bleuâtre assez compacte
et même un peu brillant par place, que l’on exploite comme
pierre d’appareil. A environ 1 kilomètre plus loin, les couches
s’amincissent et alternent avec des parties argileuses en pas-
sant à la structure rubanée. C’est dans ces couches, qui se dis-
tinguent d’ailleurs par de légères ondulations et par une incli-
naison généralement assez faible, que nous avions trouvé les
orthocères déjà signalées. Malgré une recherche très-atten-
tive, nous n’avons pu découvrir aucun autre fossile, et ce n’est
que dans des calschistes terreux d’un gris clair un peu jaunâtre
qui alternent plus loin avec les calcaires précédents, que nous
avons reconnu des débris spalhiques d’encrines et des portions
de tiges qui s’y trouvent disséminés.
A une distance de 1 kilomètre encore au delà de ces
dernières roches, on arrive à cette grande déchirure où
638
SÉANCE DU Ier MARS 1869.
nous avions observé, en venant, des bouleversements et dislo-
cations extraordinaires. Parmi les blocs volumineux qui sont
descendus, par l’effet de cette violente catastrophe, jusqu’au
bord du chemin, on en voit dont la couleur rouge et la struc-
ture indiquent la présence de roches dévoniennes, et l’on aper-
çoit même des calcaires semblables, encore en place, vers le
haut des escarpements. Il semble donc qu’il y ait là une faille
au delà de laquelle, c’est-à-dire au N. E., régnerait le système
devonien, probablement avec des affleurements siluriens à la
base.
Ce calcaire a été observé avant nous par MM. Durocher et
Noblemaire, ingénieurs des mines, qui y ont cité des térébra-
ules et des polypiers. M. Durocher dit même y avoir vu une
mpression de trilobite. Quant à nous, il ne nous a pas été
donné d’y découvrir autre chose que des orthocères et les dé-
bris d’encrines ci-dessus signalés. Les orthocères paraissent
appartenir à une seule espèce en forme de cône allongé lisse
et régulier à syphon central, qui ressemble beaucoup à l’espèce
habituelle du calcaire silurien supérieur des environs de Saint-
Béat, calcaire si bien caractérisé d’ailleurs par Carcliola inter-
rupta et par Orthoceras Bohemica. Nous sommes donc porté à
regarder comme siluriens les calcaires de Torres, qui d’ailleurs
ont la plus grande analogie lithologique avec ceux des environs
de Saint-Béat. Toutefois, il faut avouer l’embarras que nous
éprouvons en cherchant à concilier cette détermination avec
les relations stratigraphiques qui existent entre cette assise et
celles qui la suivent et la précèdent.
On remarquera d’abord que le grand système de schistes
du bassin plonge en masse sous l’assise calcaire, bien qu’il
comprenne une assise vivement colorée fossilifère qu’il se-
rait difficile de ne pas regarder comme dévonienne. Cet
état des choses peut s’expliquer par un renversement qui
affecterait tous les schistes et calcaires du bassin d’Urgel.
H est plus difficile de se rendre raison de la présence de
l’étage dévonien au nord-est du massif calcaire. Quant à l’al-
lure de ce calcaire lui-même, on y reconnaît d’abord l’incli-
naison générale au nord-est; mais en amont de Torres cette
inclinaison se modifie localement, et il y a là, comme nous
l’avons déjà dit, de molles ondulations qui semblent s’arrêter
à la déchirure où tout est, pour ainsi dire, remis en question.
M. Durocher, dans la coupe déjà citée de la portion de vallée
comprise entre Urgel et Belver, fait onduler ces calcaires jus-
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
(339
qu’à ce dernier bourg, où ils passeraient sur le massif qui se
trouve au delà jusqu’à Isobol. Il regarde, par conséquent, ce
massif comme plus ancien, et, pour lui, les griottes et les au-
tres roches vivement colorées ne sont que des accidents méta-
morphiques des calcaires d’Urgeî. Cette manière d’interpréter
et de figurer la stratigraphie de ce grand ensemble, ne nous
semble nullement en rapport avec ce qui existe en réalité, et
le lecteur en sera convaincu, s’il veut bien se reporter aux faits
que nous avons successivement exposés. Il n’en reste pas
moins que les rapports de position de l’assise à Orthocères de
Torres renversée, et des roches dévoniennes qui lui succèdent
au delà de la fracture, sont obscurs et difficiles à expliquer. Je
ne vois qu’une faille qui puisse nous tirer d’affaire, et c’est
ainsi que j’ai figuré les choses dans ma coupe générale.
Cette exploration des terrains de la rive droite de la Sègre,
nous avait entraînés au delà de la limite du bassin. En passant
la rivière vers Torres, nous avons pu continuer nos observa-
tions du côté opposé et achever la reconnaissance du circuit
en retournant à Urgel par Alas, Sur la rive gauche de la Sègre,
des escarpements abrupts^ious ont montré d’abord des bancs
fortement inclinés au nord-est, formés par un calcaire com-
pacte gris-foncé analogue à celui de Torres, et, dans l’impossi-
bilité, que nous avons de suite reconnue, de poursuivre nos ob-
servations en côtoyant la rivière, nous avons gravi une côte
très -rapide qui nous a fait parvenir sur un mamelon où se
trouve un ancien ermitage. Là s’est offert à nous un petit che-
min qui descend à Alas, et dans lequel nous sommes entrés
d’autant plus volontiers, qu’il coupe une série de couches in-
clinées au nord-est, et dont la régularité se soutient d’une
manière complète, ce à quoi nous étions loin de nous atten-
dre. Nous donnons ici une petite coupe de cette série qui re-
pose d’une manière concordante sur les schistes tout à fait
semblables à ceux qui, du côté droit de la vallée, passent sous
le calcaire de Torres.
SÉANCE DU 1er MARS 1809.
040
Coupe du terrain de transition d’A las.
Atlas. Ermitage.
Les premières roches que nous avons rencontrées en com-
mençant à descendre à partir de 1’ermitage, sont des schistes
et des calschistes de couleur claire(sd de la coupe), prenant des
teintes rouge et verdâtre par place ; puis nous avons coupé une
suite assez importante de schistes et de calschistes es d’un gris
clair blanchâtre à la surface et des calcaires en couches minces
subordonnées. Là nous avons retrouvé les fragments spathiques
d’encrines déjà observés dans les couches supérieures de
Torres, avec des portions de tiges ou rameaux à section circu-
laire ordinairement courbes et flexueuses. Au-dessous devaient
se trouver les calcaires àOrthocères, signalés dans le Mémoire
de M. Noblemaire. Nous n’avons pas eu la bonne fortune de
rencontrer en place ces fossiles qui gisent sans doute dans les
couches inférieures o. Mais nous en avons vu, en entrant à Alas,
de nombreux débris dans un calcaire bleuâtre qui avait été
déposé là et réservé comme moellon.
Le croquis montre ces calcaires o reposant sans discordance
sur le système schisteux s. La superposition se fait tout près
du village, et si, avant de franchir cette limite, on jette
un regard en arrière, on peut voir la série calcaire, au moins
l’assise inférieure, se manifester, au nord du ruisseau d’Alas,
sur le coteau que nous venons de descendre, sous la forme de
bandes parallèles à peu près horizontales.
Les schistes appartiennent à la catégorie des schistes argi-
leux. D’abord un peu terreux et d’un aspect terne, ils devien-
nent plus foncés, plus francs et quelquefois massifs à mesure
qu’on pénètre dans les parties inférieures. L’assise fossilifère
à couleurs vives qui s’était olferte à nous du côté de la Sègre,
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
641
doit exister aussi de ce côté; mais nous ne l’avons pas aperçue
dans notre trajet rapide d’Alas à Urgel, presque au bord du
bassin où la roche fondamentale est souvent cachée par des
dépôts modernes.
En somme, on voit que, dans cette partie orientale de la cein-
ture, les choses se passent, à peu près, comme de l’autre côté.
Cependant, on aura sans doute remarqué qu’il n’y a pas ici
ces perturbations locales qui affectent le terrain du côté de
Torres. L’assise calcaire repose purement et simplement sur le
système schisteux, et le tout offre une inclinaison générale au
nord-est. Je ferai observer encore que le calcaire à Orthocères
s’avance de ce côté plus au sud jusqu’à l’entrée même du bas-
sin, comme si le système entier avait fait un mouvement dans
ce sens.
Le circuit essentiellement schisteux du bassin d’Urgel se
trouve reconnu, autant que possible, dans presque toute son
étendue par les observations qui précèdent. Il ne reste plus
qu’à dire un mot de la colline, allongée du sud au nord, qui, du
côté droit de l’Embalire, porte la citadelle et les ruines de l’an-
cien château. C’est encore le schiste argileux qui est ici la
roche constituante. On peut facilement s’en assurer en mon-
tant à la citadelle par la route d’Organya. Ce schiste est assez
terreux, terne, avec de légères teintes de verdâtre et de rou-
geâtre. Il se conforme d’ailleurs pour l’inclinaison à l’allure gé-
nérale de la contrée.
La citadelle et le bourg de Ciudad-reale sont bâtis sur le
schiste même qui de là se prolonge dans le sens de Montferret
et d ’Arfa, en suivant la rive droite de la Sègre réunie avec
l’Embalire; mais il n’en est pas de même du vieux château
Castel-Ciudad , situé à l’extrémité méridionale de la colline. Le
sol fondamental y est bien encore le schiste; mais cette roche
y est recouverte par un dépôt terreux de couleur rouge beau-
coup plus moderne, qui n’est autre chose que le terrain lacus-
tre dont nous avons constaté l’existence en Cerdagne, et que
nous avons retrouvé dans le bassin de Belver.
Cette différence entre les deux points de la colline occupés,
l’un par la citadelle, l’autre par le château, s’accuserait nette-
ment aux yeux d’un observateur placé sur la butte d’Urgel, et
qui aurait devant les yeux la protubérance allongée dont il est
question. La partie où se trouve la citadelle lui paraîtrait comme
un dos d’âne de couleur terne, tandis que l’autre lui offrirait
l’aspect d’un terrain rutilant flanqué contre le coteau, et qui
Soc. Géol., 2e série, t. XXVI. 41
042 SÉANCE DU 1er MARS 1869.
serait profondément découpé en grossiers pilastres par des
ravins presque verticaux.
Le terrain lacustre existe donc dans le bassin d Urgel, et il
est plus que probable qu’il a laissé des témoins du côté orien-
tal de la ceinture, ainsi que cela avait lieu dans les bassins pré-
cédents. Nous avons rencontré, en effet, en retournant d Ala^
à Urgel par les coteaux, un de ces témoins bien caractérisé
par ses couleurs vives, et qui était encore ici appliqué contre
les schistes de transition (voir la coupe d’Alas où il est indiqué
par la lettre P). Il consistait en un dépôt grossièrement argi-
leux d’un rouge prononcé en recouvrement sur une assise
blanche. C’est, du reste, le dernier dépôt de ce genre que nous
avons observé dans la vallée. En poursuivant nos observations
au delà d’Urgel, nous n’en avons vu aucune trace, de sorte que
sa présence paraîtrait liée à celle des schistes anciens.
Le terrain de transition d’Urgel semble se prolonger en aval
dans la vallée jusqu’au village du Pla, après lequel la Sègre
change de direction; mais il est presque partout caché aux
abords de la route par un dépôt diluvien. Ce n’est guère qu’à
Arfa que le chemin conduit à des affleurements très-vifs,
qui accusent un schiste sub-satiné , d’un gris très-clair ar-
gentin qui diffère, comme on le voit, de ceux que nous venons
d’étudier, et sur lequel nous aurons bientôt l’occasion de re-
venir.
Du terrain carbonifère des environs d’Urgel. — Avant de
quitter définitivement le bassin d’Urgel, nous croyons de-
voir mentionner une faible assise de terrain carbonifère qui
sépare les schistes du circuit (côté oriental) du système
secondaire au sein duquel nous allons nous engager. Les
affleurements de cette bande houillère ne se voient pas dans
le bassin môme; car, s’ils devaient se prolonger à l’ouest, ils
passeraient au sud de ce lieu à une certaine distance» Il faut
pour les observer, à partir d’Urgel, remonter jusqu’à une assez
grande hauteur dans les gorges déjà citées de la Bastida, de
Ségars et de Navines.
Le temps nous a manqné pour aller reconnaître ces affleure-
ments; mais ils ont été visités par M. Noblemaire, auquel nous
emprunterons une courte description de celui de Ségars (Mé-
moire cité).
« Quand on remonte le ravin de Ségars, à partir de la Seu
d’Urgel, on chemine sur les schistes argileux de transition di-
rigés O. 10° N., et plongeant fortement vers le sud. Ils cessent en
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
643
un point situé à peu près à égale distance de la chapelle de
Ségars et de la métairie de Llarol, et sont recouverts par une
bande houillère d’environ 50 mètres de puissance parfaite-
ment dénudée au fond du ravin et très-visible sur les flancs de
la vallée... A la base de la formation, sur la rive droite du ra-
vin, on peut constater la présence d’une petite masse porphy-
rique se décomposant facilement à la surface en une argile
verdâtre et violacée. Cette masse se termine, dans le lit même
du torrent, par une veine intercalée entre les schistes de tran-
sition et la première couche de grès houiller. Les grès de la
partie inférieure, de couleur en général grise, parfois rougeâ-
tre, ont tous les caractères du grès houiller le mieux défini.
Ils sont formés de grains de quartz blanc, dépassant rarement
le volume d’une noisette et de fragments des schistes inférieurs
verdâtres et satinés. Au milieu à peu près de leur épaisseur,
se trouve une couche de houille séparée du grès par un lit de
schiste argileux noir, pétri d'empreintes très- caractéristiques du
terrain houiller ( Calamites , Nevropteris , Sphenopteris). »
Le grès qui surmonte la houille est plus fin que celui qui gît
au-dessous, et est disposé en petites couches d’un jaune sale.
La couche houillère consiste en un schiste noir bitumineux où
courent des veines de houille brillante, n’ayant que quelques
centimètres d’épaisseur. Cette houille est sèche, anthraciteuse
et il n’y aurait aucun avantage à l’extraire.
La mince assise dont il vient d’être question, paraît être la
queue d’une bande générale qui, à Saint- Juan de las Abadesas ,
en Catalogne, offre un certain développement de charbon
activement exploité, et dont la position géologique est claire-
ment indiquée entre la vallée du Ter et celle de la Sègre, sur
le versant des Pyrénées catalanes, par l’étage de grès rouge
triasique qui lui est immédiatement superposé.
Résumé et détermination de la section paléozoïque. — Il ré-
sulte des observations que nous avons rapportées plus haut,
que l’étage schisteux, absolument dénué de calcaire, qui
touche le granité au fond de la plaine de Puycerda et celui qui
constitue l’enceinte de cette plaine, semblent devoir être rap-
portés au système silurien. On se rappelle d’ailleurs que le
premier de ces étages consiste en des schistes de couleur som-
bre, assez brillants, en partie mâelifères (silurien inférieur),
tandis que les schistes qui composent le second (silurien supé-
rieur) sont plus terreux et d’un gris cendré assez constant.
L’ensemble de ces schistes affecte une inclinaison au nord-est,
644 SÉANCE DU Ier MARS 1869.
qui tendrait à les faire plonger sous le massif granitique du
fond, et qui indique un renversement. C’est seulement vers
l’extrémité sud-ouest du bassin que le terrain change notable-
ment. 11 commence par une assise ou le calcaire joue un grand
rôle, et dont certaines couches rouges passent à la griotte qui
est une roche essentiellement dévonienne. Outre le calcaire
qui est habituellement subcompacte et d’une teinte grise, cette
assise qui se développe entre Isobol et Belver, offre des schis-
tes argileux communs et un autre élément plus grossier et tout
à fait caractéristique, qui est le poudingue dont nous avons in-
diqué plus haut les caractères. Cette assise semble passer
en masse sous les schistes de Cerdagne et a, par conséquent,
participé au renversement qui a déterminé le plongement
nord-est ci-dessus mentionné. Nous regardons cette assise
comme dévonienne, et nous étendons la même détermination
aux schistes et calcaires rouges et aux schistes verts qni occu-
pent, en grande partie, l’intervalle compris entre Belver et le
Martinet, à l’exception d’une assise noirâtre relevée sous forme
de pli au voisinage de ce dernier village, et qui offre les carac-
tères lithologiques du terrain silurien supérieur des Pyrénées
françaises.
La gorge comprise entre le Martinet et le bassin d’Urgel se
distingue par l’intercalation du granité au milieu de schistes
et de calcaires qui, dans cette partie de la vallée, sont très-in-
fléchis et dérangés, et que nous sommes porté néanmoins à
considérer, au moins en partie, comme dévoniens, à cause des
nombreux blocs et affleurements à couleurs vives que nous
n’avons cessé d’y rencontrer.
Vient ensuite le massif calcaire gris-bleuâtre à Orthocères
de Torres. Celui-ci qui arrive jusqu’à l’entrée du bassin d’Ur-
gel, se distingue nettement de tout ce que nous avions vu jus-
que-là dans la vallée. On se rappelle que ce calcaire est immé-
diatement précédé d’une profonde déchirure où règne un
désordre indiquant d’énergiques dislocations. Quant au massif
calcaire lui-même, on n’y remarque d’abord que des inflexions
assez douces, et il ne tarde pas à adopter une inclinaison gé-
nérale au nord-est, qui- le fait passer sur les schistes du
bassin.
Enfin ces schistes, eux-mêmes, qui, dans leur ensemble,
sont très - réguliers et assez uniformes, comprennent une
assise à couleurs vives avec des rubans euritiques en dé-
composition, pétris de fossiles dont le faciès rappelle sin-
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
645
gulièrement celui des couches dévoniennes de même genre,
que l’on trouve en plusieurs points des départements des
Basses et des Hautes-Pyrénées. Il semblerait donc que la masse
schisteuse entière du bassin devrait être dévonienne et renver-
sée sous l’assise bleuâtre à Orthocères, qui pourrait être silu-
rienne. Dans cette hypothèse, il faudrait admettre une faille
en amont du calcaire à la déchirure dont il a été plusieurs fois
question. Il y a là du reste une certaine difficulté, et les choses
s’arrangeraient plus naturellement si l’on pouvait regarder le
calcaire, malgré ses orthocères, comme une assise intercalée
dans un grand système dévonien renversé sous un étage silu-
rien, qui butterait au nord contre le granité de la Cerdagne.
Les schistes du bassin d’Urgel forment un puissant étage qui
s’étend, toujours avec la même inclinaison, jusqu’à l’extrémité
sud du bassin sous la citadelle; mais si L’on remontait les gor-
ges, descendant des montagnes qui dominent l’enceinte elle-
même du côté oriental, on trouverait, ainsi qu’il résulte des
observations de M. Noblemaire, de nouveaux schistes satinés
affectant une inclinaison opposée, c’est-à-dire au sud-ouest.
Ceux-ci supportent, ainsi que nous l’avons dit plus haut, une
faible assise houillère qui constitue comme une séparation
entre le système paléozoïque et une série secondaire normale,
commençant par le grès rouge triasique, série que nous allons
maintenant explorer.
Section secondaire ou méridienne entre le Pla et Oliana.
Le chemin d’Urgel à Organya, après avoir traversé la plaine
et passé la rivière d’Embalire, franchit la longue colline schis-
teuse qui supporte la citadelle, passe au bourg de Ciudad-reale
et descend, de l’autre côté, dans une petite vallée qui dépend
de la vallée de la Sègre. Cette rivière coule de l’autre côté de
la colline. Ce n’est qu’à Arfa qu’on la voit déboucher à l’extré-
mité de cette langue schisteuse. On la traverse sur un pont
pour monter à ce village, qui est situé sur une protubérance
également composée de schistes. Nous avons déjà cité ces
schistes d’Arfa qui se montrent largement, soit en montant au
village, soit en en sortant, et jusque sous les maisons. Il est
donc facile d’en reconnaître les caractères qui sont assez dif-
férents de ceux ci-dessus indiqués pour le bassin d’Urgel. Ici
646
SÉANCE DU l,r MARS 1869.
la roche est plus cristalline; sa couleur est plus claire et
comme argentine avec un éclat satiné, et peut-être se rat-
tache-t-elle à l’assise schisteuse de même aspect, signalée
par M. Noblemaire dans la gorge de Ségars, sous le terrain
houiller. Dans ce cas, cette assise devrait former le sol fonda-
mental de la vallée en aval d’Arfa; mais il est impossible de
s’en assurer, parce que ce sol s’y trouve constamment recou-
vert par le diluvium jusqu’au village du Pla où commence le
terrain secondaire.
Dans cet intervalle, qui sépare les villages d’Arfa et du Pla,
laSègre coule dans une région qui participe un peu du bassin
d’Urgel. Elle y offre un fond cultivé bordé à gauche par une
terrasse diluvienne. Le chemin d’Organya suit le bord de cette
terrasse qui, dans les écorchures du sol, laisse voir des cailloux
et des blocs granitiques, les uns inférieurs et en décomposi-
tion, et les autres, à la surface, généralement sains, volumi-
neux et très-imparfaitement arrondis. Ces éléments du dilu-
vium se montrent particulièrement aux environs du Pla, où
la terrasse dont il vient d’être question s’étale de manière à
former un léger plateau, qui sans doute a suggéré le nom de ce
village.
Ce terrain de transport cache, ainsique nous l’avons dit plus
haut, le sol fondamental; mais il est permis de penser que
c est dans cette partie de la vallée, que les schistes satinés et
autres prennent l’inclinaison sud-ouest, qui les fait passer sous
la bande houillère qui est également cachée par le diluvium,
et qui peut-être commence à s’y évanouir.
Série secondaire normale entre le Pla et le Col de Nargo. —
Après être descendu du plateau, nous avons vu apparaître le
trias sous la forme d’un étage rouge qui se trouve coupé à vif
par la vallée, réduite là à un étroit défilé, et dont les strates
sont régulièrement et médiocrement inclinés au S. S. O. et par
conséquent, en concordance avec le terrain houiller et les
schistes de transition qui doivent passer dessous, concordance
qui continue à régner dans toute la série normale où nous
entrons, et que nous allons traverser.
Le chemin se maintient toujours du côté gauche de la Sègre ;
mais il se trouve ici, au bord même de cette rivière, au pied
d’une longue tranchée qui offre directement à l’observateur
les caractères de l’étage triasique rutilant ci-dessus mentionné.
Cette étage commence par une puissante assise (T1 de la coupe)
de poudingue à cailloux calcaires, avec quartz subordonné, où
647
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
se trouvent aussi des fragments de schiste et de la roche verte,
citée par M. Noblemaire, dans la gorge de Ségars; le tout étant
cimenté assez faiblement par une matière argileuse rouge, qui
forme aussi des couches et des lits entre les bancs du pou-
dingue. Il y a aussi des couches intercalées, d’un calcaire as-
sez compacte, dont la couleur est le gris mêlé de rougeâtre.
La partie supérieure de cette assise passe à un conglomérat
très- grossier, où l’on distingue de nombreuses pièces de schis-
tes ayant une certaine étendue. Enfin, l’assise se termine par
un grès en partie moucheté de quartz avec interposition de
couches et de lits argileux, friables.
A cette première série, qui caractérise la grosseur de ses élé-
ments, vient succéder une assise moins grossière, qui consiste
en une argilolithe, principalement rouge, avec des maculations
d’un blanc verdâtre, passant çà et là, au psammite argileux.
Ce terrain où le rouge domine considérablement, rappelle
singulièrement le grès rouge ( Rougier ) des Pyrénées françaises
et du massif central de la France (Tarn, Aveyron, Corrèze). On
le voit se terminer du côté droit de la Sègre, à une gorge à
l’entrée de laquelle se trouve le village de Noces , et qui semble
séparer cet étage d’un nouveau terrain (T2) beaucoup moins
régulier et d’une couleur terne, qui lui est évidemment super-
posé. Le chemin que nous suivions du côté opposé de la rivière,
passe au pied de coupures escarpées, où nous avons pu facile-
ment constater l’irrégularité de cet étage et ses teintes sales
qui le font distinguer de l’autre à première vue. Les matériaux
qui le composent sont des argiles, des calcaires marneux, des
cargneules très- caractérisées et des conglomérats en partie
calcaires. Il y a au milieu de tout cela, du gypse irrégulière-
ment interposé en petites masses, quelquefois saccharoïdes, et
en veines et veinules lamelleuses ou fibreuses. Cette matière y
est exploitée malgré sa faible importance, sans doute, parce
qu’il n’en existe pas de gîtes plus riches dans la contrée. Vers
la limite de ce dépôt gypsifère, on distingue quelques couches
calcaires ; mais cette roche se développe à partir du village
de l’Hostalet, de manière à constituer un étage continu qui
doit appartenir au lias.
L’ensemble des deux étages que nous venons de traverser,
par les caractères qui viennent d’être indiqués, et par sa posi-
tion entre le terrain houiller et le lias que nous allons bientôt
rencontrer, représente évidemment le trias. L’étage rouge (T1)
doit être assimilé au grès bigarré et l’étage gypsifère (T2) aux
648
SÉANCE DU l8r MARS 1869.
argiles irisées; le muschelkalk manquerait ici comme dans les
Pyrénées françaises. C’est ainsi que les choses se trouvent fi-
gurés dans la carte d’Espagne de MM. de Yerneuiî et Collomb.
Telle n’a pas été l’opinion de M. Noblemaire,, dans le mé-
moire que nous avons déjà cité. Dans ce travail, le terrain
dont il s'agit se trouve rapporté à la formation crétacée, déter-
mination qui a entraîné l’auteur à d’autres erreurs fondamen-
tales pour tout le reste de la vallée.
Le village de l’Hostalet est dominé à l’est par des rochers
calcaires qui succèdent à l’étage du gypse, et qui ne sont que
le premier terme d’une nouvelle série qui doit être considérée
comme jurassique. Je n’ai pu trouver la moindre trace de fos-
siles dans les calcaires mêmes des rochers, qui pourraient bien
correspondre à l’infrà-lias : mais plus loin, en continuant à
suivre le chemin au pied d’éboulis qui nous cachaient la
roche en place, nous nous sommes trouvés au pied d’escarpe-
ments où le lias (L. de la coupe) s’est présenté à nous avec ses
fossiles caractéristiques. Ce n’était pas le calcaire à gryphées
(liasien) qui semble manquer dans les Pyrénées, mais le Cym-
bien (1) caractérisé par Gryphœa Cymbium , et ce n’est pas sans
une certaine satisfaction, que nous avons trouvé et recueilli,
dans un calcaire noirâtre assez impur et fortement redressé, de
beaux et nombreux individus des espèces de térébratules, si
fréquentes à ce niveau, dans l’Ariège, notamment à Foix, savoir :
Terebralula punctata , Sow. ; Tereb. sub. punctata, Davidson;
Tereb. Jauberti, et quelques bivalves non encore déterminées.
Un peu plus loin, en continuant à couper cette série nor-
male, de nouvelles couches d’un calcaire du même genre,
, mais un peu plus argileux, nous ont offert les coquilles princi-
pales de l’étage superliasique, tel qu’il existe dans l’Aveyron,
le Tarn et dans certaines régions des Pyrénées françaises,
notamment aux environs d’Aspet, ce sont : Gryphœa sublobata
et • Rhynchonella epiliasina , Leym. (2).
(1) On voit que nous reportons ici, ainsi que nous l’avons proposé dans
nos Eléments de géologie , au lias proprement dit (calcaire à gryphées), le
nom de liasien que d’Orbigny, nous ignorons pour quel motif, a donné
au cale, à gryph. cymbiennes, que nous appelons cymbien.
(2) Espèce que j ai figurée dans la seconde édition de mes Éléments de
géologie, et dont Rhync. cynocephala, Richard, n’est qu une variété. Elle a
été nommée Rhync. ruthenensis, postérieurement, par M. Reynès.
MÉMOIRE DE M. LETMERIE. 649
Enfin, au-dessus de ces dernières couches fossilifères existe
une assise.de dolomie fétide, présque noire.
Les choses se passent ici absolument comme dans les Py-
rénées françaises. Cependant, je dois dire que la dolomie qui,
sur le versant septentrional de la chaîne constitue habituelle-
ment une assise distincte superposée au lias, nous a paru, dans
la vallée de la Sègre, s’intercaler aussi dans le lias môme.
Cette partie de nos observations qui se rapportent spécia-
lement au terrain jurassique, a été faite dans un tronçon de la
vallée où elle est déjà rétrécie, préludant ainsi aux gorges où
nous allons entrer, et au fond desquelles nous resterons en-
gagé jusqu’à Organya. Ces gorges qui portent le nom de ce
bourg, auquel elles permettent de parvenir, sont de véritables
fentes extrêmement profondes, ouvertes dans un énorme mas-
sif calcaire qui dépend de la montagne de Cadix , dont la cime
est si élevée, que la neige, dit-on, s’y conserve en tout temps.
Ces défilés rendus célèbres, à l’époque des guerres civiles, par
le meurtre du comte d’Espagne, correspondent à ceux qui,
dans la vallée de l’Aude, sont si connus sous les noms de Pierre
Lis et de Saint-Georges , mais elles les dépassent en grandeur et
en beauté sauvage. 11 y a certainement quelque chose de très-
curieux dans cette correspondance topographique, de part et
d’autre de la chaîne, et presque dans la même section trans-
versale; mais la curiosité devient de l’intérêt, quand on ac-
quiert la conviction que la correspondance s’étend jusque sur
l’âge et la nature des calcaires au sein desquels se sont produits
ces grands accidents. 11 résulte de nos observations, en effet,
que le puissant étage traversé par les gorges d’Organya, indi-
qué par gv dans notre coupe, appartient au grès vert, comme
celui ou s’ouvre le défilé de Pierre Lis au sud de Quillan.
Le calcaire de ces gorges est gris, assez compacte, souvent
veinulé et uniforme dans son ensemble. La stratification y est
quelquefois peu distincte; on y remarque des brouillages, des
ondulations et même des plis. Toutefois, ces perturbations
laissent dominer un plongement méridional modéré, conforme
à celui des étages précédents. Les fossiles y sont très-rares.
On y voit, çà et là, des linéaments courbes indiquant sans
doute des Caprotines; et nous avons trouvé, vers le milieu de
l’étage, plusieurs moliusques du même horizon, notamment
une variété d’assez petite taille de Terebratula sella , Sow.
D’ailleurs, la position de ce massif en stratification concor-
dante sur les dolomies noires suprà-liasiques, suffirait pour
mo
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
indiquer son âge crétacé on au moins titho nique, pour me servir
d’un mot qui voudrait s’introduire dans la science.
Les gorges d’Organya ne forment réellement qu’un long et
profond défilé qui résulte évidemment d’une fracture opérée
dans un immense massif calcaire ; on peut toutefois y distin-
guer deux parties à peine séparées par un évasement très-
restreint où s’est nichée une petite maisonnette ( Houstal nove.)
L’une et l’autre sont très-sauvages; mais la seconde, qui est
la plus longue et qui débouche dans le bassin d’Organya, offre
ce caractère d’une manière plus prononcée. Elle est si étroite,
que c’est à grand’peine qu’on est parvenu à y pratiquer un
sentier pour les mulets, à la base des escarpements, en en-
taillant le roc en beaucoup de points, et souvent assez haut,
au-dessus de la rivière qui coule au fond, encaissée entre des
murailles d’une hauteur prodigieuse.
En passant de la première gorge à la seconde, le chemin qui
jusque-là avait constamment suivi la rive gauche de la Sègre,
passe à droite par un pont qui l’introduit presque immédiate-
ment dans l’évasement bosselé de Houstal nove. On remarque
en cet endroit de larges plis et des indexions sinueuses qu’y
forment les couches devenues très-distinctes, et l’on est étonné
d’y trouver un dépôt de transport assez épais, accident unique
dans cette partie de la vallée. Ce dépôt est composé de gros
cailloux ovalaires, parmi lesquels existe du granité en décom-
position, et l’on se demande comment des éléments si volumi-
neux ont pu parvenir à se rendre et à s’assembler en ce lieu,
malgré les étroites proportions du canal qu’ils ont dû par-
courir pour y arriver.
La seconde gorge, plus longue et beaucoup plus sauvage que
la première, ainsi que nous l’avons dit, devient si abrupte du
côté droit, vers son milieu, que le chemin doit nécessairement
passer sur la rive gauche par un pont ( pont du Diable ), là où le
malheureux comte d’Espagne, déjà couvert de blessures, fut
précipité dans la Sègre; mais le sentier ne reste pas longtemps
de ce côté, qu’il quitte à l’entrée du bassin d’Organya, pour
reprendre la rive droite (1).
C’est en entrant dans cette dernière gorge que nous avons
(1) C’est probablement à ces trois ponts dont la nécessité tient aux escar-
pements verticaux qui rendent certaines parties impraticables, qu’il faut
attribuer le nom de Trespons , donné à un village perché sur un rocher du
côté droit de la gorge.
MÉMOIRE DE M. LEYMER1E.
651
recueilli, dans un calcaire noirâtre un peu marneux, quelques
fossiles, et particulièrement Terebratula sella , Sow.Les dernières
couches que l’on rencontre en en sortant , en vue d’Organya,
sont des calcaires noirs passant à la dolomie, et d’autres con-
tenant des rognons siliceux. Ces couches plongent sous un
nouvel étage marno-calcaire (mgv de la coupe) qui constitue
le sol fondamental du bassin au milieu duquel ce bourg est situé.
L’évasement ou petit bassin dont il s’agit, que nous allons
maintenant traverser, est compris entre le défilé précédent et
une gorge dans laquelle nous allons pénétrer. Il a été évidem-
ment déterminé par l’entrée du vallon de Poujal , au milieu
d’une assise faiblement consistante; ce n’est pas d’ailleurs une
véritable plaine, mais bien une région relativement basse de
collines arrondies. Le bourg d’Organya y occupe un mamelon
entre la Sègre (rive droite) et un ruisseau assez considérable,
qui descend du vallon qui vient d’être cité. Il est entouré de
hautes montagnes calcaires découpées de la manière la plus
pittoresque, en pitons ou quilles à parois escarpées, dont l’une,
qui domine à l’O. S. O. porte l’ancien ermitage de Saint-Her-
mengol, saint auquel on attribue, dans le pays, des actions
merveilleuses.
Les formes mamelonnées et la dépression générale du bas-
sin dépendent beaucoup de sa composition géognostique.
Celle-ci consiste principalement en une puissante assise mar-
no-calcaire, d’un gris clair, rubanée par des alternances ré-
pétées de calcaire marneux en couches et de lits de marnes,
dont la faible consistance contraste avec la rigidité compacte
des calcaires de l’enceinte. Cette assise qui affecte , dans son
ensemble, une médiocre inclinaison au sud, est évidemment
comprise entre les calcaires de la gorge dont nous venons de
sortir et ceux d’un autre défilé où nous entrerons bientôt, et
fait partie d’une puissante formation où il serait difficile de
faire des divisions, et que nous rapportons au grès vert. Des re-
cherches minutieuses nous y ont fait découvrir, au N. d’Orga-
nya, des débris indéterminables d’ammonites, et j’ai eu la
bonne fortune d’y rencontrer un beau fragment, malheureuse-
ment un peu écrasé, d’un nautile à côtes sinueuses, qui n’est
autre que Nautilus radiatus , d’Orb. espèce que je crois identi-
que à Naut. neocomiensis du môme auteur qui créait souvent
des types pour les besoins des lois stratigraphiques absolues,
qu’il cherchait à faire prévaloir (1).
(1) M. de Verneuil vient de m’apprendre qu’il a lui-même passé à Orga -
652
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
Au delà du bourg d’Organya, le chemin traverse la partie
sud de la même assise mamelonnée que nous venons de recon-
naître du côté nord. Celle-ci, où nous n’avons pu distinguer le
moindre débris organique, semble avoir été soulevée ou af-
faissée, de manière à offrir des inclinaisons en divers sens,
principalement vers l’ouest. Nous avons à y signaler comme
accident assez remarquable, la présence d’une petite assise de
calcaire noir massif exploité dans une carrière, presque à la
sortie du bourg (i).
En quittant ce bassin bosselé, qui n’est, pas sans analo-
gie avec celui de Quillan (Aude) , compris également entre
des crêtes calcaires appartenant au grès vert, on entre dans
un nouveau défilé plus court que ceux qui précèdent. Il s’ou-
vre dans un caleaire encore sub-compacte, d’un gris assez clair
et uniforme dans presque toute la longueur de la gorge, où il
affecte une inclinaison générale au sud, qui le fait passer sur
l’assise calcaréo-marneuse d’Organya; cependant, les dernières
couches qui prennent d’ailleurs une teinte plus sombre, plon-
gent en sens opposé.
Cette assise calcaire, le grand massif des gorges et l’assise
marno-calcaire d’Organya interposée, forment un grand en-
semble superposé au lias, et qui appartient à l’étage inférieur
du terrain crétacé que nous appelons grès vert , dans lequel il
serait encore plus difficile ici que sur le versant français, de
distinguer l’urgonien de l’aptien. La première erreur de
M. Noblemaire qui lui faisait rapporter le grès rouge à la
ormation crétacée, l’a entraîné à considérer comme nummu-
litique tout ce qui suit le calcaire des grandes gorges à partir
du bassin d’Organya. Il semble d’ailleurs que cet ingénieur ait
passé bien rapidement dans la partie inférieure de la vallée,
puisqu’il dit, qu’en aval du col de Nargo, les couches qu’il
croyait d’ailleurs appartenir toutes au terrain à nummulites,
reprennent l’inclinaison sud pour passer sous le terrain ter -
nya et que dans la traversée de l’assise dont il s’agit, entre ce bourg eî
Abella, il y a trouvé Ezogyra aquila , Caprina Verneuilli, Lima cottaldina avec
des orbitolites Ces fossiles sont tout à fait caractéristiques pour l’étage ap-
tien et viennent appuyer l’analogie signalée plus haut entre le bassin d’Or-
ganya et celui de Quillan dans l’Aude.
(1) Cettp formation d’Organya offre des calcaires qui renferment de l’ar-
gile en proportions variables, et il est très -probable qu’il y a là des variétés
qu’il serait avantageux d’exploiter pour la fabrication du ciment romain.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 65Ü
tiaire proprement dit, ce qui est, comme on va le voir, l’op-
posé de ce qui existe.
Série renversée entre le col de Nargo et Oliana . — En che-
minant au fond de la gorge qui succède au bassin d’Or-
ganya, je me préoccupais du terrain que j’allais rencontrer
plus loin, et je conjecturais que, le grès vert étant terminé, la
série que j’allais traverser, allait se continuer par les assises
supérieures de la formation crétacée. Quel ne fut pas mon
étonnement, en sortant du défilé, lorsque je vis se déployer
devant moi, à droite de la Sègre, un horizon rutilant qui s’é-
levait jusqu’à une sorte de col assez bas, où se montrait en
face un village ( Col de Nargo). C’était absolument le fa-
ciès du garumnien lacustre du Languedoc. Mais comment se
trouvait-il là au centre des montagnes, tandis que je ne pou-
vais naturellement m’attendre à le rencontrer que beaucoup
plus bas, à la suite de la craie! L’observation vint bientôt me
donner la certitude et l’explication de ce fait extraordinaire.
En montant au col , je m’aperçus d’abord que l’inclinaison
qui, dans la série précédente s'était constamment maintenue
au sud, était devenue septentrionale, et en étudiant les couches
au fur et à mesure que je les traversais, je trouvai d’ahord
une assise peu développée, d’une teinte grise, composée de
calcaire marneux, en grande partie divisible en rognons in-
formes alternant avec des lits de marne. A cette assise, qui se
maintenait vers la base du coteau, succédait le terrain rouge
qui lui était superposé en concordance parfaite. Il était prin-
cipalement formé par des bancs de conglomérats et de pou-
dingues , composés de cailloux et de fragments d’un assez
petit volume, liés entre eux d’une manière plus ou moins lâche,
par une argil olithe rouge ou maculée de jaune et de blanc, qui
formait aussi des lits et des couches dans l’ensemble; il s’y
trouvait également un peu de calcaire.
Les poudingues qui dominent considérablement cette assise
ont tous les caractères de ceux du garumnien lacustre du midi
de la France. Leurs éléments versicolores , sont des cailloux
de calcaire compacte gris, blanc ou rougeâtre, associés à des
fragments de schiste jaune terreux. L’église et les maisons du
Col de Nargo ont été bâties sur ces roches qui font partout
saillie; mais en descendant de l’autre côté du col, c’est-à-dire
au sud, on ne les retrouve plus, et avec elles disparaît la teinte
rutilante qui était si manifeste du côté opposé. On entre alors
dans une région de collines marneuses assez analogues à celles
054
SEANCE DU 1er MARS 1869.
d’Organya, mais plus élevées, sorte d’évasement qui est encore
déterminé ici par l’introduction d’un vallon au sein d’une as-
sise friable. Ce nouveau terrain se compose de calcaires mar-
neux facilement divisible en lopins ou rognons imparfaits, al-
ternant avec des marnes, et ressemble beaucoup à l’assise citée
précédemment, avant le terrain rouge, à la base de la montée
du col. Nous y avons rencontré quelques fossiles, savoir : d’a-
bord, une petite exogyre, puis des fragments d’encrines à tiges
rondes, un polypier réticulé, et plus loin, des couches analogues
nous ont offert de grosses huîtres qui sont identiques avec celles
du sénonien d’Ausseing (Haute-Garonne), que les paléontolo-
gistes considèrent comme une variété épaisse de Ostrea vesicu -
laris. C'est à peu près dans la même région que se développe
un grès sans fossiles qui ressemble beaucoup au grès sénonien
d’Alet, auquel succède un calcaire assez compacte qui occupe
l’entrée d’une gorge où nous allons bientôt nous engager.
Ce système gris marno- calcaire et le grès qui l’accompagne
appartiennent évidemment à la craie supérieure. Toutefois les
choses ne se présentaient pas le long du chemin que nous sui-
vions, d’une manière assez claire pour qu’il fût permis, en se
bornant aux observations précédentes, d’apporter dans cette
détermination et dans les relations de ce terrain avec l’assise
rutilante, un degré suffisant de certitude et de précision. Cette
partie de nos études étant d’ailleurs d’une haute importance,,
nous prîmes la résolution de stationner au Col de Nargo et de
prendre le temps nécessaire pour dresser une coupe du vallon
transversal que nous avons ci-dessus signalé, où la constitution
géologique de la contrée se montre avec évidence. En consé-
quence, nous partîmes du village sous la conduite d’un habi-
tant pour nous rendre à un hameau appelé Maséas de Nargo
situé au bord sud de ce vallon, où nous avons pu faire les ob-
servations nécessaires pour servir de base au diagramme re-
présenté (fig. 4), et dont voici la légende détaillée :
Légende de la coupe du vallon de Nargo (fig. 4).
n. Assise grise déprimée de calcaire marneux en partie rognonneux avec
lits marneux, sans fossiles.
P . Assise saillante remarquable par sa couleur rutilante qui la fait recon-
naître de loin, composée de poudingues fleuris à éléments calcaires,
alternant avec des argilolites rouges et bigarrées et de rares couches
calcaires.
m. Assise marneuse ou marno- calcaire de couleur grise, constituant le
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 655
fond et le flanc nord du vallon, renfermant les fossiles ci-dessus si-
gnalés.
i. Dalles de calcaire gris et de grès calcarifère à la base desquelles est un
mince gite de lignite, qui contiennent, vers ce niveau, de nombreuses
cyrènes à côtes saillantes qui diffèrent de Cyrena garumnica par une
moindre taille et par d’autres caractères, avec Ostrea Verneuilii ,
Leym., espèce inédite que l’on trouve dans la Haute-Garonne à la
base du garummen, notamment à MarsouJas où l’on a aussi fait
quelques recherches de lignite.
gv. Grès sans fossiles analogue à celui d’Alet avec quelques couches calcaires
intercalées.
c. Calcaire gris-jaunâtre alternant en partie avec le grès.
Sf, Couches supérieures du calcaire S, contenant de nombreuses et belles
rhynchonelles à grosses côtes, des bivalves indéterminées et Ostrea
larva,
S. Calcaire très-marneux renfermant des rognons grossiers de calcaire plus
pur, alternant avec des lits marneux, assez semblable à n, formant
un puissant étage généralement sans fossiles, excepté dans les couches
supérieures.
»
Lorsque duMaséas de Nargo on jette un regard au nord sur
le versant opposé du vallon, on voit les poudingues rutilants
former une saillie en corniche qui semble se prolonger à l’ouest
au-dessus de l’assise marneuse qui constitue le fond du valion
et laissant derrière une dépression occupée par l’assise n. En-
fin, au delà de cette dépression s'élève un rocher calcaire, re-
présenté par G dans la figure 4, qui domine tout le système.
J’étais fort embarrassé à l’égard de ce rocher qui se ratta-
chait à une petite crête que je voyais s’étendre à l’ouest.
M. Seignette, qui voulut aller le reconnaître, m’en rapporta de
petites orbitolines (Orb. conoidea) et une petite térébratule allon-
gée encore inédite ( Tereb . longella, Leym.) (1) qui accompagne ha-
bituellement les petites orbitolines dans le grès vert des Pyrénées
françaises. Cette petite crête n’était donc qu’une dépendance
du système d’Organya, se terminant ici brusquement par une
faille au contact du garumnien où devait commencer une nou-
velle série tout à fait distincte de la première et renversée (2).
(1) Elle a été décrite depuis dans mon Mémoire sur la division inférieure
du terrain cristal pyrénéen; Bulletin de la Soc. géol., 2e série, t. XXVI,
p. 328, et figurée dans la planche ni.
(2) Je ferai remarquer que c’est absolument de la même manière que
les choses se passent en aval du bassin de Quillan où le garumnien ruti-
SÉANCE DU 1er MARS 1869.
656
L’étage garumnien se trouve ainsi nettement limité d’un côté
par le grès g r, et de l’autre par le calcaire G, et sa position
au-dessus d’un étage sénonien supérieur complète d’une
manière très-heureuse, et à coup sûr inattendue, la détermina-
tion que nous avons déduite de sa nature même et de ses fos-
siles.
Ce gîte catalan est d’ailleurs très-instructif à deux points de
vue principaux. En effet, il offre réunis dans un même point
les deux faciès, l’un marin, l’autre lacustre, qui habituellement
sont séparés du côté de la France. D’un autre côté, ses rela-
tions intimes et manifestes avec le terrain crétacé supérieur
et sa position au centre des montagnes où il n’y a pas la moindre
trace de terrain nummulitique sont une preuve convaincante
qu’il appartient à la craie et qu’il ne saurait dépendre de la
formation tertiaire où quelques géologues s’obstinent à le
maintenir.
Des hauteurs qui dominent le Maséas au sud, on voit le ter-
rain se prolonger vers l’ouest, ainsi que nous l’avons déjà dit.
D’un autre côté, si l’on se place au col de Nargo même, on peut
constater l’extension de l’assise des poudingues vers l’est où
elle laisse une trace rutilante, et il est très-probable que l’étage
entier occupe, à cette hauteur, une bande continue en Cata-
logne. Au reste, nous saurons, prochainement, à quoi nous en
tenir à cet égard, mon compagnon de voyage, M. Seignette, se
proposant de suivre cette trace jusqu’au point où elle viendrait
à lui manquer. Nous savons déjà, par les observations de M. de
Verneuil, que l’étage dont il s’agit existe au nord de Berga,
près de Pobla, de Lillet et de Paguerra, où il est en relation
avec des calcaires renfermant H emipneustes radiatus et Hippurites
radiosus. Il y a là également des couches à ligniles avec cyrènes
qui ne peuvent être que le prolongement des dalles lignitileres
indiquées sur notre coupe particulière (J).
La région que le chemin traverse au sud du col de Nargo
est d’abord mamelonnée et offre ensuite de hautes collines
dont on suit la base non loin de la rive droite de la Sègre. Ces
collines, formées par les assises représentées au sud de notre
tant vient butter en complète discordance contre une crête de calcaire à di-
cérates.
(t) Pour ce gîte et pour d’autres références espagnoles indiquées par
notre éminent confrère, voir le Bulletin de la Société géologique , 2e série,
t. XXIV, p. 315.
MÉMOIRE DK M. LKYMERIE. 057
coupe, préludent à un puissant massif au sein duquel on pé-
nètre par une nouvelle gorge à parois abruptes et d’une hau-
teur qui étonne, quand on s’aperçoit que l’on se trouve là au
milieu de calcaires marneux, à rognons irréguliers, alternant
avec des marnes qui ne sembleraient pas d’abord susceptibles
d’une suffisante consistance. Ces calcaires, où nous n’avons pas
rencontré de fossiles, sont, au reste, tout à fait semblables à
ceux qui renferment les rbynchonelles ci-dessus signalées, et
il n’est pas douteux qu’ils appartiennent à la même formation.
Cette assise est très-uniforme dans toute son épaisseur, qui
est très-considérable, et, malgré les perturbations dont ses
escarpements accusent ça et là l’existence, on peut y recon-
naître une inclinaison générale au sud, conforme à celle de la
région du col de Nargo. L’uniformité de ce défilé ne cesse que
vers son extrémité, qui est d’ailleurs remarquable, au point
de vue pittoresque, par l’immense hauteur de ses parois, et par
les éminences en forme de tours qui les couronnent du côté
occidental.
Lorsqu’on est sur le point de sortir de cette gorge, on voit le
calcaire devenir plus franc, prendre une teinte plus sombre et
enfin s’animer, pour ainsi dire, par la présence de débris or-
ganiques. Une des couches de ce calcaire nous a offert une
petite exogyre, Exog. Matheroni , un joli oursin diadémoïde,
un hemiaster (1) et un cardium indéterminé; et à quelques pas
plus loin, nous avons eu la satisfaction de trouver un banc pétri
d’hippurites, où ces rudistes sont à l’état de fragments, qui
laissent toutefois reconnaître plusieurs espèces identiques à
celles qui caractérisent les couches turoniennes classiques des
Bains de Rennes dans les Gorbières.
Au-dessous de ces calcaires turoniens, il aurait fallu rencon-
trer le grès vert; mais c’est le lias qui s’est présenté avec quel-
ques bancs de dolomie noire. En effet, au sortir du défilé,
après avoir coupé une assise de calcaire noirâtre, accompagnée
de dolomies, nous nous sommes trouvés en présence d’un
étage marneux d’un gris jaunâtre assez clair, qui nous a pré-
senté les fossiles supra-liasiques les plus caractéristiques, no-
tamment, Gryphœa sublobatae t Rkynchonella epiliasina , etensuite
(1) Ges oursins ayant été soumis à M. Gotteau, notre savant confrère a
reconnu, dans le dernier, Hemiaster Verneuilli ; le premier, qui est d’une
parfaite conservation, lui a paru pouvoir se rapporter à Cyphosoma Maresi.
Gotteau, espece qui se trouve dàns la craie fie l’Algérie.
Soc, géol., 2e série, tome XXVI.
42
658
SÉANCE DU Ier MARS 1869.
une petite térébratule à deux piis, et des fragments d ammo-
nites et de bélemnites. Nous étions alors sous les tours dont
nous avons parlé ci-dessus, et nous voyions les couches mar-
neuses du lias supérieur plonger à 1 O. N. O. à leur base, ce
manière à passer sous l’assise turonienne , qui semblait des-
cendre des tours elles - mêmes, avec une inclinaison très-
modérée, pour aller se présenter en affleurement sur le chemin
où nous venions de les rencontrer.
Nous avions donc traversé, à partir du col de Nargo, une
nouvelle série renversée, qui semblait complémentaire de la
précédente à l’égard du terrain crétacé : cette dernière, la sé-
rie d’Organya, n’ayant que le grès vert, très-développé, il est
vrai, tandis que l’autre, où cet étage manque absolument, of-
frait la craie proprement dite complète, y compris le garum-
nien, étage dont nous n’avions pas vu le moindre représentant
dans la série normale.
La gorge dont nous venons de sortir se termine à un éva-
sement rocheux, où descendent quelques ravins transversaux,
et donton a profité poury établir unepetite auberge. Sansdoute,
le lias moyen s’y trouve sous l’étage supérieur dont il vient
d’être question. Il ne nous a pas été donné de Fy voir, le sol
étant caché par des éboulis détritiques; mais, un peu plus
loin, une quille de calcaire gris compacte, analogue à celui de
l’Hostalet et qui porte, à sa cime, les ruines d’un château [J un-
cas), semble être là comme un témoin de l’existence du lias
inférieur.
Après avoir laissé à droite cette aiguille calcaire qui fait
partie d’une assise que l’on voit à l’entrée d’un ravin, on a
devant soi , et toujours du côté droit de la Sègre, une région
rocheuse inégale, que dominent au sud des montagnes escar-
pées, d’une couleur rougeâtre. Le chemin traverse les bosse-
lures de cette région, que constitue un nouveau terrain qui
plonge au nord sous le lias, partageant ainsi les allures et le
renversement du système où nous nous trouvions depuis le col
de Nargo. Ce terrain occupait donc la place du trias. L’obser-
vation directe est venue confirmer cette prévision; mais en
même temps, elle nous a appris que cet étage renversé n’avait
pas tout à fait les mêmes caractères que la formation contem-
poraine que nous avions coupée dans la série normale.
Les premières couches que l’on rencontre après les ruines
de Juncas, en commençant à marcher sur le nouveau système,
sont composées d’argiles rouges et bigarrées, associées à du
MÉMOIRE DE M. LE YM ERIK. 659
calcaire gris, avec quelques bancs de poudingue versicolore
et. de grès. Le tout constitue une assise d’une faible épaisseur,
à laquelle succède une autre assise plus puissante, formée par
des schistes gris, qui prennent, en certaines places, un aspect
ancien, et qui contiennent du gypse. Il y a là aussi des couches
calcaires. Ges deux assises réunies forment un étage corres-
pondant à celui de l’Hostalet, qui doit représenter le trias su-
périeur.
On descend de cette région bombée, probablement keupé-
rienne, par une pente rapide qui conduit au bord de la Sègre,
à l’entrée du défilé que nous avons annoncé ci-dessus, et qu
est ouvert au sein d’un étage de conglomérats et de poudin-
gues T1, que je ^apporte au trias inférieur. En pénétrant au sein
de ce massif, on distingue d’abord, entre les bancs des con-
glomérats, des grès rougeâtres et des couches calcaires; puis
les poudingues régnent à peu près seuis. Toutefois, ils ne con-
servent pas tout à fait les mômes caractères dans toute l’éten-
due de l’assise. Les premiers ont l’aspect fleuri, et à peu près
la composition des poudingues triasiques de la série normale.
Leurs cailloux sont calcaires, pour la plupart, et teintés d’une
manière variée et agréable ; ce n’est qu’accessoirement qu’il
s’y trouve quelques pièces anguleuses. Plus loin, paraissent
de nouveaux conglomérats à gros éléments, peu ou point ar-
rondis, mal consolidés, parmi lesquels on distingue d’assez
grandes pièces calcaires, et les choses continuent ainsi jusqu’à
l’extrémité de la gorge.
Cette assise de conglomérats et de poudingues plonge en
masse vers le nord, sous l’assise keupérienne que nous avons
traversée précédemment. Toutefois, en examinant l’allure de
la stratification en détail, on y reconnaît des obscurités et des
perturbations. Le défilé ouvert dans ce singulier trias, bien qu’il
n’ait pas l’étendue de la plupart de ceux que nous avons par-
courus jusqu’ici, n’en offre pas moins ce caractère sauvage qu
a été précédemment signalé dans presque toutes les parties de
la vallée, et les escarpements entre lesquels il est resserré
sont fréquemment couronnés par des découpures capricieuses
et bizarres.
Lorsqu’on sort de cette gorge, après en avoir parcouru tant
d’autres au sein de montagnes arides et sauvages, ce n’est pas
sans une certaine satisfaction que l’on entre dans un large bas-
sin couvert de cultures, au fond duquel est le bourg d ’Oliana,
et que l’on aperçoit à l’horizon une région de collines et de
MARS 1809.
G60 SÉANCE DU 1er
basses montagnes arrondies, qui semblent préluder à la plaine.
On reconnaît alors que Ton a quitté décidément les véritables
Pyrénées, et si, une fois entré dans le bassin d’Gliana, on vient
à se retourner pour jeter un regard en arrière, on voit ces
montagnes se terminer par des escarpements abrupts et ari-
des, d’une très-grande hauteur, qui semblent former de ce
côté une barrière infranchissable, tandis que vers le sud se
présente un pays mamelonné, relativement bas et doux, cou-
vert de bois. Il y a entre ces deux ordres de choses, qui ne
sont séparés que par une plaine de quelques kilomètres, un
contraste des plus frappants.
Caractères généraux des basses montagnes de la Catalogne
au sud-est d' Oliana.
Oliana est situé à la limite sud du bassin qui porte son nom,
sur une légère éminence, à la base des montagnes arrondies,
dont nous venons de parler. Il était naturel de prendre ce bourg
pour point de départ d’une exploration de cette nouvelle ré-
gion, qui pourrait être regardée comme les petites Pyrénées de
la Catalogne. Nous l’avons traversée obliquement, entre Oliana
et Solsona , et ensuite de Solsona à Cardona , si connue par ses
curieux affleurements de sel gemme.
Cette partie de notre voyage qui s’écarte de la vallée de la
Sègre, objet essentiel de ce travail, sera traitée à part dans une
note spéciale. Nous nous bornerons ici à donner une idée gé-
rale, très-sommaire, de la constitution géologique de ce pays,
constitution qui, chose remarquable, est essentiellement dis-
tincte de celle des Pyrénées proprement dites. Dans ces der-
nières montagnes, nous n’avons pas rencontré la moindre trace
de l’éocène; celles-ci, au contraire, sont entièrement formées
par des poudingues, des grès et des argiles de cette époque,
roches qui représentent ici le poudingue de Palassou, et sur-
tout les grès de Carcassonne, qui gisent à la base des Pyrénées
françaises, dans une région correspondante. Cette différence
fondamentale se trouve accentuée par celle de l’inclinaison
qui est absolument contraire dans les deux systèmes, où elle
prend d’ailleurs des valeurs très-différentes. En effet, les cou-
ches qui forment la nouvelle région, dont le relief est d’ailleurs
doux et . tranquille, penchent au sud d’une manière mo-
dérée ou faible, qui contraste avec l’allure hardie de la série
pyrénéenne plongeant rapidement] au nord. Il n’est pas jus-
MÉMOIRE DE M. LKYMKRIE.
601
qu’à la végétation qui ne se joigne aux caractères géologiques
pour rendre le contraste plus frappant. Tandis que les monta-
gnes pyrénéennes attristaient l’œil par la nudité et l’aridité de
leurs parois escarpées, les collines arrondies au sud d’Oliana
sont couvertes de bois de pins, d’arbustes et de plantes dont
l’odeur aromatique est exaltée par l’influence d’un climat mé-
ridional, et rappellent, à la hauteur près, qui est ici bien plus
considérable, les grandes dunes de Gascogne. Il semble qu’il y
ait, entre cette région et les vraies Pyrénées, un abîme qui
aurait été comblé pour former le bassin d’Oliana.
Le bassin lui-même est bordé par des talus d’argile bleuâtre
gypsifère, comprenant quelques bancs calcaires, et dont nous
n’avons pas eu le temps d’étudier les relations avec le système
des collines où nous allons maintenant entrer.
En montant à cette nouvelle région, à partir d’Oliana, on
passe d’abord sur les argiles précédentes, puis, après avoir
traversé quelques bancs de calcaire bleuâtre, on rencontre un
système de grès et d’argiles panachées, en couches alterna-
tives. Ce n’est qu’à une certaine distance que s’intercalent,
vers le haut de cette formation, de gros bancs de poudingues à
éléments calcaires, qui rappellent le poudingue dePalassou.
A Salsona, et dans l’intervalle qui sépare cette ville de Car-
dona, ce poudingue lui-même a disparu, et il ne reste plus
qu’un grès à ciment calcaire gris flambé de rougeâtre, associé
à des argiles et argilolithes de même couleur, obscurément ba-
riolées, formation qui ressemble d’une manière remarquable
au grès de Carcassonne. Les environs de Salsona notamment
rappellent singulièrement ceux de cette ville, chef-lieu du dé-
partement de l’Aude.
C’est dans le même terrain, qui prend ici une teinte plus
constamment rougeâtre, que gisent les célèbres masses de sel
gemme de Cardona, qui nous ont paru, ainsi qu’à M. Dufrénoy,
avoir été produites par une éruption thermale.
L’ensemble de cette formation éocène plonge au sud, ainsi
que nous l’avons déjà dit, mais cette allure subit des variations
locales et même des ondulations; il y a aussi des parties
horizontales, circonstances stratigraphiques qui permettent
d’expliquer naturellement la grande étendue que prend ce
terrain en Catalogne, à la base des Pyrénées proprement dites.
662
SÉANCE DU 1er MARS 1869
La vallée de la Sègre , comparée à celle de la Noguera , explorée par
MM. de Verneuil et de Keyserling.
Un de nos premiers soins, après avoir tracé la coupe que
nous venons de décrire, a été de la comparer à celle de la
vallée voisine de la Noguera , donnée en 1860, par MM. de Ver-
neuil et de Keyserling (1). Nous espérions trouver dans cette
dernière, au moins à peu près, les représentants des divers
étages que la nôtre présente. Notre espoir a été déçu.
Ces coupes diffèrent d’une manière assez marquée, soit par
les faits eux-mêmes, soit par l’interprétation , ce qui pourrait
tenir, en partie, à cette circonstance que nos confrères n’ont pas
été aussi favorisés que nous par le hasard qui nous a fait ren-
contrer, presque partout où il était nécessaire, des fossiles
caractéristiques. Hâtons-nous de dire que la différence géné-
rale que je signale n’exclut pas certaines correspondances
qu’un examen attentif parvient à faire découvrir.
Comparant d’abord le terrain de transition des deux vallées,
on voit que celui de la Noguera, qui s’arrête à Réalp , comme
celui de la Sègre au Pla , offre une inclinaison générale au
nord, qui est également celle qui domine dans notre vallée, où
elle ne passe au sud que vers la fin de l’étage pour plonger
sous la série secondaire normale, changement qui se fait de la
même manière et dans les mêmes circonstances dans l’autre
vallée. Quant à la composition, la première partie des schistes
en aval d’Esterrise rapporterait assez à celle qui, dans le bas-
sin de Puycerda, va butter contre le granité, et que nous re-
gardons comme silurienne. Dans tous les cas, le calcaire man-
que absolument dans l’une comme dans l’autre.
Pour le reste de cette série ancienne, nous ne retrouvons
pas au bord de la Noguera ces schistes calcaires vivement co-
lorés qui indiquent la période dévonienne, ni le calcaire à or-
thocères de Torres, ni l’intercalation du granité, caractères
très-marqués dans tout l’intervalle compris entre ce dernier
village et celui du Martinet. D’un autre côté, l’absence du
terrain houiller dans la vallée de la Noguera prouve que la
bande signalée à l’est du bassin d’Urgel s’évanouit à l’ouest
avant d’arriver jusque-là.
(1) Coupes du versant méridional des Pyrénées ( Bulletin de la Soc. géol.
de France , 2e série, vol, XVIII, p. 333.
MÉMOIRE DE M. EEYMEÎUE.
663
Après les schistes de transition, on voit se développer, dans
la coupe de nos savants confrères, des argiles schisteuses rou-
geâtres avec calcaires, des marnes gypsifères et enfin des con-
glomérats rouges, qui forment là un étage très-puissant, qui
se trouve justement à la place qui doit correspondre à notre
étage triasique, compris entre le Pla et l’Hostalet. Le plus
grand développement, et les irrégularités et perturbations que
signalent MM. deVerneuil et de Keyserlingdans cet étage, tien-
nent sans doute, ainsi que le pensent ces auteurs, à la présence
de i'ophite qu’ils indiquent près de Gerry , et qui paraît man-
quer dans la vallée de la Sègre.
Dans notre coupe, le lias, bien caractérisé par ses fossiles,
avec les dolomies noirâtres fétides qui l’accompagnent habi-
tuellement du côté de la France, succède à l’étage dont il
vient d’être question, venant ainsi confirmer son âge triasique.
Il n’en est pas ainsi dâns le diagramme de nos confrères, qui
accuse immédiatement les calcaires gris, massifs, du grès vert
que la vallée entaille profondément, prenant alors le faciès
d’une gorge qui correspond à celle d’Qrganya.
Au sortir de ce défilé, MM. de Verneuiletde Keyserling indi-
quent un nouveau poudingue à galets calcaires arrondis diffé-
rent, de celui du trias, où nous serions tentés de voir le garum-
nien supérieur du col de Nargo. En effet, cette assise qui, dans
la coupe de la Noguera, comme dans la nôtre, vient butter
contre le calcaire du grès vert, repose sur des argiles schisteuses
et des marnes qui correspondraient aux dalles à lignites avec
cyrènes, tandis que le tout reposerait sur une assise rubanée,
qui serait ici le modeste représentant des calcaires marneux
rognonneux alternant avec des lits de'marne, qui, sur les bords
de la Sègre, forment des escarpements très-élevés et dont les
couches supérieures renferment des fossiles sénoniens (1).
Là se termine, dans la vallée de la Noguera, la série secon-
daire dont la partie crétacée se reproduit plus au sud, au mont
Sec , après une apparition développée de terrain nummulitique.
Nous avons vu qu’il n’en était pas ainsi dans la vallée de la
Sègre, où les choses se passent d’une manière beaucoup plus
(1) Cette dernière assimilation nous semblerait d’autant plus probable,
que nous devons à M. Marty, pharmacien à Puycerda des individus bien
caractérisés de Micraüer brevis , provenant d’une localité dont il n’a pu, il
est vrai, nous indiquer la position précise, mais qui se trouve au nord de
Tremp.
664
SÉANCE DU lor MARS 1869.
simple et plus normale. Ici la série secondaire renversée se
complète par le calcaire à hippurites, le lias et le trias. Après
quoi se développe, tout à fait à part, le système de grès, d’ar-
gile et de poudingue que nous avons comparé au grès de Car-
cassonne, sans calcaire à nummulites.
Une des plus grandes différences qui résultent de la compa-
raison des deux vallées, consiste dans l’absence, sur les rives de
la Noguera, du terrain jurassique, caractère qui semblerait
s’étendre à l’ouest, au moins jusqu’à l’Essera, où MM. de Ver-
neuil et de Keyserling ofit pris également une coupe dans la-
quelle ce terrain n’est pas indiqué. On pourrait, par contre,
signaler dans ces deux vallées la présence de l’ophite, qui ne
nous est apparue, ainsi que nous l’avons* déjà dit, en aucun
point de la vallée de la Sègre (1).
Correspondance avec le versant français.
La vallée de la Sègre, par les deux directions principales que
nous y avons reconnues, correspond à deux vallées du versant
français des Pyrénées, savoir : par sa première partie, dirigée
au S. O. (série paléozoïque), à la vallée de la Têt qui se trouve
exactement dans son prolongement ; et la partie méridienne
(série secondaire) à la vallée de l’Àriége qu’elle semble aller
rejoindre par le val d’Andorre.
Les correspondances géologiques se conforment à celles que
vient de nous indiquer la géographie.
Le plateau de Mont-Louis, qui peut être regardé comme un
point de confluence pour les deux vallées de la Têt et de la
Haute-Sègre, consiste en un massif granitique qui est, pour
(1) Ayant soumis à M. de Verneuil, qui a tant étudié l’Espagne, les prin-
cipaux résultats que j’ai exposés dans ce mémoire, j’ai reçu en réponse,
une lettre très-intéressante où no’re éminent confrère me fait savoir qu’il a
suivi lui-même la vallée de la Sègre jusqu’à Organya. Il a parfaitement ob-
servé le trias au Pla et par-dessus le li e s fossilifère. Il rappoite le bassin
d Or^nya à l’aptien. Jusque-là, nous sommes parfaitement d’accord; mais
malheureusement, il n’a ; as continué ses observations le long de la Sègre
après Organya, s étant porté transversalement du côté de Tremp. Il n’à
donc pu voir la série renversée qui constitue peut-être la partie la plus cu-
rieuse de notre vallée, et il a supposé, ainsi que 1 analogie devait l’y porter,
que cette région était principalement formée par le terrain à nummulites.
MÉMOIRE DE M. LEYMERIE.
ainsi dire, commun aux deux vallées’. Les schistes de tran-
sition d’Qlette et les griottes de Villefranehe, qui constituent
essentiellement le terrain paléozoïque dans la première vallée,
représentent le système schisteux de la Cerdagne et les
calcaires et schistes dévoniens des environs de Belver. Enfin,
l’analogie entre les deux vallées se trouve, en quelque sorte,
complétée par la présence, dans les bassins de la haute Sègre,
d’un dépôt lacustre qui a son pendant; de l’autre côté, dans le
comblement pliocène marin de la grande plaine du Roussillon,
avec cette différence singulière, que le premier dépôt occupe
des points très-élevés du côté méridional des Pyrénées, tandis
que, du côté opposé, il gît à la base des montagnes.
Ici doit s’arrêter; par la force des choses, le parallèle entre
les deux vallées, puisque celle de la Têt ne rencontre aucun
dépôt secondaire remarquable ; mais, en même temps, com-
mence l’analogie avec l’Ariége et avec l’Aude, vallée intermé-
diaire qui n’a pas, en Espagne, de pendant qui lui soit propre.
Le trias, que nous avons vu dans la vallée de la Sègre, occuper
une assez belle place au delà de la section paléozoïque, à la
base de la série secondaire normale, ne se manifeste pas net-
tement dans les deux vallées françaises que nous venons de
nommer (1); mais le lias, au moins l’étage cymbien, qui lui
succède en aval de l’Hostalet , est presque identique à celui
qui, près de Foix, renferme ces belles Térébratules, dont nous
avons recueilli, sur les bords de la Sègre, de nombreux indi-
vidus très-bien conservés. Il n’est pas jusqu’aux dolomies su-
pra-basiques de Foix qui ne se trouvent ici; seulement, leur
teinte claire s’y trouve remplacée par une couleur d’un brun
noir qui est d’ailleurs habituelle dans les autres vallées fran-
çaises.
En continuant à descendre la Sègre, dans la partie méri-
dienne, on rencontre, après le lias, un massif calcaire im-
mense au sein duquel est l’assise marneuse d’Organya, et
qui appartient, dans son ensemble, au terrain crétacé inférieur
que nous appelons grès vert. Pour ce grand élément de la série
(1) Il est très-bien caractérisé dans nne autre vallée des Pyrénées-Orien-
tales, celle du Tech, à Amélie-les-Bains, où il supporte des calcaires noi-
râtres sans fossiles que nous avons rapportés au lias, détermination qui se
trouve confirmée par nos observations dans la vallée de la Sègre. Voyez
Notice géologique sur Amélie-les-Bains (Actes de la Société linnéenne de
Bordeaux, t. XXIII, 6e livraison).
666
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
secondaire espagnole, ce n’est pas dans l’Ariége qu'il faut
chercher quelque chose de comparable , mais bien dans la
vallée de l’Aude, où nous trouvons le pendant des gorges d’Or-
ganya dans celles de Pierre-Lis et de Saint -Georges ouvertes
au sein d’un calcaire du môme âge, avec l’intercalation d’une
assise marneuse aptienne (bassin de Quillan), qui correspond
presque exactement à celle qui supporte le bourg espagnol que
nous venons de citer.
Nous avons d’ailleurs indiqué plus haut ce rapprochement
qui est d’autant plus remarquable, que de ce côté, comme dans
les Pyrénées françaises, ce massif de grès vert s’arrête brus-
quement en présence d’un étage rutilant garumnien qui vient
en aval de Quillan, comme au sud d’Organya, butter contre lui
en interrompant la série secondaire pour commencer une nou-
velle série renversée.
En poussant plus loin encore ce parallèle entre les vallées
de la Sôgre et celle de l’Aude, nous pourrions trouver dans le
calcaire à hippurites et le sénonien de la première (section
renversée) des équivalents du calcaire à hippurites des Bains
de Rennes et du grès d’Alet.
Quant à la réapparition du trias vers Oliana, à l’extrémité de
la série renversée, il n’y a rien de semblable du côté de la
France; mais nous y trouvons, dans le grès de Carcassonne, le
correspondant du terrain qui constitue les basses montagnes
de la Catalogne. Il y a cependant ici cette différence, que de
notre côté, le terrain dont il s’agit, qui est d’ailleurs presque
partout superposé au calcaire à nummuliles, ne s’étend pas
aussi loin vers la plaine qu’en Espagne, où il s’étale par des
ondulations et des parties horizontales, sur une large surface.
Il y a aussi à dire que les Pyrénées françaises n’offrent pas à
leur base ce hiatus si accentué que nous avons signalé à
Oliana, entre les hautes et les basses montagnes.
Séance du 15 mars 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY.
M. le Président communique à la Société la nomination
qui vient d’être faite, par le Conseil, de M. Le vallois comme
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 667
membre de la Commission du Bulletin , en remplacement de
M. d’Archiac.
M. le Président expose ensuite que M. Hébert ayant cru
devoir se démettre de ses fonctions dans cette même Com-
mission, le Conseil, en exprimant ses regrets de cette dé-
termination, a renvoyé à sa prochaine séance le choix d’un
nouveau membre.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance.
Le Président proclame membres de îa Société :
■ MM.
Brochon (Henri), avocat à la cour impériale, rue des
Trois-Conils , 51, à Bordeaux (Gironde); présenté par
MM. Ch. Boreau et Arnaud.
Desailly, pharmacien à Grandpré (Ardennes); présenté
par MM. Meugy et Nivoit.
Vinay, maire du Puy (Haute-Loire); présenté par MM. Hé-
bert et Louis Lartet.
Le Président annonce ensuite une présentation •
DONS FAITS A LA. SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Émile Arnaud, Études préhistoriques sur
les premiers vestiges de l’industrie humaine et la fin de la période
quaternaire dans le Sud-Est de Vaucluse ; in-8, 13 p.,6 pi.;
Paris, 1869; chez F. Savy.
De la part de MM. F. L. Cornet et A. Briart :
1° Description minéralogique , paléontologique et géologique du
terrain crétacé de la province de Hainaut; in-8, 111 p., 1 pi. ;
Mons, 1866; chez Dequesne-Masquillier.
2° Description minéralogique , géologique et paléontologique de ia
meule de Bracquegnies ; in-4, 92 p. , 8 pi. ; Bruxelles, 1868.
3’ Notice sur les dépôts qui recouvrent le calcaire carbonifère à
Soignies ; in-8, 7 p., 1 pi. ; Bruxelles, 1868.
De la part de M. le baron de Dücker, Vorgeschichtliche Spu-
ren des Menschen am Wege nach Rügen und auf der Insel Rügen
selbst ; in-8, 16 p.; Berlin, 1868; chez J. A. Stargardt.
668
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
De la part de M. Mclleville, Ville de Laon. — Étude théorique
et pratique sur la question des eaux ; in-4, 10 p. ; Laon.....
De la part de M. U. Schloenbach, Die Brachiopoden der
bôhmischen Kreide ;in-8, 28 p.; Vienne, 1888.
De la part de M. H. Trantschold, Die Laterne des Diogenes
von Archœocidaris rossicus ; in-3, 13 p., 1 pl. ; Moscou, 1868.
De la part de M. R. F. Peters :
1° Zur Kentnniss der Wirbelthiere aus den miocânschichten von
E ibiswald in Steiermark I. Die Schildkrûtenreste ; in-4, 16p.,
3 pl. — II. Amphicyon. — Vwerra. — Eyotherium ; in-4, 26 p.,
3 pl.; Vienne, 1868; chez R, Gerold fils.
De la part de M. G. A. Pirona, Sopra una nuova specie di
Hippurites ; in-8, 4 p., 1 pl.; Milan, 1868; chez Bernardoni.
M. Chaper présente les observations suivantes qu’il s’excuse
de n’avoir pu faireàla suite du procès-verbal, où elles auraient
été mieux à leur place. Arrivé un peu trop tard, il a été forcé
de les iemettie a la tin de la séance et s’aperçoit avec regret
que M. Hébert vient de quitter Ja réunion depuis quelques mi-
nutes à peine. M. Chaper se trouve par conséquent forcé de
n’entrer dans aucun développement et de se borner à un sim-
ple énoncé.
D ailleurs, meme en l’absence des motifs ci-dessus, il ne serait
pas possible de répondre à une aussi longue communication
sans en avoir sous les yeux le texte authentique, qui n’était pas
rédigé au moment de la dernière séance, et n’est pas encore
déposé. Cette communication était pleine de détails, de faits,
de discussions, etc., etc., que la meilleure mémoire ne pour-
rait retenir avec certitude.
L’impression générale et sommaire qui résulte , pour
M. Chaper, de l’audition de cette communication, est qu’on y
retrouve les erreurs de détermination de fossiles, d’assimila-
tion d’horizons, etc., qu,i avaient fait l’objet de discussions
anterieures, et qui se retrouvent également dans une note
insérée au Bulletin, séance du 15 juin 1868.
Le Bulletin vient d’être distribué il y a une heure environ, et
M. Chaper n’a pu que le parcourir. Mais il a été surpris d’y
trouver la note dont il est question et dont il n’avait gardé
aucun souvenir. °
L’absence de notre confrère et les motifs ci-dessus doivent
NOTE DE M. MARCOU.
669
faire ajourner toute discussion jusqu'au moment où nous
aurons entre les mains la forme définitive et imprimée des
opinions de M. Hébert.
Il doit donc suffire en ce moment à M. Chaper, mais il lui
est nécessaire de protester contre l’ensemble, tel qu’il l’a
retenu, des conclusions de la communication dont il s’agit, du
moins en ce qui concerne la a Porte-de-France » dont il a
commencé l’étude détaillée. Elle est loin d’être achevée; car
elle est forcément minutieuse et longue. Mais jusqu’à présent,
la « Porte-de-France >>, étudiée sur place, donne des résultats
tout différents de ceux qu’elle paraît fournir quand on va la
chercher en Allemagne. On pouvait s’y attendre.
Notes sur V origine de l'étage tithonique ; par M. J. Marco u.
M. Marcou appelle l’attention de M. le Secrétaire sur la
séance du 15 juin 1868, dont le compte rendu vient de paraître
dans le tome xxv du Bulletin. Les observations qu’il fit alors sur
le terrain tithonique d’Oppel se rapportaient aux remarques de
M. Hébert, avec qui il diffère d’opinion, et non aux travaux de
MM. Pictet et Chaper, avec qui, au contraire, il est en com-
munion d’idées. L’ordre des observations présentées à la
séance du 15 juin a été interverti, et, par suite d’un change-
ment contre lequel M. Marcou proteste, les remarques et objec-
tions qu’il a présentées contre les vues de M. Hébert se trou-
vent entièrement déplacées et n’ont plus de raison d’être.
Aussi, M. Hébert, après avoir eu communication de la note
exposant les remarques de M. Marcou, a-t-il pu, avec des
apparences de réalité, s’étonner que M. Marcou lui ait attribué
des « idées bizarres » sur la modification brusque et le chan-
gement de front, d’une séance à l’autre, des déterminations
d’âges des calcaires à T. diphya de la Porte-de-France. M. Mar-
cou , tout en admettant qu’un auteur a le droit de lire les
observations de ses adversaires , demande que le Secrétaire
veuille bien prévenir la personne dont on communique le
manuscrit, afin qu’elle puisse aussi, à son tour, si elle le juge
convenable, réclamer la communication des réponses que l’on
a faites, après coup, à ses observations dites en séance.
Relativement aux notes de M. Hébert , insérées dans la
séance du 15 juin, M. Marcou déclare qu’il n’a attribué aucune
idée bizarre à M. Hébert, et que, si M. Hébert trouve cette idée
670
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
bizarre, c’est depuis qu’il a vu l'Argovie au mois de septem-
bre, ce qui semblerait indiquer que les notes de M. Hébert,
au lieu d’être remises dans les limites du règlement, ont été
rédigées ou corrigées après son voyage; car M. Hébert, dans la
séance du 15 juin, a déclaré que, pour lui, la zone à Ammonites
tenuilobatus avec tout ce qui lui était supérieur était néocomien.
M. Hébert, à la fin de sa note, regarde comme « une première
et considérable conquête obtenue par son intervention » le
parallélisme et la contemporanéité des assises à ciment hy-
draulique de la Porte-de-France avec les calcaires à Terebratula
diphyoides de Berrias. « Et, dit-il, ses contradicteurs ont tort de
l’oublier.» M. Marcou pense que ce résultat est dû à M. Pictet,
l’auteur des deux belles monographies intitulées : Faune à
Terebratula diphyoides de Berrias , in-4°, et Étude provisoire des
fossiles de la Porte-de-France , d'Aizy et de Lémenc , in-4°.
M. Hébert s’est contenté d’affirmer ou de nier des détermi-
nations de fossiles, sans publier ni planches, ni descriptions,
ni coupes; ce n’est pas ainsi qu’il est possible d’élucider des
questions qui , d’ailleurs, de l’avis de M. Marcou, ont été
résolues, sinon dans les détails, du moins dans l’ensemble,
par feu Oppel. Ce n’est que par des descriptions détaillées,
comme celles de MM. Pictet et Zittel, qu’on peut mettre les
savants à même de se prononcer pièces en main. Toute autre
méthode expose à de graves mécomptes et à des oscillations
comme celles par lesquelles ont passé MM. Hébert et Lory
qui, après avoir attribué les calcaires de la Porte-de-France à
l’oxfordien, veulent aujourd’hui en faire du néocomien.
Il y a une phrase de M. Hébert qui demande une réponse,
parce qu’elle renferme une inexactitude grave. « La Porte-de-
France, dit-il, a amené Stramberg sur le tapis ». La vérité est
que c’est Stramberg, où Oppel avait passé beaucoup de semai-
nes et de mois, en 1863, 1864 et 1865, à étudier et à classer la
collection de Hohenegger, qui a amené la question de la Porte-
de-France, et que tout ce qui a été fait sur l’étage tithonique,
depuis sa création, en 1865, par Oppel, a eu pour point de
départ Stramberg et la collection Hohenegger.
\M. Marcou ajoute que, pour éviter les malentendus et les
remaniements, il ne présentera aucune remarque sur la com-
munication que M. Hébert a faite, dans la séance du 15 fé-
vrier 1869, au sujet de Stramberg, jusqu’à ce que ce travail
ait été imprimé.
RÉPONSE I)K M. HEBERT.
G 71
Réponse à MM. Marcou et Chaper , à propos de la discussion sur
T âge des calcaires à Terebratula diphya de la Porte de-
France; par M. Hébert.
M. Marcou porte le débat sur un terrain tout à fait person-
nel; je suis bien obligé de l’y suivre, et, à ce propos, je dirai
que, dans de pareilles discussions, il me paraît convenable
que les observations soient au nom de la personne qui les pré-
sente, afin qu’elles ne paraissent pas au lecteur rédigées par
le Secrétaire.
M. Marcou parle d’une interversion dans l’ordre des obser-
vations présentées à la séance du 15 juin 1868, et il semble
dire que c’est à la suite d’une exposition préalable de vues
particulières faite par moi à cette séance, qu’il a présenté ses
critiques.
M. Marcou oublie complètement comment les choses se sont
passées. C'est le 18 mai que cette discussion a commencé à
l'occasion d’un résumé du travail de Zittel sur les céphalo-
podes de Stramberg, résumé qui venait d’être publié dans le
bulletin d’avril de Ylnstitut géologique de Vienne, et dont je
donnai connaissance à la société. Je fis simplement remarquer,
à cette occasion, que M. Zittel trouvait, parmi les 55 céphalo-
podes qu’il avait décrits et figurés, 8 espèces de la Porte-de-
France un petit nombre d7 espèces néocomiennes et aucune du terrain
urassique.
Cette très-courte communication, que je ne crus pas devoir
rédiger moi-même, pensant que M. le Secrétaire en avait pris
note, ne fut pas mentionnée, et, à la place, le procès-verbal
porte que j’ai fait une communication sur le terrain néocomien
du sud-est de la France, ce qui n’est pas exact. L’erreur du
Secrétaire s’explique, parce qu’en effet M. Marcou est venu
prétendre que ce que j’entendais par espèces néocomiennes
étaient des fossiles du soi-disant néocomien de la Drôme ou
de la Provence, du néocomien de d’Orbigny, qui n’était pas le
véritable néocomien de Neufchâtel.
C’est alors que M. Chaper a présenté des observations, en
partie insérées à la page 692, et auxquelles j’ai répondu en
séance avec la plus grande modération, bien que j’aie été
vivement blessé de certaines expressions employées à mon
égard par notre jeune confrère. Pensant que M. Chaper, après
672
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
réflexion, modifierait ses critiques, j’ai voulu attendre le mo-
ment où sa note aurait eu sa forme définitive pour rédiger
ma réponse.
Je tiens à constater que dans cette communication du travail
de M. Zittel, le 18 mai, je n’avais parlé ni de M. Marcou, ni de
M. Chaper, ni des personnes qu’ils se sont donné mission de
défendre.
Je n’assistai point à la séance du 8 juin, parce que je ne
voulais point continuer la discussion; mais, le 10, je recevais
de M. Chaper une invitation écrite de me rendre à la dernière
séance, celle du 15 juin, pour y entendre l’analyse qu’il devait
y faire du mémoire de M. Pictet, et je m’y suis rendu, ne pou-
vant faire autrement.
Si donc ce débat est né, ce n’est pas moi qu’on doit en rendre
responsable, puisque j’ai tout fait pour l’éviter.
M. Marcou est intervenu au nom deM. Oppel, que je m’étais
bien gardé de mettre en cause. Il en est résulté une discussion
entrecoupée, où j’ai eu à me défendre, non-seulement contre
les conséquences que M. Chaper prétendait tirer contre moi
du mémoire de M. Pictet, mais contre les critiques faites par
M. Marcou à plusieurs reprises.
En résumé, il y avait dans la défense, que j’étais forcé de
présenter trois parts : celle de M. Chaper, celle de M. Marcou
et celle de M. Pictet. En effet, j’avais aussi à mon tour à exa-
miner le mémoire de notre savant confrère et à voir s’il jus-
tifiait les critiques dont j’étais l’objet. J’ai voulu séparer avec
soin, on le comprendra, la critique sérieuse et scientifique
d’un travail comme celui de M. Pictet, d’une discussion d’un
tout autre caractère, et j’étais certes dans mon droit.
Le corps de mes remarques sur le mémoire de M. Pictet est
donc sans aucun mélange de toute autre réfutation, et c’est
pour cela que j’ai relégué, dans quelques notes placées en
dehors, ce qui concernait M. Chaper. Ce procédé présentait
d’ailleurs l’avantage d’une plus grande clarté et une économie
notable de texte.
Tout cela, comme pour la séance du 18 mai, était une affaire
de rédaction, que je ne pouvais terminer qu’en ayant sous les
yeux le texte des notes de mes adversaires, revues par eux et
prêtes à être imprimées.
Quand je suis parti de Paris, le 8 août, les choses n’étaient
point aussi avancées, et quand je suis revenu, le 1er novembre,
la séance du 18 mai était mise en pages, ce qui explique com-
RÉPONSE DE M. HÉBERT.
673
ment il ne se trouve, à cette séance, aucune réponse aux ob-
servations de M. Chaper, et celle du 15 juin était en placards.
M. Marcou avait jugé convenable, et je ne m’en plains nul-
lement, de condenser en un seul corps toutes les critiques
qu’il avait faites à bâtons rompus. Ma réponse devait être
rédigée de la même manière, et la défense devait suivre l’atta-
que. Que veut donc M. Marcou ? Avoir le dernier mot. Cela
n’était pas possible,, puisqu’il m’attaquait. J’avais le droit
incontestable de répondre le dernier. Je n’ai point touché au
procès-verbal; je me suis contenté de réclamer, pour ma réfu-
tation, la place qui lui appartenait, comme aujourd’hui je la
réclame pour celle-ci.
M. Marcou persiste à soutenir que j’ai déclaré que la zone à
A. tenuilobatus était néocomienne; il ajoute cette fois que j’ai
placé aussi dans le néocomien tout ce qui est au-dessus de
cette zone dans le Jura, et que, si je ne soutiens plus cette
opinion, c’est, depuis que j’ai visité l’Argovie. En vérité, je ne
sais comment qualifier une pareille assertion. M. Marcou n’a
pas compris ce que j’ai dit le 15 juin; je l’ai déjà expliqué
p. 822; il ne s’est pas rappelé qu’il lui arrive quelquefois non-
seulement de mal entendre, mais aussi de mal lire. C’est ainsi
que dans ses Lettres sur le Jura M. Marcou m’attribue, p. 181,
des opinions contraires aux miennes. 11 extrait ces prétendues
opinions, qui étaient celles d’un de nos maîtres illustres, d’un
travail destiné précisément à en montrer l'insuffisance, et il
s’amuse à cette occasion à répandre la raillerie sur un con-
frère qui n’a aucun tort à se reprocher à son égard (1).
Me faire mettre les divisions d, s, ç, de Quenstedt, dans le
néocomien, comme si, depuis vingt ans que j’enseigne la géo-
logie, j’étais dans l’ignorance la plus complète de la stratigra-
phie allemande, comme si, depuis cette époque, nos collec-
tions ne contenaient aucun échantillon du Jura blanc, aucun
fossile de Natlheim ou de Solenhofen , dont la position
dans les cases de la série corallienne a pu être constatée
par une foule de visiteurs français et étrangers dont je
pourrais donner les noms, avec la seule incertitude relative à
Solenhofen, que les savants allemands m’ont fait placer tantôt
dans le coral-rag, tantôt dans le Kimmeridge , mais que je me
(t) Voir ma réponse à M. Marcou, Bull.. 2e série, t. XVIII, p. 97; on
reconnaîtra avec quelle modération j’ai réfuté une erreur aussi singulière.
Soc. géol.} 2* série, tome XXVI. 43
(374 SÉANCE DU 15 MARS 1869.
suis toujours refusé à remonter jusqu’au Portlandl Si je ne
repoussais une telle assertion , l’assurance avec laquelle la
produit M. Marcou pourrait faire quelque impression sur les
personnes qui ne me connaissent qu imparfaitement.
J’ajouterai que M. Marcou introduit dans les discussions
scientifiques des dispositions fâcheuses. La sympathie qui
l’entraîne d’un côté le rend aveugle et injuste, même à son
égard. C’est ainsi qu’il affirme qu il- est en communauté
d’idées avec MM. Oppel, Pictet et Chaper, avec Oppel, qui
a supprimé le coral-rag comme étage, qui place la zone à
Cidaris florigemma dans l’Oxford et les couches à Ammonites
tenuilobatus et polyplocus dans le Kimmeridge par-dessus la
zone à Cidaris florigemma et à Ilemicidaris crenularis. Or,
cette dernière zone n’est autre que le coral.-rag de la Cha-
pelle (Jura franc-comtois), et on peut voir dans les Lettres sur
le Jura de M. Marcou, p, 37, 38, etc., et dans le tableau de la
page 45, qu’en 1860, pour M. Marcou, cette zone était supérieure
aux couches à Ammonites polyplocus , dépendant de son argo-
vien, qu’il appelait alors oxfordien supérieur. Si M, Marcou s’est
converti aux idées d’Oppel, il aurait dû le déclarer plus expli-
citement et nous dire ce qu’il y a de vrai et de faux dans ses
anciens travaux. Pour moi , M. Marcou était dans le vrai et
Oppel dans l’erreur.
M. Marcou prétend, encore qu’Oppel a résolu dans leur
ensemble les questions relatives aux calcaires delà Porte-de-
France, bien que, dans mon opinion, le savant professeur de
Munich, en mettant, sans citer un seul fossile, dans le Kimme-
ridge, les couches inférieures qui renferment V Ammonites po-
lyplocus, commette une grave erreur, que M. Marcou lui-même
doit rejeter, à moins de renier une partie de ses travaux sur le
Jura, et qu’en plaçant le calcaire- ciment, reconnu maintenant
comme néocomien par M. Pictet, dans son étage titlionique
avec les couches de Portland, du Boulonnais et de Solenho-
fen, il soit en désaccord avec tous les géologues qui ont publié
des observations sur cette matière.
Oppel n’a donc rien résolu à la Porte-de-Franee, et la pre-
mière indication du cachet néocomien, que portent avec elles
les couches à Terebratula diphya (J. janitor , Pictet) est bien ma
propriété, quoi qu’en diseM. Marcou, qui me refuse toute part
dans cette découverte, et ce n’est pas par de simples affirma-
tions que j’en ai pris possession, puisque ma première note con-
tient la description d’une espèce caractéristique, VA. Calypso ,
RÉPONSE DE M. HÉBERT.
0!»* K?
/D
que j’ai’séparée de celles avec lesquelles elle était confondue,
et des indications si précises sur quelques autres que ni
M. Pictet ni M. Zittel ne nient qu'il n’y ait dans ces assises
quelques espèces véritablement néocomiennes.
C’est donc bien par la Porte-de-Franee que l’attention sur
ce point a été éveillée ; car, même dans le mémoire de
M. Pictet, Stramberg est considéré comme jurassique , et
Oppel, en plaçant ces calcaires de Stramberg au niveau de
Solenhofen, est dans un ordre d’idées entièrement différent
du mien; il n’a d’ailleurs, si je ne me trompe, signalé que des
analogies et non des identités entre les fossiles tithoniques et
le néocomien.
Quant à mettre les savants en mesure de se prononcer sur
ces questions nouvelles, si délicates, par des travaux plus
détaillés, M. Marcou peut être certain que je ferai tous mes
efforts pour réaliser son désir, et que je sais parfaitement que
ma tâche n’est pas terminée.
Ma réponse à M. Chaper sera courte.
J’ai suffisamment répondu sur les faits, dans ma communi-
cation du 18 juin; mais je ne saurais admettre que M. Chaper
continue à employer à mon égard des expressions comme
celles qu’on peut lire dans le Bulletin. Je ne lui reconnais pas le
droit d’imprimer, soit en son nom, soit au nom de tout autre,
que le jugement de M. Hébert a succombé sous la pression d'une
conviction préalable (1), pas plus que de dire, comme il vient de
le faire, sans se donner la peine de le prouver, qu’on retrouve,
dans ma dernière communication comme dans les précé-
dentes, les mêmes erreurs de détermination de fossiles, d’as-
similations d’horizons, etc., etc. — J’ai réfuté les prétendues
erreurs que M. Chaper m’attribuait; qu’il discute mes réfuta-
tions si cela lui convient, mais qu’il exprime autrement son
impression générale et sommaire.
M. Éd. Lartet communique l’extrait suivant d’une lettre
de M. Whitney:
(1) Bull., t. XXY, p. 693, lig. 25.
676
SÉANCE DU lü MARS 1869.
Extrait d'une lettre de M. Whitney , chef du Geological Survey
de l'État de Californie , à M . Desor , communiquée , au nom de
ce dernier , à /a Société géologique de France; par M. Ed.
Lartet.
« Une découverte du plus haut intérêt vient d’être faite en
Californie. Des restes humains et des traces du travail de
l’homme ont été trouvés dans des roches tertiaires et j’ai pu,
pendant ces derniers mois, vérifier leur authenticité. Aujour-
d’hui, les faits à l’appui de cette découverte se sont multipliés
à tel point que je n’éprouve aucune hésitation à dire que nous
possédons des preuves non équivoques de l’existence de
l’homme, sur les côtes du Pacifique, antérieurement à l’épo-
que glaciaire et à la période du Mastodonte et de l’Éléphant,
dans un temps où la vie animale et végétale était entièrement
différente de ce qu’elle est actuellement, et depuis lequel il
s’est produit, dans les roches dures et cristallines de la contrée,
une érosion verticale de 700 h 1,000 métrés. Je publierai,
in extenso, les détails de cette découverte dès que j’aurai ter-
miné mon travail. »
M. de Mortillet confirme le fait énoncé par M. Whitney,
et donne quelques détails sur le gisement des silex trouvés
dans le terrain tertiaire par M. l’abbé Bourgeois.
Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Ébray qui,
en donnant son adhésion aux conclusions du travail de
M. Henri Magnan sur les petites Pyrénées de l’Ariége, re-
vendique pour lui-même la priorité dans l’exposition des
théories relatives au rôle joué par les failles dans la pro-
duction des montagnes. Pour établir cette priorité,
M. Ébray renvoie à sa note sur le Calcul des dénudations qui se
sont opérées à de grandes altitudes {Bulletin, XXI, 293) et à ses
Études géologiques sur le département de la Nièvre (Baillière,
1858 à 1860).
Le Secrétaire communique les deux notes suivantes de
M. Grad.
NOTE DE M. GRAD.
677
Sur la formation et la constitution des lacs des Vosges ; par
M. Charles Grad.
Le massif des Hautes-Vosges présente un certain nombre
d’amas d’eau épars dans ses dépressions , accumulés à toutes
les hauteurs, depuis le fond des vallées jusqu’au-dessus du
niveau moyen de la ligne de faîte. Tels sont, du côté de l’Al-
sace, les lacs de Séeven , de Neuweyer, le Sternsée dans la
vallée de la Doller, le lac du Bâlon dans le val de la Lauch, le
lac de Daaren , qui donne naissance à un des bras de la Fecht,
les lacs Blanc et Noir, dont les eaux réunies forment en-
semble la Weiss, au-dessus d’Orbey. Sur les pentes occi-
dentales de la chaîne, nous voyons les flots de la Vologne
se répandre tour à tour dans les deux bassins de Betour-
nemer et de Longemer pour recevoir un peu plus bas un
affluent issu du lac de Gérardmer, le lac des Corbeaux ,
près la Bresse, et ceux de Lispach, de Blanchemer, du Mar-
chet, dans la vallée de la Moselotte, le lac de Fondromaix
dans le bassin supérieur de la Moselle, enfin, le petit lac de la
Maix sur les montagnes arénacées au sud-ouest de Framont.
Aucun de ces lacs n’a des dimensions bien considérables; le
plus étendu de tous, celui de Gérardmer, figure une ellipse
dont le grand axe mesure seulement 2,000 mètres sur une
largeur moyenne de 800 mètres.
Toutes ces nappes d’eau, différentes par leurs sites, ne le
sont pas moins par la structure de leur bassin. Les unes,
comme les lacs d’Orbey et du Bâlon, affectent la forme d’en-
tonnoirs à peu près circulaires, creusés au fond de vastes cir-
ques dans la partie supérieure des vallées. D’autres , situées
plus bas, ont une forme plus allongée; les montagnes de leurs
rives s’élèvent d’une manière moins brusque, et leur bord
inférieur est généralement formé d’une chaussée naturelle de
sable, de gravier, de blocs accumulés, assez consistante pour
résistera la pression des eaux. Tels sont les lacs de Séewen,
de Longemer, de Gérardmer. Le lac de Gérardmer présente en
outre un phénomène assez rare dans les pays de montagnes,
mais que l’on constate aussi au lac de Lourdes, dans les Pyré-
nées ; aux lacs d’Orta et de Côme, en Italie : la digue qui le
contient est tellement forte, que ses eaux, au lieu de s’écouler
selon la direction générale de la vallée de Cleurie dans le
678
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
bassin inférieur de la Moselle, se trouvent refoulées pour
passer en amont dans Pétroite gorge de la Vologne. Ailleurs,
nous voyons un autre accident orographique non moins remar-
quable. (Test un petit réservoir situé sur le chaînon qui passe
du Bâlon de Servance au plateau de Langres et se déversant à
la fois dans la Moselle et dans la Saône, partageant ses eaux
entre le bassin de la Méditerranée et celui de la mer du
Nord. Au témoignage de Tacite, L. Vêtus, l’un des comman-
dants des armées romaines en Germanie, pour ne pas laisser
ses soldats oisifs, conçut le projet de joindre, en ce point, la
Moselle à la Saône par un canal. On eût épargné ainsi aux
tioupes des marches difficiles, et la navigation, dès le premier
siècle de notre ère, aurait réuni les rivages du Nord à ceux
du Midi. Cependant, ajoute le grand historien .* « Elius Graci-
lis, lieutenant de Belgique, envia à Vêtus l’honneur de cette
entreprise, en le détournant de chercher dans les Gaules une
popularité qui alarmerait Pempereur, crainte qui fait souvent
échouer les plus louables projets (i). »
Le lac Blanc est le plus élevé des Vosges. Des escarpements
sourcilleux 1 étreignent, déchiquetés comme certaines crêtes
des Alpes. Sur deux faces, au sud et à l’ouest, ces escarpe-
ments s élèvent de 200 à 250 mètres au-dessus du niveau de la
nappe d’eau, tandis que l’autre bord le domine encore de
80 métrés. M. Élie de Beaumont compare le bassin à un vaste
fontis qui se serait produit à la surface du sol par suite d’un
ébouiement comme ceux qui arrivent dans les carrières souter-
raines abandonnées, et nous le trouvons comme découpé à
l’emporte-pièce. Le lac mesure 23 hectares de superficie et se
trouve à 1,054 mètres d’altitude. Sa figure rappelle un triangle
allongé dans le sens de la chaîne. Ses eaux trouvent issue par
une sorte de couloir naturel, étroit, bas, ouvert du côté de la
plaine et où l’on vient de construire une digue de 8 mètres
d élévation pour transformer le lac en réservoir au service des
usines de la vallée. Dans l’angle en face du débouché, le bord
s élève suivant une pente de 45 degrés. A l’extrémité nord, il
monte jusqu’au faîte des Hautes Chaumes sous forme d’une
gouttière à pente plus douce, à fond tourbeux et par où les
pluies amènent des sables de lavage qui envahissent le lac
eutement. Les sables constituent une plage inclinée de
quelques degrés seulement, mais qui s’abaisse brusquement
(1) "tacite. Annales , livre XIII, chap. liii.
NOTE DE IV! . OR AD.
679
à 30 mètres du bord. Au delà, le fond est limoneux, couvert de
troncs de sapins tombés dans le lac à une époque où les pâtu-
rages supérieurs étaient boisés. Ce fond est très-inégal. J’y ai
trouvé des profondeurs de 61 mètres. Des blocs de granité en
nombre énorme forment une lisière continue à l’intérieur du
bassin et entourent le lac, entassés sans ordre, presque sans
mélange de menus débris. La plupart de ces rochers sont
arrondis et comme roulés par suite de la décomposition qu’ils
éprouvent sous l’influence de l’atmosphère. Ceux qui restent
dans l’eau conservent des arêtes plus vives. Tous gisent au
pied des escarpements dont ils sont tombés naguère, et n’y
ont pas été charriés.
Une paroi rocheuse, évidée vers la base, sépare le lac Blanc
du lac Noir dont le cirque se découpe à droite. Il y a une
tourbière au bas de l’escarpement et d’autres sur les plateaux
des Hautes-Chaumes que la commune d’Orbey s’efforce de
reboiser. Puis, si l’on suit la ligne de faîtes, le Fohrenweyer, le
lac Vert ou de Daaren, et, sur le flanc du Hoh’Neck, le lac de
Retournemer, occupent le fond de cirques pareils, ce dernier
situé bien plus bas, ainsi que le petit lac de Blanchemer, qui
est assis sur le versant opposé du même rameau. Quant au
bassin du lac du Bâlon, il constitue une cuvette d’environ
300 mètres de diamètre entaillée dans une roche de quartzite
et de grauwacke métamorphique souvent fendillée. Ses eaux
reposent sur un lit de sable; ses bords ne présentent pas les
escarpements qui étreignent le double cirque des lacs d’Orbey:
un talus à pente régulière les remplace et s’élève à 250 mètres
au-dessus du niveau du lac.
Lors de la construction de Neuf-Brisach, Yauban avait fait
construire au lac du Bâlon une digue munie d’une écluse pour
l’alimentation du canal destiné autiansport des matériaux. En
1740 les pluies et la fonte des neiges firent subitement monter
les eaux du lac à une hauteur extraordinaire, et le 22 décem-
bre, au milieu de la nuit, l’écluse et la digue se rompirent
avec fracas; une énorme masse d’eau, haute de 16 mètres, se
précipita sur la vallée, rasant en un clin d’œil, rochers, arbres,
maisons, terre végétale, bestiaux, causant de grands dom-
mages à Guebwiller et à Issenheim, dont les constructions
devinrent la proie des eaux. Depuis, on a encore cherché à
utiliser le lac du Bâlon pour assurer un aliment permanent
aux moteurs des établissements industriels de la vallée de la
Lauch. L’ancienne digue de Yauban avait 15 mètres de hauteur
680
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
au-dessus du niveau naturel du lac; la nouvelle prise d’eau
doit au contraire déboucher à 15 mètres au-dessous de ce ni-
veau. Au lieu d’élever les eaux au moyen d’un barrage, on
cherche aujourd’hui à donner au lac un écoulement par un
tunnel de 80 mètres de longueur environ et muni de trois
vannes mobiles pour en régler le débit. Des travaux analogues
existent sur d’autres points des Vosges, notamment aux lacs
Blanc et Noir d’Orbey, où un chef d’industrie connu par ses
grands travaux de colonisation, M. Antoine Herzog, s’est
assuré une réserve d’eau de trois millions de mètres cubes.
Un système de réservoirs pareils établi dans les vallées vos-
giennes et dans les pays de montagnes où il serait réalisable,
en régularisant le régime des torrents, serait d’un secours
providentiel contre les inondations et fournirait à l’industrie,
comme à l’agriculture, l’eau nécessaire en temps de séche-
resse.
Plusieurs lacs des Vosges doivent leur origine à des digues
naturelles qui sont venues barrer les vallées. Le lac de Fondro-
maix, entre autres, à 200 mètres au-dessus de Rupt, occupe
une cavité à parois fort roides et découpée en hémicycle dans
des montagnes de nature granitique , vers la vallée haute
de la Moselle, avec une issue largement ouverte et un canal
d écoulement peu profond, par où s’échappe le trop plein de
ses eaux. Une chaussée formée autour du bord extérieur du
lac 1 étreint suivant une courbe dont le centre coïncide avec le
milieu du bassin, tournant sa partie convexe vers l’extérieur du
cirque» Son bassin est donc fermé d’un côté par les montagnes
granitiques, de l’autre par une ceinture de débris amoncelés
de ces mômes roches sur la pente du plan le plus incliné, pro-
longement d’une ligne droite qui, descendant du faîte au pied
du massif, se trouve subitement brisée vers son milieu. Les
paroisdela montagne disparaissent entièrement sous laverdure
d une belle forêt de hêtres et de sapins. La digue s’élève en avant
à 7 ou 8 mètres au-dessus du niveau actuel du lac. Ses maté-
riaux sont composés de roches anguleuses, de boue, de sable
formant du côté de la vallée un bourrelet circulaire, au point
même ou la pente de la montagne s’incline, à partir du palier
occupé par le lac. Cette pente étant en moyenne de 15 degrés,
un courant qui se serait élevé au niveau du lac, quelle qu’eût
été sa direction, aurait comblé le bassin dont le fond est à une
vingtaine de mètres seulement en contre-bas de la chaussée.
D un autre coté, un torrent partant du lac, si toutefois un tor-
NOTE DE M. GRAD.
681
rent pouvait en sortir, aurait poussé sable et cailloux hors du
goulot pour les déposer dans la vallée, tandis que la chaussée
se trouve en tête du canal et que, dans le bassin où les déjec-
tions auraient eu lieu, il n’y a aucune trace de terrain de trans-
port composé d’éléments provenant du bassin du lac. Les
matériaux du barrage appartiennent à la localité même; ils se
sont détachés des parois du cirque. Enfin, l’échancrure par
où s’opère l’écoulement des eaux s’approfondirait vite si leur
débit était plus considérable.
On remarque une disposition analogue au lac de Daaren et
au lac des Corbeaux. Le bassin du lac de Daaren est tout
simplement un vallon barré par une digue de matériaux meu-
bles; il a 10 à 11 mètres de profondeur et peut s’élever à
18 mètres, depuis la construction d'un fort barrage en maçon-
nerie au-dessus de l’ancienne digue naturelle. Le lac des Cor-
beaux, situé à la base du Grand-Ventron, aux environs de la
Bresse, est également formé d’une cuvette circulaire, large de
500 à 600 mètres. Il est creusé dans un granité porphyroïde
rougeâtre qui contient des aiguilles d'amphibole. Ses eaux
s’écoulent par la coupure placée en aval et barrée par une
digue de débris granitiques. Les dimensions de ces débris
varient depuis la grosseur d’un grain de sable imperceptible
jusqu’à celle d’énormes blocs, aux angles légèrement émous-
sés, mesurant de 8 à 10 mètres cubes. Les blocs, le gravier,
les sables delà digue, entassés pêle-mêle, sans mélange de
terre, sont lavés comme s’ils sortaient de l’eau. Au fond du
lac s’est déposée une couche de tourbe terreuse mêlée de
troncs de sapins et de hêtres tout entiers, durs, pesants, de la
consistance du lignite, et, depuis que la tourbe existe, rien
n’en a arrêté le lente formation. Au-dessous de cette couche
peu épaisse, selon la remarque de M. Édouard Collomb (1), le
fond du bassin se compose, ainsi que la digue, d’un amas inco-
hérent de sable, de graviers , de blocs sans trace de stratifica-
tion, sauf quelques couches minces de sable fin disposé en
strates grossières et incliné suivant la pente du fond. Ces
matériaux, les couches de sable exceptées, sont de nature
morainique; le dépôt de tourbe repose sur la moraine pro-
fonde immédiatement et sans transition. Les matériaux de la
(1) Édouard Collomb. Preuves de V existence d'anciens glaciers dans les
Vosges , p. 135. Paris, 1847.
682
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
moraine paraissent blancs; la tourbe terreuse a une teinte
noire; la ligne de démarcation est nettement tranchée. Sur
les bords, la tourbe se relève en forme de capsule; on remar-
que à son contact avec le terrain erratique, que depuis sa for-
mation aucun changement n’est survenu dans le bassin. Une
vanne pratiquée dans la digue par les gens de la Bresse, pour
l’alimentation de leurs usines, règle l’écoulement des eaux
qui s’arrêtent à 7 mètres au-dessous de leur niveau ancien.
Le barrage du lac des Corbeaux est réellement une moraine
et le lac ne se serait pas formé sans l’intervention dam ancien
glacier qui déposa cette digue naturelle lors de sa retraite.
Déposés loin des pentes rapides suivant une ligne transversale
à la vallée, les matériaux qui la composent ne sont pas les
restes d’un cône d’éboulement. Ce ne sont pas non plus le
sédiment d’une eau courante, car ils se trouvent entassés sans
ordre, sans trace de stratification. Us ont dû tomber sur un
massif de glace qui a charrié vers ses bords le sable, le gravier
et les gros blocs pour y former une ceinture de plus en plus
épaisse, comme dans les moraines frontales à l’extrémité des
glaciers actuels. Après la disparition de la glace, la moraine
resta à peu près intacte, et les eaux, sans écoulement, rem-
plirent le lit du lac. M. Henri Hogard a le premier appelé Uat-
tention sur l’origine glaciaire de certains lacs des Vosges (1), et
ses vues ont été confirmées parM. Collomb dans ses Preuves de
V existence d’anciens glaciers dans les Vosges. Le phénomène qui
a moulé ces petits bassins les reproduit avec des dimensions
parfois plus considérables en Écosse, en Suisse, dans le nord
de l’Italie, dans les Alpes Scandinaves et au pied des monta-
gnes de la Nouvelle-Zélande, dont les beaux lacs ajoutent un
charme puissant à la nature déjà si pittoresque de ces hautes
régions. A une époque plus ancienne, ces réservoirs étaient en
plus grand nombre dans les Vosges. Il en apparaît parfois plu-
sieurs dans la même vallée, où ils sont alors superposés par
étages, comme dans la vallée de laVologne, et, dans d’autres,
où ils n’existent plus, des traces nombreuses, la présence de
vieilles moraines frontales minées et percées par les torrents,
rendent témoignage de leur existence passée.
Des sondages attentifs m’ont fait voir que mes lacs d’origine
(1) Hogard. Recherches sur les moraines et les dépôts de transport et de
comblement des Vosges, Épinal, 1842, p. 55, et Coup a’ œil sur le terrain
erratique des Vosges , Épinal, 1851, p. 78.
NOTE DE iu. GRAD.
683
glaciaire sont à fond plat, légèrement ondulé, pareil à celui
des vallons qui commencent dans des cirques près du faîte des
Vosges. Ils ont une faible profondeur et mesurent 30 mètres
au plus. Le lac du Bâlon avait 22 mètres en mai 1866, le lac
de Fondromaix environ 18, et j’en ai trouvé 11 seulement au
lac de Daaren, déduction faite du barrage établi sur la mo-
raine pour élever le niveau des eaux à 18 mètres.
Fig. 1. — Lac de Daaren. — NR. Niveau du réservoir. — NL. Niveau du lac. —
M. Moraine. — B. Barrage. — S. Couche de sable et de limon. — L. Leptynite
en place.
Pour le lac Blanc, j’ai obtenu 61 mètres de profondeur
maximum avec un fond très-inégal. Ce chiffre est loin des
profondeurs immenses, insondables, attribuées à ce bassin
par les gens du pays; mais il assigne à la formation du lac une
cause à laquelle les glaciers n’ont point concouru malgré la
présence des blocs de rochers épars sur le pourtour. Ces blocs
n’ont pas été charriés par un glacier qui se trouvait ici à son
point d’origine, à quelques cents mètres seulement du faîte des
montagnes. Jamais glacier dans un bassin comme celui du lac
Blanc, après un si faible parcours, n’a déposé un tel amas de
matériaux, une moraine aussi puissante que le déversoir du
lac même à son niveau le plus bas. Or, nous voyons les mê-
mes blocs arrondis au niveau du lac et jusqu’à 80 mètres au-
dessus au haut de son bord oriental. Le lac Blanc occupe sim-
plement une cavité creusée dans la roche compacte, dans le
massif même de la montagne, comme beaucoup de lacs des
Alpes suisses, et notamment le lac de Lungern, au bord de la
route du Brunnig, entre Alpnach et Meyringen.
Fig. 2. — Lac blanc. — Profil longitudinal, le rapport des profondeurs à celni des
longueurs étant de 10 à 1. — E. Blocs d’éboulement. — S. Sables de lavage. —
G. Granité en place. — T. Tourbe.
684
SÉANCE DU 15 MARS 1869,
Fig. 3. fc.. Lac blanc. — Profil longitudinal réel.
Fig. b. — Lac blanc. — Profil transversal réel.
Fig. 6. — Lac blanc. — (1054 mètres d’altitnde). — Vu de l'hôtel.
D’autres bassins, celui du lac Noir, entre autres, se font remar-
quer parleur aspect cratériforme assez analogue aux lacs avec
amphithéâtre de Meerfeld, de Gillenfeld et de Daun, dans l’Ei-
fel, au lac Pavin, en Auvergne. Comparant entre eux ces bassins
en forme d’entonnoirs, M. Élie de Beaumont présume « qu’ils
résultent d’écroulements qui ont eu lieu dans des cavités situées
dans l’intérieur des montagnes, à l’occasion des dernières
NOTE DE M. GRAD.
685
secousses qui s’y sont fait sentir et peut-être à l’époque des
éruptions volcaniques qui ont produit à leur pied, dans la
plaine du Rhin* le massif du Kayserstuhl et les petits îlots
basaltiques de Riquewfrir et de Gundershofen (1). »
Ainsi, différentes causes ont concouru à la formation des
lacs des Vosges, et, tandis que les uns doivent leur existence à
d’anciens glaciers, d’autres occupent des cavités extérieures
au développement de ces glaciers. Ceux-ci, que j’appellerais
volontiers des lacs d’effondrement, ont rempli les bassins
ouverts dans la roche vive et compacte , daus le massif même
de la montagne. Ceux-là, d’origine glaciaire, occupent des
vallons barrés par des digues de débris provenant d’anciennes
moraines terminales. Outre ces deux formes nettement carac-
térisées, certaines nappes d’eau, et ce sont les plus faibles et
les moins profondes, ont pu apparaître à la suite de glisse-
ments de terrain, derrière des cônes d’éboulement dont la
composition a quelque analogie avec les digues morainiques,
leurs matériaux étant entassés sans ordre et renfermant des
blocs à vives arêtes, mais mélangés de terre et sans galets
striés. La stagnation des eaux ne s’opère alors pas toujours en
nappes assez importantes pour produire des lacs, mais favo-
risée par la rareté ou l’absence des fissures dans la région
* cristalline des hautes Vosges, elle forme de petites lagunes, des
marais propices au développement des plantes palustres, qui,
en s’accumulant, engendrent des tourbières.
Les dépôts tourbeux se trouvent à toutes les altitudes dans
les dépressions de la chaîne des Vosges. Ils constituent des
amas considérables sur les pentes du Hoh’Neck, sur les pla-
teaux des Hautes-Chaumes au-dessus du lac Blanc et ceux du
Champ-du-Feu dont l’aspect rappelle les hautes fagnes de
l’Ardenne avec ses marais fangeux. Dans la plaine du Rhin, on
exploite aussi la tourbe au fond d’anses découpées dans l’allu-
vion ancienne le long de la Moder, de la Lauter, sur les bords
de la Moselle et de ses affluents. La tourbe, comme chacun
sait, se forme de la racine décomposée d’un groupe de plantes
désignées sous le nom générique de Sphaignes. Ces végétaux
produisent à la surface du sol humide des mottes dont l’épais-
seur va toujours croissant et auxquelles se mêlent des débris
(t) Élie de Beaumont. Explication de la Carte géologique de la France;
1841, t. I, p. 27$ et 432.
686
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
ligneux, des racines, des branches, des troncs d’arbres tout
entiers. Nulle part les différents degrés de celte formation ne
sont plus intéressants à suivre que dans les bassins des petits
lacs barrés par des moraines et des cônes d’éboulement.
L’étang du Devin sur le territoire de Lapoutroie, le Fohren-
weyer au-dessus de Sultzeren, le Lauchenweyer dans la vallée
de la Lauch, se trouvent à peu près complètement envahis par
la tourbe, et la tourbière d’Urbey est de même un ancien lac
comblé totalement. Près de Gérardmer, la tourbière du Grand-
Étang remplit peu à peu le fond d’une dépression non loin du
col de la Creuse; sa surface est irrégulière, couverte çà et là
par des troncs de sapins à l’écorce moussue encore debout.
Sur le lac de Lispacb, on voit de véritables îlots flottants ; une
croûte mouvante le recouvre, formée de racines joncées, de
cypéracées, de jeunes bouleaux hauts de 2 mètres et d’autres
arbustes vivant à sa surface, le tout composant des couches
tourbeuses qui ne tarderont pas à couvrir tout le bassin et le
rempliront un jour. Les dépôts du Tanet ne renferment pas
des troncs entiers; la tourbe, sans mélange de souches et de
racines d’arbres, repose immédiatement sur le roc ou sur une
couche de terre argileuse provenant de la décomposition des
roches sous-jacentes. Ce sont simplement des sphaignes mê-
lées à des couches de cypéracées, d’éricinées, de joncées, 9
qui constituent la masse tourbeuse sillonnée à la surface par
des canaux d’eau stagnante. Toutes les mares sont peuplées
de Sphagnum cuspidatum , de Balrachospermum cœrulescens, de
Carex limosa , de Scheuchzeria, tandis que les plants de Carex
leucoglochia , de Vaccinîum oxycocos, de F. uiiginosum , d ’Andro-
meda poliifolia , la Viola palustris, le Lycopodium inundatum cam-
pent hors de l’eau entre les Sphaignes. On y rencontre encore
la Drosera rotundifolia , Y Eriophorum vaginatum et quelques
mousses parmi lesquelles le docteur Kirschleger cite : Splach-
num urceolatum et gracile , Aulacomnion palustre. Le gazon au
boid des tourbières est composé des Scirpes, parmi lesquels
prénomme le Scirpus ccespitosus ; puis, sur les pâturages envi-
ronnants des plateaux, les Sphaignes en mottes serrées forment
encore de petits monticules pareils aux tumuli d’un immense
cimetière accompagnés de Myrtilles, de Bruyères et d ’Empe-
trum nigrum ,
NOTE DE M. G RAI).
Observations sur les glaciers du Grindehvald ; par M. Charles
Grad.
Si du sommet du Schreckhorn on jette un regard sur le dou-
ble bassin des glaciers du Grindelwald,on les voit s’ouvrir sous
forme de deux gouttières profondes, entre le nord et l’ouest,
mais le bassin est fermé sur tout le reste de son pourtour par
une arête continue qui atteint les plus hauts points aux Wetter-
hœrner, au Berglistock, au Schreckhorn, aux pics de Viesch, aux
sommets du Moench et de l’Eiger. Une crête déchiquetée relie
le Schreckhorn au Mettenberg pour séparer le glacier supérieur
du glacier inférieur, et les deux grands courants de glace figés,
rigides, débouchent dans la vallée, entre les trois groupes du
Wetterhorn, du Mettenberg et de l’Eiger. Le bassin du glacier
supérieur est remarquable par la régularité de ses contours
qui lui donne la forme d’un carré long d’où la langue termi-
nale s’échappe et ne reçoit pas de grand affluent. Le glacier
inférieur formé par la réunion de deux grandes branches que
sépare le Zæsenberg descend plus bas que tous les autres gla-
ciers des Alpes, soit jusqu’à 980 mètres au-dessus du niveau
delà mer. Le Zæsenberg est un contre-fort des pics de Viesch.
A sa droite, la branche orientale du glacier remonte jusqu’au
pic d’Agassiz et au col de Finsteraar, à 3,500 mètres d’altitude,
tandis qu’à sa gauche la branche occidentale descend avec
une pente assez forte et reçoit au pied de l’Eiger le petit gla-
cier de Rali. La Mer de glace inférieure est formée par la
jonction de ces deux branches et le glacier ne tarde pas à se
retirer à l’entrée d’une gorge dont les parois de calcaire dur
et compacte se laissent moins facilement entamer que le quartz
friable qui constitue le bassin en amont. Dans le courant du
mois d’août 1868, j’ai fait, avec mon ami M. Anatole Dupré,
sur ce point et à l’extrémité inférieure du glacier, quelques
observations intéressantes sur la structure de la glace glaciaire,
à l’aide de la lumière polarisée.
Depuis une douzaine d’années, la Mer de glace a diminué
de 35 mètres en épaisseur, et depuis l été dernier l’excès de
l’ablation sur la croissance a été de plus de 2 mètres sur ce
point. On descend sur le glacier par une échelle posée contre
la paroi parfaitement polie. A la surface de la Mer de glace, la
glace exposée à l’air paraît composée de gros grains friables
688
SÉANCE DU 15 MARS 1869.
et presque tout à fait blanche. Quand des corps étrangers la
recouvrent, sous les moraines, sous les cônes graveleux et
même à l’intérieur des crevasses, elle est plus compacte. Pour
nos expériences, nous prîmes un bloc dans un cône graveleux,
puis un autre dans une crevasse à faible profondeur. Cette
glace était transparente, quoique renfermant beaucoup de tis-
sures et de bulles d’air, moins friable que la glace superficielle,
quoique moins compacte que la glace d’eau. Les blocs exposés
à Pair se décomposaient en fragments irréguliers. Nous
sciâmes dans les blocs des lames d’un centimètre à un demi-
centimètre d’épaisseur pour en examiner la structure avec la
lumière polarisée. L’appareil employé dans ce but est le mi-
croscope polarisant de Norremberg, qui sert à examiner dans
la lumière convergente, mais qu’on peut employer comme ap-
pareil à lumière parallèle en supprimant les lentilles pour con-
server seulement le polariseur et l’analyseur.
Nous sciâmes donc des lames dans nos deux blocs. Comme
la glace fraîchement sciée était rugueuse et opaque, nous avons
poli les lames en les trottant contre une plaque de cuivre
chauffée, afin de les rendre transparentes. Exposées à la lu-
mière parallèle, ces lames paraissaient formées de cristaux
adhérents les uns aux autres, mais sans groupement régulier.
Si ensuite nous les exposions à la lumière convergente, les la-
mes faisaient voir des franges disposées en tout sens et quel-
quefois des anneaux colorés. Ces anneaux n’apparaissaient pas
dans toutes les lames; ils n’occupaient pas dans les blocs de
position régulière. Impossible de savoir si en taillant les lames
dans telle ou telle direction, elles fourniraient des anneaux
dans la lumière convergente.
De la Mer de glace, nous nous sommes rendus à la base du
glacier inférieur. Une couche de gravier, de sable, ou tout au
moins un mince enduit de boue recouvrait toute la pente ter-
minale du glacier. La glace y était plus compacte qu’à la Mer
de glace, et sous l’influence de la lumière solaire les blocs se
divisaient encore en fragments, mais plus gros. Il y avait en-
core des bulles d’air, mais en plus petit nombre, et la struc-
ture de toute la masse semblait à peu près homogène. Ayant
détaché du glacier un gros bloc scié dans le sens de l’horizon,
nous y taillâmes un grand nombre de lames d’un demi-centi-
mètre d’épaisseur, les unes parallèles, les autres obliques,
d’autres encore perpendiculaires à la base horizontale. Ces
lames, préparées ensuite par le même procédé qu’à la Mer de
NOTE DE M. GRAD.
689
glace, ne laissèrent voir dans la lumière parallèle pour tous les
trois groupes que des plaques colorées, preuve qu’elles ne sont
pas encore parfaitement homogènes. Au contraire, dans la lu-
mière convergente, les lames horizontales donnaient des an-
neaux colorés, traversés par une croix noire, les lames verti-
cales, deux groupes d’hyperboles conjuguées équilatères, les
lames obliques ni anneaux ni hyperboles. Toutefois, il est es-
sentiel de faire remarquer que les anneaux n’apparaissaient
pas seulement dans les lames tirées de notre bloc, mais dans
toutes les lames prises à la base du glacier, pourvu qu’elles y
fussent laissées dans le sens de l’horizon. De même, toutes les
lames verticales présentaient des hyperboles. Ces résultats
étaient constants pour les lames du même groupe.
A la base du glacier, les lames présentent donc des effets à
peu près identiques avec ceux de la glace d’eau ordinaire, avec
cette différence toutefois, que, dans la lumière parallèle, les
lames horizontales prises à l’extrémité du glacier fournissent
des plaques colorées, tandis que les mêmes lames de la glace
d’eau ne produisent aucun effeti Or, chacun sait que la glace
d’eau est de constitution homogène, composée de cristaux ré-
gulièrement groupés et dont l’axe est perpendiculaire à la
surface de congélation. Nos observations indiquent pour les
cristaux de la glace glaciaire une orientation à peu près iden-
tique vers l’extrémité du glacier inférieur. Mais plus haut, à
la Mer de glace, nous n’avons vu que des franges colorées et
parfois des anneaux sans disposition régulière ; les cristaux qui
la composent sont orientés sans ordre. En conséquence, la con-
stitution de la glace des glaciers, loin d’être uniforme, présente
des différences considérables, suivant les points observés; la
structure subit des modifications régulières tendant vers un
état limite qui est la glace d’eau, et qui s’accomplissent pen-
dant le trajet du glacier. Ces observations ont été faites avant
nous au Grindelwald même, par M. Bertin, dès le mois de juil-
let 1866, mais nos expériences confirment les siennes (1). Pour
déterminer avec précision quels rapports existent entre le mou-
vement des glaciers et leurs transformations, il importe de
multiplier les expériences sur des glaciers d’une plus grande
étendue. Nous comptons donc les reprendre l’été prochain,
tandis que M. Gustave Lambert a bien voulu nous promettre
(1) Bertin: Comptes rendus de V Académie des Sciences , 20 août, 1 866.
Ch. Grad. Comptes rendus du 7 janvier 1867.
Soc. géol.j 2e série, tome XXVI.
44
690
SÉANCE DU 15 MARS 1869,
de faire les mêmes observations sur les glaciers polaires, et
nous ferons une demande semblable au Dr Petermann de Go-
tha, qui se propose d’envoyer une nouvelle expédition dans
l’océan Glacial.
J’ai dit que le niveau de la mer de glace s’est abaissé de
35 mètres depuis douze ans ! Dans le même intervalle, l’extré-
mité du glacier inférieur s’est retirée bien plus, abandonnant
dans sa retraite plusieurs moraines frontales et laissant à nu
de grands escarpements arrondis et polis, sur toute la rive
gauche, sur le flanc du Mettenberg. Depuis 1855, époque du
violent tremblement de terre qui flt tant de mal au Valais et
se flt sentir au Grindelwald , les glaciers de la vallée se reti-
rent suivant une progression croissante, reculant chaque an-
née d’une quantité plus considérable que l’année précédente. La
distance entre la moraine de 1855 et la base actuelle du glacier
inférieur, mesurée en ligne droite, est de 594 mètres. Au glacier
supérieur, cette distance même est seulement de 378 mètres.
Pour le glacier de Rosenlaui, situé de Pautre côté du passage de la
Grande -Scbeidegg, ce mouvement de retraite semble plus con-
sidérable encore, mais nous n’en avons pas pris de mesure
exacte. De même, dans les massifs du mont Blanc et du mont
Rosa. Au mont liosa, dans la vallée de Zermatt, où je signa-
lais, en 1866 ( Annales des voyages de Malte-Brun, 1868, tome III,
page 82), les rapides envahissements du grand glacier de Cor-
ner, les glaces sont partout en voie de réduction ; le glacier de
Gûrner ne progressait déjà plus en 1866, et, en 1868, il avait
reculé de 40 mètres environ sur la rive gauche, et un peu moins
au bord opposé, sur le flanc du Riffeî.
A 63 mètres de la moraine terminale du glacier inférieur
du Grindelwald, on en remarque une autre plus ancienne et
en partie envahie par la végétation : c’est la moraine frontale
du glacier de l’année 1601. Le glacier supérieur aussi s’était
avancé, en 1601, an delà de sa limite; en 1855, la moraine fron-
tale de 1601, parfaitement reconnaissable, se trouvait à 47 mè-
tres en avant du glacier. Le limite des glaciers au commen-
cement du dix-septième siècle est nettement indiquée dans une
chronique manuscrite, dont nous devons la communication à
M. Gerwer, pasteur de l’église réformée du Grindelwald. Ce
document authentique est écrit en langue allemande. En voici
la traduction : « L’an 1600, le glacier supérieur s’est avancé
« dans le Bargelbach, près du pont inférieur, et il a fallu dé-
« ménager deux maisons et cinq granges, et le glacier envahit
NOTE DE*M, GHÀD.
691
« aussi leur emplacement. Le glacier inférieur est allé jusqu'au
<( Burgbül, sous le rocher, et à un jet de pierre du ravin de la
« Schussellamine, et la Lutschine perdit son cours habituel et
« fut barrée par le glacier, de manière à s’écouler par le terri-
« toire d’Aellauinen. Toute la commune accourut au lieu du
« danger, mais sans rien pouvoir; il fallut démolir les cons-
« tructions, quatre maisons et d’autres construciions ; puis
a l’eau inonda les champs, les emporta et les dévasta. — L’an
« 1602, le glacier commença à fondre et à reculer en arrière.»
La Lutschine est formée de deux branches principales : la
Lutschine noire qui sort du glacier supérieur, et la Lutschine
blanche, issue du glacier inférieur. C’est la Lutschine noire qui
fut arrêtée et barrée en 1600, par le glacier inférieur. Selon ces
faits positifs, les glaciers du Grindelwald auraient atteint leur
plus grand développement de date connue, de 1600 à 1602 ;
tandis qu’en 1750, iis avaient repris leur plus faible limite
connue. En dehors de ces oscillations partielles qui les ont
portés tantôt en avant et tantôt en arrière, ils occuperaient à
peu près les mêmes limites depuis trois siècles au moins. Or,
différents auteurs, qui, il est vrai, se sont copiés l’un l’autre,
ont prétendu que précisément à l’époque où les glaciers du
Grindelwald s’approchaient de leur plus grande limite de date
connue , vers la fin du seizième siècle, les glaces étaient bien
plus faibles qu’aujourd’hui, et cela, au point de permettre des
relations fréquentes entre la vallée du Grindelwald et le Valais
par un passage traversant la crête de Viesch. Ces écrivains
appuient leur opinion sur l’existence d’une cloche conservée à
l’église du Grindelwald et qui porte le millésime de 1044, et
provenant d’une chapelle consacrée à sainte Pétronille, située,
selon la tradition, à l’extrémité d’un passage traversant la crête
de Viesch. Pour montrer que ce passage était fréquenté il y a
quelques siècles, on ajoute le fait du baptême d’un enfant
amené du Valais au Grindelwald par ce chemin en 1576. Tou-
tefois, aucune indication certaine ne prouve l’existence de la
chapelle à l’extrémité du passage supposé. Quant au baptême,
nous n’en avons trouvé d’autre indice qu’une inscription des
registres de la paroisse du Grindelwald ainsi conçue . « 15/6.
«. Den 10 juni han ich iy Kind tauft, eins Joders auf Sengg von
a Wallis uss Sauss. » Le registre ne dit pas plus, et la seule
explication rationnelle. du fait, c’est qu’un paysan réformé, ori-
ginaire du Valais, mais demeurant au lieu dit auf Sengg , dans
la vallée de la Lutschine, a fait baptiser son enfant au Grin-
692
SÉANCE DE 15 MARS 1869.
delwald. D’un autre côté, lors de la dernière guerre de religion
en Suisse, en 1712, plusieurs réformés s’enfuirent du Valais
pour venir au Grindelwald par les glaciers, mais ils accompli-
rent le passage seulement avec des fatigues inouïes et au péril
de leur vie. Si donc des hommes vigoureux ont eu tant de
peine à franchir la crête de Viesch, comment aurait-on amené
par ce passage un faible enfant pour le présenter sur les fonts
baptismaux ? Bref, les relations du Grindelwald avec le Valais
par la crête de Viesch n’étaient pas plus fréquentes à la tin du
seizième siècle qu’aujourd’hui, et la puissance des glaces n’a
guère varié depuis, en dehors des oscillations partielles que
nous avons reconnues.
Quant à la composition des moraines des glaciers du Grin-
delwald, nous y avons trouvé du gneiss, du calcaire, du gra-
nité et du micaschiste de plusieurs variétés. Le gneiss prédo-
mine et forme les crêtes du Mittelhorn, du Bergli stock, du
Schreckhorn, du Rossenhorn et des pics de Viesch. L’Eiger.
la paroi du Mettenberg et le Wetterhorn jusqu’à son premier
sommet, sont constitués de roches calcaires, que M. Studer
rapporte au Jura moyen, ainsi que le Wblihorn, sur la rive
gauche du glacier de Rosenlaui. La limite entre les deux for-
mations gneissique et calcaire se trouve sous le glacier de Ro-
senlaui; — le Dossenhorn sur le versant droit de ce bassin est
gneissique; — elle passe entre les cimes du Wetterhon et du
Mittelhorn pour se rendre du Mettenberg à l’Eiger, sous le gla-
cier inférieur du Grindelwald. Sur les bords du glacier, la li-
mite des deux roches est bien distincte. Le contact du gneiss
et du calcaire correspond au dernier rétrécissement du glacier
en face de l’Eiger, où l’on voit un ravin s’élever jusqu’au som-
met du Mettenberg. Dans tout ce massif, le gneiss s’altère, se
délite facilement, et comme, au contraire, le calcaire du Met-
tenberg et de TEiger est très-compacte, on peut attribuer la
plus grande largeur des glaciers dans la région du gneiss à
l’extrême friabilité de cette roche. Le sol même du Grindel-
wald, au pied des escarpements du Wetterhorn, du Metten-
berg et de l’Eiger, consiste en schistes calcaires qui alternent
avec de puissants dépôts de schistes argileux, noirs, lustrés, en
partie très-quartzeux, appelés dans le pays Eisenstein, roche de
fer , à cause de leur couleur et de l’éclat métallique de certai-
nes variétés. Les fossiles découverts dans ces couches les rap-
portent au Jura inférieur ou bajocien, et elles sont séparées par
une faille de la grande falaise du Wetterhorn et de l’Eiger.
NOTICE SUR M. THIRRIA.
693
M. Valdemar Schmidt annonce que le congrès d’archéo-
logie tiendra sa session de 1869 en Danemark, à partir du
27 août.
Séance générale annuelle du 1er avril 1869.
PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND.
M. Belgrand, le président de Tannée précédente, occupe
le fauteuil de la présidence.
La liste des membres admis dans la Société pendant
Tannée 1868 et celle des membres décédés pendant la même
année sont lues par M. le Président.
M. Levaliois donne lecture de la notice nécrologique sui-
vante :
Notice sur la vie et les travaux de Charles- Édouard Thirria ,
inspecteur général des Mines ; par M. Levaliois.
Àu moment où allait finir le siècle dernier, la Géologie, qui
venait à peine de recevoir son nom, ne comptait encore que
très-peu d’adeptes. Elle n’en était encore qu’à cette phase par
où ont passé toutes les Sciences, la phase où elles ne sont cul-
tivées qu’en vue de l’Art auquel elles se rapportent et qui a
lui-même suscité leur éclosion, et presque exclusivement,
comme conséquence, par ceux-là qui s’occupent de cet art.
Jusque vers cette époque, il n’y avait guère eu de Minéralo-
gistes (comme on disait encore alors, en prenant ce mot dans
son sens le plus général) que parmi les Mineurs de profession,
de même qu’il n’y avait guère eu de chimistes que parmi ceux
qui se livraient à la préparation des médicaments.
Cependant, à mesure que l’industrie des mines se dévelop-
pait, à mesure que son importance était plus appréciée, comme
il arriva surtout, sous la vigoureuse impulsion donnée, en 1794,
par le cri de la Patrie en danger, en face des quantités consi-
dérables de fer, de plomb, de cuivre, d’étain, de soufre et de
694
SÉANCE DU 1er AVRIL i 869.
houille que réclamait sa défense, le Corps des ingénieurs pré-
posés à cette branche de la richesse publique se constituait.
L’École des mines, par un arrêté du Comité de salut public,
était recréée à Paris sur une plus large base, pour assurer
le recrutement de ce corps ; des cours publics y étaient
institués; et c’est en rayonnant de cette école par la voix des
ingénieurs des mines, Bolomieu, Brongniart, plus tard Bro-
chant de Villiers, que les connaissances géologiques finirent par
être assez répandues, pour que de zélés amis de la science
aient pu songer, en 1828, à grouper en un centre commun tous
les adeptes de la Géologie. Et voilà comment a pu naître la
Société géologique de France, constituée le 17 mars 1830, et
qui réunit aujourd hui à la fois, au nombre de plus de cinq
cents, les hommes qui cultivent la science par état et ceux qui
la cultivent librement, pour elle-même.
Depuis lors, à ce foyer d’enseignement de l’École des mines,
longtemps unique pour la géologie classique, si l’on peut
s exprimer ainsi, il en a été ajouté beaucoup d’autres, qui,
rayonnant à leur tour dans leur sphère d’activité, contribuent
chaque jour pour leur part à entretenir et à activer le feu sa-
cré, et, de la sorte, à assurer la perpétuité de la Société géo-
^o£dfiue. Mais 1 enfant, devenu homme, ne doit pas oublier
quelle fut sa première nourrice; et c’est pourquoi, avant que
ce point de notre histoire ne soit effacé de la mémoire des vi-
vants, par la disparition de ceux qui en furent les témoins et
qui sont déjà bien peu nombreux (1), j’ai voulu rappeler à nos
jeunes générations, le lien qui unit la Société géologique à l’É-
cele et au Corps des ingénieurs des mines ; lien auquel la So-
ciété donnait encore elle-même sa consécration expresse, en
choisissant, pour ses deux premiers présidents annuels, deux
membres éminents, deux professeurs du Corps des ingénieurs
des mines, Cordier (2), puis Brongniart. Et je n’ai point à
m excuser, je suppose, pour ce retour fait sur nos origines, au
moment où j’ai à remplir le devoir de vous parler d’un con-
frère très-regretté, qui était arrivé au plus haut grade dans le
Corps des ingénieurs et qui s’honorait d’avoir été un des digni-
taires de la Société.
(î) Des 143 membres fondateurs, il n’en existe pins que 23, dont 7 seu-
lement sont re tés en rapport avec la Société.
(2i Cordier n’avait pas professé à i’ Ecole des mines. Il a occupé, depuis
819 jusqu en 1861, la chaire de Géologie du Muséum d’histoire natuielle.
NOTICE SUR M. THIRRIA.
695
Charles-Édouard Thirria est né à Beauvais, le 25 février 1796.
Son père était alors juge au tribunal civil du département de
l’Oise. Après la réorganisation judiciaire du Consulat, en
l’an VIII, il devint vice-président du tribunal de première ins-
tance de Beauvais, et, à la création des Cours d’appel, en 4804,
il fut nommé conseiller à la cour d’Amiens. Dès lors, la fa-
mille est établie dans cette ville, où elle a vécu trente ans et
plus, entourée de la considération générale que lui avait mé-
ritée son chef.
Après avoir fait ses études classiques au lycée d’Amiens, le
jeune Thirria, qui se sentait attiré vers l’École polytechnique,
vint à Paris, au mois d’octobre 1814, pour redoubler son cours
de mathématiques spéciales au lycée Napoléon (alors Henri TV),
et il fut, en effet, reçu à la grande École au concours de 1815.
Deux ans après, il était, admis dans le corps des ingénieurs des
mines. De cette classe de mathématiques du lycée Napoléon
date ma connaissance avec le confrère dont j’ai à retracer au-
jourd’hui la vie. De là je le suivis, à un an de distance, dans
les mêmes écoles: en sorte que cette vie s’est écoulée côte à
côte, pour ainsi dire, avec la mienne, au milieu d’études et
d’occupations communes, d’où était née dès l’abord, entre
nous, une amitié que la mort seule a pu interrompre après
une durée de cinquante-trois ans.
Cependant des obstacles aussi graves qu’imprévus mena-
cèrent, tout au début, d’arrêter Thirria dans sa carrière. Il
était entré à l’École polytechnique au mois de novembre 1815,
et, le 13 avril 1816, une ordonnance royale en prononçait le
licenciement. Cette mesure avait eu pour motif, disait l’ordon-
nance, un acte de « désobéissance générale. » Mais l’opinion
publique ne vit dans cet acte, étranger d’ailleurs à la politique,
qu’un prétexte, qu’une occasion cherchée et trouvée, pour
faire expier aux élèves de cette école, comme un crime d’État,
la froideur que le gouvernement d’alors rencontrait en eux;
et pour décourager ainsi leurs successeurs du sentiment géné-
reux — plus importun d’ailleurs que dangereux, — qui a fait
pencher dans tons les temps ces jeunes théoriciens du côté
des causes vaincues.
Quoi qu’il en soit, le licenciement de 1816 ne fut pas partiel
et momentané comme ceux qui ont eu lieu depuis à plusieurs
reprises, îl avait été complet et absolu; et jamais les portes
de l’École polytechnique ne se rouvrirent pour les 214 élèves
qui s’y trouvaient au moment de l’ordonnance du 13 avril. Le
696
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
préambule annonçait bien une possibilité de rémission pour
le « petit nombre de ceux qui n’avaient pas pris part au der-
« nier acte d’insubordination, lorsque l’Ecole serait rétablie. »
Mais, en attendant, le séjour de Paris fut interdit aux élèves
dont les familles n’y étaient pas domiciliées, et le plus grand
nombre fut ainsi privé de tout moyen d’études.
L’ordonnance de réorganisation fut rendue le 4 septem-
bre 1816, et elle disposait, en effet, dans son article final, que
les éièves licenciés seraient admis, en 1817, à concourir pour
entrer dans les Écoles d’application des services publics, en jus-
tifiant de la continuation de leurs études. Ils étaient 214, avons-
nous dit, et 61 places seulement leur furent attribuées. Aussi
y en eut-il à peine la moitié qui osèrent affronter les épreuves
de ce concours entouré pour eux de tant de difficultés, puis-
que l’enseignement spécial de l’École polytechnique leur était
fermé, et qu’ils étaient obligés d’aller demander le complé-
ment de leur instruction aux différents Cours publics de la
capitale, dont les programmes ne répondaient pas précisément
à ceux des examens qu’ils auraient à subir. Mais heureusement
ils trouvèrent, dans les éminents professeurs de la Faculté des
sciences, des amis de l’institution polytechnique, qui employè-
rent tout leur dévouement pour aplanir, à celte jeunesse
avide d’apprendre, la voie d’entrée dans la vie que les circon-
stances lui avaient faite si rude.
Or ces difficultés étaient particulièrement grandes pour les
élèves de la division à laquelle appartenait Thirria, ceux de la
promotion de 1815, puisqu’ils avaient à peine passé six mois
à l’Ecole au moment du licenciement et qu’ils avaient h. lutter
avec la division plus ancienne, qui, composée à peu près par
moitié, d’élèves des promotions de 1814 et de 1813, avait par
conséquent sur l’autre un an et même deux ans d’avance. Et
cependant, Thirria eut le courage d’entreprendre cette lutte !
et ce courage fut récompensé; il fut un des élus, et il fut classé
dans le service des Mines : ce qui, dès lors, mais à un moindre
degré qu aujourd hui, sans contredit, n’était pas un but facile
à atteindre.
Les détails qui précèdent sont sans doute étrangers à l’his-
toire de la Géologie, et peuvent, pour cela, paraître-à première
vue hors de leur place en cette notice; mais on reconnaîtra
pourtant, en y réfléchissant, qu’ils sont particulièrement pro-
pres à donner la mesure de ia volonté de travail dont était
NOTICE SUR M. THIRRIA.
697
doué Thirria, qui fut toujours sa qualité dominante et qu'il mit
si bien au service de la Géologie.
Thirria entra à l’École des mises au mois de décembre 1817,
et il en sortit en 1820, après l’accomplissement des trois an-
nées d’études. Pendant l’été des deux dernières années, les
élèves, le plus souvent par groupes de deux ou trois, font, du-
rant quatre mois, des voyages d’instruction, qui constituent vé-
ritablement pour eux l’école pratique; et c’est là surtout que
s’apprend, sur le vif pourrait-on dire, la Géologie. Thirria fit
son second voyage en 1820, et je fus son compagnon. Plus an-
cien d’un an, il dirigeait la tournée et s’en acquittait à mer-
veille, me faisant profiter de l’expérience de voir qu’il avait
déjà acquise l’année précédente : toujours le premier levé, ja-
mais couché, quelque rude qu’eût pu être la journée, avant
que les observations n’en eussent été enregistrées; infatigable
pour aller à la découverte d’un banc qui, au plus abrupt d’une
coupe, semblait devoir offrir quelque particularité; intraitable
quant à la façon des échantillons, qu’il fallait recommencer
jusqu'à ce qu’ils fussent bien décapés (comme on disait) sur
toutes les faces, et au soin à donner à leur emballage.
Pour les membres de la Société géologique, ce ne sont pas
là de petites choses, comme elles pourraient paraître à des
esprits superficiels; — il n’y a pas de précautions trop petites
dans les sciences d’observation — car si les excursions géo-
logiques sont la chasse aux faits , suivant la juste et pittoresque
expression d*un maître illustre, il faut bien se souvenir que les
chasseurs ne sont pas d’ordinaire crus sur parole, et que ce
n’est que sur le vu des pièces que l’on peut espérer de forcer la
conviction des douteurs. Or, les pièces à l’appui des faits géo-
logiques, ce sont les échantillons soigneusement choisis et fa-
çonnés; et il est bien évident aussi, que celui-là décèle son
goût pour co genre de chasse, qui se montre, dès son premier
début, ardent à en recueillir les produits, pour en faire plus
tard, dans le cabinet, l’objet d’une étude approfondie, en les
livrant à la discussion de tous.
Nous parcourûmes ainsi de compagnie le centre et le sud-
ouest de la France. Et, si je rappelle ce voyage, ce ne peut être
que pour donner un exemple d’humilité; car, quel géologue
n’est pas exposé, en remontant à cinquante ans en arrière, à
faire quelque confession analogue à la nôtre? 11 faut donc bien
le dire : Quand nous observions dans l’Ariége le calcaire sac-
698
SÉANCE DU Ier AVRIL 1869.
charoïde, marmoréen, qui renferme les importants gîtes de
fer de Rancié, — dans les Basses- Pyrénées, les calcaires,
souvent d’un noir foncé, où se font jour les sources salées de
Salies, avec leur cortège de glaises bigarrées, degypse et d’o-
phite — nous étions loin de nous douter que nous avions af-
faire : là à des couches jurassiques, ici à des roches crétacées,
si non tertiaires. Nous nous croyions naïvement en face du
calcaire de transition et du calcaire alpin. Du calcaire alpin !
alors qu'il était à la veille de disparaître de la nomenclature
géologique, et cela par une raison bien simple : on venait de
reconnaître que le calcaire ci-devant baptisé de ce nom d’al-
pin, n’existe pas dans les Alpes.
A la fin de l’année 1820, Thirria est chargé du service miné-
ralogique du département des Ardennes, et il donne, peu de
temps après, dans les Annales des mines , une note sur une car-
rière de marbre qui venait d’être découverte auprès de Me-
zières, et dont il discute très-judicieusement la position géo-
logique.
En 1822, il est placé à Colmar et chargé, sous les ordres de
ringénieur en chef Voltz, du service des trois départements du
Haut-Rhin, des Vosges et de la Haute-Saône. Puis il dut bien-
tôt partager sa résidence entre Colmar et Vesoul, jusqu'à ce
qu’enfîn, en 1826, le développement, qu’avait pris l’industrie
métallurgique dans le département de la Haute-Saône, déter-
mina l’Administration à former, de ce seul département, le
sous-arrondissement minéralogique de Vesoul. Thirria en fut
chargé, et il conserva cette résidence jusqu’en 1840.
Dès ses premiers séjours dans le département de la Haute-
Saône, il avait formé, sans autre mandat que celui qu’il tenait
de son zèle, la résolution, qu’on peut dire vaillante pour le temps,
d’en faire la carte géologique. C’était, en effet, une œuvre très-la-
borieuse; car si nous trouvons aujourd’hui, dans un cadre stra-
tigraphique généralement adopté, des repères propres à nous
faciliter les travaux du même genre, il était loin d’en être ainsi
en 1824. Les moyens matériels même n’étaient pas ce qu’ils sont
maintenant. La carie du Dépôt de la guerre n’était pas publiée,
et Thirria dut commencer par s’imposer la lâche de déterminer
lui-même l’altitude de 246 stations, particulièrement impor-
tantes à connaître. D’ailleurs, le département de la Haute-
Saône est un des plus complexes au point de vue géologique;
car, adossé à la croupe méridionale des Vosges et se ratta-
chant du côté de l’est à la chaîne du Jura, il rassemble à la fois
699
NOTICE SUR M. THIRRIA.
\
en lui îes roches du système vosgien et celles du système ju-
rassique, et il présente en définitive la série géologique près-
qu'au complet à partir du granité inclusivement.
Entreprendre, en 1824, la dissection de ce grand sujet, — pour
me servir du langage de l’anatomie et répondre à l’expression
de Cuvier, lorsqu’il recommandait aux géologues de faire avant
tout V anatomie de la terre — c’était évidemment, comme je le
disais tout à l’heure, une œuvre très-laborieuse, suitout en ce
qui concerne les terrains dits jurassiques; car ces terrains
avaient été jusqu’alors très-peu étudiés sur le continent, et leur
composition dans leur pays natal, pourrait-on dire, dans la
chaîne du Jura, n’avait jamais été décrite. Aussi, n’était-ce pas
trop que d’appeler, pour diriger le travail du scalpel, Ja paléon-
tologie au secours de la pétrographie. Thirria n’y manqua pas,
et il eut pour cela le précieux concours de notre maître et ami
commun Yoîtz, qui voulut bien se charger de faire ou de con-
trôler les déterminations des fossiles.
Cependant, Thirria n’avait pas attendu la fin de sa grande
entreprise pour fournir d’intéresspxnts mémoires sur différents
sujets, relatifs à la géologie de la Haute-Saône.
Le premier, publié dans les Annales des mines de 1825, est
une monographie des environs de Saulnot, point très-bien
choisi pour donner un aperçu de la constitution minérale du
département; car il est précisément placé là où finissent les
Vosges et où commence le Jura. Notre auteur y décrit, eu ef-
fet, après le porphyre, ce que nous appelons maintenant les
séries permienne et triasique, — celle-ci dans son complet
avec ses sources salées et sa houille keupérienne, et couronnée
par le grès dit infra-liasique — puis le lias, décomposé en cal-
caire à gryphéesetschistes marno-bitumineux, puis les calcaires
oolitiques, dans lesquels il ne faisait encore aucune subdivi-
sion; puis enfin le minerai de fer en grains, qu’il considérait
dès lors comme constituant l’étage le plus supérieur de la for-
mation jurassique.
Au mois d’avril 1828, Thirria présenta à l’Académie des
sciences une notice sur les grottes ossifères d’Echenoz et de
Fouvent.
La première, située à 4 kilomètres de Vesoul, formée de 4
chambres étroites, qui présentent ensemble un développe-
ment de 275, mètres, n’avait encore fourni aucune contribution
à la paléontologie. L’ingénieur des mines de la Haute-Saône
eut l’idée d’y faire faire, en août 1827, des fouilles qui amené-
700
SÉANCE DU 1er AVRIL 186®.
rent la découverte de plus de 600 ossements ou portions d’os-
sements, appartenant, d’après les déterminations de Cuvier,
aux genres Ours ( Ursus spelœus-arctoideus. Cuv.), Hyène, Chat
{F élis spelœa. Cuv.), Cerf, Sanglier, Éléphant; et auxquels il
faut ajouter le Lion, dont notre confrère trouva plus tard une
mâchoire et des dents molaires.
La grotte de Fouvent, située près de Champlitte, à 45 kilo -
lomèlres de Vesoul, était, contrairement à celle d’Echenoz,
entièrement remplie. Elle présentait seulement, à travers la
roche calcaire, une petite fissure oblongue, dont on voulut
profiter en 1800 pour y creuser une cave, et cette fouille avait
amené la rencontre d’ossements qui furent reconnus alors et
décrits par Cuvier, comme appartenant aux cinq genres :
Ours, Hyène, Éléphant, Rhinocéros et Cheval. Thirria fit éga-
lement, en 1827, déblayer cette grotte sur une étendue de
5m environ de longueur et largeur et de 2m50 de hauteur,
et il en retira de nombreux ossements se rapportant aux cinq
genres nommés ci-dessus, accompagnés en outre d’os de bœuf
et de lion,
Dans le travail de dissection qu’il avait entrepris, la par-
tie relative aux terrains jurassiques est celle , nous l’avons
dit, qui offrait le plus de difficulté, et qui, par suite aussi, pro-
mettait le plus de nouveauté. Et c’est pourquoi Thirria se dé-
cida, d’après le désir de Yoltz, à faire, de cette partie de son
travail, l’objet d’une publication séparée anticipant le reste.
Elle eut lieu à la fin de 1830, dans la première livraison du
tome Ier des Mémoires de la Société d’histoire naturelle de
Strasbourg, sous le titre : Notice sur le terrain jurassique du
département de la Haute- Saône et sur quelques-unes des
grottes qu’il renferme.
Dans le chapitre relatif aux grottes, qui sont au nombre de
12 dans le département, Fauteur reproduit la description des
grottes ossifères d’Échenoz et de Fouvent, déjà donnée en 1828,
en l’illustrant cette fois de plans et de coupes, et il en décrit
en outre trois autres fort importantes, celles de Quincey, Chaux
et Frétigney, bien qu’elles ne renferment pas de restes d’ani-
maux antédiluviens. Il présente d’ailleurs à cette occasion
quelques considérations générales sur l’origine des cavernes
et sur les circonstances de leur remplissage : question qui s’est
bien agrandie depuis que, dans ces derniers temps, la ren-
contre faite, dans beaucoup de cavernes, de restes de repas
humains, a fait reconnaître que certains ossements provenaient
NOTICE SUR M. THIRRIÀ,
701
d’animaux qui avaient servi à la nourriture de l’homme.
Mais ce qui fait l’importance de la Notice de 1830 dont nous
nous occupons, c’est la description détaillée, que donne l’au-
teur, de toute la série oolitique (il ne comprenait pas alors le
lias dans le terrain jurassique). Il y distingue 65 assises, et il
en présente la succession dans un tableau qui indique, avec
les caractères pétrographiques et l’épaisseur de chacune d’elles,
les principaux fossiles (1) qu’on y rencontre, et qui spécifie en
même temps la localité dans laquelle chaque relèvement par-
tiel a été fait.
Après l’analyse vient la synthèse. Thirria fait de ces 65 as-
sises 12 groupes ou sous-groupes, et il en indique le parallé-
lisme approximatif avec les divisions anglaises, dont la con-
naissance était alors, depuis quelques années, devenue familière
aux géologues du continent. La conséquence, restée hors de
doute, de cette comparaison stratigraphique : c’est que la série
oolitique est complète dans la Haute-Saône, et qu'elle y peut
être partagée en trois groupes, correspondant à ceux qui, dis-
traction faite du lias, ont été établis de l’autre côté du détroit.
La classification que iit alors Thirria, des couches jurassi-
ques de la Haute-Saône, n’a été que très-peu modifiée dans
ses publications ultérieures; en sorte que c’est bien sa notice
de 1830 qui marque la date de cette classification et de la no-
toriété qu’elle acquit immédiatement. Thurmann , en effet,
l’adopta pour la plus grande partie dans son remarquable ou-
vrage sur le Porentruy, publié dans la 2e livraison du tome 1er
des Mémoires de la Société d’histoire naturelle de Strasbourg,
où il dit, en parlant de la notice de Thirria : « Je trouvai dès
«. lors un cadre tout prêt pour l’étude plus approfondie des
« sous-divisions dans nos chaînes. » De La Bêche, de son côté,
dans son Manuel géologique, donne place à la classification
établie par l’ingénieur des mines de la Haute- Saône dans sa
notice de 1830; et M. Boué, notre savant et toujours si dévoué
confrère, de loin comme de près, ne manque pas non plus de
la citer dans son Résumé des progrès de la géologie pendant
les années 1830 et 1831.
Cependant Thirria avait achevé sa carte géologique, et elle
parut, au commencement de 1832, dans la même 2e livraison,
(1) La détermination faite, il y a 40 ans, de ces fossiles, aurait besoin
sans doute d’être revisée aujourd’hui.
702
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
tout à l’heure citée, des Mémoires de la Société d’histoire na-
turelle de Strasbourg.
Cette carte dressée, pour le tracé géométrique, sur celle (à
très-petite échelle comme on sait) de l’atlas national de Chan-
laire, est accompagnée de 7 profds traversant tout le départe-
ment. Les divisions et sous-divisions géologiques y sont expri-
mées au moyen de 19 teintes. L’auteur a joint à sa carte une
explication sous forme de légende, qui présente, avec leur dé-
finition sommaire, la succession des différents terrains qui y
sont figurés, depuis le terrain moderne jusqu’au granité; et
d’où il résulte que l’épaisseur totale des sédiments superposés
au terrain de transition dépasse*800 mètres. Dans cette série
ne figure pas le terrain crétacé : Thirria ne le découvrit que
quelques années après, comme on le verra plus loin. A cette
publication était encore joint, comme à celle de 1830, un ta-
bleau donnant cette fois, non pas seulement la succession dé-
taillée des assises oolitiques, mais des assises jurassiques au
complet : » oolite et lias. — Les assises oolitiques, au nombre
de 72, occupent à elles seules une épaisseur de 295 mètres. Il
les réunit en 11 groupes ou sous-groupes (au lieu de 12) un peu
difféi ent.s de ceux qu’il avait faits en 1830. Le sous-groupe de
1 argile a chailles, mal placé à cette époque, reprend son véritable
rang au-dessus des marnes oxfordiennes proprement dites.
Enfin Thirria résuma tous ses précédents travaux dans un
ouvrage didactique, qui parut à Besançon, en 1833, sous le
titre : Statistique minéralogique et géologique du département de la
Haute- Saône, en un volume accompagné de la carte géologique,
avec ses 7 profils, déjà publiée Tannée précédente.
M. Boué, dans ses rapports sur les progrès de la géologie
en 1831 et 1833, avait appelé l’attention de la Société sur la
«jobe » carte, comme il disait, et sur le livre de Thirria. Et,
apiès en avoir rendu compte, il faisait remarquer tout ce que
ce travail, avec ceux de Thurmann et de Yoltz, des géologues
stationnaires, suivant son expression, avait jeté de lumière
sur la structure du Jura, naguère si peu connue; en dégageant
de là — non sans l’accompagner des réserves nécessaires —
cette conséquence importante : « Que les sous-divisions re-
« connues en Angleterre peuvent être recherchées avec con-
« fiance dans le nord et l’est de la France. «
Mais ce qu'avait oublié le savant rapporteur de 1833 c’est de
signaler l’exemple donné par Thirria d’étudier particulière-
ment les failles et d’en marquer la trace sur les cartes géolo-
NOTICE SUR M, THIRRIA.
703
giques. Il en a marqué 14, qui sont toutes sensiblement paral-
lèles à la direction de la chaîne de la Côte-d’Or. — Ces cas-
sures, plus ou moins verticales, indépendamment de l’impor-
tance qui leur appartient pour avoir été les émissaires de nos
richesses métallurgiques, ne sont pas, en effet, moins à consi-
dérer que les plans plus ou moins horizontaux (en général) de
stratification; car ils jouent comme eux un rôle essentiel dans
la structure de l’écorce terrestre, mosaïque h plusieurs étages,
suivant l’expression de M. Élie de Beaumont, dont ils forment
les plans de joint.
Le livre de Thirria n’est pas seulement descriptif; il s’ouvre
par une introduction géologique ; et , dans les différentes
parties successivement consacrées à décrire : d'abord la consti-
tution physique, l’orographie, l’hydrographie; puis, la consti-
tution minéralogique et géognostique , les minéraux, les ro-
ches, le groupement des roches en terrains et les terrains
eux-mêmes, il ne néglige jamais les explications théoriques.
Mais il ne néglige pas davantage, bien entendu, le côté de
l’application, non-seulement quant aux exploitations minérales
de toute sorte qui dépendent des divers terrains, mais
aussi quant aux relations du sol géologique avec la culture.
Enfin le livre se ferme par un tableau statistique et économi-
que des communes du département avec le nom des divisions
géologiques et des richesses minérales que renferme chacune
d’elles.
On voit que, sous cet humble titre de Statistique , Thirria
a fait de son livre comme un petit traité de géologie à pro-
pos de la monographie de la Haute-Saône; et il faut bien re-
connaître qu’aucun département de France ne se prête mieux
à cette généralisation que celui de la Haute-Saône , puisque,
comme on Ta déjà fait remarquer, aucun ne présente (sauf les
terrains volcaniques) une série de terrains plus près d’être com-
plète : et cela, avec tout le développement de richesses miné-
rales qu’ils comportent par leur formation même ou adventi-
vement : houillères, sel gemme, sources thermales, nombreux
dépôts de minerais de fer, filons, grottes ossifères. On com-
prend donc bien que l’auteur se soit laissé aller sur la pente où
l’attirait son sujet; mais peut-être serait-on fondé à trouver
qu’il est trop enclin, dans ses explications théoriques, à pré-
senter la science comme si elle eût dit son dernier mot.
Telle est l’œuvre de Thirria et pour laquelle il a bien mar-
qué sa trace dans la Société géologique : œuvre entreprise, il
704
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
faut le répéter, de sa propre initiative, et accomplie au prix
de ses sacrifices personnels.
Dans ce travail, d’ailleurs, comme dans tous ceux du même
genre, il y a deux parties qu’il est essentiel de distinguer.
L’une, que je dirai accessoire, quant à l’importance comme
quant à Tordre logique des idées : c’est celle qui est relative à
la classification et à la nomenclature. Sans se laisser entraîner
par des idées préconçues, Thirria a puisé ses divisions et ses
noms dans les noms mêmes des couches qu’il avait sous les
yeux , et ce n’est qu’après coup qu’il a cherché à établir un
parallélisme avec les divisions anglaises. Que ce parallélisme
puisse prêter à la critique, il n’y a pas à s’en étonner, et il y
aurait plutôt à s’étonner du contraire. Car, lorsque William
Smith publiait, en 1816, la classification en 19 étages du ter-
rain jurassique de l’Angleterre, il ne prétendait assurément
pas qu’elle dût s’appliquer , — de plus royalistes que le roi
l’ont cependant prétendu pour lui! — qu’elle dût s’appliquer
au terrain jurassique du globe entier, pas plus que Thirria ne
prétendait que les divisions établies par lui dans la Haute-
Saône dussent s’appliquer à tout le Jura. Ces divisions, — ces
groupements, vaudrait-il mieux dire, puisque c’est de la syn-
thèse qu’on fait là — de quelque pensée logique qu’elles procè-
dent, ne sont guère, en général, que des moyens mnémoniques,
et qui ont, par cela même, quelque chose d’artificiel, d’arbi-
traire, qui ne saurait s’adapter, à priori , à toute contrée.
Mais ce qui est la partie fondamentale et à l’abri de toute
méthode artificielle, dans une monographie géologique, c;est
l’analyse stratigraphique de la portion d’écorce terrestre qui
constitue la contrée décrite ; et c’est cette analyse qui a été
faite par Thirria avec un soin et un scrupule qui ne sauraient
être dépassés. — Soin et scrupule : deux choses qu’il ne faut pas
séparer, bien qu’elles se rapportent à deux ordres différents
d’idées, car Tune est la caution de l’autre; car le soin , Tordre
matériel chez l’observateur de la nature, c’est la précaution
prise par le scrupule , pour empêcher qu’une infidélité de mé-
moire, ne nous entraîne en des illusions que nous présenterions
de la meilleure foi du monde pour des réalités. Et c’est pour-
quoi, sans insister sur les collections de roches et de fossiles
que notre confrère rapportait de ses tournées, il n’est pas pué-
ril de parler de ses petits calepins de voyage, que nous avons
vus, où chaque commune avait minutieusement son compte
géologique ouvert, où chaque coupe de terrain partielle était
NOTICE SUR M. THIRRIA.
705
soigneusement relevée pour fournir, en conférant l’une avec
l’autre, les éléments de la coupe générale. Et toutes ces coupes
élémentaires, il les a reproduites dans son texte, fournissant
ainsi à chacun le moyen de contrôler l’exactitude de ses
observations.
L’ouvrage de Thirria devait être apprécié ici surtout dans
sa partie géologique, qui en est aussi la partie vraiment scien-
tifique. Et, néanmoins, nous ne devons pas omettre de dire, qu’à
raison des détails statistiques qu’il renferme, et qui expliquent
le titre beaucoup trop modeste que lui avait donné son auteur,
il a mérité qu’une mention honorable lui ait été décernée par
l’Académie des sciences au concours de statistique de 1835.
Une mission fut donnée, en 1834, à Thirria, pour aller
étudier, sous un point de vue administratif, les gîtes de mi-
nerai de fer situés dans le haut Jura , vers les sources du Doubs
et de l’Ain, et qui appartiennent au terrain néocomien : ce
fut pour notre confrère l’occasion de faire connaître, par une
description détaillée, la composition de ce terrain dans la
Franche-Comté. Il lui donnait alors le nom de jura-crétacé,
pour exprimer la croyance où étaient un certain nombre de
géologues, qu’il participait, par ses caractères zoologiques, des
deux terrains que rappelle ce nom. Mais comme il reconnaît
pourtant que le nouveau-nommé ne se montre que dans le
fond des vallées jurassiques, il conclut finalement à le consi-
dérer comme tenant très-probablement la place de la partie
inférieure du grès vert. Les dépôts gypseux et ferrifères attirent
particulièrement son attention, et il fait remarquer, au sujet
des premiers , qu’ils sont tous compris dans une même zone,
parallèle à la direction des chaînes jurassiques, et qui comprend
aussi deux autres dépôts gypseux appartenant à d’autres ter-
rains : l’un, près de Nans, subordonné au keuper; l’autre, près
de Neufchâtel, subordonné à la molasse. Il met en parallèle les
minerais de fer, dont il décrit 7 gîtes, avec le minerai de fer
pisiforme de la Haute-Saône; et, malgré les différences phy-
siques de structure qu’il y constate, l’analogie dans la compo-
sition chimique et dans les roches acompagnantes, le confirme
dans la pensée qu;il avait anciennement émise, de rapporter
aussi au grès vert inférieur les gîtes de minerais pisiformes de
ce département. D’ailleurs, l’étude qu’il venait de faire, de la
composition du terrain néocomien, dans le haut Jura français,
et en Suisse à Neufchâtel même, le conduisit à un résultat fort
intéressant; elle lui fit reconnaître l’existence de ce terrain
Soc . géol., 2e série, tome XXVI. 45
706 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
dans 5 communes de la Haute-Saône (1), tandis qu’il ne 1 y
avait pas encore reconnu lors de la publication de sa Statis-
tique.
Thirria fut aussi appelé par son service à étudier les impor-
tants gîtes de minerai de fer du terrain néocomien du dépar-
tement de la Haute-Marne, et il en fit l’objet d’une notice im-
primée dans les Annales des mines de 1839. La composition du
terrain néocomien diffère un peu ici de celle qu’il montre dans
le haut Jura. En outre du gîte ferrifère en plaquettes et grains
oblongs qu’il présente à sa partie inférieure, comme dans le
Jura, il renferme, dans sa partie supérieure, un autre gîte à
l’état d’oolite miliaire, beaucoup plus important que le pre-
mier; puisque, exploité depuis très-longtemps, il produisait
encore annuellement plus de 900,000 quintaux de minerai
propre à la fusion, extraits de 120 minières autour de Vassy.
La partie supérieure du terrain néocomien de la Haute-Marne,
qui renferme ce second gîte, manque donc, dit notre auteur,
dans les monts Jura.
Il s’occupe d’ailleurs aussi, dans cette notice, d’une troi-
sième sorte de gîtes de minerais, qui se trouve également dans
le département de la Haute-Marne. C’est le gîte d ’alluvion qui
provient des deux premiers, dont les minerais ont été démolis
et entraînés par les courants diluviens dans les cavités du cal-
caire jurassique, qu’ils ont plus ou moins remplies : telles sont
les célèbres minières de Poissons. D’autres minières de même
nature ont été formées aux dépens des minerais oxfordiens;
mais s’il est possible ici de reconnaître la relation qui existe
entre les minerais remaniés ou d’alluvion et leurs gîtes origi-
naires, c’est au contraire une grande difficulté pour les contrées
où, comme dans la Haute-Saône, ce gîte originaire, le terrain
du minerai de fer pisiforme, n’est pas recouvert. On voit néan-
moins, par une note de son mémoire, que Thirria incline déjà
à rapporter le fer pisiforme de la Franche-Comté, celui de Gray
nommément, au terrain tertiaire.
(1) « A Voray, Yenère, Bucey-lès-Gy, Gy etVelloreille-lès-Choye. » (Mé-
moire sur le terrain jura-crétacé de la Franclie-comté, Ann . des mines ,
8e série* 1836, t X, p. 109).
Ce passage avait évidemment échappé à M. d’Àrchiac quand il écrivait,
au sujet de la découverte du terrain néocomien dans les communes sus-
nommées du département de la Haute-Saône, la page 549 (§ 1er) de son
Histoire des progrès de la Géologie, t. IV.
NOTICE SUR M, THIRRÏA.
707
Cette question du minerai de fer pisiforme l’avait déjà beau-
coup occupé avant son travail sur la Haute-Marne dont nous
venons de parler. Indépendamment de la place qu’il lui avait
donnée dans sa notice de 1830, et en 1833 dans sa statistique,
il l’avait traitée, dans la session extraordinaire que iâ Société
géologique tint à Strasbourg en 1834 (et dont il était l’un des
secrétaires), en signalant deux gîtes de ce minerai situés dan
le département du Doubs, et où ils se présentent recouverts
par un dépôt tertiaire lacustre, d’une assez grande épaisseur.
Il voulait montrer, par cet exemple, que certains de ces gîtes,
au moins, ne sont pas aussi modernes qu’on l’avait prétendu
et qu’ils ne sont pas exclusivement clysmiens , c’est-à-dire de
transport. Mais, bien qu’il ne résultât, de ce seul fait de super-
position, rien qui pût fixer leur âge entre le troisième étage
oolitique et le terrain tertiaire, Thirria concluait, d’après des
considérations tirées encore de la nature du minerai et des
roches accompagnantes, à les attribuer au Green-Sand des An-
glais, comme il l’avait fait pour les gîtes analogues, mais non
recouverts, de la Haute-Saône.
C’est encore à cette question qu’il a consacré son dernier
travail géologique, publié dans les Annales des mines de 1851,
sur les rapports qui existent entre les minerais de fer en grains
de la Franche-Comté et du Berry. Mais alors l’étude, qu’il avait
eu l’occasion de faire de ces derniers sur les lieux mômes, lui
avait apporté de nouvelles lumières. Ici, en effet, ces minerais
sont -déposés dans des dépressions de toute forme, poches, en-
tonnoirs, crevasses, du calcaire jurassique moyen, dont ils sont
ainsi parfaitement indépendants ; tandis que, d’autre part, ils
sont recouverts par le calcaire lacustre miocène, empâtant lui-
même de ces grains, et auquel il est naturel, dès lors, de les
rattacher. Et c’est pourquoi Thirria n’hésite plus, en s’ap-
puyant d’ailleurs sur l’observation qu’il a faite dans le départe-
ment de la Côte-d’Or, auprès de Mirebeau, d’un lit de minerai
gisant entre deux bancs de calcaire lacustre, et encore sur la
rencontre d’ossements de Mastodonte dans quelques minières
de la Haute-Saône, il n’hésite plus à abandonner l’opinion qu’il
avait longtempts soutenue et il se réunit à celle qui prédomi-
nait déjà depuis plusieurs années et qui range ces minerais
dans le terrain tertiaire moyen.
Ce dernier travail est en quelque sorte consacré à rassembler
et à mettre en évidence tous les faits qui justifient cette ma-
nière de voir; comme si, obéissant à ce sentiment de fran-
708
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
chise, inné, suivant le dicton, chez les enfants de sa province
natale, de sa chère Picardie, et dont il était si profondément
imbu, Thirria se fût fait un devoir de venir apporter son témoi-
gnage contre l’opinion qu’il reconnaissait aujourd’hui mal fon-
dée, après l’avoir longtemps soutenue avec une ténacité non
moins innée, dit-on aussi, chez ses compatriotes ; et ajoutons,
en excellente compagnie, avec Thurmann, Walchner et d’au-
tres géologues très-autorisés. Il termine, d’ailleurs, son mémoire
en reproduisant avec d’assez grands développements la théorie
proposée en 1828, par Brongniart, et suivant laquelle le mine-
rai de fer pisiforme peut être regardé » comme un précipité
« fourni par des eaux minérales ferrugineuses (1). »
Quoi qu’il en soit, Thirria avait été fondé à soutenir, comme
il l’a fait, contre l’éminent auteur du Tableau des terrains qui com-
posent r écorce du globe , que les dépôts de minerai de fer en grains ,
appelés autrefois d’alluvion ou de transport, n’ont pas tous
cette origine, ne sont pas tous exclusivement clysmiens. Le plus
grand nombre de ces dépôts, au contraire, a été formé dans la
place même qu’ils occupent aujourd’hui. Mais, s’il est démon-
tré maintenant que les gîtes de minerais de fer pisiforme ou
réniforme de la Franche-Comté et du Berry, et bien d’autres
encore, appartiennent à l’époque tertiaire, il faudrait se gar-
der d’en conclure que tous les minerais de cette sorte dussent
être nécessairement du même âge. Notre vénéré doyen, M. d*0-
malius d’Halloy, n’a-t-il donc pas fait remarquer, en 1834 à la
réunion de Strasbourg que je rappelais tout à l’heure, en 1838
à la réunion de Porentruy, n’a-t-il donc pas fait remarquer que,
le bohnerz n’étant probablement qu’un produit d’eaux ther-
males ferrugineuses et une sorte d’accident minéralogique, il
n’y avait pas à s’étonner de le rencontrer dans des situations
diverses correspondant à des époques différentes? Et d’où res-
sort cette conclusion : qu’il n’y a pas de terrain que l’on soit
fondé à caractériser, exclusivement à tous autres, par le nom
de sidérolitique .
Thirria avait épousé, en 1832, une personne aussi distinguée
par son éducation que par son intelligence, Mlle Rouher-La-
mothe, fille du directeur des contributions directes à Vesoul;
et cette alliance devait naturellement le retenir encore davan-
(1) Ann . des Sc. natur,9 t. XIV, 1828, p. 431.
NOTICE SUR M. THIRRIA.
709
tage dans ce pays, où déjà une plus ancienne affection, la géo-
logie, lui avait créé de profondes attaches, et qu’il aimait à
proportion de ce qu’il avait fait pour elle. Mais la géologie ne
devait pas lui être ingrate, et elle le paya en une seule fois des
soins qu’il lui avait rendus depuis dix ans, en sauvant le jeune
ménage de la plus grande contrariété qui pût lui advenir.
Le mariage avait eu lieu le 30 avril , et, le 2 mai , une déci-
sion appelait Thirria à aller prendre la direction du service des
mines dans le département de l’Aveyron. Mais qu’allait deve-
nir aussi la Statistique géologique de la Haute-Saône alors
en cours d’impression , dans ce moment où la surveillance
de l’auteur, surtout en ce qui concerne la carte, était si indis-
pensable? La science prend fait et cause ; et, ce que la rigueur
administrative n’aurait pas pu accorder aux larmes de la nou-
velle épouse, elle l’accorde à la Géologie, plaidant ainsi tout à
la fois pour elle-même et pour la jeune rivale qui venait de lui
être donnée. Thirria fut maintenu à Yesoul.
Le déplacement, dont il avait été menacé de si près, n’était
cependant, bien entendu, qu’une marque de confiance de la
part de l’administration. C’était le moment où l’industrie mé-
tallurgique se créait à Decazeville, et où l’exploitation des im-
menses richesses houillères de ce bassin allait prendre un
grand* développement. Et Thirria, nommé seulement depuis
quelques jours ingénieur ordinaire de première classe, était
appelé là pour y remplir les fonctions d’ingénieur en chef.
Ce grade lui fut conféré en 1836; mais pour en exercer les
fonctions à Vesoul même : son service comprenant désormais,
en outre de la Haute-Saône, les deux départements de la Haute-
Marne et de la Côte-d’Or. Et ce fut en cette nouvelle qualité
qu’il fut chargé de faire l’étude des gisements de fer de la
Haute-Marne, dont nous avons parlé plus haut.
C’est vers cette époque qu’un laboratoire de chimie fut créé
à Vesoul pour le service des mines ; et les volumes 14, 16 et 18
des Annales des mines (3me série), renferment un assez grand
nombre d’analyses faites par Thirria, de substances minérales
et de produits métallurgiques.
Mais je rencontre ici un souvenir, à la fois glorieux et triste
pour la Société, et auquel il me sera permis de m’arrêter un
instant. En même temps grandissait dans ce laboratoire de
Vesoul, un autre de nos confrères, alors très-jeune ingénieur des
mines, sous les ordres de Thirria, et qui fut bientôt appelé à
l’École des mines comme adjoint au professeur de docimasie
710
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869,
Berthicr, auquel il devait succéder peu d’années après. Ebel-
men n’avait encore que trente-sept ans lorsqu’il nous fut enlevé
presque subitement, après avoir, par quelques travaux de pre-
mier ordre et empreints d’une originalité très-remarquable,
répandu une grande lumière sur d’importantes questions de
géologie : montrant ainsi tout ce que l’histoire du globe peut
attendre du concours de la science chimique.
Cependant Thirria dut quitter Vesoul en 1840, appelé qu’il
fut par l’administration à remplir un poste de haute confiance,
celui de secrétaire do conseil général des mines. Le zèle et
l’aptitude dont il avait constamment fait preuve dans les affaires
administratives le désignaient depuis longtemps pour cette po-
sition. Il avait toujours su mener de front les affaires et les étu-
des géologiques, ou, pour mieux dire, il avait toujours su faire
tourner au profit de celles-ci les occasions que lui offrait le ser-
vice administratif.
Thirria avait été , parmi ceux qui cultivaient la géologie en
province, un des plus empressés à se rattacher au centre de
lumières et d’études qui s’était créé en 1830, sous le nom de
Sociélé géologique de France; et, à partir du moment où il
habita Paris, il en suivit assidûment les séances. Il fut élu,
en 1845, l’un de ses vice-présidents. Cependant les travaux du
secrétariat du conseil des mines le tenaient éloigné de la géo -
logie active. Mais, nommé inspecteur général en 1818, il re-
trouva dans ses tournées de service l’ardeur de sa jeunesse;
et c’est ainsi qu’il fut amené, comme nous l’avons dit plus
haut, à étudier les gîtes de minerai de fer en grains du Berry,
objet de son mémoire de 1851. Ici finit, pour ainsi dire, la
carrière du géologue.
Thirria fut frappé, au commencement de 1857, par un im-
mense malheur. Son fils aîné, jeune homme qui donnait les
plus belles espérances, lui fut ravi par la mort à l’âge de dix-
neuf ans. Lui-même venait d’être atteint par une assez grave
maladie; et, sous cette impression, la résolution fut prise par
les malheureux parents de fuir Paris, et par Thirria, de deman-
der sa mise en retraite. Mais le ministre des travaux publics,
M. Ilouher, ne voulut pas consentir à se priver si prématuré-
ment de son concours; et, dans la confiance que l’action du
temps ramènerait le calme dans celte nature, alors si troublée
par la douleur, il se borna à lui donner un congé de plusieurs
mois. Bientôt d’ailleurs le ministre lui montrait le prix qu’il
NOTICE SUR M. THIRRIA.
711
attachait à ses services futurs, en récompensant ses services
passés par le grade d’inspecteur général de première classe,
en remplacement de Dufrénoy, qui venait, lui aussi, de nous
être enlevé par une mort inattendue. Thirria vint, en effet, re-
prendre sa place au Conseil des mines, au mois de novembre
1857, et bientôt ^après il fut nommé membre du comité con-
sultatif d’hygiène publique de la France, pour y représenter
particulièrement l’administration des mines dans les questions
relatives au captage et à l’aménagement des eaux minérales.
Il put ainsi donner huit années encore au service de son pays
avant d atteindre la date du 25 février 1866, où, ayant accom-
pli ses soixante-dix ans, limite d’âge fixée pour l’activité, il fut
mis en retraite, après quarante-huit ans de services.
Thirria avait été promu au grade de commandeur de la Lé-
gion d’honneur le 16 août 1863, après avoir été nommé offi-
cier du même ordre le 27 avril 1845, et chevalier au mois de
janvier 1834.
Il avait été élu, en 1856, membre du conseil général du dé-
partement de la Haute-Saône, par le canton de Rioz; et,
en 1858, membre du conseil municipal de la ville de Vesoul,
bien qu’il n’y pût siéger qu’à de longs intervalles. C’était le té-
moignage spontané delà grande considération dont notre con-
frère jouissait dans le pays et qui s’adressait tout à la fois à
l’homme privé et à l’ingénieur ; c’était le témoignage de la re-
connaissance publique pour les services qu’il aimait à rendre à
la cité comme au plus humble des habitants du département.
Pendant ce temps-là, son plus jeune fils, devenu son unique
enfant, avait achevé son éducation, et il venait d’entrer au
Conseil d’État comme auditeur, à la suite d’un brillant con-
cours. Ce côté de l’avenir était donc bien tranquillisant. Thir-
ria d’ailleurs, était d’une solide constitution, et il pouvait se
promettre encore de bonnes années pour jouir de la vie de
famille, tout en s’occupant de différents travaux à terminer et
notamment de sa carte géologique, dont il aurait souhaité de
faire une nouvelle publication à grande échelle. Mais la desti-
née en avait autrement ordonné.
Mme Thirria dont la santé, toujours délicate, avait été vio-
lemment ébranlée par la mort de son fils aîné, était allée pas-
ser les vacances de 1867 chez une amie, à Villefranche-sur-
Saône; et là, atteinte d’une fièvre muqueuse, elle succomba
au bout de deux mois de maladie, le 7 janvier 1868. Son mari,
accouru près d’elle, la soigna pendant tout ce temps avec le
712
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
dévouement le plus exemplaire, mais ce fut en vain, et il ne
put ramener à Vesoul qu’un cercueil.
A peine la cérémonie mortuaire y était-elle accomplie, qu’il
revint à Paris; mais la secousse physique et morale qu’il ve-
nait de recevoir avait corrompu en lui les sources de la vie :
un érysipèle se déclara, qui prit immédiatement le caractère
le plus grave, et, au bout de dix jours seulement, le 24 janvier,
deux semaines après sa femme, Thirria succombait.
Ces deux coups furent si précipités que bon nombre de leurs
amis n’en furent informés qu’à la fois et purent croire à quel-
que confusion : ne voulant pas accepter l’idée si fatale d’un
malheur double. Et cependant, ce n’était que trop vrai : la
même tombe, en quelque sorte, avait reçu M. et Mme Thirria.
Peut-être peut-on penser que c’est là, pour les époux, la
solution la plus souhaitable du lien du mariage, après trente-
cinq ans passés dans l’habitude d’une vie commune ; mais
quelle cruelle solitude pour le jeune fils survivant! quelle
complète douleur pour les amisî
Ihirria en avait beaucoup, et il me semble, à moi qui l’ai si
bien connu, qu’il ne pouvait avoir que des amis. Pourtant son
abord était froid; mais c’était l’expression d’une certaine timi-
dité. Son parler bref a pu être pris pour de la brusquerie; mais
cette brièveté de parole est la forme de la franchise picarde
qu il avait sucée avec le lait. Et, quand on avait percé la pre-
mière couche, on ne trouvait en lui qu’un caractère doux,
facile, toujours enclin à atténuer les frottements entre les per-
sonnes qui avaient droit à son affection. On trouvait un cama-
rade sûr et désintéressé, et qu’un sentiment ombrageux de
délicatesse mettait à l’abri de toute préoccupation personnelle.
Simple d ailleurs dans sa vie et dans ses manières, exempt de
toute prétention : c’était, en peu de mots, avec un cœur bien-
veillant, une âme honnête et sincère.
lel aussi il était connu dans le département de la Haute-
Saône ; et 1 on en put juger par la manifestation de regrets dont
il fut 1 objet aux funérailles solennelles qui lui furent faites à
Vesoul, le 29 janvier. Le département, la ville, le canton dont
il était 1 élu, vinrent successivement, par leurs organes les
plus éleves, au milieu d’un grand concours de population,
rendre hommage à l’homme de bien, au conseiller général
dévoue aux intérêts de ses commettants, à l’ingénieur-citoyen
qui avait particulièrement mis sa science au service du dépar-
tement dont il avait fait son pays d’adoption.
NOTICE SUR M. THIRRIA.
713
Et je puis ajouter, sans hyperbole, qu’à cela fut employé le
dernier acte de sa main; puisqu’au moment précis où il sentit
la première atteinte du mal qui l’a si rapidement emporté, il
corrigeait les épreuves d’un ouvrage, occupation des deux
dernières années de sa vie (et qui va paraître incessamment),
portant le modeste titre de : Manuel à l’usage de l'habitant du
département de la Haute- Saône . Dans ce petit livre qui, d’après
ce que j’en ai pu apprendre, présente en abrégé l’ensemble
des faits naturels et sociaux dont se compose l’histoire de ce
département, la description géologique du sol, théâtre de ces
faits, tient encore naturellement une assez grande place. Et
elle aura d’ailleurs, désormais, son commentaire parlant aux
yeux dans les collections recueillies par l’historien lui-même,
et qui, suivant son vœu, offertes à la ville par son fils, seront
déposées à la Bibliothèque publique.
Telle fut donc la vie de Thirria, vie pleine d’unité, et où fut
présente, jusqu’au dernier moment, la pensée d’être utile par
la science; par la science, dont le culte a été l’objet de la
fondation de la Société géologique. Il avait donc un droit par-
ticulier à une place dans notre Nécrologe; et, si la Société
n’a pas pu joindre sa voix à celles de ses compatriotes aux
funérailles de Yesoul, elle les complète aujourd’hui en parlant
la dernière sur la tombe du confrère si digne de son estime et
de ses regrets, et à qui l'on peut justement appliquer ce mot
final :
Vir bonus et observandi peritus,
liste BIBLIOGRAPHIQUE DES PUBLICATIONS DE CHARLES -ÉDOUARD THIRRIA,
SE RAPPORTANT A LA GÉOLOGIE ET A LA MINER ALOGiE.
1820. — Annales des mines, lre série, t. V. Mémoire sur la mine de fer
de la Voulte [Ardèche), par MM. Thirria et Lamé.
1821. — Annales des mines, t. YI. Sur une carrière de marbre récem-
ment découverte dans le département des Ardennes .
1825. — Annales des mines, t. XI. Notice géologique sur les environs de
S aulnot [Haute-Saône).
1829. — Annales des mines, 2« série, t. V. Notice sur les grottes d’Éche -
noz et de Fouvent , sises dans le département de la Haute-Saône et sur les
ossements fossiles qu’elles renferment.
1830. — Mémoires de la Société du Muséum d’histoire naturelle de Stras-
bourg, t. I, lre livraison. Notice sur le terrain jurassique du département
de la Haute-Saône , et sur quelques-unes des grottes qu’il renferme ; — avec
1 planche.
714
. SÉANCE DU 1er AVRIL 1869,
1832. — Mémoire de la Société du Muséum d’histoire naturelle de Stras-
bourg, t. I, 2e livraison. Carte géologique du d< partement de la Haute-
Saône, dressée, pour le tracé géométrique, sur celle de Y Atlas national,
revue et corrigée; — plus 7 profils.
(Avec une coupe générale du terrain jurassique et du terrain liasique de
la Haute-Saône, indiquant la nature et l’épaisseur approximative des diffé-
rentes assises qui composent ces terrains, ainsi que l’ensemble des fossiles
organiques qu’ils renferment, etc.).
1833. — (A Besançon, chez Outhenin-Chalandre fils; un vol. in-8°, avec
une carte géologique et 7 profils.) Statistique minéralogique et géologique
du département de la Haute-Saône .
1835. — Bulletin de la Société géologique de France, lre série, t. VI,
p. 32. (Réunion extraordinaire à Strasbourg.) Notice sur des gîtes de minerai
de fer pisiforme (Bohnerz) du département du Doubs , recouverts par un dépôt
lacustre appartenant aux terrains tertiaires .
1836. — Annales des mines, 3e série, t. X. Mémoire sur le terrain jura -
crétacé de la Franche-Comté.
1838. — Annales des mines, t. XIV, p. 259-270. Résultats principaux
des expériences faites dans le laboratoire de chimie de Vesoul pendant Van-
née 1837 (travaux de M. Thirria).
1839. — Annales des mines, t, XV. Notice géologique sur les gîtes de
minerai de fer du terrain néocomien de la Haute-Marne.
1839. — Annales des mines, t. XVI, p. 453-463. Résultats principaux
des expériences faites en 1838 dans le laboratoire de chimie de Vesoul (ex-
périences de M. Thirria).
1840. — - Annales des mines, t. XVIII, p. 183-207. Résultats principaux
des expériences faites dans le laboratoire de chimie de Vesoul pendant Van-
née 1839 (expériences de M. Thirria).
1851, — Annales des mines, 4e série, t. XIX. Mémoire sur les simili-
tudes qui existent entre les minerais de fer en grains de la Franche-Comté
et du Berri, et sur les particularités qui peuvent conduire à expliquer le
mode de formation des gîtes de ces minerais .
Notice nécrologique sur M . Hœrnes.
Dans la séance du 9 novembre 1868, M. Hébert fit part à la
Société de la mort de M. Hœrnes, directeur du cabinet impé-
rial de minéralogie de Vienne, et donna lecture d'une lettre
que M. Boué lui avait adressée sur ce sujet.
Bien que M. Hœrnes ne fût pas membre de la Société géolo-
gique de France, rassemblée décida, séance tenante, que
l’extrait de la lettre de M. Boué serait inséré parmi les notices
nécrologiques, à titre d’hommage à la mémoire d’un savant
aussi distingué.
NOTICE SUR M. HOERNES.
7i5
Le docteur Maurice Hœrnes était né à Vienne, le 14 juil-
let 18! 5. Après avoir été, sous feu Partsch, adjoint à la direc-
tion du cabinet impérial minéralogique, il succéda à Partsch,
dont il avait épousé une nièce. Sous Partsch, ce beau musée
avait pris une nouvelle face, mais le plus grand mérite du
nouvel arrangement n’était pas tant d’avoir bien exposé aux
yeux les richesses qu’il renfermait, que d’avoir utilisé les ma-
riaux et l’exiguïté des locaux, de la manière la plus utile à
l’étude.
Le docteur Hœrnes continua les améliorations dans la même
voie et compléta plusieurs parties du cabinet, notamment
la collection des Aérolithes ; puis il agrandit surtout le
domaine de la paléontologie. Enfin, il classa la bibliothèque
dans un ordre parfait, et y ajouta une collection de mémoires
tirés à part, qui est presque unique. Étant, en même temps,
minéralogiste, géologue et paléontologiste, il put également
contribuer à l’avancement de ces diverses sciences. Ses œuvres
consistent surtout :
1° Hans la belle description des Mollusques fossiles des ter-
rains tertiaires de Vienne, dont il a paru deux volumes in-4®
avec plus d’une centaine de planches (1851-68). Il ne lui res-
tait plus qu’à traiter des Huîtres, famille qui exerçait, ces der-
niers temps, sa patience autant que sa perspicacité;
2° Un bon nombre de mémoires consacrés en grande partie
au terrain tertiaire. J’en compte vingt-quatre pour l’Autriche
inférieure seule, un pour l’Autriche supérieure, un pour la
Hongrie, un pour la Transylvanie, deux pour la Moravie, etc.:
3° Des mémoires sur les Gastéropodes et les acéphales des
couches de Hallstadt ( Mém . de VAcad. de Vienne , 1835 Vg, p. 33-
56, 2pl.); sur les Gastéropodes des Alpes orientales [dito, 1855
Vie, p, 2, pl. 173-178, 3 pl.); sur ceux du trias des Alpes [dito,
1856 Viz, pl. 11, p. 21-34, 3 pl.);
4° Un nouveau catalogue de la collection des Aérolithes du
cabinet impérial ;
5° Un nouveau catalogue très-bien fait de la bibliothèque
assez complète de cet institut. Elle représente, à Vienne, pour
la Minéralogie, la Géologie et la Paléontologie, ce que votre
belle bibliothèque du Muséum d’Histoire naturelle est pour
cette dernière.
Grâce au caractère doux et traitable de Haidinger, Partsch,
Hœrnes et de Hauer, il est arrivé (chose malheureusement rare
parmi les savants), qu’il a toujours régné une franche cordia-
716
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
lité entre le cabinet impérial pour prouver que la craie subit
de nos jours une dissolution assez rapide parles eaux chargées
d’acide carbonique. Enfin, dans un langage imagé, le même
auteur représente les agents atmosphériques comme le ciseau
à l’aide duquel le Tout-Puissant Sculpteur façonne sans cesse
la surface de la terre, pendant que le feu central l’élève au-
dessus des eaux.
Quant aux glacialistes , on sait que leur principale prétention
est de faire creuser par les glaciers le lit des rivières et des
lacs; et M. Haast, se fondant sur ce qu’il a observé dans la
Nouvelle-Zélande, ne craint pas de supposer que les régions
montagneuses ont formé, à l’origine, de hauts plateaux couverts
de neige et de glace, dont les bords ont été ensuite découpés
par l’action des glaciers qui, rencontrant devant eux la résis-
tance de leurs propres moraines, auraient employé leur force
à creuser des bassins dans la roche sous-jacente.
Il va sans dire que, sous le nom de glacialistes, nous enten-
dons ceux qui, systématiquement, attribuent tous les accidents
du soi à l’action des glaces, et non pas ces observateurs atten-
tifs qui cherchent à définir, à l’aide de documents irréfutables,
l’étendue des anciens glaciers, comme l’ont fait tout récem-
ment MM. Martins et Collomb pour la vallée d’Argelès.
A côté des écoles tranchées dont nous venons de parler, il
y a place pour un certain éclectisme. Empressons-nous d’abord
de dire que, dans une lettre adressée à M. Whitaker, sir Charles
Lyell renie les exagérations qu’on veut mettre sous son patro-
nage ; il est arrivé à cette conviction que les escarpements qui
bordent le AVeald sont des escarpements intérieurs et non des
falaises marines (conviction que l’illustre géologue eût sans
732
SÉANCE DU 1er AVRIL 1869.
doute acquise plus tôt s'il avait connu le pays de Bray, sem-
blable au Weald, mais plus complet, et s’il avait observé les
deux falaises qui forment les lèvres de cette boutonnière si
bien fermée à ses deux extrémités). M. Lyell reconnaît égale-
ment que la mer n’a pas dû remonter la Somme plus haut
qu’Abbeville, et qu’il est impossible qu’elle ait produit, dans
la vallée de la Seine, les falaises et les aiguilles de craie voi-
sines des Andelys. Il suffit, d’ailleurs, de se reporter à ce qui
se passe dans les régions déboisées pour acquérir la certitude
que la pluie et la gelée isolent des piliers de roches mieux
que ne pourrait le faire tout autre agent. L’exposition de 1867
présentait, sous ce point de vue, les photographies les plus in-
structives.
M. Whitaker consent à admettre l’action marine, mais seu-
lement pour les grands traits de la surface du globe, et il fait
observer avec beaucoup de justesse que la nature, qui n’a pas
coutume de gaspiller ses forces, n’a point besoin de faire inter-
venir la mer là où les agents atmosphériques suffisent, « de
môme, dit-il, qu’on n’emploie pas un marteau-pilon pour cas-
ser une noisette, ni une charrue à vapeur pour cultiver un
jardin. »
Ce qui résulte le plus clairement de ces débats, c’est qu’il
n’existe pas d’agent à l’action exclusive duquel on puisse attri-
buer les accidents du relief terrestre. La mer, la pluie, la ge-
lée, les rivières, les glaces, y ont toutes part. Mais il ne faut
pas oublier que tous ces agents ont affaire à un sol déjà pré-
paré, en définitive, par les forces internes, qui déterminent
les fentes et les dénivellations d’où -doivent sortir les détails
de l’orographie. Pour ne citer à cet égard que des autorités
anglaises, disons que MM. Jukes et Scrope le reconnaissent
eux-mêmes, que sir Roderick Murchison le confirme, et qu’il
constate, avec empressement, que tous les géologues habitués
aux terrains montagneux, comme MM. Studer, Favre et tant
d’autres, sont unanimes à proclamer le grand rôle joué par les
forces souterraines.
Ce ne sera pas sortir du sujet qui vient de nous occuper que
de vous parler des montagnes , dont l’existence, sinon comme
fait matériel, du moins comme système, est constamment re-
mise en question. Il y a des personnes que les montagnes pa-
raissent gêner singulièrement : ne pouvant les nier, cepen-
dant, on s’attaque à la seule explication raisonnable qui puisse
DISCOURS DE M. DE LAPPARENT.
733
en être donnée, et Ton s’acharne à la trouver en défaut, en la
retournant sous toutes les formes et dans tous ses détails. Est-
ce à dire, pour cela, qu’il faille s’interdire ce genre d'études?
Assurément non, et quand un district montagneux occupe des
observateurs comme M. Lory, c’est une bonne fortune pour la
science. Mais n’est-il pas permis de regretter l’ardeur avec la-
quelle, parfois, on s’empresse de tirer, de quelques faits mal
interprétés, des conclusions contraires à la doctrine des sou-
lèvements, doctrine qui, dans son essence, reste l’une des
plus belles que la géologie ait jamais enfantées?
Ainsi, l’auteur d’un récent travail sur les Pyrénées de l’A-
riége, M. Magnan, après avoir constaté l’existence, dans cette
région, de plusieurs grandes failles que ses patientes études lui
permettent de tracer depuis l’Océan jusqu’à la Méditerranée,
n’hésite pas à affirmer que «les Pyrénées doivent leur relief à des
failles immenses linéaires, et non à des soulèvements comme
on le croit généralement. » Après quoi, il ajoute : «Les direc-
tions ne peuvent pas servir à caractériser l’âge des montagnes.»
Nous ne savons pas très-bien ce que peut être une faille sans
soulèvement, car l’une des lèvres est nécessairement élevée
par rapport à l’autre, et si l’on objecte, comme on le fait sou-
vent, que la cassure qui a produit cette dénivellation est le
résultat d’un affaissement de la croûte terrestre, nous deman-
derons comment il se fait que les régions du globe où se sont
produits ces grands affaissements , comme les Vosges, les Alpes
et les Pyrénées, atteignent toujours une altitude si supérieure
à celle des contrées voisines. Ajoutons que c’est défigurer sin-
gulièrement la théorie des soulèvements que d’affecter de lui
donner pour principe la poussée des roches éruptives, alors
que, dans l’esprit de son illustre auteur, cette théorie repose
tout entière sur le ridement et le crevassement de l’écorce
terrestre par suite du refroidissement. Quant au peu de crédit
que M. Magnan accorde aux directions, qu’il consulte, à cet
égard, l’expérience des mineurs. Us lui diront de quel poids
sont les directions dans la détermination de l’âge des filons;
ils lui diront quel parti notre regretté confrère, M. Rivot, a su
en tirer pour les mines de Vialas, et comment, sans aucune
idée préconçue, la comparaison qu’il en a faite après coup avec
les systèmes de montagnes, a fait naître des coïncidences re-
marquables. Mais ils lui diront aussi que cette connaissance ne
s’acquiert que par de longues et consciencieuses éludes; qu’il
y faut employer des mois et des années, en s’aidant de toutes
734
SÉANCE DU Ier AVRIL 1869.
les données fournies par le labyrinthe des travaux souterrains;
et alors notre savant confrère reconnaîtra, sans doute, que
pour avoir relevé, peut-être, quelques erreurs dans l’analyse
des éléments de la géologie pyrénéenne, il n’a nullement dé-
truit la valeur intrinsèque du meilleur instrument dont on
puisse se servir pour débrouiller toute espèce de champs de
fractures.
En Amérique, on paraît croire que les montagnes résultent
simplement de l'élévation continentale et en masse de tout un
district où les courants océaniques avaient accumulé une
épaisseur de sédiments plus grande que partout ailleurs. Telle
est du moins la théorie de MM. Sterry^Hunt, Lesley et James
Hall, qui attribuent à l’affaissement progressif et au tasse-
ment de ces dépôts épais les plissements, les failles et môme
le métamorphisme des roches. Quant aux rangées de monta-
gnes, elles résulteraient de ce que le massif soulevé aurait été
plus tard découpé par des valiées d’érosion. Nous avouons
n’avoir pas très-bien compris cette théorie nouvelle, et nous
soupçonnons qu’elle a dû être suggérée à nos savants confrères
d’outre-mer par le désir de ne rien emprunter, même en géo-
logie, à notre hémisphère décrépit.
Je m’arrête ici, messieurs; et je terminerai en m’excusant
de la forme un peu militante que le présent rapport a parfois
revêtue. Mais comment échapper à l’influence batailleuse
lorsque, depuis des années, on est obligé, par état, de lire tout
ce que les géologues produisent en France et à l’étranger ? On ne
saurait vraiment croire à quel point nos confrères aiment les
combats ; la cordialité dont ils font preuve dans les réunions au
grand air, n’enlève rien à la vivacité de leurs débats scientifi-
ques ; et quand on lit leurs discussions, qu’elles aient lieu dans
notre fougueux pays de France, ou dans la grave Angleterre,
ou dans la jeune Amérique, on ne voit partout que réclamations
de priorité, accusations de plagiat, d’ignorance ou de palino-
dies, charges à fond de train contre telle ou telle institution,
contre telle ou telle doctrine; en un mot, on serait parfois
tenté de croire que la plume des géologues a le même manche
que leur marteau.
Il serait fâcheux pourtant de finir sur cette note guerrière
une séance dont le but principal est de resserrer les liens qui
unissent entre eux les géologues. Tournons donc nos regards
avec complaisance vers des modèles d’un tout autre genre,
DISCOURS DE M. DE L APPARENT. 735
que la Société géologique est heureuse de compter dans ses
rangs. Qu’il me soit permis de saluer tout d’abord, à ce titre,
l’éminent ingénieur qui nous préside (1) et qui, par un rare
privilège, a pu toute sa vie s’occuper du terrain quaternaire,
sans rencontrer jamais, contre personne, une seule vivacité de
plume ni de langage. Après lui, mes hommages aimeraient à
rencontrer ici ce savant si bienveillant (2), par qui vous avez
voulu être présidés dans l’année de l’exposition universelle, sen-
tant bien que nul autre ne pouvait plus dignement marcher à
la tête de la Société géologique dans une circonstance aussi
mémorable. Enfin, franchissant la frontière, j’irai saluer, dans
un pays voisin, cet illustre doyen de la géologie, à qui la Pro-
vidence accorde une vieillesse si enviable, et dont la présence
est maintenant trop rare parmi nous (3). Français par la langue,
il a été, dans d’autres temps, de fait et de droit, notre compa-
triote, et le désir de lui voir reprendre cette qualité suffirait
seul pour faire germer dans notre esprit de fâcheuses idées
d’annexion.
A ces modèles, j’en pourrais ajouter d’autres, messieurs;
mais je m’arrête, car je ne veux pas être suspecté de partialité.
Gomment, d’ailleurs, pouvais-je mieux terminer mon discours
qu’en évoquant ces ligures si sympathiques, qui personnifient
à nos yeux la science désintéressée, pratiquée pour elle-même,
pleine de bon vouloir pour les autres et, par là, récoltant dans
toute sa plénitude le tribut de ce respect qu’elle n’a jamais re-
fusé à personne ?
Séance du 5 "avril 1869.
PRÉSIDENCE DE M. de BILLY.
M, de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite de la présentation faite dans la dernière séance,
le Président proclame membre de la Société :
(1) M. Belgrand.
(2) M. de Verneuil.
(3) 1\1. d’Omalius d’Halloy.
73G
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
M. Barré, ingénieur des mines à Metz (Moselle); présenté
par MM. Levallois et Jacquot.
Le Président annonce ensuite une présentation.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. J. Barrande, Réapparition du genre Arethu'
sina, Barr. ; in-8, 110 p. 1 pl. ; Prague, 1868.
De la part de M. Éd. Dufour :
1° Note sur la diversité d’influence des couleurs du spectre so-
laire dans la respiration des végétaux; in-8, 4 p.; Nantes, 1867;
2° Esquisse sur la théorie dynamique delà chaleur ; in-8, 39 p. ;
Nantes, 1868; chez madame veuve C. Mellinet.
De la part de M. E. Saint-John Fairman, / Petrolii in
ltalia; in-18, 37 p.; Florence, 1869.
De la part de MM. H. de Ferry et A. Arcelin, Lâge du
Renne en Maçonnais. — Mémoire sur la station du clos du Char-
nier à S olutré ; in-8, 42 p., 1 pl.; Mâcon, 1868; chez E.
Protat.
De la part de M. F. Foucou, Sur une grande carte manus-
crite de l’Europe et des contrées adjacentes , dressée d'après le sys-
tème de la projection gnomonique ; 4 p. in-4, Paris, 1869.
De la part de M. Mussy, Description de la constitution géolo-
gique et des ressources minérales du canton de Vicdessos et spécia-
lement de la mine de Rancié ; in-8, 165 p., 5 pl.; Paris, 1869;
chez Dunod.
De la part de M. le comte Gaston de Saporta, Études sur
la végétation du S. E. de la France à V époque tertiaire ; in-8,
194 p., 22 pl. ; Paris, 1867; chez Victor Masson.
De la part de M. Pierre de Tcbihatcheff, Géologie de l'Asie
Mineure ; 3 volumes in-8, 1 carte; Paris, 1869; chezTh.Mor-
• gand.
De la part de M. Tournai, Notice sur les gisements de sel
gemme ; in-8, 9 p. ; Bagnères-de-Bigorre, 1869; chez J. Caze-
nave.
De la part de M. J. Thoulet, Sur les formules et les calculs
NOTE DE M. DE TCHIHATCHEFF.
737
qui ont servi à construire la grande carte gnomonique de l} Europe
et des contrées adjacentes ; in-4, 3 p.; Paris, 1869.
De la part de M. G. Laube, Ueber Ammonites Aon , Munster ,
und dessen \erwandte ; in-8, 10 p. ; Vienne, 1869.
M. Danbrée présente la carte géologique de l’Asie Mi-
neure, par M. de Tchihatcheff, avec la note suivante :
J’ai Thonneur de faire hommage à la Société géologique de
France, de ma Géologie de l’Asie mineure en trois volumes, dont
le premier, consacré aux roches éruptives et aux terrains de
transition , et accompagné d’une carte géologique coloriée ,
avait déjà paru l’année passée; mais comme ce premier vo-
lume devait être immédiatement suivi de deux autres qui
viennent d’être publiés, et qui embrassent les terrains secon-
daires, tertiaires et post-tertiaires, j’ai préféré attendre le mo-
ment oi .1 me serait permis de présenter un travail complète-
ment terminé.
En offrant à la Société le fruit de vingt années de pénible
labeur, je n’ai pas l’intention d’abuser de ses moments, pour
essayer de lui tracer un résumé de mon ouvrage, et je me
borne à le soumettre à sa bienveillante appréciation. Toute-
fois, je crois devoir profiter de cette occasion pour faire droit
à une réclamation légitime à laquelle il a donné lieu de la part
d’un de nos confrères les plus éminents. Dans une lettre que
vient de m’adresser M. Abich, en date de Tiflis, du 14 décem-
bre 1868, il appelle mon attention sur une erreur commise
par moi à son préjudice, puisqu’il s’agit de deux citations qui
lui attribuent des opinions dont il décline complètement la
responsabilité. L’une de ces citations se rapporte à la question
de la limite des neiges perpétuelles que j’ai traitée dans la par-
tie de mon grand ouvrage consacrée à la climatologie (Asie
Mineure, 2me partie, cbap. vin, p. 283-36), et où, après avoir
constaté que cette limite est comparativement très-élevée dans
toutes les montagnes de la classique péninsule, je fais obser-
ver dans une note (p. 294), qu’une opinion contraire a été for-
mulée par M. Abich , relativement à quelques points de l’Ar-
ménie russe, observation que j’ai malheureusement reproduite
dans un écrit récent publié par moi, sous le titre de Une page
sur l’ Orient (p . 89); or, dans sa lettre, M. Abich me déclare que,
loin d’avoir jamais signalé un fait semblable, tous ses travaux
hypsométriques l'ont conduit, au contraire, précisément aux
Soc. géol.y 2e série, tome XXVI. 47
738 • SEANCE t)ü 5 avril 1869;
mêmes résultats que m’avaient fournis mes propres études en
Asie Mineure, c’est-à-dire que lui aussi avait constaté (à une
époque antérieure à celle ou fut publié mon ouvrage), dans
l’Arménie russe, une élévation considérable de la limite des
neiges perpétuelles, et que, de plus, il avait signalé, comme
explication de ce phénomène, la grande sécheresse de l’air qui
caractérise ces contrées, explication que j’avais également ad-
mise pour les régions de l’Asie Mineure explorées par moi, et
entre autres, pour lé mont Argée ( loc . cit. p. 294) et pour le
Bingueul Dagh [Une page sur l'Orient, p. 79). L’erreur que
j’avais commise, et dont en ce moment je ne saurais me rendre
compte, étant dans l’impossibilité de découvrir la source où
j’avais puisé le renseignement susmentionné, est d’une nature
d’autant plus regrettable, que, contrairement à ce qui arrive
le plus souvent aux auteurs qui, dans l’intérêt de leur thèse,
croient voir des avocats là où ils ne sont pas, j’ai eu le malheur
de méconnaître un allié précieux en le prenant gratuitement
pour un adversaire.
Une autre rectification, que M. Abich réclame également à
juste titre, se rapporte à la citation que j’ai faite {Une page sur
l’Orient , p. 255, et Géologie de l’Asie Mineure , v. III, p. 294), de
l’opinion formulée par lui, relativement à l’absence de toute
trace de l’époque glaciaire dans le Caucase. Or, en m’appuyant
sur cette opinion, j’ignorais complètement qu’elle ne repré-
sente plus aujourd’hui la manière de voir de l’éminent géolo-
gue russe, fait que j’appris pour la première fois par la lettre
susmentionnée, dont je crois devoir reproduire ici les passages
qui se rapportent à cet important sujet, en les traduisant d’a-
près l’original allemand.
« Sans doute, les pages 159 et 163 citées par vous, de mon
Prodrome , contiennent des assertions dont il résulterait que
les blocs erratiques et les surfaces polies ou striées font défaut
au Caucase. Ces assertions formulées en 1858 d’une manière
trop générale, je le reconnais volontiers, ne s’accordent plus
avec les résultats de mes explorations qui depuis ont acquis un
développement beaucoup plus grand. J’ai pu constater non-
seulement la présence de stries parfaitement caractérisées,
produites par d’anciens glaciers sur les parois des vallées si-
tuées à une hauteur considérable, mais encore la diffusion de
blocs erratiques dans les régions centrales des montagnes. J’ai
de même eu lieu de me convaincre que parmi les débris et
masses détritiques accumulés dans les vallées du Caucase
NOTE DE M. DE TCHIHATCHEFF.
739
(transversales comme longitudinales) , on peut distinguer les
dépôts de transport purement alluviaux, des dépôts qui doi-
vent leur origine aux moraines de l’époque glaciaire propre-
ment dite, bien que cette distinction soit incomparablement
moins prononcée que dans les Alpes. Ce fut mon dernier
voyage (octobre 1867) entrepris en vue de l’exploration du gla-
cier Desdoroki sur le Rasbek, qui me fournit matière aux ob-
servations susmentionnées, recueillies dans toute l’étendue de
la vallée du Terek jusqu’à 7 verstes au delà de Wladikavkas.
La maladie que m’attira probablement cette excursion, aussi
bien que plusieurs affaires qui, plus tard, réclamèrent tout mon
temps, me forcèrent d’ajourner le moment de faire connaître
dans une publication spéciale les modifications qu’avaient su-
bies, depuis 1858, les résultats de mes études, relativement à
la limite des glaciers actuels et des glaciers anciens du Caucase.
Pressé de me rendre, conformément aux ordres des médecins,
aux eaux de Saint-Maurice, dans PEngadine, j’ai dû me bor-
ner à transmettre, peu de temps avant mon départ de Tiflis
(mois de mai), à la Société géographique de cette ville, quel-
ques aperçus provisoires sur les principaux résultats de mes
nouvelles observations, et ce n’est que par cette voie que ma
communication a pu arriver jusqu’à Saint-Pétersbourg. En
même temps, invité par la Société des naturalistes de Moscou
à rédiger un programme géologique à l’usage d’un de ses
membres, M. Fitschenko, qui avait été chargé, par le gouver-
neur général de Tascbkendt, d’une mission ethnographique et
zoologique, j’ai profité de cette occasion pour recommander
instamment, non-seulement l’étude des dépôts néogènes (dans
le sens üe M. Hœrnes), mais encore le développement et le
contrôle des faits découverts par M. Severzof et ses succes-
seurs, relativement à l’existence de glaciers de la période
glaciaire, dans le groupe montagneux de l’Alatau. Enfin, in-
formé par M. Charles Martins de son arrivée prochaine à Tiflis,
je me suis empressé d’adresser (à Montpellier) à ce connais-
seur distingué des phénomènes glaciaires, une lettre dans la-
quelle je lui exposais, avec beaucoup de développement, ma
manière actuelle de voir et mes convictions relativement à la
nature et à l’étendue des monuments de la période glaciaire
que renferment les montagnes du Caucase. Je fis des commu-
nications semblables à MM. Favre père et fils, lors de notre
entrevue à Vienne, et j’ajoutai des illustrations graphiques
aux notices remises par moi à M. Favre fils.
740
SÉANCE DU 5 AVRIL 1809.
(( Après tout ce que je viens de dire, ii est évident que je n’ai
nulle intention d’incriminer votre citation ; tout au plus me
serait-il permis de regretter de n’avoir pas plus tôt et par une
voie de publicité plus étendue, fait connaître les modifications
apportées aux opinions formulées par moi en 1858. D’ailleurs,
je dois faire valoir en ma faveur cette circonstance atténuante :
en présence des phénomènes pseudo-moraimques , tels qu’ils
s’offrent sur l’Ararat, dans la vallée d’Arguri et dans beaucoup
d’autres vallées du Caucase, j’ai pu hésiter pendant longtemps
à appliquer mes conclusions à la totalité du Caucase, et j’ai dû
attendre des preuves plus concluantes et plus nombreuses,
avant d’assigner à la période glaciaire le rôle important qu’elle
joue réellement dans ce pays. »
La satisfaction que je me suis empressé de donner aux justes
réclamations de M. Abich constitue pour moi un devoir que je
remplis avec d’autant plus de plaisir, qu’en relevant moi-même
les défectuosités de mon ouvrage, je puis espérer d’acquérir
un titre de plus à l’indulgence dont il a tant besoin, non-seu-
lement eu égard aux difficultés inhérentes à la nature même
de la tâche que je rn’étais imposée, mais à cause des condi-
tions exceptionnellement défavorables dans lesquelles elle a
été effectuée.
M. Daubrée fait ensuite, sur le même sujet, la commu-
nication suivante :
Ce qui caractérise particulièrement le grand travail de
M. de Tchihatchetf et constitue un fait réellement nouveau ,
c’est d’abord qu’il fait connaître aux géologues un vaste pays,
sur lequel on n'avait que peu de notions, avant les investiga-
tions persévérantes de son auteur; en outre, ce pays, barbare,
inhospitalier, habité par des populations fanatiques, est d’une
superficie aussi étendue que celle de la France. M. de Tcbi-
hatcheff, après avoir acquis la connaissance des langues, des
mœurs et des usages du pays, a dû le parcourir en tous sens,
Larme au poing, sans compagnon européen, avec ses seules
ressources, durant onze années.
Bien que, dans son étude sur l’Asie Mineure, l’infatigable
voyageur ait embrassé tout le domaine des sciences naturelles,
la partie géologique, qui entrait dans les préoccupations sc.ien-
74 i
NOTE DE M. DAUBRÉE.
tiflques les plus spéciales de toute sa vie, a pris sous sa plume
un grand développement.
Le premier volume est consacré aux roches éruptives et aux
terrains de transition.
Ainsi que le fait voir un coup d’œil jeté sur la carte géolo-
gique, les roches éruptives occupent, en Asie Mineure, une
place tellement considérable, qu’il n’est pas d’autre pays peut-
être qui les présente dans une telle proportion par rapport aux
terrains sédimentaires. Parmi ces roches, ce sont les trachytes,
les dolérites et les porphyres pyroxéniques qui jouent le rôle
dominant; la deuxième place, sous le rapport de l’extension,
appartient aux syénites et aux granités; puis viennent les
serpentines et enfin les diorites. Quant aux basaltes, ils ne
jouent en Asie Mineure qu’un rôle comparativement subor-
donné.
Bien que disséminés sur toute la surface de l’Asie Mineure,
les trachytes abondent particulièrement dans la partie occi-
dentale de la péninsule , se prolongent sous la mer et se
reproduisent dans l’archipel grec, sous forme d’îles trachyti-
ques, parmi lesquelles celle de Santorin, si remarquable par
les phénomènes dont elle a été le siège, semble rattacher la
période volcanique actuelle à l’époque de l’ancienne activité
des trachytes.
La distribution topographique des trachytes de l’Asie Mi-
neure offre encore cela de remarquable, qu’ils sont fréquem-
ment associés à des lacs salés, même ceux qui sont le plus
éloignés du littoral. Cette circonstance apporte un argument
de plus en faveur de la théorie de l’intervention de l’eau de la
mer dans les phénomènes volcaniques, théorie déjà ancienne
et qui, dans ces derniers temps, a été appuyée sur de nouveaux
arguments.
Sous le rapport de leur âge, les trachytes proprement dits,
aussi bien que les dolérites d’Asie Mineure, appartiennent à
des époques très-différentes, et la durée de leur action a dû
avoir été fort considérable ; car elle se manifeste depuis le ter-
rain crétacé inclusivement jusqu’au terrain tertiaire supérieur,
et peut-être même jusqu’au terrain quaternaire.
En divers points, les relations entre les dolérites et les tra-
chytes sont très-intimes.
Les basaltes, les porphyres pyroxéniques, les eurites et les
porphyres quartzifères se trouvent également en connexion,
d’après l’auteur, avec les trachytes.
742
SÉANCE DU O AVRIL 1869.
La syénite abonde en Asie Mineure, et elle passe souvent
au granité, et l’auteur admet que Tune et l’autre roches sont
postérieures au terrain tertiaire inférieur.
Les serpentines, bien que n’occupant, dans cette péninsule,
qu’un rang subordonné parmi les roches éruptives, présentent,
entre autres particularités, un caractère qui les rapproche de
celles de l’île de Chypre et de la Toscane : c’est d’être souvent
associées à des gîtes métallifères, tantôt disséminés dans la
roche, tantôt situés à proximité.
Terrains de transition. — Les couches les plus anciennes dans
lesquelles on ait trouvé des fossiles appartiennent au terrain
dévonien; sa faune n’est composée que de représentants des
classes de crustacés, de mollusques et de coralliens.
Le terrain carbonifère est représenté par le calcaire de mon-
tagne et par des dépôts houillers.
Un système de roches dans lequel on n’a encore trouvé
aucun débris organique et comprenant des phyllades et des
micaschistes, est classé comme terrain de transition d’âge indé-
terminé.
7 errain jurassique. — Composé en grande partie de roches cal-
caireset marneuses, le terrain jurassique delà péninsule présente
des couches qui doivent être rapportées à l’étage oxfordien,
d’après quatre espèces d’ammonites qui y ont été rencontrées.
La prédominance de cet étage dans les dépôts jurassiques du
pourtour de la mer Noire, unie à Tabsence, presque complète,
des autres groupes oolithiques, ainsi que du lias, semble
imprimer un caractère particulier aux dépôts jurassiques du
continent asiatique.
Terrain crétacé. — De même que le terrain jurassique , le
terrain crétacé est très -imparfaitement représenté en Asie
Mineure, où il est réduit aux groupes de la craie blanche et cle
la craie tuffeau.
Dans ce pays, comme dans le Caucase, les couches crétacées
renferment fréquemment des détritus de roches éruptives.
Terrain tertiaire inférieur .—Le terrain tertiaire inférieur d’A-
sie Mineure se compose de dépôts, les uns fossilifères, les autres
dénués de restes organiques. Parmi les roches qui constituent
les couches fossilifères, dominent des calcaires souvent siliceux;
en quelques points, cette roche prend une teinte noire et rap-
pelle tout à fait le calcaire de transition. Les couches de
cet étage sont tantôt horizontales, même à proximité des tra-
NOTE DE M. DAUBRÉE. 743
chytes, tantôt fortement inclinées. La plupart des terrains
tertiaires de cet étage sont marins, et ils appartiennent au
type asiatico-méditerranéen dont M. d’Archiae a si bien ap-
précié les caractères et la portée, dans son travail classique
sur le terrain tertiaire inférieur.
Ce qui caractérise particulièrement, en Asie Mineure, la
faune de cet étage, c’est sa richesse en rhizopodes du genre
Nummulite, dont on n’a pas trouvé moins de vingt-trois espèces,
c’est-à-dire plus du tiers du nombre total des Nummulites con-
nues. D’un autre côté, en examinant cette faune, on est
frappé de la rareté des Bryozoaires, des Radiaires échinides
et des Annélides. Les dépôts tertiaires du même type parais-
sent se soutenir avec une grande constance sur un espace con-
sidérable embrassant le sud de la Russie, la Turquie d’Europe,
la Perse, la Syrie, l’Égypte et la Grèce.
C’est pendant l’époque tertiaire inférieure que les agents
éruptifs paraissent avoir acquis, en Asie Mineure, le plus d’in-
tensité et d’étendue.
Terrain tertiaire moyen. — Ainsi qu’on le voit, au premier coup
d’œil jeté sur la carte géologique d’Asie Mineure, le terrain mio-
cène y est plus morcelé que tout autre dépôt sédimentaire. Les
couches sont souvent redressées; elles consistent principale-
ment en calcaire plus ou moins siliceux, amorphe ou cristallin,
marnes, grès, conglomérat et gypse.
C’est pendant l’époque miocène que se sont probablement
formés la plupart des dépôts de sel gemme si abondants en
Asie Mineure, ainsi que des masses assez considérables de
gypse. Ce terrain miocène est en général d’origine pélagique ;
les dépôts lacustres y sont comparativement rares. — C’est un
caractère diamétralement opposé à celui qu’offre la péninsule
ibérique, où les dépôts miocènes d'eau douce occupent près
du quart de la surface totale du pays.
Terrain tertiaire supérieur. — Les dépôts de l’Asie Mineure
appartenant à l’étage supérieur du terrain tertiaire se di-
visent en deux grands groupes : l’un caractérisé par des fos-
siles marins ou saumâtres, l’autre par des fossiles lacustres.
Les couches à fossiles marins sont le plus souvent horizon-
tales et présentent le caractère aralo-caspien , tel qu’on le con-
naît en Russie et en Autriche.
Celles qui renferment les fossiles lacustres sont incompara-
blement plus importantes en Asie Mineure que les couches
744
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
marines. — Elles forment souvent des nappes continues
d énormes dimensions, dont plusieurs points s’élèvent à une
altitude de près de 2,000 mètres. Parmi ces nappes, la plus
considérable est celle qui constitue le plateau de la Lycaonie-
elle occupe une surface à peu près égale à celle des quatorze
départements du sud-ouest de la France.
Les calcaires blancs compactes et quelquefois cristallins ,
renfermant beaucoup de silex, prédominent et sont le siège
principal des restes organiques, tandis que des conglomérats
et dessables habituellement non fossilifères paraissent indi-
quer des dépôts littoraux.
L’extrême rareté, en Asie Mineure, de substances bitumi-
n mses, solides ou liquides, contraste avec le développement
tertiMreTd 6 ^ substances armèrent dans les terrains
tertiaires de plusieurs contrées limitrophes, notamment dans
les principautés danubiennes, l’Albanie et l’ile de Zante
renMien Part'Cull,èrement Pendant l’époque pliocène qu’eu-
lenfe H P * trachyti(ïues dont les parties pulvéru-
térisés narieiri "a!Sf nce h énormes dépôts de tufs carac-
douce. * dlatomacées et Par des coquilles d’eau
l’époque quaternaire et peut-être
nombre d ép0que moderne’ l’Asie-Mineure a éprouvé de
0I V!T'e"ieDlS d’immersion et d’émersion dontquel-
offre dans 1 POrainS de 1,homme- La Pé™de moderne
relafion P3yS ““ mtérêt l0ut P^culier, à cause de ses
relations intimes avec les annales de l’histoire.
~la carte SéoloS'que présente l’indication
détaillée de tous les itinéraires de l’auteur.
M Dufoui-S- ^artet Présente les deux notes suivantes de
Noie sur le pseudomorphisme des roches feldspathiques ■ par
M. E. Dutour.
affleure à^haqué^paT^'t0?1116 C°Inme Nanles’ où le «ranit(
breuses carrière. P , V01slna8e de laquelle de nom-
S sont ouvertes pour l’extraction de cette
NOTE DE M. DUFOUR.
745
roche, il est impossible de ne pas remarquer la disposition des
joints qui la séparent suivant des surfaces planes d’une grande
étendue, se coupant dans des directions déterminées, et faci-
litant singulièrement son exploitation.
D.epuis longtemps, en examinant les escarpements des col-
lines granitiques et les blocs extraits des carrières, j’avais été
frappé de la constance des angles qu’ils présentent, et surtout
de la fréquence de l’angle aigu de 55° environ, de l’angle
obtus supplémentaire; enfin, d'angles dièdres droits disposés
par quatre symétriquement.
Je rencontrai même, quelquefois d’abord, plus fréquem-
ment ensuite, quand mon attention fut éveillée, l’angle obtus
de 1 12° environ.
Cet angle étant celui du prisme rhomboïdal oblique du
cinquième système qui est la forme primitive du feldspath
orthose, et les angles précédents étant ceux du prisme oblique
à base rectangle, forme dominante de ce minéral, une telle
coïncidence fut pour moi un trait de lumière, et je ne doutai
plus que je ne fusse en présence d’entassements d’énormes
cristaux, produits par refroidissement après fusion dans les
gigantesques laboratoires de la nature.
Il peut paraître étrange au premier abord , que ces masses
cristallines aient conservé la forme du feldspath, malgré l’in-
terposition du quartz et du mica, éléments essentiels, quoique
variables, des roches granitiques.
Nous connaissons pourtant d’autres exemples qui prouvent
que la force de cristallisation peut s’exercer encore à distance.
Ainsi, le grès cristallisé de Fontainebleau conserve la forme du
carbonate de chaux, malgré l’interposition de près de 60 p, 100
de silice; et la présence de 50 p. 100 d’argile n’a pas altéré la
forme cristalline de la chaux fluatée de Buxton.
J’ai fait même de récentes observations qui complètent l’ana-
logie du cas actuel avec ceux que je viens de rappeler. Ainsi,
tandis que le granité, à cause peut-être de la grossièreté des
éléments minéraux interposés, a retenu la forme dominante
des cristaux plus ou moins volumineux de feldspath dont il est
l’agrégation; le gneiss leptynoïde et surtout les eurites , où le
feldspath domine davantage et dont les parties sont d’une té-
nuité plus grande, ont pris la forme primitive du feldspath, qui
serait celle de la molécule intégrante de ce minéral.
De même aussi, la chaux carbonatée siliceuse de Fontaine-
bleau, en raison sans doute du milieu dans lequel elle a cris-
746
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
tallisé, présente la forme du rhomboèdre inverse, au lieu de
celle du rhomboèdre de 104° du spath d’Islande.
Cependant, l’origine ignée du granité et en général des ro-
ches feldspathiques cristallines ne me paraît pas douteuse, et
est confirmée par ce fait, facile à observer, qu’à la partie supé-
rieure des masses granitiques où le refroidissement a dû être
le plus rapide et la cristallisation plus confuse, les joints, tou-
jours disposés suivant les mêmes directions, se trouvent beau-
coup plus rapprochés, et que les cristaux grossiers dont se
composent les premières assises, sont ainsi bien moins volu-
mineux.
Je suis porté à croire aussi, mais les observations me man-
quent pour l’affirmer, que les roches trappéennes doivent à
la présence d’un feldspath en quantité plus ou moins consi-
dérable, leur disposition en gradins ou leur tendance prisma-
toïde. ^
Note sur un singe probablement subfossile ; par M. E. Dufour.
La modeste collection de géologie et de minéralogie du pen-
sionnat Saint-Joseph, tenu à Nantes par les frères de la doc-
trine chrétienne, renferme une pièce qui m’a paru extrême-
ment singulière et curieuse, et que j’ai photographiée en vue
de soumettre la question de son origine au jugement de mes
savants confrères de la Société géologique.
C’est une tête de singe engagée, ainsi que la patte, dans un
bloc mesurant 19 centimètres de hauteur sur 10 centimètres
de largeur, et qui paraît etre un conglomérat, caverneux et
friable, de sable et de détritus coquillier, dont la formation
sous-marine est attestée par les nombreux tubes de serpules,
très-visibles dans le dessin photographique, qui le recouvrent,'
éloignant en même temps toute idée de supercherie.
Mais ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que la peau
brune- et comme tannée, est conservée sur les doigts et sur la
face, où des lambeaux soulevés se voient très-bien au bord de
la cavité orbitaire.
Malheureusement, la provenance de cette pièce est tout à
fait inconnue. Elle fut achetée autrefois à Nantes, avec d’autres
objets d histoire naturelle, après la mort d’un ancien médecin,
dont les papiers n’ont pu fournir aucune indication.
S il m était permis d emettre humblement mon opinion, je
pencherais à croire qu’elle ne remonte point au delà de l’épo-
NOTE DE M. RAULIN.
que moderne, et que sa fossilisation est analogue à celle des
squelettes humains trouvés naguère à la Guadeloupe.
C’est ce que sauront décider sans doute nos savants paléon-
tologistes, à l’inspection des photographies jointes à cette com-
munication, et qui sont éclairées, à dessein, de deux côtés dif-
férents, et surtout d’après l’examen des épreuves stéréosco-
piques dont l’effet de relief est saisissant.
M. P. Gervais fait remarquer que la figure mise sous les
yeux de la Société est évidemment celle d’un singe améri-
cain, ce dont il est facile de juger à l’écartement des narines.
Il croit qu’avant, d’émettre une opinion sur cette pièce, il
faudrait la voir en nature et non sur une simple photogra-
phie qui ne permet pas d’en juger le mode de formation .
M. Raulin présente sa carte géologique de l’île de Crète
et fait la communication suivante :
De l'opinion de L. Cordier sur les Ophites des Pyrénées ; par
M. V. Raulin.
Ce n’est pas avec un médiocre étonnement que, en recevant
il y a environ trois semaines, le Bulletin T. XXV, feuilles 42 à
55, j’ai vu dans un mémoire intitulé : Ophites des Pyrénées :
leur origine sédimentaire et métamorphique , M. le docteur Garri-
gou dit, dès la première page (724): « Cordier, etc., n’avaient
« pas hésité à soutenir contre Dietrioh, Grateloup, Borda d’Oro
«que i’ophite n’était pas due aux feux souterrains, que c’était
« un grunstein et non pas un basalte. Palassou et Cordier
« avaient même émis l’opinion que le grunstein semblait se
« comporter comme un terrain de dépôt; » enfin corroborer ce
« dire, p. 727-732, et surtout ainsi, p. 733 : « les passages
« insensibles de l’opbite aux argiles et aux calcaires qui les
« renferment me semblent constituer l’un des faits les plus
« concluants que l’on puisse invoquer en faveur de la nature
« non éruptive de Tophite; je donnerai textuellement l’opinion
« de Cordier à ce sujet, opinion rapportée et admise par Palas-
« sou (suite de la citation). »
Il n’y a qu’un malheur, c’est que dans le passage emprunté
à peu près textuellement à Palassou, celui-ci attribue à L. Cor-
dier une opinion diamétralement opposée à la sienne, sur des
748
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
roches au sujet desquelles il n’avait encore rien écrit. En effet;
dans le travail cité, le Mémoire sur les substances minérales dites
en masse qui entrent dans la composition des roches volcaniques de
tous les âges , (inséré dans le Journal de Physique , en 1816, et dont
le tirage à part comporte 87 pages in-4°), L. Cordier, ainsi que
je l’ai vérifié soigneusement, n’a rien dit qui ait trait spéciale-
ment aux ophites des Pyrénées, puisqu’il ne les nomme même
pas. Le passage imparfaitement cité et encadré par Palassou
dans un alinéa de la page 241 de la Suite des mémoires (1819),
et qui est emprunté aux pages 288-9 (32) de L. Cordier, a seu-
lement rapport aux roches désignées vaguement en 1816, sous
les noms de pêtrosilex , de trapp et de cornèenneq roches sans
analogie avec les ophites des Pyrénées, et dans lesquelles
L. Cordier, comme beaucoup de géologues postérieurs, vovait
déjà des assemblages hétéroclites de roches noires compactes,
les unes massives et les autres stratifiées, dont les éléments
minéralogiques sont indiscernables au microscope.
Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer à la Société, le 4 no-
vembre 1861 : « M. Cordier se mêla peu, trop peu, à nos dis-
cussions, car depuis l’apparition de la Géographie minéralogique
des environs de Paris , en 1811, il sembla suivre d’un peu loin
et sans s y mêler beaucoup, les progrès de la géographie géo-
logique. » Aussi, n’est-ce pas toujours par des publications
personnelles que l’on peut connaître ses opinions, mais sou-
vent, soit par ses carnets de voyages, soit par les publications
de ceux qui l’approchaient et qui avaient pris à tâche de ré-
fléter sa pensée.
Au premier point de vue, c’est en 1822, dans une de ses
tournées d’inspecteur des mines, que L. Cordier étudia, à peu
près pour la première fois, en géologue, les Pyrénées et leurs
dépendances. Son carnet de notes est peu détaillé; cependant
on y voit une coupe d’une colline d’ophite, située au S. S. E.
de Salies-de-Béarn, laquelle ne permet pas de supposer qu’il
n ait pas regardé cette roche comme massive et par consé-
quent, d’origine ignée.
Au second point de vue, en 1834 et 1835, il y a 34 et 35 ans,
je suivais les cours de L. Cordier au Muséum pour la première
fois, et comme mon cahier de notes de cette époque en fait
oi, il considérait la Lherzolite comme une roche non strati-
oime, et les roches amphiboliques (amphibolithe, kersanton et
îorite), comme des matières, soit en amas et filons transver-
saux, soit primitives stratifiées.
NOTE DE M. RAÜLIN.
749
De 1842 à 1848, M. Ch. d’Orbigny a publié un Dictionnaire
universel d'histoire naturelle dans lequel de nombreux articles
donnent des descriptions sommaires de toutes les roches, dont
la rédaction, faite d’après les notes qu’il avait prises aux cours
des années précédentes, avait été contrôlée parL. Cordier lui-
même. Voici ce qu’on lit, t. V, p. 43 (1845), article Diorite :
« Il a reçu bien des noms différents, tels que ceux de Gruns-
« sein, d’Ophite, d’Aphanite, de Trapp et de Cornéenne. Les
« roches vertes des Pyrénées, que Palassou d’abord, et ensuite
« MM. de Charpentier et Dufrénoy ont nommées Ophites, ap-
« partiennent à l’espèce de roche que nous décrivons ici. Cette
« roche, de formation ignée, se rencontre assez abondamment
« dans la nature... Elle forme des amas, des filons ou même
« des couches subordonnées (dans les terrains primitifs). »
En 1853, je soumettais à l’examen de L. Cordier, des échan-
tillons des ophites des environs de Dax étudiées sur place par
lui à cinq reprises différentes, de 1822 à 1843. Il n’y voyait tou-
jours que des roches ignées et pensait, comme il est dit, p. 70
de la thèse pour le doctorat soutenu à Paris, par M. Delbos, à
la fin de 1854 : « Que les unes sont principalement composées
« de pyroxène et d’hypersthène, et que les autres sont formées
« de pyroxène et d’amphibole. D’après cela, il paraîtrait que
u le pyroxène joue le rôle principal dans la composition de
« l’ophite, ce qui viendrait à l’appui de sa réunion aux lher-
« zolithes proposée par M. Dufrénoy. »
Enfin, en juillet 1868, M. Ch. d’Orbigny a publié une Descrip-
tion des roches composant l’écorce terrestre , « à l’aide des manus-
« crits laissés par M. Cordier, et des nombreuses notes que
« les fonctions d’aide-professeur et de collaborateur de cet il-
« lustre géologue durant vingt-huit années, lui ont permis de
« recueillir a ses cours de géologie du Muséum. » Voici ce
qu’on trouve dans cet ouvrage (que j’ai moi-même lu atten-
tivement deux fois, en manuscrit et en épreuves), au sujet
d’abord de diverses roches désignées collectivement sous le
nom d ’ Ophites dans les Pyrénées, et ensuite de Rersanton, et
de l’origine des terrains primitifs.
Lherzolithe , p. 121. « La Lherzolithe forme dans les Pyrénées,
notamment au bord du lac de Lherz (Ariége), de petits enclaves
transversaux et pyrogènes dans les terrains jurassiques.
Lherzoline , p. 128. « La Lherzoline a le même gisement que la
Lherzolithe. Elle se trouve dans les Pyrénées (Lhercoul, entre
750
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
Vicdessos et l’étang de Lherz, etc.), et dans le Tyrol, où elle
forme de petits fîlons-dykes.
Amphibohthe , p. 444. « L’amphibolithe sans délit ne contient
presque jamais de minerais accidentels ; elle forme des enclaves
transversaux, des dykes dans les terrains crétacés supérieurs
et tertiaires inférieurs. Exemple : environs de Bagnères-de-
Bigorre (Hautes-Pyrénées), etc.
Diorite, p. 146. « Le diorite offre deux gisements bien dis-
tincts, suivant qu’il est stratiforme ou sans délit.
Diorite sans délit. Forme des enclaves transversaux, des dy-
kes oes filons, notamment dans les terrains primitifs et dans
les terrains siluriens et dévoniens. Toutefois, il y a des diorites
sans délit beaucoup plus récents; tel est, par exemple, le Dio~
rite, souvent épidotifère, des Pyrénées (Ophite de Palassou).
Uuelques géologues pensent que l’épancbement de celte der-
nière rocne a eu lieu vers la fin de la période tertiaire ; mais ,
apres des observations faites et publiées par 31. Raulin
[Comptes rendus deP Académie des sciences, 1862, t. LV p. 669).
la roche dont il s’agit serait un peu plus ancienne. En effet*
M. Raulin a constaté que les débris de ce diorite s’observent
non-seulement dans la molasse du miocène supérieur, mais
encore dans les couches moyennes des terrains crétacés.
Kersanton, p. 202. « Le Kersanton constitue, soit des enclaves
transversaux, soit des filons dykes dans les terrains primitifs
et dans les terrains sédimentaires anciens.
Et enfin, p, 429 . « La formation du sol primitif de cette
grande enveloppe (écorce terrestre), composée d’assises cris-
tallines, s explique naturellement par le refroidissement origi-
éprouvîf ))SUCCeSSlf que la masse terrestre a graduellement
Il ressort sans conteste de ces diverses citations : 1» que
des que L. Cordier a eu étudié les Ophite, des Pyrénées, il a
6t f,rofessf t’opimon qui les considère comme des
roches, ignées d epanchement.
2° Que M. Garrigou, voulant rappeler les opinions des au-
urs qui ont piécéde dans l’étude de ces roches, n’aurait pas
du se contenter des dires de Palassou, imprimés en 1819
quelques conformes fussent-ils à son opinion, mais bien avoS
recours, soit aux publications personnelles de l’illustre auteur
de 1 Essai sur la température de l’ intérieur delà terre, soit à celles
faites sous les auspices et par l’intermédiaire de ceux qui pou-
vaient le mieux connaître ses opinions, M. Ch. d’Orbigny et
NOTE DE M. DE SA PORTA.
75i
moi-méme, ses aide-naturaliste et préparateur au Muséum
pendant 28 et 8 années.
Toutefois, je n’en dois pas moins déclarer en terminant, que
je suis en parfait accord avec M. Garrigou pour placer L. Cor-
dier au nombre « des observateurs dont les descriptions géo-
a logiques sont toujours d’un grand poids dans la science. »
M. Piette donne lecture d'une lettre de M. Noguès, qui
réfuté les assertions de M. Garrigou relativement aux ophi-
tes, et déclare persister dans les conclusions de son précé-
dent travail sur le même sujet.
M. Jacquot dit qu’il s’associera de grand cœur à toute
protestation contre des travaux ayant pour objet de con-
tester l’origine éruptive des ophites.
M. Raulin cite l’ophite du Pouy-d’Arget, près de Dax,
dont le grain est noir, fin et tout à fait basaltique d’appa-
rence.
M. de Saporta fait la communication suivante, en pré-
sentant la troisième partie de ses études sur la végétation
tertiaire du sud-est de la France.
r
La troisième partie de mes Etudes sur la végétation du S. E.
de la France à l’époque tertiaire , que j’ai l’honneur de vous pré-
senter termine, sauf un supplément qui viendra plus tard, la
série des flores fossiles échelonnées depuis l’éocène supérieur
et l’âge des Paléothériums jusqu’à l’horizon de Y Hélix Ramondi
et du Rhinocéros minutus , qu’il m’a été donné d’observer dans
la région méditerranéenne. J’arrive ainsi à relier intimement
et de la manière la plus heureuse, la série des plantes tertiaires
recueillies en France avec celles 'que M. Heer a décrites et
qui proviennent des divers étages de la mollasse suisse. La
série provençale commence bien avant la série helvétique;
mais elle s’arrête plus tôt, et les espèces les plus récentes de ma
troisième partie me paraissent devoir être rangées à peu près à
la hauteur de celles d’Eriz en Suisse, qui sont plus anciennes
que les plantes du riche dépôt d’QEningen. Je dois à mes re-
cherches une grande partie des espèces que je décris et dont
beaucoup sont nouvelles; j’ai eu soin, particulièrement dans
les volumes précédents, d’indiquer l’origine de celles qui
m’ont été libéralement communiquées et qui existent dans
752
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
d’autres collections que la mienne. Les espèces qui font par-
tie de ma collection n’ont été, peut être à tort, l’objet d’au-
cune note spéciale. Je suis pourtant redevable de plusieurs
d’entre elles au zèle persévérant de mes compagnons de
course; je les prie de recevoir ici mes remerciements pour un
zèle qui ne m’a jamais fait défaut. Mes travaux et mes recher-
ches ont été trop particulièrement associés à ceux de mon ami
M. Matheron, notre collègue, pour que son nom ne soit pas
prononcé ici. C’est à lui que je dois», non-seulement la con-
naissance première, mais la série entière des espèces de la
dernière de mes flores, celle des argiles du bassin de Marseille ;
si j ai gardé le silence sur cette circonstance ainsi que sur le
gisement géologique des empreintes elles-mêmes, c’est que ces
détails devaient tenir place dans le grand travail d’ensemble
sur les terrains d’eau douce crétacés et tertiaires du midi de
la brance, que prépare actuellement mon ami, et dont la pu-
blication est attendue de jour en jour; mon silence à cet égard
pourrait paraître singulier, s’il ne s’expliquait par un sentiment
de délicatesse basé sur la crainte d’enlever quelque chose de sa
nou\eauté à une œuvre aussi sérieuse et aussi impatiemment
souhaitée. Des circonstances indépendantes de la volonté de
l’auteur l’ayant forcé d’ajourner encore, je ne saurais attendre
moi-même l’occasion d’un supplément dont la rédaction est
nécessairement subordonnée à bien des circonstances, pour
exprimer devant mes collègues combien le concours de M. Ma-
theron, concours fondé à la fois sur l’affection et la commu-
nauté de vues, m’a été indispensable dans l’achèvement d’une
œuvre que lui seul a pu me rendre accessible, en me donnant
la clef des phénomènes stratigraphiques qui s’y rattachent.
M. de Saporta fait la communication suivante :
«
Sur l'existence de plusieurs espèces actuelles observées dans la
flore pliocène de Meximieux (Ain) ; par le comte Gaston de
Saporta.
Les changements qui se sont opérés dans la nature vivante
et qui ont modifiée de période en période, en substituant de
nouveaux êtres à ceux qui existaient auparavant, n’ont jamais
eu lieu qu avec lenteur et par des degrés successifs, dont il est
malheureusement impossible de retrouver tous les termes. Ce
qui prouve qu’aucun changement brusque et radical n’est ja-
NOTE DE M. DE SAPORTA.
753
mais venu remplacer un ensemble préexistant par un autre,
c’est qu’on n’aperçoit de différence tranchée entre deux faunes
ou deux flores consécutives que lorsque des lacunes se mani-
festent dans la série des dépôts qui les renferment, soit par le
défaut de liaison intime entre les diverses parties du terrain
que l’on observe, soit par l’absence de vestiges fossiles dans
l’espace vertical correspondant à la lacune. Il est donc exact
de dire que les liens et les transitions se multiplient à mesure
que les vides se comblent, et en raison même de la richesse
des documents que l’on possède.
L’étude des flores fossiles que j’ai observées dans le midi de
la France à travers plusieurs étages contigus, m’a confirmé
dans cette opinion dont la vérité se dégage de plus en plus, à
mesure que l’on perfectionne les diverses branches de la pa-
léontologie.
Mais, s’il est d’un grand intérêt de reconstituer cette chaîne
des êtres coordonnés entre eux et se succédant les uns aux
autres, suivant des lois que la science parviendra peut-être à
analyser, malgré leur extrême complexité, il est d’un plus
grand intérêt encore de rechercher comment les êtres actuels
se sont introduits sur la scène du monde, et en particulier à
quelle époque et dans quelles circonstances les espèces végé-
tales que nous avons encore sous les yeux ont commencé à
revêtir l’apparence que nous leur connaissons? Sont-elles ve-
nues en masse, ou se sont-elles glissées isolément, et dans quelle
proportion? à quelle catégorie de plantes étaient-elles asso-
ciées dans l’origine, et comment se sont-elles graduellement
substituées à celles qui les ont immédiatement précédées?
Enfin, quelle était dans ces premiers temps leur distribution
géographique, et cette distribution est-elle en rapport avec
celle d’aujourd’hui? En dernier lieu, ces espèces sont-elles
réellement demeurées immuables, depuis le premier moment
où il est possible de contrôler leur présence, et ne se lient-
elles pas plus eu moins à des formes antérieures dont elles
pourraient être issues par voie de filiation? Telles sont les ques-
tions que soulève et résout en partie l’étude de la flore des
travertins pliocènes de Meximieux, dont je vais esquisser les
traits les plus saillants et les principaux caractères.
La première connaissance des végétaux fossiles de Mexi-
mieux est due à M. Albert Faisan, qui m’en communiqua des
échantillons en 1859. Les échantillons furent soumis l’année
suivante à l’examen de M. Gaudin, de Lausanne, bien connu
Soc. géol,y 2e série, tome XXVI. 48
754
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
par ses travaux sur les plantes fossiles d’Italie. Dans son mé-
moire sur les travertins toscans, publié en mars 1860, ce sa-
vant signala quelques plantes de Meximieux (voy. Contrib. à la
fl. foss. italienne, 4e Mémoire, Travertins toscans, par Ch. Th.
Gaudin et le marquis C. Strozzi, ext. du t. XVIII des nouveaux
mém. de la Soc. helvétique). 11 regardait alors ce dépôt comme
quaternaire, et crut y rencontrer le Populus Fraasii , Heer, le
Cercis siliquastrum et Y Acer pseudoplatanus , var. paucidentatum
à côté de Y Oreodaphne Heerii, Gaud. L’opinion de M. Gaudin
n’était fondée qu’en partie; les tufs de Meximieux , comme on
le verra, sont bien plus anciens que ceux de Provence, de
Kannstadt et de Montpellier, et s’ils présentent des traits de
liaison et des espèces communes avec ceux de Toscane, c’est
que probablement ceux-ci, en partie au moins, devront être
reculés plus loin vers le pliocène, que ne le pensait le regret-
table M. Th. Gaudin.
Quoi qu’il en soit, M. Gaudin, en 1861, fit connaître la loca-
lité de Meximieux à son ami M. Gustave Plancbon, alors pro-
fesseur extrordinaire de botanique à l’Académie de Lausanne.
Celui-ci alla sur les lieux à la fin de la même année et en
rapporta une collection qui lui permit de constater la présence
de plusieurs espèces nouvelles ou éteintes, comme le Glyptos-
strobus europœus, un Cary a voisin du Cary a alba, plusieurs Lau-
rinées , un llex presque semblable à 17. balearica, etc. C’est
cette même collection que M. Gustave Planchon, éloigné for-
cément de l’étude des plantes fossiles par les fonctions qu’il
occupe à l’École supérieure de pharmacie de Paris, a bien
voulu me confier pour en déterminer les espèces. Je me suis
alors adressé de nouveau à M. A. Faisan, bien connu par son
ouvrage monographique sur le mont d’Or lyonnais et ses dêpen-
pendances, publié en collaboration avecM. A. Locard, et qui, étant
sur les lieux, se trouvait à même plus que personne, de re-
cueillir des matériaux assez nombreux pour compléter ceux
qui sont dus à M. Planchon. M. A. Faisan attachait d’ailleurs
de l’importance à ce que l’étude des végétaux fossiles de
Meximieux pût servir à déterminer exactement l’horizon géo-
gnostique de cette localité, et des formations très-étendues au
milieu desquelles elle est intercalée comme un simple acci-
dent.
En effet, la position véritable des formations supérieures à
la mollasse marine à Ostrœa crassissima, dans le bassin lyonnais
et le bas Dauphiné, est loin d’être fixée. Il suffit de passer en
NOTE DE M. DE SAPORTA.
755
revue les opinions divergentes des géologues qui en ont tenté
le classement pour en constater la confusion; une seule chose
ressort évidemment de leurs recherches, c’est qu’au dessus de
la mollasse miocène, dans la partie du département de l’Ain
qui confine au territoire de Lyon, se présente un vaste ensem-
ble de dépôts marno-sableux et caillouteux, avec lignites et
calcaires concrétionnés intercalés, dont les tufs de Meximieux
font certainement partie et qui se lient aux dépôts de même
nature qui comprennent, dans le bas Dauphiné, les lignites de
la Tour-du-Pin. M. A. Faisan, dans sa monographie, range avec
quelque hésitation tous ces terrains, et par conséquent la flore
de Meximieux, dans le miocène supérieur, et sauf des interca-
lations qui lui paraissent correspondre à des accidents litto-
raux, il leur reconnaît une origine fluvio-marine. Au-dessus,
et par conséquent dans un étage distinct qu’il regarde comme
représentant le pliocène, il place les sables ferrugineux de Tré-
voux à dents de Mastodon arvernensis , Croiz. et Job., et dissimi-
lis Jourd. L’examen auquel je viens de me livrer tend évidem-
ment à modifier ces conclusions, que M. A. Faisan était loin,
du reste, de considérer comme définitives, en rapprochant sen-
siblement l’âge des formations supérieures à la mollasse dont
les tufs de Meximieux font partie, de celui des sables de Tré-
voux. Quoiqu’il soit évidemment possible de concevoir, dans
ce vaste ensemble, des parties plus anciennes et d’autres plus
récentes, une faune de coquilles terrestres et d’eau douce sen-
siblement pareille, sert de lien à toutes les localités, et je ci-
terai parmi ces espèces une très-belle clausilie, Clausilia Ter-
verii , Mich. qui abonde à Meximieux; ce sont là, il est naturel
de le croire, des formations postérieures au retrait définitif de
la mer qui avait occupé si longtemps la vallée du Rhône, dont
les dépressions furent alors remplies par des eaux douces,
lacustres ou fluviales, et çà et là, par des dépôts concrétion-
nés, dus à l’action des sources qui durent s’écouler avec abon-
dance sur bien des points émergés, car les calcaires caverneux
et travertineux indiquent toujours, lorsqu’ils se forment en
masse, l’effet des eaux jaillissantes coulant avec rapidité sur
un plan plus ou moins incliné. 11 est aisé de s’en assurer par
l’examen des tubes de phryganides, dont ces sortes de roches
sont ordinairement criblées, et dont M. Gustave Plancbon a si
bien déterminé la nature dans “son Mémoire sur les tufs de
Montpellier .
L’attribution à l’âge pliocène des tufs de Meximieux ressort
756
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
de toutes les recherches que j’ai pu faire. Le Val d'Arno spé-
cialement, m’a fourni des points de repère d’une grande im-
portance, à cause des flores échelonnées à divers niveaux suc-
cessifs qu’on y rencontre, et des mammifères associés à cha-
cune d’elles, qui permettent d’en fixer l’âge relatif avec sûreté,
à la base extrême de cette formation, dans des argiles bleues
avec mastodon angustidens (1) et mastodon pyrenaicus , par con-
séquent déjà à la hauteur du miocène supérieur, ou rencontre
une première flore à peu près semblable à celle d’OEnigen ;
plus haut, à 30 ou 40 mètres de distance verticale, on observe,
dans des argiles brûlées par la combustion des lignites, une
deuxième flore plus moderne, mais plus riche que la précé-
dente, puisqu’elle compte au moins 50 espèces décrites. Sur
ce nombre, la moitié environ se retrouve dans le miocène de
Suisse ou d’Allemagne, tandis que 5 seulement existent à
Meximieux, et sur ces 5, quatre sont des espèces qui se mon-
trent aussi dans le miocène , et dont l’extension verticale est par
conséquent très-grande. En outre, la flore des argiles brûlées
ne renferme que des espèces éteintes, tandis que celle de
Meximieux comprend déjà une certaine proportion d’espèces
trop analogues à celles qui vivent encore, pour en être dis-
tinguées autrement qu à titre de simples variétés. Mais bien
plus haut que les argiles brûlées, à 116 mètres au-dessus de la
base, on rencontre, dans le Val d’Arno, un conglomérat fer-
rifère à éléments menus, nommé Sansino , recouvert de sables
jaunes, associés à des lignites et à des tufs, comme auprès de
Lyon ; ces dépôts supérieurs contiennent à la fois, des osse-
ments de mammifères et des empreintes de plantes. Les ani-
maux bien connus sont le Mastodon arvernensis , Croiz. et Job ,
1 Elephas mendionalis, Y Hippopotamus major , le Rhinocéros lep~
torhinus (2) et des restes de Sus , Tapirus , Hyœna . F élis, Cervus
c’est-à-dire une faune franchement pliocène, sensiblement
analogue à celle des sables supérieurs de Montpellier, et au
dépôt du Riège ou Saint-Martial, près de Pézenas, qui ren-
ferme aussi des tufs intercalés avec Y Elephas meridionalis ; mais
(1) Ces attributions ont depuis été révoquées en doute par M. Gaudin
ui-meme; mais la nature des espèces végétales rencontrées dans les ar-
giles bleues oblige de ranger cette couche sur un horizon qui, en tous cas
mem é? r treS"PeU ^ 1 ^ ^ mastodon an9^tidens. (Note ajoutée au mo-
ment de l’impression.)
(2) C'est le Rhinocéros Uerkii. Cf. Larlet. In Ann. sc. naturelles.
NOTE DE M. DE SAPOKTA.
757
ce dernier dépôt est probablement plus récent que le premier
et que le Sansino proprement dit. Les végétaux que l’on
rencontre sur cet horizon dans le val d’Arno, ont le plus grand
rapport avec ceux de Meximieux. On observe des deux paris,
en fait d’espèces tertiaires : le Glyptostrobus europœus, le Liqui -
dambar europæum , et le Platanus aceroides ; en fait d’espèces
pliocènes caractéristiques : le Carya Massalongi , Gaud., YOreo-
daphne Heerii, Gaud., et une forme très- voisine de Y Acer Sis -
mondœ du même auteur; en fait d’espèces vivantes, le Laurus
canariensis, Webb.il existe donc une liaison trop évidente entre
les deux flores, malgré la distance qui les sépare, pour ne pas
être tenté de les ranger à la fois, sur le même horizon géognos-
tique, c’est-à-dire vers le Pliocène moyen, niveau encore in-
connu en France au point de vue phythologique , et qui vient
justement de me révéler des résultats aussi curieux qu’inatten-
dus pour cette époque.
Le point de vue que j’adopte tend, comme je l’ai déjà dit,
à rapprocher les tufs de Meximieux des sables incontestable-
ment pliocènes de Trévoux, puisque ceux-ci, comme le sansino
et les sables de Montpellier renferment le Mastodon arvernensis ;
j’ajouterai que dans la partie supérieure des sables de Mont-
pellier, vers le Jardin des plantes, sur un point très-voisin du
Palais de justice, M. Martini a recueilli dernièrement des em-
preintes de plantes, et parmi elles, YOreodaphne Heerii , qui se
trouve également à Meximieux et dans le val d’Arno.
Gomme pour confirmer encore mieux cette position assignée
à Meximieux, l’opinion de mon ami, M. Matheron , est, qu’il
existe, dans le bas Dauphiné, ainsi qu’aux environs de Lyon,
au-dessus de la mollasse miocène, un étage marin bien distinct
et encore peu connu, qui viendrait se placer sur l’horizon
d’Asti , comme les sables jaunes de Montpellier, et auquel
aurait succédé le vaste ensemble des formations d’eau douce
dont les tufs de Meximieux font partie.
Toutes ces considérations amènent donc au même résultat;
nous serions ainsi en présence d’un dépôt travertineux plio-
cène immédiatement postérieur à l’Astésan, soit contemporain
des sables de Trévoux, soit à peine antérieur à eux; et ce se-
rait après le retrait définitif de la mer de la partie supérieure
de la vallée du Rhône, qui formait jusque-là un golfe sem-
blable à l'Adriatique actuelle, que se serait développée la
riche végétation dont je vais parler.
Ce sont évidemment les dépouilles d’une grande forêt que
758
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
les eaux inscrustantes de Meximieux nous ont conservées.
Grâce a la bienveillance de M. Planchon, aux explorations ré-
pétées de M. A. Faisan, ainsi qu’à l’aide active de M. Marion ,
préparateur attaché à la Faculté des sciences de Marseille, qui
réunit en ce moment les matériaux d’un travail d’ensemble
sur les modifications successives de la faune et de la flore, à
partir des derniers temps tertiaires, j’ai pu déterminer 31 es-
pèces, dont une seule des sables de Trévoux et les autres de
Meximieux. Je vais les passer en revue, non pas dans un ordre
méthodique, mais en les partageant en trois catégories bien
distinctes et trèsTnégales. La première comprendra les es-
pèces miocènes, la deuxième, les espèces éteintes pliocènes,
soit déjà connues, soit particulières à Meximieux, et par con-
séquent nouvelles; la dernière enfin, les espèces encore vi-
vantes ou qui diffèrent trop peu de celles-ci pour en être dis-
tinguées autrement qu’à titre de races ou de simples va-
riétés.
Les espèces miocènes qui existaient encore lors du dépôt
de Meximieux étaient les moins nombreuses, mais non pas les
moins importantes, car elles jouaient un rôle considérable
dans la végétation d’alors. Ce sont les suivantes, au nombre
de 7 : Glyptostrobus europœus , Heer, Ficus tiliœfolia, Heer, Fia -
tanus aceroides , Gœpp., Liquidambar europœum, Al. Br., Diospy -
ros brachysepala , Heer, Liriodendron Procaccinii , Ung.. Acer in-
tegrilobum, O. Weber.
Quelques-unes de ces espèces, comme le Glyptostrobus euro-
pœus et le Liquidambar europœum se sont montrées en Europe
à partir du miocène inférieur; d’autres, à partir seulement
du miocène moyen ou supérieur. Toutes font partie de la flore
de la mollasse suisse publiée par M. Heer. Cinq d’entre elles
se trouvent signalées dans la flore de Bilin, récemment pu-
îee par M. d Lttingshausen, et qui est encore incomplète.
Cette flore où les Laurinées, les Ficus et même les Palmiers
abondent, doit appartenir au miocène inférieur, en majorité
au moins, car elle comprend plusieurs localités d’un âge peut-
être assez différent. Ces mêmes espèces doivent donc être ran-
gées parmi les mieux connues, et le fait de leur présence à
Meximieux me paraît des mieux établis ; elles sont au nombre
de celles dont l’extension géographique a été la plus grande à
époque miocène. Quatre d’entre elles, savoir : le Glyptostrobus
europœus , le Platanus aceroides , le Diospyros brachysepala et le
Liriodendron Procaccinii , ont été rencontrées dans les régions
NOTE DK M. DE SAPORTA.
759
polaires miocènes ; le Liquidambar europœum n’a pas été en»
eore observé à d’aussi hautes latitudes, mais il a été signalé
sur un très-grand nombre de points de l’ancienne Europe.
Ainsi, les espèces qui ont possédé à un moment donné l’aire
la plus vaste, ont été aussi celles dont la durée paraît avoir été
la plus longue.
Ces espèces ont disparu depuis du sol de l’Europe, où au-
cune forme ne les représente aujourd’hui; mais en dehors de
notre continent, en Amérique et en Asie , il existe des formes
qui s’en rapprochent plus ou moins, et quelquefois en repro-
duisent les principaux traits avec une fidélité étonnante. Ainsi,
le Glyptostrobus europœus répond au Glyptostrobus heterophyllus
(Chine et Japon), le Platanns aceroides au P. occidentalisé L.,
(Amérique), le Liquidambar europœum au L. styracifluum (Amé-
rique), le Diospyros brachysepala au D. lotus (Asie occidentale),
le Liriodendron Procaccinii au L. tulipifera (Amérique), Y Acer
integrilobum à Y Acer sempervirens (Asie occidentale).
On voit que les formes actuelles correspondant à ces formes
miocènes existent, soit en Asie, soit en Amérique; celles qui
appartiennent à ce dernier continent diffèrent à peine des es-
pèces tertiaires homologues, dont elles paraissent directement
dérivées-:
La deuxième catégorie comprend 15 espèces (près de la
moitié du nombre total), jusqu’ici exclusivement pliocènes, et
quelques-unes très-caractéristiques de cette période. J’énu-
mère d’abord celles qui ont été déjà décrites par divers au-
teurs; elles sont au nombre de cinq : Quercus subrobur , Oiæpp.
vTerl. Fl. von Schossnitz, p. 16, tab. vu, fig. 7-10), Fagus at-
ténuât a, Gœpp. (Ihid.pag. 18, tab. v, fig. 9), Populus leucophyUa
Ung. (Th. Gaud., Mém. sur quelques gisements de feuilles fos-
siles, etc., p. 29, pl. iv, fig. 1-5, et pl. xn, fig. 4), Oreodaphne
Heervi , Gaud. (Ibid. p. 35, pl. x, fig. 4-9, et pl. xi, fig. 1-7),
Car y a Massalongi ( Pterocarya Massalongi , Gaud. Ihid. p. 40,
pl. vm, fig. 16, et pl. ix, fig. 2).
Quelques-unes mériteraient de nous arrêter plus ou moins
longtemps. Je me contenterai de dire que le Quercus subrobur
se rapproche plus de certains chênes exotiques que de notre
Q. robur par ses lobes peu prononcés, sa base atténuée, ses
nervures obliques et peu nombreuses, que le Fagus attenuata,
qui provient des sables de Trévoux, pourrait bien ne pas diffé-
rer de notre F. sylvatria , s’il était mieux connu, que le Populus
leucophylla semble tenir à la fois de notre P. canescens et du
760
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
P. grandidentata d’Amérique, et qu’enfin 1 ’Oreodaphne Heerii,
dont M. Gaudin avait recueilli de nombreuses empreintes en
Toscasne, est construit sur un type très-peu différent de l'Oreo-
daphne fœtens, Nées, des îles Canaries, tandis que le Carya Mas-
salongi. dont il existe à Meximieux des folioles encore réunies
au pétiole commun, offre une ressemblance évidente avec les
Carya alba, Nutt. et tomentosa, Nutt. d’Amérique; M. Planchon
avait déjà remarqué cette dernière analogie, qui cependant ne
va pas jusqu’à l’identité.
Les espèces nouvelles fixeront davantage notre attention.
Comme les précédentes, elles se rattachent, par des liens plus
ou moins étroits, à des formes actuellement canariennes, amé-
ricaines ou asiatiques; d’autres, en plus petit nombre, sont
encore représentées en Europe par des espèces qui pourraient
bien en être les descendants directs et dont elles se distin-
guent très-peu. Celles-ci servent de transition vers la dernière
de nos trois catégories. Les espèces de Meximieux qui me pa-
raissent nouvelles sont au nombre de 10 : je les ai désignées
ainsi qu il suit : Bambusa lugdunensis, Quercus prœcursor, Quer-
cus submrens, Humulus palœolupulus, Populus anodonla, Persea
amphfolia, Persea assimilis, Magnolia fraterna, Vitis subinteqra,
Acer latifohum. Passons-les rapidement en revue.
Bambusa lugdunensis. Les feuilles de cette plante abondent
à Meximieux, couchées l’une sur l’autre dans le plus grand
désordre, elles encombrent certains blocs; leur caducité si
rare parmi les monocotylédones, mais caractéristique chez 'les
Bambusées, est attestée par la présence d’un pétiole distinct
qui devait etre articulé sur la partie vaginale de la feuille. En
dehors meme de cette particularité déjà si saillante , la par-
faite conformité de tous les caractères de forme et de nerva-
tion, permet de donner cette attribution comme tout à fait
gitime; elle est d’autant plus curieuse, que la plupart des
attributions du même genre sont, au contraire, d’une nature
tres-incertaine. Il est singulier de trouver pour la première
fois un vrai bambou , non pas dans les terrains anciens, mais
au sein d un etage tertiaire récent. Les feuilles du B. lugdu-
nenm ressemblent beaucoup à celles du B. arundinacea, L„ seu-
lement, leur dimension est plus petite de moitié et se rappro-
che de celle des Arundinaria, particulièrement de VA. metah •
es Arundinaria sont, du reste, à peine distincts des vrais bam-
bous et il est impossible de savoir si l’espèce fossile faisait partie
p utot de ceux-ci que des premiers. Ses tiges, dont on observe
NOTE DE M. DE SAPORTA.
761
des empreintes, mesuraient 3 à 3 1/2 centimètres en dia-
mètre ; elles constituaient donc, dans tous les cas, un Bambou
de petite taille.
Quercus prcecursor . Les feuilles de cette espèce, très-répandues
à Meximieux, diffèrent assez peu des variétés du Quercus ilex à
bords entiers ; leur dimension est cependant bien supérieure,
puisqu’elles sont ordinairement longues de 6 à 8 centimètres, y
compris le pétiole. Leur contour est évidemment plus allongé,
leurs nervures secondaires plus nombreuses, et émises sous
un angle plus ouvert. Cependant il existe des exemplaires qu’il
serait difficile de distinguer des formes correspondantes du
Quercus ilex. Parmi toutes les feuilles de cette espèce qu’il m’a
été donné d’examiner, je n’en ai remarqué aucune dontles bords
ne fussent pas parfaitement entiers; la marge est légèrement
repliée en-dessous; la face inférieure était probablement un
peu cotonneuse; la supérieure, au contraire, très-glabre et
très-lisse. Le gland qui figure à côté des feuilles appartient
très-probablement à cette espèce ; il diffère de ceux du Quer-
cus ilex par une forme plus ovoïde, moins cylindrique et plus
atténuée au sommet.
Cette espèce se rapproche du Q. integrifolia Gæpp. Schos-
snitz. p. 14, tab. vi, fig. 8.
Quercus subvirens. Fragments de feuilles annonçant une es-
pèce à feuilles persistantes, allongées, atténuées inférieure-
ment, très-analogues à celles du Quercus virens , dit d’Amé-
rique, et, parmi les fossiles, du Quercus elœna , Ung.; mais ici le
limbe est plus large.
Humulus palœolupulus. Bractée membraneuse, sessile, na-
turellement caduque, portant à sa base un petit fruit ovoïde
ou du moins présentant la trace d’une cavité qui correspond à
la saillie produite par le fruit, car la bractée semble présenter
plutôt la face dorsale; les bords sont vaguement délimités,
peut-être dentés çà et là; le fond est parcouru par des ner-
vures assez peu visibles, qui partent de la base, tronquée carré-
ment, et se ramifient de manière à produire une sorte de ré-
seau, très-analogue, ainsi que tous les caractères visibles, à ce
que montrent les bractées fructifères de VHumulus lupulus
lorsqu’elles tombent et se dispersent à la maturité. La bractée
fossile est plus grande, plus large, moins atténuée dans les
deux sens et parcourue par des nervures plus nombreuses que
les bractées de l’espèce actuelle, dont elle se rapproche évi-
demment beaucoup. On ne saurait affirmer la réalité des dents
4
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
762
qui paraissent garnir la marge. Les bractées de l’unique espèce
vivante sont ordinairement très-entières; exceptionnellement
elles sont dentées, surtout vers le haut. C’est la première fois
que ce genre, aujourd’hui encore européen, se trouve signalé
à l’état fossile.
Poputus anodonta. Les feuilles de ce beau peuplier abondent
à Meximieux. Elles sont obovales ou suborbiculaires, toujours
entières le long des bords , ordinairement arrondies, mais
quelquefois plus ou moins atténuées en coin, vers la base, qui
porte deux glandes au sommet du pétiole. Ce dernier organe
est assez long, et ne semble pas avoir été comprimé latérale-
ment. Les nervures principales sont disposées de manière à ce
que les inférieures, quoique ordinairement plus développées
que les suivantes, ne se séparent d’elles par aucun intervalle
appréciable, et sont plus ou moins suprabasilaires. Elles se
replient le long de la marge, qui est souvent ondulée ou irrégu-
lièrement sinuée, mais demeure toujours exempte de dente-
lures. Le réseau veineux est très-fin, et les deux surfaces de-
vaient être glabres et lisses. Ce Peuplier remarquable offre
un rapport évident avec le Populus massiliensis , Sap. que j’ai si-
gnalé dernièrement dans les argiles du bassin de Marseille. Il
s’en distingue pourtant par plusieurs caractères de forme et
de nervation qui doivent empêcher de les confondre. Il est
également distinct du Populus Fraasii, Heer, des tufs de Kann-
stadt, dont la base est cordiforme et les bords entiers comme
ceux du nôtre. Le P. Fraasii rappelle beaucoup le P. hetero-
phylla d Amérique, tandis que le P. anodonta se rapproche
évidemment du P. laurifolia, Lebed., surtout en s’attachant aux
plus larges feuilles de cette espèce de la Sibérie. L’espèce fos-
sile s’en distingue par l’absence de dentelures, et par des ner-
vures secondaires plus nombreuses, plus parallèles entre elles
et moins repliées en avant, le long des bords.
Persea amphfolia . Les feuilles de cette espèce sont très-
larges ; le bord en est ondulé; la forme du contour ovale-lan-
ceolé, les nervures principales saillantes sur la face inférieure.
les présentent le type des Persea et se rapprochent visible-
ment du Persea indica , Spreng. , des îles Canaries, dont elles
diffèrent, cependant, par des nervures secondaires moins nom-
breuses et plus recourbées; elles ont dû constituer une forme
intermédiaire entre les Persea indica et carolinensis.
Persea assimilis. Cette seconde espèce est tracée sur le mo-
NOTE DE M. DE SAPORTA.
763
dèle du Persea carolinensis d’Amérique, dont elle diffère à peine
par le contour plus allongé du limbe.
Magnolia fraterna. Plusieurs feuilles entières et divers frag-
ments, où le réseau veineux se laisse bien apercevoir, permet-
tent de signaler la présence à Meximieux de cette espèce qui
s’écarte à peine du Magnolia grandiflora actuel par les dimen-
sions un peu plus petites du limbe dont le contour dessine une
ellipse un peu plus allongée. Cette espèce ressemble aussi
beaucoup au Magnolia Inglefiedii , Heer, des régions polaires
miocènes. Les autres magnolia signalés à l’état fossile, entre
autres les M. Dianœ et primigenia , Ung., de Radoboj et le
M. crassifolia , Gœpp.,du miocène de Silésie, s’éloignent encore
plus de celui de Meximieux.
Vitis subintegra. Espèce très-curieuse et très-bien caractéri-
sée, dont la détermination repose pourtant sur l’examen d’une
seule feuille mutilée au sommet et sur l’un des côtés. La base est
légèrement cordiforme, les côtés arrondis, le bord presque en-
tier ; mais on y distingue à la loupe des dentelures à peine
saillantes et fort espacées; elles sont faiblement rnucro-
nées et correspondent aux principales nervures. L’espèce res-
semble beaucoup au Vitis labrusca , L., d’Amérique, ainsi qu’au
Vitis pallida , Wight et Arn., des Indes, et encore plus au Vitis
parvifolia , Rexb. , de la même contrée. Ces espèces sont pour-
tant plus distinctement dentées que celle de Meximieux. Il est
presque impossible à l’état fossile de distinguer les Vitis pro-
prement dits des C issus ; il se pourrait donc que cette espèce
eût fait partie de ce dernier groupe; je dois faire ressortir son
affinité avec les Cissus adnata et rufescens. Cette vigne pliocène
n’a rien de commun avec les Vitis teutonica , Ung., et islandicay
Heer; mais elle rappelle davantage les Vitis Olrïki et arctica ,
Heer, du Groenland miocène.
Acer latifolium. Cet Érable n’est peut-être qu’une forme de
Y Acer Sismondœ, Gaud., qui est fréquent dans le Pliocène d’Ita-
lie, particulièrement dans le sansino et dans les travertins de
Perolla et de San-Vivaldo. Il est analogue à YA.Lobelii de Te-
ner qui habite l’Italie; on peut aussi le comparer à l’Érable de
Naples (Acer neapolitanum, Ten.), race ou sous-espèce qui se lie à
Y Acer opulifolium et se montre avec celui-ci dans les tufs qua-
ternaires du midi de la France.
Les espèces qui précèdent, malgré l’analogie plus ou moins
étroite qui les lie à des plantes, soit exotiques soit indigènes,
de l’ordre actuel, s’en distinguent cependant assez pour que l’on
764
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
ne soit pas tenté de les confondre avec elles; mais la dernière
et la plus intéressante de nos trois catégories nous présente
des espèces évidemment identiques avec celles que nous avons
encore sous les yeux, ou du moins trop voisines de celles-ci
pour pouvoir en être séparées à un autre titre qu’à celui de race
ou de variété; cependant, il faut le dire, les divergences, mal-
gré leur peu de valeur, ne laissent pas, dans plusieurs cas, que
de pouvoir être appréciées.
Les espèces qui correspondent trait pour trait à celles de
Meximieux dont il va être question, présentent un ordre de
distribution géographique sur lequel je dois insister, tellement
il me paraît significatif. Ce ne sont point des espèces indiffé-
remment répandues aujourd’hui dans toute l’Europe, mais au
contraire, ce sont des espèces actuellement méridionales, ca-
nariennes ou propres à la région méditerranéenne, mais dont
aucune ne s’avance jusqu’à Lyon et n’y existe à l’état spontané,
quoique quelques-unes puissent y être cultivées à l’air libre.
La présence de ces espèces, auprès de Lyon, à l’époque où vi-
vaient le Mastodon arvernensis , le Rhinocéros leptorhinus et VEle-
phas meridionalis associés à des Tapirs, à des Cerfs, à des Che-
vaux et à de grands carnassiers, indique donc une température
bien supérieure à celle qui existe maintenant aux mêmes lieux.
L’abaissement climatérique a été depuis lors très-marqué, et le
retrait des essences alors indigènes dans l’Europe centrale a été
bien considérable, puisqu’il faudrait maintenant redescendre
jusqu’aux îles Madère et Canaries pour retrouver quelques-unes
des espèces que je signalerai. Elles sont au nombre de 9.
Woodwardia radicans , Cav. Cette fougère n’est pas rare dans
le bassin de Ténériffe et de Palma; elle existe en Sicile, et s’a-
vance en Italie et en Espagne jusqu’au delà du 43e degré. Les
vestiges de cette espèce à Meximieux consistent seulement
jusqu’ici en quelques lambeaux de pennes qui ne laissent pour-
tant aucun doute au sujet de l’attribution générique. On aper-
çoit un sore, sur l’un des échantillons, qui comprend la côte
médiane d’un segment avec la partie inférieure de plusieurs
lobes ou pinnules; un autre fragment montre la partie termi-
nale d’une pinnule qui est finement acuminée et serrulée sur les
bords. La disposition des veines est parfaitement conforme aux
caractères de l’espèce actuelle, à laquelle il est difficile de ne
pas réunir celle-ci. M. Heer a publié sous le nom de Woodwardia
Rœmeriana ( Woodwardites Rœmerianus , Ung., Chl. protog.,
tab. 37, fîg. 4. — Ieonog., pl. foss. tab. 4, fig. 6-8), une fougère
NOTE DE M. DE SA PORTA.
765
d’Eris qui se trouve aussi àRadoboj, et qui se rapproche telle-
ment de l’espèce vivante, que le savant professeur a hésité à l’en
distinguer; cependant, il fait remarquer que les pinnules ou
lobes de l’espèce miocène étaient plus courts, moins acuminés
et dentés vers le sommet seulement. Il y a aussi quelque dif-
férence très-légère dans la disposition du réseau veineux. Par
ses caractères visibles, l’espèce de Meximieux se rattache bien
plus naturellement à celle qui vit encore dans le midi de l’Eu-
rope qu’à la forme tertiaire.
Laurus canariensis , Webb. Le Laurier des Canaries a été déjà
signalé par M. Th. Gaudin dans plusieurs localités pliocènes
d’Italie, notamment dans les sables jaunes à Elephas meridio-
nalis du Yal d’Arno, dans les Travertins de Sano et de San-Vi-
valdo, enfin dans les travertins, probablement quaternaires, de
Lipari , où. il se trouve associé au Chamœrops humilis et au
Quercus ilex. Je l’ai moi-même observé dans les tufs à Elephas
antiquus des Aygalades près de Marseille, et dans ceux de Mey-
rargues (Bouches-du-Rhône). Les exemplaires de Meximieux
ne permettent pas de douter de la présence de cette espèce
dans le Pliocène de France. Les exemplaires ne se distinguent
par aucun caractère des feuilles actuelles des Canaries, et se
rattachent aux formes les plus larges et les moins anciennes
du Laurus primigenia , Ung., qui semble avoir précédé le Laurus
canariensis en Europe; tandis que le Laurus nohilis, plus rus-
tique que celui-ci, a dû le supplanter partout dans le cours de
l’âge quaternaire.
Laurus nobilis , L. Une empreinte unique, il est vrai, et mu-
tilée aux deux extrémités, me paraît devoir être rapportée, sans
invraisemblance, à cette espèce, encore indigène le long des
cours d’eau de la Provence méridionale, dans la zone la plus
voisine du littoral.
Viburnum pseudo-tinus , nob. Les feuilles de cette espèce ne
diffèrent de celles de notre Viburnum tinus que par leur ten-
dance à devenir subcordiformes, à la base, tendance que l’es-
sence actuelle accuse quelquefois, lorsqu’elle est très-vigou-
reuse; les nervures secondaires de la forme fossile paraissent
aussi un peu plus obliques, plus ascendantes et peut-être
moins nombreuses; malgré tout, il semble que l’on a sous les
yeux plutôt une variété qu’une espèce distincte. L’observation
des fruits viendra peut-être éclaircir la question.
Viburnum rugosum , Pers. ( V. strictumf Link.) Rien ne dis-
tingue les feuilles de cette remarquable espèce de celles du
766
SEANCE DU 5 AVRIL 1869.
V. rugosum ou Laurier-thym des Canaries, qui croît sur les
rochers et les pentes agrestes de cet archipel, dans la région
1 aurifère.
Nenum oleander , L. îl est impossible de ne pas reconnaître
un Laurier-rose dans les feuilles de cette espèce, qui sont assez
frequentes à Mexirnieux, et se distinguent par des caractères
tellement conformes à ceux du N. oleander actuel qu’on ne
saurait les en séparer. Les feuilles de Mexirnieux sont cepen-
dant un peu plus obtuses au sommet que la majorité de celles
du Nerium oleander , maïs l’aspect du tissu foliacé, sa consis-
tance, sa nervation et la forme du pétiole sont exactement pa-
ieils «ms deux parts; en sorte que l’on pourrait, au plus, regar-
dei les empreintes de Mexirnieux comme dénotant une variété
à laquelle on appliquerait le nom de Lugdunensis. Comparés à
celui-ci, les autres Nerium fossiles, particulièrement les Ne-
rmm Gaudryanum , Brongt., de Grèce (Oropô), et bilinicum, Et-
tingsh. de Bilin en Bohême , qui appartiennent à l’époque
miocène et sont les mieux connus, présentent une forme lan»
céolée-lméaire qui les rapproche évidemment du Nerium odo-
rum, sol des Indes. M. d Ettinghausen, dans sa flore fossile de
Bilin (2 partie, p. 31), signale sous le nom de Nerium stiriacum ,
une espèce de Leoben en Styrie, encore inédite, mais dont les
feuilles plus larges pourraient bien indiquer une forme plus
analogue à l’espèce de Mexirnieux, et par conséquent, au Lau-
rier-rose actuel.
Ilex Falsani. Cette forme curieuse me paraît tenir stricte-
ment le milieu entre 1’ Ilex Balear ica, Desf., qui, aux yeux de
certains botanistes, ne serait qu’une race de notre L aqui-
folium , L., et Vllex cassine , Ait., qui habite la Caroline, en sorte
qu en réunissant toutes ces formes, on peut en composer une
chaîne qui mène insensiblement de l’une à l’autre. Le Houx de
Mahon dont VI. Falsani reproduit presque tous les caractères
habite les Baléares, et, dit-on, aussi les Açores; il se distingue
du houx ordinaire par des feuilles plus souples, souvent en-
tières ou munies de dents épineuses plus courtes, plus rappro-
chées, non recourbées; les nervures secondaires sont un peu
moins nombreuses, moins obliques et le pétiole un peu plus
court proportionnellement; le contour est moins oblong et le
sommet toujours terminé dans les feuilles par un acumen épi-
neux. L’espèce de Mexirnieux affecte tous ces caractères et
* J. . . . . XI . reconnu avant moi ; aussi
je n hésiterais pas à la réunir à Vllex balearica , si elle ne s’en
NOTE DE M. DE SAPORTA.
767
distinguait par certains détaiis qui la constituent au moins à
l’état de race, en sorte qu’elle semble jouer, vis-à-vis du houx
de Mahon, le rôle que celui-ci joue auprès du houx ordinaire.
Les feuilles de Vllex Falsani paraissent avoir été constamment
entières, et leur pétiole est sensiblement plus mince et plus
court que dans Vllex balearica. Ce pétiole est tracé exactement
sur le modèle de celui de Vllex cassine , dont les feuilles, presque
entières oti faiblement dentées, sont cependant plus oblongues
que celles du houx de Mahon, et de notre houx de Meximieux,
quoique certaines feuilles de celui-ci aient une visible analogie
de forme avec celles de VI. cassine. Par leur consistance, par
leur surface glabre et luisante , les feuilles de VI. Falsani res-
semblent tout à fait à celles de VI. balearica. Gomme celles-ci,
elles sont souvent subconcaves, et les bords sont légèrement
repliés en-dessous; les nervures sont presque toujours cachées
ou peu visibles ; on peut aussi rapprocher ce houx de VI. cana-
riensis , Webb, dont les feuilles sont presque constamment
inermes, mais dont le sommet ne se termine pas par une
pointe acuminée et spinescente, comme dans l’espèce de
Meximieux et dans celles des Baléares.
Punica granatum , L. var. Planchoni. Il existe une feuille et
de nombreux calices ou fleurs en boutons de ce grenadier, qui
diffère trop peu de l’espèce méditerranéenne actuelle pour que
j’ose l’en séparer. La feuille montre sa face supérieure; elle a
l’aspect, la nervation caractéristique et le contour de celles de
notre grenadier: seulement, elle serait rangée parmi les plus
grandes, et son sommet obtus et émarginé comme celui des
feuilles du Punica granatum , est cependant sensiblement plus
atténué qu’on ne le remarque ordinairement chez celles-ci. Les
boutons ou calices clos ou presque clos, diffèrent très-peu des
organes correspondants du grenadier; à l’époque où fleurit cet
arbre, un grand nombre de ces boutons avortent, et au lieu de
s’épanouir, se détachent et jonchent le sol. Les organes fossiles,
que j’ai dessinés avec soin, après les avoir moulés, doivent évi-
demment leur conservation à cette phase de la végétation du
grenadier; ils occupent toutes sortes de positions dans les tufs,
et présentent des dimensions très -diverses, correspondant à
plusieurs degrés de développement. Leur forme, la situation
de l’ovaire, leur préfloraison valvaire, le nombre et la disposi-
tion des segments calicinaux, leur étroite ressemblance enfin
avec les calices de Punica ne laissent aucun doute sur la légi-
timité de l’attribution que je propose.
768
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
En fait de différences spécifiques, on ne saurait indiquer que
les suivantes : ces organes ont généralement une dimension
supérieure à celle des boutons du grenadier actuel, du moins,
si on le considère à l’état spontané; ils ont une forme plus
ellipsoïde ; la partie inférieure qui correspond à l’ovaire est
plus épaisse; la partie supérieure ou calicinale se prolonge da-
vantage, en sorte que de contour extérieur est plus cylindroïde
et s’atténue plus également vers les deux extrémités' Enfin, les
segments calicinaux sont partagés plus profondément que dans
l’espèce actuelle; ils sont aussi plus réguliers, plus égaux entre
eux et se trouvent constamment au nombre de cinq. Ces diver-
gences, que l’on doit signaler comme un indice des modifica-
tions éprouvées par l’espèce, ne m’ont pas semblé suffisantes
pour motiver une distinction réelle; elles fournissent plutôt les
éléments d’une race ou variété que je désigne du nom de Plan-
choni , en souvenir de M. Gustave Planchon, à qui je dois la
connaissance de cette curieuse forme pliocène. MM. Otto Weber
et Philippe Wessel, dans leur nouvel essai sur la flore fossile
des lignites du Rhin inférieur (Extr. de PalŒontogvaphica par
Dunker et Meyer, t. IV, livr. 4 et 6), ont décrit et figuré, sous
le nom de Punicites Hesperidum , une empreinte de Rott qui re-
présente, à ce qu’il paraît, un fruit jeune de Punica qui semble
avoir été fécondé ou du moins s’être détaché après la floraison,
et qui se trouve couronné au sommet par les segments caiici-
naux accrus et écartés. Ces segments sont au nombre de six
et l’organe en question, se rapportant à une autre phase de dé-
veloppement que les nôtres, il est impossible de procéder à
une comparaison; seulement le fruit fossile de Rott, dont la
partie calicinale est bien plus évasée et séparée du fruit par un
étranglement bien plus marqué que chez le Punica granatum
actuel, annonce évidemment une espèce distincte de celui-ci*
tandis que nos calices plus voisins par le temps, comme par
les principaux caractères, semblent se lier intimement à l’arbre
de la région méditerranéenne, ou s’en écarter tout au plus par
quelques détails très-secondaires.
Cercis inœqualis. Le gainier que M. Planchon et moi avons
été d’abord portés à identifier complètement avec le Cercis si -
liquastrum, h. , me semble devoir en être distingué, au moins à
titre de variété, jusqu’à ce que l’on puisse mieux juger de ses
caractères réels. R n’en existe encore, à ma connaissance, que
deux fragments de feuille très-incomplets tous les deux. L’un
montre la partie inférieure et latérale d’une feuille avec une
NOTE DE M. DE SAPORTA.
769
partie du pétiole ; l’autre, la moitié d’une feuille mutilée au
sommet et sur un des côtés. On peut cependant se faire une
idée de l’espèce. Celle des deux feuilles dont la base est con-
servée est très-inégale, soit par l’avortement accidentel d’un
des côtés du limbe, soit plutôt par une disposition caractéris-
que. On voit, en outre, que la plus extérieure des deux paires
de nervures basilaires est bien plus ascendante que chez le C .
siliquastrum , ce qui entraîne un contour général plus oblong et
une base moins largement arrondie et moins cordiforme que
dans l’espèce européenne actuelle. Par ce dernier caractère et
surtout par l’aspect de la seconde des deux empreintes, cette
espèce se rapproche du Cercis Canadensis , auquel il serait peut-
être naturel de l’identifier, si l’inégalité probable de la base ne
fournissait un caractère différentiel d’une assez grande impor-
tance. Il faut attendre la découverte probable de nouveaux
échantillons pour se prononcer en connaissance de cause sur
une espèce qui, observée à l’aide d’échantillons plus nombreux,
pourrait bien devenir un trait d’union entre le gainier du Ca-
nada ( Cercis Canadensis) et notre C. siliquastrum .
Parmi les espèces précédentes, la plus septentrionale, c’est-
à-dire celle qui s’avance le plus loin vers le nord, à l’état spon-
tané, dans la direction de Lyon, est le Cercis siliquastrum , qui
existe sur une pente pierreuse, en partie boisée, à quelques
lieues au-dessus de Montélimart, et qui n’atteint plus, par con-
séquent, le 45e parallèle. Le Viburnum tinus ne dépasse pas la
région de l’olivier, c’est-à-dire le 44e degré; il n’en est pas au-
trement du Punica granatum, qui ne paraît être spontané que
dans les parties les plus chaudes de cette région. Le Laurus
nobilis se montre le long des cours d’eau de la Provence, mais
seulement dans la zone la plus méridionale du département du
Yar; quant au Nerium oleander , il n’apparaît que sur quelques
points isolés, le long du littoral, près d’Hyères, de Cannes, de
Nice, c’est-à-dire aux approches du 43e degré et seulement
dans la bande étroite et privilégiée où l’oranger résiste en plein
air.
Le grenadier est considéré par M. de Candolle, dans sa géo-
graphie botanique, comme spontané dans l’Asie Mineure, la
Palestine et peut-être la Grèce, d’où il aurait été introduit dans
le reste de la région méditerranéenne. Cependant la présence,
dans le pliocène de Lyon, d’une forme de Punica , aussi voisine
de la nôtre, peut faire supposer sans invraisemblance que le
grenadier sauvage, plus rustique que le laurier noble et le lau-
Soc, géol 2 e série, tome XX VL • 49
770 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
rier-rose, a probablement persisté sur les points où on l’ob-
serve maintenant, croissant en abondance et sans culture;
du reste, il est impossible de distinguer les pieds introduits
originairement de ceux qui seraient indigènes.
Le houx de Mahon, qui est rustique sous le climat de Paris,
n’est cependant pas indigène ailleurs qu’aux Baléares, vers le
40e degré; tandis que le Woodwardia radicans s’avance en Es-
pagne et en Italie jusqu’au 43e parallèle. Mais pour retrouver
maintenant le Laurus Canariensis et le Viburnum rugosum , il
faut aller jusque dans l’archipel des Canaries ou du moins jus-
qu’à Madère, c’est-à-dire rétrograder jusqu’au 35e degré. Or,
si l’on fait attention que deux autres laurinées de Meximieux
rappellent, l’une le Persea Indica , l’autre V Oreodaphne fœtens ,
que le Persea assimilis , le Quercus subvirens, le Carya Massalongi ,
le Platanus aceroides , le Magnolia f raterna , le Liriodendron Pro -
caccinii, le Liquidambar europœum , nous reportent vers la Ca-
roline et la Virginie, où des essences très- analogues à celles de
Meximieux vivent réunies sous une latitude de 35 à 38 degrés,
que le bambou ramène vers des régions de l’Asie situées sous
la même latitude, on conviendra que l’écart en latitude ainsi
constaté, et qui peut être évalué à 10 degrés, représente bien
la somme de chaleur que le climat de Lyon a dû perdre depuis
cette époque. Depuis le miocène inférieur, le retrait des es-
sences méridionales du sol de l’Europe, leur marche vers le
sud pour s’en éloigner, ont eu lieu d’une manière constante
et graduelle. Les termes de ces étapes successives, faciles à
constater maintenant, marquent avec une grande précision les
progrès croissants de l’abaissement par lequel la température
n’a cessé de se déprimer; toutefois, ils ne s’opèrent évidem-
ment qu’avec une grande lenteur, et l’étude des végétaux de
Meximieux prouve que dans le pliocène avancé cet abaissement
était encore bien éloigné d’être définitif. Dans le miocène infé-
rieur, les Cinnamomum s’étendaient jusqu’à Dantzig et tou-
chaient presque le 55e degré de latitude; les palmiers se mon-
traient en Bohême (Bilin) et dans le bassin à lignite du Rhin
inférieur; par conséquent, ces arbres vivaient sous le 50e degré.
Dans le miocène supérieur, il y avait encore beaucoup de Cin-
namomum et quelques palmiers à QEningen au delà du 47e de-
gré. Dans le pliocène inférieur, les palmiers se montrent encore
sur quelques points de l’Italie (Monte-Barnboli), et les Cinna-
momum vivaient dans le val d’Arno lors du pliocène moyen,
sous le 43e degré. Quant aux palmiers, pour en retrouver des
NOTE DE M. DE SAPORTA.
771
traces à l’état fossile dans le quaternaire, il faut aller jusqu’à
Lipari par delà le 39e degré. Il en est de même des lauriers,
des lauriers-rose et des grenadiers. Dans le miocène inférieur,
on observe les premiers à Bilin et les derniers à Rott, dans les
lignites du Rhin inférieur, par conséquent sous le 50e degré.
Dans le pliocène, ces trois catégories de plantes se montrent
près de Lyon aux environs du 46e degré, tandis que mainte-
nant il faut descendre jusque vers le 43e pour en rencontrer
les premiers représentants spontanés. Le laurier des Canaries,
indigène auprès de Lyon dans le pliocène, ne se montre plus
dans le quaternaire qu’en Provence, et maintenant c’est seule-
ment aux Açores, vers le 38e degré, qu’il commence à devenir
spontané. Mais si le climat européen s’est graduellement
abaissé à partir du miocène inférieur, il faut encore rechercher
si cette gradation a été soumise à une marche régulière, ou
bien si elle a été seulement le résultat d’une série d’oscillations
en plus ou en moins. Pour résoudre cette nouvelle question,
les plantes de Meximieux nous offriront les documents les plus
précieux. M. Heer, disposant de matériaux nombreux pour la
période qui me servira de point de départ, a évalué à 20 ou
21 degrés C., en moyenne, la température annuelle probable de
la Suisse lors du miocène inférieur, et à 18 ou 19 degrés G.
celle du miocène supérieur du même pays. Cette même tem-
pérature devait être également celle des environs de Lyon à la
même époque, les mêmes conditions maritimes et continen-
tales se trouvant communes entre les deux pays. La moyenne
annuelle de Lyon étant aujourd’hui de 11 degrés 8C., l’écart
entre le miocène inférieur et l’âge actuel est de 10 degrés C.
environ. Si la progression décroissante a suivi un cours régu-
lier, chacune des périodes qui se sont succédé à partir de l’éo-
Cène, en les supposant égales en durée, aurait dû posséder
une température plus basse que la précédente de 3 degrés 2 C.
environ, en sorte que celle du pliocène, considéré à une dis-
tance égale de son début comme de sa fin, devrait correspondre
à 17 degrés 8 C. ou 18 degrés G. en chiffres ronds. L’abaisse-
ment constaté par M. Heer du miocène inférieur au supérieur
est assez bien en rapport avec cette marche supposée; il faut
voir maintenant si la flore de Meximieux s’y adapte également.
Nous possédons heureusement ici, pour un calcul de ce genre,
des éléments plus précis que pour aucun des âges antérieurs,
puisque nous disposons, non-seulement d’espèces analogues à
celles du monde actuel, mais de formes qui paraissent devoir
772
SEANCE DU 5 AVRIL 1869.
être identifiées spécifiquement avec celles-ci. Leurs aptitudes
nous étant parfaitement connues, il ne nous reste plus qu’à les
consulter, en choisissant naturellement, comme objets d’études,
les plus délicates et les plus exigeantes sous le rapport du cli-
mat, celles enfin qui résistent le plus difficilement au froid et
demandent pour fleurir et se reproduire un minimum de cha-
leur dont il soit possible d’apprécier le degré. Le Laurus Ca-
narienne, Webb, et le Nerium oleander, L., peuvent nous servir
à ces deux points de vue. Le premier ne résiste pas à un froid
de quelques degrés; le second exige pour fleurir une chaleur
estivale supérieure en moyenne à 25 degrés G. Ce minimum de
chaleur utile est tellement indispensable au laurier-rose que sa
floraison est avancée ou retardée d’un mois, suivant que l’on
se transporte aux environs d’Aix ou aux environs de Toulon ;
ses premières fleurs épanouissent vers le 5 juillet, dans la pre-
mière des deux localités, et vers le 5 juin dans la seconde. En
hiver, les tiges du laurier-rose succombent sous un froid de 8
à 10 degrés G., suivant les circonstances. Sous ce dernier rap-
port, il est plus rustique que le laurier des Canaries, mais il
exige plus de chaleur que lui en été. A l’époque où se formaient
les tufs de Meximieux, les hivers étaient donc très-doux et les
étés chauds ; si l’on considère l’association d’espèces qui ca-
ractérise le mieux ce dépôt, on ne sera pas éloigné d’attribuer
à cette époque la température propre à la région laurifère de
l’archipel des Canaries. D’après le grand ouvrage de MM. Webb
et Berthelot, la température de la forêt d ’Agua-Garcia à Téné-
riffe, située à une altitude de 800 mètres, est de 24 à 26 degrés
en août et se soutient à 16 degrés en mars dans l’endroit le
plus ombragé et le plus humide de la forêt. Au milieu des bois
d ’Agua-mansa, à 1200 mètres d’élévation, le thermomètre se
soutient à 18 degrés C. au mois d’octobre; enfin, àLaguna,
dans le voisinage d’une des forêts les plus importantes de Té-
nériffe, vers 600 mètres d’altitude, le thermomètre oscille en
janvier entre 10 et 14 degrés C., se maintient ordinairement en
décembre entre 16 et 17 degrés C., et monte jusqu'à 24 et 25
degrés en juillet. Dans la vallée de Guimar, à plus de 1000 mè-
tres d'élévation absolue, la température, à la mi-septembre,
n’est pas inférieure à 22 degrés (1). En combinant ces données
avec celles que nous fournissent les plantes de Meximieux, nous
(1) Webb et Berthelot, Hist. nat. des îles Canaries , t. III, lrc partie.
Géogr. bot., p. 46 et 47.
NOTE DE M. DE SAPORTA.
773
arrivons à admettre pour l’époque de Meximieux une moyenne
de 10 à 12 degrés C. pour l’hiver, de 26 à 28 pour l’été, de 16
à 18 pour les saisons intermédiaires; ce qui nous amène jus-
tement à la moyenne annuelle d’environ 18 degrés G. que nous
avions calculée à l’avance comme devant être celle de l’âge
pliocène, en admettant une dégradation régulière de la tempé-
rature depuis le miocène inférieur jusqu’à nous. Ainsi, dès
cette époque, un certain nombre de nos espèces actuelles se
montraient déjà au milieu d’une association végétale dont l’en-
semble n’a rien de commun avec ce qui existe maintenant en
Europe; tout a changé depuis lors : la configuration du sol et
la nature du climat ; la distribution géographique des plantes
européennes et la composition de la faune. Les espèces encore
vivantes, dont je viens de signaler les plus anciens vestiges,
sont-elles restées immuables? on ne saurait l’affirmer, d’autant
plus que nous ne possédons qu’une partie de leurs organes. Il
semblerait pourtant, en s’attachant seulement aux éléments
restreints dont il est possible de disposer, qu’elles ont varié
dans une certaine mesure, du moins celles qui sont demeurées
européennes, mais que ces variations n’ont pour toutes ni la
même étendue, ni la même importance ; d’autres, et ce sont
plutôt celles qui depuis sont devenues exotiques , paraissent
avoir conservé tous leurs caractères. Quoi qu’il en soit, l’exa-
men que je viens de faire des espèces de Meximieux amène à
reconnaître que toutes se lient, quoique à des degrés diffé-
rents, à celles qui les ont précédées, comme à celles qui les
ont suivies; si, en multipliant de semblables observations, on
parvient à établir que l’on peut passer de l’état ancien à l’état
actuel à travers une série de nuances insensibles et graduées,
on continuera, si l’on veut, à désigner du nom d’espèces cha-
cune de ces nuances considérées à part; mais il sera bien dif-
ficile d’attribuer à chacune d’elles une origine distincte, un
point de départ isolé et particulier, sans connexion avec ce qui
précède, sans attache avec ce qui suit; ainsi que l’on est for-
cément amené à le faire, en admettant que chaque espèce a
été créée à part de ses congénères, et ne possède vis-à-vis d’elle
que des traits de ressemblance, mais rien qui ressemble à une
filiation ou à une parenté.
M. Tournouër présente, après cette communication, les
observations suivantes :
774
SÉANCE DU 5 AVRIL 9869.
Observations sur la faune des coquilles fossiles des tufs de
Mexvmieux (Ain) ; par M. R. Tourijouër.
Les tufs de Meximieux renferment avec les empreintes végé-
tales qui font l’objet du travail de M. de Saporta, des empreintes
de coquilles terrestres, dont les espèces sont identiques avec
celles des marnes bleues d’Hauterive, dans la Drôme, ainsi que
l’a dit M. Dumortier, il y a dix ans (Réunion extraordinaire à
Lyon-, 1859. Bull., 2e série, t. XVI, p. 10 99). Ces espèces ne
semblent pas nombreuses, mais on y reconnaît incontestable-
ment Hélix Collongeoni, Michaud ; Hélix Nayliesi , Mich. ; Cyclo-
stoma Baudoni, Mich. ; et la grande Clausilia Terveri , Mich., et
qui sont tout à fait caractéristiques des marnes si connues
d’Hauterive. La flore de Meximieux et la faune d’Hauterive
étant associées, l’étude de l’une doit aider celle de l’autre, et
les résultats où l’on arrive par l’analyse des végétaux ou par
celle des mollusques, qui vivaient sur ces végétaux ou à côté
d’eux, ne doivent pas être contradictoires. Je crois, en effet,
qu’ils sont en accord, autant que le permet le développement
particulier des deux règnes. N’étant pas allé à Hauterive, je ne
puis parler d’ailleurs qu’avec réserve et très-rapidement d’une
faune que je ne connais que par les collections et par les pu-
blications qui en ont été faites, en deux fois, par M. Michaud,
avec descriptions et figures (1); mais je ne veux que dégager
une donnée générale qui me semble ressortir avec certitude
des faits publiés.
Ce qui frappe en effet au premier coup d’œil dans la compo-
sition de la faune terrestre ou d’eau douce d’Hauterive, telle
que ces publications l’ont fait connaître, c’est, le mélange de
grandes et belles formes caractéristiques et aujourd’hui per-
dues, comme les Hélix Chaixii , H. Collongeoni , Clausilia Ter -
veri , Limnea BouilletC Planorbis Thiollierei , etc., avec une
quantité de types européens encore existants (2), mélange qui
[1) Description des coq. foss. des environs de Hauterive (Drôme), par
M. Michaud.— Ann. Soc. Linn . de Lyon, 1855 et Journal de Conchyliologie ,
vol. X, Paris, 1862.
(2) Je ferai observer que dans les fragments de calcaire eoquillier de
Meximieux, qui m’ont été obligeamment communiqués par notre confrère
M. Faisan, ce sont presque uniquement les grands types exotiques de Clau-
silie et d’Helix qui ont laissé leurs empreintes.
OBSERVATIONS DE M. TOURNOUER.
m
serait même plus accusé que le mélange semblable signalé
dans la flore de Meximieux; puisque, sur plus de soixante-dix
espèces indiquées, s’il fallait s’en fier absolument àM. Michaud,
il n’y en aurait pas moins de trente qu’il faudrait rapporter aux
espèces vivantes, soit comme identiques, soit comme faibles va-»
riétés. Cette proportion est même tellement forte qu’elle met
l’esprit en défiance et qu’elle fait soupçonner soit quelques er-
reurs de détermination sur des espèces voisines, soit quelques
confusions de coquilles vivantes du pays mêlées superficielle-
ment aux fossiles des marnes. J’avoue, cependant aujourd’hui,
que les résultats de l’analyse de la flore de Meximieux par
M. de Saporta me donnent à réfléchir et me portent à admettre
plus facilement, dans une certaine proportion au moins, le
mélange indiqué. Je remarque notamment que parmi les es-
pèces vivantes citées, il y en a quelques-unes, comme V Hélix
vermiculata et V Hélix splendida , qui, n’étant point vivantes ac-
tuellement dans le Dauphiné, et appartenant exclusivement, si
je ne me trompe, à la région méditerranéenne, ne peuvent avoir
été l’objet que d’une méprise spécifique portant sur des types
fossiles, très-voisins, comme il y en a dans le miocène, si en-
core il y a méprise. Et quand il en serait ainsi, le raisonne-
ment n’en serait guère altéré. Pour ces espèces, comme pour
toutes les autres dont on est tenté de suspecter l’identité (ce
qui dépend d’ailleurs du sentiment très-personnel que l’on a
de l 'espèce en histoire naturelle) , il faut dire que si ce ne sont
pas des espèces identiques, ce sont du moins des formes si
voisines que le caractère qui en résulte pour apprécier la phy-
sionomie générale de la faune est toujours celui-ci : mélange
de grands types exotiques ou du moins particuliers et d’un fa-
ciès exotique, qui ont été éliminés, avec une quantité domi-
nante de types européens encore existants.
Ce mélange est bien ancien dans les faunes malacologiques
terrestres ou d’eau douce de nos-terrains tertiaires; puisque la
racine de beaucoup de types du système européen actuel peut
être cherchée dans les lignites du Soissonnais et dans le cal-
caire lacustre de Rilly, qui montrent associés déjà à une faune
tropicale des types plus spécialement européens, comme ceux
des Clausilia , des Melanopsis , des Valvata , Carychium , Sphœ-
rinm , etc., dont quelques-uns peuvent même être poursuivis
plus loin encore : ce sont des faits comparables à ceux qui res-
sortent de l’analyse de la flore de Sézanne. En descendant les
terrains tertiaires, ce mélange continue et la prédominance du
776 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
type européen tend à s’accentuer davantage, jusqu’à donner
dans le miocène quelques identités ou quasi-identités d’es-
pèces qui, à l’époque d’Hauterive, balancent même les espèces
propres ou exotiques.
C est tout ce que je voulais observer : et pour ne parler que
de Mexirnieux, j en conclus, pour la flore et la faune associées
dans les mêmes calcaires, que si l’une est pliocène de l’âge du
Val d’Arno, l’autre doit être pliocène aussi, et un peu plus
jeune, par conséquent, que ne l’avaient pensé les géologues qui
ont compris dans le miocène supérieur les dépôts d’eau douce
d’Hauterive et les dépôts marins à Buccinum Michaudi qui dé-
pendent, je crois, du même système, et dont la faune spéciale
est encore à étudier.
Les marnes lacustres d’Hauterive me paraissent tout au plus
aussi anciennes et probablement plus récentes que les dépôts
d eau douce de Gucuron (Vaucluse), qui surmontent cependant
la mollasse marine de Cabrières d’Aigues (V. Dumortier, Bull.,
2e série, t. XXI, p. 282), laquelle renferme, à ma connaissance,
toute la faune des bivalves caractéristiques du miocène supé-
rieur de Salles, près de Bordeaux, associée, surtout par les
gastéropodes, à la faune de la Touraine et à celle de Tortone,
en Italie, qui est la plus élevée des faunes du miocène supé-
rieur. Je les crois donc pliocènes , malgré quelques affinités
d especes avec les faluns de Touraine [Hélix umbilicaris, Desh.,
H. Collongeoni , Mich., en particulier etquelques autres), comme
es sables supérieurs de Montpellier, qui présentent, dans une
taune bien moins riche, quelques types comparables à ceux
Hautenve : un grand Bulime sénestre, entre autres, Bul.
simstrorsus , Marcel de Serres, et intermédiaires entre l’étage
tortonien de Cucuron et les argiles pléistocènes delà vallée su-
périeure de la Saône, de Bligny-sous-Beaune, en particulier,
ou les grands types exotiques semblent avoir complètement dis-
paru.
Je me suis proposé d’ailleurs, en présentant à la Société ces
observations qui m’ont été suggérées par la communication de
M. de Saporta, non pas de résoudre incidemment les questions
de classement que soulèvent encore les terrains tertiaires supé-
rieurs, marins ou d’eau douce, de la vallée du Rhône, mais de
provoquer au contraire les études locales et les observations
directes qui doivent en amener la solution.
M. Gervais fait la communication suivante:
NOTE DE M* GERVAIS.
777
Restes fossiles du Glouton recueillis en France ;
par M. Paul Gervais.
Le Glouton, animal aujourd’hui confiné dans les régions po-
laires, à vécu dans l’Europe centrale, à l’époque des grands
mamifères quaternaires. Des débris en ont été signalés en
Allemagne, particulièrement dans la caverne de Gailen-
reuth (1), et il en a été retrouvé depuis lors en Belgique (2) ainsi
qu’en Angleterre (3). Cependant on n’en avait pas reconnu avec
certitude en France. J’ai fait voir en effet (4) que les prétendus
restes de Glouton signalés par Marcel de Serres dans les caver-
nes de l’Ardèche n’étaient que des ossements de blaireaux, et
aucun gisement authentique n’en a été constaté depuis lors ;
mais j’ai aujourd’hui la preuve qu’il a aussi vécu des blaireaux
en France. La grotte de Fouvent (Haute-Saône) en renferme des
débris mêlés à ceux des grands ours et des hyènes. Pendant la
visite que je viens de faire au musée de Dijon, pour y revoir les
types des Glyptodons décrits par M. Nodot, j’ai remarqué
parmi les fossiles de Fouvent, dont ce musée possède une fort
belle suite, plusieurs pièces, en particulier une mâchoire supé-
rieure ainsi qu’une mâchoire inférieure, qui ne peuvent être
attribuées qu’au Glouton. Ces pièces sont remarquables par le
degré peu avancé de leur fossilisation ; elles diffèrent à peine,
sous ce rapport, des ossements des animaux enfouis à une épo-
que tout à fait récente ; mais le même fait aussi a été signalé
pour des os d’ours et d’hyènes retirés d’autres cavernes. Grâce à
l’intervention de M. Brullé, doyen de la Faculté des sciences de
Dijon, M. le directeur du musée de cette ville a bien voulu me
communiquer les deux mâchoires de Glouton dont je viens de
parler, ce qui m’a permis de les faire dessiner pour mon ou-
vrage, et mouler pour la collection du Muséum. Je les mets
sous les yeux de la Société comparativement avec une tête os-
seuse d’un Glouton actuel provenant du Nord de l’Europe.
Le maxillaire supérieur est celai du côté gauche. On y voit,
en place, la série des quatre dernières molaires, dont la carnas-
(1) Goldfuss, Nova acta nat. curios t. IX, p. 811.
(2) Par MM. Yan Beneden et Dupont.
(3) Dans la caverne de Bleadon.
(4) Zool, et Pal. franç ,,p. 247.
778
SÉANCE DU 5 AVRIL 1869.
sière a eu sa couronne en partie détruite. Les dents offrent une
analogie complète avec celles du Glouton actuel, et il est im-
possible de les attribuera une autre espèce. Leur longueur to-
tale est de 0,044, ce qui dépasse un peu la longueur totale
0,038 des mêmes dents mesurées chez le Glouton récent mises
en regard d’elles.
Une pareille similitude de forme, alliée à une taille égale-
ment supérieure, se retrouve entre le maxillaire inférieur du
Glouton trouvé à Fouvent et celui du Glouton vivant auquel je
le compare. Ce maxillaire est aussi celui du côté gauche, et il
a très-probablement appartenu au même sujet que le fragment
qui vient d’être décrit. On y voit en place les deuxième et troi-
sième incisives, la canine et les molaires antérieures; la
sixième, ou tuberculeuse, n’est représentée que par son alvéole.
La longueur de ces cinq molaires prises ensemble est de 0,050;
celle des dents correspondantes sur le sujet d’époque actuelle
n’est que de 0,048.
Avec ces débris il y avait des restes de Ganis, en particulier
deux maxillaires inférieurs qui me paraissent mériter aussi
une mention.
L’un est d’un Ganis delà taille du loup; mais on pourrait à
cause de la petitesse de la pointe interne de la carnassière, l’at-
tribuer à un chien. Il offre cela de remarquable, que ses tu-
berculeuses étaient au nombre de trois, comme on en cite des
exemples dans le chien domestique (1). La troisième de ces
tuberculeuses n’est pas conservée, mais son alvéole est très-
apparente.
L’autre est d’un animal plus petit et comparable à un très-
fort renard ou à un chacal. Je lui trouve même plus d’analogie
avec cette dernière espèce, mais je n’ose assurer qu’elle lui ap-
partienne; ce qui me la fait citer ici, c’est qu’elle n’a qu’une
seule tuberculeuse et montre par conséquent la formule du
Cuon. Toutefois ce n’est pas un Cuon, car le tubercule posté-
rieur de sa carnassière et sa tuberculeuse n’ont pas la forme
propre à ce dernier animal et rappellent au contraire davantage
le chacal.
M. Gervais met ensuite sous les yeux de la Société le des-
sin du grand humérus d’oiseau recueilli à Léognan par
(1) Rlainville, Ostèogruphie, genre Cams, pl. 12.
NOTE DS M. BOURASSIN.
779
M. Delfortrie, et il rappelle que le même géologue vient
aussi de trouver dans ce gisement un maxillaire inférieur
d'Halitherium. L'humérus d’oiseau a une très-grande ana-
logie avec celui sur lequel M. Lartet a établi son genre
Pelagornis et qui provient de la mollasse marine de l'Arma-
gnac.
M. Tournouër rappelle que la mollasse de Léognan a
fourni de belles espèces de chélonés.
M. Gervais montre ensuite une pièce fossile de Saurien,
recueillie par M. Matheron, dans les lignitesde la Nerthe ;
il discute ses affinités avec les autres reptiles et émet l'o-
pinion que, malgré son analogie avec les Iguanodon , elle
indique un genre nouveau. Le gisement de ce fossile inté-
téressant est attribué par M. Matheron au terrain crétacé
supérieur.
Le Secrétaire lit la note suivante de M. Bourassin :
Note sur les Blocs granitiques qui se trouvent aux environs de
Concarneau et de ïréguier; par M. Bourassin,
Il existe dans les environs de Concarneau, sur une grande
étendue de terrain, des blocs granitiques d’une grosseur énorme ;
quelques-uns sont à peu de distance du lieu dont ils ont été
détachés; mais beaucoup d’autres sont dispersés à plusieurs
kilomètres et doivent être, je crois, considérés comme des blocs
erratiques. Ces masses de granité sont répandues sur la surface
du sol dans la direction de l’est à l’ouest sur une étendue de
plus de trois lieues en longueur et près de deux lieues en lar-
geur, bornée au nord, par une bande de michaschiste, et au
sud, par des roches granitoïdes décomposées, traversées par
des veines de quartz et de felspath. Toutes ces roches reposent
sur un sol sablonneux d’alluvion ou sur de l’argile plastique;
e crois qu’elles ont été détachées de la baie de Concarneau,
près du cap nommé cap Hellou, à une époque indéterminable,
qui pourrait bien être celle où les îles des Glénans furent sé-
parées du continent. On voit par l’aspect des lieux que ce ter-
rain a été fortement tourmenté et a subi à plusieurs époques
des dislocations très-grandes.
780
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
Pour expliquer ce chaos qui excite vraiment l’étonnement et
l’effroi, on est obligé d’appeler à son secours tout ce que la na-
ture peut produire de plus terrible, les soulèvements, les trem-
blements de terre, les ouragans et les tempêtes. Ces roches,
dont quelques-unes sont à la surface de la terre et d’autres for-
tement enfoncées, ont quelquefois des formes bizarres, formant
souvent par leur superposition des grottes peu profondes ;
d’autres sont considérées comme des dolmens ; il y en a qui
sont verticales de plusieurs mètres de haut, et que l’on appelle
des menhirs. Ces pierres, dit-on dans le pays, ont été élevées
par la main des Druides.
Séance du 19 avril 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membre de la Société :
M. Marion (Fortuné), préparateur h la Faculté des Scien-
ces à Marseille (Bouches-du-Rhône); présenté par MM. de
Saporta et Albert Gaudry.
Le Président annonce ensuite deux présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Albert Faisan, Introduction pour l’étude du
terrain erratique de la partie moyenne du bassin du Rhône ; in-8,
26 p., 7 pl.; 1869; Paris, chez F. Savy; Lyon, chez P. Mé-
gret.
De la part de M. Ch. Grad, Observations sur la vallée du
Grindelwald et ses glaciers (août 1868); in-8, 45 p.; Paris, 1869,
De la part de M. Ch. Ledoux, Étude sur les terrains Irai -
sique et jurassique et les gisements de minerai de fer du départe-
ment de V Ardèche; in-8, 115 p., 1 carte et 3 pl. de coupes;
1868; Paris, chez F. Savy; Privas, chez Curnier.
NOTE DE M. MATHEHON. 781
De la part de M. B. Studer, Orographie der S chweizeralpen ;
in-18, 21 p.; Berne, 1869.
De la part de M. T. G. Winkler, Des Tortues fossiles conser-
vées dans le Musée Teyler; in-4, 151 p., 33 pl.; Harlem, 1869;
chez les héritiers Loosjes.
Le Président rappelle que le lieu et la date de la session
extraordinaire de 1869 doivent être choisis au commence-
ment du mois de mai. En conséquence, il invite les con-
frères qui auraient quelques propositions à faire à cet
égard à les adresser par écrit au Conseil avant sa pro-
chaine séance.
Le Président annonce la mort de M. le professeur T. A.
Catullo.
M. de Saporta lit la note suivante de M. Matheron :
Note sur les reptiles fossiles des dépôts fluvio-lacustres crétacés
du bassin à lignite de Fuveau; par M. Philippe Matheron.
. Il est bien remarquable que les dépôts fluvio-lacustres du
bassin à lignite de Fuveau, qui sont si riches en débris de co-
quilles terrestres, lacustres et fluviatiles, n’aient pas encore
offert le moindre vestige de mammifères ou de poissons, et
que les vertébrés ne soient jusqu’à présent représentés, dans
les diverses faunes qui caractérisent les étages qu’on distingue
dans ce bassin, que par quelques reptiles.
Pour être peu nombreux, ces reptiles n’en sont pas moins
dignes d’attention. On va voir, en effet, qu’ils sont tous ex-
trêmement remarquables et qu’ils offrent un intérêt d’autant
plus grand qu’il résulte de l’étude de leurs vestiges : \° L’obli-
gation de faire reculer jusqu’aux temps crétacés la première
apparition des crocodiles proprement dits; 2° la certitude que,
pendant la durée de l’immense période de temps à laquelle
correspondent les couches du bassin de Fuveau, de véritables
crocodiles ont vécu dans nos contrées en même temps que des
chéloniens, des grands sauriens et un dinosaurien dont il faut
aller chercher les analogues dans les dépôts wealdiens de la
forêt de Tilgate, ou dans les couches lacustres de Purbeck.
782
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
II serait hors de propos de répéter ici ce que j’ai eu l’occasion
d’exposer à différentes reprises pour démontrer que les dépôts
fluvio-lacustres du bassin de Fuveau n’étaient nullement ter-
tiaires. Mais, pour être intelligible dans ce que j’ai à dire de
la position respective des diverses couches qui ont offert des
vestiges de reptiles, il est indispensable de rappeler quelques
faits stratigraphiques.
On sait que la grande série de couches fluvio-lacustres du
S. E. de la France se divise en deux parties bien distinctes :
1° Une partie supérieure, dans laquelle on rencontre succes-
sivement les équivalents lacustres de tous les étages tertiaires
inférieurs aux dépôts faluniens;
2° Une partie inférieure, par laquelle est plus particulière-
ment constitué le bassin de Fuveau, et qui appartient, suivant
ma manière de voir, à la période crétacée.
On sait aussi que cette partie inférieure de la série se subdi-
vise en quatre groupes de couches ou en quatre étages prin- !
cipaux, qui sont placés de bas en haut dans l’ordre suivant :
1° Un étage inférieur qui repose sur des couches marines de
l’âge de la craie de Villedieu, et qui est formé par des couches
mixtes, c’est-à-dire par des couches marines, d’eau saumâtre
et d’eau douce.
2° Le puissant étage de Fuveau, vers la base duquel sont
intercalées diverses couches de lignites, et qui paraît corres-
pondre à la craie blanche à lnoceramus Cripsi et à Belemnitetla
mucronata.
3° Le grand étage de Rognac, que je considère comme l’é-
quivalent de la craie à Hemipneustes de Gsnsac et de Maëstricbt.
4° Le grand étage rutilant de Vitrolles et de Gengle, dont le
prolongement vers le S. O. de la France, à travers les dépar-
tements de l’Hérault, de l’Aude, de l’Ariége et de la Haute-
Garonne, constitue le terrain garumnien de M. Leymerie, ou
soit la partie supérieure du groupe d’Alet de M. d’Archiac.
On sait enfin que chacun de ces étages est caractérisé par
des fossiles particuliers, et que ces fossiles diffèrent tous de
ceux qu’on rencontre dans les divers dépôts lacustres ter-
tiaires.
Ceci posé, j’ajoute que les reptiles dont il va être question
sont eux-mêmes distribués d’une manière spéciale, étage par
étage.
Ces reptiles appartiennent à cinq horizons distincts, savoir :
Étage d’eau saumâtre de la base : chéloniens .
NOTE DE M. MATIÏERON. 783
2° Dans le lignite de la grande mine de l’étage de Fuveao :
chéloniens , crocodiles.
3° Dans le lignite de la mène de quatre pans du même étage :
Crocodilus Blavieri , Gray.
4° Dans les couches détritiques de la base de Pétage de Ko-
gnac : chélonien, grand saurien.
5° Dans les couches supérieures du môme étage : chéloniens 7
crocodiles , grands sauriens et dinosaurien.
On a signalé des vertébrés dans les couches garumniennes
de i’Ariége ; mais celles du bassin de Fuveau n’en ont offert
jusqu’à ce jour aucun vestige.
A l’exception des crocodiles, les reptiles dont il s’agit appar-
tiennent tous à des genres éteints qui ne paraissent pas avoir
traversé une partie de la période tertiaire. C’est là un fait nou-
veau qui n’échappera pas à l’attention des paléontologistes et
qui vient à l’appui de l’antiquité relative que la logique des
faits stratigraphiques assigne aux couches du bassin de Fuveau.
Quoiqu’il en soit de cette question, je vais passer en revue
les divers débris de reptiles que j’ai eu l’occasion d’étudier.
1° Reptiles de l'étage d'eau saumâtre de la série.
Je ne connais de cet étage que des fragments de chéloniens
absolument indéterminables.
2° Reptiles du lignite de la grande mène de l'étage de Fuveau.
Chéloniens. — Les animaux de cet ordre sont représentés par
des fragments qui paraissent avoir tous appartenu à la même
espèce, d’un genre se rapprochant beaucoup des Pleurosternons
d’Owen. L’animal était de taille moyenne et très-déprimé. La
surface externe des os de la carapace n’offrait que de très-
petites rugosités longitudinales, à peu près obsolètes, et n’était
ni granuleuse ni vermiculée comme dans certains chéloniens
fluviatiles. Parmi les fragments que je possède se trouve une
portion de la pièce antérieure et impaire de la carapace dont
le côté antérieur, un peu convexe dans son ensemble et légère-
ment sinueux au milieu, est le seul qui ne soit pas fracturé.
La surface supérieure de ce fragment est à peine convexe, et
elle est marquée de trois sillons rayonnants, qui sont disposés
entre eux comme le sont ceux qui existent au-dessus des nuchal
plates , marqués Ch. dans les figures des Pleurosternon concin-
num et Pleurosternon ovatum , données par M. Owen, dans sa
monographie des reptiles du Purbeck et du Wéaldien (1).
(l) Owen, Monograph on the fossil reptilia} etc.^ part. I, 1858, plat. 2
784
SÉANCE DU 49 AVRIL 1869.
Ges sillons correspondent aux séparations qui existaient,
d’une part, entre les deux écailles antérieures paires, et d’autre
part, entre ces deux écailles et la première écaille vertébrale.
Je possède et j’ai vu d’autres fragments qui prouvent que
les côtes de 1 animal ne se terminaient pas en pointe, comme
dans les Trionyx , et que la carapace était unie au plastron
par des pièces osseuses marginales, au lieu de l’être par des
cartilages, comme cela a lieu dans les chélonées et dans les
tortues fluviatiles.
Il est donc probable que le chélonien dont il s’agit était une
tortue paludine couverte d’écailles, appartenant peut-être au j
genre Pleurosternon. En attendant que des observations ulté-
rieures permettent de décider la question, je donnerai provi-
soirement à cette tortue le nom d q PldUTOstevnon ? pvovincicile ,
en ayant soin toutefois de placer un point de doute à la suite
du nom générique.
A en juger par les divers fragments que j’ai eu l’occasion 1
d obseiver, cette tortue atteignait environ 50 centimètres dans
la longueur de son grand axe. Elle était donc plus grande que
les Pleurosternons décrits par M. Owen.
Cï ocodtles. — — Le crocodilien des couches charbonneuses de
la grande mène est un véritable crocodile.
Je le désigne sous le vocable de Crocodilus affuvelensis.
Je connais de cet animal plusieurs fragments qui ont appar-
tenu à des sujets de divers âges, savoir :
A Un maxillaire inférieur gauche, fracturé aux approches
de 1 apophyse coronoïde et engagé dans le charbon un peu
avant la symphyse. Ce magnifique échantillon montre la sur-
face externe du maxillaire et les sinuosités caractéristiques de
son bord dentaire; 9 dents sont à leurs places respectives. 11
n y a pas de traces des trois premières. La 4e est en place; les
5% 6e et 7e manquent; les autres, depuis la 8e jusqu’à la der-
nière, c’est-à-dire jusqu’à la 15e, sont en place.
’Ces dents sont inégales comme le sont celles des crocodiles.
L animal auquel elles ont appartenu en avait, comme on le
voit, 15 de chaque côté du maxillaire inférieur; c’était donc
un crocodile proprement dit et non un caïman (1).
B. Débris d’une tête présentant des fragments juxtaposés, des
(1) Ce bel échantillon fait partie de la collection de la Compagnie conces-
sionnaire des Mines de Griasque et de Fuveau.
NOTE DE M. MATHEKON.
785
maxillaires supérieur et inférieur du côté gauche, avec des
dents postérieures. Ces dents ont toutes la forme bien connue
des dents postérieures de crocodiles. Leur couronne est séparée
de leur racine par un étranglement et présente de petites rugo-
sités rayonnantes, qui s’oblitèrent en s’éloignant du sommet.
Sa base est circonscrite par une sorte de dépression annulaire
horizontale. Les dents sont distantes d’axe en axe d’environ
11 millimètres, ce qui permet de les rapporter à un animal
de 2m de longueur.
G. Diverses dents antérieures et moyennes en cône un peu
recourbé. Elles sont toutes un peu comprimées. Elles ont
toutes le sommet plus ou moins obtus et légèrement rugueux.
Quelques-unes sont assez grosses pour avoir appartenu à des
sujets de 3m de longueur.
D. Une vingt-deuxième vertèbre ou troisième lombaire, dont
les apophyses articulaires et l’apophyse épineuse sont plus ou
moins fracturées.
E. Deux fragments de la vingt-troisième vertèbre du même
sujet.
Ces vertèbres ont appartenu k un animal de 2m de longueur.
La convexité de leur face postérieure est très-prononcée.
F. Un caracoïdien droit d’un sujet de 3m de longueur. Cet
os est fracturé un peu au-dessus du col. On distingue dans
cette pièce la facette sur laquelle s’appuyait l’omoplate, ainsi
que l’apophyse qui concourait à former la fosse qui recevait
la tête de l’humérus.
G. Un fragment de la partie supérieure d’un fémur gauche,
brisé un peu au-dessus de la tubérosité tenant lieu de tro-
chanter, et ayant appartenu à un sujet de 3m de longueur.
H. Un fragment de la partie supérieure d’un fémur droit,
symétrique du précédent, mais ayant appartenu à un animal
qui n’avait que 2m de longueur.
Ces deux fémurs diffèrent du fémur du Crocodilus Blameri
dont il va être question.
3° Reptiles de la mène de quatre pans. — On ne connaît de
cette assise charbonneuse du bassin de Fuveau que la moitié
supérieure de fémur gauche du crocodile qui fut Irouvé, il y a
de cela plus de trente ans, dans les environs de Mimet, et que
M. Blavier, alors ingénieur en chef des mines, avait remis à
Cuvier.
Cuvier croyait que les lignites de Mimet (ou de Fuveau).
étaient dans la même situation relative que l’argile plastique
Soc . géol.j 2e série, tome XXVI. 50
786
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
et les lignites du Soissonnais. Cette opinion préconçue porta
ce savant anatomiste à dire qu’il n'y aurait rien d’impossible
à ce que l’espèce de crocodile de Mimet fût la même que celle
dont on avait trouvé deux petits fragments dans les lignites
d'Auteuil.
11 est probable que Cuvier n’aurait pas hasardé cette opinion
s'il avait su que les lignites de Fuveau et de Mimet n’étaient
pas de l’âge de l’argile plastique.
Il est, dans tous les cas, bien difficile d'admettre qu’on
puisse identifier deux animaux, dont l'un n’est connu que par
une moitié de fémur, et l’autre par une dent presque micro-
scopique, et une très-minime partie d’humérus.
Je n’ai pas sous les yeux le fragment de fémur décrit et
figuré par Cuvier; mais, à en juger par la figure qui en a été
donnée dans les recherches sur les ossements fossiles, cet os
différerait des fémurs des autres espèces de Crocodiles par une
plus grande saillie et un plus grand prolongement de l’émi-
nence trochantérienne. C’est aussi par ce caractère que ce
fémur diffère de celui du Crocodilus affuvelensis.
On sait que M. Gray a inséré dans son catalogue le Crocodile
de Mimet sous le nom de Crocodilus Blameri , et que M. Giebel
a donné plus tard à ce même animal le nom de Crocodilus pro-
vincialis.
Ces deux auteurs partagent d’ailleurs l’opinion de Cuvier sur
la contemporanéité des lignites de Mimet avec les lignites et
l’argile plastique d’Auteuil.
M. Gervais (1), qui a consacré quelques lignes de son impor-
tant ouvrage à l’animal de Mimet, ne se prononce pas catégo-
riquement sur la position relative des lignites de cette localité.
Mais ce qu’il dit à cet égard tend à prouver que le Crocodile
de Mimet serait dans tous les cas moins ancien que les ani-
maux des lignites du Soissonnais.
J ai lieu de croire que le savant professeur ne partage plus
aujourd hui cette opinion. Dans tous les cas, ce que j’ai à dif-
ferentes reprises exposé sur la question stratigraphique du
bassin de Fuveau démontre qu’il s’en faut de beaucoup qu’il
y ait les moindres rapports entre l’etage proïcène et les couches
charbonneuses exploitées dans ce bassin, et que le Crocodilus
(1) Paui Gervais, Zoologie et paléontologie française 2e édition 1859
p. 444. ‘ ’ *
NOTE DE M. MATHERON.
787
Blavien n’a pas plus été le contemporain des Paléothériums de
l’époque proïcène, ou des Lophiodons éocènes, qu’il n’a été
celui des Coryphodons de la période orthrocène.
Comme on ne connaît de cet ânimal que le fragment de
fémur gauche décrit et figuré par Cuvier, et qu’on ignore, par
conséquent, quelles étaient ses dents et combien il en avait
sur chacune des branches du maxillaire inférieur, il reste à
savoir s’il faut le rapporter plutôt aux Crocodiles proprement
dits qu’aux Gavials ou aux Caïmans.
4° Reptiles des couches détritiques de la base de l'étage de
Rognac.
Chélonien . — Le Chéionien dont on a trouvé les restes fos-
siles dans les grès argileux de Rognac ne me paraît pas pou-
voir être sûrement introduit dans l’un des genres connus.
C’était un animal dépourvu d’écailies, qui se rattachait aux
Trionyx par son exosquelette rugueux et aux Emydes par son
plastron et par les pièces marginales qui servaient d’union
entre ce plastron et la carapace.
Il est probable d’après cela que cet animal avait quelques
rapports avec les Chéloniens qui ont servi de type au genre
Aplolidemys créé par M. Pomel (1).
Mais, comme je ne connais ce genre que par ce qu’en a dit
M. Pomel dans l’ouvrage cité en note et que je ne possède du
Chélonien de Rognac qu’un petit nombre de pièces toutes plus
ou moins fracturées, je dois ajourner jusqu’à nouveaux faits
toute détermination générique. Ce ne sera donc qu’avec doutes
et sous toutes réserves que je désignerai ce Chélonien par la
dénomination d’ Aplolidemys Gaudryi (2).
Parmi les débris de cette Tortue se trouve un fragment de
l’os de l’épaule gauche. Cet os est fracturé à quelques centi-
mètres au-dessus de la facette articulaire de l’humérus. On y
distingue parfaitement la suture entre l’omoplate et le cara-
coïdien. On y voit aussi la naissance de l’acromion.
Ce Chélonien devait avoir environ 80 centimètres de lon-
gueur; la facette articulaire de l’omoplate a 5 centimètres en-
viron dans la longueur de son grand axe. La carapace qui était
(0 Archives de la Bihlioth. univers, de Genève, vol. IV, p. 328.
(2) Mon savant ami M. Gaudry, aux lumières duquel j’ai souvent recours
a bien voulu faire pour moi des recherches comparatives et bibliographiques
que mon éloignement de Paris me rendait bien difficiles.
788
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
assez épaisse était comme sillonnée en long par des rugosités
allongées, irrégulières et très-saillantes. Le plastron était bien
moins rugueux.
Grand Saurien. — En même temps que le Chélonien dont je
viens de parler vivait dans la contrée un monstrueux Saurien
dont la présence inattendue dans les couches de Rognac est
bien digne d’attention.
Cet animal, dont on ne trouve aucun précurseur dans l’étage
de Fuveau, rappelle les gigantesques Crocodiiiens à vertèbres
biconcaves ou convexo-concaves, c’est-à-dire, qu’il se rap-
proche des genres Steneosauras , Streptospondylus, Cetiosaurus ,
Pelorosaurus , etc. J’en connais les pièces suivantes :
A. Des fragments d’un grand os dont le rapprochement ac-
cuse une longueur dépassant 80 centimètres. Cet os paraît être
un fémur gauche. Ses têtes sont mutilées. Il est peu sinueux,
déprimé, surtout vers le milieu de sa longueur où sa section
est en ovale, un peu quadrilatère, ayant 17 centimètres de
longueur sur 7 centimètres seulement de largeur. Il n’a pas de
canal médullaire, ce qui permet de le rapporter à un animal
aquatique. Sa partie centrale et ses têtes présentent un tissu
spongieux.
B. Un fragment qui paraît être la partie inférieure du tibia
gauche comprise entre le tiers inférieur et le commencement
de la dilatation conduisant à la tête inférieure. Cet os n’est
nullement cylindrique. Sa section transverse, observée sur la
fracture supérieure, est en ovale, déprimée d’un côté de
H centimètres de longueur sur 5 centimètres de largeur.
Il n’y a pas de canal médullaire. La substance centrale spon-
gieuse, presque nulle vers la section supérieure du fragment,
est au contraire largement développée du côté de la tête infé-
rieure.
Comparées à celles desparties correspondantes du tibia des
Crocodiiiens les dimensions mesurées sur ce fragment per-
mettent de fixer à 80 centimètres au moins la longueur de l’os
entier.
C. Une grande portion d’un os très-allongé, fracturé d’un
côté et se terminant de l’autre par une dilatation amincie, très-
prononcée, dont l’une des faces est concave tandis que l’autre
est convexe. C’est probablement un grand fragment de pé-
roné dont les dimensions se coordonnent à. celles du fémur
et du tibia précités. L’os entier devait avoir au moins 80 centi-
mètres de longueur. Le fragment que je possède est long de
NOTE DE M. MATHERON.
789
55 centimètres. Sa section transversale, non loin du point de
rupture, a sensiblement la forme d’un triangle équilatéral,
dont les angles seraient arrondis, et dont les côtés sont d’envi-
ron 7 centimètres. La partie amincie et pliée en tuile a une
longueur de 18 centimètres.
D. Deux vertèbres caudales aussi remarquables par leur
grande dimension et par la forme de leur corps que par la
singularité de leurs apophyses.
Ces deux vertèbres étaient consécutives dans le squelette.
Elles diffèrent très-peu Tune de l’autre dans leur dimension,
d’où l’on peut conclure que la queue de l’animal devait en
avoir un nombre considérable, et que cette queue était consé-
quemment très-allongée.
Ce qui distingue surtout ces vertèbres, c’est que leur corps,
au lieu d’être comprimé sur les côtés , comme dans les ver-
tèbres caudales des Crocodiles, est au contraire partout dé-
primé dans le sens vertical, de telle sorte que les faces articu-
laires, au lieu d’être arrondies, sont en ovales transverses de
il centimètres sur 7 centimètres. L’une de ces faces est con-
cave, l’autre est convexe ; mais cette concavité et cette con-
vexité sont de beaucoup relativement moindres que dans les
Crocodiles.
Le corps de la vertèbre ( centrum ) a environ 12 centimètres
de longueur. Excepté au-dessus, où il est presque horizontal,
il est évidé en courbe, de telle façon que vers son milieu il n’a
plus que 8 centimètres de largeur sur 5 centimètres i\2 de
hauteur.
Le trou vertébral est petit ; il ne règne, avec la partie
annulaire, que sur la moitié environ de la longueur de la ver-
tèbre, du côté où celle-ci est concave. Cette partie annulaire
s’élève au plus à 6 centimètres au-dessus de la vertèbre et se
termine, en haut, par une sorte de faîte mousse dans lequel se
résume l’apophyse épineuse. Ce faîte se prolonge d’un côté en
cône qui tient lieu d’apophyses articulaires et dont le sommet
obtus n’atteint pas tout-à-fait le plan de la face convexe de la
vertèbre. Du côté opposé se détachent de la partie annulaire
deux apophyses articulaires coniques et symétriques qui
s’avancent en divergeant du côté de la face concave de la ver-
tèbre dont elles dépassent le plan sur une longueur de 4 cen-
timètres environ. Ces deux apophyses sont situées plus bas que
le cône du côté opposé, d’où il suit, que dans l’articulation de
deux vertèbres consécutives le cône de l’une se trouve situé
790
SÉANCE DU 19 AYBIL 1869,
symétriquement au-dessus et au milieu des deux apophyses
divergentes de l’autre. apopnyses
Sur le bord de sa face convexe on remarque au-dessous de
la vertebre deux saillies très-mousses séparées par une dépret
sion longitudinale, analogues à celles qu’on observe dans les
veitebres caudales des Crocodiles.il est permis de penser
d après cela que ces vertèbres étaient pourvues d’un e hœma-
pophyse, qu’elles étaient concavo-convexes et que dans Tur
articulation les apophyses antérieures étaient les extérieures
et les inférieures, comme cela a lieu dans les Crocodiles
Ces singulières vertèbres ont quelques rapports avec' celle
qui est représentée pl. V. f. 3 et 4 du supplément n° 2 à la mo-
nographie des Reptiles du Wealdien et du Purbeck et Z
M. Owen rapporte avec doute au genre Petorosaurus II e"t
a remarquer cependant que dans cette vertèbre il existe une
Hœrnapophyse adhérente par ankylosé et que les apophyses
aiticulaires antérieures et postérieures sent ‘ .
saillantes. postérieures sont bien moins
Il est très-probable que les deux vertèbres de Rognacannar
tiennent, comme la vertèbre figurée parM. Owen, à la pardè
postérieure de la queue. Qu’on juge d’après leurs dimeJTon
ce que pouvait être la longueur de cette partie de “a" ,
C. tte Srande longueur se coordonne au surplus avec les dimen
s.ons des os de l’un des membres postérieurs qui accomna-"
gnaieni ces vertèbres. De toutes les manières on arrive à un
animal de taille véritablement gigantesque.
Je n’entrevois pas la possibilité de faire entrer les vestiges
•;'r t/)anS,1’Un des Senres connus- sauf erreur rie ma
part,, doit donc donner lieuàla création d’un genre nouveau
auquel, à raison de la haute taille que devait avoir cet animal’
J® , °"ne Ie nom d’#ypMlosaurw. Le grand Saurien de Rognac
sera donc pour moi VPypselosaurus prisons 6
L ’Hypsélosaure était probablement un animal aquatique de
la famille des grands Crocodiliens. Sa queue ne devait pas être
comprimée sur les côtés comme celle des Crocodiles Son
système dentaire est à connaître. L’absence du canal médul-
aire dans les os longs ne permet pas de penser que cet ani"
mal était terrestre comme l’était l'Iguanodon.
fmfVeC les Stents débris osseux dont je viens de parler se
trouvaient deux grands segments de sphère ou d’ellipsoïde
tres-émgmatiques. à l’examen desquels plusieurs mlAnntni
« NOTE DE M. MÂTHERON.
791
bien considéré, il paraîtrait que ce sont deux fragments d’œuf,
probablement de Y Hypselosaurus prisons. Ces œufs étaient plus
gros que ceux du grand oiseau auquel Geoffroy Saint-Hilaire a
donné dans le temps le nom d ' Æpyornis.
Je donnerai, dans une autre circonstance, une description
détaillée de mes deux échantillons, avec dessins à l’appui.
5. Reptiles de la partie supérieure de l'étage de Rognac.
Les reptiles dont il me reste à parler proviennent de cou-
ches marneuses lacustres, qui ont été traversées par le souter-
rain de la Nerthe9 par lequel on sait que le chemin de fer de
Paris à la Méditerranée passe du bassin de Fuveau, dans le-
quel se trouve Rognac, dans le bassin de Marseille. Ces cou-
ches dépendent du littoral du bassin de Fuveau et sont situées
sur l’horizon géognostique et paléontologique des couches su-
périeures de l’étage de Rognac.
Les ossements étaient extrêmement nombreux dans ces
marnes; mais presque tous ceux qui ont été recueillis, à
l’époque des travaux du chemin de fer, sont plus ou moins
fracturés.
Voici, dans son ensemble, le résultat de l’étude que j’ai faite
de ces divers vestiges de reptiles :
Chélomens. — Des fragments indéterminables de deux es-
pèces. Une, dont la carapace était chagrinée par d’assez fortes
granulations, et une autre, dont je possède des vestiges de la
colonne vertébrale avec quelques portions de pièces costales,
qui avait la carapace non chagrinée et probablement couverte
d’écailles.
Crocodiles. — 11 y avait dans les couches dont il s’agit des
débris d’une espèce nouvelle de Crocodile à laquelle je donne
le nom de Crocodilus vetustus , et dont je possède les pièces
suivantes :
A. Plusieurs dents appartenant à diverses parties des maxil-
laires. Les dents postérieures ont une couronne obtuse qui est
séparée de la racine par un étranglement, et qui offre au som-
met de légères rugosités rayonnantes. Ces dents, ainsi que
celles qui sont côniques, diffèrent de celles du Crocodilus
a[fuvelensis et sont un peu moins grandes qu’elles.
B. Moitié inférieure d’un fémur gauche dont les condyles,
surtout l’interne, sont en partie fracturés. L’os entier devait
avoir environ 23 centimètres de longueur; il appartenait con-
séquemment à un animal de 3 mètres de longueur.
C. Partie supérieure d’un fémur gauche, plus [petit que le
792
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869,
précédent, cassé un peu en dessous de la tête supérieure. Par
son éminence ou tubérosité trochantérienne, cet os diffère au-
tant du fémur du Crocodilus Blavieri que de celui du Crocodilus
affuvelensis.
I y avait, avec les restes de Chéloniens
et avec ceux du Crocodile précités, de nombreux fragments
d’os de Sauriens qu’il ne m’a pas encore été possible de dé-
terminer; ils seront l’objet d’une étude ultérieure.
Binosaunens. — Mais ce qui doit surtout exciter un bien
grand intérêt, c’est qu’il y avait aussi, parmi les débris osseux
enfouis dans les marnes lacustres de la Nertbe, les restes d’un
grand reptile terrestre nouveau qui avait les plus grands rap-
ports avec 1 Iguanodon et auquel à raison de ses dents canne-
lées je propose de donner le nom générique de Rhcibdodon.
Ce Rhabdodon avait un système dentaire, du mode pleuro-
donte, analogue à celui de, V Iguanodon. Les dents n’étaient pas
logées dans des alvéoles distinctes. Elles étaient toutes situées
dans une losse alvéolaire commune, et adhéraient, par un des
côtés de leur racine, à la face interne de l’os de la mâchoire.
Elles étaient comprimées, festonnées sur leurs bords supé-
rieurs, régulièrement cannelées sur la moitié supérieure de
leurs faces latérales et irrégulièrement onduleuses en travers,
dans leur partie inférieure.
Je possède de cet animal un certain nombre de pièces dont
la description dépasserait de beaucoup les limites de cette
note (1). Je ne parlerai donc ici que des principales, au nombre
desquelles se présentent en première ligne divers fragments du
maxillaire inférieur.
A. Maxillaire inférieur. — A en juger par deux des frag-
ments que je possédé, qui appartiennent à la partie postérieure
de la mâchoire, l’un du côté gauche et l’autre du côté droit,
le maxillaire inférieur du Rhabdodon , comme celui de V Igua-
nodon, était remarquable par le parallélisme de ses bords su-
périeur et inferieur et par la présence de dents jusqu’au point
où l’os se relève assez brusquement pour former l’apophyse
coronoïde ; j ignore si, comme dans l 'Iguanodon, la partie anté-
rieure du maxillaire était dépourvue de dents et si elle était
(1) J’en ai donné des descriptions assez détaillées, avec dessins à l’appui,
dans une notice que j’ai lue à l’Académie de Marseille le 1er avril, et qui
est sous presse.
NOTE DE M. MATHEHON. 793
coupée en biais. Par analogie il est permis de penser qu’il en
était ainsi.
La surface extérieure au lieu d’être, comme dansl 'Iguanodon,
verticalement un peu concave vers le haut, est convexe ou su-
banguleuse dans son ensemble, divisée qu’elle est en deux par-
ties presque planes, qui forment entre elles un angle obtus, à
sommet arrondi. On remarque vers le bas de la partie supé-
rieure, c’est-à-dire, un peu au-dessus de l’angle obtus décur-
rent situé vers le milieu de l’os, des trous analogues à ceux qui
existent dans Y Iguanodon, avec cette différence, que dans le
maxillaire inférieur de cet animal ces trous sont situés presque
sur le bord supérieur de l’os, et que, toute proportion gardée, ils
sont plus rapprochés les uns des autres. La surface extérieure
de l’os est sensiblement lisse.
La fosse alvéolaire repose sur une saillie de l’os dentaire.
Elle est formée au fond par une sorte de rainure qui existe au-
dessus de cette saillie, d’un côté par la partie supérieure de
l’os dentaire et de l’autre par unoperculaire qui s’élève jusqu’à
la hauteur du bord supérieur du maxillaire. Il suit de là que
les dents ne sont apparentes que par leur sommet et qu’on ne
peut les observer qu’en enlevant l’os operculaire.
On voit au-dessous de la saillie supportant la fosse alvéolaire
le canal mandibulairequiest à découvert, et dont la profondeur
augmente à mesure qu’il s’approche de la partie postérieure
du maxillaire.
Les dents sont nombreuses, presques contiguës. On en voit
de toutes les dimensions, ce qui permet de supposer que leur
accroissement et leur remplacement s’effectuaient de la même
manière que dans Y Iguanodon. La plus grande des dents exis-
tantes sur mes échantillons a une longueur d’avant en arrière
de 2 centimètres.
La hauteur verticale des maxillaires que j’ai sous les yeux est
exactement la moitié de celle du maxillaire inférieur de
Ylguanodon,. d’où il faut conclure, ou que les fragments de
maxillaire que je possède ont appartenu à de jeunes Rhab-
dodons , ou, que toute proportion gardée, la tête de cet animal
était relativement moins grande que celle de Ylguanodon. 11 est
probable que la seconde de ces hypothèses se rapproche da-
vantage de la vérité que la première.
B. Une vertèbre dorsale ou lombaire fracturée et déformée.
Elle est légèrement bi-concave. Son trou vertébral est grand.
On y aperçoit une partie de l’apophyse épineuse, une portion
794
SÉANCE DU 49 AVRIL 1869.
de l’une des apophyses transverses, des vestiges de l’une des
apophyses articulaires postérieures, etles deux apophyses arti-
culaires antérieures, dont l’une, la gauche, est en très-bon état.
L’articulation de deux vertèbres consécutives s’effectuait
comme dans les crocodiles; c’est-à-dire que les apophyses ar-
ticulaires antérieures d’une vertèbre étaient extérieures et in-
férieures par rapport aux apophyses articulaires postérieures
de la précédente vertèbre.
La face articulaire du corps de la vertèbre est un peu ellip-
tique dans Je sens vertical. Sa largeur est de 6 centimètres.
Cette vertèbre est d’une grandeur égale aux 2j3 de celles
des vertèbres analogues des Iguanodons. On n’aperçoit pas de
traces d’une apophyse inférieure.
C. Un fragment de sacrum dans lequel on voit deux ver-
tèbres, avec leurs apophyses articulaires et leur partie annu-
laire, et la moitié d’une troisième vertèbre. Toutes ces pièces
sont adhérentes entre elles par ankylosé.
La longueur des vertèbres est de 5 centimètres, c’est-à-dire,
les 2|3 de la longueur de celles qui existent dans le sacrum des
Iguanodons.
Cet échantillon démontre à lui tout seul que le Ehabdodon
était un Dinosaurien.
D. Une vertèbre caudale postérieure. Cette vertèbre est légè-
rement bi-concave. Elle est évidée au milieu, un peu déprimée
dans le sens transversal. L’exiguïté de son trou vertébral prouve
qu’elle appartient à la dernière moitié de la queue. On voit au-
dessus quelques traces d’apophyses. Elle a 8 centimètres de
longueur, c’est-à-dire, que ses dimensions sont les 2j3 environ
de celles des vertèbres analogues des Iguanodons.
E. Un fragment de vertèbre caudale du milieu de la queue
avec des vestiges d’une longue apophyse épineuse.
F. Un humérus droit dont la tête supérieure est fracturée
et qui devait avoir environ 29 centimètres de longueur. Il a les
plus grands rapports avec l’humérus de l 'Iguanodon.
G. La moitié supérieure d’un fémur droit qui a aussi les
plus grands rapports avec le fémur de l 'Iguanodon. On voit sur
l’un des côtés de sa tête un trochanter en crête qui se détache
un peu de l’os et qui ensuite le courbe. Un autre trochanter
existe sur l’un des côtés de l’os, vers le milieu de sa lon-
gueur, au point oii il présente une facette déprimée qui
forme en quelque sorte méplat.
Cet os devait avoir environ 50 centimètres de longueur.
NOTE DE M. MATHEHON. 795
H. La partie inférieure d’un tibia droit qui devait avoir près
de 50 centimètres de longueur.
En résumé, on voit que le Reptile que j’inscris dans mon
catalogue sous le nom de Rhabdodon priscum était un animal
terrestre très-voisin des Iguanodons.
La présence inattendue de ce Dinosaurien et du gigantesque
Hypselosaurus dans l’étage de Rognac reporte naturellement
notre pensée sur inintéressante et difficile question de l’appari-
tion successive des types organiques. Si nous sommes à cet
égard dans la plus complète ignorance, l’observation nous
a-t-elle du moins fait reconnaître que le développement de
tous ces types à travers les divers âges du monde paléontolo-
gique ne paraît pas s’être effectué d’une manière intermit-
tente, c’est-à-dire, que tout porte à croire qu’il n’y a jamais eu
de réapparitions de types éteints et que par suite les solutions
de continuité qui semblent quelquefois exister seront peu à
peu comblées à mesure que se multiplieront d’avantage les
recherches paléontologiques?
S'il en est ainsi, on peut à bon droit se demander jusqu’à
quel point il est possible d’admettre que la chaîne des grands
Crocodiliens et celle des Dinosauriens aient été interrompues
dans le commencement de la période crétacée pour se re-
nouer plus tard à l’époque de Rognac? On peut se demander,
en d’autres termes, si la solution de continuité qu’on remarque
ici ne serait pas plutôt apparente que réelle et si elle ne tien-
drait pas autant à l’insuffisance des observations qu’à la rareté
des débris organiques ayant appartenu aux animaux qui for-
maient le lien entre les grands reptiles des deux époques.
Quoiqu'il en soit de cette question, il est du moins certain
que l’existence des débris de ces grands reptiles dans diverses
couches de la série fluvio-lacustre du bassin de Fuveau donne
à ces couches un caractère d’antiquité devant lequel, je l’es-
père, s’évanouiront tous les doutes.
Le Secrétaire rend compte de la communication suivante
de M. le Br Toucas :
796
SÉANCE DU 19 AVRIL 3889.
Description géologique et paléontologique du canton du Beausset
( Var) et de ses environs; par M. R. Toucas (PI. YI).
Une série de vingt-sept étages se sont succédé depuis la fin
des terrains azoïques. En suivant la division des étages de
notre illustre et regretté ami Alcide d’Orbigny, nous trouvons
dans ce canton treize terrains, en commençant par le con-
chylien et finissant par le fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb.
La première période de Panimalisation manque.
La deuxième période : triasique, comprend :
5e étage : Conchylien. — 6e étage : Saliférien (1).
Troisième période .-jurassique.
7e étage : Infra -lias. — - 8e étage : Liasien. — 9e étage : Toar-
cien. — 10e étage : Bajocien.
Quatrième période : crétacée.
. 17e étage ; Néocomien. — 18e étage : Aptien. — 19e étage : Al-
bien. — 20e étage ; Cénomanien. — » 21e étage : Turonien. — -
22e étage : Sénonien.
Cinquième période : tertiaire.
24e étage : Fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb.
Nous ajoutons les alluvions anciennes et modernes.
Le Beausset, au centre des terrains crétacés et assis sur le
grès vert mornasien, se trouve à 200 mètres au-dessus du niveau
de la mer.
La longueur du canton est de 31 kilomètres, à partir de la
pyramide des ingénieurs géographes au nord-est, jusqu’à la
mer, près le port d’Alon. Sa largeur est de 25 kilomètres,
prise à la Barralière, bergerie de Turben à l’est, jusqu’à la
bastide du Pin à l’ouest.
Ce canton est, sans contredit, l’un des plus riches en fossiles
de notie département. Dans un tableau général, nous ferons
connaître les lieux qu’ils occupent, leurs noms génériques et
spécifiques, et les erreurs qui se sont glissées dans la Paléon-
tologie française à. Alcide d’Orbigny, erreurs involontaires, occa-
sionnées à la suite des mélanges qui ont eu lieu dans les
envois.
Le muschelkalk commence l’échelle géognostique du can-
ton, et le suessonien la finit.
(1) Cet étage ne renferme que des marnes irisées et des gypses.
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796
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
Description géologique et palêontologique du canton du Beausset
( Var) et de ses environs ; par M. R. Toucas (PI. YI).
Une série de vingt-sept étages se sont succédé depuis la fin
des terrains azoïques. En suivant la division des étages de
notre illustre et regretté ami Alcide d’Orbigny, nous trouvons
dans ce canton treize terrains, en commençant par le con-
chylien et finissant par le fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb.
La première période de Panimalisation manque.
La deuxième période : triasique, comprend :
5e étage : Conchylien. — 6e étage : Saliférien (1).
Troisième période .'jurassique.
_ 7e étage : Infra -lias. — 8e étage : Liasien. — 9e étage : Toar-
cien. — 10e étage : Bajocien.
Quatrième période : crétacée.
. 17e étage : Néocomien. — 18e étage : Aptien. — 19e étage : Al-
bien. 20° étage ; Cénomanien. — 21e étage : Turonien. —
22e étage : Sénonien.
Cinquième période : tertiaire.
24e étage : Fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb.
Nous ajoutons les alluvions anciennes et modernes.
Le Beausset, au centre des terrains crétacés et assis sur le
grès vert mornasien, se trouveà200 mètres au-dessus du niveau
de la mer.
La longueur du canton est de 31 kilomètres, à partir de la
pyramide des ingénieurs géographes au nord-est, jusqu’à la
mei, près le port dAlon. Sa largeur est de 2o kilomètres,
prise à la Barralière, bergerie de Turben à l’est, jusqu’à la
bastide du Pin à l’ouest.
Ce canton est, sans contredit, l’un des plus riches en fossiles
de noiie dépai tement. Dans un tableau général, nous ferons
connaître les lieux qu’ils occupent, leurs noms génériques et
spécifiques, et les erreurs qui se sont glissées dans la Paléon-
tologie française d’ Alcide d’Orbigny, erreurs involontaires, occa-
sionnées à la suite des mélanges qui ont eu lieu dans les
envois.
Le muschelkalk commence l’échelle géognostique du can-
ton, et le suessonien la finit.
(1) Cet étage ne renferme que des marnes irisées et des gypses.
Bull de la Soc ■ Gml . de France
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Note de MV T OU CAS _ Sur la géologie et la paléontologie du Beansset (Var)
2™e Série, 71 XXVI, PL FJ, Page 796
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NOTE DE M. TOUCAS.
797
DEUXIÈME GRANDE ÉPOQUE DE L’ANIMALISATION DU GLOBE.
PÉRIODE TRIASIQUE.
Cette époque commence avec le grès bigarré et finit avec
les marnes irisées.
5e étage : Conchylien , d’Orb.
Au Beausset, ce terrain est compris dans un massif, qui
renferme une vingtaine de coteaux plus ou moins accidentés.
Son périmètre est d’environ 11 kilomètres.
Ce massif, formant un cercle irrégulier, commence au quar-
tier de Bon; il comprend le Réal-Martin, le Cas, le plateau
de la Marne, la colline qui la domine, les deux Canadeau, le
grand escarpement de la Migoi, la campagne des Pères, les
Cambeirons, les gypsières du Vieux-Beausset, et enfin aux
Venturones qui s’étendent jusqu'aux ruines du moulin à vent
de Bon.
Terroir du Castelet , quartier du Cas , plateau de la Marne. —
La maison de campagne de la Marne donne son nom à ce pla-
teau. Il offre un escarpement au nord, au-dessus du défilé de
Gavari; son étendue est de 200 mètres, et sa largeur de 80. Sa
surface, presque plane à l’est, est très-inclinée à l’ouest. Le sol
est marno-argileux, de couleur jaunâtre, la même que celle
des galets remaniés sur place. On y trouve souvent des coquilles
fossiles liées ensemble.
Vers le milieu de ce champ se voit une petite cabane en
ruines, montée en pierres sèches, et sur laquelle on trouve
de beaux fossiles. Les murailles, entre-croisées en tous sens,
sont montées par des calcaires conchyliens, pris sur place; sur
leur surface saillent des articulations d’Encrines de l’espèce
liliiformis.
Sur des conglomérats jaunâtres se montrent des fossiles peu
reconnaissables; sur des lumachelles de Térébratules s’y trouvent
quelquefois des Myophoria curvirostris. Les mollusques, que l’on
trouve dans les marnes, sont les mieux conservés. Les plus
communs sont la Terebratula commuais , dont deux ou trois iné-
dites, la Lima regularis et ses variétés, la Gervillia socialis , le
Ceratites nodosus, etc., etc. A la fin de l’étage, nous compléte-
rons les genres et espèces de coquilles fossiles que l’on peut
récolter sur ce plateau. C’est d’après les beaux et remarquables
798
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
fossiles que l’on y a recueillis que M. Alcide d’Orbigny en a
fait son second type français.
La petite colline qui domine le plateau de la Marne présente
au nord-est une pente douce, et au sud-ouest un escarpement,
d’où se détachent des gros blocs calcaires, qui, pendant les
orages violents, entraînent après eux les vignes et les oliviers,
et tout ce qui se trouye sur leur passage. La perspective noi-
râtre de ces roches, jointe à la verdure des pins, forme un
contraste frappant. Ces roches n’offrent aucune trace d’orga-
nisation.
Le muschelkalk au défilé de Gavari, immédiatement au-des-
sous de l’escarpement du plateau, s*’élève sans interruption
au-dessus de la source de Rouve, et va former sur le point
culminant de Cambeiron une des assises les plus puissantes
de notre département. Là se montre une grande faille qui
sépare les couches calcaires du conchylien d’avec les roches
sédimentaires de Pinfra-lias. On y voit encore les mêmes bra-
chiopodes de la Marne.
A Toulon, les schistes micacés et talqueux, ainsi que le nou-
veau grès rouge et vosgien, sont placés sous le grès bigarré. La
même superposition a lieu au Beausset; nous trouvons de plus
les poudingues à noyaux de porphyre à la hase de ce grès; ils
ont une faible épaisseur.
Le grès bigarré porte ce nom à cause des diverses couleurs
qu’il présente et qui sont dues à des sels de fer. Ils sont mar-
quetés de taches noirâtres ; on en voit qui ont sur leurs surfaces
un grand nombre de petits fragments noirs, les uns en dicho-
tomie, les autres aplatis prenant la forme de crayons. Nous
pensons que ces empreintes ont dû appartenir au règne végétal.
Le grès bigarré est isolé à Cambeiron, où il est recouvert par les
calcaires conchyliens. Ce grès est très-peu coquillier ; il repré-
sente le littoral de la mer concnylienne; on y voit des den-
drites. Nous avons trouvé des os de sauriens et trois spécimens
d eWoltzia brevi folia. Les couches du grès bigarré sont minces
dans des localités et épaisses dans d’autres; leur ensemble
donne l’épaisseur de 125 mètres. Nous avons reconnu sur ce
grès la trace de pas d’animaux, mais nous n’avons pu les
rapporter à aucune division du règne animal.
Le grès bigarré a été dérangé par trois failles au massif du
Vieux-Beausset. Ces failles existent aussi dans Tinfra-lias. La
première, qui est plus petite, se montre à Bon; elle doit avoir
eu lieu pendant la fracture des calcaires de cette localité. Elle
NOTE DE M. TOUCAS.
799
est séparée des marnes irisées et de l’infra-lias qui occupent
la partie supérieure de la colline. La moyenne, qui est la plus
grande, divise les marnes irisées et les gypses à mi-côte, à la
platrière de Déprat. La troisième occupe la partie la plus élevée
sur laquelle est bâti l’ermitage; elle est presque en totalité
dans Pinfra-lias, excepté au sud de la colline, où les marnes et
les gypses sont séparés des calcaires d muschelkalk de Gain-
beiron. Ces trois cassures sont dirigées du nord au sud; elles
ont pour premier alignement les gypses, au versant septentrio-
nal du Vieux-Beausset, et pour le deuxième les marnes irisées,
au versant méridional. Ces trois systèmes de failles descendent
jusqu’à la base du grès bigarré, au midi des quartiers de Bon
et de Bouve, et chacune d’elles signale une source; la plus
petite est celle du Noyer; celle du milieu est indiquée près d’un
aqueduc que l’on voit à mi-côte sur le chemin de l’ermitage.
Les eaux de ces deux sources ne sont pas potables; elles sont
très-chargées de sulfate de chaux. La troisième est la plus abon-
dante; le quartier de Rouve lui donne son nom. L’eau de
cette source doit lui arriver des marnes irisées du Vieux-Beaus-
set et des couches marno-argileuses de Cambeiron, du côté du
midi. Elle est bonne pour la cuisson et est très-agréable à boire.
La plus grande fracture a donné son relief aux calcaires
isolés et coquilliers de Cambeiron.
La seconde signale l’ermitage avec l’infra-lias qui le couronne,
La troisième désigne les calcaires du muschelkalk de Bon
plongeant à l’ouest.
Il y a bien d’autres failles. Ce n’est qu’à la description des
terrains respectifs que nous les indiquerons.
Nous ne devons pas clore la description du grès bigarré; il
se présente encore au-dessus de la maison de campagne de
M. Caudier et de la propriété la Galone, immédiatement au-
dessus du chemin qui va du Beausset au Castelet. Ici ce grès
est chargé de carbonate de chaux; on voit sur le tertre qui
domine le chemin un grès traversé par des veines blanchâtres.
C’est ce carbonate qui s’est concentré et cristallisé dans ses
fentes. Pour compléter la minéralogie de l’étage, nous dirons
que les calcaires conchyliens sont compactes, durs, bleuâtres;
ils représentent la partie sédimentaire marine de la mer con-
chylienne, et le grès bigarré les parties terrestres de l’époque.
Ces deux séries de couches ont une intimité bien suivie. Là où
s’est déposé le grès, le calcaire s’y superpose en stratification
concordante.
800
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
A la Marne, le calcaire a une épaisseur de 3 mètres ; au-dessus
de la source de Rouve, à la cime de Gambeiron, elle est de
20 mètres, et de 35 mètres au-dessus de la source de Fons-Vive.
Nous pourrions porter au décuple son épaisseur.
Les roches dolomitiques sont granuleuses, grisâtres, avec
des cristaux de chaux entre les fissures; elles changent de cou-
leur selon les lieux. La surface de ces roches est bosselée et
bombée en forme de choux-fleurs. Les roches magnésiennes
succèdent aux roches à chaux carbonalée; elles sont blan-
châtres, à grain fin, rougeâtres et cloisonnées, selon les lieux
les géodes ou cellules qu’elles offrent sont rhomboïdales et
remplies en partie ou en totalité de marnes argileuses.
Dans ce système de couches, la magnésie est assez abon-
dante. La grande plâtrière d’Imbert à Gavari se trouve à la base
de ces couches. A celles-ci succèdent les calcaires caverneux
ou à cargneules, dont a fait mention M. Thirria; ils sont très-
développés au-dessus des marnes irisées, sur le bord du chemin
de l’ermitage, propriété Suquet. A la base de ce système de
couches, on voit une roche feuilletée, d’un gris plombé, dont
les surfaces sont tapissées de dendrites.
Au pont de l’Escaillon, près de Toulon, se montre une roche
coquillière, qui oscille d’un à deux mètres sur une longueur
de cinq. Elle est entièrement formée de Terebratula communis ;
elles ont entre elles fort peu de matières agglutinavives. Nous
pensons que dans le fond de la mer conchylienne de ce temps
si reculé, il a dû y avoir de forts courants d’eau, qui ont en-
traîné dans ce lieu ces masses innombrables de brachiopodes,
des mêmes genre et espèce, sans mélange aucun. Nous ajoutons
que les ouvriers, en déblayant le chemin, ont dû en enlever
les deux tiers.
Sans aller bien loin, on peut étudier les roches du muschel-
kalk sur le chemin du Beausset au Castelet, au-dessus de la
propriété la Galone. La plupart sont en place ou servent de
murs à la vigne et aux oliviers. Le sol est marneux, le tertre
qui le domine offre des roches blanchâtres, rouges de lie de
vin et grisâtres. Immédiatement au-dessous de l’infra-lias, la
colline du Vieux -Beausset renferme de vastes magasins de
plâtre. Le gris est le seul exploité; le rouge et le blanc ont une
faible épaisseur. La puissance du gris est de 40 mètres sur une
longueur de deux kilomètres.
Jadis l’exploitation se faisait sur une grande échelle; actuel-
lement elle est très-restreinte. Nous n’en connaissons pas la
NOTE DE M. TOUCAS.
801
cause. Tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que les roches
gypsifères affleurent en des endroits encore intacts. On compte
dans le canton huit ou neuf carrières de gypse exploitées.
L’une des plus grandes est celle d’Imbert, près Gavari. Elle
nous a offert des cristaux gypseux translucides, comme ceux
que l’on trouve à Montmartre, près de Paris.
Les gypses et les marnes irisées au-dessous de l’infra-lias
doivent être compris dans l’étage saliférien. Toutes ces couches
de roches n’offrent aucune trace d’organisation.
Les marnes irisées sont fortement chargées de pyrites de fer;
elles ont éprouvé une décomposition. Le bitume a été détruit
par l’acide sulfurique, dû au sulfure de fer, et la majeure partie
du carbonate a été transformée en gypse nuancé de diverses
couleurs.
Les marnes irisées suivent les allures de l’infra-lias ; elles
font partie de la grande époque du trias. Elles ont une épais-
seur de dix-huit mètres, et varient de couleur comme le grès
bigarré.
Plusieurs sources sortent de ces marnes. Nous nommerons
la principale, qui alimente en partie les fontaines du Beausset.
C’est celle de Fons-Vive. Les eaux de cette source lui arrivent
dans un bassin commun par trois voies différentes : 1° par les
argiles marneuses de la Migoi; 2° par les grès et marnes cal-
caires du conchylien de Cambeiron; 3° par les eaux des réser-
voirs naturels du sénonien qui dominent cette source, au-dessus
de la maison de campagne des Hoirs-Olivaux.
Les puits ne manquent pas dans le Beausset. La plupart de
leurs eaux sont chargées de sulfate de chaux; elles ne sont pas
potables. Les eaux de fontaines ou de puits, qui sont alimen-
tées par les terrains turonien et sénonien, sont plus légères et
agréables au goût; mais pendant les années de sécheresse
presque toutes les sources tarissent, de quelque terrain qu’elles
arrivent.
Trois points remarquables se font voir sur le muschelkaîk.
Le premier se voit au Cas avec ses calcaires noirâtres dont
nous avons fait mention. Le second au Montpibernon, sous
l’ancien télégraphe aérien de la Cadière. Le troisième à la Buse,
plateau du Castelet. Ils forment un triangle très-espacé, plon-
geant tous les trois sous le bassin commun du Castelet et de
la Cadière. Les deux terrains crétacés, turonien et sénonien, et
le terrain tertiaire fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb.,se super-
posent en stratification transgressive et lui 'servent de toit.
Soc. géol., 2e série, tome XXVI, SI
802
SÉANCE BU 19 AVRIL 1869.
Massif commun du trias. — Ses rapports avec les terrains crétacés
cénomanien , turonien et sénonien .
Dans toute son étendue, le trias est recouvert par le céno-
manien en stratification discordante. Le conchylien a le turo-
nien au pied, et le sénonien lui sert de ceinture. Ces deux der-
niers étages suivent les inflexions du conchylien. Sur le plateau
du Castelet, au Montpibernon et à Fontainieu, terroir de la
Cadière, on y trouve en plus le suessonien fluvio-lacustre.
Ici, le muschelkalk a encore sur lui le mornasien de M. Co-
quand; les deux derniers membres de la craie occupent la
même place qu’au massif.
Le suessonien suit toutes les allures du sénonien et le re-
couvre en stratification concordante.
Depuis la fin de l’époque conchylienne jusqu’à la fin du turo-
nien, il existe pour ce dernier une lacune de seize étages; elle
est de dix-sept pour le sénonien et de dix-neuf pour le suesso-
nien. Les lacunes en plus pour cet étage viennent de l’absence
du danien.
Nous disons à priori : 1° les calcaires conchyliens du massif
communiquent avec leurs congénères d’Ollioules et de Toulon
à l’est, en plongeant sous les calcaires néocomiens des gorges
d’Ollioules; 2° au nord-ouest avec ceux du plan d’Aups et de
Saint- Maximin, en plongeant sous les terrains jurassiques et
crétacés de la Sainte - Baume; 3° au nord-est avec ceux de
Signes, en plongeant sous les trois derniers terrains crayeux
et le suessonien à Gyclades fluviatiles. Enfin, le muschelkalk
se lie avec ses congénères des pays susnommés, et forme avec
eux un tout où finit l’extrémité continentale et occidentale de
Pilot du Var.
Nous comprenons dans le terrain du trias du canton : le grès
bigarré, les calcaires, les couches marno-argileuses, et les
marnes irisées et gypses de Signes, des Baumelles,de Fontai-
nieu, du Patoir, sur les limites de la Cadière et de Bandol.
On peut évaluer la puissance du trias du canton à 799 mètres.
Les discordances, les fractures et les isolements du muschel-
kalk, que nous avons cités entre la fin de cette époque et le
commencement du premier terme jurassique sinémurien, sont
arrivés pendant le système du Thuringervald, du Bœhmervald-
Gebirge, du Morvan de M. Éiie de Beaumont, système dont la
direction est de l’ouest 40° nord, à l’est 40° sud.
NOTE DE M. TOUCAS.
803
TROISIÈME GRANDE PÉRIODE DE L’ANIMALISATION DU GLOBE. —
TERRAINS JURASSIQUES.
7e Étage. * — V infra-lias remplit en partie la lacune du calcaire à
Gryphées arquées de MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont.
En 1866, dix ans après notre découverte de Pinfra-lias (1), à
un kilomètre à l’est du vieux Beausset, dans le quartier de la
Migoi, nous avons encore reconnu un autre lambeau infra-
liasique; il repose en stratification transgressive sur le Mus-
chelkalk.
8e Etage. — ■ Liasien , d’Orb. — Le deuxième de la série
Jurassique.
Le liasien est assez développé au versant méridional de la
Sainte-Baume, dans une partie de la plaine et sur lemont-Pa-
radis. Le sol est argileux; nous y avons recueilli des Ammo-
nites margaritatus et spinatus. Les roches sédimentaires sont
grisâtres et brunâtres, presque entièrement formées d’Ostrea
cymbium major. Les calcaires se désagrègent pendant les
années pluvieuses; ils s’étendent du sud au nord au-dessus du
Latay, près des glacières; ils changent de direction de l’ouest
à l’est et plongent sous le toarcien dans le vallon de Tailîane,
au nord du village de Signes. Dans ce vallon les couches lia-
siennes ont éprouvé des plissements remarquables; les fossiles
mêmes sont très-comprimés. Ces couches s’étendent à mi-
côte sur toute l’étendue de la chaîne; on y trouve les Terebra-
tula numismalis , Rhynchonella acuta , Lima punctata , etc.
A Tailîane, aux limites de cet étage, nous avons recueilli le
Pecten œquivalvis , YOstrea cymbium minor , une jolie Ammonite
nouvelle et un Pecten qui a quelque analogie avec le Pecten
lens ; mais celui-ci occupe un horizon plus élevé.
Cet étage se montre au bord de la mer, entre Saint-Nazaire
et Bandol; nous ne faisons que le citer, car il a déjà été décrit
par divers géologues. Nous dirons que nous y avons récolté
beaucoup de fossiles, tels que Rhynchonella varians , une grande
Bélemnite, une Ostrea cymbium major avec ses ornements an-
ciens très-curieux ; nous y avons recueilli trois Lima , la punc-
tata dans le liasien, la gigantea , rare, dans le toarcien, et la
Lima heteromorpha , très-commune à la base de l’étage bajo-
cien, etc.
j (1) Voir Bulletin de la Soc • gèoh de France , 2e série, XXIII, 13,
804
SÉANCE DU 19 AVRIL 186 .
Dans la commune de Riboux, au pied de la Sainte-Baume,
Pétage repose en stratification discordante sur le muschelkalk.
La puissance du lias moyen à la Sainte-Baume est moins
grande qu’à Taillane, où elle peut être évaluée à 95 mètres.
9e Étage. — Toarcien , d’Orb. — Le 3me de la série jurassique.
Le lias supérieur est le plus étendu de la série dans notre
département; il se montre sur le rivage de la mer entre Saint-
Nazaire et Bandol, dans le vallon de Vallongue, au-dessus du
mont Paradis, à Taillane, à Belgentier, à Valcros, prés Cuers,
au Puget, à Carnoules, où sont les plus beaux fossiles, à Pi-
gnans, à Gonfaron, au Luc et à Vidauban. Nous croyons
que ses limites se trouvent entre ces deux derniers pays.
Il recouvre le liasien ou lias moyen en stratification con-
cordante. Le calcaire est compacte, grenu, brunâtre et
noirâtre; il change de couleur et devient jaunâtre et prend la
forme oolithique au contact de Pétage bajocien. Les bancs
varient d’épaisseur selon les localités. Dans les couches cal-
caires se trouve la riche faune de l’époque. Parmi les cépha-
lopodes : les Belemnites canaliculatus et tripartitus , Ammonites
radians , serpentinus , insignis , Calypso , etc. Parmi les gastéro-
podes : les genres Turbo , Cerithium , etc. ; parmi les brachio-
podes : la Rhynchonella teiraedra et un bon nombre de Térébra-
tules, etc. Tous ces fossiles nous les avons recueillis entre
Saint-Nazaire et Bandol, à Valcros et à Taillane.
L’épaisseur de l’étage est de 315 mètres.
10e Étage. — Bajocien , d’Orb. — Le 4e de la série jurassique.
C’est le dernier étage qui se montre dans le canton. Il se
montre au versant sud de la Sainte-Baume, au-dessus et près
des Glacières, à Taillane, entre ce vallon et Mazaugue. Iln’y a
pas d’étage dans la partie moyenne de la série jurassique dont
la minéralogie change plus d’aspects et de variations dans les
roches. Cependant la nature oolithique est celle qui lui est la
plus caractéristique. Dans ce système la roche est formée à sa
base de grains de forme lenticulaire; elle est souillée d’oxyde
de fer, qui attaque le calcaire; sa couleur jaunâtre domine les
autres.
A la Sainte-Baume, ce calcaire est grisâtre et brunâtre dans
la plupart des couches; il présente à sa base des Fucus et
NOTE DE M. TOUCAS.
805
autres traces de végétaux agames. Entre Bandol et Saint-
Nazaire nous avons extrait d’un calcaire blanchâtre le Belem -
nites canaliculatuSy 1 ’ Ammonites subradiatus ; parmi les gastéro-
podes, un Turbo ; parmi les lamellibranches, une Pholadomya
et une Lyonsia; cette dernière, nous l’avons recueillie dans une
couche marno-argileuse jaunâtre au-dessus du rivage* à quel-
ques cents mètres avant d’arriver à la Gride. Tout près de
cette localité, sur le rivage battu par les eaux, se montrent des
Ostreciy des Pecten, des Turbinolia et des quantités de mollusques
fossiles. Au-dessus de la colline qui domine Bandol nous
n’avons pas trouvé de fossiles. Dans le vallon de Yallongue
nous avons trouvé un grand nombre deTérébratules, et parmi les
lamellibranches le Pecten Erebus et une Pholadomya fidicula.
Nous tenons des Maulines, et du haut du vallon deTaillane, les
brachiopodes tels que : Terebratula globata , spheroidalis , bul -
lata , etc.
Les affaissements et dislocations qui se montrent à la base
de l’étage, près de Mazaugue, au nord de Signes, se présentent
encore au vallon de Valcros près de Cuers.Là, dans le toarcien,
nous avons recueilli les Ammonites serpentinus et bifrons et la
Rhynchonella tetraedra. Ces espèces sont très-communes à Val-
cros. Dans le Bajocien de cette localité nous avons récolté les
mêmes brachiopodes qu’au vallon de Taillane. Dans le petit
sentier qui longe le vallon de Valcros, nous nous sommes
aperçus des nombreuses empreintes d’un Fucus que la mer
Bajocienne y a déposé. Ce Fucus , que depuis plusieurs an-
nées M. Eugène Dumortier a fait connaître, a été nommé
Chondrites scoparius parM. Thiollière.
ÉPAISSEUR DE CHAQUE TERRAIN JURASSIQUE.
Bajocien 410 mètres.
Toarcien 315 —
Liasien 95 —
Infra-lias, ses deux lambeaux réunis 79 —
Total 899 mètres.
QUATRIÈME GRANDE PÉRIODE DE L’ ANIMALISATION DU GLOBE.
TERRAINS CRÉTACÉS.
Dans le canton une ère nouvelle commence avec l’étage
néocomien et finit après le sénonien.
806
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
On trouve les six étages en se dirigeant de Cassis vers la
Bédouîe, Cujes, la Sainte-Baume, la Dalmasse, la Barralière,
Turben, le Beausset, le Castelet et la Cadière.
w *
Etage néocomien .
Cet étage se montre dans la commune de Riboux, à la par-
tie supérieure de la Sainte-Baume, près le Saint-Pilon à Saint-
Cassian, le point le plus culminant de la chaîne; entre le
Beausset et Cujes; à l’est, dans la commune d’Événos, les
vaux d’Ollioules, le bas du chaînon du Grand-Cerveau qui en
est la suite. Ce chaînon, qu’on appelle encore Barre de la Val-
daren,est composé d’un calcaire compacte dur, blanc cristallin
vers le haut, qui appartient à l’étage aptien. A sa base
sont des couches minces de grès jaunâtres composées de
radioles d Échinodermes. Sur le chemin l’on trouve des
moules du Corbis corrugata qui descendent de la partie supé-
rieure; à gauche de ce chemin sont des couches marno-cal-
caires grisâtres et brunâtres et quantité de cailloux de toute
grandeur, qui paraissent avoir été remaniés ; ces couches et
ces cailloux appartiennent au néocomien ; ici on ne trouve
dans le néocomien que les déhris d’Échinodermes cités.
Au-dessus du pont de Simaï, à 2 mètres d’une petite source,
se montrent des calcaires brunâtres très-compactes, durs;
sur leurs surfaces se trouvent quantité de fossiles; les plus re-
marquables sont des Huîtres de plusieurs espèces, des Téré-
bratules et beaucoup de débris d’oursins; mais tous ces fos-
siles sont tellement empâtés dans la roche qu’il est très-difficile
de les extraire. Ce lieu a dû être sans doute le fond de la mer
de cette époque. Les calcaires du bas du Grand-Cerveau,
réunis à ceux de Simaï, d’Événos et de Capéou-Gros, peuvent
être évalués à 338 mètres, dont 53 d’argiles.
Les couches calcaires supérieures du néocomien de Pouest
sont inclinées de 23 degrés à l’horizon.
Dans le terroir de Riboux nous avons recueilli les mollus-
ques fossiles suivants : Ammonites radiatus , Pleurotomaria
neocomiensis , Corbis corrugata , Ostrea Couloni , etc. Nous avons
encore trouvé les mêmes genres et espèces fossiles dans les
couches argileuses de la forêt entre Cujes et le Beausset.
L’épaisseur des couches calcaires de la commune de Ri-
boux, du Saint-Pilon, de Saint-Cassian, y compris celles entre
Cujes et le Beausset, peut être évaluée à 375 mètres. Entre
NOTE DE M. TOUCAS.
807
le massif d’Événos et la chaîne de Capéou-Gros se voit une
cluse, tout près le bourg du Broussan; elle porte le nom de
Destéou. C’est là que se réunissent toutes les eaux torrentielles
du nord de ce pays, lesquelles entraînent des blocs énormes
de basalte qui vont se joindre à ceux de la petite rivière de la
Rèpe, qui s’est formé un lit entre les gorges d’Ollioules.
Les discordances, les isolements, les failles, des causes
lointaines, ont suffi pour amener la fin de la flore et de la
faune de cette époque.
M. de Villeneuve, dans son ouvrage sur la statistique de
notre département, dit à la page 166 : «Le néocomien du pla-
teau de Gujes plonge au sud sous la craie du Beausset et du
Castelet. »
Nous sommes loin de partager l’opinion de ce savant. Voici
la nôtre. Le muschelkalk du Beausset etdu Castelet plonge sous
les couches inférieures du grès vert cénomanien. Il y est re-
couvert par ce grès en stratification discordante. C’est là une
raison péremptoire, et, pour l’appuyer, nous disons que la
plupart des puits du Beausset contiennent dans leurs eaux
le sulfate de chaux , tandis que la presque totalité des
eaux néocomiennes d’Evénos, d’Ollioules, de Cassis, etc., sont
très-légères et agréables à boire. Le néocomien du plateau de
Cuj es ne peut plonger sous la craie de ces pays , puisque le
muschelkalk en occupe la place. Tout le monde peut se con-
vaincre du fait en allant sur le plateau du Castelet, où le
muschelkalk se trouve.
Nous n’admettons pas de même que le dépôt sableux de la
Valdaren fasse partie de la formation néocomienne, puisque
c’est l’ancien rivage de la mer cénomanienne. Ce dépôt est à
la base du turonien. La raison la plus évidente est que l’on
trouve les Hippurites dans le turonien, dans cette localité citée,
et que ce genre de brachiopodes ne se trouve pas dans le
néocomiem
t
8e Étage. — Aptien , d’Orb.
Cet étage se montre à la Bédoule où il ne peut mieux être
représenté par ses fossiles et ses calcaires feuilletés bleuâtres,
qui se délitent dans les fortes pluies. Il s’étend deRoquefort à
Cujes et à Sainte-Anne du Castelet.
Les couches calcaires du Grand-Cerveau en font partie. Nous
devons dire qu’à la Bédoule l’aptien est très-riche en fossiles
808
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
et qu’il est connu de la plupart des géologues; c’est pourquoi
nous ne nous arrêterons pas davantage.
Le calcaire du Grand-Cerveau est blanc compacte, cristallin
vers le haut; on y voit des silex de toute grandeur; nous avons
récolté dans les calcaires les fossiles suivants: Nautilus neoco-
miensis, Ammonites fissicostatus , Corbis corrugata , Ostrea aquila
d’une taille géante. Dans les silex nous avons reconnu la Rhyn-
chonella Gibbsiana. Il y en a même qui sont transformés en
cette substance (1).
Les couches calcaires supérieures du Grand-Cerveau réu-
nies a celles de Roquefort, de Cujes et du Castelet, peuvent
être évaluées à 200 mètres.
A l’est, comme à l’ouest, l’aptien recouvre le nëocomien en
stratification concordante et se trouve recouvert de même par
l’étage qui le suit.
19e Etage. — • Albien ou Gault .
Ce terrain se voit â l’ouest de la Cadière et du Castelet, sur
les collines de ces pays. Il se montre sous plusieurs formes
minéralogiques : 1° ce sont des grès compactes peu micacés
et des calcaires ferrugineux; 2° des couches d’argiles jau-
nâtres et de débris de roches remaniées. Sur les calcaires sont
fortement empâtés, des Turrilites, des Trochus , des Ostrea, des
Terebratula et des polypiers , dont un prend la forme cylin-
drique; il est jaunâtre comme l’argile. Les seuls fossiles que
nous ayons déterminés sont: Discoidea rotula, Turrilites catena -
tus et la Terebratula Dutempleana .
Le gault recouvre 1 aptien en stratification transgressive.
Son épaisseur est de beaucoup inférieure à celle de l’étage
aptien. Elle est d’environ 45 mètres.
De tous les étages du canton, le gault est le plus pauvre en
fossiles. Il est recouvert par le cénomanien en stratification
concordante.
(1) Une Caprotine déformée, que nous avions cru être le Diceras arie -
tina, nous a fait commettre une erreur que nous* sommes bien aise de rec-
tifier.
Nous avons écrit, dans le Bulletin de la Société géologique de France
que le chaînon du Grand-Cerveau faisait partie de la formation corallienne'
tandis que les preuves paléontologiques démontrent qu’il doit être compris
comme les couches de la Nerthe, près de Marseille, dans l’étage aptien
puisque l 'Ostrea aquila y est très-commune.
NOTE DE M. TOUCAS.
809
20e Étage , — Cénomanien , d’Orb. — le 4e de la série jurassique
— Deuxième zone de Rudistes.
Dans le canton, le cénomanien s’étend des Lèques à Saint-
Cyr, à la Gadière, au Castelet, au Beausset, à la Dalmasse,
aux portes d’Orvès, à Séou-Blanc, au-dessus de Signes, sur
une longueur d’environ 25 kilomètres. Depuis les Léques jus-
qu’au Cabot, l’étage est isolé et forme dans les plaines de ces
pays un vaste bassin caractérisé par le Micr aster Matheroni. Le
type de l’étage se trouve de la Barralière à Turben.
Au Castelet et à Signes, le cénomanien repose sur le con-
cbylien en stratification discordante. A Sainte-Anne-Castelet,
cet étage recouvre l’albien en stratification concordante.
A Candello, Barre-du-Castelet, le turonien repose sur lui
en stratification transgressive; il en est de même à la Ca-
dière, à Fontainieu, à la Valdaren, aux vallons de l’Heure, de
Carnaval et de Faouvi.
\
Division de l'étage.
Cénomanien . — Nous divisons le cénomanien en rliotoma-
gien, gardonien et carentonien. Le rhotomagien est peu dé-
veloppé; il se montre entre la Bergerie de la Gueirarde et la
Barralière ; peut-être même les quartiers Maré-Caïré et Cime-
tière en dépendent.
Les roches sont des calcaires blanchâtres, brisés en tous
sens. Elles n’offrent aucune trace d’organisation. L’épaisseur
du terrain est de 20 mètres environ ; il recouvre l’albien en
stratification concordante; il est recouvert à son tour par le
gardonien qui le suit.
Gardonien. — L’étage gardonien se trouve peu développé ; il
peut avoir 1 mètre d’épaisseur. Il s’étend de la Barralière à
Turben, au centre des argiles de la formation carentonienne.
C’est un autre wéaldien, au milieu du carentonien. Il offre des
roche marno-ligneuses composées presque entièrement de
fossiles qui prennent la forme de Vénus et de Vénéricardes et
de quantité de débris de végétaux qui lui font prendre à l’inté-
rieur un aspect noirâtre. Il est recouvert par le carentonien en
stratification concordante.
Carentonien. — L’étage carentonien est puissamment déve-
loppé; il commence à la caserne delà gendarmerie du camp, sur
le plateau de Cujes, se dirige delà vers Signes, comprenant les
810
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
bois deDenjean, du Puits d’Encastré, delà Braqueti, de la Gui-
cbarde,de laRichaude, unepartie des bois de laDalmasse, tous
ceux de la Colle de Fédo, de Séou-Blanc, du plan des Foous
jusqu’aux Portes d’Qrvés. Ces bois forment unevaste forêt. Les
calcaires offrent partout le faciès blanchâtre; ils sont surtout
ostracés entre la Barralière et Turben, dont nous allons faire
connaître la faune : nous disons que les bancs ostracés se dé-
litent et qu’ils occupent le milieu des argiles, à côté du banc
du gardonien. Ils renferment les Ostrea biauriculata , carinata ,
flabella , columba , conica , Trigeri , le Strombus inonarlus , le Nau-
tilus triangularis , espèces peu communes, un bon nombre
d’échinodermes, parmi lesquels nous citons un Discoïdea , le
Goniopygus major , etc., plusieurs espèces de Cyclolites inédites,
et beaucoup d’autres genres et espèces que nous ne connais-
sons pas.
Trois grands vallons distancés se montrent dans le carento-
nien au bas de la Dalmasse.
Le premier est celui de l’Heure, le second celui de Carnaval
et le troisième celui du Faouvi. Au-dessous se trouvent les
couches rhotomagiennes, et les couches à Hippurit.es leur
servent de toit. La plus grande partie de l’année ces vallons
sont à sec; celui de FHeure rallie leseaux des autres; ces eaux
se déversent à la petite rivière de la Rèpe, entraînant après elle
des cailloux de toutes les tailles et d’énormes blocs de ba-
salte qui s’écoulent du Curasseau.
Les grès verts, les couches calcaires, argileuses renferment,
outre les nombreux mollusques fossiles , un bon nombre de
plantes conifères, cycadées, etc. La puissance de l’etage caren-
tonien, y compris les divisions faites par M. Coquand, peut être
évaluée à 590 mètres.
Les affaissements, les redressements des couches, les abîmes
de Ville, de l’Avène, les Ragagés des Morts, de la Mare-Mougé,
les milliers de strates calcaires brisés en tous sens, sont dus
aux oscillations produites parle volcan d’Evénos et en grande
partie aux eaux corrosives.
Au-dessus du Beausset se trouve le Curasseau compris dans
le cénomanien; de son sein sont sorties des nappes basaltiques;
leur aspect ressemble de loin aux embrasures d’un ancien
rempart. Ces nappes sont compactes, poreuses, noires, impré»
gnées de chaux carbonatée et de cristaux feldspathiques.
()n extrait ne cette localité des basaltes solides pour en
faiie des meules de moulin à larine, à huile et à divers autres
NOTE DE Mo TOUCAS. 811
usages. On y voit des puits peu profonds dont Peau paraît
bourbeuse. La cause en est due à une terre métallique jaune,
qui peut être de la nature de l’ocre, ce qui donne à l’eau la
nuance reflétée qu’on lui connaît. Cette eau est agréable h
boire. Les perturbations, les isolements, les fractures, les oscil-
lations du sol, les limites respectives de la flore et de la
faune sont la preuve la plus évidente que l’étage a fini à cette
époque.
Après le carentonien, nous divisons la craie moyenne en
trois étages, qui sont : le ligérien, le mornasien et le turo-
nien.
Ligérien. — ■ Le ligérien se présente à la Dalmasse à 8 kilo-
mètres au nord du Beausset avec des calcaires compactes,
blanchâtres, sans fossiles; les chaufourniers les font cuire et en
retirent des fleurs de chaux.
A l’est, dans une plaine près de ces calcaires, se voit la petite
faune de cet étage; il occupe un petit espace, dont le sol ra-
viné dépose quantité de sables blancs, auxquels on a. donné le
nom de Sablas. C’est dans ces sables que l’on récolte les fos-
siles, tels que : Pterodonta inflata , P. elongata , Ammonites va -
rians , Fusns quadratus , Hemiaster Verncuili , un Epiaster inédit.
Non loin de là, dans la plaine, à 60 mètres avant d’arriver au
Pilier, est un calcaire blanchâtre avec force cailloux roulés;
c’est dans ce calcaire que nous avons recueilli une Ammonite
sphérique et des moules de Cardium de plusieurs espèces
différentes, mais peu déterminables.
Le ligérien recouvre le carentonien en stratification trans»
gressive. Son épaisseur peut être évaluée à 15 mètres.
Mornasien. — Le mornasien occupe dans le canton un péri-
mètre de 25 kilomètres d’étendue.
Ses caractères minéralogiques varient; on y trouve des grès
verts, des calcaires, des argiles, des sables et un grand dépôt
sableux.
Type du canton. — Le type de cet étage est au moulin de
la Dabi, aux petites aires du Beausset et surtout aux limites de
la Valdaren, à la montée de Grimaud.
Au Mont-Piéredon, les grès sont compactes, durs, rous-
sâtres, très-micacés, incrustés de carbonate de chaux avec des
cristaux qui prennent la forme prismatique; ils servent pour
la bâtisse, le pavage des rues et les parapets des chemins; au
Puverel et aux petites aires du Beausset, ils sont un peu jau-
nâtres, mal liés, se délitent et sont appelés safres par les habi-
812
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
tants; les maçons ne les emploient pas pour la bâtisse. Au
milieu des safres, on trouve plusieurs couches calcaires d’un
blanc pâle, pétries de baguettes d’oursins; mon fils y a découvert
une articulation d’Encrine étoilée. Nous y avons trouvé plu-
sieurs espèces de Cardiaster , dont quelques-uns peuvent être
déterminés, des Pleurotomaires , des Nautiles informes,
beaucoup de Polypiers et des Amorphozoaires, etc.
Les Polypiers de la Dabi sont fort gros, on en trouve trois ou
quatre espèces différentes ; on y trouve des Nautiles et des
Inoceramus inédits et de très-grande taille. Ces derniers me-
surent 75 centimètres de long sur 27 ou 28 centimètres de
large. On rencontre aussi de petits polypiers, semblables à
ceux des aires basses. Les grès des grandes aires sont com-
pactes, durs, micacés, et très-chargés de pyrites; ils ont servi
à bâtir la nouvelle église ; avant que les façades fussent badi-
geonnées, les pluies les avaient attaquées, et l’on voyait sur elles
de longues et larges traînées rougeâtres et jaunâtres, qui prove-
naient de la décomposition du sulfure de fer; mais ces grès
n’offraient plus de traces fossiles comme aux petites aires et à
la Dabi. Sur d’autres grès à grain grossier, se voient des
bandes plus ou moins saillantes, longues, larges, rubanées,
entrecroisées en différents sens, et quelques-unes sont en
dichotomie, ce qui pourrait faire croire qu’elles appartiennent
au règne végétal. Nous connaissons de cet étage 25 coquilles
fossiles; les plus communes sont : Nautilus Matheroni, Micraster
Matheroni , Pteurolomaria bifrons , Ostrea conica , Trigonia scabra ,
Terebratula data , Rhijnchonella Grasiana , R. contorta, le Spon-
dylus spinosus très-rare, etc., etc. Le mornasien recouvre le
ligérien en stratification concordante ; il est recouvert à son
tour par le turonien.
Les strates de grès verts et les couches calcaires de la Bé-
renguière ont subi des dérangements provenant de la proxi-
mité du volcan d’Evénos; ils se voient sur le chemin un peu
au-dessus, tout près du fond de chaudron appelé Viero prefun -
dado ; tout comme les grès infléchis de l’ouest à l’est, ce fond
de chaudron a été produit par la même cause. A mi-côte en
descendant, les strates calcaires et gréseux sont déviés du nord-
est au sud-ouest; enfin, toutà fait à la base de ce chemin, tous ces
calcaires et tous ces grès sont dirigés de l’est à l’ouest. Tout le
système a suivi les inflexions du volcan, dont les basaltes se
trouvent éloignés de moins de 600 mètres. La puissance du
mornasien peut être évaluée à 90 mètres. La description de
NOTE DE JM. TOUCAS.
813
I étage mornasien finit par le dépôt sableux déjà nommé ; ce
dépôt est pour nous l’ancien rivage de la mer cénomanienne.
II occupe le dessous des couches à Hippurites; il se montre à
Touris, près de Toulon, au Révest, sous la montagne de Gaume,
au-dessus, à l’ouest et au sud du château du bourg du Brous-
se1 11; sur la colline qui le domine, il plonge sous les roches à
Hippurites pour reparaître au sud, s’incline sous un angle de
18 degrés sous le pont de Simaï et se relève au-dessus du
vallon; il arrive au Cabot, où il est exploité pour les verreries;
les maçons détrempent ce sable avec la chaux pour en faire un
mortier pour la bâtisse. On trouve dans ce dépôt, à teinte
paille, des pierres siliceuses et calcaires blanchâtres de la gros-
seur du pisaire à l’amygdalaire ; de là il reprend son cours en
se dirigeant vers la montagne turonienne de la Capelude (1),
et va se terminer à la maison de campagne de Grimaud, aux
limites de la Valdaren.
Ce dépôt, à partir de la Capelude jusqu’à la campagne citée,
forme une série de quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix monti-
cules, dont les plus élevés s’aperçoivent au sortir des gorges
d’Ollioules. C’est sur les flancs de cette montagne, taillée à
pic, que se montrent de petites et de grandes excavations et
toute sorte de figures plus bizarres les unes que les autres,
produites sans doute par les agents atmosphériques. Le quar-
tier de la Valdaren doit son nom à ce dépôt; la décomposition
de ce nom décèle son origine.
Quelques géologues ont compris ce dépôt dans le premier
étage de la craie. Nous pouvons affirmer sans être contredit
qu’au bas de la Capelude et dans le dépôt sableux même nous
avons recueilli des Hippurites. Chacun sait, d’ailleurs, que ce
fossile ne se trouve pas dans la formation néocomienne.
Le dépôt sableux, depuis son point de départ jusqu’aux
limites connues, est de 20 kilomètres environ. 11 couvre le li-
gérien en stratification concordante, et son épaisseur est de
43 mètres.
21e étage. — Turonien, d’Orb. — Le 5e de la série crétacée . —
Quatrième zone de Rudistes.
Cet étage se montre aux Canadeaux, dans la Valdaren, à la
montagne la Capelude, à la campagne des Pères, à Saint-
(1) Les habitants de cette contrée ont donné ce nom à cette montagne, à
cause de l’analogie qu’ils ont cru lui trouver avec la crête d’un gallinacé.
814
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
Côme, près de la maison de campagne du Palmier, près le
dernier moulin sur la route de Bandol, au nord du Beausset,
dans les trois vallons du Faouvi, du Carnaval et de l’Heure, et
surtout aux barres du Casteleî et de la Cadière. Avant de dé-
crire ces localités, il convient de citer un passage intéressant
de M. d’Orbigny, tiré de la page 659 de son Cours élémentaire.
«A la Cadière, à Figuières et surtout au-dessus du Beausset,
près de Toulon, il semblerait que la mer vient de se retirer,
et montre encore intacte la faune sous- marine de cette
époque, telle qu’elle a vécu. En effet, ce sont des groupes
énormes d’Hippurites en place, entourés de Polypiers, d’Échi-
nodermes, de mollusques qui vivaient réunis dans ces colo-
nies animales, analogues à celles qui vivent sur les récifs de
coraux des Antilles et de l’Océanie. Pour que cet ensemble
nous ait été conservé, il faut qu’il ait été d’abord recouvert
subitement en se détruisant; aujourd’hui, par suite des
agents atmosphériques, il nous découvre cette nature des
temps passés dans ses plus secrets détails. »
Extension du lambeau du Beausset à la Cadière passant par
le Castelet. A 1 kilomètre au-dessus du Beausset, ce lambeau
commence par une série de roches bleuâtres à Hippurites,
que les habitants nomment Barre du Castelet et dont la direction
est de l’est à l’ouest ; il arrive au-dessus du pont du Brûlât, se
contourne, et prend la direction du nord au sud. Au-dessous
du cimetière du Castelet il désigne une grande faille, s’incline
et se dirige sans interruption jusqu’à une plus grande faille où
est bâti le moulin de la Roche de la Cadière. Ici ce lambeau
reprend sa direction première, passe sous la Cadière qui y est
bâtie comme le Castelet et va se terminer à 8 kilomètres de
son point de départ près le bourg de Saint-Cyr. Il est isolé à sa
partie supérieure. Sa partie inférieure plonge sous les couches
sénoniennes, depuis la maison de campagne de la Buse,
jusque près la faille du cimetière du Castelet. Là se montrent
cinq étages superposés; à la base se trouve le muschelkalk re-
couvert par le cénomanien en stratification discordante.
Après ce dernier étage se succèdent en stratification concor-
dante le turonien, le sénonien et le suessonien; à celui-ci finit
l’ossature des treize étages du canton.
Si l’on veut se procurer de petits échantillons d’Hippurites,
on doit aller à mi-côte, dans les derniers bancs de vignes, à
100 mètres environ de la maison de campagne de M. Dalmas.
ï our les grosses espèces , on les trouvera dans un fond de
NOTE DE M. TOUCAS»
815
chaudron qui est dominé par un poste aux Grives. En cet
endroit, sur les murailles dégradées, gisent des amas de poly-
piers et de Rudistes. Les plus communs sont les lîadiolites
excavata , Hippurites gigantea , H. organisans , tons isolés. On
trouvera des Actéonelles avec leurs gangues sur des amas de
débris de roches sédimentaires, qui ont été faits en défonçant
le terrain» Si l’on veut se procurer quelques Caprines, on devra
explorer toutes les murailles qui forment ceinture au coteau
voisin. Les Méandrines sont trop lourdes; mais il existe des
polypiers curieux de toutes les tailles; les plus petits sont à
profusion, dans certains points; il y en a d’inédits» Nous en-
gageons les amateurs de Rudistes à aller explorer tout le lam-
beau inépuisable depuis le Castelet juqu’à la Gadière; ils doi-
vent surtout s’arrêter à Château-Vieux et visiter la partie supé-
rieure de la propriété de M. Pélegrin, qui va aboutir à la
grande faille du moulin de la Roche. Sous cette roche est un
banc presque entièrement composé de détritus de Rudistes,
mollusques, Caprines et polypiers de toute sorte, entre les-
quels s’interposent des marnes argileuses noirâtres où se trou-
vent parfois des Caprina Aguilloni , des Rudistes entiers, parmi
lesquels sont de jeunes et très-belles Hippurites. On pourra
explorer à mi-côte la colline sur laquelle est bâtie la Gadière.
Les localités de Saint-Côme près le Palmier, les quartiers de
Fontainieu et de la Vaidaren sont tous dépendants du tu-
ronien.Au grand Canadeau, à côté de la Fontaine, le turonien
a à sa base un monticule sableux, analogue à ceux de la Vaida-
ren.
A la Capelude on rencontre des roches calcaires compactes,
dures, à aspect brunâtre et taillées à pic, qui ont une simili-
tude parfaite avec les calcaires rougeâtres du dessus du vallon
de Simaï ; ces roches renferment la même faune et ont à leur
base le dépôt sableux»
De même que les calcaires de la Capelude dominent la
faille de la Vaidaren en face de l’escarpement du grand Cer-
vau, de même ceux de Simaï dominent la faille de ce nom.
Dans leur voisinage se montrent cinq à six grandes dentelures
déchiquetées, très-pittoresques; elles se voient de fort loin et
sont dépendantes du néocomien.
Ce système de roches appartient à la formation turonienne, et
nous regardons le dépôt de sables de la Vaidaren comme le ri-
vage de la mer cénomanienne.
Au grand Canadeau la chapelle et ses dépendances sont bâties
816
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869,
sur les calcaires turoniens, qui, comme au petit Canadeau,
plongent sous le sénonien. Les deux étages sont en stratifica-
tion concordante. Non loin de là, à la montée Grimaud, le
mornasien existe avec sa faune. A un demi kilomètre de ce lieu,
à la Tuilerie, se montrent encore les fossiles des deux étages.
. Sur le plateau du Castelet, nous avons trouvé des Hippu-
rites depuis la taille d’un dé à coudre jusqu’à celle d’un pain
de sucre, presque toutes operculées. Parmi les Radiolites, les
plus gros sont les B mamillaris et les /?. Sauvagesi.
A Candello sont des polypiers corralligènes énormes, des
Astrœa tres-curieux et des Méandrines aux formes gracieuses.
On y trouve encore le Spondylus hippuritarum; les Cyclolites
giganlea et hemisphœrica y sont communes. Sur toute l’étendue
du lambeau décrit, on peut y compter 36 espèces deRudistes,
dont 12 H., 20 R., quelques Biradiolites , deux Caprines ou
Plagioptychus paradoxus et Toucasianus , plus une espèce de Ca-
protine inédite d’une grande taille. Nous ajoutons à la série les
Acteonella gigantea , Benauxi , loevis , voluta et Toucasi qui finis-
sent la faune marine de ce vaste et intéressant lambeau.
Au quartier de Notre-Dame, en compagnie de M. N. de
Mercey, nous avons recueilli des empreintes de végétaux
dans le grès vert turonien; peu de temps avant, nous y avons
recueilli des empreintes de fougères, des conifères, etc., etc.
En tei minant la description de cet étage, nous ferons remar-
quer que l’on trouve des fossiles remaniés entre le trou du Loup
et la Buse, dans une couche calcaire de plusieurs mètres. Cesont
des Bippurites cornu- vaccinum et Badiolites radiosa au milieu du
dépôt de l’étage sénonien, en contact avec le Cardium radia-
tum, la Trigonia limbata , YOstrea auricularis et plusieurs autres
mollusques fossiles de l’étage sénonien.
Les oscillations, les dénudations, l’usure, les affaissements,
les fractures, tous ces faits réunis aux causes lointaines, prou-
vent assez l’anéantissement de la faune et de la flore de cette
époque.
• *
22 Etage . Senomeny d Orb.- — Le 6e etc la série crétacée .
Cinquième zone de rudistes. Les autres zones sont comprises
dans la division de l’étage sénonien par notre ami M. Coquand,
C est après le cénomanien l’étage le plus étendu de cette
contrée. Il suit sans interruption toutes les allures du muschel-
NOTE DE M. TOUCAS.
817
kalk et lui sert de ceinture, mais dans le grand massif dont
nous avons fait mention. Il se montre à Signes, à Saint-Côme,
près le Palmier, au sud-est de Saint-Cyr, sous le Montpibernon
de Fontainieu, à la campagne des Pères, au Gastelet, etc.
Nous divisons le sénonien en deux lambeaux. Le premier
s’étend du pont du Gastelet jusqu’à la faille de son cimetière,
à 3 kilomètres de son point de départ; il recouvre le turonien
en stratification transgressive. Sous ce pont le grès est com-
pacte, grisâtre, à grains grossiers. Au-dessus du bosquet de la
Yivone, on a fait défoncer le sol à deux mètres cinquante; les
grès étaient jaunâtres et feuilletés vers le haut, et les strates
du bas verdâtres, compactes, très- serrés, ont été attaqués par
la poudre. Nous y avons récolté des mollusques fossiles et bon
nombre d’empreintes de plantes acotylédones, monocotylé-
dones, et une feuille que nous avons cru appartenir au Regia
juglans . Près de là, dans le même grès, nous avons trouvé des
Cardium radiatum , de très-petits corps de la grosseur d’un
bouton de nacre, que nous avons rapportés au Synastrea com-
posita , et une charmante Trigonia limkata. On y voit les alter-
nances de grès et de marnes vertes et grisâtres contenant les
mêmes fossiles, et une faille qui sépare le sénonien du sues-
sonien. Vers le milieu se trouve un sentier avec des roches
rosâtres à Milioles. A mi-côte se trouve la faille qui aboutit
au vieux chemin du Puech au Castelet; là, en compagnie de
M. Terquem, nous avons recueilli des Cardium radiatum avec
leur test et une sigillée de Palmier.
Sur le plateau du Castelet, près la campagne de la Buse, le
grès est brunâtre à l’extérieur et verdâtre à l’intérieur; une
partie de l’étage plonge sous le suessonien pour reparaître à un
kilomètre à la maison de campagne de M. Gaudier et au château
des Hoirs-Queirel; et l’autre suit une autre direction, passe
sous le banc remanié du turonien, s’incline et se termine près
du puits de M.Ollivier, non loin du cimetière. Dans cette loca-
tité, les grès sont supérieurs aux argiles ; ils sont compactes
durs, d’un jaune fauve, coquilliers; on y voit des Trigonia Lim -
bata , des Ostrea auricularis , des Cardium radiatum , des Den-
tales■, etc. C’est, ici, le coniacien, Coquand. Au-dessous du puits
Ollivier, de son intérieur on a extrait des marnes et quantité
de petits fossiles, qui sont de grosseur lenticulaire, tels que
Cyclolites , Turbinolia , Ostrea auricularis , et des fragments de
végétaux de l’étage santonien (Coquand); à 20 mètres de ce
puits se voit un petit espace montueux de 4 à 5 mètres d’épais-
Soc. géol ., 2e série, tome XXVI. 52
818
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
seur sur une longueur d’environ 100 mètres; le calcaire est
blanchâtre et très-coquillier; on le brise facilement; il y paraît
une grande quantité de mollusques fossiles. Les argiles sont de
la même nuance; elles renferment les mêmes genres et espèces
que dans les marnes, sans végétaux. Les coquilles fossiles que
nous avons recueillies dans les couches de cette localité sont :
Lima Marti ansii, Nerinea bisulcata, Pterocera Toucasi , Ostrea Ma-
theroni , Sphœrulites sinuata, 5 à 6 variétés, Radiolites fissicostata y
Salenia geometrica, Terebratulasemiglobosa , T. Nanclasi , T. Tou-
casi, Rhynchonella vespertilio, R . Eudesii, Cyclolites radiata, Pecten
royanus , Janira quadricostata , Pterocera Toucasi , Caproùna Tou-
casi, Pygaulus Toucasi, Bothriopygus Toucasi, Crassatella Marro-
tiana, C. orbicularis , Arcopagia numùmalis et un grand nom-
bre de mollusques fossiles qui nous sont inconnus, etc.
Dans le grès coniacien nous avons trouvé quelques jolis
échantillons du Cyprœa Marticensis, et des os de reptiles.
Nous indiquerons encore de nombreux fossiles dans les deux
propriétés Allemand et Barthélemy, à trois cents mètres au
nord du puits. C’est dans ces propriétés que se trouvent des
Diadema , Pseudodiadema et Salenia, etc., qui font l’admiration
des paléontologistes.
Le second lambeau se montre à Fontainieu, au-dessus de la
tuilerie. A la base se voit le muschelkalk recouvert parle céno-
manien en stratification discordante ; ensuite, en concor-
dance, se superposent le turonien, le sénonien et le suessonien
d’eau douce. Le sénonien commence par les bancs à Milioles,
avec des Huîtres inédites et indéterminables, et l’on voit ici
que la nature prélude à une chaîne d’Huîtres de quinze cents
mètres de long sur trois mètres d’épaisseur; ce serait le cas de
nommer cet étage l’ostracé des ostracés. Nous ne croyons pas
qu’en France il existe une formation si riche, totalement com-
posée d 'Ostrea acutirostris. Au-dessous des couches d’Huîtres
sont les argiles tégulines avec Lucina numismalis, Hemiaster
Toucasi, Cardium radiatum , Cyclades et Vénus marines. Au-
dessus de ces argiles est un banc calcaire blanchâtre qui se
délite avec Turritella Coquandi , Renauxi et funiculosa, et autres
Huîtres incomplètes. Enfin un banc de strates sans liaison, com-
posé de petits Cérithes, couronne ces couches.
Les couches sénoniennes argileuses, étant détrempées par les
pluies, s’éboulent et se renversent, ce qui empêche souvent de
récolter les mollusques fossiles qui s’y trouvent.
La base de cet étgae est représentée par des efflorescences
NOTE EE M. TOUCAS.
819
calcaires blanchâtres, vides au milieu, et dues à la décompo-
sition du sulfate de fer. Les couches à Milioles font la sépa-
ration du turonien et du sénonien. Au Réal-Martin, au milieu
de cet étage, se trouve le Cyclolites hemisphœrica , qui est com-
mun aux étages que je viens de nommer.
Les grès des trois derniers étages de la craie du canton pré-
sentent^ teinte verte; dans la carrière deM.PJanchu, l’on voit un
grès vert avec les conifères et le genre Brachyphyllum; h la Vi-
vone,mêmegrès sénonien et des fossiles en plus; à Notre-Dame,
grès vert turonien avec des empreintes d’algues, de conifères
et de fougères; aux grandes aires du Beausset, grès verts mor-
nasiens pénétrés de pyrites. Ainsi donc, minéralogiquement,
on ne peut s’en rapporter aux grès verts pour la classification.
La puissance du sénonien peut être évaluée à 85 mètres.
Nous prenons son point de repère à la Grand’Bastide de
M. Verger, jusqu’à l’élévation du chemin du Castelet, en pas-
sant au château des Hoirs-Queirel.
A la tuilerie de Fontainieu, le second lambeau doit servir
d’ossature :
1° A la base le inuschelkalk; 2° Le cénomanien; 3° Les cou-
ches h Hippurites cornuvaccinum ;4° Les bancs à Millioles ; 5° Les
bancs à argiles tégulines; 6° Les bancs à Ostrea acutirostris ;
7° Les bancs à Turritelles; 8° Les strates à Cérithes.
Les diverses couches du sénonien ont pour base le con-
cliylien et pour sommet Je suessonien ou fluvio-lacustre.
Dénudations des couches à Ostrea acutirostris. — Des mvriades
d’écailles d 'Ostrea acutirostris sont répandues sur plus de
quinze localités différentes, sur un parcours de 28 kilomètres
de circonférence. Seule, la chaîne ostracée d’un kilomètre et
demi est restée intacte, en conservant son horizontalité. C’est
une preuve évidente que la commotion géologique, qui a mis
en mouvement les eaux de la mer de cette époque, a dénudé
et dégradé un grand nombre de couches.
Les dénudations les plus remarquables sont : 1° Au Réal-
Martin, propriétés Corlin et Imbert-Figuières; 2° A la Buse,
près du moulin à vent; 3° Au-dessus du vallon de la tuilerie,
entre le Moutin et la Noblesse, etc,, etc.
Oscillations du sol. A Fontainieu, l’altitude du sénonien
au-dessus du niveau de la mer est de 85 mètres. Elle est de
250 mètres à la Buse, et de 255 au grand Canadeau.
Le sénonien recouvre le turonien en stratification transgres-
sive. Près de Saint-Côme, cet étage recouvre en discordance le
820
SÉANCE DU 19 AVRIL 1809.
mornasien, par le manque du turonien. Il est recouvert à son
tour par le suessonien.
24e étage : suessonien , d’Grb.
Le suessonien ou fluvio-lacustre se montre à la Buse, pla-
teau du Castelet, au Puech, près du Beausset, et au quartier
de Fontainieu, terroir de la Gadière.
La multiplicité des dénudations, que nous avons remarquées
dans Pétage sénonien et dans celui-ci, ont dû contribuer au
manque de l’étage Danien. Nous trouvons dans l’un et dans
l’autre, sur le plateau du Castelet, des couches blanchâtres que
nos cultivateurs appellent « Blanquié, » avec des grès et des
poudingues et des efflorescences de chaux provenant de la
décomposition du sulfure de fer. Ne pourrait-on pas rapporter
toutes ces couches à l’étage Banien?
Deux lambeaux se montrent, l’un au Castelet, et l’autre à Fon-
tainieu. Le premier, sur le plateau du Castelet, est formé d’un
calcaire grisâtre et brunâtre; les couches marno-argileuses sont
roussâtres et noirâtres et couvertes de débris de Méîanopsides;
à la Buse on les trouve entières sur le calcaire; leur grand
nombre et leur éclat blanchâtre effacent la teinte du calcaire.
Les marnes se voient au Puech, près du Beausset. Ici le sues-
sonien sert de remplissage au sénonien. On y trouve un banc
de Cyrena globosa. Comme à Fontainieu, une faille le sépare
du sénonien à sa base, et le calcaire le couronne. Dans les
propriétés Eynaud, Caudier, au-dessus du chemin du Castelet
et à la Buse, on rencontre les mêmes couches et les mêmes fos-
siles que dans les précédentes. Cet étage recouvre le sénonien
en stratification concordante; mais à la Buse, vers sa partie
supérieure, il affleure et s’appuie même sur le calcaire cou-
chylien.
Trois moulins à vent en ruines se montrent sur le plateau;
le premier, près la source qui alimente la fontaine du Castelet,
se trouve bâti sur le suessonien; le second, tout près du Cas-
telet, est bâti sur le muschelkalk, et le troisième est sur le
sénonien. Celui-ci et le premier ont à leur base leurs coquilles
fossiles. Tout près de la source, sur les murailles, se trouvent
des calcaires blanchâtres pétris de Cyclades, de quatre à cinq
espèces différentes, toujours avec une seule valve.
Dans la propriété de M. Caudier, le suessonien recouvre le
conchylien en stratification discordante; entre lui et ce dernier
NOTE DE M. TQUCAS.
821
il existe une lacune de dix-neuf étages. Près delà source on a
creusé un puits au milieu des couches marno-argileuses du
suessonien, et à six mètres de profondeur on a pénétré dans
les couches à Ostrea acutirostris ; à deux mètres plus bas dans
les mêmes couches, on a creusé un second puits et l’on a
trouvé les mêmes Huîtres, ce qui démontre la superposition
exacte des deux étages suessonien et sénonien. Le premier se
trouve isolé sur presque tous les points. L’on n’y a point encore
trouvé de lignites; ils pourraient s’y trouver. Son épaisseur
peut être évaluée à 95 mètres. Au-dessous du premier moulin
à vent, on exploite un grès compacte, dur, brunâtre et noirâtre;
des veines blanchâtres le traversent en tous sens. On y voit des
valves de Gyclades luisantes et argentées. Ce grès, une fois
taillé et poli, pourrait fournir un marbre charmant. On s’en
sert pour bâtir et pour faire les murs de soutènement aux terres
couvertes de vignes et d’oliviers qui sont sur les coteaux.
Le second lambeau se montre à Fontainieu (Cadière) ; il est
plus développé que le premier. Les couches marno-argileuses
et les caractères paléontologiques sont à peu près les mêmes
qu’au plateau; mais les caractères minéralogiques varient. On
y trouve des calcaires gréseux, des sables, des lignites, et une
dizaine de couches à Gyclades. Toutes ces couches réunies
donnent à ce lambeau une puissance de 130 mètres. Les
35 mètres de lignites qui manquent au Gastelet en établissent
la différence; quant à la superposition, elle est la même.
Dans cet étage, en 1839, près de Fontainieu, nous avons dé-
couvert dans un grès compacte, dur, jaunâtre, des corps sphé-
roïdaux un peu comprimés, de la grosseur d’une pomme, recé-
lant à leur centre un petit noyau et quelquefois une coquille fos-
sile. Une combinaison chimique adûavoir lieu d’abord, ensui te
une incrustation s’est formée. Ils ont été apportés par les eaux
dans ce grès avant sa consolidation; ils n’y sont pas amassés,
mais répandus çà et là. Nous citons un autre fait non moins
surprenant : à 100 mètres au-dessus de ce lieu, aux limites de
l’étage et du concbylien, auMontpibernon, nous avons trouvé un
bloc calcaire arrondi et granuleux, d’un mètre de circonfé-
rence; sa forme nous surprit; à la percussion nous comprîmes
qu’un vide était dans son intérieur; après l’avoir brisé nous
aperçûmes une douzaine de ces corps, mais sans agréga-
tion.
Voici comment nous nous rendîmes raison de ce fait :
Ges sphéroïdes auraient été jetés et amassés dans une fosse
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
822
de chaux vive. Après sa fermentation une pluie serait survenue
et aurait détaché des parties sableuses de ses bords, qui se
seraient mêlés à la chaux et auraient pris la forme connue. Ces
corps y seraient restés englobés, là où nous les avons trouvés.
Les sables et les poudingues offrent peu d'épaisseur. Les
couches marno- argileuses, jaunâtres et noirâtres selon les
lieux, ont une épaisseur de trois ou quatre mètres, et dans
d’autres jusqu’à l’épaisseur de 45 mètres. Deux failles se voient :
l’une descend du Montpibernon vers Ja Noblesse, et l’autre,
au sud de Fontainieu, fait la séparation de cet étage et du
sénonien.
Les lignites sont de la même formation que ceux du plan
d’Aups et de Fuveau. Ils ont une épaisseur de 35 mètres.
On y trouve du jayet. Une dizaine de couches à Cyclades se
montrent au Montpeyroulet, près de l’ancien télégraphe aérien
de la Cadière. Elles descendent jusqu’au dessous des habita-
tions de Fontainieu.
L’épaisseur de toutes les couches réunies donne le chiffre
de 130 mètres pour l’étage suessonien.
Depuis 25 ans que nous explorons les terrains de ce canton,
nous n’avons jamais trouvé de Nummulites. A Fontainieu, la
faune marine suessonienne nummulitique n’existe pas; peut-
être les lignites en occupent-ils la place. On a confondu les Orbi-
tolites avec les Nummulites. Les couches sont fluvio-lacustres.
Les Fungites, Hippurites et Miliolites ne peuvent jamais être
mélangées avec lesNummulites, puisque celles-ci ne se trouvent
nulle part. Les premières occupent la craie moyenne, et les
secondes un niveau plus élevé.
Depuis longtemps des savants ont exploré le lambeau de
Fontainieu. Us affirment qu’il existe un mélange de coquilles
fossiles, fluviatiles ou lacustres, avec d’autres espèces marines.
Il se peut que dans ce même terrain et dans une autre contrée
ce mélange ait eu lieu. Mais à Fontainieu ce prétendu mélange
n’a jamais existé et ne peut être. Le savant ingénieur des
mines qui a fait la statistique de notre département dit que
ce mélange a été observé dans le fond d’un puits; il se peut
que de la partie supérieure il soit tombé des fossiles, lesquels
se seraient mêlés avec ceux du bas.
11 y a quelques années, on a creusé un autre puits tout près
du premier, et l’on n’a retiré que des Ostrea acutirosîris , des
Turritella CoquandielRenauxi, fossiles qui caractérisent, comme
on sait, l’étage sénonien.
NOTE DE M. TOUCAS.
823
D’autres géologues ont dit, après ce savant, que le mélange
existait réellement; mais ni le premier, ni les seconds ne
l’ont prouvé; or, il faut donner des preuves; c’est ce que
nous allons tâcher de faire. Ces preuves sont tirées des carac-
tères paléontologiques.
Il y a dans les deux derniers étages desCyclades fossiles; les
unes sont d’eau douce et les autres marines. Ce sont celles qui
ont été confondues par les savants qui ont exploré les terrains
de Fontainieu. Avec les Cyclades d’eau douce ou saumâtre sont
les genres Cyrena , Unio, Anodonta , Melania , Melanopsis , etc.,
qui sont, comme on sait, fluvio-lacustres ou suessoniens. A
côté des secondes sont les genres Turritella , Cerithium, Lncina ,
Ostrea , Hemiaster , etc., tous sénoniens. v
La taille des Cyclades fluvio-lacustres n’atteint pas la moitié
de celle des Cyclades sénoniennes; elles sont luisantes et ar-
gentées dans un calcaire blanchâtre et ne présentant qu’une
seule valve ; elles vivent en société avec les genres sus-nommés ,
mais plus souvent en société avec la Melania lyra et la Mela-
nopsis gallo-provincialis.
La taille des secondes est plus grande; très-souvent entières,
elles ont la couleur jaunâtre et sont très-comprimées; elles se
trouvent dans une roche entre le banc des Ostrea acutirostris
et le banc des Turritelles. D’autres Cyclades marines plus
grandes, non comprimées, luisantes, se trouvent mêlées avec
des Turritella Coquandi, T. Renauxi, Venus, Area, etc.; elles
sont dans le banc à Turritelles, immédiatement au-dessous des
couches à Ostrea acutirostris. Nous observons que ce sont des
strates éboulées au milieu des argiles tégulines, et qu’elles
n’occupent plus leur premier niveau; néanmoins, ce mélange
de Cyclades marines avec les genres sus-nommés ne se pro-
duit que dans l’étage sénonien.
Pour conclusion nous dirons : si ce mélange avait eu lieu
au lambeau de Fontainieu, pourquoi n’en aurait-il pas été de
même pour le lambeau du Castelet, puisque, à quelque diffé-
rence près, on y trouve les mêmes couches avec leurs carac-
tères paléontologiques?
C’est au suessonien fluvio-lacustre que s’arrête l’échelle géo-
gnostique du Canton. La fin de l’étage suessonien aurait eu lieu
par des dislocations lointaines, et, selon M. Élie de Beaumont,
par la dislocation du système de la Corse et de la Sardaigne,
dont la direction est du sud au nord.
824
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869
MÉLANGE DES FOSSILES QUI ONT EU LIEU DANS LES ENVOIS A M. ü’ORBIGNY.
Rectification .
21e étage : Turonien, d’Orb.
Genre Natica Toucasiana, non turo-
nien.
— Fusas Requienianus ?
— Cerithium provinciale, non tu-
ronien.
— Arcopagia vel Lucina numis-
malis, non turonien.
— Gardium Toucasianum, non tu-
ronien.
— Lithodomus Toucasianus, non
turonien.
— RadiolitesToucasiana, turonien
et non dans le sénonien parM. Co-
quand.
— Caprotina Toucasiana, non tu-
ronien.
— Funginellahemisphærica, com-
mune aux deux étages.
— Synastrea composita, individus
groupés dans le turonien et isolés
dans le sénonien.
— Acteonella crassa, non fcuron.
— • — gigantea, turonien.
— — voluta —
— ■ Turritella Renauxiana, non tu-
ronien, probablement sénonien.
— Pterodonta inflata (20e étage),
non cénomanien, mais ligérien.
— Pterodonta intermedia, non li-
gérien, mais carentonien avec l’Os-
trea columba.
— Pterodonta pupoides, non turo-
nien.
— Pleurotomaria Toucasiana, non
turonien.
— Spondylus spinosus,mornasien,
Goquand. Il est probable que deux
espèces portent le même nom, l’une
dans le mornasien du Beausset et
l’autre dans la craie supér. à Paris.
— Rhynchonella difformis,turon.
— Idmonea Toucasiana, turonien.
— Ostrea carentonensis? d’Orb.
— Ostrea diluviana, turon. et cé-
nomanien, rare dans les 2 étages.
— Rhynchonella Grasiana. Cette
jolie espèce passe du mornasien au
turonien ; on la trouve à côté de la
Caprina Aguilloni.
22e étage : Sénonien , d’Orb.
Genre Natica Toucasiana, sénonien.
— Fusus Requienianus?
— Cerithium provinciale, séno-
nien.
— Arcopagia vel Lucina numisma-
lis, sénonien.
— Cardium Toucasianum, séno-
nien .
— Lithodomus Toucasianus, séno-
nien.
Caprotina Toucasia na, sénonien .
— Acteonella crassa, sénonien.
— — , gigantea, non sénon.
— — voluta, sénonien.
— Pterodonta pupoides, sénonien,
plusieurs espèces inédites.
— Pleurotomaria Toucasiana, sé-
nonien.
— Rhynchonella difformis, n. sén.
— Idmonea Toucasiana, non sén.
— Ostrea carentonensis?
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824
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
MÉLANGE DES FOSSILES QUI ONT EU LIEU DANS LES ENVOIS A M. d’oRBIGNY.
Rectification,
21e étage : Turonien, d’Orb.
Genre Natica Toucasiana, non turo-
nien.
— Fusus Requienianus ?
— Cerithium provinciale, non tu-
ronien.
— Arcopagia vel Lucina numis-
malis, non turonien.
— Cardium Toucasianum, non tu-
ronien.
— Lithodomus Toucasianus, non
turonien.
— RadiolitesToucasiana, turonien
et non dans le sénonien parM. Go-
quand.
— Gaprotina Toucasiana, non tu-
ronien.
— Funginellahemisphærica, com-
mune aux deux étages.
— Synastrea composita, individus
groupés dans le turonien et isolés
dans le sénonien.
— Acteonella crassa, non turon.
— — gigantea, turonien.
— — voluta —
— Turritella Renauxiana, non tu-
ronien, probablement sénonien.
— Pterodonta inflata (20e étage),
non cénomanien, mais ligérien.
— Pterodonta intermedia, non li-
gérien, mais carentonien avec l’Os-
trea columba.
— Pterodonta pupoides, non turo-
nien.
— Pleurotomaria Toucasiana, non
turonien.
— Spondylus spinosus,mornasien,
Goquand. Il est probable que deux
espèces portent le même nom, l’une
dans le mornasien du Beausset et
l’autre dans la craie supér. à Paris.
— Rhynchonella difformis, turon.
— Idmonea Toucasiana, turonien.
— Ostrea carentonensis ? d’Orb.
— Ostrea diluviana, turon. et cé-
nomanien, rare dans les 2 étages.
— Rhynchonella Grasiana. Cette
jolie espèce passe du mornasien au
turonien ; on la trouve à côté de la
Gaprina Aguilloni.
22e étage : Sénonien , d’Orb.
Genre Natica Toucasiana, sénonien.
— Fusus Requienianus?
— Cerithium provinciale, séno-
nien.
— Arcopagia vel Lucina numisma-
lis, sénonien.
— Cardium Toucasianum, séno-
nien.
— Lithodomus Toucasianus, séno-
nien.
Caprotina Toucasiana, sénonien .
— Acteonella crassa, sénonien.
— — , gigantea, non sénon.
— - — voluta, sénonien.
— Pterodonta pupoides, sénonien,
plusieurs espèces inédites.
— Pleurotomaria Toucasiana, sé-
nonien .
— Rhynchonella difformis, n. sén.
Idmonea Toucasiana, non sén.
— Ostrea carentonensis?
TABLEAU indiquant la succession des étages géologiques du canton du Beausset et de ses environs
LEUB COMPOSITION, LEURS FOSSILES PRINCIPAUX, LEURS MINÉRAUX ET LEURS LOCALITÉS.
< a
COMPOSITION.
Galets roulés, sables.
Epaisseur d'un à trois mètres.
Grès calcaires.
Très-faible épaisseur.
DISTRIBUTION DES FOSSILES TERTIAIR
dans les diverses localités du canton du BEAU!
fossiles et minéraux.
Les palets et les calcaires d’une faible épaisseur.
L épaisseur des deux alluvions peut être évaluée
à 6 mètres.
Galets non liés vers le haut.
Au bas, tufs et plantes qui y sont identifiées, feuilles,
osier, noyer, noisetier, chêne, etc.
Fluvio-
Lacustre
Suessonien.
Calcaire tendre blanc , pâle,
Roches à Cyelades et h lignites.
Epaisseur des deux lambeaux :
195 mètres.
localités.
Beausset, Pas-de-la-Crau.
Signes, les bords du Latay.
Cadière, les bords du Grand-
Vulla.
Plan du Beausset, peu au-des-
sous de la terre arable. Plaine
de Chibron à Signes. LaRagle-
Castelet, etc.
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Cinq à six espèces de Cyelades,
Melanopsis gallo-provincialis, Melania lyra,
Oyrena globosa, lignites et jayet.
Sénonien.
Turonien.
Calcaire blanchâtre, grisâtre,
grès vert au milieu et roussâtro
sur les bords des blocs,
argiles tégulines, jaunes.
Épaisseur : 80 mètres.
Calcaire compacte, dur, bleuâtre,
grisâtre, grès vert micacé
avec sulfure de fer.
Épaisseur : 120 mètres.
Empreintes de bon nombre de plantes, sigillée de pal-
mier, fucus, cycadées, fougères, conifères, etc. Ammo-
nites polyopsis Bourgeoisii , Nautilus , Radiolites-
sinuata, Kad.-hssieostata, Lima Martiansii, Ostrea
ilatheroni, Ostrea auricularis, Salenia geometrica,
Rhyncbonella Eudesii , Rhynchonella vespertilio ,
Terebratula Toucasi.
Cadière-Fontainieu,
Castelet-la-Buse,
Le Pueseh, près du Beausset.
Couches à Hippurites organisans, Hipp. cornu-vacci-
num, Hipp. bioeulata, dilatata, Moulinsii, sulcata,
canahculata, Toucasiana, etc. Radiolites acutieosta-
ta, Radiolites angeiodes, Desmoulinsiana, excavata,
radiosa, Snuvagesii , alata, mamillaris, Toucasiana.
3b especes de rudistes, 12 hipp., 20 Radiolites ouSphe-
ruhtes, 2 Biradiolites, 2 espèces de Caprines, une Ca-
protine inédite.
Céno-
manien.
Albien
ou
Gault.
Aptien
d’Orb.
Calcaire compacte, dur,
brunâtre, grisâtre, grès vert,
micacé, à grain grossier,
fortement chargé de sulfure
de fer ; bancs ostracés,
dépôt sableux, marnes, et Roches
éruptives. Puissance : 590 met.
Calcaire ferrugineux,
grès compacte, micacé, marnes
jaunâtres, débris de roches
remaniées, calcaire peu coqinllier
Épaisseur : 24 mètres.
Calcaire marneux fissile,
bleuâtre.
Étage fussilifère à la Bédoule.
Epaisseur : 200 m. à la Bédoule.
Epaisseur dans le canton : 18 m.
Belemnitella vera, Nautilus triangularis, Amm. Rho-
tomageusis, Am. Yarians, Am. spheriGa, Pterodonta
inflata, Spondylus spinosus, Ostrea columba, Ostr.
Carinata, Ostr. flabella , Ostr. biauriculata , Ostr.
oarentonensis, Ostr. couica, Ostr. diluviana. Car-
dium Hillanum, Goniopygus major, etc.
Plateau du Castelet, puits Oli-
vier, Cadière, vallon de la
Tuilerie, Fontainieu , Réal-
Martin, propriété Dalmas-Mu-
ret, grand Canadeau, à la
Yaldaren, etc.
Cadière, Castelet, le Beausset,
la Valdaren, la Sainte-Beaume
et les trois vallons.
Aires du Beausset, Dalmasse,
le Sablas, Barralière,
Turben, Braqueti, Richarde,
Danjean, Séou-Blanc,
Pigourets, etc., ou Cheillerets,
Cassini.
Turrilites, Trocîms, Ostrea, Terebratula Dutempleana,
Discoidea rotuîa, Les espèces sont peu reconnais-
sables.
Cadière et Castelet,
entre
le Castelet et le Beausset.
Néocomien.
Thurnjgnn.
| Calcaire compacte blanc, dur,
j cristallin. Épaisseur : 735 mètres.
Ici se trouvent réunies
les couches de l’ouest et de l’est.
Amm. consobrinus, Cornuelianus, A. Martinii, A. Ma-
tneroni, Ancyloceras Matberonianus, Plicatula pla-
cunea, Ostrea aquila, etc.
Collines à l’ouest,
entre
la Cadière et le Castelet.
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Bajocien
d’Orb.
Toarcien.
Calcaire marno-argileux,
jaunâtre, brunâtre.
Les couches réunies : 899 mèt.
Calcaire compacte, dur,
grisâtre, à grain grossier.
Puissance : 315 mètres.
Nautilus neocomiensis, Ammonites fissicostatus radia-
tus, Corbis eorrugata, Terebratula sella, Ancyloceras,
Pleure tomaria, Ostrea Couloni, Rhyncbonella, Rbync.
inédite, Pholadomia Cornueliana, etc.
Amm. interruptus, Am^ Humphriesianus, Am.Niorten-
sis, Am. subradia:us,Pleurotomaria granulata, Pho-
ladomia, Pecten, Area, etc.
Amm. serpentions, A. msigins, A. Calypso, Lima
gigantea , Rhyncbonella tetraedra. Terebratula rin-
gens, de Bucli, Pholadomia decorata, Unicardium
uniforme, Cardium subtruncatum, etc.
Lias
moyen
ou
Liasien.
Calcaire compacte, dur, brunâ-
tre, grisâtre, à grain grossier.
Calcaire il banc sédimeutaire
très-coquillier.
Épaisseur : 95 mètres.
Sinémurien.
Cet étage est peut-être remplacé
par des couches argileuses
souillées par des oxides de fer.
Il a une faible épaisseur.
Escarpement du grand Cerveau
entre
le Beausset et Cujes, à Riboux.
Vallon de Taillane,
montagne de la Verguine,
à Signes.
Montagne de la Sainte-Beaume,
vallon du Taillane,
à Signes.
Amm. margaritatus , A. spinatus , Lima punctata
Pecten æquivalvis, Ostrea cymbium major et mi-
nor, etc.
Infia-Lias
ou
étage
Rhétien.
Calcaire jaunâtre, dur.
Épaiss. : 59 m. vieux Beausset
20 m. à la Migoi.
Total, 79 mètres.
Une empreinte de poisson, dents de poisson.
Avicula contorta, Spondylus triasicus, un Cidaris,
Rissoa, Pecten, Fucus et Calamites.
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lames irisées
et gypses.
Saliférien
d’Orb.
Calcaire cloisonné marneux,
Cargneules et gypses ,
marnes irisées.
Épaisseur : 18 mètres.
Chaux carbouatée souillée de sels de fer.
Une petite source salifère avec du sel de la grosseur
d’un petit pois.
Montparadis,
au versant méridional
de la Sainte-Beaume, à Taillane,
au nord de Signes.
Au sud du Vieux-Beausset,
sur la hauteur.
Vieux-Beausset,
quartiers de Rouve et Migoi.
Vieux-Beausset, sous l’infra-lias
aux Baumelles,
à Signes, près du Gapeau.
Cristaux gypseux translucides, de la grandeur d’une lame de couteau, à Gavari, daus la plâtrière d’Imbert.
Epaisseur des gypses de la colline du Vieux-Beausset : 40 mètres.
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Calcaire jaunâtre marneux,
conglomérats, galets roulés avec
lumachelles de Térébratules
communes.
Calcaires grisâtres, bleuâtres
compactes, durs,
oscille de 453 à 464 mètres.
Ne sont point comprises les cou-
ches argileuses que nous éva-
luons à 252 mètres.
Nautilus arietis, C eratites nodosus, Lima regularis. Trois
variétés, Gervillia socialis, Mytilus eduliformis, Myo-
phoria trigona. Id. simplex, id. curvirostris, Ostrea
subspondyloides, Terebratula communis,Tereb. inédi-
tes, Éncriuus liliiformis. Moule d'un crustacé que nous
rapportons au pemphix Sueurii.
[A la Marne, plateau du Cas,
au Montpibernon
de la Cadière.
Grès
bigarré.
Ciment calcaire coloré par des
oxides ferrugineux, galets
isolés. Épaisseur du grès bi-
garré : 125 mètres.
Calcaire saccharoïde. Empreintes de Woltzia brevifolia.
Calcaire à dendrite.
Épaisseur de chaque terrain
de la craie :
mètre».
Fluvio-lacustre, sucs-
sonien , deux lam-
beaux réunis 195
Sénonien 80
Turonien 120
Cénomanien 590
Albien 24
Aptien 19
Néocomien 735
Total.... Î7ÏÏ2
Aux quartiers de Cambeiron,
de la Migoi, aüx Baumelles,
au-dessus
des ruines de Taurentum.
Au versant sud
du Vieux-Beausset ,
au défilé de Gavari, près de la
Source.
Epaisseur des souches du
trias : mires
Marnes irisées, 18
Gypses réunis. 40
Calcaires du canton... 464
Grès bigarré 125
Couches marno-argl
leuses
Total.
252
899
Épaisseur de tous les terrains
connus du canton :
mires.
799
899
1762
Terrains triasiques...
— jurassiques.
— crétacés..
Total
d’alluvions.
3460
6
Épaisseur de chaque terrain
jurassique :
Uip.tres.
Bajocien
410
Toarcien
315
Liasien
95
Infra-lias, deux lam-
beaux réunis.
79
Total
899
NOM DES ÉTAGES
d’après
M. D’ORBIGNY.
M. GOaUANS.
LIEUX OÙ SE TROUVEPf
AVEC LEURS PRINCIPAUX
Suessonien.
Fluvio-
lacustre
et à lignites.
Plateau du Castelet,
quartier de la Buse. Puech.
Terrain tertiaire.
Melanopsis gallo-provincialis.
Quartier de Fontainieu, terroir
de la Cadière.
ES ET CRÉTACÉS
SET.
T LES ÉTAGES
FOSSILES.
Cyrena globosa. Cyolas.
} Melania lyra. Melanopsis gallo- irovincialis. Cyrena globosa. Cyclas. Lignites.
Terrains crélacés.
Sénonien.
„ . . I Nerinea bisulcata. Varigera Toi
1 1 opriéte Olivier, au-dessus du I Radiolites sinuata. Lithodom
Castelet.
casiana. Crassatella Marrotiana. Lima ovata.
ns Toucasi. Ostrea auricularis. Terebratula
Toucasiana. Terebratula sen iglobosa. Cyololites. Rhyncbonella Eudesii.
Caprotina Toucasiana. Pteroc ira Toucasiana. Salenia geometrica.
Quartier Fontainieu, terroir de la (Roches à Milioles. Argiles tégulines à Hemiaster Toucasi, Areopama numis-
J Wl O I 1 C I n 1 i 4- r\ n / 1 n t « A •-» n Tl 1 » f 1 — 17 /"X 1 1 ■ ff 1 • . TT
Cadière.
Santonien.
\ O O
< malis, Cyclolites. Ostrea acuti
( Coquandi , Turritella Rhenox
Tuilerie du Moutin, terroir de la j Lima ovata. Cardium Goldfussii.
Cadière.
Propriété Dalmas-Maret, quartier (Acteonella crassa. Ostrea déformées. Turritella Coquandi, Turritella Rhenoxi
du Réal-Martin. Cardium radiatum.
rostris. Venus ou Cyelades marines. Turritella
Caprotina Toucasi. Radiolites sinuata. Ostrea
Matheroniana. Rhynchonella octoplicata. Hippurites médites
Quartier du Canadeau.
Turritella Coquandi. Turritella Rhenoxi. Cardium radiatum. Venus.
r, , _ . , . , i Hippurites organisans. Radiolites mamillaris. Acteonella gigantea. Caprina
Barre du Castelet , propriété I Coquandi. Hippurites cornu vaecinum . Radiolites excavata Acteonella lævis
Dalmas. ) Caprina Aguilloni. Hippurites Toucasiana. Radiolites Toucasiana. Rhyn-
\ chonella deformis. Cyololites gigantea. Polypiers et Amorphozoaires.
Barre de la Cadière.
Mêmes fossiles que ci-dessus. Hippurites Requieniana. Radiolites Desmoulin-
siana. Hippurites bioeulata. Radiolites acuticostata. Hippurites dilatata.
I Radiolites radiosa.
Turonien.
Turonien.
Provencien.
Moulin de la Roche^ de la Cadière.
'Memes fossiles que ci-dessus. Hippurites sulcata. Ostrea Tisnei. Ostrea
Toucasi. Ostrea Santonensis. Ostrea auricularis.
Trou de Loup et Château-Vieux
1 du Castelet.
1 Hippurites organisans. Acteonella gigantea. Cyololites gigantea. Polypiers
nombreux. Hippurites eornuiiacoinum. Radiolites angeiodes. Radiolites
Toucasi. Radiolites mamillaris. Radiolites squamosa.
| Quartier Fontainieu, près le
/ dernier moulin.
1 Hippurites dilatata. Radiolites mamillaris. Radiolites radiosa. Polypiers.
Radiolites Sauvagesii.
j Bas de la Valdaren
| Hippurites cornuvaceinum. Ri
1 Hippurites dila
diolites mamillaris. Cyclolites gigantea. j
ata. Radiolites squamosa.
J Capelude, versant ouest
Mêmes fossiles qu’à la Valdaren.
H Grand Canadeau, vers l’est. . . .
Caprina Aguilloni. Hippurites cornuvaecinum. Cyololites gigantea. Polypiers.
Vallon de Saint-Côme, près la
Bastide du palmier (Saint-Cyr).
[Hippurites organisans. Radiolites excavata. Hippurites cornu vaeeinum.
Radiolites squamosa. Polypiers, Cyololites.
Montée de la Gueirarde, sommets des
vallons de Fauvy et de l’Ouro.
Hippurites indéterminables. Cerithium. Hippurites cornuvaceinum de très-
grosse espèce. Polypiers.
1 Sainte - Beaume , escarpement du
1 baou de Bretagne, et du dessous
1 du Saint-Pilon.
Mêmes fossiles qu’aux barres du Castelet et de la Cadière.
I Moulin de la Daby, à gauche de la ( Micraster Matberonianus. Spondylus spinosus. Inoceramus non décrit. Ammo-
nouvelle route de Marseille. ) nites ferrugineuses. Polypiers. Pleurotomaires.
Aires du Beausset et Cimetière.
Cardiaster. Pleurotomaires. Polypiers et Amorphozoaires. Bâtons d’oursins.
Montée de Grimeau, quartier de (Rhyncbonella Grasiaiia. Rhynchonella contorta. Terebratula
l’avant-dernier moulin. ) Hippurites déformées.
Mornasien.
Dessous de la barre de la Cadière,
vers Saint-Cyr.
!
Trigonia fieabra. Ostrea conica.
A gauche du pont de la Cadière, ) _ .
dans les roches à Rhyncbonella ( Belemmtes. Rhynchonella Grasiana. Hippurites orgauisans. Radiolites
Grasiana, ou trouve un mélange ( mamillaris. Fragments de Trigonies. Oursins. Caprina Aguilloni.
à la suite d’une dénudation. ^ Cyololites.
Sables de la Valdaren et de la
Capelude.
Fragments d’Bippurites et de Radiolites.
Turonien.
Ligérien.
Sables de la Dalmasse (Ammonites varians. Pterodonta inflata. Fusus quadratus. Hemiaster
Vernenili.
Cénomanien.
Propriété Olivier, à 600 mètres (Nautilus triangularis. Strombus
de la Dalmasse.
Carantonien. <
Faille entre la Dalmasse et la }
Barralière. |
Ostrea Trigeri.
Barralière et Turben.
i B olemnitella vera. Nautilus trian
Ostrea flabella. Ostrea biaur
inornatus. Ostrea flabella. Ostrea carinata.
Ostrea biaur: .culata. Ostrea columba.
Ostrea inédite.
Goniopygus major. Cyololites inédites.
gularis. Strombus inornatus. Ostrea columba.
ionlata. Ostrea carinata. Ostrea haliotidea.
Cénomanien.
Gardouien.
Au milieu des argiles, entre la
Barralière et Turben.
Fragments de coquilles fluviatiles sur des parties ligneuses.
80. — Paris. Édouard Blot, imprimeur, rue Bleue, 7.
NOTE DE M. GARRIGOU.
Dans cette notice, notre travail géologique et paléontolo-
logique sur le canton du Beausset, quoique imparfait, peut
donner encore quelques renseignements utiles à ceux qui
viendront après nous.
M. Valdemar Schmidt met sous les yeux de la Société des
silex qu'il a recueillis dans le terrain miocène et où l'action
de l'homme lui paraît incontestable.
M. de Mortillet ajoute que le gisement exploré par
M. Schmidt est celui que M. l'abbé Bourgeois a signalé
près de Pontlevoy.
Le Secrétaire lit la note suivante de M. Garrigou :
Note sur le niveau des cavernes; par M. F. Garrigou.
M. Ed. Lartet a présenté dernièrement quelques objections
contre ma théorie sur les divers niveaux des cavernes.
Je ferai d’abord observer que ce ne sont pas les hauteurs au-
dessus du niveau de la mer qui me servent de guide, comme
mon savant confrère a paru en avoir l’idée, pour déterminer
à l’avance la faune contenue dans une caverne inexplorée;
c’est le niveau qu’occupe la caverne, par rapport au fond de
la vallée, qui est mon point de départ. Puis aussi, ce n’est
que lorsqu’il y a plusieurs niveaux de cavernes dans une même
vallée que ma loi est applicable. S’il n’y a qu'une seule ca-
verne dans une région, on ne peut comparer à d’autres sa
hauteur au-dessus du fond de la vallée.
Et, en effet, ainsi que je l’ai déjà démontré :
1° Dans la vallée de l’Ariége les grottes de Bouichéta, des
Enchantées, de Lherrn, du Portel, sont toutes à des niveaux
atteignant 150 mètres ou 250 mètres au-dessus de l’Ariége.
C’est le grand Ours qui les caractérise.
2° Dans la vallée de Moulis, près de Saint-Girons, la grotte
d’Aubert, qui a fourni de nombreux spécimens du grand Ours,
atteint un niveau de près de 240 mètres au-dessus de la rivière
du Lez.
3° A Massat (Ariége) la caverne supérieure, avec ossements
très-abondants du grand Ours, est à 170 mètres environ au-
dessus de l’Arac et de la grotte inférieure (âge du Renne).
826
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
4° A Lourdes les alluvions quaternaires du même âge que
les dépôts de l’âge de l'Ours dépassent de beaucoup le niveau
delà caverne des Espélugues.
5° Dans les Basses-Pyrénées il en est de même pour celle
d’Izeste (Espalungue).
6° Enfin j’ai indiqué récemment, dans la vallée du Lot, trois
cavernes de l’âge de l’Ours occupant toutes les niveaux supé-
rieurs dans la vallée.
Je puis affirmer que sur 238 cavernes que j’ai examinées, je
n’ai jamais vu les faits se trouver en contradiction avec cette
loi, qu’un examen approfondi m'a conduit à établir.
Quant aux cavernes d'Aurignac, du Mas-d'Azil, de Rebenacq,
que M. Lartet oppose à cette loi, je lui ferai remarquer :
1° Que la caverne d’Aurignac est, du moins d'après ce
que lui-même a écrit, à un niveau très-considérable au-dessus
de tout dépôt ailuvien; par conséquent je ne crains pas de la
faire rentrer dans la catégorie des cavernes de Bouichéta, de
Lherm, de Massat (supérieure), etc. J'estime que la hauteur
de son ouverture est facile à calculer, et qu’elle est à plus de
150 mètres au-dessus du cours d’eau principal le plus voisin.
En effet, la hauteur absolue d'Aurignac est de 430 mètres (État
major); le moulin du pont, sur la Louge, est à 309 mètres.
LaLouge est un ruisseau insignifiant, comme les petits ruis-
seaux naissant dans le plateau de Lannemezan. Il y a donc en-
viron 100 mètres de différence de niveau entre la grotte et la
Louge, dont les alluvions atteignent une très-faible hauteur,
car elles n’arrivent pas au village d’Aurignac.
Le niveau de la Garonne, pris à 9 kilomètres d’Aurignac,
c’est-à-dire au pont le plus rapproché du village, entre Bous-
sens et Roquefort, est de 266 mètres. Il y a donc une différence
de 164 mètres de niveau entre Aurignac et le fond de la vallée
de la Garonne. J’ai donc raison de dire que la grotte d’Au-
rignac, du reste complètement privée de dépôts quaternaires
stratifiés, puisque ces dépôts n’existent pas dans la région,
rentre bien dans la catégorie des cavernes que j’ai décrites.
2° Je ferai observer, au sujet de la caverne du Mas-d’Azil,
que cette caverne a été, dès les premiers temps de l’époque
quaternaire, traversée par un cours d’eau dont les dépôts limo-
neux atteignent une hauteur de près de 60 mètres dans les
couloirs. Aussi ces limons, qui marquent à peu près les points
les plus élevés des dépôts quaternaires dans la région, contien-
nent la faune caractéristique de celte époque, l’Ours, le grand
NOTE DE M. GARRIGOU.
827
Chat et l’Éléphant, contemporains de l’homme. Ceci ne prouve
pas que les faits observés dans les hautes vallées soient
inexacts. Le Mas-d’Azil se trouve aux limites de la montagne et
de la plaine. Il est évident que les masses d’eau, les rivières
produites par la fonte des glaciers quaternaires et resserrées
dans les étroites vallées des montagnes, devaient atteindre
dans ces vallées un niveau supérieur à celui qu’elles at-
teignaient dans la plaine, où elles pouvaient s’étendre et se
développer en nappes à leur aise. Aussi, tandis que dans les
vallées des montagnes les cavernes situées à 150 et 200 mètres
au-dessus du fond de nos vallées actuelles pouvaient être
atteintes par les cours d’eau et garder leurs limons, ces mêmes
limons n’atteignaient que des hauteurs de 50, 60, 80 mètres
dans les points des vallées les plus rapprochés de la plaine,
pour s’abaisser encore plus une fois hors des montagnes.
De plus, les hautes vallées devaient être encombrées par les
produits glaciaires, et leur fond était comparativement plus
élevé que ceux des vallées basses, un peu à l’abri des glaciers,
qui ne les atteignaient pas. De là, encore, une nouvelle cause
pour que les eaux aient pu atteindre dans le cœur des mon-
tagnes des niveaux relativement plus élevés, et arriver à l’entrée
de certaines cavernes qui auraient été à l’abri dans des régions
plus rapprochées delà plaine en conservant leurs niveaux ab-
solus.
11 est donc arrivé pour la caverne du Mas-d’Azil que, pendant
l’époque glaciaire, les glaciers ont pu permettre son habita-
tion, l’entrée se trouvant à découvert, soit que les glaciers
n’aient pas eu au niveau de l’entrée de la caverne une épais-
seur assez considérable pour obstruer cette entrée, soit qu’ils
ne soient pas descendus jusque dans cette région, ce qui paraît
probable. Alors l’homme pouvait habiter l’entrée de la ca-
verne, y accumuler les débris de ses repas, de ses chasses, y
produire un vrai kjœkkenmodding de l’âge de l’Ours. A l’é-
poque de la fonte des glaciers les eaux, devenues plus abon-
dantes, ont pénétré dans la caverne avec fracas, entraînant de-
vant elles les restes de ces repas et les objets laissés par
l’homme, pour les entraîner pêle-mêle avec les limons dans la
caverne jusqu’à des hauteurs considérables, où on les retrouve
aujourd’hui. A ce moment il est fort probable que l’entrée de
la caverne devait être bouchée complètement par l’énorme
torrent glaciaire.
Peu à peu les eaux se retirant, les dépôts ont été abandonnés
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
dans la profondeur des couloirs. Mais la caverne étant ouverte
de part en part pour laisser passer le courant d’eau qui,
aujourd’hui encore, en s’appelant l’Arize, n’est qu’un mince
représentant de celui que fournissaient les glaciers quaternai-
res, ces mêmes dépôts ont été érodés, et la traversée de la ca-
verne, dans les parcours qu’elle a encore de nos jours, était fa-
cilement exécutée par le torrent. L’entrée étant encore deve-
nue libre, l’homme de l’âge du Renne a pu habiter la caverne,
et a laissé, sur les dépôts renfermant l’Ours et l’Éléphant, les
débris de son industrie et de la faune contemporaine du Renne,
ainsi qu on les trouve de nos jours, surmontés à leur tour par
les dépôts de l’âge de la pierre polie (1).
3° Quant à la grotte de Rebenacq, je dirai d’abord qu’elle est
seule dans la région, aux portes de Pau, c’est-à-dire dans la
plaine du Béarn pour ainsi dire, non dans une vallée étroite,
mais au pied de la haute chaîne de la région, exactement
comme la grotte du Mas-d’Azil, à moitié distance du gave de
Pau et du gave d Oloron, qui ont fourni les ailuvions quater-
naires de ces régions, et à une hauteur de 100 mètres environ
au-dessus du premier de ces fleuves, mais au niveau même du
fond de la vallée insignifiante du Néez.
L étude des divers planchers stalagmitiques de cette caverne
est certainement de nature à mettre en évidence les remanie-
ments nombreux subis par le sol meuble qu’elle renferme, et
à montrer qu’elle ne peut servir à faire une étude stratigra-
phique type du sol des cavernes.
En effet, nous avons trouvé avec Martin trois planchers sta-
agmitiques superposés, et même quatre en un point, dans l’un
des couloirs de gauche, ainsi que le présente la figure ci-
jointe : °
(1) Bull. Soc. < féol. , 2e série, t. XXIV, p. 492.
NOTE DE M. GARttïGOU.
829
Pour nous, ces planchers stalagmitiques veulent dire que
le niveau du limon L, actuellement sous la stalagmite Sa suc-
cessivement été en L/ L", L"', soutenant, à mesure qu’elles
se formaient, les stalagmites S', S", S'". Des érosions suc-
cessives ont eu lieu dans la caverne à diverses époques, et des
stalagmites superposées indiquent les niveaux atteints à ces
différentes époques par les limons sur lesquels elles reposaient
en se formant Car on admettra, je le suppose, que ces stalag-
mites ne se sont pas formées en l’air, mais quelles ont dû
reposer sur quelque chose de solide, pendant que l’eau cal-
caire les déposait en tombant de la voûte de la caverne.
En admettant que les ossements d’Ours, de Rhinocéros, d’Ë-
léphant, intimement mélangés au limon, aient été introduits
dans la caverne au moment de la fonte des premiers glaciers
quaternaires, il y aurait eu des remaniements successifs à
diverses époques, qui auraient mélangé les objets fossiles de
l’âge de l’Ours et ceux d’époques récentes. Et en effet c’est ce
qui est arrivé, car nous avons trouvé avec Martin des fragments
de poteries paraissant appartenir à l’âge de la pierre polie,
ainsi que des ossements de conservation différente de ceux de
l’Ours et de l’Éléphant, intimement mélangés à ceux-ci, sur-
tout vers l’entrée de la caverne.
Et que trouvera-t-on d’étonnant à cela, si l’on sait que, sous
830
SÉANCE DU 19 AVRIL 1869.
la caverne principale sont d’autres galeries situées à quelques
mètres seulement de l’entrée et servant d’issue à un cours
d’eau considérable qu’on nomme le Néez, et dont on a dé-
tourné un bras pour alimenter les fontaines de Pau ?
C’est, je crois, ce cours d’eau qui a successivement parcouru
des points divers de la caverne et qui a produit les érosions des
limons, ainsi que le mélange des fossiles des diverses périodes
de l’époque quaternaire en donnant lieu au phénomène de la
superposition des planchers stalagmitiques.
Aussi, en considérant la caverne deRébenacq comme située
à environ 100 mètres au-dessus du gave de Pau, principal
cours d’eau de la région et représentant minime du cours
d’eau glaciaire qui a formé les alluvions quaternaires de la ré-
gion, il ne faut nullement s’étonner des remaniements subis
par les limons de cette caverne.
Si, du reste, nous comparons, par rapport aux gaves d’Oloron
et de Pau, voisins l’un de l’autre, la hauteur de la grotte de
Rébenacq (âge de l’Ours) et la hauteur de la grotte d’Jzeste (âge
du Renne), nous trouvons que cette dernière est relativement
inférieure à la première. Elles rentrent donc toutes deux dans
la catégorie des autres cavernes, et la loi des hauteurs au-
dessus du fond des vallées leur est applicable.
On ne doit pas oublier que, pour aller de Pau à Izeste, on
monte jusqu’à Sévignacq, et que la grotte de Rébenacq esta
120 mètres au moins au-dessus du gave de Pau, tandis que la
grotte d’Izeste est tout au plus à 50 ou 60 mètres au-dessus du
gave d’Oloron.
Ainsi donclesniveauxrelatifsdeces cavernes, par rapport aux
grandes vallées voisines les plus considérables, sont exactement
dans les mômes conditions que les grottes des vallées pyré-
néennes. Rappelons-nous, du reste, que dans une môme ca-
verne peuvent exister les trois époques quaternaires, âge de
l'Ours, âge du Renne, âge de la Pierre polie, superposés l’un à
l’autre, l’âge de l’Ours étant recouvert par l’un des deux autres,
et l’âge du Renne toujours stratigraphiquement inférieur à
l’âge de la Pierre polie.
Mais il faut savoir aussi que dans certaines régions des Py-
rénées, et probablement ailleurs, la stratigraphie de l’époque
quaternaire n’a pas été conservée telle qu’elle était pendant
cette époque. Des plissements incontestables des alluvions
quaternaires nous indiquent que ces dépôts ont dû subir des
dénivellations, et il faut chercher, avant de nier, si les roches
NOTE DE M. GARRIGOU. 831
anciennes n’ont pas subi, elles aussi, les mouvements qui ont
plissé les alluvions.
Les Pyrénées ne seraient pas les seules à avoir éprouvé ces
phénomènés, puisqu’on en a cité de semblables en Auvergne.
Bien que fort restreints encore, ces faits doivent attirer
l’attention des observateurs.
Je persiste donc à dire, en m’appuyant à la fois et sur mes
nombreuses observations et sur M. d’Archiac, qui a admis la
loi que j’ai posée (1), que, lorsqu’on étudie les niveaux des ca-
vernes par rapport au fond des grandes vallées qui leur sont les
plus voisines, ou des grandes vallées dans lesquelles elles se
trouvent, les cavernes contenant la faune la plus ancienne (celle
de l’âge de l’Ours) sont à un niveau plus élevé, relativement au
fond de la vallée do comparaison, que celles qui renferment
les faunes plus récentes. En d’autres termes, les cavernes les
pim élevées , dans une même vallée, contiennent la même faune
que les alluvions quaternaires les plus anciennes de cette vallée. Les
cavernes qui leur sont inférieures étaient encombrées parles
eaux ou par les dépôts quaternaires pendant l’existence de la
faune ancienne ; l’homme ne pouvait donc en habiter l’entrée.
Ce n’est que plus tard, quand des phénomènes d’érosion en ont
mis l’entrée à découvert, que l’homme a pu y établir sa de-
meure, en même temps qu’une faune nouvelle (celle du Renne)
était développée dans le pays.
M. Éd. Lartet ne trouve pas que les faits mentionnés dans
la note qui précède apportent des arguments péremptoires
en faveur de la théorie de M. Garrigou que, jusqu’à nouvel
ordre, il considère comme n’étant pas suffisamment dé-
montrée. Quant à l’approbation dont elle aurait été l’objet
de la part de M. d’Archiac, M. Lartet l’a vainement cherchée
dans les ouvrages de ce savant. Il a trouvé seulement [Pa-
léontologie de la France , p. 520) une mention sommaire de la
doctrine en question, sans adhésion explicite.
M. Belgrand donne quelques détails sur le régime de la
Somme et la disposition de ses graviers aux environs
d’Amiens.
(1) Paléontologie de la France, in -8. Paris, 18G8 ; Imprimerie impéria'e.
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
Séance du 3 mai 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY.
M. Louis Lartet , secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres de la Société :
MM.
Delaunay, inspecteur de la maison centrale d’Eysses (Lot-
et-Garonne); présenté par M. A. Passy et A. Daubrée.
Früminville (Léon de), au château de l’Aumusse, par Pont
de Veyle (Ain); présenté par MM. Faisan et Benoît.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Th. Davidson, A Monograph of the britsh
brachiopoda. — The silurian brachiopoda ; in-4°, pp. 169-248,
pi. XX1II-XXXVII. Londres, 1869.
De la part de M. Émile Bormoy, Topographie souterraine du
bassin houiller de Valenciennes ; in-4°, 296 p. , 1 atlas in-folio.
Paris, 1867. Imprimerie impériale.
De la part de M. J. Gosselet, Observations géologiques faites
en Italie ; in-8°, 59 p., 7 pl. Lille, 1869; chez L. Danel.
De la part de M. J. Marco u, De la science en France. —
Deuxième fascicule. — F Académie des sciences de l’Institut impé-
rial de France ; in-8°, 208 p. Paris, 1869; chez G. Reinwald.
Le Président communique à la Société une proposition
du Conseil tendant à fixer au Puy (Haute-Loire) le siège
de la Réunion extraordinaire de 1869, et il prie ceux de ses
confrères qui auraient d'autres projets à faire valoir de
vouloir bien les faire connaître.
M. Hébert déclare s’associer à la proposition du Conseil et
retirer provisoirement la motion d’une réunion à Nice,
qu’il avait formulée auparavant, et qui sera plus opportune
lorsque les études, dont les environs de cette ville sont
maintenant l’objet, seront complètement terminées.
PROPOSITION DE M. LE PRÉSIDENT.
833
M. Jullien exprime le regret de voir la Société se réunir
dans le plateau central avant qu’il ait eu le temps d'ache-
ver les recherches dont il a déjà communiqué les princi-
paux résultats dans une des séances précédentes. Il de-
mande que la Société ne se réunisse au Puy que l’année
prochaine, se proposant d'ici là d’explorer le Velay, et
ayant le ferme espoir d’y découvrir des faits du même or-
dre que ceux qu'il a déjà signalés en Auvergne.
La Société ne trouverait d’ailleurs actuellement dans le
Velay aucune des questions controversées qui la déter-
minent d'habitude dans le choix de ses réunions extraor-
dinaires.
M. Louis Lartet regrette de n'être point de ce dernier avis
et il énumère les questions litigieuses et intéressantes sur
lesquelles la Société pourrait avoir à se prononcer dans la
réunion au Puy. L'importance de ces questions lui paraît
de nature à motiver, dès à présent, l'adoption du projet du
Conseil. Le Velay est une terre classique où Giraud-Soula-
vie, Faujas de Saint-Fond, Poulett-Scrope et Bertrand de
Doue ont encore aujourd’hui de dignes successeurs dans
MM. Aymard, Vinay, Félix Robert et d’autres géologues
dont le concours ne fera pas défaut en cette circonstance.
M. Jullien demande que la Société réserve la question
des glaciers.
MM. Levallois et Hébert font remarquer que la Société se
borne, en général, dans ses excursions, à enregistrer et à
contrôler les découvertes déjà faites, mais qu'on ne saurait
d’ailleurs imposer, à l’avance, des limites aux chercheurs,
dans le champ de leurs explorations.
La proposition du Conseil est ensuite mise aux voix et
adoptée.
Le Président soumet à l’approbation de la Société une
proposition du Conseil tendant à remettre au 24 mai la
séance du 17 mai (lundi de la Pentecôte), et une autre mo-
tion ayant pour but de n'admettre à l'avenir à faire de nou-
veau partie de la Société les anciens membres non démis-
sionnaires, qu'après qu'ils auront acquitté les cotisations
Soc. gèoh, 2e série, tome XX VT. 53
834
SÉANCE DU 3 MAI 1860.
se rapportant aux années pendant lesquelles ils ont conti-
nué à recevoir le Bulletin.
Ces deux propositions sont mises aux voix et adoptées.
Le Président propose encore, au nom du Conseil, défaire
cesser l’envoi du Bulletin , dès le 1er juillet, aux membres
qui n’auraient pas fait parvenir, avant cette époque, la co-
tisation de l’année courante. Cette mesure ne serait applica-
ble qu’à partir du 1er juillet 1870.
La proposition est mise aux voix et adoptée.
M. Éd. Lartet demande que ces décisions soient portées à
la connaissance de tous les membres par une circulaire
spéciale et par une bande appliquée sur la couverture du
Bulletin , ce qui est adopté.
Le Secrétaire lit la note suivante de MM. Coquand et Bou-
tin :
Sur les relations qui existent entre la formation jurassique et la
formation crétacée des cantons de Ganges ( Hérault ), de Saint-
Hippolyte et de Sumène(Gard) ; par MM. Coquand et Boutin.
On espérait que la Société géologique de France, lors de sa
réunion à Montpellier, aurait pu disposer de quelques jours
et se transporter dans la montagne de la Séranne, pour y étu-
dier un système puissant de calcaires blancs, remplis de Poly-
piers, de Nérinées et de Diceras , sur l’âge duquel les géolo-
gues ne se sont point encore prononcés d’une manière pré-
cise. M. Em. Dumas les place, dans sa carte géologique du Gard,
en partie dans l’étage corallien et en partie dans l’étage ox-
fordien. Les échantillons qui furent présentés dans une des
séances publiques tenues à Montpellier, provenant de Rans et
de Cazillac, furent jugés, à première vue, comme coralliens.
Ce ne fut que plus tard que la découverte du Cidaris glandifera
et la détermination plus rigoureuse des exemplaires que des
courses nombreuses mirent à notre disposition nous suggérè-
rent l’idée que nous avions sous les yeux le véritable équiva-
lent des gisements bien connus de l’Échaillon, du mont du
Chat et du mont Salève dans les grandes Alpes. Nous espérons
que ce fait ressortira clairement de notre description et de
l’examen comparatif des faunes.
NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 835
A ce point de vue seulement, il devenait intéressant de dé-
montrer l’existence d’un étage superposé à l’oxfordien dans
nos contrées méridionales où des géologues de grand renom
ont admis que les étages corallien, kimméridgien et portlan-
dien n’avaient jamais été déposés. Cette hypothèse avait déjà
reçu un démenti pour les environs d ’Escragnolles où M. Sc. Gras
et M. d’Orbigny avaient signalé un étage corallien caractérisé
par la Cidarisftorigcmma et les Iîhynchonella inconstans et Astie-
riana. Mais, cette interprétation n’ayant jamais reposé que sur
des énoncés non suffisamment justifiés, la conviction n’était
point formée encore à ce sujet et la question n’était guère sor-
tie du vague dans lequel elle est restée enveloppée jusque
dans ces derniers temps.
L’un de nous a publié tout récemment un mémoire dans
lequel il s’efforce de démontrer que les calcaires blancs infé-
rieurs au valenginien et supérieurs aux dolomies, que suppor-
tent à leur tour les calcaires oxfordiens, étaient d’époque kim-
méridgienne dans les départements du Var et des Bouches-
du-Rhône. Malheureusement l’empâtement des fossiles dans
la roche ne lui avait point permis de déterminer les nombreux
fossiles qu’elle renferme; mais la découverte de deux Néri-
nées ( N . bruntrutana et A. suprajurensis) kimméridgiennes,
jointe à leur position dans la série stratigraphique , four-
nissait des arguments suffisants pour légitimer son opi-
nion.
Si nous démontrons, ce que nous espérons faire d’une ma-
nière complète, que les calcaires blancs de l’Hérault occupent
la même place, entre le valenginien et les dolomies jurassiques,
que ceux des environs de Marseille; si, de plus, aux deux Né-
rinées citées en Provence, nous pouvons ajouter un contingent
paléontologique bien plus important, pareeque, dans les envi-
rons de Ganges, l’état de la roche présente des conditions plus
favorables pour la récolte des fossiles; si les conséquences à
tirer de la position des masses et de la signification des fos-
siles conduisent à reconnaître, dans nos calcaires blancs, les
assises corallifèresde Tonnerre, d’Angoulins, près La Rochelle,
de TÉchaillon, du mont du Chat, du mont Salève, et si ces di-
vers gisements, attribués au coral-rag, sont considérés, à plus
juste titre aujourd’hui, comme subordonnés au calcaire à As-
tartes ou séquanien des géologues du Jura, nous aimons à
penser qu’on sera disposé à accorder à nos calcaires coralli-
fères de l’Hérault l’équivalence que nous réclamons pour eux,
836
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
équivalence que nous ne prétendons établir d'ailleurs qu’avec
le secours de données purement scientifiques.
Mais l’intérêt qui pourra s’attacher à notre étude s’accroît
encore des déductions que l’on sera en droit d'en tirer pour
éclaircir quelques questions douteuses et controversées sur
d’autres points du globe, nous voulons parler surtout de l’âge
des brèches d’Aizy et de Lémenc, ainsi que du Klippenkalk du
Stramberg, que les uns rattachent à la formation crétacée et
les autres à la formation jurassique. Les environs de Ganges se
prêtent d’autant mieux à des comparaisons de cette nature,
qu’au-dessus des calcaires blancs corallifères nous trouvons
des calcaires lithographiques ou marneux renfermant la faune
complète de Berrias que M. Pictet a fait connaître, et, comme
il n’existe pas même une seule espèce fossile commune aux
deux dépôts, on ne sera en droit de disputer ni sur leur réu-
nion ou leur séparation ni d’invoquer des mélanges de faunes»
Cette déclaration une fois exprimée, nous nous bornerons à
laisser parler les faits d’observation, parce que nous les consi-
dérons comme assez probants pour s’imposer d’eux-mêmes et
nous dispenser de tous développements théoriques. Nous
avons de plus la confiance, à cause de la régularité avec la-
quelle les diverses assises fossilifères se succèdent dans la
contrée que nous décrivons, que les cantons de Ganges et de
Saint-Hippolyte deviendront classiques pour les géologues qui
seront curieux de juger par eux-mêmes des relations qui exis-
tent, dans le midi de la France, entre la formation jurassique
et la formation crétacée.
Le canton de Ganges, quoiqu’appartenant au département
de l’Hérault, peut être considéré comme une dépendance de
celui du Gard, dans lequel il constitue une véritable enclave.
La petite ville de Ganges, située au confluent de trois rivières,
l’Hérault, le Riotort et la Vis, setrouve être la clé de trois val-
lées montagneuses, dominées de chaque côté par des escar-
pements élevés qui se prêtent merveilleusement aux études
géologiques. G est justement cette situation favorable, jointe
A l existence de gisements fossilifères à presque tous les ni-
veaux, qui nous a suggéré la pensée d’étudier la contrée
d’abord et de la décrire ensuite.
Toutefois, pour ne pas surcharger notre travail de digres-
sions superflues, nous avons résolu de ne nous occuper que des
étages supérieurs de la formation jurassique et des étages in-
férieurs de la formation crétacée, c’est-à-dire, des terrains qui
NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 837
ont le privilège de tenir éveillée en ce moment, dans les Alpes
dauphinoises et provençales, ainsi que dans les Carpathes,
l’attention des géologues sur un sujet auxquel es idées systé-
matiques ont attribué peut être plus de relief qu’il n’en com-
portait réellement par lui-même. Quoiqu’il en soit, le moment
nous a paru opportun pour verser, sans idées préconçues,
quelques pièces nouvelles au procès, espérant qu’elles pour-
ront aider, dans une certaine mesure, à la solution du pro-
blème.
Nous devons déclarer qu’aucun travail sérieux de géologie
n’ayant été produit sur les terrains qui font l’objet de cette
étude, nous conserverons toute liberté dans nos allures. Les
seuls documents qu’il nous a été permis de consulter, pour
nous aider dans nos recherches, sont la Carte géologique de la
France, qui n’indique que du jurassique inférieur là, où nous
n’avons rencontré que de la craie, et celle deM. Ém. Dumas qui
n’indique, entre Ganges et Sauve, que l’étage oxfordien, où
nous aurons à signaler la continuatiou du klippenkalk de la
Séranne, que le savant observateur, qui le considère comme
du corallien, arrête sur la rive droite de l’Hérault, tandis
qu’il le franchit et forme le contre-fort montagneux qui court
de l’O. à l’E., parallèlement à la route impériale, et vient
se fondre dans les montagnes d’Anduze.
Ganges est bâti au pied même de ce contre-fort qui, dans la
direction de l’ouest, s’infléchit sensiblement vers le sud pour
se souder à la chaîne escarpée de la Séranne, dont le point
culminant est de 915 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Cette chaîne calcaire, qui forme un rempart continu, et qui
n’est guère accessible qu’aux piétons, est un pur klippenkalk,
que font remarquer de loin l’aridité de ses flancs et les cas-
sures crûment accentuées de ses cimes. C’est contre elle,
mais à sa base, que viennent s’appliquer les premières
assises néocomiennes, dont les éléments argileux don-
nent naissance à des collines ondulées, et par lesquelles
le pays bas du Languedoc est mis en communication avec les
Cévennes. La fissure à travers laquelle la rivière de l’Hérault
coule et qui a scié le klippenkalk dans toute son épaisseur a
permis aux voitures, qui jusqu’à Ganges n’avaient pu longer
que le revers méridional de la chaîne, d’atteindre le revers
septentrional dans la direction du Vigan, en d’autres termes,
de fouler le terrain jurassique au lieu du terrain crétacé.
Le torrent de Sumène a procédé à la manière de l’Hérault
3umène0
838
SÉANCE DU 3 MAI 1869,
NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN.
839
et pénètre jusqu’à la formation des schistes cristallins, en en-
tamant successivement tous les étages de la série jurassique
qui se terminepar l’infra-lias. Aussi est-ce la vallée de Sumène
que nous choisirons de préférence pour nos études à travers
les bancs à cause de la régularité avec laquelle se superposent
les divers termes de la série secondaire, et dont le diagramme
ci-devant indique l’ordre relatif de succession.
La ville de Sumène est bâtie sur les marnes supraliasiques A,
qui contiennent les Ammonites opalinus , sternalis , mucrona-
ius , etc.
Au-dessus on observe un étage puissant de dolomies gre-
nues, cristallines, noires à la surface, découpées aux affleure»
ments en prismes, en obélisques et en pyramides de formes
fantastiques. Ce sont les mêmes que la Société géologique a eu
le plaisir d’admirer à Mourèze, dans le voisinage de Clermont-
l’Hérault. Elles occupent la place du jurassique inférieur tout
entier. Elles sont sans fossiles.
L’étage oxfordien, qui les recouvre immédiatement, débute
par des marnes grises C, alternant avec des calcaires marneux
gris, dans lesquels on recueille avec profusion les Belemniteshasta-
lus , Ammonites canaliculatus, A. transverscirius, A. per ar mains, A.
crenatus; viennent ensuite des calcaires noirs exploités pour les
constructions, entremêlés d’argiles noirâtres. L’étage est cou-
ronné par de puissantes masses d’un calcaire lithographique C’
gris ou jaunâtre , nettement stratifiées, dans lesquelles nous
avons recueilli Y Ammonites oculatus. L’oxfordien atteint dans
son ensemble une puissance de plus de 140 mètres, comme on
peut en juger aussi dans la cluse de Tbaurac, entre Laroque et
Saint-Bauzille-en-Putois.
Au-dessus de l’oxfordien se développe un nouvel étage dolo-
mitique D qui n’a pas moins de 80 mètres d’épaisseur. Miné-
ralogiquement, il ne se distingue point des dolomies infé-
rieures ; mais sa position constante, au-dessus des calcaires
lithographiques oxfordiens, fournit un excellent point de re-
père qui permet d’établir une séparation facile entre ces der-
niers et d’autres calcaires également compactes qui lui sont
supérieurs. On le reconnaît sans peine à la simple vue, même
de loin. La faculté que possède la dolomie de s’égrener à la
surface et de laisser la végétation recouvrir les talus, et sa
couleur brunâtre qui tranche vivement sur le ton grisâtre ou
blanchâtre des calcaires encaissants, fournissent un caractère
extérieur dont le géologue tire le plus grand parti pour se re-
840
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
connaître au milieu de ces montagnes calcaires. Le seul fossile
que nous avons pu recueillir est un Ammonites qui se rapporte
à VA. Achilles , espèce corallienne.
Puisque Poxfordien supérieur est représenté par les calcaires
lithographiques qui surmontent les bancs à Ammonites trans-
mrsariuse t qui correspondent par conséquent à l’argovien des
géologues suisses, il est logique d'admettre que les dolomies
tiennent Iaplace de l'étage de la même manière que les dolomies
inférieures tiennent celle dujurassique inférieur. Leur position
d’abord et ensuite V Ammonites Achilles que nous y avons dé-
couverts donnent du poids à cette opinion. Si donc cette opi-
nion est fondée et si les couches se succèdent, dans cette par-
tie de la France, dans le même ordre que dans les autres
contrées jurassiques, dans le Jura, par exemple, nous devrons
naturellement trouver au-dessus des dolomies supra-oxfordien-
nes le représentant de l’étage kimméridgien.
Nous passerons donc à l’étage des calcaires blancs et litho-
graphiques E. Nous touchons ici à un des étages qui joue le
rôle le plus relevant dans la série des terrains qui se déve-
loppent dans les cantons de Ganges, de Saint-Hippolyte et de
Sumène, autant par la puissance énorme qu’il acquiert, et qui
paraît dépasser 180 mètres, qu’à cause des fossiles variés qu’il
renferme. 11 consiste dans tout son ensemble en des calcaires
purs, constamment privés d’argiles. Nous verrons incessam-
ment que 1 interprétation de la faune qu*il recèle conduit à
1 assimiler aux assises coralliferes du mont Salève, du mont du
Chat, de lÉchaillon, d’Angoulins, de Tonnerre, de la Pro-
vence maritime, et très-probablement au corallien de Verdun
et de la Nièvre; or, comme ces divers gisements, sur lesquels
existent de nombreux travaux, occupent une position bien
connue, ils nous autorisent à affirmer leur équivalence avec
ceux de 1 Hérault et du Gard, et, par conséquent, à rattacher
par un lien commun nos Alpes méridionales aux Alpes dauphi-
noises et savoisiennes.
La composition de nos calcaires est des plus simples, puis-
qu’ils n’admettent aucune roche subordonnée. Ils fournissent
des matériaux irréprochables pour la fabrication de la chaux
grasse; mais, en revanche, ils se montrent d’une stérilité com-
plété. Suivant la manière dont les soulèvements ont façonné
es couches, ils donnent naissance à de grandes murailles
langées d une façon capricieuse dans leur couronnement, ou
len à des pics qui impriment beaucoup de grandeur au
NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 841
paysage. Toutefois ils sont la patrie par excellence des escarpe-
ments verticaux, surtout au-dessus des cours d’eau, et le nom
de klippenkalk que leurs analogues ont reçu dans le langage
allemand, est parfaitement justifié. Quant aux variations que la
roche est susceptible de présenter dans sa texture, elles sont
utiles à signaler, par la raison qu’elles entraînent souvent une
modification dans la physionomie de la faune, de sorte que,
suivant les points où portent les recherches, on est exposé à
faire une bonne récolte de fossiles ou à n’en rencontrer au-
cune.
Dans les environs immédiats de Ganges, et surtout dans les
quartiers de Cazillac et de Rans, les roches sont très-fossili-
fères et se présentent alors sous la forme d’un calcaire blanc
un peu rosé, semi-cristallin, passant par places à un calcaire
oolithique à oolithes mal définies, et quelquefois, comme au
bois de Mounier, dans la commune dePompignan, à une roche
grossière formée entièrement de débris roulés et usés de co-
quilles passées à l’état spathique et mal reliés entre eux,
roche qu’on a l’habitude d’observer fréquemment dans les
étages corallifères de la Meuse et du Jura, et qui existe égale-
ment dans le vallon de la Cloche près de Marseille. Quant aux
variétés subsaccharoïdes, elles sont susceptibles de donner des
marbres qu’on aexploités sur le revers méridional delà Sainte-
Beaume, dans la commune de Riboux, et au-dessus de Trets,
dans l’arrondissement d’Aix.
Entre la vallée de Riotort et Saint-Hippolyte, les calcaires
changent un peu de caractère; ils ont bien conservé leur cou-
leur blanche, mais ils deviennent compactes, chantent sous le
marteau à la manière des phonolites, ont la cassure largement
conchoïdale, et contiennent beaucoup moins de fossiles.
Cependant, sur les surfaces exposées aux injures atmosphé-
riques, on voit se dessiner en relief les mêmes Échinides, les
mêmes polypiers et les mêmes Diceras que l’on obtient tout
détachés dans les calcaires semi-cristallins et oolithiques.
Cette variation peut très-bien s’observer quand on se rend
par le quartier des Patus, au N. de Ganges, au pic du Rans de
Bonne qui domine la ville de Sumène. Près du Mas de Viala
surtout, et dans le voisinage des dolomies, on voit le calcaire,
qui était blanc et fossilifère dans les premiers gradins de la
montagne, passer graduellement à un calcaire grisâtre et li-
thographique qu’on pourrait confondre avec les calcaires ox-
fordiens et dans lequel il est difficile d'apercevoir des fos-
8 42
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
Siles. Ce caractère persiste jusqu’au delà de Saint-Hippolyte :
aussi cette région se prête très-peu aux recherches paléon-
totogiques, et, pour retrouver des gisements féconds, il
est indispensable de rechercher les stations où le déve-
oppement des coraux a pu permettre aux Échinodermes et
aux mollusques d’établir des colonies. Les masses intermé-
ciaue.i, qu on est en droit de considérer comme des dé-
pots de mer profonde, mais qui, en réalité, ne sont que la
continuation des premiers, semblent perdre, avec le caractère
pétrographique corallien, le privilège de contenir les animaux
qui abondent dans les calcaires corallifères proprement dits.
’ ma‘8ré 1,immense étendue du klippenkalk
s les deux départements limitrophes du Gard etde l’Hérault
!lni?ISl i/q"? t,r°1S °U quatre points très-limités en surface’
ù le paléontologue puisse faire sa moisson. Ces points sont
les quartiers de Cazillac et de Rans près de Ganges, et le bois
e Moumer. En dehors de ces stations privilégiées on se
nTrTsVes Tede Calf'res comPactes, qui, s’ils n’étaient sé-
P descidcairesoxforden8 par l’étage de dolomies inter-
êiFe confondus avec eux, comme ils l’ont
été dans la chaîne des Dourbes. On ne croirait qu’à l’exis-
distincts*111 1386 Um
dans la roche qu’il devient impossMe deV' T™* engagées
Un seul échantillon nous a montré une e caractères distinctifs.
Mer au B. semicanaliculatuT "ne «*«»?»• *on sillon fai, ressem-
NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN.
843
Nautilus. Espèce indéterminable. Rans.
Ammonites . Fragments indéterminables.
Nerinea tuberculata,~Rœmer. Commune au bois de Mounier. Cazillac, Rans.
Elle se retrouve dans le corallien de Tonnerre (calcaire à Astartes), dans
le kimméridgien de Tœnjesberges (Credner). A Lindner (Hanovre).
Nerinea bruntratana , Thurmann. Cazillac, Rans. Onia retrouve au vallon
de la Cloche et au val de Planouze (Marseille). A Auriol. Kimméridgienne
dans le Jura et les deux Charentes. — Tonnerre. — Jurassique supérieur
en Autriche (Peters).
Nerinea Mandelslohi, Bronn. Cazillac. Bois deMounier. Kimméridgienne à
Tonnerre, à Nattheim. — Stramberg.
Nerinea Mariœ , d’Orbigny. Cazillac. Bois de Mounier. Kimméridgienne en
Autriche (Credner).
Nerinea suprajurensis, Yoltz. Cazillac. On la retrouve à Marseille. Kimmé -
ridgienne dans le Jura.
Nerinea Gosœ , Rcemer. Cazillac. Bois de Mounier. On la retrouve à Mar-
seille. Kimméridgienne dans le Jura et en Allemagne.
Nerinea dilalata, û’Orbigny. Bois de Mounier. Elle se retrouve au mont
Salève (de Loriol).
Nerinea salevensis , de Loriol. Bois de Mounier. Elle se retrouve au mont
Salève.
Nerinea. Il existe entre nos mains, ou dans celles de M. Jeanjean à Sainte
Hippolyte, 5 ou 6 espèces que nous n’avons pu rapporter aux espèces déjà
décrites. Elles proviennent du bois de Mounier.
Cerithium nodoso- striatum, Péters. Cazillac. Rans, avec le Cidaris glandi-
fera. Il se retrouve au mont Salève et à Stramberg.
Nous passons sous silence des Natica , des Turbo , des Acteo-
nina , des Pteroceras que nous supposons devoir constituer,
pour le plus grand nombre, des espèces nouvelles.
Diceras Escheri, de Loriol. Cazillac, Rans, Bois de Mounier. Elle se re-
trouve au vallon de la Cloche (Marseille), à Rougon (Basses-Alpes) et au
mont Salève.
Diceras Lucii, Defrance. Cazillac , Rans. Exemplaires complets. Elle se re-
trouve au vallon de la Cloche et au mont Salève.
Diceras arietina , Lamarck. Cazillac, Rans, bois de Mounier. Elle se retrouve
dans le vallon de la Cloche. Elle est astartienne à Bellevue, près Porren-
truy, à Montbéliard, à Tonnerre, à la Rochelle.
Diceras suprajurensis , Thurmann. Rans, On la retrouve au vallon de la
Cloche. Kimméridgienne à Porrentruy.
Nous mentionnons ici pour mémoire une espèce que nous
croyons nouvelle, et qui, lorsque la couche externe du têt est
enlevée, montre autour de la partie centrale des valves une
zone limitée, ornée de couches concentriques, qui lui donne
844
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
a!ors ''apparence d’un Requienia. Cazillac, Rans, bois de Mou-
mei-. Elle se retrouve au vallon de la Cloche près de Mar-
beiiie.
Cardiwm corallinum, Leymerie. Bois de Mounier. Elle se retrouve dans le
OyoMax aStartie“ ^ ^ R0Che‘le’ ^ TonDerre> de Porrentruy et à
Corto decmsata, Buvignier. Bois de Mounier. Elle se retrouve dans la
Meuse et à Oyonnax.
? MombéliIrd/',"’'"a’ C0ntejean’ Bois de Mou,lier- Kimméridgienne A
Trichües Saussuri, Deshayes. Cazillac. Kimméridgien à la Rochelle, An-
gouleme, mont Salève, vallon de la Cloche (fragments).
Trigonia bicosiata , d’Orbigny. Cazillac. Astartienne à la Rochelle.
Pecten Rochati, de Loriol. Cazillac. Elle se retrouve au mont Salève.
Recien ^Quatre espèces que nous ne trouvons point décrites. Cazillac.
Lima. Deux espèces non décrites. Cazillac.
Hinmtes. Trois espèces nouvelles. Cazillac.
Uthodomus Luci, de Loriol. Cazillac. Elle se retrouve au mont Salève.
Espèee nouvelle très-voisine de la P. orna, a, d'Orb. Cazillac.
^en* Algérie”à Totmerre.' AStatÜmDe à Ang:oulême’ à » Rochelle,
^nfpn MOmT’ G‘°Cker (r' RePelinima’ d’Orb.). Commune à Cazillac ,
?r” E!ldse (retr0Uïe au ™«°n de la Cloche (près Marseille) , à Rougon
Strambêr»jeS ’ m°nt Sa'èTC’ * Échaillon> à Lém™c, à Tonnerre, à
GIocker-Cazillac. «h on recueille des individus de
7 centimètres de longueur. Elle se retrouve à Stramberg.
etmvà^tim°POlitmSÜ’ PiCte‘- N°US ‘Ui rapp0rt0ns aTCC doute da“*
Fmnce Pr°TCnant de CazilIac- 0n la retrouve à la Porte-de-
eilt7ltkStnmbevg‘S’ Zeuschner- Cazillac- E1Ie se retrouve au mont Sa-
^Rogoni^'’ Zeucbner- Cazillac- Nous l’avons reçue du klippenkalk
Cloche (Marseille) et à Strlmbecf " °UVe ““ Val‘°n de la
TlienTet ^ Eeym.). «ans. Kimmérid-
Teretratula e?^d’OrbTaMliac “ia">-
Terebratula pentaedra ToT Kimméndgienne à la Rochelle.
M. Quenstedt (Jura,'pl 91 fit TT TT ^ C°nf°rmeS anx fl^ures de
auteur indentata (non So\v.) fi. 13 T r 5,n°mmée par le mêrae
„ Streitberg me paraît plus bombéT ? ^ je P°SSède de
i erebratula subsella, Loymerie Ca7îliap un
de Surgères, d’Oyonnax, de Tonnerre * d’LST da"S
NOTE DE MM* COQUAND ET BOUTIN.
845
Terebratula Bielimecki, Suess. Rans. Elle se retrouve à Stramberg.
Rnynchonella Astieriana , d’Orb. Cazillac.Elle se retrouve à Stramberg et à
Escragnolles (Var).
Rhynchonella. Plusieurs espèces à nommer. Rans.
Megtrlea pectunculoides, Schl. sp. Rans. Kimméridgienne à Naltheim, Lé-
menc. Aizy.
Acrocidaris œquituberculata, Agassiz. Cazillac. Astartien à Angoulins (la
Rochelle) et à Tonnerre. — Aizy, Nattheim, Valfin.
Cidaris rnarginata, Goldf. Bois de Mounier. — Nattheim , Stramberg.
Cidaris bavarica, Desor. Cazillac. Jurassique supérieur à Heidenheim.
Cidaris glandifera, Goldfuss. Cazillac, Rans, Moules. Elle se retrouve à
Échaillon (Lory), à Lémenc, en Syrie, en Algérie, où elle est kimmérid-
gienne.
Cidaris. Quatre espèces représentées par des radioles qui nous sont incon-
nus. Cazillac. Rans.
Eugeniacrinus Heberti , de Loriol. Cazillac. Il se retrouve à Lémenc.
Millericrinus mespiliformis , d’Orbigny. Cazillac. Il se retrouve à Lémenc, à
Heidenheim.
Apiocrinus Meriani, Desor. Cazillac, Rans. Astartien à la Rochelle, à Ton-
nerre, dans le Doubs, à Angoulême, en Algérie.
? Apiocrinus flexuosus , Goldfuss. Rans. Kimméridgien à Nattheim.
Eunomia grandis , d’Orbigny. Cazillac, Rans, Bois de Mounier. Elle se re-
trouve à Échaillon.
Calamophyllia Stœkesi, M. Edw. etHaime. Cazillac. Elle se retrouve au
mont Salève.
Il existe une foule de polypiers branchus, des Astrea , etc.,
que, faute de matériaux suffisamment bien conservés ou de
types de comparaison, nous n’avons pu déterminer.
Nous espérions compléter cette énumération de fossiles
déjà assez étendue par l’indication des espèces qui auraient
pu nous échapper et qui se trouvent si bien représentées
danslabelle collection que M. Jeanjean, maire de Saint-Hippo-
lyte , possède du klippenkalk du bois de Mounier ; mais nous
n’avons pu profiter des ressources que ce zélé paléontologiste
était disposé à mettre à notre service, car, à l’époque où nous
nous occupions de l’étude des terrains , tous ses types avaient
été envoyés en communication à M. Hébert. Comme ce savant,
dont la compétence est si bien connue, est mieux placé que
nous, pour procéder à des comparaisons avec des échantillons
provenant d’autres gisements analogues, nous sommes con-
vaincus que la science en retirera un plus ample bénéfice que
s’ils fussent restés entre nos mains. En tous cas leur étude
servira à former sa conviction.
846
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
Afin de rester fidèles à notre programme et de ne point nous
engager dans des discussions théoriques, nous nous contente-
rons de faire observer que le plus grand nombre, sinon la to-
talité, des espèces que nous avons mentionnées, se retrouvent
dans les coralliens de Tonnerre, de la Rochelle, de l’Échail-
lon, du mont Salève, que tous les géologues sont d’accord au-
jourd’hui à considérer comme faisant partie du kimméridgien
à Astartes. C’est donc à ce niveau que se rapportent, et que
nous rapportons sans hésitation, nos calcaires blancs coralli-
fères des environs de Ganges et de Saint-Hippolyte, et nous
ajouterons que leur superposition constante aux dolomies qui
occupent la place du corallien ajoute un degré de certitude de
plus aux déductions tirées de l’examen des fossiles.
Nous savons aujourd’hui que les calcaires corallifères, qui
ont une puissance si considérable, représentent dans leur
partie supérieure quelque chose de supérieur à l’astartien et
au kimméridgien (1). Comme il n’est point facile d’indiquer le
point précis où commencent et où finissent les zones fossili-
fères, on reste nécessairement dans le doute relativement à
quelques points de détail, et on se trouve obligé d’appliquer à
la masse entière, qui n’est pas susceptible de subdivisions
bien tranchées, à cause de la constance du caractère pétro-
graphique, les conséquences que la paléontologie tire de
l’examen des fossiles de certaines de ses parties; mais, quelle
que soit l’opinion que l’on puisse avoir à cet égard, il n’en
restera pas moins établi d’une manière surabondante, que le
jurassique supérieur, dont on avait constamment nié l’exis-
tence dans le midi de la France, non-seulement y est repré-
(1) Un cantonnier de Ganges nous a cédé trois Ammonites de grande
taille, converties en calcaire lithographique grisâtre, et dont l’intérieur des
loges est tapissé de cristaux de chaux carbonatée métastatique, exactement
comme onl observe dans les Ammonites du kimméridgien à Gryphées vir-
gules de Tonnerre et ne la Charente. Parmi ces Ammonites se trouve VA.
L'irgilliertianus ,d Orb., espèce kimméridgienne. Ces céphalopodes proviennent
de la montagne de Thaurac et des calcaires lithographiques que l’on observe
entre le valenginien et les calcaires blancs corallifères, bancs que l’absence
de fossiles ne nous avait pas permis de séparer de ces derniers. Voilà
donc, apiès 1 astartien , le virgulien officiellement représenté dans le midi
de la France. Un de nous, qui habite les lieux, se charge de procéder à de
nouvelles recherches pour s’assurer si ce nouvel horizon ne serait pas re-
couvert, comme dans le Jura et dans le nord de la France, par les assises
portlandiermes fossilifères.
NOTE DE MM, COQUAND ET BOUTIN.
8i7
senté, mais qu’il y tient un rang honorable que des décou-
vertes ultérieures ne peuvent manquer de rendre plus honorable
encore.
Reprenons notre coupe. Aux calcaires blancs corallifères
succède un ordre de choses tout nouveau. Si dans ceux-ci on
n’a pu constater l’existence d’aucune espèce oxfordienne, on n’a
pu y découvrir non plus aucune espèce néocoinienne; l’indé-
pendance de l’étage qu’ils représentent se trouve solidement
affirmée. Nous allons pénétrer en ce moment dans un système
géologique tout à fait différent et par sa composition et par
ses fossiles, et qui nous placera en plein dans la formation
crétacée qui est représentée dans la contrée par deux de ses
étages, le valenginienetlenéocomien proprement dit. Point de
traces de l’urgonien ou du barrémien son équivalent, par le-
quel débute la série urgo-aptienne.
Nous indiquons fici les subdivisions en lesquelles on peut
dépecer nos deux étages.
9
Etage mlenginien :
a. Lumachelle à Terebratula et calcaire ammonitifère de Berrias
10 mètres.
b. Bancs à Serpula recta : 1 mètre à 1 m50.
c. Marnes à Natica Leviathan et Belemnites latus : 60 mètres.
r
Etage néocomien :
Il se compose à sa base de marnes et de calcaires marneux
avec Ammonites asper et Astierianus ; et à sa partie supérieure
de calcaires avec Ostrea Couloni , etc., base : 60 mètres; partie
supérieure : 35 mètres.
Immédiatement au-dessus des calcaires blancs, et sans qu’on
puisse observer de discordance réelle, on trouve à Cazillac-le-
Haut, un calcaire gris-jaunâtre, terne dans la cassure, mélangé
d’argile, et dans lequel se trouvent entassées des quantités in-
nombrables de Térébratules déformées, parmi lesquelles on
reconnaît les T. Moutoniana et hippopus, et une prodigieuse
abondance d’articles du Millericrinus Boissieri . A ces fossiles
est associé le Belemnites latus , de toutes les tailles et avec
toutes les variétés propres à l’espèce. Nous y avons également
observé des valves d ’Exogyra qui rappellentl'O. Couloni ; mais,
comme tous ces fossiles sont solidement engagés dans la gan-
gue, il devient assez difficile d’en retirer des exemplaires iso-
848
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
lés. Sur le point que nous décrivons, la lumachelle supporte
directement des calcaires argileux sans fossiles, susceptibles
de fournir de très-bons matériaux hydrauliques, jouissant de
la propriété de se déliter à l’air et de se diviser en masses
sphéroïdales. Ces masses, qui s’isolent facilement et qui sont
de tout calibre, sont blanches dans leur centre et jaunâtres à
leur extérieur. Cette dernière teinte, qui pénètre plus ou
moins profondément, est due à des phénomènes d’altération,
et se maintient dans la terre végétale qui provient de la désa-
grégation de ces calcaires. La lumachelle ne paraît pas former
une bande continue et n’est certainement qu’un accident par-
ticulier du calcaire arnmonitifère ; cependant nous l’avons re-
trouvée dans les environs de Moulés. Son épaisseur n’est
gnère que de 1 à 2 mètres.
Le calcairç arnmonitifère est grisâtre, compacte, mais il n’a
plus le grain du calcaire lithographique et il alterne avec de
minces lits de marnes. C’est par lui en réalité que débute
l’étage valenginien,et on le voit former une bande continue de
8 à 12 mètres de puissance, depuis Moulés jusqu’au delà de
Saint-Hippolyte, limite à laquelle nous nous sommes arrêtés,
après avoir étudié successivement les stations fossilifères in-
termédiaires de la Moure, de l’Olivier, des Oliviers, de Gines-
tous, de la Cisterne, de la Cadière.
La séparation de ce système d’avec les calcaires kimmérid-
giens s’opère avec la plus grande facilité et d’une manière
tranchée, car il rampe constamment à la base des grands es-
carpements que ces derniers forment au-dessus de la plaine ;
de plus, comme l’élément argileux a donné naissance à un
sol arable, il est totalement recouvert de cultures variées ; de
sorte que la présence de la végétation et la couleur jaune du
terrain, deviennent des guides infaillibles presque autant que
les indications fournies par la superposition et par la faune.
S’il n’existe aucun passage minéralogique entre les derniers
bancskimméridgiens et les premiers bancs valenginiens, la liste
des fossiles, que nous allons donner, fournira une preuve nou-
velle de l’antipathie qui semble exister entre les deux forma-
tions.
Saurien. Mâchoire de très-grande taille armée de ses dents. La Cadière.
Aptychus Didayi, Coquand. Ginestous. lise retrouve à Berrias.
Belemnites latus, Blainv. Cazillac, Moulés, Ginestous, la Cisterne, la Ca-
dière, Saint-Hippolyte, Pompignan. Elle se retrouve à Berrias, dans les
Basses-Alpes, etc.
NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN.
849
Belemnites Orbignyanus , Duval. Mêmes localités. Berrias.
Belemnites minaret , Raspail. Ginestous, la Cadière. Elle se retrouve à
Berrias.
Nautilus aturioides, Pictet. Ginestous. Il se retrouve à Berrias.
Nautilus Dumasi, Pictet. Ginestous. Il se retrouve à Berrias.
Ammonites semisulcatus , d’Orb. [A.ptychoichus, Quensdt.) Nous n’hésitons
pas à assimiler ces deux espèces. La collection de M. Jeanjean renferme
plusieurs individus ferrugineux, provenant des marnes supérieures à
Belemnites latuset dilatatus , c’est-à-dire du niveau des Ammonites Gra-
sianusy neocomiensis, asperrimus , qui portent les bourrelets que Ton ob-
serve presque constamment sur les individus transformés en calcaire qui
sont ordinairement plus complets. Ces bourrelets, comme on le sait, ne se
manifestent pas dans le jeune âge de la coquille.
Ginestous, les Oliviers, la Cadière, Moulés. Cette espèce se retrouve à Ber-
rias et dans les bancs les plus supérieurs du calcaire lithographique du
col deChaudon (Basses- Alpes), à Stramberg et en Espagne.
Ammonites Calypso , d’Orbigny. Ginestous, la Cadière, Pompignan. Elle se
se retrouve à Privas et à Stramberg.
Ammonites Nierei , Pictet. La Cisterne (commune de Beaucels). On la re-
trouve à Berrias.
Ammonites Malbosi , Pictet. Ginestous. Berrias.
Ammonites Grasianus^ d’Orb. Ginestous, la Cisterne, la Cadière, Pompignan.
On la retrouve à Berrias et au col de Chaudon.
Ammonites neocomiensis , d’Orbigny. Pompignan.
Ammonites Prwasensis, Pictet. Ginestous, La Cadière. Bancs les plus supé-
rieurs des calcaires lithographiques du col de Chaudon.
Ammonites Honnoratianus , d’Orb. Ginestous, La Cadière. Elle se retrouve
dans les Basses-Alpes et à Stramberg.
Ammonites Berriasensis , Pictet. Ginestous. Elle se retrouve à Berrias.
Ammonites Euthymi , Pictet. Ginestous. Elle se retrouve à Berrias et dans
les marnes à ciment de Chambéry.
Ammonites JVarbonnensis , Pictet. Ginestous (32 centimètres de diamètre).
Elle se retrouve à Berrias.
Ammonites Astierianus (variété), d’Orbigny. La Cadière. Elle se retrouve h
Berrias.
Ammonites Calistoy d’Orbigny. Ginestous. Elle se retrouve au col de Chaudon
et à Chambéry. Nous pensons que c’est à tort que cette espèce est consi-
dérée comme kimméridgienne.
Ammonites Boissieri, Pictet. Ginestous. Elle se retrouve à Berrias et dans
les marnes à ciment de Chambéry.
Ammonites CI areti , Coq. et Boutin ( Ancyloceras Clareti , de Rouville). Gi-
nestous. Elle se retrouve dans les environs de Montpellier, à Lavalette.
Ammonites rarefurcatus , Pictet. Ginestous. Elle se retrouve dans les marnes
à ciment d’Apremont (Savoie).
Ammonites transitorius, Oppel. Ginestous. Nous pensons avec M. Pictet
qu’elle fait double emploi avec VA. Calisto.
Soe. géol.t 2e série, tome XXYI.
54
850 SÉANCE DU 3 MAI 1869.
Ammonites quadrisulcatns, d’Qrb. Ginestoùs. Elle se retrouve à Stramberg
et àBerrias.
Ammonites occitanicus , Pictet. La Cisterne, La Gadière, Ginestoùs, Pompi-
gnan. Elle se retrouve à Berrias et dans les bancs les plus supérieurs du
calcaire lithographique du col de Ghaudon, ainsi que dans les marnes à
ciment d’Àpremont (Savoie).
Pleurotomaria. Espèce nouvelle. Ginestoùs.
Pecten Dumasi , Pictet. La Moure, Berrias.
Hinnites occitanicus , Pictet. Ginestoùs, La Gadière. Il se retrouve à Berrias.
Hinnites Euthymi , Coq. et Boutin ( Pecten Euthymi 3 Pictet). Ginestoùs,
Berrias.
Pholadomya Trigeriana, Cotteau. Ginestoùs, Berrias.
Phynchonella Malbosi , Pictet. Cazillac, Berrias.
Rhynchonella contracta , d’Orb. Ginestoùs, Berrias.
Terebratula diphyoides , d’Orb. Ginestoùs, La Gadiére. Elle se retrouve à
Berrias.
Terebratula Moutoniana, d’Orb. Ginestoùs, La Gadière, Berrias.
Terebratula Euthymi , Pictet. La Moure, Berrias.
Terebratula hippopus , Rœmer. Ginestoùs, Cazillac.
Terebratula tamarindus, Sowerby. Ginestoùs, Cazillac.
Cidaris alpina , Cotteau. Ginestoùs, Berrias.
Cidaris pretiosa, Desor. Ginestoùs, Berrias.
Cidaris. Plusieurs espèces nouvelles de nos collections et de celles de
M. Jeanjean représentées par des radioles.
Millericrinus Boissieri , Pictet. Ginestoùs, Berrias.
Il nous paraîtrait très-difficile de contester l’origine créta-
cée de notre assise à Ammonites.
Le calcaire ammonitifère alterne déjà dans sa partie supé-
rieure avec des marnes à Belemnites lattis. C’est à ce niveau
des marnes que se trouvent subordonnés un ou deux bancs
épais, entièrement composés de Serpula recta, M. de Serres, qui
existent également à Lavalette près de Montpellier et sur Page
desquels la Société géologique n’avait point osé ss prononcer.
Leur date est désormais fixée.
Au-dessus des bancs à Serpules se développe un puissant
système de calcaires marneux et de marnes alternantes
noirâtres et grisâtres, à la base duquel a été recueilli, dans la
commune de Pompignan.laiVdifica Leviathan , Pictet ( Strombus
Sautieri, Coq.). Nous savons que ce gigantesque gastéropode
est valenginien dans tout le Jura, dans les environs de Nice et
de Marseille. Seulement, dans ces dernières régions, où l'élé-
ment marneux prédomine, le niveau ammonitifère de Ber-
rias n’e^t pas représenté par des Ammonites. Toutefois la dé-
NOTE DE MM, COQUAND ET BOUTIN,
881
couverte faite récemment par l’un de nous, dansle vallon deTou-
louse (Marseille), dans la zone à Strombus Saulieri> de VHinnites
Euthymietd’untragmentdeVAmmonites Privasensis indique bien
l’équivalence duvalenginien de la Basse-Provence avec celui de
Berrias et de Ganges, bien qu’on n’y puisse établir les mêmes
subdivisions, qui, quoiqu’intéressantes à un certain point de
vue, n’ont pas cependant une grande importance géologique.
Les marnes, par lesquelles se termine l’étage valenginien, nous
ramènent en plein, comme faciès et comme fossiles, dans les
contrées classiques des Alpes, c’est-à-dire dans l’horizon des
Bélemnites plates et des Ammonites ferrugineuses qui ont
rendu les gisements de Lioux, de Chardavon et de Saint-
Jullien et de Châtillon de Chabre si célébrés. Pour s’en con-
vaincre, il ne s’agit que de citer les fossiles suivants :
Belemnites latus ,
B. dilatatus .
B. minaret.
B. Orbignyi ,
B . isoscelis.
B. extinctorius .
B. pistilliformis .
Ammonites semicanaliculatus.
Ammonites asperrimus.
A , Calypso .
A. neocomiensis.
A. Grasianus.
A. Thetys.
A. Terveri.
Aptychus Didayi .
A ce niveau ammonitifère qui termine le néocomien infé-
rieur succèdent d’autres marnes grises alternant avec des
calcaires marneux, et que couronnent une quarantaine de
mètres de calcaires plus solides. On récolte dans cet ensemble
de couches les Ammonites radiatus, A. Astierianus , A. cryptoce -
ras , Ostrea Couloniy Spatangus retusus , etc., les représentants
les plus autorisés des marnes d’Hauterive. C’est par ces cal-
caires que se termine, dans le canton de Ganges et dans l’ar-
rondissement du Yigan, la formation néocomienne proprement
dite. On est obligé de pénétrer dans l’arrondissement d’Alais
pour surprendre le recouvrement des assises à Spatangus relu -
sus par les calcaires à Requienia ammonia. C’est en vain que *
nous avons réclamé à nos gisements néocomiens, malgré leur
développement et leurs richesses paléontologiqnes, un seul
des céphalopodes à tours déroulés qui caractérisent le faciès
barrémien des Basses- Alpes et du Dauphiné, et il devait en
être ainsi, si, comme l’a établi l’un de nous, le barrémien et
l’urgonien ne sont que les deux faciès différents d’un type
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
852
unique. La présence de l’un sur un point entraîne nécessaire-
ment l’exclusion de l’autre sur ce même point. On concevrait
difficilement que, lorsque levaîenginien et les marnes d’Haute-
rive sont représentés dans les Basses-Alpes et dans l’Hérault
par des termes identiques et des fossiles identiques, on ne
rencontrât, dans ce dernier département, aucune espèce bar-
rémienne, si le barrémien faisait réellement partie du néoco-
mien moyen, comme le veulent quelques géologues, tandis
que le barrémien continue dans les Basses-Alpes, avec ses
fossiles propres, la même série qui, dans les environs d’Alais,
est continuée par le terrain à Requienia ammonia, c’est-à-dire
per l’équivalent des bancs à Crioceras Duvalii et Scaphiies
Yvani (1).
Nous avons eu soin de choisir pour l’établissement de
nos étages et de leurs subdivisions les points où la stratifica-
tion n’avait été affectée par aucun dérangement. Cependant les
failles et les ploiements de couches ne sont point rares dans
les montagnes calcaires que nous venons de décrire. Nous
nous contenterons d’indiquer un ou deux accidents de ce
genre. L’Hérault a ouvert son lit, à Ganges même, dans le
calcaire blanc, qui, sur la rive gauche, occupe le quartier de
Rans et se poursuit sans interruption jusqu’aux environs de
Sauve, où il s’abaisse jusqu’au niveau de la plaine, en consti-
tuant un désert pierreux, et sur la rive droite forme le pro-
montoire connu sous le nom de Poupée de Saint-Laurent, par
lequel se termine vers le nord la chaîne de la Séranne. Un
peu au-dessus du canal voûté qui conduit les eaux de la Vis à
Ganges, on observe, sur le bord même de la route de Saint-
Laurent, un calcaire lithograghique entièrement rempli de
Dicérates. Près du barrage, les couches se reploient sur elles-
mêmes et montrent, au centre du bombement, les dolomies
supra-oxfordiennes. Mais cet accident est bientôt réparé, et l’on
voit les étages se succéder régulièremeni suivant l’ordre indi-
(1) M. Marcel de Serres, dans une note insérée dans les Mémoires de l’A-
cadémie de Montpellier, année 1856, mentionne dans les environs de
Ganges les Ammonites dichotomus. Lyelli , Renauxi , ïnfiaius , intermedius ,
Leopoldinus et Grasianus , les Ancyloceras Duvali, Emerici et Toxaster
oblongus, comme se trouvant toutes dans l’étage néocomien. Ce mélange
n’existe en aucune manière, pas plus que le genre Ancyloceras qui a été fait
sur des fragments d 'Ammonites.
NOTE DE MM. COQUAND ET BOÜTIN.
853
que par le diagramme ci-dessous, qui donne une coupe prise un
La Vis. Poupée de St-Laurent.
À Oxfordien, — B Dolomies coralliennes. — G Kimmôridgien.
peu au-dessus du torrent de Modesse, au pont même de Cam-
prodon. Au-delà de Saint-Laurent-le-Minier les dolomies for-
ment une série de pics taillés en dents de scie, dont le plus
élevé, celui d’Angeau, atteint l’altitude de 852 mètres.
Enfin, comme exemple de ploiement de couches et de dis-
position en cornets ernboités les uns dans les autres, nous men-
tionnerons le Roc du Midi, à l’ouest de Saint-Hippolyte, où le
valenginien se trouve pincé dans un élau de calcaire blanc
kimméridgien.
Roc du Midi.
Nous dirons donc en nous résumant, que dans les cantons de
Ganges, de Sumène et de Saint-Hippolyte, on rencontre, au-
dessus de l’oxfordien supérieur, la série ascendante qui suit :
1° Un étage dolomitique que nous rapportons à l’étage co-
rallien ;
854
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
2° Un étage de calcaires blancs et lithographiques que nous
rapportons au kimméridgien inférieur et supérieur ;
3° L’étage valenginien comprenant, A. la faune ammonitifère
de Berrias, B. le banc à Serpula recta, G. les bancs à Strombus
Sautieri, etB.les marnes supérieures à Belemnites laïus et dïla~-
tatus ;
4U Les marnes d'Hauterive formées à leur base de calcaires
marneux et à leur partie supérieure de calcaires avec Spatan-
gus retusus.
Nous ajouterons que chacun de ces étages est caractérisé
par une faune spéciale et ne renferme aucun mélange de fos-
siles, enfin que 1 absence de tout fossile barrémien dans l’étage
néocomien proprement dit démontre que le barrémien ne
peut faire partie intégrante de cet étage.
Comparaison des terrains de Ganges [ Hérault ) avec d' autres ter-
rains analogues , et constatation des étages kimméridgien et port-
landien fossilifères dans la Provence; par M. H. Goquand.
Nous espérons avoir établi d une manière certaine, M. Bou-
tin et moi, à 1 aide de la superposition et des fossiles, que, dans
la région de 1 Hérault qui fait l’objet de la notice précédente,
la série jurassique., depuis l’oxfordien, qui a été notre point de
départ, comprend : l’oxfordien supérieur, un étage dolomi-
tique qu on peut raisonnablement considérer comme l’équi-
valent du coral-rag, dont il tient la place, enfin, un ensemble
très-puissant de calcaires blancs à faciès corallien appartenant
au jurassique supérieur, au groupe kimméridgien inférieur et
supérieur.
Nous croyons avoir établi également d’une manière tout
ausn certaine qu’au-dessus des calcaires blancs se déve-
loppe la série néocomienne, comprenant :
1° L’étage valenginien ;
2° Les marnes d’Hauterive.
Ces divers termes de la double série jurassique et crétacée
sont^ concordants entre eux, et on n’observe aucune espèce
fossne commune entre le valenginien inférieur et les calcaires
blancs qui le supportent. Pour introduire ces derniers dans la
oimation crétacée, il faudrait nécessairement allonger le
NOTP DE M. CQQÜJVND.
m
néocomien d’un ou plusieurs étages nouveaux; mais dans ce
cas, on se trouverait en présence d’une grande masse qui non
seulement contient des fossiles kirnméridgiens, mais dont les
analogues ou équivalents sont recouverts, ailleurs, par l’étage
portlaudien et le purbeckien d’eau douce. Voilà pourquoi nous
avons conservé les calcaires blancs dans le groupe kimmérid-
gien, et en agissant ainsi, nous n’avons obéi, ainsi qu’on a pu
s’en assurer, à aucune idée théorique préconçue, puisque
nous nous sommes laissé guider simplement par les faits stra-
tigraphiques et paléontologiques.
Ceci posé, interrogeons les contrées qui peuvent présenter
de l’analogie avec celle que nous venons de décrire, pour mieux
connaître l’extension géographique de nos calcaires blancs
ainsi que leurs équivalents géologiques.
Un des premiers points à consulter est sans contredit la lo-
calité de Berrias dans l’Ardèche, dont M, Pictet (1) vient d’il-
lustrer tout récemment la faune, et qui appartient comme
celle.de Ganges, à la chaîne des Cévennes. Suivant M. de Mal-
bos, on peut distinguer, dans la masse qu’il considère comme
oxfordienne et qui est inférieure aux assises à Terebratula di-
phyoides , trois couches. L’inférieure est un calcaire gris d’une
puissance d’environ 120 pieds contenant quelques Ammonites
et deux Aptychus non décrits. La couche moyenne est un cal-
caire blanc d’une puissance d’environ 90 pieds. C’est lui qui,
dans la forêt de Païolive, se décompose par les influences at-
mosphériques, ce qui lui donne l’apparence de ruines magni-
fiques. La couche supérieure est encore un calcaire gris, delà
puissance de 60 pieds environ. Espérons, ajoute M. Pictet, que
les géologues de l’Ardèche pourront compléter ces données :
elles sont insuffisantes pour nous apprendre les relations de la
faune du calcaire à diphyoides avec celles qui l’ont précédée,
Nous pensons que cette lacune est en partie comblée par
l’étude que nous venons de publier, et qui dévoile la même
succession de masses minérales dans la vallée supérieure de
l’Hérault et dans les environs de Berrias. On est donc en droit
de prédire que les calcaires placés entre les dolomies et les
premières assises valenginiennes fourniront, si elles se mon-
trent fossilifères, les mêmes fossiles que les stations de
Rans, de Cazillac et de Marseille.
(1) Pictet. Études paléontologiques sur la faune à Terebratula dyphoides
de Berrias. 1867, p. 50.
856
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
Pour mieux faire ressortir la complète analogie qui existe
entre le valenginien de Berrias et celui de Ginestous et de la
Moure, nous n’avons qu’à renvoyer à la liste des espèces que
nous en avons donnée.
A Ginestous, comme à Berrias, la couche à T . diphyoides est
recouverte par des marnes à Belemnites latus et Ammonites
Terveri que surmontent, dans les deux régions, des calcaires
marneux avec Ostrea Couloni et Spatangus retusus. L’analogie ne
saurait donc être plus évidente. Aussi nous jugeons inutile
d’insister davantage sur les rapprochements énoncés.
Nous sommes disposés à voir les équivalents de nos cal-
caires blancs dans les assises coralliennes citées par M. Rey-
nès (1) au-dessus des calcaires oxfordiens des environs de
Saint-Pierre, près Gadève.
La comparaison de nos terrains de l’Hérault avec ceux de la
Basse-Provence aboutit à des résultats identiques, bien que le
caractère pétrographique et la physionomie des faunes res-
pectives éprouvent quelques légères variations.
Dans un travail tout récent, publié par nous sur le juras-
sique supérieur de la Provence, il a été établi que dans les
environs de Marseille, les calcaires blancs à Nerinea Bruntrutana
et suprajurensis étaient nettement séparés, et minéralogique-
ment et de position, de la série néocomienne qui débute, dans
les vallons de Toulouse et de Planouze, par des calcaires hy-
drauliques avec Natica Leviathan (Pictet) ( Strombus Sautievi ,
Coq.), et Terebratula tamarindus. Ce sont ces calcaires blancs
à faciès corallien que quelques géoloques, qui n’ont parcouru
la Provence que rapidement, ont confondus avec les calcaires
à Chama ammonia , malgré leur origine jurassique, si claire-
ment indiquée par la couche de contact avec les calcaires va-
lenginiens, toute raboteuse, recouverte de Serpules, de valves
d’ Ostrea crétacées encore adhérentes, et criblée de perfora-
tions de Pholades. Aux fossiles indiqués ci-dessus nous de-
vons ajouter la découverte faite, ces jours derniers, des Dice -
ras Lucii et D. suprajurensis , Thurmann et des Terebratula mo -
ramca et subcanalis, Suess, dans le vallon de la Cloche (2), au-
(1) Reynès. Essai de géologie et de paléontologie aveyronaises . 1868 ,
p. 87.
(2) M. Hébert [Bull., XXIII, p. 523) persiste à placer les calcaires coral-
lileres du vallon de la Cloche dans l’étage à Chama ammonia , parce que
nés fragments de bivalves rapportés par moi à des Diceras ont été jugés par
NOTE DE M. COQUAND.
857
dessus du souterrain de la Nerthe, au sein de calcaires blancs
qui, comme à Cazillac et à Berrias sont remplis, de polypiers,
lui comme pouvant appartenir à la Requienia Lonsdalii , et cela, au mépris
de la superposition la plus évidente et la plus incontestable, mise en lumière
non-seulement par l’inspection de la surface des terrains , mais encore par
les travaux du souterrain de la Nerthe qui ont été dirigés et relevés au mil ,
limètreparM. Matheron , surface et travaux qui indiquent du nord au
sud la succession des assises suivantes : lo Calcaires à Chama ammonia ,
250 mètres; 2° Néocomien et valenginien, 60 m.; 30 Calcaires blancs de
l’étage corallien, 80 m.; 4° Calcaires et dolomies jurassiques, 220 m. Ce
n’est qu’au dessous des dolomies que se montrent les calcaires compactes
oxfordiens avec Ammonites tortisulcatus. Or, comme la série est normale
entre les deux points extrêmes, ainsi qu’aurait pu s’en assurer M. Hébert,
si le jour qu’il a visité la Nerthe en compagnie de la Société , il avait dé-
passé le niveau des calcaires à Spatangus retusus , et que, de]plus, la succes-
sion des étages s’y montre telle qu’on la relève dans toute l’étendue des dé-
partements des Bouches-du-Rhône et du Var, il existerait, s’il fallait suivre
les idées de ce savant, deux calcaires à Chama Lonsdalii, l’un supérieur
aux marnes d’Hauterive, celui que tous les géologues connaissent , et un
autre inférieur au valenginien. Il n’est point possible d’invoquer à l’encontre
de la coupe de M. Matheron des ploiements de couches en Y, car les cal-
caires blancs jurassiques du sud sont supportés par les dolomies, les mêmes
que celles de Saint-Hubert dans le Var, et que M. Hébert reconnaît comme
oxfordiennes, et les calcaires blancs urgoniens du nord supportent les mar-
nes aptiennes . C’est ce qu’indique très-nettement le profil de la Nerthe que
M. Matheron a inséré dans le t. XXI du Bulletin. D’ailleurs les deux cal-
caires n’ont de commun que la couleur blanche ; structure, position et fos-
siles, tout est différent.
Le vallon de la Cloche, entre autres fossiles, renferme un Diceras qui,
lorsque la première couche, qui est lisse et unie, a été enlevée, permet d’a-
percevoir dans la partie centrale de la deuxième enveloppe une zone de
stries concentriques qui lui donne quelque ressemblance extérieure avec
une Requienia. Je suis parvenu à préparer, par des enlèvements partiels,
des pièces qui présentent très-nettement les deux états complètement diffé-
rents de la première et de la seconde enveloppe, de sorte qu’il est facile de
voir réunies sur un même échantillon les deux formes qui , examinées iso-
lément, pourraient être rapportées à deux espèces, et même à deux genres,
si dans celle qui est ornée de stries concentriques on veut y lire les carac-
tères des Requienia. M. Favre, en décrivant les Dicérates d’un gisement
analogue à celui de la Nerthe, le mont Salève, a depuis longtemps appelé
l’attention des savants sur les diverses enveloppes et l’ornementation diffé-
rente qui composent le têt de ces bivalves. Cette même espèce est très-abon-
dante à Cazillac. M. Hébert ajoute que les calcaires blancs du Var que
j’avais considérés comme coralliens sont devenus, grâce aux recherches de
séance du 3 mai 1869.
de Nérinées et s’appuient sur des dolomies grenues qui les sé-
parent des calcaires oxfordiens supérieurs. Si dans l’Hérault il
n’est pas possible de les rattacher à la formation néocomienne,
cette impossibilité est encore plus absolue pour les environs de
Marseille, à cause des perforations de Pholades que nous avons
signalées. Ainsi donc, les assises que nous attribuons au juras-
sique supérieur dans les Bouches-du-Rhône sont bien distinc-
tes de l’étage valenginien et ne présentent aucun fossile commun
avec ce dernier, et à plus forte raison avec le calcaire à
Chaîna ,
Nous aurions à signaler encore une station de calcaires à
Nérinées et à coraux, dont la découverte est due à M. Garnier.
Parmi les fossiles qui nous ont été montrés nous avons reconnu
les Biceras Lucii eXEscheri , la TerebratulaRepeliniana de l’Éehail-
lon et un crustacé qui sera signalé la première fois dans nos
contrées, le Prosopon rostratum, Meyer, figuré par M.Quenstedt
dans son Ber Jura , et qui est abondamment répandu dans le
kimméridgien de Derlingen. Cette station est située dans la
commune de Rougon, près de Castellanne, et les calcaires blancs
coralhfères s’y trouvent intercalés au milieu des calcaires litho-
graphiques qui, à la base, contiennent une faune franchement ox-
fordienne, et à la crête, comme à Chaudon, par exemple* les
Ammonites occitanicus,rarefurcalus et Callisto qui caractérisent la
zone ammonitifère de Berrias et de Ganges.Et, cependant, c’est
cette crête de Chaudon, sur laquelle M. Hébert (1) s’exprime
en ces termes : e des tourbes dans la vallée de la Seine
Echelle des longueurs
20 3 c fo 5 o 60 jo 8 o go wo
(g3,g8o)
( ge, 36o )
Vanne Rivière
î®» naturelle
'O'CT'CCS de Chigif
( 86, oo)
; j'cd’V ■ ift}
2mc , fente .T.JXll, PL 131, finie 87$
Bull ■ lie la Soc . Gcol ■ du, Vrance,
Iùxp JBecquvt/ Taris.
COUPE EN TRAVERS DE LA VALLEE DE LA VANNE (en aval de Chigy)
Echelle des hauteurs
a
b
b’
e
d
e
€
ê
Terre . net) étale.
Tourbe.
Tourbe et' cailloute
Terre, tourbeuse
Sable craie et' cailloute'
Fâse (frise
Vase, (frise/ et graviers
Terre, et graviers très (jros
h
i
j
j’
k
1
m
1!
Bouc brune
Argile grise
Terre et cailloute
Terre jaunâtre
Terre mélangée de/ grève
Sable jaune et > graviers
Grève et/ Sable
Sable
o
Sable jim cr agence
U
P
Craviers
V
P’
Graviers jtns
. V
q
Limon, jaune ou vase
X
r
limon et graviers fins
r
8
Graviers crageux/
V
o
t
limon jaune
a
limon jaune crayeux
limon rougeâtre ■/
Grève
Grève jine
Alarncs et cailloute - veinés de sable rouge
Craie - pâteuse
(raie comporté
Lédende
?
!
*.
NOTE DE M. BELGRAND
879
quesdolacoupe deGanges, donnée parM. Coquand dans la
première des notes qui viennent d'être lues, lui paraissent
être les mêmes que ceux qu’avait déjà publiés M. Émilien
Dumas. 11 croit cependant se souvenir que M. Dumas con-
sidérait comme corallien l’étage calcaire que M. Coquand
assimile au terrain kimméridgien.
M. Lory présente à son tour diverses observations au
sujet des communications précédentes de M. Coquand.
Le même membre met sous les yeux de la Société une
coupe détaillée de la Porte-de-France, et il énumère la
succession des terrains qu’on observe sur ce point.
M. Belgrand présente le résumé de ses travaux sur le
régime des rivières tributaires de la Seine et fait la com-
munication suivante :
L’âge des tourbes dans la vallée de la Seine ; par M. Belgrand
(PI. VU).
(Communiqué dans la Séance du 19 avril 18G9)
Il y a eu nécessairement, entre Père des grands cours d’eau
de Page de pierre et celle des tourbes, ou, si Pon aime mieux,
celle des petits cours d’eau de l’époque actuelle, un régime de
transition qu’il est très-important de faire connaître; car ce
changement, qui correspond probablement à la fm de l’époque
glaciaire, paraît aussi remonter à une époque où se sont pro-
duites de profondes modifications dans les mœurs et les habi-
tudes des sauvages populations qui habitaient alors la France.
On sait que, à tous les niveaux où Pon trouve les graviers
du grand fleuve, on rencontre dans les anses , dans les tour-
nants, et, en général, dans toutes les parties du lit où les aliu-
vions se formaient, des ossements de grands animaux de race
éteinte et aussi des traces du travail de l’homme. Les instru-
ments en silex sont simplement taillés, comme ceux qui ont
été découverts dans les cavernes jusqu’à la fin de l’époque du
renne, du mammouth, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la période
froide, ce qui fait présumer que les grands cours d’eau ont
duré jusqu’à la fin de Père glaciaire.
880
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
Jamais, dans les graviers de fond des grands cours d’eau, on
n’a rencontré jusqu’ici ni instruments en pierre polie, ni, à
plus forte raison, aucune trace de métal, ni ossements d’ani-
maux domestiques, pas plus que dans les parties des cavernes
où se trouvent l’éléphant et le renne.
Ces objets, indices d’une civilisation plus avancée, ne se ren-
contrent qu’à la superficie du sol des sablières, et sont toujours
séparés du gravier de fond par l’alluvion qui a rempli les lits
anciens, dans laquelle, je l’ai dit, on ne trouve presque jamais
rien.
Au contraire, avec les tourbes apparaissent, sans transition
aucune, les animaux domestiques, les instruments en pierre
polie et plus tard en métal; les restes de l’élépbant et du renne
ne se rencontrent plus. Ces premiers rudiments de civilisation
paraissent donc être la conséquence d’un adoucissement subit
du climat qui a apporté, en même temps, une profonde modi-
fication dans le régime des eaux.
Le dernier ou le plus bas lit des grandes rivières de l’âge de
la pierre taillée, dans la plupart des vallées du bassin de la
Seine, est très-sensiblement au niveau du lit des cours d’eau
actuels, et quelquefois au-dessous. Il est souvent possible
de le reconnaître, et d’une manière bien simple : les gra-
viers dont il se compose sont trop volumineux pour que le
cours d’eau moderne les déplace. Cela ne laisse aucun doute
dans les vallées tourbeuses; le sable et le gravier, qui existent
sous la tourbe, formaient bien le fond des cours d’eau de l’âge
de pierre; mais, même dans les rivières qui ont conservé une
certaine violence, comme la Seine, les ingénieurs savent très-
bien qu’il existe, au-dessous du sable et du petit gravier que le
fleuve charrie encore aujourd’hui, un banc de gravier plus gros
qui n’est jamais déplacé : c’est le gros gravier qui formait
autrefois le fond de l’ancien fleuve.
J’ai été ingénieur en chef de la navigation de la Seine, entre
Paris et Rouen, et j’ai constaté, par des observations certaines
et constantes, que le niveau de toutes les parties du lit du
fleuve, où ces graviers se montraient, était parfaitement fixe.
Lorsqu’on y opérait un dragage, pour faciliter le passage des
bateaux, jamais le vide n’était rempli par de gros graviers ;
tandis qu’au contraire les bancs de sable ou de graviers plus
petits, enlevés par la drague , étaient promptement remplacés
par des alluvions de même nature.
Ces lits anciens étaient démesurément trop larges pour les
NOTE DE M. BELGRAND.
881
cours d’eau modernes. Or, il est une loi bien connue des ingé-
nieurs : toutes les fois que le lit d’une rivière est trop large,
elle travaille incessamment à le rétrécir. Mais cette alluvion
complémentaire ne se forme plus comme celle qui résulte
d’une modification du lit; elle est d’une nature très-variable,
suivant que le régime du cours d’eau est violent ou tran-
quille.
Si le cours d’eau est violent, l’excès de largeur du lit se
comble avec du gravier, du sable ou du limon, et en général,
en pareil cas, le rétrécissement s’opère très-vite. Ainsi, le
chemin de fer de La Roche à Auxerre coupe deux torrents,
l’Armançon et le Serein. On a construit sur ces rivières
deux ponts de six arches : deux suffisaient ; l’excès de largeur
des lits a été immédiatement remblayé par le gravier et le
sable apporté par les crues, et il ne reste que deux arches
libres. Sous le pont de l’Armançon, l’administration du
chemin de fer a établi une carrière de ballast; tous les ans on
enlève le gravier qui encombre les arches inutiles, et le
lit est élargi sur 4 à 500 mètres de longueur, à l’amont et
à l’aval; l’hiver suivant, à la première crue, le torrent obstiné
apporte de nouveaux graviers pour combler les vides. Le cours
d’eau est-il tranquille, les crues sont-elles faibles, l’eau reste-
t-elle à peu près constamment limpide, l’excès de la largeur
du lit se comble par de la tourbe.
C’est ainsi que s’est rempli le dernier des lits des grands
cours d’eau de l’âge de pierre, à l’époque de transition, tan-
tôt avec du gravier, du sable ou du limon , tantôt avec de la
tourbe. « Le terrain de transport du fond des vallées, disent
a Cuvier et Brongniart, est ou de sable, ou de limon propre-
« ment dit, ou de tourbe. »
Ainsi, l’âge des tourbes correspond à une époqueimportante
de l’histoire de l’homme et de la terre : la tourbe s’est déve-
loppée au fond de nos vallées h l’époque où les grands cours
d’eau de l’âge de pierre ont été remplacés par nos petites
rivières modernes. Les silex taillés ont fait place aux ustensiles
encore en silex, mais polis et d’une fabrication plus parfaite;
le bronze, puis le fer, se substituent à la pierre, et les temps
hisioriques commencent. L’âge des tourbes correspond donc à
l’âge de la pierre polie, du bronze, du fer et aux temps his-
toriques. Les grands animaux de l’âge de la pierre taillée
disparaissent eux-mêmes, lorsque la tourbe apparaît, et sont
remplacés par nos animaux des temps modernes.
Soc. géol.y 2° sérient. XXVI.
56
882 SÉANCE DU 3 MAI 1869.
Un savant allemand, Dan, est le premier qui- ait fait une
classification rationnelle des marais tourbeux. Il a remarqué
qu’il fallait les diviser en deux genres : les marais émergés et
les marais immergés. Les marais émergés se trouvent aussi
bien sur les plateaux et sur les pentes qu’au fond des vallées.
La tourbe s’y forme au-dessus du niveau naturel de 1 eau. Dan
cite les marais de la Lithuanie, qui s’élèvent jusqu a 36 et
48 pieds au-dessus du niveau des plaines et des eaux voisines.
Dans le Holstein, les marais de Dosen, près de Neumunster,
s’élèvent au centre de 25 à 30 pieds au-dessus des rives, de
sorte que, d’un bord, on ne voit ni les maisons ni les arbres du
bord opposé. Les marais immergés se développent sur les
bords des cours d’eau, des étangs et des lacs. La tourbe s y
forme toujours sous l’eau et ne s’élève jamais au-dessus.
C’est M. Lesquereux qui, dans un excellent mémoire publié
en 1845 (1), a proposé de désigner les marais du premier
genre sous le nom de marais émergés ou supra-aquatiques, et
ceux du second genre sous le nom de marais immergés ou
sous-aquatiques; j’adopte ces deux dénominations.
Si l’on fait abstraction de la petite ramification des Arden-
nes, qu’on trouve vers les sources de l’Oise, la seule partie du
bassin de la Seine où l’on rencontre des marais émergés est le
Morvan. Ces marais sont disséminés irrégulièrement sur Toute
la surface du pays, aussi bien sur les pentes rapides des co-
teaux que sur les plateaux et le fond des petites vallées. Les
innombrables fissures superficielles du granité absorbent une
partie des eaux de pluie et alimentent ainsi une multitude de
petites sources qui souvent n’ont point d’émissaire détermine,
se répandent dans les terrains détritiques delà surface du sol,
formés habituellement d’arène granitique, et y entretiennent
une abondante végétation. C’est l’accumulation très-ancienne
des débris de ces végétaux qui aujourd’hui forme les petits
marais tourbeux du Moivan. On trouve ces tourbières irrégu-
lièrement disséminées partout, excepté au fond des vallées, où
coulent des cours d’eau assez importants pour éprouver des
crues violentes. Les marais et la tourbe manquent alors dans
toute la partie du fond delà vallée balayée par ces crues.
Comment les marais peuvent-ils se produire en s’élevant à
de grandes hauteurs au-dessus de l’eau? "Voici 1 explication
très-simple et vraiment originale que donne M. Lesquereux.
(1) Mémoire de la Société des sciences natur, de Neufchâ‘el}\. III, 1845.
NOTE DE M. BELGRAND.
883
Il a constaté que les mousses du genre sphagnum jouissaient
de la propriété d’absorber une quantité d’eau prodigieuse,
Une touffe de sphaignes, conservée par lui pendant un an, qui
pesait 1 once 21 deniers, a absorbé en deux heures 17 onces
12 deniers d’eau. Cette propriété des sphaignes est encore
plus remarquable quand ces mousses sont vivantes. Elle
n’existe ni dans les autres mousses ni dans aucune autre plante
phanérogame. C’est l’accumulation des débris des sphaignes
qui, suivant M. Lesquereux, forme la plus grande partie des
tourbes des roches primitives des Alpes et des Vosges.
cc Il se forme çà et là de petits bassins d’eau où quelques ra-
« cines ligneuses vont s’étendre et puiser leur nourriture. Sur
« ces racines s’implantent les sphaignes; ils s’abreuvent de
« l’eau du réservoir, ils la pompent, l’élèvent pour leur crois-
« sance, s’approvisionnent, à la fonte des neiges, d’une partie
cc de l’eau qui les traverse, vivent en été de celle des pluies et
« des brouillards, et ont ainsi une végétation proportionnée à
« la quantité de pluie qu’ils reçoivent. Quelquefois cette végé-
« tation des sphaignes s’établit sur des plateaux étroits, au
a bord de l’abîme ; il les recouvrent entièrement, et quand
« l’espace leur manque, ils laissent pendre leur franges sur la
cc roche escarpée, et forment ainsi un dépôt tourbeux qu’on
« pourrait appeler aérien . Plusieurs cas semblables ont été
cc observés dans les Alpes pittoresques du Tyrol. C’est ainsi
et que les couches tourbeuses varient à l’infini.
cc Toutes les matières en fermentation, les engrais, les sels ,
« la chaux, les gypses, etc...., détruisent cette végétation; les
cc mousses ne peuvent vivre non plus à l’ombre ou sous les
« goultières des arbres forestiers, sous les sapins, les hêtres,
« les chênes. Aussi remarque-bon, sous les sapins qui sont
cc restés implantés dans nos marais, une dépression souvent
cc très-profonde, où la tourbe n’a point crû. Ces enfoncements
cc sont déjà, ce me semble, une preuve suffisante de la crois-
cc sance continue de la tourbe par la surface, et de l’influence
cc des sphaignes sur cette formation.
cc C’est donc seulement quand ces forêts ont été renversées
(( sur des terrains arrosés, ou par des sources naturelles, ou
« par des circonstances atmosphériques , que les sphaignes
cc ont pu commencer à paraître. Ils se sont semés, et ils ont
c< germé d’abord dans les lieux où l’humidité était abondante,
« mais où l’eau était peu profonde, et, par leur croissance
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Gravier aec glaise bleuâtr.
Gravier, probablement gra-
vier de fond du dernier
lit de l’âge de pierre.
NOTE DE M. BELGRAND.
897
l
On voit que la tourbe est recouverte d’une couche d’alluvion
de 4m,50 d’épaisseur, qui devient très-limoneuse à la surface
du sol.
M. l’ingénieur Saint-Yves, en fondant l’écluse de Martot,
près d’Elbeuf, a mis au jour une autre couche de cette tourbe.
Coupe de la rive gauche de la Seine , à l’ écluse de Martot .]
A Meulan, on n’a trouvé que les fossiles ordinaires de la
tourbe, avec de nombreux tronçons d’arbres.
A Martot, on a découvert dans la tourbe des ossements hu-
mains et, en même temps, des ossements de bœufs, de san-
gliers, etc. Parmi les restes humains, se trouvait un très-beau
crâne, presque complet, qui a été reconnu, par M. le docteur
Pruner-Bey, comme appartenant à la race celtique.
Le relief des bassins de la Seine et [des cours d’eau limi-
trophes était, pendant toute la durée de l’âge de pierre,
à très-peu près ce qu’il est aujourd’hui. Ces bassins pré-
sentaient donc aussi la même disposition de terrains per-
méables et imperméables. Mais alors, il fallait que le régime
des pluies fût, au contraire, tout différent, puisque les eaux
pluviales ruisselaient à la surface des terrains les plus per-
méables, de la craie, par exemple; c’est ce que j’ai déjà fait
voir, en discutant la coupe du fond de la vallée de la Vanne.
Cette question est tellement importante, qu’il est bon de prou-
Soc. géol.y 2* série, tome XXVI. 57
898
SÉANCE DU 3 MAI 1869.
ver que le régime ancien de la Vanne n’était point un cas par-
ticulier. Prenons un autre exemple, la vallée de la Somme,
pour nous placer sur un terrain plus connu des géologues.
Tous ceux qui ont visité cette vallée, près d’Amiens, savent
qu’on y trouve, au-dessus des tourbières, deux étages de sa-
blières bien séparés, l’un à une petite hauteur au-dessus des
eaux actuelles de la rivière, (St-Roch, Montières) l’autre à un
niveau plus élevé (St-Acheul); ces deux étages correspondent à
peu près à nos hauts et à nos bas niveaux de Paris, les zones
de cailloux et de sables sont disposées comme dans nos gran-
des rivières actuelles; le sable est parfaitement pur; ce qui
prouve qu’il était remué et lavé par un courant d’eau animé
d’une certaine vitesse.
Or, comment un courant d’eau violent pouvait-il exister
dans la vallée de la Somme, si, comme aujourd’hui, les eaux
pluviales étaient absorbées en totalité sur place, et passaient
parles sources, avant d’arriver aux thalwegs? La portée des
grandes crues ordinaires de la Somme est à peine trois ou
quatre fois plus grande que sa portée d’étiage, et c’est à cette
tranquillité de régime qu’on doit attribuer le grand dévelop-
pement des tourbières du fond de la vallée. Autrefois la ri-
vière, non-seulement ne produisait pas de tourbe, mais encore
était assez violente pour déplacer le sable et les cailloux; il
fallait donc que les eaux pluviales ruisselassent à la surface du
sol de son bassin.
Cependant, ce bassin était aussi perméable qu ’auj ou r d’hui.
Par conséquent, les chutes de pluies ou de neige étaient beau-
coup plus grandes, puisque la totalité de l’eau n’était pas ab-
sorbée sur place. Ces ruissellements d’eaux pluviales ou de
neigés fondues ne sont pas sans exemple dans les temps mo-
dernes.
La Somme éprouve des crues assez grandes pour être dé-
sastreuses, mais qui se renouvellent à peine une fois par siè-
cle; telle a été celle de février 1658. D’après les récits du
temps, cette crue a été produite par une grande fonte de
neige ; le froid avait été excessif pendant six semaines, et la
couche de neige, qui s’était accumulée à la surface du sol,
avait la hauteur d’un homme.
Ces phénomènes, qui se reproduisent trop rarement dans
les temps modernes pour troubler la production de la tourbe,
devaient être beaucoup plus fréquents autrefois, pendant la
mngue durée de l’âge de pierre. On ne peut donc comprendre
NOTE DE M. BELGRAND.
899
l’existence des cours d’eau à crues violentes, qui remplaçaient
autrefois les ruisseaux, aujourd’hui si paisibles, des vallées à
versants perméables, comme celle de la Somme, qu’avec un
ruissellement considérable et habituel des eaux pluviales à la
surface du sol.
S’il en était ainsi, ces eaux devaient arriver dans les vallées
chargées du limon rouge des plateaux, et il n’y a rien de sur-
prenant que, dans leurs débordements, elles déposassent ce
même limon sur les graviers plus élevés que le lit sur lesquels
elles s’étendaient, comme le font encore toutes nos rivières à
grandes crues ou à versants imperméables. C’est ce qui expli-
que ces dépôts de limon rouge qui, dans certaines parties de
la vallée de la Somme, et notamment à Amiens, semblent se
relier aux limons des plateaux.
Ce ruissellement des eaux pluviales, à la surface des terrains
aujourd’hui si complètement perméables, est la preuve la plus
incontestable de l’existence des grands cours d’eau de l’âge de
pierre.
M. Lesquereux fait remarquer que les tourbières appartien-
nent essentiellement aux zones froides et tempérées.
La température moyenne la plus favorable à la production
de la tourbe, est comprise entre 6 et 8 degrés centigrades
(Irlande, îles Malouines). Dans les plaines basses, on ne trouve
pas de tourbe au sud du 46e degré de latitude boréale, et, sui-
vant Darwin, au nord du 41e degré de latitude australe. M. Les-
quereux cherche à établir que la répartition géographique des
autres combustibles minéraux, de la houille et de l’anthracite,
est à peu près la même, c’est-à-dire que ces combustibles ne
sortent guère des limites des régions tempérées. Je ne sais si
les découvertes modernes n’infirment pas cette opinion. Les
terrains carbonifères des États-Unis descendent, vers le sud,
bien au-dessous de 46 degrés de latitude; mais, quoi qu’il en
soit, les études qui précèdent peuvent jeter quelque lumière
sur cette importante question.
On voit d’abord que, dans les terrains perméables les accu-
mulations de végétaux n’ont pu se former, aux époques paléo-
zoïques comme aujourd’hui, qu’au fond des vallees les plus
profondes, au bord des rares cours d’eau qui les sillonnaient,
l’humidité manquant sur les pentes Jet dans les vallées peu
profondes.
900 SÉANCE DÜ 3 MAI 1869.
Il résulte de là que les combustibles minéraux doivent être
fort rares dans les terrains perméables, non-seulement parce
que les accumulations de végétaux ne peuvent s’y former que
sur des surfaces très-restreintes, mais encore parce que ces
dépôts, placés au fond des vallées, ont dû être balayés parles
déplacements de la mer, dans toutes les révolutions du globe.
Les combustibles minéraux manquent aussi dans toutes les
formations franchement argileuses, parce que les eaux plu-
viales coulant toujours à la surface et produisant des crues
violentes au fond des vallées, les débris de végétaux n’ont pu
s’accumuler nulle part.
Au contraire, les terrains paléozoïques fissurés ou schisteux
ont dû, comme aujourd’hui, donner naissance à de nombreux
suintements, et, par conséquent, les plantes aquatiques ont
pu s’y développer de tout temps, comme elles s’y développent
encore dans les tourbières des pentes et des plateaux. De là
l’origine de la houille et de l’anthracite.
Je ne puis nPétendre plus longuement sur cet important su-
jet, qui exigerait une étude toute spéciale.
Quelquesobservations sont présentées par MM. deMortillet
et de Billy sur la tranformation en tourbières des petits
lacs de Fltalie et de la Suisse.
Séance du 24 mai 1869.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.
M. Louis Lartet, secrétaire, donne lecture du procès-ver-
bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Le Président annonce ensuite trois présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part du Comité de la Paléontologie française, Ter-
rain jurassique , 15° livraison. — Zoophytes , par MM. de Fro-
mentel et de Ferry ; texte, f. 13 à 15 ; atlas, pl. 49 à 60.
De la part de M. Charles Des Moulins, Note additionnelle.
DONS FAITS A LA SOCIÏTK.
901
— Réponse à une lettre de M. Alexis Jordan ; in-8, 7 p. Bor-
deaux, 1869; chez Lafargue.
De la part de M. Hébert, Classification of the upper cretaceous
period ; 1 p.in-4°; (Extr. du Geological magazine , vol. VI, n° 5,
mars 1869).
De la part de M. Z. Laduron, Distribution d'tau dans le bas-
sin de Charleroi; in-4°, 74 p., 1 carte. Bruxelles, 1869; chez
E. Guyot.
De la part de MM. Éd. Lartet et H. Christy, Reliquiæ aquita-
nicœ ; in-4°, pp. 95-102 et 97-112, et pl. A. XXI-XXIV; B. XV
et XVI. Paris, 1869 ; chez J.-B. Baillière et fils.
De la part de M. E. de Mojsisovics, Ueber die Gliederung
der oberen Triasbildungen der ôst lichen Alpen ; in-4°, 60 p., 3 pl.
Vienne, 1869.
De la part de M. G. Montagna, Nouvelle théorie du méta-
morphisme des roches ; in-4°, 127 p. Naples, 1869; chez B#
Dura.
Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. le Dr Re-
nard, invitant la Société géologique de France à prendre
part au jubilé semi-séculaire du doctorat de M. Eichwald.
La date de ce jubilé, fixée au 30 mai, ne permettant pas
qu’aucun membre de la Société géologique s’y rende, on
décide que le Président écrira à M. Renard, pour lui faire
connaître la part que la Société prend à cette fête.
M. Éd. Lartet lit la lettre suivante de M. l’abbé Bour-
geois :
Pont-Levoy, 20 mai 1869.
« Cher monsieur,
« L’action de l’homme sur mes silex des dépôts miocènes
de Thenay a été reconnue par toutes les personnes compé-
tentes qui les ont sérieusement examinés. Mais la question du
gisement pouvait présenter de l’incertitude aux géologues, qui
n’ont pas le temps d’étudier minutieusement la constitution
stratigraphique du sol.
* Dans le but d'arriver à une solution plus prompte et plus
902 SÉANCE DU 24 MAI 1869.
claire, j’ai entrepris le forage d’un puits vers le sommet de la
colline.
« C’est au fond de ce puits que fai trouvé la vérité , et la vérité
la plus incontestable.
« Après avoir traversé la terre végétale, j’ai rencontré :
« 1° Le fa! un avec coquilles et ossements roulés;
« (Ici manquent les sables de l’Orléanais, qui n'existent qu’à
l’état de lambeaux).
a 2° Le calcaire de Beauce compacte perforé à la surface
par les Pholades ( Pholas dimidiata, Dujardin);
a 3° Six assises du même calcaire de Beauce, à l’état mar-
neux ;
« 4° Les petites couches marneuses ou argileuses à silex
taillés, parfaitement identiques, sous tous rapports, avec celles
qui affleurent plus bas sur les bords du ruisseau.
a C’est dans ces conditions de gisement que j’ai recueilli
moi-même, à 6 mètres de profondeur, divers instruments bien
caractérisés, parmi lesquels on peut voir un marteau présen-
tant des marques de percussion très-évidentes.
« Les silex craquelés par le feu s’y trouvent comme dans les
autres localités que j’ai signalées précédemment.
cc Les géologues désireux d’élucider une si grave question
devront s’empresser de visiter Thenay pendant que ie puits
reste ouvert.
« Veuillez donc prévenir ceux de vos amis qui, ne se laissant
pas arrêter par des opinions systématiques et des idées pré-
conçues, cherchent sincèrement la vérité. Le vrai peut quel-
quefois n’être pas vraisemblable. On devrait, du reste, ne ja-
mais oublier ces paroles de l’illustre Arago : En dehors des
mathématiques pures , celui qui prononce le mot impossible est un
imprudent.
« Puissent vos occupations vous permettre de faire le voyage
de Pont-Levoy; vous savez combien je serai heureux de vous
recevoir.
« Recevez, cher monsieur, l’expression de mes meilleurs
sentiments. L. Bourgeois. »
M. de Verneuil présente la note suivante de M. Ponzi:
■ NOTE DE M. PONZI.
903
Le Volcanisme romain . — Remarques de M. Ponzi sur les Observations
géologiques faites en Italie par M. Gosselet.
Quelque grand que soit le savoir d’un naturaliste, il ne pourra
jamais justement apprécier, pour ainsi dire, d’un coup d’œil,
la constitution géologique d’une contrée qu’il n’a fait que tra-
verser rapidement, et il sera facilement induit en erreur en
voulant émettre une opinion différente de celle des savants du
lieu qui, par un séjour continu et par une longue étude, se sont
depuis longtemps familiarisés avec la physionomie du sol de
leur pays natal. C’est une vérité, je crois, qu’il suffit d’énoncer
pour qu’elle soit universellement reconnue, et dans laquelle
je me suis trouvé confirmé encore davantage par la lecture
d’un mémoire récemment publié à Lille, intitulé : Observations
géologiques faites en Italie par M. Gosselet, professeur de géologie à
la Faculté des sciences de Lille, et dont l’auteur a eu l’obligeance
de me faire présent. C’est la relation d’un voyage qu’il a fait
l’année dernière en Italie, dans le but d’étudier le volcanisme
de ce pays, en en visitant les cratères, tant éteints qu’actuel-
lement en activité.
L’ouvrage est divisé en quatre parties et accompagné de
quatre planches, dont la première est relative au Vésuve, les
deux suivantes aux champs Phlégréens et à l’Etna, la dernière
au Latium.
Je ne me hasarderai pas à exprimer une opinion sur les trois
premières parties, qui ne regardent pas ma province, et qui
d’ailleurs ont fourni le champ aux vastes observations et aux
études des géologues les plus éminents. Mais je ne peux m’im-
poser le même silence sur la dernière, car elle concerne des
observations faites dans un pays qui forme, depuis plus de
quarante ans, le sujet de mes études, dans lesquelles j’ai passé,
pour ainsi dire, toute ma vie, à l’effet d’arriver à composer,
par des déductions certaines, l’histoire physique de l’Italie
centrale.
En lisant ce que M. Gosselet dit relativement au Latium, j’y
ai remarqué plusieurs inexactitudes et défauts d’observation
qui ne me permettent pas d’accepter ses déductions. Le res-
pect que je professe pour toutes les opinions, même pour
celles qui sont le plus opposées aux miennes, n’a pu m’em-
904
SÉANCE DU 24 MAI 1869.
pêcher de noter que bien des observations contenues dans le
mémoire précité ont été mal faites ou mal dirigées, de sorte
que les hypothèses qu’on en a déduites frisent de trop près
le fantastique, et peuvent apporter un grand dommage à la
science, en amenant les géologues étrangers à se former une
idée erronée de la constitution du sol de notre pays. C’est
pourquoi j’ai dû, à mon grand regret, prendre sur moi de rec-
tifier, par une analyse raisonnée, les idées contenues dans ce
mémoire et d’en corriger les erreurs. Ce sont des observations
mal interprétées, des faits mal envisagés qui réclament d’être
mieux éclairés, et dont, je m’empresse de le répéter, l’éminent
savant de Lille et mon illustre collègue n’a pu se rendre exac-
tement compte, faute d’avoir suffisamment séjourné sur les
lieux; d’autant plus que les faits qu’il venait étudier parmi
nous sont de ceux qui, naturellement, lui doivent être le moins
familiers dans son pays. Aussi j’espère que, dans l’intérêt de
la science, il voudra bien m’excuser de ma franchise, et qu’il
me permettra de répéter l’ancien mot, qui devrait être la devise
des savants aussi bien que des sages : Amiens Ploto , sed mogis
arnica veritas .
Dans la partie relative au Latium, le savant professeur com-
mence par nous raconter la visite faite par lui, sous la direction
de M. Michel de Rossi, à ces monts dont il nous trace la des-
cription, les comparant à ceux de la Somma et du Vésuve,
l’analogie entre ces deux systèmes volcaniques ayant déjà été
déterminée et mise en évidence depuis longtemps. Cependant,
dans l’énumération des cratères, il en omet beaucoup d’un
grand intérêt, qu’il n’a pas vus, ou dont il n’a pas entendu
parler, tels que le mont Pila , situé sur le bord du cratère
central du camp d’Annibal, ceux de la Mo/ara, avec tous ces
cônes moindres du côté occidental qui se trouvent dans l’inté-
rieur de la forêt de Faqgiola ; de même il ne parle pas des cra-
tères de Frascati, de Valle Marciana , de Pantano secco , de Prata-
porci , de Gabino et de Giulianelloy qui ont tous des dimensions
remarquables. Seulement il suppose que le château de Mon -
dragone est bâti sur un courant de lave sorti d’un cratère situé
au sud de Tusculum et qui aurait coulé jusqu’à Frascati. Il
semble vouloir attribuer à ce même cratère l’autre courant de
Capo di Bove , dont on voit par là qu’il ne connaît pas la source,
située dans un endroit tout différent, à laquelle on peut très-
bien remonter en suivant la voie Appienne vers le moderne
Albano jusqu’aux Frattocchief où le courant se cache sous les
NOTE DE M. PONZI.
905
pépérins, pour apparaître de nouveau au delà; de ce point, en
remontant toujours le cours de ce courant, on arrive à en
découvrir l’origine, située dans le camp d’Annibal, aux pieds
du mont Pila , dont le cratère a peut-être cessé le dernier
d’agir dans le Latium.
L’éminent professeur de Lille est d’accord avec nous en re-
connaissant dans la vie éruptive de ces volcans trois périodes
distinctes d’activité et de repos, d’où naquirent les trois sys-
tèmes qui composent tout le groupe des monts du Latium,
c’est-à-dire : 1° Celui de VArtemisio , auquel se rapporte toute
l’enceinte extérieure formant la crête tronquée du grand cône
Latial; 2° Du mont Cavi, entièrement compris dans la grande
cavité du pourtour; 3° celui représenté parl’épanouissement des
pépérins, qui se formèrent lors de la nouvelle période d’acti-
vité postérieure du cratère d ’Albano. L’auteur, d’après une idée
qu’on lui a suggérée, serait fortement tenté de classer le pré-
tendu cratère de Tusculum sous la deuxième époque. Mais
cela ne peut être admis aucunement, tant à cause de la position
du lieu, qu’à cause des matières vomies, comme nous le ver-
rons ensuite.
Ayant ainsi admis l’âge relatif des différentes parties qui
composent le groupe Latial, l’auteur passe à en rechercher l’âge
absolu ; et dans ce but il se met à interroger les auteurs anciens,
aussi bien que les vases albans trouvés sous le pépérino ; mais
de tout cela il ne déduit aucune opinion bien arrêtée. Ici il
n’est pas hors de propos de dire qu’en argumentant d’après ces
mêmes fouilles, j’ai été amené à conclure que les dernières
éruptions Latiales ont cessé peu avant la fondation de Rome(l).
Quant aux laves coulées des volcans du Latium, notre auteur
les voudrait distinguer en trois variétés, dont la première serait
la lave sperone^ la seconde le leucitophyre , la troisième le pépé-
rino. Ayant observé que la lave sperone se manifeste en diffé-
rentes localités, il nous dit que cette lave forme la masse prin-
cipale des monts Albans. Évidemment il n’a pas remarqué que
les manifestations de cette espèce de lave ont lieu partout sur
les parois intérieures du cratère, et qu’elles montrent une alté-
ration, par les émanations chloriques, des parties saillantes des
filons qui y serpentent, semblables à ceux de la Somma dans
VAtrio del Cavallo. Cette même lave sperone s’efface à mesure
(1) SulV età délia necropoli albana ( Bollèttino delV Istituto di corris-
pondenza archeoloyica. Roma, 1869).
906
SÉANCE DU 24 MAI 1869.
qu’on s’éloigne des centres d’éruption, et les mêmes courants
à une certaine distance reprennent le caractère de la lave ordi-
naire. Le chlore reconnu dans l’analyse de la lave sperone con-
firme aussi cette opinion.
Notre auteur, en parlant des laves, ignorait la distinction qui
en avait déjà été faite d’après les caractères minéralogiques
des différents volcans de l’Italie centrale. Nos volcans ont tous
produit des amphigènes et des pyroxènes , à l’exception de ceux
des Erniques, dont les déjections ne recèlent point d’amphi-
gène, comme il a été remarqué déjà par Brocchi, bien qu’ils
se trouvent situés au milieu entre les volcans du Latium et ceux
de Rocca Monfina , qui en ont produit en quantité prodigieuse.
Ces minéraux sont propres aussi aux volcans des Cimini : mais
dans ces derniers s’ajoutent les feldspaths et les ponces comme
caractères particuliers, Ainsi, sous ce rapport, les volcans de
l’Italie centrale sont classés de la manière suivante :
1° Volcans Cimini — amphigène, pyroxène et feldspath;
2° Volcans Laziali — amphigène et pyroxène;
3° Volcans des Ernici - — pyroxène.
Mais cela n’est pas tout, car pour le Latium nous avons
aussi un autre critérium pour nous conduire à une distinction
chronologique. Bien que les minéraux indiqués soient com-
muns à tous les trois systèmes, cependant dans celui plus
ancien et plus grand de V Artemisio on observe une plus grande
abondance de pyroxènes, de sorte que les laves sont presque
toujours augitophyres , clair-semées d’amphigène, tandis que
dans le système de Monte- Cam on voit toujours les leucito-
phyres entremêlés de pyroxènes, ce qui montre une modi-
fication survenue dans le travail du grand laboratoire de la
nature.
Toutes ces choses ont déjà été développées par moi dans un
Mémoire sur l'histoire physique du Latium , lu à Y Accademia Tibe -
rina le 21 février 1859 (1).
Par cette raison, et à cause de la situation de Tusculum,
je suis d’avis que les laves dont il a été question plus haut
doivent être classées sous le premier système, plutôt que sous
le second, comme on l’a cru.
Je ne puis me persuader qu’on veuille aussi comprendre
parmi les laves le pépérino , qui n’est autre chose qu’un con-
(l) Voirie Giornale Ârcadieo , t. CLVIII.
NOTE DE M. PONZI.
907
glomérat de beaucoup de matières très-différentes, non pas ci-
mentées, mais simplement liées ensemble par un empâtement
de cendre fait à froid par l’eau. Ce procédé a été observé
de visu par Breislak, dans l’éruption du Vésuve de l’an 1794,
et décrit par lui dans son ouvrage intitulé : Topogrufia de la
Campania (p. 157), où je prie notre auteur de le lire. Il en
déduira cette conséquence que, bien que* les pépérins aient
coulé à la manière des laves, néanmoins ils n’ont pas été autre
chose que des courants boueux épanouis sur les penchants
du cône du cratère Alban.
Après cela, notre savant collègue, descendu des monts du
Latium, s’avance dans la plaine, où il s’arrête aux bords du
Tibre pour embrasser d’un coup d’œil les environs de Rome.
On doit vivement regretter qu’un savant d’un si grand mérite
n’ait pas séjourné plus longtemps parmi nous, car il aurait a ors
mieux reconnu la grande importance du volcanisme dans l’Ita-
lie centrale et quelle immense superficie, en a été recouverte
par les déjections volcaniques. Ainsi il ne se serait pas borné
à considérer tout notre volcanisme dans le bassin de Rome
seulement, dont il but un chaos et une sorte de mare tmebrosum.
D’abord il s’applique trop à détailler les tufs volcaniques en
créant pour chaque espèce une origine différente, et pas assez
à distinguer les conglomérats de cailloux, qu’il rassemble tous
pêle-mêle sous la dénomination de diluvium , comme il le fait,
par exemple, pour les travertins en les supposant contempo-
rains des tufs, sans avoir égard à leur gisement.
En parlant de la campagne de Rome, le savant géologue de
Lille note premièrement la faille tibérine tracée par le cours
du Tibre, ainsi que la différence de niveau des couches qui en
forment les deux rives, sans toutefois en indiquer la cause,
qui est aussi relative au volcanisme du pays. — A la vérité, la
classification faite parBrocchi des conglomérats volcaniques de
la campagne romaine , les distinguant en lithoïdes, granuleux ,
terreux et remaniés, n’a pas réussi dans la pratique; mais celle
que notre auteur voudrait y substit uer ne vaut pas mieux. Voici
sa classification de nos tufs :
1° Tuf lithoïde ;
2° Tuf homogène;
3° Tuf ponceux ;
4° Tuf amphigénique.
Les deux premiers, observés par lui dans les carrières de
Monte-Verde et de Sainte-Agnès, ne sont pas autre chose qu’une
903
SÉANCE DU 24 MAI 1869.
variété des autres, à grains plus ou moins gros, et où il n’a
reconnu aucune trace de stratification. Des observations ulté-
rieures faites sur une plus grande échelle lui eussent certaine-
ment montré que ces tufs, tout aussi bien que les autres, ont
été stratifiés par les eaux marines et qu’ils forment de larges
et profondes couches rectilignes, ou largement ondulées. Pour
ce qui est des rapports géognostiques de ces couches avec le
diluvium , il est vrai que lesdits conglomérats, dans les locali-
tés observées par lui aussi bien qu’en d’autres, se présentent
superposées en stratifications horizontales; mais une observa-
tion plus complète n’eût pas manqué de lui faire remarquer
qu’ils se trouvent entièrement compris dans la vallée d’un grand
fleuve quaternaire, et qu’au dehors il n’y en a pas la moindre
trace; de même il eût noté la différente manière de se déposer
desdits conglomérats, car il y aurait vu des bancs d’une faible
étendue superposés et imbriqués qui alternent sans aucun
ordre avec les cailloux et les sables, indiquant les crûes et les
basses eaux des courants fluviatiles. Je crois que ces observa-
tions lui eussent fait exclure toute idée de contemporanéité,
dan§ le même endroit, des dépôts marins avec ceux fluviatiles,
comme il a conclu.
Notre auteur passe ensuite au diluvium , et d’après la des-
cription qu’il en donne on voit clairement qu’il ignore la dis-
tinction des cailloux de l’Italie centrale en deux espèces très-
dilférentes l’une de l’autre par l’âge et le gisement, aussi bien
que par leurs éléments constituants, leur mode de déposition
et les fossiles qui y sont renfermés. S’il avait eu le temps de
répéter plusieurs fois ses excursions, même dans le bassin de
Rome, il se serait aperçu que sous les tufs il y a un substratum
de cailloux plus anciens, dont le gisement est partout parfai-
tement uniforme, ce qui les montre déposés par la même
mer, dans lesquels on ne trouve point de matières volcaniques
(ce qui indique qu’ils sont antérieurs à l’apparition des vol-
cans), ni de débris fossiles. On voit que ces cailloux diffèrent
essentiellement de ceux examinés par lui, postérieurement dé-
posés par les eaux fluviatiles de la façon que nous venons de
voir, et tous remplis de matières volcaniques ainsi que de
fossiles d’eau douce.
G est là la cause de son erreur en considérant les tufs volca-
niques comme intercalés dans les cailloux.
Notre travertin ne renferme point de silex, et il est directe-
ment en relation avec les cailloux diluviens; aussi il ne se
NOTE DE fa. PONZI.
9Ô9
trouve jamais intercalé dans les roches plus anciennes d’ori-
gine maritime; au contraire, on le trouve, dans les grands lits
quaternaires, adossé auxdites roches, marquant ainsi le niveau
des grands courants, comme on le voit aux monts Parioli et
au mont Aventin, visités par notre auteur, où le niveau quater-
naire se trouve élevé d’environ 30 mètres sur le niveau moyen
des eaux actuelles.
D’après ces faits on peut comprendre combien il est peu ra-
tionel de supposer un déversement des eaux, par la faille, sur
le Janicule et le Vatican; nous critiquerons encore plus l’hypo-
thèse d’un cratère, en plein forum, là où l’avait déjà placé
Breislak, par la seule raison que les anciens historiens y font
mention du gouffre de Q. Curtius, changé en Spurius par
M. Gosselet. — A son avis, le cratère Capitolin, après avoir
déposé les tufs lithoïdes, se serait éteint, et alors les torrents
coulant en tous sens sur nos plaines auraient achevé le reste.
Plus singulière encore est l’idée de notre auteur, de consi-
dérer le tuf leucitique comme une formation distincte qu’il
voudrait faire croire supérieure à celle du tuf lithoïde* tandis
qu’il est impossible de ne pas reconnaître que les amphigènes
et les pyroxènes sont communs à toutes les variétés 'de nos
iufs sous-marins. Cette idée, qu’a inspirée à notre auteur l’as-
pect d’une coupe du chemin de fer hors de la porte Saint-Paul,
l’a amené à distinguer aussi le tuf ponceux et à lui attribuer,
de même qu’il l’avait fait pour le tuflithoïde, une origine dif-
férente. Or, comme toute la superficie de son volcanisme était
bornée à la campagne romaine, avec la ville de Rome au
centre, tous les points de partance devaient s’y trouver com-
pris, et alors voilà notre auteur à la recherche de l’origine des
ponces, qu’il voudrait attribuer au bassin du lac Sabatino , sau-
tant de là aux Trois- Fontaines, près de Saint-Paul, pour y créer
un nouveau cratère qui puisse avoir fourni les leucites et la
pouzzolane. — Cependant aucune de ces deux localités n’a été
une bouche de volcan, et aucun visiteur diligent ne voudra ja-
mais leur attribuer, surtout à celle des Trois-Fontaines, un pou-
voir d’éruption. •
De fait, le lac de Bracciano, ou Sabatino, ne se trouve point
dans un cratère d’éruption, qui serait par trop étendu, mais
bien dans un bassin d’effondrement; et les quatorze cratères
situés sur le sommet du grand cône sabatin se trouvent grou-
pés, comme ceux des champs Phlégréens, h l’est du lac. On y
voit empreints tous les caractères de véritables bouches d’érup-
910
SÉANCE DU 24 MAI 1869.
tioii sous-marines, dont quelques-unes semblent être apparues
au jour, comme des îles volcaniques au milieu de la mer.
Toutes ces bouches sont composées de conglomérats lithoïdes,
homogènes, leucitiques, pyroxéniques, ponceux, et d’autant
d’autres que notre auteur en pourrait désirer; de plus, on y
voit partout à l’entour des courants de laves pyroxéniques,
amphigéniques et feldspath! ques. Je crois que, si mon savant
collègue avait observé sur place avec le môme esprit qui l’a
porté à faire tant de subdivisions, 11 aurait augmenté encore
davantage le nombre des tufs.
Quant à la vallée des Trois-Fontaines, on n’y voit rien de
ce qu’il indique, car les conditions y sont les mêmes que par-
tout ailleurs dans la campagne romaine, c’est-à-dire qu’elle est
tout simplement une vallée d’érosion fluviatile; là pas de res-
saut montrant le caractère d’un cône volcanique, aucun indice de
cratère, aucune apparence d’enceinte circulaire, aucune trace
de courants de lave. Pour ce qui est des eaux Salvie , qui y ont
leur source et dont la température est plus élevée que celle de
l’air extérieur, ce phénomène n’a rien d’extraordinaire, et on
le rencontre même dans des régions autres que les régions
volcaniques.
Cependant il est bon d’ajouter que non loin de cet endroit,
dans la localité dite Cecchignola, en 1851, on a reconnu et décrit
un petit cratère ayant donné origine à un courant de lave qui
a poussé jusqu’à une petite distance des Trois-Fontaines. Mais
cette lave n’a pas de rapport avec les matières amphigéniques,
car elle est postérieure et relative au système atmosphérique
du Latium. Ce petit cratère, en outre, semble avoir eu une
courte existence et avoir été éteint et ensevelipar une masse de
cendres qui le recouvrent. Partant, on ne saurait jamais ad-
mettre que les amphigènes et les pyroxènes, ainsi que toutes
les autres matières observées par l’auteur dans les deux car-
rières de Pouzzolane visitées par lui, aient tiré leur origine de
ce volcan.
Enfin, si l’éminent géologue de Lille nous avait honorés pen-
dant un plus long temps de sa présence, je-ne doute pas que
ses idées ne se lussent insensiblement rectifiées. Nous aurions
pu lui montrer sur les caries géologiques de ITtalie centrale,
pour lesquelles on m’a décerné une médaille d’argent à l’Ex-
position universelle de 1807, le véritable état des choses; et
nous sommes persuadé qu’après les avoir examinées il eût
réduit à deux seulement les six systèmes volcaniques qu’il
NOTE DE M. PONZI.
911
a établis parmi nous comme conclusion de son travail.
Le premier de ces deux systèmes est celui des Cimini , le
plus vaste de l’Italie et entièrement sous -marin. Il occupe avec
son étendue rien moins que les provinces de Viterbo et de Co-
marca en entier, et en grande partie celle de Frosinone , c’est-
à-dire une zone de presque 150 kilomètres de long sur 50 kilo-
mètres de large. Toute cette étendue se trouve jalonnée par
une quantité de bouches éruptives qui se suivent en s’alignant
comme les anneaux d’une chaîne se groupant de préférence
sur les sommets des trois immenses cônes Vulsimo , Cimino et
Sabatino. C’est de ces cônes que sont sorties ces énormes
quantités de matières remaniées et délayées par les vagues
sur toute la superficie occupée jadis par la mer, en laissant
ainsi sur le sol une couche de conglomérats très-variés, ou
tufs, qu’on ne peut pas subdiviser sur l’échelle des stratifica-
tions, car tons ensemble ils constituent un seul membre, cor-
respondant à la période glaciaire, comme je l’ai déjà démon-
tré dans un mémoire publié à Milan par les Atti délia Società
geologica italiana (i).
Le second système est celui du Latium , postérieur au précé-
dent, et qui s’est produit après le retrait des eaux de la mer, se
trouvant ainsi renfermé dans un emplacement circulaire, au
centre duquel sont les cratères, et où les matières vomies se
trouvent distribuées selon leur poids et superposées aux tufs
sous-marins.
L’histoire de ce système se compose, comme je l’ai dit plus
haut, de trois périodes alternées d’activité et de repos; chacune
desquelles se distingue des autres tant par la production de
différents minéraux que par la formation de differents reliefs
sur le sol, tandis que toutes ensemble elles constituent un
système unique. La vie active de ces volcans remplit tout l’es-
pace de temps écoulé depuis le retrait des eaux jusqu’à bien
avant dans l’époque de noire histoire, car les derniers feux se
sont éteints pendant la période des rois de Rome. Toutefois ils
ne s’éteignirent pas complètement, car les monts du Latium
sont toujours le centre de tremblements de terre, même encore
à notre époque.
M. de Verneuil donne quelques détails sur la dernière
(t) Sopra un nuovo ordinamento geologieo dei terreni subappennini (31
maggio 1868, vol. 11).
912
SÉANCE Î)U 24 MA! 1869.
excursion qu’il a faite au Vésuve. Il annonce, en outre, que
la plupart des planches de M. de Rayneval, représentant les
fossiles du Monte-Mario, ont été heureusement retrouvées
et qu'elles vont être publiées prochainement, avec des ad-
ditions et rectifications, par MM. Mantovani et Ponzi.
M. Tardy fait la communication suivante :
Note sur le Vivarais ; par M. Tardy.
Grâce à l’hospitalité bienveillante que j’ai reçue chezM. Ber-
thon, j’ai pu visiter le nord du département du Gard et y re-
connaître : qu’entre les couches à Avicula contorta si bien
étudiées par M. Dieulafait (séance du 11 janvier 1869) et les
terrains houillers , on voit à Robiac un banc de grès grossier
friable.
M. de Lavernède, qui a eu la bonté de me faire visiter quel-
ques points de la contrée, m’a fait remarquer sur la route de
Salles de Gagnères à Saint-Paul des alluvions cimentées et
durcies, que M. Émiiien Dumas a classées dans le trias. Ces
couches sont recouvertes par le système à Avicules.
En allant de Chavagnac à Villefort j’ai reconnu ces grès de-
venus d’un grain plus fin à Bordezac et en plusieurs autres
points. Auprès de Villefort on les trouve couronnant les mon-
tagnes et s’élevant insensiblement vers le plateau de la Lozère.
Si quelques sommets dépassent leur niveau, c’est qu'alors sur
ces grès reposent des assises jurassiques.
Ces chapeaux de grès de quelques mètres d’épaisseur sont
fins et solides, et constituent la seule pierre d’appareil qui
existe dans cetle région. Aussi ils disparaissent rapidement
soit par l’exploitation, soit par l’éboulement des schistes qui
les supportent.
Sous ces grès on voit en quelques points des marnes qui
manquent sous les grès de Villefort.
Ces deux assises grès et marnes inférieures à V Avicula con-
torta doivent être le trias, modifié dans son aspect par sa
position littorale autour des massifs anciens du plateau cen-
tral.
Dans cette région les schistes micacés s’inclinent régulière-
ment et uniformément vers le sud-est; ils renferment des lits
NOTE DE M. TAfcDV.
913
subordonnés de graphite , des minerais de fer, du grès, des
schistes verts analogues à ceux de Cabrières. Enfin M. Jaubert,
ingénieur du chemin de fer, m’y a montré des empreintes peut-
être végétales. Ces schistes ne représenteraient-ils pas le silu-
rien et le dévonien?
Ces dépôts schisteux ont été soulevés et ont formé à Malbosc,
une falaise, au pied de laquelle se sont déposés le terrain houiller
et ses poudingues. Ceux-ci sont durs compactes avec éléments
schisteux de plus en plus volumineux à mesure qu’on s’ap-
proche de la falaise, contre laquelle ils butent, simulant ainsi
une faille.
Après cette époque et avant le trias, le sol de cette région
a subi des bouleversements.
Depuis l’apparition des mers triasiques, ce nouveau sol res*
tant toujours parallèle à ce qu’il est aujourd’hui, s’est, sur une
bande étroite à l’est de Villefort, immergé graduellement, de
telle façon que chaque assise triasique dépasse vers l’ouest
celle qui l’a précédée. Le jurassique inférieur a dû aussi re-
couvrir et dépasser le trias, à en juger par le lambeau si
étudié de Balmelle, qui a environ 40 mètres d’épaisseur.
Ensuite l’émersion graduelle a fait reculer de plus en plus vers
l’est la limite des dépôts jurassiques supérieurs et néoco-
miens.
Séance du 7 juin 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE BJLLY.
M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture dit procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres de la Société :
MM.
Canovas, professeur d’histoire naturelle, à Lorca (Es-
pagne); présenté par MM. de Verneuil etDelanoüe.
Riedel (Charles), ingénieur des mines à Carthagène (Es-
pagne) ; présenté par MM. de Verneuil et Delanoüe.
D’Uxeloupde Rosemont, rue de Jarente, 11, à Lyon (Rhône);
présenté par MM. Dumortier et Lory.
Soc. (jèoL, 2* série, tome XXVI.
58
914 SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
Le Président annonce ensuite quatre présentations.
DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. Cazalis de Fondouce, Congrès scientifique
de France . — Session de Montpellier . — Compte rendu ; in -8,
8 p.
De la part de M. Daubrée :
1° Note sur le kaolin de la Lizolle et d' Échassières, département
de l'Ailier , et sur l’existence de minerai dJ étain qui y a été ex-
ploité à une époque extrêmement reculée’ in -4°, 5 p. Paris, 1869.
2° Notice sur P. Berthier ; in-8, 64 p. Paris, 1869 ; chez
Dunod.
De la part de M. Th. Davidson :
1° On continental geology ; lre et 2e parties, in-8, pp. 1-4 et
1-6. Londres, 1869.
2° Notes on some recent mediterranean species of brachiopoda,
in-8, 3 p. Londres, 1869.
De la part de MM. Delesse et de Lapparent, Extraits de
géologie ( Extr . des Ann, des Mines , t. XIV, 1868, pp. 483-639).
De la part de MM. Ch. Des Moulins, Quelques réflexions
sur la doctrine scientifique du Darwinisme ; in-8, 16 p. Bordeaux,
1869 ; chez Coderc, Degréteau et Poujol.
De la part de M. P. Merian, Ueber die Grenze zwischen Jura-
und Kr eide formation; in-8, 15 p. Bâle, 1868; chez Hugo
Richter.
De la part de MM. Michel Lévy et J. Choulette, Mémoire
sur les filons de Przibram et de Mies ; ii>8, 76 p., 5 pi. Paris,
1869 ; chez Dunod.
De la part de M. V. de Moeller, Carte géologique du versant
occidental de l’Oural ; 1 feuille grand aigle 1869.
De la part de M. A. Jaccard, Matériaux pour la carte géolo-
gique de ta Suisse. — 6e livraison. — Jura vaudois et neuchâte -
lois; in-4, 340 p., 2 cartes et 8 pl. Berne, 1869; chez J.
Dalp.
M. Daubrée offre à la Société deux brochures. (V. la Liste
des dons) ;
NOTE DE M. DAUBRÉE.
915
11 signale particulièrement à l'attention de ses confrères
quelques anciens gisements d'étain qui paraissent avoir été
exploités par les Gaulois.
Le même membre fait ensuite la communication sui«
vante :
Note sur V existence de gisements de bauxite dans les départements
de l’Hérault et de VAriége , par M. Daubrée.
On sait que l’hydrate d’alumine, désigné sous le nom de
bauxite, découvert par Berlhier dans un minerai de fer pisoli-
thique du Sénégal, puis dans celui des Baux, département des
Bouches-du-Rhône, a été plus tard reconnu dans d’autres ré-
gions du sud est de la France, et qu’on l’a aussi rencontré en
Calabre, dans l’île d’Égine, en Irlande et en Styrie.
J’ai eu également l’occasion de reconnaître, dans une ex-
cursion faite en 1866, qu’il existe des gisements de bauxite
dans le département de l’Hérault.
Non loin de Frontignan, près de Balaruc, à la montagne de
la Gardéole, on a exploré récemment un d< pôt de minerai de
fer pisolithique qui pénètre, sous forme d’amas irréguliers,
dans des calcaires gris qui appartiennent à l’étage oxfordien.
Ce minerai présente des variétés à gangues quarizeuses, et
rappelle celles qu’on connaît à Aumetz ei à Saint-Pancré (Mo-
selle). De la goethite, sous la forme cubique qui caractérise la
pyrite de fer, se montre dans le calcaire bréchii'orme qui avoi-
sine le minerai, ainsi qu’on peut le reconnaître surtout par
des fragments épars à la surface du sol.
Entre Balaruc et la source d’Amblyas, c’est-à-dire à plus de
1200 mètres de l’amas de Gardéole, il est facile de reconnaître
sur la plage de nombreux affleurements de dépôts ferrugineux
analogues à ce dernier. La substance peu cohérente qui forme
la gangue du minerai ne consiste pas seulement en argile; il
s’y trouve aussi une substance rougie par l’oxyde de fer, que
les caractères extérieurs m’ont fait supposer être de la bauxite.
Cette supposition a été confirmée par l’examen chimique. Le
minerai contient du vanadium en quantité notable, comme ce-
lui de la Provence; il est mélangé, en outre, de carbonate de
chaux et de silice. Certains globules sont assez durs pour rayer
916 SEANCE DU 1 JUIN 1869.
le quartz. Cette bauxite est particulièrement caractérisée à l’ex-
trémité méridionale de la montagne de la Gardéole, dans la
commune d’Avize (1).
J’ai reconnu l'existence d’une autre série de gisements de
bauxite dans le département de l’Ariége.
La route de Foix à Saint-Girons présente au lieu nommé
Col del Bouich une entaille où le granité se montre intercalé
au milieu d’un calcaire caractérisé par des rudisles du genre
Requienia , que Dufrénoy avait nommé calcaire àDicérates, et
qui appartient au terrain crétacé, probablement au terrain
néucomien, d’après M. Hébert. Sur la limite de ce terrain et du
granité, il existe un amas argileux, d’une apparence rouge très-
vif, parsemé de pisolithes ferrugineux, qui affleure avec lm.S0
d’épaisseur. Le granité auquel il est superposé n’est nullement
rubéfié; quant au calcaire qui en forme le toit, il est traversé
par de nombreuses surfaces frottées.
Parmi les grains disséminés dans la gangue ferrugineuse, il
en est de rouges qui présentent dans leur cassure un éclat ré-
sineux analogue à celui de certaines opales ; d’autres sont
pâles et presque blancs, et, parmi ces derniers, il en est qui
rayent sensiblement le quartz.
D’après l’examen qu’en a fait M. Stanislas Meunier, les glo-
bules durs abandonnent un grande quantilé d’alumine à une
lessive tiède de potasse; la dissolution donne alors nettement
la réaction du vanadium ; ces globules ne contiennent qu’une
quantité très-faible de silice.
De même que les globules, la pâte rouge, au lieu d’être une
argile ordinaire , renferme la bauxite en proportion considé-
rable.
M. Mussy, ingénieur des mines, et M. Garrigou ont signalé
dans l’Ariége l’existence de dépôts ferrugineux qui se mon-
trent avec une constance remarquable sur la limite d'un cal-
caire dolomitique qui appartient au terrain jurassique, et que
M. Mussy rapporte au lias, et du calcaire à Requienia apparte-
nant au terrain crétacé.
(1) D’après le procès-verbal de la Réunion de la Société géologique à
Montpellier, qui vient de paraître (août 1869), la bauxite a été retrouvée
en d’autres points du département de l’Hérault, particulièr ment à Ville-
veyrat, dans le terrain oxtordien et à proximité du terrain tertiaire, ainsi
qu'à Bédarrieu (B. S. G. F., 2* sie t. XXV, pp. 934-935), et Compte rendu
de M. de Rouville, p. 57.
NOTE DE M. DAUBRÉE.
917
D’après des observations faites par M. Mussy, tout en se
montrant très-fréquemment à ce niveau, ces dépôts sont d’une
épaisseur très-inégale ; quelquefois réduits à quelques centi-
mètres, ils ont souvent 2 à 10 mètres d’épaisseur, et plus rare-
ment atteignent 30 à 40 mètres; ils s’étendent parfois sur 40, 50
et 100 mètres en direction. Leur composition est elle-même va-
riable; la substance friable et argiloïde qui en forme la partie
principale est quelquefois incolore ou jaunâtre, mais plus or-
dinairement colorée en rouge, d’une manière assez intense
pour qu’on la reconnaisse au loin. Dans quelques localités, elle
renferme des pisolithes, parfois très-ferrugineux , dont on a
cherché à tirer parti comme minerai.
Les points les plus remarquables de l’Ariége où affleurent ces
amas ferrugineux avec pisolithes sont, d’après M. Mussy, sur la
rive droite de PAriége : Pereille, Pancou, Roquefixade, le Pech
de Foix, le Pech Saint-Sauveur, près Foix; entre l’Ariége et
le Salat : Coumetorte, Terrefort, Çadarcet, Coumeloup, Unjat,
Suzan, Aillières, la Canalé du Mas-el-Azil, Laquere de Durban,
les Baydous, Carrère de Clermont, Capes de la Soueix de la
Barthe, Loubersenac, Touron et Saint-Jean de Lescure, Tauri-
gnan.
Des échantillons de plusieurs de ces gîtes, qui m’ont été re-
mis, ont été examinés chimiquement et reconnus être égale-
ment de la bauxite.
Ces amas pénètrent plus ou moins irrégulièrement en fond
de bateau dans les calcaires dolomitiques du terrain jurassique,
et parfois se ramifient profondément en veines irrégulières. Au
contraire, ils n’empiètent jamais sur les couches calcaires du
terrain crétacé qui leur sont superposées; ces dernières re-
couvrent indistinctement et avec une grande régularité, soit les
amas ferrugineux, soit les dolomies jurassiques.
Les amas ferrugineux paraissent être formés postérieure-
ment au terrain jurassique qui était alors émergé et antérieu-
rement au terrain crétacé qui les recouvre.
Il résulte de ce qui précède, que la bauxite, déjà reconnue
dans le sud-est en un assez grand nombre de gisements, sui-
vant une bande s’étendant d’Antibes à Tarascon, et sur une
longueur de plus de 150 mètres, se montre aussi en abondance
dans le sud-ouest de la France.
Il est remarquable que dans ces différents gisements la
bauxite se montre sous les mêmes caractères physiques, soit
dans des globules à cassure luisante et d’une dureté considéra-
918
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
ble, soit dans la pâte d’aspect argileux, rougie par l’oligiste,
dans laquelle sont disséminés ces globules.
Tout en étant en général associés aux terrains stratifiés, les
gîtes de bauxite manifestent leur relation avec les émanations
profondes par la présence du peroxyde de fer anhydre ou oli-
giste qui les colore généralement, et par les ramifications qui
pénètrent dans les couches sous-jacentes, à la manière de celles
qu’on obtient dans les minerais de fer en grains (Villeveyrat,
Balaruc), et d’une manière plus caractérisée encore, au Col del
Bouich, par la juxtaposition au granité.
L’émeri, principalement formé d’un mélange de corindon
et d’oxyde de fer magnétique, malgré son aspect si différent de
celui de la bauxite, est d’une composition assez analogue et
peut avoir été produit dans des circonstances semblables à ce
dernier minéral, sauf l’intervention de certaines actions calori-
fiques. En reconnaissant que la bauxite est très-fréquente, on
serait porté à croire que les gîtes de corindon et d’émeri, jus-
qu'à présent connus et exploités dans un assez petit nombre
de contrées, sont eux-mémes peut-être moins rares qu’on ne
le suppose; de même que la bauxite a été confondue habituel-
lement avec une substance argileuse , le corindon , surtout à
l’état confusément cristallisé, comme celui de Mozzo, dans les
Alpes du Piémont, se méconnaît très-facilement et peut être
confondu, si l’on n’est attentif, avec du feldspath.
M. de Mortillet demande âM. Daubrée si Ton n’a pas ob-
servé des traces d’exploitations anciennes dans le gîte cu-
prifère des environs de Saarlouis, ajoutant qu’il se trouve
au Musée de Saint-Germain une statuette de cuivre qui pro-
vient de cette localité.
M. Daubrée répond que le carbonate de cuivre des envi-
rons de Saarlouis a pu servir de matière colorante, mais
que, pour en extraire le métal, il eût fallu user de produits
chimiques que les anciens n’avaient pas à leur disposition.
Sur d’autres points, les Gaulois ont exploité des minerais
de cuivre et d’argent, et l’on a découvert dans le voisinage
d’une de ces mines un de leurs ateliers monétaires.
M. Gervais rappelle à ce propos qu’on a trouvé des traces
d’anciens travaux de recherche près du gîte de cuivre de
Cabrières, dans l’Hérault.
NOTE DE M. MARCOU.
919
M. de Verneuil présente au nom de M. Valérius de Mol-
ler, ingénieur des mines russes, une Carte géologique du ver-
sant oriental de V Oural (V. la Liste des dons).
11 accompagne cette présentation de quelques remarques
sur les nouveaux éléments de classification que Fauteur a
introduits dans la légende.
M. Marcou fait, à la même occasion , la communication
suivante :
Les derniers travaux sur le Dyas et Trias de Russie ,
parM. Jules Marcou,
La présentation à la Société géologique, par M. de Verneuil,
de la Carte géologique du versant occidental de l'Oural , par M. Va-
lérien de Môller, 1869 , en Faccornpagnant d’explications sur
les principales modifications que cette carte apporte à la carte
géologique générale de la Russie de MM. Murchison , de Ver-
neuil et de Keyserling, me fournit l’occasion d’appeler l’aiten-
tion de la Société sur les dernières découvertes et les travaux
qui ont eu pour objet le nouveau grès rouge ou le dyas et le
trias des auteurs allemands.
Chacun connaît les discussions auxquelles ont donné lieu la
publication de mon mémoire intitulé dyas et trias , point de
départ de nombreuses recherches qui, en Russie, viennent
d’aboutir à une modification profonde dans la distribution des
couleurs sur la carte géologique, aussi bien que dans l’échelle
des terrains stratifiés.
Je ne reviendrai pas sur ces discussions, les faits étant venus
me donner raison bien plus rapidement et bien plus compté*
tement. que je n'aurais osé l’espérer, en 1859, au début de la
question.
Dans sa carte géologique de l’Oural, M. de Môller, qui a é-té
un de mes adversaires, et dont M. de Verneuil s’était servi dans
la séance de la Société géologique du 5 juin 1865 , pour l’op-
poser à mes remarques et à mes conclusions , ainsi qu’aux
études sur le terrain de M. Ludwig, M. de Môller, dis-je, ad-
met d’abord qu’il y a par-dessus le zechstein une immense for*
mation triasique qui recouvre de vastes surfaces de la Russie;
puis il reconnaît qu’il n'y a pas récurrence entre les calcaires
et les grès et conglomérats cuivreux, ainsi que l’avaient admis
920
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
MM. Murchison, de Yerneuil et de Keyserling; et enfin M. de
Môller divise la formation permienne telle qu’il la limite, c’est-
à-dire sans le trias, en deux parties, et il tire sur la légende ex-
plicative des couleurs une ligne diagonale exprimant sa ma-
nière de voir sur la contemporanéité de ces deux grandes divi-
sions. En un mot, pour M. de Môller, la formation permienne
de Russie est un dyas.
Cette justification de l’emploi de l’expression de dyas , ve-
nant d’nn ancien adversaire, ou plutôt d’une personne dont
M. de Verneuil avait invoqué l’appui pour démontrer que « le
« mot dyas ne signifiait rien et n’était propre qu’à induire en
«c erreur si l’on s’en servait dans la terminologie des terrains
« en Russie (voir Bull, de la Suc géol vol. XXII, p. 519), » est
une revendication de la valeur réelle de ce mot que j’ai été le
premier à introduire dans la classification des roches strati-
fiées de l’Allemagne, de la Russie , de l’Angleterre , de l’Inde
et de l’Amérique du Nord.
Je n’ai pas à m’expliquer sur la valeur du caractère de con-
temporanéité que M. de Môller donne aux deux étages du dyas
russe. M. Ludwig, dans ses recherches sur l’Oural et dans sa
carte intitulée Die dyas in Russland, est d’un avis différent; pour
lui, le dyas russe se divise en deux étages superposés qu’il
rapporte au rothliegende et au zechstein. Mais ceci est une
question de superposition qui doit se vider sur les lieux mêmes.
Toutefois, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que la
carte géologique de M. de Môller semble indiquer que les grès
et conglomérats rouges reposent sur les calcaires carbonifères
supérieurs, et qu’ils sont recouverts à leur tour par les cal-
caires à Productus Cancrini , à l’exception d’une petite bande
qui s’étend des environs de la ville de Perm dans la direction de
Roungour, et où les grès cuivreux sont recouverts directement
par la formation triasique. En passant, faisons remarquer que
la ville de Perm est bâtie elle-même sur le trias et non sur le
permien, et que le gouvernement ou ancien royaume de Per-
mie ne présente qu’un développement assez maigre de terrain
permien, tandis que le gouvernement d’Orenbourg offre sur
de vastes surfaces le dyas russe, qui doit être pris pour type
dans ce pays, ainsi que l’a dit depuis longtemps M, d’Eich-
wald.
La carte géologique de M. de Môller n’est pas le seul docu-
ment qui soit venu donner raison à ma manière de voir sur le
dyas et le trias; en Russie même un autre savant, M. N. Bar-
NOTE DE M. MARCO U.
921
bot de Marny, a publié l’année dernière un mémoire impor-
tant intitulé Geognostische Reise in den nordlichen gouvernements
in Europaischen Russlands, Saint-Pétersbourg, dans les « Ver -
handlungen der Raiserlich-Russisschen minera logischen Gesell -
schoft zu St-Petersburg. » Dans ce mémoire , M. Barbot de
Marny rend compte d’un voyage géologique qu’il a fait pen-
dant l’année 1864 dans les gouvernements ou provinces de
Nowgorod, Olonetz, Wologda et d’Arkangel. Pour lui aussi, le
terrain permien russe se divise en deux étages, qu’il rapporte
au zechstein et au rothliegende, et il appuie surtout sur le
grand développement du terrain triasique en Russie, qui, d’a-
près lui, est une des formations les plus importantes, puis-
qu’elle recouvre la surface la plus considérable de la Russie
d’Europe. D’après M. Barbot de Marny, le trias russe atteint
une épaisseur de 700 pieds, c'est-à-dire une puissance supé-
rieure à celle du dyas qui ne dépasse guère 600 pieds (1). Pour
établir l’existence du trias, il s'appuie :
1° Sur la position géognostique des assises entre le dyas et
le terrain jurassique ;
2° Sur le caractère lithologique de ces assises, qui est iden-
tique avec les roches des couches du grès bigarré et des
marnes du keuper de l’Europe occidentale;
3° Sur la discordance de stratification entre le dyas et les
couches triasiques;
4° Enfin, le caractère paléontologique indique aussi une
autre formation, quoiqu’il n’y ait reconnu jusqu’à présent,
parmi des débris de plantes fossiles, que le Calamites arenaeeus.
D’ailleurs, il n’est pas très étonnant que jusqu’à présent on
n’ait trouvé dans ce trias russe que le Calamites arenaeeus, si
l’on veut bien faire attention que tout le pays recouvert par le
trias a été très-peu exploré ou étudié avec quelque soin par
les géologues, et aussi si l’on fait attention que jusqu’à aujour-
d’hui on n’a exécuté aucune espèce de travaux d’art dans ces
vastes steppes stériles et incultes. Il n’est pas douteux pour
(1) Je ne puis m’empêcher de faire remarquer que ce trias russe de
700 pieds d’épaisseur était réuni par sir Roderick Murchison et ses collabo-
rateurs au type perm en qu’ils avaient proposé pour classer les roches du
rothliegende et du zechstein d’Allemagne, et qu'ils regardaient ce trias
comme une grande et copieuse [great and copious) couverture du système
permien (Voir Geology ofRussiu, p. 182, vol. I), couverture qui d’après
ees auteurs faisait aussi partie du système permien.
922
SÉANCE DU 7 JUIN 1869,
moi que l’on trouvera dans le trias russe des fossiles caracté-
ristiques de ce terrain, comme on en a trouvé dans toute l’Eu-
rope occidentale ; seulement, il ne faut pas oublier que les
fossiles sont toujours rares dans ce terrain, qui est bien, comme
Ta d’abord défini notre savant et vénérable maître M. d’Oma-
lius d’Halloy, une formation pauvre (pénéen). M. Barbot de
Marny, dans son mémoire et dans une lettre imprimée dans le
Neues Jahrbuch für Géologie de Leonbard et Geinitz, année 1868,
p. 724, rend du reste pleine justice aux études et aux vues que
j’ai été le premier à émettre, et qui avaient été soutenues avec
tant de talent par MM. Ludwig et Geinitz.
Dans la Revue de géologie pour l'année 1861, par MM. Delesse
et Laugel, on lit, page 192 : « Si M. Marcou en était resté là
« (proposition du mot dyas pour désigner le rothliegende et
« le zechstein), il aurait eu la satisfaction de voir M. Geinitz se
« ranger de son côté; car le nom et la délimitation du dyas
« ont été adoptés parle géologue de la Saxe dans l’important
« ouvrage qu’il vient de consacrer au terrain permien. Mais
« tandis que M. Marcou retirait le dyas de la série des terrains
« paléozoïques, M. Geinitz était conduit par l'étude appro-
« fondie de sa faune à l’y maintenir D’après l’ensemble de
« ses observations, M. Geinitz n’hésite pas à rattacher son dyas
« à la période paléozoïque. Il se sépare ainsi bien nettement
« de M. Marcou, tout en adoptant le nom que celui-ci a pro-
« posé, et en retranchant comme lui du groupe nouveau la
« partie inférieure du grès bigarré. » En étudiant les questions
du permien et du trias, j’ai dû aller au fond des choses et ne
négliger aucune partie de tout ce qui s’y rapportait. Après des
recherches nombreuses, j’ai été conduit à adopter l’ancienne
opinion de M. d’Omalius d’Halloy, qui , le premier, a réuni le
trias et le dyas sous le nom de terrain du nouveau grès rouge.
En môme temps , j’ai pu rétablir les droits de priorité de
M. d’Omalius dans l’établissement de la formation pénéenne ,
droits qui avaient fini par être mis entièrement de côté par
sir Roderick Murchison dans ses diverses éditions de Siluria et
dans d’autres mémoires. Tout en regrettant de n’avoir pu con-
vertir M. Geinitz à ma manière de voir sur la réunion du dyas
et du trias dans un grand terrain , sous la dénomination de
nouveau grès rouge , je n’en ai pas moins persisté dans cette opi-
nion (1); et aujourd’hui, en outre de M. d’Omalius, qui est re-
(1) La confusion de MM. Murchison, de Yerneuil et de Keyserling, qui
NOTE DE M. MARCOU.
923
venu à sa première impression après l’avoir un instant aban-
donnée, j’ai à signaler l’approbation de deux savants anglais,
qui, guidés entièrement par la paléontologie, sont conduits à
unir le dyas et le trias dans une même grande formation : c’est
de MM. Huxley et Carruthers dont je veux parler.
Dans le dernier numéro du Quarterly Journal of the geological
Society , vol. XXV, mai, 1869, on lit, à la page 138 et suivantes,
que M. le professeur Huxley regarde le permien et le trias
comme formant une grande époque, qui comprend tous les
terrains désignés autrefois par Conybeare sous le nom de
Poiküitic , et qui correspondaient au New red sandstone de
M. d’Omalius. Dans son mémoire intitulé On Hyperodapedon ,
M. Huxley, président de la Société géologique de Londres, ap-
puie surtout sur les analogies présentées par tous les animaux
vertébrés connus jusqu’à présent dans le trias et le dyas; il
passe en revue toutes les découvertes faites en Allemagne, en
Angleterre, en Écosse, à Karoo, dans l’Afrique méridionale, à
Maledi et dans d’autres localités des Indes orientales, et il
n'hésite pas à réunir toute la faune terrestre de ces deux pé-
riodes sous le nom unique de faune des temps poïkilitiques. Il
va même plus loin, et faisant ressortir les ressemblances de
caractères de la faune existant aujourd’hui à la Nouvelle-Zé-
lande, tels que 1 eSphenodon, reptile si voisin de V Hyperodapedon,
l’oiseau géant Dinornis avec des pattes faisant des empreintes
qui ressemblent si bien au Brontozoum du nouveau grès rouge
du Connecticut en Amérique, M. Huxley pense que la faune
néo-zélandaise, aujourd’hui si isolée et si différente de toutes
les autres faunes actuelles, pourrait bien être un reste de la
vie à l’époque du nouveau grès rouge. Séparée par une cause
violente quelconque, la faune néo-zélandaise de la fin de la pé-
riode triasique se sera maintenue , tout en variant , sans ce-
pendant sortir du cercle des formes spéciales aux animaux du
trias.
L’Australie, de son côté, a conservé dans sa faune actuelle
les plus grandes analogies de formes avec les êtres, animaux
et plantes de l’époque jurassique.
ont regardé tout le trias russe comme du terrain permien, est une des plus
grandes preuves que l’on puisse invoquer pour unir le trias avec le dyas,
et montre clairement qu’il doit y avoir entre ces deux terrains de bien
grandes analogies, pour que des géologues aussi expérimentés aient pu
être ainsi induits en erreur, erreur qui s’est reproduite en Bolivie, aux
Etats-Unis et dans l’inde.
924
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
M. Huxley ne se fait pas d’illusion sur les nombreuses ob-
jections que l’on peut opposer à sa manière de voir; cepen-
dant il y a là certainement des faits qui peuvent maintenant ne
nous paraître qu’à l’état d’indications probables, de véritables
embryons, mais qui plus tard pourront conduire à de grandes
et larges vues sur l’histoire encore si obscure de notre planète.
M. Carruthers, de son côté, fait remarquer que la végétation
du dyas offre de nombreuses affinités avec les plantes secon-
daires, et que c’est dans le dyas que commencent véritable-
ment les flores des terrains mésozoïques ou secondaires.
En terminant, j’ajouterai que MM. Geinitz et Suess viennent
de trouver le dyas dans le val Trompia , au sud des Alpes, dans
le Tyrol italien, ce qui laisse espérer que l’on pourrait bien
le trouver aussi un jour dans ces couches si épaisses et si peu
connues que l’on a rapportées jusqu’ici au terrain carbonifère
dans les Alpes de la Savoie et du Dauphiné.
M. Delesse présente en son nom et en celui deM. de Lap-
parent, le nouveau volume de la Revue de Géologie (Y. la Liste
des dons).
M. Tardy fait la communication suivante :
Notes sur quelques éboulements , par M. Tardy.
La tranchée du boulevard Puebla à Paris-Charonne est ou-
verte dans les marnes supérieures au gypse et offre la coupe
ci-contre :
Légende des fig. 1 à 7 ci-contre :
v . Terre végétale, 0m50 environ.
». Marnes mêlées de remblai, 2 mètres,
m. Assise flnente des marnes vertes, 4 mètres.
q. Assise des marnes dures et compactes, 0m50, qui ne se distinguent
que dans la coupe fig. b.
ck. Assise puissante des marnes jaunâtres flexibles mais non fluente que
que l’on peut diviser en supérieure c et inférieure â, d’une épais-
seur totale de 6 mètres environ.
ag. A la base, n’apparaît qu’en quelques points une couche argileuse
bleuâtre en bas et un peu noire en haut, soit a , partie supérieure,
et g , partie inférieure.
NOTE DE M, TaRD Y,
926 SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
Ces couches sont fortement ondulées, fig. 3 et 5, et celles q9
c, kt présentent un grand nombre de petites failles à rejet, sans
doute produites par des effondrements dans les galeries d’ex-
ploitation du gypse.
Dans les endroits où la route a enlevé le milieu d’un fond de
bateau formé par les couches, celles-ci, après les pluies, se
sont effondrées sur la chaussée. Ainsi, dans la fig. 1 les glai-
ses m ayant perdu leur appui sont tombées, et n et v sont ar-
rivées au plus bas. Dans les fig. 2 et 3 les glaises m ont coulé
sur la chaussée, laissant en arrière les débris de n et de v.
Dans l’éboulement fig. 4 et 5 les argiles a g ont reflué sur la
chaussée, et deux coins de terrain supérieur, l’un c k, l’autre
v nm les ont pénétrées, formant ainsi deux petites failles qui ne
continuent pas dans la profondeur. Dans la fig. 6 la pression
des couches supérieures a chassé q avec un peu de m au dehors.
Je ferai remarquer que dans tous ces éboulements la couche
végétales éboulée a sa nouvelle déclivité tournée vers la terre
ferme, et très-rarement vers le vide de'la tranchée.
La fig. 7 est la coupe d’un éboulement que j’ai relevé à Chau-
mont-en-Vexin. En faisant une tranchée de chemin de fer, on
avait coupé la partie supérieure des argiles tertiaires infé-
rieures ; celles-ci ont alors cédé à la pression d’un talus de
40 mètres de haut et ont reflué dans la tranchée, tandis que le
talus, formé des assises friables du calcaire grossier, s’est ef-
fondré en produisant un grand nombre de failles verticales et
d’aiguilles.
M. Levallois ajoute quelques observations qui confirment,
en leur donnant plus de précision, les rapprochements in-
diques par M. Tardy.
NOTE DE M. ÉBRAY. 927
Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de
M. Ébray.
Assimilation de la protogine des Alpes au porphyre granitoïde du
Beaujolais , par M. Ébray.
Nous avons fait remarquer qu’avant d’aborder l’étude des
Alpes, il est nécessaire d’étudier à fond les contrées voisines
au milieu desquelles affleurent des massifs ne présentant pas
les difficultés qui déroulent l’observateur dans ces montagnes
si profondément bouleversées ; autrement, il est impossible de
se rendre un compte exact des relations d’âge et de superpo-
sition.
On sait que mes opinions diffèrent de celles de M. Lory sur
certains points de la géologie alpine; ainsi, je crois que les
couches jurassiques s’affaissent vers l’arête principale des Alpes
dauphinoises, et je viens d’appuyer mes opinions sur des preu-
ves spéciales, car on pouvait se méprendre sur la nature des
fissures en attribuant au clivage ce qui est stratification; je
crois encore que, contrairement à l’avis deM. Lory, les roches
franchement cristallines qui occupent les sommités de c< tte
chaîne, sont éruptives.
Le présent travail a pour but d’élucider cette dernière ques-
tion.
Je suivrai ici ma méthode invariable qui consiste à aller du
connu à l’inconnu, du simple au composé.
Admettant que 1rs phénomènesde sédimenlationetd’éruption
ont présenté dans leur ensemble et«à une même période, des
caractères très-semblables entre eux, je ne comprends pas la
nécessité d’une géologie alpine spéciale; les couches sont dans
ci s mo tagnes plus bouleversées qu’ailieurs, les étag s sont
moins fossilifères que dans le centre de la France, les couches
présentent quelques différences minéralogiques; mais ces
faits sont des faits i ormaux et naturels ; les difficultés o’ob-
servation sont l lus grandes et c’est là le seul caractère spécial.
On ne trouvera donc pis mauvais que je fasse précéder l’é-
tude des roches éruptives anciennes des Alpes occidentales,
par un résumé des phénomènes de même nature que j’ai con-
statés dans le Beaujolais; ces montagnes sont, comme on le
sait, à deux pas des Alpes.
928 SÉANCE DU 1 JUIN 1869.
Avant tout, je me permettrai d’adresser un petit reproche
aux géologues alpins : ils n’ont pas assez étudié la géologie
des contrées qui entourent leurs montagnes, ni les livres qui
traient de ces contrées. J’ai été passablement surpris en cau-
sant avec certains de ces géologues de voir qu’ils confondaient
le carbonifère avec le terrain houiller, celui-ci avec le terrain
anthracifère; ils paraissent aussi ignorer les travaux qui éta-
blissent les différences profondes existant entre ces systèmes
de couches, de même que la diversité des roches éruptives qui
les traversent et qui peuvent, par leurs caractères, jusqu’à un
certain point, remplacer les fossiles des terrains sédimentaires
récents pour déterminer l’âge des formations.
Des roches éruptives anciennes du Beaujolais .
Je puis sur bien des points renvoyer le lecteur à l’ouvrage
de M. Gruner, Description géologique du département de la
Loire .
J’ai eu l’occasion de critiquer et de remanier la classification
des terrains jurassiques de cet auteur qui, faute de données
paléonlologiques suffisantes, s’est laissé entraîner à des inter-
prétations erronées; toutefois, il faut reconnaître que ses
éludes sur les terrains anciens et sur les roches éruptives qui
les traversent, formeront pendant longtemps encore le travail
le plus complet et le plus consciencieux qui existe sur celte
matière; c’est là que les géologues pourront trouver un point
de départ utile et même i. dispensable pour leurs études.
Mais comme les montagnes du Beaujolais sont plus rappro-
chées de celles des Ali es, comme j’ai pu personnellement les
étudier pendant plusieurs années, il me semble que cette étude
sommaire ne sera pas dépourvue d’intérêt; je tiendrai compte
d’ailleurs de ce que notre savant et regretté confrère Fournet
a fait connaître sur ces montagnes.
Les couches sédimentaires qui les composent ne sont pas
variées; à la partie inférieure, on reconnaît un puissant sys-
tème de schistes.
Leur faciès est très-variable ; ils sont tantôt noirs, argilo-
calcaires, verts, rouges, quartzifères, souvent micacés , traver-
sés par des veines de petro-silex, passant à des minettes, à
des porcellanites, des mélaphyres et autres roches pseudo-
éruptives.
NOTE DE M. EBRAY.
929
M. Gruner veut diviser ces couches en deux parties : la par-
tie inférieure appartiendrait à un étage cambrien, la supérieure
à l’étage carbonifère. Comme il est difficile de séparer ces deux
systèmes, et comme la partie supérieure est évidemment car-
bonifère, je préfère pour le moment ne pas établir une distinc-
tion qui d’ailleurs ne s’appliquerait point aux Alpes.
Vers les parties supérieures des schistes carbonifères, se dé-
veloppent des calcaires en général foncés ; ils forment une
vaste lentille, dont la plus grande épaisseur est vers Regny;
l’extrémité de cette lentille, du côté de l’Est, se trouve à 4 ki-
lomètres de Tarare où ces couches se terminent en un biseau
très-aigu.
Au-dessus de ces calcaires, enclavés dans les parties supé-
rieures des schistes, se trouvent des poudingues et des grau-
wackes.
Les poudingues se composent de gneiss, de fragments de cal-
caire carbonifère, de fragments de quartzite. Leur épaisseur
maxima est de 20 à 25 mètres ; ils passent à des grauwackes ,
puis à des grès anthracifères occupant en général les sommi-
tés de la chaîne beaujolaise.
Les grès anthracifères sont de véritables arkoses dont les élé-
ments sont quelquefois si peu altérés, qu’il devient difficile de
les distinguer des porphyres quartzifères.
Les parties supérieures du terrain houiller paraissent af-
fleurer à l’Arbresle, Sainte-Paul, Sainte-Foy; mais ces forma-
tions jouent un rôle tout à fait secondaire dans l’orographie de
la chaîne.
Dans leur ensemble, ces couches ne sont pas entièrement dé-
pourvues de fossiles; un notaire de Regny, M. Rriilot, a con-
staté le premier que les calcaires contenaient des fossiles; ces
fossiles ont été plus tard déterminés par M. de Verneuil comme
étant carbonifères; les schistes et les grauwackes contien-
nent, par place, beaucoup de végétaux que j’ai décrits et que
j’ai trouvés identiques à ceux que M. Schimper a signalés
comme provenant du carbonifère des Vosges; les grès anthra-
cifères contiennent des couches de houille avec des végétaux
qui indiquent la base du véritable terrain houiller.
Ces systèmes de couches sont traversés par des roches érup-
tives distinctes qui, nous l’avons déjà dit, ont pour la déter-
mination de l’âge des couches encaissantes la même valeur
qu’un fossile caractéristique.
Les schistes inférieurs et les calcaires sont traversés par le
Soc . géoL, 2e série, tome XXVI. 59
930
SÉANCE DU JUIN 1869.
porphyre granitoïdc; les poudingues et les grès anthracifères
par le porphyre quartzifère.
M. Gruner et notre regretté confrère Fournet ne s’étaient
pas entendu sur l’âge du gros filon de roche granitique qui
traverse le département du Rhône, de RomanècheàMontrotier,
on sait que M. Fournet y voyait une syénite moins ancienne
que le granité du Forez. M. Gruner n’attachant pas à la pré-
sence de l’amphibole l’importance que lui attribuait Fournet,
ne la distinguait pas de cette dernière roche. J’ai repris la
question et j’ai montré que la syénite de Fournet devait être
assimilée au porphyre granitoïde de M. Gruner.
Le porphyre granitoïde , dit M. Gruner, est, comme le granité
ordinaire , une roche éruptive composée de feldspath , de quartz et
de mica ; dans l’une et l’autre roche, les trois éléments sont de
la même façon, très-irrégulièrement associés. M. Fournet croit
avec raison que le porphyre granitoïde contient deux feld-
spaths différents.Undecesfeldspathsestl’orthose, le deuxième
appartient au sixième système. D’après M. Gruner, ce deuxième
feldspath appartiendrait à l’albite, d’après M. Delesse, il devrait
être assimilé à l’oligocîase.
Le mica est abondant , généralement terne et tirant sur le
vert olive. Les fissures et fentes qui traversent le porphyre
granitoïde sont tapissées de pellicules stéatileuses , tendres,
savonneuses, d’un vert pomme clair. M. Gruner assimile cette
roche à une roche dioritique compacte; car, dit-il, on y re-
marque des mouchetures vertes qui pourraient bien être de
l’amphibole. En général, la direction des filons estapproxima-
tivement vers le nord, celui de Billard est N. 30° O.
Le porphyre quartzifère traverse les pou lingues , les grau-
wackes, les grès anthracifères et bien entendu les formations
inférieures.
Il se compose, dit M. Gruner, d’une pâte plus ou moins com-
pacte, cristalline ou terreuse au milieu de laquelle se dessinent
des cristaux de feldspath, de quartz et de mica.
Il contient surtout de l’orthose et se distingue du porphyre
granitoïde par la pauvreté de l’albiie. La direction dominante
est aussi vers le nord ; en général, elle est N. 18° O.
Les roches éruptives produisent sur les roches encaissantes
des métamorphismes importants et fort curieux que j’ai dé-
crits dans ma notice sur la minette du Rhône et dans mon Mé-
moire sur le granité syénitique du Beaujolais; j’en dirai ici
NOTE DE M. ÉBRÀY.
93 J
quelques mots, parce que ces mêmes phénomènes se repro-
duisent dans les Alpes, comme nous le verrons plus loin.
L’action métamorphique la plus apparenté et la plus déve-
loppée, est la production du mica noir, presque toujours
orienté parallèlement aux salbandes du filon éruptif. Ce genre
de métamorphisme s’étend à des distances très -variables et
dépend de la largeur du filon ; aux abords du gros filon des
Arnas, les schistes sont devenus micacés sur un kilomètre en-
viron de largeur; aux abords des petits filons, il s’étend à
1 mètre des salbandes. Le développement du mica dans le sens
du filon engendre un clivage qu’il faut distinguer de là strati-
fication. Quelquefois on rencontre au milieu d’un filon une
lame schisteuse entièrement métamorphique que l’on serait
tenté de prendre pour un filon de minette; mais la disposition
du mica, jointe à d’autres caractères locaux, vous préserve de
cette erreur.
Les grès anthracifères se modifient aussi aux abords des
filons de porphyre quartzifère par le développement du mica;
dans ce cas, ce minéral apparaît sous forme de belles tables
hexagonales.
Les systèmes de roches éruptives dont nous venons de par-
ler ne constituent pas des systèmes spéciaux applicables seule-
ment au département de la Loire et du Rhône. On constate les
mêmes phénomènes dans les Vosges et dans le Morvan. Et
même, tout dernièrement, en dressant le profil géologique
des chemins de fer de la Haute-Loire, j’ai observé que l’on ren-
contrait, en remontant le cours de l’Alîier jusqu’à sa source*
un porphyre granitoïde traversant les schistes anciens et un
granulite plus récent correspondant au porphyre quartzi-
fère.
Examen et discussion des opinions émises par MM, Favre
et Lomji
L’énumération de tout ce qui a été écrit sur laprotogine des
Alpes, nous conduirait trop loin. Constatons cependant que
dans ces derniers temps encore, on a voulu voir dans cette
roche le produit d’éruptions récentes. M. Leyinerie dit dans
ses Éléments de minéralogie et de géologie (1866), p. 776 : Ainsi
la protogine du mont Blanc pénètre au voisinage de cette montagne
dans le flysch qu’elle transforme même , par métamorphisme , en un
932
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
schiste plus ou moins cristallin , état de choses qui ferait remonter
l'âge de cette roche jusqu’ après la période éocène.
La cause de ce rajeunissement de la protogine a été mise en
lumière parles travaux de MM. Favre et Lory; ces géologues
ont démontré, en effet, que les dislocations (contournements
pour M. Favre, failles pour M. Lory) ont fait arriver au jour la
protogine déjà formée, et qu’elle se trouve en contact avec les
terrains récents comme le terrain houilier est en contact avec
le crétacé, c’est-à-dire par suite de failles.
Cette juxtaposition des roches cristallines anciennes et des
étages sédimentaires récents, n’est pas particulière aux Alpes;
j’ai décrit il y a longtemps le massif porphyrique de St-Saulge
(Nièvre), qui simule un dyke traversant les terrains jurassiques
et qui résulte de l’influence de deux failles.
Cependant si MM. Favre et Lory ont repoussé avec beaucoup
de raison le rajeunissement de la protogine, ils ne se sont pas
rendu compte de la nature intime de cette roche, lorsqu’ils
ont prétendu qu’elle ne représentait qu’un état spécial des
schistes anciens; cette idée nous surprend d’autant plus que la
plus grande partie des faits allégués par ces géologues con-
duisent à un résultat tout contraire.
M. Lory donne la définition de la protogine du Dauphiné ,
p. 60, de son travail sur cette région. Il classe cette roche dans
les roches granitiques massives qu’il distingue de celles qui
sont élevées. M. Lory annonce, p. 63 de son ouvrage : Que les
protogines , proprement dites , comme les vrais granités , ne sont pas
stratifiées; elles sont cependant en général divisées assez ré-
gulièrement en tranches par des plans à peu près verticaux dans
le sens de la longueur des chaînes ; mais il dit aussi, p. 232 de ses
Observations sur diverses notes de M. Ebray : Qu il ne saurait
voir dans laqjrotogine de Coin quune protogine porphyroïde , mais
stratifiée .
Ainsi, en 1860, M. Lory dit que les protogines ne sont pas
stratifiées; en 1867, il dit qu’elles le sont. Nous démontrerons
tout à l’heure, qu’en 1860, M. Lory disait plus vrai qu’en
1867.
D’après ce géologue, la protogine se compose d’orthose, d’o-
ligoclase, de mica et de talc ; mais notre confrère ajoute, p. 61,
que le mica de la protogine a été pris pendant longtemps pour
une variété de talc. Ce dernier ne serait pas un minéral con-
stant et essentiel, et la protogine aurait pour caractère réel la
nature exceptionnelle du mica qu’elle contient.
NOTE DE M. ÉBRAY.
933
M. Favre reproduit dans son ouvrage ( Recherches géologiques
dans les parties de la Savoie , voisines du mont Blanc) les essais
chimiques exécutés sur laprotogine parM. Delesse. Ce savant
arrive à la conclusion que la protogine ne diffère des granités
ordinaires qu’en ce qu’elle contient 1 à 2 centièmes d’oxyde de
fer et de magnésie.
Cette différence équivaut à une identité 9 puisqu’il y a plus
de différence entre les espèces extrêmes de granités qu’entre
ceux-ci et la protogine .
En comparant la composition de la protogine et ses miné-
raux essentiels à celle du porphyre granitoïde, on ne tarde pas
à reconnaître l’analogie qui existe entre ces deux roches. En
effet, le porphyre granitoïde est, comme le granité ordinaire,
un composé de feldspath, de quartz et de mica; mais il con-
tient en outre un feldspath du sixième système; son mica est
comme celui de la protogine, du mica ferro-magnésien en cris-
taux peu nets, généralement ternes et d’une nuance vert-olive ;
il contient aussi, comme laprotogine, 71 p. 100 de silice. Reste
le talc.
Mais comme d’après M. Lory et d’après mes propres obser-
vations, le talc n’est pas un minéral essentiel de la protogine,
comme souvent même il manque, je ne puis lui attribuer un
rôle plus important qu’à l’amphibole dans la syénite du Beau-
jolais ou dans le porphyre granitoïde de la Loire et du Rhône.
Nous savons, en effet, que l’amphibole existe quelquefois dans
ce porphyre, ce qui a porté M. Fournet à le désigner sous le
nom de syénite, mais le plus souvent il manque tout à fait. Si
nous comparons en outre la composition du talc à celle de
certains minéraux du groupe des amphiboles, nous voyons que
ceux-ci ne diffèrent des talcs que par la présence du silicate
de chaux ou même seulement du fer, ainsi qu’il arrive pour
l’hypersthène. Or si l’on consulte le travail de M. Delesse sur
la protogine, on remarque, tout en regrettant que ce savant
n’ait pas pu faire une analyse plus détaillée de ce soi-disant
minéral, que le talc de la protogine diffère du talc ordinaire,
notamment par la présence du fer, présence indiquée d’ail-
leurs par la couleur quelquefois foncée du talc; ce fait le rap-
proche de certains minéraux de la classe des amphiboles et
donne à l’analogie que nous cherchons à établir une nouvelle
probabilité.
Nous verrons d’ailleurs plus loin que M. Lory a rencontré
sur le prolongement des affleurements protoginiques des ro-
934
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
ches qu’il désigne par diorites granitpïdes et qui ne sont autre
chose que desprotogines où l’amphibole reparaît dans sa forme
habituelle. Enfin, on n’a pas encore eu l’occasion de détermi-
ner la forme primitive du talc, et l’on se demande en présence
de ce fait si le talc est réellement une espèce minérale.
M. Lory ne paraît pas admettre dans son travail sur le Dau-
phiné la protogine comme une roche éruptive; cependant il
admet dans les Alpes des granités éruptifs, car il dit, p. 131 :
Avant les bouleversements qui ont rompu et redressé les couches de
gneiss, ces granités étaient situés très-profondément au-dessous du
sol, maintenus par conséquent sous une pression considérable et à la
température élevée qui règne dans ces profondeurs de plusieurs
milliers de mètres. On comprend dès lors que ces roches pouvaient
être imparfaitement consolidées et dans un état de mollesse pâteuse,
jusqu'à l'époque ou elles ont été poussées au dehors et ont surgi en
formant les cimes colossales du mont Blanc et du Pelvoux.
Des roches poussées au dehors dans un état çle mollesse et
qui forment des cimes telles que le mont Blanc, ne sont-ce
pas des roches éruptives?
Mais le môme savant ajoute : Que certaines parties de la pâte
granitique plus molles et plus fortement pressées que le reste, ont pu
alors s'insinuer dans des crevasses ; ce sont là les filons çle granité
plus spécialement éruptifs, et p. 199 on lit les lignes suivantes :
En face , l'escarpement qui règne en dessous de la mine de la Gar -
dette , montre à sa base, au niveaii de la plaine, une belle protogine
que l'on a exploitée comme pierre de taille pour le pont du Bourg -
d'Oisans ; elle semble former un gros filon dans le gneiss, et elle
pousse des ramifications de protogine très-quartzeuses.
Or il me semble qu’une roche qui pousse des ramifications
ne peut-être qu’éruptive.
Mais laissons de côté ces contradictions.
D’après la p. 131, M. Lory donne à croire que les protogines
déjà formées se seraient ramollies et se seraient insinuées
dans les ruptures du gneiss.
Qu’on me permette de mettre en doute cette complication
e protogine réchauffée ; il serait beaucoup plus simple d’ad-
mettre sans préambule la protogine comme une roche érup-
tive. M. Lory se serait ainsi débarrassé d’une hypothèse im-
probable, de plus, il n’aurait pas été obligé d’imaginer une ex-
plication absolument inadmissible pour justifier la présence
de cette roche su? les sommets des Alpes dauphinoises. Nous
devons, dans l’intérêt de cette étude, reproduire ici le croquis
935
NOTE DE M. ÉBHAY.
que donne M. Lory de la coupe théorique de la structure en
éventail delà grande chaîne du canton d’Allevard; elle se
trouve dans l’ouvrage précité, p. 181 ; elle a déjà été repro-
duite par M. Favre. Évidemment ce géologue ne s’est pas de-
mandé si le mécanisme, capable de former cette figure, était
possible ou non.
Pour comprendre cette structure, prétend M. Lory, p. 180,
il faut supposer que, refoulées par des pressions très-énergiques,
les couches des terrains cristallins ont formé un pli très- saillant
et ont été rompues par l'excès de la courbure, comme nous le repré-
sentons ci-dessous.
De cette manière , le granité Y qui était situé dans les profondeurs
de la terre , au-dessous des schistes talqueux ÿ’ et des gneiss g , se
montre dans le centre de la rupture.
Quant à moi, je ne puis admettre que des couches fort
épaisses refoulées sur une échelle aussi considérable, soient
venues s’appliquer comme par enchantement les unes contre
les autres avec la régularité représentée sur le croquis de
M. Lory, régularité qui existe en effet, dans la nature. M. Lory
n’aurait-il pas évité cette explication des plus laborieuses en
admettant que la protogine formait un filon au centre; que
cette protogine avait métamorphosé les schistes en gneiss par
le développement du mica? Le phénomène se remarque à
chaque pas dans le Beaujolais.
Quant à la disposition en éventail qui doit exister dans tous
les massifs montagneux, elle s’explique par la raison très-sim-
ple (fig. 12 de M. Lory), que les filons des roches éruptives
936
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
s’élargissent en profondeur; nous l’avons vérifié clans les grands
tunnels que nous avons exécutés.
L’étranglement momentané d’un filon, son expansion vers
les parties supérieures, peut s’expliquer par un serrement plus
fort dans la profondeur qu’à la surface. Ici nous admettons la
comparaison que fait M. Lory des couches en question avec
une gerbe, mais nous l’admettons telle quelle et sans la sup-
position inadmissible de la rupture par excès de courbure.
Cette explication de la structure en éventail avait déjà été
donnée d’une manière plus simple par l’illustre de Saussure,
qui comparaît ces couches à une ardoise plantée verticalement
en terre dont les feuillets s’écartaient vers le haut. Cette com-
paraison vaut une explication.
M. Favre ne croit pas que les protogines soient éruptives,
parce qu’on ne rencontre nulle part dans les Alpes des traces
de coulées. Si le savant géologue de Genève était venu dans le
Beaujolais, dans le Morvan, il aurait vu que tous les filons de
roches éruptives se terminent à la surface du sol sans traces
de coulées; j’ai dit il y a fort longtemps que ce phénomène
s’expliquait facilement par les dénudations qui, d’après mes
calculs, sont de 1000 mètres au moins dans les Alpes. M. Favre
les admet d'ailleurs comme moi.
Ce géologue donne encore (page 47) une coupe où le n° 7
est ainsi décrit :
N° 7. Protogine? formant un grand filon qui s’élève au som-
met de la montagne.
Pour tout géologue, une roche capable de former des filons
est une roche éruptive.
D’un autre côté, M. Favre parle (page 11, t. III) de fragments
empâtés dans la protogine? Ces empâtements que nous avons
nous-mêmes constatés nous semblent une preuve en faveur de
la nature éruptive de la roche. Enfin, M. Favre constate qu’en
quelques endroits les gneiss sont plissés au contact de la pro-
togine; ces plissements, selon nous, indiquent bien que la
roche, en s’introduisant dans les fentes, a exercé des frotte-
ments sur ia roche encaissante.
J’arrive à un fait souvent très-mal interprété; je veux parler
de la pseudo- stratification des granités.
Pour MM. Favre et Lory, cette stratification est un fait im-
portant qui prouve contre la nature éruptive des roches ; pour
moi, c’est un fait sans grande signification.
M. Lory dit, en effet, dans sa note du 16 novembre 1867
NOTE DE M. ÉP.RÀY.
937
(page 232) : Je ne saurais y voir qu?une protogine stratifiée , tandis
que M. Favre, de son côté, cite comme caractère distinctif du
vrai granité et de la protogine une stratification mieux marquée
pour cette dernière (t. III, p. 299).
Le savant professeur de Grenoble a peut-être parcouru les
vastes plateaux basaltiques du département de la Haute-Loire;
dans ce cas il a pu constater l’existence, sur une vaste échelle,
d’un basalte qui simule à s’y méprendre une roche sédimen-
taire divisée en strates à peu près horizontales de 0m,20 à
0m,50 d’épaisseur. Du reste M. Lory aurait eu des renseigne-
ments certains sur ce basalte stratifié en consultant les ouvrages
qui traitent de ces roches; M. Burat les désigne par basaltes
tabulaires.
Ce ne sont pas seulement les basaltes volcaniques qui se
stratifient par le refroidissement, il en est de même pour les
roches éruptives anciennes, et j’ai pu vérifier ce phénomène à
d’assez grandes profondeurs. Le tunnel de Sauvage traverse
près de Tarare le faîte qui sépare les deux bassins hydrogra-
phiques; la montagne qui forme ce faîte est entièrement de
grès anthracifères traversés par des filons de porphyre quartzi-
fère, le plus gros de ces filons occupe le faîte, il a 60 mètres
de largeur. Les formations qui composent le massif étant en
général imperméables, la Compagnie du chemin de fer espérait
ne pas y rencontrer beaucoup d’eau, prévision qui s’est en
effet réalisée pour l’ensemble du tunnel, mais il en a été tout
autrement pour le fonçage du puits n° 3 qui a été entrepris
sur le gros filon porphyrique. A 30 mètres il y avait 20 mètres
cubes d’eau, à 50 mètres 70 mètres cubes, à 100 mètres 230
mètres cubes, à 130 mètres 400 mètres cubes, à 150 mètres
500 mètres cubes, enfin on est arrivé à 200 mètres avec 700
mètres cubes dans les 24 heures, mais il était temps d’arriver,
La présence de cette grande quantité d’eau sur un filon occu-
pant le point culminant du faîte tandis que les autres parties
de la montagne en étaient dépourvues, s’explique uniquement
par la pseudo-stratification du porphyre que j’ai rencontré jus-
qu’au fond du puits divisé en deux systèmes de fentes •*
1° Fentes fort régulières presque verticales parallèles aux sal-
bandes; 2° Fentes voisines de l’horizontale parallèles à l’af-
fleurement.
C’est, en effet, dans ces deux sens que le refroidissement a
dû opérer le retrait.
Quant aux eaux, on comprend que le clivage vertical trans-
938
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
formait le vaste filon (30 kilom. de longueur) en un grand en-
tonnoir (Voir note sur la nécessité d’étudier les filons dans la con-
struction des chemins de fer; Acad, de Lyon, 1865).
La stratification est donc un caractère tout à fait nul lorsqu’il
s’agit de décider si une roche est éruptive ou non; mais ii m’a
été très-utile pour déterminer l’inclinaison des filons dans Je
cas où les salbandes étaient invisibles.
Nous avons déjà dit avoir constaté, comme M. Lory, que les
protogines se chargeaient quelquefois de cristaux d’amphibole;
ce géologue remarque (page 134), que les diorites se fondent
sur leurs limites avec les protogines; il reconnaît aussi un fait
que nous avons également reconnu maintes fois, c’est que l’on
rencontre de la chlorite dans les fentes de la protogine, qu’au
contact de cette roche le gneiss se charge d’amphibole, et
qu’enfin cette roche devient à petits grains sur les sommets.
Toutes ces observations de détail s’appliquent avec une exac-
titude remarquable au porphyre granitoïde. Je m’étendrai un
peu plus sur le dernier fait qui s’explique fort bien dans le
cas où l’on admet que la protogine est une roche éruptive.
Rozet avait déjà constaté que la syénite des Vosges était
mieux cristallisée au centre des massifs que vers les bords.
M. Delesse a repris cette question et est arrivé au même résul-
tat; mais à notre avis ce savant n’a pas su déterminer le point
où finissait la roche éruptive et où commençait la roche méta-
morphique; en effet ce n’est pas là une question de labora-
toire.
L’état plus cristallin des roches éruptives au centre des mas-
sifs s’explique, car le refroidissement a élé plus lent au centre
et il a dû favoriser la production des cristaux.
En suivant les filons porphyriques depuis les bas-fonds à
l'altitude de 350 mètres jusqu’aux sommets à l’altitude 1000
mètres, j’ai pu étudier les changements qui s’opèrent dans
l’état cristallin des roches suivant la verticale, c’est-à-dire sui-
vant une différence en hauteur de près de 700 mètres, et j’ai
constaté que les phénomènes déjà observés par Rozet, suivant
la largeur, se vérifiaient suivant la verticale; presque tous les
filons de porphyre du Beaujolais sont à gros grains dans le bas
et à petits grains ou grains moyens à de grandes altitudes.
La même cause peut ici expliquer le même effet, car le re-
froidissement a été d’autant plus rapide pour les parties d’un
même filon qu’elles étaient plus éloignées du centre éruptif.
Si maintenant nous résumons tous les faits que MM. Lory
NOTE DE M. ÉBRAY. 939
1
et Favre ont fait connaître, nous arriverons, malgré eux, aux
conclusions suivantes :
1° La protogine est une roche éruptive;
2° Elle présente la même composition que le porphyre gra-
nitoïde ;
3° Les deux roches ont traversé les mêmes terrains;
4° Elles se ressemblent même dans les accidents minéralo-
giques qui les accompagnent et qui caractérisent les roches
encaissantes métamorphiques.
Le nom de porphyre étant plus ancien que celui de proto-
gine, nous proposerions la suppression de ce dernier, comme
on a proposé la suppression du terme Arkose et de celui de
Trapp, si nous ne savions pas que la suppression d’un mot,
même mauvais, mais consacré par l’usage, est chose à peu près
impossible. Après nous être appuyé sur les faits et énoncés de
nos savants confrères pour établir les véritables relations de
la protogine, nous allons voir si au moyen de nos propres
observations nous arriverons aux mêmes résultats.
»
Etude spéciale du porphyre granitoïde entre Beau fort
et la Romanche.
Nous avons étudié la chaîne d’Allevard dans le mois de sep-
tembre 1866, nous avons traversé Bellachat en août 1867,
époque à laquelle nous avons examiné pour la première fois
les roches de Gevin, nous avons revu ces roches et celles du
Grand-Mont en septembre 1868, enfin nous avons exécuté tout
dernièrement, dans le mois de mai, une série de courses aux
environs de Beaufort; quoique les neiges nous aient empêché
d’explorer les régions au-dessus de l’altitude 1,500, les obser-
vations que le temps nous a permis de faire ont été très-suf-
fisantes pour nous amener à des résultats semblables à ceux de
nos recherches autour du Grand-Mont.
En remontant en amont de Beaufort le cours du Doron, on
arrive sur la rive droite à une première petite carrière qui
montre le porphyre granitoïde en contact avec les schistes an-
ciens fortement modifiés. La ligne de séparation ou la salbande
du filon est facile à reconnaître; d’un côté on constate la pré-
sence du porphyre avec ses cristaux d’orthose, ses quelques
cristaux d’oîigoclase, son mica ferro- magnésien. De l’autre
côté, les schistes normaux légèrement micacés qui affleurent
940
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
depuis Albertville à Beaufort se chargent d’une grande quan-
tité de paillettes de mica noir, en général disposées parallèle-
ment au filon porphyrique, et font passer la roche à un véritable
gneiss et parfois à une minette. Le premier filon paraît avoir
une vingtaine de mètres de largeur, il est suivi de nouveaux
schistes modifiés et d’autres liions de porphyre; je n’ài pas
cherché. à relever le nombre de ces alternances, c’est un long
travail à cause des éboulements, mais ces alternances sont
assez nombreuses.
Après avoir traversé le torrent sur un petit pont, on ne tarde
pas à rencontrer sur la rive gauche une carrière activement
exploitée. Elle est taillée dans les schistes métamorphiques,
simulant presque une minette comme dans le Beaujolais; les
tailleurs de pierres ont su mettre en œuvre ces matériaux de
construction; aussi bons que ceux provenant delà protogine,
ils sont beaucoup plus faciles à travailler.
A la suite de cette carrière le porphyre se développe de
nouveau jusqu’au grand cirque de Fontannes. Dans un endroit
que les gens du pays désignent par Portetes et où le sentier
passait autrefois au-dessus d’un escarpement on voit un por-
phyre pseudo-stratifié à grands cristaux d’orthose.
La carte de M. Favre indique entre Beaufort et les Fon-
tannes une grande masse de roches qui d’après la légende se-
rait comme les roches de Gevin (et quoique M. Lory prétende
qu’elles ont toujours été décrites sous le nom de gneiss por-
phyroïde) des granités et des porphyres ; mais la disposition
que donne notre collègue de Genève est contraire à la réalité.
Comme nous venons de le voir cette masse est de gneiss tra-
versée par des liions de porphyre, mais elle ne s’arrête pas
brusquement sur la rive droite comme l’indique la carte. Il
est vrai que les escarpements qui bordent cette rive ne sont
pas facilement accessibles, cependant on peut visiter, comme
nous 1 avons fait, et sans grande peine, les sommités situées
entre le Doron et Arèche.
L’examen de ces sommités prouve que les filons de porphyre
que nous venons de décrire dans la gorge du Doron se conti-
nuent sans interruption jusqu’au commencement du terrain
houiller d’Arèche, que là ils s’arrêtent et ne pénètrent pas
dans ce dernier terrain. Des blocs épars de calcaire cristallin,
de poudingue houiller et triasique sont parsemés sur les crêtes
et prouvent que le terrain houiller et peut-être le trias ont
jadis dû couvrir ces sommités.
NOTE DE M. EBRAY.
941
Le terrain houilier d’Arèche, comme tout le terrain houiller
des Alpes, est décrit parM. Favre comme terrain carbonifère.
Cette dénomination est inexacte et très-dangereuse; l’inconvé-
nient eût été moins grand si M. Favre avait admis le terme de
d’Orbigny « étage carboniférien »; nous savons que ce géologue
a compris sous cette dénomination générale et désormais inap-
plicable à des études de détails, une série de systèmes de
couches aujourd’hui bien mieux connus ; la dénomination de
terrain carbonifère régulièrement introduite dans la science par
les travaux de M. Gruner et autres désigne des couches très-
inférieures au terrain houiller, couches d’ailleurs séparées de
celui-ci par tout le terrain antliracifère, tandis que la flore des
Alpes démontre que le terrain qui nous occupe appartient au
véritable terrain houiller; le combustible est devenu anthra-
citeux par suite de circonstances spéciales, telles que frotte-
ments dûs aux failles, lavage par les eaux, etc.
Le faisceau de filons de Beaufort après avoir passé sous le
terrain houiller d’Arèche reparaît en aval de Saint-Guérin avec
les mêmes caractères; le grain de la roche est plus petit. Ce
faisceau se prolonge jusqu’au Gros-Mont. En approchant de ce
point élevé on voit le grain de la roche diminuer encore, les
gros cristaux d’Orthose se raréfient et le porphyre granitoïde
prend un peu les caractères généraux du faciès du porphyre
quartzifère.
Il est facile de voir que les affleurements de Gevin sont le
prolongement des filons du Grand-Mont et de Beaufort ; dans
la vallée de l’Isère le faciès porphyroïde reparaît.
M. Lory parle dans son mémoire, sur diverses notes de
M. Êbray , d’une faille qui, à Gevin, aurait fait apparaître la
roche porphyroïde en lui donnant l’apparence d’un dyke; cette
faille aurait été la cause du singulier pâté Basique que l’on con-
state dans la vallée de l’Isère. Sans nier positivement l’existence
d’une faille en cet endroit, nous croyons que le pâté Basique
résulte d’un vaste éboulement et tout en admettant avec
M. Lory l’existence de nombreuses failles dans la Tarentaise
évitons de tout expliquer au moyen de ce remède à tous les
maux. D’ailleurs, comme le dit M. Gruner et comme je l’ai
constaté moi-même; les filons, les dykes correspondent quel-
quefois à de grandes failles.
J’ai visité de nouveau l’année dernière les environs de Gevin;
un examen détaillé des parois des deux rives de l’Isère m’a
prouvé, qu’il y avait non pas un dyke mais plusieurs séparés,
942
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
comme à Beaufort, par des lames de schistes transformées en
gneiss. Je n’ai pas suivi le chemin, il est vrai aujourd’hui très-
viable, qui conduit aux ardoisières de Cevin parce que le
faisceau des filons de porphyre granitoïde passe entre les ar-
doisières et le Pas de la Louza, et le petit filon isolé dont parle
M. Lory, doit être, suivant son expression, une ramification de
protogine poussée par les filons principaux.
Nous avons traversé l’Isère sur un pont situé en aval de
Cevin et nous avons constaté que les filons reparaissaient sur la
rive gauche. En remontant les torrents qui descendent des
hauteurs de Bellaehat, on remarque dans leur lit une énorme
quantité de blocs roulés de protogine ; c’est en examinant ces
blocs que j’ai rencontré plusieurs empâtements de schistes qui
montrent toutes les dégradations métamorphiques si bien dé-
crites par Fournetà propos des empâtements des carrières de
Bel-Air, près Tarare ; les empâtements démontrent à eux seuls
que la roche protoginique est éruptive.
Nous avons traversé, en 1867 de la vallée de l’Arc dans celle
de l’Isère par Bellaehat; les parois escarpées des hauteurs ne
permettent pas d’étudier les filons aussi commodément
qu’ailleurs, mais le porphyre de Bellaehat est évidemment le
prolongement de celui qui affleure dans la vallée de l’Isère;
jusqu’à Epierre les torrents charrient la protogine et en re-
montant ces torrents on constate à plusieurs reprises l’exis-
tence de salbandes et de gneiss métamorphique.
Nous avons suivi la piste de ces filons par le pic du Frêne
aux Sept-Laux; mais nous renvoyons aux coupes de M. Lory;
elles montrent que le centre des Alpes dauphinoises est occupé
par les roches que nous décrivons. Nous acceptons les coupes
de notre confrère avec deux modifications :
1° Suppression de la courbure supposée, de la rupture de la
voûte et admission défilons éruptifs;
2° A la place d’un gros filon, il convient d’en faire figurer
plusieurs, séparés par du gneiss métamorphique.
Nous remarquons cependant que sur les hauteurs la sépara-
tion du gneiss métamorphique de la roche éruptive est un peu
moins facile à observer que dans les vallées par suite de l’ab-
sence d’un faciès porphyroïde prononcé ; car, comme le dit
M. Lory, la roche est à petits grains sur ces hauteurs.
Nous avons examiné attentivement les porphyres des Sept-
Laux; rien dans l’allure de ces filons n’annonce leur dispari-
tion prochaine et nous pensons qu’ils se prolongent vers le
NOTE DE M. ÉBRAY.
943
sud. Il y a tout lieu de croire que les filons de diorite grani-
toïde massive que M. Lory a constatés, entre le col delà Cloche
et la gorge de la Romanche forment le prolongement des fi-
lons que nous avons suivis jusqu’aux Sept-Laux. Cette diorite
contient comme la protogine de roligoclase ; l’amphibole vient
s’ajouter au cortège ordinaire des minéraux essentiels, mais
nous savons que dans la syénite du Beaujolais l’amphibole est
très-irrégulièrement distribué et manque même très-souvent.
Quant aux schistes anciens des Alpes nous leur voyons su-
bordonnés des schistes noirs entièrement semblables à ceux
des ardoisières de Cevin; nous les voyons traversés par la
roche éruptive qui caractérise le terrain carbonifère du Beau-
jolais; que M. Lory me permette ici d’être en partie de l’avis
de M. Scipion Gras; nous préférons ranger ces schistes en par-
tie dans le carbonifère plutôt que de les appeler, comme le
fait M. Lory, schistes cristallins. Nous répétons ici que, pour
nous le terrain carbonifère est un étage spécial inférieur au
terrain anthracifère, lui-même inférieur au terrain houiller;
nous admettons aussi avec M. Gruner, que les parties infé-
rieures de ce terrain, surtout celles qui sont traversées par des
noyaux de quartz, pourraient bien appartenir à un système
encore plus ancien.
En résumé les conclusions de notre étude spéciale sont les
mêmes que celles où conduisent les faits puisés dans les ou-
vrages de MM. Lory et Favre.
La protogine qui affleure entre Beaufort et la Romanche est
une roche éruptive :
1° Parce qu’elle a des allures filoniennes;
2° Parce qu’elle contient des empâtements;
3° Parce qu’il y a métamorphisme au contact.
La protogine peut être assimilée au porphyre granitoïde.
1° Parce que la composition de ces roches est la même ;
2° Parce que les phénomènes secondaires qui les accompa-
gnent sont identiques;
3° Parce qu’elles traversent toutes les deux les schistes an-
ciens.
On peut se demander quels rapports existent entre la roche
dont nous venons de nous occuper et la protogine du mont
Blanc et du mont Pelvoux.
N:ayant pas visité les lieux nous ne pouvons qu’émettre une
hypothèse, mais cette hypothèse paraît assez régulièrement
944
SÉANCE DU 7 JUIN 1869.
découler et de notre étude et de ce qui a été dit sur ces roches
par d’autres auteurs.
La carte de M. Favre indique un affleurement de granité sur
la rive droite de l’Arve dans la vallée de Chamounix; cet af-
fleurement prolonge exactement les filons Eeaufort-Sept-Laux
et il doit appartenir à ce système.
D’un autre côté, en joignant le centre du massif protoginique
du mont Blanc au centre protoginique du Pelvoux, on obtient
une ligne qui ne diffère pas beaucoup d’une parallèle aux
filons Beaufort-Sept-Laux.
Nous ne croyons pas pour toute l’étendue du globe au pa-
rallélisme de la sortie des roches éruptives d’une même
époque; mais l’observation prouve que dans une région res-
treinte ce parallélisme existe souvent; nous supposerons donc
jusqu’à preuve du contraire que la protogine du mont Blanc
et celle du Pelvoux forment deux affleurements d’une même
roche éruptive qui doit exister dans les régions relativement
en plaine de la Maurienne et de la Tarentaise, sous les ter-
rains qui se sont déposés postérieurement à la sortie de cette
roche.
M. Delesse fait remarquer, au sujetdecette note, combien
il serait dangereux d’établir Fidentité de deux roches en
se fondant seulement sur leur composition chimique. En
suivant cette méthode, on se trouverait conduit à identifier
le granité avec certains trachytes. Quand à la syénite des
Vosges, M.. Delesse n’ignorait pas qu’il avait été depuis
longtemps constaté que cette roche possédait une texture
plus cristalline dans le centre des massifs que sur leurs
bords. M. Delesse a ajouté à ce fait du changement de tex-
ture celui des variations de composition, sensibles seule-
ment à l’analyse, que présente la syénite des Vosges. Ces
variations consistent principalement dans la concentration
de la silice et des alcalis vers le milieu des massifs et l’abon-
dance plus grande de la chaux, dipferet de la magnésie
sur leur périphérie.
M. Delesse n’a point confondu, ainsi qu’on l’en accuse,
les roches éruptives avec les terrains métamorphiques qui
les entourent ; il a seulement insisté sur le passage insensible
NOTE DE M. ÉBRAY, 945
de la roche granitique, formant le centre du ballon, avec
les roches cristallines qui constituent les flancs.
M. Lory, prenant à son tour la parole au sujet de la même
communication, ne croit pas nécessaire de discuter l'assi-
milation, formulée par M. Ébray, de la protogine à un por-
phyre; il ne connaît même aucun exemple de passage de la
protogine à la structure porphyrique. Il ne s’est jamais re-
fusé à considérer comme éruptif le granité de Cernix, à
l’est de Beaufort (Voir Bull. , t. XXV, p. 234); mais la des-
cription même de M. Ëbray montre qu'il est très-différent
de la protogine; il contient beaucoup de mica noir, du
sphène, etc. ; c’est un granité. L'origine éruptive des roches
granitoïdes en amont d’Arèche paraît déjà bien plus dou-
teuse ; et, tout en admettant, comme autrefois, qu'il y ait
des exemples de protogine en filons , dont l'importance est
toujours très-restreinte, M. Lory pense qu'il en est tout au-
trement et de la roche de Cernix qui n'est qu’un gneiss
porphyroïde, et de toutes les grandes masses de protogine
de la chaîne des Alpes occidentales, du Mont Blanc, de
l'Oisans, qui sont concordantes avec le gneiss et y passent
insensiblement.
M. Jannettaz s’étonne de voir M. Ébray contester au talc
son individualité spécifique, et il croit à peine nécessaire
de rappeler que cette substance, ayant une forme cristal-
line parfaitement définie, est une véritable espèce mi-
nérale.
Séance du 21 juin 1869.
PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY.
M. Louis Lartet, secrétaire, donne lecture du procès-
verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
Par suite des présentations faites dans la dernière séance,
le Président proclame membres de la Société :
Soc. Géol., 2e série, t. XXVI.
60
946
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
MM.
Aronne Bedarida, naturaliste, à Vercelli (Italie); présenté
par MM. l’abbé Stoppani et G. de Mortillet. j
Bertrand (Émile), ingénieur civil, rue Gay-Lussac, 32, à |
Paris; présenté par MM. Levallois et Daubrée. 1
Marche (Pabbé), directeur du collège ecclésiastique, à
Saint-Dizier (Haute-Marne) ; présenté par MM. Monnerot et
Collomb. |
Puxty, Principal of the commercial school, à Maldon
(Essex), Angleterre; présenté par MM. de Verneuil et
Collomb.
DONS FAITS A EA SOCIÉTÉ.
La Société reçoit :
De la part de M. W. J. Henwood, Address delivered at the I
spring meeting of the Royal Institution of Cornwall ; on the 18th
of may, 1869; in-8, 21 p. Penzance, 1869 ; chez M. Cornish.
De la part de M. Éd. Lartet et H. Christy, Beliquiœ Aquita-
nico ?;p. 103-124 et 113-120, pl. A, XXV-XXVI1I, in-i°. Paris/
1869; chez J. -B. Baillière et fils.
De la part de M. Leymerie, Sur la non-existence du terrain
houiller dans les Pyrénées françaises , entre les gîtes extrêmes des
Corbièreset de la Rhune ; in-4°, 3 p. Paris, 1869.
De la part de MM. P. de Loriol et V. Gilliéron, Monographie
palèontologique et stratigraphique de l’étage urgonien inférieur du
Landeron {canton de Neuchâtel) ; in-4° , 123 p.,8 pl. Bâle et Ge-
nève, 1869; chez Georg.
De la part de M. J. Marco u, Le Muséum dJ histoire naturelle
ou Jardin des plantes {De la science en France, 3e fascicule) ;
in-8, pp. 209-324. Paris, 1869 ; chez C. Reinwald.
De la part de M. G. Omboni, Nuovi elementi di storia natu-
rale proposti per Vistruzione superiore; in-8, 8 p., 3 pl. Milan,
1869; chez Y. Maisner et C°.
De la part de M. Aristides Rojas :
1° El Rei de los volcanes ; in-8, 42 p. Caracas, 1869.
2° El lagode asphaltoen la islade Trinidad; in-8, 15 p. Cara-
cas, 1869.
NOTE DE JIM. TERQUEM ET JOURDY.
947
De la part de MM. de Yerneoil et Collomb, 1° Carte
géologigue de l’Espagne et du Portugal , 2e édition ; 1 feuille
grand-aigle, Paris, 1868 ; chez F. Savy. 2° Explication som-
maire de la Carte géologique de V Espagne; in-8, 29 p. Paris,
1869; chez F. Savy.
De la part de M. K. Zittel, Bemerkungen über Phylloceras
tatricum, Pusch, sp., und einige andere Phylloceras. Arten ;
in-8, 10 p., 1 pl. Vienne, 1869.
De la part de M. A. M. de Castilho, Première étude sur les
colonies ou monuments commémoratifs des découvertes portugaises
en Afrique ; in-8, 62 p. Lisbonne, 1869.
M. de Verneuil présente, en son nom et en celui de
M. Collomb, la nouvelle édition de la Carte géologique de
PEspagne (Voir la Liste des dons).
Il appelle Pattention de ses confrères sur les changements
qui ont été introduits dans ce travail depuis la première
édition, changements qui portent principalement sur la
construction géognostique de PAndalousie.
Le Président annonce le décès de M. Van der Maelen,
fondateur de l’Institut géographique de Bruxelles et mem-
bre de la Société.
Il communique ensuite les décisions qui viennent d’être
prises par le Conseil, au sujet de la réunion du Puy.
M. Jourdy fait la communication suivante sur le Fuller’s
earth de la Moselle :
Note sur le terrain bathonien de la Moselle et de la Meuse ,
par MM. O. Terquem et E. Jourdy.
La note que nous présentons est à peu près le résumé des
observations développées dans un travail beaucoup plus dé-
taillé que la Société a bien voulu admettre dans ses Mémoires.
Quoique l’étude de la faune n’ait pour objet la description des
fossiles du bathonien que dans la Moselle seulement, cepen-
dant, l’intelligence complète du terrain décrit, a nécessité un
cadre un peu plus étendu; et, vu l’importance de la question,
pour qu’aucune objection ne résulte d’une délimitation trop
948
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
bornée, nous n’avons pas hésité à suivre les couches Datho-
niennes dans la Meuse jusqu’à ce que nous rencontrions l’ox-
fordien.
Notre travail était déjà commencé, surtout pour la partie pa-
léontologique, quand a paru le texte de la carte géologique (1)
du département. L’apparition de ce Mémoire, loin de nous
contenter, nous a montré la nécessité pressante d’entreprendre
en détail l’étude de la région du département, située à l’ouest
de la Moselle.
Le point de départ des travaux stratigraphiques pour nous,
comme pour le texte de la carte géologique, résulte des notes
que MM. Barré et Dargnies ont recueillies sur la base du ba-
tbonien. Les matériaux pour les travaux paléontolçgiques
étaient depuis longtemps recueillis par M.Terquem, qui atten-
dait le moment de les publier.
Il y a à peine deux années, on croyait que le bathonien supé-
rieur appelé Bradford -cia y et Cornbrash suivant la mode d’alors,
commençait à 10 kilomètres à l’ouest de Metz, c’est-à-dire un
peu en arrière de la crête de ce plan incliné qui, des collines
messines, se prolonge jusqu’au pied des coteaux en avant de
Verdun; on croyait aussi que l’oxfordien commençait un peu
plus à l’ouest de celte crête.
Les recherches de M. Terquem sur les foraminifères et l’exa-
men rapide de la faune du plateau, conduisirent ce paléonto-
logiste à supposer que la limite du bathonien supérieur et sur-
tout celle de l’oxfordien se trouveraient beaucoup plus loin.
C’est dans le but de vérifier cette assertion que M. Barré, le
premier, entreprit des courses qui fournirent à peu près le texte
de l’explication de la carte géologique, et qui, pour la pre-
mière fois, fournirent Y Ammonites Quercinus et quelques autres
fossiles du bathonien supérieur. Mais le défaut de renseigne-
ments stratigraphiques et de documents paléontologiques, ne
put donner, dans le travail de M. Jacquot, que des résultats
d’une valeur nulle sur la position réelle des terrains de la limite
du département.
C’est pour faire connaître complètement toutes ces couches
que nous avons entrepris ce travail dont les conclusions repo-
sent surdes faits stratigraphiques nouveaux et sur l’étuded’une
faune qui comprend environ370 espèces dont 120 nouvelles.
(1) Description géologique et minéralogique du département de la Mo-
selle, par M. Jacquot avec la coopération de MM. Terquem et Barré.
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDT. 949
Nousavons adopté pour toute la série des couches comprises
entre le bajocien et l’oxfordien, le mot bathonien tant de fois
discuté et qui serait à créer pour nous s’il n’était pas adopté
aujourd’hui par des gens qui connaissent à fond les terrains
jurassiques.
Les modifications curieuses de la faune aux différents ni-
veaux, la persistance d’un grand nombre d’espèces qui se trou-
vent à toutes les hauteurs, le peu de foi qu’on doit ajouter au
caractère oolithique ou terreux des roches, montrent bien que
ces 150 mètres de marne et de calcaire ont été déposés dans
des régimes différents des mers, mais dans une même période
paléontologique.
La difficulté consiste plutôt, on peut le dire, à donner des
divisions générales dans ce terrain, qu’à réunir toutes les cou-
ches ensemble.
Cependant, nous avons remarqué, malgré l’analogie persis-
tante de la faune, deux divisions assez bien caractérisées, mais
qui ne répondent en rien aux aspirations des géologues qui
voudraient retrouver les niveaux connus de l’Angleterre.
Nous aurons ainsi le bathonien inférieur et le bathonien su-
périeur.
Le bathonien inférieur est de beaucoup le plus varié dans
ses roches et le plus riche dans sa faune; son épaisseur est à
peu près la même que pour le bathonien supérieur qui présente,
sauf à sommet, une grande monotonie dans ses roches, et une
stérilité de fossiles des plus grandes, sauf à sa base.
Le bathonien inférieur commence immédiatement au-dessus
du calcaire à polypiers (1).
Le bathonien supérieur finit dès qu’apparaissent des mar-
nes noires sans fossiles à la base, mais qui renferment un peu
plus haut une Trigonia (groupe de clavellata) très-abondante.
L’objet de nos études étant ainsi bien délimité dans la clas-
sification générale , passons à notre classification particulière.
Le bathonien inférieur présente deux niveaux distincts au
point de vue de ses roches et de sa faune : 1° Zone à Ammonites
subfurcatus (2). 2° Zone à Ammonites Parkinsoni.
Le bathonien supérieur présente également deux niveaux. Le
premier sera la 3e zone, zone h Ammonites Qnercinus ; le second
qui formera la 4e zone, quoique bien distinct, est trop pauvre
(1) Bajocien supérieur.
(2) Ammonites Niortensis , d’Orb.
950 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
en fossiles pour recevoir jusqu’ici une dénomination paléonto-
logique.
TABLEAU DES COUCHES QUE COMPREND LE BATHONIEN,
Marnes noires feuilletées à Tria onia clavellata.
Marnes noires feuilletées sans fossiles.
Base de
l’Oxfordien.
30m j Calcaire oolrthique miliaire ou
calcaire d’Étain.
4* ZONE
15
Calcaires terreux bruns de Rou- ( ^°Pe ^i"Peu
vr6s» # fossiliiere.
IQ l Marnes noires très-argileuses à
J Ostrea Knorrii de Rouvres.
Marnes brunes, sableuses ou ar-
40 J güeuses, avec calcaires terreux
gris, parfaitement oolithiques,
ou marnes de Conflans.
•{
Marnes noires très-argileuses à
Ostrea Knorrii de Friauville.
J Calcaires terreux gris quelque-
25 fois oolithiques et marnes bru-
f nés sableuses du Jarnisy.
(Calcaire oolithique miliaire du
Grand-Failly.
Synchronique avec calcaire ooli-
thique cannabin de Gravelotte.
Calcaire à points ocreux de Ver-
néville.
20 | Marnes de Gravelotte.
2q I Calcaire oolithique miliaire de
( Jaumont.
5 | Marnes de Longwy.
Bathonien
supérieur de
75 à lOOm
3 e ZONE
Zone à A.
Quercinus.
Terebralula
lagenalis,
Rhynchonella
qu'idrip icata,
, Ostrea Walto-
nensis.
}Avicula inor-
nata.
2” ZONE.
Zone à A.
Parkinsoni .
, Clypeus Plotil
Pleur omyaJuA
rassi , Ceri-j
thium gra-
nulato costa-\ Bathonien
tum. ) inférieur de
110 à 80m
ir* ZONE
Zone à A.
subfurcatus.
Mytilus gib-
bosus.
Belemnites
Jacquoti. /
Bathonien
de 180m.
Ostrea
Knorrii,
O. acuminata
Calcaire à polypiers.
Sommet du
bajocien.
La note que nous présentons, n’ayant pour but que de faire
connaître le îésumé de nos observations, nous insisterons peu
sui le détail des laits descriptifs, nous nous bornerons à indi-
quer les traits les plus saillants et les plus caractéristiques.
note de mm. terquem et jourdy.
951
I. — Bathonien inférieur.
La première partie du terrain se compose de couches mar-
neuses alternant avec des couches calcaires. Les marnes sont en
général peu argileuses, quelquefois sableuses. Les calcaires
sont très-oolithiques dans la partie inférieure et moyenne du
groupe, généralement terreux au sommet. Dans tous les cas,
les oolithes sont fines, de la grosseur d’un grain de millet et
au plus d’un grain de chanvre, serrées les unes contre les
autres.
§ 1er. Zone à Ammonites subfurcatus .
Cette zone se compose de deux couches : l’inférieure est
marneuse et la supérieure est calcaire; mais le passage de
l’une à l’autre s’effectue par des pénétrations nombreuses de
petits bancs de chacune d’elles qui alternent à leur contact;
aussi est-il difficile de les séparer, et les avons-nous réunies,
quoique la couche supérieure ne nous fournisse pas de fos-
siles.
1° Marnes de Longwy. — Quelle que soit la manière dont fi-
nisse le calcaire à polypiers, le bajocien dans la Moselle est
surmonté d’une couche marneuse constante, mais bien diffi-
cile à voir; ce n’est guère que sur les glacis de Longwy qu’on
peut l’étudier.
Les marnes de Longwy renferment pour la première fois
VOstrea acuminata ; ce fossile qui apparaît aux premières cou-
ches du bathonien, remonte dans la Moselle et la Meuse presque
jusqu’aux dernières couches; aussi avons-nous rejeté le nom
de Marnes à Ostrea acuminata, par lequel M. Jacquot les avait
caractérisées dans le texte de la carte géologique.
Ces marnes argileuses ou sableuses, d’une teinte jaune ou
bleue assez foncée, ont, dans la Moselle, environ 8 mètres de
puissance.
Cette couche renferme les fossiles qui ont servi à la descrip-
tion paléontologique de la zone.
2° Calcaire oolithique miliaire de Jaumont. — Ces calcaires of-
frent dans la Moselle une grande importance ; ils sont exploités
à Jaumont, à Amauvilliers, etc., et fournissent la seule pierre
de taille du département.
On les voit occuper les sommets des collines qui dominent
la vallée de la Moselle par-dessus le calcaire à polypiers, dans
95 *
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
une situation topographique qui les fait reconnaître de loin;
au nord du département, ils reposent encore sur le bajocien
jusqu’au delà de Longwy.
Ces calcaires sont le plus souvent jaunes; quelques localités
les offrent blancs.
Les oolithes y sont en général excessivement fines ; cepen-
dant on peut les trouver parfois un peu grossières; elles sont le
plus souvent mélangées à d’énormes quantités de coquilles
brisées, parmi lesquelles on peut reconnaître 1 ’Osirea acuminata ,
le Pecten lens. Un de leurs caractères les plus essentiels, est de
présenter des strates obliques avec plans de séparation des
bancs. Cette particularité, indiquée par M. Jacquot, lui paraît
une raison pour supposer que l’oolithe de Jaumont doit être
l’analogue de la grande oolitbe de Balh; il est inutile de dire
combien nous sommes loin de cette manière de voir.
Cette couche calcaire, dont les bancs atteignent parfois une
grande épaisseur, a une puissance totale qu’on peut évaluer à
environ 20 mètres.
FAUNE DE LA ZONE A AMMONITES SUBFURCATUS.
at Espèces provenant du Bajocien 46 \
6, — propres à la lre zone 39 /
y, — montant à la 2e zone 100 f Slir 147 espèces.
o, — montant à la 3e zone 30 J
Liste de quelques-unes de ces espèces qui sont ou les plus répandues
ou les plus connues.
oc
1
Belemnites giganteus , Scbl.
Ammonites Blagdeni, Sow.
Pleurotomaria mutabilis, Desl.
Pholadomya Murchisoni, Sow.
Homomya gibbosa, Sow.
Gresslya lunulata, A g.
Trigonia costata, Lamk.
Cucullœa oblonga, Sow.
Lima sulcata , Mü.
— proboscidea , Sow .
K
Belemnites Jacquoti, Terq. et Jourd.
Ammonites subfurratus , d’Orb.
Pholadomya nymphacea , Ag.
Psammobia spatula, Tq. et J.
Cardium Stritklandi, Mor. et Lyc.
Avicula tegulata , Goldf.
Pecten articulatus , Schl.
— lens , Sow.
Ostrea sandalina, Goldl.
— gregana, Sow.
— Marshii , Ziet.
Rhynchonella varions , Schl.
Terebratula maxillata , Sow.
Berenicea diluviana , Lamk .
Hyboclypus depressus , Ag.
Trigonia striata , Ag.
Avicula transversa , Tq. et J.
Pecten anguliferus , Tq. et J.
Pedina gigas , A g.
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY.
953
y»
Belemnites canaliculatus , Schl,
Turbo Davoustii, d’Orb .
Pholadomya costellata, Ag.
Pleuromya marginata , Ag.
Gresslya ericina, Ag.
— zonata , Ag.
Opis similis } Sow
Astarte squamosa, Tq. et J.
Isocardia gibbosa , Mü.
Belemnites canaliculatus , Schl.
Gresslya lunulata, A g.
Thracia ooli.thica, Tq. et J.
Cucullœa subdecussata , Mü.
Limea duplicata , Mü.
Cucullœa subdecussata , Mü.
Mytilus Lonsdalei, Mor. et Lyc.
— gibbosus, Sow.
Lima duplicata , Sow.
Avicula cosiata , Sow.
Pecten spatulaius, Roem.
— annulatus, Sow.
Ostrea acuminata, Sow.
— Knorrii, Pict.
— obscura , Sow.
Rhynchonella concinnoides , d’Orb.
Terebratula ormthocephala, Sow.
Ostrea acuminata .
— Knorrii.
Rhynchonella concinnoides .
Hyboclypus depressus.
2. Zone à Ammonites Parkinsoni.
Cette zone est remarquable par l’unité de sa faune, malgré
l’épaisseur des couches fossilifères et surtout les différences
dans leur pétrographie ; cependant, cette unité n’exclut pas
certaines particularités différentielles des couches; quand on
entre dans le détail de la distribution de leurs fossiles, on
aperçoit alors des faits paléontologiques bien curieux et sur
lesquels nous reviendrons plus tard.
C’est dans cette zone que se trouvent les plus grosses ooli-
thes du bathonien, oolithes qui sont alors de la grosseur d’un
grain de chanvre, peu régulières et très-allongées.
On y trouve aussi des calcaires et des marnes de toutes
sortes ; c’est la partie du bathonien qui contient les éléments
les plus hétérogènes.
1° Marnes de Gravelotte. — Dans une môme localité, ces mar-
nes sont colorées de nuances toujours assez foncées, surtout
quand le bleu s’y montre.
Elles renferment constamment une grande quantité de
grosses oolithes ferrugineuses dont la forme rappelle celle d’un
grain de froment.
Ces marnes comprennent en quantité très-variable un cer-
tain nombre de bancs calcaires jaunes avec oolithes miliaires,
954 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
ainsi que des rognons très-durs renfermant les mêmes oolitbes
que les marnes.
M. Jacquot donne à cette couche le nom de couche à Osirea
costata ; mais YOstreae n question se trouve très-abondamment
à plusieurs niveaux bathoniens et n’est pas le véritable
O. costata , mais bieq l’0. Gibriaci , Mart.
Les marnes de Gravelotte sont très-fossilifères dans la Mo-
selle; ce sont elles qui nous ont donné les trois quarts des échan-
tillons recueillis dans le bathonien. A Gravelotte, les fossiles
sont nombreux, mais assez mal conservés, vu la quantité de
fer que renferme la courbe. Aux Glapes, les fossiles très-abon-
dants se trouvent dans un état de conservation admirable et
telle, que cette localité est digne de figurer parmi les plus
beaux gisements des terrains jurassiques.
2 La couche supérieure aux marnes de Gravelotte se compose
de plusieurs assises dont l’épaisseur est variable d’un point à
l’autre du département.
La première assise seule n’est pas oolitbique; c’est un cal-
caire gris à cassure écailleuse et parsemé de petits points
rouges. M. Dargnies, qui l’a signalée le premier, l’a appeléepour
cette raison Calcaire à points ocreux. Cette assise n’est pas con-
stante dans le département; elle ne se trouve guère qu’aux
environs de Vernéville.
La deuxième assise, beaucoup plus importante, n’est pas
non plus très-constante; elle disparaît vers le nord du dépar-
tement; dans la Meurthe, on ne la retrouve plus (M. Dargnies).
C’est un calcaire formé presque exclusivement d’ooüthes
Cannabines qui sont tantôt soudées de manière à former une
pierre a moellons, tantôt incomplètement agglutinées de ma-
nière à permettre la séparation des fossiles, tantôt enfin com-
plètement désagrégées/ de telle sorte que les fossiles sont libres
dans la roche. Cette assise renferme beaucoup de fossiles à sa
base et a son sommet. Nous l’avons appelée Calcaire à oolithes
Cannabines de Gravelotte , parce que c’est dans cette localité au-
dessus des marnes de Gravelotte qu’on peut le mieux la suivre
dans tout son développement.
La troisième assise est un calcaire oolithique miliaire blanc
éclatant ou jaune clair , qui se délite facilement; cette assise
parait ne pas renfermer de fossiles; les bancs en sont parfois
séparés par des lits très-minces de marnes contenant des
concrétions colorées très-fortement en rouge ou en jaune.
Lette assise est l’inverse de la précédente; elle la remplace
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 955
*
quand l’autre manque; ainsi auprès de Longuyon ou àVillers-
Saint-Etienne, les calcaires à oolithes cannabines manquent et
sont remplacés par les calcaires à oolithes miliaires; aux envi-
rons de Jarny, ces deux couches se pénètrent, ce qui démontre
bien leur synchronisme. Cette assise a été appelée Calcaire à
oolithes du Grand-Failly.
3° Calcaires terreux gris et marnes grises du Jarnisy. — Cette
couche est généralement calcaire à sa base et même vers son
milieu, tandis qu’elle est marneuse à son sommet. Les calcaires
sont terreux, d’un gris terne, relevé parfois de taches bleues, à
cassure grenue, d’une texture tendre; ils s’elfeuillent facile-
ment à l’air et ne peuvent servir qu’à l’empierrement des
routes. Vers le milieu de la couche, des bancs oolithiques ap-
paraissent et forment ce que M. Barré appelle la Pierre de
Friauville (Géologie de la Moselle). Ces oolithes sont intermé-
diaires entre les deux formes que nous avons déjà décrites, et
d’autant plus petites qu’elles sont plus serrées; ces bancs sont
peu constants; en en suivant un dans son développement, on
voit les oolithes devenir de plus en plus rares et même finir
par être disséminées dans la roche et entourées d’une gangue
jaune tranchant sur la couleur terne des calcaires ambiants.
Aussi ces bancs oolithiques sont-ils bien ditférents de tous
ceux qui se trouvent au-dessous.
Les marnes de cette couche sont grises, peu argileuses.
La pétrographie de cette couche est tellement différente de
celles des autres couches de la 2e zone, et tellement identique
avec celle de presque tout le bathonien supérieur, que nous
avons hésité longtempsà accepter le mode de groupement que
nous donnons. C’est par une étude approfondie des carac-
tères de sa faune, que nous avons été conduits à lui donner
sa vraie place.
Ce mode de classification est, du reste, celui que donne
M. Jacquot; ce géologue va encore plus loin que nous, car il
mentionne à peine ces calcaires terreux et les considère comme
une simple modification des calcaires inférieurs (1). Il fait, du
reste, une observation excellente que nous avons vérifiée; c’est
que, aux environs de Conflans, les dalles du calcaire de Friau-
ville sont parsemées d’une croûte sableuse sur laquelle on trouve
(1) Tandis que nous, pour la pétrographie et la faune, nous faisons de
cette couche et de la suivante une transition entre les deux parties du ba-
thonien, tout en la classant dans le bathon-.en inférieur.
9o6
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
des tiges amorphes qu’il attribue à des trouées d’acéphales. Il
est possible que ces tiges amorphes soient les restes d’anciens
végétaux aussi bien que les traînées remplies ultérieurement de
certains acéphales.
De plus, on peut ajouter que non-seulement les dalles de
Friauville portent ces tiges, mais bien mieux des bancs de
calcaire terreux encore plus supérieurs en renferment de nom-
breuses. Ce fait est très-important au point de vue de la clas-
sification générale; car, comme nous aurons à constater l’ab-
sence d’une partie notable de la faune bathonienne, nous sa-
vons à quel moment le fond de la mer est devenu rivage comme
le prouve soit la présence des fucus, soit celle des acéphales
voyageurs (1); seulement, ajoutons qu’un fort mouvement du
sol nous paraît peu probable, car les marnes supérieures aux
dalles en question reposent sur elles avec une concordance
parfaite de stratification et renferment identiquement les
mêmes fossiles.
4° Marnes noires à OstreaKnorrii de Friauville. — Cette couche
des premières marnes noires à Ostrea Knorrii, ne renferme
guère que le fossile en question, et Y Ostrea acuminata ; elle est
constituée par des marnes noires très-argileuses ; aussi, la re-
connaît-on facilement aux environs de Conflans par la ligne
de prés humides placés entre des couches un peu calcaires et
assez sableuses au-dessus et au-dessous. Aux environs de Jarny,
unecoupe montre Y Ostrea Knorrii, commençant son apparition
dans la couche inférieure avec les fossiles de cette couche et
finissant par rester seule quand les marnes deviennent argi-
leuses. Ce passage nous fait relier la couche des marnes noires
à la 2e zone.
FAüNE DE LA 2e ZONE.
«2 Espèces provenant du bajocien.
G2 — provenant de la lrB zone
72 — propres à la 2e zone. . .
3 2 — montant à la 3 e zone..
«2
Les espèces bajociennes qui montent dans la lre zone montent aussi dans
a 2e, à deux ou trois près.
g2
Ces espèces sont celles qui, apparaissant dans la lre zone se retrouvent
aussi dans la seconde, non compris celles du groupe
sur 308 espèces,
(1) Ce fait se continue encore dans quelques bancs à la base de la 3e
zone.
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY.
957
7 2
Ammonites Parkinsoni , Sow.
Melania normaniana, d’Orb.
Natica Bojociensis , d’Orb.
— Lorieri, d'Orb.
Trochus angulatus , Mii.
— acasta , d’Orb.
Turbo Davoustii, d’Orb.
Alaria hamus, Desl.
Cerithium granulato-costatumy Mü.
Lima notata , Goldf.
Lima tenuistriata, Mü.
Rhynchonella acuticostata , Hehn.
Heteropora Terquemi, J . Haime.
Thamnastrœa Defranciana,J, Haime.
<*2
Les espèces du groupe <î2 sont en général celles qui proviennent du ba-
jocien ou de la lre zone, et traversent la 2e zone pour finir dans la 3e; ce-
pendant il y a quelques espèces qui proviennent directement de la 2e zone ;
elles sont au nombre de sept; ce qu’il y a de remarquable, c’est que toutes
ces espèces qui naissent dans la 2e zone, commencent aux calcaires du
Jarnisy.
Nucula venusta , Tq. et Jdy.
Avicula digitata. Desl.
Pecten vagam , Sow.
Ostrea Sou)erbyi} Mor. et Ly.
Nous finissons ici le bathonien inférieur. C’est également à
ce point que la carte géologique du département termine
l’oolithe inférieure ; les couches supérieures sont classées dans
l’oxford ien.
Puisqu’il est question de la carte géologique, nous en profi-
tons pour faire connaître notre manière de voir sur la partie
qui traite du bathonien.
Le texte et la carte sont du reste, en complet désaccord, et
on concevra facilement ce fait quand on songe que l’adminis-
tration du département a voulu absolument utiliser les notes
de M. Reverchon, ingénieur des mines, décédé. Or, ces notes
consistaient en une carte manuscrite qui dormait depuis vingt-
cinq ans dans les cartons, à la mort de son auteur. Aussi,
est-on peu surpris d’y trouver la science d’un autre âge, celle
qui était de mode, même avant que M. Elie de Beaumont ne
produisît sa carte.
Hemithyris costata, d’Orb.
Montlivaltia trochoides, J. Haime.
Pholadomya ovulum, Ag.
Pleuromya Jurassi , Ag.
— (5 espèces nouvelles) .
As tarte elegans , Sow.
— (7 espèces nouvelles.
Lucina, (8 espèces nouvelles).
Trigonia cluthrata , Ag.
Leda lacryma , Sow.
Mytilus asper , Sow.
Pecten Germaniœ, Goldf.
Pecten fibrosus , Sow.
Terebratula subresupinata, d’Orb.
Pygurus Michelini .
958 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
La classification de cette œuvre posthume suffit pour démon-
trer combien elle est en arrière de ce qui se fait aujourd’hui;
nous mettons en regard notre classification.
0 — Oxford-clay,Kellowa,y-Rock ...
I4 — Cornbrash-Forest marble
Oolithes difformes
I3 — Bradford-Clay Grande oolithe. .
Oolithe jaune, Fuller’s earth pier-
reux
I2 — Fuller’s earth marneux
E — Éboulements dans l’oolithe infre.
1 — Oolithe inférieure
| Marnes de Conflans (3e zone),
| Calcaires du Jarnisy. j
1 Calcaire du Gd Failly. > 2e zone.
< Calcaire de Gravelotte.l
I Marnes de Gravelotte. ]
{Calcaire de Jaumont. / . rn
> lr6 zone.
Marnes de Longwy. )
| ?....
| Bajocien.
Nous laissons de côté la division O sur laquelle nous revien-
drons à propos dubathonien supérieur.
La division I nous paraît assez peu claire; car si elle ne
représente que les calcaires du Jarnisy, comment se fait-il
qu’elle ne figure pas au-dessus des coteaux qui de Conflans à
la ferme de Caulre couronnent les collines du plateau? Si elle
représente l’ensemble des calcaires du Jarnisy et des calcaires
du Grand-Failly, pourquoi n’est-elle pas visible sur la rive
droite de l’Yron? La division de M. Reverchon fût-elle admis-
sible, la coloration serait fausse sur ce point.
La division I comprend un peu tout ce que l’on veut, entre
autres choses, le calcaire de Jaumont. Or, selon nous, se
trouve ici une des erreurs les plus graves de toute la carte. Si,
peur dresser une carte géologique, on est quelquefois forcé de
passer sous silence une couche très-mince dont la faune a
quelque importance, on doit, autant que possible, mettre en
relief une couche qui, par son épaisseur, sa constance, sa pé-
trographie, et surtout son utilité pratique forme le trait le
plus caractéristique de la géologie du département. Le cal-
caire de Jaumont est dans ce cas ; et cependant, sur la carte
sa couleur est la même que celle de beaucoup d’autres cou-
ches marneuses et calcaires qui varient d’un point à l’autre,
dont la pétrographie change et qui ne sont pas exploitées, tan-
dis qu’une couleur spéciale est consacrée aux éboulements du
calcaire ferrugineux (bajocien inférieur), idée d’autant plus sin-
gulière que toute la berge gauche de la vallée de la Moselle est
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 959
couverte par les éboulements ou les glissements des grès et
des calcaires par dessus les marnes du lias, comme le mont
Saint-Quentin en est un exemple frappant.
Dans le texte de la carte géologique. M. Jacquot repousse
toute communauté d’idées avec M. Reverchon et essaye de
s’appuyer sur les affinités paléontologiques pour mieux com-
prendre la géologie. Nous avons vu le sort des Marnes à Ostrea
acuminata et Marnes à Ostrea costata et les erreurs portant sur la
constatation des calcaires du Jarnisy. Il divise son bathonien
(notre bathonien inférieur) en deux groupes qui sont précisé-
ment nos deux zones; là, nous sommes d’accord. Mais il dé-
clare qu’au fond de sa pensée le calcaire de Jaumont est la
grande oolithe de Bath et les marnes de Gravelotte sont le
Bradford-clay, idée en retard de vingt années ; aussi le texte
et la carte sont-ils plus d’accord qu’ils ne le paraissent.
L’oolithe inférieure (correspondant au Lower oolithe) est di-
visée en trois groupes: le premier comprend l’assise inférieure
au calcaire ferrugineux et l’assise supérieure au calcaire à po-
lypiers; le second (notre première zone) comprend l’assise in-
férieure (marnes de Longwy) et l’assise supérieure (calcaire de
Jaumont) ; le troisième (notre deuxième zone) comprend l’as-
sise inférieure (marnes de Gravelotte) et l’assise supérieure
(série des calcaires de la deuxième zone) (1).
Le premier groupe n’est autre chose que le bajocien; le se-
cond et le troisième correspondent très-bien à nos deux pre-
mières zones mais avec une nuance qu’il est impossible de
laisser passer. Pour nous, ces deux zones ont tellement de
points communs (quant à la faune) que nous avons dû les
réunir pour former une division d’importance égale à une des
divisions du bajocien. Pour M. Jacquot, au contraire, le troi-
sième groupe (deuxième zone) est « aussi distinct par sa pétro-
graphie, que par sa faune, des deux précédents (page 260). »
C’est admettre que ces trois groupes étant séparés par des
différences égales, chacun des deux derniers est équivalent au
premier, ce qui est absolument contraire aux faits paléontoîo-
giques; car les deux zones renferment à elles deux plus de
350 espèces dont 47 seulement sont bajoeiennes, et cependant
la faune du bajocien est extrêmement riche et renferme une
faune bien aussi riche que celle du groupe des deux zones.
Pendant qu’il y a à peine le Ij7 d’espèces communes, entre le
(1) Géologie de la Moselle } pp. 251 à 263.
960
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
bajocien et le groupe des deux zones, la faune de chacune de
ces deux zones est reliée à l’autre par des espèces plus nom-
breuses que les espèces spéciales à la première zone etformant
le quart des espèces spéciales à la deuxième zone qui possède
un gisement exceptionnel. Ce qui démontre bien qu’après
le premier groupe eut lieu un renouvellement de la faune in-
comparablement plus considérable qu’après le second.
Enfin, pour séparer plus nettement le deuxième groupe du
troisième, M. Jacquot donne cette raison que les marnes de
Gravelotte assistent à l’apparition de fossiles nouveaux, no-
tamment le Clypeus patella (il aurait pu ajouter l’Ammonites
Parkinsoni non moins caractéristique). « De là une différence
de même ordre que celle qui résulte de l’apparition de l’Ostrea
acuminata dans le second groupe, et qui justifie l’établisse-
ment de cette division. » Or, les deux apparitions ne sont pas
du même ordre, car la présence de l’Ostrea acuminata tant
que la faune ne su oit que des variations secondaires et jusqu’à
ce que la faune se modifie plus profondément est un caractère
d’étage , landisque la présence du Clypeus patella , qui se constate
tant que la faune ne subit aucune modification et qui cesse dès
que cette faune change quelque peu est un caractère de zone.
Nous n’insisterons pas davantage sur ces erreurs qui, mal-
gré leur caractère peu important, nuisent à l’intelligence des
rapports naturels des couches; nous les avons seulement mon-
trées pour faire voir combien il était nécessaire de prendre
une nouvelle direction dans la description de couches qui ont
une grande importance par leur étendue et leurs caractères.
C’est dans ce but que nous avons entrepris ce travail prélimi-
naire de l’étude paléontologique, en envisageant la question au
point de vue multiple des roches, de la faune et de la relation
de notre terrain avec ceux du même horizon.
Nous avons vu enfin le peu d’attention prêtée aux calcaires
du Jarnisy, qui sont dignes comme étude de figurer dans les
annales les plus intéressantes de la géologie jurassique, ce qui
sera démontré plus loin.
En somme, les dissidences avec M. Jacquot porteront plutôt
sur 1 oxfordien dont nous parlerons un peu plus loin.
Reprenons 1 exposition de notre stratigraphie. Jusqu’ici,
nous avons trouvé des travaux antérieurs au nôtre; mais main-
tenant les terrains en question n’ont pas été étudiés; situés
dans un pays ou les communications sont difficiles, coupé par
des failles qui déroutent facilement le géologue, couvert de
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY.
961
bois et de cultures, dépourvu de coupes, c’est à peine s’ils ont
été explorés par trois ou quatre voyageur? dont les notes étaient
insuffisantes pour donner une coupe complète. En soumettant
nos recherches, nous ne sommes pas même certain d’avoir
tout vu ; mais nous croyons que la succession des roches est
aussi exacte que possible.
II. — BATHONIEN SUPÉRIEUR.
La deuxième partie du terrain que nous étudions offre une
constance remarquable dans sa pétrographie; c’est à peine si
le sommet offre une masse de calcaires différents de ceux du
reste du groupe, et encore la transition entre ces deux sortes
de calcaires montre bien qu’ils ne sont pas tellement diffé-
rents. Et même, les caractères minéralogiques de ce groupe
tout entier sont à très-peu près identiques à ceux du sommet
de notre deuxième zone; au point qu’il serait impossible de
distinguer les roches de ces deux groupes dans le cabinet.
C’est pour cela que nous avons appelé l’attention sur les cal-
caires bruns du Jarnisy, qui renferment la faune du bathonien
inférieur et les roches du bathonien supérieur.
Si la constance des caractères pétrographiques rend impos-
sible une division du bathonien supérieur, qui a cependant une
grande épaisseur, il faut avouer que la faune présente une mo-
notonie à peu près égale. Cependant, en ayant égard à cer-
taines conditions de groupement des fossiles, on peut y voir
deux parties dont l’inférieure, zone à Ammonites quercinus
(notre troisième zone) renferme des espèces peu variées mais
très-abondantes qui s’éteignent à un certain niveau; à partir
de là, on a bien de la peine à trouver quelques échantillons, et
c’est cette partie du terrain si pauvre, surtout quand on la com-
pare aux autres, que nous avons appelée la quatrième zone.
§ 1 . — Zone à Ammonites quercinus.
1° Marnes de Conflans. — Par-dessus les marnes noires à
Ostrea Knorrii de Friauville, on voit reparaître un massif de
marnes brunes, un peu sableuses, quelquefois noires et un
peu argileuses, renfermant quelques bancs mal stratifiés, à
demi délités, d’un calcaire brun avec taches bleues ; les marnes
et les calcaires sont identiques aux marnes et aux calcaires du
Soc. gèol.j 2° série, t. XXYI. 61
962
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Jarnîsy. Les bancs calcaires sont très- désagrégés à la base de
la zone, mais vers le milieu et non loin du sommet ils forment
des bancs réguliers bien stratifiés, même mieux stratifiés que
les calcaires du Jarnisy; ils ont de plus une couleur un peu
plus claire (Béchamp-Moselle) (1).
Les fossiles sont très-communs à la base, ce qui contraste
nettement avec la couche à Ostrea Knorrii, qui est très-pauvre,
à part son fossile caractéristique. Mais plus on s’avance, plus
ils deviennent rares et finissent même par s’éteindre à une
certaine hauteur; c’est à peine si quelques débris d’huîtres se
rencontrent vers le sommet de la zone (Suxe, ferme de Neu-
yron). Les particularités de cette distribution seront traitées
plus loin.
2° Marnes noires , argileuses , à Ostrea Knorrii, de Rouvres. —
fies marnes ressemblent complètement aux marnes à 0. Knorrii
de Friauville qui couronnent le Bathonien inférieur, sinon
qu’elles sont plus épaisses et plus argileuses; c’est la première
couche du Bathonien, qui se trouve tout entière dans la
Meuse; cependant il est probable qu’elle doit se rencontrer
encore dans la Moselle, dans les bois de Suxe, derrière Dom-
pierre.
Elle acquiert dans la Meuse une certaine importance; elle
occupe un bas-fond marécageux très-large devant Rouvres et
se poursuivant jusqu’au près de Spaincourt, bas-fond qui
donne de nombreux étangs, le lit du ruisseau du Haut-Pont et
celui de l’Ohain, qui va se jeter dans la Chiers au delà de
Longwy.
Ces marnes couronnent la troisième zone, exactement
comme celles de Friauville couronnaient la deuxième zone ; ces
deux couches tellement identiques sont éloignées de plus
d’une lieue. On est bien certain que ces deux couches mar-
neuses sont à des horizons différents, car les marnes de Rou-
vres sur la limite de la Moselle couronnent des collines dont la
base renferme PA. quercinus, tandis que les marnes de Friau-
ville sont surmontées par les couches qui renferment ce fossile;
oi, cette partie de la Lorraine ne peut renfermer aucun ren-
tl) Certains bancs calcaires présentent la par icularité que nous avons si-
gnalée dans le bancs supérieurs de la 2e zone (pierre de Friauville). Ils
deviennent oolithiques et plus du s (Suxe, Bécharnp), ce qui d nne parfois
à 1 Orne des berges un peu. roides au lieu des pentes douces formées par les
calcaires très-marneux.
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 963
versement; les failles y sont nombreuses, mais tellement faibles
qu’il est impossible la plupart du temps de déterminer leur
direction»
Cette zone est la partie la plus supérieure du terrain juras-
sique qui se trouve dans la Moselle. M. Reverchon, dans Sa
carte, bavait à peu près reconnue en l’exagérant beaucoup et en
y comprenant certaines parties des calcaires de Jarnisy.
M. Jacquot, dans le texte, a très-bien séparé les deux parties
grâce aux indications de la faune. Mais il a eu le tort de ne pas
repousser l'assimilation de ce terrain à l’oxfordien, malgré les
nombreuses restrictions de son collaborateur, M. Barré, qui a
fourni les notes de cette partie du texte de la carte. M. Jacquot
a admis l’oxfordien en se basant sur une liste de fossiles incom-
plète et ne comprenant que des indications de genres.
Il a vu surtout dans la présence de l’Ammonite d’abord
déterminée par nous, A. Backeriœ, la preuve que ce terrain
était bien l’oxford-clay; VA. Backeriœ est citée par plusieurs
auteurs dans le bathonien supérieur aussi bien que dans l’ox-
fordien; d’Orbigny lui-même y cite VA. sub backeriœ comme
espèce voisine. 11 est vrai que, d’après un avis que nous par-
tageons, on pense aujourd’hui que le véritable A. Backeriœ est
un fossile exclusivement oxfordien, et que les espèces batho-
niennes qui en approchent doivent être de nouveau étudiées;
mais tout cela est un sujet d’études nouveau qui rentre dans
un programme de révision de la plupart des espèces du ter-
rain jurassique qui offrent un désordre semblable, comme on
peut s’en faire une idée à la vue des listes de fosiles. Et voilà
comment le département de la Moselle se trouve (sur la carte)
enrichi d’oxfordien ! Quant à l’Ammonite en litige, nous l’avons
reconnue très-différente de toutes les espèces figurées, et nous
la décrirons sous le nom de À. quercinus (Terq. et Jourd.).
Un incident orographique^sur lequel M. Jacquot insiste beau-
coup, paraît à ce géologue une preuve de sa manière de voir;
c’est que, aux environs de Confiants, les premières marnes de
notre troisième zone forment des turnuli qui se détachent net-
tement des calcaires et des marnes de la deuxième zone.
Entre lechemin de ContlansàFriauvil!eetl’Yron(ruisseau), ces
sortes de huiles sont assez nettement isolées du terrain inférieur
dont les pentes sont bien distinctes. Les marnes de Friauville
se relient très-bien aux calcaires du Jarnisy par des pentes
douces; ces marnes très-argileuses déterminent à la limite des
deux zones, toujours un peu sableuses, une ligne bien visible
964 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
de prairies, par-dessus laquelle les mamelons du bathonien
supérieur se trouvent superposés (1).
Cette observation est très juste et nous est aussi personnelle
qu’à M. Jacquot (ou plutôt à M. Barré); mais son importance
est bien faible, vu son peu de généralité. Ainsi ce fait n’est
plus visible quand de l’Yron on passe au Longereau, ni dans la
vallée de Thumerville. La raison en est qu’entre Conflans et
Friauville, les calcaires de Jarnisy (comme à Jarny) se lient
très-bien à leur sommet aux marnes de Friauville par leur
faune et leurs marnes un peu argileuses, tandis que les marnes
de Conflans, plus calcaires, ont des pentes très-différentes;
mais au delà de Friauville, les marnes de Conflans sont argi-
leuses à 0m,50 plus haut que les marnes de Friauville, ce qui
devient insuffisant pour constituer des différences de pentes
que l’œil puisse saisir.
Quoi qu’il en soit, cette idée malheureuse de voir l’oxfordien
à Conflans, loin d’étre un progrès pour la science, met cette
partie de la carte au-dessous de celle de la France, dont elle
devrait être le complément; malgré les notes que lui com-
muniqua M. Reverchon, M. Élie de Beaumont, qui avait pu
observer souvent la base de l’oxfordien, se refusa à le faire
passer non-seulement à Conflans, mais même à Étain, ce qui
est un peu exagéré, mais suffisant pour l’échelle de la carte de
France.
FAUNE DE LA ZONE A AMMONITES QüERCINUS.
«3
Espèces provenant du bajocien. . . .
S
— de la lr0 zone
17 (
*> o
— - delà 2e zone
_ ) sur 54 espèces.
3
— propres à la zone
«3
Beaucoup d’espèces bajociennes manquent subitement dès qu’on arrive à
la 3e zone, ce qui démontre bien que la 3e zone diffère des deux précé-
dentes plus que la lre ne diffère de la 2e .
Citons :
Belemnites canaliculatus, Schl. Peden lens, Sow.
Pleuromya tenuistriata, Ag. Ostrea sandalina,G oldf.
(1) L’un de nous a analysé ces marnes et y a trouvé une faune micros-
copique {forammifères) en tout semblable à celle de Fontoy (2e zone). Ce
fait est une raison très-convaincante pour rattacher à l’étage bathonien les
couches à A . quercinus.
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURD Y.
965
Gresslya lunulato , Ag.
Trigonia costata, Lamk.
Cucullœa oblonga, Sow.
*3
Belemnites sulcatus, Mü.
Isocardia minima , Sow.
Plicatula fistulosa, Mor. et Lyc.
Ostrea Knorrii , Pict.
— Acuminata , Sow.
Rhynchonella quadriplicata , Pict.
— concinnoides , d’Orb.
Nucula venusta , Tq. et Jdy.
Pecten vagans , Sow.
Rhynchonella concinna. Sow.
Hemithyris costata , d’Orb.
^3
Ammonites quercinus, Tq. et Jourd.
Nautilus sulcatus , Mal.
Ceromya parallela, Tq. et Jourd.
Ceromya inversa , Tq. et Jourd.
Trigonia scarbuyensis, Lyc.
Ostrea Wiltonensis , Lyc.
Rhynchonella varions, Schl.
Terebratula maxillata , Sow.
Cucullœa subdecussata , Mü.
Mytilus tenuistriatus , Mü.
Hyboclypus depressus .
Terebratula bullata , Sow.
Montlivaltia trochoides, J.Haime
Nucula nodifera , Tq. et Jdy.
(douteuse pour la 2e zone) .
Terebratula lagenalis, Mü (la
grande variété).
Montlivaltia Delabechei, J. H.
§ 2. -—4e zone {très-y eu fossilifère ).
Cette zone n’a pas pour nous une importance réelle, et il est
bien possible qu’on la fasse rentrer plus tard dans la zone infé-
rieure, car les rares fossiles que nous y avons trouvés sont ceux
de la troisième zone; seulement l’absence de ces fossiles, suc-
cédant à la richesse des couches inférieures, et la texture dif-
férente des calcaires du sommet, nous ont paru dignes d’être
signalées d’une façon spéciale, c’est-à-dire en isolant un peu
les couches qui présentent ces particularités.
1° Calcaires terreux bruns de Rouvres. — Ces calcaires se pré-
sentent au-dessus des deuxièmes marnes à O. Knorrii , exacte-
ment comme les marnes calcaires de Conflans au-dessus des
premières marnes noires, et la topographie du pays en avant
de Rouvres, surtout sur le bord de la route, a quelque analogie
avec celle qu’on remarque entre Conflans et Friauville, sinon
que les reliefs sont moins accentués et que la couche argileuse
y est plus puissante.
966
SÉANCE DU 21 JUIN 1869,
Leur texture et celle des marnes subordonnées sont du reste
identiques à celles des couches qui occupent le milieu de la
troisième zone.
Cependant en avant de Warcq on y trouve, de plus, dans les
parties marneuses, de gros nodules calcaires ovoïdes et de
grosses concrétions siiieeuces fendillées.
2° Calcaires oolithiques miliaires d' Étain. — Le passage des
calcaires précédents aux calcaires oolithiques se remarque à
la ferme Rosa (entre Rouvres et Warcq), où quelques couches
marneuses donnent des fossiles malheureusement trop rares.
Ces calcaires sont très-oolithiques, colorés en un jaune quel-
quefois assez foncé; ils donnent parfois des bancs assez épais;
mais à la surface du sol, ils sont séparés en dalles minces bri-
sées dans la couche.
Leur cassure est plane et fait voir une foule de points bril-
lants qui ne sont autre chose que des sections de zoophytes
(encrines ou pointes d’oursins) (1); ils ont un peu l’aspect de la
dalle nacrée du Jura.
Un assez grand nombre de bancs n’ont pas la texture ooli-
thique; d’autres ne renferment que des oolithes dans leur pâte.
Ces calcaires sont fendus par de nombreuses failles qui dé-
rangent fréquemment l’inclinaison des couches; il est souvent
difficile de reconnaîlre l’ordre de superposition.
M. Buvignier a bien décrit les calcaires d’Étain et les con-
sidère, il est vrai, comme bathoniens (géologie de la Meuse);
seulement, d’après ce qu'il en dit, on est en droit de croire
que la raison de cette manière de voir consiste dans l’assimi-
lation qu’il fait entre les calcaires d’Étain et les calcaires ooli-
thiques miliaires de la troisième zone; quant aux couches mar-
neuses qui de Conflans à Étain séparent ces deux couches
calcaires, M. Buvignier les regarde comme oxfordiennes, de
sorte qqe la limite entre l’oxfordien et le bathonien devient
complètement fausse, par la confusion de couches très-dis-
tinctes.
Aussi ne faut-il pas s’étonner si on trouve réunis dans sa
liste la Gryphœa dilatata et 1 ’Ostreq Knorrii , ce qui n’a jamais
pu être constaté dans une môme couche, du moins c’est ce
que nous croyons.
(1) Ainsique des fragments de coquilles.
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURRY. 967
FAUNE DE LA 4e ZONE.
Rhynchonella quadnplicata Gresslya, Terebratula maxillata.
Pecfen lens, Ceromya.
Echinobrissus clunicularis , Ostrea Sowerbyi.
Coup d'œil général sur la faune du bathonien.
Nous avons donné la liste des fossiles que l’on trouve le plus
communément dans chaque zone, en ayant soin de séparer une
certaine quantité de fossiles caractéristiques.
Mais, d’après nous, cefte liste est insuffisante pour faire com-
prendre la paléontologie du terrain étudié. La nécessité de dé-
veloppements ultérieurs se fait surtout sentir quand on songe à
la lacune que présente le bathonien dans la Moselle; nous
n’avons trouvé aucune trace des dépôts décrits en Angleterre,
en France et en Allemagne sous le nom de zone à RhynchQnella
decorata , R. Hopkinsi , à Terebratula cardium , T. digonçL , 7.
coarctata, et qui sont d’une constance remarquable. Alors, on
peut se demander si cette lacune n’entraîne pas des particula-
rités dignes de quelque intérêt.
L'est en effet un point de la paléontologie dont l’importance
se fait sentir tous les jours de plus en plqs; aujourd’hui on ne
peut plus se contenter, dans }a monographie d’un terrain, de
donner la liste des espèces couche par couche; les discussions
auxquelles on est amené quand on traite de l’espèce nécessi-
tent une immense quantité de faits sur les passages, les grou-
pements et les variations des fossiles d’une couche à l’autre.
Celte ère nouvelle qui n’est pas môme inaugurée est celle vers
laquelle tendent tous les savants; elle nous donnera peut-être
des discussions moins stériles que l’ère des théories pour les-
quelles les faits n’ont pas assez d’importance.
Tout en faisant notre possible pour entrer de notre mieux
dans celte voie, nous regrettons de ne pouvoir donner que
quelques faits qui seront probablement plus nombreux dans
l’édition des Mémoires.
Nous avons réagi, autant que nous avons pu, contre la ten-
dance qui consiste à faire des espèces en nombre infini sur des
échantillons sans valeur scientifique, les études de M. Ter-
quern sur les foraminifères prouvant d’une façon éclatante que
plus le nombre des échantillons augmente, plus celui des es-
pèces diminue.
968
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Nous avons ainsi des variétés quelquefois assez nombreuses
dans une même espèce ; d’où est résulté pour nous un pro-
blème non pas nouveau en fait, mais nouveau dans notre pu-
blication, le problème qui consiste à étudier les variétés non
plus isolément, mais comparativement avec les couches qui
les renferment.
Les céphalopodes ne nous ont à peu près rien fourni. Le
Belemnites giganteus est plus petit et plus rare dans les marnes
de Gravelotte (2e zone) que dans le bajocien (1).
Les acéphales offrent plus d’intérêt. La Pholadomya Murchi-
soni se trouve déjà dans le bajocien ; on la retrouve plus petite
dans les marnes de Gravelotte; ses côtes y paraissent aussi
plus noueuses; dans les calcaires du Jarnisy, elle devient
énorme, et les espaces intercostaux au lieu d’être à peu près
pleins, deviennent concaves comme des gouttières et sont sé-
parés par des côtes plus saillantes et plus droites.
Vflomomyagibbosa, énorme dans le bajocien, devient un peu
plus effilée dans les marnes de Longwy et surtout dans les
marnes de Gravelotte; elle prend alors la forme appelée
Pholad. Vezelayi , variété constante dans beaucoup de localités.
Plus haut, dans les calcaires du Jarnisy, elle devient gi-
gantesque; mais sa rareté et sa mauvaise conservation empê-
chent de juger si ses caractères spécifiques la rapprochent ou
l’éloignent de la forme bajocienne.
Quoi qu’il en soit, le changement de forme de ces deux
myaires avec la couche est frappant à Jarny où on voit le pas-
sage des calcaires cannabins aux calcaires terreux. Ces deux
couches renferment à peu près les mêmes fossiles , mais de
variétés différentes.
La Trigonia costata se trouve plus grosse, avec arêtes plus ac-
centuées dans la partie la plus supérieure de la 3e zone que dans
les zones inférieures.
UOstrea acuminata apparaît à la base du bathonien, pullule
dans toute la lre zone et la base de la 2e zone, devient moins
commune dans la partie supérieure de la 2e zone et ne se trouve
plus avec quelque abondance qu’à la base de la 3e zone; à par-
tir de là, elle devient très-rare.
La lre zone offre une variété presque droite , longue et étroite
(1) Les gastéropodes sont trop peu nombreux pour que nous ayons pu en
former des séries; nous avons noté les particularités visibles pour chaque
espèce à l’article relatif à sa description.
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 969
à Gravelotte, ses marnes sont un peu sableuses; la variété or-
dinaire, celle qui est contournée, se trouve dans la lre zone et
dans presque toute la seconde; mais, aussitôt qu’apparaissent
les marnes et les calcaires du Jarnisy, on voit apparaître une
variété intéressante : cette espèce s’élargit davantage, la partie
cardinale restant toujours en pointe ; le contournement s’exa-
gère de telle sorte que la petite valve prend la forme d’un
triangle équilatéral curviligne. La grande valve se voûte, ses
plis s’exagèrent de manière à former un passage entre YOslrea
acuminata et VOstrea Sowerbyi. Cette variété apparaît ainsi peu
commune au sommet de la 2e zone, mais plus fréquente dans
la 3e zone. Enfin, au sommet de la 3e zone et dans la 4e zone,
la largeur de l’espèce, le voûtement de sa grande valve, la net-
teté des plis concentriques donnent une véritable Osirea So-
werbyi , quia environ le tiers des dimensions des Ostrea Sower-
byi du Boulonnais.
Ces variations du plus haut intérêt nous ont d’autant plus
frappé que, dans le Jura, la zone à Hemicidaris Icaumnsis (in-
férieure à la dalle nacrée) nous a offert une série analogue.
L’ Ostrea Knorrii, en général, est rare dans les deux premières
zones, sauf au sommet de la seconde où elle forme une station
analogue à celle qui couronne la troisième; ces deux stations
sont identiques par leurs caractères minéralogiques et leur
faune qui se compose à peu près de ce seul fossile.
Mais cette espèce est loin de conserver une forme constante
en traversant ainsi 120 ou 130 mètres du bathonien. Dans les
deux premières zones, on ne trouve guère qu’une forme très-
voûtée, globuleuse, rappelant assez une poire fendue par le
milieu dans sa largeur, forme qui est loin d’être absolue ce-
pendant. Mais la véritable variation de l’O. Knorrii se mani-
feste beaucoup plus haut, déjà un peu dans les marnes de
Friauville, et surtout dans celles de Conflans; le passage
s’observe au contact des marnes du Jarnisy et des marnes de
Friauville. Cette variété est beaucoup plus grosse, plus aplatie
et présente au-dessous de la voûte surbaissée une partie cy-
lindrique dont le développement augmente de la partie cardi-
nale au bord diamétralement opposé ; les côtes de la partie
voûtée se prolongent, mais atténuées sur le cylindre de ma-
nière à dessiner ses génératrices.
(1) Sowerby avait réuni les deux espèces sous un même nom. MM. Morris
et Lycett les avaient séparées.
970
séance du 21 juin 1869.
Mais un fait bien important au point de vue de îa paléontolo-
g neia e se constate pour tes O. Knorrii et O. acuminafa ;
que a meme couche renferme ensemble la forme dérivée
a\ec a orme typique ainsi que leurs passages; de sorte que la
1 lesupeneuie du bathonien est riche en variétés, tandis que
•^^artie lnfÉrjeure ne présente qu'une forme (la partie la plus
ressante du bathonien sous ce rapport est toujours le cai-
Ie f 11 J1! n,sy 0,1 ces variétés prennent naissance).
r .* Ce ,a'^ 011 Peu^ conclure, et Darwin l’a dit, que ]a modi-
des ,es?fces n’est une loi fatale, c’est-à-dire que
j> , S ,ln.ua us PelIvent subir une sélection, tandis que
,;„n es â co|e, restent constants. Dans tout ceci, il n’est ques-
,^ue de variétés, car autrement on sorliraitdes faits.
de Mm I€a-i Tryarea noiJS a paru la même que celle du bajoeien
deTf!2’ de 'Gordien et du corallien de certains pays.
baiocVnT Z°b°SCidm Ct loule la ?érie des au»res acéphales du
resi„ (,e ‘ tzqui passent dans le bathonien, nous ont paru
iusmf-a, ?U6S avec ei,x-mêmfis> quand ils n’arrivaient pas
varL/ ,Ca C91re? du Jarnlsy» où se remarquent surtout les
variétés piteressantes.
ma^f^1?101?0/!68 D0US offreqt un charaP d’études très-vaste,
travail ° Û dlfflcu^é nous force à nous remettre encore au
conîme on aurait pu le prévoir, les calcaires du
< y offrent une série magnifique de variations : la Tendra -
i a omithocephala y prend peu à peu les caractères de la T.
^UI ada base de la 3e zone. M. Davidson pense
qui est impossible de tracer une limite distincte entre ces
uei|x espèces.
D autres ■ faits relatifs aux Terebratula maxillata et intermedia,
lym ione aconcinna, variam , concinnoides , quadripliçata, por-
fera, eut sur des faits plus graves que les modifications de sim-
m.’A Var'e.lé,S' Mais J élude des brachiopodes est si difficile,
sa vanifoi* conj!erP°l>r caose ac«s doutes, l’inexpérience des
savants et non la variabilité des espèces.
Quoi qu’il en soit, entre Darwin et Cuvier, il y a de la place
r« mb.T- deS tne0ries et surtout p°ur bien des faits. Puissent
les matériaux que nous produisons, être le point de départ de
(1) Certains individus du bathonien supérieur présentent un dédouble-
ment de quelques cotes; il est probable que c’est le premier terme d’une
série aboutissant à 1 Ostrea costata.
NOTE DE MM. TER QU RM ET JOURDY. 971
recherches que M. Agassiz réclame si instamment clans son
beau livre de l’Espèce !
Oxfordien. — Ayant ainsi critiqué l’empressement des au-
teurs à faire descendre l’oxfordien jusqu’au sein des couches
les plus évidemment bathoniennes, nous avons voulu voir par
nous-mêmes quelle était la véritable limite.
Nous ne l’avons pas vue en ce sens que nous n’avons pas tou-
ché le contact, et nous regrettons que celte constatation soit
impossible; mais à quelques mètres au-dessus des calcaires
d’Etainetde Warcq, nous avons vu des marnes feuilletées noires,
sans fossiles et même sans foraminifères, aussi azoïques que
les marnes irisées, renfermant de petits cristaux de sulfate de
chaux et de petites concrétions calcaires fortement colorées
en blanc par du carbonate de chaux. On en voit une bonne
coupe à Buzy, sur la rive droite de l’Orne.
Au moulin de Bloucq, près d’Étain, des marnes que nous
supposons supérieures à ces dernières, renferment une grande
quantité de Trigonia clavçllata ; l’aspect minéralogique est le
même.
Les étangs commencent, vers cet horizon, à être nombreux,
surtout au sud où la région marneuse est plus étendue.
Quand on cherche à reconnaître la série des couches oxfor-
diennes en s’avançant entre Etain et Verdun , on voyage dans
un pays monotone, très-plat; les quelques petits plis de ter-
rains qui le traversent sont occupés par des ruisseaux où l’eau
est assez abondante; de distance en distance, des étangs. La
terre végétale d’une couleur noirâtre, ne donne aucune tran-
chée; c’est à peine si dans quelques fondrières on peut se ren-
dre compte du sous-sol; alors on voit une espèce de gravier
calcaire dont les éléments ont la grosseur d’une noisette. Ce
gravier qui couvre une grande surface de cette partie de la
Meuse, se trouvait déjà dans la Moselle, aux environs de Jarny,
sur le sommet des collines les plus élevées, au fond de la val-
lée de l’Orne, de Conflans à Étain, et de distance en distance
sur quelques coteaux; il atteint partout une épaisseur assez
considérable.
Il contient des fossiles roulés qui appartiennent au ba-
thonien, à l’oxfordien et probablement au corallien. Cette
alluvion est pour nous une énigme dont nous n’avons rien
trouvé dans le texte de M. Jacquot, mais qui est indiquée dans
une coupe des environs de Conflans, donnée parM. Barré.
972
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Synchronismes,
Nous pensons que les deux premières zones représentent à
peu près le Fuller’s earth d’Angleterre, avec cette différence
que la distribution des fossiles n’est pas identiquement la
môme. De plus, la couche des calcaires du Jarnisy, qui fait,
réellement partie de la deuxième zone, n’a rien d’analogue en
Angleterre; c’est probablement une particularité locale tenant
à l’absence d’un grand nombre de couches formant ordinaire-
ment la partie moyenne du bathonien.
Beaucoup de géologues appellent encore Fuller’s earth la
base du bathonien; c’est un nom assez commode parce qu’il
est mal défini, mais dangereux précisément par le vague qu’il
laisse dans l’esprit. II n’y a certainement pas un géologue an-
glomane qui sache ce que c’est que le Fuller’s earth qu’on
prend volontiers pour une couche type. Depuis longtemps
M. Marcou a attaqué ce système bizarre, qui consiste à carac-
tériser par un nom anglais des couches mieux déterminées en
France qu’en Angleterre; et la raison qu’il en donne est que
la formation jurassique anglaise a été tout entière formée dans
un golfe très-allongé, soumis continuellement aux influences
perturbatrices du continent, comme le prouvent et la présence
de grès, de plantes terrestres intercalées dans les couches, et
l’apparition intermittente de faunes d’eau douce. Pour le Ful-
ler’s earth, la difficulté de définir quoi que ce soit est des plus
saillantes. L’histoire des progrès de la géologie montre bien
que M. d’Archiac lui-même n’a pu trouver de caractéristique
pour cette couche à laquelle il a rapporté tant bien que mal
le bathonien inférieur partout où il le trouvait. Mais, sans
recourir à une époque où la paléontologie était encore dans
les limbes, il suffit d’ouvrir le Catalogue du musée de géologie
pratique par H. Huxley et B. Etheridge, pour voir que le Fuller’s
earth est le rendez-vous de toutes les espèces nomades com-
prises entre le lias et 1 oxfordien; et cependant les détermina-
tions de M. Etheridge sont en général assez estimées par les
connaisseurs; bien plus, M. Murchison, dans la préface de ce
catalogue, déclare qu’on doit attacher une confiance entière
aux déterminations. Nous ne sommes pas allés en Angle-
terre vérifier les faits, mais M. Ralph Tate a bien voulu nous
adresser une étude du Fuller’s earth de sa patrie. L’opinion de
ce savant est que beaucoup de déterminations sont fausses, ce
NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 973
qui s’explique par leur date; de plus, il pense que bien des
couches, qu’on croyait du Fuller’s earth, sont réellement de
Yinferior oolite ou du great oolite. Il cite l’opinion du pro-
fesseur Ramsay qui doit renverser les idées des anglomanes;
d’après ce savant, le Fuller’s earth n’est qu’une zone de la
grande oolilhe qui n’a pas de caractères spéciaux, ni par l’é-
tendue, ni par la faune, et qui n’a pas même le mérite d’être
une zone de transition entre l’inferior oolite et le great
oolite, car, dit-il, les espèces de l’inférior oolite qui passent
dans le Fuller’s earth passent aussi plus haut. M. Tate ne par-
tage pas cet avis, mais, par la raison que la plupart des espèces
intéressantes, et elles sont nombreuses, ne sont pas encore
décrites, et que leur distribution n’est pas connue.
Voilà donc ce terrain dont on fait un type! il n’est pas
connu. Aussi ne trouvera-t-on pas illogique que nous ayons
refusé complètement de prendre pour base de notre classifica-
tion des données aussi incertaines. Dans notre mémoire, nous
suivons le synchronisme du bathonien depuis les Ardennes jus-
qu’au Jura; nous montrons le bathonien inférieur atrophié au
pied des Ardennes, tandis que le bathonien moyen y est riche-
ment développé. Sur le revers occidental des Vosges, l’inverse
se produit et le bathonien supérieur commence son apparition,
ayant dans sa faune un grand nombre des espèces de la base du
bathonien. Quand on arrive au Jura, on voit que les trois sous-
étages du bathonien ont tous trois un développement normal.
Ce travail de synchronisme est basé sur les listes de fossiles
des auteurs qui ont traité de ce terrain. Sa conclusion est :
l°Que le bassin de Paris, pas plus que l’Angleterre, ne peut
servir de type au bathonien; 2° Qu’il faut prendre le Jura;
3° Qu’une même province zoologique embrasse le bassin de
Paris et le Jura, les caractères étant typiques dans ce dernier,
tandis qu’ils s’atrophient dans le premier; 4° Que l’Angleterre
est dans une région zoologique différente, et par conséquent
toute comparaison immédiate est nécessairement fausse.
Quelques observations sont présentées sur cette commu-
nication par MM. Belgrand, Hébert et Levallois.
M. Tournouër fait les communications suivantes au sujet
des terrains miocènes des environs de Paris et du sud-ouest
de la France.
974
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Sur des Nummulites et une nouvelle espèce d'Echinide trouvées
dans le « miocène inférieur » ou « oligocène moyen » des environs
de Paris, par M. R. Tournouër.
J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société géolo-
gique des Nummulites trouvées dans les couëhes à Natica cras -
satina de Jeures et d’Etrechy, près d'Etampes, c'est-à-dire
dans les couches fossilifères, bien connues des géologues pari-
siens, qui s’observent à la base des sables de Fontainebleau. Les
nummulites n’avaientpasencoreété signalées dans le bassinter-
tiaire de Paris à un niveau supérieur à celui des « sables moyens
de Beauchamp » où abonde dans quelques localités la N .vario-
laria Lk. Leur découverte dans les «sables de Fontainebleau »,
où elles avaient échappé jusqu’à présent à toutes les recher-
ches dont cet étage a été l’objet, est due aux précieuses inves-
tigations de notre confrère M. Bezançon, qui en a recueilli
une quantité assez notable, en triant le sable contenu dans l’in-
térieur des grosses Natica crassatina.
Sans pouvoir pour le moment préciser, comme je le vou-
drais, l’espèce à laquelle cette nummulite doit appartenir
(mais l’attribution générique , qui est ici la plus importante, est
hors de toute contestation), je puis dire qu’elle fait partie du
groupe nombreux des N. striata de MM. Haime et d’Archiac.
De moitié plus petite et moins épaisse que la N. striata, Brug.
de Faudon, elle est à peu près de la taille et de l’épaisseur de
la N. planulata , Lk,, des sables suessoniens de Cuise, dont elle
se rapproche par sa forme amincie sur les bords et légère-
ment renflée au milieu, par les filets légèrement ondulés qui
rayonnent du sommet sur la surface, et par sa structure inté-
rieuie qui montre à la section 5 tours de loges seulement, en-
roulés autour d une lame spirale assez mince et divisés par de
nombreuses cloisons légèrement arquées. Elle me paraît
même plus près du type de la N. planulata de Cuise que la
nummulite de Gaas queM. d’Archiac en considère comme une
simple variété, et qui est plus petite et plus globuleuse. Si elle
devait cependant, après un examen plus détaillé, former une
espèce nouvelle, le nom de Nummulites Bezançoni lui revien-
drait de droit.
Je me suis chargé volontiers, pour M. Bezançon, du soin de
porter sa découverte à la connaissance de la Société géologi-
que, paice que cette communication me donne l’occsision de
NOTE DE M, TOURNOUER.
975
rappeler et de compléter celle que j’ai faite moi-même, il y a
quelques années, « sur la présence des Nummulites dans
l’étage à Natica crassatina du bassin de l’Àdour, » [Bull., 2e sé-
rie, t. xx, p. 649, 1863). Aujourd'hui, et à ma connaissance,
les Nummulites qui appartiennent à cet étage dans le S. O. de
la France, sont les suivantes :
' *
Nummulites intermedia , d'Archiac.
— Lucasana, Defr.
— Rouaulti , d’Arch.
— variolaria , Lamk, var,
— Garansiana, Joly-Leym. ( Garansensis , d’Arch.).
— planulata , Lamk., var.
Sous le rapport de leur distribution stratigraphique et
géographique :
La N. planulata , var. se trouve à Gaas (Landes), à la base de
laformation, dans la marnière inférieure de Lesbarritz ouEspi-
bos; et exactement comme à Jeurre, c’est dans l’intérieur des
grosses coquilles (Natica crassatina , Strombus auricularis , etc,),
qu’on la recueille facilement, avec quantité d’autres foramini-
fères et bryozoaires très-variés.
La N. Garansensis se trouve à Gaas également, et à un niveau
à peu près semblable ou un peu plus élevé, dans la carrière de
Garanx; elle est également abondante dans les carrières de
Lahosse et de Lourquen près de Montfort (Landes), en associa-
tion avec les mêmes fossiles, et particulièrement avec VEchi-
nocyamus piriformis.
Elle se trouve aussi, mais rarement, au Tue du Saumon,
avec la N. intermedia. Les A. Lucasana et N. Rouaulti sont citées
de Gaas par MM. Haime et d’Archiac; sans que je puisse dire
au juste à quel niveau elles appartiennent.
La N. intermedia , espèce caractéristique des couches à Eus-
patangus ornatus de la falaise de Biarritz, est la nummuiite la
plus répandue dans l’étage du « calcaire à Astéries », et elle
y occupe une situation que je crois très-constante à la partie
supérieure de la formation. Dans le bassin del’Adour d'abord,
elle se trouve avec une extrême abondance au Tue du Saumon
(commune de Lherlé), dont j’ai donné la coupe (loc. cit .), à
plusieurs mètres au-dessus des calcaires coquilliers à Natica
crassatina, et sur une étendue de près de 2 kilomètres. A Gaas,
je n’avais pas pu, lors de ma communication, à cause de l’état
des lieux, constater bien précisément son gisement; mais de-
976
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
puis, j’ai eu l’occasion de le vérifier plusieurs fois: il se trouve
à la partie supérieure de la marnière de Lesbarritz où l’on
peut ramasser les nummulites par poignées dans le sentier
au-dessus de la marne à grosses natices, et dans la petite mar-
nière voisine de Larrat, également dans une couche de marne
jaune qui surmonte les marnes grises à Delphinula scobina.
Enfin elle se trouve aussi, mais rarement, dans la carrière de
Garanx. — Je n’avais pas pu non plus à cette époque consta-
ter de nummulites dans la grande formation du calcaire à
astéries du bassin de la Garonne, et j’avais même signalé la
singularité de ce fait; mais postérieurement à cette note, je les
ai retrouvées en abondance aux environs de Meilhan (Lot et
Garonne), sur la limite méridionale du dépôt, où elles forment,
particulièrement sur la rive droite de Lisos, un véritable banc,
arénacé, jaune, intercalé dans des calcaires riches en emprein-
tes de Cerithium calculosum , Bast. ? Cerühium diaboli , Brgt., etc.,
et appartenant par conséquent, à ce que je crois, à la partie
supérieure du calcaire à astéries. Parmi ces nummulites, dont
l’immense majorité appartient à la N. intermedia , M. d’Archiac
a reconnu aussi la N. variolaria , Sow. var. ce qui est intéres-
sant. (V. Comptes rend. Ac. sc. 31 juillet 1865). Ce gisement
de nummulites du bassin de la Garonne se relie pour moi à
ceux du bassin de l’Adour, dont j’ai parlé plus haut, par le
gisement intermédiaire de N. intermedia de Roquefort dans les
Landes, découvert par M. Raulin, et que j’ai rapporté à l’étage
du calcaire à astéries, à cause de l’association de ces nummu-
lites avec une petite huître ( Ostrea radicula*? Raul. Delb), qui se
trouve précisément en abondance dans le môme étage à Beau-
puy en face de Meilhan et ailleurs.
Ainsi la présence des nummulites et même d’espèces va-
riées, toutes de petite taille, est parfaitement constatée main-
tenant dans toute la grande formation du S. O. de la France
qui est connue sous le nom de « calcaire à astéries » et qui
par sa position slratigraphique , incontestablement supérieure
dans la Gironde aux formations paléothériennes, doit être ran-
gée dans le même groupe de terrains marins dont les sables
de Fontainebleau forment auprès de Paris la partie supé-
rieure (1).
(1) Des nummulites avaient été aussi signalées dans les lambeaux ter-
tiaires de Saint-Jacques et de la Chausserie, près de Rennes en Bretagne,
que j’ai reconnu appartenir à l’étage des sables de Fontainebleau (Bull.,
NOTE DE M. TOURNOUER.
977
En dehors de la France, en Italie, dans les couches ligu-
riennes de la Bormida, qui sont tout au plus du même âge
que le calcaire à Astéries, les Nummulites ont été également
citées depuis très-longtemps; et leur abondance dans ces ter-
rains a même motivé pour eux la dénomination de «nummu-
litique supérieur » qui n’a pas servi à rendre leur classement
plus facile. M. Michelotti ( Miocène inférieur. Harlem, 1861)
cite de cet étage, outre deux espèces très-intéressantes d’Or-
bitoïdes , quatre espèces de Nummulites, savoir :
N. intermedia , d’Arch . . )
A. Biarritzensis , d’Arch. . )
N . striata , d’Orb
et A. perforata, d’Orb
deux espèces de la falaise de Biarritz.
Espèce de Faudon dans les Hautes-
Alpes françaises.
Grosse espèce, caractéristique, dans le
bassin de l’Adour, des terrains num-
mulitiques proprement dits à Serpul
spirulœa et associée dans ce bassin
aux N. intermedia et N. Biarrit-
zenzis .
Dans le Vicentin, les couches du groupe de Gastel-Gomberto,
que j’ai proposé le premier en France de séparer des couches
plus anciennes de Roncà et de rapporter à l’horizon du cal-
caire à astéries, contiennent aussi plusieurs espèces de nummu-
lites, parmi lesquelles même, d’après ma collection, se trou-
verait la grande iV. complanata? qui m’a été envoyée de monte
Carlotto, avec la Natica angustata , Grat. Y Hemicardium carina-
tum, Bronn, etc. Mais je ne puis pas certifier autrement cette
provenance.
Enfin, dans le « nummulitique supérieur » des Alpes fran-
çaises et du Valais (Faudon, les Diablerets, etc.), que je per-
siste à regarder comme faisant partie du même système, à
cause de la prédominance dans cette faune des éléments ca-
ractéristiques de Castel-Gomherto et du calcaire à astéries, on
trouve également, en très-grande abondance, deux espèces de
nummulites : N. striata , Brug. sp., et N. contorta, Desh.
En résumé, dans toute la zone méridionale de ces terrains
t. XXV, p. 367). Mais ces prétendues Nummulites soumises à l’examen de
M. d’Archiac ont été déterminées par lui comme étant des Cyclolina et
constituant une nouvelle espèce de ce petit genre, à laquelle il a imposé le
nom de Cyclolina Armorica [Ibid., note).
Soc. géol ., 2e série, t. XXVI. 62
978 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
qualifiés tantôt de miocène inférieur, tantôt de nummulitique
supérieur, et qui appartiennent pour moi, quoique à différents
niveaux sans doute, à un môme groupe, à un même grand en-
semble, la présence des nummulites est la règle. Au con-
traire, dans les couches que, dans une zone plus septentrio-
nale, on regarde généralement maintenant comme apparte-
nant à la môme époque géologique (sables de Fontainebleau,
à Paris; tongrien, en Belgique; oligocène moyen, en Alle-
magne), les nummulites étaient absentes jusqu’à présent. Les
voici constatées à Paris : ce n’est pas là, d’après ce que nous
venons de dire, un fait inattendu ou embarrassant; c’est au
contraire un fait confirmatif des synchronismes proposés, et
un lien paléontologique de plus entre deux groupes dont les
faunes présentent de très-grandes différences, des différences
telles, que, dans l’hypothèse de leur parfaite contemporanéité,
elles ne peuvent s’expliquer que par la supposition d’une bar-
rière, d’une terre ferme séparant presque complètement deux
bassins opposés.
En soi-même, la présence des nummulites dans un terrain,
est un lait, je l’ai déjà dit, dont l’importance ne doit pas être
exagérée, mais dont la valeur ne doit pas être non plus com-
plètement méconnue. Les nummulites jouent un trop grand
rôle dans la caractérisation des terrains tertiaires, pour que la
détermination de l’horizon où elles disparaissent n’ait pas son
intérêt, comme pour tout autre genre important de fossile, de
quelque classe et de quelque terrain qu’il soit. Jusqu’à présent
cet horizon est supérieur à celui des sables de Fontainebleau
et des couches synchroniques, où les nummulites sont encore
abondamment répandues, et probablement inférieur au mio-
cène proprement dit, aux faluns, dans lesquels ce genre pa-
raît être éteint ou à peu près; et par ce fait, joint à beaucoup
d’autres de l’ordre paléontologique et de l’ordre stratigra-
phique, dont il ne faut pas le séparer, je suis porté à croire que
cet ensemble de couches (couches de Fontainebleau et autres)
se relie en définitive de plus près au grand groupe des terrains
tertiaires inférieurs qu’à celui des terrains supérieurs ou néo-
gènes. J’avais été frappé en 1863, trop frappé sans doute de
ces considérations, en étudiant le bassin de l’Adour. Mon ami
M. Malheron s’est élevé « avec énergie » dans sa note sur les
dépôts tertiaires du Médoc (Bull. t. xxiv, p. 222, etc.) contre
ma manière de voir, et j’ai reconnu alors (ibid., p. 837.), et
je reconnais encore aujourd’hui bien volontiers que j’avais été
NOTE DE M. TOURNOI' ER. 979
trop loin sans doute à cette époque, non pas en rangeant Gaas
dans le grand groupe des terrains tertiaires inférieurs par oppo-
sition au groupe supérieur des vrais faluns, ce que je maintien-
drais encore si l’on voulait n’admettre que deux grandes divi-
sions dans l’époque tertiaire, mais en rapprochant sous la même
accolade, comme sous-divisions d’un même groupe, les faluns
de Gaas et les couches de Biarritz à Nummul. intermedia. Mais
voici que les derniers travaux de M. le professeur Suess sur les
dépôts tertiaires du Yicentin, publiés dans le Bulletin de l'Aca-
démie impériale de Vienne , juill. 1868, concluent à prouver par
des observations stratigraphiques directes, que les couches
de Priabona, c’est-à-dire les couches qui sont le gisement
principal de la Serpula spirulœa , des Orbitoïdes, du Schizaster
rimosus , etc., (qu’on avait justement parallélisées avec celles
de Biarritz) sont superposées à celles de S.Giovanni-Ilarione, à
celles du tuf de Roncà, du grand calcaire à nummulites de
Roncà et du dépôt d’eau douce qui le termine ! et que consé-
quemment « on a beaucoup exagéré jusqu’à présent l’ancien-
neté géologique de ces couches de Biarritz » dont une partie
au moins serait supérieure au ((calcaire grossier,» et pro-
bablement égale aux « sables moyens » du bassin de Paris , si
j’ai bien compris la portée de ces observations nouvelles. Si
ces observations ne sont pas détruites, si les faits avancés par
M. Suess ne sont pas renversés, il en résultera sans doute que
le rapprochement que j’avais proposé entre Gaas et les der-
nières couches de Biarritz , quoique exagéré, n’est pas aussi
extraordinaire, ni l’abîme qui sépare ces deux groupes aussi
profond qu’ils pouvaient le paraître. La différence qui les sé-
pare, quoique encore très- réelle, semble en effet devoir se
réduire à celle qui sépare dans le bassin de Paris les « sables
moyens » des premières couches marines « supérieures au
gypse» ; et pour ma part, et en tenant compte des nouvelles
recherches faites depuis plusieurs années dans les gypses
mêmes de Paris, je ne vois rien que de très-admissible à ce
que plusieurs fossiles et en particulier quelques espèces d’ani-
maux d’une classe très-inférieure comme les nummulites, se
retrouvent à la fois dans l’un et dans l’autre des deux groupes
marins et persistent jusque dans le groupe supérieur. Dans
celui-ci, ces représentants des faunes éoeènes proprement
dites se trouvent associés à des types nouveaux, caractéristi-
ques au contraire des faunes plus récentes; ainsi, pour s’en
tenir aux foraminifères, les nummulites sont associées à Gaas
980 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
à des types miocènes, si je ne me trompe, d 'Operculina, Hete-
rostegina , Globigerina , Quinqueloculina , etc. Mais ce mélange de
types anciens et de types nouveaux qui n’est pas spécial aux
Rhizopodes, ni même à la classe des Invertébrés, est précisé-
ment le caractère de ce groupe transitoire de terrains que les
géologues allemands ont désigné pour cela sous le nom d’ Oli-
gocène; classification qui ne me paraît ni plus ni moins artifi-
cielle qu’une autre, et expression dont je me sers volontiers
pour ma part comme représentant à l’esprit un certain en-
semble qui se saisit assez bien, dans la grande série des ter-
rains tertiaires.
Des mêmes terrains du miocène inférieur des environs de
Paris, et de la même collection de M. Bezançon, j’ai encore à
signaler et je mets sous les yeux de la Société un autre fossile
intéressant: c’est une sorte de petite et élégante Scutelle qui
a été trouvée dans les marnes à Ostrea longirostris de Massy
près de Paris, sur la ligne d’Orsay.
Au point de vue zoologique, cette Échinide est intéressante :
car non-seulement elle doit constituer une espèce nouvelle,
mais elle présente même, sous le rapport générique , des carac-
tères particuliers qui rendent assez difficile son attribution à
l’un des genres existants. La position tout à fait supère de l’anus
fait d’abord penser à la ranger parmi les Scutellina. Mais elle
s’en éloigne et se rapproche au contraire des vraies Scutella
par tous les autres caractères extérieurs et intérieurs, autant
que j’ai pu m’en assurer. C’est en effet une véritable Scutelle
en miniature, par sa forme générale d’abord, plate, sub-circu-
laire et à contours sinueux, qui rappelle, en l’exagérant, la
forme de la Scutella striatula du S. O. du même horizon
par ses petales ambulacraires bien formés et dont les pores
sont conjugués par des petits sillons visibles sur quelques in-
dividus bien .conservés — par l’existence de sillons ambula-
craires Lien maïqués et anostomosés sur la face inférieure — •
enfin, par la structure intérieure qui ne présente pas de cloi-
sons rayonnantes comme dans les Scutellines, mais une cavité
centrale avec des bords caverneux à piliers massifs , comme
dans les Scutelles proprement dites. C’est donc une vraie Scu-
telle à anus supère ; et ce dernier caractère étant souvent pris
en grande considération surtout pour la ^nomenclature des
Lchinides fossiles, et étant tout à fait anormal dans le type
Scutelle, je me crois autorisé à faire de cette petite espèce le
» NOTE DE 31. TOURNOUER.
981
type d’un sous-genre de la tribu des Scutelliens, auquel je
donnerais le nom de Scutulum , pour rappeler ses très-grandes
affinités avec le type ScuteUa dont je le détacherais. Ladiagnose
de ce nouveau type, que j’établis sur l’observation d’un assez
grand nombre d’individus, une dizaine de différents âges, des
collections de MM. Bezançon et Lelorrain, qui proviennent
tous de la même localité et qui offrent tous des caractères
constants* serait la suivante :
Scutulum parisiense.
Fig. 2. Fig. i.
Petite espèce, plate, suborbiculaire et très-largement sinueuse dans le
jeune âge, subpentagonale à l’état adulte et alors un peu plus large que
longue, étroite et sinueuse en avant; dilatée, profondément sinueuse e
tronquée en arrière. Face supérieure légèrement renflée au milieu. Face in-
férieure plane et même légèrement concave et sans sillons apparents dans
le jeune âge ; plus tard, inégale, et marquée de cinq sillons ambulacraires
distincts et ramifiés. Sommet un peu excentrique en arrière; plaque ma-
dréporiforme saillante; quatre pores génitaux. Étoile ambulacraire com-
posée de cinq pétales larges, presque fermés, occupant la moitié de l’espace
compris entre le sommet et l’ambitus ; zones porifères égales à l’espace qui
les sépare; pores conjugués. Périprocte supère, assez grand, sensiblement
éloigné du bord. Péristome grand, un peu excentrique en arrière. Test cou-
vert de petits tubercules égaux sur les deux faces, et qui se répandent éga-
lement sur les zones porifères et interporifères des ambulacres.
Diamètre transversal, maximum. 33 millim.
— antéro-postérieur, — 31 —
Loc. Massy, près Paris.
Étage : miocène inférieur (oligocène moyen), dans les marnes à
Ostrea longirosiris . j
A un autre point de vue que le point de vue zoologique,
cette espèce est également intéressante à signaler. C est eu
m
SÉANCE DU 2! JUIN 1869.
effet la première espèce d’Échinide à ma connaissance qui soit
bien constatée dans l’étape du miocène inférieur du bassin de
Paris. On trouve, il est vrai, l’indication de la Scutella striatula ,
Marcel de Serres, « à Belleville près de Paris, » dans le pro-
drome de d Orbigny , falunien A ou tcngrien, n° 298. La Sc.
striatula étant une espèce caractéristique du calcaire à astéries
de Bordeaux, sa mention au même niveau aux environs de
Paris est très-intéressante; malheureusement, je n’ai pas pu
retrouver dans les collections la trace de cette Scutelle de
e evi e, et il faut attendre que de nouvelles découvertes
viennent confirmer cette indication (1).
Les couches synchroniques de l’oligocène allemand ne sont
guere plus riches; et cette pauvreté, qui se retrouve aussi pour
les Polypiers, fait contraste avec la richesse relative de ces
deux c uses dans la zone méridionale du même étage et don-
nerait lieu à des considérations analogues à celles que nous ve-
nons de présenter à l’occasion des nummuiites. Étant occupé
dans ce moment-ci même, d’une révision de tous les Échino-
dermes du calcaire à astéries, j’attendrai la tin de ce travail
pour en exposer les résultats à la Société géologique.
(1) Des renseignements tout récents, que je dois à M. Desmoulins, me
permettent d éclaircir ce point de bibliographie. Ce n’est point Belleville
« près de Paris » qu’il lant lire; mais Belleville « près de Bordeaux, »
quartier de Bordeaux, comme Terre-Nègre, cité également par MM. Agamis
et Desor (Catal. rais.), qui tenaient de M. Desrooulins lui-même, sans
doute, cette indication, qui n'a pas été textuellement reproduite par d’Or-
bigny, mais laussement interprétée par lui. — Je tiens aussi de M. Raulin
qu U a trouvé, il y a tort longtemps, une petite Scutelle dans les marnes à
O. iongirostns de Longjumeau; je ne l'ai point vue, mais il y a bien à pré-
suuigf que g est notre espèce de Massy.
Enfin et tout récemment, M. Bezançon vient de me montrer un échan-
tulon parfaitement conservé de Seat, parisiens* qu'il avait recueilli dans les
ables d Ormoy, près d'Etampes. L’espèce est donc maintenant constatée A
la tos à la base et au sommet de la formation de nos sables de Fontaine-
{ Note ajoutée pendant V impression).
NOTE DE M. TOURNOUER.
983
Sur r âge géologique des « mollasses de VAgenais , » à propos de la
découverte de nouveaux débris cPElolherium magnum et de di-
vers autres mammifères dans les terrains tertiaires d'eau douce
du département de Lot-et-Garonne ; par M. R. Tour nouer.
J’ai eu l’honneur de communiquer à la Société, il y a
trois ans, ( Bull 2e série, t. xxiii, p. 763, 1866), divers débris
intéressants de mammifères trouvés par M. Combes, à Ville—
bramar (Lot-et-Garonne), dans des mollasses dépendant, selon
moi, du miocène inférieur du bassin du S. 0. J’ai à l’entrete-
nir aujourd’hui de plusieurs autres débris recueillis depuis
cette époque dans la môme commune, les uns par M. Combes,
les autres par M. de Bona!, à qui l’on est déjà redevable de la
découverte du Palœotherium girundicum dans les gypses de
Sainte-Sabine dont j’ai parlé incidemment dans 1 eRulL, t. xxrv,
p. 385.
Les premiers débris recueillis par M. Combes, à Villebra-
mar, dans la carrière Bordes, située sur le flanc gauche d’un
petit affluent du Tolzac, à une altitude estimée 80 à 90 mètres,
et que j’ai présentés à la Société, étaient les suivants :
Une prémolaire de Rhinocéros , de taille moyenne;
Une dernière molaire supérieure droite, mesurant 20 mill.
de longueur, d’un petit Anthracotherium;
Et un fragment de maxillaire droit, avec les trois dernières
molaires en place d’un Paloplotherium ( Paiopl . annectens?).
Postérieurement, j’ai reçu une nouvelle communication im-
portante de M. Combes du même lieu et contenant ;
De nombreux et beaux fragments de cinquième et sixième
molaire supérieure, droite et gauche, de Rhinocéros de taille
moyenne, remarquables par un bourrelet continu et très-
saillant;
Une arrière-molaire inférieure droite de Paloplotherium an-
nectens ?
Deux molaires supérieures, non entières, la dernière et
l’avant- dernière? d’un Paléothérien de taille intermédiaire
entre le Paloploth. année te ns et le Palœotherium medium ou
crassum; pièces à étudier;
Et plusieurs belles pièces dé Anthracotherium magnum , sa-
voir :
1° Une dernière molaire supérieure droite, eu très-bel état,
984
SÉANCE DU 21 JUIN 4869.
mesurant 45 rnill. dans le sens antéro-postérieur, et 48 milL
dans le sens tranversal sur la face postérieure;
2° Une prémolaire inférieure gauche? très-usée;
3° Deux canines inférieures très-usées, comprimées mais
non carénées, mesurant avec la racine 13 et 15 centimètres-
Enfin, une grosse canine supérieure, très-obtuse, que ie
rapporte au même animal.
M. Combes a rappelé lui-même ces découvertes dans une
note publiée dans les actes de la Société d’agric. sc et arts
d’Agen, t. if, S* série, 1868, dans laquelle il mentionne,
en outre , avoir recueilli également à Villebramar « des
restes d’un grand Palœotherium » que je n’ai pas vus : indica-
tion dont je ne puis pas par conséquent prendre la rêsponsa-
bilité. r
Plus récemment enfin, j’ai reçu communication par M. de
Bon al de diverses pièces fort intéressantes qu’il avait recueil-
lies de son côté, dans la même commune de Villebramar
mais dans une autre carrière située à deux kilomètres à l’O.’
u village sur la route de Boisverdun, sous un banc de 2 mè-
tres environ de tuf calcaire exploité, et à 30 ou 35 mètres du
tond de la vallée; à un niveau par conséquent un peu plus
élevé que celui de la carrière Bordes, mais toujours dans la
même mollasse, et que j’estime être à 100 ou 420 mètres d’al-
titude absolue, le confluent des eaux en aval, au-dessous de
Tombebœuf, étant coté à 70 mètres environ sur la carte de
1 état-major ;' ces pièces nouvelles sont :
Plusieurs dents de Rhinocéros de moyenne taille , savoir •
Une dernière molaire supérieure droite, avec un bourrelet
très-marqué, qui monte très-haut sur la face interne ;
Une troisième prémolaire supérieure gauche de la même
espece;
Une dermere molaire inférieure gauche, qui paraît iden-
tique a une dent du calcaire à astéries de Monségur (Gironde)
que M. Uartet a rapportée au Badactherium latidens , Croizet
( ull. , t. XXIII. p. 591), et mesurant 55 mill. de longueur;
Une dernière molaire inférieure droite de petit Rhinocéros
présentant les mêmes caractères que la précédente, mais ne
mesurant que 30 millim. au plus ;
Deux dernières molaires supérieures et une dernière mo-
laire inferieure de ce Paloplotherium déjà trouvé par M Com-
bes et sensiblement plus grand que le Palopl. annectens;
Une dernière molaire supérieure droite, parfaitement con-
NOTE DE M. TOURNOUER.
985
servée, de petit Anihracotherium type, mesurant 28 millim. de
diamètre antéro-postérieur, sur 29-30 de diamètre transversal,
et qui semble exactement conforme pour la taille et pour les
détails, à une dent similaire opposée d ’Anthrac. alsaticum,
Cuv. de Lobsann qui existe dans les galeries de géologie du
Muséum de Paris;
L’autre plus petite arrière-molaire supérieure de petit An-
thracotherium , citée plus haut et trouvée antérieurement par
M. Combes, semble également se rapporter très-bien à une
autre petite dent d'Anthr. alsaticum, de Lobsann, de la même
galerie ;
Enfin, plusieurs dents., et ce sont les plus intéressantes,
appartenant incontestablement à Y Elotherium magnum , Po-
mel.
L 'Elotherium, type rare et intéressant de grand Pachyderme
suillien, qui se retrouve en France dans les calcaires de Ron-
zon, près du Puy-en-Velay, sous le nom d ’Entelodon, Aymard,
et dans l’Amérique du Nord, dans les « mauvaises terres de la
Nebraska, » probablement sous le nom d ’Archœolherium, Leidy,
a été décrit par M. Pomel (Bull., Soc. géol. , 2e série, t. iv,
p. 1083; 21 juin 1847), d’après une pièce provenant « du
bassin de la Gironde » sans aucune autre indication de gise-
ment. Plus tard, comme on peut le lire dans M. Noulet (Ré-
partit. stratig. des foss. dans le miocène du S. O. de la France,
Toulouse, 1861, p. 31), M. Ed, Lartet a retrouvé à Agen, dans
les collections de la Société d’agriculture de cette ville, et
sous l’étiquette fautive de Mastodonte , une portion de mâchoire
inférieure, avec plusieurs dents, appartenant à Y Elotherium
magnum , qui avait été recueillie dans la mollasse fluviatile du
Mas d5Agenais, sur la rive gauche de la Garonne. Cette pièce
se voit maintenant au Muséum de Paris, dans la galerie tde
géologie; et on peut s’assurer, si je ne me trompe, en con-
frontant avec ce fossile la description détaillée de M. Pomel
citée plus haut, que c’est à cette pièce même du Mas d’Age-
naisquese rapporte sa description. Quoiqu’il en soit, c’étaient
là les seuls débris d'Elotherium du bassin de la Garonne qui
existâssent jusqu’à présent dans les collections; ceux qui
viennent d’être trouvés à Villebramar par M. de Ronal n’en
ont que plus d’intérêt. Ils consistent en plusieurs dents isolées,
aucunement usées, étayant évidemment appartenu à un même
animal jeune, mais adulte. Ce sont :
1° La deuxième arrière-molaire supérieure du côté droit,
986
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
trapézoide, mesurant 135 millim. environ de circonférence à
la hauteur du bourrelet; un peu plus large que longue :
40mill. de diamètre antéro-postérieur, sur 42 de diamètre
transversal, à la hauteur du bourrelet et du côté antérieur; et
sur 22 environ seulement du côté postérieur. Cette dent est
parfaitement conservée : les deux collines sont divisées cha-
cune en trois mamelons coniques, obtus; la vallée qui les sé-
pare est profonde. Comparée à la dent opposée de la mandi-
bule gauche du Puy-en-Velay qui existe au Muséum de Paris,
la dent de Villebramar est plus forte; le vallon est plus pro-
fond, et moins évasé, plus étroit.
2° La deuxième arrière-molaire inférieure gauche, mesu-
rant 45 millim. de diamètre antéro-postérieur. Cette dent non
usée reproduit deux dents connues du Mas d’Agenais, mais
elle paraît être de dimension un peu plus forte. Elle est égale-
ment plus forte, plus épaisse et plus haute qu’une dent simi-
laire de PEntelodon du Puy que j’ai vue au Muséum;
3° La quatrième prémolaire inférieure gauche, mesurant
48 millim. de diamètre antéro-postérieur. Mômes observations
que pour la dent précédente;
4° La première prémolaire inférieure droite, usée à 13 mil-
lim. au-dessus du collet;
3° Une canine inférieure gauche? usée presque jusqu’au col-
let (ces deux dernières dents, la dernière surtout, n’étant pas
d’une attribution certaine).
En somme, ces diverses dents, les trois premières du moins,
appartiennent incontestablement à YElotherium magnum , Po-
mel, et semblent constituer une espèce distincte de P Ente-
lodon magnus , Aymard ( Elotherium Aymardi, Pomel), du Puy-
en-Velay.
En iésume, et en réunissant les résultats des découvertes
faites jusqu’à présent dans les deux carrières de Villebramar,
on constate dans ce gisement :
Rhinocéros ou Acerotherium. Une espèce de moyenne taille ( Badactherium
latidens ?) constatée par de nombreuses molaires,
Et une espèce petite, constatée par une seule dent (Rhin, minutus?)
Paloplotherium . Une espèce qu’on peut rapporter au P. annectens;
et une autre appartenant à une espèce plus grande, indéterminée, con-
statée par des dents assez nombreuses.
Anthracotherium magnum (plusieurs dents b
— alsaticum (2 dents).
Elotherium magnum (plusieurs dents).
NOTE DE M. TOURNOUER.
987
Le gisement de Villebramar prouve ainsi l'association du
type Elotherium ou Entelodon au type Rhinocéros et au type P a-
lœotherium , comme à Ronzon et comme dans la Nebraska, dont
l’analogie avec Ronzon a été déjà signalée par M. Gervais (Zooî.
et Paléont.. 2e édit., page 334 en note, et page 360), et au type
Anthracotherium , mieux qu’à Ronzon, où ce type n’est repré-
senté que par le sous-genre Bothriodon : ici, au contraire, il est
associé à deux espèces d’Anthraeotheriums parfaits, Y A. magnum
etl’A. Alsaticum , qui se trouve, du même coup, confirmé sans
doute comme espèce distincte, et signalé dans un bassin éloi-
gné de celui de sa première provenance. Le rapprochement
synchronique proposé par M. Lartet entre le micocène infé-
rieur du S. O. et le calcaire lacustre de Ronzon, à l’occasion
des vertébrés recueillis dans le calcaire à astéries de Mon-
ségur (Gironde), (Bull., Soc. géol. , t. XXIII, pages 592 et 593.)
se voit donc singulièrement appuyé par les fossiles de Ville-
bramar ; en même temps que le gisement de Y Elotherium ma-
gnum dans le bassin de la Garonne est parfaitement éclairci.
J"ai dit en effet, en 1866, que le niveau de Villebramar était
celui du calcaire de Brie ou de la base même du miocène
inférieur dans le bassin de Paris; ce qui peut se prouver par
les trois proposilions suivantes :
1° Les mollasses de Villebramar sont supérieures au niveau
des grands Paléotheriums du Lot-et-Garonne, de la Gironde et
du Tarn;
2° Elles sont stratigraphiquement égales au niveau du « cal-
caire à astéries » de la Gironde;
3° Elles sont inférieures au niveau du calcaire lacustre à Hélix
Ramondi , etc.
Et je crois pouvoir donner de ces propositions une démons-
tration stratigraphique assez précise, à l’aide de trois coupes
prises dans les terrains tertiaires du département de Lot-et-
Garonne.
988
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
MONTPLANÇUIN
• MAUVEZIfl
• BAUPUr
B®MARMANDE
•9
HAUTES V} CNE^^I 0| Zj ^
LL MAS D’AGENAIS
T0NNEIN5
UF
•AIGUILLON
LO TA ET
Maronna
tournon
Fig. 2. De Penne à Fumel ( rive droite du Lot),
le Lot (40).
Ladignac.
LÉGENDE DES FIGURES i, 2. 3.
CRAil
T.JubassT
6. Calcaire lacustre de l’Armagnac.
5. Calcaire lacustre gris de l’Agenais.
4. Calcaire lacustre Liane de l’Agenais.
3’. Calcaire siliceux de MonbaLus.
3. Calcaire (marin) à Astéries.))
2. Calcaire lacustre de Mauvezin.
1. Calcaire lacustre de Ladignac.
f. Sable des Landes.
e, d. Mollasses (fluvio-marines à Ostrea cris-
pa ta.
c\ c. Mollasses de l’Agenais.
b. Tuf de Gontaud (mollasse du Fronsadais
part.).
a. Argiles ferrifères de la Lémance»,
MWEAU.' DE la mer
NOTE DE M. TOURNOUER
989
ki
Ôq
Kl
25
Du Mas d’Agenais à Montflanquin ( Bamn du Tolzac) 0. S.
990
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
lü Les mollasses de Villebramar sont supérieures au calcaire à
Palœothenum des Ondes, près de Ladignac, sur les bords du
Lot. C’est ce calcaire dans lequel M. Combes a, le premier,
recueilli des dents de grand Palœothenum (P. magnum?) que
j’ai présentées à la Société en 1866, en même temps que les
premiers fossiles de Villebramar. Depuis, de nouvelles décou-
vertes faites dans ce même calcaire donnent encore plus de
précision à son niveau géologique. M. de Bonal y a recueilli en
effet et m’a communiqué plusieurs pièces se rapportant aux
types suivants :
Palœothenum girundicum? Une prémolaire supérieure,* et une troisième
ou quatrième prémolaire inférieure droite.
P. medium? Une incisive, plus petite cependant que la dent similaire du
type, et la racine d’une canine.
Paloplotherium minus. Un très-bon fragment de mandibule droite avec les
trois dernières molaires en place, parfaitement caractérisées; une der-
nière arrière-molaire inférieure; une molaire supérieure gauche; une in-
cisive.
Pterodon dasyuroides ? Blainv. Belle portion postérieure d’un maxillaire
inférieur gauche, engagée dans la pierre du côté interne , et montrant
la quatrième molaire (ou dernière prémolaire} et la septième ou dernière
molaire très-bien conservée : on ne voit plus que les racines biradiculées
de la cinquième et de la sixième.
L espace occupé par ces quatre dents, mesuré aux couronnes, est de
fî2 millimètres. La mandibule est presque droite inférieurement, comme
dans une pièce analogue du Muséum, provenant du gypse de Paris, et ne
devait pas se relever à 1 arrière comme dans la figure du Pterodon de la
Débruge, donnée par M. Gervais (Paléont. franc.); elle mesure, au-dessous
de la couronne de la septième molaire, 38 millim. de hauteur et 10 millim.
d épaisseur.
La septième molaire mesure 19-20 millim. à la couronne; elle est haute
et profondément bilobée; malgré l’usure de l’émail qui s’étend jusque sur
le talon postérieur, elle mesure encore 15 millim. pour le lobe poslérieur.
La quatrième molaire est usée également. Les quatre dents sont dé-
chaussées.
Je remarque sur 1 os de la mandibule l’absence de trous nourriciers bien
marqués, et la faiblesse de l’impression musculaire postérieure. Le Pter.
dasyuroides a été cité, il n’y a pas longtemps, par M. Noulet, des calcaires
à Palœotheriums du Mas Saintes-Puelles, près de Castelnaudary. C’est donc
la deuxième fois seulement qu il est indiqué dans le S. O. de la France.
Crocodilus. Quatre dents d’une espèce indéterminée.
Trionyx. Diverses plaques.
NOTE DE M. TOURNOUER. 991
Avec ces débris de vertébrés et dans la même roche, étaient
associées diverses espèces de coquilles :
Hélix, sp? Assez petite, lisse, subglobuleuse, à spire assez élevée, imper-
forée.
Cydostoma formosum > Boub. Plusieurs moules ou empreintes incontestables,
mesurant 35 millim. de longueur.
Limnœa orelongo , Boub.
Planorbis, sp? Petite espece indéterminée.
Melanopsis mansiana , Noulet? vel Castremis, Noul.? et plusieurs petites
espèces indéterminables.
Cette association de fossiles, vertébrés et invertébrés, est
très-satisfaisante : le calcaire des Ondes ou de Ladignaê, le
plus bas, le plus inférieur de tous les calcaires d’eau douce
du Lot-et-Garonne, est parfaitement correspondant, en paléon-
tologie, aux calcaires à Palœotherium et à Cyclosioma formosum
de l’Aude et du Tarn (le Mas Saintes-Puelles, Castres, etc.),
qui occupent également dans ce dernier bassin la partie infé-
rieure de la formation d’eau douce, dont les calcaires d’Albi à
Melania Albigensis , puis les calcaires de Cordes à Cydostoma ca-
durcense, constituent les parties moyenne et supérieure. Or, ce
calcaire des Ondes, qui est situé à 80 mètres environ d’altitude
absolue sur le bord relevé du bassin tertiaire et qui n’est séparé
de la craie de Furnel que par le dépôt des sables rouges et
des argiles ferrifères (a) qui caractérisent tout le pourtour du
bassin, fait partie d’un système compliqué de calcaires, de
mollasses et de marnes calcaires généralement rosées, qni est
évidemment inférieur, en vertu du plongement régulier des
couches vers le centre de la vallée, aux mollasses qui ren-
ferment assez loin de là en aval le gisement de Villebramar.
Je crois même maintenant, contrairement à ce que j’avais dit
en 1866, que ce calcaire des Ondes est plus qu’un faciès et
qu’un accident local dans ce système inférieur. Je crois, con-
formément aux observations encore inédites de M. Lacroix,
ingénieur en chef du département de Lot-et-Garonne, qui pré-
pare un grand travail de stratigraphie hydrologique sur cette
région, et avec qui je suis en accord sur tous les points prin-
cipaux, que ce calcaire des Ondes peut être détaché, comme
assise indépendante, des assises supérieures et beaucoup plus
développées du calcaire de Gondesaygues (Gosselet), ou de
Ladignac (Chaubard), ou de Mauvezin dans son extrême pro-
longement vers le N. O. Je compterai donc deux assises de
992
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
calcaire lacustre au-dessous des mollasses de Villebramar
et du Mas d’Agenais : une première (n° 2), venant de Mauvezin
sous la forme amincie de marnes rosées et montant dans la
vallée du Lot jusqu’à Gondesaygues à l’étal de calcaires plus
francs, et sur laquelle reposent directement les mollasses
de Villebramar, et une deuxième (n° 1), séparée de la première
par des « tufs » et des mollasses (7?), et qui ne se voit quJen
amont dans le fond de la vallée du Lot i c’est le calcaire à
Cyclostoma formosum et à Palœotherium du rocher des Ondes.
Cette proposition se démontre par une coupe (fi g. 1 et 2),
dirigée, suivant une ligne brisée, du Mas d’Agenais sur le
bord de la Garonne, à Fumel sur le Lot, en passant par Vil-
lebramar : il n’y a pas beaucoup de détails à donner, et un
piofîl graphique, relevé d après des observations faites en sui-
vant pied à pied les assises sur le terrain, en dit plus que des
descriptions.
La première section de cette coupe (fig. 1 du Mas d’Agenais
a Montflanquin), prend au pied du Mas d’Agenais la petite as-
sise de marne calcaire rosée (n° 2) (prolongement du calcaire
de Mauvezin, comme nous le verrons plus loin) qui, là est
presque au niveau du canal latéral à la Garonne; et la suit
vers l’est en remontant le petit vallon du Tolzac, pour passer
au pied de Villebramar, et atteindre au delà de ce petit bassin
le pied de la butte élevée de Montflanquin, où cette assise se
piésente sous la forme d un calcaire épais de plusieurs mètres,
à 1 altitude de 120 mètres environ. Sur tout ce trajet, rien à
noter, si ce n est que, en aval, Fassise réduite à des argiles ou
a es marnes calcaires est indiquée par des exploitations assez
nombreuses de tuileries ou de fours à chaux; et que, à Peries
en amont, près de Moulinet, j’y ai trouvé des bancs de cal-
caire gris, assez tendre, fossilifère ( Limnœa Albigensis, Noul
Planorbis cornu, Var., planatus, Noul., Bythinia, sp.?), nui
pourraient offrir quelques indications paléontologues aux
géologues. Dans cette première section de la coupe, on trouve
partout, au-dessous de l’assise n° 2, des mollasses ou « tufs »
qui, en aval, sont assez compactes pour être exploités comme
pierre à bâtir. Mais la coupe se perd en amont, faute de tran-
chées naturelles assez profondes dans les terrains
Il faut reprendre la coupe (2- section) au même point où
nous 1 avons laissée au pied de Montflanquin et à la même
altitude de «XM20 mètres, dans la tranchée beaucoup S
profonde et plus instructive du lit du Lot, entre Port de-
NOTE DE M. TOURNOUER.
993
Penne et Libos, près de Fumel (fig. 2). Dans cette coupe, la
masse géologique du pays est formée par la mollasse couronnée
sur les points culminants par un calcaire supérieur (n° 4?);
mais en remontant la rive droite du Lot, à partir de Pécoulon
et surtout de Trentel, on voit un niveau de basses collines,
formées par un calcaire blanc (n° 2), exploité en fours à
chaux, que Pon peut suivre sans interruption dans son relève-
ment insensible vers le bord crétacé du bassin jusqu'à Con-
desaygues, à l’altitude de 126 mètres. Je n’ai d’ailleurs trouvé
encore aucun fossile dans toute cette étendue. Plus bas et au-
dessous, dans les berges du Lot, on observe un système assez
confus de tufs, de mollasses argileuses ou sableuses, et de cal-
caires argileux tantôt roses et tantôt gris, quelquefois très-bien
stratifiés, comme à Lustrac, dans lequel on trouve enfin, en
amont de Ladignac, le calcaire dur du rocher des Ondes (n° 1),
qui est séparé du calcaire précédent (n° 2) par une épaisseur
de mollasses dures de 20 à 30 mètres, et qui repose lui-même
sur les mollasses et les argiles ferrifères de la Lemance, base
du terrain tertiaire en contact avec la craie ou avec le terrain
jurassique, et qui semble même se modeler sur ces terrains
tertiaires par transgressivité et en stratification discordante
avec les couches tertiaires beaucoup plus horizontales. Cette
• indépendance apparente du terrain ferrifère avait déjà frappé
un très-bon observateur, M. Drouot, dès 1838 [Annal, des Mines ,
t. XIII).
2° Les mollasses de Villebramar sont stratigraphiquement au
même niveau que les mollasses marines et que le calcaire à Astéries ou
à Natica crassatina du bassin de la Garonne , dans lequel M. Delfor-
trie a retrouvé, aux environs de Monségur (Gironde), une partie
de nos grands animaux de la mollasse d’eau douce, mêlés aux in-
vertébrés et aux vertébrés marins de la formation. J’ai fait part
de ce double résultat, stratigraphique et paléontologique, dans
une note (Compt. rend,, Acad, des sc., 31 juillet 1865), où j’ai
cité plusieurs de ces mammifères terrestres trouvés parM. Del-
fortrie. Quelques-unes de ces mêmes pièces, et d’autres nou-
velles, parmi lesquelles la plus intéressante était une dent de
Paloplotherium , ont été mises ensuite sous les yeux de la Société
par M. Ed. Lartet (Bull., t. XXIII, page 592, 28 mai 1866), qui
a fait remarquer que ces faits conduisaient à supposer des
relations de synchronisme, que je crois en effet parfaitement
établies, entre la formation marine du bassin inférieur de la
Garonne et les dépôts d’eau douce de la Haute-Loire, et par là
Soc . gèol., 2 e série, tome XXVI. 63
994
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
avec d’autres gisements encore de la Suisse et de l’île de Wight.
M, Delfortrie a lui-même résumé le résultat de ses recherches
dans les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux (t. XXVI,
1er août 1866. Notice géol. sur le canton de Monségur) (1). De
son côté, M. de Bonal m’a communiqué plusieurs belles mo-
laires supérieures de rhinocéros ( Badactherium latidens ?), et
une très-belle dernière molaire supérieure gauche d ’Anthra-
cotherium magnum , ainsi qu’une canine usée du même animal?
provenant du calcaire à Astéries des environs de Meilhan et de
la Réole. En résumé, on a déjà retrouvé, à ma connaissance,
dans ce dépôt marin littoral :
Rhinocéros ( Badactherium ) latidens.
— autre espèce indéterminée.
Paloplotherium.
Anthracotherium magnum.
Hyopotamus leptorhynchus { — H. hovinus ?)
Dremotherium ?
Testudo} Trionyxf Ophidiens .
Je ne puis pas oublier non plus de rappeler ici, comme un
fait qui se rapporte parfaitement à ceux-ci, que M. Gervais
(Zool. et Paléont. franç., page 190) a signalé une très-belle
mâchoire supérieure d’ Anthracoth. magnum , trouvée dans les
dépôts marins d’Ufhofen, dans l’Allemagne du Nord, qui sont
de l’âge de ceux d’Alzey et par conséquent de celui du calcaire
à Astéries.
La proposition que le calcaire marin à Astéries et les mollasses
d’eau douce de Villebramar, qui contiennent ainsi la même
grande faune caractéristique, sont au même niveau stratigra-
phique, se démontre par la coupe (fig. 3) des coteaux de la rive
droite de la Garonne, entre Port-Sainte-Marie, près d’Agen et
Marmande, où l’on voit le tuf ou calcaire d’eau douce qui sup-
porte les mollasses de Villebramar passer à Baupuy et à Mau-
vezin sous le calcaire à Astéries.
En effet, en descendant le vallon du Tolzac (fig. 1), depuis
(1) Cette notice de M. Delfortrie contient, dans la liste des vertébrés ci-
tés, quelques confusions synonymiques. Elle semble aussi établir une dis-
tinction que je n’admets pas, entre le calcaire à astéries proprement dit et
les assises sableuses ou « mollasse marine coquillicre » qui le recouvrent.
Tout cela n’est pour moi, géologiquement parlant, que du calcaire à As-
téries,
NOTE DE M. TOURNQUER.
995
Villebramar jusqu’à son débouché, en face du Mas d’Agenais,
dans la grande vallée de la Garonne, on suit toujours dans le
fond du vallon, à la base des coteaux de mollasse, les affleure-
ments de cette assise de calcaire argileux rosé (n° 2), surmon-
tant un « tuf » de construction, que nous avons suivie en amont
dans la précédente coupe; le tuf est exploité notamment en
carrière à Yarrès, à 40 mètres environ d’altitude, sous l’assise
de calcaire argileux; et c’est directement au-dessus de ce point
que se trouve, en haut du coteau de Hautes-Vignes, le gise-
ment du petit Anthracotheriim minimum de Cuvier ( Oss . foss .,
t. III et t. Y.), dont M. Pictet a fait un Chœromorus ( Traité de
Paléontol ., t. I, page 328), et qui avaient été recueillis par
M. Chausenque, avec des débris de Crocodilus et de Trionyx.
D’après les renseignements que j’ai reçus de la bouche même
de M. Chaosenque, lorsque j’ai visité Hautes-Vignes, il y a plu-
sieurs années, les os ont été recueillis par lui, dans une couche
pleine de cailloux roulés, à la partie tout à fait supérieure du
coteau et près du village, mais au-dessous du calcaire pulvéru-
lent blanc (n° 4) qui porte l’église et qui est coté 146 mètres sur
la carte de l’état-major, par conséquent à 130 mètres environ
d’altitude absolue, d’après mon estimation. Le Chœromorus ?
minimus a été retrouvé et signalé depuis par M. Noulet ( Répart .
stratigr.) dans le bassin de la Garonne, mais plus en amont,
à Dieupentale à 120 mètres d’altitude, et près de Beaumont-
de-Lomagne, à 130 mètres, dans le voisinage et un peu au-
dessus, paraît-il, de V Hélix Ramondi.
En tournant à droite dans la vallée de la Garonne, au débou-
ché du Tolzac, on suit toujours, vers le bas des coteaux de
mollasse, les mêmes affleurements de calcaire argileux rosé
(n° 2) surmontant un tuf solide et exploité, à Bos-de-Cambes,
à Gontaud, Sainte-Abondance, Virazeil, etc., et on ne les perd
pas de vue, si l’on s’impose la tâche fastidieuse de suivre pied
à pied cette piste dans tous ces coteaux monotones, jusqu’à
Beaupuy au nord de Marmande (coteau signalé déjà, mais mal
compris, par Dufrénoy), où l’on voit enfin cette formalion
d’eau douce passant sous les mollasses marines et sous le cal-
caire à astéries, exploité, et riche en moules de grosses Na-
tices ( Natica crassatina , N. angustata), et Cérites ( Cerit . Char -
pentieri ), etc. Un peu en arrière de Beaupuy, à Mauvezin, dans
le vallon de la Gupie, j’ai trouvé le même calcaire lacustre beau-
coup mieux caractérisé, fossilifère, et perforé par les mollus-
ques de la mollasse marine à Ostrea rudiculo qui le surmonte.
996
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
J’ai porté beaucoup d’attention à la recherche et à l’étude
des coquilles fossiles de ce calcaire d’eau douce de Mauvezin,
et je m’en suis procuré, à plusieurs reprises, un assez grand
nombre, malheureusement toujours à l’état de moules, et d’une
détermination difficile. Cependant j’y ai reconnu, autant qu’on
peut l’affirmer, les espèces suivantes :
Hélix Corduensis , Noulet — ou du moins une forme extrêmement voisine,
très-commune dans ces calcaires, et passant même quelquefois à la
forme de H. Ramondi , minor.
//. Cadurcencis , Noulet.
H. ijolitula, Boissy?
Limnœa, sp.? — Fragments rares d’une assez petite espèce.
P/anorbis? Id.
Melania, sp.? — Fragment certain comme genre; peut-être Met. Albi-
gensia? Noulet.
En poursuivant ce calcaire lacustre dans les cantons de
Duras et de Monségur (Gironde), on le retrouve également fos-
silifère et partout dans la même position certaine au-dessous
du calcaire à astéries, notamment à James, dans le vallon de
Saint-Ferme, avec de nombreux moules de Planorbes et de
Limnées, qui sont certainement pour moi Planorbis planatus ,
Noulet, olim. Limnœa ore longo. Boub., peut-être L. longis-
cata , Lk ? L. Cadurcensis , ou Albigensis , Noulet. C’est-à-dire
que l’ensemble de ces divers fossiles se rapporte, non pas à la
faune du calcaire blanc d’Agen, mais plutôt à la faune plus
ancienne des calcaires de Cieurac et de Cordes, si ce n’est
même à celle d’Albi; faunes sur la position desquelles j’aurai
à m’expliquer tout à l’heure.
En remontant la rive gauche du Dropt, on retrouve le cal-
caire de Mauvezin à Castiilonnès, où il atteint 120 mètres
environ d’altitude, c’est-à-dire la même hauteur qu’au pied
de Montflanquin, et que dans la vallée du Lot, entre Trente!
et Condesaygues. Plus en amont, ce calcaire de Castiilonnès se
poursuit, si je ne me (rompe, dans les calcaires (inférieurs) de
Saint-Étienne et de Saint-Martin-de-Villeréal, vers 140 mètres
d’altitude. Mais c’est de l’autre côté du Dropt, entre Je Dropt
et la Dordogne, que cette formation prend tout son dévelop-
pement, et qu’elle constitue dans « le pays blanc » qui s’étend
entre Issigeac et Beaumont, et qui porte les points culminants
des moulins de Boisse et de Rampieux, le vrai « calcaire du
Périgord » de MM. Raulin et Delbos. J’ai donné dans le Bul-
NOTE DE M. TOURNOIJER. 997
letin (t. XXIV, page 836), une coupe prise dans cette région à
laquelle appartient le gisement du gypse à Palœotherium girun-
dicum de Sainte-Sabine; et j’ai donné ensuite de cette coupe
une interprétation (V. la légende), qui me paraît maintenant
erronée, quant à la position du « calcaire de Castillon » de
M. Matheron, calcaire qui passe sous le calcaire à astéries
comme celui de Mauvezin. Je pense que j’ai eu tort, dans cette
coupe, de rapporter à cette assise les meulières et calcaires
siliceux des Glottes, des Andrieux, de Vuidepot, du moulin de
Viadel, etc., qui sont à 190-200 mètres d’altitude moyenne,
c’est-à-dire à une altitude trop élevée pour pouvoir se con-
fondre avec le calcaire de Castillonnès et de Castillon. Je pense,
maintenant, qu’il ne faut considérer dans cette région, comme
inférieursau calcaireàastéries, que les calcaires de Beaumont, de
Nojals, d’Issigeac, etc., à l’exclusion des meulières supérieures;
et que c’est dans cette masse, qui est d’ailleurs complexe et
considérable, puisque les calcaires fossilifères de Nojals sont
au moins à 150 mètres d’altitude, et que dans le ravin profond
du ruisseau de Sainte-Radegonde les bancs siliceux et les meu-
lières de la Rocal descendent au-dessous de 120 mètres, qu’il
faudrait chercher les représentants des diverses assises qui,
vers l’ouest, sont parfaitement distinctes sous les noms de cal-
caire de Castillon-Civrac à Bythinia Du Chasteli , mollasses du
Fronsadais, marnes et calcaire lacustre de Blaye à Palœothe-
rium, etc. Je ne suis pas en état, je l’avoue, de faire bien
sûrement cette distribution. Je rappellerai seulement, comme
indications qui peuvent être utiles dans un pays où les fossiles
sont extrêmement rares, qu’aux Peyrières, près de Nojals, à
150 mètres environ d’altitude, il y a des calcaires blancs fos-
silifères où j’ai trouvé les Limnœa orelongo , et L. Albigensis , vel
Cadurcensis , Noul.? Planorbis planulatus , Desh. Plan, ambi -
guus? Hélix , petite espèce indéterminée. Ces bancs fossilifères
se retrouvent à la montée de la route de Beaumont à lssigeac,
également à la partie supérieure des calcaires. Des calcaires
de Beaumont même, qui est coté 136, on m’a donné un très-
bel exemplaire de Planorbis Castrensis, Noul. Enfin, j’ai vu
dans la collection de M. Desmoulins de grands moules de Lim-
nées se rapportant au type de L. longiscata , et provenant du
vallon de Peyrou entre Lanquais et Beaumont, et un moule
incomplet de grande Melania, probablement Mel. Albigensis , des
calcaires de la même région. M. Delbos (mém. sur la format,
d’eau douce du bassin de la Gironde, 1847) cite des calcaires
998 sÉAiNëh ni) 21 juin 1869»
de Faux et de Pailholes la Limnœd longiscata et de grosses Paln-
dines : je ne les ai pas vues; pas plus que les « marnes feuille-
tées à Potamides » (probablement Bythinies?) indiquées par Du-
frénoy dans sa coupe du coteau de Beaumont (Mém. géol. , t. III,
page 54).
En résumé, à partir de Blaye, où l’on voit par des coupes
classiques et aussi nettes que celles de Montmartre, qu’il y a
au-dessous du calcaire à Astéries : 1° une première formation
d eau douce (calcaire de Civra'c et de Castillon); 2° un dépôt
marin (cale, de SainBEstèphe, Matheron); 3° une autre for-
mation d’eau douce inférieure (mariiës et cale, de Plassac, à
Palœotherium), qui repose sur les argiles marines de Plassac;
a partir de Blaye, en remontant le bassin de la Garonne sur
la rive droite de ce fleuve, on trouve partout un système dë
dépôts d eau douce au-dessous du calcaire à astéries ou des
mollasses de 1 Agenais qui en sont le prolongement, jusqu’à la
vallée du Lot. Les calcaires se développent à l’est, entre la Dor-
dogne et le Dropt, où ils offrent de grandes surfaces dénudées
qui leur ont mérité le nom de « calcaire du Périgord, » et où
il m est assez difficile de distinguer avec certitude les deux
dépôts si distincts des environs dë Blaye. Entre le Dropt et
le Lot, les calcaires ne sont bien développés également que
sur le bord oriental du bassin et n’affleurent que dans le fond
des coupures naturelles des ruisseaux : dans la berge dù Lot,
près de Ladignac, ils se distinguent facilement en deux assises.
Dans toute cette région, les calcaires sont encore débordés à
J est par le dépôt inférieur des sables ferrugineux qui s’étendent
sur les terrains secondaires. Par contre, et par suite dû plon-
gement général des couches vers l’O. et le S. O., tout ce sys-
tème inférieur disparaît rapidement sous les terrains de la riVé
gauche de la Garonne.
Entre le Lot et le Tarn, il n’apparaît pas non plus, à ma con-
naissance , et sur cette étendue, les mollasses de l’AgenaiS appa-
raissent seules au pied des coteaux, dans la grande vallée, jus-
qu’au delà de Moissac.
Au contraire, le bassin Circonscrit du Tarii et de l’Avëyron,
entre Albi et Castres, est rapporté depuis longtemps à cause
de ses fossiles, et doit etrë en effet rapporté en très-grande
partie, mais non pas, selon moi, en totalité, à ce système infé-
rieur. Même en en retranchant, comme je le dirai, les calcaires
tout à fait supérieurs de Cordes dans le nord du bassin, ce sys-
tème y est encore très-puissamment développé, et Comme â
NOTE DE M. TOURNOUER.
999
l’extrémité opposée du N. O., il présente, avec des alternances
de mollasse renfermant des Lophiodon , deux niveaux bien nets
de calcaires qui lui appartiennent certainement, les calcaires
d’Albi vers le haut, et à la partie inférieure, les argiles rouges
à Cyclostomaformosum , de la station de Vindrac, dans le bassiii
de l’Aveyron, et les calcaires de Castres à Palœotherium et à
Lophiodon , dans celui de l’Agout, lesquels paraissent encore
superposés aux Calcaires et aux lignites du grand causse de
Labruguière.
3° Les mollasses de V Agenais, qui reposent sur le système d’eau
douce inférieure que nous venons d’ëtüdier, sont elles-Mmes
surmontées par le calcaire lacustre blanc d'Agen â Hélix Ramondi
(n° 4), qui doit donc être détaché du ci: calcaire blànC du Péri-
gord » de M. Raulin.
Cette proposition, qui est admise par MM. Leymerie, Noulet,
Gosselet, Matheron, se démontre, comme la précédente, par la
même coupe des coteaux de la rive droite de la Garonne (fîg. 3);
coupe que j’ai présentée à la Société linnéenne de Bordeaux
dans sa séance du 15 juin 1864, et dont la conclusion a été
publiée à cette époque (V. Revue des Sociétés savantes , 12 août
1864, pages 191-192, et Çompt. rend., Acad, sc., loc. cit., 1865).
La solution de la question me parait être au débouché du
Tolzac et dans le coteau de Hautes-Vignes, dont j’ai déjà
parlé. En effet, dans ce coteau et à ce point on a, vers là
base et vers 50 mètres d’altitude, la marne lacustre rosée
(n° 2) que nous avons suivie sans interruption vers l’O. jus-
qu’à Beaupuy sous le calcaire à Astéries; et en haut du coteau,
à 140 mètres environ, par conséquent séparé de l’assise pré-
cédente par quatre-vingts mètres de mollasse, un lambeau de
calcaire lacustre blanc qui porte l’église de Hautes-Vignes, et
que l’on peut suivre, à partir de là, sans aucune interruption,
en remontant la vallée de la Garonne, par Grateloup, le plateau
de Nicole, et toujours à la même hauteur à quelques mètres
près, jusqu’au-dessus d’Agen ; et au delà, jusqu’au confluent
du Tarn à Boudou, et le long du Tarn jusqu’à Moissac où il
semble mourir, au-dessus des mollasses à Anthracotheriüm
magnum, qu’il n’a pas cessé de couronner depuis Hautes-Vignes
et Villebramar.
Toutes les coupes perpendiculaires à celles-ci et dirigées
vers le N.-E. rencontreraient de même, dans la vallée du Lot
et au delà, comme nous l’avons vu, à la base de la mollasse les
calcaires inférieurs, puis les mollasses formant la masse des
«
1000 SÉANCE DU 21 JUIN 1869, 4
coteaux, et supérieurement, à une altitude qui prolonge, en
s’élevant toujours, celle de la corniche des calcaires blancs
d'Agen, une assise de calcaires supérieurs. En descendant au
contraire la vallée de la Garonne vers le N.-O. le calcaire de
Hautes-Vignes ne se montre pas au-dessus des collines plus
basses qui font suite à celle-ci : c’est seulement au-dessus de
la Réole, aux moulins du Mirail, qu’on retrouve un lambeau
de calcaire lacustre è 1 altitude de 120 mètres environ, qui
pourrait être attribué à la même assise, quoiqu’il soit séparé
du calcaire à astéries de la Réole par une masse assez notable
de mollasses .je lui rapporterais peut-être aussi quelques lam-
beaux épars au-dessus du calcaire à Astéries, entre la Garonne
et la Dordogne, et particulièrement tout près de Bordeaux, des
couches lacustres qui, à Quinsac et à Pompignac, semblent
liées aux dernières couches de la formation marine, dont toute
1 épaisseur les sépare du calcaire lacustre du Périgord sous-
jacent et qui sont visibles également dans le ruisseau de
Pompignac.
La distinction stratigraphique entre le calcaire supérieur du
Périgord deM. Raulin et le calcaire blanc d’Agen que nous en
séparons, est appuyée par des différences paléontologiques sen-
sibles, même lorsqu’on pense avec M. Matheron, comme je le
fais moi-même, que ces deux calcaires appartiennent cepen-
dant à un même groupe géologique, comme le calcaire de
Biie et le calcaire de Beauce, dans le bassin de Paris, quoi-
que séparés par les « sables de Fontainebleau ». M. Noulet a
cité depuis longtemps, comme caractérisant le calcaire blanc
d’Agen, entre autres espèces :
Hellx Ramondi, Brongn. A Agen même, et très-commune à Malause Drès
de Boudou, etc., etc. * 1
H. Tournait , Noul.
H. Aginensis , Noul. (nunc = H. oaystoma , Thom. in Noul. 1868).
Planorbis subpyrenaicus, Noul. (nunc = PI. cornu , Brongn. kl ) ’
Limnœa Larteti, Noul. / ’ ' '
— dilatata, Noul. j (nunc.^Z. pachygaster, Thom. in Noul.).
Bythmia aturensis, Noul. ( = Sandbergeri , Desb . = Ztffor. acuta, var.
Cyclostoma elegans-antiquum, Brong., auxquelles j’ajouterai Nerita Nar
bonnensis , Noul. ? (Bourg de Visa.)
Et Mdanopsis callosa, Bran, du Rocher même d’Agen et de Bourg de Visa
Toutes espèces caractéristiques des calcaires inférieurs de
NOTE DE M. TOURNOUER.
1001
la Beauce ou des couches synchroniques du bassin de Mayence,
et qui ne se retrouvent pas, sauf le Planorbe, et peut-être VH.
Ramondi,\ar. minor, dans les calcaires inférieurs aux mollasses.
La question difficile pour moi, et qui d’ailleurs n’a guère
qu’un intérêt local, est celle de l’extension vers l’Est de ce
grand calcaire blanc d'Agen ; est-ce lui ou est-ce le calcaire
suivant (calcaire gris de l’Agenais, Raulin) qui s’étend à l’Est
de la Garonne en haut des plateaux et des coteaux jusqu’au
delà du Lot? — Quand on reste près de la Garonne, il n’y a
pas de difficulté : dans les hautes collines qui bordent la vallée
près d’Agen, on saisit parfaitement, à la seule vue et à Laide
aussi des dernières intercalations des dépôts marins de LO.
de l’étage de Bazas, la succession des différentes assises, très-
distinctes, qui surmontent comme des corniches en retrait les
unes sur les autres la masse des mollasses. Notre coupe fig. 3
montre très-bien cette succession sur un de ses points classi-
ques, la presqu’île formée au-dessus de Tonneins par le con-
fluent de la Garonne et du Lot. On.y trouve au-dessus de la cor-
niche principale du calcaire blanc d’Agen (n° 4) une assise de
marnes et d’argiles ( d ) renfermant des bancs d’une grande
Huître longirostre, caractéristique des faiuns de Bazas et de
Sos, et rapportée par M. Raulin à VOstrea crispata , Goldf. pro
parte , etadventivement, des mollasses à Unio Lacazei, Nouî. puis
le calcaire lacustre gris de Saucats et de l’Agenais (n° 5), avec
ses fossiles ordinaires, Hélix sub-globosa , Grat. ( Girundica , Noul.
var. subdentata), grands Planorbis solidus, Thom. Limnœa pachy-
gaster , Bythima Lemani etc., formant le plateau de Tabord, et
surmonté lui-même exactement comme dans les environs de
Sos à LO. du département, par de nouvelles marnes (e) à
Ostrea crispata. De l’autre côté du Lot, au-dessus de Port-Sainte-
Marie, tout cet ensemble, très-régulier, est surmonté lui-même
par de nouvelles marnes et un dernier calcaire lacustre (n° 6),
au-dessous du village de Saint-Julien à 190 mètres d’altitude,
qui appartient aux dernières assises des points culminants de
LAgenais et qui représente ici, en lambeaux isolés par les
dénudations, la formation lacustre supérieure du Gers (niveau
de Sansan) et de l’Armagnac. Ce dernier calcaire de Saint-
Julien est même recouvert, pour le dire en passant, par un
morceau de « sable des Landes » marqué sur la carte géolo-
gique de France, qui reste à 215 mètres de hauteur, et sur
la rive droite de la Garonne, comme un témoin très-intéres-
sant de grands phénomènes géologiques plus récents.
1002
séance bù 21 juin 1809.
Mais aussitôt que Ton s’éloigne de la vallée vers l’Est, cette
succession si nette s’obscurcit ; le calcaire gris, avec ses carac-
tères minéralogiques et paléontologiques qui le font si facile-
ment reconnaître, disparaît presque tout d’un coup ; et à Une
altitude à laquelle on croyait le suivre facilement, on ne
tiouve plus que des masses de calcaire blanc, sec, caverneux,
presque toujours sans fossiles* qui couronnent toutes les hau-
teurs en s’élevant toujours Vers l’Est jusqu’à 230 ou 240
mètres d altitude. C’est une difficulté de savoir si ces plateaux
ou ces lambeaux appartiennent au prolongement du calcaire
gris dénaturé (n° 5), ou s’ils n’appartiennent pas encore au
groupe du calcaire blanc d’Agen (nô 4) contre leqüel le calcaire
gris serait collé en biseau dans le voisinage de la vallée de la
Garonne. C est vers cette dernière opinion que j’incline, à
raison de quelques données paléontologiques. Je connais en
effet de ces hauts niveaux de calcaires qui forment la table du
pays compris au sud du Lot, entre cette rivière et la Garonne*
plusieurs gisements de fossiles qui se rapportent à l’horizon
du calcaire blanc d’Agen. Ainsi, je possède Y hélix Ramondi ett
m’éloignant de la Garonne, de Gâsfôl-Sagrat (170 mètres), de
Bourg-de-Visa (217), de Castelnau-de-Monràtier (252) et de
Ventaillac, point culminant près de Cahors (289). M. Noulet
cite la même espèce de Tourfiott, avec le Cijclostoma antiquuni
et dans les environs de cette ville, M. de Bonâl â extrait du
roc de Noütët, sur la route de Tourrton à Montaigüt, à l’alti-
tude de 230-240 mètres, plusieurs fossiles parmi lesquels j’ai
reconnu Hélix Corduensis ? Bel. Cadurcensis ? Noul. Planorbis
cornu; en tous cas, des formes qui n’appârtiennent pas au cal-
caire gris, mais au contraire, aux types des Calcaires d’Agen,
si ce n est de Cordes ou de Cahors. (1) Je me crois donc auto-
risé, par la constatation de ces fossiles à ceS hauts niveaux à
attribuer au calcaire blanc d’Agen tous les calcaires des som-
mets de la partie orientale du bassin (je ne pârle pas des points
eu minants situés plus à l’O. oü au S.-O. moulins à vent dë
Marsac, de Farguës, de Férussac etc., qui appartiennent aü
(G M. de Bonal a recueilli aussi dans les mollasses de Penne, à l’est de la
tour Saint-Michel, vers 200- approximativement* de nombreuses coquilles
écrasées, qui sont incontestablement les coquilles du calcaire blanc d’Agen :
Hehx Ramondi, Ë Tournait? H. oxystoma ? Cyclostoma elegans antiquuni
Limnœad Agen, Unio, petite espèce indéterminée, avec des dents de Cro-
codile, des plaques de Trionyx ,
NOTE m ta. TOtJftNOUER.' 1003
calcaife il0 6 oü7.)Maisje n’ignore pas que deux assises de cal-
caire lacustre peuvent-être juxtaposées, eoincées de telle ma-
nière qu’elles soient stratigraphiquemeiit et minéralogiquement
presque indiscernables ; et je me rappelle trop bien les diffi-
cultés tbut-à-fait semblables que l’on a trouvées à distinguer
dans la masse lacustre des bords du bassin de Paris, les assi-
ses de Provins, de Saint-Ouen, de la Brie ou de laBeauce, pou!*
ne pas m’exprittler à cet égard avec beaucoup de réserve ;
aussi ai-je mis dans mes profils un? à côté de mon Calcaire
n° 4. La question d’ailleurs, je lé répète, n’a pas ici une très-
grande importance: le calcaire blanc d’Agen et le calcaire gris
appartenant toüs les deux, pour moi, à un môme système
supérieur au calcaire à Astéries comme aux mollasses de
l’Agenais.
Ces mollasses, qui sont ainsi comprises entre le calcaire
blanc des plateaux et le calcaire inférieur du fond des vallées,
et dont la masse continue s’étend sur la rive droite de la Ga-
ronne depuis le Dropt jusqu’au Tarn, contiennent, indépen-
damment du gisement de Villebramar, plusieurs autres gise-
ments de mammifères qui donnent une véritable importance
paléontologique à la détermination de cette assise. Tel est d’a-
bord dans le bassin du Lot le gisement de Tournon, découvert
par M. Combes : Tournon est bâti à 2l2 mètres d’altitude sUr
un piton isolé de mollasse qui est protégé par une calotte de
calcaire blanc lacustre et qui repose directement sur le terrain
jurassique; c'est au pied de ce piton, sur la route de Mon-
taigut (au lieu dit Itier), à la base des mollasses, entre 120 ët
130 mètres d’altitude, que M. Combes a trouvé, il y à quelques
années, une très-belle tête de jeune Anthracotherium magnum j
avec de petites mâchoires de Cœnotherium. Le gisement de
Tournon (120-130 mètres) est au niteau de la partie supérieure
des calcaires (n° 2) de Ladigfiac ët de Trerttel, ou de la base dés
mollasses dë l’Àgenais, dans la vallée toute voisine du Lot.
De Tournon, en se dirigeant aü S. sur là vallée de la
Garonne , on trouve , dans les environs de Bourg-de-Visa
et toujours dans la mollasse inférieure aux calcaires blancs
dü pjateaù (calcaires à Hélix Râmondi , H . oxystoma , Nerita
Narbonnensis , Melanopsis callosa , etc.), plusieurs petits gise-
ments explorés par M. Lagrèze-Fossat qui y a recueilli de
curieuses dents de petit Anthracotherium , avec des os de
Dremotherîum , des plaques de Trionyx , etc. De là, on gagne le
gisement classique de Moissac sür le Tarn, où a été trouvé pour
1004
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
]a première fois, dans le S. O. de la France, V Anthracotherium
magnum , en association du Rhinocéros minutas, d’une autre
espèce plus grande de Rhinocéros indéterminé, de D remotherium
d apres M. Noulef, et peut-êlre d’un grand Palceotherium d’a-
près M. Lagrèze-Fossat (V. pour la bibliographie de ce gise-
ment : Noulet, Répart, strat ., pages 14 et suiv.), enfin d’une
grande Testudo et de divers autres animaux encore indéter-
minés, dont j ai vu les débris dans la collection de M. Lagrèze.
La détermination de l’âge géologique de la mollasse de Moissac
a donné lieu à une discussion scientifique entre MM. les pro-
fesseurs Leymerie et Raulin (V. Raulin, Act. , Acad. Bordeaux,
t. XY, 1853. Id., notes géolog. sur l’Aquitaine, 1859, page 292),
dans laquelle M. Raulin a soutenu l’opinion que c’est au ter-
rain éocène (assises supérieures), que se rapportent à la fois
les gisements de Ja Grave à Palœolherium Girundicum , etc., de
Hautes- Vignes à Anthracoth. minutum et de Moissac à Anthracoth.
magnum , etc., contrairement à l’idée de M. Leymerie, partagée
par M. Noulet ( Répart . strat., 1861), que la mollasse de Moissac
appartient au terrain miocène. Je suis de l’avis de MM. Ley-
merie et Noulet, comme on l’a vu. En descendant ensuite la
vallée de la Garonne, on rencontre un autre gisement de Rhi-
nocéros minutas à la base des mollasses de la Magistère, à
60 mètres environ d’altitude, et enfin, au Mas d’Agenais,
presque à notre point de départ, le premier gisement signalé
d Elotherium magnum sur lequel je n’ai pas d’autres renseigne-
ments que ceux qu’en donne M. Noulet (toc. cil., page 12), et qui
se bornent à dire que la pièce a été trouvée « dans la mollasse
d’eau douce qui est très -superficielle en cet endroit, et à
20 mètres environ d’altitude. » J’ai vu le coteau du Mas; il est
formé entièrement par la mollasse de Villebramar; mais on
observe parfaitement à sa base, près du canal latéral à la Ga-
ronne, l’assise d’argile calcaire rosée (n° 2) qui supporte cette
mo asse. J ignore si c’est dans cette assise ou dans la mollasse
même que l 'Elotherium a été trouvé.
Tous ces gisements sont inférieurs, cela n’est pas contesté,
au calcaire blanc de l’Agenais, à Hélix Ramondi , quel que soit
son rang dans la série, et quelle que soit son extension locale
dans la région. Mais au-dessous de cette belle assise de cal-
caire, par laquelle est scellée la mollasse de l’Agenais, il y a
encore dans celte mollasse (et précisément dans la partie du
épartement, entre le Lot et le Dropt, que traverse ma pre-
mière coupe) un niveau minéralogique que je n’ai pas voulu
NOTE DE M. TOURNOUER.
1005
négliger et que j’ai marqué du n° 3', en l’appelant calcaire sili-
ceux ou meulières de Monbahus, parce que c’est autour de celte
localité que je l’ai vu le mieux développé (1). Ces meulières,
auxquelles je rattache par l’altitude le calcaire supérieur de la
butte de Monflanquin, me paraissent trop basses (160 mètres
à Monbahus, Tombebœuf, etc.), en tenant compte du relève-
ment général des couches, pour représenter le calcaire blanc
d'Agen; je les considère donc comme un dépôt particulier,
subordonné à la partie supérieure des grandes mollasses de
Villebramar; et c’est à ce niveau intermédiaire que je suis
amené à rapporter maintenant du côté du Périgord les meu-
lières supérieures de Beaumont (Dordogne), et les calcaires
supérieurs de Saint-Martin-de-Villeréal; et peut-être, du côté
du Quercy, les calcaires supérieurs de Gieurac, près de Cahors
(et par conséquent ceux de Cordes dans le Tarn qui leur sont
identiques), auxquels j’ai déjà fait allusion et sur la position
desquels j’ai à m’expliquer, à cause de l’importance que leur
donne leur faune de coquilles fossiles, et parce qu’ils font tout
à fait partie du même bassin lacustre que les calcaires de l’A-
genais proprement dits.
4° Sur la position des calcaires supérieurs du Quercy (Cieurac,
près de Cahors) et de l'Albigeois (environs de Cordes, etc.). J’ai
dit, en citant les fossiles que j’avais recueillis dans le calcaire
lacustre de Mauvezin et des cantons voisins, que cette faune
me paraissait se rapporter à celle des calcaires de Cieurac et
de Cordes, si ce n’est même à celle des calcaires d’Albi (2).
(1) Les meulières de Monbahus sont presque toutes criblées d’empreintes
de coquilles d’eau douce, qui devraient être étudiées : Limnées , petits Pla-
norbes, petites Bythinies ; il m’est bien difficile d’en dire pour le moment
autre chose que ceci ; c’est que la Limnée appartient certainement au type
de la L . albigensis ou cadurcensis , de Noulet, plutôt qu’au type ordinaire
des calcaires blancs d’Agen : les petits Planorbes et les Bythinies consti-
tuent peut-être des nouvelles espèces.
(2) C’est à M. Noulet, qui a tant fait pour la paléontologie des dépôts
d’eau douce du S. O. ( Mém . coq. foss. du S. O., Toulouse, 1853-1868),
que l’on doit la connaissance et la détermination des fossiles de Cieurac,
dans le Quercy. Bien longtemps auparavant, de Férussac (Mém. sur les terr.
formés sous l'eau douce, 1814, 7e observ.), avait cité une vingtaine d es-
pèces provenant des calcaires des environs de Lauzerte, que je n’ai pas vi-
sités, mais qui sont certainement au-dessus de la modasse, au niveau ou a
un niveau très-rapproché de celui des calcaires à Hel. Ramondij de Castel-
Sagrat et de Bourg-de-Visa, dans le prolongement desquels ils se trouvent.
C’est ce que j’induis de l’inspection de la carte de T état-major et des obser-
1006
SÉANCE DU 21 JUIN 1860.
M. Raulin a dit aussi [Éléments de géologie , 1868, page 159),
en parlant du « calcaire d’eau douce blanc éocène du Périgord
et de l’Albigeois, » qui comprend pour lui tous les calcaires
lacustresf inférieurs au « calcaire grossier de Saint-Macaire, »
que ce calcaire d’eau douce, partant de la Réole, atteint Cas-
tillon, Tournon , Cahors et Montpezat; et M. Matheron dit, de
son côté (Note sur les dépôts tertiaires du Médoc, Bull.y 2e sé-
rie, t. XXIV, page 216), en parlant de son calcaire de Castillon,
que « partant de là, on peut le suivre, en passant par Castil-
lonnès, Saint-Étienne-de-Villeréal, Cahors et Cordes , pour ar-
river sur les hauteurs d’Albi et de Lautrec. »
C'est, ainsi que moi-même je concevais les choses; mais en
fait, cette continuité du calcaire de Castillon et des calcaires
de Cahors et de Cordes, me paraît assez difficile à établir stra-
tigraphiquement; et j’éprouve à le faire une difficulté que mes
explorations, malheureusement trop incomplètes dans cette
petite région, ne me permettent pas de résoudre catégorique-
ment. Voici du moins comment je pose la question :
Le calcaire de Castillon-Castillonnès-Mauvezin, qui est le
même pour moi que le calcaire de Trentel-Ladignac-Conde-
saygues, n’affleure que dans le fond des vallons et à une altitude
qui, dans la vallée du Lot et à l’extrême bord du bassin ter-
tiaire (à Condesaygues), ne se relève pas au-dessus de 126 mè-
tres; au contraire, le calcaire de Cieurac, près de Cahors, à
50 kilomètres à l’E. S. E. de Ladignac, se trouve sur les hau-
teurs du Quercy à une altitude que je crois être entre 250 et
260 mètres environ.
Cette différence de 1,30-140 mètres, pour une distance de
50 kilomètres qui n est pas prise dans le sens du plongement
ordinaire des couches, me paraît difficile à admettre. A moitié
de cette distance, j’ai un point de repère à Sérignac (dépar-
tement du Lot) (1), ou les couches de Cieurac affleurent à une
vationsde M. Raulin, le seul géologue qui ait donné des indications strati-
graphiques sur cette région (Act. Acad. Bordeaux, 1855). M. Raulin pré-
sume même que les fossiles de Lauzerte sont identiques à ceux de Cieurac;
je ne les connais pas.
(1) C est à M. de Bonal que je dois la connaissance de ce gisement, dans
lequel il a recueilli, avec 1 Hélix Cadurcensis , VH. Cramauxensis , espèce re-
marquable, comme M. Noulet l’a noté, par son affinité avec 177. bndia vi-
vante des Antilles; et une autre espèce du même groupe que je crois nou-
velle.
NOTE DE M. TOURNOUEH.
1007
altitude que j’estime approximativement à 210 mètres. Or,
Sérignac est à moins de 10 kilomètres N. E. de Tournon, dont
le calcaire atteint cette môme altitude, et dont les mollasses à
Anthracnth. magnum descendent au-dessous de 120 mètres. J’ai
le regret de n’avoir pas assez parcouru cette petite région
pour pouvoir en donner une coupe graphique; mais, avec ces
simples données, si elles sont exactes, il me semble assez dif-
ficile de relier le calcaire de Cieurac au calcaire de Ladi-
gnac-Condesaygues. Il faudrait admettre en effet que, sur une
distance de moins de 10 kilomètres, ce calcaire tombât de
80 mètres environ pour pouvoir passer sous les mollasses à
Anthracotherium de Tournôn, ou pour se relier au calcaire (n° 2)
des rives du Lot qui supporte ces mollasses; tandis que sur
la rive droite de cette rivière, entre Condesaygues où il est à
126 mètres, et Rigoulières où il est à 80 mètres à peu près, il
ne tombe que d’environ 40 ou 45 mètres pour une distance
égale et prise dans le sens vrai du piongement des couches. Ce
n’est pas impossible assurément; mais étant données l’incli-
naison normale des couches tertiaires, l’absence de failles qui
les dérangent, leur disposition générale qui les fait buter ré-
gulièrement en stratification discordante contre les terrains
secondaires, il semble plus naturel d’admettre que le niveau
des calcaires de Cieurac passerait à peu près vers le haut de la
butte de Tournon, à la partie supérieure des mollasses; et de
là, en le prolongeant par la pensée, sur le plateau des meulières
de Monbabus et sur celui des meulières supérieures de Beau-
mont.
Dans cette situation, de deux choses l’une :
Ou le calcaire de Cieurac n’est pas le même que celui de
Condesaygues-Mauvezin, mais lui est supérieur; et dans ce
cas, le calcaire de Mauvezin peut être assimilé au calcaire
d’Albi qui est inférieur, dans le Tarn, à celui de Cordes, ou
doit être considéré comme un calcaire intermédiaire entre les
deux. La similitude de sa faune avec celle de Cieurac s’expli-
querait alors, comme faisant partie toutes deux d’une même
période paléontologique, et quelques espèces pourraient se
trouver communes à Mauvezin, à Cieurac, au roc de Noutet,
c’est-à-dire à la base, au milieu et en haut de la formation;
comme il y a dans le bassin de Paris des espèces communes
entre les calcaires de Brie et les meulières de Montmorency;
Ou bien l’identité de la faune de Mauvezin avec celle de
Cieurac (identité que je ne puis pas encore affirmer) forcerait
1008
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
en quelque sorte à les déclarer exactement synchroniques;
et alors la difficulté de les relier stratigraphiquement l’un à
l’autre, si elle ne peut pas s’expliquer par un relèvement un
peu subit et anormal sur le bord du bassin, ne pourrait guère
se résoudre que par une hypothèse, tirée également d'ailleurs
de la considération qu’on touche ici au rivage jurassique, très-
accidenté, de l’ancien bassin d’eau douce. Il suffit en effet de
jeter les yeux sur la carte géologique de France pour voir que,
à partir de Tournon, le terrain jurassique s’avance jusque du
côté de Montauban pour former un véritable promontoire qui
isole complètement de ce côté le bassin du Lot de celui du
Tarn, et les calcaires lacustres de Cahors de ceux de Cordes.
Ce relief devait préexister même au dépôt du terrain cré-
tacé qui n’affleure sur les bords que du côté du Lot; et des
eaux douces ont pu se déposer sur ces hauteurs en même
temps qu’à leur pied, de façon à donner lieu à des dépôts
synchroniques séparés par une distance verticale assez con-
sidérable. Il suffît, pour admettre cette possibilité, de penser
à ce qui nous entoure, je ne dirai pas même aux lacs des
Vosges, de l’Auvergne ou des Pyrénées, mais tout simplement,
par exemple, aux étangs du plateau de Meudon ou aux mares
du plateau de Montmorency, près de Paris, qui sont à plus
de 120 mètres verticalement au-dessus de l’étang d’Enghien
qui repose à leurs pieds. Cette simple observation suffirait à
rendre parfaitement compte de la différence de 100 mètres et
plus qui pourrait exister, à de très-petites distances, entre des
dépôts parfaitement synchroniques dans les vallées de la Ga-
ronne et du Lot, et sur les hauteurs du Quercy.
En tout cas, et dans les deux hypothèses, soit que les cal-
caires de Cieurac doivent être considérés comme une lentille
à la partie supérieure ou moyenne des mollasses de l’Agenais,
soit qu’ils puissent être reliés directement au calcaire de Mau-
vezin-Caslillon qui leur est inférieur, je pense que ces calcaires
appartiennent les uns et les autres au groupe du miocène infé-
rieur ou oligocène moyen , et qu’il y a même des raisons paléon-
tologiques qui permettent de les rapprocher du calcaire blanc
d’Agen.
M. Noulet a toujours, il est vrai, placé les calcaires de Cordes
et de Cieurac dans son groupe du terrain éocène supérieur,
dont ils forment maintenant pour lui (Mém. s. coq. foss. 1868,
page 40) le deuxième horizon (1).
(1) Le premier horizon, c’est-à-dire,
le plus élevé, est constitué pour M. Nou-
NOTE DE M. TOURNOUER.
1009
Mais en stratigraphie, on ne peut pas dire autre chose des
calcaires des plateaux des environs de Cordes, que j’ai visités,
si ce n’est qu’ils occupent la partie tout à fait supérieure de
la formation d’eau douce (à Amarens, etc.), qu’ils ne sont
recouverts par rien, et que par conséquent on ne peut tirer
de cette situation que des inductions négatives pour leur place
dans la série. Au point de vue paléontologique, au contraire,
leur faune, malgré un très-petit nombre d’espèces citées comme
communes avec la faune des calcaires éocènes, accuse selon
moi une affinité sensible avec celles des calcaires miocènes à
Hélix Ramondi. Ainsi VH. Corduensis , var. major, est bien voi-
sine, pour ne pas dire plus, de certaines formes de VH. Ra-
mondi qui varie tant elle-même ! De même, VHel. Cadurcensis ,
Noul., me paraît souvent bien difficile à séparer de VH. Agi-
nensis, Noul. (aujourd’hui réunie par M. Noulet à Voxystoma ,
Thom.). Les Limnées , il est vrai, tiennent davantage des types
précédents, mais pas plus que la Limn. Brongniarti des meu-
lières de Montmorency. Quant aux Planorbes , leur appréciation
est si difficile que M. Noulet a fini par prendre le parti, un peu
héroïque, de rapporter au Plan, cornu , Brongn., espèce de
Montmorency, son ancien PL planatus de Castelnaudary,
d’Albi et de Cordes, et son subpyrenaicus d’Agen.
Par contre, ce niveau supérieur de Cieurac, Cordes, Ama-
rens, Carmaux, Briatexte, etc., ne renferme pas les espèces
caractéristiques du niveau immédiatement inférieur d’Albi,
dont il me paraît devoir être en effet séparé, comme Melania
let par le calcaire supérieur de Lautrec, auquel il donne une altitude de
39 5m, qui d’après des renseignements que je dois à M. Caraven, serai
beaucoup trop élevée et devrait être réduite à 30 7 m. En tout cas, d’après
les Mémoires même de M. Noulet, les fossiles cités par lui à Lautrec,
comprenant les fossiles caractériques d’Albi (. Melania Albigensis , Cy-
clostoma formosum , Paludina Soricinensis , etc.), c’est à l’horizon d’Albi,
c’est-à-dire au troisième de M. Noulet, que je crois devoir rapporter Lau-
trec. A l’inverse, le calcaire de Briatexte que M. Noulet met au niveau
d’Albi, contenant d’après ses propres citations tous les fossiles caractéristi-
ques de Cordes, c’est au niveau de Cordes et de Cieurac que je le mettrai.
11 ne m’est pas non plus prouvé que les calcaires de Castelnaudary
soient à un horizon inférieur à celui des calcaires de Castres : les mammi-
fères et une partie des mollusques sont semblables. En résumé, je ne vois
dans le^Tarn et dans l’Aude que quatre horizons bien distincts au lieu de
huit, savoir : les calcaires de Cordes, — d’Albi, — de Castres et de Castel-
naudary? — les grès d’Issel.
Soc. géol., 2e série, tome XXVI.
64
1010
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Albigensis, Melanopsis Mansiana , Cyclostoma formosum , Paludina
Soricinensis , etc., et il est caractérisé par des Cyclostomes et
des Pomatias d’un type particulier ( Cyclost . Cadurcensis , Poma-
tias Cieuracensis ). Voici, du reste, d’après M. Noulet lui-même
(Mém. 1868), la liste comparative des fossiles des niveaux de
Cordes et d’Albi, de laquelle il résulte que sur 32 espèces de
Cordes, il n’y a de commun avec Albi que 1 Planorbe, 2 Lym-
nées et 4 hélices.
ALBI LAUTREC.
Hélix Vialai ,
— • Personnati ,
— Albigensis,
— Potiezi,
— politula ,
— Lautricensis ,
Planorbis cornu,
Limnœa orelongo,
— Albigensis,
Melania Albigensis,
Melanopsis Mansiana ,
Cyclostoma formosum,
Paludina Soricinensis ,
Nerita Lautricensis,
CORDES, CARMAtJX
Hélix Vialai,
— Personnati ,
Albigensis,
— Potiezi,
— Boyeri ,
— Nicolavi,
— Cadurcencis ,
— adornata,
— Cramauxensis .
— serpentinites ,
— Archiaci,
— Briatextensis,
— janthinoides,
— Boucheporni ,
— Corduensis,
— Raulini,
— Lombersensis ,
, BRIATEXTE, etc.
Pupa spreta,
Vertigo Corduensis ,
Planorbis crassus ,
— cornu,
— Rouxi,
Limnœa orelongo,
— pyramidalis,
— Fabrei,
— Albigensis ,
— Cadurcensis ,
Ancylus Boyeri,
Melania Lombersensis .
Cyclostoma Cadurcense ,
Pomatias Cieuracensis ,
Paludina Castrensis ,
Je puis même aller plus loin dans cette voie et dire que dans
d’autres régions ces deux faunes, qui ont semblé à M. Noulet
si distinctes, paraissent parfaitement mêlées. Je profiterai en
effet de cette occasion pour dire que depuis la publication de
ma note sur la vallée supérieure de la Saône (Bull., 2e série,
t. XXIII, 1866), où j’ai classé (pp. 782 et 799) les calcaires la-
custres de Vesvrottes, de Belleneuve et de Binges, près de Di-
jon, dans l’éocène supérieur, en suivant précisément M. Nou-
let dans sa classification des terrains analogues du Tarn;
depuis cette époque, j’ai trouvé dans ces calcaires, et notam-
ment auprès de Binges, VHel. Cadurcensis associée à YHeL
Ramondi typique, et au Cyclostoma triexaratum, Martin? que
j’ai reconnu n’être très-probablement qu’une variété du Cyclost.
Cadurcense, Noul., que je ne connaissais pas au moment de ma
note. On m’a donné aussi du travertin à Flabellaria latiloba de
NOTE DE M. TOURNOUER.
1011
Brognon, classé par M. de Saporta dans le miocène inférieur,
plusieurs coquilles fossiles qui sont à étudier, mais parmi les-
quelles je n’hésite pas à reconnaître P Het. Corduensis de Cor-
des et de Cieurac et une petite Limnée du type de ce niveau.
Outre l’intérêt qu’il y a à retrouver une faune terrestre fossile
du bassin du Tarn dans celui de la Saône, je vois de plus ici la
preuve que le niveau des calcaires de Cordes et de Cahors est
beaucoup plus rapproché que je ne le croyais du niveau de
VHel. Ramondi , puisque les espèces caractéristiques semblent
même s’associer et se confondre; d’où il suit que pour le bas-
sin de la Saône, je classerais maintenant la plupart des cal-
caires lacustres des environs de Dijon dans le groupe du mio-
cène inférieur ; et que je suis encouragé de même, par ces ob-
servations ajoutées aux inductions stratigraphiques, à rappro-
cher dans le sud-ouest les calcaires supérieurs de l’Albigeois
et du Quercy des calcaires blancs de PAgenais, et à les consi-
dérer au moins comme deux termes voisins de cette même
formation continentale (1).
Par tout ce qui précède, je crois avoir établi la position
géologique des mollasses de VAgenais , position qu’il est impor-
tant de bien fixer, non-seulement à cause des gisements inté-
ressants de vertébrés qu’on a déjà trouvés à Villebramar, à
Tournon, à Moissac, mais aussi à cause de l’extension que
prend dans le sud- ouest cette grande assise à la partie supérieure
de laquelle il faut en effet rapporter tous les gisements à Dre-
motherium e t Cœnotherium signalés par M. Noulet dans les mol-
lasses du pays toulousain, enaval et en amontde Toulouse, dans
la vallée de la Garonne et de l’Ariége (Pechbonnieu, Vénerque,
etc., etc.), et qui s’observent entre 150 et 200 mètres d’altitude,
à raison de l’élévation générale du bassin vers les Pyrénées, et à
cause enfin des affinités de toute cette faune avec celle des dé-
pôts d’eau douce de la Limagne et de l’Ailier. Grâce à la position
géographique intermédiaire de PAgenais, j’ai cherché à établir
les relations de ces mollasses, soit avec les dépôts paléothériens
(1) Une conséquence de ma manière de voir, c’est que Y Anthracotherium
magnum signalé par M. Noulet dans le calcaire do Briatexte ( Mém . Acad,
sc. de Toulouse, 6e série, t. Y, 1867), comme donnant la preuve que Y An-
thracotherium « avait fait son apparition dès l’époque éocène » ne se trouve
là qu’à son niveau ordinaire dans l’Agenais, celui du miocène inférieur dans
lequel je range le calcaire de Briatexte. Ce gisement serait même supérieur
à celui de Moissac ou de Tournon, si les calcaires de Cordes devaient être
portés au niveau des meulières de fionbalms, comme je le propose.
1012
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
du Tarn, soit avec ceux du Périgord et de la Gironde et avec
les dépôts marins qui s’avancent dans la partie ouest et nord-
ouest du bassin; et je crois avoir donné la démonstration que
les mollasses de l’Agenais sont supérieures aux couches à vrais
Paléotheriums et stratigraphiquement égales au « calcaire à As-
téries » de Bordeaux, qui est classé dans le miocène inférieur
des géologues français. Il me reste cependant à faire une der-
nière observation sur ce point.
Je dis que le calcaire à Astéries et les mollasses d’eau douce
de l’Agenais sont deux formations placées bout à bout et strati-
graphiquement égales. Mais il n’en résulte pas rigoureusement
et absolument qu’elles soient parfaitement synchroniques. Nous
sommes en effet ici en face de la question délicate des passages
latéraux des dépôts marins et des dépôts d’eau douce, et de
l’application de la théorie des estuaires de C. Prévost. Théo-
riquement, il est évident pour moi que des passages sem-
blables doivent exister en géologie, et je pense , comme
M. Raulin l’a dit, après avoir le premier parcouru pied à pied
tout le bassin de l’Aquitaine et en avoir fait le nivellement ba-
rométrique général, que ce bassin peut offrir de cette théorie
les plus beaux exemples. Il est évident que dans la nature ac-
tuelle, à l’embouchure de tous nos grands cours d’eau et sous
l’influence du remaniement par les marées, il doit se former
des dépôts mixtes et incertains où les sédiments fluviatiles se
mêlent, avec les débris d’animaux terrestres qu’ils charrient,
aux sédiments marins et aux débris d’animaux marins du lit-
toral. Mais il est également certain qu’il y a une autre confu-
sion possible : c’est celle qui doit se produire, sous nos yeux
mêmes, dans le cas où la mer avance lentement sur une plage
meuble qui contient déjà des débris de corps organisés du con-
tinent d’une époque antérieure, par exemple sur une plage de
l’époque quaternaire; il y aura là des confusions de fossiles et
des difficultés pour les géologues futurs. Ce sont des difficul-
tés semblables qui se rencontrent souvent dans l’étude des
terrains tertiaires de l’Europe, à cause delà complication des
dépôts marins et des dépôts d’eau douce de cette époque.
Ainsi, à l’époque tertiaire moyenne, la vallée actuelle de la
Loire était occupée déjà par des cours d’eau larges, lents et
vagues, dont les dépôts, connus en géologie sous le nom de
« sables de l’Orléanais » et parfaitement analogues aux « mol-
lasses » plus puissantes du sud-ouest, renferment de très-
nombreux débris d’animaux terrestres ou fluviatiles qui étaient
NOTE DE M. TOURNOUER.
1013
charriés à l’occident vers une mer dont le rivage nous échappe
sur ce point. Cette mer est ensuite revenue lentement sur elle-
même et a pénétré dans cette longue vallée jusqu’au delà de
Blois, en mangeant plus ou moins ces terrains meubles de
transport et en remaniant nécessairement les ossements déjà
fossiles qu’elle y rencontrait, et les mêlant aux débris de sa
propre faune marine, si bien que M. l’abbé Bourgeois (Comptes
rendus , 4 mars 1867) en s’appuyant sur ces faits, a pu nier la
prétendue contemporanéité des sables de l’Orléanais et desfa-
luns de la Touraine et en conclure que les premiers étaient
nécessairement antérieurs aux seconds qui leur avaient em
prunté leurs ossements fossiles.
Des faits tout semblables se produisaient en même temps
dans le bassin de la Garonne, et j’ai eu l’occasion d’en parler à
la suite du travail de M. Bourgeois [Bull., 2e série, t. XXIV,
p. 484). Là aussi des eaux douces descendues des Pyrénées an-
ciennes dans les plaines basses, y avaient accumulé des mas-
ses énormes de sédiments, soit sous la forme de sables et de
mollasses (mollasses duGerset de l’Armagnac), soitsous cellede
véritables calcaires (cale, de Sansan, etc,) empâtant les débris
des animaux du continent. Puis la mer miocène (mollasse ma-
rine de l’Armagnac), avançant dans ce bassin, comme elle fai-
sait dans celui de la Loire et dans celui du Rhône, a entamé
tous ces dépôts d’eau douce et a dû en mêler les débris à ceux
qu’elle apportait elle-même. Les environs de Sos, dans le sud-
ouest du département de Lot-et-Garonne, présentent de ces
phénomènes les plus beaux exemples (carrières de Sos, de
Baudignan, de Rimbès, etc.), parce que là, la mer n’ayant pas
affaire à une plage basse et sablonneuse, mais à des calcaires
durs et compactes, a dû les attaquer et les entailler en falaises
qui sont encore reconnaissables et contre lesquelles ses dé-
pôts sont entassés dans un grand pêle-mêle où tout est con-
fondu, coquilles marines, coquilles terrestres, débris de mam-
mifères marins, débris de mammifères terrestres, carnassiers et
herbivores, etc. L’interprétation qu’on a donnée à Pont-Levoy
peut se donner à Rimbès : c’est la faune terrestre de Sansan
ou de Simorre qui a été remaniée par là mer de l’Arma-
gnac.
Faut-il expliquer et interpréter de même les faits qui se
présentent dans l’étude des calcaires à Astéries et des mollasses
fluviatiles latérales de l’Agenais? C’est possible. 11 est possible
que ces mollasses soient en effet plus anciennes qxie le calcaire
1014
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
à Astéries, qu’elles aient servi de plage basse à cette mer et
qu’elles aient été pénétrées par elle.
Il est possible aussi qu’elles en aient été vraiment contem-
poraines, et que nous ayons sous les yeux le résultat du fait
même des eaux douces du continent se mêlant vaguement sur
une plage immense aux eaux marines qui avancent ou qui re-
culent, dans des limites incertaines. Et j’avoue que cette se-
conde impression est plutôt celle qui résulte pour moi de l’as-
pect même des dépôts, de la vue des terrains. Il n’y a rien ici
qui ressemble à Rimbès.
Mais j’irai plus loin : je dirai qu'il est possible que ces mol-
lasses fluviatiles soient antérieures, synchroniques et posté-
rieures aux mollasses marines ; il est possible que ces transports
fluviatiles aient commencé avant, aient continué pendant et
duré encore après l’envahissement de la mer, sans que des
changements sensibles dans les faunes qu’ils renferment, ac-
cusent ces differentes phases (ce qui diminue beaucoup l’im-
portance delà question); car les modifications des faunes con-
tinentales ne sont pas en rapport forcé avec les modifications
des faunes marines; elles en sont au contraire jusqu’à un cer-
tain point indépendantes. Les actions secondaires qui modi-
fient les unes ne sont pas de même ordre que celles qui modi-
fient les autres, et on peut imaginer facilement des change-
ments dans la distribution et la constitution des terres et des
mers qui affectent profondément les populations animales ma-
ritimes, sans affecter beaucoup les conditions de vie des popu-
lations continentales, et réciproquement. Les phénomènes
géologiques, par exemple, qui ont permis à la mer oligocène
du calcaire à Astéries de ramener dans le golfe de l’Aquitaine
une faune marine si différente de celle qui l’avait précédée et
portant 1 empreinte profonde des modifications résultant du
temps écoulé et des migrations lointaines; ces phénomènes
n’ont pas dû modifier beaucoup la constitution du sol conti-
nental et les conditions de vie de ce continent pour les flores ou
pour les faunes terrestres ou fluviatiles qui l’habitaient ; si bien
que nous pouvons avoir des espèces communes dans les dépôts
d eau douce immédiatement inférieurs à ce calcaire marin ,
dans ceux qui se sont formés contemporainement à lui et
jusque dans ceux qui l’ont immédiatement suivi, etquela ques-
tion de savoir si les mollasses de l’Agenais sont ou ne sont pas
exactement synchroniques du calcaire à Astéries, perd beau-
coup pour moi de son importance, s’il est seulement reconnu
NOTE DE M. TOURNOUER.
1015
qu’elles appartiennent à la même époque et font partie du
même groupe géologique, comme je l’admets.
Pendant toute cette période, en effet, les conditions conti-
nentales n’ont guère varié : elles sont restées sensiblement les
mêmes que pendant la période précédente, comme l’atteste
la similitude minéralogique, si embarrassante, de tous ces dé-
pôts, mollasses ou calcaires, miocènes ou éocènes, qui se sont
entassés dans le bassin de la Garonne depuis le commence-
ment de l’époque paléothérienne jusqu’à l’époque des Dino-
theriums et des Mastodontes. Pendant toute cette période,
c’est toujours la même immense plaine, chaude, basse, humide,
marécageuse, moins couverte de forêts que de grandes herbes
propres au développement d’une très-grande population de
mammifères herbivores et de reptiles, inondée par des eaux
qui s’écoulent lentement d’un continent peu élevé, surtout du
côté du plateau central, vers une plage marine lointaine et
sans falaise, dont la limite avance ou recule plusieurs fois , re-
foulant les eaux douces qui s’arrêtent devant leurs propres
barres et s’extravasent (ce sont les calcaires qui se déposent),
ou les laissant reprendre une pente et un écoulement plus ra-
pides (ce sont alors les mollasses), et cela pendant un temps
sans doute immense. Pendant ce temps, les faunes continen-
tales ont changé, elles se sont même en définitive totalement
transformées, mais en obéissant plutôt à Ja loi interne et pro-
fonde qui force toutes les flores et toutes les faunes, les faunes
marines comme les faunes terrestres et fluviatiles, à changer
et à se modifier toujours, qu’à l’action de causes secondaires
et de milieux dont la variation est souvent inappréciable. Nul
bassin n’est peut-être plus propre que le bassin de la Garonne,
avec la succession, la continuité et le parallélisme de ses cou-
ches qui en font un bassin classique pour la période tertiaire
moyenne; nul bassin n’est mieux disposé pour montrer com-
ment les faunes continentales ont procédé lentement et par des
substitutions et des associations graduées de types organiques,
pour arriver à leur renouvellement complet.
C’est dans le bassin de la Garonne en effet que l’on voit bien
cette série ascendante si instructive, avec ses incontestables
associations qui ont été cependant et qui ont dû être longtemps
contestées : les premiers Lophiodon apparaissent d’abord seuls
à Issel, au-dessus des dépôts nummulitiques de la Montagne-
Noire avec les Propalœotherium. — Ils sont ensuite associés dans
l’Aude et dans le Tarn, dans les calcaires et dans les mollasses
101(3 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Mollasse de Boisse. Mollasse de Hautes-
Vignes ( Anthra -
cotherium rnini-
* mum).
1018
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
de Castel naudary^et de Castres, aux vrais Palœotheriums, Cette
association, qui se reproduit d'ailleurs en Suisse, a été rigou-
reusement établie par les travaux deM. Noulet; ils sont même
associés dans la même région et dans les mêmes mollasses aux
premiers Rhinocéros , comme M. Thomas Ta fait connaître [Bull.,
Soc. géol, , t. XXIV, p. 235); le type Palœotherium domine alors,
il est caractéristique. — Un peu plus haut, dans le calcaire
d’AIbi, apparaît le type Anchüherium (d’après des débris
d ’Anch. Radegondense, Gerv., qui appartiennent au Muséum de
Paris). — Puis, le type Anthracotherium se montre ensuite, mais
encore associé dans les mollasses inférieures de l’Agenais à des
représentants du type paléothérien en décroissance ( Paloplothe -
rium de Villebramar, etc.), et au type nouveau des vrais rumi-
nants cervidés (Dremotherium), comme dans les calcaires du Puy-
en-Velay ou dans la Nebraska. — Le type paléothérien a disparu
tout à fait, que les grands Anthracotherium subsistent encore,
à Bonrepos (Haute-Garonne), comme dans les sables de l’Or-
léanais, où ils sont associés aux Dinothérium et aux Mastodontes ,
qui se trouvent en masse, à l’époque de Sansan et de Simorre
sur les pentes des Pyrénées.
Ces associations, à certains moments et par certaines es-
pèces, de types génériques qui en définitive se sont remplacés
et supplantés tout à fait, ne sont pas la confusion des faunes ;
tout au contraire. Et il me paraîtrait aussi peu conforme à la
réalité des faits, de dire que les Palœotheriums de la Grave, les
Anthracotheriums et les Rhinocéros de Moissac et les Lophiodon
d’issel appartiennent à la même assise, que de dire que ces
types génériques appartiennent en propre, et exclusivement,
chacun à un étage spécial en dehors duquel ils ne pourraient
pas se rencontrer.
La distribution stratigraphique des fossiles dans les terrains
que je viens d’étudier amène à de tout autres conclusions, et je
l’ai résumée, telle que je la conçois, dans le Tableau synopti-
que (pages 1016 et 1017), dont tous les synchronismes de dé-
tail ne me paraissent pas d’ailleurs hors de contestation, et
dont les grandes lignes de séparation en étages me semblent
à moi-même, d’après tout ce que j’ai dit, un peu artificielles.
En comprenant comme je le fais, les calcaires lacustres de
Cahors et de Cordes, quel que soit leur niveau exact, dans le
miocène inférieur (oligocène moyen), il n’y a pas de très-grands
changements à apporter à la coloration ' (violette) que la carte
NOTE DE M. TOURNOUER.
1019
géologique de France a donnée à la surface des terrains d’eau
douce du sud-ouest. Cependant, il faut colorier comme éocène
toute labande extérieure est et sud-est du hassin (sables ferrifères
et terrains à Palœotherium),e n y comprenant Albi, Castres, Cas-
telnaudary et le bassin supérieur de l’Ariége. Dans les bassins
de la Gironde, Dordogne, Dropt, Lot et Aveyron, ces terrains
sont recouverts par l’assise précédente (calcaire supérieur du
Périgord). Cependant, ils y affleurent encore dans le fond et
sur le bord des vallées, près du calcaire grossier de Blaye et
près des sables ou argiles ferrifères.
En réponse à M. Tournouër qui cite comme se rapportant
au genre Chœromorus,!’ Anthracotherium minimumde Hautes-Vi-
gnes, M. Édouard Lartet fait remarquer que Cuvier avait eu
parfaitement raison de classer cet animal dans le genre An-
thmcotherium. La découverte récemment faite par M. Filhol,
à Dieupentale (Haute- Garonnb), d’une portion de maxillaire
supérieur, rapportable à cette espèce, ne laisse plus aucun
doute à cet égard.
M. Éd. Lartet saisit cette occasion pour rappeler que
M. le docteur Pucheran, a, de son côté, trouvé, il y a quel-
ques années, dans le gisement de Hautes- Vignes, une dent
de vrai ruminant.
En ce qui touche l’association, dans les mêmes gisements,
de différentes espèces de Rhinocéros avec des restes & An-
thracotherium et de Palœotherium , ce qui a déjà été démontré
à propos des découvertes faites en 1866, par M. Delfortrie,
dans le calcaire à Astéries de la Gironde, M. Éd. Lartet rap-
pelle également que la communication faite le 4 février
1867, à la Société géologique, par M. Ph. Thomas , établit
de la manière la plus évidente que dans le gisement éocène
de Montans (Tarn), des pièces bien caractéristiques d’un
Rhinocéros [R. Brivatensis ? Brav.) se sont trouvées associées
non-seulement avec des restes de paléothériens, mais en-
core avec des dents d’une grande espèce de Lophiodon (Z.
Lautricense ), ce qui semblerait faire remonter l’apparition
des Rhinocéros à une époque bien plus ancienne qu’on ne
l’avait supposé jusqu’à présent.
M. Paul Gervais constate que les nouvelles observations de
1020
SÉANCE DU 21 JUIN.
M. Tournouër se trouvent en parfait accord avec celles que
M. Aymard a faites dans le bassin du Puy-en-Velay où les
Paloplotherium occupent un niveau supérieur à celui des
grands Palœotheriums.
Dans cette même région, à Bournooncle Saint-Pierre,
M. Bravard avait signalé l'association d'un Rhinocéros {R.
Brivatensis ) avec des Paléothériums.
NOTE ADDITIONNELLE.
(Communication faite à la séance du 4 avril 1870) (1).
fît Depuis le dépôt du Mémoire qui précède, j’ai reçu du dépar-
tement de Lot-et-Garonne de nouveaux débris de vertébrés
fossiles, provenant des formations d’eau douce dont j’ai parlé
et qui présentent de l’intérêt à divers points de vue.
1° Du niveau inférieur du calcaire de Ladignac (n° 1), j’ai
îeçu un fragment du calcaire lacustre des Ondes (Communica-
tion de M. Lacroix), encaissant une mâchoire inférieure de
grand PalŒothsnum , probablement Pal. givundicum ? qui mon-
tre une double série continue de cinq molaires, à partir de l’a-
vant-dernière, et mesurant, pour ces cinq dents, 150 millimè-
tres de longueur (2).
2° Du niveau inférieur des mollasses de Tournon et du lieu
ditltier, où avait été trouvée par M. Combes la tête d’Anthra-
cotherium magnum dont j’ai parlé — une petite mâchoire du
(1) La Commission du Bulletin a décidé, dans sa séance du 9 mai 1870,
que cette Note additionnelle serait imprimée dans le tome XXVI, à la suite
de celle que M. Tournouër a présentée sur le même sujet, dans la séance
du 21 juin 1869. {Note du Secrétaire.)
(2) J ai reçu également une molaire inférieure droite, la 4e?, de ce même
Palœoth. girundicum du calcaire lacustre des Peyrades, près d’Eymet, sur
le Dropt (Dordogne), et quoique je ne puisse pas parler de visu de ce gise-
ment, je crois utile de donner ici cette indication. C’est à ce titre aussi que
je signalerai aux environs d’Eymet des calcaires lacustres fossilifères, rem-
plis d’empreintes et de moules de Limnœa longiscata ou L. ore-longo Pla -
norhis ambiguusl etc., et identiques aux calcaires voisins des Peyrières
près de Nojals. Il y a près d’Eymet, d’après M. Lacroix, les deux calcaires
in rieurs, n 1 et 2 , il serait très-intéressant de fixer rigoureusement le
niveau auquel appartiennent les fossiles.
NOTE DE M. TOURNOUER. 1021
Cœnotherium déjà signalé ( C . commune?), etunê prémolaire su-
périeure de Dremotherium.
3° Du niveau supérieur de ces mêmes mollasses, aux envi-
rons de Penne, un certain nombre de débris intéressants, sur
lesquels je demande la permission de m’arrêter un instant.
Ces débris, dont je suis encore redevable à M. de Bonal, ont
été recueillis par lui à la Milloque , commune de Hautefage
et aux environs de Comberatière, commune de Frespech, à
8 ou 10 kilomètres au sud de Penne, dans des argiles et des
tufs qui se trouvent dans la partie haute des mollasses qui for-
ment le flanc des vallons et au-dessous du plateau de calcaire
blanc, n° 4? qui les couronne. D’après l’examen que j’ai fait
avec l’assistance de M. Gaudry de ces divers débris, qui ont été
mis également sous les yeux de MM. E. Lartet et Gervais, je
puis y signaler les animaux suivants :
Carnassiers: Une petite molaire supérieure, remarquable par sa forme très-
comprimée et l’élévation de son talon. M. Gervais y ver-
rait peut-être une dent de Hyænodon (Comberatière) .
Les carnassiers sont d’ailleurs représentés à la Milloque,
d’après les témoignages qui me sont fournis, par des dents
certaines d ’Amphycion.
Rongeurs : Issiodoromys , sp. ( Palanœma , Pom.), représenté par la par-
tie antérieure d’une mandibule (Comberatière) .
Pachydermes : Anthracotherium minimum , Cuv., représenté par une fort
jolie pièce sur laquelle je reviendrai tout à l’heure (la Mil-
loque) .
Palœochœrus major ? Une dernière molaire inférieure gauche,
dans un fragment de mandibule (Comberatière).
P. suillus. Une avant-dernière molaire supérieure droite
(Comberatière) .
Cœnotherium (C. commune?). Plusieurs dents et fragments
de mâchoire (la Milloque et Comberatière) .
Ruminants : Dremotherium ? ou du moins, petits Cervidés, souvent cités
par M. Noulet dans les mollasses du pays toulousain, et se
rapportant à un genre voisin du Dremotherium., représenté
ici, comme à Bourg-de-Visa, par de nombreux os longs,
astragales, etc. , par des dents isolées et par une mandibule
presque entière du côté gauche, possédant la série continue
de ses six molaires (3 + B) et le commencement de la barre
qui précède la première prémolaire (la Milloque).
Sauriens : Crocodile ( Diplocynodus Ratelii, Pom?), représenté par de
nombreuses dents, plaques dermales, os des membres et
fragments du museau (la Milloque et Comberatière).
Ghéloniens : Ptychogaster , Pom? nombreuses plaques. ( ibid .).
1022
SÉANCE DU 21 JUIN 1809.
Avec ces débris de vertébrés, on rencontre dans les deux gi-
sements, beaucoup de moules intérieurs, spécifiquement indé-
terminables pour moi jusqu’à présent, d’une Unio d’une petite
espèce, plus petite que VU. Lacazei , Noul. — et à laMilloque,
d’une espèce abondante de Melanopsis que je crois pouvoir rap-
porter comme celle du calcaire blanc d’Agen et de Bourg-de-
Visa, à la M. callosa , Braun.
La plus intéressante de ces pièces, à cause de son état de
conservation, est peut-être celle qui se rapporte, incontesta-
blement, à YAnthracotherium minimum de Cuvier, type que
MM. Lartet et Gervais sont maintenant d’accord pour restituer
au genre Anthracotherium. Cette pièce complète heureusement
la pièce type de Hautes-Vignes. Elle consiste en effet en une
bonne partie de la mâchoire inférieure. La branche droite est
presque entière, avec une portion notable de la symphise et la
partie antérieure de la branche gauche. La branche droite
montre une série dentaire continue, mesurant 0,09Qm., com-
posée des sept molaires (3 4-4) et d’un fragment de la canine,
au-devant de laquelle le museau est malheureusement brisé.
Les trois arrière-molaires sont identiques à celles de Hautes-
Vignes; les quatre prémolaires, déjà connues isolément, je
crois, mais non en série, sont bien dans le type anthracothé-
rien. La quatrième et la troisième sont contiguës ; mais la
deuxième est séparée de la canine par une très-petite barre de
4 millimètres environ. Les trois dernières prémolaires sont bi-
radiculées; la première n’a qu’une racine. La deuxième est
comprimée, triangulaire, à bords tranchants ; et la première
(en mauvais état) devait être au contraire conique, à peu près
de l’épaisseur de la canine qui, à en juger par la racine, était
faible et implantée obliquement. Le museau est étroit; l’os
maxillaire est proportionnellement assez robuste, lisse, sans
aucune protubérance.
Le niveau stratigraphique auquel toutes ces pièces ont été
trouvées, semble être, d’après les renseignements précis que
l’on m’a donnés et la connaissance générale que j’ai du pays,
tout à fait le même que celui de Hautes-Vignes, et il paraît être
le même aussi, à quelques mètres près, que celui des grès et
mollasses supérieures de Penne. (Voir la communication pré-
cédente), où j’ai signalé de nombreux moules d' Hélix Ramondi,
Hel. aginensis (oxystoma ?) , Cyciostomaelegans antiquum , etc.
Paléontologiquement , si l’on compare la petite liste ci-des-
sus aux indications que j’ai précédemment données sur les
NOTE DE JW. GRIJNER.
1023
mammifères trouvés à un niveau inférieur dans les mollasses de
Villebramar, de Tournon et de Moissac, on saisit facilement
entre les faunes de ces deux niveaux quelques différences qui
paraissent être en relation avec leur différence d’altitude. Les
Cœnotherium , les Dvemotheriuml sont communs aux deux ni-
veaux. Mais jusqu’à présent, YAnthracother. minimum (1) et les
Palœochœrus appartiennent au niveau supérieur, très-rappro-
ché des calcaires ou des grès à Hel. Ramondi , et jusqu’à pré-
sent aussi, VAnthracoth. magnum , YElotherium, les Paloplothe -
rium et les Bothriodon n’ont été trouvés que dans la partie infé-
rieure ou tout au plus moyenne des mollasses de l’Agenais,
séparés du niveau supérieur, ainsi que je l’ai dit par l’interca-
lation des meulières de Monbahus, etc.
Si l’on peut en juger par le petit nombre des espèces recon-
nues, la faune du niveau supérieur rappelle plus sensible-
ment celle des mollasses de la Lomagne et du pays toulousain
(gisements de Dieupentale, de Beaumont, dePechbonnieu, etc.),
et par conséquent, celle des gisements de l’Ailier et de la Li-
magne d’Auvergne; et la faune du niveau inférieur rappelle da-
vantage au contraire celle de la Haute-Loire et du Puy-en-
Velay.
Je suis disposé à croire cependant que la faune des « cal-
caires marneux deRonzon, » près duPuy, a un caractère encore
un peu plus ancien, et que ces calcaires pourraient être mis
au niveau des calcaires de Mauvezin, c’est-à-dire tout au plus
au niveau du « calcaire de Brie » si même ils ne devaient être
descendus plus bas, plutôt qu’à celui des mollasses de Ville-
bramar, équivalent probable des sables de Fontainebleau.
Note sur un vieux bois d'étai de la mine de Littry ( Calvados ) ;
par M. Grüner.
Dans une partie abandonnée de la mine de houille de Littry,
on vient de découvrir quelques vieux étais, dont l’âge remonte
à cent ans.
(1) Je dois dire que j’ai reçu des environs d’Eymet (Dordogne), deuxdents
(une molaire et une prémolaire supérieure^) d 'Anthrac. minimum , trouvées
dans les «sables qui surmontent les marnes calcaires » du petit coteau de
Sainte-Marthe; par conséquent, peut-être, autant que je puis en juger, à un
horizon plus bas que celui des gisements de la vallée du Lot. C’est un point
à vérifier.
1024
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Ces bois sont en quelque sorte transformés en lignite. Un
échantillon m’a été remis, par notre confrère M. Lacretelle, de
la part de M. Tarnier, directeur de la mine.
Le bois a conservé sa structure ligneuse; c’est du chêne,
mais il est devenu brun foncé, presque noir; la cassure trans-
versale, d’un beau noirde jais, est parfaitement conchoïdale et
offre l’éclat vif des plus beaux lignites.
Dans la cassure longitudinale on constate également, entre
les fibres noires et ternes, des parties noires éclatantes, en
veinules minces, qui sont aussi allongées comme les fibres.
Le bois brûle à la façon des lignites, avec flamme blanche
longue, sans aucune déformation du résidu charbonneux.
La densité du bois est considérable ; j’ai trouvé 1,38, tandis
que celle des lignites proprement dit dépasse rarement 1,27;
et pourtant la proportion des cendres est plutôt moindre que
celle du bois non altéré; elle est à peine de 1/2 pour 100; la
couleur de ces cendres est le blanc rosé pâle.
Soumis à la distillation, en vase clos, le bois a donné :
Matières volatiles. . . . 42,6
Charbon pulvérulent. . . 57,4
100,0
C’est une proportion de charbon qui se rapproche plutôt de
celle des houilles sèches à longue flamme (55 à 60 pour 100)
que de celle des lignites proprement dits, qui est de 45 à
55 pour 100.
On voit donc qu’un séjour de cent ans, dans le sein de la
terre, a sulü pour transformer le bois en une substance voisine
des lignites ou des houilles sèches à longue flamme.
Je n ai pu savoir, a une façon précise, dans quelle situation
s est trouvé le bois en question; mais il est évident qu’il n’a
pas dû être immergé, sans cela la proportion de cendres eût
notablement augmenté, et qu’il n’a pas davantage pu se trouver
dans une atmosphère oxygénée , car elle eût amené sa destruction
lente. Le bois a dû être plongé dans ce mélange irrespirable
d azote et d’acide carbonique, que l’on rencontre toujours dans
les galeries des houillères dont l’air n’est pas renouvelé.
M. Delesse fait la communication suivante :
NOTE DE M. DELESSE.
1025
Lithologie des Mers de l’ancien monde ; par M. Delesse.
L'étude des dépôts qui se forment dans le fond des mers ac-
tuelles présente un grand intérêt pour la géologie, car elle
permet de restaurer parla pensée les mers des époques anté-
rieures et elle fait connaître par le présent le passé de notre
globe.
La plupart des mers de l'ancien monde ont été explorées par
de nombreux sondages qui donnent leur profondeur ainsi que
la nature de leur fond ; par suite, il était possible d’y continuer
les recherches de lithologie que j’avais entreprises d’abord sur
les mers baignant les côtes de France (1). La méthode quej’ai
suivie est la même que précédemment, et les résultats obte-
nus sont résumés par une carte que je viens soumettre au ju-
gement de la Société.
Partant des données fournies parles sondages des ingénieurs
hydrographes, on a d’abord figuré l’orographie sous-marine à
l’aide de courbes horizontales et d’après la méthode de Buache.
Puis l’on a cherché à séparer, autant que possible, les roches
de l’époque actuelle d'avec celles des époques antérieures.
Les premières consistent presque exclusivement en dépôts
meubles, tandis que les roches pierreuses et déjà consolidées
ne reçoivent pas de dépôts et appartiennent aux secondes.
Sans avoir égard à l’âge de ces roches, l’on a donné la même
couleur à toutes celles qui présentent le même caractère litho-
logique. Il devient alors très-facile de voir comment elles sont
réparties sur les vastes surfaces qui s’étendent au fond des
mers et de connaître les lois de leur distribution; on parvient
même à saisir les rapports géologiques qui relient les dépôts
actuels et les roches sous-marines avec les terrains émergeant
dans leur voisinage.
Résumons brièvement les principaux résultats obtenus dans
quelques mers de l’ancien monde.
La mer d’Aral est d’un intérêt spécial, parce qu’elle a été bien
étudiée par la marine russe et parce qu’elle offre à l’époque
actuelle l’exemple d’un grand lac salé.
Sa profondeur est faible, car ses parois sont la continuation
des plaines de steppes qui l'entourent; elle reste surtout bien
(1) Comptes rendus : Mers de France et mers britanniques ; avril 1867 et
1868, 1er semestre, t. LXVI, no 9.
Soc. gêol.y 2e série, tome XXVI,
65
1026 SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
inférieure à celle des petits lacs qui sont encaissés dans les
montagnes, tels que les lacs des Alpes. Le sable forme une
bordure le long du rivage; cette bordure devient particulière-
ment très-large sur la côte orientale qui est basse et reçoit les
principaux cours d’eau. Mais c’est la vase qui occupe les deux
tiers de la surface de la mer d’Aral ; elle remplit ses parties les
plus profondes dans lesquelles le mouvement des eaux doit
naturellement se ralentir. Les mollusques ne se sont dévelop-
pés avec quelque abondance que dans la partie orientale et sur
des fonds de sable ayant moins de 25 mètres d’eau. On voit
très-bien par la mer d’Aral avec quelle inégalité ils peuvent
être répartis.
La Caspienne présente une mer intérieure et peu salée ; de
même que la mer d’Aral, elle a été parfaitement explorée par
la marine russe. Sa profondeur est en rapport avec le relief de
ses côtes; ainsi, dans sa partie nord elle devient remarquable-
ment faible, à cause des steppes qui l’entourent et des fleuves
puissants, comme le Volga, qui tendent sans cesse à en opérer
le comblement. Ces fleuves coulent sur des terrains éminem-
ment sableux, comme le permien et le trias, en sorte qu’ils en-
sablent toute cette partie nord ; on peut même estimer que le
sable couvre environ la moitié du fond de la Caspienne. Quant
à la vase, elle se dépose dans le sud, c’est-à-dire dans la partie
la plus profonde. Les mollusques de la Caspienne se dévelop-
pent suivant des zones qui s’éloignent de l’embouchure des
fleuves ou bien même y sont interrompues; ils prospèrent sur-
tout sur les fonds de sable et ne descendent guère au-dessous
de 50 mètres.
La mer Noire est encore peu connue. Relativement à son oro-
graphie on peut observer qu’elle présente la forme d’un en-
tonnoir et que sa partie méridionale est, en même temps, la
plus abrupte et la plus profonde. Le sable n’y occupe qu’une
petite surface; cependant au nord-ouest où la mer Noire reçoit
le Danube et d’autres grands fleuves, le sable s’est accumulé le
long du rivage suivant une zone qui atteint 60 kilomètres de
largeur. Les dépôts coquilliers y sont très-peu étendus ; il faut
l’attribuer à ce que ses eaux sont peu salées et ses bords géné-
ralement escarpés. Ces dépôts se tiennent du reste à distance
des embouchures des fleuves et s’observent surtout sur des
fonds de sable.
La Méditerranée présente deux grandes régions qui sont sé-
parées par l’Italie, la Sicile et les hauts fonds qui la réunissent
NOTE DE M. DELESSE.
1027
à la Tunisie. Sa région orientale est la plus étendue et la plus
profonde. Gomme dans les mers précédentes, c’est vers le sud
que sa profondeur est la plus grande; elle est au contraire très-
faible dans l’Adriatique.
La vase remplit surtout la Méditerranée, circonstance qui
s’explique facilement, puisque cette mer n’est pas sujette aux
marées et que son bassin est très-profond.
Le sable forme généralement une bordure le long des riva-
ges; mais il disparaît ou devient rudimentaire au pied des
côtes montagneuses. A l’embouchure de PÈbre, du Rhône, du
Pô et du Nil, ses dépôts recouvrent au contraire des surfaces
assez étendues. Il entoure les îles, particulièrement la Corse,
la Sardaigne, Chypre, les Baléares. Il atteint un développement
exceptionnel sur la côte qui longe les régences de Tunis et de
Tripoli; en effet, cette côte s’incline lentement sous la mer en
formant une vaste terrasse qui est recouverte de sable; et,
dans le golfe de Gabès notamment, le sable s’éloigne jusqu’à
plus de 200 kilomètres du rivage.
Dans la Méditerranée, des roches sous-marines se rencon-
trent au voisinage des côtes, particulièrement lorsqu’elles sont
montagneuses. Quant à l’argile, elle occupe de grandes surfa-
ces dans l’Archipel, dans le golfe de Syrie, au sud et à l’ouest
de Malte, dans l’Adriatique, autour de l’Italie, autour des Ba-
léares et à l’est de l’Espagne.
Bien que la Méditerranée soit habitée par une nombreuse
population de mollusques, les dépôts riches en débris de co-
quilles n’y couvrent pas de vastes étendues, circonstance qui
tient vraisemblablement à ce que ses bords sont généralement
escarpés.
La Baltique est une mer intérieure très-peu profonde, lors-
qu’on la compare aux mers qui se trouvent au sud de l’Europe.
Des roches constituent une partie notable du fond de la Balti-
que, spécialement le long de la Suède et de la Finlande, ainsi
que dans le golfe de Livonie. Dans l’archipel d’Aland, elles ac-
cusent même une réunion sous-marine de roches granitiques
qui constituent les presqu’îles de Stockholm et de Finlande.
De l’argile se rencontre dans presque toute la Baltique occiden-
tale dans laquelle elle occupe même de très-grandes surfaces.
Elle doit sans doute être attribuée à des affleurements sous-
marins des couches argileuses ou schisteuses du terrain silu-
rien, car ce terrain est très-développé sur les rivages voisins,
particulièrement en Suède et en Russie. Des galets tonnent
1028
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
aussi des zones discontinues qui paraissent orientées à peu
près parallèlement à la côte de Suède. Leur profondeur
moyenne est environ de 50 mètres, et, vers le Nord, elle de-
vient môme bien supérieure, en sorte que la mer ne saurait les
déplacer maintenant. Ils indiquent donc un dépôt meuble an-
térieur à l’époque actuelle et probablement un ancien rivage
de la Baltique.
La vase remplit plusieurs bassins distincts ; elle suit à dis-
tance les découpures des côtes, se retirant autour des îles.
Elle remplit les parties centrales de la Baltique et du golfe de
Bothnie, mais pas toujours les plus profondes.
Le sable forme de larges bordures sur les rivages de la Bal-
tique; il occupe aussi de vastes surfaces sous-marines, parti-
culièrement sur les côtes de Poméranie et de Courlande , dans
les golfes de Livonie et de Finlande, dans l’archipel d’Aland et
dans le golfe de Bothnie. L’abondance du sable dans la Balti-
que peut être attribuée à ce que cette mer est peu profonde,
à ce qu’elle reçoit de nombreuses rivières torrentielles qui sont
fréquemment grossies par des fontes de neige et qui descen-
dent de la Finlande ou des Alpes Scandinaves après avoir couru
sur des roches granitiques; elle tient surtout à ce que les fleu-
ves de la Scandinavie, de la Russie et du nord de l’Allemagne
qui s’y déversent coulent dans des bassins hydrographiques
recouverts par le diluvium du nord de l’Europe qui est essen-
tiellement sableux. Quant aux mollusques, ils sont rares dans
la Baltique à cause de la salure extrêmement faible de ses eaux.
Passons maintenant dans l’Océan, en laissant de côté les
mers de France et des Iles Britanniques qui ont déjà été étu-
diées précédemment.
L’Océan est très-profond le long de la péninsule Ibérique et
à petite distance de ses bords. Des roches sous-marines indi-
quent la continuation de celles qui forment la côte. La pénin-
sule est d’ailleurs contournée par une plage de sable ayant peu
de largeur, à laquelle succède de la vase qui devient très-cal-
caire par les grandes profondeurs.
Dans la mer du Nord ainsi que dans l’Océan Glacial, des ro-
ches sous-mannes bordent les fiords et les archipels de la
Norvège et de la Laponie. Des zones d’argile très- étendues
longent une partie de la Norvège et doivent sans doute être
attribuées à l’affleurement de schistes paléozoïques.
La vase s’y rencontre surtout au voisinage de roches argi-
leuses et alors elle peut provenir de leur destruction.
NOTE DE M. DELESSE.
1029
Le sable domine sur les terrasses sous-marines qui bordent
la Scandinavie et le nord de l’Europe, ainsi que les Feroë et l’Is-
lande; mais il se rencontre aussi par de grandes profondeurs,
en sorte qu’il occupe des surfaces extrêmement vastes dans
l’Océan atlantique européen.
La mer Blanche nous offre encore une mer intérieure qu’un
large détroit met en communication avec l’océan Glacial. Le
trait le plus saillant de son orographie est une profondeur
beaucoup plus grande dans sa partie nord-ouest et dans le
golfe de Randalaks qu’en son milieu etvers l’Océan. Les golfes
allongés de la Dwina et de Randalaks se trouvent d’ailleurs
dans le prolongement l’un de l’autre et correspondent à une
dépression sous-marine importante, puisqu’elle est très-accu-
sée et parallèle à la Dwina ainsi qu’aux principales rivières de
ces régions.
Les sondages ont fait reconnaître des roches près des bords
de la mer Blanche, particulièrement à son entrée dans le golfe
de Mezen et aussi dans celui d’Onéga; ces roches indiquent
même une réunion de la presqu’île de Laponie à la terre
ferme.
Le sable occupe dévastés surfaces à l’entrée de l'océan Gla-
cial ; mais dans la mer Blanche, il borde seulement les rivages
et c’est la vase qui en recouvre presque enlièrement le fond.
Son extension tient sans doute à ce que la mer Blanche, par
suite de son orographie, joue le rôle d’un bassin de décanta-
tion à l’égard des eaux troubles qu’elle reçoit en grande abon-
dance, surtout au moment de la fonte des neiges; elle tient en
outre à ce que la glace qui la recouvre une partie de l’année
contribue encore à faciliter le dépôt de la vase.
Les dépôts coquilliers sont très-limités dans la mer Blanche,
probablement à cause des eaux douces et limoneuses qui s’y
déversent; toutefois ils deviennent très-abondants sur les sa-
bles à l’entrée de l’océan Glacial. On voit donc que les mollus-
ques pullulent et prennent encore un grand développement
sous des latitudes très-septentrionales et jusqu’au delà du
cercle polaire.
L’étude des mers intérieures de l’ancien monde révèle des
caractères généraux et bien saillants dans leur orographie
ainsi que dans leur lithologie. D’abord, leur profondeur est
faible au nord et augmente vers le sud ; en outre les fleuves les
plus importants qui s’y déversent viennent surtout du côté du
nord. Ces caractères se retrouvent bien marqués dans la Cas-
1 030
SÉANCE DU 21 JUIN 1869,
pienne, dans le golfe Persique, dans la mer d’Azof, dans la
mer Noire, dans la Baltique, dans l’Adriatique et enfin dans la
Méditerranée.
Maintenant la Baltique, la Caspienne, l’Adriatique présen-
tent entre elles des analogies frappantes, car toutes trois ont
une salure moindre que celle de l’Océan; elles reçoivent une
multitude de rivières et de fleuves qui, descendus des princi-
paux massifs montagneux de l’Europe, transportent beaucoup
de débris; par suite, leurs bassins, déjà moins profonds que
ceux des autres mers, tendent k se combler plus rapidement;
elles sont surtout remarquables par la grande étendue de leurs
dépôts sableux.
La mer Noire, la Méditerranée, la mer Blanche offrent au
contraire des caractères lithologiques entièrement différents,
puisque la vase y domine beaucoup et que les dépôts sableux
s’y réduisent à une petite étendue.
M. Pisani présente à la Société un fragment d’aérolithe
tombé le 22 niai dernier à Cleguerec, près Napoléonville.
. fi donne quelques détails sur les circonstances de cette
chute et décrit les caractères de cette météorite.
M. Yirlet appelle l’attention de ses confrères sur la dé-
couverte nouvellement faite de traces microscopiques de
végétaux dans les roches considérées comme éruptives; Il
ne doüte pas, poür sa part, quë lës découvertes de ce genre
ne se multiplient avec lë temps et qu’on ne revienile sur lés
idées généralement répandues aujourd’hui au sujet de l’o-
rigine des roches dites éruptives. Ces roches sont, pour la
plupart, des roches métamorphiques.
M. Delesse fait remarquer que, tant que les débris végé-
taux découverts dans les roches eruptives seront de dimen-
sions microscopiques, il sera bien difficile d’y voir un ar-
gument décisif en faveur des idées de M. Yirlet, car il se
pourrait qu en raison de leur extrême petitesse ces cor-
puscules eussent pu pénétrer dans les pores de la roche,
postérieurement à sa formation.
Le Secrétaire
communique la
lettre suivante deM. Ébray:
NOTE DE M. ÉBRAY
1031
Sujets d'étude dans le département de la Haute-Loire;
par M. Ébray.
Le profil géologique du chemin de fer de Brioqde à Lango-
gne, m’a conduit à constater qu’il existait encore dans la
Haute-Loire des phénomènes très-utiles à étudier.
Je les signale aux membres qui pourront se rendre à la
réunion extraordinaire du Puy.
Diluvium séparant deux périodes d'éruptions basaltiques.
Entre Langeac et Langogne, on constate que le basalte est
toujours séparé du gneiss par un diluvium quelquefois assez
épais. Ce diluvium est composé de sables et d’argiles conte-
nant des equisetums et d’un dépôt à gros éléments roulés, com-
posé de gneiss, de quartzites et de basaltes.
Sur quelques points fort rares, ce diluvium parait reposer
sur d’autres massifs qui appartiendraient alors à des émissions
plus anciennes.
Jusqu’à Prades, ce diluvium se tient à quelques mètres au-
dessus de l’étiage de l’Ailier; en amont de Prades, il remonte
considérablement; on le rencontre sur plusieurs points à
50 mètres et plus, au-dessus de l’étiage.
Transversalement, il a une forte inclinaison et remonte
presque jusqu’aux sommets.
L’étude des allures de ce poudingue permet d’établir l’oro-
graphie de la contrée à l'époque des éruptions volcaniques ;
elle démontre qu’à cette époque, l’orographie ne différait pas
beaucoup de l’orographie actuelle, puisque les faîtes qui sépa-
rent la Loire de F Ailier (altitude de 1,000 à 1,500), sont de
gneiss. Sur quelques points, les accumulations de basaltes ont
surélevé les sommités.
La hauteur variable de ce poudingue au-dessus de l’éüage,
fait supposer que l’Ailier a creusé son lit en amont de Moms-
tral, tandis qu’il est resté à peu près stationnaire en aval.
L’inclinaison transversale du poudingue incohérent et aqui-
fère favorise les énormes projections dont a déjà parlé
M. Burat.
1032
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Roches éruptives anciennes.
De Langeac à Monistral, on rencontre le gneiss et des schistes
argileux, ayant de l’analogie avec la partie inférieure des
schistes carbonifères du Beaujolais.
Us sont traversés par quelques filons d’une roche granitoïde
qui me paraît être de l’âge de la syénite des Arnas ou du por-
phyre granitoïde.
Cette dernière roche prend un grand développement au nord
de Monistral; elle est traversée à son tour par des filons qui
fournissent de très-bons matériaux de construction et que les
entrepreneurs prennent pour un grès. Quand les filons sont
minces, elle devient un granulite; plus forts, elle peut être as-
similée minéralogiquement à un porphyre quartzifère.
En approchant d’Alleyras, la roche éruptive à gros cristaux
d’orthose, se charge de plus en plus de filons de granulite, et
bientôt cette dernière roche domine; elle devient massive et
elle passe vers le centre du massif à un granité à petits grains,
comme au Nouveau-Monde.
Les allures cependant conduisent à l’assimiler au porphyre
quartzifère, puisqu’elle est plus récente que le porphyre à gros
cristaux d’orthose traversant les gneiss et les schistes ar-
gileux.
RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ.
1033
Compte des recettes et dépenses effectuées pendant Vannée 1868
pour la Société géologique de France , présenté par M. Éd.
Collomb, trésorier.
RECETTE
DESIGNATION
des
chapitres
de la recette.
§ 1. Produits or-
dinaires des ré-
ceptions
§ 2. Produits extr.
§ 3. Produit des
publications. . .
§ 4. Capitaux pla-
cés
Sh
o>
TlJ
«
§ 5. Recettes di-
•verses.
§ 6. Solde de 1867
NATURE DES RECETTES.
113
14
i
16
17
18
Droit d’entrée et de diplôme
{ de Patin, courante
Cotisations j des années précéd
( anticipées. . . .
Colisations une fois payées. .
Bulletin
Table des vingt lers vol., 2e sér
Mémoires
Histoire des progrès de la géol
Arrérages de rentes 3 %• • •
Arrérages d’obiigitions. . . .
Allocation du Ministre de Pin
struction publique pour les
pnblicalions de la Sociélé.
S uscriptiou du Ministre aux
Mémoires
Recette extraordinaire relative
au Bulletin
Recette extraordinaire relative
aux Mémoires. .
Lover de la Sociélé météorolog
Recettes imprévues
Total de la recette. . . .
Reliquat au 31 décembre 1867.
Total de la recette prévue pour
1868
RECETTES
prévues
au budget
de 1868.
RECETTES
effectuées
en 1868.
AUGMENTA-
TION.
DIMINUTION.
600
»
680
»
80
»
»
»
8.500
»
8,945
D
445
»
D
))
2,000
»
2.680
»
680
»
>
»
300
»
255
»
»
»
45
»
900
>
1,800
y>
900
))
»
))
1,200
»
1,064
»
»
»
136
)>
100
>
132
»
32
»
))
»
800
»
582
60
»
»
217
40
100
))
231
70
131
70
»
))
1,870
j>
1,870
n
>
))
»
»
585
»
585
»
»
»
»
))
1,000
»
1,000
>
D
»
»
M
1,200
»
1,200
»
»
S
D
»
100
»
150
>
»
»
J)
»
>
»
11
»
»
»
D
»
400
»
400
»
))
D
800
»
600
J)
»
D
200
»
20,455
694
»
65
22, 175
694
30
65
2, 268 70
598
40
21,149
65
22, 869
95
COMPARAISON.
La’recette présumée était de 21,149 65
La recette effectuée est de 22,869 95
11 y a augmentation de recette de 1,720 30
1034
SÉANCE Dü M JUIN 1869.
DÉPENSE
DÉPENSES
prévues
au budget
de 1868.
DÉPENSES
effectuées
eu 1868.
AUGMENTA-
TION.
1,800 0
1,800 »
» y>
300 »
300 »
» »
400 »
400 »
» y>
1/000 >
1,062 50
62 50
2, 850 »
2, 866 05
16 05
800 »
600 »
» »
500 »
462 95
y> 9
250 5
233 15
» »
2Ô0 »
288 30
38 30
100 '»
91 50
» »
20 »
13 95
» »
175 »
155 »
» »
375 1
582 70
207 70
9, 000 »
9,543 25
543 25
700 >
609 »
)) J>
2,000 »
1,949 85
> »
* »
900 »
900 b
* *
» »
» »
200 i
200 »
» y>
20,720 »
22,058 20
1,767 80
DESIGNATION
des
chapitres
de la dépense.
CO
O
1
9
§ 1. Personnel. . ^ 3
§ 2, Frais de lo- i 5
gement. . . . . < g
} 7
t 8
§ 3. Frais de bu- 1 9
reau. ••••«• iq
§ 4. Magasin, . .
§ 5. Publications.!
r
6. Placement de ( J7
capitaux )
NATURE DES DÉPENSES.
■ Agent
traitement -é -,
travaux extraordinaires
indemnité de logement
. et gratification. . . .
Garçon de bureau, ses gages et
gratification
Loyer, contributions, assuranc.
Loyer, rueBonaparte, 1867, 1868
Chauffage et éclairage
Dépenses diverses.
Ports de lettres. . ’
! Impression d’avis et circulaires!
Change et retour des mandats.
Mobilier , . . .
, Bibliothèque. — Reliure,’ port!
Bulletin. j p“Pression’ Planch.
Mémoires.— Impression, papier
et planches ■
Placement de cotisations à Vie!
Dépenses imprévues
Pension à l’anc. garçon de bur.
DIMINUTION
» »
» »
» »
» 3)
» >
200 3)
87 05
16 85
9 9
8 59
6 05
20
»
»
91
»
» 1
»
»
50 15
» »
» »
» »
429 60
COMPARAISON.
La dépense présumée était de. . . .
La dépense effectuée est de , . .
Il y a augmentation de dépense de.
, 20,720 »
22,058 20
1,338 20
RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1868.
La recette totale était de. .
22,869 95
Et la dépense totale étant de 22,058 20
Il reste en caisse audit jour. ......
811 75
RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ, 1035
MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYEES ET DES
PLACEMENTS DE CAPITAUX, EXERCICE 1868.
NOMBRE
DE
COTISATIONS
VALEURS
Recette ! antérieurement au 1er janvier 1868. .
180
53,908 55*
/ pendant l’année 1868. . . . . .
6
1 ,800 ))
Totaux
186
55, 708 55
Legs Roberton
12,000 »
Donation de M. Dollfus-Ausseî
10 ,000 »
Total des capitaux encaissés. . .
• • •
77,708 55
PLACEMENT.
fr.
0.
fr.
c.
1,870
» Rentes 3 0/0 et frais de mutation
4 1/2 en 3 0/0
47,669
25
585
» Intérêts de 39 obligations de che-
mins de fer, achetées antérieure-
ment au 1er, janvier 1868. . .
00
CO
75
45
» Achat en 18 68 de 3 obligations de
chemins de fer
900
)J
375
» Achat en 1868 de 25 obligations
Ouest avec portion des 10,000 fr.
donnés par M. Dollfus-Ausset. .
8 ,186
24
24
2, S 7 5 » — Excédant de la recette sur la dépense.
9, 604 31
MOUVEMENT DES ENTREES ET DES SORTIES DES MEMBRES
AU 31 DÉCEMBRE 1868.
Au 31 décembre 1807, le nombre des membres inscrits sur les listes
olficielles s’élevait à 528, dont :
393 membres payant cotisation annuelle. . . •
! 35 membres à vie 'f
Les réceptions du 1er janvier au 31 décembre 1868 ont été de
Total. * . r . . .
A déduire pour cause de décès, démissions et radiations . .
Le nombre des membres inscrits sur les registres, au 31 dé-
cembre 1868, s’élève à
528
44
572
13
559
Savoir :
419 membres payant cotisation annuelle,
140 membres à vie.
1030
SÉANCE DU 21 JUIN 1869.
Le Secrétaire donne lecture au nom de M. le marquis de
Roys du rapport de la Commission de comptabilité sur la
gestion du trésorier pendant l'exercice 1868.
Rapport de la Commission de comptabilité sur les comptes du Tré-
sorier pour r exercice 1868; par M. le marquis de Roys,
rapporteur.
Messieurs,
Dans le rapport que nous avions eu l’honneur de vous pré-
senter sur les comptes de l’exercice 1867, nous avions eu le
regret d avoir à vous signaler de fâcheuses diminutions dans
les recettes, et si les dépenses paraissaient offrir des diminu-
tions considérables et maintenaient ainsi un excédant notable
de recette, cela tenait à ce que des dépenses n’avaient pu être
réglées, et devaient former une charge pour l'exercice suivant.
Nous avons aujourd hui le bonheur de vous annoncer que
grâces, en grande partie, au zèle et à l’activité de notre tréso-
rier, cette situation inquiétante ne nous menace plus et que
notre situation financière est en voie de prospérité.
Nous n arrêterons point votre attention sur les recettes et
dépenses fixes, si ce n’est pour signaler une augmentation
dans les dépenses pour une pension de 200 francs votée par
la Société pour notre ancien garçon de bureau, Prosper, pen-
sion qui était bien due à ses longs services. Nous devons aussi
vous signaler le loyer de la salle ou nous nous réunissons,
loyer qui n’est point une charge de plus pour la Société, puis-
qu’il est compensé par le revenu annuel du don si généreux
de 10,000 francs que nous devons à notre excellent collègue
M. Dollfus-Ausset. Ce placement, dont les arrérages figureront
dans les comptes de l'exercice 1869, compensera le défaut
d emploi des cotisations une fois payées qui, depuis quatre
ans, ont dû servir à solder l’accroissement de nos dépenses
Nous en exprimions le regret dans le rapport sur l’exercice
4867. Ajoutons que cependant le nombre des cotisations uni-
ques ayant été doublé cette année, notre trésorier s’est hâté de
placer 900 francs, dont les revenus augmenteront à l’avenir le
chiffre de nos recettes fixes.
RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 1037
I. — Recettes et dépenses peu importantes par leur chiffre.
Les recettes de cette nature sont en quelque sorte acciden-
telles et ne peuvent être l’objet d’un contrôle. Quant aux dé-
penses portées dans les comptes sous les nÜS 9, 10, 11 et 12,
elles sont demeurées, cette année, au-dessous des prévisions
du budget de la somme de 7 fr. 05, et il a fallu une stricte
économie et une grande surveillance pour obtenir ce résultat,
car les chiffres du budget avaient été abaissés autant que pos-
sible.
Longtemps on avait compris le mobilier et la bibliothèque
dans cette division. Les mesures adoptées pour la bibliothèque
ont nécessité une dépense de 582 fr. 70, savoir, une augmen-
tation de 207 fr. 70, bien peu atténuée par une diminution de
20 francs sur le mobilier. Il est bien à désirer que la Société
puisse affecter, à l’avenir, une somme plus considérable à son
importante bibliothèque.
II. — Recettes principales.
Nous nous affligions, l’année dernière, de la diminution con-
sidérable que nous avions subie, surtout en considérant que le
nombre des membres nouveaux s’était notablement accru et
que les droits d’entrée et de diplôme prévus pour 500 francs en
avaient produit 720. Toutes les autres recettes étaient demeu-
rées fort au-dessous des évaluations du budget. Ainsi le nom-
bre des membres payant la cotisation annuelle étant de 367 au
1er janvier, ils auraient dû verser 11,010 francs, et ils n’en ont
acquitté que 7,423 fr. 75. Malgré ce chiffre, notre trésorier n’a
pas craint d’augmenter la prévision du budget précédent et de
la porter à 8,500 francs au lieu de 8,350. L’événement, lui a
donné raison. Il a été reçu 8,945 francs, plus de 1,500 francs
au-dessus de la recette de l’année précédente. Les cotisations
arriérées ont produit 2,680 francs, excédant de 680 francs la
prévision du budget et de 930 francs la recette de l’année pré-
cédente. Il y a bien eu une diminution de 45 francs sur les co-
tisations anticipées, mais les droits d’entrée ont encore pro-
duit 680 francs, et les cotisations une fois payées ont doublé
la prévision de 900 francs, ce qui a permis d’augmenter nos
1038
SÉANCE DU 21 JUIN 1869
placements, La vente du Bulletin, prévue pour 1 ,200 francs,
n’a produit que 1,064 francs, mais ce déficit a été plus que
compensé par une recette extraordinaire de 150 francs et la
vente de la table des matières des vingt premiers volumes, qui
a produit 132 francs. -Mais les augmentations les plus notables
ont eu lieu pour la vente des mémoires, prévue pour 800,
qui s’est élevée à 1,782 fr. 60. La vente de V Histoire des progrès
de la géologie a aussi plus que doublé et a produit 231 fr. 70 au
lieu des 100 francs prévus. Aussi, grâce à une recette impré-
vue de 600 francs, la totalité des recettes qui, d’après les pré-
visions du budget, devait s’élever à 21,149 fr. 65, s’est élevée
en réalité à 22,175 fr. 30; augmentation : 1,025 fr. 65.
III. — Dépenses principales.
Une assez grande partie des dépenses du Bulletin avait dû
êtreajournée en 1867 sur l’exercice suivant ; aussi notre trésorier
avait-il cru devoir porter au budget une somme de 9,000 francs.
Cette prévision s’est encore trouvée insufisante. La dépense
s’est élevée à 9,543 fr. 25; augmentation loin d’être compensée
par 91 francs de diminution sur les frais de port. Nous nous
féliciterons toujours de voir le Bulletin prendre plus de déve-
loppement, car c’est là véritablement la vie de la Société, et
malgré laproxilité de queIquescommunications,dontles auteurs
auraient dû prendre le temps d’être plus courts, il est généra-
lement d’un grand intérêt. Les mémoires pour lesquels le bud-
get avait prévu 2j000;fr. en ont coûté l,949jfr. 85.
Ainsi la totalité des dépenses que les prévisions du budget
portaient à 20,720 francs, s’est élevée en réalité à 22,058 fr. 20,
avec une augmentation de 1,338 fp. 20, dont, 900 francs, comme
nous l’avons dit, sont entrés dans les capitaux de la Société.
Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit l’année der-
nière sur les tristes circonstances qui ont empêché nos tréso-
riers depuis quatre ans, de placer les cotisations à vie. Nous
savons aussi combien notre trésorier a fait de démarches, en-
voyé de circulaires pour faire rentrer les cotisations arriérées,
et quoique cet arriéré s’élève à plus de 8,000 francs, nous
regardons comme un grand succès d’avoir pu faire rentrer
2,680 francs. Espérons que parmi les membres qui négligent
le payement annuel de leur cotisation, il s’en trouvera desor*
RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 1039
mais un plus grand nombre qui comprendront enfin qu’il y a
là réellement un manque de probité.
IV. — Résumé et conclusions.
La recette de l’exercice 1868 a été de .22,175 30
Le reliquat en caisse au 31 décembre 1867
était de 694 65
Total de la recette 22,869 95
La dépense de l’exercice 1868 étant de 22,058 20
Il reste en caisse au 31 décembre 1868 811 75
Depuis assez longtemps nous n’avions point vu un exercice
se solder dans des conditions aussi favorables. Nous vous pro-
poserons donc, messieurs, d’approuver les comptes du tréso-
rier et de lui voter des remercîments.
t
Marquis de Roys,
rapporteur.
J. Marcou.
Edm. Pellat.
A la suite de ce rapport, des remercîments sont votés par
acclamation au Trésorier.
REUNION EXTRAORDINAIRE
AU PUY-EN-VELAY
(haute-loire) ,
(Du 12 au 18 septembre 1869).
Les membres delà Société géologique répondant aveo
empressement à l’aimable appel de leurs confrères de la
Société académique du Puy, se sont assemblés en réunion
extraordinaire au chef-lieu delà Haute-Loire.
Étaient présents :
MM.
MM.
Berthon (l’abbé).
Marion.
Billy (de).
Meugy.
Collomb.
Moreau.
Damour.
Morel de Glasville.
Danglure.
Morière.
Delauoüe.
Munier (Achille).
Fabre,
Rames.
Fréminville (de).
Sa porta (comte de).
Gaudry.
Sauvage.
Grüner.
Serre (comte de) .
Guyerdet.
Tardy.
Larévellière-Lépeaux,
Tournai.
Lartet (Louis).
Tournouër.
Laurent.
Uxeloup de Rosemond.
Lecoq.
Vallet (l’abbé).
Levallois.
Vinay, maire du Puy.
Lory.
Un nombre considérable de personnes étrangères à la
Société ont assisté aux réunions et ont accompagné les
membres durant leurs excursions.
Soc. géol ., 2e série, t. XXVi.
66
1042
SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1869.
Nous citerons :
- MM.
Aymard, vice-président de la Société
académique du Puy.
Boissonnade (l'abbé), professeur au
petit séminaire de Chirac (Lozère).
Brive (de), président de la Société
académique du Puy.
Chassaing, juge au Puy.
Chateauneuf (de) .
Lafayette (de).
Giard, élève de l’École normale su-
périeure.
Gillet-Paris, ingénieur civil.
Giron (Aimé), avocat au Puy.
Grellet (Félix).
Hedde.
MM.
Jacotin.
Jungfleiscb, professeur agrégé à l’É-
cole supérieure de pharmacie de
Paris.
Langlois (Dr).
Laval (F.).
Le Blanc (Paul).
Ludon-Vigé.
Mac-Pherson.
Nicolas.
Robert (Félix), conservateur du mu-
sée.
Tournaire , ingénieur en chef des
mines.
Villaguet (Dr).
SÉANCE D’OUVERTURE
DIMANCHE 12 SSEPTEMBRE.
Les membres présents au Puy se sont réunis à 2 heures
dans une des salles du musée Crozatier, élégamment parée
et mise gracieusement à la disposition de la Société.
M. le Président de Billy, assisté de MM. Collomb et Louis
Lartet, déclare la session extraordinaire ouverte et prend
la parole pour remercier vivement, au nom de tous les
membres présents, la Commission du Puy, dont l’aimable
accueil a profondément touché les géologues réunis en
cette ville. Il prie M. le maire Vinay d’accepter particuliè-
ment l’expression de cette reconnaissance envers lui et en-
vers la ville dont il est le représentant.
On procède à l’élection du bureau définitif pour la durée
de la session.
Sont nommés :
Président , à l’unanimité, M. Vinay, maire du Puy.
Vice-présidents : MM. Lecoq et Lory.
Secrétaires : MM. Rames et Marion.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1043
M. de Billy, avant de quitter le fauteuil de la présidence,
regrette que les membres de la Société n’aient pu appeler
au bureau un plus grand nombre de géologues résidants.
Les règlements s’opposent malheureusement à cette dé-
marche ; du moins est-il possible de prier MM. de Brive,
Aymard, Félix Robert, Chassaing et Aimé Giron, de venir
prendre place auprès des membres titulaires.
Le nouveau bureau étant définitivement constitué,
M. Vinay, président de la réunion extraordinaire, remercie
ses collègues qui ont voulu, dit-il, honorer en lui la ville
qui leur offre une si gracieuse hospitalité.-
M. le Président soumet à l’approbation le programme
des excursions projetées pour les sept premières journées.
Ce programme, après acceptation, sera imprimé et dis-
tribué à tous les membres. Le bureau restera chargé, s’il y
a lieu, de la détermination plus exacte des courses subsé-
quentes.
BASSINS DU PUY ET DE LA LOIRE.
DIMANCHE, 12 SEPTEMBRE.
Après la séance d’ouverture, visite à trois heures du soir des dykes volca-
niques de Saint-Michel et de Corneille.
A huit heures et demie du soir, Séance publique au Musée.
LUNDI, 13 SEPTEMBRE.
Départ à pied, à sept heures du matin, de la place du Breuil. Visite à Ronzon
(calcaires marneux, fossiles miocènes), au Riou-Pezouliou (gemmes), à
Ceyssac (dyke). A dix heures et demie, déjeuner dans les grottes de Ceyssac.
Visite à Cormaü (marnes gypseuses), à Denise (cratère, brèches, fentes à
ossements de mammifères, gisement de l’homme fossile), à la Croix de
la Paille (coulée à colonnade basaltique, dite les orgues d’Espaly), à Saint-
Marcel (collection de M. Pichot-Dumazel). Rentrée au Puy à cinq heures.
A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée.
MARDI, 14 SEPTEMBRE.
Départ en voiture à sept heures du matin de la place du Breuil. Montredon
(brèches boueuses, sables), La Chartreuse (grès), Corsac (collection de
M. Vinay).
1044
SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1869.
A dix heures, déjeuner offert par M. Vinay, maire du Puy, président de
la session extraordinaire de 1869.
Brive (grès, marnes bigarrées, brèches, filons basaltiques), Fay-la-Triol-
leyre (argiles), Blavozy (grès), Mercœur (trachytes), La Voûte-sur- Loire,
Saint-Simon, Peyredeyre (granité rose à grains fins). — A six heures, re-
tour au Puy.
A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée.
MERCREDI, 15 SEPTEMBRE.
Départ en voiture à sept heures du matin de la place du Breuil. La Ma -
louteyre (brèches volcaniques à ossements de mammifères), Polignac (brè-
ches volcaniques), Roche-Limagne (brèches volcaniques à géodes d’arago-
nite), Cussac (marnes bigarrées, alluvions volcaniques et ossements de
mammifères). A dix heures et demie, déjeuner.
Sdtihac (grands cerfs), Violette (mastodontes), Ceyssaguet (bœufs, che-
vaux, chiens). Au retour : Cheyrac (cratère de brèches à géodes d’arago-
nite. — A six heures, rentrée au Puy.
A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée.
JEUDI, 16 SEPTEMBRE.
Départ en voiture, à septheures du matin, de la placedu Breuil. Vallée de la
Gagne , la Roche-Rouge (dike), Couteaux et YHerm (terrain de transport à
galets, renfermant des coquilles marines de l’étage oolithique), plateau du
Mont. A onze heures, déjeuner au Monastier.
Sucs de Breysse (cratères à scories et pouzzolanes). A Freycenet-la-Cuche,
renvoi des voitures et ascension aux Edables (débris de calcaire à gryphées
arquées dont le gisement est à rechercher). Coucher dans ce village et à la,
maison forestière du Mezenc.
VENDREDI, 17 SEPTEMBRE.
A trois heures du matin, lever et ascension du Mezenc (phonolithes, tra
chytes). Déjeuner à dix heures.
Descente au lac de Saint-Front et à la Chalm-du-Pin où l’on retrouve! a
les voitures. A Bouisoulet , chaîne du Mégal (phonolithes et trachytes), la
Pradette (trachytes), Peylenc (tuf et basaltes, grottes et silex taillés). Retour
au Puy.
A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée.
Le reste de la journée étant consacré à la visite du mont
Saint-Michel et du rocher Corneille, la séance est levée à
trois heures.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AC PUT. 1045
PREMIÈRE SÉANCE
DIMANCHE 12 SEPTEMBRE
; t
La séance s'ouvre à sept heures et demie du soir, dans la
salle du musée Crozatier.
Le procès-verbal de la séance d'ouverture est lu et
adopté.
M. le président Vinay prie M. Aymard de rendre compte
de la visite qui vient d'être faite aux rochers Saint-Michel
et Corneille.
Cette première promenade inaugure d’une manière char-
mante les courses proposées à la Société. Les membres ont
parcouru les abords de la ville du Puy, sous la direction du sa-
vant M. Aymard, qui maintes fois a bien voulu, dans d’impor-
tantes digressions, exposer les intéressantes particularités ar-
chéologiques aitachées aux localités qu’il connaît si bien.
Du reste, M. Aymard s’est longuement occupé de l’étude
scientifique des rochers Saint-Michel et Corneille au point de
vue spécial de leur formation et de leur disposition actuelle.
Ces dykesy si remarquables sous plusieurs rapports et dont
l’aspect singulier imprime à la ville du Puy un caractère des
plus pittoresques , avaient été diversement interprétés par les
géologues anciens.
Dès le début, M. Aymard s’est trouvé en face d’une théorie
consistant à considérer ces roches basaltiques comme s’étant
déposées au fond d’un lac, hypothèse que le savant géologue
du Puy croit devoir écarter.
Les membres de la Société géologique ont pu facilement
constater les diverses particularités de structure qui semblent
suffisantes pour certifier la nature purement éruptive de ce s
roches. Jamais aucun fossile n’a été rencontré dans leur sein ,
tandis que toutes les lignes de retrait semblent dénoter une
poussée verticale suivant laquelle se seraient disposées les di-
verses matières qui constituent ces dykes. Tous ces caractères
ne se retrouvent pas dans les formations plus récentes à élé-
léments volcaniques, et dans lesquelles les fossiles ne font plus
défaut.
M. Aymard croit reconnaître, en ces points, les restes de
1046
SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1869.
deux cheminées d’éruption qu’il serait inexact de croire iso-
lées et indépendantes, car elles se rattachent, d’après lui, à
diverses autres éruptions locales ayant donné naissance aux
dykes de Roche-Arnaud et Polignac.
Il est encore digne de remarque que ces diverses pointes (1)
soient orientées suivant une direction rectiligne qui semble
représenter une ancienne ligne de fracture dont le rôle n’au-
rait pas été sans importance dans la production de ce phéno-
mène.
M. Aymard, au pied du rocher de Saint-Michel, a décrit et
démontré les brèches basaltiques qui en constituent la masse.
Ces brèches renferment à profusion des fragments divers à
arêtes vives , dont les uns proviennent des granités et des
gneiss qui constituent la hase de toutes les formations du bas-
sin, et les autres de la matière basaltique elle-même. Il si-
gnale, en outre, la présence au sein de ces brèches de plu-
sieurs filons de basalte signifiant la seconde phase purement
ignée de J éruption, sans qu’il soit possible cependant de con-
sidérer les deux phénomènes comme non synchroniques, au
point de vue géologique.
En se rendant de Saint-Michel à Corneille, M. Aymard a attiré
1 attention des membres de la Société sur les marnes gypseuses
tertiaires qui entourent ces deux dykes, et qui ont été sou-
vent mises à jour par les constructions et même exploitées.
L ascension de Corneille a donné à M. Aymard l’occasion
d exposer de nouveaux arguments en faveur de l’opinion qu’il
a émise depuis longtemps, et que Faujas de Saint-Fond avait
laissé entrevoir. Divers membres, tout en constatant la direc-
tion verticale des fentes dans la masse basaltique, ont insisté
sur une sorte de stratification visible vers le sommet; le géo-
logue du Puy reconnaît là une disposition normale que les
masses en fusion ne pouvaient manquer de prendre en s’épan-
chant en dehors de leur point de sortie.
Du haut du rocher de Corneille, il a été possible de suivre
ies précieuses indications de M. Aymard, qui a expliqué d’une
manière scientifique le magnifique paysage qui se déroulait
tout autour.
Enfin, notre savant confrère expose les raisons qui l’ont dé-
terminé à admettre que ces roches plutoniques se sont fait
jour à travers les diverses couches lacustres éocènes et mio-
(1) Roche-Arnaud, Corneille, Saint-Michel, Polignac.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1047
cènes, à une époque où le bassin du Puy ne présentait pas en-
core le relief actuel, c’est-à-dire avant le creusement des
vallées.
M. le Président engage les membres de la Société à pré-
senter les observations qu’ils jugent convenables. *
M. Delanoüe se réserve d’exposer à la prochaine occa-
sion les objections qu’il croit devoir adresser à la théorie
deM. Aymard.
A son tour, M. Lory, tout en reconnaissant qu’il est à peu
près d’accord avecM. Aymard relativement aux faits précé-
demment décrits par lui, fait remarquer que le mot dyke est
ici employé d’une manière inaccoutumée pour désigner ces
divers rochers que la Société a visités.
Il serait peut-être rationnel de reconnaître dans ces for-
mations deux phases assez bien distinctes caractérisées par
l’arrivée des brèches à l’état boueux et par celle des ba-
saltes.
M. Lory insiste de nouveau sur ce fait que les produits se
sont épanchés de manière à simuler en quelques points une
stratification confuse.
Il serait prudent, dans tous les cas, de renvoyer à une
prochaine séance la discussion plus complète de ces ques-
tions, alors que les excursions projetées pourront facile-
ment conduire à une solution certaine.
M. Aymard compte sur l’examen prochain de la Roche-
Rouge pour faire partager ses opinions.
La suite de la discussion est ajournée.
M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Pichot-
Dumazel, qui invite les membres de la Société à visiter sa
remarquable collection paléontologique.
M. Pichot retenu chez lui par une indisposition, regrette
de ne pouvoir assister aux séances.
M. le Président remercie M. Pichot au nom de la Société,
et rappelle aux membres présents l’ordre du jour du lende-
main 13 septembre.
La séance est levée à neuf heures et demie.
1048
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 18G9.
DEUXIÈME SÉANCE.
LUNDI 13 SEPTEMBRE.
La séance est ouverte à huit heures et demie du soir dans
la salle du musée Crozatier, sous la présidence de M. Vinay.
Le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance
précédente, dont la rédaction est mise aux voix et
adoptée.
M. Lecoq, vice-président, prend la parole pour remercier
ses collègues de l’honneur qu’il lui ont fait en le nommant
à la vice-présidence malgré son absence. Il en attribue la
pensée à un sentiment de bienveillance envers l’Auvergne
dont il est le représentant. Il rappelle tous les liens d’ami-
tié et d’intérêt scientifique qui unissent toujours le Velay et
l’Auvergne.
Sur l’invitation de M. le Président, M. Louis Lartet rend
compte en ces termes des explorations faites par la Société
dans la journée :
Compte rendu de la course du lundi 13 septembre faite par les
membres de la Société géologique à Ronzon , à Ceyssac , à la De-
nise, à Espalg et à Saint-Marcel; par M. Louis Lartet.
Réunis à sept heures du matin sur la place du Breuil , les
membres de la Société se sont dirigés d’abord vers le plateau
de Ronzon en prenant la route des Capucins.
En montant la colline, on ne cessait d’admirer le paysage ac*
cidenté et pittoresque de la vallée de la Borne, dont chaque
pas élargissait le cadre. Du plateau de Ronzon, la vue était si
complète et si intéressante, que l’on a fait halte, d’un commun
accord, autant pour en jouir qu’afin d’attendre les retarda-
taires.
Les membres de la Société se sont alors groupés autour de
M. Félix Robert, qui, par des explications fort instructives, a
fait ressortir les caractères principaux de cette vue d’ensemble
que le croquis suivant reproduit dans ses traits essentiels.
RÉUNION EYTRAORDINAIRE AU PUT. 1049
Vue de la vallée de la borne, prise des hauteurs de ronzon.
A l’Ouest, se montrait d’abord la montagne de Denise avec
son cratère égueulé, flanqué des deux côtés, vers le Collet et
vers la Malouleyre, de brèches anciennes. En avant du cratère,
une coulée basaltique et prismée descendait comme un pro-
montoire rocheux vers le fond de la vallée. Au premier plan
et près du point où cette coulée atteint la Borne, se montrait
une butte de brèches anciennes, aux formes anguleuses et dé-
chiquetées ; c’était le rocher d’Espaly, célèbre à la fois par les
souvenirs historiques qui s’y rattachent et par les zircons que
l’on recueille dans son voisinage.
Directement au-dessus de cette butte, on aperçoit au loin le
rocher de Polignac, pareillement constitué par les brèches
anciennes, et le fond du tableau était occupé par des mon-
tagnes granitiques.
Un peu à droite du château de Polignac et derrière la col-
line qui court en s’abaissant de la Denise au Puy, apparais-
saient les brèches de Cheyrac., dont la forjne générale simule
un cratère et se prête admirablement aux idées de M. Robert,
qui en fait le centre d’émission des coulées boueuses auxquelles
seraient dues les brèches anciennes du voisinage. Enfin, à
l’est, le tableau se complétait heureusement par la vue de cet
obélisque de brèche ancienne sur le sommet duquel est per-
chée l’église de Saint-Michel, et par celle du rocher de même
nature qui sert de piédestal à la statue colossale de Notre-
î 050
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 18R9.
Dame-de-France, et au pied duquel s’étage la ville du Puyavec
sa magnifique basilique. Le fond du tableau était encore, de
ce côté, rempli par des collines de terrains lacustres et par les
montagnes granitiques qui séparent le bassin du Puy de celui
de l’Emblavès.
M. Robert a profité de la vue de ce beau panorama pour dé-
montrer le creusement graduel de la vallée du Puy. Les dé-
couvertes qu il a faites de galets roulés de phonolite et de ba-
salte sur les rochers de Polignac et de Corneille, tendraient à
prouver qu’à l’époque où coulaient les cours d’eau qui les ont
charriés , les rochers qne nous venons de mentionner étaient
enchâssés jusqu’à leur sommet dans les calcaires (1). Depuis le
dépôt de ces brèches, la vallée de la Borne aurait été soumise
à des érosions qui en aurait abaissé le thalweg, sans toutefois
atteindre d abord son fond actuel. C’est ce que prouve une
coulée de lave qui se dirige, à mi-coteau, delà Denise à Mont-
Redon. Enfin, à l’époque où le volcan de Denise a vomi ses
déjections , la vallée devait être presque aussi complètement
excavée que de nos jours, à en juger au moins par la coulée
de basalte de la Croix-de-Paille dont l’extrémité inférieure at-
teint le niveau de la Borne. De telle sorte que le cratère de De-
nise se rapporterait aux derniers phénomènes volcaniques dont
le Velay a été le théâtre.
Après cette halte , la Société s’est ralliée à son prési-
dent, qui lui a fait examiner les calcaires et marnes d’eau
douce de Ronzon, célébrés par leur faune si curieuse de
mammifères dont on doit principalement la connaissance à
M. Aymard. Les trouvailles de la Société se sont bornées à
quelques empreintes de cypris , de limnées et de planorbes qui
auraient d ailleurs suffi à établir le caractère lacustre de cette
formation. Il faut, en effet, des recherches persévérantes et
multipliées, comme celles des géologues du Puy, pour rassem-
bler les éléments d’une faune aussi complète que celle de
Ronzon. Cette faune, dontM. Aymard a donné une description
détaillée (2), semblé marquer l’aurore de d’époque miocène.
(1) Cette opinion est contraire à celle de Bertrand de Doue qui considé-
rait les brèches anciennes de Ceyssac, Espaly, Polignac, Cheyrac, etc.
comme des lambeaux d’un même dépôt aqueux déposé à diverses hauteurs1 2
alors que les vallées étaient aussi profondément creusées que de nos
jours.
(2) Session du Congrès scientifique tenue au Puy en 1855.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1051
En jetant les yeux sur les coupes qui accompagnent l’ou-
vrage de Bertrand de Doue sur la géologie du Velay, ouvrage
qui fut l’un des premiers et des meilleurs jalons de la géologie
positive en France, on voit en effet que les dépôts lacustres
de Ronzon reposent sur des marnes et des argiles gypsifères à
Palœotherium , ainsi que cela s’observe notamment à Cormail,
au pied de la Denise, dans le voisinage des carrières que la So-
ciété a eu l’occasion de visiter dans cette journée. Ces argiles
gypsifères semblent, par leur faune autant que par leurs analo-
gies minéralogiques, devoir se placer sur l’horizon des couches
à Palœotherium de Paris, d’Aix, d’Alais, de Villeneuve-la-Com-
tal, de Lautrec, de Sabarat, de La Grasse et du Fronsadais, et
correspondre exactement à l’éocène supérieur, époque pen-
dant laquelle se trouvaient éparpillés dans nos principaux bas-
sins une assez grande quantité de lacs qui laissaient déposer
du gypse et dont les bords étaient hantés par les Palœotherium .
A ce lac de la fin de l’époque éocène, aurait ainsi succédé
dans le bassin du Puy, presque sans interruption, le lac au
fond duquel se sont déposés les calcaires et les marnes de
Ronzon. Ces dépôts d’eau douce sont, en effet , caractérisés
par la faune miocène la plus ancienne que l’on connaisse et
pourraient correspondre, à ce titre, au calcaire à Astéries de
la Gironde, avec lequel ils offrent trois ou quatre espèces
communes.
La faune de Ronzon contient, d’après M. Aymard, de nom-
breux restes de mammifères, d’oiseaux, de reptiles, et, ce qui
est assez singulier, une seule espèce de poisson. Les animaux
invertébrés y sont représentés par quelques insectes, des crus-
tacés, des mollusques fluvatiles et lacustres ; enfin, on y trouve
des empreintes végétales et notamment des Chara. Cette faune
se retrouve d’ailleurs en d’autres points que Ronzon, tels que
Mathias, près Fay-le-Froid, Saint-Pierre-Aynac, etc.
Ce sont surtout les mammifères qui lui donnent de l’impor-
tance. Les insectivores, les rongeurs, les pachydermes et les
ruminants s’y trouvent représentés : ces derniers par le Gelocus
Aym.,qui paraît être l’un des premiers ruminants dans l’ordre
d’apparition. Les pachydermes à doigts pairs s’y montrent
sous la forme des Elotherium Pomel ( Entelodon Aymard) et
des Bothriodon Aymard (sous-genre des Anthracotherium) . R y
a aussi des Rhinocéros ( Rhonzotherium Aym.) et des paleothe-
riens différents des véritables Palœotheriums , et se rapportant
au genre Paloplotherium , qui remonte, comme on le sait, dans
1032
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1809,
le miocène inférieur. Enfin, 1 ’Hyœnodon et le Peratherium ,
dont M. Aymard a cru devoir faire un didelphe, achèvent de
donner à cette faune un caractère particulier qui ne permet
pas de la paralléliser avec celle du calcaire de Beauce et lui as-
signerait plutôt une position intermédiaire comme celle que
remplit par exemple, dans le bassin de Paris, la faune lacustre
des calcaires de Brie. Mais c’est seulement avec le calcaire à
Astéries de la Gironde, ainsi qu’avec les dépôts du Nebraska,
qui appartiennent au miocène le plus inférieur, que les cal-
caires de Ronzon offrent des analogies de faune bien marquées.
f quittant les marnes et les calcaires de Ronzon, la Société
s est dirigée vers Geyssac, coupant en ligne droite le plateau
basaltique au centre duquel s’élève le volcan du Groustet. On
est ainsi arrivé sur les bords du Riou-Pezzouliou , après avoir
constaté la position de certains lits de cailloux roulés qui sé-
parent le calcaire lacustre du basalte dont il est recouvert.
Le Riou-Pezzouliou est un ruisseau bien connu des minéralo-
gistes : c’est dans son lit que les enfants du village d’Espaly
vont, depuis bien des années, recueillir les zircons qu’ils ven-
dent à quelques marchands de minéraux, et qui vont alimen-
ter les collections de minéralogie ainsi que les laboratoires de
chimie (1). Avec les zircons, les enfants d’Espaly, pour qui
1 arrivée de la Société est une bonne fortune , viennent offrir
dans leuis sebiles des saphirs, des corindons, des grenats et
autres gemmes constamment associées dans les gisements de
cette nature. Pris d’une noble émulation , nos confrères
veulent, à leur tour, trouver des zircons, et les voilà, Président
en tête, qui remontent le lit du Riou-Pezzouliou en lavant les
sables dans les rares flaques d’eau que l’on y rencontre. On eût
assurément pris la Société, en ce moment-là, pour une bande
e chercheurs d’or remontant un des ruisseaux de la Sierra -
Nevada !
Les enfants qui nous accompagnaient finirent, moyennant
une légère prime et après quelques petites supercheries, par
nous faire découvrir des zircons en place dans le basalte.
(Juan nous disons en place , il est bien entendu que nous ne
prétendons nullement que le basalte soit le gisement primitif
e ces gemmes. Tout, au contraire, tend à faire croire qu’elles
(1) Ce gisement paraît s’épuiser un peu aujourd’hui; d’ailleurs, M. Ber-
trandde Loin a découvert dans la Haute-Loire d’autres gisements analogues
<1ont le plus riche se trouve sur le versant méridional du volcan du Coupet.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PÜY. 1053
ont été enlevées à des roches plus anciennes. Les fragments de
granité englobés dans les laves ainsi que dans les scories en
renferment fréquemment. D’ailleurs ces cristaux présentent
parfois des phénomènes de boursouflement et d’altération
comme les autres matières entraînées par la lave ; enfin on en
retrouve dans les brèches anciennes. Aussi MM. Bertrand de
Doue, Aymard, Bertrand de Lom, n’ont-ils pas hésité à consi-
dérer toutes ces gemmes comme des cristaux arrachés à des
formations anciennes, notamment aux roches granitiques.
En achevant l’ascension du plateau, on a pu constater l’ori-
gine basaltique de la terre végétale qui le recouvre ; c’est au
milieu de ces débris volcaniques plus ou moins désagrégés
et décomposés, que les eaux atmosphériques prennent les
sables gemmifères qu’elles amènent au Riou-Pezzouliou.
Parvenus au faîte, nous apercevions déjà le rocher pitto-
resque de Ceyssac qui surgit au fond du vallon du même nom,
dont il s’isole par des abruptes presque verticaux au pied des-
quels nous fûmes bientôt parvenus.
En gravissant les pentes qui conduisent au sommet de ce ro-
cher, on a pu constater que les brèches anciennes qui le con-
stituent offraient des traces manifestes de stratification. C’est
ce qu’avait déjà très-positivement indiqué Bertrand de Doue(l).
Ce fait a frappé tous les membres de la Société, et il en est ré-
sulté une discussion au sujet de l’origine directement éruptive
que les géologues du Puy attribuent à ces brèches, contraire
ment à l’origine de Bertrand de Doue, quiles regardait comme
des lambeaux d’un dépôt lacustre, et à celles de quelques-uns
de nos confrères qui n’y voient qu’un dépôt sub-atmosphé-
rique de déjections volcaniques plus ou moins incohérentes.
Quelques membres de la Société se sont alors rendus, sous la
direction de MM. Tournaire et de Saporta, sur les bords du
ruisseau qui passe à Ceyssac et, remontant de quelques cen-
taines de pas ce cours d’eau, sont arrivés en face d’escarpe-
ments formés par des marnes feuilletées qui ont conservé de
nombreuses empreintes végétales. Ce dépôt paraît postérieur à
l’époque miocène, et M. de Saporta, qui en a étudié la flore,
voudra bien, je l’espère, nous édifier sur son âge ainsi que sur
ses véritables caractères.
Revenus au sommet du rocher de Ceyssac, nous y trouvons
un déjeuner organisé par nos hôtes du Puy dans une des an-
(i) Deur, yéogn. des environs du Puy-en-VeJay , p. ISO.
1054 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869.
ciennes grottes creusées dans le roc , et sur lesquelles M. Ay-
mard veut bien nous fournir de précieux renseignements
archéologiques. On comprendra que je doive glisser rapide-
ment sur cette partie de la journée qui n’a cependant été ni
la moins animée ni la moins agréable ; mais ce que je ne sau-
rais oublier, à moins d’être ingrat, c’est de me faire ici l’écho
de mes confrères, et d’offrir à MM. Vinay, Ghassaing et Giron
nos remercîments les plus vifs pour l’empressement et la
grâce parfaite qu’ils mettent à pratiquer envers nous les vertus
hospitalières de leur beau pays.
En descendant du rocher de Ceyssac, les membres de la So-
ciété se sont dirigés vers la Borne qu’ils ont traversée, et ont
été visiter les carrières de Cormail où l’on exploite le gypse et
où se montrent, au-dessus des marnes sans fossile, les assises
gypseuses à Palœotherium , ainsi que les calcaires miocènes qui
les recouvrent. Cormail est au pied de la montagne de Denise,
dont on a fait bientôt après l’ascension.
Parvenue à la route de Brioude au Puy, la Société s’est trou-
vée en face d’escarpements de brèches anciennes , assez sem-
blables à celles de Ceyssac, où quelques personnes ont de
nouveau remarqué des indices de stratification.
M. Aymard, soutenant que ces brèches provenaient de cou-
lées boueuses, a cherché un appui dans le passage insensible
qu’offrirait près de là, avec elles , un filon de basalte qui les
traverse. Nous avons dû, à cet égard, nous séparer d’avis avec
notre savant confrère du Puy , ne pouvant admettre, pas plus
pour les filons de la Denise que pour ceux du rocher Saint-
Michel, qu’il y eut véritable passage entre la roche basaltique
d’intrusion et les brèches qui les encaissent. M. Delanoüe a in-
sisté à son tour sur le caractère stratifié des dépôts de brèches
anciennes, et l’on est convenu, d’un commun accord, d’ajour-
ner la solution de cette question jusqu’à ce que la Société en
ait pu examiner tous les éléments. Ces brèches constituent
dans le voisinage des rochers très-pittoresques que l’on ne
manque pas de remarquer près du Collet, en se rendant de
Brioude au Puy, et qui portent la trace de longues dégrada-
tions.
Le croquis suivant, que nous en avions pris dans un voyage
précédent, peut en donner l’idée.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1055
ROCHERS DE BRÈCHES ANCIENNES AU COLLET, SUR LES FLANCS DE LA DENISE.
Elles fournissent une pierre de construction estimée que
l’on exploite sous le nom de pierre de Denise.
Quittant alors les brèches anciennes, la Société s’est rendue
sur l’emplacement où eut lieu, en 1844, la découverte d’osse-
ments humains dont l’antiquité paraît remonter au delà des
dernières éruptions volcaniques du Yelay. Les couches de tufs
au milieu desquelles ces ossements furent trouvés, paraissent
recouverts par des brèches que Bertrand de Doue a considé-
rées comme formant un lambeau déplacé de sa position pri-
mitive. D’après les géologues du Puy, ces tufs se seraient dé-
posés à divers niveaux sur les flancs de la montagne et
descendraient, comme la coulée de la Croix-de-Paille, presque
jusqu’au niveau actuel de la Borne dont la vallée était, par
conséquent, à peu près aussi excavée que de nos jours. Ce fait
rajeunirait les tufs à nodules de limonite et à ossements hu-
mains de la Denise , et tendrait à les reporter à l’époque à la-
quelle se sont déposées les alluvions quaternaires à Elephas
primigenius des berges de la Borne.
Après avoir quitté le gisement de l’homme fossile de Denise,
la Société est allée visiter les colonnades basaltiques de la
Croix-de-Paille , bien connues sous le nom d’Orgues-d’Espaly.
Peu de colonnades sont aussi régulières que celles de la Croix-
de-Paille, et l’on peut dire que toute la coulée , jusqu'à la
1056
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869,
Borne, a subi le retrait prismatique. Les prismes y sont géné-
ralement verticaux; en un certain point, cependant, ils sont
notablement inclinés et forment l’éventail. C’est de cet endroit
que la vallée de la Borne, avec ses rochers abruptes de brèches
anciennes, présente ses effets les plus bizarres et les plus sai-
sissants.
VüE DE LA VALLÉE DE LA BORNE, PRISE DES ORGUES DE LA CROIX DE PAILLE.
De la carrière, où les prismes sont verticaux et exploités
comme pierres de borne , on aperçoit le cratère de la Denise
avec ses contreforts de brèches anciennes, et ses pentes roides
couvertes de scories, de bombes et de Iapillis.
La Société devant terminer son excursion par la visite de la
collection de M. Pichot-Dumazel , force lui fut de s’arracher à
ces spectacles attachants pour descendre au hameau de Saint-
Marcel.
La collection de M. Pichot, sur laquelle M. Aymard a publié
il y quelques années un fort intéressant rapport, comprend,
outre de nombreux spécimens de roches et de minéraux du
pays, un très-grand nombre de fossiles tertiaires, parmi les-
quels on remarque surtout des ossements de mammifères.
Les calcaires de Ronzon s’y trouvent représentés par les dé-
bris d oiseaux, de reptiles, de poissons, de batraciens, etc.
Le gisement de Vialelte , qui paraît représenter le pliocène
inférieur, a fourni à M. Pichot de beaux restes de mastodontes
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1057
(Mastodon Borsoni et Mastodon Arvernensis , Croiz., déterminé par
Falconer, Syn, M. brevirostris , Gervais), celui de Sainzelle, des
ossements de Rhinocéros (R. Etruscus) (1) , enfin les gîtes de
Saint-Privat, de Solhilhac, ainsi que les alluvions quaternaires
de la Borne, ont aussi fourni leur contingent de fossiles se rap-
portant principalement aux éléphants, aux rhinocéros, aux
cerfs, aux bœufs, etc.
Mais les pièces les plus curieuses de cette intéressante col-
lection sont, sans contredit, les ossements humains provenant
du gisement récemment exploré par la Société. Ces pièces
sont au nombre de deux :
La première, dont personne n’a nié l’authenticité et qui fut
découverte avant toute autre, consiste en un frontal humain
portant des traces vagues d’incision et incrusté à l’intérieur de
minces couches de limonite superposées les unes aux autres
sur une épaisseur totale assez considérable. Ces concrétions
de limonite sont de même nature que celles qu’on avait pu
observer en place dans les tufs de la Denise.
FRONTAL HUMAIN TROUVÉ DANS LES TUFS VOLCANIQUES DE LA DENISE.
La seconde pièce, sur l’authenticité de laquelle son con-
sciencieux propriétaire conserve des doutes, consiste en un
(1) Déterminé par Falconer, le même que le R. mesotropus , Aym.
Soc. géol,y 2e série, tome XXVI, 67
1058
SÉA.NCE DU 13 SEPTEMBRE 1869.
bloc de tufs renfermant divers débris humains qui gardent,
pour la plupart , les relations articulaires du squelette, ce qui
semblerait devoir exclure toute idée de fraude, à moins d’ad-
mettre qu’elle vînt d’un anatomiste assez habile. C’est le pen-
dant du bloc du Musée, sur l’authenticité duquel on a tant dis-
cuté à l’époque où le congrès scientifique de France a tenu sa
session au Puy.
C’est par la trouvaille du frontal que débutèrent ces dé-
couvertes. Le sieur Àdscienard , qui l’avait trouvé dans sa
vigne, exécuta bientôt après des fouilles en présence de
M. Pichot ; mais ce ne fut qu’après le départ de ce savant,
qu’il prétendit avoir découvert les ossements humains qui
figurent dans le bloc du Musée, que l’on ne tarda pas à croire
contrefait. Ce fut avec un courage bien méritoire que les sa-
vants du Puy soutinrent la réalité de la découverte, à une
époque où l’idée de la haute antiquité de l’homme n’était pas
en faveur ; mais leur persévérance leur valut l’avantage de con-
vaincre la plupart de leurs premiers contradicteurs. Les hom-
mes de science se succédèrent au Puy dans cet intervalle, et
presque tous admirent la réalité du fait.
Aujourd’hui, par un singulier hasard , il ne reste plus guère
que M. Pichot, auquel on doit d’avoir donné l’éveil sur cette
découverte, qui conteste l’authenticité de ces débris; mais en-
core met-il hors de cause le frontal dont nous avons parlé.
C’est donc à cette pièce que l’on devrait s’attacher, et dans la
visite que la Société a faite à la collection de M. Pichot, il nous
a paru que le sentiment général des membres était favorable à
son authenticité.
Cela prouve donc, un peu tard il est vrai, que la cause des
géologues du Puy, qui ont des premiers osé affirmer l’ancien-
neté reculée de l’espèce humaine, est aujourd’hui définitive-
ment gagnée, et que l’apparition de l’homme a précédé l’extinc-
tion complète des phénomènes volcaniques dont le Velay a été
le théâtre.
M. le Président prie M. Gaudry de rendre compte des ob-
servations faites le môme jour, par quelques-uns des mem-
bres, sur les bords de la Borne.
M. Aymard a fait en effet remarquer en ce point quelques
particularités importantes, et principalement un talus attaqué
par les eaux de la rivière, et dont les couches, à éléments vol-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUV. «1059
caniques remaniés, semblent être une dépendance des assises
précédemment étudiées sur les flancs de la Denise. Ces alluvions
des bords de la Borne se rapportent manifestement à l’époque
quaternaire. M. Aymard y a recueilli des restes bien certains
( VUrsus spelœus. Sous sa conduite, quelques-uns de nos con-
frères ont pu même y récolter des os d’Éléphant, de Che-
val, etc. — Du reste, il a été possible de voir dans les collec-
tions deM. Pichot une molaire d 'EL primigenius provenant de
la même localité. A ce propos, M. Gaudry, rendant hommage
aux belles études des savants géologues du Puy et à leurs pa-
tientes recherches, expose la succession des diverses faunes
tertiaires dont la connaissance est due aux travaux de nos con-
frères du Velay.
M. le comte G. de Saporta attire de nouveau l’attention sur
les divers horizons du bassin tertiaire du Puy. Les couches
que l’on y rencontre ont fourni les restes de trois flores d’âges
bien différents, dont l’une, celle dite des arkoses , représente le
terme le plus ancien. Les calcaires marneux de Ronzon ren-
ferment de même divers végétaux fossiles très-intéressants.
Mais c’est surtout dans les environs de Céyssac que se trouvent
les restes végétaux les plus curieux. — Le terrain qui les ren-
’ ferme représente, dans les environs du Puy, les couches dites
pliocènes, et se rapproche à une époque à peine un peu plus
récente que celle des tufs de Meximieux. Grâce aux soins de
plusieurs géologues de la Haute-Loire, plusieurs espèces ont
pu être réunies. La collection de M. Aymard renferme, prove-
nant de cette localité, diverses espèces se rapportant aux
genres Cratœgus , Alnus , Quercus , Populus, Vaccinium , Potamo-
geton , etc. Mais l’étude de ces plantes mérite un examen at-
tentif que M. Aymard a bien voulu faciliter, et dont les résul-
tats présenteront sans doute un intérêt réel.
M. Marion présente quelques remarques sur les végétaux
fossiles des calcaires marneux .de Ronzon.
La formation géologique dont il est ici question peut être
sûrement déterminée comme se rapportant à cette époque cu-
rieuse, dite oligocène ou tongrienne, établissant une transition
remarquable entre les temps éocènes et ceux miocènes.
Les calcaires exploités dans les environs du Puy, à Ronzon,
se trouvent donc sur un horizon géologique peu distant de
1060
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1860.
celui des grès de Fontainebleau. Les végétaux dont se parait
à cette époque le sol européen ne sont encore que très-peu
connus. A peine trouve-t-on en France, dans le midi, quelques
couches des environs d ’Apt et de Saint-Zacharie fertiles en
plantes fossiles, dont l’étude a fourni à M. de Saporta les élé-
ments d’une étude importante. Il sera donc intéressant de pou-
voir examiner avec soin les diverses plantes fossiles que
MM. Aymard et Vinay ont patiemment recueillies. Les espèces
semblent peu nombreuses; à peine peut-on signaler, outre le
Quercus elœna , le Laurus primigenia , le Typha latissima, le Spar-
ganium stygium, dont les restes ont été rencontrés dans les di-
vers dépôts de même âge et plus anciens, dix espèces nou-
velles, spéciales au Velay jusqu A ce jour; ce sont :
Equisetum ronzonense (m.).
Centrolepis (Podostachys) Bureauana (m.).
Quercus velacina (m.).
Celtis latior(m.)>
Litsœa microphylla (m.).
Echitonium comans (m.).
Bumelia minuta (m.).
Myrsine embeliœformis (m.).
Mimosa Aymardi ( m.).
Ronzocarpon hians (m.).
Enfin, il est intéressant de signaler, à côté de ces espèces à
faciès franchement exotique et tropical, et qui seront décrites
avec détails, une espèce actuelle habitant encore le pourtour
de la Méditerranée. Il existe en effet dans la collection de
M. Aymard et dans celle de M. Vinay de nombreuses folioles
qu’il est impossible de distinguer de celles du Pistacia len-
tiscus actuel. Cette identité, à laquelle conduit l’étude minu-
tieuse de tous les caractères, revêt une importance particu-
lière à la suite de celles récemment proposées par M. Heer
pour des espèces miocènes qqe le savant professeur n’a pu dis-
tinguer de celles encore en vigueur.
Le Pistacia lentiscus est du reste une espèce actuellement en
voie de retrait, et à laquelle une température assez élevée est
nécessaire. L’examen comparatif des plantes fossiles de Ronzon
rend facilement manifestes les affinités habituelles avec les
flores actuelles africaines et asiatiques. La température
moyenne, qu’a dû exiger autrefois le développement de ces
végétaux, ne peut être fixée au-dessous de 23u c.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT.
1061
M. Tournouër communique la note suivante :
Sur les coquilles fossiles des calcaires d'eau douce des environs
du Puy-en-Velay ; par M. Tournouër.
Les calcaires lacustres des environs du Puy, qui sont si ri-
ches en débris de vertébrés, renferment aussi des traces nom-
breuses de Mollusques dont j’ai cherché à me rendre compte.
Malheureusement, la conservation insuffisante de ces fossiles
qui ne se présentent dans les calcaires qu’à l’état de moules
intérieurs ou d’empreintes, et dans les marnes plus friables
qu’avec le test écrasé, s’oppose souvent à leur détermination
rigoureuse ; et malgré la complaisance avec laquelle M. Ay-
mard m’a permis de consulter cette partie de ses précieuses
collections, malgré l’obligeance avec laquelle M. Vinay m’a
également communiqué ce qu’il possédait, je ne suis pas ar-
rivé à cet égard à la précision que j’aurais désirée. Quel qu’il
soit, je ne crois pas inutile cependant de donner ici le résultat
de l’étude que j’ai faite de ces fossiles, dont personne ne s’est
encore occupé jusqu’à présent.
D’après les renseignements que je dois à M. Aymard, il n’y au-
rait pas lieu de distinguer, pour ce qui est des Mollusques,
entre la faune des « marnes gypseuses » et celle des « calcaires
marneux » du Puy. Je n’ai pas pu faire d’observations person-
nelles assez distinctes à cet égard; l’attention doit être cepen-
dant appelée sur ce point; et dans la liste qui suit, j’ai noté,
autant que je l’ai pu, les divers gisements entre lesquels cette
petite faune se distribue, et qui sont : les calcaires marneux
jaunâtres inférieurs d’Espaly (au lieu dit le Paradis) ; les cal-
caires des fours à chaux de Ronzon; les couches de calcaire
marneux alternant à la partie supérieure avec des lits char-
bonneux, qui forment la petite falaise des Farges, où, je crois,
aucun mammifère n’a été encore signalé; et le calcaire sili-
ceux isolé des environs de Fay-le-Froid.
Hélix Corduensis, Noulet? ( ’vel . H. Ramondi, junior?)
L’Hélice en assez mauvais état que j’ai vue dans la collection de M. Ay-
mard, et que je rapporte avec quelque doute à l’if. Corduensis , a été
trouvée à Mathias, près de Fay-le-Froid, dans un calcaire siliceux qui n’a
pas offert d’autres fossiles à M. Aymard, et qui est indépendant des cal-
caires de Ronzon, peut être supérieur à ces calcaires.
1062
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869.
Aucune coquille terrestre n’a encore été trouvée à Ronzon.
VH. Corduensis appartient dans le S. O. de la France à la faune des
calcaires de Cordes (Tarn) et de Cieurac (Lut), que je mets sur l’horizon du
calcaire de Brie approximativement et peut-être au-dessus. VH. Ramondi ,
Brongn., qui dérive du même type (les moules d’une certaine taille des
deux espèces sont fort difficiles à distinguer) lui succède immédiatement.
Limnæa longiscata, Brong., et variétés.
L. pyramidalis , Brard.
Les moules et empreintes de Limnées que je rapporte à ces types de
Saint-Ouen et à leurs variétés sont très-communs dans le bassin du Puy.
dans les calcaires marneux d’Espaly, de Ronzon et aux Farges, où l’on
trouve aussi quelques tests écrasés. L’assimilation que je fais ne me laisse
pour ainsi dire aucun doute, et est aussi certaine pour moi qu’elle peut
1 être en 1 absence des coquilles elles-mêmes. Elle comprend diverses for-
mes qui me paiaissent rentrer toutes dans les variétés de ce type poly-
morphe, depuis les formes les plus aiguës et les plus turriculées, à dernier
tour très-petit, jusqu aux formes plus courtes et plus ovalaires, à dernier
tour aussi grand ou un peu plus grand que la spire. Ces L. longiscata du
Puy sont pour moi bien plus certaines que les prétendues longiscata, sou-
vent citées des calcaires d Aurillac (Cantal), d’après ce que j’ai vu du
moins de ces derniers calcaires.
J ai vu cependant dans la collection Aymard une Limnée mesurant plus
45 mill., et qui s’éloigne du type longiscata par son dernier tour deux
fois plus grand que la spire et tendant à se dilater comme dans les types
plus modernes.
Limnæa Briarensis, Desh . ? junior,
L. symetrica, Brard ?
Avec les Limnées du type précédent, on trouve dans les couches grises
friables du dépôt des Farges de très-petites formes qui certainement ne
sont pas les jeunes des autres, et qui se rapprochent des petits types que je
cite ici et peut-être des types fabulum ? junior ou même eylindrica ? Mal-
reusement, 1 état d écrasement de ces petites coquilles ne me permet pas de
me prononcer à leur égard avec quelque certitude.
Planorbis cornu, Brongn., var. PI. planatus, Noulet ohm.
vel P. solidus , Thomæ.
Les Planorbes que je rapporte à ce type sont communs surtout dans les
couches des Farges. Quelques échantillons atteignent 25 mill. et plus de
diamètre, et par leur face supérieure légèrement aplatie et leurs autres ca-
ractères, ne diffèrent pas des grands PI. planatus, Noul., des calcaires du
miocène inférieur ou de l’éocène supérieur du département du Tarn ; et
pas davantage de certains PI. sohdus , Thomæ, des calcaires miocènes de
l’Allemagne, d'Orléans et du S. O. de la France.
1063
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT.
PL. ANNULATUS, Bouillet.
Je crois pouvoir rapporter, au contraire, au Fl. annulatus, Bouill. (ca-
tal. des coq. foss. de l'Auvergne), espèce des calcaires marneux de Corent,
de Cournon, etc. , qui n’a pas été figurée, une forme qui se rapproche da-
vantage du PI. roiundatus de Saint-Ouen par le développement plus égal et
l’étroitesse de ses tours, mais dont le plus grand diamètre ne dépasse pas
12-14 millimètres.
Quelques Planorbes, plus petits encore, de la taille tout au plus du PI.
Prevostinus des meulières de Montmorency, mais qui s’en distinguent par
leurs tours plus serrés et plus ronds, ne sont peut-être que des jeunes de
V annulatus ?
Pl. planulatus, Desh.
PI. Bouilleti 3 nov. sp. [Pl. nitidus , Bouillet, non Muller).
Ces petits Planorbes, de la section des Segmentina , ne sont pas rares, le
second du moins, dans les calcaires à Limnœa longiscata d’Espaly ou de
Ronzon, et dans les couches friables des Farges. Quoique je n’aie vue que
des empreintes ou des échantillons écrasés de ces Planorbes, je crois pou-
voir affü mer la présence ici du Pl planulatus , qui est également associé à
Paris à la Limnœa longiscata ,
J’en détache, au contraire, le petit Planorbe aplati, le plus commun dans
les calcaires du Puy et aux Farges, et qui est celui que Bouillet [loc. cit .)
a eu en vue, et qu’il a cité expressément du Puy et de la base de la mon-
tagne de Gergovia, sous le nom de Pl. nitidus , comme semblable à l’espèce
vivante d’Europe ainsi dénommée. Mais cette assimilation est inexacte : le
petit Planorbe fossile du Puy se rapproche, il est vrai, de l’espèce vivante
de Müller par la petitesse de son ombilic, mais il en diffère par sa taille
plus grande, par une légère carène qui termine le dernier tour et par sa
face inférieure bombée au lieu d’être plane; je me crois donc autorisé à
lui donner le nom nouveau de Planorhis Bouilleti. Le Pl. Bouilleti se dis-
tingue à son tour du PL planulatus , Desh., par cette convexité inférieure
du dernier tour et par son ombilic beaucoup plus étroit. Je crois le re-
trouver dans les calcaires de Brunstatt en Alsace, qui sont probablement à
un niveau très-voisin de celui des calcaires du Puy, et dans les calcaires
marneux à Limnœa strigosa de Pantin et de Ville-Parisis, près de Paris. Je
crois en effet que le petit Planorbe que M. Deshayes a cité de ces marnes
de Pantin (t. II, suppl., pag. 753) sous le nom de planulatus , avec doute,
parce qu’il n’en connaissait pas la face inférieure, peut être rapproché plus
sûrement de celui du Puy et de l’Auvergne; il est, comme ce dernier, con-
vexe en dessous et étroitement ombiliqué, à en juger par quelques échan-
tillons que j’ai observés dans les calcaires de Ville-Parisis (du même ni-
veau que les marnes blanches de Pantin), où l’espèce est associé à Limnœa
strigosa , Bythinia plicata , Melanopsis , indét., etc.
Pl. spiruloidgs, Desh.??
J’inscris sous ce nom, uniquement pour donner une idée approximative
1064
SÉANCE DU 43 SEPTEMBRE 1869,
éteata„fe™'; “ Pf t$ P'an0rbeS dont les débris- mais “
Enfin r/ raresdans les couches des Farges notamment.
et belle esnèce ri E.°ter *ci un baf?ment de la partie inférieure d’une grande
très-g and e h v “J ‘eCtl°n Aymard’ à °mbilic lr^üt> à dernier tour
Wight. J gr0upe peut'étre du S^d «• dtanude l'île de
Vivipaba,... indét.
la.Suê^pMprts^ria^S0” Aymard) du bernent des Farges; de
Dlus maiQ f Paludtna aspersa , Michaud , BS millimètres et
grands vivinarn°rme+m°mS ramassée> Plus ovale> a «pire plus haute. Les
ne nuis ni I 80 T®?* d’une sP^ification tellement difficile que je
une de'psnè-o n„S à ,a Pariïe supérieure et feuil-
lüdet Bo nirn a- l™Sùcata et à Cyproides qui coupent le
neux de Ronzon. XpaUy ®‘ qm forment ,a base du système mar-
. b aspect de ces plaquettes couvertes d’empreintes de Bythinies (et de
XV7ZU7X!Cilla‘Um raPPeUe d’ab”d CekÜ des P'iettel lll
rinT/ d Arch’> deFresnes. près de Paris (niveau de la Limn. stngosa).
Cependant ces empreintes écrasées me paraissent dénoter une espèce diffé-
rnntôj généralement plus grande et ulns fnrfo a t
nomhrp na *7 , 8 6 et plus forte* a tours Moins ronds, au
ombre de 5-7, généralement aussi entière et non tronquée, et qui se rap-
proche peut-etre davantage, sauf ce dernier trait, du Byth. microstoma éo-
cene e suis porté à croire qu’elles constituent une espèce nouvelle 9 la
quelle ;e donnerais le nom de Bytkinio. AymnrM, s, de meilleurs ex ^ ,
res me confirment dans cette appréciation. exemptai-
Spiiærium, . . . indét.
Très-petite espèce, rare, des mêmes calcaires et des mêmes couches, que
je ne puis detei miner que génériquement.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1065
Telle est la courte liste que je puis donner des fossiles que
j’ai étudiés. Quelle en est la signification?
Les calcaires de Ronzon ont été classés généralement dans
le miocène inférieur par les géologues français qui, selon la
classification la plus accréditée , font commencer le système
du miocène au-dessus des gypses à Paléothériums de Mont-
martre et plus précisément : au niveau des marnes feuilletées
à Ceritium plicatum et Cyrena conmxa du bassin de Paris. Cette
classification d’un bassin d’eau douce tout à fait isolé a été
déduite de l’appréciation des vertébrés, à cause de la prédo-
minance des types Rhinocéros, Anthracothériens, Cervidés, etc.,
qui se développent à partir seulement de cette époque, et mal-
gré la présence de quelques représentants du type plus an-
cien des Paléothériums, qui du reste ont été retrouvés depuis
dans le S. O. en association semblable.
Les coquilles d’eau douce, associées à ces divers vertébrés
dans les mêmes calcaires, contredisent-elles cette classifica-
tion? Je ne le crois pas ; mais il est besoin pour cela de quel-
ques explications.
Il est vrai que la Limnœa longiscata , qui jouerait ici le même
rôle que les Paléothériums dans la classe des vertébrés, est
considérée généralement dans le bassin de Paris comme ca-
ractérisant exclusivement et ne dépassant pas les calcaires de
Saint-Ouen inférieurs aux gypses à Paléothériums ; puisque la
Limnée des a marnes blanches de Pantin, » supérieures à ces
mêmes gypses, a été érigée comme espèce à part, sous le nom
de L. strigosa , Brongn. Mais, outre que cette espèce est vrai-
ment peu déterminable en l’état où on l’a trouvée jusqu’ici et
qu’il est difficile d’affirmer qu’elle constitue autre chose
qu’une des nombreuses variétés des L. pyramidalis , longiscata ,
acuminata , etc., je dirai que j’ai trouvé moi-même à la butte
de Sannois, près de Paris, à un niveau supérieur au précé-
dent, intercalé dans les « marnes vertes, a à 3 mètres environ
au-dessus des « marnes à Gyrènes » un banc de calcaire mar-
neux verdâtre, renfermant de très-grands moules (40 millim.
au moins) d’une Limnée à spire allongée et relativement
étroite, qu’il m’est bien difficile de ne pas rapporter égale-
ment au type de la L. pyramidalis ou longiscata. J’admets donc,
quant à moi, que ce type s’est perpétué , dans le bassin de
Paris lui-même, jusque dans les premières couches du mio-
cène inférieur ou tongrien (et même plus haut, sous la forme
L. Brongniarti, Desh., dans les meulières qui surmontent les
1086
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1889.
sables de Fontainebleau), tout en avouant que l’abondance du
type vrai et de ses variétés principales dans les calcaires de
Ronzon est frappante et remarquable.
Quant au type des Planorbis cornu , planatus, solidus , c’est
autre chose : dans le bassin de Paris , le type du PL cornu a
été établi par Brongniart pour un Planorbe des meulières de
Montmorency et üu calcaire de Beauce; c’est aussi le niveau
que lui assigne M. Deshayes, qui en a détaché comme reve-
nant au PI. solidus, Thomæ, des formes plus grandes, abon-
dantes dans les calcaires à Hélices de l’Orléanais , qu’il est
peut-être difficile de ne pas relier au type par les intermé-
diaires qu’on trouve dans les meulières elles-mêmes (PL ro -
tundatus, Brongn. ? non Desh.). C’est ce second type, espèce
ou forte variété, qui pullule dans les calcaires aquitaniens du
S. O. (PI. subpyrenaicus, Noul. olim), dans le Wurtemberg, etc.
Ce type jouerait donc à son tour dans la faune des coquilles
de Ronzon le même rôle que le type Rhinocéros, par exemple,
y joue dans celle des vertébrés; et y représenterait des formes
particulières au miocène moyen. Mais dans le bassin de Paris
même, M. Hébert a cité [Bull., t. XVII, pag. 800) le Plan,
cornu du calcaire inférieur de Château-Landon , qu’il met au
niveau du calcaire de Brie, c’est-à-dire approximativement au
niveau de Ronzon. En dehors du bassin de Paris, il est hors
de doute que ce type remonte à une époque beaucoup plus
ancienne que celle des meulières de Montmorency, et dans le
S. O. de la France notamment, il abonde dans les calcaires la-
custres du Tarn (Cordes) et du Lot (Cieurac), qui sont infé-
rieurs ou tout au plus subordonnés aux mollasses de l’Agenais.
Ce fait est d’autant plus intéressant à rappeler ici que la partie
inférieure de ces mollasses contient précisément les gisements
de vertébrés qui offrent le plus d’analogie avec le gisement de
Ronzon par l’association des mêmes types Pthinoceros, An-
thracotherium, Elotherium ou Entelodon, Cenotherium et Pa-
léothérium, etc., comme je l’ai établi dans une note récente.
Ce Planorbe de Cordes et de Cieurac, qu’il est quelquefois ex-
trêmement difficile de distinguer du PI. solidus ou subpyrenai-
cus de Saucats (Gironde), est celui que M. Noulet avait appelé
en 1854 (mém. sur les coq. foss. du S. O.) Planorbis planatus ,
et il descend beaucoup plus bas encore, presque dans les cou-
ches paléothériennes les mieux caractérisées des environs de
Castelnaudary, où M. Deshayes l’a distingué sous le nom de
Pl. Vialai (Suppl., t. II, pag. 753, 1864), sans tenir compte de
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU fUY. 1067
la dénomination antérieure de M. Noulet. Depuis, M. Noulet
lui-même (mém. s. coq. foss. du S. O., 1868), revenant sur
ses précédentes appréciations , s’est décidé, pour sortir des
difficultés qui s’opposent à une bonne caractérisation spécifi-
que de toutes ces formes si voisines, étagées depuis l’époque
paléothérienne jusqu’en plein miocène, à les réunir toutes et
en masse (sauf néanmoins le Planorbis crassus de Castelnau-
dary, etc., qui n’est cependant peut-être, lui aussi, qu’une
autre variété du même type) sous le vocable le plus ancien,
celui de Planorbis cornu de Brongniart (1).
Dans la série lacustre provençale, c’est cette même forme de
PL planat-us , si je ne me trompe, qui se retrouve en abondance
dans les calcaires de la Trécarèse inférieurs au gypse et aux
cycîades du bassin d’Aix, étage N. de M. Matheron, corres-
pondant par conséquent aux marnes blanches de Pantin et au
gypse de Montmartre. C’est aussi ce Planorbe qui abonde dans
les calcaires de Sommières (Gard); et c’est lui que j’ai signalé
déjà dans les calcaires de la Côte-d’Or (à Belleneuve et àVes-
vrottes), associé, comme au Puy, à la Limnœa longiscata et à
de grosses Paludines.
En somme, c’est un type qui partout ailleurs que dans le
bassin de Paris est loin d’être caractéristique de l’époque mio-
cène.
Le Plan, annulatus appartient à un autre type, à dernier
tour moins enveloppant, auquel appartient aussi le Planorbe
caractéristique des calcaires de Saint-Ouen, connu générale-
0) C’est peut-être dépasser le but et réagir contre une analyse excessive
par une synthèse trop compréhensive à son tour, et j’avoue que, tout en ap-
plaudissant à un principe qui rentre dans ma manière de concevoir l’évo-
lution des formes et la succession des espèces, je ne crois pas utile à la
science qui cherche à établir l’histoire de ces filiations de confondre sous
une seule et unique dénomination toutes ces variétés paléontologiques qui
correspondent à autant de niveaux et d’échelons dans la marche du temps;
et je voudrais réserver, au moins à titre de noms de variétés , les anciens
noms spécifiques qne fon croirait devoir rattacher à un type dominant. Je
dirais donc : Planorbis cornu , Brongn., var. crassus — var. planatus —
var. solidus — var. Mantelli — var. subyyrenaicus , s’il y a lieu, etc. De
même pour l’autre type de grand Planorbe tertiaire : PI. Buxvillerensis ,
Brard. var. Leymcriei — var. Pacyensis , s’il y a lieu, — var. Castrensis ,
Noul. — var. conlerraneus , Noul. — var. rotundatus , etc. De même pour
les Limnées : L. pyramidali >, Brard. vr, longiscata — var. arenularia — -
var. fusiformùy etc., etc.
1068
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869.
ment, et par suite d’un usage accepté par M. Deshayes (Suppl,,
• 11? Pag- 742), sous le nom de PL rotundatus, Brongn. , qui
ne s appliquait dans la pensée de Brongniart qu’à une variété
du cornu des meulières (rentrant probablement dans le solidus
ou dans le Mantelli), et qui est d’ailleurs un ancien nom donné
antérieurement par Poiret (1801) à une petite espèce vivante
d Europe {PL leucostoma , Millet, 1813), pour laquelle il est re-
pris maintenant par beaucoup de malacoiogistes. Quoi qu’il
en soit de cette question embrouillée de synonymie, le Pla-
norae fossile de Saint-Ouen, auquel se rattache Vannulatus de
oui, et, appai tient à un grand type polygyré répandu dans
les terrains tertiaires inférieurs.
De même, les PI. planulatm et Pl. Bouilleti appartiennent
ou se relient à de s types répandus dans les calcaires de Saint-
uen ou dans les « sables moyens » supérieurs des environs
de Paris.
Enfin, les Bythinia écrasées d’Espaly donnent lieu à une
observation semblable. Quelles qu’elles soient, elles me pa-
raissent appartenir à ce groupe particulier qui commence dans
eocene moyen par le Byth. microstoma du calcaire grossier,
reparaît ensuite dans les marnes blanches de Pantin, et paraît
s éteindre au niveau du calcaire de Brie et dans le tongrien de
Belgique {Byth. plicata , d’Arch. ; Byth . truncata , Brard (Du-
chasteh , Wyst) (1). v
En résumé, les coquilles d’eau douce des calcaires du Puy
indiqueraient au moins autant d’attache avec les types précé-
ents ou éocènes (au sens français ordinaire de ce terme pa-
léontologique et en y comprenant l’époque paléothérienne)
que de tendance vers les types miocènes postérieurs; ce sont
des types qui sont à cheval sur les deux époques, et dont le
caractère correspond bien à celui de cette période intermé-
diaire que les auteurs allemands ont appelée oligocène. Je se-
rais d ailleurs embarrassé, je l’avoue, pour tracer une ligne
de démarcation bien précise , surtout au point de vue des
(1) J ai rappelé dans le Journal de conchyliologie (vol XVII pa°- 90)
que ces espèces remarquables par l’obliquité et le bourrelet marginal de
1 ouverture et par la troncature habituelle de la spire qui leur donne quel-
que ressemblance avec les truncatella, pourraient être l’objet d’une coupe
qui a été proposée par M. Wyst sous le nom de Forbesia. M. Frauenfeld
(in 1 a lu dîna, p. 41) a fait remarquer que ca nom générique avait été déjà
employé. J ai donc proposé d’y substituer celui de Wystia.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1069
faunes terrestres ou d’eau douce, entre l’éocène supérieur et
le miocène inférieur, ou, en d'autres termes, entre l'oligocène
inférieur des allemands et l’oligocène moyen. Et, pour ce qui
est des calcaires de Ronzon, je me contente de dire que, d’a-
près toutes les considérations paléontologiques, ils appartien-
nent à ce groupe de terrain qui, à Paris, s’étend depuis, et y
compris, les marnes à Limnœa strigosa jusqu’au calcaire sili-
ceux de la Brie; et je suis disposé à les classer, par l’examen
des coquilles, plutôt à la partie inférieure de ce groupe qu’à sa
partie supérieure; c'est-à-dire à les mettre au niveau des
marnes vertes ou des marnes à Gyrènes, si ce n’est môme des
marnes à Limnœa strigosa , plutôt qu’au niveau du calcaire de
Brie qui termine cette petite série , et dans lequel les types
précédents de Limnées et de Planorbes sont remplacés par des
types tout à fait différents et plus voisins de ceux des meu-
lières supérieures.
A un autre point de vue, l’étude de ces fossiles m’a amené
aussi à reconnaître que le niveau des calcaires de Ronzon se
retrouve très-probablement dans le bassin de Brioude et dans
celui de Clermont (à Corent, à Gournon, à la base de la mon-
tagne de Gergovia, etc.) dans les calcaires marneux à Planor-
bis annulatus et Limnœa ampullaria de Bouillet. Je regrette de
n’avoir pas pu poursuivre sur le terrain ce rapprochement qui
est conforme aux indications fournies par les vertébrés re-
cueillis à Bournoncle Saint-Pierre et ailleurs.
M. Sauvage fait la communication suivante :
Note sur les poissons du calcaire de Ronzon, près le Puy-en-Velay ;
par M. H. E. Sauvage.
Dans sa liste des animaux du calcaire de Ronzon, liste don-
née lors de la session des Sociétés savantes du Puy-en-Velay,
M. Aymard inscrit sous le nom de Pachystetus gregatus les pois-
sons découverts par lui dans cette localité si célèbre.
Pour le savant paléontologiste que nous venons de citer,
l’ichlhyolite de Ronzon se rapporte à un genre nouveau, le
genre Pachystetus (poitrine épaisse); ce genre n’a été ni décrit,
ni figuré. Nous étant trouvés au Puy, nous avons pu étudier la
faune ichthyologique de Ronzon, grâce à l’extrême obligeance
1070
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869.
de MM. Aymard et Vinay qui ont mis leurs riches collections
à notre disposition.
L’exemplaire sur lequel M. Aymard avait créé son genre est
altéré par la fossilisation. Lorsqu’on a des exemplaires bien
conservés, on voit que ce genre
ne peut se séparer des Lebias
par aucun caractère, et que
l’espèce que nous étudions
vient se placer entre le L. ce -
phaloles d’Aix et le L. Meyeri
de Francfort.
Il est digne de remarque que
la classe des poissons ne compte
qu’une seule espèce à Ronzon,
alors que toutes les autres
classes du règne animal y sont
si largement représentées.
Ce poisson appartient d’ailleurs au groupe (celui des Cyprins
et des Cyprinodontes) le plus abondant dans tous les cours d’eau
de l’époque actuelle; comme aujourd'hui, dès l’époque ter-
tiaire il formait la principale masse de la population des lacs
(Agassiz).
Les Lebias de Ronzon sont de très-petite taille; comme leurs
analogues de nos jours, ils devaient vivre en troupes serrées et
se nourrir de matières organiques en décomposition, de petits
insectes, de vers, de substances végétales que leurs dents ak
gués pouvaient déchirer. Élancés, à nageoires caudale et anale
longues, ils étaient parfaitement disposés pour nager rapide-
ment. C’est ce que va nous démontrer l’étude de leur sque-
lette.
n* i
Lebias Ay mardi Sauvage.
[Pachystetus gregatus Aymard.)
Formes générales. — Poisson de très-petite taille, élancé,
plus épais au niveau de la nageoire anale, près de 5 fois plus
long que haut.
Longueur moyenne du corps. . . .
Hauteur maximum du corps ....
Hauteur de la tête ...
Longueur de la tête
Distance entre la tête et la dorsale
31mm .
5,5.
5,5.
kk
10.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. d07i
Largeur de la dorsale 4.
Distance entre cette nageoire et la caudale. . . 5,5.
Largeur de la pectorale à sa base 1,5.
Longueur de la pectorale 2,5.
Distance entre la base de la pectorale et la
■ventrale 4,5.
Largeur de la ventrale •. . . 1,9 .
Longueur de cette nageoire 2,5 .
Distance de la ventrale à l’anale 2,5.
Largeur de l’anale 4,5 .
Longueur de cette nageoire 4,5.
Distance de l’anale à la caudale 5,5 .
Largeur de la caudale à sa base 3,5 .
Longueur de la caudale 5,0.
Tête. — Tête un peu plus longue que haute, contenue 4 fois
dans la longueur totale du poisson, assez grosse.
Ligne du front peu inclinée, un peu bombée, se continuant
avec la ligne générale du corps. Frontal principal large.
Œil assez grand, arrondi, situé en avant de la moitié anté-
rieure de la longueur de la tête, situé bas, au niveau de la
bouche. Sous-orbitaires grands.
Bouche peu fendue, la mâchoire inférieure devant débor-
der très-légèrement la supérieure.
Dents fortes, pointues (fig. 5 sont représentées deux dents
grossies). Mâchoire inférieure aplatie horizontalement.
Opercule grand, allongé. Sous-opercule grand, de forme
lozangique. Pré-opercule grand, coudé presque à angle droit.
Interopercule étroit et allongé. Toutes les pièces operculaires
sont lisses. Elles sont représentées grossies fig. U.
Rayons branchiostéges forts, paraissant être au nombre de
5; le quatrième est le plus fort.
Colonne vertébrale et côtes. — Colonne vertébrale assez forte,
très-relevée dans la région abdominale, si on la compare à
celle des L. Meycri et cephalotes. Les vertèbres, un peu plus
longues que hautes, sont au nombre de 32, dont 20 caudales et
2,10 abdominales; 10 vertèbres sont en arrière de la dorsale,
4 entre la ventrale et l’anale.
Les côtes fortes, faiblement arquées en avant, sont au nom-
bre de 10 paires; elles arrivent jusqu’au bord de la cavité tho-
racique. Celle-ci, comme dans le Lebias cephalotes, est remplie
par une matière noirâtre, reste du foie qui, comme chez tous
1072
SÉANCE DU \ 3 SEPTEMBRE 1869.
les Cyprinodontes d’ailleurs, devait être volumineux et très-
Nchargé de matière pigmentaire.
Les hœmapophyses de la région caudale sont grêles; leur
partie vertébrale est cependant beaucoup plus forte et élargie;
elles sont surtout très-dirigées en arrière dans la partie posté-
rieure du corps.
Les neurapophyses de la région abdominale sont plus grêles
encore ; les premières sont très-courtes et presque verti-
cales; les autres sont fortement dirigées en arrière. Les neu-
rapophyses de la région caudale sont de même force que les
hœmapophyses correspondantes et, comme elles, présentent
une partie vertébrale élargie. Celles qui sont sous la nageoire
dorsale et les deux ou trois qui précèdent cette nageoire sont
presque verticales. Dans la partie postérieure du corps elles
présentent la même disposition que les apophyses inférieures.
On ne voit pas de traces des arêtes musculaires.
Nageoires paires. — La pectorale est composée de 1U rayons
très-grêles dont les inférieurs sont un peu plus longs, cette
nageoire étalée arrive jusqu’au niveau de la cinquième côte ;
cette nageoire a une forme sensiblement quadrangulaire, étant
presque coupée carrément à son extrémité.
La ventrale située très-sensiblement à une longueur de tête
du bord postérieur de l’opercule n’est composée que d’un pe-
tit nombre de rayons, 5 à 6, un peu plus forts que ceux de la
pectorale; étalée, cette nageoire devait aller très-près du pre-
mier rayon de l’anale.
Nageoires impaires . — La nageoire dorsale est située au-
dessus de 5 vertèbres dont les apophyses épineuses sont, avons-
nous dit, presque verticales, à ce
niveau. Les osselets porte-na-
geoires, en même nombre que
les rayons, sont grêles, oblique-
ment dirigés en avant, élargis à
leur extrémité supérieure. Les
rayons de la nageoire sont assez
grêles, au nombre de 10, subdi-
visés à leur extrémité. Cette na-
geoire est un peu plus haute que
la distance qui en sépare la base
de la colonne vertébrale en ce
point. Elle est placée en arrière de la moitié de la longueur
totale du corps, la caudale comprise ; sa terminaison est de l’o-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT.
1073
rigine de la caudale à une distance sensiblement égale à la hau-
teur de la tête. Les derniers rayons sont un peu plus longs que
les premiers, de sorte que la nageoire est coupée oblique-
ment.
La nageoire anale est très-développée , et peut servir à
caractériser l’espèce que nous décrivons. Elle est située en
face de la dorsale , qu’elle déborde cependant en avant ,
étant située au-dessous de 7 vertèbres. Sa base est égale
à la hauteur de la tête; la hauteur de la nageoire est
presque égale à sa longueur. Nous avons indiqué plus haut
la direction des hœmapophyses à son niveau. Les osselets
porte-nageoires sont plus longs et plus forts que ceux de la
dorsale: ils sont assez élargis à leur extrémité inférieure,
moins cependant que l’extrémité supérieure des rayons qui
leur correspondent; cette extrémité est arrondie. Les rayons
de la nageoire sont un peu plus forts que ceux de la dor-
sale et commencent à se subdiviser vers le milieu de leur
longueur. Le premier rayon est plus court que le second. Char
que rayon est ensuite un peu plus court que celui qui le pré-
cède, de sorte que la nageoire a une forme arrondie. Les deux
derniers rayons sont de beaucoup les plus courts. (Fig. 6 est
celle nageoire grossie.)
La dernière vertèbre supporte un os relativement large, trian-
gulaire, arrondi à son extrémité postérieure, très-légèrement
échancré à ses bords, os qui soutient la caudale. Cette nageoire
est vigoureuse, un peu plus longue que la distance qui en sé-
pare la base de la terminaison de la dorsale. La caudale du L .
cephalotes est légèrement échancrée, celle du L. Meyeri , tron-
quée, celle de l’espèce de Ronzon, arrondie légèrement. Elle
a pour formule 6 J; 8,8 ; I 6. Les quatre premiers petits rayons
sont très-courts et très-grêles. Les gros rayons se divisent vers
leur tiers inférieur et se subdivisent vers les deux tiers infé-
rieurs.
Écailles . — Les écailles, qui ne sont que très-rarement con-
servées, sont grandes, ovales, ornées de lignes allant
$|||j|Len rayonnant du centre; ces lignes paraissent être au
' xüIÇÇ' nombre de 16 pour les écailles de la région ventrale.
Rapports et différences. — On sait combien est diifieile la dis-
tinction des espèces de Cyprins vivants, aussi dans l’étude des
fossiles ne doit-on négliger aucun détail, si minutieuse que
puisse sembler la description. Des cinq espèces de Lebias
fossiles décrits, l’espèce de Ronzon n’a de rapports qu’avec les
Soc . géol.j 2e série, tome XXVI. 68
1074
SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1870.
L. cephalotes et Meyeri. La première de ces espèces est d’Aix en
Provence, la seconde des argiles plastiques à Gypris de Franc-
fort. Par un ensemble de caractères, le Lebias de Ronzon s’en
sépare nettement comme on peut le voir par l’examen des
fig. 1, 2 et 3.
Les deux premières, copiées de l’ouvrage d’Agassiz (1), re-
présentent fig. 1 le L. cephalotes et fig. 2 le L . Meyeri ; le L , Ay-
mardi est figuré sous le n° 3. Les différences apparaîtront en-
core plus nettement par le tableau suivant où ces trois espèces
sont mises en parallèle :
Lebias Ay mardi .
Tête comprise 4 fois
dans la longueur totale
du corps.
20 vertèbres caudales.
2,12 v. abdominales.
Apophyses épineuses
fortes à leur base, puis
très- grêles .
Côtes fortes.
Anale située à une
longueur de tête de la
pectorale.
A. 12.
Anale arrondie.
Anale située sous sept
vertèbres .
D. 10.
Dorsale en arrière du
milieu de la longueur
du corps.
Dorsale placée au-des-
sus de 5 vertèbres.
P. 14.
C. 61; 8, 8; 16.
Caudale légèrement
arrondie.
( Lebias Meyeri .
Tête comprise plus de
4 fois.
18 caudales.
3,10 abdominales.
Apophyses épineuses
fortes, surtout à la par-
tie postérieure du tronc.
Côtes très-vigoureu-
ses.
Anale plus reculée.
A. 18.
Anale coupée plus
carrément.
Anale située sous 7 à
8 vertèbres.
D. au moins 9.
Dorsale très en ar-
rière.
Dorsale au-dessus de
5 vertèbres.
P. au moins 12.
C. 51; 8,9; 15.
Caudale coupée car-
rément.
Lebias cephalotes.
Tête contenue un peu
moins de 4 fois.
22 caudales.
2,10 abdominales.
Apophyses épineuses
très-grêles .
Côtes très-grêles.
Anale située à une
longueur de tête de la
pectorale.
A. 14.
Anale coupée plus
carrément et plus courte
que dans les deux au-
tres espèces.
Anale située sous 7
vertèbres .
D. 10.
Dorsale un peu en
avant du milieu .
Dorsale au-dessus de
6 vertèbres.
P. 14.
C 31; 8,9 ; 13.
Caudale légèrement
échancrée.
(1) Poissons fossiles, t. V, p. 48, 50, pl. XLI, fig. 1, 2, 9, 10 et 7, 8.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1075
On voit que l'espèce des environs du Puy se distingue nette-
ment des deux autres. Le genre Pachystetus ne pouvant être
conservé, nous proposons de donner au Lebias que nous ve-
nons d’étudier le nom de Lebias Aymardi , le dédiant au savant
paléontologiste qui a si bien fait connaître le riche ossuaire de
Ronzon.
M. le Président invite les membres à présenter les obser-
vations qu'ils ont à faire sur les communications précé-
dentes.
M. Aymard aurait quelques remarques à faire à propos de
la question des brèches basaltiques ; mais il se réserve de
les présenter après l’examen delà Roche-Rouge.
M. Lecoq prend la parole pour faire ressortir l’importance
de la découverte des restes humains de la Denise, à l’appui
de la haute ancienneté de l'homme. Après avoir fait rapi-
dement l'historique de cette curieuse découverte, le savant
professeur expose les divers faits qui ont conduit les pa-
læothnologistes à établir plusieurs âges de l’humanité an-
térieurs à toutes les traditions historiques.
La séance est levée à dix heures.
TROISIÈME SÉANCE.
MARDI 14 SEPTEMBRE.
PRÉSIDENCE DE M. VINAY.
La séance est ouverte à huit heures et demie dans une
des salles du musée Crozatier.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
Sont présentés pour faire partie de la Société :
MM.
Tournaire, ingénieur en chef des mines à Châlons-sur-
Saône.
Vicaire, ingénieur des mines, professeur à l'École des
mines de Saint-Étienne.
Malard, ingénieur des mines, professeur à l'École des
1076 SÉANCE DU 14 SEPTEMBRE 1869.
mines de Saint-Étienne; présentés par MM. Levallois et de
Billy.
M. Mac-Pherson, présenté par MM. Delanoue et Collomb.
M. Maxime Roux, présenté par MM. Tournouër et Sau-
vage.
M. Ganze, présenté par MM. Vinay et de Billy .
Sur leur demande, sont admis à faire de nouveau partie
de la Société :
MM. Aymard et Félix Robert.
M. Lecoq, vice-président, rend compte de la course de la
journée.
Partis en voiture à sept heures du matin, les membres de la
Société ont débuté par l’étude des formations de la butte de
Montredon.
Sur les flancs de la tranchée du chemin de fer, on observe
un ensemble de couches à éléments volcaniques, sur le compte
desquelles les membres de la Société ne sont point d’accord.
Il est facile de constater que de nombreuses couches argilo-
sableuses et caillouteuses, nettement stratifiées, viennent butter
contre le massif dit de brèche boueuse. Ces couches sableuses
plongent assez rapidement pour se relever en certains points,
de manière à présenter à la plupart des membres l’aspect des
dépôts alluviens sur les pentes. Ces sables à éléments volcani-
ques remaniés auraient été déposés par les eaux de l’époque
pliocène pour lesquelles le massif de brèche boueuse devait
constituer un barrage dont les effets sont demeurés très-appré-
ciables.
Telle n’est pas l’opinion de M. le président Vinay, qui pré-
fère admettre un soulèvement de ces sables par les brèches
boueuses elles-mêmes, dont l’apparition serait dans ce cas pos-
térieure au dépôt des couches sableuses pliocènes.
M. Lory ne partage point cette manière de voir. Il se peut
que des mouvements de dislocation et de soulèvement soient
venus augmenter l’inclinaison des couches sableuses, après
leur formation; toutefois les brèches boueuses contre lesquelles
elles s’appuient ne paraissent pas s’être fait jour sur place.
Les couches pliocènes inclinées s’étendent assez loin. A la
montée dite de Tire-Bœuf, leur caractère minéralogique est
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU BUY.
1077
un peu différent, mais elles contiennnent de nombreuses em-
preintes végétales dont l’examen permet de rapporter cette
formation aune époque pliocène peut-être un peu plus récente
que l’âge des dépôts de Ceyssac.
En quittant la tranchée du chemin de fer, les membres ont
pu reconnaître, dans l’enclos des Fous, que ces mêmes couches
pliocènes sont recouvertes par un ensemble de cailloux roulés
souvent encore anguleux, en discordance avec les dépôts sous-
jacents.
M. Aymard déclare avoir recueilli au milieu de ces cailloux
des restes de Rhinocéros de l’époque quaternaire ancienne.
Enfin ces cailloux quaternaires supportent eux-mêmes une
remarquable coulée basaltique au contact de laquelle les cail-
loux roulés ont été éprouvés. 11 est donc permis d’affirmer que
les phénomènes volcaniques du Velay se manifestaient encore
avec énergie vers le milieu de la période quaternaire.
M. Rames déclare avoir fréquemment observé dans le Can-
tal des phénomènes géologiques analogues. Ce sont là des ar-
guments importants, suffisants pour prouver que l’homme an-
téhistorique a pu assister aux dernières éruptions volcaniques
du centre de la France.
Enfin, il a été possible de reconnaître au-dessus des basaltes
compactes une dernière formation caillouteuse, à ossements
de chevaux, se rapportant à cette époque quaternaire récente.
Cailloux anguleux à osse-
ments de chevaux.
Basalte compacte.
Cailloux roulés quater-
— naires à ossements de
Rhinocéros.
~ Sables pliocènes.
La fin de la matinée a été employée à la visite de la pré-
cieuse collection de M. le Président, à Corsac, où tous ; les
membres présents ont reçu une cordiale et généreuse hospi-
talité dont ils se souviendront longtemps.
De Corsac, la Société s’est rendue à Brive pour examiner en
place les grès sableux, dits arkoses, riches en végétaux fossiles
dont la collection de M. le président Vinay possède de nom-
breux exemplaires. Ces grès arkoses, dont les éléments ont été
empruntés aux roches primitives, représentent dans le bassin
1078
SÉANCE DU 14 SEPTEMBRE 1869.
du Puy les premiers dépôts éocènes, si Ton en juge par les vé-
gétaux fossiles qu’ils contiennent. Il était important d’étudier
spécialement cette formation dont l’âge demeurait très-con-
troversé.
En se dirigeant ensuite vers Peyredeyre, on a observé d’abord
une masse basaltique isolée couronnant les marnes bigarrées
éocènes, et en second lieu le grand dyke phonolitique de Mer-
cœur.
La Société s’est engagée dans le pittoresque défilé de Peyre-
deyre, dont les falaises sont constituées par un granit à gros
grains se divisant en grands prismes.
M. Lecoq reconnaît que la Loire n’a dû pouvoir se creuser un
lit au milieu de ces roches qu’à une époque très-ancienne et
ou le volume de ses eaux devait être considérable.
Au milieu de ces gorges, la Société a été vivement intéres-
sée par les nombreux blocs de gneiss empâtés dans le granité.
Elle a remarqué enfin un curieux filon de granité à grains fins,
traversant nettement le granité ordinaire à gros éléments.
Les diverses particularités des roches cristallines dans cette
curieuse localité avaient été signalées depuis longtemps par le
savant M. Aymard. Les filons que l’on vient de citer prouvent
certainement l’existence de plusieurs époques d’émission. En-
fin, les fragments de gneiss ont dû probablement être arrachés
à des terrains préexistants et empâtés dans la roche cristalline
en voie de formation.
Sur la demande de M. le Président, M. le comte G. de Sa-
porta expose quelques remarques sur la flore des grès dits
arkoses, de la Chartreuse, de Brive, etc.
Les empreintes végétales fréquentes dans ces couches ne
présentent d’ordinaire, malheureusement, qu’un degré de
conservation peu favorable à l’étude. Pourtant il est possible
de reconnaître en elles, d’une manière générale, un faciès
bien caractéristique les rapprochant des flores anciennes des
terrains éocènes.
La collection de M. Aymard renferme, provenant de ces lo-
calités, deux frondes de palmiers très-remarquables. L’une
appartient au genre Flabellaria , l’autre, voisine du genre Phœ-
nicites , est accompagnée de son inflorescence. A ce propos,
M. de Saporta entre dans quelques détails relatifs aux diverses
espèces fossiles et actuelles du groupe des palmiers.
M. le Président Yinay possède enfin de nombreuses em-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT.
1079
preintes des arkoses, parmi lesquelles on reconnaît de belles
myricées et protéacées dont la présence Nient fournir de nou-
veaux arguments importants. Aussi les arkoses , longtemps
considérées comme triasiques ou secondaires, devront être re-
portées presque vers la base des terrains tertiaires.
M. Gaudry énumère rapidement les richesses paléontolo-
giques des collections publiques et privées de la ville du Puy.
Il parle d’abord des collections remarquables du Musée, à
la perfection desquelles le conservateur, M. Félix Robert, a
puissamment contribué. Les ossements humains de la Denise,
les mammifères de Robilhac et de Solilkae y attireront tou-
jours l’attention des paléontologues.
La collection de M. Pichot Dumazel est remarquable à plu-
sieurs titres. Elle contient, entre autres fossiles curieux, de
nombreux restes de mastodontes et plusieurs ossements hu-
mains des couches de Denise, dont une étude attentive est as-
surément désirable.
La célèbre collection de M. Aymard ne peut être aussi rapi-
dement analysée. M. Gaudry signale quelques-uns des mam-
mifères curieux à la connaissance desquels le nom de M. Ay-
mard restera lié, et dont P Entelodon^ le Botriodon et le Ge-
locus sont les types les plus curieux. #
Enfin, M. Gaudry signale de nouveau dans la collection de
M. Yinay des richesses paléontologiques analogues et princi-
palement les divers fossiles de Ronzon, les restes de plusieurs
grands chevaux, une dent de Machairodus et les nombreux os-
sements de mastodonte à dents de Tapir.
M. le Président donne lecture de Tordre du jour du mer-
credi 15 septembre.
La séance est levée à dix heures.
QUATRIÈME SÉANCE.
MERCREDI 15 SEPTEMBRE.
La séance est ouverte à huit heures et demie dans une
des salles du musée Crozatier, sous la présidence de M. Vi-
nay.
1080
SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869.
Par suite des présentations faites dans la séance précé-
dente, le Président proclame l’admission de MM. Tournaire,
Vicaire, Malard, Mac-Pherson, Maxime Roux et Ganze. Il
annonce ensuite la présentation de :
MM.
Isidore Hedde, ancien délégué du gouvernement français
en Chine, présenté par MM. Lecoq et de Billy.
Gillet-Paris, ingénieur des mines, présenté par MM. Bau-
dinot et Vinay.
Victor Fouiliioux, minéralogiste à Clermont, présenté par
MM. Lecoq et Damour.
A propos d’une rectification au procès-verbal, demandée
par M. Lecoq, M. Laval signale des restes de l’époque gla-
ciaire dans la Haute-Loire, à Ronzon et à Ceyssac.
M. Aymard déclare qu’il serait intéressant de rechercher
des traces analogues lors de l’excursion au Mezenc, sans
trop s’associer cependant à la remarque précédente.
Le procès-verbal de la séance précédente est mis aux
voix*et adopté.
M. Lory rend compte de l’excursion faite pendant la jour-
née du mercredi 15 septembre.
Compte rendu de la course du mercredi 1 5 septembre ;
par M. Lory.
La Société s’est rendue en voilure à Polignac. Les ruines du
château de ce nom se trouvent établies sur une roche isolée,
escarpée de tous côtés et formée d’un conglomérat volcanique
semblable à ceux des rochers de Corneille, Saint-Michel et
Ceyssac, précédemment visités. On n’y observe pas de stratifi-
cation proprement dite, mais une disposition grossière, et ce-
pendant bien visible, des matières par nappes successives;
disposition plus distincte qu’à Corneille, moins qu’à Ceyssac, et,
comme dans cette dernière roche, voisine de l’horizontalité.
En descendant de Polignac, M. Tournaire a fait remarquer
que l’on marchait sur une ancienne alluvion sableuse et caiî-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1081
loutetrse, formée de débris venant du bassin de la Loire et in-
diquant un ancien passage de la rivière par cet endroit avant
qu’elle prît son écoulement, comme aujourd’hui, par la gorge
de Peyredeyre. Cette alluvion, plaquée contre le rocher de
Polignac, indique la manière dont a été corrodée et taillée en
escarpement cette face du rocher, et il en est de même de
l’autre face correspondant à un autre vallon»
On s’est ensuite rendu à Rochelimagne, où l’on a pu observer
des brèches volcaniques et les restes d’un ancien cratère. Les
brèches renferment des géodes à cristaux. Ce sont des marnes
tertiaires bigarrées qui supportent ces amas de débris volca-
niques.
A Cussae, la Société a vu des alluvions volcaniques dans les-
quelles ont été trouvés de nombreux ossements de mammifères.
On est arrivé bientôt après chez M. Robert et bon a visité sa
collection, après avoir profité de sa gracieuse hospitalité. La
Société s’est ensuite dirigée de Cussae vers Yialette, où elle a
étudié les tufs volcaniques, qui ont fourni de nombreux osse-
ments de mastodontes; elle est ensuite allée à Ceyssaguet. On
s’est rendu de là à Cheyrac, montagne cratériforme, composée
de conglomérats semblables à ceux des gisements précédents
et semblables aussi, pour la structure et la disposition des
matières, à ceux des roches isolées de Polignac, Geyssac, Cor-
neille, etc. On y observe une disposition très-nette en nappes
à double pente , d’une part faiblement inclinées vers l’extérieur,
sous un angle variable de 20 à 25° au plus, et bien moins là où
les matières sont fines ; d’autre part plus confuses et plus for-
tement inclinées vers l’intérieur, sous un angle d’environ 35°.
En résumé, l’intérêt de cette excursion a été surtout d’éta-
blir, par les restes variés de mammifères qu’elles renferment,
les époques diverses des nombreuses éjections volcaniques
boueuses disposées soit en alluvions à peu près horizontales,
soit en nappes grossièrement stratifiées et plus ou moins in-
clinées, accumulées autour des anciennes bouches d’éruption.
Nous remontons ainsi des éruptions toutes modernes des der-
niers volcans du Velay, tels que Denise, etc., aux éruptions
des temps quaternaires et tertiaires caractérisés par les di-
verses faunes ci-dessus mentionnées. Quant aux conglomérats
formant les roches isolées de Polignac, Geyssac, Corneille,
Saint-Michel et Espaly, entièrement dépourvus de fossiles, ils
paraissent bien clairement antérieurs à toutes ces nappes
boueuses épanchées autour d eux.
10B2 SÉANCE UU 15 SEPTEMBRE 1809.
M. Lory ajoute à ce compte rendu les considérations sui-
vantes :
La Société géologique me permettra de rappeler, au sujet
des conglomérats volcaniques du Velay, quelques analogies
qui ont été remarquées par plusieurs de nos confrères, et des-
quelles il me semble que l’on peut tirer des conséquences
assez nettes relativement au mode de formation de ces con-
glomérats.
Et d’abord ils sont composés entièrement de débris volca-
niques, cendres, lapilli, scories, en fragments de toute gros-
seur; en un mot, de matières rejetées par les volcans à l’état
solide et agglomérées par le simple tassement et ^intervention
uc 1 eau, soit des eaux pluviales seulement, soit d’eaux torren-
tielles.
Les conglomérats plus solides des roches de Polignac, de
Corneille, etc., ne font pas exception : ce sont des types bien
connus de peperino analogues à ceux des environs de Rome et
de Naples. La seule différence importante, au point de vue
du gisement, c est que ces lambeaux isolés de conglomé-
rats volcaniques anciens, de la période tertiaire, ne se ratta-
chent plus visiblement à un appareil volcanique, à un cratère
d’éruption plus ou moins bien conservé, comme cela a lieu
pour les conglomérats plus récents dans le bassin même du
Puy, et comme cela se voit bien mieux encore dans l’Auver-
gne et dans les localités classiques du Latium et de la Cam-
panie. Mais ici l’identité de structure et de composition me
parait impliquer l’identité de formation, et je crois que l’on
doit considérer ces roches de conglomérats anciens du bassin
du Puy comme des témoins , des restes très-incomplets d’an-
ciens volcans déblayés en très-grande partie par les érosions
considérables qui ont eu lieu dans ce bassin. Je ne saurais
admettre l’expression de dyke appliquée à ces roches isolées
de Corneille, de Polignac, etc., par nos savants confrères du
Puy; en d’autres termes, je ne saurais admettre que chacune
d’elles représente le remplissage d’une cheminée ouverte dans
le terrain tertiaire et comblée d’un seul jet par une matière
éruptive qui s’y serait consolidée. Il existe sans doute dans le
Velay de véritables dykes, et je suis loin de contester l’exemple
classique de la Roche-Rouge que la Société doit voir prochai-
nement; mais je crois que nous y reconnaîtrons une tout au-
tre structure et un mode de formation tout différent.
I
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1083
Quant aux roches de peperino ancien qui sont ici en ques-
tion, je ne saurais y voir que des accumulations de matières
incohérentes rejetées par une bouche volcanique et agglomé-
rées par voie humide. — L’eau a dû intervenir, et même en
grande quantité, dans la formation des parties supérieures du
conglomérat de Ceyssac, qui sont disposées en nappes à peu
près horizontales : ce sont des restes de coulées boueuses su-
perposées. La partie inférieure du même conglomérat, ainsi
que celui de Polignac, dans lesquelles il n’y a plus que des in-
dices peu marqués d’une disposition par nappes, représen-
tent des restes de coulées boueuses plus épaisses, dans les-
quelles il y avait beaucoup plus de matières solides que d’eau,
comme celles que l’on voit encore descendre fréquemment
des volcans, ou même comme celles des torrents boueux des
Alpes. Pour les roches d’Ëspaly, de Corneille et de Saint-Mi-
chel, où les indices de stratification sont nuis ou fortement
inclinés, je serais porté à les considérer comme des lambeaux
de conglomérats volcaniques formés plus près d’une bouche
d’éruption; en d’autres termes, comme des restes de parois
d’un ou plusieurs cratères complètement démantelés, et dont
il ne subsiste plus que ces pans de murailles, pour ainsi dire,
qui sont sans liaison apparente entre eux.
La disposition plus ou moins distincte en nappes fortement
inclinées, à double pente, vers l’extérieur et vers l’intérieur,
est un fait bien connu de la structure des cratères volcaniques,
et elle est d’autant plus marquée que l’eau est intervenue pour
une plus grande part dans l’arrangement des matières proje-
tées par la bouche d’éruption. C’est la disposition que la So-
ciété a constatée aujourd’hui dans le cratère bien conservé de
Cheyrac, et qui se voit aussi, plus nettement encore, dans les
cratères classiques des champs Phlégréens, comme je m’en
suis assuré moi-même en 1853.
Dans le Monte-Nuovo même, malgré la rapidité avec la-
quelle ce cône a été formé par la projection d’une grande
quantité de cendres, de scories et de blocs trachytiques, cette
structure est très-visible dans tous les petits ravins qui enta-
ment, à l’extérieur et à l’intérieur, les parois de ce cratère.
Cette disposition caractéristique des matières projetées par
le volcan contraste avec celle des couches du tuf ancien, au
milieu desquelles la bouche d’éruption du Monte-Nuovo me
paraît s’être ouverte par effondrement et non par soulèvement ;
car on voit ces couches de tuf, sur plusieurs points, s’enfoncer
1084
SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869.
très-visiblement sous le cône volcanique formé par l’éruption
de 1538. L’ensemble des observations que j’ai notées sur les
lieux en 1853 donne le profil suivant.
T. Tuf des champs Phlégréens, nettement stratifié, s’enfonçant par suite d’effondrement
local, sous le Monte-Nuovo.
S. Scories et blocs du Monte-Nuovo, éruption de 1538.
Cet arrangement en nappes à double pente est également
visible à la Solfatare et dans les ravins du grand cratère d’As-
troni. Mais on peut surtout bien l’étudier au point de vue de
l’application que je désire en faire aux roches du Puy, dans le
cratère plus démantelé du Monte-Barbaro, voisin du Monte-
Nuovo.
Cet ancien volcan, dont la formation remonte à une époque
non déterminée, est un grand cône tout formé de conglomérat
ponceux et tracbytique, sans laves ni coulées. Ces conglomé-
rats ou tufs sont régulièrement inclinés vers l’extérieur du
cratère, comme on le voit nettement en montant au monas-
tère de San Angelo; mais, en descendant de ce couvent vers
l’intérieur, on les voit non moins nettement avec une stratifi-
cation moins régulière et plus inclinée, sous un angle de 30°
environ ou même un peu pins, plonger vers le centre du cra-
tère. Celui-ci est comblé par les alluvions séculaires des
ruisseaux descendus de ses flancs , et il présente une vaste
plaine cultivée. Mais à l’autre bout du diamètre partant de
San Angelo, il y a un ruz ouvert dans le tuf, par lequel on
sort de cette enceinte. Là on voit encore nettement la double
pente des nappes de ce conglomérat, inclinées fortement vers
l’intérieur du cratère, et plus faiblement, plus régulièrement,
sur sa pente extérieure.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1085
CRATÈRE DU MONTE-BARBARO.
S. Àngelo.
Je serais porté à considérer chacun des divers lambeaux de
conglomérats volcaniques anciens des environs du Puy comme
ayant fait partie des parois intérieures ou des pentes exté-
rieures d’un cratère de ce genre. Le rocher Corneille, qui
montre, surtout dans le haut, un arrangement en nappes mo-
dérément inclinées vers le' midi, vers la ville du Puy, repré-
senterait un lambeau des matières accumulées sur le bord ex-
térieur d’un cratère, par-dessus le terrain tertiaire, au milieu
duquel ce cratère s’était ouvert. L’aiguille Saint-Michel, com-
posée de débris plus confusément entassés, sans indices de
stratification ou ne montrant que des traces peu nettes de
nappes fortement inclinées, représenterait un reste de l’inté-
rieur du même cratère ; et cela d’autant mieux que le con-
glomérat n’y paraît pas reposer sur un rebord de terrain ter-
tiaire, qu’il descend, au-dessous du sol actuel de la vallée, à
une profondeur inconnue, et qu’il paraît traversé à peu près
verticalement par des filons de basalte comparables aux filons
de lave de la Somma, etc.
Le petit rocher du château d’Espaly, dont la structure est
également confuse, aurait une origine analogue et indiquerait
une partie de l’emplacement d’un cratère très-voisin du pré-
cédent; tandis que les roches de Polignac et de Geyssac nous
sembleraient être des lambeaux des pentes extérieures d’au-
tres volcans, assez distantes des bouches d’éruption.
11 est évident que le bassin du Puy a subi des érosions énor-
mes depuis la formation de ces conglomérats; et ces érosions
ont dû entraîner la majeure partie des accumulations volcani-
ques anciennes avant de corroder le terrain tertiaire même.
Ce n’est que par suite de circonstances protectrices spéciales
et toutes locales que des lambeaux de ces anciens conglomé-
rats ont été conservés. L’emplacement des bouches d’érup-
tion qui en ont fourni les matériaux a été déterminé par des
1086
SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869.
déchirures profondes, des failles dans le terrain tertiaire, que
M. 1 ingénieur Tournaire nous a signalées sur sa carte géolo-
gique ; ces mêmes failles ont déterminé la position des vallées
d érosion creusées depuis; et c’est ce qui explique la posi-
tion singulière de ces conglomérats dans les vallées mêmes et
pourquoi il n’en reste que des lambeaux extrêmement incom-
plets et épars.
M. Lecoq présente quelques observations :
Les opinions que M. Lory vient d’exposer d’une manière
si heureuse se rapprochent beaucoup de celles que profes-
sait Bertrand de Doue. Cependant M. Lecoq, d’après les
phénomènes observés loin des environs du Puy, admet vo-
lontiers que les filons de basalte et les brèches de la Haute-
Loire sont sortis sur place d’une manière indépendante.
Il pense qu après 1 examen de la Roche-Rouge, cette opinion
sera partagée par ses confrères.
M. Lory croit que les deux opinions peuvent s’allier en
admettant de nombreux points d’émission, ainsi qu’il Ta
exposé lui-même.
Il existe en effet plusieurs masses qui semblent solitaires
et qu’il est impossible de rattacher à d’autres masses voi-
sines; mais ce n’est pas le cas de Saint-Michel auquel la dé-
nomination de dyke ne peut guère être appliquée.
M. Lecoq rend compte de l’excursion qu’il a faite au lac
du Bouchet avec M. le professeur Morière, de Caen.
Le Lac du Bouchet ,
par M. Lecoq.
A peine a-t-on quitté la ville du Puy que l’on monte par la
route de Pradelles, et bientôt on abandonne tout à fait le ter-
rain tertiaire pour entrer sur le sol volcanique que Ton ne
quitte plus jusqu’au lac du Bouchet.
On rencontre évidemment d’anciens basaltes, mais la plu-
part des laves sur lesquelles on marche proviennent de nom-
breux cônes de scories qui sont alignés ou dispersés sur le
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1087
vaste plateau de Costaros. Presque tohs ces cônes, dont les uns
sont nus et d’autres couverts de pins, ont produit des coulées
qui se sont déversées sur les deux pentes du sol et qui sou-
vent se sont mêlées ou superposées de telle sorte qu’il est par-
fois difficile de rendre à chacun de ces points éruptifs les pro-
duits qui lui appartiennent.
Le lac du Bouchet est à 14 ou 15 kilom. du Puy; on y ar-
rive soit par Costaros, soit par Cayres. Son altitude est de
1197 mètres.
Il occupe un vaste cratère dont le diamètre , au niveau de
l’eau, est de 900 mètres. Il a donc près de 3 kilomètres de cir-
conférence. Sa profondeur paraît être de 27 mètres. On peut
en faire le tour sur le bord de l’eau, au moyen d’un joli
chemin récemment tracé au même niveau. On remarque alors
que les vagues roulent sur le bord une multitude de petits
fragments de laves et de scories.
La dépression qui contient l’eau est entourée de pentes
adoucies et non abruptes comme celles du lac Pavin. On aper-
çoit sous l’eau la continuation de ce plan peu incliné, puis
tout à coup le terrain manque et le gouffre commence, comme
cela se présente, avec des caractères moins marqués au lac
Pavin.
Le vaste cratère du Bouchet a ses bords couverts de pelouse
gracieusement émaillée par les fleurs des œillets, des gentia-
nes, des euphraises, des pédiculaires et de toutes ces jolies
plantes des montagnes qui descendent jusque sur ses rives.
Sur plusieurs points du contour, la pelouse est déchirée et
l’on voit partout des roches qui font saillie et qui sont princi-
palement composées de fragments de lave et de scories agglu-
tinées. Ailleurs, ce sont seulement des pouzzolanes, mais tout
est volcanique, tout est brûlé, scoriacé, et il ne reste aucun
doute sur la présence de l’un de ces grands cratères d’explo-
sion que l’on observe sur divers points du plateau central.
Si ce cratère était complètement rempli d’eau, le lac aurait
au moins 2 kilomètres de diamètre. Il s’en faut de beaucoup,
comme nous l’avons vu, qu’il en soit ainsi; mais, chose re-
marquable, la surface du lac reste constamment au même ni-
veau, et c’est à peine s’il existe une différence de 30 à 40 cen-
timètres entre la plus grande et la plus petite élévation des
eaux.
Le 15 septembre 1869, jour où nous l’avons visité, les eaux
étaient un peu au-dessous du niveau moyen, à cause de la sé-
1088 SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869.
cheresse prolongée que subissait alors cette partie de la
France.
Un autre phénomène assez curieux que présente ce lac, c’est
que nulle part ou n’y voit pénétrer le moindre filet d’eau, et
nulle part, on n’aperçoit la moindre trace d’écoulement. On
conçoit en effet que le trop plein puisse s’infiltrer à travers les
bords scoriacés du cratère; mais il faut admettre des sources
intérieures et abondantes au-dessous de la surface de l’eau.
Cette eau est pure et bleue, à surface ridée, miroitante ou à
lames clapotantes sous l’impulsion du vent; elle se renouvelle
nécessairement. On y voit submergées des renoncules aquati-
ques qui fleurissent sous l’eau, et dont chaque fleur contient,
avant l’épanouissement, une bulle d’air sécrétée par elle. On y
voit des truites qui s’y développent très-bien, et notamment la
grande truite des lacs, propagée par un établissement de pis-
ciculture élégamment construit, mais qui laisse beaucoup à
désirer au point de vue pratique.
Il est curieux que les mêmes superstitions qui s’appliquent
au lac Pavin se retrouvent au lac du Bouchet. Avant que le
petit bateau de la pisciculture se soit aventuré sur le lac, on
était bien persuadé qu’un tourbillon situé au milieu entraîne-
rait l’imprudent qui oserait tenter ce périlleux voyage , et
qu’une pierre lancée dans ce gouffre en soulèverait l’orage et
la tempête.
Le lac du Bouchet n’en est pas moins une charmante pro-
menade. Il faut du Puy deux heures pour l’atteindre, soit
comme nous l’avons dit, par Costaros ou par Gayres.
Nous recommandons cette dernière voie comme plus fa-
cile; elle permet du reste d’arriver en voiture jusqu’à l’établis-
sement de pisciculture qui touche le bord de l’eau.
M. le Président donne lecture de l’ordre du jour du jeudi
et du vendredi.
La séance est levée à dix heures, et demie.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1089
CINQUIÈME SÉANCE.
VENDREDI 17 SEPTEMBRE.
Ÿ
La séance est ouverte dans une des salles du musée Cro-
zatier, à 9 heures du soir, sous la présidence de M. Yinay.
Le procès-verbal de la séance précédente est mis aux voix
et adopté.
M. le Président proclame l'admission de MM. Isidore
Hedde, Giliet-Paris, Fouilhoux.
M. Lory expose les travaux delà Société, durant les deux
journées de l'excursion au Mezenc.
Courses des 16 et 17 septembre ; par M. Lory.
La Société s’est rendue en voiture à la Roche-Rouge , exemple
célèbre et incontestable d’un vrai dyke ; (voir pour la descrip-
tion Poulett Scrope , trad. Vimont , p. 186) dont l’épaisseur
moyenne est de 10 mètres et qui constitue une saillie au mi-
lieu du granité désagrégé , (mais non altéré par le contact de la
roche éruptive) surgissant ainsi sur une hauteur d’environ
20 mètres. C'est le renflement local d’un filon basaltique qu'on
peut suivre de part et d’autre, encaissé dans le granité et cou-
rant N. O., S. E. (?). Le basalte est compacte et montre une
division en prismes horizontaux, dans le milieu du filon; plus
près des parois, le basalte devient celluleux, et renferme des
vacuoles remplies de zéolithes; enfin aux salbandes, il est en
fragments broyés et réagglutinés constituant une brèche de frois-
sement bien caractérisée. Cette structure de brèche n’a aucune
analogie avec celle des conglomérats de Corneille, Saint-Mi-
chel, etc.
De la Roche-Rouge la Société s’est portée à l’Herm, où elle
avait à observer un terrain de transport argilo-sableux, et plus
ou moins bariolé de nuances ferrugineuses jaunes ou rouges,
avec de gros galets dont beaucoup sont calcaires et étrangers
à tous les terrains connusjusqu’ici en place dans la Haute-Loire.
Dans ces galets, M. Vinay a trouvé des fossiles qui démontrent
qu’ils proviennent du terrain jurassique. Guidés par lui, les
Soc. géol.} 2e série, ^ome XXVI. 69
1090
SÉANCE DU 17 SEPTEMBRE 1 869.
membres de la Société ont pu, en peu de temps, en recueillir
d’assez nombreux échantillons. Ces fossiles : Am. Parkinsoni,
A. oolithicus , etc. ; Belemnites, Posidonomya, etc., appartiennent
à l’oolite inférieure, et se forment dans un calcaire jaunâtre,
siliceux, ou dans de véritables chailles.
Par leurs caractères pétrographiques et par les fossiles nom-
breux qu’ils renferment, ces galets jurassiques rappellent l’oo-
lite inférieure du Lyonnais plutôt que celle de l’Ardèche ou de
la Lozère. M. Grüner a fait remarquer immédiatement, sur les
lieux, l’analogie de ces dépôts d’argiles, de sables et de galets
avec l’étage supérieur du terrain tertiaire de la Loire, aux
environs de Feurs et de Roanne, lequel se lie directement aux
argiles et sables supérieurs de l’Ailier, du Cher et de la Solo-
gne (1). Tous ces dépôts paraissent devoir être attribués à une
extension de la mer des faluns de la Touraine dans les bassins
actuels de la Loire et de ses affluents, à la suite d’un affaisse-
ment très-étendu de cette région. Les faits constatés mainte-
nant dans ces points élevés de la Haute-Loire conduisent à
étendre de beaucoup l’amplitude de cet affaissement. Cepen-
dant il nous semble probable que la mer des faluns n’a pas at-
teint la ligne de séparation actuelle de la Loire et du Rhône.
Le lambeau miocène supérieur ou falunien de l’Herm marque-
rait l’extrémité méridionale d’un golfe qui communiquait au
nord-ouest avec la mer des faluns de Touraine et non pas au
sud-est avec la mer de la Mollasse.
Dans le Forez, les dépôts correspondants ont le caractère
de cordons littoraux , et les gros galets qu’ils renferment pro-
viennent de roches peu éloignées (Grüner). Il a dû en être
ainsi pour les gros galets jurassiques de l’Herm, et il est à
supposer qu’ils proviennent de quelque lambeau de terrain
jurassique qui subsistait encore dans cette région, et qui
aurait été complètement détruit par l’érosion. Cependant,
il n’est pas impossible qu’on en retrouve encore quelques
restes en place, et nous devons applaudir aux recherches
que nos confrères du Puy ont fait et se proposent de faire
encore pour constater ce fait si intéressant de l’ancienne ex-
tension de la mer falunienne , et peut-être aussi de la mer ju-
rassique sur ces points, où l’on avait jusqu’ici été porté à
croire qu’elles n’avaient pas pénétré, et dont l’altitude atteste
(1) Grüner, Desc. gèol. du département de la Loire , p. 619-G23.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1091
les changements énormes survenus dans le relief du pays de-
puis la période miocène.
La Société est ensuite montée sur le plateau du Mont et a
été déjeuner au village du Monastier, d’où elle s’est dirigée en-
suite vers le Mezenc.
On a d'abord rencontré les Sucs de Breysse, vastes cratères
à scories et pouzzolanes, très-bien conservés,
La Société a abordé ensuite à Freycenet-la-Cuche, le grand
massif phonolithique deMézenc, 1 epays des phonolithes { Forbes).
Nulle part, en effet, ce genre de roches ne présente plus de
variétés de structure. Ce sont des phonolithes avec grands cris-
taux de feldspath vitreux ; des phonolithes à grains cristallins;
des phonolithes mouchetés , etc. Le Mézenc et les autres som-
mets phonolithiques semblent des lambeaux découpés d’une
même grande coulée reposant sur le granité. (Voir Pouleti
Scrope.)
Sur quelques points, on remarque, à la base, des roches sco-
riacées marquées sur la carte géologique de M. Tournaire et
signalées par lui à la Société, dans le trajet, en passant au pied
du mont Tourte.
Ce n’est qu’à la tombée de la nuit que la Société est par-
venue au village les Esiables (1,356 mètres) établi sur un pla-
teau granitique très-élevé, supportant les masses phonolithi-
ques ; le granité restant caché généralement sous une épaisse
végétation de bruyère; le phonolithe surgissant en masses à peu
près dénudées de végétation. On trouve dans tes murs du cime-
tière des Estables des pierres jurassiques taillées , contenant
des Gryphées arquées, et d’une provenance inconnue (1).
Le village des Estables est au pied du Mézenc, dont on de-
vait faire l’ascension le lendemain matin au point du jour. Par
les soins de M. Vinay, la Société a pu trouver l’hospitalité la
plus empressée dans la maison forestière du Mézenc, où l’on
est parvenu très-tard.
Le lendemain, la Société a fait l’ascension du Mézenc, de
manière à assister au lever du soleil, du sommet de cette mon-
tagne. Elle a été récompensée de ses peines par la vue d’un
(l) En passant, on a recueilli le renseignement que le village avait été
bâti en grande partie avec les matériaux de la Chartreuse de Bonnefoy, si-
tuée à peu de distance, sur le versant de l’Ardèche; il me paraît probable
que ces pierres jurassiques doivent en venir, et que les Chartreux les
avaient tirées de l’Ardèche et non de la Haute-Loire.
1092
SÉANCE DU 17 SEPTEMBRE 1869.
splendide panorama des Alpes; le plus beau coup d’œil d’en-
semble sur les Alpes, depuis le mont Blanc jusqu'au mont Yiso.
La descente s’est ensuite effectuée vers le lac de Saint-Front,
où l’on a été rejoint par une partie des membres qui avaient,
sous la conduite de M. Robert, été visiter un terrain de trans-
port probablement analogue à celui de l’Herm.
La Société a regagné ensuite le Puy en voiture, en traver-
sant la chaîne du Mégal, à Boussoulet et passant à côté des
trachytes de la Pradette.
M. Morière fait la communication suivante :
Parmi les faits signalés par les géologues du Puy aux mem-
bres de la Société géologique de France, il faut citer, comme
un des plus remarquables, l’existence dans la vallée de l’Herm
de galets calcaréo-siliceux, contenant des fossiles marins. La
présence de débris marins n’avait pas encore été signalée dans
le bassin du Puy, et c’est à M. Vinay, aussi perspicace géologue
qu’administrateur habile, que l’on doit cette découverte.
Dans l’excursion que nous avons faite hier matin, M. Vinay
nous a montré une grande quantité de ces galets disséminés
à la surface du sol, dans des champs de terre labourée; puis
il nous les a fait apercevoir dans plusieurs tranchées de cette
argile bigarrée si commune dans le département, et qui est
presque toujours mélangée avec des terrains sableux tertiaires.
Tantôt ces galets sont disposés d’une manière très-irrégulière
dans la masse argilo-sableuse, tantôt ils forment des cordons
à diverses hauteurs. — Évidemment les eaux qui ont entraîné
ces galets ont en même temps charrié l’argile et les sables.
Selon toute probabilité, ces argiles qui se retrouvent en Au-
vergne proviennent de la décomposition et du lavage des ter-
rains primitifs, et leur mélange avec les sables tertiaires indi-
que l’époque où ces lavages ont eu lieu.
Quant aux galets calcaréo-siliceux contenant des débris ma-
rins, ils offrent deux problèmes à résoudre. On doit se deman-
der : 1° Quelle est leur origine; 2° Déterminer ensuite l’âge de
la roche dont ils faisaient partie.
Ces galets peuvent avoir été détachés de terrains qui sont
encore en place aujourd’hui, ou bien provenir de lambeaux de
terrains marins qui ont complètement disparu, entraînés qu’ils
ont été parles eaux qui charriaient les argiles des terrains pri-
mitifs.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1093
En consultant la carte géologique de la France, on voit que
la bande jurassique la plus rapprochée du Puy est celle du dé-
partement de l’Ardèche, et les galets que nous avons été à
même d’examiner offriraient une forme plus arrondie s’ils pro-
venaient d’un point si éloigné. — - 11 nous paraît plus naturel
de supposer que sur des hauteurs plus rapprochées, sur celles
qui se trouvent aux environs de Mézenc, par exemple, se trou-
vaient quelques fragments de terrain marin que les eaux au-
ront fait disparaître en les entraînant dans le lit qu’elles ont
parcouru. Ceux de nos confrères qui, plus heureux et plus cou-
rageux que nous ont fait l’ascension du Mézenc, ont peut-être
pu suivre cette traînée de galets et remonter jusqu’à leur ori-
gine.
Quant à l’âge du terrain dont ces galets faisaient partie,
nous aurions eu besoin pour nous prononcer à cet égard d’une
manière certaine, de réunir des éléments qui nous ont man-
qué, de visiter surtout les échantillons que renferme l’intéres-
sante collection de M. le maire du Puy. Nous devons dire tou-
tefois que l’ensemble des fossiles qui ont été trouvés dans l’ex-
cursion, soit par nos collègues, soit par nous, paraît dénoter
une couche appartenant à la partie supérieure du lias ou à la
partie inférieure de Voolite inférieure.
Un de nos savants confrères, notre honorable vice-président
M. Lory, qui connaît parfaitement la géologie de l’Ardèche et
qui vient de faire l’ascension du Mézenc, sera certainement à
même de compléter les renseignements trop sommaires que je
viens d’avoir l’honneur de vous présenter.
Quoi qu’il en soit de l’origine et de l’âge des galets de la val-
lée de FHerm, la découverte de M. Vinay est certainement des
plus curieuses, et elle vient s’ajouter aux preuves nombreuses
que nous a données M. le maire pendant cette si agréable ses-
sion, de ses profondes connaissances en géologie, qui ont été
toujours accompagnées d’une complaisance inépuisable pour
ses collègues.
A propos des couches à Chailles des environs de l’Herm,
signalées par M. le Président Vinay, et que les membres de
la Société ont pu étudier naguère, M. Grimer présente les
observations suivantes :
Dans le programme des courses, les divers terrains lacustres
des environs du Puy ont été divisés de la manière suivante :
1094
SÉANCE DU 17 SEPTEMBRE 1869.
1° Grès et arkoses à empreintes végétales;
2° Marnes et argiles bigarrées;
3° Marnes gypseuses;
4° Calcaires marneux de Ronzon.
Lorsqu’on rapproche cette division des étages géologiques
ordinaires, tout le monde admet, d’après les fossiles, que les
trois premiers numéros sont éocènes, et le quatrième miocène
inférieur ( Tongrien ). Cela ressort des travaux de MM. Pomel et
d’Archiac (1).
Or, ces mêmes étages se retrouvent dans les plaines du Forez
et de Roanne (vallée de la Loire), et aussi dans la Limagne. Le
calcaire de Ronzon s’y retrouve avec les mêmes fossiles et les
mêmes caractères; et au-dessous viennent surtout les argiles
bigarrées , trouvées dans le trou de sonde de Roanne, sur une
épaisseur de plus de 200 mètres. Les gypses y manquent cepen-
dant, et les grès arkoses n’ont pas été atteints, parce qu’on
n est pas arrivé, dans ce trou de sonde, à la base du terrain
tertiaire. Ces mêmes argiles bigarrées ont été trouvées aussi,
sur 223 mètres, dans le trou de sonde de Lempdes, entre
Rrioude et Brassac (. Description du bassin houiller de Brassac ,
par M. Baudin, p. 74). Mais, dans la Loire et dans la Limagne,
il existe, au-dessus du calcaire Tongrien , un dernier étage ter-
tiaire qui se rattache directement aux sables de la Sologne ,
classés par MM. d Arcbiac, Pomel et Lecoq, dans le Falunien
ou miocène supérieur (2).
Cet étage supérieur est partout argilo-sableux et souvent cail-
louteux. Dans la Loire, il ne renferme pas de fossiles, mais il est
toujours superposé au calcaire lacustre et déborde ce dernier,
de façon à recouvrir souvent directement, sur les bords du
bassin tertiaire, les terrains primaires et secondaires. On le
poursuit, tout le long du plateau central, au travers des dépar-
tements du Cher, de l’Indre, de la Vienne, etc. Il s’élève, dans
la Loire, à 100 mètres plus haut que le terrain calcaire lacustre,
et, dans la Vienne, à 50 mètres.
Or, ce terrain existe aussi dans la Haute-Loire, mais on l’a
confondu, je crois, avec l’étage des argiles bigarrées, dont il
diffère pourtant essentiellement. C’est ce terrain que nous avons
(1) Bulletin de la Société géologique, tome I et III; Histoire de la Géo-
logie, tome II, p. 656 à 658.
(2) Histoire de la Géologie , tome II, p. 517; Bulletin de la Société géo-
logique, tome I, p. 595, et tome III, p. 364.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PU Y.
1095
vu à l’Herm et sur plusieurs autres points dans notre course
au Mezenc. Il se compose de sables argilo-caillouteux, rouges,
blancs, jaunes ou verts, mais surtout rouges, et il est cou-
ronné par une assise caillouteuse, dont les éléments sont d’au-
tant plus gros et moins roulés que le dépôt est plus voisin des
bords du bassin. C’est le cas de ces galets jurassiques, à demi-
roulés, que nous avons rencontrés à l’Herm et ailleurs. Ce
sont des débris d’un terrain jurassique remanié et disloqué
sur place. Or, comme le prouvent les exemples que je vais
citer, c’est précisément aussi le cas dans le département de
la Loire. Auparavant, je dois seulement vous faire remarquer
que ces sables rouges m’ont que la couleur de commun avec les
argiles bigarrées inférieures. Ces dernières sont des argiles
proprement dites, alternant avec des marnes et surmontées par
le calcaire de Ronzon; tandis que le terrain supérieur se com-
pose de sables caillouteux , où l’on ne rencontre ni calcaire,
ni marne, et qui s’étend toujours au delà et bien au-dessus du
niveau du calcaire lacustre. C’est une formation indépendante
postérieure , mais qui a pourtant précédé la période pliocène
des trachytes et des basaltes. Sa puissance, dans la Loire, est
de 20 à 25 mètres.
J’ai discuté longuement toutes ces questions dans ma
description géologique de la Loire. Maintenant je vais citer
quelques coupes :
Voici celle des carrières à chaux hydraulique de Sury, dans
le Forez, calcaires qui correspondent à ceux de Ronzon (p. 639
de mon ouvrage).
Aubigny. La mare R. Carrière
Ouest. de Sury. Est.
4. Sables rouges supérieurs, 10 à 12 mètres.
3. Calcaire siliceux, 0m,55.
2. Argiles vertes et blanches, 4 à 5 mètres.
1. Calcaire exploité, 2m à 2«»,50.
0. Argile sableuse verdâtre.
Au dessous, un trou de sonde de 40 mètres montre des alter-
nances de calcaire, argiles et marnes.
1096
SÉANCE MJ 17 SEPTEMBRE 1869
Les sables supérieurs débordent le calcaire et reposent di-
rectement sur le granité (p. 643). Ainsi, à la côte de Barin,
près Marcilly (Forez), on voit la coupe suivante :
Ouest. Est.
J’ajouterai encore la coupe suivante, observée à Urbize, dans
la plaine de Roanne (p. 658).
Ouest.
Bois de Ragache, 340 mètr.
Est.
Sables avec galets quar- 1
tzeux. I Et. supr
Sables argileux blancs l 20 mètr.
et verts. 1
Argiles vertes. \
Cale, expi., 1.50 à 2 m. ( JJ1,
(50 metr.
Argiles vertes. /
Enfin, sur la rive opposée de la Loire (droite), entre Roanne
et Charlieu, on trouve partout le terrain tertiaire supérieur,
formé par le remaniement de l’ooiithe inférieure, le calcaire et
les argiles à jaspes ou Chailles; et alors on rencontre, dans le
dépôt tertiaire, comme à l’Herm, de nombreux et très-gros
blocs moulés ou émoussés de Chailles.
5. Sable tertiaire avec chailles.
4. Argile à chailles, en place.
3. Marnes supra-liasiques.
2. Lias moyen,
1. Porphyre qaartzifére.
En rapprochant ces exemples, et beaucoup d’autres pareils,
observés dans la Loire, l’Ailier, le Cher, l’Indre et la Vienne,
de ce que nous avons vu à l’Herm, j’ai dû conclure que ce
dépôt de l’Herm appartient au même étage et que les Chailles
proviennent d’un lambeau jurassique (oolithe inférieure), dis-
loqué et remanié sur place.
Et, en terminant, j'observerai encore que ce manteau juras-
sique ne doit pas étonner, car j’ai prouvé précisément aussi
que le plateau central s’est affaissé jusqu’à la fin de la période
des argiles et calcaires à Chailles, pour se relever ensuite, de
sorte que l’oolithe inférieure déborde partout, sur le pourtour
• du plateau central, soit les marnes supra-liasiques, soit le
reste du terrain oolithique ( Description géologique de la Loire ,
p. 566, 568).
Ainsi, au-dessus du calcaire de Ronzon, il y a comme ail-
leurs, autour du plateau central, un dépôt supérieur grave-
leux, antérieur aux trachytes, et formé en partie aux dépens
de l’oolithe inférieure; dépôt tertiaire qui paraît coïncider avec
le falunien de d’Orbigny, mais de nature lacustre. Les lacs ont dû
se vider précisément sous l’action du soulèvement général qui
a précédé et accompagné la première arrivée au jour des tra-
chytes et des basaltes du plateau central.
M. Aynmrd demande la parole. Il rend hommage à Fim-
partialité avec laquelle M. Lory vient de reconnaître le
•SVKf. .
1098
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
mode de formation de la Roche-Rouge. Pour M. Aymard,
le même phénomène a présidé à la formation des roches
basaltiques de Saint-Michel et de Corneille. Peut-être trou-
vera-t-on enfin une explication définitive en poussant une
galerie au pied de Corneille.
La séance est terminée à 11 heures par divers chœurs
exécutés avec beaucoup d’entrain par l’orphéon de la ville
du Puy, et après la lecture d’une remarquable pièce de
poésie adressée par M. Aimé Giron aux membres de la So-
ciété géologique.
SIXIÈME SÉANCE.
SAMEDI 18 SEPTEMBRE.
La séance est ouverte à huit heures et demie sous la pré-
sidence de M. Vinay.
En 1 absence de M. Lecoq, le doyen d’âge des géologues
présents est prié d’occuper le fauteuil de la vice-prési-
dence.
Le procès-verbal de la séance précédente est mis aux
voix et adopté.
M. le Président annonce la présentation de :
«
MM. A. Jacotin, présenté par MM. de Billv et Vinay.
L abbé Boissonnade, professeur au petit séminaire de
Chirat (Lozère), présenté par MM. de Fréminville et Fabre
M. Delanoüe demande la parole et lit la note suivante :
De la formation de certaines roches volcaniques du Puy-en - Velay ;
par M. J. Delanoüe.
On m’a fait l’honneur de me demander mon opinion sur
certaines théories volcaniques et particulièrement sur les ro-
ches isolées de Corneille, Saint-Michel, Ceyssac, Polignac, et
la Roche-Rouge. Je vais tâcher de répondre de mon mieux.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1099
Il existe en géologie une excellente méthode qui consiste à
rechercher dans les faits et les causes actuelles l’explication
des phénomènes géologiques anciens. Ainsi, par exemple, si
les glaciers n’eussent pas existé, de nos jours, MM. de Char-
pentier, Agassiz, Collomb, etc., n’auraient jamais pu, malgré
toute leur perspicacité, deviner à quelle cause sont dus les
blocs erratiques, les anciennes moraines, les roches polies et
striées. Il en est à peu près de même des formations volca-
niques que nous avons sous les yeux. Il serait impossible de
les comprendre, si nous n’avions pas encore aujourd’hui des
contrées où les cratères sont restés en activité. C’est donc à
ces volcans vivants qu’il faut aller demander les secrets des
volcans éteints.
C’est l’émission seule des gaz et des vapeurs qui a com-
mencé vers l’époque miocène la formation des véritables cra-
tères. C’est leur éruption, plus ou moins soudaine, qui, de
nos jours encore, produit de formidables explosions et projette
dans les airs une immense quantité de roches et de cendres de
toute grosseur, depuis la poussière ta plus fine jusqu’aux blocs
les plus volumineux. Cendres, lapilli, roches rejetées, etc., s’é-
tendent au loin, mais s’accumulent surtout autour de l’orifice
pour y former les cônes des cratères. Des courants de lave, de
véritables fleuves de feu, précèdent ou suivent ces pluies de
feu. Us s’épanchent plus souvent du pied que du sommet des
cratères; ils vont, dans tous les cas, remplir soit les vallées»
soit les fentes produites par les ébranlements du sol. Si la roche
encaissée est, comme à la Roche-Rouge , un granité altérable, la
coulée volcanique inaltérée forme saillie à la longue et con-
stitue un véritable dycke. Sur ce point, nous sommes tous d’ac-
cord.
Les produits pulvérulents des cratères anciens et modernes,
sont donc tous dus exclusivement à des formations atmosphé-
riques, c’est-à-dire à ces éruptions gazeuses qui n’ont apparu
qu’avec la période volcanique proprement dite et se sont con-
tinués jusqu’à nos jours. C’est ainsi que j’ai eu la faveur de
voir au Vésuve la magnifique éruption gazeuze du 1er avril 1835,
qui m’a laissé d’ineffaçables souvenirs. Elle a brusquement
débuté à sept heures du soir par d’épouvantables détonations
accompagnées chaque fois de projections de matières en igni-
tion. Ces explosions, de plus en plus fortes et plus fré-
quentes, ont alors formé une gerbe éblouissante et continue,
d’où retombait tout autour, en pluie de feu, un déluge de
U 00 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
lapilli et de blocs incandescents. Par-dessus, bien haut, flot-
tait un gigantesque panache blanc qui retombait en nuée
sombre sur Gaprée et bien au delà. C’était une pluie de cendres
noires, dont je garde encore un échantillon. On fuyait alors de
Résina, dePortici, de Torre-del-greco. Mais bientôt tout danger
avait cessé; au bout d’une heure et demie le feu d’artifice était
éteint; le gazomètre de Vulcain était vidé. Des explosions
lumineuses et de plus en plus rares interrompirent de temps
en temps encore, le silence et l'obscurité ; puis tout fut fini.
Deux jours après, nous allions, L. Pilla et moi, contempler, du
haut du cratère, l’immense quantité de matières qu’il avait
vomies, et il y en avait assez, je vous assure, pour ensevelir la
ville du Puy. Ces produits incohérents, se soudent souvent
entre eux, soit immédiatement, parce qu’ils sont encore à
demi fondus, soit à la longue par une infiltration ultérieure de
calcaire, d’aragonite et surtout de silicates alcalins. C’est ce
qu’on voit bien clairement en Italie, comme dans le Yelay.
Prenons pour exemple les produits d’une autre éruption ga-
zeuze, celle de l’an 79 de J. C., la plus formidable dont l’his-
toire ait gardé le souvenir, et que Pline le jeune nous a si
admirablement dépeinte dans ses deux lettres à Tacite (1).
On savait bien, à cette époque, que plusieurs grandes érup-
tions avaient déjà eu lieu au Vésuve-Somma, car Pluton y était
adoré sous le nom de Vesuvius et de Summanus exsuper antissi-
mus; mais depuis la dernière éruption (un siècle, dit-on, avant
la fondation de Rome), la mystérieuse montagne sommeillait
et 1 on ne s en méfiait plus. Elle avait même attiré et enrichi
par la fertilité de ses cendres une heureuse population, qui
fouimillait tout autour, dans de belles campagnes et d’opu-
lentes cités. Herculanum et Pompéia étaient venues impru-
demment s’asseoir à ses pieds, sur des coulées de lave (2). De
temps à autre, il est vrai, de violents tremblements de terre
secouaient la Campanie. La plupart des édifices de Pompéia
furent ainsi disloqués ou renversés, le 5 février 63 de J. C., au
moment même ou Néron chantait sur le théâtre de Naples
sans pour cela s’interrompre.
Mais ce fut seulement le 23 novembre 79 qu’une épouvan-
table éruption gazeuze vomit dans les airs, pendant trois jours,
avec d’épouvantables mugissements, cette prodigieuse quan-
(1) Livre VI, épitres 6 et 20.
(2) Lave amphigénique (leucitophyre) .
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1101
tité de lapilli et de cendres brûlantes qui ensevelirent sous un
funèbre et lourd linceul Pompeia, Herculanum, Retina, Stabia,
Oplonte, Tegianum, Taurania, Yeseris et une partie de la Cam-
panie. Il n’y eut nulle part de coulée de lave, mais partout un
épais et uniforme manteau de cendres et de lapilli de toute gros-
seur, fort mal stratifiés. Ce dépôt est restéjusqu’àce jour meuble
et incohérent à Pompéia ; tandis que des infiltrations posté-
rieures Pont aggloméré et durci à Herculanum. Si ces deux .
villes fossiles avaient été exposées à de grandes érosions, le
dépôt pulvérulent de Pompéia aurait disparu, tandis que le
conglomérat durci d’Hereulanum serait resté intact, isolé au
milieu de la dénudation générale, comme le sont les rochers
de Corneille, de Saint-Michel, de Ceyssac et de Polignac.
Ces roches volcaniques du Puy et d’Herculanum ont la
même composition minéralogique. Ils offrent l’une et l’autre
des mélanges irréguliers, durcis et mal stratifiés de cendres,
lapilli et roches rejetées de toute grosseur. Nous avons tous
constaté la présence de véritable lave intercalée dans le con-
glomérai de Saint-Michel, sans pouvoir concilier ce fait avec
les hypothèses proposées d’éjaculation boueuse, de brèche,
de dycke , etc. Cette alternance de lave et de cendres ou
lapilli est, au contraire, le fait ordinaire et général; il n’y a
pas autre chose dans tous les volcans. Quant à la stratification
si inclinée, si anormale de cette lave à Saint-Michel (ou Cor-
neille), elle est probablement due à l’inclinaison ultérieure
qu’a dû prendre ce pic, sans appui dans la vallée, et sans racine
sur un terrain peu solide.
Quiconque a vu les tufs volcaniques de Rome et de Naples,
ces masses gigantesques de conglomérats, anciens et moder-
nes, tantôt durs, intacts, et tantôt meubles et ravinés, ne peut
admettre aucun doute sur leur complète analogie avec les
roches isolées du Puy. Ces roches de Saint-Michel, Corneille,
Ceyssac et Polignac ne sont donc que les parties les plus so-
lides, les restes, les témoins d’une seule et même grande for-
mation atmosphérique cinériforme enlevée par les eaux. Quant
à la Roche-Rouge , nos confrères du Puy l’ont toujours regardée
comme un dycke basaltique et, sur ce point, tout le monde est
d’accord avec eux.
Je me permettrai, en terminant, de soumettre une observa-
tion aux naturalistes de la localité. Les cheminées volcaniques
peuvent être assimilées à des trous de sonde naurels par les-
quels les éruptions gazeuzes nous envoient des échantillons de
im
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
toutes les roches traversées. On l’a bien compris à Naples, où
l’on a formé, depuis longues années, une collection complète
et immense de tous les minéraux et roches rejetés par les cra-
tères des environs.
Il serait fort important qu’une étude analogue fût entreprise
par nos savants confrères du Puy qui ont déjà fait preuve de
tant de zèle et de sagacité dans l’art de colliger. C’est ainsi
qu’ils pourront nous donner la série complète de leurs ter-
rains supra-granitiques et surtout infra-graniques, s’il y en a.
M. Aymard présente quelques observations en réponse à
la note de M. J. Delanoüe.
M. Aymard ne pense pas que les phénomènes actuels puis-
sent expliquer toutes les formations volcaniques anciennes. Il
rappelle que le mode d’apparition des trachytes demeure en
dehors de tous les faits observés de nos jours.
Il ne croit pas enfin à l’existence des brèches analogues à
celles des environs du Puy dans les volcans en activité.
Après avoir rappelé la constitution des conglomérats et des
laves de l’Italie, il insiste sur ce fait que la brèche de Corneille
s’enfonce dans le sous-sol.
II persiste donc, jusqu’à plus exactes observations, à la con-
sidérer comme s’étant fait jour sur place. Il pense qu’il suffi-
rait d’une galerie creusée au pied de Corneille pour décider
la question.
M. Grüner demande la parole.
Après avoir défini le mot brèche, M. Grüner déclare que ce
terme ne lui semble pas pouvoir s’appliquer à Corneille.
M. Grüner a pu distinctement reconnaître des traces de strati-
fication. Corneille serait sans doute plus exactement défini par
le terme de tuf basaltique.
La masse de la Roche-Rouge est constituée par un basalte
compacte dont les bords empâtent de nombreux fragments
brisés (conglomérat de frottement). Mais on ne peut certaine-
ment pas considérer Corneille et la Roche-Rouge comme de
même nature et de même formation. Corneille présente un ca-
racteie franchement sédimentairej on ne peut comprendre
autrement la stratification de sa masse. M. Aymard pense
qu’une galerie poussée au pied de Corneille pourrait résoudre
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PU Y. 1103
la question. M. Grüner regrette de ne pas partager l’avis du sa-
vant géologue du Puy.
Il se peut fort bien que la roche soit renversée par une faille
et qu’elle s’enfonce profondément dans le sous-sol. C’est même
là une hypothèse très-plausible.
En résumé, M. Grüner pense que les divers dykesdes abords
du Puy sont de véritables tufs basaltiques, et que leur iso-
lement est dû à des failles d'abord, à l’érosion ensuite.
M. de Rozemond pense que tout le monde est à peu près
d’accord pour reconnaître que Saint-Michel et Corneille sont
de formation ancienne. D’un autre côté, l’érosion qui a creusé
la vallée est récente. Il faut donc que ces roches se soient fait
jour à travers les couches enlevées par la dénudation. Si ces
roches s’étaient formées à la manière des tufs provenant d’élé-
ments projetés, ces tufs auraient dû au contraire protéger les
couches qui ont été attaquées par l’érosion. 11 se peut que le
Velayait été le théâtre de phénomènes particuliers différents
de ceux qui se passent de nos jours.
M. Aymard a déjà eu l’occasion d’exposer son opinion sur
les dykes des environs du Puy, il croit cependant devoir, en
réponse à M. Grüner, rappeler rapidement les faits sur les-
quels il s’est appuyé pour admettre la nature purement érup-
tive de ces roches. Elles contiennent des fragments de granité
et de calcaire profondément altérés ; jamais aucun fossile,
tandis que les conglomérats plus récents renferment des restes
nombreux d’animaux et de végétaux. L’orientation même de
ces dykes, qui rappelle celle de la plupart des pays du centre
de la France, vient encore appuyer cette opinion. Il y a incli-
naison des couches autour de Corneille, et cette inclinaison
ne correspond qu’à la dislocation nécessaire à une éruption.
On a insisté beaucoup sur la stratification confuse de certaines
de ces roches. C’est surtout à Ceyssac que ce phénomène est
manifesté. Il se peut que la brèche se soit trouvée en ce point
au milieu de circonstances facilitant sa stratification à la sortie
de la cheminée d’éruption.
A Saint-Michel, où la brèche ne s’est pas épanchée, on ne
trouve aucune trace de stratification; toutes les lignes de fis-
sure sont perpendiculaires. Enfin, M. Aymard déclare qu’il a
voulu, en employant le mot brèche, donner la préférence au
terme dont s’étaient servi les géologues anglais dans 1 étude
de ces mêmes roches.
1104
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
M. Tournaire ne pense pas que les phénomènes actuels
puissent expliquer tous les phénomènes anciens.
S’il n’y avait dans les environs du Puy que des conglomérats
analogues à ceux des plateaux du Collet et de Denise, les expli-
cations par voie aérienne seraient plus satisfaisantes que celles
par éruptions boueuses. Les deux explications pourraient peut-
être s’appliquer au Collet.
Mais quant aux conglomérats sur le flanc de la vallée de Po-
lignac, quant à ces nappes partant des masses basaltiques et
s’étendant dans la vallée, ce sont là de véritables coulées.
Corneille présente enfin une particularité nouvelle.
Les remarques que M. de Rozemond vient de présenteront
une véritable importance. Si ces tufs avaient été projetés dans
la vallée, comment admettre qu’il n'en serait pas resté des
masses sur les flancs de la vallée où ils auraient été mieux
placées pour résister à la dénudation. L’opinion de M. Grü-
ner qui admet que ces roches doivent leurs dispositions
à des failles , ne peut guère résister à cette particularité
que les couches du terrain à gypse se correspondent exac-
tement des deux côtés de la vallée. Comment admettre du
reste qu’un mouvement de bascule soit venu planter de telles
roches aussi profondément dans les couches lacus très. Aussi
M. Tournaire admet-il l’opinion de M. Àymard à propos de
Saint-Michel.
M. de Rozemond ne pense pas que les failles aient joué le
rôle de causes. Il est bien plus probable que la formation et
l’arrivée des roches volcaniques aient occasionné certaines
dislocations profitables aux dénudations postérieures.
M. Lory présente les observations suivantes :
Je crois qu’on ne saurait trop insister sur l’importance con-
sidérable des érosions qui ont eu lieu dans le bassin du Puy,
à diverses reprises, pendant les périodes pliocène et quater-
naire. En raison de la nature peu résistante des couches ter-
tiaires, des failles qui les ont fracturées et à travers lesquelles
se sont faites les éruptions, ce bassin et les diverses forma-
tions volcaniques qui s’y sont succédées ont été bien plus pro-
fondément corrodées que d’autres parties du plateau central
formées de roches plus solides. A part quelques exceptions
qui ne comprennent guère que les volcans modernes, comme
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1105
Denise et quelques volcans plus anciens, comme Cheyrac, les
formations volcaniques du Yelay ne sont plus, on peut le dire,
que des ruines; on ne peut, je crois, s’en rendre compte que
par un procédé semblable à celui de l’archéologue qui étudie
les restes épars d’une ancienne cité ; c’est-à-dire en cherchant
les analogies de ces ruines avec telles ou telles parties d’appa-
reils volcaniques complets, comme il en subsiste de si beaux
exemples dans l’Auvergne, dans le Vivarais, etc. C’est d’après
cette méthode que j’ai essayé d’expliquer, l’autre jour, l’ori-
gine des conglomérats anciens du Puy, etc. Je me rapproche
de l’opinion de nos savants confrères du Puy en ce sens que je
crois que les matériaux de ces conglomérats ne sont pas venus
de loin, et que ces roches de Corneille et de Saint-Michel,
d’Espaly, de Ceyssac, de Polignac, ont fait partie de plusieurs
anciens volcans dont il ne reste que ces lambeaux. Mais je ne
saurais admettre une analogie de structure et de formation
entre ces conglomérats d 'entassement et le vrai dyke éruptif de
la Roche-Rouge; et je crois qu’on ne saurait appliquer à ces
roches le nom de dyke sans le détourner considérablement du
sens qui lui est généralement attribué.
M. Yinay expose qu’il est possible de reconnaître deux
sortes de phénomènes volcaniques dans les environs du Puy.
Les opinions de M. Delanoüe semblent justifiés par les for-
mations volcaniques récentes, tandis que les opinions des géo-
logues du Puy s’appliquent peut-être plus exactement à l’ex-
plication des phénomènes anciens. On ne trouve pas de cra-
tères à proximité des dykes. R est vrai que l’opinion de
M. Lory explique leur absence.
M. de Pozemond signale à l’attention delà Société un disque
peicé de basalte, d’une époque antéhistorique, et recueill i
par lui dans le bassin de Chaudeyroles. Rien que ce sujet s’é-
loigne un peu des préoccupations ordinaires de la Société, il
a cru trouver en lui un intérêt suffisant pour justifier cette
mention.
M. Aymard insiste sur l’intérêt de cette communication.
Il expose à ce propos quelques curieuses considérations sur
les patines des objets antéhistoriques de l’époque de la pierre
polie, trouvés dans les environs du Puy, comparés à celles des
cailloux basaltiques eux-mêmes.
Soc . géoh$ 2e série, tome XXYI.
70
1106
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
M. Tournaire, après avoir présenté à la Société la carte
géologique de la Haute-Loire qu'il vient d'exécuter, lit la
note suivante :
Note sur la constitution géologique du département de la Haute -
Loire et sur les révolutions dont ce pays a été le théâtre ; par
M. Tournaire.
Pi. VIII.
Dès que la géologie est devenue l’objet d’études positives,
l’attention des savants et des hommes qu’intéresse l’histoire du
globe, s’est portée sur les montagnes de l’Auvergne, du Velay
et du Vivarais, qui présentent de vastes formations d'origine
volcanique, les unes identiques aux cratères et aux laves de nos
jours, les autres, en différant par leur aspect ou par la nature
des roches, mais ayant avec les produits des émissions actuelles
une évidente parenté et dont les analogues ou les similaires
sont associées de même aux volcans encore en feu.
Le Velay a rencontré en Bertrand de Doue un observateur
éminent et un écrivain distingué. Sa très-remarquable des-
cription des environs du Puy, quoiqu’elle soit déjà ancienne,
eu égard à la récente création et aux développements rapides
de la géologie, est restée pleine d’intérêt par la vérité de ses
tableaux, l’exactitude des détails qui y sont mentionnés et le
grand nombre d’idées justes qu’elle exprime. Les publications
postérieures ont sur divers points ajouté à la connaissance des
terrains et rectifié, selon les progrès de la science, une partie
des vues théoriques. Celle de Poulett Scrope notamment est
précieuse par ses belles planches aux vues panoramatique§ et
géologiquement coloriées, qui donnent aux yeux une excellente
représentation de la structure et du relief du pays. Mais ce
sont surtout les découvertes paléontologiques qui ont été abon-
dantes et fructueuses, grâce au zèle et à la sagacité des sa-
vants qui habitent le Puy. Les terrains tertiaires, comme les
terrains volcaniques, ont contribué aux richesses de leurs in-
structives collections.
Le champ des spéculations et des études auxquelles le Ve-
lay et les contrées voisines peuvent donner lieu, est cependant
bien loin d’être épuisé. Ayant été chargé de tracer à grande
va. poime
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1106
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
M. Tournaire, après avoir présenté à la Société la carte
géologique de la Haute-Loire qu'il vient d'exécuter, lit la
note suivante :
Note sur la constitution géologique du département de la Haute-
Loire et sur les révolutions dont ce pays a été le thèôire ; par
M. Tournaire.
Pi. VIII.
Dès que la géologie est devenue l’objet d’études positives,
l’attention des savants et des hommes qu’intéresse l’histoire du
globe, s’est portée sur les montagnes de l’Auvergne, du Yeîay
et du Vivarais, qui présentent de vastes formations d'origine
volcanique, les unes identiques aux cratères et aux laves de nos
jours, les autres, en différant par leur aspect ou par la nature
des roches, mais ayant avec les produits des émissions actuelles
une évidente parenté et dont les analogues ou les similaires
sont associées de même aux volcans encore en feu.
Le Velay a rencontré en Bertrand de Doue un observateur
éminent et un écrivain distingué. Sa très-remarquable des-
cription des environs du Puy, quoiqu’elle soit déjà ancienne,
eu égard à la récente création et aux développements rapides
de la géologie, est restée pleine d’intérêt par la vérité de ses
tableaux, l’exactitude des détails qui y sont mentionnés et le
grand nombre d’idées justes qu’elle exprime. Les publications
postérieures ont sur divers points ajouté à la connaissance des
terrains et rectifié, selon les progrès de la science, une partie
des vues théoriques. Celle de Poulett Scrope notamment est
précieuse par ses belles planches aux vues panoramatique^ et
géologiquement coloriées, qui donnent aux yeux une excellente
représentation de la structure et du relief du pays. Mais ce
sont surtout les découvertes paléontologiques qui ont été abon-
dantes et fructueuses, grâce au zèle et à la sagacité des sa-
vants qui habitent le Puy. Les terrains tertiaires, comme les
terrains volcaniques, ont contribué aux richesses de leurs in-
structives collections.
Le champ des spéculations et des études auxquelles le Ve-
lay et les contrées voisines peuvent donner lieu, est cependant
bien loin d’être épuisé. Ayant été chargé de tracer à grande
Bull., le la Joe . G-éoL de. France.
Note de M'.‘ TOURNA IKK
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Terrain houlllei
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Imjp . B cri/ Lcet Pclt'Ïs
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1107
échelle la carte géologique du département de la Haute-Loire,
j’ai forcément acquis une connaissance détaillée des forma-
tions qu’on y trouve, et j’ai eu souvent sujet de réfléchir sur
les causes qui avaient pu les faire naître, puis les dégrader, et
qui, après de longues vicissitudes, ont imprimé à cette partie
de la France l’aspect qu’elle a de nos jours.
Je me propose dans cette note d’indiquer aussi rapidement
que possible les principaux résultats de mon travail, en négli-
geant toutefois diverses questions qui n’ont pas occupé la So-
ciété géologique dans sa dernière session extraordinaire, ou
n’en parlant que d’une façon incidente.
Cette contrée, qui fait partie du massif montagneux de la
France centrale, est d’une altitude élevée, dont la moyenne,
en prenant pour zéro le niveau des mers, est d’environ
900 mètres. La seule vallée un peu large qu’on y trouve est
celle de Brioude, extrémité du vaste bassin de la Limagne
d’Auvergne. Les autres, sur leur plus grande longueur, ne
sont que d’étroits ravins, en général creusés profondément.
Au-dessus des sillons la surface du sol est mollement ondulée
ou s’étale en larges plateaux dominés par les cônes et les pro-
tubérances volcaniques. Les eaux ont partout un cours rapide,
et quand elles sont gonflées par les pluies, elles acquièrent
une force torrentielle, qui leur permet de rouler de grosses
pierres avec les galets. Les érosions exercent donc un travail
très-actif, et les modifications qu’elles font éprouver au relief
du pays, si elles sont presque insensibles pour une vie hu-
maine et même pour une suite de plusieurs générations, sont
rapides en regard de la durée qu’on est obligé d’imputer à la
plupart des faits géologiques. La Loire et l’Ailier, à leur sortie
du département, dont ils emportent presque toutes les eaux,
avec une partie de celles des montagnes voisines, sont à l’alti-
tude d’environ 400 mètres, et ont encore, par conséquent,
beaucoup à descendre pour atteindre leurs basses vallées.
Terrains 'primordiaux .
Les roches primordiales, c’est-à-dire le granité, le gneiss et
le micaschiste occupent à peu près les sept dixièmes.du sol de
la Haute-Loire. Ailleurs, sauf sous les terrains houillers de
Brassac et de Langeac, dont l’étendue n’est pas très-grande,
elles ne sont pas profondément enfouies ; car elles apparaissent
1108 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
dans une multitude de ravins jusqu'au centre des régions cou-
vertes par la formation tertiaire, les nappes de basalte et les
montagnes de phonolithe. En outre, dans les restes des cratè-
res et des conglomérats volcaniques, on trouve beaucoup de
débris des terrains cristallins traversés par les bouches érup-
tives, qui ont été projetés avec les scories.
L’aspect de la région primordiale résulte de ce qui vient
d’être dit sur la configuration des vallées. Elle est entaillée par
des gorges abruptes; mais, si on les pouvait combler, l’œil ne
verrait plus guère que des collines émoussées et des pentes
douces. Les bords des bassins qui ont reçu les couches ter-
tiaires et qui ont été dénudés dans les époques géologiques ré-
centes par l'entraînement de leurs argiles meubles feraient à
peu près seuls exception à cette physionomie générale. On au-
rait donc l’image d’une terre rocheuse fortement usée et dont
les aspérités auraient, pour la plupart, disparu par l’action ex-
trêmement prolongée des agents atmosphériques. Cette image,
nettement empreinte dans le haut pays, correspond certaine-
ment à un ancien état de choses différent du régime actuel.
De longs siècles ont dû se passer pendant lesquels les roches
cristallines du Velay et de l’Auvergne surgissaient beaucoup
moins qu’elles ne le font de nos jours au-dessus des grandes
plaines. Les rivières et les ruisseaux qui les traversaient,
n’ayant alors que d’assez faibles déclivités, ne se creusaient pas
des lits profonds. Dans la période actuelle, au contraire, le sol
surhaussé se laisse entamer vivement, etl’œuvre de destruction,
dont les attaques s’étaient émoussées jadis, a repris une grande
énergie. J’aurai à mentionner dans le cours de cette note
d’autres observations qui conduisent aux mêmes consé-
quences.
Les éminences des terrains primordiaux s’orientent pour la
plupart suivant quelques directions, dont le nombre n’est pas
considérable et, soudées les unes aux autres, forment ainsi,
au-dessus des hautes plaines ou des longs valions ondulés, de
longs dos arrondis.
On sait que ces directions des montagnes se répètent tou-
jours en un certain nombre de lignes parallèles, qu’on les re-
trouve dans les cours des rivières et dans les concavités ou les
bassins compris entre les côtes saillantes. Voici les principales
lignes qu’on peut observer dans les masses cristallines de la
Haute-Loire :
1° La longue et étroite chaîne de la Margeride court moyen-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
4109
nement au nord 29 degrés ouest. Même orientation dans une
bonne partie des côtes qui bordent le bassin tertiaire de Brioude,
dans la vallée de l’Ailier, en amont de Langeac.
2° Deux autres parties de cette vallée, en aval de Brioude
comme en aval de Langeac, affectent une direction différente,
mais cependant bien distincte de la précédente, qui est le nord
18 degrés ouest. On la trouve aussi dans plusieurs des monta-
gnes et des hauts vallons du nord de la Margeride et dans le
bassin de Brioude.
3° Des directions nord 34 degrés est ou fort voisines, se peu-
vent remarquer en diverses parties du sillon de la Loire et dans
le cours moyen de ce fleuve, en aval de Retournac, dans la plaine
de Bas, dans la vallée de la Sénouire, au sud de la Chaise-
Dieu et dans les côtes qui la bordent, dans l’extrémité méri-
dionale du bassin houiller de Langeac, dans quelques ravins
du nord de la Margeride, dans une partie du cours de l’Al-
lagnon.
4° Les lignes nord-sud ou très-voisines de la méridienne,
jouent un grand rôle dans l’orographie de la contrée. On peut
citer les côtes qui encaissent la Dore et le Doulon, et celles qui
réunissent les montagnes de la Chaise-Dieu et de Craponne au
massif du Forez, le cours de la Loire depuis Arlempdes jusqu’à
Vorey, celui de l’Ailier au-dessous de la Voute-Chilhac et au-
près de Brassac, une grande partie de celui de l’Allagnon, les
dépressions qui contiennent les deux formations houillères de
Brassac et de Langeac.
5° Une étroite et haute côte granitique orientée au nord-ouest
et passant à l’est du Puy, divise en deux bassins les dépôts ter-
tiaires du Velay. Cet alignement règne sur une grande étendue,
non toutefois sans interruption; car, en le prolongeant vers le
sud-est, on trouve qu’il passe sur les sommets granitiques de
l’Ardèche et sur toute la longueur des montagnes basaltiques
des Coirons.
6° Bon nombre de directions importantes, mais qui ne se ré-
duisent pas à un parallélisme aussi exact, sont comprises dans
un secteur d’environ 18 degrés, entre l’ouest, 38 degrés nord
et l’ouest, 20 degrés nord. Telles sont celles des collines qui li-
mitent au nord le bassin houiller de Brassac, d’une partie des
côtes qui s’élèvent à l’est d’Auzon, entre Brioude et Blesle, au
nord-ouest d’Allègre, au nord-ouest de Langogne, d’une partie
des ravins du Lignon.
Nous retrouverons les mêmes orientations dans les assises
1110
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 186!).
stratifiées et dans les alignements des masses phonolithiques et
des buttes de scories.
Cependant la succession des formations géologiques pré-
sente dans la Haute-Loire de si immenses lacunes, qu’elle ne
peut fournir des indices précis sur les époques où ont pris
naissance les principales éminences et les grandes dépressions
es montagnes primordiales. Ce qui est certain , c’est qu’avant
a formation miocène elles existaient à peu près aux mêmes
emplacements que de nos jours; car non-seulemeutles couches
de cette époque se trouvent encore dans les bassins qu’enca-
drent les hauts massifs de granité et de gneiss ; mais leur hori-
zontalité ou leur déclivité très-faible, montrent que depuis
leur dépôt la croûte terrestre n’a subi ni plissements, ni redres-
sements considérables. D’autre part, sauf une exception qui
apparaît dans le bassin de Brioude et dont il sera ultérieure-
ment parle, les failles assez nombreuses qu’on y observe n’ont
donné heu qu a des rejets de très-petite amplitude, de sorte que
les assises qui se sont faites aux âges récents n’ont pu avoir
pour résultat de faire naître des dénivellations bien générales
e len intenses. Beaucoup de changements se sont au con-
traire produits dans les formations primordiales depuis l’épo-
que houillère ; car les assises houillères, contournées et rele-
vées suivant des inclinaisons ordinairement très-fortes, se ren-
contrent renfermées dans des cavités profondes sur lesquelles
se moulent leurs bancs inférieurs. Détruites sur des espaces
a "dm eber0UP plusiarSes 6ue ceux qu’elles occupent
aujourd hui, elles ne nous montrent leurs anciens bords qu’en
un pe î nombre d’endroits, et ce qui en reste ne nous a été
conserv que parce qu’il a été enfoui postérieurement au dépôt
et mis a 1 abri des érosions dans les plissements des roches en-
caissantes. Les alignements ci-dessus signalés, excepté celui
u nord-ouest, se peuvent observer soit dans leurs limites, soit
etTe LaUn*eacreCtl0DS’ ^ envil’°ns de Brassac> de Lavaudieu
Il n est pas étonnant qu’on retrouve dans les cours des eaux,
quand on fait abstraction des coudes et des sinuosités qui s’é-
car en Peu e eurs lignes générales, des orientations sem-
a les a celles des lignes de faîte et des grands bassins : c’est,
P ”,S î°U'ent’ 11 n .e^et naturel de la configuration première
du sol. Quelques rivières, toutefois, ont quitté de larges vallées
anciennes et des fonds composés de couches meubles, de des-
truction tres-facile, pour des passages escarpés à travers des
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1111
côtes élevées et des roches dures , qui n’ont pu être creusés
parles seules actions érosives.
L’Allier nous offre un bel exemple des sillons de cette es-
pèce. En amont du bassin de Brioude, est un autre bassin dont
la ville de Paulhaguet occupe à peu près le centre et qui s’étend
jusqu’aux environs de Langeac. Il a reçu aussi des dépôts stra-
tifiés, et dans les temps tertiaires il était en communication
avec les basses plaines par une vallée assez large, qui est restée
marquée d’une manière très-nette : son encaissement est su-
périeur au lit actuel de la rivière de Sénouire, qui le coupe
obliquement. La masse principale des eaux qui descendaient
de la haute région, ne pouvait alors que traverser ce bassin et
que déboucher à l’extrémité de la Limagne par cette vallée.
Postérieurement, l’Ailier s’est engagé entre les hauteurs de la
Youte-Cbilbac et de Saint-Ilpize.
Je montrerai aussi plus loin qu’autrefois la Loire, au lieu
de passer dans le ravin granitique de Peyredeyre, a longtemps
erré auprès du Puy et de Polignac.
Les tremblements de terre qui ont été sans doute très-nom-
breux et très-intenses durant les périodes volcaniques, ont dû
produire beaucoup de fentes et de crevasses et rouvrir des
fentes préexistantes, phénomènes dont les habitants des con-
trées voisines des Andes ont été plusieurs fois témoins. Des is-
sues nouvelles ont par là été offertes aux eaux; puis l’érosion
et l’usure du temps ont fait le reste, Il est à remarquer que les
deux portions de vallées que je viens de citer vont du sud au
nord, avec un certain nombre d’inflexions normales à la direc-
tion dominante, c’est-à-dire allant de l’est à l’ouest.
Les limites des granités et des masses cristallines rubannées
ou schisteuses sont parfois nettes et susceptibles d’être tracées
avec une grande précision. Souvent aussi elles sont confuses ,
parce que les roches de l’une et de l’autre espèce s’entremêlent
de mille manières, ou parce qu’on en rencontre qui sont de
transition et d’apparence mixte.
Les granités dominent de beaucoup. Dans presque tout le
Yelay, ils constituent ou l’assiette des terrains qui sont venus
combler les anciennes vallées ou le terrain extérieur lui-
même. Ils forment les parties du département qui dépendaient
autrefois du Forez et du Gévaudan. On peut cependant obser-
ver que ceux du Velay et du Gévaudan sont séparés, jusqu’aux
confins du département de la Lozère, par une bande gneissi-
que orientée du nord au sud.
1112
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
u sud-ouest de la Chaise-Dieu, sur les flancs occidentaux
de la haute vallée de la Sénouire, une très-remarquable bande
de granité, affectant la troisième des directions plus haut si-
gnalées, fait une longue pointe à travers les gneiss et les mi-,
caschites. Elle s’appuie à une ligne de faîte qui l'accompagne
exactement, mais qu’elle n’atteint qu’en un seul point. En son
mi heu, elle éprouvé un brusque déplacement vers l’est, égal à
sa largeur, soit de 1800 mètres environ, dans un sens normal à
sa direction, appartenant par conséquent aux alignements de
a sixième catégorie, et dont le prolongement coïncide avec un
étroit va Ion qui descend sur la Sénouire des environs d’Allè-
gre. La ligne de faîte ne quitte pas la lisière du granité et se
transporte dune manière semblable, parallèlement à elle-
meme. A la jonction des deux moitiés de la bande, un faisceau
e filons barytiques montre que de nombreuses cassures ont
existé en ce endroit. Il serait difficile de ne pas voir dans un
{aille6.11 faitS ^ manifestalion d’une très-grande
snlfh df la.Haute-Loire ont tous l’orthose pour feld-
spath. L espece la plus commune est à cristaux d’orthose de
roséTiTmi T 6’ 6 TleUr Mancbâ,re ou jaunâtre, rarement
no,lr ou brun- mê|é en petite proportion de mica
argentin, elle est en général d’une ténacité médiocre.
mesurer CnSîaUX blancs d’°rthose, dont les arêtes
fort atondanl c>T.U .nt P'Usieurs cenlimètres, est aussi
vaudarTc|d qui en est formé. ;,
g os blocs arrondis, qui ont échappé à la destruction W
sur le sol, dissémines en grand nombre. On en rencontre oui
l«. uns sus autres, et quel, m-
Une troisième espèce est un granité tenace, à grains fins et
seirés, dont le mica est ordinairement argentin eUe feldsualli
quelquefois un peu rosé. On le rencontre en beaucï de
oonXet Monistro! TT f 1 ïu®nt entr® Yssengeaux, Monffau-
Monistrol, ou il est exploité pour la taille en de nom-
V.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT.
MIS
breuses carrières. Je suis porté à le regarder comme étant par
rapport aux précédents de formation en général postérieure.
On le voit en effet dans la gorge de la Loire, entre le Puy et la
Voûte, constituer des filons au milieu du granité commun : le
plus remarquable de ces filons a été montré à la Société géo-
logique, et n’a pas moins d’une quinzaine de mètres de lar-
geur. Au pied du plus haut sommet de la Margeride, et préci-
sément sur la lisière du terrain gneissique surgit une butte de
cette roche en forme de cône très-régulier, qu’entoure le gra-
nité à grands cristaux. Son isolement et sa figure, différente
de celles des montagnes voisines rappellent certains cônes de
porphyre et même de traehyte et donnent l’idée d’une masse
qui serait venue au jour par un effort souterrain à travers des
roches plus anciennes.
Deux autres variétés méritent d’être signalées. De beaux gra-
nités très-durs, à mica noir, à cristaux d’orthose translucides,
d’assez grandes dimensions et souvent mâclés, très-aptes à
faire des pavés et des socles monumentaux : entre autres lieux,
on en trouve beaucoup aux environs de Tence.Un granité blanc
d’assez gros grains, où le mica n’est pas très-abondant, qui est
cependant grossièrement rubanné, et par là, présente un pas-
sage à la structure gneissique; il est très-répandu aux environs
de la Chaise-Dieu.
Dans la gorge du Lignon, non loin d’Yssengeaux, on voit une
carrière où l’on exploite une roche presque exclusivement
composée de mica noir, à grandes lames, orientées en tous
sens.
Parmi les granités communs, comme parmi les granités à
grands cristaux, on trouve en beaucoup de lieux des lambeaux
et noyaux de gneiss ou de micaschiste englobés, ce qui prouve
bien la préexistence de grandes formations de ces dernières
roches. Point de régularité dans les dimensions et l’orienta-
tion des fragments, qui paraissent avoir été saisis et empâtés
par une masse de consistance molle, dont les diverses parties
subissaient des mouvements inégaux et fort complexes. On
peut citer comme offrant des exemples faciles à observer de
ces empâtements, les environs d’Yssengeaux, les côtes que
gravit l’ancienne route du Puy à Saugues, à l’ouest de.Monis-'
trol-d’Allier, le ravin de la Loire en amont de la Voûte, exami-
né parla Société géologique. D’autres fois, ce ne sont plus des
fragments, mais des îles plus ou moins vastes de gneiss qui se
rencontrent au milieu des régions granitiques. Telle est une
1114
SÉANCE du 18 SEPTEMBRE 1869.
côte allongée à l’ouest de Montfaucon, et tel est le sommet ar-
rondi d’une montagne de la Margeride, dont les pieds sont de
granité et qui est située un peu au sud de la butte conique
dont j’ai parlé.
Lorsque des tranchées d’une certaine étendue permettent
d’étudier en détail la structure des massifs granitiques, on re-
marque presque toujours qu’ils ont subi, postérieurement à
leur formation première, quantité de perturbations intenses.
Les fractures sont très-nombreuses, et les rejets qui les ac-
compagnent juxtaposent souvent des roches qui n’ont pas sem-
blable texture. Celles qui ont laissé un certain intervalle entre
leurs parois ont été remplies par des fiions, qui pour la plu-
part sont eux-mêmes granitiques. J’en ai mentionné qui sont
formés de l’espèce à grains serrés, traversant l’espèce com-
mune. Mais ordinairement la composition minéralogique de
ces filons ne diffère de celle de la masse encaissante que par
la proportion des éléments et la prédominance du feldspath,
qui leur donne plus de solidité et de cohésion ; car c’est ce
minéral qui fait surtout office de ciment.
Les granités de la Haute-Loire contiennent assez souvent
d’autres substances que le feldspath, le quartz et le mica. On
y rencontre la tourmaline noire, en cristaux prismatiques ou
en petites masses radiées, fréquente dans le Gévaudan ; l’am-
phibole hornblende, en lames noires, qui se substitue parfois
à la totalité du mica; la pinite.
Les gneiss et les micaschites occupent presque toutes les
montagnes des environs de Brioude, font, comme je l’ai dit,
une bande entre les granités du Gévaudan et du Yelay et se
trouvent encore en assez grandes masses vers les confins du
département, au-dessus de Firminy, auprès de Saint-Bonnet-
le-F roid et au-dessus de Langogne. Ailleurs ils n’existent qu’en
lambeaux de surface très-restreinte.
Il n’y a point entre ces roches d’autres distinctions essen-
tielles que la plus grande abondance du mica et les feuillets
plus minces, par suite de la dureté moindre de celle de la se-
conde sorte. Presque partout elles alternent et se mêlent.
Dans la partie nord de la Margeride, dans les montagnes qui
sont entre Massiac et la Voute-Chilhac, les micaschistes sont
les plus fréquents : ailleurs ce sont plutôt les gneiss qui do-
minent.
Le talc est très-souvent associé au mica des schistes des en
virons de Pinols.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1115
L’amphibole est plus commune parmi les gneiss qu’elle ne
l’est parmi les granités et y forme d’assez nombreuses bandes
syénitiques. On les rencontre principalement dans le groupe
de montagnes qui est situé entre Brioude, la Voute-Chilhac et
Paulhaguet, dans celui que traverse la rivière de Doulon.
Les roches schisteuses sont mélangées de granités en une
foule de points. Ce caractère est très-ordinaire vers les bords
des grandes masses granitiques et s’observe aussi en plusieurs
régions assez étendues qui sont en dehors de ces confins. Telle
est par exemple la constitution des montagnes que ravine la
rivière de Cronce au sud de la Voute-Chilhac. J’ai parlé des
lambeaux de gneiss empâtés dans les granités. Ce n’est pas la
manière d’être la plus commune à ces formations mixtes. Le
plus souvent, le granité paraît pénétrer en rocs anguleux ou en
coins très-réguliers, obtus ou aigus, au milieu des gneiss ou
des schistes, ou il les traverse en filons de toute épaisseur, ce
qui témoigne de sa venue subséquente. Les côtes au sud de
Lempdes sont une des régions où ces filons sont le mieux mar-
qués. Quelquefois il forme des assises ou des bancs intercalés
dans le gneiss à stratification concordante, et alors on ne peut
douter que les deux roches ne soient contemporaines. On le
voit en cet état sur les rives de l’Ailier, en amont de Vieille-
Brioude.
Les masses cristallines schisteuses ne sont pas moins brisées
et disloquées que celles de granités, et leurs feuillets contour-
- nés et froissés rendent même encore ces dérangements plus
apparents. Je crois qu’on ne parviendrait pas à y démêler une
succession d’assises nettement déterminée. Cependant, en
chaque région, les feuillets, malgré des anomalies de détail,
ont une tendance très-prononcée à suivre certaines orienta-
tions. Ainsi celles qu’on observe des deux côtés du bassin de
Brioude rentrent pour la plupart dans les directions de la
sixième catégorie signalée plus haut. A l’ouest de Blesle, les
directions générales se rapprochent plus de l’est-ouest, au sud
de Brioude, du nord-ouest. Au nord de Paulhaguet, en remon-
tant la vallée de la Doulon, on trouve qu’elles vont d’abord à
peu près du nord au sud, puis à peu près au nord-est.
Les porphyres n’existent pas en grandes masses dans la
Haute-Loire, mais ils forment au milieu des roches primor-
diales des filons, quelquefois remarquables parleur continuité
et se maintenant sur plusieurs kilomètres. Ils sont d’une pâte
jaunâtre ou blanchâtre? avec cristaux d’orthose un peu plus
1116
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
blancs; les cassures qui ont été longtemps exposées à Pair
ont pris habituellement une légère teinte rosée. Ils contien-
nent presque toujours des grains de quartz, souvent quelques
paillettes de mica. Parfois les cristaux disparaissent comme le
quartz, et la roche passe à une eurite. Les plus beaux filons de
porphyre que j’aie observés se trouvent sur la rive droite du
Lignon, à l’est d’Yssengeaux, où ils composent un long faisceau,
moyennement orienté à l’ouest, 22 degrés nord, et sur l’une
des montagnes de la Margeride, où ils s’orientent au nord,
29 degrés est, en accompagnant de fort près la lisière des gra-
nités et des gneiss. On en voit encore un groupe nombreux à
l’est d’ Allègre et du centre de Bar, avec direction nord-sud, et
plusieurs épars sur les confins de la Lozère, au sud de Sau-
gues, pour la plupart aussi à peu près nord-sud.
La postériorité des porphyres par rapport aux masses qu’ils
traversent, ne saurait être mise en doute. On sait d’ailleurs
que les roches de cette espèce se montrent jusque dans les ter-
rains secondaires, et que dans les terrains paléozoïques on les
trouve non-seulement en filons, mais quelquefois interstrati-
fiés parmi les couches. Le bassin houiller de Brassac présente
en sa partie nord un très-remarquable exemple de cette der-
nière disposition, dont M. Baudin, dans son ouvrage sur les
gisements de ce bassin, a donné une description très-exacte.
Au sommet de la côte du Pin, ce porphyre en couche des en-
virons de Brassac a exactement l’apparence ordinaire des por-
phyres quartzifères, tandis qu’ailleurs il est beaucoup moins
compacte et passe par toute transition au grès houiller.
Des serpentines d’un vert foncé, irrégulièrement veinées de
vert plus clair et présentant quelquefois des lames de diallage,
se rencontrent en plusieurs endroits. Elles paraissent avoir
pénétré au milieu des gneiss ou des granités, comme l’ont fait
souvent les granités eux-mêmes. Les gîtes les plus remar-
quables se voient à Salzuit et à Saint-Prejet, localités voisines
de Paulhaguet, à la Roche, hameau situé entre la Chaise-Dieu
et Allègre, où on a exploité la serpentine pour l’empierrement
des routes, et dans la Margeride sur la limite du département
du Cantal, au-dessus du ravin du Pavillon. Les deux derniers
consistent en gros rochers régulièrement alignés ; ce qui por-
terait à les regarder comme des filons très-puissants,
A Saint-Prejet et au-dessus de Monistrol-d’Allier, sur la
nouvelle route de Saugues, on trouve de l’asbeste fibreuse et
légèrement flexible, à côté de la serpentine, qui lui semble
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PU Y. 1117
intimement associée et qui passe quelquefois à l’état fibreux.
Les filons à gangue de quartz, soit seule, soit accompagnée
d’autres minéraux, toujours fréquents dans les terrains primor-
diaux, abondent particulièrement dans ceux de la Haute-Loire.
Les plus nombreux sont entièrement quartzeux. Leur quartz
est le plus ordinairement compacte et d’un blanc laiteux, un
peu translucide, avec quelques géodes que garnissent des
cristaux à pointements hexagonaux; quelquefois il est légère-
ment rosé. Dans les cristaux, outre la variété hyaline, qui est
la plus commune, on trouve les variétés enfumée et améthyste.
C’est auprès de Chassignoles, au sud d’Arlempdes, sur les
côtes qui bordent la rivière delaMéjeanne, et surtout dans les
granités du Gévaudan, que j’ai vu les plus remarquables filons
de quartz. En cette dernière région ils ont le plus souvent des
directions à peu près parallèles à la chaîne de la Margeride;
plusieurs aussi vont du nord au sud. L’un d’eux, qui passe
contre la ville de Saugues, mérite d’être tout spécialement
désigné. On le suit durant 5 ou 6 kilomètres, aligné sur le
nord 16 degrés ouest. En un point il s’épanouit en une grosse
butte de forme conique. Sur le sommet la roche est en place;
sur les pentes, je n’en ai vu que des débris. Cette butte se
pourrait expliquer soit par un épanchement et une accumu-
lation extérieurs, soit par l’existence, sur une partie limitée
de la fente que la matière silicieuse a remplie, d’une cheminée
très-élargie, dont le temps aurait dévasté les parois.
Un gisement quartzeux plus intéressant encore n’apparaît
pas dans le filon qui a dû lui donner issue, mais repose en
partie sur des couches de l’époque houillère, en partie sur le
gneiss, à l’extrémité orientale du bassin de Brioude. L’étude
en est fort instructive ; car elle montre que de grandes masses
de quartz se sont formées dans les terrains primordiaux pos-
térieurement à cette époque; et que leur mode de production
a dû être analogue à celui des travertins et des incrustations
que les eaux minérales déposent autour des orifices des fis-
sures par lesquelles elles viennent au jour et dans ces fissures
mêmes.
Le terrain houiiler des environs de Brioude se termine
au hameau de Lugeac, commune de Lavaudieu , par une
butte allongée, ressemblant à un grand tumulus, qui est
orientée suivant une méridienne et dont la ligne de faîte des-
cend très-légèrement vers le sud. ‘Elle a pour pieds, à l’ouest
des schistes houillers, alternant avec quelques bancs de grès,
1418
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 4869.
a 1 est de gneiss et du micaschiste. Son sommet est composé
d’un conglomérat quartzeux contenant des parties fort diver-
ses. On y tiouve du quartz blanchâtre et grisâtre, à cassure
esquilleuse et à cassure un peu grenue, du grès dur formé de
petits fragments anguleux de quartz et de feldspath, qui ne
sont pas configus, mais qui sont saisis dans un ciment
quartzeux, du grès compacte de couleur grisâtre, avec veines
d un ton plus clair, qui renferme des fragments chcLvbonneux
et des empreintes de végétaux houillers, enfin des morceaux
de granité et de gneiss dont le feldspath a généralement passé
à l’état de Kaolin. Le quartz est l’espèce dominante. Il a em-
pâté, soudé et silicifié par pénétration les autres matériaux.
Lorsqu on descend de la butte du côté de l’ouest et du nord,
on voit le conglomérat devenir moins siliceux, puis lui succéder
un poudingue grossier avec intercalation de lits de schistes et
de grès. Le croquis ci-joint représente la succession telle
qu’elle existe sur la pente nord-ouest.
q • Quartz et conglomérat quartzeux.
c. Conglomérat.
p. Poudingue.
s. Schistes et grès avec veines charbonneuses.
Ce dépôt siliceux se continue, en conservant les mômes
caractères, mais en diminuant d’épaisseur et se rétrécissant
jusqu’à la Sénouire. Sur la rive gauche de cette rivière et dans
la même direction nord-sud prolongée, on en trouve encore
un lambeau, qui repose uniquement sur les gneiss. Là, le
quartz blanc opaque, semblable à celui des montagnes, est
plus abondant; mais une variété grisâtre y est encore mêlée
et il englobe en certaines parties des petits fragments dé
feldspath et d’un quartz différent, qui lui donnent l’aspect
porphyroïde, ^
On sait d’ailleurs que des roches et pierres quartzeuses, soit
compactes, soit géodiques'ou cariées, se peuvent rencontrer
parmi les bancs stratifiés de toutes les époques géologiques, ■
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1119
et les terrains tertiaires de la Haute-Loire en présentent plu-
sieurs exemples. Mais les gisements de cette nature ont beau-
coup moins de parenté avec ceux des terrains primordiaux
que celui de Lugeac.
Après le quartz, la baryte sulfatée, en masses cristallines
blanches et tabulaires ou en cristaux distincts, est la substance
lapins répandue dans les filons du pays et forme quelquefois
des veines puissantes. Elle abonde dans l’arrondissement de
Brioude, mais se rencontre aussi fort souvent dans les granités
du Velay ou de la partie du département qui confine au Forez.
Elle est aujourd’hui l’objet d’une importante exploitation au-
près deMazeyrat-Aurouze et de la Voute-Chilhac, après avoir
été longtemps exploitée au-dessus de Salzuit et, plus ancienne-
ment, dans les côtes de Saint-Hilaire sur Auzon et de Véze-
zoux. Il semble résulter des travaux de certaines carrières que
les veines de baryte ont tendance à s’appauvrir dans les pro-
fondeurs, la gangue quartzeuse les envahissant. La très-grande
majorité des filons de cette espèce suit, comme le montre la
carte, des directions qui appartiennent à la sixième catégorie.
Il en est qui se rapprochent un peu plus du nord-Ouest.
D’autres, en assez grand nombre, vont à peu près de l’est à
l’ouest : tel est un faisceau dont j’ai parlé plus haut et dont la
position coïncide avec la rupture de la bande granitique qui
est entre la Chaise-Dieu et Paulhaguet. Quelques uns, dont
le nombre est très-restreint, s’écartent cependant tout à fait
de la ligne moyenne et affectent des directions voisines du
nord-est.
La chaux fluatée, en cristaux cubiques translucides etgéné-
ralement colorés d’une légère nuance verte ou violette, quoi-
que beaucoup moins commune, se rencontre en plusieurs
veines, associée à la baryte. On voit un beau filon de cette
espèce, entre Allègre et Saint-Paulien , qui a l’orientation
moyenne des gisements bary tiques.
Les montagnes micaschisteuses et gneissiques qui s’étendent
depuis les pentes septentrionales de la Margeride jusqu’à un
parallèle que l’on mènerait par la latitude de Blesle contien-
nent fréquemment l’antimoine sulfuré, dans des filons dont le
quartz est à peu près la seule gangue. Le minerai s’y trouve en
veines massives présentant de belles lames cristallines plus
souvent peut-être qu’à l’état de dissémination. Ces veines sont
parfois épaisses, mais fort sujettes aux interruptions et aux
irrégularités. Elles donnent lieu, depuis fort longtemps, soit
1120
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
dans cette partie de la Haute-Loire, soit dans les montagnes
limitrophes du Cantal, à de petites exploitations, qui se sont
souvent transportées d’un gîte à un autre et dont quelques-unes
ont été lucratives. Les directions les plus communes des filons
antimonieux sont voisines du nord-nord-est : on peut, entre
autres, citer comme exemple ceux qui courent tout le long de la
montagne de Mercœur et dont le groupe se retrouve auprès de
Ghazelles, dans le ravin du ruisseau de Celoux. Les directions
comprises entre le nord-est et l’est-est-nord et celles qui vont
à peu près de l’ouest à l’est sont nombreuses aussi.
La galène n’est pas, comme le sulfure d’antimoine, particu-
lière à une seule région du département; il n’est guère de
filon contenant avec le quartz de la baryte ou de la chaux
fluatée, dans lequel on ne trouve de petites plaques et de petits
cristaux de cette substance, si on y creuse des galeries de
quelque étendue. Ceux qui sont assez riches pour qu’on en
puisse extraire avantageusement le minerai de plomb ne sont
certainement pas en grand nombre : il est néanmoins très-
probable que plusieurs exploitations abandonnées auraient
réussi ou se seraient continuées si elles avaient été dirigées
avec plus d’expérience et dans un esprit de stricte économie.
Les principaux gisements connus sont dans les ravins de la
rivière de Desge; au sud du bassin houiller de Langeac, à
Monistrol-d’Allier, où une mine est en activité, proche Versil-
hac, village situé à l’est d’Yssengeaux, où des travaux ont été
plusieurs fois entrepris et délaissés, enfin un peu au sud de
Monistrol-sur-Loire et au Nord-Ouest deDunière, où subsitent
d’assez considérables vestiges d’extractions remontant au
siècle dernier. La plupart de ces filons marchent, comme ceux
de baryte, sur des alignements qui seraient compris entre
l’ouest 10 degrés nord et le nord-ouest : cependant celui de
Versilhac, plusieurs de ceux de la Desge, quelques-uns qui
ont été fouilles dans la vallée de la Semène suivent diverses
directions entre le nord et l’est. L’argent n’est allié au plomb
qu’en faible proportion dans les gîtes que je viens de citer.
Les échantillons de galène qu’on a recueillis dans les carrières
de baryte de l’arrondissement de Brioude sont au contraire
très-argentifères, et parmi ceux qui proviennent d’Aurouze,
quelques-uns ont rendu à l’essai jusqu’à plus de 800 grammes
d’argent pour un kilogramme de plomb.
La blende, la pyrite cuivreuse, la pyrite de fer sont des
compagnes très-habituelles de la galène, et le premier de ces
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1121
minéraux se peut recueillir abondamment dans les débris
qu’ont laissés les anciens extracteurs de la région voisine du
Forez Stéphanois.
Pour terminer ce qui a rapport à ces gisements métalliques,
je mentionnerai encore un gros filon de mispickel, dirigé
presque sur la méridienne, qui se montre au nord de St-Hilaire-
sur-Auzon.
De nombreuses fontaines d’eau minérale sourdent du terrain
primordial. Elles sont toutes froides, de faible débit et de
propriétés semblables, étant très-chargées d’acide carbonique
et contenant une petite quantité de sels alcalins, principale-
ment de bi-carbonate de soude; elles appartiennent par consé-
quent à la catégorie des eaux de table. Trois de ces sources
qui coulent près de la lisière orientale du bassin de Brioude
et celle d’Aurouze sont à peu près alignées parallèment à la
chaîne de la Margeride. On n’aperçoit pas que la distribution
des autres obéisse à une loi bien manifeste, si ce n’est qu’elles
se sont fait jour de préférence dans les fonds des ravins, parce-
que les fentes qui y aboutissent leur offraient en général les
voies les plus courtes.
Dans un petit vallon au nord de St-Didier, un très-mince
filet de bitume se peut voir sur une fissure du granité. Quoi-
que ce gisement soit en lui-même sans importance, il m’a paru
intéressant de le noter ; car il montre bien qu’il ne faut pas
attribuer la formation de tous les bitumes à des décomposi-
tions de matières animales ou végétales.
Quelques observations sur les terrains houillers .
Je n’ai pas l’intention de m’étendre sur les terrains houillers
qu’on trouve, les premiers, reposant sur les roches primordiales
dans les limites de la Haute-Loire. Gela m’entraînerait dans
d’assez longs détails, et la Société géologique n’a pas eu sujet
de diriger sur eux son examen. D’ailleurs la description du
plus important de ces terrains, celui de Brassac, a été publiée
en 1843, et les galeries souterraines qui ont été exécutées
depuis lors n’ont pas apporté des modifications essentielles
aux résultats des études de M. Baudin. Je me bornerai donc
à ajouter les très-succinctes remarques qui vont suivre à celles
que j’ai exposées incidemment plus haut.
Il n’y a nulle apparence de formation houillère dans le
Soc. géol 2e sér., t. XXY1. 7i
1122
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
bassin hydrographique qui environne la ville du Puy et dans
le Velay proprement dit, ni chance d’en découvrir, puisque
l’assiette granitique se montre à nu non-seulement dans les
montagnes et les collines d’une grande partie du pays, mais
dans les fonds de beaucoup de vallées coupées par les plateaux
de basalte, et que là où elle est tout à fait masquée sur de
larges surfaces les projections volcaniques nous ont produit des
échantillons des roches dures sous-jacentes. Ainsi, auprès de
Langeac, le conglomérat de la colline de Saint-Roch renferme
des fragments de grès houiller avec ceux de gneiss; ce qui
serait arrivé ailleurs si d’autres émissions de cendres et de
scories en avaient traversé. A part une minime portion de la
lisière occidentale de la formation stéphanoise, qui pénétre
quelque peu sur le sol départemental, les dépôts de l’époque
houillère sont donc tous contenus dans la grande dépression
des roches primordiales qui a constitué le bassin de Brioude
et dans l’encaissement moins vaste qui forme une profonde
vallée au sud de Langeac.
Le contact des grès et des schistes avec les gneiss se voit
au nord, à l’est et à l’ouest aux environs de Brassac; mais au
sud leurs couches disparaissent sous les argiles tertiaires et
s’enfonçent très-brusquement , comme des travaux de re-
cherches l’ont montré. Cependant ces recherches et la dé-
couverte d’un petit affleurement dans un ravin ne permettent
pas de douter qu’elles aient une longue continuation. D’autre
part, à Test de Brioude, au delà de l’Ailier, la même formation
ressurgit de dessous les argiles et se montre auprès de Lamo-
the en lisière très-mince. L’intervalle entre les constatations
extrêmes qui ont été faites des deux côtés, est de onze kilo-
mètres, ce qui est moindre que la longueur totale reconnue et
une fois et demie environ la largeur du voile tertiaire. On peut
donc regarder comme probable que les deux dépôts se ré-
unissent souterrainement et constituent ensemble une longue
bande, qui, orientée d’abord du nord au sud, s’inclinerait
ensuite vers le sud-est.
Le bassin de Langeac offre en son extrémité nord l’exemple
d’une mine dont les puits sont foncés sur le granité et le gneiss
et atteignent, au-dessous, le terrain houiller et la houille. Ces
cas de renversement ne sont pas rares dans les formations
très-anciennes; mais on n’en pourrait guère citer de plus
frappant. Le recouvrement par les roches cristallines existe
sur une assez grande surface, sans avoir beaucoup d’épaisseur
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1123
et les couches enfouies gardent leur pendage normal jusqu’à
une faible distance du chapeau qui les cache, de sorte que le
phénomène ne semble pas devoir être expliqué par un plisse-
ment général des strates et des masses cristallines encaissantes,
mais plutôt par une chute partielle de celles-ci.
Terrain de grès bigarré.
La vallée de Brioude contient, à mi-distance de cette ville
et d’Auzon, sur la rive droite de l’Ailier, un dépôt d’aspect
particulier, qu’on a jusqu’ici figuré sur les cartes géologiques
comme terrain houiller, qui en diffère pourtant d’une façon
assez tranchée pour qu’il me semble hors de doute qu’il ap-
partient à une époque moins ancienne. Il consiste essentielle-
ment en une série de bancs de grès, pour la plupart rougeâtres,
d’autres blancs ou gris, à grains quartzeux et feldspathiques,
avec un peu de mica, et de schistes arénacés et micacés de
mêmes couleurs, souvent un peu argileux. La teinte qui do-
mine a fait donnera la localité le nom de Côte-Rouge. Ils sont
fortement inclinés, se superposent très-régulièrement, et
l’affleurement de chacun d’eux dessine un fer à cheval dont la
concavité est tournée vers l’ouest; ce qui est aussi le sens de
la ligne d’inclinaison médiane. A la hase de cette formation,
sur les bords d’un petit ruisseau qui la traverse,* on voit inters-
tratifiées quelques couches d’argiles rouges, et parmi les pre-
mières assises qu’on rencontre lorsqu’on arrive en descendant
l’Ailier on trouve aussi quelques minces bancs calcaires ba-
riolés de gris, de blanc et de rouge. Le contact du terrain
rouge et du gneiss est de ce côté marqué par un lit d’argile
noirâtre qui renferme de petits nodules de cuivre carbonaté
vert et bleu. Il m’a été envoyé des fragments de même pro-
venance qui étaient des menus branchages fossiles, dont la
matière ligneuse avait été remplacée par les cuivres sulfuré et
carbonaté.
A défaut de détermination précise fondée sur des observa-
tions paléontologiques, l’ensemble de ces caractères me paraît
bien concorder avec ceux qu’on assigne aux grès bigarrés. Le
trias aurait donc dans l’Auvergne sa représentation, très-peu
développée, il est vrai. Le lambeau qui nous occupe n’y serait
cependant pas l’unique témoin des dépôts de cet âge : car à
Saint-Sauves, sur la route de Clermont à Mauriac, il existe un
1124 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
autre reste de grès rouges, qu’ou ne peut s’empêcher de lui
assimiler et qui est de même situé à proximité d’une bande
houillère.
Terrain d'arkoses.
Les plus vieux dépôts qu’on ait observés dans le Yelay sur
le fond primordial appartiennent déjà aux époques tertiaires.
Nous verrons pourtant bientôt que certains débris remaniés
semblent témoigner de l’ancienne existence de bancs jurassi-
ques sur les confins méridionaux de cette région. Le bassin
de Brioude, comme le reste de l’Auvergne, n’a présenté non
plus aucune couche qu’on puisse rapporter aux époques
jurassique et crétacée. Cette proposition énoncée jusqu’ici par
tous les géologues que, pendant la plus longue partie des temps
secondaires, nos roches cristallines de la France centrale
formaient un grand massif émergé, reste donc l’expression ex-
trêmement probable de la vérité.
Des assises d’arkoses, disséminées en plusieurs lambeaux
de faible épaisseur et remarquables par leur uniformité, com-
mençent la série tertiaire. Ce sont des grès blancs, à grains de
quartz et de feldspath en général assez gros, mêlés d’un peu
de mica. Les éléments feldspathiques ont conservé leurs angles
et leurs faces de clivage, ce qui prouve qu’ils n’ont pas subi de
très-longs transports, et que la roche s’est formée aux dépens
des granités voisins. Tantôt un ciment siliceux constitue des
bancs très-résistants et très-solides, qu’on exploite pour pierres
de taille en de nombreuses et importantes carrières; tantôt
le ciment est un peu argileux et la pierre est sujette à s’égrener.
Assez souvent, elle est percée de petites géodes ou anfrac-
tuosités. Assez souvent aussi, elle contient de la pyrite de fer,
soit dans les géodes, soit disséminée. On y trouve des em-
preintes végétales, provenant de roseaux et de tiges de plantes
monocotylédones. L’examen que M. de Saporta en a fait pen-
dant la session extraordinaire de la Société géologique a classé
définitivement parmi les dépôts inférieurs de la période
éocène les arkoses de la Haute-Loire, dont l’âge était resté
jusque-là douteux.
On compte trois ou quatre lambeaux de ce terrain dans le
bassin du Puy (voir la carte qui accompagne ce mémoire). Le
principal est celui de Blavoisy, qui forme une bande allongée
sur la côte primordiale par laquelle les vallées convergeant
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1125
vers le Puy sont séparées de celles de l’Emblavès. Plus au
midi, sur la même côte et dans la même direction prolongée,
est celui d’Anteyrac. Le troisième, est traversé par la Loire
sous le village de Brives. Leurs bancs pendent au sud-ouest
avec une douce inclinaison ; excepté sur la rive gauche de la
Loire où le pendage est contraire. Gomme ces lambeaux sont
assez voisins et très-semblables d’allures, on est porté à croire
qu’ils ne faisaient originairement qu’un même dépôt, dont le
fond se trouvait vers le confluent de la Borne et du fleuve.
Deux autres restes de la même formation se rencontrent plus
au nord dans la vallée de la Loire, proche de Retournac et
proche de Bas. Si les arkoses ne se montrent pas aux environs
de Brioude, elles ont beaucoup d’importance dans la Limagne
d’Auvergne, et il en existe des bancs étendus auprès de
Coudes et sur les côtes voisines de Clermont.
Toutes ces localités sont situées dans les grandes dépres-
sions qui ont reçu l’ensemble des couches tertiaires. Mais l’exis-
tence des arkoses à la base de la série, loin d’être générale, est
exceptionnelle. Leurs gisements, beaucoup plus étroitement
circonscrits, occupent sur les fonds des bassins des positions
assez excentriques et ont subi bien des morcellements et des
dénudations avant que les assises subséquentes soient venues
s’y appuyer.
Le défaut de concordance, quê ces considérations suffisent à
établir, se manifeste d’une manière plus saillante encore dans
le vallon de Condros, qui limite au nord-est le lambeaudeBla-
vosy. L’un de ses flancs, comme le montre la coupe ci-jointe
est un escarpement rectiligne taillé dans les bancs d’arkoses ;
tandis qu’au fond et sur le fleuve opposé les strates sont formés
d’argiles sableuses et marneuses.
Suc de Condros. Mont Freysselier.
Garde.
G. Granité.
A. Arkoses.
M. Argiles marneuses et sableuses, tertiaires.
1126
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1860.
S. Sables un peu argileux, tertiaires.
T. Cône trachytique .
B. Suc basaltique reposant sur le piédestal sableux S,
lequel ne couvre qu’une petite partie des arkoses.
Le creusement de ce vallon, probablement déterminé par une
cassure, s’est donc effectué entre le dépôt des grès inférieurs
et ceux des argiles et des sables.
Ainsi il y a eu scission et long intervalle entre les deux for-
mations, et lorsque la première se constituait, les bassins ter-
tiaires, bien que déjà dessinés, n’avaient ni l’étendue, ni les
contours qu’ils ont pris ultérieurement.
Terrain des argiles et des marnes tertiaires.
La formation qui a succédé et qui, d’après les études que
les paléontologistes ont faites de ses restes fossiles se rapporte
à la période miocène et probablement aussi à la fin de la pé-
riode eocène, est au contraire tres-puissante et présente dans
le série de ses couches tous les caractères de la continuité.
Elle a rempli deux vastes dépressions qui se sont conservées
dans le relief du sol plus ancien.
Composée presque entièrement d’argiles sableuses et de
marnes, elle offre une proie facile aux eaux toutes les fois que
ses pentes sont dénudées. Il s’en est donc fait une immense
destruction. Cependant les nappes volcaniques, qui ont com-
mencé a ^e répandre dès l’origine des temps pliocènes et peut-
être antéi ieurement, en ont couverte! protégé de très-grandes
masses, qui, sans ce bouclier, auraient été vouées à une ruine
infaillible. Grâce à cette circonstance, particulière àl’Auvergne
et au Veîay, nous pouvons juger de l'extension très-considé-
rable qu’ont eue ces assises jusqu’au sein des régions qui cons-
tituent le groupe des montagnes de la France centrale. Et pour-
tant l’action de la mer ne semble pas y être intervenue, car les
faunes tertiaires se sont jusqu’ici montrées exclusivement la-
custres ou terrestres.
L un des deux bassins qui les ont reçues renfermait tout le
milieu de cette région que l’œil aperçoit des hauteurs voisines
du Puy, en outre l’Embîavès, quelques vallées accessoires
remontant aux confins du Yivarais, et s’étendait jus-
qu’aux environs d’Aurec et de Graponne, au-dessus des sillons
où coulent la Loire et l’Ance. Les sédiments tertiaires y for-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1127
ment aujourd’hui deux dépôts très-importants, de part et
d’autre de la côte granitique de Chaspinhac et de Peyredeyre ;
le premier, au centre duquel est à peu près la ville du Puy, le
second qui a couvert le pays appelé Emblavés et une grande
zone au delà, par dessous les montagnes de phonolithe situées
au nord-ouest du Meygal. Ils s’y trouvent aussi en beaucoup
de petits lambeaux disjoints. Tout cela constituait autrefois un
même ensemble. Pour s’en convaincre, il suffît de remarquer
combien sont étroits les intervalles de séparation et de consi-
dérer que sur ces intervalles, les îlots de sédiments sauvés par
les basaltes atteignent le plus souvent des niveaux plus élevés
que le granité voisin. Peut-être la côte de Chaspinbac surgis-
sait-elle en long promontoire au-dessus des terrains stratifiés ;
mais à coup sûr elle ne les divisait pas entièrement. Sous les
phonolithes et sous quelques basaltes très-anciens, leurs alti-
tudes surpassent en bien des lieux 1,100, quelquefois!, 100 mè-
tres. Leurs couches cependant, sauf quelques exceptions rares
et très-circonscrites, sont horizontales ou faiblement inclinées.
On peut observer que deux fois la Loire, dans le creusement de
sa vallée, a quitté les fonds argileux pour s’engager dans les
défilés granitiques, entre le confluent de la Borne et la petite
plaine de Saint-Vincent, entre cette localité et Chamalières.
L’autre dépression où des sédiments de même époque se
sont accumulés est celle de la vallée de Brioude qui forme au-
jourd’hui le fond et n’est que l’extrémité méridionale du bassin
bien plus vaste de la Limagne d’Auvergne. Là aussi, à côté du
gisement principal, des fragments épars témoignent d’une an-
tique extension beaucoup plus grande et nous apprennent que
les gneiss des montagnes de Blesle, comme ceux des collines
situées entre ce bourg et Brioude, étaient autrefois sous des
strates tertiaires.
L’encaissement, plus haut signalé, dans les montagnes gneis-
siques et qui enclôt autour de la ville de Paulhaguet une plaine
d'une certaine étendue, renferme encore un assez large lambeau
d’argiles, qui se rattachait probablement sans discontinuité
aux dépôts brivadois.
Les couches tertiaires n’arrivaient pas sur les versants de
l’Ailier à la même hauteur que dans le Velay. Si, par exemple,
on en compare les altitudes des deux côtés du dos des monta-
gnes de Fix, ce qui est rationnel, parce que les émissions de
basaltes qui se sont faites de part et d’autre sont très-similaires
et ont dû embrasser la même période des temps géologiques,
1128
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
on trouve, à l’est, le maximum de 900 mètres auprès de Liman-
dre, à l’ouest, celui de 625 mètres seulement au-dessus de
Paulhaguet. Disons pourtant, pour qu’on ne soit pas conduit à
tirer de cette différence des conséquences outrées, que les pié-
destaux de marnes et d’argiles qui portent certaines tables ba-
saltiques des environs de Clermont montent à 700 mètres en -
viron. Et même, à l’ouest de Blesle, sous le volcan d’Antrac,
il y a des marnes miocènes à plus de 900 mètres ; mais ce der-
nier point se rapproche de la montagne de Cézalier, vers la-
quelle se relèvent toutes les nappes basaltiques environnantes
et qui paraît avoir été un centre d’exhaussement. En somme,
soit que l’on considère des chiffres moyens, soit qu’on s’attache
de préférence aux chiffres maximum, on reconnaîtra que les
assises recouvertes par les plus anciennes coulées de basalte
sont notablement plus élevées dans le Yelay que dans la Li-
magne.
La raison en est facile à comprendre. Les lacs, les marais et
les vallées tertiaires du Yelay étaient suspendus au-dessus des
mers et des plaines dans une enceinte de roches primordiales,
et leurs eaux pour se déverser dans le bassin du Forez ne de-
vaient trouver écoulement que par une gorge à forte pente. La
Limagne au contraire, entourée de montagnes à tous les autres
aspects, était comme aujourd’hui ouverte au nord. Ses sédi-
ments miocènes se rattachent par de vastes étendues et sans
interruption à ceux du Bourbonnais, du Nivernais, et par delà
a ceux de la France occidentale et septentrionale. De ce côté,
nulle ligne de montagnes ou même de collines quelque peu
hautes. Les seules barrières qui aient pu exister entre les nap-
pes d’eau douce qui s’étalaient jusqu’aux bords des mers de
Paris et de la Basse-Loire étaient des éminences à peine sail-
lantes soit de la formation tertiaire elle-même, soit des forma-
tions jurassique et crétacée du Nivernais, dont les positions
ont dû souvent changer par les lentes oscillations de l’écorce
terrestre et par les apports alluvionnels.
Cette continuité des dépôts miocènes depuis les anciennes
mers jusqu’au centre de l’Auvergne, dont les variations locales
de composition minéralogique et de faune ne détruisent pas
l’évidence, confirme les conséquences qui ont été ci-dessus
de la seule structure de la région primordiale. Les lacs et les
fonds où ils se constituaient ne pouvaient être que fort peu
élevés au-dessus de l’Océan. Je viens de signaler les niveaux
qu’ils atteignent actuellement dans la Limagne. Il y a donc eu
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1129
dans les époques géologiques récentes un soulèvement général
de la contrée.
Des argiles sableuses et des argiles marneuses forment,
comme je l’ai dit, la plus grande partie des sédiments ter-
tiaires. Les grains de sable, qui même dans celles-ci existent
le plus souvent en assez grande abondance, sont quartzeux et
feldspathiques, empruntés évidemment aux roches primor-
diales encaissantes. Ils sont anguleux ou peu arrondis, ce qui
indique qu’ils n’ont pas été transportés de très-loin, parfois
assez gros. Le lessivage prolongé des eaux pluviales, qui dé-
layent et entraînent l’argile ou la marne, a condensé le sable à
la surface sur toutes les pentes de ces terrains et leur a sou-
vent ainsi donné beaucoup de ressemblance avec les sols de
granité désagrégé, ce qui a fait méconnaître la véritable ex-
tension de la formation tertiaire. Mais dans tous les escarpe-
ments et dans tous les ravins de quelque profondeur, leur stra-
tification est évidente. Un autre caractère qui ne laisse point
place à la confusion est qu’ils contiennent fréquemment des
pierres calcaires en rognons disséminés ou en minces couches
de surface irrégulière et qu’en certaines localités moins nom-
breuses ils contiennent des silex.
Les argiles présentent de notables diversités dans la propor-
tion de leurs éléments et dans leurs nuances, non-seulement
entre les assises qui se sont superposées, mais entre des assises
contemporaines quand on change de région. Les couches d’au-
tre composition, calcaires, gypseuses, ou siliceuses, sont su-
jettes à s’amoindrir ou à se dénaturer. Les enseignements tirés
des fossiles font d’autre part défaut pour étendre à l’universa-
lité de la formation des subdivisions stagiaires ; car si la faune
s’bst montrée nombreuse et variée auprès du Puy, où les osse-
ments, ramenés au jour par les travaux des carrières, ont été
soigneusement recueillis et étudiés, on n’a découvert que fort
peu de débris organisés dans les dépôts de la même période
hors des environs de cette ville. Il est donc très-difficile de
marquer avec certitude des horizons généraux. J’essayerai ce-
pendant de suivre les traces des importants bancs de calcaire
qu’on exploite entre le Puy et Espaly.
C’est en ce lieu, centre d’un des deux grands dépôts ter-
tiaires du Yelay, que la formation est la plus riche en succes-
sion de bancs caractérisés par des éléments minéralogiques
différents et en débris d’animaux disparus. C’est donc là qu’il
convient de l’étudier d’abord. La description des sédiments mis
1130 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
à nu par les vallées de la Borne et de la Dolaison a été don-
née en détail par Bertrand de Doue, et la tâche de rendre
compte des faunes qu'ils renferment appartient à de plus au-
torisés que moi. Je me bornerai à en rappeler très^sommaire-
ment la nature et la superposition.
A la base, sont des argiles un peu marneuses, grises et rou-
geâtres, dépourvues de fossiles. On les voit très-bien vers le
confluent des deux rivières et en amont d’Espaly et de Cor-
mail. Elles ont une grande puissance.
Viennent ensuite des bancs intercalés de gypse ordinaire-
ment fibreux et de marnes bleuâtres et jaunâtres, formant un
ensemble peu épais. Ces gisements gypseux, qui sont l’objet
d’exploitations dont l’importance va diminuant parce qu’ils
s’épuisent, sont très -circonscrits. On les connaît en trois
points : sur les pentes occidentales du mont Anis (qui porte
la plus grande partie des constructions du Puy) ; en face, sur
la rive opposée de la Borne , à Cormail, proche Espaîy. Ils dis-
paraissent sous la vallée, plongeant doucement les deux pre-
miers à l’ouest, le troisième en sens contraire, et il est pro-
bable qu’ils se joignent souterrainement : leur étendue dans
cette hypothèse serait d’environ 3 kilomètres. Hors de là, ils
n existent pas. Les restes des mammifères qu’on y a découverts
les font regarder comme contemporains des gypses de Mont-
martre, quoiqu’il n’y ait pas identité des espèces. Ils appar-
tiendraient donc aux temps les moins anciens de la période
éocène.
Au système gypseux succèdent des couches alternantes de
calcaires tendres et de marnes grises et blanches, dont l’en-
semble présente au moins une centaine de mètres. Trois bancs
calcaires, épais d’un à deux mètres, y sont exploités active-
ment. Outre les coquilles de limnées et de planorbes qu’on
trouve en abondance et quelques débris d’insectes, il en a été
retiré beaucoup d’ossemenis de mammifères, d'oiseaux, de
reptiles, dont plusieurs caractérisent des espèces particuliè-
res. Les paléontologistes sont unanimes pour rapporter cette
faune au terrain miocène inférieur.
Autour de la ville même, et notamment sur les flancs de la
colline de Ronzon dans lesquels ont été creusées les carrières,
les calcaires et leurs marnes apparaissent comme les assises
les plus hautes de la formation; cependant, à l’ouest de Ronzon,
dans un petit ravin menant vers Geyssac, on observe à un ni-
veau un peu plus élevé des marnes grises et bleues, exemptes
1131
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
de lits calcaires. Quelques bancs calcaires minces qu’on voit
auprès du rocher de Ceyssac ; au Collet, dans le val de Poli-
gnac, sous les plateaux de Chambeyrac et de l’Oulette, et même
vers Soddes et Coujac proche Saint-Paulien, sont assez mani-
festement le prolongement amoindri ou partiel du système de
Ronzon à l’ouest et au nord. Si on remonte plus à l’ouest la
Borne et les ruisseaux affluents, ou si on examine les fonds et
les pentes occidentales des vallons de Blanzac et de Saint-Pau-
lien, on se retrouve dans les argiles et les marnes inférieures,
qui deviennent en général sableuses ou granuleuses sur les
confins granitiques, et dont les strates ont le plus ordinaire-
ment une légère inclinaison vers l’est et le sud-est. Parfois on
y rencontre des rognons ou de minces lits concrétionnés de
calcaire, particularité que les couches correspondantes pré-
sentent aussi à côté du Puy.
Sur la rive droite de la Loire, à Fay-la-Triouleyre et à Mon-
teil, les mômes argiles ont leurs assises inférieures rouges et
très-sableuses, et l’agglutination du sable y constitue en quel-
ques endroits des bancs de grès tendre. Elles sont au con-
traire surmontées par des marnes blanches ou un peu grises
(elles olfrent surtout cette dernière teinte lorsqu’elles sont
fraîchement entaillées), nettement et régulièrement stratifiées
en lits nombreux, qui inclinent très-doucement à l’ouest et
qui forment la partie supérieure des piédestaux des montagnes
basaltiques de Doue, de Brunelet et de la Chaux-de-Fay. Je
considère ces marnes blanches comme les représentants des
calcaires et marnes de Ronzon.
C’est en allant au sud-est que l’on peut suivre le plus au loin
et avec le plus de certitude le prolongement des bancs calcai-
res. On les a un peu exploités au-dessous de Taulhac. Ils sont
très-visibles et très-réguliers sur un grand escarpement qu’a
taillé l’érosion de la Loire, vers le hameau des Forges. Sur la
rive droite du fleuve ils occupent le large fond de la vallée de
Magnore, une partie des pentes des montagnes de Saint-Mau-
rice, de Rochaubert, des Bouiroux, sont très- apparents sous
le plateau basaltique de Couteaux, et par delà s’étendent dans
la vallée de Lautriac. Ceux qu’on trouve autour des buttes ba-
saltiques de Peylanc et de Peynastre appartiennent probable-
ment encore au même horizon. Sur les montagnes de Saint-
Maurice, de Rochaubert et de Bouzols on voit fort bien que
cette série d’assises n’a pas été la dernière de la formation ; car
1132 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
entre elle et les basaltes des sommets sont d’autres argiles
marneuses et sableuses assez épaisses.
Au sud de ces localités, jusqu’au Monastier et à Laussonne,
la partie inférieure du terrain tertiaire ne consiste plus qu’en
une masse puissante d’argiles sableuses. La plupart de leurs
assises sont blanchâtres ; quelques-unes sont colorées en rouge
vif par de l’oxyde de fer. Outre les graviers quartzeux et felds-
pathiques, elles contiennent des chailles siliceuses, qui sont
très-abondantes en certains points de la surface, d’où les eaux
ont emporté les matériaux les plus ténus. Beaucoup de ces
chailles sont assez grosses, et l’usure des frottements n’a pas
été jusqu’à leur faire prendre la forme sphéroïdale, mais a seu-
lement arrondi leurs angles. Leur structure est un peu grenue
et leur dureté n’est pas des plus grandes. M. Vinay a récem-
ment constaté qu’elles contiennent des empreintes évidentes
et nombreuses de posidonies et d’ammonites, et l’examen de
ces fossiles démontre qu’elles appartenaient primitivement à
des bancs de l’étage oolithique inférieur.
Où étaient situés les bancs jurassiques dont on n’a jusqu’ici
retrouvé dans la Haute-Loire que ces débris déplacés? Je doute
qu’on arrive à en découvrir aux environs du Monastier et du
Mézenc, où quantité de ravins ont permis d’observer à vif le
contact du granité avec les argiles ou les basaltes. Pourtant
les chailles ne semblent pas avoir été charriées de loin. Quel-
que portion des couches où elles étaient engagées est-elle res-
tée ensevelie sous les vastes nappes volcaniques des hauts pla-
teaux? Ou, ont-elles entièrement disparu, comme il est arrivé
dans le Mâconnais des couches de la craie, dont l’ancienne
existence ne se manifeste plus que par des silex répandus dans
des dépôts alluvionnels? On sait qu’aux environs de Privas, le
terrain jurassique est très-développé et atteint une grande alti-
tude : il serait intéressant, pour éclairer la question qui nous
occupe, d’en relever exactement les limites sur les montagnes
qui s’approchent du Mézenc.
Les terrains de la même formation qui ont rempli les fonds
de l’Emhlavès, qui supportent une grande partie des mon-
tagnes phonolitiques situées au nord du Mézenc et des basaltes
voisins, ou qu’on observe dans le bassin de Bas et de Monistrol-
sur-Loire, sont, dans leur généralité, d’une structure très-
monotone, quoiqu’en certains points leur épaisseur atteigne
300 mètres. Des argiles sableuses et marneuses, mais surtout
sableuses, ordinairement blanchâtres, quelquefois grises, quel-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 113g
quefois aussi teintées de rouge dans leurs assises inférieures,
stratifiées horizontalement ou avec fort peu d’inclinaison, en
constituent la masse entière. Elles contiennent en différents
niveaux des concrétions de carbonate de chaux très-inégale-
ment répandues et englobant souvent des grains quartzeux.
L’un de ces niveaux se fait remarquer par une plus grande
constance de l’élément calcaire et par des lits qui, en quelques
endroits, sont assez épais pour avoir motivé des constructions
de fours à chaux, aujourd’hui d’ailleurs tous abandonnés. Il
règne autour de la montagne de la Madeleine, à la base de son
vaste piédestal argileux (là étaient les exploitations de Sain-
tignac et de Jussac, qui ont eu assez longue durée), sur les
flancs oriental et septentrional du massif des montagnes de
Malataverne et du Gerbizon, de l’autre côté de la Loire auprès
d’Artias. Dans l’Emblavès, il se manifeste par des marnes assez
épaisses, mêlées de calcaire, qui entourent les pitons basal-
tiques de Geneuil, de Malleys, de Gourniol, des Sucs-R.ouges?
le plateau de la Plaine. Les analogies de nature minéralogique
et de position m’inclinent à le regarder comme un représen-
tant fort amoindri du système de Ronzon.
Sur la pente sud de la montagne de Glavenas, les calcaires
deviennent très-siliceux et affectent, dans plusieurs de leurs
lits, une structure rubannée : ils passent même à de véritables
silex de couleur blanche ou jaunâtre, parfois nuancée de gris.
Des lits semblables se voient à l’entour des buttes basaltiques
d’Alibert, de Chauvains et de Jalet. Des silex plus foncés, qu’on
trouve sous la plaine de Ferrières, auprès d’Araules, de Fay-
le-Froid, appartiennent probablement au même horizon.
A l’est de Saint-Pierre-Eynac, la formation tertiaire présente,
sur un espace très-circonscrit, des caractères tout particuliers,
qui, cependant, se rattachent à ceux des couches siliceuses et
marneuses dont il vient d’être parlé. Gomme Bertrand de Doue
a fort habilement observé les assises de cette localité et les a
décrites dans son ouvrage avec détails et exactitude, je ne ferai
qu’en rappeler brièvement la succession. On trouve, reposant
sur le granité et sur quelques bancs d’un grès ressemblant aux
arkoses, un conglomérat grossier, à ciment argileux d’assez
grande dureté, qui englobe des fragments de granité, de
gneiss, de quartz et de marne, ces derniers un peu bulleux, et
qui a une grande épaisseur. Au premier aspect on l’assimilerait
volontiers aux conglomérats basaltiques qui abondent dans le
Velay; mais il est complètement dépourvu de fragments d’ori-
1 1 34
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
gine volcanique. Cette roche est recouverte par une couche
plus ou moins dégradée de grosses pierres siliceuses, dont la
teinte varie du brun foncé au blanc. Au-dessus, se superposent
des lits nombreux de marnes feuilletées grisâtres et blanches,
en partie silicifiées, entremêlées de quelques minces lits de
tufs à petits fragments. Bertrand de Doue y signale des em-
preintes de végétaux et notamment de feuilles de plantes dico-
tylédones. Je croirais que ce singulier dépôt s’est formé sous
l’influence de puissantes sources minérales et thermales. Le
conglomérat s’expliquerait par l’agitation tumultueuse qu’elles
communiquaient pendant la première période de leur émission
à l’eau du bassin dans lequel elles se répandaient, ensuite elles
auraient produit la couche entièrement siliceuse et la silice
qui a imprégné diverses couches de marnes. Dès qu’on a dé-
passé un plateau à l’est de Saint-Pierre-Eynac, on retombe
dans les argiles et les marnes ordinaires. Des pierres de quartz
résinite éparses marquent seulement la trace prolongée du
gros banc siliceux.
Dans les tranchées naturelles des escarpements et des ra«
vins, on peut observer quelques cassures ou rejets qui ont
coupé et déplacé les assises tertiaires. Ils n’ont qu’une faible
amplitude et n’ont pas dérangé notablement l’allure de la stra-
tification. En parlant ainsi, j’omets toutefois certains boule-
versements dont il sera question plus tard, qui paraissent des
phénomènes étroitement localisés, sans influence marquée sur
l’ensemble des sédiments, et qui, je pense, ont été un efîet
des convulsions volcaniques.
J’ai montré plus haut combien ont été vastes les dépôts de
cette période que les granités du Yelay ont enfermés. Faut-il
supposer qu’un lac les recouvrait en entier? Je ne le crois nul-
lement nécessaire. D’abord, les eaux ont pu subir bien des
déplacements graduels durant les longs siècles des temps
éocène et miocène. En second lieu, les argiles sableuses, à
part les situations qu’elles occupent, et à part les rognons et
les concrétions calcaires, dues probablement à des sources
minérales disséminées, sont fort analogues aux terres fortes
que les actions atmosphériques amassent de nos jours sur les
faibles pentes des montagnes primordiales ou sur les lisières
des plaines qu’elles bordent. Elles ont donc pu avoir en grande
partie cette origine, et leurs gisements ne nous indiquent,
d’une manière sûre, que l’étendue des antiques bassins et des
antiques vallées.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1135
Les sédiments tertiaires de l’arrondissement de Brioude ont
une grande similitude avec ceux des environs du Puy, quoi-
qu’il y ait toujours eu complète séparation entre les uns et les
autres. Des argiles compactes, un peu sableuses, jaunâtres ou
bariolées de blanc, de jaune et de rouge lie de vin, à stra-
tification peu apparente, en forment la plus grande masse.
Elles contiennent çà et là des rognons calcaires, dont l’inté-
rieur représente souvent des géodes tapissées de cristaux. En
deux ou trois endroits, on y peut aussi récolter des cailloux de
silex aux taches noires ou blanches.
Un système de couches calcaires règne sur une assez grande
étendue an nord-ouest ou à l’ouest de Brioude. Auprès de Bard
et de Barlière, lieu où il a le plus de puissance, il consiste en
plusieurs bancs exploités, qui donnent une chaux un peu
hydraulique, alternant avec des marnes et des grès tendres ou
mollasses. Mêmes alternances auprès de Paulhac, où sont aussi
des exploitations. A peu de distance des carrières de Bard, sur
les côtes de la Roche et de Lauriat, le calcaire devient com-
pacte et parfaitement exempt d’éléments argileux, mais con-
tient souvent des grains de quartz. A Beaumont, la mollasse
devient la roche principale. Des assises de sables, mêlées de
grès friables, qui affleurent plus au nord vers Oliandre, sont
probablement encore la suite des mêmes assises. On trouve
dans ce calcaire des Limnées et des Planorbes, et dans les
couches qui lui sont subordonnées, M. Bravard a découvert
auprès de Bournoncie-Saint-Pierre des ossements de mammi-
fères et de reptiles de l’époque miocène. Ce système incline
très-légèrement vers l’est. Il forme la partie supérieure des
terrains de la plaine brivadaise, de même que celui de Ronzon
domine les strates des vallées du Puy, et il est impossible de
ne pas les regarder comme synchroniques. L’horizon calcaire,
plus ou moins développé, se voit encore sur beaucoup d’autres
points éloignés de ceux que je viens d’indiquer, près de Côte-
Rouge, sur la rive droite de l’Ailier, à Zorlange, à Cbambezon,
au-dessus de Grenier-Montgon et de Biesle, et plus haut sur la
pente de la montagne d’Autrac.
A Chambezon, il est recouvert d’une grande épaisseur d’ar-
giles sableuses et de sables, avec quelques bancs de mollasses,
qu’un plateau basaltique a préservés, ce qui montre, comme
nous l’avons déjà vu dans le Velay, qu’il n’a pas constitué les
derniers dépôts de l’âge miocène.
En quelques endroits de cette formation, des bancs argileux
1136
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1860.
ou sableux sont très-imprégnés d'oxyde de fer hydraté. Ainsi,
à l’ouest de Brioude, au-dessus de la route de Saint-Flour, on
voit un grès dont cette substance est le ciment. Des boulets de
minerai de fer, à surface mamelonnée, et parsemés de grains
quartzeux dans leur intérieur, qu’on trouve disséminés en
assez grand nombre sur la côte gneissique qui s’élève au sud
de Lempdes ont même origine : ce sont des débris des sédi-
ments détruits par les érosions qui, en vertu de leur pesanteur,
sont restés sur place.
Une faille, beaucoup plus considérable qu’aucune des autres
que j’aie observées traversant les terrains de même nature, a‘
marqué profondément son empreinte dans la grande vallée de
Brioude. Elle borde la côte calcaire qui se continue de Beau-
mont à Bournoncle, le long d’un escarpement orienté au nord
25 degrés ouest, c’est-à-dire à peu près parallèle à la chaîne
de la Margeride, et elle a déterminé le creusement d’une vallée
que suit le chemin de fer et dont la ligne de thalweg présente
deux pentes inverses, aboutissant à une sorte de col. Les bancs
calcaires qu’elle a tranchés ont presque entièrement disparu
du côté de l’ouest où le terrain a été soulevé : il n’en est resté
qu’un témoin qui couronne une hutte conique et qui a été
exhaussé de 70 ou 80 mètres. La coupe ci-jointe représente ce
mouvement du sol, ainsi que la composition des couches.
Chemin Lauriat.
Pouget. Mt Lousou, de fer.
c. Calcaire blanc compacte.
g. Grès à ciment calcaire,
ar. Argile rouge.
ag. Argile grise avec veines marneuses.
Gn. Gneiss.
/. Faille.
Sur la ligne de la faille, mais dans une direction qui oblique
sur elle de 15 degrés vers l’ouest, surgit, un peu au nord de la
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUÏ. 113v
section représentée, un très-beau et large dyke de basalte, sur
lequel était bâti le château féodal de la Roche.
Quant aux dépôts du bassin de Paulhaguet, ils appartiennent
au système des assises inférieures et consistent presque exclu-
sivement en argiles bariolées fort compactes, à stratification
imparfaite et ne contenant pas beaucoup de grains sableux.
Je n’y ai trouvé de concrétions calcaires qu’auprès du village
de Gbassagnes. Les dépôts situés entre la rive droite de l’Ailier
et Javangaes, qui occupaient le golfe où venaient déboucher
les eaux de ce bassin, présentent aussi le même caractère, et
quelques-unes de leurs argiles, riches en oxyde de fer, ont
une dureté qui peut se comparer à celle des grès tendres ou
des calcaires marneux.
Un certain nombre des fissures des roches primordiales qui
sont en communication avec les laboratoires souterrains, où
s’engendrent les eaux minérales et les émanations d’acide car-
bonique, se sont trouvées recouvertes par les argiles tertiaires.
Aux Estreys, village situé dans la vallée de la Borne, six kilo-
mètres en amont du Puy, la source, dont le volume est assez
abondant, s’est fait jour à travers ces couches et à travers le
sable d’alluvion, ainsi qu’il est arrivé en beaucoup de localités
de l’Auvergne. Aux environs de Vergongheon et de Frugère,
dans le bassin de Brioude, la couverture, trop épaisse, trop
compacte et trop peu fracturée, a emprisonné les eaux et les
gaz, ou en ralentit l’émission au point qu’elle est inappré-
ciable; mais les bancs et les poches auxquels une plus grande
proportion de sable donne une certaine perméabilité se
sont remplis d’acide carbonique, qui s’y est accumulé à une
haute pression. B en résulte une cause particulière de péril
dans les travaux de foncement. Des puits creusés pour la re-
cherche de la houille ont été arrêtés dans les assises tertiaires
par de véritables explosions gazeuses, qui les inondaient brus-
quement d’air irrespirable, ainsi que leurs abords, et qui en
même temps soulevaient des mottes d’argile et démolissaient
en partie les parois maçonnées ; ces accidents ont été deux
fois funestes aux ouvriers.
Terrain des phonolithes et des trachytes.
Tous les sédiments miocènes s’étaient constitués lorsque on
commencé les éruptions volcaniques intermittentes, qui se
sont continuées jusqu’aux âges modernes et qui ont couver
Soc. géol., 2e sér., t. XXVI. 72
1138
SÉANCE DH 18 SEPTEMBRE 1869.
de leurs produits une vaste partie de la contrée. Ces phéno-
mènes se sont manifestés dans la Haute-Loire par deux for-
mations que différencient d’une manière fort tranchée, malgré
des transitions locales et des laves intermédiaires, la compo-
sition minéralogique aussi bien que l’aspect des masses, et qui
correspondent dans l’ordre des temps à deux périodes succes-
sives.
Les roches d’abord émises par les foyers souterrains ont été,
comme en Auvergne, des trachytes et des phonolithes; mais
tandis qu’en Auvergne les premiers dominent de beaucoup et
les phonolithes n’occupent que des espaces relativement res-
treints, l’abondance de ceux-ci a caractérisé partout l’âge vol-
canique le plus ancien du Yelay, et les trachytes qui leur sont
intimement associés semblent n’être que le résultat d’un autre
mode d’agrégation physique des mêmes éléments minéraux.
Les uns et les autres sont formés d’une pâte feldspathique,
qui habituellement englobe des cristaux de feldspath. Ces cris-
taux, en général de petite dimension, sont le plus souvent
allongés, fréquemment translucides, striés de sillons parallèles,
et de cette variété qu’on appelle feldspath vitreux et dont la
base alcaline est en partie la soude.
Dans les phonolithes, la pâte présente une structure com-
pacte et demi-vitreuse, une cassure cireuse ou esquilleuse,
une certaine translucidité sur les angles des fragments qui se
sont séparés en minces éclats, une couleur grise plus ou moins
foncée, quelquefois tirant un peu sur le rose, quelquefois tigrée
ou mouchetée par des taches de nuance plus sombre. Elle est
cassante et très-souvent vibrante et sonore sous le choc. Outre
les petits cristaux de feldspath lamellaire ou strié, on n’y trouve
guère d’autre minéral cristallisé que des lames d’amphibole
noire, dont la présence n’est d’ailleurs pas très-commune, et
de très-petits grains de fer oxydulé que l’œil aperçoit à peine,
mais qui communiquent à certains échantillons une action
magnétique énergique.
La structure des trachytes est grenue, rugueuse au contact.
Celles de ces roches qui ont de la dureté et sont, par suite,
susceptibles d’être exploitées pour la taille, sont d’une teinte
grise-claire ou grise-bleuâtre, sur laquelle les cristaux feldspa-
thiques se dessinent en blanc; car elles sont pour la plupart
porphyroïdes. Plus ordinairement, les trachytes du Yelay sont
d’une couleur blanchâtre ou grisâtre et d’un aspect demi-ter-
reux; très-souvent, leur pâte paraît composée d’une multitude
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1139
de petites écailles assez fortement soudées entre elles et douées
d’un léger éclat nacré, particularité de structure qui s’observe
rarement dans ceux de l’Auvergne. L’amphibole noire, en cris-
taux prismatiques et allongés, est fréquente et ne manque
presque jamais dans les variétés porphyroïdes. On rencontre
aussi, mais bien moins abondamment, le mica, le titane, rare-
ment des zéolithes.
Les scories fragmentaires ou agglutinées, qui se voient en
grandes masses au milieu des trachytes du Mont-Dore et du
Cantal, et qui témoignent d’une manière si claire de leur pa-
renté avec les laves plus récentes, n’existent pas dans les tra-
chytes du Velay, du moins dans ceux qui appartiennent à la
formation phonolithique; car nous verrons plus loin qu’aux
plus anciens basaltes sont associées certaines laves feldspa-
thiques dont les caractères sont tout autres ; en un petit nombre
de points seulement la roche porphyroïde est un peu bulleuse
et percillée. On n’y trouve pas non plus de conglomérats pro-
prement dits.
Les masses de phonolithes et de trachytes sont découpées
par de nombreuses fractures en grosses colonnes irrégulière-
ment prismatiques, dont les sections sont au moins aussi sou-
vent quadrangulaires qu’hexagonales ou pentagonales. Des
plans de division transversaux, perpendiculaires ou obliques
aux principales arêtes, partagent les prismes en blocs polyé-
driques ou en dalles. Les phonolithes présentent aussi très-
fréquemment de nombreux plans parallèles de division ou de
clivage, qui leur donnent, s’ils sont fort rapprochés, une struc-
ture feuilletée et demi-schisteuse ; ils se débitent alors en pla-
ques ou en grosses lames. Quand ces lames ont des faces planes
et régulières, et que leur épaisseur ne dépasse pas trois ou
quatre centimètres, on les emploie dans le pays, sous le nom
de lauzes , pour la couverture des maisons.
Les fractures, qui offrent partout aux eaux un passage fa-
cile, ont sans aucun doute fortement contribué à la destruction
d’une grande partie des montagnes de cette formation, même
de celles dont la pierre est la plus dure, d’autant que beaucoup
d’entre elles ont des bases très-peu résistantes, soit d’argile
sableuse, soit de granité désagrégé.
L’action atmosphérique très-prolongée attaque, à la surface,
les phonolithes et les trachytes compactes, et les recouvre
d’une croûte blanche et terreuse, qui a quelquefois un centi-
mètre d’épaisseur et qui d’ailleurs s’use et disparaît aisément
1140
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
à mesure qu'elle augmente. L’altération des roches tendres ou
poreuses est évidemment beaucoup plus rapide et pénètre
beaucoup plus profondément. Ainsi s’est produite une terre
détritique abondante et de nature particulière, fine et un peu
onctueuse au toucher, tenace et résistante à la charrue, sans
être liante et délayable comme l’argile, d’une couleur légère-
ment rosée. Cette terre, dans laquelle les blocs anguleux sont
inégalement répandus, entoure au loin chaque éminence, en
voile les abords et les pentes, dont souvent on ne parvient à
reconnaître la nature que par une exploration attentive et mi-
nutieuse.
Les variétés de roches ci-dessus décrites, qui passent les
unes aux autres par toutes transitions, n’occupent pas des gi-
sements qu’on puisse délimiter entre eux d’une manière pré-
cise, mais composent essentiellement un même ensemble. On
peut pourtant noter que les trachytes gris porphyroïdes ou ho-
mogènes d’où l’on tire des pierres de taille se rencontrent dans
des buttes de dimensions moyennes plutôt que dans les plus
grandes masses. Quant aux trachytes tendres et blanchâtres,
ils forment la partie inférieure d’un grand nombre de monta-
gnes dont les sommets sont phonolithiques. La Société géolo-
gique en a vu un remarquable exemple au pic de Saint- André.
Ces divergences de structure me paraissent avoir été principa-
lement déterminées par des causes inhérentes à la composition
chimique, analogues à celles dont dépend l’apparence des sub-
stances vitrifiables qui ont subi la fusion, c’est-à-dire par une
fluidité originelle plus ou moins imparfaite des matières sor-
ties du sein de la terre, par un refroidissement lent et calme
ou relativement rapide. Il se peut fort bien, comme l’a fait re-
marquer Bertrand de Doue, que l’on ne trouve aujourd’hui, sur
les sommets, que les variétés les plus tenaces, parce que ceux
qui étaient composés de roches tendres ont été emportés par
le temps.
Toute cette formation, qui commence dans l’Ardèche aux
environs de Sainte-Eulalie et finit un peu au delà de la Loire,
serait comprise dans une bande de médiocre largeur, dont la
direction moyenne irait à peu près du sud-sud-est au nord-
nord-ouest (voir la carte). Mais si on examine plus en détail
le groupement de ces montagnes , on reconnaît qu’il se
répartit plutôt en une série d’alignements sud-nord, qui se
déplacent par plusieurs transports vers l’ouest à mesure qu’ils
se rapprochent de la Loire. Tels sont ceux que présentent,
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1141
dans l’Ardèche, les pics du Ligneux, du Gerbier de Jonc, de
Sara et de Touron; dans la Haute-Loire, les cimes du Mézenc,
de Roffiac, de Lizieux et de Batezard; les massifs du Megal et
de Marine ; les aiguilles de Dragy, avec les monts Raud et Ar-
temère; les puits de Loségal, de Jaurence et de Glavenas; enfin
ceux de Jalore, d’Eymoran et de Gerbizon. D’autres groupes
moins nombreux affectent des orientations sud-est nord-ouest,
parallèles à la côte de granité plus haut signalée qui sépare
l’Emblavès et la région phonolitique du bassin du Puy. Ainsi
s’alignent les sommets d’Eyme, d’Orcber et de Gerbizon; le
massif du Pertuis, entre Loségal et le Raud; les sommets de
Chéron, de Pidgier et de la Huche-Pointue, ainsi que l’énorme
dyke qui constitue cette dernière montagne.
Une interruption apparente d’assez grande largeur, qui n’est
en réalité qu’un voile déchiré en quelques points, divise le
massif du Megal des phonolithes qui avoisinent le Mézenc.
De ceux-ci on ne voit que les éminences, car, dès l’origine de
la période basaltique, d’immenses et nombreuses laves ont
inondé le pays, et après avoir couvert les vallons, les plaines
et les basses collines, ont constitué un grand plateau qui, mal-
gré son élévation, ne s’est jusqu’ici bien profondément sil-
lonné que sur les bords. Là où quelque partie du sol plus an-
cien perce le basalte, on voit tantôt le granité, tantôt le pho-
nolithe. Le Megal et les montagnes situées plus au nord ont
été, au contraire, pour la plupart déchaussées au-dessous du
roc volcanique. Le démantèlement a encore été plus grand
pour celles de FArdèche, qu’environnent d’énormes précipi-
ces. Les nappes basaltiques du Mézenc se prolongeaient pour-
tant autour des pics du midi, moins épaisses il est vrai, comme
on le voit par d’étroits lambeaux qui sont restés suspendus
entre les ravins et qui couronnent d’étroites crêtes, remarqua-
bles par l’égalité de leurs niveaux.
Rien de plus varié et de plus pittoresque, souvent de plus
bizarre que les formes des montagnes phonolithiques. Le
Mézenc, Alambre, Tourte sont de vastes buttes allongées, res-
semblant à des tumulus gigantesques. Autour d’eux Signon,
Gheyrou et plusieurs autres sont des buttes à peu près coni-
ques : cette forme se manifeste d’une manière plus saillante
encore dans les montagnes de Pidgier et de Freysselier, qui
sont situées dans l’Emblavès ; elle est très-commune dans des
rochers de moindre volume qui escortent lesgrandes masses, en
se tenant à quelque distance de leurs flancs ou sur leurs pentes
1142
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
mêmes. Les phonolithes du Megal et des montagnes du Nord
figurent ordinairement degrosses bosses irrégulières, des dômes
aplatis, oudestables rocheuses, terminées par des escarpements
abruptes et analogues à celles que présentent les basaltes,
mais pour la plupart beaucoup plus épaisses. Plusieurs som-
mets isolés, Jalore, Eyme, Glavenas, Artemère, enfin ceux de
la Madeleine, qui est la montagne la plus septentrionale, sont
des débris de pareilles tables, réduites à d’étroites surfaces. Des
rochers s’élancent en pics ou en dents aigües, que de loin on
croirait inaccessibles : ils sont nombreux entre Yssengeaux
et Araubes ; dans l’Ardèche, aux environs de Borée et auprès
des sources de la Loire : telles sont encore deux sortes d’obé-
lisques qui, à 1 Est de Saint-Julien Chapteuil, servent à l’en-
trée du cirque de Monedeyre. La Huche-Pointue et Monac ont
1 aspect d énormes pans de murailles alignés au cordeau.
Presque toutes ces masses constituent des montagnes domi-
nant à la fois le sol granitique ou le sol tertiaire qui le supporte
et les basaltes qui les entourent. Il y a cependant de rares
exceptions. Les petits rochers de Chamblas, dans l’Emblavès,
de Costètes, près Saint-Julien-Chapteuil, sont tout au fond des
vallées. Certains phonolithes, au sud du Mézenc, qui se dressent
en cimes aigües, plongent d’autre part au milieu du granité
découpé par les ravins : on voit par là qu’ils ont sur place
leurs filons ouleurs cheminées d’émission. M. Robert a montré
à la Société géologique, au pied du mont Saint-André, le con-
tact du terrain tertiaire et du trachyte blanc, qui se fait sur
une surface à peu près verticale. Une bande, qui traverse un
vallon argileux au-dessus de Saint-Hostien , semble être de
même une racine du mont Pidgier.
Les roches de cette espèce n’ont pas toutes dans la Haute-
Loire le granité pour pied, comme on l’a cru à tort. Il s’en faut
de beaucoup ; car celles de l’Emblavès et la plupart des mon-
tagnes qui sont au nord du Pertuis et d’Araules sont assises
sur une base d argile tertiaire. La difficulté d’observer les con-
tacts sur les pentes encombrées de ruines explique cette er-
reur, que toutes les cartes publiées reproduisent, mais qui
disparaît, sans laisser place au doute, dès qu’on scrute le ter-
rain avec une suffisante attention.
Le rang chronologique de la formation établi par Bertrand
de Doue, entre les sédiments miocènes du pays et l’appari-
tion des basaltes, ne saurait être contesté j car nulle part
les couches d argile sableuse ne la recouvrent, et les mon-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1143
tagnes ou les roches dont je viens de parler ne passent pas sur
des laves basaltiques. On peut, au contraire, observer en plu-
sieurs lieux, d’une manière manifeste, la superposition de ces
dernières, par exemple, aux environs de Fay-le-Froid , de
Champclause et de Montusclat, entre Yssengeaux et la monta-
gne de Marine. Gomme on n’a d’ailleurs jusqu’ici trouvé dans
ce terrain aucun vestige d’êtres organisés, on ne peut rien af-
firmer de plus précis sur la durée et le synchronisme de la pé-
riode qu’il embrasse.
La nature minéralogique ambigüe de certaines nappes et de
certains rochers, qui tiennent à la fois du basalte et du pho-
nolithe, les laves feldspathiques associées sur les plateaux du
Mézenc aux basaltes anciens ne permettent pas de supposer
qu’il y ait eu entre les émissions des deux espèces une scission
complète, marquée par un repos prolongé des actions volca-
niques. Et cependant le temps qui s’est écoulé entre l’appari-
tion des phonolithes qui constituent les grosses montagnes et
celle de presque tous les basaltes qui les entourent doit être
réputé très-considérable, même à mesurer le temps comme
ont l’habitude de le faire les géologues : car non-seulement
les différences de niveau sont grandes, mais les ceintures de
basaltes arrivent très-souvent très-près des escarpements, de
sorte que la dégradation des montagnes était déjà fort avancée
et qu’elles présentaient une figure de celle qu’elles nous mon-
trent encore aujourd’hui lorsque les émissions de la seconde
époque sont venues.
L’origine des masses trachytiques ou phonolithiques est,
comme l’on sait, restée une question fort obscure, bien qu’on
les rencontre en presque toutes les régions où les phénomè-
nes volcaniques se sont manifestés avec énergie. Quelques
nappes dans la Haute-Loire, comme celles de la Madeleine, si
semblables d’allures à des nappes de basalte, ont sans doute
coulé à la façon des laves. L’hypothèse la plus satisfaisante
pour expliquer les tables extrêmement épaisses, les bosses,
les dômes, même les buttes coniques, est encore celle qui les
regarde comme ayant été produites par des masses sorties du
sein de la terre dans un état de très-imparfaite fluidité et qui
pour cette raison n’ont pu s’étaler. Quant aux dents et aux
murailles, je suppose que ce sont les restes des cheminées et
des filons qui ont donné issue aux phonolithes.
Mais quels gigantesques dykes que Monac et la Huche-Poin-
tue! Combien ils dépassent en puissance les plus gros filons
1144
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
de basalte et meme les filons de trachyte, si abondants dans
e Cantal et le mont Dore! Si les matières dont le refroidis-
sement a formé les phonolithes étaient peu fluides, on com-
prend que des réactions d’autant plus violentes des foyers sou-
terrains contre l’écorce extérieure aient été nécessaires pour
les amener au jour et qu’il en soit résulté d’aussi larges frac-
tures. Monac, la Huche, Costaroz, Saint-André et d’autres pics
ont d ailleurs certainement leurs pieds à un niveau beaucoup
p us bas que celui qui correspondait au sol extérieurà l’époque
des phonolithes : on le voit par l’altitude des basaltes voisins
et par celle ou atteignent les sédiments tertiaires. Les parties
in éneures de ces montagnes étaient donc autrefois enfouies
au milieu des couches argilo-sableuses. Il faut en dire autant
des petits et peu saillants rochers de Charabias, de Costètes et
de quelques autres. Peut-être ces derniers n’ont-ils pu percer
,e t®r,rain stratifié et ne nous sont-ils devenus visibles que par
les dénudations? H F
éla'fiîrff0116 de ®ertrand de Doue (adoptée parPoulett-Scrope),
éta 1 sd f h Tyait.qoe tout ce terrain «vait été dans un
• , u ane e tiu'dité, depuis ses parties les plus basses
. • aux f us evées, et les figures variées des rochers n’é-
taient à ses yeux que des effets de ruine.
hypothèse d une sorte de lave unique, aussi prodigieu-
pIIp f*1 u f11 U6’ ou're qu on ne vo*t guère quelle explication
acilite, est tout à fait contraire à ce que nous apprend
bservation non-seulement des volcans à cratères actifs ou
ein s , mais e tous les terrains réputés d’origine ignée.
Elle ne s accorde pas non plus avec les faits que je viens
exposer, notamment avecles hauteurs très-inégales des bases
n nt°° es’ avec 1 existence des laves de caractère mixte.
très p aUX ,des‘ructions, on ne peut nier que leur rôle ait été
t mtë TSldérab ® ; 6 65 ne rendent cePendant pas raison de
eciPni ? aPi;;U'en,Ce,S' Au mi,ieu des fo™es diverses qu’af-
fectent les phonolithes; il est quelques types, par exemple
bu tes coSnf "tS °U °béliSqUeS à SeCti0n ci"culaire’ °elui des
butte, coniques, qui sont trop multipliés pour que leur répé-
gine le^aT Pf d“? ^ Une circonstance de formation ori-
f’adanter rf’ e-de 3 r°Cbe n® Paraissant Pa« d’ailleurs
s adapter d une maniéré particulière à ces types, l’œuvre de
ruine que consomme le temps n’aurait pas à elle seule
occasionne de pareilles coïncidences.
Avant de quitter ces montagnes, je reparlerai des débris qui
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY, 1145
les environnent presque toutes, parce que le phénomène a des
proportions imposantes et qu’il est un des traits saillants de
la région des phonolithes. Le plus communément, ce sont des
mélanges de fine terre détritique et de gros blocs anguleux,
qui çà et là font saillie ou gisent détachés sur le sol. En beau-
coup d’endroits la terre a été emportée par les eaux pluviales :
alors les blocs sont restés à nu et pressés les uns contre les
autres ou accumulés couvrant toute la surface. Les étalements
ne montrent aucune préférence pourune direction déterminée,
mais sont assez également distribués autour des sommets et
des roches escarpées. Ils ne vont pas au delà des pentes na-
turelles ; mais ils les occupent tout entières, même lorsqu’elles
sont vastes et qu’elles n’ont au pied des hauteurs qu’une très-
faible inclinaison; je ne pourrais guère citer qu’un seul ravin
qu’ils franchissent, c’est-à-dire qui ait été creusé postérieure-
ment, celui qui sert d’issue au cirque de Ghaudeyroles près
du Mézenc. Dans plusieurs vallées l'entassement des blocs est
véritablement majestueux : telles sont notamment celles qui
séparent les monts Eymerau et Jalore, les massifs du Megal
et de Lizieux, celle du Lignon sous le plateau de Roffiac.
• D’ailleurs point de rocs polis ou régulièrement striés, rien
qui ressemble aux moraines glacières. Le phénomène n’est pas
non plus spécial à tel ou tel groupe, ni en relation avec l’alti-
tude : il est au moins aussi marqué auprès des gorges de la
Loire que vers le Mézenc.
L’entraînement des bases fragiles des montagnes par les
eaux qui cheminent dans les nombreuses fentes des phono-
lithes ou destrachytes en a été la principale cause : une partie
des tables rocheuses des sommets ainsi minée s'est abaissée
au niveau des plaines en se brisant et n’offre plus qu’un aspect
de chaos. Il faut toutefois remarquer qu’il ne s’est pas seule-
ment produit des chutes et des brisements sur place, mais
encore des entraînements horizontaux à d’assez grandes dis-
tances; car beaucoup de ces débris ont couvert les laves qui
se sont épanchées sous les escarpements : de vastes nappes de
basalte sont ainsi masquées au pied du Mézenc, du Megal, de
Lizieux, de Loségal, au point qu’il est devenu très-difficile d’en
reconnaître la véritable étendue. Des pierres descendant
même d’une grande hauteur ne voyageraient pas aussi loin de
leur propre impulsion. Mais j’ai dit que les blocs sont or-
dinairement mêlés à des détritus réduits à une grande ténuité :
il s’y joint souvent des matières sableuses et argiles pro-
1146
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
venant de la désagrégation des couches tertiaires ou de granité,
L’ensemble constitue un terrain meuble, et là où l’on ne trouve
plus aujourd’hui que des fragments anguleux il est très-naturel
d’admettre que le même mélangea existé jadis. Or, un pareil
terrain, quand il est détrempé par les pluies, est susceptible
d’éprouver de lents et de graduels déplacements même sur
des déclivités très-douces. Le phénomène doit s’être arrêté
dans le voisinage du Mézenc, où toute la surface, à l’exception
des pentes abruptes, estgazonnée; ou du moins son effet doit
se réduire à accroître les talus déboulement ordinaires. Mais
je crois volontiers qu’il se continue dans son intégrité sur les
pentes labourées et à sous-sol argileux des montagnes du Nord .
La formation qui vient de nous occuper n’est pas d’ailleurs
seule à l’offrir : on en peut citer en divers pas d’assez beaux
exemples autour de certains basaltes et autour de rochers de
toute autre espèce. Mais il accompagne avec plus de généra-
lité et de grandeur les massifs phonolithiques du Velay.
Terrain basaltique.
La seconde période volcanique, dont l’immense durée n’a
cessé qu’après l’apparition de l’homme, a produit des basaltes
et des conglomérats et scories qui leur sont associés.
Les basaltes de la Haute-Loire et ceux des contrées voisines,
quoiqu’on y puisse distinguer de nombreuses variétés, ont
pour la plupart toutes les apparences qu’on regarde comme
caractérisant de la manière la plus nette les roches de cette
espèce, c’est-à-dire qu’ils sont formés de deux éléments
finement mélangés, mais habituellement discernables au mi-
croscope ou à la vue, l’un feldspatbique, l’autre pyroxénique,
qu’ils ont une grande pesanteur spécifique, une grande dureté
quand ils n’ont subi aucune altération, une couleur sombre
variant du gris-bleuâtre au noir. Leur structure, ordinaire-
ment compacte, est souvent aussi bulleuse. Divers minéraux,
ou cristaux, grains ou nodules, sont très-généralement en-
globés dans leur pâte. Les plus communs sont le péridot ou
olivine, dont les petits grains cristallins, jaunes d’ambre ou
verdâtres, sont tantôt disséminés, tantôt réunis en noyaux dont
la grosseur dépasse parfois celle du poing; les cristaux d’au-
gite, à faces miroitantes ; le fer titane, en petits grains à cas-
sures conchoïdes et brillantes ; le fer oxydulé. C’est sans doute à
ces deux derniers qu’est due la propriété magnétique très-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1147
ordinaire aux pierres de basalte. On y voit souvent aussi des
grains de quartz et de feldspath, de l’aragonite, des zéolithes,
notamment la chabasie et la mésotype : ces dernières espèces,
ainsi que l’aragonite, se rencontrent principalement dans les
cavités et les géodes. Enfin les basaltes contiennent quelques
gemmes, surtout des zircons et des corindons : ces pierres
sont rares et difficiles à observer dans Ja roche intacte; on les
trouve plus aisément dans les débris graveleux et surtout dans
les sables de quelques ruisseaux.
Les masses basaltiques se montrent le plus souvent en nappes
horizontales ou légèrement inclinées, dont les surfaces sont
planes, tandis que leurs faces inférieures se sont moulées sur
les accidents des roches qui les supportent, et dont les bords
sont taillés à pic au-dessus des vallées qu’elles dominent. Elles
ont constitué de vastes plateaux lorsque les courants de laves
qui leur ont donné naissance se sont répandus dans des plaines
ou sur un terrain déjà presque nivelé : telles ont été les con-
ditions qu’elles ont, pour la plupart, rencontrées dansle Velay,
dont le sol n’était pas encore profondément raviné. Quand
elles ont trouvé des vallées plus étroites, elles ont pris la forme
de bandes allongées, aujourd’hui plus ou moins démantelées
ou divisées en lambeaux. Si, avant de se consolider par le re-
froidissement, elles sont arrivées sur des déclivités rapides,
elles n’y ont laissé que de minces traînées, dont un assez
grand nombre subsistent, malgré les causes de destruction
auxquelles sont exposées des laves de cette nature. Très-fré-
quemment, plusieurs coulées, qui se sont épanchées à dif-
férentes époques, se superposent; c’est ainsi que certains
escarpements basaltiques ont une très-grande hauteur. D’autres
roches affectent l’aspect de buttes plus ou moins arrondies,
d’éminences coniques ou de pitons isolés. Ce sont, selon les
cas, de simples débris des nappes détruites par le temps, ou
les restes des culots qui se sont produits dans les cratères et
dans les cônes de scories par la pénétration et l’épanche-
ment des laves : des scories ou des conglomérats qui y sont
mêlés ou adhérents témoignent souvent de cette dernière
origine. Enfin le basalte existe en filons plus ou moins épais,
traversant les terrains préexistants de toute nature, et les
fentes qu’ils remplissent sont manifestement les issues par où
la roche en fusion s’est extravasée des profondeurs ; quoique
la plupart de ces filons nous restent cachés, on en peut ob-
server un assez grand nombre.
1148
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
La Haute-Loire présente de très-beaux exemples des di-
verses structures habituelles aux masses basaltiques. La
division prismatique est très-fréquente et a formé d’élégantes
colonnades qui décorent les escarpements des vallées. Les
prismes sont à six ou à cinq pans et ont presque toujours une
grande longueur par rapport à leur épaisseur, qui n’est com-
munément que de quelques décimètres. Ils s’orientent en
général dans un sens perpendiculaire à la surface ou aux parois
de la lave. Ils ne régnent d’ordinaire que dans la moitié in-
férieure des nappes horizontales, et les colonnades, ou les
orgues comme on les appelle, sont surmontées d’un épais cha-
piteau à fragments polyédriques. Cette disposition s’explique
par les circonstances qui ont présidé à la consolidation de la
lave. La partie supérieure, qui a immédiatement subi les in-
fluences atmosphériques, s’est refroidie d’une manière rapide
et inégale, et les fractures causées par le retrait se sont faites
en toute sorte de sens : pour la partie de la lave qui a perdu
très-lentement sa haute température, le retrait s’est opéré avec
une régularité géométrique parfois presque absolue.
La structure tabulaire, très-ordinaire aussi, a été produite
par des plans de fissure parallèles. Elle coexiste souvent avec
l’état columnaire et les prismes coupés transversalement se
composent alors de dalles polygonales empilées.
On observe encore la structure feuilletée et schisteuse, qui
est une variété ou une exagération de la précédente; la struc-
ture sphéroïdale, qui paraît due à de lentes actions molécu-
laires et qui est une des formes de la désagrégation. Les boules
sont toujours composées de minces couches concentriques, et
dans les intervalles qui séparent ces boules la solidité de la
roche est moindre, l’altération plus grande.
Ce travail de destruction, qui s’attaque aux pierres les plus
dures, se dénote sur la plupart des masses de basalte par une
cassure à petits grains polyédriques plus fréquente que la
cassure nette et compacte. Là où il est plus avancé, les grains
se sont disjoints et il ne reste que du gravier. Enfin, quand il
est arrivé à sa dernière limite, les pierres se sont réduites en
un fin et fertile terreau, noir ou rougeâtre. La résistance pres-
que absolue en apparence de certains bancs aux forces érosives
est donc loin d’être une propriété commune à tout l’ensemble
de ce terrain; mais les nappes présentent toujours sur leurs
bords escarpés un basaltevifet solide, parce que ladestruction
ne s’est arrêtée que lorsqu’elle a rencontré une pareille roche.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AUPUY. 1149
Les projections de scories, de cendres et de lapilli n’ont pas
accompagné en moindre abondance les laves basaltiques de
divers âges que les laves des volcans contemporains. Elles
constituent dans la Haute-Loire un très-grand nombre d’émi-
nences coniques, qui sont les restes plus ou moins oblitérés
des cratères. Les scories se rencontrent aussi en beaucoup
d’endroits sur les plateaux : elles s’entremêlent aux nappes,
et souvent étalées en minces lits, les séparent les unes des
autres ou des terrains sous-jacents. Leur composition minéra-
logique ne diffère pas de celle des basaltes et elles contiennent
les mêmes éléments; mais elles sont criblées de bulles et de
vides, et souvent les parois de leurs cavités sont recouvertes
d’une espèce de vernis provenant d’un commencement de vi-
trification. Ordinairement elles sont détachées les unes des
autres, et les montagnes qui en sont formées ne sont qu’un
assemblage de matériaux incohérents. D’autres fois elles se
sont soudées entre elles, comme si elles avaient conservé une
certaine viscosité au moment où elles retombaient sur le sol.
De nombreux morceaux des granités et des gneiss traversés par
les cheminées volcaniques ont été lancés avec les scories et se
rencontrent au milieu de leurs amas. Souvent ils ont été enve-
loppés par la matière visqueuse, et c’est ainsi que beaucoup
de ces pierres en forme d’amandes et à pores étirés qu’on ap-
pelle larmes ou bombes volcaniques contiennent des noyaux
de granité. Les fissures des cristaux de feldspath et des no-
dules de quartz, la diminution de cohésion des éléments, quel-
quefois une légère coloration rouge donnent à ces débris
étrangers l’aspect fritté que prennent des matériaux de même
nature lorsqu’on les soumet à l’action du feu et à un refroidis-
sement un peu rapide.
Les conglomérats et les tufs forment une classe de roches
très-variées, ayant cependant ce caractère commun qu’elles
sont composées de fragments plus ou moins lâches ou serrés
et soudés entre eux par un ciment d’aspect terreux. Les frag-
ments sont en général petits; quelquefois, ils atteignent les
dimensions de grosses pierres. Dans certains conglomérats, ils
sont uniquement basaltiques et scoriacés; mais presque toujours
à ces éléments, s’en mêlent d’autres qui entrent dans la roche
en forte proportion: ils sont empruntés au granité, au gneiss,
aux marnes, aux argiles ou aux sables, ou encore à la formation
houillère, selon la nature des terrains dans lesquels les volcans
se sont ouverts. Sauf les lapilli basaltiques et les petits grains
1150
SÉANCE BU 18 SEPTEMBRE 1809.
de scories, qui sont ordinairement arrondis, ils sont anguleux
ou seulement émoussés sur leurs arêtes. Les parties marneuses
ont en général subi une altération qui les a durcies et rendues
moins attaquables par les acides et qui est sans doute un
effet de la chaleur. La solidité et l’abondance du ciment sont
fort inégales. Plusieurs de ces roches sont assez résistantes
pour donner de belles pierres de taille et se soutenir en escar-
pements abruptes : les autres sont sableuses et friables, ou
argileuses et molles. Parmi ces dernières, les nodules ou les
veines d’balloysite, à cassure brillante et lustrée, sont assez
fréquentes. Ordinairement les conglomérats sont stratifiés en
minces assises, qui sont d’ailleurs sujettes à beaucoup d’irrégu-
larités et qui souvent présentent des inclinaisons très-notables.
Leurs gisements, considérés dans l’ensemble, ont beaucoup
de rapports avec ceux des basaltes et des masses scoriacées.
Ainsi que les premiers, ils forment des nappes épaisses qui
couvrent des plateaux. D’autres fois ils revêtent, comme d’une
sorte de manteau, les flancs des vallées et des collines. On en
trouvé très-fréquemment au milieu des coulées de basaltes,
soit en amas irrégulièrement englobés, soit en couches inter-
stratifiées. Ils s’associent aux scories meubles dans beaucoup
de buttes coniques. Ils affectent en outre parfois des formes
qui leur sont tout a fait particulières ou dont les analogues ne
se trouveraient que parmi les phonolitbes. Telles sont ces dents
aiguës, ces roches à pic et ces murailles droites qui donnent
tant de singularité aux environs du Puy.
C’est dans les terrains de cette nature qu’ont été presque
exclusivement découverts les très-intéressants restes fossiles
de la période basaltique, que les savants du pays ont recueillis
avec tant de persévérance et avec tant de profifrpour la science.
Ces débris ont principalement consisté en ossements de mam-
mifères et se rapportent aux faunes des époques pliocène et qua-
ternaire. Je doislaisser à de plus compétents que moi le soin d’é-
numérer et de oécrire les animaux qui habitaient la contrée
pendant que les volcans étaient en feu. L’existence successive de
très-nombreuses espèces de mastodontes et de diverses espèces
d’éléphants a été démontrée : avec eux vivaient des rhinocéros,
des ours, des carnivores, des cerfs; enfin les ossements de
1 homme lui-même ont ete trouvés sur l’un des flancs du
volcan delà Denise. La période que nous considérons a donc
embrassé un espace de temps extrêmement long. Il y a
d’ailleurs concordance parfaite entre les inductions qu’on peut
1151
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
tirer quant aux âges relatifs des masses de conglomérats, soit
de la situation qu’elles occupent, soit de l’étude paléonto-
logique. Celles qui couvrent les hauts plateaux et qui* sont
antérieures au creusement des vallées renferment les espèces
les plus anciennes : les animaux qui ont précédé de plus près
l’apparition de l’homme ou qui ont été contemporains des
premières tribus humaines n’ont été rencontrés que dans
celles qui se sont étalées sur les pentes lorsque le relief du
sol ne différait pas beaucoup de ce qu’il est de nos jours.
L’origine et le mode de formation des conglomérats et des
tufs que nos anciens volcans de la France ont produits en si
grande abondance est encore un sujet de contestations. Pour
Bertrand de Doue, ils ont été formés sous les eaux et remaniés
par elles : leur stratification habituelle et leurs alternances
avec des lits de sable et de cailloux roulés en étaient à ses yeux
la preuve. Obéissant à l’esprit d’unification qui caractérise les
théories anciennes, il a vu dans les nombreux lambeaux de ce
terrain aux environs duPuy les restes d’un seul et puissant
dépôt qui a comblé le fond d’un grand lac. Les positions
très-différentes où l’on trouve les conglomérats et la succes-
sion des faunes contredisent d’une manière absolue cette
généralisation; et, d’autre part, la forme anguleuse de beaucoup
de fragments et le mélange très-ordinaire de débris de toutes
dimensions et de toute densité dans les mêmes lits ne permet-
tent pas d’admettre qu’ils aient subi des remaniements bien
considérables. Les géologues du Puy et de Clermont les
regardent comme provenant d’éruptions boueuses. Cette der-
nière opinion a été combattue avec beaucoup de force par
plusieurs membres de la Société géologique, qui ont cité les
terrains semblables formés dans les temps historiques ou dans
les temps actuels autour du Vésuve ou de l’Etna. Les conglo-
mérats, selon eux, doivent leur origine à des projections vol-
caniques, dans lesquelles les fragments de pierres et de scories
étaient mêlés à la cendre pulvérulente. Ces dépôts, dont les
éléments étaient d’abord meubles et disjoints, se sont cimentés
par un commencement d’altération chimique et par une péné-
tration générale et intime des parties fines et terreuses, qui
sont aussi les plus susceptibles d’être décomposées. Les in-
fluences atmosphériques et surtout les pluies ont été les prin-
cipaux agents du changement d’état d’où est résultée la conso-
lidation du terrain. S’il existait des nappes d’eau au sein
desquelles les débris sont venus tomber, cette circonstance a
1152 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
pu le faciliter et contribuer à rendre la stratification plus
régulière.
On ne peut nier la valeur d’une théorie qui s’appuie sur le
témoignage irréfutable de l’observation directe des phé-
nomènes. Si l’on excepte les roches abruptes et isolées de la
campagne du Puy, dont l’histoire fort difficile à élucider a
suscité beauconp de controverses pendant la session de la
Société géologique et dont je reparlerai plus loin, elle rend
fort bien compte de la position et de la manière d’être de la
plupart des conglomérats. Au contraire, des éruptions de boues
n’expliqueraient pas les larges manteaux étendus sur les fortes
déclivités de plusieurs vallées ; car des masses semi-fluides ne
s’y seraient pas étalées et n’y auraient marqué leurs passages
que par d’étroits lambeaux à surface bosselée et rugueuse. Je
crois pourtant qu’on risquerait de dépasser la vérité en affir-
mant qu’aucune éruption de cette sorte n’a eu lieu dans la
Haute-Loire. Des phénomènes semblables ont été vus et
constatés dans des pays volcaniques, et certains gisements de
tufs et de conglomérats de la Limagne-d’Auvergne, où do-
minent les éléments terreux et marneux et qui ont marché sur
les pentes à la façon des coulées, ne semblent pas pouvoir être
expliqués autrement.
Pour donner une idée exacte de la formation basaltique de
la Haute-Loire, il est nécessaire de sortir des généralités qui
précèdent et d’examiner rapidement les principaux groupes
de ce terrain.
Les vastes plateaux qui noient les bases des montagnes du
Mézenc, qui, limités au sud par les précipices de l’Ardèche,
s’étendent à l’ouest jusqu’auprès du Monastier et de Laussonne,
au nord jusqu’aux montagnes du Megal et de Lizieux, séparées
par un de leurs prolongements, appartiennent aux plus anciens
basaltes; car leur altitude moyenne est d’environ 1250
et les vallées qui échancrent leurs bords s’approfondissent
promptement dans le granité. A peine existe-t-il aux confins
de cette région quelques traces de terrain volcanique d’époque
relativement récente. La roche vive, qui apparaît surtout dans
les escarpements des vallées, est le plus souvent compacte.
Les nuances varient du gris-noir à un gris assez clair. Le
péridot et les minéraux cristallisés n’y entrent pas d’ordinaire
en grande proportion. Pourtant certains basaltes se font re-
marquer par l’extrême abondance et les belles dimensions des
cristaux ti’augite, qu’accompagnent de nombreux grains de
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 4153
péridot. A la surface des plaines, la roche s’est réduite en
terreau noir, quelquefois en gravier. En plusieurs points, no-
tamment sur les contours des montagnes de phonolithe ou de
granité, tout en devenant terreuse, elle a conservé les marques
de sa primitive structure : les parties ainsi décomposées son
souvent un peu caverneuses et alors contiennent des cristaux
dezéolithes.
C’est à tort qu’on a cru que les scories et les conglomérats
n’ont été produits qu’en petite quantité avec les laves très-
anciennes. L’altération du terrain superficiel les rend seule-
ment plus difficiles à discerner, et il en a été fait une plus
grande destruction dans les endroits où ils étaient à découvert.
Mais si on veut se convaincre de l’abondance des conglomérats
parmi les nappes de basaltes qui entourent le Mézenc, on n’a
qu’à examiner l’immense escarpement de Cuzet au sud de cette
montagne ou à remonter le lit du Lignon depuis Fay-le-Froid
jusqu’à son origine. L’observation attentive des autres coupures
qui ont mis à vif le terrain inaltéré fournit la même dé-
monstration.
Les cratères de cette contrée, quoique énormément oblitérés,
ont aussi laissé d’importants vestiges. On voit une grande masse
de scories rouges à la Croix des Boutières, à 4 ,500 mètres d’al-
titude, et il en existe d’autres amas épars dans le cirque qu’en-
ferment, en amont du village des Estables, les hauteurs d’A-
lambre, de la Croix de la Plouge, du Mézenc, de Choulot. Le
cirque de Chaudeyroles a beaucoup plus nettement conservé
la forme d’un cratère. C’est une dépression circulaire de
1,700 mètres environ de diamètre, dominée au nord-est par la
montagne conique de Signon, à l’opposé par une autre butte
de phonolithe. Des graviers et des sables de diverses grosseurs,
dont les éléments sont empruntés au basalte et au granité,
avec des pierres de granité détachées, occupent une grande
partie du revers oriental. Le centre est une plaine tourbeuse :
il est incontestable qu’un lac y était autrefois contenu; mais
les eaux qui en sortaient ont creusé un ravin par lequel leur
niveau était graduellement abaissé, tandis que les débris en-
traînés et la tourbe comblaient et exhaussaient le fond.
Le lac de Saint-Front, situé non loin de là, remplit une cavité
qui est aussi exactement circulaire, mais dont le diamètre n’est
que la moitié de celui de la précédente. Elle est creusée dans les
plateaux, excepté à l’est où elle rase la montagne phonolitbique
de Bofiiac, et elle ne présente pas de rebords saillants. L’en-
Soc. gêol.f 2e sér., t. XXVI. 73
4154
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 4869.
ceinte du côté du nord est en partie formée de terres rouges,
que je crois être des scories décomposées. La nappe d’eau n’a
pas aujourd’hui plus d’une dizaine de mètres de profondeur,
parce que les débris des pentes voisines tendent à la remplir.
Quelques buttes très-émoussées et de forme arrondie, qui entre
les montagnes de Roffiac et de Lisieux rompent un peu la mo-
notonie des plaines, semblent marquer d’autres points d’émis-
sion des antiques coulées de laves. Dans celle de la Cbapeluc,
au pied de laquelle passe la route de Fay-le-Froid, la roche
rouge devenue terreuse montre encore des traces de la struc-
ture caverneuse et scoriacée.
Aux basaltes de cette partie supérieure du Yelay qui contient
les sommités phonolithiques sont associées des laves d'un
autre caractère et qui, à les considérer au seul point de vue
minéralogique, se rapporteraient plutôt aux trachytes. Elles
sont grises et ordinairement bulleuses , rugueuses au tou-
cher, assez souvent lamelleuses ou écailleuses. Le felds-
path domine dans leur composition, aux dépens du pyroxène
qui fait quelquefois presque entièrement défaut. Elles sont
d’ailleurs susceptibles de passer au franc basalte par toute
transition, et ces changements d’aspect se peuvent manifester
dans une même masse. La similitude de gisement et les inter-
calations des nappes établissent avec évidence que les deux
espèces de roche ont été de formation contemporaine. On
trouve encore de ces anciennes laves feldspatbiques sur le flanc
ouest de la montagne de Lisieux, et il en existe quelques ro-
chers auprès du village de Queyrières. Il est très-digne de
remarquer qu’elles sont toujours dans le voisinage des phono-
lithes et que le plus souvent même elles leur font bordure.
Je suppose qu’elles doivent leur origine à une modification
qu’a éprouvée la roche en fusion, lorsque, dans les canaux ou
les réservoirs souterrains, elle a été en contact avec des masses
phonolithiques.
Un ravin, d’où sort la rivière de Lignon, entre les dents du
Mézenc et la Croix de la Plouge, montre plusieurs filons de
basalte traversant les nappes superposées. Dans un carrefour,
qui est situé au sud du village de Chaudeyroles, et qui en est
distant d’un kilomètre environ, on voit un gros filon d’un tra-
chyte gris et terne, non sans ressemblance avec certains pho-
nolithes, faire saillie au-dessus du basalte terreux et scoriacé.
Il a une vingtaine de mètres de puissance et court du nord au
sud, en présentant sur ses deux faces une inclinaison marquée
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. 1135
vers Test. Je crois qu’il faut géologiquement le rattacher aux
laves feldspathiques dont il vient d’être question.
Un trait caractéristique de la région qui nous occupe est la
rupture brusque des plateaux à l’est et au sud du Mézenc. Aux
surfaces unies ou doucement inclinées qu’on parcourt lors-
qu’on arrive vers cette montagne en venant du Puy ou du
Monastier, succède subitement un pays tout déchiré de ravins.
La différence si tranchée des deux aspects est surtout frappante
au col des Boutièrqs et sur les roches de Cuzet. Ces roches et
celles qui, de l’autre côté du col, portent le Mézenc, forment
un arc concave assez régulier, embrassant à peu près un tiers
de circonférence et dont la corde aurait deux kilomètres et
demi de longueur. Elles dominent notablement les crêtes cou-
ronnées de basaltes qui séparent les vallées supérieures du
Yivarais. On ne parviendrait pas à expliquer par le seul effet
des érosions les circonstances orographiques que je viens de
signaler. Il faut qu’il y ait eu en ce lieu de grandes cassures,
qui n’ont pas entamé, d’une manière sensible, la partie occi-
dentale du plateau, tandis qu’elles en ont brisé, en diverses
directions, la partie orientale; des efforts de soulèvement, dont
l’action s’est exercée avec plus de puissance du côté de l’ouest,
les ont accompagnées ou suivies. L’arc de Cuzet et des Bou-
tières est le reste d’un cirque, dont on pourrait voir un autre
vestige dans la gorge que traverse le ruisseau de Saliouze, à
l’opposé du grand escarpement. Les roches qui, dans son en-
ceinte, formaient, avant qu’il fût creusé, la surface du sol, ont
dû s’affaisser par effondrement ou disparaître par projection.
La comparaison se pose d’elle-même dans l’esprit entre ce
cirque ouvert au-dessous du Mézenc et ceux que contiennent
à leurs centres les massifs également volcaniques du Cantal et
du mont Dore. Mais autour de ces derniers les nappes de tra-
chytes et de basaltes se relèvent plus fortement, et les vallées,
affectant dans leur ensemble une disposition étoilée, divergent
de toutes parts, tandis qu’auprès du Mézenc, une moitié du
grand manteau basaltique est restée presque intacte.
Les roches et les lambeaux de basaltes qu’on trouve, non
plus contigus, mais disséminés en grand nombre à l’ouest du
Megal, autour des montagnes phonolithiques situées plus au
nord, dans le haut Emblavés et sur les terrains granitiques
de l’arrondissement d’Yssengeaux, sont presque tous aussi d’é-
poque très-reculée et présentent les mêmes variétés minéra-
logiques que les précédents. On observe encore très-souvent
1156
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
avec eux des conglomérats et quelquefois des scories. Plusieurs
de ces masses, de forme conique, et mêlées de matières sco-
riacées, qui sont habituellement sondées de manière à consti-
tuer des conglomérats, sont sans doute des cratères ruinés.
Sur les dépôts argileux et sableux de l’Emblavès, la nature
meuble et friable des couches sous-jacentes a favorisé les des-
tructions, et la plupart des coulées qui s’y sont étalées autre-
fois ne sont plus représentées que par des chapiteaux de faible
surface, aux contours plus ou moins arrondis, qui d’ailleurs
recouvrent et protègent quantité d’éminences et dont quelques-
uns sont fort épais. Parmi ces roches, celles de Mézère se font
remarquer par leur extraordinaire richesse en cristaux de
pyroxène. Beaucoup de bandes de basalte, aux formes si-
nueuses, sont attachées aux flancs des masses de phonolithe :
la masse tabulaire de Glavenas en a ainsi une ceinture com-
plète.
L’un des derniers lambeaux qu’on rencontre en allant au
nord, plus grand que les autres, forme, entre Saint-André-de-
Chalançon et Saint-Julien-d’Auce, une plaine assise d’un côté
sur l’argile tertiaire, de l’autre sur le granité. Il domine au loin
le granité environnant et montre combien a été puissante,
depuis le temps où il s’est répandu, l'œuvre de la dénudation.
Une bosse en partie scoriacée, qui fait saillie sur la plaine,
indique encore clairement son foyer d’émission.
La pittoresque roche d’Artias, dont le pied baigne dans la
Loire, entre Chamalières et Retournac, et quelques autres font
exception à ce que j’ai dit de l’antiquité, des basaltes de cette
région.
Entre les profondes vallées de l’Ailier et de la Loire, depuis
la latitude d Allègre jusque vers celle de Pradelles, s’étendent
des plateaux basaltiques plus vastes encore que ceux qui con-
duisent au Mézenc. Les phénomènes volcaniques ont eu dans
cette région une durée beaucoup plus longue, de sorte qu’avec
des coulées très-anciennes elle offre des laves qu’en langage
géologique il est presque permis de qualifier de modernes.
C’est d’après les positions occupées par les nappes et non d’a-
près des variations minéralogiques que s’établissent les diffé-
rences d’âge; car tous ces basaltes ont dans leur ensemble
une grande similitude de structure. Ils contiennent très habi-
tuellement du péridot et de petits grains de fer titané, assez
souvent de petits cristaux de pyroxène. Leur teinte, plus ou
moins foncée, est le gris-bleuâtre ou le gris-noir. Très-fréquem-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1157
ment, ils sont scoriacés ou bulleux. Beaucoup de leurs escar-
pements présentent des colonnades prismatiques. Une foule
de cônes, de scories, restes des cratères, s’élèvent sur ces pla-
teaux, ou sur les terrains granitiques ou tertiaires qui les
environnent. On y voit encore des dépôts de scories horizon-
talement stratifiés, et il est très-ordinaire d’observer des lits de
cette nature entre les nappes qui se superposent ou entre le
basalte et le terrain sous-jacent.
Une longue et étroite chaîne d’éminences, orientée sur le
nord 26 degrés ouest, par conséquent parallèle h la vallée de
l’Ailier, qui n’en est distante que de 6 à 8 kilomètres, et à la
chaîne de la Margeride, dont elle atteint presque la hauteur,
commence au lac du Bouchet pour finir auprès de Yergézac,
et divise en deux bandes de largeur très-inégale la partie mé-
diane des hautes plaines. Elle est composée de scories rouges
et noires, assez fortement soudées entre elles pour donner un
sol résistant et mêlées de quelques roches de basalte. C’est le
reste d’un imposant ensemble de bouches volcaniques très-
anciennes et très-rapprochées les unes des autres, qui ne s’est
maintenu, en dépit des efforts du temps, que grâce à l'agglo-
mération des fragments. Des deux côtés, les surfaces vont s’é-
levant par des pentes douces jusqu’au pied de cette arête
culminante. La série des cratères des monts Dômes présentera
un aspect très-semblable lorsque les dégradations auront altéré
davantage les détails de ses formes premières. L’alignement
de la chaîne du Devez (on peut ainsi l’appeler du nom de la
montagne la plus élevée) a dû, comme les alignements du
groupe du Puy-de-Dôme, être déterminé par une grande frac-
ture qui préexistait dans les granités. La différence de niveaux
qu’on observe entre la plaine de Saint-Jean-Lachalm, située a
l’ouest, et celle de Sénenjols, située au levant, qui est d’environ
150 mètres, correspond sans doute à un ressaut de la roche
primordiale et fournit une autre démonstration de la faille.
Plus au nord, les bassins hydrographiques qui se déversent
dans la Loire et dans l’Ailier sont séparés par les pitons de la
Durande et de la Durandelle, également formés de scories
rouges agglutinées, et qui, avec les pays de Saint-Bérain, con-
stituent un second groupe d’antiques bouches de projection,
ouvert sur une fracture nord-sud. Cette montagne de la Du-
rande, beaucoup plus pittoresque que les précédentes, a sous
ses pieds trois cratères très-vastes et bien dessinés, dont l’é-
poque, selon toute apparence, est moins reculée. Les bourre-
H58
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
lets qui les bordent sont médiocrement saillants par rapport
à leurs diamètres. L’un d’eux, dont les eaux s’écoulent au
nord, a pour fond le marais elliptique de Limagne, qui a été
un lac; et ses parois, comme celle du second dont l’ouverture
regarde le levant, sont presque entièrement formées de sco-
ries-meubles ou mal agglutinées. Le fond et l’enceinte du troi-
sième sont, en plus grande partie, occupés par des conglomé-
rats, qui, avec les fragments volcaniques, contiennent beaucoup
de pierres et jusqu’à de très-gros blocs de granité à grands
cristaux.
Au sud du Devez, le lac circulaire du Bouchet est aussi en-
fermé dans un large cratère, dont les bords assez élevés sont
presque entièrement composés de scories. Il n’a pas d’issue ap-
parente; mais de belles fontaines, qui sourdent sur l’un des
revers extérieurs à un niveau notablement plus bas, indiquent
sans doute un écoulement par des voies souterraines. Des
vestiges non équivoques d’anciens lacs, également enclos dans
des cirques, se voient, plus au midi, aux environs de la Sauvetat
et de Landos. Le cirque de la Sauvetat, qui est le mieux con-
servé, est tout entier en creux, saps relèvement du contour :
en parcourant ses talus intérieurs, on marche tantôt sur le
basalte, tantôt sur des scories.
Parmi les nombreux cônes de déjection, très-semblables
entre eux de figure et de composition minéralogique, très-
divers de dimensions, qui surgissent dans le pays dont je
parle (on en compterait plus de cent cinquante), beaucoup ont
gardé des empreintes encore assez nettes des cavités cratéri-
forrnes, beaucoup ne sont plus que de simples buttes de con-
tour à peu près circulaire. On peut citer comme particulière-
ment remarquable par leur grandeur le mont Briançon, situé
au-dessus des villages de Saint-Eble et de Yissac, au sommet
duquel il est facile de récolter de gros boulets de péridot, tout
dégagés de leur gangue et les deux montagnes autrefois réunies
qui renferment le village de Fix-Villeneuve.
Le très-grand intervalle de temps que la période basaltique
a embrassé est bien manifeste pour l’observateur qui examine
la vallée de l’Ailier. Cette gorge à pentes abruptes est creuse
de 550 mètres au-dessous des plaines de Saint-Jean Lachalm
et de Saint-Bérain. Auprès de l’une et de l’autre de ces loca-
lités, de longues et horizontales lignes de basalte , qu’aucune
discontinuité n’interrompt, en couronnent les sommets, tandis
qu’au-dessous, le gneiss et le granité sont à nu sur de vastes
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. ' 1159
espaces. Cependant, d’autres laves issues des hauteurs se sont
précipitées sur les déclivités et y ont laissé des lambeaux de
forte inclinaison, pour s’étaler plus bas et former des plateaux
inférieurs. Des cratères placés sur les flancs de la vallée ont
aussi versé leurs coulées dans les fonds. A l’exception d’un
très-petit nombre de rochers , l’Ailier a partout aujourd’hui
tranché les laves qui ont , à diverses reprises , obstrué son
cours, mais plusieurs d’entre elles ont leur base peu élevée au-
dessus des eaux; d’autres ont un piédestal plus épais; quel-
ques-uns se tiennent à des hauteurs intermédiaires entre les
nappes de fonds et celles des sommets. Les volcans qui ont
fait éruption ont donc trouvé la vallée dans des états d’appro-
fondissement très-divers. Les environs de Monistrol d’AUier
et de Saint- Julien-des-Chazes offrent un spectacle aussi gran-
diose que convaincant de ces phénomènes.
Plus au nord, dans les communes de Liangues , de Vissac,
de Saint-Arcous, une dépression assez large, aboutissant à la
rivière, existait dans le terrain primordial. Les laves y ont af-
flué et s’y sont superposées sur des épaisseurs de plus de
400 mètres.
Une nappe basaltique assez large, qui, au sud du village de
Fix-Saint-Geneys, couvre, à l’altitude de 4450 mètres, le som-
met de la chaîne montagneuse que traverse la route de Brioude
au Puy, se peut mentionner comme une de celles dont l’anti-
quité est évidente. Les roches de gneiss qui l’ont contenue
jadis se sont dégradées, de sorte que la vallée primitive est
maintenant un dos de montagne qui domine fort au loin la
contrée.
Les environs du Puy présentent, comme la vallée de l’Ai-
lier, mais sur une moindre profondeur , parce que les ravine-
ments y ont été moins considérables, des plateaux basaltiques
étagés. Ceux de mont Redon et de Chadrac , qui se font face
de part et dJautre de la Borne , près du lieu où elle se jette
dans la Loire, ont leur base, ou plutôt celle d’un dépôt de con-
glomérat sur lequel ils reposent, presque au niveau des deux
rivières, quoique la bouche volcanique qui leur a donné nais-
sance semble avoir disparu.
Deux cônes d’époque récente s’élèvent sur les flancs de la
vallée inférieure de la Borne, celui de Saint-\idal et celui de
la Denise. Ils sont remarquables par la fraîcheur des scories ;
mais leurs formes se sont déjà fort altérées, parce que leur
situation, jointe à l’incohérence des matériaux, les ^posait
1160
SEANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
d’une manière toute particulière aux entraînements. La lave
du premier a barré la rivière, qui maintenant la franchit dans
une espèce de porte taillée à pic. Une des laves du second, qui
s’est également précipitée sur la Borne, est renommée par la
belle colonnade d’Espaly. Ce cratère de la Denise s’est fait
jour à travers une masse épaisse de conglomérats anciens, re-
couvrant le plateau étroit du Collet, qui a été presque vertica-
lement tranchée par l’explosion : c’est ce que montre une
coupe vive du terrain produite par de vastes carrières de
pierres de taille et de pouzzolanes.
À. Conglomérats anciens, d’une teinte brune foncée,
principalement formés de scories et de cendres forte-
ment agglutinées, en lits horizontaux, qu’on exploite
pour pierres de taille.
B. Banc mince de conglomérats blanchâtres, moins ag-
glutinés et d’époque plus récente.
Sc. Scories noires.
Les célèbres fossiles humains qui ont été trouvés sur le
flanc méridional de cette montagne étaient contenus dans un
conglomérat assez terreux, situé presque au contact des sco-
ries, qui est probablement de même formation que le banc B
et contemporain comme lui des dernières éruptions.
De l’observation qui précède et de tout l’ensemble des faits
dont témoigné 1 examen des volcans éteints ou encore en feu
on doit conclure que le premier acte des forces souterraines
qui engendrent un cratère est de produire une cavité profonde,
à parois escarpées : les scories et autres matériaux projetés
viennent la remplir ensuite. Le plus souvent, leur amoncelle-
ment dépasse la contenance du cirque et une butte conique
s’élève; d’autres fois, la cavité reste empreinte dans le sol, soit
que les déjections n’aient pas été abondantes, soit plutôt que
les scories aient été englouties et pour ainsi dire résorbées
dans les réservoirs qui les avaient fournies.
Dans le pays qui entoure la ville du Puy, la formation vol-
canique se distingue par l’extrême abondance de conglomé-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
116
rats et surtout par les roches d’aspect bizarre que certaines de
leurs masses constituent. Ceux qui sont étalés en nappes se
peuvent classer en deux catégories, qui appartiennent à des
époques séparées par un long intervalle. Les uns occupent
une grande partie des plateaux de la Malouteyre, du Collet, de
Sainte-Anne, de Tressac, ou sont intercalés dans les basaltes
dont les coulées arrivent au-dessus de Vais. Je range encore
parmi eux le majestueux rocher de Polignac, dont le contour
circulaire n’offre que des escarpements à pic, mais dont la
surface est plate, et que je crois être un fragment détaché des
nappes voisines. Les autres, moulés sur les pentes des vallées
jusqu’au fond desquelles ils descendent en plusieurs points,
couvrent les marnes et les argiles tertiaires d’un voile ordinai-
rement peu épais. Ceux-ci doivent manifestement leur origine
aux éruptions les plus récentes, et les ossements fossiles qu’on
en a retirés se rapportent à la faune quaternaire. Au point de
vue minéralogique, ils diffèrent des précédents par une plus
grande abondance de l’élément marneux, ce qui leur donne
une couleur blanchâtre par une moindre cohésion.
Mais à quelles causes attribuer l’aiguille pyramidale de
Saint-Michel, la muraille verticale du mont Anis ou mont Cor-
neille, les roches escarpées d’Espaly, de Ceyssac et celle de
même espèce qu’on voit entre Polignac et Bilhac? Les longues
discussions dont elles ont été l’objet pendant les séances qui
ont été tenues au Puy n’ont évidemment pas rallié les mem-
bres de la Société géologique à une opinion commune. Je vais
de mon côté dire rapidement ce qui me paraît démontré dans
la question et, pour ce qui reste hypothétique, exposer l’hy-
pothèse la plus probable à mes yeux. L’étroite parenté de ces
roches étranges avec les conglomérats du Collet et de la Ma-
louteyre, malgré des gisements tout autres, est chose évidente;
car, minéralogiquement, la composition est identique; aussi ne
peut-on se refuser d’admettre que ce soient des effets, à la vé-
rité différents, d’un même phénomène. Cependant la stratifi-
cation est en général beaucoup moins marquée. A Saint-Mi-
chel, elle fait même tout à fait défaut; tout au plus parvient-on
à distinguer dans la structure de la masse quelques bandes à
peu près verticales. Au mont Corneille, les strates ne sont vi-
sibles que vers le sommet. L’un et l’autre présentent à leur
base des filons de basalte. Tous ces pics surgissent du milieu
des vaUées, et ceux de Saint-Michel et d’Espaly baignent leur
pied dans la Borne.
M 62 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
Dans l’esprit de Bertrand de Doue, la considération de la
similitude minéralogique l’a emporté. Il admet que les nappes
des plateaux et les pics se sont formés dans des conditions
exactement pareilles. Il en conclut logiquement qu’à une épo-
que ancienne de la période volcanique le bassin du Puy était
déjà creusé autant qu’il l’est de nos jours et à peu près dans
les mêmes vallons. Les conglomérats auraient comblé les pre-
miers sillons; puis l’érosion aurait refait son œuvre. De fortes
objections réfutent cette théorie. D’abord l’examen des plaines
basaltiques voisines, qu’on voit reposer sur le terrain tertiaire
à des hauteurs correspondantes à l’altitude de leur surface, et
dont une partie n’est certainement pas aussi ancienne que les
premiers conglomérats, est tout à fait contradictoire avec l’idée
d’un profond ravinement antérieur. En second lieu, comment
comprendre que ces masses, qu’on suppose avoir envahi les
vallées , n’y aient laissé de témoins de leur existence qu’en
leur milieu, et là précisément où les eaux avaient le plus de
puissance pour les faire disparaître? Ne devrait-on pas bien
plutôt les retrouver en terrasses adossées aux flancs des col-
lines encaissantes, comme il est toujours arrivé lorsque des
rivières ou des ruisseaux se sont frayé leur chemin à travers
des coulées qu’elles ont coupées?
L’idée émise devant la Société qu’elles étaient d’abord en
lieu plus élevé, puis, qu’elles sont tombées ou sont descendues
par la destruction de leurs piédestaux, me paraît beaucoup
moins admissible encore. Des masses de pareilles dimensions
ne se déplacent pas d’un seul bloc et sans se briser en frag-
ments : on en peut voir la preuve autour des montagnes de
phcnolithe et de certaines montagnes de basalte, où des phé-
nomènes de ce genre se sont produits. Puis, quels prodiges
d’équilibre le hasard se serait plu à répéter en plaçant debout,
et sur une base aussi fragile que des marnes tertiaires, un
obélisque élancé comme Saint-Michel, un mur comme Cor-
neille !
Il faut donc reconnaître que les roches dont il s’agit, tout
au moins à leurs bases, se sont constituées au-dessous des sur-
faces qui formaient jadis le sol du Velay, et dans le sein des
assises tertiaires qui en doivent encore renfermer les racines.
La théorie suivante, que je propose, a l’avantage de n’être
pas en désaccord avec celle, si satisfaisante d’ailleurs, qui ex-
plique les conglomérats des plateaux par des projections de
lapilli, de scories et de cendres et une cimentation de ces ma-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. H63
tériaux. Les projections supposent d’anciens cratères. Quel-
ques monticules de conglomérats fort émoussés, qu’on voit à
1 ouest de Bilhac, en représentent peut-être encore un empla-
cement. A part ces faibles et douteux vestiges, on ne trouve
plus en cette région de cônes dont les fragments soient con-
solidés. Ils ont donc été enlevés, soit par érosion, soit par des
explosions subséquentes sorties des mêmes orifices. Mais au-
dessous des accumulations extérieures étaient les cavités ou-
vertes dans le sol tertiaire et les cheminées en communication
avec le foyer souterrain. Elles ont dû se remplir également de
morceaux brisés de scories et de laves, mêlés à des cendres et
aux débris des roches traversées. Des consolidations ont dû s’y
opérer, aussi bien que dans les dépôts qui se sont étendus sur
le sol, et plus facilement peut-être, à cause de la chaleur et
des vapeurs acides qui sont un agent puissant de décomposi-
tion chimique. Les mouvements tumultueux, qui se produi-
sent nécessairement dans les bouches volcaniques, en ont sou-
vent empêché la stratification ou l’ont rendue confuse. Des
filons de basalte, tels qu’on en voit dans presque tous les cônes
de scories, les ont aisément pénétrés. Lorsque ensuite les cra-
tères ont été ruinés, que le terrain même qui les portait et les
contenait a été entraîné par les eaux, les roches les plus dures
ont seules résisté et sont restées saillantes au milieu des dé-
nudations qui se sont opérées autour d’elles.
J’abrégerai ce qui me reste à dire des autres régions où se
sont épanchés les basaltes, parce que les mêmes causes y ont
engendré des effets analogues, et que les descriptions répétées
seraient dénuées d’intérêt.
Les plateaux de Saint-Martin de Fugères, d’Alleyrac et de
Crésailles établissent une jonction entre les basaltes de la rive
gauche de la Loire et ceux du Mézenc. Là s’élèvent les deux
grands cratères de Breysse, qui sont de l’âge le plus récent et
d’une très-belle conservation. Tous les deux sont égueulés, de
sorte que leurs rebords figurent de vastes hémicycles, de l’en-
ceinte desquels les laves sont sorties. Ces laves sont très-bul-
leuses dans la première partie de leurs cours, et, seules dans la
Haute-Loire, présentent à leur surface des cheires ou monti-
cules de pierres brisées et scoriacées,* semblables à ceux qui
sont si communs aux pieds des monts Dômes. Quoiqu’un pro-
fond ravin granitique longe les deux cônes, elles ne s’y sont
pas jetées et ont cheminé sur le plateau. L’une ne semble pas
avoir franchi une bien grande distance. Mais l’autre est des-
im
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
cendue jusqu’à la Loire, en parcourant environ 8 kil. Après
s’être largement étalée sur les douces pentes des environs
d’AUeyrac, elle s’est engagée dans l’étroit ravin de l’Holme,où
une suite de petits rochers permet d’en suivre la trace; elle
expire à Goudet, presque au niveau de l’eau du fleuve, en for-
mant une mince terrasse de roche compacte assise sur le gra-
vier de la plage.
Plus au sud, les pittoresques rochers qui bordent la Loire,
dans la commune de Lafarre, fort au-dessous des lignes des
grands plateaux, proviennent d’un cône situé auprès du lac
d’Issarlès.
Un autre cratère très-récent, de peu d’élévation, mais re-
marquable par la couleur ardente de ses scories et ses cavités
en forme d’entonnoirs, est celui de la Terrasse, contre lequel
passe la route du Monastier au Puy. La lave a parcouru le val-
lon tertiaire du ruisseau de Laussonne.
Le cratère de Bar, près Allègre, n’a dans le département
que ceux de Breyne qui lui soient comparables. Bertrand de
Doue et M. Grellet en ont donné des descriptions fort exactes,
auxquelles je ne puis mieux faire que de renvoyer le lecteur
que les détails intéresseront. C’est un tronc de cône de régu-
larité parfaite, dont la grande base a 1,500 mètres de diamètre,
et dont la hauteur est de 150 à 200 mètres; son sommet est
entièrement occupé par une cavité tronçonique. Comme il est
situé sur un sol granitique très-élevé lui-même, il est d’un
grand effet et attire de loin les yeux, à l’instar d’un signal. Le
basalte qui est sorti de son pied, après avoir d’abord coulé
sur une forte pente, n’a pas tardé à s’étendre dans une plaine
et sépare les deux ruisseaux de la Borne orientale et de la
Borne occidentale.
Les terrains à sous-sol gneissique de Saint-George d’Aurac
et de Gouteuze, qui sont la partie supérieure du bassin de
Paulhaguet, ont reçu les laves du volcan de Fix -Villeneuve et
de ses voisins, et celles qui ont eu leurs points d’émission sur
d’autres confins du même bassin. Dans les plaines de cette ré-
gion on remarque plusieurs dépressions circulaires, peu pro-
fondes, au fond plat et aux bords doucement inclinés, dont la
forme se peut par conséquent très- exactement comparer à celle
d’une grande assiette. Elles contenaient, il n’y a pas un grand
nombre d’années, des étangs poissonneux, les uns naturels,
les autres artificiels, qu’on pouvait assécher ou laisser remplir à
volonté au moyen de vannes et de rases, mais dont on a succès-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1165
sivement ordonné la suppression pour des raisons de salubrité.
Ce phénomène se voit sur d’autres nappes de basalte ; mais les
circonstances qui sont nécessaires à sa production se sont prin-
cipalement rencontrées aux environs de Saint-George d’Au-
rac. Je l’attribue à un affaissement qu’a subi la surface déjà
refroidie et consolidée de la coulée , lorsqu’une partie encore
fluide de la masse intérieure a trouvé écoulement par quelque
fissure.
Sur les côtes qui enferment à l’ouest les plaines de Paulha-
guet sont deux cratères d’âge intermédiaire, dont les parois
ne sont pas entièrement formées de déjections volcaniques,
mais sont en partie creusées dans la roche primordiale, et qui
par là rappellent le gour de Tazenat dans le Puy-de-Dôme, et
le lac d’Issarlès dans l’Ardèche : ce sont ceux d’Alleret et de
Sénèze. Le premier est à moitié composé de scories détachées
ou légèrement cimentées : cette moitié seule fait bourrelet. De
ce côté est l’issue de l’enceinte et l’origine de la lave. Le se-
cond est de gneiss sur les deux tiers de son pourtour, assez dé-
gradé, mais parfaitement reconnaissable encore ; le reste est
un mélange de conglomérats et de scories. La lave s’est fait
jour non dans l’enceinte, mais à l’extérieur du bourrelet sco-
riacé.
L’étroite vallée de l’Allagnon et celles plus profondes encore
qui environnent Blesle sont dominées par des tables de ba-
salte qui, pour la plupart, sont les extrémités de coulées des-
cendues des montagnes du Gézalier. Un cône de scories, pas-
sablement conservé malgré son antiquité certaine, est sur ces
hauteurs, près d’Autrac, et à la limite de la Haute-Loire et du
Cantal.
Dans une région voisine, la coulée de la Fage et de Lu-
bilhac se doit compter au nombre de celles qui donnent une
mesure des énormes dévastations opérées par le temps sur les
roches primordiales de la France centrale. Elle est longue,
étroite et peu épaisse : sur une bonne partie de sa longueur,
elle a gardé l’image du fond de vallée où elle s’est épanchée ;
car les profils transversaux de sa surface sont des courbes un
peu concaves. Mais, depuis une bien grande série de siècles,
cette vallée et les collines qui devaient l’entourer n’existent
plus : la bande basaltique est maintenant une crête culmi-
nante, excédant de beaucoup les hauteurs des montagnes voi-
sines ; et il faut descendre, de chaque côté, d’âpres ravins pour
trouver les lits des ruisseaux. Une roche très-bulleuse, située
1160 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
à F extrémité et au sommet de la bande, en paraît encore mar-
quer Torigine.
J’ai cité plus haut les filons de basalte des environs du Mé-
zenc, qui coupent des nappes volcaniques. Parmi ceux qui ap-
paraissent dans les roches primordiales, le beau dyke de la
Roche-Rouge, situé non loin du Puy, dans le ravin delà Gagne,
est devenu célèbre après les minutieuses descriptions de Fau-
jas, de Saint-Front et de Bertrand de JJoue. On peut mention-
ner comme puissants et remarquables un filon qui se montre
au moulin d’Alibert, proche Artias et dans la vallée de la Loire,
ainsi que deux autres qui sont visibles au-dessous de la montagne
scoriacée de Courtange, dans le ravin de Celoux. Le dyke de la
Roche-Bournoncle, situé entre Lempdes et Brioude, dont il a
été déjà question, est un magnifique exemple de filon basalti-
que traversant les assises tertiaires : il forme un gros et long
mur à parois verticales, sur lequel un château féodal avait été
édifié. Dans le Velay, les rochettes de la plaine de Saint-Ger-
main Laprade, le roc de Chambouroux, de la vallée de Ma-
gnore, qui font à peine saillie au-dessus du sol argileux, ob-
servés avec sagacité par Bertrand de Doue, sont une miniature
du même phénomène.
En terminant la partie de cette note qui concerne les ter-
rains volcaniques, je suis conduit à parler de certains cirques
qu’on observe au milieu des roches primordiales et qui sont
tout à fait exempts de scories et de laves, mais dont les formes
ont une grande analogie avec celles des cratères dépourvus de
bourrelet. Il est difficile d’échapper à la pensée qu’il y a aussi
analogie dans les causes, quoiqu’aucune émission de roches
fondues n’ait accompagné les premiers : on y est d’autant plus
porté qu’il existe des cratères d’espèce mixte, comme Alleret
et Sénèze, le gour de Tazenat, le lac d’issarlès, mentionnés
un peu plus haut. Il convient d’ailleurs d’être fort prudent dans
ces déductions; car le travail des érosions sur les granités et
les gneiss, qui dépend non-seulement de la pente et du régime
des eaux, mais encore de la dureté très-inégale de la roche,
peut produire des effets en apparence capricieux et de fausses
ressemblances. Je ne citerai donc qu’un cirque dont les parois
ont bien conservé leur régularité et dont la constitution est
très-curieuse. Il est sur la rive gauche de la Loire, tout près de
la station de Gonfolens. On l’aperçoit cependant à peine du che-
min de fer, tandis qu on le voit fort bien des hauteurs que
gravit sur l’autre rive la route de Saint-Etienne au Puy. Le
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1167
croquis ci-joint en représente une vue prise du sommet du
bord occidental.
v. Vallée de la Loire.
W. Vallée du Lignon.
aa. Parois circulaires. *
6. Cône central.
ce. Bande plate intermédiaire.
L’enceinte dessine à peu près les deux tiers d’une circonfé-
rence de 400 ou 500 mètres de rayon, la continuité des parois
ayant été interrompue à l’est par l’érosion de la Loire. Au cen-
tre, surgit, presque à la hauteur du contour, une butte conique
qui est aussi de roche granitique, mais plutôt brisée qu’en
place, et dont la surface arrondie ne présente point d’angles
saillants : entre le cône et les parois est une bande de terrain
plat que les débris entraînés ont produite. Il semble que ce
cirque soit résulté de deux effets dynamiques consécutifs et
contraires : d’abord, un effondrement qui a déterminé la frac-
ture circulaire et son entonnoir; en second lieu, une réaction
de la pression souterraine, qui a fait reparaître au jour une
portion de la roche abîmée.
Terrains de grès et schistes 'pliocènes.
La formation des t^rains par voie de sédiments aqueux n’a
pas cessé d’une manière absolue sur la surface du département
avec la période miocène ; mais dès lors elle ne s’est plus opérée
que sur des espaces très-circonscrits.
Au-dessous des plaines basaltiques qui s’étendent à l’ouest
d’Alambre et du Mézenc, apparaissent en deux étroites vallées
1168
SÉANCE DU 48 SEPTEMBRE 1868.
des bancs de grès, dont quelques-uns sont cimentés de fer hy-
droxydé, avec lesquels alternent des schistes, des tufs fins en
partie formés de débris volcaniques, et des lits charbonneux.
Le principal gisement, situé vers le moulin de l’Aubépin, sur
la lisière des communes de Moudeyres et de Saint-Front, con-
tient des couches de lignite de pureté fort médiocre, qui ont
donné lieu à quelques exploitations délaissées maintenant. Il
repose sur le granité; mais dans le ravin de Gazeille , entre les
hameaux de la Yacheresse et de Thioulet, un mince dépôt de
nature semblable, qu’on a exploré dans l’espoir de trouver du
lignite, est intercalé entre les basaltes.
Des bancs de calcaire siliceux, avec schistes bitumineux et
lits de grès chargés de pyrite, fortement inclinés du côté du
nord, qu’on peut observer en face de l’ancienne abbaye de
Bellecombe, proche Araules, appartiennent très-probablement
à la même classe de terrains. Il y faut ranger sans aucun doute
un lambeau de schistes charbonneux, visible sur la rouie de
Saint-Agrève, aux confins de l’Ardèche, des schistes siliceux
blancs, finement feuilletés et friables, stratifiés en lits hori-
zontaux et contenant quelques empreintes végétales , que la
Société géologique a examinés au-dessus de Ceyssac. Ces trois
derniers gisements sont, comme les précédents, subordonnés
à des nappes de basalte. La flore du schiste de Ceyssac a été
reconnue parM. de Saporta être d’époque pliocène.
Alluvions anciennes.
On trouve dans la Haute-Loire, à des niveaux plus élevés
que les plages actuelles, beaucoup d’alluvions anciennes, qui
sont les plus irrécusables témoins des modifications qu’a
éprouvées le relief du sol et qui nous font pour ainsi dire as-
sister au creusement successif des vallées. Elles sont formées
soit de bancs sableux, soit de graviers et de galets, et tout à
fait semblables à celles que les rivières et les ruisseaux conti-
nuent à déposer. Les unes ont subsisté, malgré les érosions, à
la surface des terrains qui les ont reçues<ç les autres, en plus
grand nombre, ont été conservées par les coulées de basalte
qui les ont couvertes.
Les environs du Puy en fournissent de très-beaux exemples.
Sur les pentes de Vais, de Taulhac, des Forges, d’épaisses as-
sises de sable, mêlées de lits de galets, séparent les marnes
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1169
tertiaires des basaltes ou des conglomérats ou les nappes vol-
caniques entre elles. On observe même derrière la butte ou
garde de Taulhac, un petit lambeau de sable à nu qui est à
200 mètres au-dessus de la Loire. La plus grande partie du
sable est à grains fins, et principalement composée, comme
sur les bords du fleuve, de quartz et de mica, parce que ce
sont les éléments qui résistent le mieux à la trituration et à la
décomposition chimique : il est souvent coloré d’une légère
teinte ocreuse par l’oxyde de fer, souvent aussi limoneux par
un mélange d’argile, en quelques points chargé d’un peu de
matière charbonneuse. Les galets, qui sont d’assez petites di-
mensions, proviennent pour la plupart des roches de basalte,
beaucoup du granité, beaucoup aussi du phonolithe. Ce der-
nier point est important à noter; car les pierres de phonolithe
n’ont pu descendre que du groupe des montagnes du Mézenc
et du Gerbier des Joncs, où la Loire a sa source et reçoit ses
premiers affluents. On retrouve pareils dépôts vers Ours-Mons
et sous la plaine de Ghambeyrac, et du sable limoneux sous le
rocher de Polignac, du côté du nord. Auprès de Polignac et
sur le flanc occidental de la vallée où ce village est situé, jus-
qu’à Bilhac, on rencontre encore des galets phonolithiques
épars sur le sol.
Tous ces faits nous racontent l’histoire de la Loire; il nous
apprennent qu’elle a longtemps erré sur les terres où s’est pos-
térieurement creusé le bassin du Puy, qui, avant la venue des
basaltes, devait former une assez large plaine de faible décli-
vité. A une époque relativement récente, le fleuve a détourné
son cours pour s’engager dans l’étroite vallée de Coubon et
dans les défilés de Peyredeyre. Ce déplacement a eu pour
causes l’obstruction des anciens lits parles masses de basalte,
et sans doute aussi quelques fissures déterminées par les vio-
lentes secousses qui ont accompagné les explosions des volcans.
La rivière de la Borne, autour du village qui porte son nom,
et à la Roche-Lambert, a laissé des arènes limoneuses, sem-
blables à celles de la Loire, sauf l’absence de toute pierre
phonolithique, et protégées de même par des basaltes.
A Gouteuze et au Vialard, un grand dépôt de sable, apparent
sous les laves de la plaine de Saint-George d’Aurac , témoigne
du passage d’un cours d’eau considérable. G’était probable-
ment l’Ailier, lorsque celte rivière traversait le bassin de Paul-
haguet, et avant qu’elle se fût jetée dans le sillon de la Youte
et de Saint-Ilpize.
Soc. yèol 2e sér., t. XXVI,
74
U 70 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 4869.
Plus en aval, P Allier, en approfondissant son lit, a laissé des
deux côtés de la plaine de Brioude de grands débris de ses
anciennes plages de galets, qui couvrent des terrasses et les
sommets de quelques coteaux tertiaires. Les pierres de basalte
y dominent, excepté dans les endroits où les apports sont ve-
nus visiblement des ruisseaux affluents. Elles sont beaucoup
moins abondantes dans la basse plaine inondable. Maintenant,
en effet, la haute rivière coule dans le gneiss et le granité. A une
époque géologique un peu antérieure, elle se frayait un chemin
à travers les masses de basalte qui ont inondé de longues
parties de sa vallée.
Ces pierres que les eaux charriaient autrefois n’étaient ni
plus grosses, ni plus lourdes que celles que nous les voyons, à
chaque crue, rouler dans leur lit : c’est même très-ordinaire-
ment au niveau le plus bas que s’observent les plus volumi-
neuses. L’ancien régime des eaux n’était donc pas plus violent
et plus torrentiel que le régime actuel. Très-probablement il
était au contraire plus calme, parce que les pentes étaient plus
douces. L’observation des alluvions anciennes nous ramène
ainsi à cette conclusion, dès l’abord indiquée, puis reproduite
dans la présente note , que l’Auvergne et le Velay étaient, à
l’époque des premiers basaltes, moins montagneux qu aujour-
d'hui et moins élevés au-dessus des mers.
J’ai dit un peu plus haut que le dépôt pliocène de Belle-
combe est à stratification fortement inclinée. La Société géo-
logique a vu aux environs du Puy deux exemples de couches
d’époque plus récente qui ont subi aussi des dérangements
considérables. Ce sont d’une part des sables, avec lits de galets,
coupés par le chemin de fer, derrière le petit plateau de Mont-
Redon; de l’autre, des assises de semblable nature, avec des
conglomérats sur lesquels elles reposent et deux minces bancs
de basalte qui y sont intercalés, sur la rive de la Borne, en
face d’Espaly. Dans ces deux dernières localités, une cassure
franche sépare les strates inclinés de ceux qui ont gardé la
position normale et qui ne sont pas d’ailleurs de même for-
mation que les sables. Ce qui rend ces observations fort re-
marquables, c’est qu’elles sont en désaccord avec l’allure gé-
nérale des terrains ; car, à l’entour, les marnes miocènes mon-
trent sur les flancs des collines les rubans presque horizon-
taux de leurs couches, et les plateaux étagés de basalte se
maintiennent sans pente sensible. On n’observe pas non plus
que dans le bassin du Puy, la continuité et la concordance de
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1171
1 ensemble des bancs tertiaires ou des nappes volcaniques
soient rompues par de grandes failles. Je ne pense donc pas
qu’on puisse voir dans les faits dont il s’agit autre chose que
des accidents locaux, n’affectant que des espaces très-res-
treints. Les secousses volcaniques ont dû donner naissance à.
des gouffres, à des entonnoirs : de là, des chutes et des dislo-
cations partielles.
M. Hedde annonce une monographie du territoire de
Ronzon qu’il a étudié avec soin, et lit la note suivante sur
les brèches éruptives du bassin du Puy.
Notice sur la brèche éruptive et sur les dykes du bassin du Puy-en-
Velay ; par M. Isidore Hedde.
Les géologues qui ont assisté au congrès de- Puy-en-
Velay ont différé souvent d’opinions; ceux du pays, adop-
tant unanimement les théories émises par les naturalistes
modernes, qui sont d’avis que les roches principales du
bassin du Puy, telles que Corneille (ait. 761 m.), Saint-
Michel (ait. 694 m.), Polignac (ait. 806 m.), Espaly (ait.
m. 674), Ceyssac (ait. 743 m.), et autres moins importantes, sont
de véritables dykes bréchoïdes, éruptifs, de même origine que
la Poche-Rouge (ait. 736 m.), tous ayant percé, par une force
centrifuge, les couches plus anciennes, pour s’échapper du
sein d’un foyer incandescent. Les géologues étrangers, pré-
sents au congrès, et jugeant probablement à première vue,
ont émis les opinions les plus divergentes. Les uns, comme
M. Delanoüe, ne voient dans les brèches que des amas de la-
pillis, de scories agglutinées et soudées ensemble, formant des
espèces de conglomérats et de stratifications, au moyen d’émis-
sions aériennes ou atmosphériques; d’autres, comme M. Grü-
ner, n’y trouvent qu’une espèce de tuf, plus ou moins ana-
logue à ce que l’on voit dans l’Ardèche et dans d’autres
contrées volcaniques; d’après l’éminent directeur de l’École
des mines de Paris, nos roches, essentiellement Plutoniennes ,
ne seraient que de vulgaires produits Neptuniens. Mais quel est
donc le prince de la science qui ait été à l’abri de l’erreur?
Linnée, Cuvier, Léopold de Buch? Élie de Beaumont, Ch. Lyell,
eux-mêmes, en ont-ils été exempts? Errare humanum est!
4172 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
D’autres, enfin, dont les noms m’échappent, ne voient dans
les brèches éruptives, si singulièrement posées, que des espèces
d'aérolithes, de ramponeaux , si j'ose m’exprimer ainsi, lancés
par les bouches volcaniques, et qui se seraient enfouies dans
le sol par leur propre poids. M. Aymard a fort bien répon u
que, s’il en était ainsi, que si les cônes étaient isolés, il s en-
suivrait que, depuis des siècles, des milliers, que dis-je. des
millions de siècles, peut-être, que les érosions ont eu lieu,
tout alentour, on apercevrait des cavités, des continuités;
sous eux, des terrains plus anciens, ainsi qu’on peut le voir
partout sous les plateaux basaltiques et sous toutes les roches
provenant de coulées, de simples émissions volcaniques. J a-
jouterai que les produits aériens ne se présentent pas en forme
de ramponeau , mais affectent particulièrement celle de bombe ,
de larme , etc., ainsi que nous le voyons autour de nos prin-
cipaux cratères.
Il en est même, comme M. Lory, qui ne trouvent dans nos
brèches éruptives que des amas de stratifications, que des
conglomérats, plus ou moins désagrégés, désamalgamés, que
des ruines , enfin, car il faut bien dire le mot, répété, à plu-
sieurs reprises : Avouons que si les roches de Saint-Michel et
de Corneille ne sont que des ruines , ce sont de magnifiques
ruines, et cette expression n’empêchera pas, j espère, les géo-
logues futurs de se rendre de toutes les parties du globe pour
venir les admirer!
Quant à M. Aymard, quia soutenu, malgré sa santé afiaifilie,
avec l’énergie et la conviction que donne le sentiment de ce
qu’il croit la vérité, les théories des princes de la science mo-
derne, théories qu’il a vérifiées par plus de quarante années
d’études, de travaux, d’observations, d’écrits et de recherches
de toute nature, sur les différents points en discussion, il admet
certainement des stratifications, mais infiniment légères, à la
suite et comme conséquence des éruptions mêmes, des con-
glomérats avec soudures, par l’effet de 1 accumulation et du
tassement des diverses matières ignées, entassées les unes sur
les autres, et solidifiées à des intervalles différents, au fur et
à mesure de l’éruption et de refroidissement, comme on peut
le remarquer sur nos roches diverses d ebrèchet mais encore sur
nos différentes roches basaltiques et laviques, comme à Ronzon
(ait. 710m.), Chayrac (ait. 632 m.), Montaudon (ait. 662m.), Rome
(ait. 683 m.), etc. Il admet, comme moi, que les brèches éruptives
duVelay ont des caractères distinctifs, particuliers au pays, que
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1173
ces carctères sont, d’après Faujas de Saint-Fond, Bertrand
de Doue, Ch. Lyell et autres éminents géologues, tant anciens
que modernes; couleur grise, jaunâtre, ou vert-olive , d’autant
plus foncée que la roche a plus de solidité; cimentation de laves ba-
saltiques, de scories finement poreuses , à angles un peu arrondis ou
du moins finement émoussés , avec fragments accidentels de gneiss ,
de granité , de feldspath , de quartz roulé , de pêridot , de marnes , de
calcaire d’eau douce , quelquefois d’amphibole en grains ou en cris-
taux, meme de zircons , plus souvent de spath calcaire et d’arago-
nite; ces dernières substances, produites par voie d’infiltration.
Réunion de matières agglutinées et liées par une paie assez abondante,
formée par un mélange de cendres volcaniques , de détritus de lave
et d’argile ferrugineuse. Ces brèches sont tantôt dures , tantôt tendres ;
il y en a de rubannées, de massives , de stratifiées et de non stra-
tifiées, de cimentées et de non cimentées, de scorifiées par le feu et
d’agglutinéespar l’eau; il y en a de tur réformes, de lanciformes,d’ar-
giloides et de boueuses, ces dernières quelquefois osseuses, c’est-à-dire
où se trouvent des fossiles d’animaux et mêmes d’hommes; il y en a
enfin de toutes les formes et de toutes les natures ; mais il n’y a par-
tout qu’une seule origine : c’est le feu, à travers les terrains anciens
et l’eau.
M. Aymard admet, comme moi, les tufs volcaniques, tels
que ceux de l 'Hermitage (ait. 750 m.), de Guitard{p\i. 737 m.),
de Tarayre (ait. 840 m.), etc., soit à l’état scoriforme, poreux,
terreux, soit à texture cimenteuse, et comme produits secon-
daires de matières ignées et aqueuses; mais je ne suis plus
d’accord avec M. Aymard, ni avec la presque généralité des
géologues, présents au congrès, qui admettent une grande
faille, ouverture ou crevasse, à travers le terrain tertiaire, d’où
seraient sortis les cônes ou dykes bréchoïdes du bassin du Puy.
M. Aymard prétend que l’axe principal de cette émission serait
dans la direction de Roche- Arnaud (ait. 785 m.), à Polignac (ait.
806 m.), c’est-à-dire du sud-ouest au nord-ouest. Cette théorie,
je ne puis l’admettre, par la raison que si tous les dykes du
bassin du Puy eussent été reliés par un même axe, la force
d’éruption en eût été d’autant plus diminuée que la faille eût
été longue et les dykes nombreux. L’idée d’un réceptacle com-
mun ne peut être admise pour les brèches éruptives qui se font
remarquer de Roche-Arnaud à Polignac, puisque nous pouvons
observer des roches de même nature, tant à Espaly (ali 674 m.),
et à Ceyssac (ait. 743 m.), que sur d’autres lignes divergentes,
telles que Ronzade{ ait. 794 m.), Croustet (ait. 896m.), Les Combes
1174
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
(ait. 690 m.), Denise (ait. 888 m.), Sainte-Anne ( ait. 891 m.),
Cheyrac (ait. 814 m.), Brunelet (ait. 844 m.), Doue (ait. 839 m.),
et autres élévations, où la brèche se manifeste sous toutes les
formes de coupole, cône, crête, tour, cheminée, etc. Vaine-
ment voudrait-on assimiler cette théorie de la formation des
brèches coniques ou dykes à la théorie des soulèvements, pro-
fessée par M. Éiie de Beaumont, pour l’explication de la for-
mation de nos grandes chaînes de montagnes; à mon avis,
le parallélisme et la divergence des éruptions bréchoïdes et
dykales ne peuvent s’appliquer à la grande loi des soulève-
ments.
Je crois donc fermement que tous nos dykes , tous nos ro-
chers de formes diverses et de brèches éruptives, se sont, for-
més de la même manière que la Roche-Rouge (ait. 736 m.); je
crois que chacun d’eux possède des racines traçantes, et ce
qui le prouverait, fait sur lequel les géologues présents au con-
grès n’ont pas assez porté leur attention, c’est que la plupart
de nos dykes ont des satellites, qui semblent avoir été le dernier
effort expirant de la matière éruptive. A mon avis, Saint-Michel
serait le satellite de Corneille, Flajac celui de Polignac , L’Ar-
housset celui d ’Espaly, etc.
La théorie d’une grande faille ou réservoir, présentée par
M. Aymard, et à laquelle se sont ralliés MM. Tournaire, d’Uxe-
loup de Rozemont et autres savants géologues, ne me paraît pas
admissible. Vainement M. Aymard a-t-il invoqué ses fouilles,
dans la rue Rochetaillade ( Rupes Scissa ), au Puy, rue tracée sur
la brèche. A cette allégation je réponds que c’est le fait de la
continuité du dyke de Corneille, jusque dans le sein de la terre,
mais nullement la preuve de sa soudure avec d’autres dykes du
bassin du Puy.
Amiens Cato , sed magis arnica veritas.
Je ne crois pas non plus qu’un dyke soit un mur, comme l’a
prétendu M. Lory. Le mot dyke , dérivé du saxon, est un terme
anglais qui signifie Digue, falaise, dans le genre du mot hol-
landais Polders. C’est un terme qui a été appliqué avec justesse,
particulièrement à nos roches bréchoïdes, par MM. Ch. Lyell,
Poulett^Scrope et autres savants géologues, pour désigner un
filon éruptif, de formation ignée, poussée de bas en haut , remplissant
l'intervalle entre les parois d'une cheminée volcanique et s’élevant ,
en masse solidifiée et formes diverses, au-dessus de la surface du sol.
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1175
Je crois être parfaitement d’accord avecM. Aymard,en avan-
çant que les conglomérats de nos plateaux volcaniques, que les
tufs sortis de nos différents cratères, ne sont pas plus de la brèche
que ne le sont les basaltes et les laves; je crois qu’il pense,
comme moi, que la brèche singulière de nos dykes est surtout
particulière à notre bassin du Puy, que si cette brèche renferme
des parcelles de roches primitives et des matières diverses; c’est
qu’elle les a saisies et entraînées à son passage, de son foyer
intérieur, à travers les couches des terrains divers. Je crois,
de plus, que nos dykes ont été formés, non pas tout à fait
comme des champignons, pourvus de chapeaux, mais plutôt
par une certaine force d’impulsion, comme celle produite par
l’eau, dans le siphon d’un puits artésien, on pourrait en faire
l’expérience par le jet artificiel d’une matière gélatineuse qui
se solidifierait immédiatement après sa sortie de l’appareil.
Quant à moi qui ai beaucoup vu, beaucoup étudié, beaucoup
observé, beaucoup écouté, mais qui n’ai pas l’usage de la pa-
role, ce qui me prive du plaisir de la discussion, je me borne-
rai à dire, par écrit, que j’ai eu l’occasion de visiter bien des
contrées volcaniques, que j’ai assisté à bien des éruptions
ignées, mais j’avoue que je n’ai rien vu de semblable à ce qui
se présente devant mes yeux dans ce pays si curieux du Velay,
ce qui me fait supposer, à tort ou à raison, que les volcans mo-
dernes ne peuvent pas expliquer les éruptions anciennes. La
nature a mille formes et mille moyens pour se manifester; elle
est infinie, tant pour le présent qu’elle l’a été dans le passé,
qu’elle le sera dans l’avenir.
Au piton de Fournaise , à Bourbon, la lave coulait d’un cra-
tère, elevé de 2,200 mètres, et tombait en bouillonnant dans
la mer, formant un large fleuve de 6 kilomètres au moins de
longueur. Je pus suivre, pendant plusieurs jours, la marche
du fluide incandescent et même tracer sur la surface, légère-
ment refroidie, avec le bout de ma canne ferrée, les noms
chers de la patrie absente (1). Le volcan en éruption, en 1844,
était situé, à l’est, dans le quartier Sainte-Rose, vers le 21e — 40,
lat. N. et 53° — 28’, long. E. de Paris. La coulée lavique, s’éten-
dait, à travers le pays du Grand Brûlé , sur une étendue d’en-
(l) Voir dans les Comptes rendus de la Société impériale d'agriculture ,
sciences et arts de Lyon, année 1868, la description que j’ai faite de la phy-
sionomie géologique de l’archipel des Mascareignes , à propos d’un oiseau
fossile déterminé par M. Alphonse Milne-Ed\vards fils.
H 76
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
viron9 kilomètres. Le piton de Fournaise, espèce de dyke co-
nique est éloignée d’au moins 20 kilomètres du piton des Nei-
ges (ait. 3,154 mètres), autre espèce de dyke, en forme de crête
allongée, dans le genre de ce que nous remarquons à la Roche-
Arnaud, près de Puy-en-Velay. Ce piton couvert de neiges,
pendant six mois de l’année, est situé au-dessus du quartier de
Salazie (altitude de 629 à 900 mètres), où se trouvaient les planta-
tions de mûriers pour l’élève des vers à soie; c’est là que je
résidais, principalement pendant mon séjour à Bourbon.
Le quartier de Sainte-Rose est le territoire des volcans mo-
dernes ou contemporains. On y remarque les pitons, dits :
rouge , du Bois Blanc , des Cascades, du Crac de Fourche , d’Ango,
de la mare d’Azule , de la Basse-Vallée , Vert, Saint-Joseph ,
Berth , etc. ; les cratères dits : Haury , du Cirque , Chisny, Hu-
bert, Dupetit-Thouars, etc.; puis, au nord-ouest du piton de
Fournaise, dans les plaines de Cilaos et des Cafres , on peut
observer les pitons dits : des feux à Manza-c, Guichard , des
Treize Cantons, de la Grande Montée, de Villers , Desmenil , De-
jean , Hyacinthe, etc.
Les éruptions les plus anciennes dont on se souvienne sont
celles de 1775, de 1800, de 1812, de 1824 et de 1844, cette der-
nière, celle à laquelle j’ai assisté. Mais il est à noter que les
détonations ont toujours été peu sensibles, même au plus fort
des éruptions. Les soulèvements, les bouleversements du sol
ont eu lieu, sans grand bruit, ni grandes commotions, c’est ce
qui expliquerait peut-être le peu d’analogie qui existe entre
les roches volcaniques modernes et celles plus anciennes; par
exemple, celles de Bourbon et celles du Velay. Néanmoins,
M. Deville (1) trouve une grande analogie de formes entre le
groupe des montagnes volcaniques de Bourbon et ceux de la
Guadeloupe et du Cantal ; pourquoi alors n’explique-t-il pas la
ressemblance qui peut exister, la similarité entre les roches an-
ciennes et les modernes? Je trouve bien des scories, des lapil-
lis, des laves, des basaltes, des tufs même, mais des tracbytes,
des phonolithes de la brèche surtout, cette roche spéciale du
bassin du Puy-en-Velay, point, pas plus à Bourbon qu’à Téné-
riffe (ait. 3,710 mètres), cette dernière montagne conique, en
forme de garde , c’est-à-dire en dôme, composée de scories,
de lapillis, de laves basaltiques, de tufs, mais de brèches point,
pas plus qu’au mont Gedé (ait. 3,245 mètres), à Java, de même
(1) Comptes rendus de l’Académie des sciences , t. XXXVII, p. 48 .
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. il 77
formation que ia plupart des volcans encore en activité,
des innombrables îles de l’Archipel indien, qui vomissent en-
core, quelquefois, de la fumée et des cendres, mais qui n’ont
plus d éruptions de matières ignées et liquides; à part, cepen-
dant le mont Ophir (ait. 3,950 mètres), à Sumatra, qui, comme
le Vésuve, a un centre d’activité permanent, et qui éclaire de
ses feux grandioses une partie du détroit de Malaca. J’ignore
s il y existe des roches dans le genre de celle du Velay, par la
raison que je n’ai vu le volcan que de loin, et que mes rensei-
gnements ne m'ont fourni aucune donnée précise à cet égard.
Je serais néanmoins porté à croire que c’est au Japon, terre
classique des volcans anciens et modernes, le foyer incessant
des émissions, des éruptions, des coulées, des volcans, des
bouleversements de toute nature; c’est à la soufrière de Xim-
bara (ait. 2,100 mètres), dans l’île de Kieou-Léou, au piton du
Fouzyamma (ait. 4,000 mètres) , sur Niphon, intermittent comme
• Ténériffe et Gedé ; c’est à Sikost et Yéso , c’est dans les milliers
d’îles de l'Archipel japonais, toutes déchiquetées par l’effet
des causes plutoniennes, toutes pourvues de cratères éteints
et de bouches volcaniques en activité qu’il faut aller étudier
la grande question des roches plutoniennes anciennes et mo-
dernes. Jusque-là, tant que la science n'aura pas reconnu la
différence qui existe entre les bouleversements de temps an-
ciens et ceux qui se produisent de nos jours, ainsi que les causes
qui les ont amenés, je dirai que le Velay est le pays des tra-
chytes et des phonolites types, et que le bassin du Puy est la
seule patrie de ia brèche volcanique par excellence.
Avant de déclarer close la session extraordinaire, M. le
Président Vinav exprime à ses collègues la vive gratitude
des habitants de la ville du Puy qui ont pu s’associer aux
travaux de la Société durant les séances publiques. Il espère
que les relations qui se sont ainsi établies ne seront pas
éphémères.
La séance de clôture a été levée à 11 heures.
1178
SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869.
NOTES ADDITIONNELLES PAR M. TARDY.
Dans la dernière séance, j’avais annoncé l’intention de re-
chercher l’origine des chailles de l’herm et du Monastier.
N’ayant pu, par suite du mauvais temps, mettre ce projet à
exécution, je vais, néanmoins, donner quelques renseigne-
ments sur cette question.
On m’a affirmé que les roches calcaires employées au vil-
lage des Estables, au Mézenc, venaient des pâturages du
Grand-Borne, situés au sud-est de cette montagne.
Dans une direction presque sud-ouest, parallèle à tous les
grands accidents de ce pays, on voit sur la rive droite de l’Al-
lier, en face du Luc, des assises de roches stratifiées qui but-
tent contre les roches granitoïdes de la chaîne de Mercoire
prolongée.
Ces roches sont, de loin, identiques aux calcaires juras-
siques que M. Fabre, garde général des forêts à Mende-
Lozère, a bien voulu avoir la bonté de me montrer près de
Saint-Frézal-d’Albuge.
Dans l’alignement de ces témoins de roches secondaires, se
trouvent les pâturages de la commune de Usclades, où la
Loire prend sa source. Or M. Vinay a ramassé des térébra-
tules dans cette rivière.
Il n’y a donc rien de hasardé à penser que probablement
une bande, presque continue, de terrain jurassique s’étend de
BagnoIs-les-Bains, jusque au delà du Mézenc; elle doit se ca-
cher dans une rive du terrain primitif.
Note sur les glaciers du Velay ; par M. Tardy.
En allant à la réunion du Puy par le chemin vininal de Lan-
geac au Puy, j’ai vu au sortir de Langeac, près de Bavat, des
blocs striés. Après la session, j’ai reconnu sur l’autre versant
des chaînes qui séparent l’Ailier de la Loire, des lambeaux de
moraines situés en amont d’Espaly dans la vallée de la Borne.
Je crois, a cette occasion, devoir faire remarquer que la plu-
part des grandes routes du Velay ne suivent pas les rivières,
parce que celles-ci sont en général d’autant plus encaissées
dans des gorges profondes, que leurs sources sont plus au
centre des plateaux. Or, c’est à l’intérieur de ces vallées d’é-
RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY.
1 1 79
coulement principal que doivent se trouver les plus beaux
vestiges de moraines. La vallée de la Borne nous en montre
un exemple.
Cette absence de grandes routes, dans les vallées principales
situées en amont des gorges de Peyredeyre, est sans doute la
cause qui a empêché la Société de pouvoir constater, pendant
son excursion dans le Velay, la présence de vestiges morai-
niques.
C’est ce qui m’engage à appeler l’attention sur la présence,
très-probable, de moraines le long de la Loire en amont de
Brives-Charenzac.
TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES
CONTENUS DANS CE VOLUME
Le frère Indes. — Sur la formation des tufs et sur une caverne à osse-
ments des environs de Rome. . 11
Mussy. — - Roches ophitiques du département de l’Ariége 28
J. Marcou. — Sur une météorite tombée le 11 juillet 1868, à Lavaux,
près Ornans (Doubs) 92
Daubrée. — Observations sur la météorite d’Ornans et sur l’imitation
artificielle de sa structure globulaire ou cbondritique. ... 96
H. CoQUAND. — Sur les assises qui, dans les Bouches-du-Rhône, sont
placées entre l’oxfordien supérieur et l’étage valangien (base
du terrain crétacé) 100
Éd. Hébert. — Sur les couches comprises, dans le Midi de la France,
entre les calcaires oxfordiens et le néocomien marneux à Belem-
nites dilatatus , en réponse à M. Coquand 131
L. Dieülafait. — Sur les calcaires blancs néocomiens des environs de
Toulon 139
H. Coquand. — Description géologique de la formation crétacée de la
province de Teruel (ancien royaume d’Arragon) 144
Collenot. — Existence de blocs erratiques d’origine glaciaire au pied
du Morvan 173
J. Beaudoin. — Sur le Neritopsis Deslonchampsii 182
H. Coquand. — Sur la formation crétacée de la montagne de la Clape,
près de Narbonne (Aude) 187
Éd. Hébert. — Classification des assises néocomiennes. Réponse aux
critiques de M. H. Coquand 214
Tabariès de Grandsaignes. — De quelques terrains cristallins, sédimen-
taires et glaciaires de la Corse 266
G. Cotteau. — Observations sur la monographie des couches de l’étage
valangien des carrières d’Arzier , Jura vaudois , par M. de
- Loriol 274
Le même. — Observations sur l’Échinologie de MM. Desor et de Loriol. 276
A. Leymerie. — Mémoire pour servir à la connaissance de la division
inférieure du terrain crétacé pyrénéen. . 277
A. Caillaux. — Résumé des diverses publications de M. Luigi Bom-
bicci, sur la théorie des associations polygéniques , appliquée à
l’étude et la classification des minéraux 336
G. Fabre. — Sur la base de l’oolithe inférieure dans les environs de
Nancy 253
Fàlsan et Chantre. — Sur le tracé d’une carte géologique du terrain
TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES.
erratique et sur la conservation des blocs erratiques de la partie
moyenne du bassin du Rhône
De Roys. — Sur les formations d'eau douce supérieures aux sables de
Fontainebleau ^ q
Commission de comptabilité. — Rapport sur les comptes du trésorier
pour l’exercice 1867 386
La Société.— Nomination des Commissions du Bulletin, des Mémoires,
de Comptabilité et des Archives; Nomination du Bureau et du
Conseil, pour 1869 200
Th. Êbray. — Recherches sur l’inclinaison des couches jurassique*s à
l’ouest des Alpes dauphinoises t 393
L. Dieulafait. — Zone à Avicula conforta et infra-lias dans le Midi de
la France, à 1 ouest du Rhône (Ardèche, Lozère, Aveyron Hé-
raut) ' . 398
Ed. Hébert. — Sur les couches inférieures de l’infra-lias du Midi de la
_,A France 447
D Archiac. — Note sur le genre Fabularia , Defrance 454
La Société. — Décision fixant la séance annuelle de 1869, au Dr avril,
1 ouverture des séances^ordinaires à 8 heures très-précises, et celle
de la Bibliothèque tous les jeudis soirs de 8 h. à 11 h 459
La même. - Décision portant qu’il ne sera accordé à chaque membre
que deux feuilles d’impression au plus pour chacune de ses com-
munications, et quatre feuilles pour la totalité de ses communi-
cations de l’année. Une indemnité proportionnelle à l’excédant
sera prélevée sur chaque membre dont les communications ne
rentreraient pas dans ces limites 43^
F. Garr.god et H Duportal. - Ages de l’Ours, du Eeûne, de la pierre
polie et des dolmens dans le département du Lot. . 461
Meugy. - Sur le lias du N.-E. de la France ' * 434
Jacquot. — Observations sur le même sujet ’ 513
Alph. Peron. — Sur les terrains jurassiques supérieurs en Algérie.* ’ 517
G. Cotteau. — Note sur les Echinides du terrain jurassique supérieur
de 1 Algérie. 529
Le meme — Sur les Echinides fossiles recueillis par M. L. Lartet* en
Syrie et en Idumée 533
H. Coquand — Composition géologique et origine de la Crau (Bouches-
du-lihone)
G. de Mortillet. - Classification chronologique des cavernes de l’époque
t e la pierre simplement éclatée, et observations sur le diluvium
a cailloux brisés
Éd. Hebert. Observations sur les caractères de la faune de Strâmberg 583
et en général sur l’âge des couches comprises sous la désigna-
tion d Etage tithonique . . ô
A. Leymer,e. - Récit d’une exploration géologique de la vallée d'e Ü 688
Chaper. -- Observations au sujet de la communication de M Éd iC
t ™ ^ert sur les caractères de la faune de Stramberg, etc.. * 668
J. Marcou. - Eote sur l’origine de l’étage tithonique. . . 669
Ed. Hebert. - Réponse à MM. Marcou et Chaper, à propos de ia dis^
cussion sur l’age des calcaires à Terebratula diphya de la Porte
de h rance
Desor. - Lettre de M. Whitney annonçant la découverte de restes W
TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 1183
mains et de traces du travail de l’homme dans des roches ter-
tiaires de Californie 676
Ch. Grad. — Formation et constitution des lacs des Vosges 677
Le même. — Observations sur les glaciers du Grindelwald. .... 687
Levallois. — Notice sur la vie et les travaux de Ch. Ëd. Thirria. . . 693
Éd. Hébert. — Notice nécrologique sur M. Hœrnes. . . ... 714
Alb. de Lapparent. — Discours sur les progrès de la Géologie. . . . 716
Tchihatcheff (de). — Carte géologique de l’Asie mineure 737
Daubrée. — Observations sur le travail de M. de Tchihatcheff sur l’Asie
Mineure 740
E. Dufour. — Sur le pseudomorphisme des roches feldspathiques. . . 744
Le même. -- Sur un singe probablement subfossile 746
V. Raulin. — Carte géologique de l’île de Crète 747
Le même. — De l’opinion de M. Cordier sur les Ophites des Pyrénées. . 747
Saporta (de). — Études sur la végétation du S. E. de la France à l’é-
poque tertiaire 751
Le même. — Sur l’existence de plusieurs espèces actuelles observées dans
la flore pliocène de Meximieux (Ain) 752
R. Tournouer. — Observations sur la faune des coquilles fossiles des
tufs de Meximieux (Ain) 774
P. Gervais. — Restes fossiles du Glouton recueillis en France. . . . 777
Bourassin. — Sur les blocs granitiques qui se trouvent aux environs de
Concarneau et de Tréguier 779
P. Matheron. — Sur les reptiles fossiles des dépôts fluvio-lacustres cré-
tacés du bassin à lignite de Fuveau 781
R. Toucas. — Description géologique et paléontologique du canton de
Beausset (Var) et de ses environs 796
F. Garrigou. — Sur le niveau des Cavernes. 825
La Société. — Décision portant qu’à l’avenir ne seront admis à faire de
nouvean partie de la Société les anciens membres non démis-
sionnaires, qu’après qu'ils auront acquitté les cotisations se
rapportant aux années pendant lesquelles ils auront continué à
recevoir le Bulletin. — L’envoi du Bulletin cessera au 1er juil-
let pour les membres qui n’auront pas fait parvenir avant cette
époque la cotisation de l'année courante. Cette mesure ne sera
applicable qu’à partir du 1er juillet 1870 833
H. Coquand et Boutin. — Sur les relations qui existent entre la formation
jurassique et la formation crétacée des cantons de Ganges (Hé-
rault), de Saint-Hippolyte et de Samène (Gard) 834
H. Coquand. — Comparaison des terrains de Ganges (Hérault) avec
d’autres terrains analogues, et constatation des étages kimmé-
ridgien et portlandien fossilifères dans la Provence 854
Belgrând. — L’âge des tourbes dans la vallée de la Seine 879
Ponzi. — Le Volcanisme romain. — Remarques sur les observations géo-
logiques faites en Italie par M. Gosselet 903
L’abbé Bourgeois. — Sur des silex taillés trouvés dans des dépôts mio-
cènes à Thenay (Loir-et-Cher) • 904
Tardy. — Notes sur le Vivarais 912
Daubrée. — Sur l’existence de gisements de bauxite dans les départe-
ments de l’Hérault et de l’Ariége 915
Le même. — Sur l’exploitation de minerais de cuivre par les anciens. . 918
J. Marcou. — Les derniers travaux sur le Dyas et Trias de Russie. . . 919
^84 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES.
Tard y. — Sur quelques éboulements. . . 924
Th. Ébray. Assimilation de la protog’ine des Alpes au porphyre gra-
nitoïde du Beaujolais ^ 927
O. Terquem et E. Joürdy. — Sur le terrain bathonien de la Moselle et
de la Meuse 947
R. Tournouer. — Sur des Nummulites et une nouvelle espèce d’Échi-
nide trouvées dans le « miocène inférieur » ou « oligocène
moyen » des environs de Paris 974
Le même. — Sur l’âge géologique des « molasses de l’Agenais » à propos
de la découverte de nouveaux débris d’ Elotherium magnum et
de divers autres mammifères dans les terrains tertiaires d’eau
douce du département de Lot-et-Garonne 983
Gruner. - Sur un vieux bois d’étai de la mine de Littry (Calvados).' .* 1023
Delesse. Lithologie des mers de l’ancien monde 1025
A irlet d Aoust. — Découverte de traces microscopiques de végétaux
dans des roches considérées comme éruptives 1030
Th. Ébray. — Sujet d’études dans le département de la Haute-Loire. . 1031
Commission de comptabilité. - Rapport sur la gestion du trésorier pen-
dant l’année 1868 1033
Rames et Marion. - Procès-verbal de la réunion extraordinaire de là
Société au Puy-en-Velay, en septembre 1869 1041
R. Tournouer. — Sur les coquilles fossiles des calcaires d’eau douce des
environs de Puy-en-Velay 1061
H. E. Sauvage. — Sur les poissons du calcaire de Ronzon, près le Puv-
en-Velay L J 1Q
Tournaire. — Sur la constitution géologique du département de la
rp . aute-Loire et sur les révolutions dont ce pays a été le théâtre. 1106
I ardy. — Sur les glaciers du Velay
fin de la table générale des articles.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE.
TABLE
DES MATIÈRES ET DES AUTEURS
POUR LE VINGT-SIXIÈME VOLUME
(deuxième série)
Année 1868 à 1869
A
Algérie. Sur les terrains jurassiques su-
périeurs en — , par M. Alph. Pe-
ron, p. 517. = Echinides du même
terrain, par M. G. Cotteau, p. 529.
Alpes. Recherches sur l’inclinaison des
couches jurassiques à VO. des Alpes
dauphinoises, par M. Th. E. Bray,
p. 393.
Archiâc (d’). Sur le genre ¥ Maria
Defrance, p. 454.
A riége. Roches ophitiques du départe-
ment de 1’ —, par M. Mussy, p. 28.
= Sur l’existence de gisements de
bauxite dans T —, par M. Daubrée,
p. 915.
Asie. Carte géologique de Y — Mi-
neure, par M. de Tchihatcheff. Ob-
servations de M. Daubrée, p. 737.
Aude (département de 1’ — ). Sur la
formation crétacée de la montagne
de la Clape, près de Narbonne , par
M. H. Goquaud, p. 187.
B
Bauxite. Sur l’existence de gisements
de — dans les departements de 1 Hé-
rault et de l’Ariege , par M. Dau-
brée, p. 915.
Beaudouin (J.)- Sur le Neritopsis Des-
long champ su, p- 182.
Beausset (Var). Description géologique
et paléontologique du canton de —
et ue ses environs, par M. R. Tou-
cas, comprenant l’etude des terrains
tertiaire, crétacé, jurassique et tria-
sique (pl. VI), p. 796.
Belgrand. L’âge des tourbes dans la
vallée de la Seine (pl. VII). Obser-
vations de M. Lesquereux, p. 879.
Bibliographie , p. 5, 265, 271, 352, 392,
458, 460, 481, 667, 735, 780, 832,
900, 913, 946.
Soc. géol., 2° série, tome XXVI.
Bibliothèque de la Société. Ouverture
les jeudis soir de 8 à 11 h., p. 459.
Blocs erratiques. Existence de — d’ori-
gine glaciaire au pied du Morvan, par
M. Cotlenot. Observations de MM.
Belgrand et Hébert, p. 173. == — de
grauite dans les environs de Concar-
neau (Finistère), par M. Bourassin,
p. 779.
Bois. Sur un vieux — d’étai de la mine
de Littry (Calvados), transformé en
substance voisine des liguites ou des
houilles sèches à longues flammes ,
par M. Gruner, p. 1023.
Bouches-du-Rhône. Sur les assises qui,
dans les — , sont placées entre l’ox-
fordien supérieur et le valenginien,
par M. H. Coquand, p. 100. =Com-
75
1186
TABLE DES MATIÈRES
position géologique et origine de la
Grau, par le même, p. 541. = Sau
rien fossile d'un genre nouveau , re-
cueilli par M. Matheron dans les li-
gnites de la Nerthe, par M. P. Gér-
ais, p. 777. = Sur les reptiles fos-
siles des dépôts fluvio-lacustres cré-
tacés du bassin à lignite de Fuveau
par M. Philippe Matheron, p. 781. ?
Bourassin. Blocs erratiques de granité
dans les environs de Concarneau
(Finistère), p. 778.
Bourgeois (l’abbé). Sur des silex tail-
lés trouvés dans des dépôts miocènes
à Thenay (Loir-et-Cher), p. 901.
Boutin et Coquand. Sur les relations
qui existent entre la formation ju-
rassique et la formation crétacée des
cantons de Ganges (Hérault) , de
Saint-Hippolyte et de Sumène (Gard ),
p. 834.
Budget présenté par le trésorier pour
1869, p. 483.
Bulletin. Chaque membre n’a droit qu’à
deux feuilles d’impression au plus
pour chacune de ses communica-
tions et quatre pour la totalité de
l’année, p. 461.
Bureau. Nomination du — pour 1869.
C
Caillaux (A.). Résumé des diverses
publications de M. Luigi Bombicci
sur la théorie des associations poly-
géniques, appliquée à l’étude et à la
classification des minéraux, p. 336.
Californie. Lettre de M. Whitney, com-
muniquée par M. Desor, annonçant
la découverte de restes humains et
de traces du travail de l’homme dans
les roches tertiaires de la — ,p. 676.
Carte géologique de l’Asie Mineure, par
M. de Tchichatcheff. Observations
M. Daubrée, p. 737. = — de File
de Crète, par M. Y. Ranlin p. 747.
Caverne. Sur une — à ossements des
environs de Rome, par le frère Indes,
p. 11. = Sur des cavernes à osse-
ments de différents âges dans le dé-
partement du Lot, par MM. F. Gar-
rigou et H. Duportal. Observations
de M. L. Lartet, p. 461. = Classifi-
cation chronologique des cavernes de
l’époque de la pierre simplement
éclatée, par M. G. de Mortillet. Ob-
servations de MM. Ed. Lartet et de
Vibraye, p. 583. = Sur le niveau de
cavernes, par M. F. Garrigou. Ob-
servations de M. Ed. Lartet, p. 825.
Chantre et Falsan. Sur le tracé
d’une carte géologique du terrain er-
ratique et sur la conservation des
blocs erratiques de la partie moyenne
du bassin du Rhône. Observations
de MM. Belgrand et Michal, p. 360.
Chaper. Observations au sujet de la
communication de M. Ed. Hébert
sur les caractères de la faune de
Stramberg, etc., p. 668.
Collenot. Existence de blocs errati-
ques d’origine glaciaire au pied du
Morvan. Observations de MM. Bel-
grand et Hébert, p. 173.J
Commission de comptabilité. Rapport sur
la gestion du trésorier pendant l’an-
née 1868, p. 1033.
Commissions. Nomination des — du
Bulletin, des mémoires, de comptabi-
lité et des archives pour 1869, p. 390.
Concarneau (Finistère). Blocs errati-
ques de granité dans les environs de
—, par M. Bourassin, p. 778.
Conseil. Nomination du — pour 1869
p. 390.
Coquand (H.). Sur les assises qui,
dans les Bouches-du-Rhône , sont
placées entre l’oxfordien supérieur
et l’étage valenginien, p. 100.= Sur
la formation crétacée de la province
de Teruel (ancien royaume d’Ara-
gon) (pi. I), p. 144. = Sur la même
formation de la montagne de la
Clape, près de Narbonne (Aude),
p. 187.= Composition géologique et
origine de la Crau ( Bouches-du-
Rhône ), p. 541. = Comparaison des
terrains de Ganges ( Hérault ) avec
d’autres terrains analogues, et cons-
tation des étages kimméridgien et
portlandien fossilifères dans la Pro-
vence. Observations de MM. Hébert
et Parran, p. 854.
Coquand et Boutin. Sur les relations
qui existent entre la formation ju-
rassique et la formation crétacée des
cantons de Ganges ( Hérault ), de
Saint-Hippolyte et de Sumène (Gard),
p. 834. v h
Corse. De quelques terrains cristallins
sedimentaires et glaciaires de la — ' ’
par M. Tabariès de Grandsaignes^
p. 266.
Cotteau (Gust,). Observations sur la
monographie des couches de l’étage
valangien des carrières d’Arzier ,
ET DES AUTEURS.
1187
Jura vaudois, par M. de Loriol,
p. 274. = Idem sur l’échinologie hel-
vétique de MM. Desor et de Loriol.
Remarque de M. Deshayes , p. 276.
— Echinides du terrain jurassique
supérieur de l’Algérie , p. 529. =
Echinides fossiles recueillis par M. L.
Lartet en Syrie et en Idumée,p.533.
Crête. Carte géologique de l’ile de — ,
par M. V. Raulin, p. 747.
Cuivre. Sur l’exploitation des minerais
de — par les anciens, par M. Dau-
brée. Observations de MM. de Mor-
lillet et P. Gervais, p. 918.
D
Daubrée. Observations sur la météo-
rite d’Ornans et sur l’imitation arti-
ficielle de sa structure globulaire ou
chondritique, p. 95. = Observations
sur un travail de M. de TchihatchefF
sur l’Asie Mineure , p. 740. = Sur
l’existence de gisements de bauxite
dans les départements de l’Hérauit
et de i’Ariége, p. 915. = Sur l’ex-
ploitation des minerais de cuivre par
les anciens. Observations de MM. de
Mortillet et P. Gervais, p. 918.
Delesse. Lithologie des mers de l’an-
cien monde, p. 1025.
Desor. Lettre de M. Whitney annon-
çant la découverte de restes humains
et de traces du travail de l’homme
dans les roches tertiaires de Califor-
nie, p. 676.
Dieulafait (L.). Sur les calcaires
blancs néocomiens des environs de
Toulon, p. 139. = Zone à Avicula
contorta et infra-lias dans le midi de
la France, à l’ouest du Rhône (Ar-
dèche , Lozère, Aveyron , Hérault).
Observations deM. Paran etdeM. Ed.
Hébert (pl. IY), p. 398.
Dufour (E.). Sur le pseudomorphisme
des roches feldspathiques , p. 744.=
Sur un singe probablement subfos-
sile, p. 746.
Duportal (H.) et F. Garrigou. Ages
de l’ours, du renne, de la pierre po-
lie et des dolmens dans le départe-
ment du Lot. Observations de M. L.
Lartet, 461.
Dyas. Voir Terrain permien.
E
Ebray (Th.). Recherches sur l’incli-
naison des couches jurassiques à l’O.
des Alpes dauphinoises, p. 393. =As-
similation de îa protogine des Alpes
au porphyre granito'ide du Beaujo-
lais. Observations de MM. Delesse,
Lory et Jannetaz, p. 927. = Sujets
d’étude dans le département de la
Haute-Loire. Diluvium séparant deux
périodes d’éruptions basaltiques. Ro-
ches éruptives anciennes, p. 1031.
Echinides. Observations de M. G. Got-
teau sur l’échinologie helvétique de
MM. Desor et de Loriol. Remarque
de M. Deshayes, p. 276. = — du
terrain jurassique supérieur de l’Al-
gérie, par M. G. Cotteau, p. 529.=
— fossiles recueillis par M. L. Lartet
en Syrie et en Idumée, par le même,
p. 533.
Espagne. Formation crétacée de la pro-
vince de Teruel (ancien royaume d’A-
ragon) , par M. Coquand ( pl. I ) ,
p. 144.
F
Fabre (G.). Sur la base de l’oolithe
inférieure dans les environs de Nancy
p. 353.
Eabularia, Defrance. Sur le genre —,
par M. d’Archiac, p. 454.
Falsan et Chantre. Sur le tracé d’une
carte géologique du terrain errati-
que et sur la conservation des blocs
erratiques de la partie moyenne du
bassin du Rhône. Observations de
MM. Belgrand et Michal, p. 360.
Fossiles. Observations de M. Tombeck
sur des — néocomiens ayant l’aspect
corallien, p. 540. = Observations
par M. R. Tournouër sur la faune
des coquilles fossiles des tufs de
Meximieux (Ain), p. 774. = Sur les
coquilles fossiles des calcaires d’eau
douce des environs du Puy-en-Ve-
lay, par le même, p. 1061.
France. Sur les couches comprises dans
le midi de la — entre les calcaires
1188
TABLE DES MATIERES
oxfordiens et le néocomien marneux
à Belemnites dilatatus , en réponse à
M. Coquand , par M. Ed. Hébert ,
p. 181.= Zone à A vicula contorta et
infra lias dans le midi de la — , à FO.
du Rhône (Ardèche , Lozère, Avey-
ron, Hérault), par M. L. Dieulafait.
Observations de M. Paran (pl. IV),
p. 898. = Sur les couches inférieu-
res de l 'infra-lias du midi de la — ,
par M. Ed. Hebert. Observations de
Garrigou (F.). Sur le niveau des ca-
vernes. Observations de M. Ed. Lar-
tet, p. 825.
Garrïgoü (F.) et H. Duportal. Ages
de l’ours, du renne, de la pierre po-
lie et des dolmens dans le départe-
ment du Lot. Observations de M. L.
Lartet, p. 461.
Géologie. Discours sur les récents pro-
grès de la —, par M. Alb. de Lap-
parent, p. 716. = Constitution géo-
logique de la Haute-Loire , par M.
Tournaire. Voir à ce nom.
Gervais (Paul). Restes fossiles du glou-
ton recueillis en France avec quel-
ques débris de Ganis et d’un animal
voisin du Chacal. = Grand humérus
d’oiseau et maxillaire inférieur d’Ha-
litherium recueillis parM. Delfortrie
à Léoguan. = Saurien fossile d’un
Hébert ^Ed.). Sur les couches com-
prises , dans le midi de la France ,
entre les calcaires oxfordiens et le
néocornien marneux à Belemnites di-
latatus, en réponse à M. Coquand ,
p. 131. = Classilication des assises
néocomiennes. Réponse aux critiques
de M. Coquand, p. 214. = Sur les
couches inférieures de l 'infra-lias du
midi de la France. Observations de
M. L. Dieulafait , p. 447. = Obser-
vations sur les caractères de la faune
de Stramberg et en général sur l’age
des couches comprises sous la dési-
gnation d’étage tithonique, p. 588. —
Observations de M. Chaper sur la
communication precedente, p. 668.
= Réponse à MM. Chaper et Mar-
cou , à propos de la discussion sur
l’âge des calcaires à Terebratula di-
phyu de la Porte-de-France, p. 671.
= Notice nécrologique sur M. Hœr-
nes, p. 714.
M. L. Dieulafait, p. 447. = Sur le
lias du N. E. de la — , par M. Meu-
gy, p. 484.=Observatious de M. Jac-
quot sur le même sujet, p. 518. =
3e partie des études sur la végétation
du S. E. de la — à l’époque tertiaire,
par M. de Saporta, p. 751 . = Res-
tes fossiles de glouton recueillis en
— , avec quelques débris de Cauis et
d’un animal voisin du Chacal, par
M. P. Gervais, p. 777.
genre nouveau trouvé par M. Ma-
theron dans les lignites de la Nerthe,
p. 777.
Glaciers. Sur les — du Grindelwald ,
par M. Ch. Grad, p. 687. = Sur les
— du Velay, par M. Tardy, p. 1178.
Grad (Ch.). Formation et constitution
des lacs des Vosges, p. 677.=Sur les
glaciers du Grindelwald, p. 687.
Grenoble ( Isère). Réponse de M. Ed. Hé-
bert à MM. Marcou et Chaper, à
propos de la discussion sur l’âge des
calcaires à Terebratula diphya de la
Porte-de-France, p. 671.
Gruner. Sur un vieux bois d’étai de la
mine de Littry (Calvados), Iransformé
en une substance voisine des lignites
ou des houilles sèches à longues
flammes, p. 1023.
Hérault (département de F). Sur les re-
lations qui existent entre la forma-
tion jurassique et la formation cré-
tacée des cantons de Ganges, de
Saint-Hippolyte et de Sumène , ces
deux derniers du Var, par MM. H.
Coquand et Boutin, p. 834.= Com-
paraison des terrains de Ganges avec
d’autres terrains analogues, par M.
H. Coquand. Observations de MM. Hé-
bert et Parran, p. 854. = Sur l’exis-
tence de gisements de bauxite dans
le — , par M. Daubrée, p. 915.
Hoernes. Notice nécrologique sur — ,
par M. Ed. Hébert, p. 714.
Homme. Lettre de M. Whituey commu-
niquée par Desor, annonçant la de-
couverte de restes humains et de
traces du travail de P — dans les ro-
ches tertiaires de Californie, p. 676.
ET DES AUTEURS.
1189
Indes (frère). Sur la formation des tufs
et sur une caverne à ossements des
environs de Rome, p. 11.
Italie. Le volcanisme romain.— Remar-
Jacquot. Observations sur le lias du
N. E. de la France, à la suite d’une
note de M. Meugy sur le même su-
jet, p. 513.
J aubert. Formations jurassiques re-
couvrant le N. du mont Lozère, p. 216.
Jourdy (E.) et O. Terquem, sur le ter-
Lacs. Formation et constitution des —
des Vosges, par M. Ch. Grad,p. 677.
Lapparent (Alb. de). Discours sur les
récents progrès de la géologie, p. 7 1 6 .
Lavaux, près Ornans (Doubs). Sur une
météorite tombée le 11 juillet 1868
i: — , par M. J. Marcou, p. 92.=Ob-
servations sur la même météorite et
sur l’imitation artificielle de sa struc-
ture globulaire ou chondritique, par
M. Daubrée, p. 95.
Léognan (Gironde). Grand humérus
d’oiseau et maxillaire inférieur à'Ha-
litherium recueillis par M. Delfortrie
à — , par M. P. Gervais, p. 777.
Leyallois. Notice sur la vie et les
travaux de Ch. Ed. Thirria, p. 693.
Leymerie (A ). Mémoire pour servir
à la connaissance de la division in-
férieure du terrain crétacé pyrénéen
(pl. II et III). Observations de MM.
Ed. Hébert et Parran, p. 277. =
Exploration géologique de la vallée
de la Sègre (Espagne) (pl. V), p. 604.
Lias. Zone à A vicula contorta et infra-
lias dans le midi de la France, à
l’ouest du Rhône (Ardèche, Lozère,
Aveyron, Hérault), par M. L. Dieu-
lafait. Observations de M. Paran
(pl. IV), p. 398. = Sur les couches
inférieures de Vinfra-lias du midi de
la France, par M. Ed. Hébert. Ob-
ques de M. Ponzi sur les observa-
tions géologiques faites en — par
M. Gosselet, p. 903.
J
rain bathonien de la Moselle et de la
Meuse, p. 947.
Jura. Observations de M. G. Cotteau
sur la monographie des couches de
l’étage valangien des carrières d’Ar-
zier, Jura vaudois, de M. de Loriol,
p. 274.
servationsdeM.L. Dieulafait, p. 447.
= Sur le — du N. E. de la France,
par M. Meugy, p. 484. = Observa-
tions de M. Jacquot sur le même su-
jet, p. 513. = Sur le — du canton
de Beausset (Var) et de ses environs,
par M. R. Toucas, p. 796.
Loire (Haute-) (département de la). Su-
jet d’études dans le — . Diluvium sé-
parant deux périodes d’éruptions ba-
saltiques. Roches éruptives anciennes,
par M. Th. Ebray, p. 1031.=Consti-
tution géologique du — et révolu-
tions dont ce pays a été le théâtre,
par M. Tournaire. Voir à ce nom.
Lot (département du). Ages de Fours,
du renne, de la pierre polie et des
dolmens dans le —, par MM. Fr.
Garrigou et H. Duportal. Observa-
tions de M. L. Lartet, p. 461.
Lot-et-Garonne (département de). Sur
l’âge géologique des « molasses de
l’Agenais, » à propos de la décou-
verte de nouveaux débris A'Elotlie-
rium magnum et de divers autres mam-
mifères dans les terrains tertiaires
d’eau douce du — , par M. R. Tour
nouër. Observations de MM. Ed. Lar-
tet et P. Gervais, p. 983.
Lozère (département de la). Formations
jurassiques recouvrant le nord du
mont Lozère, par M. Jaubert, p. 216.
Mammifères fossiles. Restes d’un glou- i quelques débris de Caniset d’un ani-
ton fossile recueillis en France avec I mal voisin du Chacal. == Maxillaire
78.
1190
table de
inférieur d ’Halitherium recueilli par
M. Delfortrie à Léognay , par M. P.
Gervais, p. 777.
Marcou (J.). Sur une météorite tom-
bée le 11 juillet 1868 , à Lavaux
près Ornans (Doubs), p. 92. = Sur
l'origine de l'étage tithonique, p. 669.
— Les derniers travaux sur le dyas
et trias de Russie, p. 919.
Marion et Rames. Procès-verbal de la
réunion extraordinaire de la Société
en septembre 1369, au Puy-en-Ve-
lay. Voir à ce nom.
Matheron (Philippe). Sur des repti-
les des dépôts fluvio-lacustres créta-
cés du bassin à lignite de Fuveau
p. 781. '
Mers. Lithologie des — de l’ancien
monde, par M. Delesse, p. 1025.
Météorite . Sur une — tombée le 11 juil-
let 1868, à Lavaux, près Ornans
(Doubs), parM. J. Marcou, p. 92.=
Observations sur la même — et sur
l’imitation artificielle de sa structure
globulaire ou chondritique, par M.
Daubrée, p. 95.
Meügy. Sur le lias du N. E. de la
France. Observations de M. Jacquot,
p. 484. ^ ’
Meuse. Sur le terrain bathonien de la
Nancy (Meurthe). Sur la base de l’ooli
the inférieure dans les environs de
—, par M. G. Fabre, p. 353.
nécrologie. Notice sur la vie et les tra-
vaux de Ch. Ed. Thirria, par M. Le-
1 MATIÈRES
—, par MM. O. Terquem etE. Jour-
dy, p. 947.
Mexirnieux (Ain). Sur l'existence de
plusieurs espèces actuelles observées
dans la flore pliocène de — , par
M. de Saporta , p. 752. = Observa-
tions de M. R. Tournouër sur la
faune des coquilles fossiles des tufs
de —, p. 774.
Minéraux. Résumé par M. A. Cailiaux
des diverses publications de M. Luigi
Rombicci, sur la théorie des associa-
tions polygéniques , appliquée à l'étude
et à la classification des — , p. 336.
Mortillet (G. de). Classification chro-
nologique des cavernes de l’époque
de la pierre simplement éclatée, et
observations sur le diluvium à cail-
loux brisés. Observations de MM. Ed.
Lartet et de Vibraye, p. 583.
Morvan. Existence de blocs erratiques
d’origine glaciaire au pied du —, par
M. Gollenot. Observations de MM.
Ëelgrand et Hébert, par 173.
Moselle. Sur le terrain bathonien de la
— , par MM. O. Terquem et E. Jour-
dy, p. 947.
Mussy. Roches ophitiques du départe-
ment de l’Ariége, p. 28.
vallois, p. 693. = Notice sur M. Hœr-
nes, par M. Ed. Hébert, p 714.
Neritopsis Deslongchampsis , par M. J.
Beaudoin, p. 182.
O
Oiseaux fossiles. Grand humérus d’oi-
seau recueilli par M. Delfortrie à
Leognan, par M. P. Gervais, p. 177.
Optate. Roches ophitiques du départe-
ment de l'Ariége, par M. Mussy,
p. 28. = De l'opinion de L. Gordier
sur les ophites des Pyrénées, par
M. V. Raulin, 747.
P
Paris. Sur des nummulites et une noi
velle espèce d’échinide trouvées dar
le « miocène inférieur » ou « olige
cene » des environs de —, par M f
Tournouër, p. 974. = Sur
Pérou (Alph.). Sur les terrains jurassi
ques supérieurs en Algérie, p. 51ri
Poissons. Sur les — du calcaire d
Ronzon, près le Puy-en-Velay, pa
M. H. E. Souvage, p. 1069.
Pois zi. Le volcanisme romain. Remar
ques sur les observations géologiques
faites en Italie par M. Gosselet
p. 903. ’
Porphyre graniloide du Beaujolais. Assi-
milation de ce dernier à la prfltogine
des Alpes, parM. Th. Ebray. Obser-
vations de MM. Delesse, Lory et Jan-
netaz, p. 927.
Procès-verbal de la réunion extraordi-
naire de la Société au Puy-en-Ve-
lay. (Voir ci-après à ce nom.)
ET DES AUTEURS.
1191
Protogine des Alpes. Assimilation de
cette dernière au porphyre granitoï-
de du Beaujolais, par M. Th. Ebray.
Observations de MM. Delesse, Lory
et Jannetaz, p. 927.
Provence. Constatation des étages kim-
méridgien et portladdien fossilifères
dans la — , par M. H. Coquand. Ob-
servations de M. Hébert, p. 854.
Puy-en-Velay. Procès-verbal de la
réunion extraordinaire de la So-
ciété en septembre 1869, au Puy-en-
Velay, par MM. Rames et Marion.
La Société a étudié les terrains qua-
ternaire, tertiaire , primaire et les
Rames et Marion. Procès-verbal de la
réunion extraordinaire de la Société
en septembre 1869, au Puy-en-Ve-
lay. Voir à ce nom.
Raulin (V.). Carte géologique de File
de Crête. — De l’opinion de L. Cor-
dier sur les ophites des Pyrénées,
p. 747.
Reptiles fossiles. Saurien fossile d’un
genre nouveau recueilli par M. Ma-
theron dans les lignites de la Nerthe,
par M. Paul Gervais, p. 777. = Sur
les — des dépôts fluvio-lacustres cré-
tacés du bassin à lignite deFuveau,
par M. Philippe Matheron , p. 781.
Rhône. Sur le tracé d’une carte géolo-
gique du terrain erratique et sur la
conservation des blocs erratiques de
la partie moyenne du bassin du — ,
par MM. Faisan et Chantre. Obser-
vations de MM. Belgrand et Michal,
formations volcaniques des environs,
p. 1041. = Coquilles fossiles des cal-
caires d’eau douce de la même con-
trée, par M. R. Tournouër, p.1061.
= Poissons du calcaire de Ronzon,
par M. H. Sauvage, p. 1069. = Gla-
ciers du Velay, par M. Tardy, p. 1178.
Pyrénées (les). Division inférieure du
terrain crétacé pyrénéen, par M. A.
Leymerie ( pl. Il et III ). Observa-
tions de MM. Ed. Hébert et Parran,
p. 277. = De l’opinion de L. Cor-
dier sur les ophites des Pyrénées, par
M. V. Raulin, p. 747.
p. 860. = Erosion du lit du — , par
M. Tardy. Observations de M. de
Mortillet, p. 541.
Roches éruptives. Découverte de traces
microscopiques de végétaux dans des
— , par MM. Virlet d’Aoust. Obser-
vations de M. Delesse, p. 1080 =
Sur des — de la Haute-Loire, par
M. Th. Ebray, p. 1081.
Roches feldspathiques. Sur leur pseudo-
morphisme, parM. E. Dufour, p. 744.
Rome. Sur la formation des tufs et sur
une caverne à ossements des envi-
rons de —, par le frère Indes, p. 11.
Roys (de). Sur les formations d'eau
douce supérieures aux sables de Fon-
tainebleau, p. 376.
Russie. Les derniers travaux sur le dyas
et le trias de — , par M. J. Marcou,
p. 919.
Saporta (de). 3e partie des études sur
la végétation du S. E. de la France
à l’époque tertiaire, p. 751. = Sur
l’existence de plusieurs espèces ac-
tuelles observées dans la flore plio-
cène de Meximieux (Ain), p. 752.
Sauvage (H. E.). Sur les poissons du
calcaire de Ronzon, près le Puy-en-
Velay, p. 1069.
Séance annuelle de 1869, fixée au 1er avril,
p. 459.
Séances ordinaires de la Société ; ouver-
ture à huit heures précises du soir,
p. 459.
Sègre (vallée de la) (Espagne). Exploi-
tation géologique de la —, parM. A.
Leymerie (pl. V), p. 604.
Seine. L’âge des tout bes dans la vallée
S
de la —, par M. Belgrand (pl. VII).
Observations de M. Lesquereux ,
p. 879.
Silex. Sur des — taillés trouvés dans
des dépôts miocènes à Thenay (Loir-
et-Cher), par M. l’abbé Bourgeois,
p. 901.
Singe. Sur un — probablement sub-
fossile, par M. E. Dufour, p. 746.
Société ( la ). Nomination des commis-
sions du Bulletin, des mémoires, de
comptabilité et des archives, du bu-
reau et du conseil pour 1869, p. 390.
= Fixation de la séance annuelle de
3869 , au 1er avril; ouverture des
séances ordinaires à huit heures très-
précises et de la bibliothèque tous
les jeudis soir de huit à onze heu-
1192
TABLE DES MATIÈRES
res, p. 4 59. = 2 feuilles seulement
d’impression au plus accordées à cha-
que membre pour chacune de ses pu-
blications et 4 pour la totalité de
celles de l’année , p. 461. = Ne se-
ront admis à l’avenir à faire de nou-
veau partie de la Société les anciens
membres non démissionnaires qu’a-
près qu’ils auront acquitté les co-
tisations se rapportant aux années
pendant lesquelles ils ont continué à
recevoir le Bulletin. = L’envoi du
Bulletin cessera dès le 1er juillet aux I
membres qui n’auraient pas fait par-
venir, avant cette époque, la cotisa-
tion de l’année courante. Cette me-
sure ne sera applicable qu’au 1er juil-
let 1870, p. 883.
Strumberg ( Moravie). Observations sur
les caractères de la faune des calcai-
res de — , et en général sur l’âge des
couches comprises sous la désigna-
tion d’étage tithonique , par M. Ed.
Hébert, p. 588.
Suisse. Sur les glaciers du Grindelwald,
par M. Ch. Grard, p. 687.
T
Tabariès de Grandsaignes. De
quelques terrains cristallins, sédi-
ment aires et glaciaires de la Corse,
p. 266.
Tardy. Erosion du lit du Rhône. Ob-
servations de M. de Mortillet, p. 541 .
= Sur le trias du Vivarais, p. 912.
= Sur quelques éboulements, p. 924.
= Sur les glaciers du Velay, p. 1178.
Tchihatcheff (de). Carte géologique
de l’Asie Mineure. Observations de
M. Daubrée, p. 737.
ïerquem (O.) et E. Jourdy. Sur le ter-
rain bathonien de la Moselle et de
la Meuse, p. 947.
Terrain cristallin. D’un — de la Corse,
par M Tabariès de Grandsaignes,
p. 266.
Terrain crétacé. Sur les calcaires blancs
néocomiens des environs de Toulon,
par M. L. Dieulafait , p. 139. = —
de la province de Teruel ( ancien
royaume d’Aragon), par M. H. Co-
quand (pl. I), p. 144.= — de la mon-
tagne de la Clape, près de Narbonne
(Aude), par le même. = Classifica-
tion des assises néocomiennes. Ré-
ponse aux critiques de M. H. Go-
quand , par M. Ed. Hébert, p. 214.
== Observations de M. G. Cotteau
sur la monographie des couches de
l’étage valangien des carrières d’Ar-
zier, Jura vaudois, de M. de Loriol,
p. 274. == Division inférieure du —
pyrénéen, parM. A. Leymerie (pl. II
et III). Observations de MM. Ed. Hé-
bert et Parran, p. 277.= Observa-
tions de M. Ed. Hébert sur les ca-
ractères de la faune de Stramberg et
en général sur l’étage des couches
comprises sous la désignation d’étage
tithonique , p. 588. = Observations
de M. Chaper sur la communication
précédente, p. 668. = Sur l’origine
de l’étage tithonique, par M. J. Mar-
cou, p. 669. = Réponse de M. Ed.
Hébert à MM. Marcou et Chaper, à
propos de la discussion sur l’âge des
calcaires à Terebratula diphya de la
Porte-de-France, p. 671 . = Sur le —
du canton de Beausset (Var) et de
ses environs, par M. R. Toucas ,
p. 796. = Sur les relations qui
existent entre la formation jurassi-
que et la formation crétacée des can-
tons de Ganges (Hérault), de Saint-
Hippolyte et de Sumène (Gard), par
MM. Coquand et Boulin, p. 834.
Terrain erratique. Sur le tracé d’une
carte géologique du — et sur la con-
servation des blocs erratiques de la
partie moyenne du bassin du Rhône,
par MM. Faisan et Chantre. Obser-
vations de MM. Belgrand et Michal,
p. 360.
Terrain glaciaire. D’un — de la Corse,
par M. Tabariès de Grandsaignes,
p. 266.
Terrain jurassique. Sur les assises qui ,
dans les Bouches-du-Rhône, sont
placées entre l’oxfordien supérieur et
l’étage valenginien , par M. H. Co-
quand, p. 100. = Sur les couches
comprises, dans le midi de la France,
entre les calcaires oxfordiens et le
néocomien marneux, à Belemnites di-
latatus , en réponse à M. Coquand ,
par M. Ed. Hébert, p. 131. = For-
mations jurassiques recouvrant le
nord du mont Lozère, par M. Jau-
bert, p. 216.= Sur la base de l’oo-
lithe inférieure dans les environs de
Nancy, par M. G. Fabre, p. 353. =
Recherches sur l’inclinaison des cou-
ches jurassiques à l’O. des Alpes
dauphinoises, par M. Th. Ebray,
p. 393. = Sur le — supérieur en
Algérie, par M. Alph. Peron, p. 517.
ET DES AUTEURS.
1193
= Sur le — du canton de Beausset
(Var) et de ses environs, par M. R.
Toucas, p. 796. = Sur les relations
qui existent entre la formation juras-
sique et la formation crétacée des
cantons de Ganges(Hérault),de Saint-
Hippolyte et de Sumène (Gard), par
MM. H. Coquand et Boutin, p. 884.
= Constatation des étages kimmérid-
gien et portlandien fossilifères dans
la Provence, par M. H. Coquand.
Observations de M. Hébert, p. 854.
= Sur le terrain bathonien de la Mo-
selle et de la Meuse, par MM. O. Ter*
quem et E. Jourdy, p. 947.
Terrain ‘permien. Les derniers travaux
sur le dyas et trias de Russie, par
M. J. Marcou, p. 919.
Terrain quaternaire. Observations sur le
diluvium à cailloux brisés, par M. G.
de Mortillet, p. 583. = Diluvium sé-
parant deux périodes d’éruptions ba-
saltiques dans la Haute-Loire, par
M. Th. Ebray, p. 1031*
Terrain tertiaire. Sur les formations
d’eau douce supérieures aux sables
de Fontainebleau , par M. de Roys,
. 376.= Sur le — du canton de
eausset (Var) et de ses environs ,
par M. R. Toucas, p. 796. = Sui-
des nummulites ou une nouvelle es-
pèce d’echinide trouvées dans le
« miocène inférieur » ou « oligocène »
des environs de Paris , par M. R,
Tournouër, p. 974. = Sur l’âge géo-
logique des « mollasses de l’Age-
nais, » à propos de la découverte de
nouveanx débris d ’Elotherium mag-
num et de divers autres mammifères
dans les terrains tertiaires d’eau
douce du département de Lot-et-Ga-
ronne, par le même. Observations
de MM. Ed. Larlet et P. Gervais,
p. 983.
Terrain triasique. Sur le — du canton
de Beausset (Yar) et de ses environs,
par M. R. Toucas, p. 796. = Sur le —
du Yivarais, par M. Tardy, p. 912. =
Les derniers travaux sur le dyas et
trias de Russie , par M. J. Marcou,
p. 919.
Thenuy (Loire-et-Cher). Sur des silex
Var (département du). Sur les rela-
tions qui existent entre la formation
jurassique et la formation crétacée
des cantons de Gangcs (Hérault), de
taillés trouvés à — , dans des dépôts
miocènes , par l’abbé Bourgeois ,
p. 901.
Thirria (Ch. Ed.). JVotice sur sa vie et
ses travaux, parM. Levallois, p. 693.
Tombeck. Observations sur dès fossiles
néocomiens ayant l’aspect corallien,
p. 540.
Toucas (R.). Description géologique et
paléontologique du canton de Beaus-
set (Var) et de ses environs, com-
prenant les terrains tertiaire, cré-
tacé, jurassique et triasique (pl.YI),
p. 796.
Toulon. Sur les calcaires néocomiens
des environs de — , par M. L. Dieu-
lafait, p. 139.
Tourbes. L’âge des — dans la vallée de
la Seine, par M. Belgrand (pl. Vil).
Observations de M. Lesquereux ,
p. 879.
Tournaire. Sur la constitution géolo-
gique du département de la Haute-
Loire et sur les révolutions dont ce
pays a été le théâtre. Ce travail com-
prend l’étude des terrains primaire,
houiller, triasique, tertiaire, des for-
mations volcaniques et des alluvions
anciennes (pl. VIII), p. 1106.
Tournouër (R.). Observations sur la
faune des coquilles fossiles des tufs
deMeximieux (Ain), p. 774. = Sur
des nummulites et une nouvelle es-
pèce d’échinide trouvées dans le
« miocène inférieur » ou « oligo-
cène » des environs de Paris, p. 974.
= Sur l’âge géologique des « mol-
lasses de l’Agenais, » à propos de la
découverte de nouveaux débris d\E-
lollierium magnum et de divers autres
mammifères dans les terrains ter-
tiaires d’eau douce du département
de Lot-et-Garonne. Observations de
MM. Ed. Lartet et P. Gervais ,
p. 983. = Sur les coquilles fossiles
des calcaires d’eau douce des envi-
rons du Puy-en-Velay, p. 1061.
Trésorier. Présentation du budget pour
1869, p. 483.
Tufs. Sur la formation des — des en-
virons de Rome, par le frère Indes,
p. H.
Saint-Hippoiyle et de Sumène, par
MM. Coquand et Boutin, p. 834.
Végétaux fossiles. 3e partie des études
sur la végétation du S. E. de la
1194
TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS.
France à l'époque tertiaire, par M.
ce Saporta, p. 751.= Sur l’existence
oe plusieurs espèces actuelles obser-
vées dans la flore pliocène de Mexi-
mieux (Ain), par le même, p. 752.
irlet d Aoüst. Sur des traces mi-
croscopiques de végétaux découvertes
dans des roches prétendues éruptives.
Observations de M. Delesse, p. 1030.
Vivarais. Sur le terrain triasique du —
par M. Tardy, p. 912.
Volcans. Le volcanisme romain Re-
marques de M. Ponzi sur les obser-
vations géologiques faites en Italie
par M. Gosselet, p. 903.
Vosges. Formation et constitution des
—, par M. Cb. Grad, p. 677.
FUS DE la TABLE,
LISTE DES PLANCHES.
1195
Liste des planches.
I, p. 144. H. Coquand. — Fig. 1 à 12, Coupes de la formation crétacée de
la province de Teruel (Aragon).
II, p. 277. A. Leymerie. — Fig. 1, Profil géognostique de la vallée de la
Garonne (côté droit) entre Orc et Bazest et du chaînon de Gour-
dan; fig. 2, Coupe de la contrée de Siradan; fig. 3, Coupe du
grès vert pyrénéen, entre Saint-Gaudens et Girosp; fig. 4, Coupe
du même dans la contrée de Bèze-Nistos; fig. 5, Coupe brisée
entre Roquefort-de-Sault et Quillan.
III, p. 277. Le même. — Terebratules et Rhynconelles du grès vert pyré-
néen.
IY, p. 398. L. Dieulafait. — Zone à Avicula conforta dans le midi de la
France : I, Coupe d’Aubenas à Lodève; II, Coupe des Yans à
Milhau; III, Coupes rapportées au niveau géologique commun
de V Ammonites planorbis .
V, p. 604. A. Leymerie. — Fig. 1, Coupe de la vallée de la Sègre entre
Puycerda et Oliana; fig. 2, Coupe au travers du bassin de Cer-
dagne, passant par Puycerda; fig. 3, Coupe transversale du
bassin de Cerdagne montrant la position du gîte lignitifère sous
Sanavastre.
VI, p. 796. R. Toücas. — Carte géologique du canton de Beausset (Var)
et de ses environs.
VII p. 879. Belgrand. — Coupe en travers de la vallée de la Vanne.
VIII, p. 1106. Tournaire. — Carte géologique de la Haute-Loire.
PARIS. ÉDOUARD ELOT, IMPRIMEUR, RUE BLEUE, 7.
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