SGDb^STfiSO QE 1 S6775 S ER. 2 V.26 GEOL 554.4-0 G 9 o 15b LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF TEXAS et e w e o 1 o *? i o u e ser v* 26 Geol . Lib * y T ;,* > C T T^'^1 nv h - ♦5' ΓP «J UN ■ 05 2( 502 GEC . RET 3 A P R 1 2 201 ’2 GEOL J/IN 1 7 2006 g :0L iïio m 0 , ** r • ,euœt09t?e Jewe* a i , î> 3* 3 3 3 > ° 3 d a0 o > 3 î J 3 3 O 3 *» 1868 à: '18 6 9 PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ Rue de Fleurus, 39. 1869 4 ■y* * c •" * *v « •» V' . '• f c-i ri y, * « -) , j‘ ‘ * «' „ < t’ 4 < O “ t t S < .) « * ' * V •n ) *î *' *. ' . * *■> « "J J « „ V ‘ A ■*> • ’ * " •» « r î nj 4i> t* * «'• r *) * * * % <> *» 4- SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE Séance du 9 novembre 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. Par suite des présentations faites dans la réunion extra- ordinaire à Montpellier, en octobre dernier, le Président proclame membres de la Société : MM. Bazille (Louis), à Montpellier (Hérault; présenté par MM. Paul Marès et Gazalis de Fondouce; Bouscaren (Alfred), propriétaire, h Montpellier (Hérault); présenté par MM. Paul Marès et Jpfe Michel ; 3 Cayrolle (Fabbé), à Béziers (Hérault,),;, présenté fpat ; MM. Hébert et de Rouville; * R » i % * 1 R1 ; 3 3 D’Espous (Auguste), propriétaire, à Montpellier (Hérault) ; présenté par MM. de Saporta et Coquand; Leenhardt (Franz), étudiant en théologie, à Sorgues (Vaucluse); présenté par MM. Coquand et de Rouville; Le Mesle, naturaliste, à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; présenté par MM. Coquand et Dieulafait; Maistre (Jules), propriétaire, à Villeneuvette, près Cler- mont (Hérault); présenté par MM. Ch. Martins et de Rouville ; Molinié, agent voyer, à Lunel (Hérault); présenté par MM. Boutin et de Rouville ; Munier (Achille), à Frontignan (Hérault) ; présenté par MM. de Rouville et Cazalis de Fondouce ; Pomier-Layrargtje (Georges), ingénieur civil, à Montpellier (Hérault); présenté par MM. de Rouville etMatheron; 6 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Sabatier-Desarnauds, à Béziërs (Hérault); présenté pai MM. de Rouville et de Grasset. Le Président annonce ensuite cinq présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. H. Abich, Geologische Beobachtungen auf Reisenin den Gebirgslandern, ziüHschen Kur und Araxes ; in -4, 159 p.; Tiflis, 1867. De la part de M. Édouard Beltremieux, Faune vivante du département de la Charente- Inférieure, 1er supplément ; in-8, 46 p.; Larochelle, 4868; chez G. Mareschal. De la part de M. F abbé Bourgeois, Lhomme tertiaire; in-8, 8 p.; Paris, 1867 . ... De la part de M. G. Capeliini, Fossili infraliassici dei din- torni dei goîfo âêllaiSpma:; in-8, 101 p . 4 0 pi. ; Bologne, 1 866-67 ; chez Gamberini et Bsirmqggiani. V' .pe'Ja part' de,M. P. Cazalis de Fondouce, Recherches sur la 'géologie d,e l’Égypte; iyë; ;9$; p.; 1868; Montpellier, chez G. Goulet; Paris, chezÉ. SavyF'" De la part de M. E. Collomb, Sur le volume d'eau débité par les anciens glaciers ; in-4, 3 p.; Paris, 1868. De la part de M. Cornet, Études sur le terrain crétacé du Hainaut (première partie) : — Description minéralogique et stratigraphique de l’étage inférieur , par MM. A. Briart et F. L. Cornet (Rapport de M. G. Dewalque); in-8, 10 p. ; Bruxelles. De la part de M. Daubrée : 1° Expériences synthétiques relatives aux météorites; in-8, 68 p.; Paris, 1868 ; chez Dunod. 2° Notice sur la découverte et la mise en exploitation de nouveaux gisements de chaux phosphatée; in-8, 32 p,; Paris, 1868; chez Ve Bouchard-H uzard. De la part de M. Th. Davidson : — - On the earhest forms of Brachiopoda hitherto discovered in he british palœczoic rocks; in-8, 14p., 4 p.; Londres, 1868. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 7 — On the upper silurian brachiopoda of the Pentland hills and of Lesmahagow, in Larnakshire ; in -4, 24 p., 3 pl.; Glas- cow, 1868. De la part deM. J. Delanoüe, Note sur la constitution géolo- gique des environs de Thèbes ; in-4, 14 p.; Paris, 1868. De la part de M. G. Dewalque, Prodrome d'une description géologique de la Belgique ; in-8, 442 p.; 1868; Bruxelles et Liège, chez Decq; Paris, chez F. Savy. De la part de M. A. Erdmann, Exposé des formations qua- ternaires de la Suède; in-8, 117 p., avec atlas in-4, 14 cartes. Stockholm, 1868 ; chez P. A. Norstedt et fils. Delà part de MM. Gosselet et G. Malaise, Observations sur le terrain silurien de l’ Ardenne ; in-8* 15 p.; Bruxelles, 1868; chez M. Hayez. De la part de M. A. Charles Grad, Observations sur les gla- ciers de la Viége et le massif du Monte-Rosa ; in-8, 72 p.; Paris, 1868; chez Challamel aîné. De la part de M. le comte Jaubert, Étude sur le traité de commerce avec l’Angleterre; in-8, 42 p.; Bourges, 1868 ; chez Just Bernard. De la part de M. de Koenen : 1° Uber die unter-oligocaene tertiaer-F auna vom Aralsee; in-8, 31 p.; Moskau, 1868.. ... 2° Ueber das-Ober-Oligocan von Wiepte ;in-8, 8 p.; Neuhran- denbourg, 1868 ; chez W. Greve. De la part de M. H. Le Hon : 1° L’homme fossile , 2e édition ; &36 p.; 1868; Bruxelles, chez C. Muquardt; Paris, chez C. Reinwald. 2° Influence des lois cosmiques sur la climatologie et la géologie; in-8, 89 p.; 1868; Bruxelles, chez C. Muquardt; Paris, chez C. Reinwald. De la part de M. A. Leymerie : 1° Etude sur l'étage inférieur du bassin sous-pyrénéen et sur la nature probable des roches qui lui servent de fond. — Application à la question des eaux souterraines ; in-8, 23 p.; Toulouse, 1868; chez Douladoure. 8 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. 2° Mémoire pour servir à la connaissance de l'étage inférieur du terrain crétacé des Pyrénées ; in-4, 4 p.; Paris, 1868.... De la part de M. W. E. Logan, Exploration géologique du Canada ; in-8, 332 p.; Ottawa, 1866; chez G. E. Desbarats. De la part de M. P. Mantovani, Descrizione mineralogica dei vulcani laziali ; in-8, 51 p.; Rome, 1868; chez G. Via. De la part de M. Jules Martin, Note sur la carte géologique de la Haute-Marne de MM. Royer et Barotte; in-8, 11 p.; I pl De la part de M. G. de Mortillet : 1° Matériaux pour l'histoire primitive et philosophique de l'homme; mai, juillet et août 1868; in-8, chez M. de Mortillet, à Saint-Germain en Laye (Seine-et-Oise). 2° Rapport adressé au Comité départemental de la Savoie sur V Exposition universelle de 1867 (section de V Industrie); in-8, 27 p.; Chambéry, 1868; chez F. Puthod. De la part de M. Michel Mourlon, Recherches sur l'origine des phénomènes volcaniques et des tremblements de terre, etc.; Bruxelles, 1867; chez Mayolez. De la part de sir R. I. Murchison, Address to the R. geogra- phical Society of London; delivered at the anniversary meeting on the 25th may 1866; in-8, 74 p.; Londres, 1868; chez W. Clowes et fils. De la part de M. J. J. d’Omalius d’Halloy, Précis élémen- taire de géologie , 8e édition; in-8, 636 p.; 1868; Bruxelles, chez C. Muquardt; Paris, chez F. Savy. De la part de M. Charles d’Orbigny, Description des roches, d’après la classification de feu P. L. A. Cordier; in-8, 553 p.; Paris, 1868; chez F. Savy et chez Dunod. De la part de M. F. Pisani, Analyse d' une météorite tombée le II juillet 1868 à Ornans (Doubs) ; in-4, 3 p.; Paris, 1868 De la part de M. Ramon Rua Figueroa, Minas de Rio-Tinto; in-8, 304 p.; La Corogne, 1868; chezE. Cascante. De la part de M. J. Seguenza : 1 0 Notizie succinte intorno alla costituzione geologica dei terreni terziaru dei distretto di Messina ; in-4, 84 p.; 2 pl»" Messine 1862; chez T. Capra. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 9 2° Paleontologia malacologica dei terreni terziarii del distretto di ' Messina ; in-4, 88 p., 8 pl.; Milan, 1865 ; chez J. Bernardoni. 3° Sulle importanti relazioni paleontologiche di talune rocce cré- tacée délia Calabria con alcuni terreni di Sicilia e delY Africa set- tentrionale; in-4, 17 p., 1 pl.; Milan, 1866 ; chez J. Bernardoni. 4° lntorno alla geologia di Rometta esaminata dal lato petrogra- fico , stratigrafico e geogenico in rapporto ail’ origine delle acque po- tabili di quel monte; in-4, 12 p., 1 pl..... De la part de M. Émile Stohr : 1° Das Pyropissit - Vorkommen in den Braunkohlen bei Weis- senfels und Zeitz ; in-8, 28 p., 1 pl.; Stuttgart, 1867; chez E. Schweizerbart. 2° Il Vulcano Tenggher délia Giava orientale ; in-8, 44 p., 1 pl.; Modène, 1867; chez A. Ferrari. De la part de M. H. Trautschold : 1° Ber ersten Naturforschersammlung in Russland ; in-8, 49 p., 5 pl. ; Moscou, 1867. 2 0 Ber südostliche Theil des Gouvernements Moskau; in-8, 77 p.; Saint-Pétersbourg, 1867. 3° Bie meteoriten des Miner aliencabinets der K. Ackerbau und F ortsakademie zu Petroivskoje Rasumowskoje bei Moskau ; in-8, 9 p.; Moscou, 1868 De la part de M. le baron Achille de Zigno, Flora fossilis formationis oolithicæ ; 5e livraison, in-f°; Padoue, \ 856-1868. De la part de madame veuve Viquesnel, Voyage dans la Turquie d' Europe, parM. Auguste Viquesnel; 13e et dernière livraison; in-4; Paris, 1868; chez Arthus Bertrand. r De la part de M. Linder, Etude sur les terrains de transport du département delà Gironde, etc. ; in-8, 136 p.; Bordeaux, 1868; chez Coderc, etc. De la part de M. J. Malinowski, Essai historique sur l’origine et le développement progressif de ! exploitation du charbon de terre dans le bassin houiller du Gard ; in-18, 36 p.; Alais, 1868; chez J. Martin. De la part de M. O. Nicour, Expédition scientifique et com- merciale du Zambèze ; in-8, 6 p.; Le Havre, 1868 ; chez Ro- quencourt. 10 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. De la part de M. G. Planchon, Étude sur les tufs de Montpel- lier; in-4, 73 p., 3 pl. ; Montpellier, 1864; Paris, chez F. Savy; Montpellier, chez Boehm et fils. De la part de M. Eugène Robert, Toujours des silex travaillés ( station celtique de Luthernay ); in-8, 8 p.; Paris, 1868. De la part de M. L. Foresti, Catalogo dei molluschi fossili pliocenici delle colline Bolognesig in-f°, 99 p., 2 pl.; Bologne, 1868 ; chez Gamherini et Parmeggiani. De la part de M. Th. Fuchs et F. Karrer, Geologische Stu- dien in den Tertiaerbildungen des Wiener Beckens ; in-8, 18 p.; Vienne, 1868; chez F. B. Geitler. De la part de M. G. W. Gümbel, Geognostische Beschreibung des ostbayerischen Grenzgebirges oder des Bayenschen und ober- pfalzerWaldgebirges ; in-4, 968 p., et atlas de 6 feuilles ; Gotha, 1868; chez Justus Perthes. De la part de M. Agatino Longo, Due memorie di geologia e di vulcanologia ; in-4, 57 p.; Catane, 1868; chez G. Galatola. De la part de M. Sven Nilsson, Les habitants primitifs de la Scandinavie; in-8, 323 p., 16 pl.; Paris, 1868; chez G. Reinwald. De la part de M. le professeur Owen, Dérivative hypothesis of life and species : being the concluding (40lh chapter) ofthe Ana- tomy of vertebrates. — - General conclusions ; in-8, 40 p.; 1868... De la part de M. W. Thomson, On geological time ; in-8, 28 p.; Glascow De la part de M. J. F. Walker, On the species of brachiopoda which occur in the loiver greensand atupware ; in-8, 8 p., 2 ph; Le Président fait part à la Société de la mort de deux de ses membres, MM. Boucher de Perthes et delà Roquette. Il désigne MM. de Mortillet et Mar cou pour rendre compte à la Société de leur vie et de leurs travaux. M. Hébert annonce la mort de M. Homes, directeur du cabinet minéralogique de Vienne, et communique à la So- ciété les principaux passages d'une lettre dans laquelle NOTE DE M. INDES. H M. Bouè lui fait part de cette perte en rappelant les travaux de ce savant géologue. La Société décide qu'un extrait de la lettre de M. Boué sera inséré au Bulletin , parmi les notices nécrologiques. M. Hébert présente ensuite la traduction française de l'ou- vrage de M. Nilsson, sur Les habitants primitifs de la Scandi- navie ( V. la Liste des Dons). M. de Verneuil présente au nom de l'auteur la note suivante : Lettre du frère Indes , sous-directeur de l'école chrétienne à Rome , à M. de Verneuil sur la formation des tufs des environs de cette ville et sur une caverne à ossements. Monsieur, Mes promenades dans la campagne romaine pendant l’hiver dernier ont été dirigées presque exclusivement sur la rive droite du Teverone (cette rivière est aussi appelée Àniene, de son an« cien nom Anio.) J'ai spécialement étudié l’espace compris entre le Monte Sacro et le Ponte Salara. Près de ce dernier point j’ai découvert une caverne à ossements et une disposition du tuf qui a particulièrement attiré mon attention; ces deux objets sont à cent mètres l’un de l’autre, sur le flanc méridional de la colline qui porte le nom de Monte delle Gioie. Mais avant de continuer, permettez, Monsieur, que je me fé- licite de pouvoir dire ici que vous avez vous-méme examiné la plupart des choses dont j’ai à parler; ce témoignage ne peut manquer de communiquer à mes paroles quelque chose de l’autorité dont votre nom jouit à si juste titre. § I. Le Monte delle Gioie forme la pointe de l'ancien confluent du Tibre et du Teverone; le confluent actuel en est éloigné à peine d’un demi-mille. Cette colline était autrefois baignée par deux lacs dont les eaux pouvaient, du moins dans les grandes crues, se mêler sur sa croupe; il est cependant probable que dans le cours ordinaire ce mélange avait lieu seulement après que le Teverone avait franchi un barrage qui reliait le Monte delle Gioie aux collines de la villa Chiggi; d’ailleurs, les eaux 12 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. du Tibre étaient tenues aussi à une certaine hauteur par une chaussée analogue, dont les restes sont encore évidents entre Acquacetosa et Ponte-Molle. La coupe ci-dessous du Monte delle Gioie est prise dans la direction duN. au S., et comprend une hauteur de 25m 20, c’est-à-dire depuis le niveau de la route au-dessous de la caverne jusqu’au haut de la colline. Coupe du Monte delle Gioie. — Hauteur 25m20. 1 Argile grise. 2 Argile jaune. 3 Cailloux roulés. 4 Tuf lithoïde. b Tuf homogène. 6 Tuf stratifié. 7 Sable calcaire argileux. 8 Tuf stratifié analogue au n° 6. A B Concrétions travertineuses. a Ouverture de la caverne. Les numéros 4, 6, 7, ont chacun 5m 80 de puissance. Le nu- méro 5, 1 mètre. Les nos 1,2 et 3 ont ensemble 1 mètre; ils sont d’une puissance égale. Les nos 1 et 2 ne contiennent pas d’élé- ments volcaniques. La couche n° 1 est de couleur grise; elle a fourni des morceaux de bois pétrifiés et très-roulés; ces fragments appartiennent au genre Pinus. NOTE DE M. INDES. 13 L’analogie de cette couche avec une que j’ai remarquée sur le Janicule également sous les tufs, entre ceux-ci et les gra- viers jaunes, me fait soupçonner entre les deux rives du Tibre une conformité qui n’est pas généralement admise. Quoique je n’aie indiqué dans la coupe qu’une très-faible puissance pour cette couche, les travaux faits pour le chemin de fer, à l’O. de la colline, me donnent lieu de penser qu’elle a une grande puissance. La couche n° 2 est de couleur jaune ; elle contient des coquil- les terrestres fort petites et difficiles à étudier à cause de leur fragilité; j’ai distingué V Hélix nitida et une Pupa. La présence de ces mollusques indique que ces deux couches sont un dépôt d’eau douce; cela admis, il sera bien difficile de prouver que les dépôts supérieurs sont marins: car ils ne contiennent que des fossiles terrestres, comme des fragments de bois, des os de Bœuf, de Cerf, etc. La couche n° 3 me semble être d’une grande importance : car jusqu’à présent on n’a pas trouvé les cailloux roulés sous le tuf lithoïde ou non stratifié ; elle me paraît parfaitement sem- blable au dépôt du Monte Sacro; elle se compose de cailloux roulés et contient les éléments volcaniques les plus communs dans tous les dépôts analogues de la campagne romaine, c’est- à-dire les tufs, les cendres, le pyroxène et l’ampbigène décom- posé. Les cailloux n’ont rien de particulier; la plupart sont calcaires et de petite dimension. Une telle couche sous le tuf lithoïde est un fait qui n’a point été rencontré dans les nom- breux dépôts de ce tuf qui sont en exploitation dans la cam- pagne romaine; il contrarie même un peu la théorie qui le place avant toute autre production volcanique. Cependant, et quoique la définition en soit un peu vague, il me semble facile de faire voir que la couche n° 4 ne saurait être rapportée à une autre formation. On peut d’abord faire remarquer qu’une des principales raisons qui ont empêché de trouver les cailloux ou tout autre dépôt volcanique sous le tuf, c’est qu’on l’exploite rarement à une profondeur suffisante; communément, dans les exploitations, on ne va pas jusqu’au fond du dépôt. En outre, les caractères physiques, comme l’absence de stratifica- tion et la disposition mécanique des parties, me semblent ne rien laisser à désirer; mais ce qui surtout me paraît décisif, c’est la présence du tuf homogène du n° 5. Ce tuf, dans toutes leslocaiités classiques, comme Sainte- Agnès, Monte Yerde, le Capitole, etc., couronne ce qui a été appelé tuf lithoïde par 7 9 w o 4 & é O 14 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Brocehi et ceux qui Pont suivi. Ainsi, nous avons là une série des roches les plus communes dans la campagne romaine, et dans le même ordre où on les voit en tout lieu; il ne peut y avoir de raison pour changer ici leur dénomination. A ces remarques on peut ajouter que le dépôt de Monte delle Gioie n’est point isolé, car il se relie avec d’autres plus considérables. En face de notre coupe, sur la rive gauche, il en a été extrait plusieurs milliers de mètres cubes, tant pour le che- min de fer que pour diverses constructions ; ce qui en reste est moins dur, mais appartient à la même formation; elle se pro- longe même sous les collines de la villa Chiggi, qui n’est sépa- rée des carrières de Sainte-Agnès que par la profondeur d’un ravin creusé par un ruisseau. Il serait encore facile de faire voir que ce dernier point s’unit avec les carrières de Pietralata. Non-seulement la priorité du tuf lithoïde se trouve attaquée par les faits que je viens de signaler, mais encore sa formation sous-marine; car si, avant son apparition, la mer pliocène s’é- tait déjà retirée et avait laissé le temps aux autres formations de se déposer, il n’est guère probable qu’elle soit revenue à l’époque volcanique. Toutefois, malgré l’extrême répugnance que j’ai toujours eue à admettre aux environs de Rome des volcans sous-marins, je ne pense pas que les couches que je viens de signaler soient un fait suffisant pour établir quelque chose de définitif contre une théorie soutenue par des hom- mes aussi judicieux que MM. Ponzi et Michel de Rossi , ap- puyés parPautorité de Brocchi et de Breislack. Il est possible qu’on trouve une explication tant pour justifier l’absence de débris marins dans les tufs qu’on pense avoir été formés dans la mer, que pour le fait que je signale. Les couches représentées par les nos 6, 7 et 8 se continuent sur la rive gauche, ce qui confirme l’idée déjà énoncée d’un barrage qui tenait les eaux à une certaine hauteur; elles se continuent aussi dans la direction N. et N. E. ; enfin elles ont tous les caractères d’étendue sur lesquels on a coutume de s’appuyer pour dire que nos tufs stratifiés sont sous-marins, plusieurs du moins. Le tuf n° 6 n’a rien qui le distingue des tufs stratifiés de la campagne romaine; ce sont les mêmes éléments et la même forme qui se présentent partout, et no- tamment à la Salita del Crocifisso, près le Ponte Salara. Le sable calcaire argileux du n° 1 a la forme schisteuse; il con- tient dans ses minces couches des fragments de tiges semi- ligneuses en très-petite quantité, point de cailloux ni de NOTE DE M. INDES. 15 fragments de tuf; les éléments volcaniques y sont réduits à la forme la plus ténue. C’est à la hauteur de cette couche que les concrétions travertineuses A B commencent à se faire voir pour se prolonger sur la couche supérieure et s’étendre sur le pla- teau même de la colline; elles ont des formes bizarres. On voit souvent d’une manière évidente que c’est dans les fentes du tuf ou autres roches qu’elles se sont formées; en quelques endroits elles sont si abondantes qu’elles rendent impossible la distinction des couches qui forment le dépôt principal. Lorsque les éléments de cette formation se sont introduits dans des cavités cylindriques, ils en ont d’abord tapissé les parois; puis, par des couches qui semblent concentriques et qui se sont superposées les unes aux autres, ils ont fini par les rem- plir, formant ainsi comme des stalactites dans l’intérieur des roches. D’autres fois, il s’est fait un mélange d’une espèce de ciment avec le sable et les cendres volcaniques ou avec les cail- loux roulés; d’où il résulte, selon la diversité des éléments, un travertin très-dur, lorsque le ciment était abondant et que la chaux y dominait, ou un conglomérat ayant la dureté des brè- ches. Ce travertin dur, même très-dur pour un calcaire, couvre la déclivité O. du Monte delle Gioie; après que les éléments de cette roche ont été déposés, ils ont subi un travail chimique qui, probablement, dure encore sur plusieurs points. L’obser- vation attentive prouve que non-seulement cette formation est la plus récente, mais qu’elle est encore en activité dans l’inté- rieur des tufs et même de la terre végétale, lorsqu’elle demeure plusieurs années sans être remuée. C’est en effet près de la surface du sol, dans les fissures de la terre végétale, que j’ai trouvé des plaques récemment formées, et tout le monde sait que, dans les Catacombes, il y a des sépulcres qui en ont été remplis, et que les os y ont subi une vraie pétrification. J’au- rai peut-être un jour le loisir de vous exposer, Monsieur, les phénomènes que l’observation m’a révélés sur ce sujet. C’est dans ces concrétions et dans la couche n° 8 que la caverne à ossements, dont l’ouverture est indiquée par la lettre A, a été formée. Cette couche se compose de tuf strati- fié ; mais les concrétions que je viens de décrire y sont si abon- dantes qu’il est impossible de distinguer la vraie stratification. Du reste, notre caverne est d’une richesse vraiment extraor- dinaire en fossiles; il ne serait pas impossible de trouver dans quelques mètres cubes des représentants de toutes les espèces découvertes dans le reste de la campagne romaine. Je ne 16 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. crois pas exagérer en disant que l’hiver dernier, pendant le peu de jours qu’on y a travaillé, on a soulevé 400 kilogrammes d’osde divers mammifères; de cette extrême abondanceje n’ai retenu qu’environ 30 kilog. en molaires, défenses d’Éléphants, bois de Cerfs. De ces derniers je dois mentionner un frag- ment que j’ai déjà eu l’honneur de vous montrer: c’est un fragment d’un bois du Cervus tarandus ou Renne. Parmi les connaisseurs auxquels j’ai eu le plaisir de le faire voir, il en est qui doutent, d’autres qui affirment très-positivement. L’é- minent professeur Nicoluci me permettra de citer ici son té- moignage; lorsque je lui ai montré le bois en question avec un fragment de la même espèce, que je dois à l’excessive bienveil- lance de M. Éd. Lartet, M. Nicoluci dit en voyant ces deux pièces qu’il n’y avait entre elles d’autre différence que celle qui existe entre le bois d’un Cerf vieux et celui d’un Cerf jeune, c’est-à-dire que l’un, celui du Monte delle Gioie, est plus gros; l’autre, venant des cavernes de la Dordogne, est plus petit. Vous remarquerez sans doute, Monsieur, l’importance de ce fragment trouvé à côté de la caverne. La région la plus méri- dionale où cette espèce ait été trouvée est, je crois, le dépar- tement de l’Ardèche, c’est-à-dire vers le 45e degré de lati- tude N; sa présence dans le post-pliocène de Rome montre que cet habitant des glaces est descendu jusqu’au 41° 43'. Avant de finir la description de la colline, je dois signaler un dépôt argileux qui se trouve adossé au travertin que j’ai mentionné sur PO. C’est dans ce dépôt que j’ai trouvé une tor- tue du genre Emys , que je propose de nommer EmysAnienis; je donnerai plus tard le dessin et la description de cette espèce nouvelle. L’argile contient aussi beaucoup de coquilles fluvia- tiles, dont plusieurs vivent encore dans nos ruisseaux; d’autres en ont disparu; de ce nombre sont un Unio , une Paludine et une Valvata . Ces mollusques sont à la partie supérieure du dé- pôt, qui contient aussi des éléments volcaniques; toute cette partie est adossée au travertin et au tuf; mais la partie moyenne, celle qui est au niveau du n° 4 de notre coupe, ne contient pas d’éléments volcaniques ni de coquilles; j’ai pu encore l’obser- ver à un niveau inférieur aux nos 1 et 2, où je n’ai pas vu non plus d’éléments volcaniques, ce qui me fait présumer qu’il existe des rapports intimes entre la partie inférieure de ce dé- pôt et les couches 1 et 2 de la coupe. NOTE DE M. INDES 17 CONCLUSION. Quoique je ne puisse considérer la question de la formation du tuflithoïde comme entièrement résolue parles faits que j’ai brièvement exposés, je considère néanmoins ces derniers comme éminemment propres à hâter sa solution dans le sens de la plu- part des géologues étrangers qui visitent le pays, c’est-à-dire qu’il devient de plus en plus probable que cette roche est de formation atmosphérique, et qu’il faudra la rayer des forma- tions pliocènes pour l’inscrire la première dans le post-plio- cène. Il me paraît en effet évident que, pour la campagne romaine, le pliocène finit avec ces couches de sable, de gravier ou d’ar- gile, qui reposent horizontalement sur le subapennin incliné. Elles ont la plus grande analogie avec le nouveau pliocène, si com- mun dans le Languedoc et particulièrement dans les environs de Toulouse. Avec les volcans commence le post-pliocène; d’après ces données, je place les couches n03 1 et 2 dans le nouveau plio- cène et celles indiquées par les nos 3, 4, 5, 6, 7 et 8 dans le post-pliocène. Les dépôts formés par le remaniement du post- pliocène proprement dit forment le post-pliocène récent. Cette classification admettra toutes les subdivisions que l’observation et l’étude rendront nécessaires, et elle offrira des points de départ nettement caractérisés. Tout le monde connaît les caractères généraux du subapen- nin; mais ici il a cela de particulier qu’il est toujours un peu incliné, et que tous les dépôts postérieurs sont dans une posi- tion horizontale, à moins qu’ils ne soient adossés; car alors ils peuvent présenter une inclinaison accidentelle qu’il est facile de reconnaître comme telle. Le nouveau pliocène se dis- tingue des formations subséquentes par l’absence de matières volcaniques, le post-pliocène, par la présence de ces mêmes matières. Le post-pliocène récent est caractérisé par sa posi- tion stratigrapbique et par sa station près des courants d’eau, mais surtout par la présence de l’homme, des débris de son industrie, et des animaux qui ont apparu avec lui, comme le Cervus dama. § II. La caverne du Monte delle Gioie a pour la géologie du pays tout l’intérêt de la nouveauté, car c’est la première qui ait été Soc. géol.t 2e série, tome XXVI. 2 18 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1888. étudiée. Il est vrai que Boucher de Perthes annonça, il y a de cela 58 ans, qu’il en avait trouvé une à Palo, à 7 lieues de Rome, et d’où il avait pu extraire des os humains et des silex taillés; mais il fut seul à voir ces choses. Depuis cette époque, M. le docteur Bleicher, M. le chevalier de Rossi et moi avons fait d’inutiles recherches dans cette contrée. Le mot de ca- vernes a aussi été prononcé dans diverses publications ré- centes; il semble que les géologues aient soupçonné leur existence dans les montagnes voisines, mais rien n’a été vu, et personne, que je sache, n’a pensé à les chercher dans la cam- pagne de Rome. On semblait même si persuadé qu’il ne pou- vait y en avoir, que, lorsque j’ai parlé de cette découverte, on m’a témoigné une surprise qui allait jusqu’à l’incrédulité. Il est, en effet, difficile de concevoir des cavités naturelles dans un dépôt formé par les eaux, qui n’a pas subi de secous- ses depuis sa formation, et dont les couches sont dans une horizontalité parfaite. C’est en étudiant ce qui est ici appelé travertin spongieux , en rejetant de sa formation l’intervention des eaux thermales, en tenant compte de l’immense quantité de chaux que les volcans, ayant leur foyer au milieu des formations calcaires, ont répandue dans leurs déjections, que je suis arrivé à la con- clusion, que non-seulement il y avait des cavernes dans les tufs stratifiés, mais qu’elles doivent y être nombreuses. En effet, qu’on veuille bien se rappeler que les déjections volcaniques contiennent de la chaux, soit à l’état de mélanges durcis, soit à l’état de combinaisons chimiques, et que la désagrégation per- manente des uns et la décomposition des autres remettent constamment en liberté une grande quantité de cette substance qui, entraînée par les eaux dans les fentes ou autres cavités du sol, tend à se cristalliser ou au moins à se durcir, et forme ainsi le travertin spongieux ou ces concrétions travertineuses dont j’ai parlé à l'article précédent. Gela admis, imaginons (chose qui certainement doit avoir eu lieu) deux fentes dans le sol, inclinées l’une vers l’autre jusqu’à se toucher par leur bord supérieur, et même se confondre en une seule, de manière à former un Y ou un Y, renversés de cette façon 1, a; il suf- fira qu’un courant d’eau vienne enlever la terre qui se trouve entre les plaques formées dans ces fentes pour produire une cavité souterraine dont l’étendue pourra être très-variable. Cette manière d’expliquer la formation des cavernes dans les tufs stratifiés de la campagne romaine diminue la difficulté NOTE DE M. INDES 19 qu’on éprouve à se rendre compte de ce phénomène, quand on considère qu’il s’est accompli au sein d’une roche friable et presque à sa surface. Ce n’est pas sans quelque répugnance que j’expose ici sommairement cette théorie nouvelle, presque toute dépourvue des faits qui pourraient la soutenir; mais j’y ai été amené par le besoin d’expliquer la formation de la caverne que j’ai à décrire. Cette caverne est située sur le flanc méridional du Monte delle Gioie, près du Ponte-Salara, à 200 mètres du chemin de fer, et à 36 mètres au-dessus du niveau actuel du Teverone. Son ouverture, lorsque je la découvris en février dernier, for- mait comme une vaste bouche cyclopéenne entr’ouverte et traversée obliquement par une grosse stalactite qui semblait en protéger l’entrée; elle avait 3 mètres dans le sens horizontal, et seulement 0m,50 dans le sens vertical. La pente de la colline était tellement rapide au-dessous que je ne pus y arriver qu’avec difficulté et en profitant des travaux faits latéralement pour chercher de la pierre. Il ne me fut pas d’abord possible d’y pé- nétrer; mais je pus l’examiner et même recueillir un bois de Cerf à la surface de la terre végétale, dont la première partie était remplie. Ce bois, entièrement pétrifié, n’avait pas été dé- posé ainsi à la surface, mais il avait été soulevé par les Renards, qui ont fait, pendant des siècles, leur demeure dans cette ca- verne; les preuves de leur récent séjour étaient abondantes, comme nous le verrons tout à l’heure. Les lèvres de l’ouverture, les parois latérales aussi bien que la voûte sont formées de concrétions calcaires, mamelonnées, très-dures, qui se sont produites, comme je viens de le dire, dans les fentes du sol; elles se composent de couches super- posées, souvent peu adhérentes entre elles, ayant quelquefois un commencement de cristallisation; elles ont un aspect très- uniforme dans toute l’étendue de la caverne. Le sol, c’est-à-dire ce qui reste après qu’on a enlevé la terre végétale ou argileuse qui remplissait la caverne, se compose de sable, le plus sou- ventunpeu durci, d’autres fois agglutiné par rognons. La forme générale de la caverne est celle d’une galerie tortueuse qui tantôt se rétrécit ou s’élargit, tantôt s’élève ou s’abaisse; j’en ai déjà déblayé de 13 à 20 mètres, et rien n’annonce que je sois au bout. La première partie ressemble assez à un four à pain; de là, par une ouverture basse et étroite, on entre dans un second compartiment de 2m,50 d’élévation; la voûte s’abaisse ensuite et les parois se rétrécissent pour s’élargir de 20 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. nouveau, et ainsi de suite. La terre végétale qui remplissait la première partie avait été remuée et était dans un état pulvé- rulent dans la direction de l’O., aussi bien que dans un petit bras qui s’étendait de ce côté; ce bras secondaire a fourni peu de fossiles; c’est dans cette partie surtout que les Renards avaient établi leur terrier; les coprolithes anciens et récents y étaient abondants; ils étaient réunis dans un coin écarté et couverts de terre; ceux qui m’ont paru les plus anciens avaient acquis un poids et une dureté considérables. Au-dessus de cette terre pulvérulente, il existait une petite couche de sable contenant des débris abondants de poissons, et au-dessous une petite couche de cailloux roulés, tous de volume fort petit; ces cailloux reposaient directement sur le tuf, qui forme la partie principale de la huitième couche. C’est dans ces cailloux qu’a été trouvé un des silex taillés les mieux caractérisés. Je reviens à la partie centrale près de l’entrée. Vers l’E., la terre végétale était tassée et avait une puissance de près de 2 mètres; mais dans la seconde partie, au second compar- timent, elle était stratifiée dans l’ordre suivant de haut en bas ; 1° Boue argileuse, noire, humide, crevassée, contenant des Hélices et des os fossiles de plusieurs petits animaux vivant encore dans le pays, 2° Sable fortement coloré par l’oxyde de fer; pas de fossiles. 3° Sable gris un peu durci. 4° Terre noire; c’est là surtout que se trouvent les gros fossiles. 5° Sable gris moins coloré que le n° 2, contenant une grande quantité d’os de poissons. Ce sable semble avoir formé le lit des eaux dans tout l’intérieur de la caverne, et partout les os de poissons y sont abondants. Dans toute la longueur de ce bras, les cailloux roulés man- quent autant que les stalagmites. Les couches observées dans le deuxième compartiment se prolongent; cependant, arrivé à 6 mètres, les nos 1 et 3 manquent complètement, et le n°4 ne se trouve que dans des coins qui sont comme les carrefours de la galerie principale; ainsi les nos 2 et 5 viennent en contact; ce dernier, fortement coloré par le n° 2, contient des débris de grands oiseaux mêlés aux os des poissons. J’ai également trouvé à la même profondeur des fragments de carapace de lortue, des os de batraciens, des fragments d’un bras d’un NOTE DE M. INDES. 91 tM X crustacé et une mandibule qui me paraît se rapporter au genre Lézard. Les fossiles ont été abondants et variés dans toute l’é- tendue de la caverne, mais surtout dans le premier compar- timent ou première partie ; ils ont même offert sur ce point des caractères remarquables. D’abord, c’est làquej’ai trouvéréunies le plus grand nombre des espèces depuis longtemps disparues du pays; en second lieu, ils n’étaient point roulés, et enfin, par leur réunion, ils révèlent une main intelligente qui a con- tribué à leur rassemblement. Indépendamment des os fossiles, la caverne contenait une quantité prodigieuse d’os frais et sur- tout d’os de Renards. En comparant les diverses parties du squelette, j’ai pu constater la présence de 10 à 12 individus de cette espèce, morts dans la caverne. Quant aux Rats et aux Campagnols, ils étaient si nombreux que je n’ai pas pris la peine de les compter; dans la même catégorie, je dois ranger quelques fragments d’oiseaux de moyenne et de petite taille, des restes de Taupes. Entre les os évidemment frais et ceux d’une fossilisation complète, il y en avait d’un caractère dou- teux qui appartenaient soit au Renard, soit à d’autres petits carnassiers, comme les Fouines, les Putois, etc.; il n’est pas toujours facile de les distinguer. L’incertitude très-grande où l’on se trouve vient de ce que ces os se rencontrent dans cette partie de la caverne dont la terre a été remaniée, et qui con- tient, avec ceux d’une fossilisation équivoque, d’autres d’une fossilisation certaine, soit de Bœuf, de Cheval et même d’Ryène. Dans la partie stratifiée, les os frais étaient seulement à la surface, ceux d’une fossilisation douteuse, dans les couches moyennes; mais ces couches fournissaient aussi des squelettes entiers ou presque entiers de Taupe et de Putois d’une fossili- sation la plus complète possible, et même des parties de sque- lette des espèces disparues. Ce mélange peut s’expliquer en admettant que les eaux ont introduit dans les fentes du dépôt formé à l’intérieur de la caverne quelques débris du squelette des animaux que les Renards apportaient pour la nourriture de leurs petits. Ces fentes et leur remplissage étaient difficiles à apercevoir par suite de l’obscurité du lieu, car une grande partie du travail a dû se faire à la lueur des flambeaux. Il est à remarquer que le n° 5 ne présente jamais ces anomalies; le sable gris qui le compose est formé des débris les plus durs du tuf des environs, et même de quelque peu de sable siliceux; il a été déposé lorsque les eaux du Teverone arrivaient à cette hauteur, c’est-à-dire 36 mètres au-dessus de leur niveau actuel, 22 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. et les poissons dont les débris sont si abondants y vivaient en même temps que ce dépôt se formait. Voici la liste des animaux dont une étude préliminaire m’a permis de constater la présence dans la caverne. Lorsque les espèces n’ont été trouvées qu’à l’état d’une fossilisation dou- teuse, je l’ai indiqué; mais, lorsque des parties ont été trouvées à l’état de fossilisation douteuse et d’autres parties à l’état de fossilisation complète, je n’ai tenu compte que de ces der- nières : 1° Hérisson ( Herinaceus , Lin.): trois individus, fossilisation douteuse. 2° Taupe (Talpa europæa) : sept à huit individus. 3° Renard (Canisvulpes) : c’est de tous les carnassiers du Monte delle Gioie l’espèce la plus nombreuse. Parmi les débris dont la fossilisation est incontestable, j’ai trouvé trois mâchoires in- férieures dont la grandeur et la proportion des parties me font penser qu’elles doivent être rapportées à une espèce voisine du Renard, mais différente. 4° Loup ( Canis lupus , Cuv.) : un seul fragment de la mâ- choire inférieure. 5° Quatre carnassiers de petite taille, appartenant aux tribus voisines des Canidés, comme les Vivérides et les Vermiformes. 6° Hyène (Iiyœna spelœa) : neuf dents et quelques os apparte- nant au moins à deux individus différents. 7° Chat (Felis fera, Marcel de Serres): deux mâchoires infé- rieures, quelques os et des coprolithes qui, par leurs dimen- sions, peuvent lui être rapportés; elles ressemblent à celles que l’abbé Groizet a nommées Album vêtus (voir son ouvrage, p. 90). 8° Lynx (Felis lynx ) : un seul fragment de mâchoire inférieure; c’est trop peu pour une détermination rigoureuse ; je rapporte ce débris au Lynx, quoique en réalité il soit d’une taille plus considérable. 9° Hyperfelis Verneuili : c’est un félide de la taille du Lion, qui diffère de tout ce qu’on connaît de cette tribu, et pour le- quel j’ai cru devoir former un genre nouveau. La caverne a fourni plusieurs os qui pourraient se rapporter à ce dernier; pour le moment, je me bornerai à le caractériser par sa dentition. 11 a pour formule 7/7 qui se décompose ainsi : inc. 3/3, can. l/l,fauss. m. 1/1, earn. 1/1, vr. m. 1/1. Quoi- que cette formule diffère un peu de celle des félidés, je ne crois pas pouvoir placer ailleurs le carnassier que je décris. Tous les NOTE DE M. INDES. 23 genres de cette tribu ont 2/2 ou 3/3 fauss. m. et I/O vr. m., tandis que YHyperfelis Verneuili al/l pour les fausses m, et 1/1 pour les vraies molaires; c’est là la différence la plus évidente, et qui suffirait pour le placer hors de cette famille, s’il en existait une autre ayant aveô lui des rapports plus rap- prochés. h La vraie molaire manque en haufret en bas: mais la place qu’elle occupait est évidente; à en juger par l’alvéole, elle était plus grande à la mâchoire inférieure qu’à la supérieure, et, dans cette dernière, au lieu d’être placée dans une position inclinée et en dedans comme dans le chat domestique, elle était située sur la ligne des autres molaires. Son absence dans les deux mâchoires me fait soupçonner que cette dent n’était pas destinée à persister durant toute la vie de l’animal. J’ai, du reste, remarqué ce fait dans le chat domestique, dans lequel l’unique vraie molaire disparaît (au moins dans les individus que j’ai pu examiner) vers la dixième année. La carnassière inférieure diffère de celle de plusieurs félidés par la forme du talon, dont la pointe se détache de la dent, et tout le talon en est séparé par un sillon visible surtout à l’extérieur. La fausse molaire a trois pointes et un petit rebord sensible au bas des pointes antérieure et postérieure. Les canines sont coniques, courtes, légèrement aplaties et n’ont point de sillons longitu- dinaux; les incisives des angles ont un rebord intérieur très- marqué. La carnassière supérieure mesurée entre la couronne et la racine a 0m028; on peut y distinguer quatre lobes; celui situé sur l’arrière a deux pointes ; le suivant, de forme trian- gulaire, les dépasse tous de 0m003; le troisième, beaucoup plus petit, est incliné un peu vers l’intérieur; le quatrième a une position un peu transversale. Le talon de cette grande car- nassière est situé vers le milieu de la dent, en face du lobe triangulaire; il avance dans l’intérieur de 0m007. La fausse molaire supérieure est petite et située plus à l’intérieur que la carnassière. En donnant plus tard le dessin de ce carnassier, je complé- terai sa description. Le trou sous-orbitaire et l’arcade zygo- matique ont des formes particulières; ils fournissent de bons caractères; ce que je viens d’en dire suffira, j’espère, pour justifier l’établissement d’un genre nouveau. J’ai trouvé des coprolithes en grande abondance, les uns dispersés, d’autres réunis en un tas, pesant un peu plus de 2 kilog.; les plus grands ont 0m i3 de circuit; ils ont été 24 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. trouvés aussi bien que les mâchoires, sur le sable n° 5 qui est adhérent à quelques-uns. Leur présence me semble démon- trer que V Hyper f élis Verneuili a vécu dans la caverne. 10° Rat (Mus, Cuv.) : individus nombreux, fossilisation dou- teuse. li° Campagnol ( Arvicola , Cuv.) : individus nombreux, fossili- sation douteuse. 128 Castor: un seul individu, représenté par une incisive. 13° Porc-épic ( Histrix , Linn.) : une mâchoire inférieure ; cette Espèce diffère du Porc-épic actuel du pays par une taille beau- coup plus grande et par des formes importantes de la mâ- choire. 14° Lièvre ( Lepus , Linn.) : abondant à toutes les profondeurs ; pas de différence importante avec le Lièvre actuel. 13° Eléphant? 16° Rhinocéros (Rhinocéros megarhinus ) : la sixième molaire supérieure droite, quelques vertèbres et un fragment du bas- sin remarquable par l’impression des dents d’un grand car- nassier. 17° Cheval (Equus, Linn.) : dents et os assez nombreux, une omoplate très-rongée. Les dents indiquent plusieurs espèces. 18° Cochon (Sus prisais) : une tête presque entière et quel- ques os. 19° Cerf (Cervus, Linn.) : six espèces et plus de cinquante indi- vidus; de ces six espèces, une est nouvelle; son bois est court, à un seul andouiller basilaire; pédicule de 0m02; la longueur totale du bois ne devait pas dépasser 0m30. A un décimètre de Pandouiller unique, il s’élargit brusquement en haut et douce- ment en bas, et forme une palme qui devait avoir 0m15 de lar- geur; à raison de la forme de cette palme, je propose pour cette espèce le nom de Cervus raquettus. Plus tard elle sera plus complètement décrite. 20° Cervus dama (Linn.); il se distingue du daim par sa taille beaucoup plus petite et par le pédicule de son bois. 21° Cervus elaphus. 22° Cervus capreolus fossilis. 23° Cervus capreolus Tournalii? 24° Quelques fragments, outre le bois trouvé, à côté de la caverne, du squelette de Renne. 23° Quelques débris du squelette d’un ruminant de très- petite taille; il me semble ne pas avoir été aussi grand que le Renard. NOTE DE il. INDES. 2o 26° Bœuf ( Bos primigenius) : sept individus au moins. 27° Oiseaux nombreux : quelques-uns, trouvés dans la couche n° 5 avec les os de poissons, sont d’une grande taille ; il y a des cubitus de 0m16, de 0m30 et même de 0m40, des métacarpes de 0m09 de longueur. 28° Tortue ( Emys ). 29° Grenouille ( Rana , Linn.) : nombreux individus. 30° Crapaud ( Bufo , Linn.) : individus de belle taille etnom- breux. 31° Poissons d’eau douce, très-abondants. 32° Traces de crustacés. En tout, vingt genres de mammifères et vingt-sept à trente espèces sont représentés dans cette caverne; quelques espèces y ont laissé des individus en très-grand nombre. Prenant une moyenne de cinq individus par espèce, ce qui est certainement au-dessous de la réalité, nous arrivons à une population de cent cinquante mammifères; les oiseaux et les reptiles pour- raient fournir un nombre approchant. Quant aux poissons, je n’ai pu encore déterminer le nombre des espèces; mais celui des individus est incalculable; le sable qui forme le fond en est littéralement pétri. A la vue de ces faits, une question se présente d’elle-même. Comment tous ces animaux sont-ils venus là? Y ont-ils vécu? Il est bien évident que tous n’ont pas pu y vivre, et que ceux qui l’ont pu ont dû s’y succéder , car il ne saurait, d’une part, y avoir société entre quelques-uns d’entre eux, comme l’Hyène et les Lièvres ou les Cerfs, et, d’un autre côté, le même élément ne convient pas à tous. Les débris de Rhinocéros, d’Éléphant et d’Ours y ont été transportés par les eaux ; ceux de Cheval, de Bœuf, de Cerf, de Lièvre et de Rat y ont été charriés par les carnassiers; quelques-uns cependant ont pu aussi y être transportés par les eaux. Restent les débris de poissons et de carnassiers ; les premiers me paraissent y avoir vécu lorsque les eaux du Teverone arrivaient à la hauteur de la caverne. M. le professeur Nicolucci semblait porté à les considérer comme des restes de la nourriture de l’homme habitant de cette caverne; je ne puis adopter cette idée, parce que ces os sont trop abondants, trop disséminés dans toute l’étendue de la caverne et trop mêlés au sable du fond. Pour ce qui est des carnassiers, je ne crois pas qu’il puisse y avoir de doute, et surtout au sujet de YHyperfelis Verneuili ; ses os les plus importants, ceux de la tête, ont été trouvés sur 26 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. ce sable gris qui contient les restes si abondants des pois- sons; on voit qu’ils sont restés là pendant fort longtemps avant la formation des couches supérieures, car ils sont couverts de concrétions stalagmitiques ; mais, ce qui est plus significatif, c’est le monceau de coprolithes déposés dans le môme sable qui leur est quelquefois adhérent; ils ont été évidemment déposés au lieu où nous les avons trouvés par l’animal môme et non par les courants. Quant aux Renards, nous avons déjà fait voir qu’ils étaient en possession de ce lieu au moment même où nous faisions les fouilles. Mais il me semble, Mon- sieur, vous entendre m’adresser une autre question beaucoup plus intéressante que celle que je viens de résoudre : Et l’homme n’y a-t-il pas habité? Lorsque vous me fîtes l’honneur d’une visite, conduisant avec vous le professeur de géologie de l’université d’Qxford, M. Phillips , cet illustre savant nous dit qu’il pensait que l’homme avait habité cette caverne, mais peu de temps. Le résultat de mes recherches, depuis cette époque, tend à confirmer cette opinion , car j’ai trouvé des traces de son travail, ce qui indique qu’il y a vécu; mais ces traces ne sont pas abondantes, ce qui prouve qu’il n’y est pas demeuré longtemps. Aux silex que vous avez vus en avril der- nier sont venus s’en ajouter d’autres bien mieux caractérisés; aux outils s’est joint le travail qu’ils ont servi à accomplir : c’est un fragment de crâne de Cerf, dont les deux bois ont été taillés au-dessus de la meule avec un instrument tranchant. Du reste, plusieurs raisons portent à croire que la partie du devant, celle qui était la plus commode et la plus convenable pour être habitée, a dû s’écrouler, de sorte qu’il ne nous reste que l’arrière-habitation. Cependant, je crois pouvoir ajouter aux preuves précédentes un fait qui me paraît très-significatif et qui est d’un grand intérêt, parce qu’il se rattache à l’histoire de nos animaux domestiques, ou au moins des animaux con- temporains. J’ai déjà mentionné l’abondance des bois de Cerf trouvés dans la caverne; il est inutile de faire remarquer com- bien il est peu probable que ces animaux aient été se réfugier dans cet antre; d’ailleurs, s’ils y étaient morts, on devrait y trouver les autres parties du squelette; si leurs débris avaient été portés là par les animaux carnassiers, la conséquence se- rait la môme. Il n’est pas non plus vraisemblable que les eaux aient pu les y charrier, car ils y ont été transportés lorsque déjà elles avaient considérablement baissé; ils ne se mêlent jamais au sable n° 5 qui forme le dépôt le plus ancien, celui NOTE DEM. INDES. 27 fait proprement lorsque les eaux arrivaient à cette hauteur. Il n’y a donc que l’homme qui ait pu les y transporter; cette in- duction est puissamment fortifiée par les remarques suivantes : 1° Ces bois ne sont pas tombés d’eux-mêmes par suite de leur maturité, car tous portent une partie de l’os du crâne; 2° dans les autres dépôts on trouve pour le moins autant de bois entiers ou ayant une certaine longueur que de bois brisés, et lorsqu’ils sont brisés, c’est tantôt la partie supérieure, tantôt l’inférieure qu’on trouve. Ici, c’est bien différent, tous les bois sont brisés, et tous de la môme manière, un peu au-dessus de la meule, et on ne trouve jamais la partie supérieure, ni même la moyenne. Au lieu d’être dispersés comme cela arrive toutes les fois que le transport se fait par une force aveugle, ils étaient réunis au nombre de vingt-sept en un monceau, dans un coin. Il me semble impossible de ne pas conclure de toutes ces cir- constances qu’une main intelligente a présidé à leur réunion, qu’elle en a pris ce qui pouvait lui être utile, et a ensuite abandonné le reste; en d’autres termes, il me paraît évident que l’homme réfugié dans cet antre s’est servi de la partie su- périeure de ces bois pour en faire des armes ou d’autres outils. Un mot maintenant sur ces Cerfs. Us appartiennent à deux ou trois espèces; elles se distinguent toutes de ce qui a été trouvé dans la campagne romaine, par un seul andouiller basi- laire. Comme leurs bois sont très-incomplets, leur étude pré- sente de grandes difficultés; aussi me bornerai-je à l’examen d’une seule espèce, celle qui a fourni quinze bois qui conser- vaient des fragments du crâne assez grands pour en déterminer la forme. J’ai comparé cette espèce avec les bois du Daim [Cervus dama); je me suis aidé des gravures de Cuvier, et je n’ai remarqué aucune différence spécifique; il en existe au contraire deux bien sensibles entre notre espèce et le Daim fossile ( Cervus dama giganteus); notre espèce est beaucoup plus petite, et son bois, au lieu de reposer directement sur le frontal, a un pédicule de 0m01. Je crois donc pouvoir affirmer que l’espèce de Cerf la plus abondante dans la caverne du Monte delle Gioie est identique avec le Cervus dama actuelle- ment vivant. Cette question est fort intéressante , car elle tend à prouver que les Daims, si rares aujourd’hui à l’état de liberté complète, ont été très-abondants dans l’Italie centrale; je ne pense pas cependant qu’ils y soient venus en même temps que le Renne et le Cervus elaphus ; plusieurs autres espèces non encore décrites, que j’ai trouvées dans les cailloux roulés de la 28 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. campagne romaine, ont dû également le précéder dans le pays; il a été ici le compagnon de l’homme, qui s’est nourri de sa chair et a employé le reste de ses dépouilles pour se faire des armes. Il semble même que ces deux êtres, l’homme et le Daim, aient fait leur apparition dans l’Italie centrale vers la même époque. Ce fait conduit naturellement à se demander si l’homme ne l’a pas amené avec lui, ou s’il n’est pas un des premiers qu’il s’est assujettis. On sait, du reste, que le Daim s’apprivoise plus facilement que le Cerf, qu’il ne s’éloigne ja- mais à de grandes distances, même quand il est poursuivi par les chasseurs. Quant à ce qui est de savoirlaquelle desdeux races d’hommes, la dolicocéphale ou la brachycéphale, a habité cette caverne, je ne vois pas qu’il y ait le moindre fondement à se prononcer pour l’une plutôt que pour l’autre, car plusieurs découvertes ré- centes faites en Belgique prouvent que l’on trouve ces deux variétés de l’espèce humaine ensevelies dans des cimetières communs, et que, par conséquent, elles ont vécu ensemble; et les découvertes encore plus récentes de M. Michel de Rossi confirment le même fait. Il me semble aussi un peu difficile de se prononcer sur l’époque où la caverne a été habitée; car, si les instruments que j’ai trouvés appartiennent à l’époque ar- chéolithique, on pourrait peut-être objecter que ce ne sont pas de vrais instruments, mais des pièces de rebut, de simples éclats de l’époque néolithique. Je pourrais bien répondre qu’il en est qui sont incontestablement des instruments, et des instruments de l’époque archéolithique; mais j’aime mieux laisser cette question indécise, car il me paraît que les prin- cipes sur lesquels on établit la distinction tant des deux époques que des deux races sont loin d’être à l’abri de toute critique. M. Daubrée présente la note suivante de M. Mussy : Roches ophitiques du département de VÀriège; par M. Mussy. Je désignerai sous le nom générique d’ophites toutes les ro- ches granitoïdes, à silicates plus ou moins magnésiens, qui forment des amas irréguliers, toujours peu étendus au milieu des formations sédimentaires appartenant à presque tous les étages géologiques, depuis l’âge le plus reculé jusqu’aux assises nummulitiques. NOTE DE M. MUSSY. $9 Ces roches présentent les aspects les plus variés; souvent formées d’éléments éminemment cristallins, elles ont une ap- parence granitoïde, une couleur verdâtre foncée, sont dures et résistantes au marteau et constituées de minéraux basiques, riches en magnésie, tels que le péridot et le pyroxène ; elles sont alors connues sous le nom de lherzolite, du nom de l’é- tang de Lhers, où pour la première fois elles ont été étudiées; d’autres fois elles sont de véritables diorites verdâtres, également cristallines, dont les parties constitutives sont un feldspath du sixième système plus ou moins grenu et compacte et l’amphibole plus ou moins cristalline en lamelles et aiguilles. Fréquemment altérées à la surface et jusqu’à une certaine profondeur, elles passent insensiblement par tous les degrés de décomposition jusqu’à des terres ocreuses, argileuses ou magnésiennes, où toutes traces de cristallisation ont disparu; elles se distinguent alors à peine des marnes plus ou moins argileuses encaissantes avec lesquelles elles paraissent stratifiées en parfaite concor- dance; le plus souvent cette stratification est des plus confuses, complètement indistincte, et la roche transformée en arènes ocreuses et terreuses paraît traversée de fissures irrégulières qui s’entre-croisent en tous sens. Généralement basique, l’ophite sur certains points assez ra- res passe lentement à des roches plus acides et môme parfois à de véritables quartzites spongieux. Le plus souvent compacte, plus ou moins fissurée, la roche a un aspect uniforme, sans rien de saillant ; d’autres fois elle prend une apparence globuleuse et fragmentaire et paraît con- stituée de deux éléments différents, qui ne sont autres que de l’ophite à deux degrés de décomposition. Les opinions les plus diverses ont été successivement adop- tées sur la constitution et le mode de formation des ophites. Ainsi, les lherzolites, qui composent une fraction notable des roches ophitiques de l’Ariége, d’abord considérées par M. Le- lièvre comme une variété de péridot, ont été classées par M. Charpentier parmi les pyroxènes purs; ce dernier attribuait à deux états différents d’agrégation de ce minéral le manque évident d’homogénéité de la roche qui, au premier aspect, pa- raît constituée de deux éléments distincts. On sait maintenant, d’après l’examen queM. Damour a fait de cette roche, que lalherzoliteest composée de péridot, auquel se joignent l’enstatite, le pyroxène, et quelquefois le spinelle 30 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. (picotite) (1). Les beaux travaux de M. Daubrée sur les météo- rites ont fait reconnaître tout l’intérêt que présente cette roche à raison de l’analogie remarquable qu’elle présente avec les météorites ; car il a pu reproduire artificiellement ces dernières en soumettant la lherzolite à certaines actions réductrices (2). Quant au mode de formation de ces roches, je n’émettrai aucune hypothèse pour le moment. Suivant les uns, les ophites sont le produit des couches argileuses et schisteuses, transfor- mées en un état granitoïde spécial par le concours ordinaire des phénomènes de métamorphisme ; suivant d’autres, les ophites ont une origine purement ignée; peut-être à cet égard serait-il prudent de faire une distinction entre les lherzolites et les dio- rites ordinaires, toujours plus ou moins altérées et terreuses. Je renvoie à plus tard l’étude de ces questions complexes, me contentant pour le moment de décrire les faits tels que je les ai observés dans les nombreuses courses que j’ai faites pour l’exécution de la carte géologique du département. Dans cette étude, je suivrai la classification des terrains adoptée dans mon esquisse géologique de l’Ariége. I. GRANITE. Le granité de l’Ariége présente trois variétés principa- les; la première, de beaucoup la plus commune, est à grains moyens ou à petits grains renfermant une assez grande quantité de feldspath du sixième système mélangé à l’orthose, accompagné de mica noir, brun ou verdâtre; cette variété forme le centre et la majeure partie des massifs granitiques du plateau centrai ancien. La seconde variété de granité présente, dans une pâte ordi- naire de granité commun de l’espèce précédente, de grands cristaux d’orthose, qui donnent à la roche un aspect porphy- roïde; cette variété se rencontre fréquemment dans le massif primitif de la crête frontière et particulièrement dans le plateau deQuérigut, les montagnesd’Ax, Gudanes et Bassiés. Au voisinage des gneiss et micaschistes les roches primitives présentent une troisième variété de granité, qui passe à la peg- matite et à la leptynite ; la masse est formée de larges cristaux d’orthose gris blanc, gris bleu ou rose, associés à de larges feuillets de mica diversement coloré, blanc, vert, noir ou (1) Bull, de la Soc . gèol. de France , 2e série, t. XIX, p. 413. (2) Ibib.j 2e série, t. XXIII, p. 291. NOTE DE M. MUSSY. brun; la tourmaline y est fréquente. Sans former d’amas isolés importants, cette variété se présente en larges veines et masses irrégulières, enchâssées au milieu du granité ordinaire à grains moyens; il est surtout commun au contact des micaschistes et roches de transition ou secondaires, toujours, dans ce cas, plus ou moins métamorphiques. Les minéraux à base de magnésie ne sont pas rares sur plu- sieurs points et sont parfois assez abondants pour donner à la roche une physionomie spéciale ; l’amphibole lamelleuse verte se substitue quelquefois au mica en s’associant à du feldspath du sixième système d’un gris blanc, à de l’orthose blanc ou rose et à du quartz gris en petite quantité ; cette amphibole donne à la roche l'aspect d’une véritable syénite verdâtre ; cette syénite est surtout abondante aux pourtours des divers massifs granitiques et au contact du granité de la frontière et des roches anciennes, comme dans le bassin de Quérigut; on la retrouve, du reste, en quantités plus ou moins considérables, aux bords extrêmes de tous les bassins granitiques, comme à Tarascon, Yicdessos, Quérigut, Lacour, Castillon, où elle constitue par- fois de véritables formations ; ces syénites passent toujours aux granités par degrés insensibles en perdant lentement leur am- phibole, peu à peu remplacée par le mica à mesure qu’on marche des bords de la formation primitive vers son centre. Parfois, dans les mêmes conditions, l’amphibole est rempla- cée par les minéraux magnésiens hydratés, tels que le talc et la chlorite, et la roche devient une protogine ; cette substitu- tion au mica d’un minéral magnésien, comme dans le cas pré- cédent, se fait rarement au centre des massifs primitifs, mais surtout à leurs limites extrêmes, au voisinage des couches de transition ou secondaires ; cette variété granitoïde est beau- coup plus rare que la syénite; elle forme surtout des amas in- finiment moins importants et plus irréguliers ; elle a cependant pu être constatée un peu partout et surtout dans les régions de Quérigut, Tarascon, Vicdessos et Castillon. Les roches granitoïdes, formées principalement de minéraux à base de magnésie, pauvres en silice et essentiellement basi- ques, désignées sous le nom générique de roches ophitiques, sont rares dans les formations granitiques; elles sont très- communes au voisinage du granité; assez souvent elles se ren- contrent au contact du granité et de roches sédimentaires va- riées ; mais, dans la presque totalité des cas, on trouve dans leur voisinage des ophites identiques en relation évidente avec 32 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. les formations sédimentaires auxquelles l’ensemble est natu- rellement rapporté. Je n’ai constaté que sur un seul point des roches ophitiques en relation bien nette avec le granité dans lequel elles sont en- caissées, assez loin de toute formation sédimentaire. Ce point assez remarquable est situé dans le canton de Qué- rigut, un peu en avant du village du Pla et au fond du ravin de la Bruyante, sur le bord du chemin qui conduit du Pla au hameau de Carcanières. v» Tout le plateau de Quérigut est constitué par un granité por- phyroïde à larges cristaux d’orthose, transformé presque par- tout, du moins à la surface, en arènes sableuses. Au milieu de ces arènes, vers un vieux pont qui portait au- trefois la route de l’ancienne forteresse de Montlouis à travers le Quérigut, sont deux affleurements ophitiques, formés de dio- rite ordinaire verdâtre à deux éléments, feldspath labrador, pauvre en silice, gris verdâtre, compacte, avec cristaux lamel- leux d’amphibole vert-poireau; la roche est grenue et à son centre est assez dure ; elle se décompose facilement à la surface et sur ses bords et donne des arènes jaunâtres granitiques qui entourent l’amas ophitique. Le tableau suivant précise la situation de ces affleurements, très-rares dans les masses granitiques. -V RATURE. SITUATION géographique. SITUATION géologique. ÉTENDUE. 1. Diorite ordinaire avec arènes terreu- ses et ocreuses. 1. Deux affleurements, rive droite du ruis- seau de Quérigut; à un kilomètre en aval du Pla. 1. Au milieu des gra- nités porphyroïdes à larges cristaux d’orthose, décom- posés en arènes sa- bleuses. 1. Deux affleurements circulaires très-voi- sins ayant chacun 80 à 90 m. de dia- mètre. Surface totale : 1 hect. II. MICASCHISTES. La formation des micaschistes entoure en forme d’auréole irrégulière à peu près tous les massifs granitiques à leur voisi- nage des schistes anciens; elle est au contraire assez rare et très-mince autour du granité quand il est en contact direct avec les formations secondaires. NOTE DE M. MUSSY. 33 Le micaschiste est généralement formé de larges feuillets de mica et lits siliceux, à structure entrelacée, empâtant à l’inté- rieur des noyaux quartzeux ; il passe tantôt au granité par de larges bancs alternants de pegmatite et gneiss, tantôt aux schistes ordinaires anciens par des schistes siliceux, feldspa- thiques, micacés, et parfois môme amphiboliques; il est riche en macles variées. Assez fréquemment, le talc, à base de magnésie, se substitue au mica et donne des talcschistes soyeux et doux au toucher ; cette substitution est irrégulière et se rencontre sur presque tous les points où le micaschiste affleure. Par places, le talc s’isole en couches pures; il est blanc, à peine teinté de vert, et donne lieu à quelques exploitations dont une à la montagne de Lordat, tout près du pic de Saint-Barthé- lemy; sur ce point, le talc forme deux belles couches parallè- les : l’une inférieure, de 3 mètres, séparée en deux par un banc de schiste talqueux de Gm,30 ; l’autre supérieure, de 2 mètres; ces bancs sont enclavés dans des schistes micacés tout près de leur contact avec les granités, et reposent en stra- tification régulière sur ce dernier. Des traces de talc existent dans les mêmes conditions, sans être exploitées, sur plusieurs points du dépar tement, entre autres à Rabat. Je n’ai jamais eu l’occasion de constater dans cet étage des micaschistes la présence de roches ophitiques. DI. Silurien inférieur. Les schistes du terrain silurien inférieur, tantôt simplement feuilletés ardoisiers, tantôt pyriteux, disposés en assises plus ou moins épaisses, à cassure pseudorhomboédrique, ont dans le voisinage des terrains primitifs une tendance à s’adjoindre des minéraux à base de magnésie et à prendre une texture plus ou moins métamorphique. Entre les feuillets s’interposent des lits minces de mica ou talc, la roche devient luisante et satinée, et passe au micaschiste et au talcschiste; parfois même le talc s’isole en bancs régu- liers et purs de 0m,50àl mètre, comme dans les montagnes de Mauzone, entre Montferrier et Montségur, et devient exploi- table ; il est presque blanc, légèrement verdâtre et inférieur en qualité à celui des micaschistes de Lordat. Soc. géol. , 2e série, tome XXYI. 3 34 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Sur d’autres points, le contact des granités et micaschistes développe dans les schistes siluriens des cristaux en fines ai- guilles de rnacles, dypire, amphibole, chlorite, stéatite, pyri- tes, grenats et autres minéraux variés. Le talc est surtout commun dans ces conditions; sur de grandes étendues il transforme les schistes siluriens en schistes talqueux et satinés, parfois riches en minéraux métalliques, galène, blende et pyrites, comme dans les hautes montagnes d’Aulus, Ustou et Sentein. Ces mêmes schistes talqueux ont dans certains bancs une tendance à une structure plus métamorphique; la masse inté- rieure se transforme en une pâte dure, compacte, verdâtre, présentant à la loupe un aspect cristalloïde, au milieu de la- quelle se développent des cristaux bien visibles d’amphibole verte en aiguilles fines et allongées; ces cristaux se présentent surtout bien nettement sur les surfaces polies par les eaux ou dans les bancs légèrement décomposés à la surface, où les cris- taux d’amphibole apparaissent nettement en saillies sur la pâte jaune, verdâtre, un peu terreuse. Ce fait de schistes talqueux transformés par métamorphisme en bancs réguliers, à appa- rence porphyroïde, concordant avec les schistes ordinaires encaissants, est des plus communs dans la formation silurienne qui constitue les hautes montagnes frontières d’Aulus, Ustou et Sentein; et il n’est pas rare de trouver dans leur voisinage des gisements métalliques plus ou moins considérables de ga- lène, blende ou pyrites, disposés comme eux en concordance de stratification avec les schistes talqueux qui les enclavent. L’étage des schistes siluriens métamorphiques ou non pré- sente un petit nombre d’amas de roches ophitiques dont le détail est le suivant : 1° Amphibolite de Boutadiol. —.Dans le Quérigut, à l’extrémité supérieure du vallon d’Artigues, quartier de Boutadiol, est un gisement considérable de fer magnétique, accompagné en son toit d'une masse d’amphibole pure, verte et fibreuse. L’en- semble est compris au voisinage immédiat de roches primitives syénitiques qui ont fortement métamorphisé les assises de transition, en y produisant des injections fréquentes de syénite, pegmatite et quartz. Aux environs du gisement, on remarque de fréquentes alter- nances pseudostralifiées de gneiss, micaschistes, granité et calcaire cristallin; un affleurement étendu de roches amphi- boliques et grenalifères marque la présence du gîte métallique NOTE DE M* MUSSY. 35 entre une syénite gneissoïde faisant toit et un calcaire saccha- roïde, siliceux et dolomitique faisant mur. La salbande du toit se compose d’amphibole lamelleuse, passant insensiblement à la syénite d’une part et d’autre part au minerai; la salbande du mur est formée de grenat alman- dine, tantôt cristallisé, tantôt en roche se perdant insensi- blement dans le minerai de fer. L’amphibole imprègne les masses primitives du toit qu’elle transforme en syénites et les calcaires du mur où elle donne de belles hémitrènes (calcaires saccharoïdes dolomitiqnes cri- blés de cristaux d’amphibole verte en fines aiguilles). L’affleurement d’amphibolite pure a une faible étendue et n’a guère que quelques mètres de long sur à peu près un mètre de largeur moyenne. 2° Diorite de Lordat. — - En montant de Garanou à Lordat, vallée d’Ax, on recoupe une série schisteuse plus ou moins ardoisière , qui vers Garanou donne quelques exploitations pour ardoises ; ces schistes, appartenant au silurien inférieur, présentent de fréquents filons de quartz concordant avec les couches auxquelles sont reliés des gisements de fer oîigiste, exploités parfois, comme à Albiès et Lassur. Un peu au-dessus de Yernaux, ces schistes enclavent un amas ophitique paraissant orienté en bancs grossiers assez réguliers, concordant avec les couches schisteuses qui l’en- clavent au nord et au sud ; cette roche parfois dure et com- pacte, surtout à son centre, appartient à la variété dite dio- rite, formée de feldspath gris verdâtre, un peu altéré et compacte, souvent terreux, avec cristaux d’amphibole verte bien visible, surtout dans les régions un peu décomposées. Elle présente de petites cavités ovoïdes et bulleuses, rem- plies d’oxyde de fer, argile ou sable, et est alvéolaire; sur ses bords elle passe à un ophite très-grossier, presque terreux, et à des wakes ocreuses à forte odeur argileuse. Enclavée au nord et au sud dans les schistes siluriens, elle se termine du côté de l’ouest sous le château de Lordat, contre une petite formation de calcaire griotte, rouge et blanc, à Nau- tiles, qui paraît devoir être rapporté à l’étage dévonien ; elle en reste séparée par des amas grossiers, siliceux, en forme d’éponges quartzeuses, et des marnes argileuses griottiformes vertes et rouges. Cet amas dioritique, plus ou moins terreux et celluleux, peut avoir 100 mètres de puissance et affleure en concordance 36 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. avec les schistes anciens de l'est à l’ouest, sur près d’un kilo- mètre. Au-dessus de l’ophite dans les schistes sont quelques traces de galène en nids irréguliers, inexploitables. 3° Diorite d’Antras. — Au fond du vallon de Saint-Paul, près Foix et un peu au-dessus du hameau d’Antras, le che- min qui conduit de ce hameau à Mercus parle col de Lespinas recoupe une série de schistes noirâtres plus ou moins terreux ou ardoisiers, orientés 0 30° à 65° S, qui reposent sur le massif primitif de la montagne de Tabes ; la roche ancienne est sur ce point formée de bancs alternants de gneiss et pegmatite, fréquemment décomposés par places et transformés en kaolins assez purs, disposés en nids irréguliers et pauvres au milieu de la masse. Au contact des schistes et des pegmatites, le chemin de Mer- cus recoupe, à un kilomètre au-dessus d’Antras, un petit amas de belle diorite, dure, non altérée et d’une belle couleur verte, formée de feldspath grenu gris verdâtre, compacte, avec amphi- bole vert-poireau bien cristalline et lamelleuse ; l’amas ophi- tique affleure sur une faible étendue; il n’a pas plus de 200 mè- tres du nord-est au sud-ouest et une épaisseur de 50 mètres en- viron; il fait corps avec les schistes, dont il est une dépendance évidente, et s’appuie sur les roches primitives dans lesquelles il ne pénètre pas. 4° Magma ophitique du Montcoustant. — La montagne du Moncoustant, qui sert de limite aux communes de Saint-Martin- de-Caralp, Serres, Cadarcet et Alzein, et domine le col del Bouisch, traversé par la grande route de Foix à St-Girons, est formée par les schistes pyriteux et ardoisiers de l’étage silu- rien ; à son versant nord, sur les schistes, repose la formation secondaire du trias qui comprend des grès à sa hase et des marnes irisées à sa partie supérieure ; le grès forme au pied de la montagne silurienne une série de petits coteaux légère- ment ondulés, alignés de l’est à l’ouest, au pied desquels les marnes s’étendent en plateaux presque horizontaux. A l’ouest de Montcoustant, le calcaire dévonien dispose ses couches à Nautiles en strates presque horizontaux sur les hau- teurs d’Alzein, en superposition directe avec les schistes ; au bord est du Montcoustant, le granité sableux, aréniforme, du vallon de la Barguillière vient mourir à son pied. Entre le granité à l’est et le calcaire dévonien à l’ouest, sur une étendue de plus de 2 kilomètres, le contact des schistes NOTE DE M. MUSSY. 37 siluriens et du trias est occupé, sur une largeur de 200 à 400 mètres, par des roches ophitiques de nature variée qui se continuent dans tout cet espace sans interruption. Dans la région occidentale vers le Coffre, au voisinage des calcaires dévoniens, l’amas est formé de feldspath cristallin avec quartz grenu, sans minéral basique ; la roche devient parfois siliceuse presque pure, celluleuse et légère, et passe à une éponge simplement quartzeuse; elle prend un aspect ru- gueux et caverneux et s’associe quelques dolomies très-sili- ceuses, cariées, criblées de cellules. Vers son bord méridional, au contact des schistes anciens, l’ophite est constitué par un feldspath ou schiste feldspathique gris jaunâtre, un peu terreux, stratifié en bancs grossiers, assez réguliers et orientés comme les schistes siluriens de la montagne ; dans la pâte terreuse feldspathique se voient des cristaux vert clair d’amphibole, souvent en partie décomposés, et l’ensemble prend un aspect porphyroïde ; le feldspath do- mine de beaucoup ; les cristaux d’amphibole sont relativement rares et dispersés irrégulièrement dans la pâte compacte ; la roche est encore formée d’éléments acides. Sur son bord septentrional, au voisinage des grès bigarrés, l’amas est surtout formé d’éléments basiques où domine l’am- phibole pure à l’état de çornéenne souvent schisteuse et orientée en bancs bien stratifiés et assez feuilletés comme les couches encaissantes ; cette çornéenne est noire, résistante au marteau, sonore et assez dure; elle présente de rares cris- taux d’amphibole noire isolée en petites aiguilles courtes et épaisses. Tout cet ensemble ophitique se décompose assez facilement, mais seulement à la surface ; des travaux de mine exécutés dans le voisinage ont permis de reconnaître que cet état de décomposition plus ou moins avancé ne pénétrait pas à de trop grandes profondeurs. Cet amas ophitique paraît en relation avec plusieurs gise- ments minéraux importants qui sont disposés sur tout son pourtour dans les roches encaissantes sans jamais pénétrer à son intérieur. Sur sa lisière méridionale, au contact de l’ophite et des schistes anciens toujours très-riches en affleurements pyri- teux, est une série de masses irrégulières formées de calcaire blanc, magnésien, allongées du nord au sud, au milieu des- quelles on reconnaît des gisements parfois très-beaux de ga- 38 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. lène et de blende peu argentifère, susceptibles de donner d’ex- cellents alquifoux, comme à la mine de plomb dite de Mont- coustant, commune de Cadarcet. Les grès bigarrés qui bordent au nord, en bande mince, la formation ophitique, sont recoupés à leur base par de puissants filons de baryte sulfatée, riches en minerais de cuivre, tels que cuivre carbonaté bleu et vert et cuivre gris ; ces minerais y sont dispersés en mouches irrégulières ou petits filets de quelques centimètres, un peu discontinus, et ne sont point exploités ; mais à une époque reculée ils ont donné lieu à des travaux souterrains très-considérables, dont on retrouve des traces presque continues depuis la métairie du Maté à l’est jusqu’au Coffre à l’ouest; sur plusieurs points, comme au Maté, au Gayet, à Moutou, au Coffre, sont d’anciens déblais en monticules élevés, des galeries et puits accessibles, des débris de scories, d’anciennes poteries ayant servi à la fonte des mé- taux, qui paraissent révéler les traces d’une industrie impor- tante. Vers l’extrémité orientale du massif ophitique, dans la pointe où vient mourir le granité aréniforme de la Barguü- lière, sont quelques petits amas de minerai de fer hydroxydé un peu quartzeux et inexploités. 5° Magma ophitique de Montels. — En suivant vers l’ouest la base inférieure du grès bigarré et son contact avec les schistes anciens qui le supportent, on trouve dans la commune de Montels, vers les hameaux de Martussol et des Rames, deux magmas ophitiques en relation avec les schistes et analogues à l’ophite de la région occidentale du gisement du Montcoustant; ils sont formés surtout de feldspath gris avec grains de quartz et de très-rares cristaux d’amphibole; la roche est très-grenue, siliceuse, s’associe des quartz éponges vers les grès bigarrés ; la surface est décomposée et donne des terres grisâtres très- siliceuses. Les schistes avec lesquels ils sont liés sont anciens et appar- tiennent à l’étage silurien ; cependant ils font partie de la bande schisteuse qui, comme je l’ai fait observer dans la pre- mière partie de cette note, tient la place des schistes houillers et ils présentent quelques traces graphiteuses. Ces amas ophitiques sont d’une assez faible étendue et con- tiennent peu de minéraux basiques magnésiens. 6° Dionte schisteuse de Car bourat. — Plus loin, toujours dans les mômes conditions, on trouve au voisinage du contact de la NOTE DE M. MUSSY. 39 même bande schisteuse et des grès bigarrés, vers le hameau de Carbourat, commune de Rimont, mais complètement en- clavé dans les schistes, un petit amas de diorite grossière, schis- teuse, en bancs orientés comme les schistes encaissants ; la roche est en partie décomposée, le feldspath est gris terreux, l’amphibole est bien visible en cristaux minces vert clair ; au pourtour de l’amas l’ophite devient schisteux, s’oriente en assises minces et passe insensiblement à un schiste grossier sans cristaux d’amphibole. Au voisinage de la formation du grès bigarré se développent quelques couches calcaires à cassure grise et esquilleuse, stra- tifiées en bancs minces, qui paraissent tenir la place du mus- chelkalk, circonstance assez rare dans le trias de l’Ariége. 7° Diorite cristalline de Lacour. — La vallée du Sallat pré- sente vers le hameau de Lacour un beau cirque assez ouvert, entouré de coteaux peu élevés où viennent aboutir en forme d’éventail sept formations différentes : le granité, le gneiss avec micaschistes, les schistes du silurien inférieur, les ealc- schistes dévoniens à Nautiles et griottes, les schistes terreux et marneux coquilliers du lias inférieur, les calcaires dolomi- tiques du lias supérieur et les calcaires esquilleux marmoréens du calcaire à Dicérates; ce point est des plus remarquables et n'a guère d’analogue dans l’Ariége que le vallon de Beles- ta, où vient sourdre la belle fontaine intermittente deFontes- torbe. Sous le vieux château de Lacour, à peu près au point de jonction de tous ces étages, apparaît un grand amas de belle diorite dont le pied est recoupé par la grande route qui suit la rive gauche du Sallat. Cette diorite est dure, résistante au marteau, grenue et cris- talline à grains moyens ; elle est formée de feldspath labrador gris verdâtre, grenu, rarement lamelleux, et d’amphibole vert poireau, largement cristalline et à éclat vitreux et gras ; l’am- phibole domine. Le même minéral imprègne toutes les roches primitives du voisinage et transforme les granités et gneiss à une forte dis- tance en syénites ordinaires et syénites schisteuses. La roche ophitique présente de nombreuses fentes et fissures remplies de belles cristallisations d’épidote; parfois on peut y apercevoir des traces de cuivre pyriteux dans les mêmes conditions. r 40 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Les calcaires voisins sont imprégnés de magnésie et très- dolomitiques. Au centre de l’amas est un bassin circulaire d’à peu près une centaine de mètres de diamètre de gypse cristalloïde la- minaire, en bancs puissants à strates indistincts ; rouge et vert à la surface et mélangé d’argile plus ou moins ferrugineuse, il devient blanc grisâtre dans les profondeurs et donne du plâtre de bonne qualité exploité dans deux carrières voisines ; ce gypse est imprégné de petits cristaux de pyrites de fer, comme généralement le sont tous les gypses en relation avec les roches ophitiques, dont ils font alors partie essentielle. L’amas dioritique de Lacour est considérable ; quoique au point de jonction de divers étages, il a été rapporté aux schistes siluriens, dont il paraît se rapprocher le plus; mais rien ne s’opposerait à ce qu’on lui donnât un âge plus récent, intermédiaire entre ceux des diverses assises qui viennent mourir dans son voisinage. Le tableau suivant résume les divers caractères des roches ophitiques rapportées au silurien inférieur : NOTE DE M. MUSSY 41 nature; i. Amphibolite. |2. Diorite alvéolaire. 3. Diorite. 4. Magma ophitique du Montcoustant, feldspath et quartz à l’Ouest. Au Sud, feldspath et schistes feldspathiques. Au Nord, cornéennes et schistes amphiboli- ques. 5. Magma ophitique de Martussol ; feld- spath et quartz, grenu et rares cris- taux d'amphibole. 6. Magma ophitique des Rames, Mon- tels. 7. Diorite schisteuse et terreuse. . Diorite cristalline avec gypse. SITUATION géographique. 1. Au toit du gise- ment de minerai de fer magnétique de Boutadiol, commu- ne d’Artigues, Qué- rigut. 2. De Lordat à Yer- naux, canton des Gabannes. 3. Au S. 0. d’Autras, vallon de Saint- Paul de Jarrat. 4. De la métairie du Coffre à Tresbens, par Moutou , le G-ayet et le Maté. SITUATION géologique. 5. Entre Berny et Martussol, commu- ne de Montels. 6. Les Rames, près Montels. 7. Sur un petit tertre àl’E. de Carbourat, commune de Ri- mon. 8. Lacour , sur les bords du Sallat. 1. Dans des schistes siliceux très-méta- morphiques, au voi- sinage des granités porphyroïdes de Quérigut. 2. Dans les schistes ardoisiers siliceux à minerais de fer, au voisinage des griottes dévonien- nes. 3. Dans les schistes siluriens, au con- tact des gneiss et pegmatites. 4. Dans les schistes ardoisiers et pyri- teux siluriens, sup- posant au N. les grès bigarrés et li- mités à l’0. par les calcaires dévoniens, à l’E. ; par le gra- nité aréniforme de la Bargnillière. 5. Dans les schistes terreux supportant les grès bigarrés. 6. Dans les schistes terreux anciens, au voisinage des grès bigarrés. 7. Dans les assises supérieures des schistes terreux an- ciens, au voisinage du grès bigarré. 8. Au point de jonc- tion du granité, gneiss, silurien in- férieur, dévonien, lias inférieur, lias supérieur, calcaire à Dicérates. ETENDUE. 1. Un seul affleure- ment Longueur, 10 m. Largeur, 1 m. Surface totale, 10 mq. 2. Longueur E. 0.,j 1000 m. Largeur N. S., 100 m. Surface totale, 10 hect. 3. Longueur S. N.,| 200 m. Largeur E. O., 50 m. Surface totale, 1 hect Longueur E. O., J 2250 m. Largeur N. S., 300 m. Surface totale, 67 hect. 50 ares. 5. Longueur E. O., 200 m. Largeur N. S., 50 m. Surface totale, 1 hect. 6. Longueur E. O., 600 m. Largeur N. S,. 100 m. Surface totale,- 6 hect. 7. Surf. totale, 20 ares 8. Formation circu-| laire, dont le dia- mètre est environ | 300 m. Surface totale, 6 hect. 50 ares. IV. Silurien supérieur. L’étage du terrain silurien supérieur est formé dè calcaires et calcschistes gris esquiileux, bleuâtres, assez souvent cris- talloïdes ; à son intérieur se développent parfois des couches amygdalines donnant des marbres griottes, comme dans les 42 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868» montagnes de Montferrier, vallée de l’Ariége, de Couüens et pont de la Taule, vallée du Sallat. Les minéraux et filons métalliques y sont très-communs, et la formation peut mériter le nom de calcaire métallifère ; dans le bassin de l’Ariége, elle présente de nombreux amas de mi- nerai de fer carbonaté ou hématite brune et rouge ; dans celui du Sallat, elle est riche en affleurements variés de galène, blende, pyrites de fer et de cuivre, liés à des filons quartzenx. Ce calcaire est généralement séparé des roches primitives par une bande plus ou moins puissante de schistes anciens, et les phénomènes de métamorphisme y sont moins fréquents que dans les schistes ; cependant, sur les quelques points où il approche des granités et gneiss, il s'imprégne de minéraux magnésiens ; il devient cristallin, parfois dolomitique, et pré- sente parfois de très-belles cristallisations d’amphibole verte en cristaux allongés, imprégnant toute la masse et donnant à certaines roches l’aspect des dolomies amphiboliques de St-Gothard ; de beaux exemples de cristallisations de cette na- ture se rencontrent dans le petit massif calcaire qui repose sur les micaschistes à la carrière de talc située au pied du pic de St-Barthélemy, Dans les montagnes d’Orlu, quelques bancs calcaires 'de cet étage sont enclavés dans le granité ; vers l’étang de Naguille, ils sont transformés en marbre saccharoïde, très-cristallin, avec cristaux d’amphibole. En général, le voisinage du granité développe dans le cal- caire ancien des amas dolomitiques plus ou moins puissants, au milieu desquels apparaissent des minéraux variés, tels que î amphibole trémolite et actinote, le grenat, comme dans les calcaires du port de Paiîhès, canton de Quérigut, l’épidote, les macles, le mica, le talc, la stéatite, etc. Certains bancs schisteux compris dans les calcaires anciens, comme aux environs des eaux minérales d’Àuius, deviennent durs, compactes, prennent un aspect cristalloïde à la loupe et présentent une pâte feldspathique avec cristaux d’amphibole veite, ces bancs à apparence porphyroïde affleurent réguliè- rement sur de grandes étendues de l’est à l’ouest avec plu- siems mètres d épaisseur en concordance parfaite de stratifi- cation avec les couches encaissantes. Siii quelques points, dans le voisinage d’affleurements nié- ta îques, comme à la’ mine de fer du Sourd, près Celles, vallon Uv o rut-Paul , on trouve dans les salbandes qui séparent la NOTE DE M. MUSSY. 43 roche clu minerai de l’amphibole verte fibreuse en petits amas irréguliers. Les affleurements ophitiques d’une certaine étendue sont rares dans cet étage; l’ophite même pur n’affleure nulle part. Dans le canton de Quérigut les calcschistes, riches en petits af- fleurements cuivreux, présentent au nord de Rouze une for- mation gypseuse tout à fait identique avec celles qui, d’habi- tude, accompagnent les ophites, et qui doit naturellement leur être rapportée. 1° Gypse de Rouze. Cet affleurement gypseux est enclavé dans des calcaires verdâtres et quelques bancs schisteux, qui parfois sont graphiteux et pyriteux, comme aux sources miné- rales d’Usson ; le gypse est cristalloïde, laminaire comme les gypses ophitiques , contient des pyrites de fer en petits grains et est accompagné par des argiles vertes et rouges ; il est exploité pour les besoins delà localité; Le tableau suivant précise sa situation : NATURE. SITUATION géographique. SITUATION géologique. ÉTENDUE. 1. Formation gyp- S seuse analogue à ! celles qui accorn- 1 pagnent les roches B ophitiques. i. À 2 kilomètres du gNord de Rouze, canton de Quérigut. 1. Enclavée dans les calcschistes du si- lurien supérieur, non loin du granité de Quérigut. 1. Longueur, E. 0., 200 m. Largeur S. N., bO m. Surface totale, 1 hect. Y. Calcaire dévonien. Le terrain dévonien est formé de calcaire gris bleuâtre, de calcschistes amygdalins et, par places, de schistes rougeâtres et violacés, plus ou moins ferrugineux ; il présente rie belles assises amygdalines à Nautiles exploitées pour marbre. Les minéraux, moins communs que dans l’étage précédent, s’y rencontrent assez fréquemment en petits amas irréguliers rarement exploitables ; on y trouve de la baryte sulfatée, du manganèse, du fer oligiste compacte, de la galène, du cuivre pyriteux et parfois des hématites abondantes et du fer ma- gnétique, comme à Alzein. Cet étage ne se voit pas en contact avec le granité et autres roches primitives, et les phénomènes de métamorphisme y 44 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. sont assez rares ; au voisinage des grès bigarrés, il présente quelques amas de baryte sulfatée en masses irrégulières, et les roches encaissantes sont plus ou moins minéralisées et impré- gnées de minerais métalliques, tels que galène, cuivre gris et pyriteux en mouches. Les roches ophitiques sont rares dans cette formation ; je n’ai guère pu y constater que deux petits amas dans le calcaire dévonien d’Alzein, en relation avec un gisement de feroxydulé magnétique et pyriteux, et compris au voisinage de la bande de schistes anciens qui tient dans l’Ariége la place du terrain houiller. 1° Diorïte compacte d'Alzein. — Sur la lisière septentrionale des assises dévoniennes du plateau d’Alzein, au pied de l'an- cienne chapelle du Baoux, sont deux amas de diorite compacte et cristalloïde ; le mélange de feldspath et d’amphibole est as- sez intime; l’ensemble est vert foncé et a une cassure inégale et grenue; il est dur, non décomposé; au contact de l’un de ces amas et des calcaires dévoniens est un assez beau gisement de fer oxydulé magnétique de 2 mètres d’épaisseur séparé des calcaires par un banc pyriteux d’un demi-mètre ; le second amas ophitique ne paraît pas contenir de minerais métal- liques; mais dans le voisinage est une mine de fer assez im- portante formée de fer carbonaté et d’hématite, connue sous le nom de Y ancien minier . Le tableau suivant précise les faits : NATURE; SITUATION géographique. SITUATION géologique. ÉTENDUE. i. Diorite compacte d’Alzein avec py- rites et fer magné- tique. 1. Au pied N. de la chapelle du Baoux. 1. Dans les assises su- périeures du cal- caire à Nautiles, non loin des schis- tes anciens, tenant la place du terrain houiller. 1. Deux petits affleu- rements ayant 30 m. de diamètre. Surface totale , 1 are. 50 mq. VI. Grès bigarré. Le grès bigarré est tantôt rouge, tantôt gris clair ou formé de giains tins de quartz agglutinés par un ciment rouge argilo- ferrugineux ; parfois le ciment argileux domine et la roche NOTE DE M. MUSSY. 45 passe à un schiste violacé feuilleté ; le mica est fréquent, dis- séminé en paillettes dans toutes les variétés de grès ; le grès bigarré est souvent accompagné de poudingues ou conglomé- rats rouges à galets quartzeux blancs, qui donnent à la roche l’aspect porphyroïde ; ces poudingues dominent dans le trias du bassin du Lez, aux environs de Sentein et Saint-Lary. L’é- tage est fréquent en minéraux très-abondants et variés, tels que la baryte sulfatée en puissants filons avec cuivre gris carbo- naté et pyriteux ; le fer oligiste et le manganèse y forment d’importants amas. 1° Diorite compacte de Courderouech. — Les roches opbitiques sont très-rares dans cet étage; je n’ai eu l’occasion de constater qu’un seul amas de cette nature à l’extrémité des poudingues porphyroïdes du trias au fond de la vallée de Saint-Lary, près du hameau de Courderouech, compris dans les poudingues au contact de calcscbistes du lias supérieur qui forme tous les hauts coteaux de cette région ; il est constitué par une diorite compacte à cristallisation grenue; sur ses bords il a une ten- dance à se décomposer et à passer à une diorite grossière un peu terreuse. Sa situation est indiquée par le tableau suivant : NATURE SITUATION géographique. SITUATION géologique. ÉTENDUE. i. Diorite compacte. i. Courderouech, près Saint-Lary, vallon du Rouech, à 2 ki- lom. en amont de Saint-Lary. 1. Dans les poudin- gues du grès bi- garré, au contact des calcschistes ba- siques. 1. Longueur N. S., 150 m. Largeur E. 0, 50 m. | Surface totale, 75 ares. 1 VII. Marnes irisées. L’étage des marnes irisées s’étend sur la route de Foix à St-Girons, depuis le col del Bouich jusqu’au bord du Sallat, près Eycheil, en plateaux légèrement ondulés au pied des co- teaux de grès bigarré ; sa puissance assez grande atteint par- fois plus d’un kilomètre vers Labastide de Serou. Dans toute cette étendue se développent dans les marnes des amas de roches ophitiques presque toujours plus ou moins décomposées, dont l’ensemble paraît orienté de l’est à l’ouest 46 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. comme les assises des marnes encaissantes ; vers l’est, les ophites paraissent se rapprocher du contact des marnes et calcaires dolomitiques du lias ; au centre, ils occupent indis- tinctement toute la formation des marnes irisées, qui parfois est réduite à quelques bancs peu épais ; vers l'ouest ils se concen- trent dans les couches inférieures, au voisinage des grès bigarrés. Les ophites presque toujours décomposés, transformés par- fois en terres jaunâtres ocreuses et magnésiennes, sont accom- pagnés dans ce parcours d’argiles bariolées vertes et rouges, renfermant de fréquents gisements de gypse cristallin et fi- breux en nids irréguliers, peu puissants, rarement exploités. Les masses sont souvent fissurées, et les fentes minées sont remplies de minéraux variés, tels que spath, calcaire fibreux, stiibite en filets de plusieurs millimètres d’épaisseur avec cas- sure rayonnée, entrelacée et couleur blanc grisâtre tirant sur le vert ; parfois l’ophite est globuleux, composé de blocs arrondis, alignés en couches régulières parallèles aux marnes du voisinage et enclavant des galets ronds calcaires orientés comme les blocs ophitiques. Sur un assez grand nombre de points, la masse présente des gisements de fer oxydulé magnétique en filons irréguliers, de puissance variable depuis quelques centimètres jusqu’à lm50 ; ces filons, transverses de la direction générale des ophites, persistent peu en direction et profondeur et s’entre-croisent en tous sens; ils sont très-communs au centre de la formation ophitique près Ri mont. D’autres fois se présentent en nids et amas très-discontinus des minerais de fer d’autre nature, tels que des fers hydroxy- dés compactes, des hématites brunes géodiques, des terres noires ferrugineuses etmanganésifères, dont les débris épars à la surface du sol recouvrent la superficie de la formation, comme à Mazères, près Labastide-de-Serou. Les formations ophitiques du trias sont des plus importantes; elles occupent une assez vaste surface ; les principales sont les suivantes : 1° Terres ophitiques de Mazères. — Tout le plateau élevé, voi- sin de Labastide-de-Serou, compris entre ia métairie de la Beuze à 1 ouest, la tour de Loly à l'est, qui domine le vallon de la Laujole et comprend les métairies de Roulastech, Ma- zères et Ruffat , est formé de terres argileuses jaunâtres, ocreuses, paraissant le produit de la décomposition de roches NOTE DE M. MUSSY* 47 ophîtiques souterraines. Cette décomposition paraît presque complète ; l’élément magnésien se révèle en rares cristaux d’am- phibole et s’est transformé lui-même en terres douces au tou- cher, onctueuses et magnésiennes ; l’ensemble est du reste iden- tique avec les wakes terreuses qui accompagnent les affleure- ments ophitiques du même étage vers Rimontet Ségalas, et où il est possible de passer par degrés insensibles depuis Pophite grenu et cristallin jusqu’à la terre simplement argileuse où l’é- lément magnésien se dénote par l’onctuosité du toucher. Au milieu de ces terres apparaissent un très-grand nombre de petits amas irréguliers de minerai de fer, notamment aux en- virons de Mazères et de la Beouze; le minerai est formé de fer hydroxydé compacte ou cristallin, hématite brune géodique en rognons de belle qualité, hydroxydé terreux souvent très-man- ganésifère; ces amas atteignent rarement plus de 3 à 4 mètres de puissance en toutes dimensions et ne pénètrent pas en pro- fondeur. Tous les ruisseaux qui descendent des sommets de cet amas ophitique au sud et au nord passent de temps immémorial pour aurifères ; dans leur lit on trouve des paillettes d’or mé- langées à des débris sableux de minerai de fer ; les principaux sont ceux de Tarol sur le versant septentrional et ceux de la Beuze et Ruffat au sud. Comme je l’ai fait observer dans la première partie de cette note, on peut considérer les ophites de cette région et surtout les minerais de fer qu’ils encaissent comme la roche mère des gisements aurifères constatés dam le lit de l’Ariége, du Sallat et des ruisseaux voisins dans leur traversée de la formation du poudingue de Paîassou ; cet amas considérable est à peu près circulaire et a plus d’un kilomètre de diamètre. Un peu au sud de cette formation ophitique, les marnes irisées qui s’étendent au pied pour constituer le plateau de la Laujolle présentent plusieurs gisements de gypse rouge et cristallin dont les relations avec i’ophite sont incertaines, no- tamment prèsLabastide-de-Serou, aux métairies desAndreaux, des Cotes et au pont de Labastide ; un peu à l’ouest des An- dreaux sourd des marnes gypseuses une source salée de faible débit, dont la teneur saline est peu considérable, mais se re- connaît bien franchement au goût. 2° Diorite grossière avec wakes terreuses de Vie et de Ségalas. • — * Un peu au delà, à l’ouest deLabastide-de-Serou, se développe, à la partie supérieure des marnes irisées, près des couches 48 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. du lias, un long affleurement d’ophite grossier et terreux qui, partant de Vie, s’étend sur près de 4 kilomètres jusqu’au delà de Ségalas avec une puissance de près de 200 mètres ; vers l’ouest il se termine en se bifurquant en deux branches re- coupées parla route de Ségalas à Castelnau-Durban. La roche est rarement cristalline ; dans ce cas elle est gris verdâtre, un peu foncée, passant au brun rougeâtre ; sa cassure est inégale, terreuse, et présente de petites cavités remplies d’ocre ou d’argile ; elle appartient à la variété des diorites et est formée d’un mélange de feldspath presque toujours plus ou moins altéré, de cristaux d’amphibole verdâtre mieux con- servée ; le plus souvent elle est presque complètement décom- posée et transformée en terres argileuses et ocreuses avec cris- taux d’amphibole vert clair épars dans la masse. Par places la décomposition de l’amphibole est commencée et la roche passe à des terres onctueuses au toucher et magnésiennes ; la dio- rite grossière domine vers l’est à Vie, à Ségalas ; l’ophite est presque toujours altéré et formé de terres argileuses, ocreuses et parfois magnésiennes. Sur plusieurs points, entre autres à Vie, sur la route près Ségalas, on voit les assises ophitiques orientées régulièrement suivant la direction O 25° à 20° S en stratification régulière et concordante avec les couches de schistes argileux rouges ou verts qui les enclavent et appartiennent aux marnes irisées ; parfois il y a passage insensible de l’ophite en bancs indistincts à la marne ordinaire par des wakes ophitiques pseudostrati- fiées et globulaires, dont les blocs arrondis sont orientés sui- vant les strates et enclavent des galets calcaires, comme à Ségalas. Sur la lisière septentrionale de l’ophite vers Vie, les cal- caires du lias du contact sont formés d’une dolomie très- grossière et caverneuse, grenue, rugueuse, sans strates dis- tincts, et souvent siliceuse; la dolomie empâte fréquemment des blocs d’ophite, et le contact est fait par des produits com- plexes en forme de poudingue mélangé d’ophite globuleux, dolomie caverneuse et silice en éponges. Dans la même région sous Vie, on a constaté quelques petits amas de gypse passant comme toujours à l’ophite par des marnes fortement colorées, rouges et vertes, où se divisent en ramification irrégulière des filets de gypse blanc toujours un peu fibreux. 3° Diorite grossière de RimonU — L’ophite grossier et ter- NOTE DE M. MUSSY. 49 reux du trias, un moment interrompu sous Ségalas, ne tarde pas à apparaître un peu au delà vers l’ouest, au nord de Cas- telnau-Durban, et tout d’abord il occupe les assises supérieures des marnes irisées au voisinage des calcaires dolomitiques du lias ; il s’étend dès lors régulièrement vers l’ouest sur près de li kilomètres sans interruption, depuis la métairie de Lespy, près Castelnau, jusqu’au hameau deTéoule, près Baliar, par le Coulomé, Riinont, la Serre, la Tour-du-Baup et Picarets ; sa puissance un peu variable atteint parfois 600 et 800 mètres; en moyenne elle est de 500 mètres. Vers son centre à Rimont elle occupe presque toute la largeur des marnes irisées et ne laisse que quelques bancs schisteux terreux, fortement colorés, tan- tôt à son centre, tantôt sur ses bords. Au delà, vers l’ouest, elle tend à diminuer de puissance, se rapproche du grès bigarré; parfois elle se bifurque en laissant voir à son centre entr’ou- vert des marnes ordinaires bariolées, comme vers la Tour-du- Baup. Dans ce parcours la roche est parfois dure, cristalline, comme les diorites ordinaires, surtout dans sa région occi- dentale vers Lescure, Picarets, Teoule sur les bords du Baup ; le plus souvent la roche est décomposée, transformée en terres jaunâtres ocreuses, où cependant les cristaux d’amphi- bole sont bien visibles et peu altérés au milieu de la pâte feldspatbique jaunâtre, comme aux environs de Rimont et Castelnau, sur le versant de la rivière de Castelnau. L’opbite décomposé de Rimont est recoupé de fissures qui se recoupent et s’entre-croisent en tous sens, et il est difficile d’y apercevoir une apparence de stratification ; il en est de même des diorites fissurées de Lescure, visibles sur le bord de la grande route de St-Girons, qui apparaissent bien cristallines, sans orientation nette. Les fissures sont souvent remplies de spath calcaire et de stilbite. Au quartier du Coulomé, qui domine en petite butte l’an- cienne route de Castelnau à Rimont, affleure un filon irrégulier de fer oxydulé magnétique dirigé 0 40° N, oblique à la direc- tion générale de la formation et enclavé dans des terres ophi- tiques très-décomposées, onctueuses au toucher et magnésien- nes ; ce filon plonge de 35 à 50° au nord-est, a une puissance variable de ûm 50 à lm 50, et a été reconnu par quelques travaux sur une trentaine de mètres en étendue. Plus loin, à 200 mètres à l’est, est dans les mêmes conditions un filon de fer magnétique de même nature, mais moins puissant, Soc. géol.j 2e série, tome XXVI. 4 so SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. et des traces noirâtres révèlent à la surface une série minérale presque continue entre les deux filons. Vers l'ouest, des traces de minerai de fer se continuent avec quelques centimètres depuissance jusqu’au delà de Rimont, et Tune d'elles est même bien visible dans le fossé de la grande route qui descend de Rimont à Lescure. Cette grande formation ophitique est accompagnée fréquem- ment sur son pourtour de marnes rougeâtres et verdâtres for- tement colorées, avec gypse fibreux, qui passent à des gisements gypseux notables ; on a constaté un bel amas de cette roche largement cristalline sur le bord de l’ancienne route de Cas- telnau à Durban ; des traces gypseuses apparaissent également au contact nord de l’ophite, à la descente de Rimont à Les- cure. A l’extrémité de la formation, vers Teoule-de-Raliar, est une carrière de gypse roux fibreux exploité» Ces gypses ne sont pas cristalloïdes laminaires et imprégnés de pyrite de fer, comme les gypses ordinaires des ophites ; ils sont largement fibreux et cristallins, comme ceux des environs de Labastide compris dans les marnes irisées dont les relations avec les ophites sont incertaines, malgré leur très-grande proximité. 4° Diorite grossière de Lort. — Au nord du long affleurement ophitique de Rimont et sous le hameau de Lort, entre Lescure et Balier, est au bord de la grande route un petit affleurement de diorite grossière verdâtre assez cristalline, décomposée à la surface, et sur ses bords transformée en wakes terreuses ; elle est identique avec celle de Rimont. 5° Diorite grossière de Paletes. — En remontant la rive droite du Sallat en amont de Saint-Girons, on recoupe les marnes irisées et de petits amas de calcaire dolomitique du lias, criblé de cellules, caverneux et carié, plus ou moins pénétré de si- lice. Sous la métairie de Paletes, qui domine de quelques mètres le Sallat, est un affleurement ophitique à peu près cir- culaire, au contact des marnes irisées et des calcaires ba- siques; la roche appartient à la variété dite diorite grossière, d’un gris verdâtre passant le plus souvent au brun rougeâtre; le feldspath est altéré, brun terreux ; l’amphibole s’y dessine net- tement en cristaux vert clair. Par places et sur le pourtour la roche est presque complètement transformée en arènes ter- reuses et ocreuses, dont la distinction des marnes est parfois assez difficile à définir. Cette formation a la plus grande ana- logie avec les ophites de Rimont et de Lescure. 6° Diorite grossière d’ E y cheii. — Sur l’autre versant du Sallat, NOTE DE M. MUSSY. 51 en face de Paletes, apparaît également sous Eycheil un amas moins étendu de diorite grossière brun rougeâtre, accompagné d’arènes terreuses, tout à fait identique avec le précédent et placé au point obvient mourir la formation du trias, pour ne reparaître que beaucoup plus à l’ouest et au sud dans le bassin du Lez, près Sentein ; cette diorite est comprise dans les marnes irisées au pied d’un coteau de grès bigarré, qui se termine au même lieu. Dans le voisinage les grès renferment de gros filons quartzeux avec traces de minerais cuivreux, cuivre carbonaté et pyriteux, pyrite de fer, quartz, ocre, etc. Le trias disparaît en reposant sur les griottes dévoniennes. Le tableau suivant résume les conditions de divers amas ophitiques des marnes irisées. 1 1 » 11 ■— NATURE. i. Terres ophitiques de Mazères, avec rainerais de fer. 2. Diorite grossière de Yic et de Séga- ias, avec gypse. 3. Diorite grossière de Rimont, avec gypse et fer magné- tique. 4. Diorite grossière de Lort. 5. Diorite grossière de Paletes. 6. Diorite grossière d’Eyoheil. SITUATION géographique. 1. De la Beuze à la Tour de Loly,. de Labastide de Serou à Suzan. 2. Do Vie à Ségalas, entre Labastide et Gastelnaù-Durban. 3. De Castelnau à Ba- liar, par Lespy, le Côulomé, Riiaont, la Serre, la Tour de Baup-Teoule. 4. Lort, entre Lescure et Baliar, sur le bord de la route. 5. Paletes, près Saint- Girons, sur le che- min de Rivernert, rive droite du Sal- lat. 6. Eycheil, près Saint- Gifons, rive gauche du Sallat. SITUATION géologique. 1. Dans les assises su- périeures des mar- nes irisées, à leur contact avec le lias inférieur et le lias dolomitique. 2. A la partie, supé- rieure des marnes irisées, dans le voi- sinage du lias do- lomitique. 3. Enclavée dans les marnes irisées, dans presque toutes les assises; à l'E., au contact du lias; à l’O., au contact du frès bigarré. )ans les assises su- périeures des mar- nes contre le lias dolomitique. 5. Au contact des marnes irisées et du calcaire dolomi- tique du lias. 6. Dans les marnes irisées, au voisinage des griottes dévo- niennes. ÉTENDUE. 1. Longueur E. O., 1500 m. Largeur N. S., 1000 m. Surface totale, 1 myr. 50 hect. 2. Un affleurement divisé en deux bran- ches presque paral- lèles. — Longueur E. O., 4000 m. Largeur N. S., 200 m. Surface totale, 80 hect. 3. Longueur E. O., 11000 m. Largeur N. S.. 500 m. Surface totale, 5 myr. 50 hect. 4. Longueur E. O., 200 m. Largeur N. S., 50 m. Surface totale, 1 hect. 5. ; Affleurement cir- culaire de 300 m. de diamètre. Surface totale, 6 hect. 80 a. 6. Longueur E. O., 150 jpa. Largeur, N. S., 40 m. Surface totale, 60 ares. SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. 52 VIII. Lias inférieur. Le lias inférieur est formé de schistes terreux, de calc- schistes plus ou moins argileux, coquilliers, à deux bancs fossi- lifères distincts, de poudingues, brèches et calcaire marneux ; il n’est jamais en contact avec les roches primitives, ne pré- sente nulle part de traces métamorphiques et ne révèle au jour aucun affleurement ophitique. IX. Lias supérieur. L’étage du lias supérieur est principalement calcaire et do- lomitique ; il affecte deux faciès distincts suivant qu’il est compris entre les divers bassins sédimentaires de la montagne enclavés dans les massifs primitifs ou qu’il repose au nord du plateau ancien du centre du département ; dans les deux cas il est toujours très-dolomitique, celluleux, tantôt gris clair, tantôt rosâtre ou bleuâtre, parfois noirâtre, et les couches su- périeures sont bréchiformes et très-caverneuses ; la stratifica- tion est souvent difficile à reconnaître, les bancs sont puissants. La dolomie est souvent siliceuse ; la silice domine parfois, et la roche passe à un sable blanc pur ; dans les régions situées en avant du plateau ancien, la dolomie est toujours très -cris- talline, en petites lamelles très-brillantes à l’éclat du soleil, et n’affecte jamais l’état saccharoïde et 'marmoréen. Dans les divers bassins sédimentaires du centre des montagnes, le lias s’adjoint des bancs de calcaires cristalloïdes et calcschistes non dolomitiques, et passe fréquemment à un calcaire saccharoïde et marmoréen, qui n’est dolomitique que par exception. Les amas ophitiques sont très-rares dans la première va- riété du lias ; tout au contraire, le lias saccharoïde et marmoréen des montagnes présente en très-grand nombre les plus belles variétés d’ophites des Pyrénées, et notamment la lherzolite pure. Ces roches sont principalement concentrées dans les bassins de Vicdessos, Aulus et Seix, et, pour préciser les faits, je me contenterai d’indiquer les allures et la manière d’être du lias de cette région qui encaisse les opbites. Ce lias comprend trois sous-étages distincts, dont les deux extrêmes, constitués par des calcaires plus ou moins cristallins, NOTE DE M. MUSSY. Kl C\ DO renferment à leur centre une série principalement schisteuse. Cette division n’est guère applicable qu’au canton de Vicdes- sos ; plus loin à l’ouest, vers Aulus et Seix, les assises saccha- roïdes supérieures seules persistent et représentent presque tout le lias. L’assise inférieure du lias où ont été constatés les fossiles, tels que Peignes, Térébratules, Bélemnites, polypiers, qui ont servi à Dufrénoy pour la classer, est formée de calcaire gris bleuâtre, esquilleux et cristalloïde, imprégné de grains de pyrite de fer; elle présente quelques amas irréguliers dolomi- tiques et renferme les riches gisements de minerai de fer des concessions de Rancié et de Lercoul, accompagnés dans leur pourtour d’une certaine auréole de calcaire spatbique large- ment cristallin avec fer carbonaté pauvre, de calcaire saccha- roïde blanc avec pyrites et grains de fer carbonaté et calcaire grenu rougeâtre métallifère. Le second sous-étage, à physionomie essentiellement schis- teuse, est composé d’assises alternantes de schistes argileux, calcaires marneux noirâtres, de poudingues et brèches à ci- ments et fragments calcaires ou marno-calcaires ; les assises schisteuses sont parfois carburées et fortement ployées ; l’en- semble est fréquemment recoupé de filons irréguliers de spath calcaire. La série liasique supérieure, qui contient la masse des af- fleurements ophitiques, est constituée par un calcaire saccha- roïde et marmoréen blanc ou légèrement coloré en gris et rosâtre. Il affecte l’apparence d’un marbre blanc, mais est im- prégné de grains siliceux qui la plupart du temps en empêchent le poli; il devient doîomitique au voisinage des ophites. Au calcaire sont subordonnées par places des brèches jaune nankin susceptibles de donner de beaux marbres, formées de fragments anguleux de dimensions variées, tantôt calcaires jaunes plus ou moins cristallins, tantôt schisteux bleuâtres avec ciment calcaire saccharoïde; ces brèches sont surtout très- bien développées dans les bassins de Vicdessos et d’Aulus, au pourtour des amas ophitiques. Entre Suc et Saleix, le calcaire saccharoïde donne parlefrof- tement une odeur d’hydrogène sulfuré ; à la Bousche, près Yicdessos, à l’Escourgeat et à Montbea, il est phosphorescent. Du côté d’Estou, il est veiné de couleurs variées et donne des marbres ; sous le château de Mirabat près Seix , il est noir et contient quelques assises schisteuses. 54 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Vers l’extrémité occidentale du canton de Vicdessos, à Si- guer, le calcaire saccharoïde diminue de puissance et s’associe des calcaires gris bleuâtres cristalloïdes, et même par places des calcschistes noirâtres. Au delà, dans la vallée del’Ariége, il se développe de nouveau dans le bassin secondaire de Ta- rascon avec sa structure ordinaire saccharoïde, celluleuse et marmoréenne ; il s’amincit en montant l’Ariége pour affleurer sur une très-vaste étendue à Prades-de-Montailhou, où il va former au pied méridional de la haute chaîne de Saint-Barthé- lemy tout le sol du haut plateau du pays de SaulL Dans les bassins de Vicdessos et d’Aulus le calcaire saccha- roïde forme la masse des hautes crêtes calcaires qui séparent les vallons de Suc et de Saleix dans le canton de Vicdessos, les crêtes de Montbea, les pics compris entre les rivières d’Aulus et d’Ustou, canton d’Oust, et au delà vont mourir au fond du vallon des Bints, près Seix. Au delà le lias supérieur, avec une structure plus ou moins cristalloïde, réapparaît entre le Sallat et le Lez ; mais il est ra- rement saccharoïde et reste pauvre en amas ophitiques. Les minéraux étrangers et magnésiens sont fréquents dans cet étage, surtout au voisinage des ophites et des roches primi- tives, avec lesquelles il est fréquemment en contact. La présence de l’ophite très-souvent compris dans le cal- caire saccharoïde au voisinage du granité développe dans les calcaires voisins des dolomies très-cristallines, des cristaux d’amphibole verte en fines aiguilles empâtées dans les dolo- mies, des couséranites en plus ou moins grande abondance ; le granité du voisinage est toujours plus ou moins modifié et transformé en syénite par la substitution de l’amphibole au mica; cette modification des roches encaissantes, due à la présence de l’ophite, est des plus remarquables et est surtout bien apparente au centre de la formation près l’étang de Lhers; elle se voit bien également sur plusieurs points du can- ton de Vicdessos entre Suc et Saleix, à l’Escourgeat et ailleurs, à Aulus, à la Soumere, entre Seix et Alos, dans le vallon de Moulis, et à l'autre extrémité du département, vers Prades, ri- che en beaux affleurements de lherzolite. Le quartz est disséminé presque partout dans la masse en grains, rarement en cristaux. La pyrite de fer est très-commune presque partout. L’épidote se rencontre en niasses vertes ou j couleur fleur de pêcher au voisinage des ophites, vers l’étang de Lhers, à la NOTE DE M. MUSSY. 55 fontaine de Neupont, près Aulus, à la Trappe qui conduit à Us- tou, à la montagne de Geu. Le talc se voit en petites lames dans les calcaires de Suc, Ercé et Castillon. La couséranite noire ou verdâtre est disséminée un peu par- tout ; elle est surtout commune au fond du vallon de Saleix, à la Trappe, à Geu et à Mirabat, près le pont de la Taule. Les roches ophitiques du lias supérieur appartiennent pres- que toutes à la variété connue sous le nom de lherzolite, dont le type a été découvert tout d’abord à l’étang de Lhers, situé à la limite des cantons de Vicdessos, Massat et Oust. Depuis peu de temps les éminents travaux de M. Daubrée sur les météorites ont révélé une analogie de composition re- marquable entre les météorites et la lherzolite des Pyrénées, qui a été reconnue pour être un mélange de péridot vert clair com- pacte et de pyroxène cristallin appartenant aux deux variétés dites diopside etenstatite; la masse est fréquemment recoupée l’étang de Lhers par de petits filons de pyroxène pur, largement cristallin. La roche est généralement dure, brusque sous le marteau et se casse en fragments irréguliers et anguleux; elle se décompose superficiellement et présente souvent un enduit pulvérulent de couleur ocreuse, formé d’une pâte terreuse jaune ou rougeâtre, au milieu de laquelle se détachent en belle couleur vert clair les cristaux de pyroxène, dont la teinte a été pâlie. La lherzolite contient fréquemment des cristaux d’amphibole lamelleuse, du talc et de la stéatite vert clair à surface lisse et éclatante, indiquant un frottement de la roche sur elle-même, et passe parfois à la serpentine; cette circonstance est surtout remarquable dans les ophites de Bernadouze et del’Escourgeat, vallon de Suc ; parfois, dans les fissures qui la traversent en divers sens, la lherzolite présente quelques nids d’asbeste fi- breux et du spath calcaire ; à son contact avec les roches pri- mitives sont quelques amas de fer oligiste quartzeux et com- pacte. La lherzolite se décompose parfois à une certaine profondeur et donne des wakes terreuses passant du gris verdâtre clair ou foncé au brun rougeâtre et noirâtre; la roche prend un aspect plus ou moins globulaire, parfois bréchoïde, comme à l’Es- courgeat, à la crête de Berquié et à Fontanabouche, près Vic- dessos, où des ophites moins altérés se détachent en blocs ar- rondis ou fragmentaires au milieu de wakes terreuses qui ne ,% SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. sont autres que la même roche presque entièrement décom- posée. Les principaux gisements ophitiques du lias supérieur sont les suivants : 1° Lherzolite de Prades. — Tout le haut plateau de Prades et du pays de Sault est formé par le calcaire liasique plus ou moins saccharoïde et marmoréen, généralement blanc et strati- fié en grands bancs presque horizontaux avec de nombreuses ondulations en divers sens ; à ce calcaire sont associés fré- quemment de belles brèches jaune nankin ou de couleurs variées, qui dans le ravin de la Frau donnent de très-beaux marbres. Au nord-ouest de Prades apparaissent quelques petits pitons dominant le plateau élevé calcaire, dont la masse est formée par une très-belle lherzolite largement cristalline ; à leur con- tact le calcaire est complètement blanc, très-saccharoïde et di- visé en assises plates et minces plus ou moins ondulées ; par- fois il s’imprègne de cristaux de couseranites. Ces affleurements de lherzolite sont assez considérables et forment la serre qui sépare le plateau de Prades du ravin de l’Ourza, le pic de Géralde et de petits pitons situés au sommet des ravins de Boudigous et du Basquy. Ces gisements ophitiques sont tous assez éloignés des roches primitives, telles que granité, gneiss et pegmatites. 2e Lherzolite d'Appy. ■ — Un peu au nord d’Appy, canton des Cabannes, au contact du lias et des granités de Tabes, est un pointement de lherzolite en relation avec des calcaires saceha- roïdes et des brèches jaune nankin avec couseranites; sur son pourtour la roche est altérée et passe à des arènes ter- reuses; ce pointement est assez étendu. 3° Lherzolite de Ste-Tanoque de LercouL — A la croix de Saint- Tanoque, coteau qui domine à l’ouest le village de Lercoul, est, au contact d’un granité syénitique et d’un calcaire blanc sac- charoïde associé à de très-belles brèches jaune nankin, un af- fleurement circulaire assez considérable de lherzolite large- ment cristalline, analogue à la roche de l’étang de Lhers. 4° Dionte schisteuse ducol de Rancié .--La lherzolite deSainte- lanoque est en relation avec le calcaire saccharoïde qui con- stitue 1 étage supérieur du lias ; elle est transverse aux couches; en allant de Ste-lanoque au col de Rancié vers l’ouest, l’ophite pénètre insensiblement dans l’étage schisto-calcaire moyen du lias de Vicdessos, et en même temps il prend une structure NOTE DE M. MUSSY. 57 tout à fait différente ; il perd l’apparence lherzolitique pour passer à une véritable diorite schisteuse ; la roche est stra- tifiée en bancs minces et réguliers concordant avec les schistes encaissants; dans leur voisinage elle passe insensible- ment à de simples schistes argileux, verdâtres, satinés et ar- doisiers. L’influence du milieu encaissant sur la nature de l’ophiteest des plus remarquables; l’ophite devient lherzolite dans les cal- caires saccharoïdes marmoréens et reste diorite dans les argi- les, schistes et ealcschistes non cristallins. La diorite du col de Rancié est formée d’une pâte verdâtre claire, feldspathique, avec cristaux d’amphibole verte plus fon- cée en fines aiguilles; elle est complètement encaissée dans l'é- tage schisto-calcaire à quelque distance du granité, dont elle est séparée par 100 ou 150 mètres de calcaire saccharoïde et de brèches jaunes. 5° Lherzolite de Sem. — Au niveau du village de Sem et à 300 mètres environ au nord, les calcaires saccharoïdes du lias supérieur présentent un petit amas très-peu apparent de lher- zolite cristallisée, légèrement altérée à la surface ; l’intérieur de la roche est dur et largement cristallin ; des brèches sé- parent l’ophite du calcaire, qui en ce point est très-saccharoïde et dolomitique; le granité est dans le voisinage. 6° Lherzolite de Berquié. — Un peu au midi de la crête de Ber- quié, qui domine en roc escarpé le village de Vicdessos, sur le passage de Sem à Goulier, est un amas de lherzolite an contact des schistes ardoisiers siluriens et des calcaires cristalloïdes, non saccharoïdes, du lias inférieur de cette région; largement cris- talline vers le calcaire basique, elle s’altère et passe à des wakes terreuses et ocreuses contre les schistes anciens ; vers le col de Rizoult ces arènes sont en contact avec un calcaire rouge métallifère, qui d’ordinaire à Rancié révèle des gise- ments de minerais de fer. Getophite se trouve en relation avec les assises les plus in- férieures de la formation basique. 7° Lherzolite de Saleix. — Un peu à droite et au-dessus du chemin qui conduit de Saleix au port d’Auîus, les calcaires saccharoïdes laissent à nu, à un kilomètre aunord-ouest du vil- lage, un petit affleurement de lherzolite cristalline qui se révèle de loin en forme de bosse en saillie sur les parois fortement inclinées et régulières de la montagne calcaire ; cette lherzo- iite est assez éloignée du granité de Bassiés. 58 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. 8° Lherzolite de Fontanabouche , près Vicdessos. Au quartier de Fontanabouche, tout près de Vicdessos, et un peu au nord, le contact du granité et des calcaires saccharoïdes est marqué par un long affleurement de lherzolite qui gravit le pendage de la montagne d’Qrus en suivant ce contact ; la roche est cris- talline, vert foncé ; elle se décompose superficiellement en donnant des arènes ocreuses et argileuses; dans le voisinage sont quelques brèches avec de rares couseranites. 9° Lherzolite de Porteteny , près Vicdessos. — A quelques mètres au sud de Pophite de Fontanabouche, on trouve au quartier de Porteteny un petit amas de lherzolite cristalline complètement enclavée dans le calcaire saccharoïde avec couse- ranites ; le granité n’est pas éloigné. 10° Lherzolite de Pladessus de Sentenac. — En suivant le con- tact du granité et du calcaire à partir de Fontanabouche, on gravit la montagne d’Orus et on atteint un petit col assez élevé où est une métairie indiquée sous le nom de Pladessus, ap- partenant au hameau de Sentenac ; en ce point, au contact des deux formations se développe un amas lherzolitique assez peu étendu, analogue à celui de Fontanabouche. 11° Lherzolite de Bernadouze et de V E scourgeat , vallon de Suc. — Au fond du vallon de Suc et sur la rive droite de la rivière de ce nom, le contact des roches primitives et du lias est indiqué par un long affleurement ophitique aux quartiers de Bernadouze et de PEscourgeat. Les roches primitives forment au-dessus du fond du vallon de petites buttes couronnées par d’assez larges plateaux occupés par Pophite ; l’ensemble est dominé parles pics aigus et escarpés du calcaire du Fraichinède. Le granité paraît séparé des ophites par une formation ré- gulière de 300 à 400 mètres de roches granitoïdes pseudo-strati- fiées, imprégnées de minerais magnésiens; on y rencontre une succession très-irrégulière, discontinue en direction, de schiste siliceux, schiste talqueux et stéatiteux, pétro-silex tacheté de talc, de micaschistes, gneiss, pegmatite etprotogyne avec nids de graphite ; les amphibolites sont fréquentes en lits indis- tincts et associées à des quartz. Laroche ophitique s’étend de l’est à l’ouest sur près de 2 kilomètres, avec une épaisseur de 160 mètres ; toute voisine des roches primitives, elle en est cependant séparée par quelques mètres de calcaire très-saccharoïde etdolomitique imprégné de cristaux d’amphibole et de couseranite. Elle se di- \i$e en deux bandes parallèles de texture différente ; celle du NOTE DE M. MUSSY. 59 nord près du granité est constituée par une belle lherzolite très-largement cristalline, vert poireau foncé, à cristaux nets parfois susceptibles d’être isolés de pyroxène noir, très- ferrugineux; sur son pourtour elle renferme quelques amas isolés, irréguliers, de fer oligiste compacte et quartzeux, qui se confondent dans l’ophite et s’y perdent insensiblement en ra- mifications s’appauvrissant en fer et passant lentement à la lherzolite. Par places, la lherzolite présente des surfaces vertes écla- tantes, douces et onctueuses au toucher, serpentineuses, qui paraissent des surfaces de frottement de la roche sur elle- même. Le seconde bande ophitique située au sud au contact du cal- caire liasique est formée de wakes terreuses ophitiques qui sont le produit de la décomposition de la lherzolite ; dans la masse aréniforme, sur divers points, apparaissent quelques filons ocreux très-discontinus et pauvres en fer. 12° Lherzolite de la Taupe -de- V Ourse. — En remontant le vallon de Suc, avant d’atteindre le col qui conduit à l’étang de Lhers, on trouve au-dessus d’une belle tourbière située au contact du granité et du lias un petit piton pointu et isolé d’as- sez belle lherzolite, avec wakes terreuses, enclavée dans les calcaires saccharoïdes et brèches jaunes ; le point est désigné sous le nom de la Taupe-de-l’Gurse, 13° Lherzolite de Montceint. — Plus loin encore, au-dessus du col de Suc et près du sommet de la crête calcaire du Montceint, est également au milieu du calcaire un pointement de lherzo- lite. 14° Lherzolite de V étang de Lhers. — Le grand massif ophitique de l’étang de Lhers, qui a donné son nom à la roche, est com- pris au sommet du vallon de Courtignou, canton de Massat, à peu près au point de jonction des cantons de Massat, Vicdes- sos et Aulus ; la lherzolite est complètement enclavée dans les calcaires saccharoïdes marmoréens du lias; mais du côté nord elle n’est séparée des roches primitives des montagnes des Trois-Seigneurs et de Montgallos que par une ceinture de quel- ques mètres de calcaire très-cristallin imprégné de cristaux d’amphibole et decouseranites, mélangé de brèches jaune nan- kin. De plus, entre les roches primitives et le lias règne entre le col de Suc et le col Dret d’Ercé, qui conduit de l’étang au hameau d’Ercé, de l’est vers l’ouest, une assise assez mince, d’une centaine de mètres au plus, et discontinue de schistes 60 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. anciens, siluriens, soyeux et satinés, métamorphisés parle voi- sinage de l'ophite et des roches primitives encaissantes. La lherzolite de l’étang sert de type à la roche ; vert foncé, largement cristalline, elle est formée d’une pâte grenue, vert clair, depéridot cristalloïde, au milieu de laquelle s’entre- croisent en grande abondance de beaux cristaux vert foncé de pyroxène diopside associés à de fines aiguilles de pyroxène appartenant à la variété dite enstatite. Suivant les beaux tra- vaux de M. Daubrée, cette roche a la plus grande analogie avec certaines météorites, dont on peut reproduire des idem tiques en soumettant la lherzolite à certaines actions réduc- trices. L’ensemble est fréquemment recoupé à l’étang de Lhers par de petits filons de pyroxène diopside largement cristallin et très-lamelleux. Si on arrive à l’étang de Lhers par le col Dret d’Ercé qui le domine à l’ouest, on contourne le haut massif de Montbea, formé de calcaires saccharoïdes, tantôt gris bleuâtre, tantôt blancs, chargés de couseranites, qui au voisinage des terrains anciens passent à des brèches jaune nankin; au col même on marche sur des schistes soyeuxetmicacés à feuillets contournés, plus ou moins métamorphiques; les roches primitives se termi- nent au contact par des pegmatites, des protogynes et des mi- caschistes. Au voisinage de l’étang, le lias présente un magma de cal- caires blancs saccharins, jaunes, sales, noirs et gris noir, bleuâ- tres, empâtant des brèches variées; ce magma renferme des roches feldspathiques et des cornéennes en petits amas irrégu- liers; les calcaires noirs présentent de très-grosses couseranites. Les brèches sont surtout puissantes à la ceinture calcaire qui enveloppe l’étang du côté du nord et sépare l’amas ophi- tique des roches primitives des Trois-Seigneurs ; elles empâtent des noyaux de lherzolite. Plus près de l’étang, la lherzolite encaisse quelques noyaux calcaires, et à l’étang le dépôt de lherzolite est pur et forme tout son sol et le haut coteau qui le domine au sud ; les mêmes phénomènes se répètent sur tout le pourtour du dépôt ophitique. Dans les environs, les roches primitives s’imprègnent de mi- néraux magnésiens et se modifient ; l’amphibole se substitue en partie au mica et donne des syénites recoupées de filons de feldspath et d’amphibole ; de plus, la roche est souvent à l’état d’arènes sableuses et ocreuses. NOTE DE M. MUSSY. 61 En se rapprochant du col de Suc on quitte la lherzolite et on retrouve les mêmes phénomènes de métamorphisme dans les calcaires et dans les granités du voisinage. L’affleurement de lherzolite de l’étang de Lhers est le plus considérable de tous les amas de cette nature et forme une vé- ritable montagne d’une étendue de plus de 2 kilomètres de l’est à l’ouest et près d’un kilomètre du nord au sud. 15° Diorite grossière de ï étang de Lhers. — Un peu en avant de l’étang de Lhers et à l’est du côté du port de Suc est, en re- lation avec les schistes anciens soyeux et talqueux qui sépa- rent les assises granitiques du lias, un assez long affleurement de diorite grossière alignée de l’est à l’ouest comme les schistes voisins. Cette diorite formée de feldspath terreux et d’amphibole en cristaux vert clair est fréquemment globuleuse, et paraît plus ou moins orientée dans le lit des ravins qui la découpent en di- vers sens ; elle a souvent l’apparence bréchoïde d’un conglo- mérat jaunâtre ocreux dont la surface est toujours plus ou moins altérée ; la roche est généralement décomposée et trans- formée en wakes terreuses ; elle est complètement indépen- dante de la lherzolite, dont elle est toujours séparée par une centaine de mètres de calcaire et est en relation avec les schistes ; elle forme de petits mamelons arrondis de terres ocreuses et feldspathiques, qui viennent mourir sur le bord oriental de l’étang. L’influence du milieu encaissant est, comme je l’ai déjà fait remarquer, digne d’être notée ; dans le calcaire saccharoïde l’ophite est une lherzolite, dans les schistes et argiles une dio- rite tantôt cristalline, tantôt schisteuse, tantôt grossière et transformée en wakes terreuses. Cet amas ophitique affleure régulièrement en rapport avec les schistes sur plus de 2 kilomètres ; sa puissance est res- treinte et ne dépasse pas 200 mètres ; vers le nord il passe in- sensiblement aux arènes granitiques. 16° Cornéenne du col de Saleix. — Lorsqu’on gravit le vallon de Saleix qui conduit au col de Coumebières, d’où l’on des- cend à Aulus, on suit le contact du granité et des calcaires plus ou moins cristallins du lias; le granité au contact devient sou- vent une véritable syénite et les calcaires contiennent quelques assises noires riches en couseranites. Un peu au-dessus des métairies de Salingres, on voit le cal- caire enclaver quelques petits amas schisteux dans lesquels se SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. 62 développent des cristaux en aiguilles noires paraissant de Pam- phibole, et les schistes prennent une texture dure, compacte, cristallisée à la loupe, imitant par places la cornéenne, si an- ciennement connue sous le nom de pierre de corne, qui n’est autre qu’une amphibole noire et compacte. Tout près du port, au même contact, apparaît une formation schisteuse importante, encaissée entre des granités un peu ter- reux et des calcaires saccharoïdes et bréchiformes dulias; ces schistes contiennent des pyrites en abondance et sur plusieurs points sont transformés en véritables cornéennes ou amphibo- lites compactes avec cristaux d’amphibole noire; certains bancs de cornéenne vers le sommet du port alternent avec des assises de calcaire très-saccharoïde et des brèches amphiboliques. 17° Biorite de Prat. — Sur la rive gauche du Sallat, le lias supérieur a une constitution tout à fait autre que dans le reste de l’Ariége ; les assises inférieures manquent et les seuls bancs en évidence sont ceux voisins des schistes supralia- siques ; les couches consistent surtout en calcaires noirâtres avec veines blanches spathiques, brèches noirâtres à éléments anguleux, unicolores, schistes noirâtres et calcschistes ; la do- lomie est rare et le calcaire saccharoïde et marmoréen n’appa- raît jamais. Les roches ophitiques en relation avec cet étage ne sont point des lherzolites, mais des diorites plus ou moins cristal- lines ou décomposées. Sous le château de Prat, qui domine la route de Saint-Girons à Toulouse, est un affleurement ophitique de quelque étendue; cristalline et d’une belle couleur verte sur la tranchée de la route, au midi du château, la diorite est altérée et donne des wakes terreuses et ocreuses. Dans le voisinage sont des traces gypseuses. En dehors de la diorite de Prat, qui se trouve dans des con- ditions minéralogiques toutes spéciales, le gypse n’a jamais été constaté, du moins jusqu’à ce jour, au voisinage des lherzo- lites. Il résulte des faits cites plus haut que la îherzolite est spé- ciale à 1 âge du lias supérieur et est en relation forcée avec les calcaires saccharoïdes marmoréens souvent doloroitiques de cet étage, toujours plus ou moins métamorphiques. Les ophites du même âge liés à des couches schisteuses sont des diorites ou des amphibolites. ... Le tableau ci-dessous résume les faits cités plus haut con- NOTE DE M. MUSSY. 63 cernant les roches ophitiques de la formation du lias supé- rieur. SITUATION SITUATION ÉTENDUE. NATURE. géographique. géologique. 1. Lherzolite. . Au N. 0. de Prades deMontailhou, can- ton d’Ax. y i . En pointements irréguliers, au mi- lieu des calcaires saccharoïdes du lias supérieur, en rela- tion avec de belles brèchesjaune nan- kin , susceptibles de donner de beaux marbres à cousera- nitès. 1. Quatre affleure- ments Ourza. jongueur, 1300 m. jargeur, 400 m. Surface, 52 hect. 2. Geralde. jongueur, 700 m. margeur, 300 m. Surface, 21 hect. 3. Boudigous. longueur, 300 m. margeur, 100 m. Surface, 3 hect. 4. Basquy. jongueur, 600 m. Margeur, 400 m. Surface, 24 hect. Surface totale, 100 hect. 2. Lherzolite. 2. Au midi d’Appy, près les Cabanries, montagne de Saint- Barthélemy. 2. Dans les assises inférieures du cal- caire liasique , à son contact avec les roches primitives et schistes satinés. 2. Longueur E. O., 700 m. Largeur N. S., 150 m. Surface, 10 hect. 50 ares. 3. Lherzolite. 3. Croix de Sainte- 3. Au contact du gra- 3. Longueur E. O., Tanôque de Ler- cohl, canton de Yicdessos. nite et du calcaire saccharoïde du lias. 200 m. Largeur N. S., 150 m. Surface, 2 hect. 4. Diorite schisteuse. 4. Col de Rancié, 4. Enclavée dans la 4. Longueur E. O., ■ *rrrrf?rrr,t“'-« chemin de Sem à Lercoul, id. bande schisteuse du lias de Yicdessos, non loin du gra- nité. 400 m. Largeur N. S., 100 m. Surface, 4 h., 10 ares. 5. Lherzolite. 5. A 300“ au N. de Sem et au même niveau, id. • 5. Enclavée dans le caleaire saccharoïde avec brèches , au voisinage du gra- nité. 5. Longueur E. O., 100 m. Largeur N. S. 40 m. Surface, 40 ares. 6. Lherzolite avec arê- 6. Crête de Berquié, 6. Dans les assises 6. Longueur E. O., nés terreuses. sur le chemin inférieures du lias, 20Q m. de Sem à Gou- lier, id. à son contact avec les schistes silu- riens. Largeur N. S., 50 m. Surface, 1 hect. 7. Lherzolite. 7. A un kilomètre au N. 0. du vil- lage de Saleix, id. 7. Dans le calcaire saccharoïde , non loin du granité. * 7. Affleurement cir- culaire de 60 m. de diamètre. Surface, 28 ares. 8. Lherzolite. 8. Quartier de Fon- tanabouche , près Yicdessos. • 8. Au contact du granité et du cal- caire saccharoïde. 8. Longueur N. S., 50Q m. LargeurE.O.,100 m. Surface, 5 hect. 9. Lherzolite. 9. Quartier de Por- teteny, près Yic- dessos. 9. Dans le calcaire saccharoïde , non loin du granité. 9. Longueur N. S.,| 100m. t Largeur E. O. ,40 m. g Surface, 40 ares. jto. Lherzolite. 10. Pladessus de Sen- tenac, canton de Yicdessos. 10. Au contact du granité et du cal- caire saccharoïde. 10. Longueur E. O., g 200 m. Largeur N. S., 50 m.| Surface, 1 hect. 1 64 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868, nature. SITUATION géographique. è SITUATION géologique. ÉTENDUE. li. Lherzolite avec 11. 7'Bernadouze et 11. Dans le calcaire 11. Longueur E. 0., i arènes terreuses. l’Escourgeat de Suc, id. saccharoïde , tout près de son contact avec le granité. 1700 m. Largeur N. S., 150 m. Surface, 25 hect. 50 ares. 12. Lherzolite. 12. La Taupe-de- l’Ours de Suc, id. 12. Dans le calcaire saccharoïde du lias, non loin du gra- nité. 12. Longueur E. 0., 600 m. Largeur N. S.. 100 m. Surface, 6 hect. 13. Lherzolite. 13. Pic du Montceint, entre Vicdessos et Aulus. 13. Au milieu d’une puissante formation de calcaire saccha- roïde. 13. Longueur E. 0., 700 m. Largeur N. S., 200 m. Surface, 14 hect. 14. Longueur E. 0., 2200 m. Largeur N. S., S00 m. Surface , 1 myk. 76 hect. 14. Lherzolite. 14. Étang de Lhers, vallon du Courti- gnan-Massat. 14. Dans le calcaire saccharoïde , tout près de son contact avec le granité. 15. Biorite grossière. 15. En avant de la lherzolite de l’étang de Lhers. 15. En relation avec des schistes an- ciens, au contact du lias et du gra- nité. 1 5. Longueur, 2700 m. Largeur, 200 m. Surface, 54 hect. 16. Cornéenne. 16. Col de Saleix, allant à Aulus, versant de Saleii, canton de Yic- dessos. 16. En relation avec des schistes , au contact du granité et du lias. 16. Longueur E. 0., 1200 m. Largeur N. S., 200 m. Surface, 24 heet. 17. Diorite. 17. Prat, sur les bords du Sallat , près Saint-Girons. 17. En relation avec des calcschistes non cristallins, des cou- ches supérieures du lias. 17. Longueur E. 0., 200 m. Largeur N. S., 150 m. Surface, 3 hect. X. — Marnes et schistes supraliasiques. Au centre du département, dans les bassins de l’Ariége et de l’Arize, la formation des schistes supraliasiques n’est guère représentée, au nord du plateau central ancien, que par une assise mince, terreuse, formée d’argile pure, rougeâtre, conte- nant de nombreuses concrétions ferrugineuses en forme de pisolithes analogues au minerai de fer du Berry; à son centre est une couche mince de schiste noir, charbonneux, abon- dante en belles Ammonites et en lignites pauvres ; et l’en- semble, toujours très-mince, sépare les calcaires dolomiti- ques du lias du calcaire à Dicérates. Dans les bassins du Sallat et du Lhers, aux deux extrémités du département, cet étage prend un grand développement et NOTE DE M. MUSSY. 65 est constitué par des schistes terreux, des schistes noirs plus ou moins ardoisiers et de rares calcschistes noirâtres. Dans les bassins sédimentaires compris entre les divers massifs primitifs, les schistes du supralias apparaissent sur de grandes étendues et forment le centre des bassins aux environs de Tarascon, Saurat, Massat, Oust, Rogalle et la Bellongue. Les schistes tantôt terreux, tantôt ardoisiers, présentent fréquemment des Ammonites; ils sont riches en pyrites de fer plus ou moins décomposées et transformées en fer hydroxydé pauvre; ils donnent parfois d’excellentes ardoises, comme dans la vallée de Bellongue. Ils paraissent rarement en contact avec les roches primitives, et dans ce cas ils subissent au voisinage des granités un cer- tain degré de métamorphisme ; ils deviennent soyeux, onc- tueux au toucher, s’imprègnent de talc et sont des schistes argilo-talqueux, plusjou moins pénétrés de cristaux de dipyre, comme aux environs de Castillon, d’Engommer, d’Arnave, d’Arignac, etc. De tous les étages géologiques qui constituent le sol de l’A- riége, celui des schistes supraliasiques est le plus riche en affleurements ophitiques, et ces ophites sont remarquables par les nombreux et importants gisements gypseux qui les accom- pagnent presque toujours. Les principaux sont les suivants : 1° Diorite grossière de Saint- Antoine. — Un peu au-dessus de l’usine de Saint-Antoine, entre les routes qui conduisent de Foix à Tarascon et àLavelanet, est une petite butte formée d’une diorite grossière, rarement bien cristalline, plus ou moins al- térée et transformée en arènes terreuses ; dans les parties dures on distingue assez bien les deux éléments feldspath gris terreux et amphibole en cristaux vert clair. Cette diorite gros- sière paraît en relation avec les schistes supraliasiques qui li- mitent au sud en bande mince la formation crétacée du bas- sin de Saint-Paul; elle est comprise dans ses assises inférieures et à son extrémité occidentale. Au même point viennent mou- rir contre la formation primitive en pointes amincies les schistes anciens siluriens, les calcaires siluriens à Orthocères et dévoniens à Nautiles ; ces derniers sont en contact direct avec la roche ophitique, du côté du sud ; à ce contact ils sont plus ou moins saccharoïdes et dolomitiques et renferment quelques minerais de fer en nids irréguliers et très-pyriteux; l’un d’eux Soc. géot ., 2e série, tome XXVI. & 66 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. est bien visible sur le talus même de la route de Tarascon, avec des traces blendeuses. Ce petit amas ophitique, généralement terreux, a quelque étendue et se dirige du nord-ouest au sud-est, au contact des schistes supraliasiques et des calcaires à Nautiles. 2° Diorite d'Arnave avec gypse. — La formation ophitique d’Arnave est comprise sur les deux bords du ruisseau de ce nom, au contact des roches primitives de Saint-Barthélemy et des schistes terreux et pyriteux supraliasiques du bassin de Tarascon; elle est en relation avec un puissant amas gypseux qui occupe la rive droite du vallon, tandis que l’ophite affleure surtout sur la rive gauche; le contact est recouvert par un petit dépôt diluvien qui en voile les caractères. A une assez grande distance au sud-ouest, au voisinage des deux formations, le granité a une teinte verdâtre et l’as- pect d’une syénite; il s’imprègne de Laïc et d’amphibole ; les schistes sont séparés des roches primitives et de l’ophite par des calcaires micacés, des calcaires amphiboliques, caverneux et boursouflés, empâtant des couseranites, des amas irrégu- liers de steatites savonneuses et nacrées; la masse ophitique de la rive gauche touche aux schistes, est considérable, et ap- partient à une belle variété cristalline qui est une diorite pure. Sur la rive droite le gypse louche au 0Ur lequel n repose au sud, et à ce contact est un magma confus de syénite granitoïde, syénite schisteuse, diorite, roches gypseuses et calcaires imprégnés de cristaux d’amphibole ; toutes ces va- riétés empâtent des cristaux de pyrite de fer dodécaédriques. L amas gypseux alterne avec des couches de calcaire blanc lamelleux micacé et chloriteux, orienté de l’est à l’ouest et pa- raissant une trace du lias supérieur dolomitique ; ce calcaire est coloré diversement en blanc, roux ou bleu, et donne des marbres lamelleux avec mica et chlorite en nids, avec struc- ture rayonnée; parfois il est traversé par des filons de granité* le gypse lui-même, très-saccharoïde, cristallin, est fréquemment imprégné de paillettes de mica et de chlorite ou de grains de pyrite de fer dodécaédrique. Dans 1 amas gypseux sont des masses d’anhydrite à larges cristaux rectangulaires, bleuâtres, entourées de gypse saccha roide^avec filon de chaux carbonatée cristalline, et rognons de' Le gisement de gypse d’Arnave peut avoir 200 à 250 mètres NOTE DE M. MUSSY, G7 de long sur §0 à 40 mètres de puissance; il donne des carrières importantes exploitées à ciel ouvert. 3° Gypse d’Arignac et de Bedeillac. — Si on suit, à partir d’Ar- nave vers l’ouest, le contact du granité et des étages se- condaires du bassin de Tarascon, on traverse l’Ariége et on remonte le profond vallon de Saurat creusé entre les roches primitives du prat d’Albis au nord et le terrain secondaire du pic de Soutours. Dans ce vallon, entre Arignac et Bedeillac, se poursuit entre les deux formations un amas gypseux considérable qui s’étend en couche presque verticale plongeant un peu au sud et repo- sant sur le massif primitif ; il va presque sans interruption du vil- lage d’Arignac à l’est jusqu’au hameau d’Aynat à l’ouest; la masse minérale atteint parfois 100 mètres de puissance, dé- passe généralement 50 mètres et affleure sur près de 2 kilo- mètres, dans la direction O. 30 à 35° N. Elle est traversée en biais par la rivière de Saurat, qui y a creusé un lit profond, parfois de plus de 100 mètres; sur les deux bords de la rivière sont réparties un peu irrégulièrement les carrières, celles d’Arignac à l’est sur la rive droite et celles de Bedeillac à l’ouest sur la rive gauche ; l’exploitation de ces carrières, qui sont des plus importantes et peuvent dopper an- nuellement plus de 200 mille hectolitres de plâtre, se fait de chaque côté du rayin par tranchées à ciel ouvert et par un simple grattage superficiel. Le gypse est très-blanc, saccbaroïde, très-cristallin, et con- tient des paillettes de mica et des grains de pyrite de fer ; il est identique avec celui d’Arnave. La montagne de Soutours domine le gisement gypseux au midi, à son sommet, formé par les couches du calcaire à Dicérates; ses deux versants appartiennent aux schistes noirs terreux et ardoisiers supraliasiques ; sur le penchant méridio- nal opposé aux carrières, des assises dolomitiques bien con- tinues séparent les schistes du calcaire à Dicérates en sup- portant régulièrement le supralias et restant en discordance manifeste de stratification avec le calcaire crétacé qui les domine. Sur le Versant septentrional des carrières, le crétacé inférieur repose en concordance sur les schistes du supralias, qui occupent le milieu du penchant, et ces derniers, à leur tour, sont appuyés sur le gypse. A l’extrémité orientale du gise- ment, vers Arignac, le gypse paraît en contact direct avec le cal- 68 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. caire crétacé, et le supralias schisteux ne commence qu’un peu au delà, pour continuer sans interruption jusqu’à Aynat; par places, et surtout vers Arignac, sont quelques îlots de calcaire dolomitique, caverneux, très-spongieux, contenant de la si- lice mélangée à sa pâte et parfois passant à de véritables éponges siliceuses ; ce fait est surtout remarquable entre la vieille carrière d’Arignac, qui termine à l’est la série minérale et le village de ce nom. La roche primitive au contact du gypse est formée d’une bande mince de couches très-cristallines à fréquentes injec- tions de granité ; ce sont des alternances de gneiss, mica- schistes, schistes chloriteux et amphiboliques, pegmatites et leptynites avec calcaires intercalés. A la carrière située au sud-est d’Arignac, le gypse est en contact avec un calcaire cristallin, lamelleux, blanc et marmo- réen ; ce calcaire renferme des feuillets de mica et est ac- compagné de gneiss ordinaire et de gneiss amphibolique ; les couches sont traversées de filons de granité peu quartzeux composé d’albite et de chlorite au lieu de mica ; dans ce granité sont de nombreuses veines d’amphibole verdâtre et d’épidote vert clair, et la roche granitoïde est constituée par un mélange d’amphibole, d’aîbite et d’épidote. Le calcaire lamelleux et cristallin se rencontre en bancs largement stratifiés avec le gypse dans presque toutes les car- rières d’Arignac ; parfois le mélange est tellement intime que le gypse n’est plus exploitable pour pierre à plâtre. Ce calcaire est souvent voisin des roches primitives et im- prégné de cristaux d’amphibole, et donne de belles hémitrènes micacées passant à la syénite ; d’autres fois le calcaire passe à des dolomies et à des calcaires alvéolaires siliceux. Nulle part on ne voit le gypse d’Arignac et de Bedeillac en relation avec des amasophitiques de quelque importance; mais la présence de petits amas d’amphibole, et l’identité de nature de ce gypse avec celui d’Arignac le font évidemment rappor- ter à la formation ophitique. 4° Diorite de Quié. — Si on quitte la bordure septentrionale de la formation des schistes supraliasiques du bassin de Ta- rascon pour se transporter à sa limite méridionale, on ren- contre sui le chemin de Tarascon à Génat, par Quié, un petit amas de diorite ordinaire cristalline, en relation avec les schistes terreux et compris à leur contact avec les calcaires à Dicérates de la crête de Très-Courtals, crête qui domine du NOTE DE M. MUSSY. 69 côté de l’ouest le haut plateau de Génat. Cette diorite se dé- compose un peu à la surface et au pourtour de l’amas en don- nant un ophite terreux, grossier ; le gypse n’a pas été constaté dans le voisinage. Cet affleurement est d’une très-petite étendue et est à peine visible. 5° Diorite grossière de Rabat. — Sur la montagne qui domine à l’est le vallon de Rabat, est, au quartier de la Garrigue, à moitié montagne, un affleurement peu étendu de diorite gros- sière et terreuse, en relation avec un minerai de fer assez abon- dant ; cette mine est sur le chemin qui conduit de Rabat à Génat par le col de Très-Courtals ; l’amas est situé comme ce- lui de Quié à l’extrême limite méridionale du bassin central des schistes supraliasiques, en relation avec ces schistes, dont il occupe les assises supérieures ; l’ophite est compris presque au contact des couches inférieures du calcaire à Dicérates, qui couronne les crêtes de Très-Courtals. La diorite, rarement bien cristalline, est souvent altérée, ter- reuse et globuleuse, disposée en bancs pseudo-réguliers, comme les schistes encaissants, et contient dans ses strates supérieures le minerai de fer, dont quelques bancs de 0,20 à 0,30 alternent à la surface avec des couches pseudo-stratifiées de roches ophi- tiques terreuses. L'amas minéral en relation avec la partie supérieure de l’o- phite sépare en général ce dernier du calcaire; il est orienté O. 20° N . avec plongement sud de 50°; il affleure sur 50 à 60 mè- tres, avec une épaisseur variable de 4 à 5 mètres ; il est composé de bancs irréguliers en richesse d’oligiste rouge, com- pacte ou cristallin vers le toit et de fer oxydulé magnétique au mur en couches stratifiées et entremêlées d’assises ophitiques pauvres ; il a été reconnu sur 25 à 30 mètres de profondeur ; l’oligiste rouge domine au toit et en profondeur; il est assez pur et à peu près exempt de pyrites. Au mur le minerai est magnétique, sableux et siliceux, et contient des pyrites. Ce gisement a été à diverses époques l’objet de travaux, et de recherches assez importants. 6° Gypse deSurba. — Sur Je revers méridional de la mon- tagne de Soutours, opposé à celui des carrières à plâtre d’Ari- gnac et de Bedeillac, on a constaté depuis longtemps, au con- tact des schistes supraliasiques et des calcaires dolomitiques ba- siques qui sont couronnés au sommet du pic par les assises du calcaire à Dicérates, un petit gisement gypseux un peu im- 70 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868, pur, mêlé d’argile rouge, qui paraît analogue au gypse d Ari- gnac et est rapporté comme ce dernier aux ophites. 7° Gypse du col de Port . — Si on remonte le vallon de Saurat pour passer à celui de Massat, après avoir traversé les grès du crétacé supérieur qui occupent le fond du vallon, on ne tarde pas, un peu au delà de Saurat, à entrer en plein granité ; en ce point les deux massifs granitiques des Trois-Seigneurs et de Fonfrède se réunissent pour former un énorme empâtement de roches primitives; un peu avant d’atteindre le col, apparaît, enclavée dans les granités, une bande mince de calcaire cré- tacé, séparée à sa limite méridionale de ces derniers par une assise très-peu épaisse, mais régulière et bien continue, de schistes noirs, quartzeux et pyriteux, contenant des traces de lignite graphiteux et des rognons abondants de pyrite de fer. Cette assise est le représentant bien net, quoique très-faible, de l’étage des schistes supraliasiques, partout riches en affleu- rements de pyrites et de lignites. Au col de Port môme, et surtout sur le versant occidental du côté de Massat, se développe, en relation avec ces schistes noirs, entre les deux massifs granitiques qui le resserrent en bande mince, un amas gvpseux de près de 100 mètres de puissance, où sont des traces importantes d’anciennes exploi- tations de gypse pour pierre à plâtre ; l’amas descend réguliè- rement d’une centaine de mètres sur le versant de Massat pour se resserrer un peu au delà et se réduire plus loin à quelques alternances minces de gypse et de terres jaunâtres, ocreuses, onctueuses au toucher, magnésiennes, tout à fait analogues aux terres produites par la décomposition complète des roches ophitiques. L’affleurement gypseux reporté à la lisière nord de la for- mation sédimentaire s’associe, comme à Arignac, des calcaires dolomitiques, cellulaires, siliceux et alvéolaires, et un peu plus vers le sud quelques bancs de calcaire gréseux et mar- neux, de calcaire esquilleux analogue à la roche à Dieérates, dont l’ensemble ne dépasse pas 100 mètres et rappelle le cré- tacé inférieur du reste du département. Cette petite formation secondaire très-mince ne tarde pas à disparaître un peu au delà avant Rieupregon, et les arènes granitiques de Fonfrède restent en contact direct avec les schistes de transition des bassins de Massat, Lhers et le Port. 8 — 9U gypses de la Ilouqueille et du Touron de Boussenac.-™- En NOTE DE M. MUSSY. 71 continuant à descendre vers Massat, on suit le contact des sables granitiques de Boussenac, très-quartzeux et chargés de tourmalines e‘t de schistes anciens ; de temps à autre appa- raissent en forme d’ilots irréguliers à ce contact des amas de gypse diversement coloré, en relation avec des schistes noirs plus ou moins ligniteux et pyriteux fortement bouleversés, des calcaires dolomitiques alvéolaires et des argiles magnésiennes très-plastiques. Le gypse est tantôt blanc laiteux, blanc de neige, rouge sanguin, empâtant des pyramides hexagonales de quartz hyalin et des pyrites ; le schiste au voisinage se charge de fer oligiste rouge, sanguin, analogue au peroxyde for- tement calciné. Ces amas irréguliers se retrouvent sur presque toute la li- sière, de chaque côté du col des Caugnous et depuis ce point jusque vers Matalas et le port de Massat ; on en a constaté à la Rouqueille et au Touron de Boussenac, au col del Four, à Biazi, etc. 10* Diorite grossière avec gypse de Matalas de Boussenac . — A la suite des affleurements précédents est à Matalas de Boussenac, au-dessus du pont de Massat, sur FArce, un amas ophitique assez étendu qui sépare de l’est à l’ouest les arènes granitiques de Boussenac des grès crétacés supérieurs des environs de Massat. Les arènes sont riches en veinules et filons de quartz, en peg- matite abondante en tourmalines ; les grès sont ferrugineux, très-tourmentés et sont séparés de l’ophite par deux assises dif- férentes; la première, au contact des grès, est constituée par un schiste très-noir, charbonneux, imprégné de pyrite de fer blanche, en rognons, qui, quoique mince, est bien le représen- tant de la formation des schistes supraliasiques si bien déve- loppée au centre du bassin de Massat; entre les schistes et l’o- phite sont des calcaires cariés, celluleux et dolomitiques, en amas irréguliers, empâtant des blocs ophitiques et passant in^ sensiblement à l’ophite, situé un peu plus au sud, sous le ha- meau même de Matalas. Les schistes sont toujours très-ferrugineux, donnent nais- sance, aux Balmes près l’Arac, à une source ferrugineuse et sont recoupés de filons de fer hydroxydé pauvre et quartzeux, comme aux métairies de Verenset, d’Aubignan et des Balmes. L’ophite est une diorite grossière, gris verdâtre, générale- ment claire, rarement foncée, passant par places au brun rou- geâtre ; la cassure est inégale et un peu terreuse ; la roche est 72 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. alvéolaire avec cellules remplies d’ocre ou d’argile; elle a une odeur argileuse ; elle est sur plusieurs points presque complè- tement altérée et transformée en wakes terreuses et magné- * siennes, surtout au voisinage des arènes granitiques. Dans le ruisseau qui descend de Matalas au pont de Massat est un bel amas de gypse laminaire cristallin, en relation évi- dente avec l’ophite, auquel il passe insensiblement par des wakes terreuses plus ou moins colorées et chargées d’oxyde de fer. 11. 12, 13. Diorites et gypses de Massat à Aleu. — Le contact des granités aréDiformes de Boussenac et des schistes supralia- siques continue plus loin à l’est par Biert, le col de Boulogne et Aleu; à ce contact se développent parfois quelques assises de calcaire à Dicérates, très-dur, en bancs épais qui bordent de leurs flancs escarpés la rive gauche de l’Arac en formant une série de crêtes et de pitons aigus connus dans le pays sous le nom de Kers (Rer de Biert, Ker de Boulogne, etc.) ; ces kers sont discontinus, etfréquemment les schistes secondaires repo- sentsurles granités etgneiss primitifs de Boussenac et de Soulan. A ce contact, apparaissent de temps à autre, comme k Ma- talas, des amas plus ou moins irréguliers de diorite cellulaire et grossière, tantôt cristalline, tantôt altérée et transformée en wakes terreuses; sur plusieurs points la diorite passe à des gi- sements gypseux par des argiles diversement colorées et des arènes terreuses. Les principaux amas, dont quelques-uns sont considérables, sont les suivants : '11. Dans le vallon de la Fresles, entre le col de Boulogne et la Bourdasse, commune d’Aleu, est un assez long affleurement de diorite terreuse avec gypse entre les gneiss et les mica- schistes de Soulan et les schistes noirâtres et terreux d’Aleu ; l’en- semble touche au ker de calcaire à Dicérates du col de Boulogne ; 12. De Biech à Coumelary, commune d’Aleu, est une bande mince de diorite grossière, accompagnée de wakes terreuses et de traces gypseuses entre lesmêmes gneiss et micaschistes et mêmes schistes secondaires ; quelques bancs calcaires l’ac- compagnent ; 13. Sous le village d’Aleu est une diorite généralement bien ciistalline, globulaire, accompagnée à son pourtour seulement de wakes terreuses sans gypse connu ; l’amas est comme les piécédents au contact des gneiss et des schistes secondaires. 14. Diorite avec feldspath de Serraing de Sentenac ( Seix ). — En NOTE DE M. MUS SV. 73 remontant le vallon qui conduit de Sentenac de Seix à Alos par le col dret, on suit le contact des arènes granitiques de la grande montagne de Bouirex et des couches secondaires du Bassin de Rogalle, formées des schistes supraliasiques et des grès calcaires du crétacé supérieur ; un peu en amont des lanes de Sentenac et au-dessous du hameau de Serraing, on rencontre un petit massif de diorite cristalline à la jonction de deux ruisseaux dont l’un vient de Serraing, et l’autre de la Sou- mère; cette diorite, d’un beau vert, est comprise à une pointe ex- trême des schistes supraliasiques du Rogalle ; non loin, affleu- rent les calcaires dolomitiques du lias au hameau de Sarrat qui, plus à l’ouest vers la Soumère, sont en contact direct avec les arènes de Bouirex. Si de ce point on marche à l’est vers le col qui conduit à Rogalle, on rencontre un assez épais massif métamorphique ou primitif remarquable ; il est presque uniquement formé de feldspath orthose largement cristallin avec un peu de quartz ; ce massif assez étendu est en contact avec les arènes graniti- ques de Sentenac, la diorite de Serraing, le calcaire dolomi- tique du Sarrat, les schistes supraliasiques et le grès crétacé de Rogalle ; il paraît en relation avec la formation primitive arénîforme, dont il pourrait être un épanchement accidentel au milieu des couches secondaires. 45. '16, 17. — Diorites grossières de Cescau et de Castillon. — Dans la vallée du Lez, d'Engomer à Bordes de Castillon, le con- tact des arènes granitiques de la montagne de Bouirex et des schistes supraliasiques de laBellongue est marqué par une série uniforme de traces métamorphiques assez régulières; les schistes s’imprègnent de chlorite, de talc et de pyrites, devien- nent des ardoises argilo-talqueuses, et s’imprègnent de cristaux de dipyre en prismes rectangulaires à quatre faces, de couleur blanc grisâtre ou jaune d’ocre, parfois en masses basilaires imparfaitement lamelleuses, à clivage quadruple. A ce contact se développent des amas irréguliers de calcaire très-cristallin, doîomitique, carié et celluleux, avec dipyre et amphibole, eten relation avec ces calcaires de petits affleurements ophitiques; ces ophites sont des diorites grossières et celluleuses, souvent altérées et transformées en wakes terreuses; elles sont alvéo- laires, avec cavités remplies par des ocres et des argiles; dans les délits des roches sont des petits amas de talc et de chlorite qui donnent à la masse l’aspect d’une serpentine soyeuse, onc- tueuse au toucher; dans les fissures sont des petits filons 74 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. d’asbeste fibreux, entre les opbites et les calcaires cellu- leux. Ces traces métamorphiques de roches magnésiennes s’é- tendent assez régulièrement d’Engomer à Bordes par Cescau et par Castillon; des amas ophitiques assez importants ont été constatés à : 15. — Cescau. — Au contact des schistes et des arènes ; 16. — Castillon , sur le bord de la grande route avant l’entrée au village, du côté de Saint-Girons, dans la même situation géologique; 17. — Sous le vieux château de Castillon et à Bordes près Castillon. Dans le premier et le troisième cas, les calcaires cellulaires avec quartz en éponge dominent ; dans le second l’ophite ter- reux et serpentineux est plus abondant. Tous ces affleurements ophitiques sont compris au contact des arènes et des schistes supraliasiques. 18. 19. Diorites grossières de Salsein et d' Argein. — Un peu en amont de Castillon, à Salsein et dans la Bellongue à Àrgein sont également d’assez importants affleurements ophitiques en relation avec les schistes supraliasiques; ils sont aussi accom- pagnés de calcaires celluleux et dolomitiques avec cristaux de dipyre et d’amphibole; à Salsein Cophite est une diorite parfois très-largement cristalline et dure ; le feldspath labrador est grenu, cristalloïde; l’amphibole est en beaux cristaux lamelleux et d’une belle couleur vert foncé; sur le pourtour et au voisinage des amas calcaires, la roche se décompose, s’altère et donne des terres ocreuses variées; il en est de même à Àrgein. A Salsein la diorite en relation avec les schistes est au contact de ces dernières et des calcschistes Basiques qui foi ment la haute serre d Arraing; l’ensemble n’est pas éloigné des arènes granitiques de Castillon. A Argein 1 ophite est complètement enclavé dans les schistes ardoisiers et assez distant des granités. j Diorite grossière de Carrère de Clermont près le Mas - d'Azil. — Tous les gisements ophitiques cités plus haut sont compris dans des formations plus ou moins importantes de schistes du supralias des divers bassins sédimentaires enclavés, au cœur du département, entre des bandes de roches primitives. Comme je l’at fait observer, au nord du plateau ancien central NOTE DE M. MUSSY. 75 de l’Ariége, l’étage supraliasique est représenté par une assise mince argileuse imprégnée souvent de pisolithes rouges, ferru- gineuses et de schistes ligniteux, dont la puissance dépasse rarement quelques mètres. Cette couche est pauvre en amas ophitiques; cependant quelques-uns ont été constatés, entre autres un assez con- sidérable dans la commune de Clermont près du Mas-d’Azil, sur un coteau peu élevé, entre les hameaux de Carrère et de Marillac. L’assise supraliasique est constituée par une argile rougeâtre assez riche en pisolithes ferrugineuses sans lignite; elle peut avoir plus d’une centaine de mètres et sépare le calcaire à Dicérates des grands bancs de calcaire dolomitique du lias qui forment tout le haut plateau de Marillac, entre Rimont et Clermont; vers son centre elle présente une assez belle diorite cristalline, mais généralement altérée et transformée presque partout en terres ocreuses et parfois magnésiennes; par places sont quelques indices un peu vagues de gypse rouge cristallin. Cet affleurement peu puissant affleure en direction sur d’assez grandes étendues de l’est à l’ouest et a une appa- rence pseudostratifiée en concordance avec les argiles encais- santes. 21. — Diorite grossière de Roquelaure. — * Vers le hameau de Roquelaure, près Taurignan, compris dans le canton de Saint- Lizier, sur la rive droite du Sallat, est également une bande mince de marnes et de schistes terreux supraliasiques, pauvres en pisolithes ferrugineuses, qui séparent le calcaire à Dicé- rates de la dolomie basique; cet étage marneux se termine sur les bords du Sallat par un monticule ophitique formé d’une diorite compacte, parfois cristalline, mais le plus souvent altérée et transformée dans presque toute sa masse, du moins superficiellement, en terres ocreuses ; l’ophite a souvent une texture globuleuse et contient des traces de fer oxydulé ma- gnétique. 22. — Diorite grossière de Montgauch. — Surlarive gauche du Sallat, les schistes supraliasiques remplissent tout le bassin de Montégut, de Montgauch et de Gazavet, entre les calcschistesdu lias supérieur des bords du Sallat et le calcaire à Dicérates des pics assez élevés de Maléchart qui séparent Mongauch de Bala- guères ; le pendage des couches est méridional et renversé, les 76 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. assises à Dicérates des montagnes deMaléchart présentant un double pendage anticlinal. Dans ces schistes à l’est et à l’ouest de Montgauch est une bande assez mince, mais très-régulière et bien continue en direction, de diorite grossière et schisteuse, qui s’étend sur plus de 2 kilomètres au nord de Montgauch avec une puissance variable de 100 à 200 mètres. Cette diorite est rarement largement cristalline; le plus souvent elle est formée d’une pâte compacte avec cristaux plus ou moins apparents d’amphibole verte avec une certaine texture porpbyroïde; parfois elle passe à de véritables schistes compactes, verdâtres, parsemés de rares cristaux épars dans la masse ; elle est fréquemment altérée et transformée en terres ocreuses ; assez souvent elle devient schisteuse et s’oriente en bancs réguliers comme les schistes encaissants. Tel est l’ensemble des amas ophitiques en relation avec la formation des schistes supraliasiques; ils appartiennent prin- cipalement à la variété des diorites tantôt cristallines, tantôt altérées, terreusesou schisteuses; ils sont surtout remarquables par la quantité et l’importance des gisements gypseux avec lesquels ils sont en relation. Le tableau suivant résume les divers caractères de ces ophites. NOTE DE M. MUSSY 77 NATURE. 1. Diorite grossière avec arènes ter- reuses. 2. Diorite cristalline avec gypse et an- hydrite. 3. Gypse avec am- phibolites rares. 4. Diorite. 5. Diorite terreuse avec fer magné- tique et oligiste. 6. Gypse. 7. Gypse. 8. Gypse et traces ophitiques. 9. Gypse et traces ophitiques. 10. Diorite grossière, bulleuse avec gypse et calcaire alvéo- laire. 11. Diorite grossière avec gypse. 12. Diorite grossière avec traces gyp- seuses. SITUATION géographique. 1. Roc de Saint- An- toine, près Saint- Paul-de-Jarrat. 2. Arnave, canton de Tarascon. 3. Arignac et Bedeil- lac , au fond du vallon de Saurat. 4. Quié,surle sentier montant de Taras- con à Genat. 5. Rabat, quartier de la Garrigue, sur le chemin de Rabat à Genat. 6. Surba. 7. Gol-de-Port, ver- sant de Massat. 8. La Rouqueille-de- Boussenac, bord de la grande route. 9. Le Touron de Boussenac. 10. Matalas de Bous- senac, près le pont de Massat. 11. Yallée de la Fresles, entre le col de Boulogne de la Bourdasse, Aleu. 12. De Biech à Cou- melary. Aleu. SITUATION1 '%■ géologique. 1. En relation avec les schistes supra- liasiques, au voisi- nage des schistes anciens calcaires à Nautiles. 2. Au contact des granités, gneiss et des schistes supra- liasiques. 0 3. En relation avec les schistes supra- liasiques et les ro- ches primitives du prat d’Albis. 4. Au contact des schistes supralia- siques et du cal- caire à Dicérates. 5. Dans les schistes, au contact du cal- caire à Dicérates. 6. Au contact des schistes et du lias dolomitique. 7. En relation avec les schistes au con- tact du calcaire à Dicérates, le tout enclavé dans les granités. 8. En relation avec le supralias, au contact des arènes granitiques et des schistes siluriens. 9. En relation avec le supralias , au contact des arènes et des schistes silu- riens. 10. En relation avec le supralias , au contact des arènes et du crétacé su- périeur. U. Au contact des gneiss de Soulan et des schistes su- praliasiques, voisin du calcaire à Dicé- rates. 12. Au contact des gneiss de Soulan et des schistes su- praliasiques. ÉTENDUE, a 1. Longueur N. 0.- S. E., 1000 m. Largeur, 400 m. Surface, 40 hect. 2. Longueur E. O., 2500 m. Largeur S, N., 250 m. Surface, 62 hect. 50 ares. 3. Longueur N. O.- S. E., 2800 m. Largeur, 150 m. Surface, 42 hect. 4. Longueur E. O., 60 m. Largeur N. S., 30 m. Surface, 18 ares. 5. Longueur E. O., 200 m. Largeur N. S., 80 m. Surface , 7 hect. 60 ares. 6. Surface, 100 mq. 7. Longueur E. O., 400 m. Largeur N. S., 100 m. Surface, 4 hect. 8. Longueur N. E. S. O., 300 m. Largeur, 60 m. Surface , 1 hect. 80 ares. 9. Longueur N. S., 200 m. Largeur E. O., 70 m. Surface , 1 hect. 40 ares. 10. Longueur E. O., 1200 m. Largeur N. S., 100m. Surface, 12 hect. 11. Longueur E. O., 500 m. Largeur N. S., 60 m. Surface, 3 hect. 12. Longueur E. O., 900 m. Largeur N. S., 70 m. Surface , 6 hect. 3 ares. 78 SÉANCE PU 9 NOVEMBRE 1868. NATURE. 1 3. Diorite cristalline, globuleuse, parfois terreuse. 14. Diorite cristalline avec feldspath. 15. Diorite grossière, bulleuse, avec cal- caires alvéolaires. 16. Diorite grossière, bulleuse, avec cal- caires alvéolaires. 17. Id. 18. Diorite grossière. 19. Id. 20. Diorite cristalline et grossière. 21. Diorite grossière. 22. Diorite grossière et schisteuse. SITUATION géographique. 13. Aleu, sous le vil- lage même. 14. Serraing, com- mune de Sentenac de Seix. 15. Cescau, près Cas- tillon. 16. Entrée de Cas- ' tillon , bord de la grande route. 17. Vieux château de Castillon. 18. Salsein, près Castillon. 19. Argein, psès Cas- tillan. 20. Entre Carrère et Màrillac,' commune dé Clermont’, près le Mas-d’Azil. 21. Roquelaure de Taurignan, canton de Saint-Lizier, iive droite du Sal- lat. 22. Montgauch à l’E. et â l’O. du village près Saint-Girous. jl1 r>»r-r SITUATION géologique. 13. Au contact des gneiss et des schis- tes supraliasiques. 14. En relation avec le supralias, entre les arènes grani- tiques et le lias. 15. Au contact des schistes et des arènes granitiques. 16. Dans les schistes supraliasiques voi- sins des arènes. 17. Au contact des schistes et des arènes. 18. Au contact des schistes et des calcschistes liasi- ques, non loin dés arènes granitiques. 19. Au milieu des schistes supralia- siques , non loin des arènes. 20. Dans les argiles pisolithiques, au contact du lias dolo- * mitique et du cal- caire à Dicéraies. 21. Dans les argiles pisolithiques, au contactduliasdolo- mi tique et du cal- caire à Dicérates. 22. Enclavée dans les schistes supralia- siques. ÉTENOUE. - 13. Longueur E. O., 400 m. Largeur N. S., 200 m. Surface, 8 hect. |4. Longueur E. O., 300 m. Largeur N. S., 100 m. Surface, 3 hect. 15. Longueur N. S., 200 m. Largeur E. O., 100 m. Surface, 2 hect. 16. Longueur S. N., 700 m. Largeur E, O., 250 m. Surface, 17 hect. 50 ares. 17. Longueur N. S., 400 m. Largeur, 100 m. Surface, 4 hect. 18. Longueur E. O., 1200 m. Largeur N. S., 300 m. Surface, 36 hect. 19. Longueur E. O., 700 m. Largeur N. S., 150 m. Surface, 10 hect. 50 ares. 20. Longueur E. O., 1100 m. Largeur N. S., 120 m. Surface, 13 hect. 20 ares. 21. Longueur E. O., 400 m. Largeur N. S., 150 m. Surface, 6 hect. 22. Longueur E. O., 2200 m. Largeur N. S., 150 m. Surface, 33 hect. XI. Calcaire a dicérates. L’étage du calcaire à Dicérates ou crétacé inférieur est essentiellement formé de calcaire gris clair ou noirâtre carac- térisé par les coquilles dites Dicérates appartenant au genre Requienia ; il est fréquemment susceptible de recevoir le poli et donne de très-beaux marbres, comme aux environs de Saint- (note de m. mushy. 79 Girons, où il est exploité pour marbre lumachelle, grand et petit antique, noir funéraire, etc. 11 ne renferme que très-accidentellement des couches schis- teuses ou terreuses, et les affleurements ophitiques y sont très-rares; je n’ai eu l’occasion de constater dans cette for- mation que deux amas d’ophite situés tout près l’un de l’autre, au hameau de la Grausse, commune de Clermont, sur le bord de la route nouvelle qui conduit du Mas-d’Azil à Saint-Girons par Clermont et Lescure ; l’ophite est une diorite tantôt cris- talline, tantôt terreuse et altérée passant sur son pourtour à des argiles fortement colorées en rouge par de l’oxyde de fer à l’état de peroxyde (sanguine). Chacun des deux amas avec terres rouges associées est encaissé de part et d’autre dans les assises du calcaire à Dicérates et loin de tout affleurement granitique ; au contact des calcaires et des ophites $ont de belles brèches variées fortement colorées, qui donnent des marbres cervelas de toute beauté, exploités depuis peu de temps. Le tableau suivant détermine la situation de ces ophites. i * - ' J r ' + NATURE. SITUATION géographique. i • f - • SITUATION i i ; : i gé.ologique. ÉTENDUE. 1. Diorite grossière avec argiles ferru- gineuses. 1. La Grausse de Cler- mont, près le Mas- d’Azil. i. Deux affleurements voisins et paral- lèles, encaissés dans l’étage du calcaire à Dicérates. 1. Longueur de cha- que affleurement , 400 m. Largeur de chacun, 50 m. Surface totale, 4 hect. XIÎ. Crétacé supérieur, ' ■ ' i .< H -r ;f. *.*■», ' • ■ Le terrain crétacé supérieur est constitué par des argiles, des marnes fossilifères, des calcaires grossiers marneux et des grès plus ou moins calcaires à délits enduits de mica; il est rarement métamorphique et en contact avec les roches primi- tives; il est pauvre en affleurements ophitiques; cependant il en contient quelques traces aux deux extrémités du dépar- tement dans les bassins du Lherset duSallat. 1 . Gypse de Rousseau , commune de Benaix , près Layelanet. — Dans la commune de Benaix, bassin du Lhers, le crétacé 80 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. supérieur est remarquable par ses bancs à rudistes et cyclolites ; il renferme entre les hameaux de Rousseau et Pages un affleurementgypseux peu considérable, exploité depuis quelque temps pour pierre à plâtre; le gypse est en relation avec des marnes rouges et vertes fortement colorées par l’oxyde de fer, tout à fait identiques avec les marnes connexes du gypse des opbites compris dans l’étage du trias; la roche opbitique n’apparaît nulle part; le gypse est toujours laminaire, cristallin, comme dans les gisements de cette nature dépendant des affleurements ophitiques. 2° Diorite grossière de Mercenac et de Bourepeaux avec gypse et fer magnétique. — Sur la rive droite du Sallat, entre le Gap de la Lane, commune de Mercenac, et Bourepeaux, est un long affleurement ophitique formé d’une diorite grossière verdâtre, tantôt cristalline et alvéolaire, tantôt grossière, plus ou moins altérée et transformée en terres ocreuses, tantôt schisteuse, orientée parallèlement aux bancs schisto-terreux encaissants, passant parfois à de véritables schistes verdâtres satinés et luisants, à peine imprégnés de quelques cristaux verts d’am- phibole. Dans les régions cristallines la diorite est gris verdâtre, foncée, passant au brun rougeâtre ; elle a des cavités ou cellu- les en forme d’alvéoles ovoïdales remplies d’ocre ou d'argile; telle est sa constitution vers l’est, du côté de Mercenac. A l’ouest, vers Bourepeaux, elle devient plutôt compacte, terreuse, et passe à des schistes grossiers à peine cristallins. Cette diorite, qui affleure de l’est à l’ouest sur près de 2 kilo- mètres et demi avec une puissance variable de 100 à 300 mètres, sépare les assises gréseuses et marneuses du crétacé supérieur dont elle occupe la base des couches esquilleuses du calcaire à Dicérates; elle est en relation avec des dolomies celluleuses et cariées et des éponges quartzeuses. Vers son extrémité orientale, la diorite renferme un gise- ment de fer oxydulé magnétique un peu pyriteux, sur lequel des travaux assez considérables paraissent avoir été exécutés; le minerai est à la surface pulvérulent et sableux. A l’ouest, à la métairie du Barbut et à Bourepeaux sont en relation avec la diorite d’importants gisements de gypse cris- tallin laminaire grisâtre, imprégné de grains de pyrite de fer; &JPS® est exploité activement dans plusieurs carrières pour les besoins de la localité» NOTE DE M. MUSSY. 81 Le tableau suivant résume les caractères des amas ophi- tiques des marnes du crétacé supérieur. NATURE. SITUATION géographique. SITUATION géologique. ÉTENDUE. 1. Gypse avec marnes colorées. 1. Rousseau , com- mune de Benaix, près Lavelanet. 1 . Au milieu des marnes à rudistes du terrain crétacé supérieur. 2. A la partie infé- rieure des marnes du crétacé supérieur à leur contact avec le calcaire à Dicé- rates, en relation avec des calcaires alvéolaires , sili- ceux. 1. Surface, 10 ares. 2. Diorite grossière et schisteuse, avec gypse et fer magné- tique. 2. Du cap de la Lane, Mercenac, à Boure- peaux, par le Bar- but. 2. Longueur E. 0., 2500 m. Largeur N. S., 200 m. Surface, 50 hect. XII. Terrain nummulitique. Le terrain nummulitique de l’Ariége renferme six étages distincts qui sont : 1. Schistes et quartzites ou grès éocène; 2. Marnes rouges; 3. Calcaire à Miliolites; 4. Étage nummulitique proprement dit; 5. Alternances variées avec bancs lacustres. 6. Poudingue de Palassou. Les deux premiers étages essentiellement argileux ou schis- teux présentent quelques affleurements ophitiques ; les autres plutôt calcaires n’en contiennent point; cependant, dans le bassin nummulitique tout spécial du massif d’Ausseing, à l’ex- trémité occidentale du département de l’Ariége, l’étage pure- ment argileux, supérieur nummulitique, immédiatement infé- rieur au poudingue de Palassou qui paraît correspondre à l’étage n° 5 de la formation ordinaire nummulitique des envi- rons de Foix, présente les belles diorites avec gypse de Bet- chat. Les principaux amas ophitiques de cette formation nummu- litique sont les suivants : Soc. géol.y 2e série, tome XXVI. G 82 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1888. XIII. Schistes etquartzites ou grès eocene. Les ophites de cette formation sont tons compris dans la moitié occidentale du département, où eile est à peu près uni- quement constituée par des schistes terreux alternant avec de petits bancs de quarlzites ; les grès éocènes du centre de l’A- riége n’en présentent aucun; ils sont : 1° Diorite grossière de Capens et de Saint-Alby. — Si on descend la route de Durban à Clermont, près le Mas-d’Azil, on recoupe successivement les formations basiques et crétacées dans toute leur étendue; après avoir traversé les dernières assises du crétacé supérieur, formées de marnes et de calcaires marneux jaunâtres, de poudingue à galets calcaires, de quelques grès grossiers rougeâtres très-ferrugineux, on entre dans une série alternante de schistes argileux terreux , de quartzites et de schistes siliceux dont l’ensemble forme la base de la série nummulitique. Vers la partie inférieure de ces couches scbisto-siliceuses et argileuses, tout près de leur contact avec le crétacé supérieur, est au-dessous du hameau de Capens un affleurement ophitique un peu complexe, qui comprend une diorite grossièrement cristalline, des marnes rouges ou vertes fortement colorées par de l’oxyde de fer en bancs pseudo-stratifiés, dontl’ensemble rappelle un peu les ophites du trias. bn face de cet affleurement, sur l’autre versant du vallon, à la métairie de Saint-Alby, est un amas du même genre de diorite grossière, accompagnée par une très-grande abondance de marnes rouges riches en peroxyde de fer. 2° Gypse de Gausser aing. — Un peu plus à l’ouest, sur le bord de la grande route qui conduit du Mas à Saint-Girons par Cler- mont et Lescure, on trouve, un peu avant d’atteindre le ha- meau de Piconis, un gisement assez considérable gypseux en relation avec des ophites terreux analogues à ceux de Capens, des marnes rouges et alvéolaires fortement colorées. Cet en- sem jlt, situé à 1 entrée du vallon de Gausseraing sur la rive gauche du vallon de Piconis, donne quelques exploitations de pieires a p âtre, sur 1 autre bord opposé du vallon, il apparaît ga ement sans être exploité ; le tout est compris dans l’étage es sc istes et quartzites, non loin de leur voisinage des as- sises marneuses du crétacé supérieur qui passent un peu plus haut, au village de Clermont. NOTE DE M. MUSSY. 83 3* Gypse et sel de Sarradas . — En amont des gypses de Gaus- seraing et sur le versant méridional du haut coteau qui sépare les vallées de Clermont et de Camarade, est, au quartier de Sarradas, un gisement gypseux analogue à celui de Gausse- raing et compris dans la même formation des schistes terreux alternant avec des schistes siliceux et des bancs de quartzites ; ces gypses sont accompagnés d’un vieuxpuits salin qui doit sans doute, comme à Camarade, révéler la présence souterraine du sel gemme ; l’ophite proprement dit n’apparaît nulle part, mais la similitude de situation avec les gisements de Capens, de Saint- Alby etdeGausseraingdans les mêmes couches permet d’établir une certaine connexion entre ces gypses avec sel et les roches ophitiques. 4° Gypse et sel de Camarade . — * Le gisement de Camarade est compris à la limite supérieure des schistes et des quartzites à leur contact avec une bande mince de grès sableux et de marnes rouges formant l’étage inframiliolitique ; en ce point les quart- zites manquent presque totalement, les schistes sont terreux et tendres et passent le plus souvent à des marnes jaunâtres ayant quelque analogie avec les terres ocreuses ophitiques. Le sol est formé d’argiles jaunâtres et de grès terreux; à peu de profondeur on rencontre des masses 'gypseuses très- puissantes, englobant des amas irréguliers de sel gemme qui saturent toutes les eaux et donnent naissance à un puits salin connu dans tout le pays depuis un temps immémorial. Ce puits salin avait 7 à 8 mètres, creusé dans une argile bru- nâtre, renfermant des cristaux de sélénite et du gypse fibreux; tout le sous-sol est formé par des argiles gypsifères ; les eaux salées marquaient 10° à l’aréomètre ; leur richesse et leur quan- tité étaient variables. Dietrich, qui avait visité ce puits vers 1780, dit qu’on en tirait par 24 heures 23 cuveaux de 4741 pouces cubes ou 2462 litres ; on traitait l’eau salée dans une petite chaudière et on obtenait par jour 200 kilog. de sel. En 1831, l’extraction moyenne était de 10 à 12 hectolitres par jour ; à la suite de pluies, et presque subitement, le niveau de l’eau s’élevait dans le puits et la salure de l’eau aug- mentait; le minimum de salure correspondait au niveau le plus bas des eaux et au temps de sécheresse. Plus tard, ce puits salin fut approfondi vers 1848 ; il avait 14 mètres de profondeur et donnait de l’eau salée d’une ma- nière assez régulière. A la même époque des travaux importants furent exécutés : SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. 1° Au bas du puits de 14 mètres de profondeur une galerie sinueuse dont le développement était de 12 mètres ; 2° Cinq sondages différents, dont trois dans les argiles avec plâtres salifères et deux dans les grès environnants; chaque sondage est resté dans le terrain où il a été commence; leur profondeur ne dépassait pas 25 mètres ; 3° Un grand puits cuvele, carre, de 2 métrés de cote et de 33 mètres de profondeur; en le creusant on a rencontré une petite source salée marquant 50° à l’aréomètre ; ce puits est englobé dans l’enceinte actuelle de l’usine ; on l’avait creusé pour y conduire la source de l’ancien puits qui paraît d’ailleurs en profondeur venir de ce côté. Plus tard on a prolongé de 5 mètres dans la direction de la source la galerie sinueuse commencée au bas du petit puits ancien ; de plus on a commencé un sondage dans les argiles au toit des couches où coule la source salée ; le 17 octobre 1849, le trou de sonde avait 22 mètres et la teneur de l’eau était la suivante : POUR UN LITRE D’EAU Chlorure de sodium 119 g. 044 — magnésium 2. 082 — calcium 0. 817 Sulfate de soude 8. 002 — chaux 1. 054 130. 999 et en sel cristallisé, 138 gr. 349. A la même époque, la quantité d’eau amenée par la source était de 3 litres 92 par minute; elle marquait 12° à l’aréo- mètre et 13° au thermomètre ; ce débit et la teneur en sel étaient très-variables suivant les saisons ; à plusieurs reprises on a pu constater des affluences d’eau considérables ; le débit s’est élevé parfois jusqu’à 20 litres par minute à la suite de pluies ; l’eau marquait alors 21° à l’aréomètre ; d’autres fois ce débit s’est réduit à 2 litres 50, et l’eau ne marquait plus que 5° à l’aréomètre. Plus tard deux sondages furent exécutés, l’un à 180 mètres au N. N. O. de l’ancien puits et l’autre au S. S. E. et à environ 260 mè- tres de ce puits; ces opérations donnèrent peu de résultats. En 1850 un nouveau sondage fut essayé à 192 mètres au N. O. du puits d’extraction englobé dans l’usine ; ce sondage a tra- versé des marnes et des argiles gypseuses sur une profondeur de NOTE DE M. MUSSY. 85 19 mètres 65, et a pénétré dans des gypses nonsalifères où il est resté jusqu’à 34 mètres 10 ; à ce point il a rencontré des gypses plus ou moins salifères et a atteint le sel gemme à la profondeur de 64 mètres 10 ; il a successivement traversé trois couches de sel dur et très-pur, séparées par de petites assises boueuses et argileuses d’une faible puissance; l’épaisseur de la première couche était de 1 mètre 25 à 1 mètre 30, celle de la deuxième de 2 mètres 90 à 3 mètres ; enfin la troisième couche n’a été percée qu’à la profondeur d’un mètre, bien que la sonde en ramenât un sel dur, très-blanc, propre sans préparation aux usages domestiques ; le sondage a été arrêté à la profondeur de 70 mètres 40. A la même époque, le puits de l’usine fut approfondi jus- qu’à 56 mètres ; les 22 premiers mètres sont dans les marnes et argiles gypseuses, le reste dans les gypses non salifères ; au fond du puits un sondage fut essayé ; il est resté dans les gypses jusqu’à la profondeur de 80 mètres, et a pénétré alors dans la formation des gypses salifères, où il a été approfondi jusqu’à 109 mètres, sans recouper le sel gemme. Un grand sondage a été un peu plus tard exécuté à 80 mè- tres au N. O. du puits de l’usine et à 112 mètres au S. E. du premier sondage ; il a successivement rencontré le gypse à 11 mètres, le gypse salifère à 39 mètres 70 et le sel gemme à 46 mètres 80 qu’il a traversé sur une profondeur de 22 mètres, sans trouver la base inférieure du gisement salin. Pour recouper l’amas de sel gemme rencontré dans les deux principaux sondages, une galerie horizontale de recherche fut commencée au bas du puits etdirigéeauN. O. vers la dernière masse découverte ; elle avait 80 mètres à parcourir pour l’at- teindre ; à environ 60 mètres du puits, elle rencontra une forte source qui inonda tous les travaux et dont les pompes ne pu- rent parvenir à se rendre maîtres ; depuis cette époque les tra- vaux souterrains de Camarade sont noyés et l’exploitation n’a d’autre objet que l’évaporation dans des chaudières de l’eau salée, qui afflue en grande abondance dans le puits principal de l’usine. L’extraction de l’eau salée se fait au fur et à mesure des be- soins par une pompe d’épuisement qui fonctionne un jour par semaine, quand l’atelier d’évaporation est en bonne marche ; dans ces conditions elle peut donner 100 hectolitres d’eau par heure, contenant 33 kilog. de sel par hectolitre ; le niveau su- périeur de l’eau salée est toujours à 18 mètres en contre-bas 86 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. du sol de l’usine ; le reste est pendant l’hiver plein d’eau non salée qu’on épuise une fois pour toutes au commencement de chaque campagne par une pompe spéciale. L’ensemble de ces faits indique la présence de sources sa- lées dues à l’existence de masses de sel gemme et une con- nexion intime entre ce sel et les gypses et argiles gypsifères ; d’autre part la constatation des mêmes gypses dans le voisinage en relation avec des roches ophitiques permet de rattacher aux affleurements des roches de cette nature le gisement gypseux et salifère de Camarade. Le tableau suivant indique l’ensemble des faits ophitiques qui se rapportent à l’étage des schistes et des quartzites. NATURE. SITUATION géographique. SITUATION géologique. ÉTENDUE. 1. Diorite grossière, 1. Capes et Saint- • 1. En relation avec i. Longueur E. 0., arènes et terres Alby, sur le chemin les schistes terreux 700 m rouges. de Durban au Mas- d’Azil, de chaque côté de la route. de l’étage des schis- tes et quartzites, non loin de son con- tact avec le crétacé. Largeur N. S., 50 m. Surface, 3 hect. 50 a. 2. Gypse et terres rou 2. Gausseraing, sur 2. Dans les schistes 2. LongueurN.O. S.E, ges. la route de Cler- mont au Mas-d’A- zil. terreux avec quart- zites, non loin des marnes du crétacé supérieur. 1000 m. Largeur, 200 m. Surface, 20 hect. 3. Gypse et sel. 3. Sarradas, en amont de Gausseraing. 3. Dans les schistes terreux, avec quart- zites, à leur contact avec le calcaire à Miliolites. 3. LongueurN.O. S.E. f 300 m. Largeur, 100 m. Surface, 3 hect. 4. Gypse et sel. 4. Camarade, quar- tier de Laffite, puits salin. 4. Dans les schistes terreux, avec quart- zites, à leur contact avec le calcaire à Miliolites. 4. LongueurN.O. S.E. 600 m. Largeur, 200 m. Surface, 12 hect X1Y. Marnes rouges inframiliolitiqites. L étage des marnes rouges vivement colorées, à bancs rares de grès plus ou moins calcaires, est pauvre en affleurements ophitiques ; à l’extrémité orientale du département, au Val- d Amour, qui descend de l’est à l’ouest vers Belesta, en par- tant de la limite de 1 Aude, on voit se développer dans ces marnes des masses de gypse rouge, au contact du calcaire à Miliolites; deux sont exploitées, l’une un peu au-dessous et à gauche du hameau de Carme dans l’Ariége et l’autre un peu NOTE DE M. MUSSY. 87 au delà sur le bord de la grande route à la limite extrême de l’Ariégê et de l’Aude et dans ce dernier département. Ces gypses sont analogues à ceux de Gausseraing ; des schistes et des quartzites peuvent également être rapportés aux formations ophitiques ; ils sont accompagnés de quelques ar- giles très-rouges et colorées par le peroxyde de fer, comme dans la région du Mas-d’Azil. Le tableau suivant précise la situation de ce gisement gyp- se ux : NATURE. SITUATION géographique. SITUATION géologique. ÉTENDUE. 1 . Masses gypseuses avec argile rouge ferrugineuse. 1. Carme Val d’A- monr, à l’E. de Be- lesta. 1. Dans les marnes infra-milioli tiques , au contact du cal- caire à Miliolites. 1. Surface, 50 ares. XV. Étace nummulitique supérieur. La formation nummulitique du massif d’Ausseing comprend au-dessus du calcaire à Miliolites trois sous-étages qui sont par ordre d’âge : un étage calcaire, un étage essentiellement marneux et le poudingue de Palassou, analogue à celui du bassin de l’Ariége. La fraction essentiellement marneuse présente à l’extrême limite du département de l’Ariége, dans la commune de Bet- chat, un affleurement ophitique des plus étendus et des plus r&narquables. Le bassin gypseux et ophitique occupe un large espace triangulaire allongé, dont la base ayant 2,500 à 3,000 mètres suit le chemin qui conduit du hameau de Clouzet au vieux château de Castelbon et de Nauton ; les deux côtés du triangle sont formés du côté de l’ouest parle chemin de Clouzet à Jour- dyn par Pontsole, du côté de l’est par la rivière du Lins, qui forme la limite de l’Ariége et de la Haute-Garonne ; la hauteur de ce triangle est de 2 kilomètres ; sur la rive droite du Lins dans la Haute-Garonne, la formation gypseuse s’étend en lisière étroite sur une centaine de mètres au plus, dominée par un bourrelet étroit d’ophite cristallin. Au centre du triangle minéral de Betchat et sur presque tout 8S SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. son pourtour sont des masses ophitiques formées d'une dio- rite très-cristalline qui s’étendent entre les hameaux de Char- ron, Pontsole, Grange et Castelbon ; la diorite est vert foncé, largement cristalline, formée de feldspath labrador et d’amphi- bole ; elle est surtout remarquable en bourrelet étroit et sail- lant au nord de la formation et sur la rive droite du Lins dans la Haute-Garonne. Tout autour du noyau ophitique central, le gypse est dis- posé en forme de croissant très-épaisau nord-ouest et à l’ouest, mince au sud et à l’est ; dans sa région la plus riche au quar- tier de Jourdyn, la masse gypseuse affleure sur une largeur de 500 à 600 mètres du nord au sud, et sur une étendue de près d’un kilomètre ; son épaisseur, qui a été fréquemment sondée jusqu’à 50 mètres et 60 mètres par des travaux d’ex- ploitation sans recouper la roche stérile, est très-grande et in- connue. La diorite passe au gypse par des argiles gypseuses bario- lées, colorées en rouge ou vert par l’oxyde de fer; elle est rare- ment décomposée et ne donne point de wakes ocreuses. Le gypse est disposé en masses irrégulières de qualité va- riable, séparées par de vastes surfaces de délits entre-croisées, plongeant en tous sens de 40° à 45° ; il est toujours plus ou moins cristallin, rarement complètement blanc, comme à Arignac, souvent un peu grisâtre terreux, assez fréquemment coloré en rouge ou en vert, surtout à la surface, et mêlé à des argiles ocreuses fortement colorées par l’oxyde de fer; il est souvent criblé de grains de pyrite de fer. L’exploitation du gypse à Betchat pour pierre à plâtre re- monte à une époque très-reculée et est des plus importantes; les carrières sont nombreuses, souterraines et parfois très- profondes; par places sont de grands effondrements remplis d’eau, qui révèlent la présence d’anciens travaux souterrains très-considérables ; la production annuelle des carrières de Betchat atteint près de 300,000 quintaux métriques. Le tableau suivant précise la situation du grand affleurement ophitique de Betchat. NOTE DE M, MUSSY. 89 NATURE. SITUATION géographique. SITUATION géologique. * ÉTENDUE. 1. Diorite cristalline, avec gypse cristal- loïde imprégné de pyrite de fer. 1. Betchat, extrémité N. 0. du départe- ment. s’étendant un peu dans la com- mune de Gerizols, par Manton. 1. En relation avec l’étage marneux nummulitique du massif d’Àusseing, immédiatement in- férieur au poudin- gue de Palassou. 1. Longueur N. 0. S. E. Largeur moyenne . 1000 m. Surface, 2mq 50hect. Les autres formations nummulitiques et le miocène de la basse Ariége ne renferment pas d’affleurements ophitiques ; les faits cités plus haut indiquent que la principale masse de ces roches peut être rapportée à peu près par proportions égales aux transformations des marnes irisées, du lias cristal- lin et des marnes ou schistes supraliasiques. Résumé. Pour préciser les idées au sujet de l’importance des roches ophitiques de l’Ariége, j’indique dans le tableau ci-des- sous le nombre et l’étendue de chaque massif rapporté aux divers étages géologiques de la contrée. 90 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868 Total NOTE DE M. MUSSY. 91 Pour mieux comparer les importances relatives des affleu- rements ophitiques des divers étages géologiques, je suppose- rai à l’ensemble de chaque groupe une épaisseur moyenne d’un kilomètre; le tableau suivant indique alors leur longueur correspondante : I-II. Granités et gneiss 10 mètres III. Silurien inférieur 922 IV. Silurien supérieur 10 V. Dévonien Q, 1 VI. Grès bigarré 7, 5 VIL Marnes irisées 7884 IX. Lias supérieur 4271 X. Marnes et schistes supraliasiques. . 308 0 XL Calcaire à Dicérates 40 XII. Crétacé supérieur 501 XIII. Schistes et quartzites . 385 XIV. Marnes rouges inframiliolitiques. 5 XV. Étage nummulitique marneux.. 2500 Pour l’ensemble des formations. . . 19615 En résumé, l’ensemble des affleurements ophitiques du dé- partement de l’Ariége occupe une superficie qui ne dépasse pas un rectangle de 20 kilomètres de long sur un kilomètre de large. Je me bornerai pour le moment à la description de ces faits concernant les affleurements ophitiques de l’Ariége, meréser- vant de renvoyer à une note postérieure les hypothèses pos- sibles sur le mode de formation de ces roches. Avant de terminer, je ferai observer de nouveau que, chargé par Son Excellence le Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics et le Conseil général du département de PAriége de continuer la carte géologique de ce département, commencée autrefois par M. François, inspecteur général des mines, j’ai extrait cette petite note de mon travail actuellement terminé et j’ai eu fréquemment recours aux excellentes notes que je dois à l’obligeance de M. François. M. Daubrée présente ensuite, en son nom, deux notes, Pune sur de nouveaux gisements de phosphate de chaux ( V . la Liste des Dons), l’autre sur de nouvelles expériences synthétiques relatives aux météorites (F. la Liste des Dons). 92 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. M. Longo offre à la Société deux notes sur la vulcanogéo- logie (K la Liste des Dons). M. Terquem demande l’insertion dans les Mémoires delà Société d’un travail sur le Fuller's-earth de la Moselle. Cette demande est renvoyée au Conseil. M. Marcou présente au nom de M. Barrandedeux notes : la première sur la faune silurienne de Hof en Bavière, la deuxième sur la réapparition du genre Arethusina , et de- mande, au nom de leur auteur, l'insertion de ces deux notes au Bulletin. Le même membre met ensuite sous les yeux de la Société une pierre météorique, tombée le 11 juillet 1868, àLavaux, près d'Ornans (Doubs), et lit sur cette chute la note suivante : Notes sur une météorite tombée le 11 juillet 1868, cl Lavaux, près Ornans (Doubs); par M. Jules Marcou. J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société une météorite tombée récemment, 11 juillet dernier, dans la vallée de Lavaux, sur le territoire d’Ornans (Doubs). Je la dois à mes amis, MM. Gustave Courbet, le célèbre maître-peintre d’Or- nans, Max Buchon, le poète franc-comtois, et le docteur Éd. Ordinaire, qui ont mis la plus grande complaisance pour me procurer la moitié de ce qui a été trouvé après la chute. Le fils du docteur Ordinaire, M. Olivier Ordinaire, jeune chi- miste déjà connu dans la science, a bien voulu recueillir sur les lieux mêmes les renseignements relatifs au phénomène et que je vais résumer. Le 11 juillet, vers sept heures un quart du soir, par un temps très-beau et sans nuage, on entendit, dans la ville d’Ornans et dans les villages voisins, quatre détonations semblables à des coups de canon, tirés à intervalles égaux et assez longs pour que l'on pût faire une réflexion entre chacun d'eux. Ensuite, neuf ou dix coups plus faibles se succédèrent très-rapidement, comme un feu de peloton. Le dernier fut plus violent que les autres et de la même intensité que les quatre premiers. Aussitôt après, un sifflement commença, comparable à celui que ferait un grand nombre de locomotives sifflant toutes à la fois. Puis, un corps noir tomba à terre, dans la vallée de Lavaux, au lieu dit ia raie de Coutaule , au sud-ouest d’Ornans, dans la direc- NOTE DE M. MARCOU. 93 lion de Flagey. Deux ouvriers nommés Roussel et Coulet, occupés à faucher de l'herbe, furent renversés, et virent tomber la météorite à seulement soixante-cinq mètres de distance du point où ils étaient. S'étant approchés, ils trouvèrent la mé- téorite encore tiède et brisée en deux parties égales; elle avait fait dans la terre végétale un trou de vingt-huit centimètres de profondeur sur vingt-un centimètres de largeur. Le temps qui s’est écoulé entre la première détonation et la chute est con- sidérable; car, d’après Roussel, l’un des spectateurs du phé- nomène, il aurait été de dix minutes. En vérifiant sur le terrain même, et montre en main, les allées et arrêts faits par Roussel et Coulet, qui, effrayés, ont cherché un abri, M. Olivier Ordi- naire est arrivé à peu près au même résultat. C’est peut-être l’exemple le mieux constaté d'une aussi longue durée de temps entre la première détonation et la chute d’une météorite. Le bolide marchait du sud vers le nord ; et, quoique les éléments pour en tracer la trajectoire ne soient pas encore suffisants, on peut dire que les détonations et le sifflement semblaient partir de Salins (Jura) et venaient en s'approchant d’Ornans. Entendus dans un grand nombre de villages autour d'Ornans, surtout à Longeville, Ghantrans, Montgesoye, Maisières, Vuil- lafans, Cléron, Malbran, Scey, Chassagne, Flagey, etc., tous les habitants ont cru aux premières détonations que les Prussiens bombardaient les forts de Salins. Lesdeuxfragments, quijuxtaposésreproduisaient lamétéorite telle qu'elle existait au moment de rencontrer le sol, pesaient six mille cinquante grammes. Sa surface est recouverte d’une croûte semblable à celle de la plupart des météorites pier- reuses. Analysée par notre confrère M. F. Pisani, à qui je l'avais confiée, et qui a publié les résultats de son analyse dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences , séance du 28 sep- tembre dernier, la météorite d’Ornans rentre dans le sous- groupe des cryptosidères de la classification de M. Daubrée ; elle est à la limite des espèces où le fer métallique est peu abondant, et elle se rapproche beaucoup des météorites qui en sont dépourvues. Sa couleur, à la cassure, est d'un gris un peu plus foncé que la plupart des autres météorites pierreuses; sa texture est gra- nuleuse, ooiithique et très-friable ; et au premier aspect on la prendrait pour un morceau de grès de mollasse suisse, des en- virons de Lausanne ou de Berne. Elle ressemble aussi à de la cendre volcanique cimentée assez faiblement et soumise à une 9ï SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. forte pression. Sa porosité est considérable, puisqu'en deux heures un fragment plongé dans Peau en a absorbé environ 1/10 de son poids. Le fer métallique y est en grains très-petits, visibles seulement à la loupe, et en petite quantité. Elle est très-peu magnétique. Sa densité est de 3,599. Au spectroscope, on voit la chaux et la soude. Sa composition est de 75,10 de péridot; silicate inattaquable, 15,26; fer nickelifère, 1,85; pyrite ma- gnétique, Fe7S8, 6,81; et fer chromé, 0,40. Ce qui frappe sur- tout dans cette météorite, c'est la grande quantité de péridot qu'elle renferme et qui dépasse beaucoup la moyenne des autres météorites connues jusqu'à présent. Au lieu de 50 p. 100, elle contient 75 p. 100 de péridot. Sous ce rapport, elle est unique , et elle semble donner un grand poids à l'idée émise par notre savant confrère, M. Daubrée, que le péridot peut être considéré comme scorie universelle. Analyse totale par M. Pisani. Silice Alumine Oxyde ferreux Oxyde de manganèse Magnésie Chaux Soude, potasse. ..... Oxyde de Nickel.... Fer nickelifère Soufre Fer Cuivre Fer chromé Phosphore Après quelques observations de M. Pisani, à propos de cette météorite, M. Marcou fait passer sous les yeux de ses confrères une photographie prise au musée de Christ- Church, dans la Nouvelle-Zélande, et représentant 3 sque- lettes de Dinornis. M. Daubrée fait la communication suivante : 3J, 23 4, 32 24, 71 traces 24, 40 2, 27 0, 55 2, 88 1, 85 la) 6’81 Fe’S8 traces 0, 40 traces r"™ • < 99, 42 NOTE DE M. DAUBRÉE. 95 Observations sur la météorite d’Ornans et sur l’imitation artificielle de sa structure globulaire ou chondritique ; par M. Daubrée. Je demanderai à ajouter quelques observations aux deux notes intéressantes dont la météorite d’Ornans vient d’être l’objet de la part de M. Jules Marcou et de M. Pisani. Fusion de la météorite. M. Olivier Ordinaire avant bien voulu «/ se dessaisir, en faveur du Muséum, du bel échantillon qu’il possédait, on se représente facilement, en rapprochant ce frag- ment de celui que nous possédions déjà, la forme et les dimen- sions qu’avait la météorite, avant qu’elle se fût brisée sur le sol. Gomme d’ordinaire, elle a la forme d’un fragment polyédri- que à arêtes émoussées, dans lequel on distingue deux grandes faces sensiblement parallèles, et deux autres plus petites, à angle droit entre elles, en même temps que sur les deux pre- mières. Les dépressions, quelquefois si fréquentes, sont ici comparativement rares. Toutefois, on y remarque, comme dans beaucoup d’autres cas, des sillons très-prononcés ou en- coches^ qui sont au nombre de deux. Les trois dimensions principales ont 25, 15 et 10 centi- mètres. La croûte, qui est mate, présente des caractères très-diffé- rents, suivant les faces de l’échantillon. Sur la plus grande étendue, elle est faiblement rugueuse et chagrinée. Au con- traire, sur la principale face plane, la croûte est très-fortement bulleuse, en même temps qu’elle y a acquis plus d’épaisseur. Si l’on en examine la disposition générale, on voit que la ma- tière vitrifiée, à laquelle la croûte doit naissance, a ruisselé vers cette large face plane qui, manifestement, occupait l’arrière du projectile, pendant son incandescence momentanée. Quand on fond la météorite d’Ornans, dans un creuset bras- qué de charbon, à la haute température du chalumeau à gaz de M. Schlœsing, on obtient, comme d’ordinaire, une masse com- posée de deux parties distinctes : l’une métallique, l’autre li- thoïde. La première est formée par le fer de la météorite, auquel s’est ajouté celui qui provient de la réduction d’une partie du péridot. A part le culot qu’elle constitue, cette partie métalli- que est disséminée en grenailles à la surface et dans l’inté- rieur de la masse pierreuse. A la partie supérieure du culot est une sorte d’anneau for- 96 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. iné de sulfure, qui s’est isolé, à raison de la différence de den- sité. La couleur gris de fer du culot métallique présente un reflet cuivreux, comme celui que donne le titane. Quant à la matière lithoïde, elle est entièrement cristalline à sa surface et montre, de toutes parts, des octaèdres à base rectangulaire, très-obtus, caractéristiques du péridot. On n’y distingue pas, comme dans le produit de la fusion de beaucoup d’autres météorites, des aiguilles d’enstatite. Le bisilicate, qui doit s’y trouver, est caché dans la masse de péri- dot, ainsi qu’onl’a expliqué, à propos d’expériences antérieu- res (1). En tous cas, on peut voir dans cette expérience la con- firmation du résultat de l’analyse, savoir que le péridot do- mine dans la météorite d’Ornans. Structure oolithique de la météorite. La météorite d’Ornans est si peu cohérente qu'elle se désagrégé sous la simple pression des doigts; on ne peut même en toucher la cassure, sans qu’il en adhère aux doigts de la poussière. C’est un caractère extrê- mement rare, qui suffirait déjà à la distinguer des météorites du type commun et à la rapprocher des météorites charbon- neuses. Si l’on examine la matière désagrégée, on reconnaît à l’œil nu, ou mieux à la loupe, qu’elle se compose d’innombrables petits globules, les uns sensiblement sphéroïdaux, les autres de formes diverses, mais toujours arrondis. Ces globules ont un diamètre inférieur à 1/3 de millimètre (0mm,30). Il en est même beaucoup dont le plus grand diamè- tre n’est que de 0mm,20 à 0mm,10; d’autres enfin sont encore moindres. La partie la plus tenue, examinée au microscope, paraît aussi globulaire pour la plus grande partie, si ce n’est même entièrement. On sait que pour la plupart, les météorites pierreuses pré- sentent dans leur cassure des formes globulaires qui, dans la classification de M. Gustave Rose, ont valu au principal groupe le nom de chondrites . Mais la météorite d’Ornans diffère de cel- les qui ont été décrites par le développement, dans toute la masse, par 1 uniformité et par la finesse de la structure globu- laire. Parmi les roches terrestres qui se rapprochent le plus, pour (1) Bull, de la Soc. géol.} 2e série, t. XXIIÎ, p. 291. 5 NOTE DE M, DAUBRÉE. 97 la structure, de la météorite d’Ornans, on peut citer le cal- caire oolithique, si abondant, dans certains étages du terrain jurassique, ainsi que certains quartz, comme on en trouve dans les terrains tertiaires du Berry, par exemple, et qui parais-, sent provenir d’une épigénie du calcaire oolithique sous-ja- cent. Quant aux roches terrestres formées de silicates, comme la partie oolithique des météorites, il en est beaucoup de glo- bulaires, telles que les pyromérides de Corse, certaines roches» feldspathiques de 111e d’Aran, les perlites, etc. Mais entre ces roches et la pierre d’Ornans, il existe des différences du môme genre que celles qui séparent de cette dernière les autres mé- téorites oolithiques. Les globules, qui constituent la météorite d’Ornans, parais- sent être à peu près dépourvus de ciment. Soumis à l’action de l’eau distillée, ils ne donnent que des traces de sel soluble, consistant en sulfate de magnésie et d’alcali, sans fer. Il n’est d’ailleurs pas besoin de cette petite quantité de» substance saline pour expliquer la faible agglutination que, présente la pierre; car il est remarquable que quand les globu-< les ont été désagrégés par la pression, on peut les réagglutiner, en leur apportant un peu d’eau, et on reconstitue ainsi, en quelque sorte, la météorite primitive. Examinés au microscope, les globules d’Ornans sont opaques sur presque toute leur étendue. Ils perdent cette opacité, quand on les traite par l’acide chlorhydrique, ce qui paraît résulter de la dissolution du fer métallique, qui forme comme un enduit à leur surface. Une fois décapés de cette manière, ils agissent sur la lumière polarisée. Ce fait indique que la pierre d’Ornans doit prendre place dans le groupe des Kryptond'eres. Elle se distingue toutefois de ia manière la plus nette des types de Ghassigny et de Juvinas et constitue un nouveau type. Si on écrase les globules, on obtient un grand nombre de fragments transparents, qui agissent aussi très-vivement sur la lumière polarisée et se comportent comme des fragments de- cristaux. On peut alors reconnaître que leur structure ne pré- sente pas de couches concentriques ni de fibres rayonnant, à partir du centre, ainsi qu’on le trouve dans certains pisolithes terrestres, tels que ceux de Carlsbad. formés par des dépôts successifs. Ces derniers caractères négatifs paraissent d’ailleurs se trou- ver en général dans les globules si fréquents dans les météo- Soc. géol., 2e série, tome XXVI, 7 98 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868» rites, ainsi qu’il résulte de l’examen microscopique qui en a été fait par M. Gustave Rose (1). Ce savant y a seulement con- staté des faisceaux de lignes parallèles, dont j’ai trouvé les analogies, en cherchant à reproduire artificiellement les mé- téorites. Parmi les météorites où la structure est particulièrement développée, on peut citer : 1° celles de Montréjeau (Haute- Garonne), 9 décembre 1858 et de Pégu (Inde), 27 décembre 1857 ; 2° celles de Bustee (Inde), 2 décembre 1852 et de Sige- na (Espagne), 17 novembre 1773; 3° celle de Parnallee (2), (Inde), 28 février 1857, et 4° celle d’Ornans. Imitation artificielle de la structure oolithique. — A quelle cause peut-on attribuer cette texture globulaire, si fréquente dans les météorites et si caractérisée dans celles d’Ornans en par- ticulier? Dans les roches et minéraux terrestres, où il existe une structure semblable, tels que, d’une part, les dépôts calcaires de Carlsbad et la îimonite oolithique et, d’autre part, les roches sili calées, elle peut dériver de plusieurs causes dis- tinctes. Sans revenir sur des modes de formation qui sont connus, j’ai cherché dans quelles circonstances spéciales la texture glo- bulaire des météorites, telles que celle d’Ornans, a pu se for- mer, en tâchant de l’imiter. Dans des expériences antérieures (3), j’avais déjà obtenu, sous la forme globulaire, des silicates magnésiens de composi- tion analogue à ceux des météorites; mais il est possible de les imiter plus complètement encore, non-seulement dans leur forme, mais même dans leur composition chimique. Si l’on fond du péridot, après l’avoir mélangé préalable- ment de charbon, de manière à le diviser suffisamment, la substance silicatée, en refroidissant, s’isole, sous forme de pe- tits globules, les uns sphéroïdaux, lesautres présentantdes dé- formations entièrement semblables à celles qu'on observe dans les globules d’Ornans. (O Beschreibung und Eintheilung der Meteoriten, 1864, p. 98, (2) N. S. Maskelyne. Notices of aerolites. (3) Expériences synthétiques relatives aux météorites. Bulletin de lq Société géologique de France , âc série, t. XXI II, p. 291, 99 NOTE DE M. DAUBRÉE, La ressemblance est encore plus intime que n’indiquerait la première vue; car les globules, ainsi obtenus, ne sont; plus exclusivement formés de péridot, mais ils sont intimement mélangés de fer métallique très-divisé, résultant évidemment d’une réduction partielle du silicate primitif, qui est, comme on sait, à base de magnésie et de protoxyde de fer. En outre, comme on l’a observé dans des expériences anté- rieures, par suite de cette réduction partielle, il se reproduit, aux dépens du protosilicate (péridot), du bisilicate (enstatite ou pyroxène), tel qu’en présente aussi la météorite qui nous occupe. Enfin, ces globules artificiels, examinés en tranches minces à l’aide de la lumière polarisée, se comportent exactement comme les globules de la pierre d’Ornans. Gomme on le voit, ils ne diffèrent sensiblement de ceux-ci que par leur diamètre moyen, qui est plus grand. Il suffit de mélanger au péridot 1/8 de son poids de charbon pour obtenir une granulation parfaitement nette. Bien des substances, autres que le charbon, interposées dans la masse silicatée, au moment de sa solidification, peuvent produire le même résultat (1). L’expérience que je viens de signaler jette donc du jour sur l’origine de la structure oolitbique delà météorite d’Ornans et, en général, sur la structure globulaire des météorites. Quant à l’état de division du fer, au milieu des silicates qui constituent la pâte, il ressemble complètement à celui sous le- quel il se sépare dans une masse de péridot, que l’on réduit par l’hydrogène. La couleur d’une pareille masse est d’ailleurs identique avec celle de la météorite d’Ornans. L'expérience vient encore à l’appui d’une supposition, an- térieurement émise dhme manière générale (2), que les mé- (1) C’est ainsi que dans les appareils connus sous le nom de pulvérisa- teurs, c’est l’air, d ns lequel les liquides sont projetés, qui les réduit à l’état globulaire. Le mercure donne un exemple bien connu de cette forme dans les liquides. Dans la fabrication du plomb de chasse, la granulation s’obtient d’une au- tre manière. Quant aux laitiers granulés, tels qu’on les obtient on les faisant arriver du creuset dans l’eau, la forme des grains ne présente plus la régularité des* globules obtenus par le procédé qui vient d’être indiqué. (2) Bull . Soc. géol. de France. 2° série, t. XXllt, p. 398. 399 et 403, / 100 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. téorites se seraient formées dans une atmosphère hydro- génée. Le Secrétaire donne lecture des deux notes suivantes de M. C o quand : Note sur les assises qui, dans les Bouches-du-Rhône, sont placées entre Voxfordien supérieur et V étage mlenginien ( base du terrain crétacé ); par M. H. Coquand. La géologie stratigraphique dans les contrées non tourmen- tées et riches en fossiles est chose généralement assez simple et commode, quand on ne désire pas entrer trop avant dans les questions de détail, et qu’on se contente d’examiner les étages en bloc, sans s’occuper des subdivisions en lesquelles ils sont susceptibles d’être dépecés. Un paléontologue exercé se tire d’affaire en peu de temps, et je n'en veux pour preuve que le nombre d’excellents mémoires qui souvent ne sont le résultat que de deux ou trois excursions de la part de leurs auteurs. Mais il n’en est pas ainsi lorsqu'on s’attaque à des régions bouleversées comme les Alpes et les Pyrénées, et nous pouvons ajouter les Alpes provençales, quoique ces dernières soient établies sur une échelle plus modeste. Pour le classement des masses pauvres en corps organisés fossiles, on sait tous les efforts et toute la science qu’il a fallu dépenser, pour resti- tuer aux étages méconnus ou outragés de ces diverses mon- tagnes ce qu’on pourrait, par figure, appeler leur état civil ; et, malgré les résultats positifs obtenus, combien de ques- tions relatives à leur constitution attendent encore leur solu- tion définitive. 11 faut bien reconnaître que ces difficultés sont grandes, puisqu’elles ont arrêté des observateurs habiles et expérimentés qui, après avoir enlevé d’assaut toutes les posi- tions fossilifères, ont dû s’arrêter et réserver leur opinion rela- tivement a des portions de ces montagnes, de plusieurs centaines de mètres de puissance, qu’ils n’ont pu classer, soit parce qu’ils avaient perdu le fil conducteur en perdant la piste des fossiles, , ou bien que le temps leur manquait pour le retrouver. En gé- néral, ils n’ont deviné juste qu’à la condition d’avoir pu lire à livre ouvert par les yeux de la paléontologie, et ils ont erré ou NOTE DE M. COQUAND. 101 sont devenus muets, quand, le caractère paléontologique leur faisant défaut, il convenait de réclamer des arguments aux études stratigrapbiques, études toujours rudes et ingrates, et dans lesquelles M. Lory a si habilement réussi. Mon intention est de fournir, dans cette note, quelques éclaircissements pour certaines questions relatives à la position qu’occupent, dans la série, des masses très-puissantes de dolomies et de calcaires blancs, qui se trouvent incontestablement placés entre le valen- ginien d’un côté et l’oxfordien supérieur de l’autre, et que quelques géologues persistent à faire remonter au niveau des calcaires blancs à Chaîna ammonia. Dans son excellent mémoire sur la Provence, M. Hébert (1) n’a pas dépassé, dans la nomenclature des divers étages juras- siques qu’il a reconnus dans les environs de Solliès, le niveau des marnes oxfordiennes. 11 ne s’est point prononcé sur l’âge des dolomies et des calcaires blancs qui surmontent ces marnes, et dans lesquels les fossiles, quand on a la bonne fortune d’en rencontrer quelques-uns, sont tellement empâtés dans la roche, qu’il devient presque impossible de les déterminer. Or, c’est justement cet ensemble de couches qui, sur plusieurs points, et notamment dans la montagne de Garpiane, près de Marseille, atteint, s’il ne les dépasse, 300 mètres de puissance, que je con- sidère comme le représentant du corallien et du jurassique supérieur peut-être, puisqu’il en occupe la place. Cette opi- nion, je l’avais déjà émise dans mon mémoire sur la Sainte- Baume (2) en 1864; mais, comme elle n’a pas été acceptée par tous, et que, d’un autre côté, dans le massif montagneux de la Sainte-Baume, à cause des nombreuses failles qui le dénivellent à chaque pas, les coupes se présentent rarement d’une manière bien nette, je me suis mis en quête de terrains mieux réglés, et je pense avoir réussi à en découvrir qui me paraissent devoir satisfaire les exigences, d’ailleurs légitimes, des géologues les plus difficiles. La route de Marseille à Cassis est tracée à travers une chaîne de montagnes qui sépare la vallée de l’Huveaune de la Méditer- ranée, et dont le point culminant, nommé Carpiane, atteint l’al- titude de 646 mètres. Au delà du village de Sainte-Marguerite, elle entame successivement le calcaire à Chaîna ammonia , le (1) Hébert, Du terrain jurassique de la Provence, 1861. (2) Descript . gèol, du massif de lu Ste Baume } p. 59 et suiv. 1864. 102 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. néoeomien et le valenginien, puis des calcaires blancs, des dolomies grenues, enfin les étages oxfordien et kellovien qui occupent le fond du vallon de Vaufrége; et, comme en ce point où les couches se courbent en route, la plongeaison, qui est d’abord de PE. à Ï’O., s’opère en sens opposé, c’est-à-dire de PO. à PE., on recoupe la série dans un ordre inverse et on finit par retomber sur le calcaire à Charria qu’on n’abandonne plus jusqu’à Cassis. La description qui va suivre a pour but de faire connaître les divers terrains que l’on rencontre à partir du fond du vallon de Vaufrége jusqu’à Carpiane; et, comme dans ce trajet aucune per- turbation n’a changé l’ordre normal de succession, il nous sera facile de nous rendre compte de la composition des roches et de leur épaisseur. J’aime à croire qu’il ne s’élèvera aucune ob- jection sérieuse contre les conséquences qui découleront de mon exposition, et que l’on voudra bien me savoir quelque gré du nouveau travail que j’entreprends, à cause des difficultés très-grandes que présente l’étude du terrain jurassique dans nos montagnes littorales : En partant des fours à chaux de Vaufrége, et en remontant vers les cimes de Carpiane, c’est-à-dire en marchant de PE. à PO., on recoupe les assises suivantes (fig. i) : 1° Calcaires marneux C alternant avec des argiles noirâtres feuilletées et délitables, représentant dans leurs bancs supé- rieurs le keilovien supérieur que caractérisent d’une manière sûre les Ammonites macrocephalus , A. anceps et A. subbackeriœ , d’Orb. 2° Calcaires gris D en bancs épais, fort réguliers, à cassure lithographique, exploités comme pierres d’appareil et comme pierres à chaux. Dans quelques feuillets argileux subordonnés et dans le calcaire même, on recueille les Ammonites plicatilis et A. tortisulcatus , ainsi que le Belemnites hastatus. Ces calcaires sont donc le véritable représentant de P oxfordien et leur puis- sance oscille entre 70 et 80 mètres. On les retrouve dans Sep- lêmes même, entre Aix et Marseille, où ils sont exploités pour les mêmes usages et contiennent les mêmes fossiles. Une dis- tance de 25 kilomètres au plus sépare la vallée de Saint-Marc, au nord d’Aix, de la station de Septêmes. Depuis Saint-Marc jusqu’à Rians et même au delà, en passant par Vauvenargues, le fond des vallées est occupé à la base par des marnes grises que surmontent des calcaires marneux renfermant à profusion les représentants les plus communs de la faune oxfordienne, Étage aptien avec Ancyloceras Matheronianum. 104 i SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. et reproduisant le type argileux de l’oxfordien d’Argovie et d’une grande partie du Jura. Or, dans la chaîne de l’Étoile à laquelle appartient la commune de Septêmes, et depuis Septêmes jusqu’à la mer, le caractère minéralogique a com- plètement changé. Ces argiles sont remplacées par des cal- caires compactes sans mélange d’argiles, et ce n’est qu’à la suite de recherches persévérantes que l’on parvient à y décou- vrir quelques fossiles qui, en réalité, sont toujours ceux qui abondent dans l’oxfordien des environs d’Àix, Ce changement radical, survenu dans la composition des roches, démontre le peu d’importance qu’il s’agit d’attacher au caractère pétrogra- phique dans les questions de stratigraphie pure. 3° Dolomies grenues E en bancs alternativement épais et minces, à stratification confuse et moutonnée, susceptibles de se désagréger avec la plus grande facilité et de se convertir en une arène meuble, miroitant vivement au soleil, et dont chaque grain est un rhomboïde de double carbonate de chaux et de magnésie. Cette arène ressemble d’une manière frappante à des grains siliceux, comme la roche elle- même dans les parties frustes ressemble à un grès. Ce système dolomitique, dont font partie les dolomies de Saint-Hubert dans le Var, et que M. Hé- bert, trompé par les apparences, a considéré comme une roche de grès, joue un rôle important dans les montagnes littorales et se fait reconnaître de loin par sa teinte brune et par la structure émoussée et arrondie de la sortie des couches ainsi que des blocs éboulés. Il constitue un bon point de repère qui sert à séparer nettement les calcaires oxfordiens des étages supérieurs. Mal- heureusement il est dépourvu de fossiles, ou du moins, si dans quelques bancs calcaires subordonnés on observe quelques traces de polypiers et de Nérinées, ces corps organisés sont si solidement empâtés dans la roche, qu’on ne peut les obtenir que brisés, et ils sont incapables de pouvoir conduire à une détermination spécifique. La puissance des dolomies est com- prise entre 130 et 140 mètres. C’est un minimum. Il est incontestable que leur position est celle du corallien et que la présence de polypiers et de Nérinées donne un grand poids à cette présomption qui, pour moi, est passée à l’état de certitude. C est aans une position identique, mais dans des con- ditions d’observation moins favorables, que dans les environs de Viognon, entre la Sainte-Baume et Saint-Zacharie, j’ai dé- couvert des baguettes de 1 Hemicidaris crenularis et des articles d Eue Lines que je rapporte à 1 ’ Apiocrinus Munslerianus. Les cal- NOTE DE M. COQUAND. 105 eaires qui renferment ces fossiles sont mélangés avec des dolo- mies et se trouvent placés au-dessus des calcaires oxfordiens avec Ammonites plicatilis et Belemnites hastatus . C’est aussi au môme niveau que M. Marion a découvert, entre îtians et le puits de Itians, sur le revers nord de Sainte-Victoire, des gise- ments superbes de polypiers et VHemioidaris crenularis dans des calcaires blancs superposés aux marnes à Ammonites trans - versariuse t à A. toriisulcatus. Et, dans cette région, ilseraitab- surde de rattacher les calcaires blancs aux calcaires à Chaîna qui manquent, car ce n’est que 12 kilomètres plus au nord, à Ginaservis, que le terrain jurassique est recouvert par le cal- caire néocomien à Oslrea rectangularis et à O. Couloni. 4° Un système de calcaires blanc jaunâtre F à cassure ci- reuse ou subsaccharoïde disposés en couches épaisses et bien réglées, et admettant de distance en distance des bancs subor- donnés de dolomies à grains serrés et non susceptibles de se convertir en arène meuble. Ces calcaires sont remarquables autant par leur puissance, qui est de plus de 100 mètres, que par leur compacité. Cependant en examinant avec soin les sur- faces des bancs exposés depuis longtemps aux injures atmo- sphériques, on ne tarde pas à remarquer que se détachent, au milieu de la masse pierreuse, des blocs ellipsoïdaux de dia- mètre variable*, de couleur plus claire, d’une texture plus homo- gène, subsaccharoïde, reproduisant dans la cassure fraîche le grain miroitant du marbre de Carrare. Ces blocs ellipsoïdaux ou circulaires ne sont autre chose que des polypiers, dans quel- ques-uns desquels on finit par apercevoir la structure étoilée ou multiloculaire spéciale à la famille des radiaires. Je ne doute pas que des recherches persévérantes n’aboutissent un jour à des découvertes paléontologiques qui permettront de se pro- noncer, avec plus de certitude qu’on ne peut le faire aujour- d’hui, sur la position précise que ces masses puissantes oc- cupent dans la série jurassique. Si les dolomies représentent réellement le corallien, les calcaires blancs qui leur sont supé- rieurs représenteraient-ils le corallien d’Angoulins, près de la Rochelle, ou bien celui de Tonnerre, appartenant l’un et l’autre à l’étage kimméridgien? Voilà une question qu’il serait préma- turé de trancher, moins à cause de la disette de fossiles qu’on y remarque qu’à cause de l’impossibilité de les déterminer exactement. Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins acquis à la cause que je soutiens, qu’il existe, au-dessus de l’oxfordien, plus de 250 mètres de dolomies et de calcaires avec polypiers 106 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. et Nérinéôfi, et qui incontestablement font partie de la formation jurassique, à moins qu’on ne doive allonger le néocomien d’un ou de deux étages nouveaux, car en continuant l’examen de notre coupe nous trouvons au-dessus des calcaires blancs : 5° Des calcaires grisâtres G disposés en couches interrom- pues, grumeleuses et enveloppées dans des argiles verdâtres, délitables, qui se font reconnaître de loin à cause des dépres- sions ou combes qu'ils forment au milieu des masses abruptes et raboteuses dans lesquelles ils sont enclavés et de la facilité qu’ils cnt de retenir les eaux. Dans des déserts comme ceux que nous décrivons, et où le calcaire nu ne se prête qu’au déve- loppement d’une végétation des plus pauvres, dont quelques rares troupeaux se chargent de les dépouiller, on a utilisé ces argiles en y creusant quelques puits pour l’alimentation des bêtes à laine. Elles sont Sa véritable patrie de la Nalica Levia- than ( Strombus Sautien , Coq.) qui, dans le Jura et les Alpes pro- vençales, fixe nettement, au-dessous des marnes d’Hauterive, la base du terrain crétacé, que l’on désigne par le nom plus spécial d’étage valenginien. Notons de plus que, si la séparation du valenginien d’avec les calcaires blancs jurassiques s’opère avec la plus grande facilité, tant au point de vue des change- ments radicaux survenus dans le caractère pétrographique que sous le point de vue paléontologique, il existe encore une cir- constance qui, malgré la concordance qui existe entre la for- mation jurassique et la formation crétacée, indique qu’après le dépôt du calcaire blanc il s’était manifesté un mouvement dans le sol, suffisamment indiqué par la disposition raboteuse de la dernière couche jurassique recouverte par la première couche crétacée, les nombreuses perforations de Pbolades dont elle est criblée et par des quantités de valves d’Huîtres encore adhérentes à sa surface. C’est un littoral des mieux caractérisés. Or, cette particularité n’est pas spéciale au lieu que nous dé- crivons en ce moment; nous l’avons observée sur une foule d’autres points. Je pourrais à la rigueur arrêter ici mon travail, puisqu’en dehors de toute idée systématique il démontre, d’une manière irréfragable, qu’il est de toute nécessité d’attribuer au terrain ju- rassique supérieur à l’oxfordien les 250 mètres de dolomies et de calcaires blancs dont on avait renforcé injustement le calcaire à Charnu, malgré la présence de l’étage valenginien et l’étage néo- comien proprement dit, interposés entre ces deux niveaux; mais j’ai cru utile de compléter par de nouveaux détails ce que l’on NOTE DE M. GOQUAND. 107 a connu jusqu’ici du terrain néocomien, détails qui montreront que celui-ci présente dans la Provence littorale plusieurs parti- cularités intéressantes. 6° Au-dessus des marnes valenginiennes G, on remarque des calcaires compactes blancs PI avec Osirea Couloni , Terebratula t amarindus , Nérinées et une Requienia de petite taille, qui n’est pas la R. Lonsdalii. Puissance, 35 à 40 mètres. 7° Calcaires marneux t avec O. Couloni , Echinospatagus cordi- formis , Ammonites Astierianus , etc., correspondant aux marnes d’Hauterive ou au néocomien proprement dit. Puissance, 45 à 50 mètres. 8° Le calcaire à Charnu ammonia K, qui couronne les crêtes montagneuses de la chaîne de Marseille à Cassis, et sur la position duquel il est impossible de se méprendre. 9° Enfin, sur le revers oriental des montagnes de la Penne, les calcaires marneux aptiens Lavée Ancy laceras Matheronianum et Belemnites subfusiformis. Voilà la succession normale et régulière des couches que bon traverse dans la coupe que nous venons de donner et qui trouve sa confirmation et son contrôle, lorsque du sommet de Car- piane on se dirige vers le village de la Penne, sur Cassis ou sur Saint-Loup. À cause de la disposition bombée et concentrique des étages autour d’un noyau central qui appartient, comme nous l’avons vu, aux marnes kelloviennes, chaque rayon tracé du centre à la circonférence fournit le même résultat d’obser- vations. Mais, pour compléter ce que nous avons à dire sur les parti- cularités spéciales au terrain néocomien, nous franchirons le , vallon de Vaufrége par le col de la Planouze et nous pénétre- rons, plus au nord, dans celui de Toulouze, qui aboutit au vil- lage de Saint-Tronc, banlieue de Marseille. C’est donc le revers septentrional de la chaîne de Carpiane que nous allons exa- miner, et dans lequel les nombreuses carrières ouvertes pour l’exploitation des arènes dolomitiques et des pierres à chaux permettent de suivre une foule de détails que les éboulis et les dégradations de la surface masquent en grande partie dans les régions que nous venons de parcourir. L’omnibus de Marseille à Saint-Tronc vous laisse au pied des montagnes secondaires, et on p/a qu’à suivre le chemin charretier qui conduit aux fours à chaux du vallon de Toulouze pour passer successivement en revue les divers étages dont ces montagnes sont formées. t 408 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Afin de simplifier notre description, nous nous placerons au- dessus de la carrière principale ouverte dans le voisinage de la maison d’habitation des fours, et nous trouverons d abord au sommet de la montagne : N. F Calcaire blanc à coraux percé par les Pholades. — G’” G” G’ Étage valenginien. — H Néocomien blanc à Nérinées. — I Néocomien marneux avec 0. Couloni. — K Cal- caire à Chama ammonia. 1° Le calcaire à Chama ammonia , K. 2° Le néocomien marneux avec Oslrea Conloni, I, Echinospa- tagus cordiformis; Natica allaudensis, Math. 3° Le néocomien blanc, exploité pour la fabrication de la chaux grasse H, contenant des Nérinées et la Requienia de pe- tite taille. Puissance, 25 à 30 mètres. 4° Calcaire marneux feuilleté G' (valenginien supérieur); 4 mètres. 5° Argiles grises G" avec calcaire en plaquettes et Strombus Sautîeri ; 25 mètres. 6° Calcaire gris bleuâtre moucheté G'" avec nerfs argileux et Strombus Saulieri (pierre à chaux hydraulique). Puissance, 8 mètres. 7° Calcaire blanc F en couches fort épaisses avec Nérinées; partie supérieure du terrain jurassique. La surface de contact de ce calcaire et de 1 étage valenginien est criblée de trous de Pholades. NOTE DE M. COQUAND. 109 En pénétrant dans le fond du vallon parle chemin charretier qui conduit aux carrières de pierres d’appareil, on recoupe au- dessous des calcaires blancs les dolomies, les calcaires gris oxfordiens avec Belemnites hastatus , et enfin les calcaires mar- “ neux kelloviens à Ammonites anceps que nous connaissons déjà dans le vallon de Yaufrége. Si du vallon de Toulouze on veut se rendre au village de Saint-Loup par le chemin de la montagne, on traverse les car- rières d’arènes dolomitiques exploitées comme sable de con- struction, puis on remonte successivement la série que nous venons de faire connaître jusqu'à Saint-Loup, qui vous place en plein dans le calcaire à Chama. Four en finir avec le centre que nous avons choisi comme type de notre description, nous dirons qu’entre Sainte-Margue- rite et Yaufrége, en tirant à travers champs de l’auberge dite le Repos des Chasseurs aux fours à chaux qui sont établis à la droite du chemin, on rencontre une petite carrière, ouverte dans un calcaire compacte blanc entièrement formé d’oolithes mi- liaires, contenant en outre de nombreux polypiers, et servant de piédestal à toute la série néocomienne. Sur le seuil de l’au- berge même on retrouve les calcaires perforés par les Pho- lades avec valves d’Huîtres adhérentes. Nous ne quitterons point les alentours immédiats de Mar- seille sans revenir sur le vallon delà Cloche, dans la chaîne de la Nerthe, et dont nous nous sommes occupé en 4864, dans notre mémoire sur la Sainte-Baume. Les failles multiples qui ont brisé ce massif ont occasionné un renversement de cou- ches qui nous avait échappélorsde nos premières explorations, et qui a été signalé par M. Matheron, à l’époque de la vi- site de la Société géologique. J’avais attribué les bancs oolithiques avec Nérinées, polypiers et un bivalve, que j’avais considéré comme la Diceras arietina , à l’étage corallien. Cette opinion fut partagée par tous les membres présents. Plus tard, M. Hébert admit que ces Dicérates étaient de véritables Re- quienia , et qu’au lieu du corallien c’était le calcaire à Chama ammonia qu’il fallaitproclamer en ce point. Comme le calcaire oolithique repose entre deux étages calcaires dépourvus de fossiles, la position que je lui avais assignée n’est nullement attaquée par l’erreur que j’ai commise en ne reconnaissant pas le renversement signalé plus tard; seulement les dolomies que j’avais considérées comme supérieures doivent reprendre la position qu’elles ont à Yaufrége, et les calcaires gris que je SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868... considérais comme oxfordiens doivent être rapportés au valen- gînien, et cela avec d’autant plus de raison que, deux pas plus loin, on rencontre le néocomien à Ostrea Couloni , que re- couvrent plus loin encore les calcaires à Chama ammonia qui, à leur tour, sont surmontés par l’aptien inférieur. La coupe exacte relevée par M. Matheron, chargé de la di- rection des travaux pendant le percement du tunnel de la Nerthe, et qui figure dans la planche Vil du volume XXI du Bulletin ne peut laisser subsister aucun doute à cet égard. Elle démontre que mon calcaire oolithique est séparé du calcaire à Chama ammonia par plus de 120 mètres de roches appartenant aux étages valenginien et néocomien, exactement comme nous l’avons constaté dans la montagne de Carpiane. ■ Nous avons vainement tenté jusqu’ici, plusieurs géologues de Marseille et moi, de recueillir sur ce point des fossiles qui pussent éclairer notre opinion et nous dire s’il devait être rattaché au valenginien à Natica Leviathan , dont il formerait alors la base, ou bien au calcaire corallifère de Vaufrége ou de Saint-Tronc. Si on arrivait à cette conclusion, que les calcaires oolithiques de la Nerthe sont équivalents des calcaires blancs perforés de Vaufrége, que nous savons être positivement in- férieurs au valenginien à Strombus Sautieri , et que les uns et les autres sont d’origine crétacée, il découlerait de ce principe admis la nécessité de leur attribuer en outre les dolomies qui les supportent et de proclamer que, exceptionnellement dans le midi de la Provence, le valenginien, tel qu’il est connu et constitué dans la Suisse et le Jura, ne forme point la base du terrain crétacé et que celui ci doit être allongé de 250 mètres de calcaires et de dolomies, en d’autres termes, de toute l’é- paisseur des couches que l’on observe, dans les Bouches-du- Rhône, entre l’oxfordien supérieur et les assises à Natica Leviathan. Dans ce cas, M. Hébert aurait parfaitement le droit d’affirmer que le terrain jurassique finit à l’oxfordien, et qu’au-dessus de celui-ci nous n’avons que de la craie. Pour mon propre compte je ne saurais me ralliera cette idée, et aucun géologue du Midi ne s’y ralliera à coup sûr, d’abord parce que la Natica Leviathan fournitun point de repère bien précis, et, en second lieu, parce que les perforations des Pholades qui marquent le contact du valenginien avec les cal- caires blancs fournissent un nouvel argument qui me paraît dé- cisif pour introduire ces derniers dans la formation jurassique. Dans tous les cas, les doutes émis relativement à la coupe en- NOTE DE M. G O QU AND. taillée de ia Nerfche ne touchent en rien aux déductions que nous avons tirées de nos études dans les vallons de Vaufrége et de Toulouze. Laissons donc, si l’on veut, le vallon de la Cloche comme point réservé. Toutefois j’affirme d’avance qu’il sera impossible de rattacher ces calcaires oolithiques avec po- lypiers et Nérinées à l’horizon du calcaire à Chaîna ammonia. S’il m’est permis de chercher en dehors de la Provence des points de comparaison pour donner force à mon opinion, ces points ne manquent pas certainement; je ne les donne ici qu’à titre de simple renseignement, renonçant d’avance à tonte idée préconçue d’identification entre les points que je vais citer et ceux que je signale dans cette notice. M. Credner (1) établit entre le wealdien et les couches co- ralliennes à Cidaris florigemma, dans son groupe kimméridgien, une zone spéciale qu’il nomme Nerineen-schichten et qui correspond à l’étage séquanien. Cette zone, d’après l’auteur, contient les Nerinea tuberculosa , Rom., N. Cœcilia , d’Orb., N. MandeUlohi , Broun, N. conulus , Ptrs. , N. strigillata , Credo., N. reîiculata , Credo., N. nodosa , Voltz, N. Calliope , d’Orb., N. ornata , d’Orb., et N . obtusa, Credo. Et dans un niveau supérieur à l’astartien, caractérisé par le Pterocera Oceani et la Terebratula subsella , les JV. pyramidalis , Munst., iY. Bruntrutana, Thurm., N. Gosœ, Rom., N. Deswidyi , d’Orb,, N. Mariœ , d’Orb., N. Moreana , d’Orb., N . tuberculosa , Rom. Je n’ai point à discuter ici le mérite des déterminations faites par M. Credner. Il me suffit d’indiquer qu’il reconnaît dans son kimméridgien deux niveaux distincts de Nérinées. M. Contejean (2) admet comme une subdivision spéciale du kimméridgien un calcaire à Diceras qui couronne son groupe virgulien, et qui contient les Nerinea Gosœ , N. subcylindrica , d’Orb., N. speciosa , Voitz, N. styloidea , Contej., N. turritella , Voltz, N. bruntrutana , N. depressa, Voltz, et plusieurs autres espèces indéterminée^. A ces gastéropodes sont associés des polypiers et surtout la Diceras suprajwrensis , Thurm., qui est très-abondante. Le même géologue (p. 117) introduit, au-dessus des assises (1) Credner — Oberen Jura formation und der Wealdienbildung in Nord « Deutschland. 186 3. (2) Contejean. Monographie de l’Étage Kimméridgien. 18 59. 112 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. à Oslrea virgula, son groupe nérinéen, dans lequel, outre les espèces déjcà nommées, il cite la N. subpyramidalis , Munst., N. salinensis , d’Orb., N. trinodosa , Yoltz, N. Orbignyana , Thurm., JV. cylindrica, Yoltz, TV. grandis, Yoltz, Ad Eudora , d’Orb. Nous avons signalé nous-même (1) à la montée de Sainte- Barbe, près d’Angoulôme, dans un calcaire oolitbique iden- tique avec celui de Vaiîfrége et appartenant avec l’étage kim- méridgien, les N. Gosæ, N. santonensis , d’Orb., N. Goodhallii , Sow., et k Elea, d’Orb. MM. Pictet et Campiche (2), à leur tour, placent dans leur étage séquanien, au-dessus de la Terebratula humer alis , 300 pieds de calcaires en bonne partie oolithiques et d’une blancheur éclatante, où se trouvent des Dicérates et des Nérinées. Ce sont les mêmes calcaires avec les mêmes fossiles et une quan- tité prodigieuse de polypiers que nous avons eu l’occasion d’étudier dans le Mont-d’Or, près de Jougne (Doubs). Enfin, M. Peliat (3) vient tout récemment de nous faire con- naître dans le Bas-Boulonnais, dans l’étage kimméridgien, et au-dessus du corallien supérieur, l’existence de la Nerinea Gosæ et de la N. Goodhallii , logées dans un calcaire oolitbique qui contient en outre la Terebratula humeralis. On sait que M. Cotteau (4) est arrivé tout récemment à la même conclusion pour les assises coralliennes des environs de Tonnerre qu’il considère aujourd’hui comme kimméridgiennes ; ce faciès co- rallien se maintient en Afrique jusque sur les limites du désert où les environs d’Aïn-Riche nous fournissent une faune ana- logue à celle d’Angoulins, de Tonnerre et de la Charente. Nous voyons donc qu’en dehors de toute opinion préconçue il existe en Suisse, dans le Jura, dans le Bas-Boulonnais, dans les Deux-Charentes et en Algérie, nous pouvons .ajouter au- jourd'hui, dans ie Liban, ainsi que dans la Basse-Provence, des calcaires blancs et oolithiques caractérisés par des Dicérates, des Nérinées et des polypiers. Or, si dans les diverses contrées (1) Coquand. Description géologique du Département de la Charente, t. L, 1858. (2) Pictet et Campiche. — Terrain crétacé de Ste-Croix, t. I., 1858. (3) Peliat. Observ. sur quelques assises du terr. jur. sup. du Bas-Bou- lonnais. 1868. (4) Cotteau. Nouvelles observations sur le terrain jurassique des envi- rons de Tonnerre. 1868, NOTE DE M. COQUAND. 113 que nous venons de nommer, et surtout dans les environs de Sainte-Croix, les 300 pieds de calcaires blancs et. oolithiques qui se développent au-dessous des bancs à Natica Leviathan avaient appartenu réellement au terrain crétacé et non point au terrain jurassique, nous n’eussions pas hésité à leur assimi- ler nos 250 mètres de calcaires blancs et de dolomies qui, à leur tour, occupent le même niveau. En agissant différemment de ce que nous avons fait, nous décapitions, contrairement aux règles analogiques, la formation jurassique, et nous allon- gions, sans pouvoir en justifier le motif, la formation crétacée, qui aurait été ainsi dotée d’un appendice qui ne trouve d’é- quivalent nulle part ailleurs. Mais poursuivons. Si, délaissant les montagnes littorales, nous pénétrons dans l’intérieur des terres et que nous consultions les montagnes qui séparent le bassin d’Aix de celui de Marseille, nous re- trouverons les mêmes relations d’étages que celles qui nous ont déjà été dévoilées. Ce sont ces mêmes montagnes qui, prolongées vers le sud, constituent les massifs de la Sainte- Baume, des environs de Toulon, la chaîne de Sainte-Victoire, etc. Ainsi, les pierres dures exploitées à Septêmes appartien- nent à l’oxfordien et les dolomies constituent les sommités crénelées du Pilon du Roi et de l’Étoile. Toutefois, un des points les mieux choisis pour ce genre d’observations est sans contredit la route qui met en commu- nication les mines de charbon de Fuveau avec Marseille. A six kilomètres environ de la ville, près du hameau de la Bourdonnière, on s’affranchit des poudingues miocènes qui constituent ce qu’on appelle la plaine de Marseille, et on entre franchement en montagne (fig. 3). Le cimetière est établi sur le néocomien même à Ostrea Couloni (I), et au-dessus se déve- loppe le calcaire à Chama( K). En redescendant vers la grande route, on trouve les calcaires néocomiens blancs avec Nérinées (H) qui, là aussi, sont inférieurs aux assises avec Echinospata- gus cordiformis. Puis, en remontant le vallon, on rencontre, sur sa droite, un système assez puissant de calcaires marneux (G), alternant avec des argiles grisâtres et remarquables dans ce pays généralement si sec par le grand nombre de petites sources auxquelles il donne naissance. 11 représente le vaien- ginien à Natica Leviathan. Après un parcours de quelques cen- taines de mètres, on traverse la route sur un pont et on entre alors en plein, à partir du 14e kilomètre, dans les calcaires Soc. géol.. 2e série, rorne XX YL 8 114 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. S •« g s ce s s S ° CTj • 3 ® O .a £ a 0 M § g ZJ g En 5 | ^ 1 c . O) C/3 .2 a fl o o O IS H c n • o c v5> CD ^ *> O ' CD Q U > J

Ammonites Deshayesi , A. Nisusr Ancylocercis grande , Ostrea aquila, O. Ley- merii , Plïcatula plaeunœa , Astarte laiicosta, Terebratula sella. On reconnaît bien là les enfants de nos argiles à Plicatules, bien que le plus grand nombre des espèces citées pénètre, en Pro- vence, dans la Clape, en Espagne et dans l’Algérie, dans les assises inférieures à ces argiles, et dont on a créé les sous-éta- ges rhodanien et urgonien. Seulement, en Angleterre, les Ostrea Leymerii et Nautilus plicatus remontent jusqu’aux bancs les plus élevés du groupe, tandis qu’en France, jusqu’à présent du moins, on ne les a observés qu’au-dessous de l’aptien pro- prement dit. Toutefois l’existence à ce niveau de V Ostrea Ley~ (1) Judd. On the Speeton-clay . Proceedings of the Geological Society, for August 1868. 212 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868, merii rappelle l’association dans une même couche d argile, immédiatement au-dessous du gault , des Ostrea Leymeni , 0. aquila et lerebratula sella. Le néocomien moyen compte parmi ses fossiles les Belemni - tes semicanaliculalus, Ammonites cvassicostatus , A. angulicostatus , Crioceras Duvalii , C.Emerici , Ostrea macroptera, O . aquila , etc. Ces espèces se retrouvent en France, les unes dans l’aptien à Plicatules et dans le sous-étage rhodanien, et les autres dans le sous-étage urgonien ou barrémien. Quelques-unes, telles que YOstrea aquila et le Belemnites semicanaliculatus , traversent la série entière, ainsi que cela se vérifie en Provence, à la Clape et en Espagne. On peut donc raisonnablement voir dans le néocomien moyen de M. Judd l’équivalent, à quelque chose près, du rhodanien et de l’urgonien ou barrémien. C’est à ce même niveau que la Requienia Lonsdalii , si abon- dante dans l’urgonien du midi delà France, des Pyrénées et de l’Espagne, mais qui dans ces contrées se montre aussi jusque dans le rhodanien, a été découverte en Angleterre pour la pre- mière fois. Le néocomien inférieur est plus complexe dans sa composi- tion et il a été divisé en trois zones : la première (zone à Am- monites speetonnensis) est caractérisée par les Ostrea aquila , Ammonites Nisus et les Crioceras [Ancyloceras) Puzosianum , Du- valii et Emerici; La deuxième (zone à Ammonites noricus, Schloth.), renferme V Ancyloceras Puzosianum ; Enfin la troisième zone (zone à Ammonites Astierianus) contient les Ammonites Astierianus , A. multiplicatus (bidichotomus) , Toxaster complanatus ( Spatangus retusus) et Ostrea Couloni. Il est évident que la dernière zone correspond exactement au néocomien français (marnes d’Hauterive), dont elle occupe la position et contient les fossiles les plus communs. C’est la première fois, je crois, que l’identité complète entre la craie inférieure de l’Angleterre et celle de la France a été dé- montrée avec tant d’évidence, et le mérite de cette démonstra- tion revient de droit à M. Judd. Cependant je me permettrai de faire quelques réserves rela- tivement à la place assignée aux deux premières zones, dans lesquelles reparaissent les Ancylocères du néocomien moyen. Je pense qu’il serait plus convenable de les rattacher à ce "der- nier, dont elles formeraient alors la base. De cette manière la même faune ne se trouverait pas scindée en deux, et on aurait NOTE DE M. COQUAND. 213 en Angleterre des divisions identiques avec celles que nous of- frent les contrées classiques de la Provence. Ce n’est en défini- tive qu’une simple question d’accolade. Nous comprenons très-bien les difficultés auxquelles on se trouve exposé, quand il s’agit de dépecer d’une manière pré- cise 500 pieds de terrains, qui, n’étant formés que d’argiles, ne présentent pointées différences de composition qui, avec l’aide de la paléontologie, aident si puissamment les classificateurs pour l’établissement de leurs divisions. Si le néocomien à Spatangus retusus , qui est ordinairement d’une composition calcaréo-marneuse, s'était trouvé séparé, en Angleterre, des étages supérieurs, comme il l’est dans la Pro- vence littorale, par les calcaires blancs et compactes du sous- étage urgonien, on n’aurait point été probablement entraîné à séparer en deux tronçons les marnes à Ancylocères, pour en attribuer l’un au néocomien inférieur et l’autre au néocomien moyen. La même confusion s’est produite pour les Basses- Alpes, où, trompés par le caractère minéralogique, et au mé- pris de la superposition et de faunes radicalement différentes.^ plusieurs géologues ont introduit les bancs à Ancylocères et à Scaphites Yvanii dans les marnes d’Hauterive. Maisla découverte de ces mêmes fossiles dans le calcaire à Chama a dévoilé les vices d’une intrusion pareille ; car elle forçait de les consi- dérer comme appartenant au néocomien moyen sur un point et aunéocomien inférieur sur un autre, et cela pour deux sta- tions presque contiguës. Il est à remarquer en outre que V Am- monites speetonnensis,Yom\g et Bird, qui sert de porte-étendard à la première zone, n’est qu’une variété des A. venustus et con- cinnus, Phill, qui se trouvent dans le Speeton-clay, au-dessus du lower greensand, et est par conséquent une espèce aptienne. Nous voyons donc en France, dans le Hanovre, en Bavière, en Angleterre, la zone à Ammonites Astierianus (marnes d’Haute- rive) supporter directement, en Angleterre, dans les Basses- Alpes, dans la Drôme, dans les Alpes suisses, les bancs hEchi- nospatogus argilaceus , à Crioceras Duvalii et Emerici , à Scaphites Yvanii, à Belemnites semicanaliculatus , à Reguienia Lonsdalii, à Nautilus plicaius, à Ostrea Leymerii et aquila , et à Orbitolma lenticulata ; dans la Basse-Provence, les Pyrénées, l’Algérie, et en Espagne, la même zone supporter les calcaires à Reguienia Lonsdalii, Nautilus plicatus , Belemnites semicanaliculatus, Ostrea aquila et O. Leymerii , Scaphites Yvanii , Echinospatagus argila- ceus ; dans le bassin parisien la même zone supporter les argiles 214 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. 4 à Ostreci Leymerii, Plicatula placunœa, ISiautilus phcatus , Echi- nospatagus argilaceus. Puisqu’à des termes qui occupent une position identique correspondent des faunes identiques, il y a lieu de proclamer leur équivalence, malgré les différences pé- trographiques qu’on peut observer suivant les lieux où l’étage est développé. Nous voyons donc que le travail de M. Judd, publié avant l’impression de notre notice sur la Clape, confirme en tous points les conclusions auxquelles nous ont conduit nos études récentes sur le groupe de la craie inférieure, et qu’il dévoile une identité complète entre les divers termes de ce groupe de l’Angleterre et ceux du continent (1). M. Hébert répond de la manière suivante : Classification des assises néocomiennes. — Réponse aux critiques de M. Coquand ; par M. Hébert. M. Coquand ne reproduit pas exactement ce que j’ai dit; ainsi M. Coquand dit ( ante , p. 203) : « M. Hébert sépare radica- lement les calcaires à Chaîna (urgonien) des calcaires à Orbi- tolites (rhodanien). » Or, le lecteur peut se reporter h mon mémoire (Bull., t. XXîY, p. 375), et il lira ceci : « M. Lory a montré que les couches à Orbi toli tes et à Heteraster ohlongus étaient intercalées dans les calcaires à Caprotina ammonia (ur- gonien, d’Orb.); l’étage rhodanien n’avait donc plus de raison d’être, etc. » Et en note j’ajoute que j’ai vérifié cette intercala- tion. Dans le tableau, de la page 379, le calcaire à Chama et le calcaire à Orbitolites sont tous deux réunis dans le même sous-étage urgonien; seulement ce dernier, le calcaire à Orbito- lites, constitue en général une assise supérieure. Ainsi, il est bien évident qu’ici mon opinion n’est pas fidè- lement présentée. (1) Aux nombreuses espèces communes citées dans le néocomien à faciès provençal (étage barrémien) et dans les autres termes du groupe .aptien, il convient d ajouter la Terebratella Astieriana, d’Orb., qu’il est si facile de re- connaître à cause de son large sillon dorsal. M. Coste, de Marseille, un de nos confrères, possède un Âncyloceras Duvalii de Barrême, dans lequel est implanté ce brachiopode. Or la T. Astieriana est principalement caractéris- tique des argiles à Plicatules. NOTE DE M. HÉBERT. 215 J’ai séparé les couches à Ostrea aquila des Pyrénées des couches à Chama Lonsdalii , parce que c’est là ce que j’ai vu et ce qui existe. Je n’ai jamais dit qu’il était impossible de trou- ver au-dessus de ces dernières de nouvelles couches à Chama Lonsdalii , pas plus que je n’ai nié la possibilité de rencontrer V Ostrea aquila au-dessous des argiles à Plicatules. M. Coquand, en émettant de pareilles assertions, rend la discussion impos- sible. Quant aux alternances des véritables argiles aptiennes avec les calcaires urgoniens, je ne trouve, dans ce que dit M. Co- quand à ce sujet pour tous les lieux que j’ai visités, c’est-à-dire dans le Midi, les Pyrénées et la Provence, que de pures asser- tions sans preuves suffisantes. Bien entendu, je lui laisse les Corbières, l’Espagne et l’Algérie, mais ma confiance ne va pas jusqu’à admettre, sans vérifications nouvelles, ce que ditM. Co- quand pour ces régions qui me sont inconnues. En effet, si tous les faits que cite M. Coquand sont aussi exacts que celui de la Bedoule, où il prétend qu’un calcaire à Chama Lonsdalii de 30 mètres d’épaisseur est intercalé au milieu même des argiles aptiennes à Ostrea aquila, bien au-dessus de l’étage urgonien [ante, page 205), je serai porté à tenir peu de compte de ses autres observations et à penser que les causes qui ont agi sur lui, au moment où il lisait mon travail d’une manière si mal- heureuse, ont pu aussi agir sur lui au moment où il observait. Je tiens toute prête une coupe détaillée des couches urgo- niennes et aptiennes de la Bedoule, et il n’y a dans cette coupe rien de semblable à ce qu’annonce M. Coquand. M. Coquand défend énergiquement la classification qu’il a proposée et dans laquelle il place les argiles ostréennes du bassin de Paris et les calcaires à Scaphites Yvanii à la base de l’urgonien. Ceci n’est qu’une question d’accolade qui n’a pas une très-grande importance, mais néanmoins je persiste à croire mieux fondée la place que j’ai assignée à ces couches. Je ne force pas M. Coquand à admettre mes idées; j’espère qu’il voudra bien me laisser la même liberté. Il est tout à fait inexact de dire, comme le fait M. Coquand, que je lui ai fait des reproches à propos de V Ostrea Leymern, et je cherche en vain le passage auquel M. Coquand fait allusion. Je ne crains pas la comparaison entre le mode de discussion de M. Coquand et le mien, mais je puis dire hardiment que je ne me suis jamais servi à son égard du procédé qu’il emploie si souvent au mien. Il serait, en effet, beaucoup trop long de 216 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. relever dans ie travail précédent tous les passages où M. Go- quand a cité mes opinions d’une manière inexacte et quelque- fois entièrement fausse. Je préfère m’en tenir à ce que je viens de dire; une pareille discussion n’a rien de scientifique, et il me suffit d’avoir prévenu le lecteur du Bulletin qu’il doit cher- cher mes véritables opinions dans ma propre rédaction, et non dans celle de M. Coquand. Quant au travail de M. Judd, sur lequel M. Coquand trouve moyen d’appuyer sa classification, la conclusion de M. Judd est que le néocomien de Speeton se divise en trois sous-étages comme en France et comme en Hanovre, et non pas en deux comme le veut M. Coquand. Cette conclusion est donc plus conforme à la classification généralement adoptée qu’à la sienne. M. Judd fait connaître de nombreux passages entre les trois faunes néocomiennes, ce qui est conforme aux idées que j’ai exposées dans mon mémoire sur les Pyrénées ; mais, en outre, on remarque dans le mémoire de M. Judd des affinités paléontologiques plus grandes entre le néocomien inférieur et le néocomien moyen qu’entre celui-ci et le néocomien supé- rieur, ce qui est contraire à la classification de M. Coquand. Note sur les formations jurassiques qui recouvrent le versant nord du mont Lozère ; par M. Jaubert. (Communiqué à la Réunion extraordinaire de Montpellier, 1868, séance du 19 octobre.) PREMIÈRE PARTIE. — BASSIN DE LA MÉDITERRANÉE. Description orographique. La bande ouest des sédiments de l’époque jurassique r déposés autour du plateau central de la France, est légèrement interrompue par les granités, près d’Aubin. C’est de là que partait une brisure qui traversait toute la largeur du plateau, de 1 ouest à lest, et venait atteindre la bande est, dans l’Ardèche, près des Vans. Les eaux des bassins jurassiques aquitanien et méditerra- néen, communiquant librement par cette ouverture, la partie méridionale du plateau central, composée des massifs du mont Lozère et de l’Aygonal, se trouvait donc entourée d’eau NOTE DE M. J AUBERT. 217 de tous côtés, et formait un îlot séparé du continent par le détroit que je désignerai sous le nom de détroit de Bleymard. Entre Rodez et Sévérac, les eaux s’étalaient, acquéraient en descendant au midi une surface de plus de 60 kilomètres de largeur et formaient un golfe assez grand, au fond duquel, vers le nord-est, est aujourd’hui Mende. La mer de l’est, à la hauteur à peu près du même parallèle de Mende, entre Bességes et Joyeuse, ou soit aux Yans, lançait à Bintérieur des terres à la rencontre de celle de l’ouest un long bras de 35 kilomètres qui, par la vallée dont le Ghanezac occupe aujourd’hui le fond, remontait jusques à Chasseradès. II est probable qu’elle ne pénétrait pas au delà de ce point, car je n’ai pas connaissance qu’elle ait laissé plus à l’ouest des traces de son passage. Elle rencontrait d’ailleurs là les hautes régions situées à plus de 1200 mètres d’altitude qui, par la plaine de Monthel et le vaste plateau du Palais-du-Roi, attei- gnent les sommités de la montagne de la Margeride. Je ne veux pas dire par là que les plateaux dont je viens de parler manquent de calcaires. Je ne parle ici que du versant méditer- ranéen. Aussi la communication entre les deux bassins ne s’opérait- elle point de ce côté, mais par l’échancrure de Villefort, qui se trouve placé vers le milieu de cet ancien golfe, dans un petit enfoncement, au sud-ouest. Ce golfe, que l’on peut appeler de Villefort, était bien moins large que celui de Mende, et la plus grande étendue, au détroit de Villefort en allant vers le nord, ne pouvait guère dépasser 20 kilomètres. Si, comme tend à le faire présumer la position ordinaire presque horizontale des sédiments, le sol est resté ce qu’il était alors, le niveau de la mer jurassique n’aurait point dépassé l’altitude de 1200 mètres, car le point le plus élevé où elle ait déposé des sédiments est le Bleymard, où l’oolithe inférieure, un peu moins complète qu’à Mende, arrive à la cote 1190. Si donc les dolomies de l’ermitage de Saint-Privat , au- dessus de Mende, ne se rencontrent point au Bleymard, ce que du reste je n’ose pas affirmer, c’est que les sédiments en ce point avaient comblé le bassin, ou que la mer s’est alors retirée. On pourrait donc figurer avec assez de justesse les contours de la mer jurassique, en traçant sur la carte de l’état-major, qui porte d’assez nombreuses cotes d’altitude, la courbe bori- 218 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. zontale passant par 1200, et l’on verrait alors les deux bassins du sud-ouest et du sud-est s’avancer l’un vers l’autre à travers le continent, par deux grands bras, dont la jonction entre Mende et Villefort se serait opérée par une fente si exiguë que la largeur du détroit ne devait généralement pas dépasser six à sept kilomètres, et que, près du Bleymard,à Saint-Julien, il devait se rétrécir jusqu’à 2500 mètres. Le fond de ce détroit est aujourd’hui occupé, sur le versant de l’Océan, par le lit du Lot, et, sur le versant méditerranéen, par celui de l’Altier. Ces deux cours d’eau sont si profondé- ment encaissés, qu’on n’a pas quelquefois dix mètres à fran- chir pour passer d’une rive à l’autre. L’infinie petitesse de l’homme, que l’on n’a pas toujours assez piésente à la pensée, est un obstacle sérieux, qui empêche de juger sainement de la vraie configuration du terrain, dès qu’il s’agit, surtout, d’apprécier les pentes et les escarpements des montagnes. En suivant les vallées, on est tout disposé à se croire au fond d’un immense V, dont les branches se dresseraient presque verticalement au-dessus de soi, et l’habitant des plaines principalement, s’il avait à représenter ce Y, ne craindrait pas de le faire le plus aigu possible. Il en est pourtant tout autrement, et si je veux reproduire, par exemple, le profil de la vallée de l’Altier, à un point que je choisis très-précis pour qu’on puisse le trouver immédiatement sur la carte, au village même d’Altier, à 1° 70' de longitude Est, où la vallée est bornée d’un côté par le sommet du mont Lozère, de l’autre par celui de la montagne du Goulet, séparés par une distance horizontale de 12 kilomètres et demi, les dif- férences de niveau et les pentes, quoique considérables, ne seront presque pas sensibles sur le profil rapporté géométrique- ment. Pour se mettre d’accord avec l’impression inspirée par la vue des lieux, je vois qu’il faudrait adopter pour les hauteurs une échelle environ 15 fois plus forte. La décupler seulement, ce qui est certainement déjà énorme, ne me paraît pas satis- faisant. La figure ci- après, p. 219, rendra très-sensible ma pensée. La ligne pleine supérieure donne le profil naturel et réel du terrain, à l’échelle de 1 à 500,000; La ligne ponctuée inférieure, ce même profil avec une échelle de hauteurs décuple; Enfin la ligne pointillée inférieure, ce même profil, en con- NOTE DE M. J AUBERT. 219 servant toujours l’échelle des largeurs, et l’adoptant vingt fois plus forte pour les hauteurs. Fig. 1. Sommet dnf mont Lozère. 1550 9000 3500 1250 1250 1250 \ » ; \ î t V I / \W Sommet de la montagne du Goulet. 7 jo Rivière d’Altier. Ce dernier exagère peut-être un peu l’impression reçue, mais le second ne l’accentue pas assez. Elle serait donc parfai- tement rendue par le terme moyen indiqué : 15. La fracture qui limite si nettement au nord le mont Lozère, en l’isolant tout à fait du sol environnant, sur plus de 40 kilo- mètres de longueur dans la même direction, et ne laisse en dehors que l’extrémité Est de cette haute chaîne, n’est inter- rompue qu’en deux points, où les contre-forts, descendant per- pendiculairement du mont Lozère, barrent la vallée et remon- tent de l’autre côté, le reliant ainsi d’un côté à laMargeride, de l’autre à un chaînon secondaire dépendant du massif lozérien, et qui sépare la vallée de la Cèze de celle du Chassezac. Le col du Bleymard forme une arête arrondie, étroite, com- prise entre 1000 et 1100 mètres d’altitude, que traverse la route impériale dans son point le plus bas, et qui établit la ligne actuelle de partage des eaux des bassins de l’Océan et de la Méditerranée. Le col de Yillefort, appelé le Colet, appartient à une autre arête qui descend aussi perpendiculairement de la Lozère sur Yillefort, d’un signal géodésique coté 1490, à la limite des bois des Armes et de Longuefeuille. Le col s’abaisse là jusqu’à 651 mètres, pour se relever brusquement de l’autre côté, et atteindre, à moins d’un kilomètre en distance horizontale, le plateau assez vaste des Balmelles situé à 837 et plus. Là il se recourbe à angle droit pour former une nouvelle arête fort étroite, parallèle à celle de la chaîne principale, et formée 220 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. d’une série alignée de pitons dont les altitudes sont 975, 915, 879, 972, 955, 900, 897. Le dernier de ces pitons, à l’ouest de Naves,près des Vans, termine la chaîne, et porte un signal géo- désique désigné sur la carte sous le nom de Barri et coté 911. La plaine des Vans, sur les bords du Chassezac, n’est plus qu’à environ 200 mètres d’altitude. Ces pitons portent diverses dénominations locales, mais il convient de les remplacer par un nom géologique unique, et je ne puis mieux faire que de choisir celui de la seule localité que l’on rencontre sur son parcours, et précisément au centre. Je désignerai donc cette chaîne secondaire sous le nom de montagne de Malons. Le Colefc de Villefort est un point géographique extrêmement curieux, qui a à peine dix mètres de largeur, et présente la seule issue par où l’on puisse pénétrer convenablement dans le département de la Lozère; aussi les ingénieurs des ponts et chaussées en ont habilement profité pour l’établissement des routes, et les deux qui viennent du Gard, ainsi que celle qui vient de l’Ardèche, convergent en ce point et s’y réunissent. Le chemin de fer aussi le franchit par un souterrain, dont ce point bas a permis de réduire la longueur à 460 mètres. La vallée de la Cèze se creuse à partir du Colet de Villefort. Les sédiments qu’a dû y déposer la mer jurassique ont été plus nettement qu’ailleurs balayés dans cette vallée, et le lam- beau le plus rapproché que l’on y retrouve en allant vers Bes- séges est celui du château du Gheylard près d’Aujac, dont M. Hébert a donné une coupe des plus détaillées dans le Bulle- tin , tome XVI, page 910. Cette contrée du reste doit rester en dehors de mon étude. La belle carte de notre confrère Ém. Dumas, les travaux de MM. Hébert, Dumortier et autres, ne laisseraient à dire rien qui ne soit déjà connu de tous. Je dirai donc seulement que l’altitude des grès infra-liasiques y est infiniment plus faible que dans la Lozère et atteint à peine 600 mètres. Le revers nord du mont Lozère est coupé de nombreux vallons très-rapprochés et profondément creusés par les ruis- seaux descendant de ces hauteurs sous des pentes très-rapides, qui ont fait disparaître complètement, en pénétrant bien au- dessous d’eux, les dépôts jurassiques, qu’ils n’ont respectés que sur les flancs des vallées, et les arêtes des étroits contre- forts qui les séparent, qui se trouvaient à l’abri de leur action. NOTE DE M. J AUBERT. 221 Mais je ne saurais oublier de signaler un fait très-remarquable qui s’observe sur le versant méditerranéen et se trouve bien moins prononcé sur celui de l’Océan, parce que l’existence sur ce parcours de la chaîne de la Margeride, qui atteint des alti- tudes peu inférieures à celles du mont Lozère et offre de vastes plateaux, rendait les conditions orographiques à peu près semblables sur les deux flancs du bassin, et différentes de celles où s’est trouvé placé le versant que je considère. Les premiers dépôts jurassiques s’y présentent à un niveau qui varie peu de 1000 mètres. C’est ainsi qu’ils se montrent disposés sur la rive droite de la vallée. Il semblerait donc tout naturel de les retrouver au même ni- veau sur la rive gauche; mais, si j’excepte le Bleymard, où une langue étroite, sur le col même, pénètre dans ce versant, nulle part ailleurs je n’ai vu ni appris que les schistes qui composent la montagne du Goulet se trouvent avoir conservé la trace du moindre dépôt. La seule hypothèse qui puisse indiquer la cause de ce fait, et que rend assez plausible l’étude de la carte d’état-major, est la suivante : Les sommités de la montagne du Goulet ne présentent qu’une arête étroite, offrant immédiatement un double pen- dage, l’un vers la vallée d’Altier, l’autre vers celle du Chas- sezac, et de plus cette crête n’était en saillie au-dessus du niveau de la mer que de 150 mètres au maximum, et moins, dans la majeure partie de son parcours. De plus la pente est bien plus abrupte que celle du revers de la Lozère, et les eaux fournies par la surface donnée par un aussi faible relief ne pouvaient presque jouer aucun rôle. Le revers du mont Lozère au contraire présentait un tout autre développement, qui se déployait sur quatre à cinq cents mètres de hauteur, et une surface horizontale trois fois supé- rieure à celle du Goulet, couronnée par de vastes plateaux. Dès lors les eaux, plus abondantes d’ailleurs qu’elles ne le sont de nos jours, ce qui n’est point une hypothèse absolument nécessaire, mais possible, se précipitant de ces hauteurs, arri- vaient perpendiculairement sur la rive opposée, et y établis- saient un courant dont l’action était de beaucoup plus active et plus violente que sur l’autre, où relativement les eaux de- vaient rester calmes. C’est la conséquence naturelle de leur ré- gime et l’explication la plus satisfaisante, je crois, qu’on puisse donner de cette particularité. 222 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Dans cette échancrure intérieure du plateau central, les dépôts jurassiques ont laissé pour témoins de leur existence les plateaux plus ou moins vastes connus sous les noms de Causses deConcourès, de Sévérac, deLarzac, de Mende, duBleymard, qui se continuent de là jusqu’aux Vans par une série de petits îlots bien régulièrement alignés, dont la disposition générale est fort bien rendue sur la Carte géologique de la France, où ils sont teintés comme appartenant à l’étage inférieur du système Qolithique. Mais on n’a guère fait figurer que les dépôts que traversait précisément l’ancienne route, et qui ne pouvaient dès lors échapper aux observateurs. Ceux qui sont cachés dans l’intérieur des terres, loin de toute voie de communication, ne pouvaient guère être connus, et il paraît en effet difficile, de quelque feu sacré que soit animé un géologue étranger à la. localité, de le voir se hasarder dans des contrées aussi pénibles à parcourir, loin de quelques centres principaux, alors qu’il pourrait s’ex- poser à ne trouver dans un moment venu ni gîte, ni couvert, car il faut faire souvent plusieurs lieues pour rencontrer une habitation, et encore quelle habitation ! Mais si des études assez précises ont été faites déjà depuis longtemps sur la première zone de cette échancrure, de Deca- zeville à Mende et même jusqu’au Bleymard, il n’en est plus de même de l’intervalle compris entre le Bleymard et Villefort. Je ne connais pas d’étude un peu détaillée sur cette région, et celles qui s’appliquent de ce dernier point aux Vans m’ont paru fort peu exactes. 11 existe bien une carte de l’Ardèche par M. Dalmas ; mais les lambeaux calcaires alignés dans cette direction n’y sont pas même indiqués, ce qui est certainement une lacune regrettable dans une carte spéciale de département, qui n’est plus seule- ment un travail général, dans lequel les détails peuvent être omis. Mon service ne me laissant guère le temps de faire des courses fréquentes sur le terrain, et m’obligeant à les mainte- nir dans un rayon très-restreint, j’avais compté pouvoir consa- crer trois ou quatre jours, dans le mois de septembre écoulé, saison la plus favorable dans ce pays, à l’exploration du bassin du Lot, entre Mende et Villefort, sauf à y employer plus tard encore un jour ou deux, si je n’avais pu me rendre compte dans ce temps de tous les détails. Mais les pluies sont surve- nues dès les premiers joins du mois et ont duré sans interrup- tion près de vingt jours consécutifs* NOTE DE M. JAUBERT. Forcé donc de renoncer à mon projet, j’ai dû aussi abandonner mon plan primitif, qui devait comprendre tout le revers du mont Lozère, et ii m’est resté à peine le temps nécessaire pour rédiger ma notice, qui ne comprendra que le versant méditer- ranéen, que je suis loin encore de connaître en entier, comme il l’eût fallu, pour que mon travail pût avoir tout son effet utile. Tel qu’il est, néanmoins, j’espère qu’il n’en recevra pas moins de mes honorés collègues l’accueil sympathique qirils n’ont jamais manqué d’accorder à un essai consciencieux. Composition générale des terrains de la contrée. Pour la composition générale du terrain, on peut prendre comme point de départ et type normal les indications que donne Dufrénoy, tome II, page 706 de V Explication de la carte géologique de la France , sur les environs de Mende, et mieux encore la coupe plus complète de M. Rœchlin Schlum- berger, Bull., 2e série, tome XI, page 605, que je transcris ici, en allant de bas en haut. L’ordre inverse serait plus rationnel sans doute; mais celui- là est plus naturel, parce que dans les pays à pentes abruptes surtout, comme l’est celui-ci, il suit neuf fois sur dix, sinon sans exception, le sens de l’exploration, et que toutes les notes prises sur le terrain s’y rapportent. a. Grès à meules 5m, 0 0 b. Calcaire magnésien, brun de capucin 50 00 c. Calcaire compacte à grains fins 150 00 d. Calcaire compacte gris foncé, à Gryphœa arcuata Couche mince. e. Le même calcaire à grain plus fin. Couche de passage. Id. fc Calcaire marneux bleu et marnes schisteuses noires (lia— siennes.) 4D* 00 g. Calcaire noir schisteux à Posidonies. Couche de passage.... 2 00 h. Schistes marneux noirs et calcaires (toarciens) 45 00 i. Calcaire bleu supérieur, à J., subradiatus, observé seulement sur 20 ou 25 mètres, inabordable dans sa partie supérieure, mais figuré sur la coupe avec une épaisseur d’environ. ..... 50 00 j. Calcaire jaunâtre grenu, à Ostrœa Phædra , d’Orb ........ 20 00 k. Calcaire dolomitique, clair, caverneux, alternant avec du cal- caire gris, pétri d’Entroques. 30 00 Tout cet ensemble mesure donc près de * 400m,00 224 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Aucune de ces mesures bien entendu ne saurait avoir un ca- ractère absolu. L’auteur lui-même ne donne que quelques-unes de ses appréciations ; j’ai dû moi-même déduire les autres des observations qu’il a [consignées dans son travail, même sans avoir recours aux dimensions portées dans la coupe. Si, à l’aide de l’examen des cotes d’altitude, j’essaye de con- trôler ce chiffre de 400 mètres, je suis loin de l’atteindre. Mal- heureusement, je ne trouve point de cote dans ,1e ravin de Rieucros. J’ai bien vu les grès sur la route même, dans ces en- virons, mais il me serait difficile de préciser le point, qu’il eût fallu au moins marquer sur une carte. Mais enfin je me servirai des éléments que je trouve, et c’est la cote 782 que je vois au tournant delà route, à un peu plus d’un kilomètre de distance de Rieucros. Or, comme c’est vers ce point que j’ai vu les grès, après tout la route impériale n’ayant qu’une pente régle- mentaire qui ne saurait dépasser 0,05 par mètre, un kilomètre de plus ou de moins ne saurait affecter le résultat de plus de 50 mètres, et la cote de la Causse de Mende étant à peu près 1,050, la différence de hauteur me donnerait de 270 à 320 mètres. Si donc je rapproche de ce résultat les observations que j’ai faites au Bleymard sur un ensemble à peu près semblable, en tenant compte de l’épaisseur de la partie doiomitique de l’oo- lithe inférieure que je n’y ai pas vue, je ne saurais guère arriver sous la puissance des sédiments du Bleymard, à plus de 200 mètres, ce qui m’autorise à penser que l’évaluation des épaisseurs aurait été un peu exagérée par l’auteur, surtout celle de la couche c, qui me paraît véritablement anormale et peu en rapport avec tout ce que j’ai vu ailleurs. Les grès de la base sont sûrement ceux de l’infra-lias. Je ne les ai vus qu’en passant, et je dois ajouter, en voiture; et de plus, à cette époque, je ne connaissais encore aucun des nom- breux gisements de la contrée, où ces grès se montrent à dé- couvert, avec une certaine épaisseur, comme à Mende. Mais dès ces premières observations je dois dire que je ne pus m’empêcher de penser que ces grès de Mende, que je n’avais pour ainsi dire qu’entrevus, étaient les équivalents de ceux que j’explorais. Et cette particularité, qu’ils avaient été ex- ploités comme meules, qui se répétait à Villefort et ailleurs, n’a pas peu contribué à entretenir cette conviction. Je dois dire que j’ai toujours supposé qu’il s’agissait de meules de moulins, et non pas de meules à aiguiser. Quoi qu’il en soit, je dois NOTE DE M. J AUBERT. m’abslenir jusqu’à ce que je puisse aller les examiner conve- nablement et voir si ma supposition est justifiée. Les calcaires magnésiens brun de capucin qui les surmon- tent se voient presque partout clans la môme position, mais acquièrent ailleurs au plus la moitié de l’épaisseur qui leur est. assignée dans cette coupe. Seulement, est-il bien sûr que ce soient là des calcaires magnésiens? L’aspect extérieur peut le faire croire. Si on les examine attentivement, on est fort tenté de leur enlever cette dénomination. Les calcaires compactes à grains fins qui suivent consliluent ailleurs et partout les couches fossilifères de l’infra-lias ; et les fossiles y sont si nombreux, qu’il me paraîtrait difficile de ne pas les avoir rencontrés à Mende, en parcourant, môme une seule fois, tout ce terrain. Cependant il faut reconnaître que si l’on ne suit que les escarpements nord des coteaux, où les têtes de couches seules se présentent sans saillies, alors que ces couches penchent légèrement d’ordinaire, mais toujours plus ou moins vers la montagne, on risque fort, en effet, de ne rien rencontrer. C’est là un fait général qui s’est continuel- lement représenté, môme dans les points où l’abondance des fossiles est extraordinaire. J’ai bien, sur les revers nord, re- cueilli quelques fragments, parce que surtout j’étais certain qu’il était impossible de ne pas les y rencontrer; mais si je n’a- vais eu que cela, j’eusse été fort peu avancé, et ce n’est que sur les revers sud, et là où je voyais les surfaces de plongeaient des assises, qu’elles m’ont laissé voir et récolter toutes les ri- chesses qu’elles contiennent. Or, si l’on en juge par sa coupe, M. Kœchlin, en dehors des rives gauches du Rieucros et du Lot, se serait trouvé précisément dans les conditions les plus favorables du second mode de recherches que j’indique. Aussi je puis assurer que j’éprouve un désir bien vif de pou- voir aller visiter celte môme localité. Entre les lumachelles de l’infra-lias, visibles presque partout dans les lieux que j’ai explorés, et le lias moyen, on trouve un ensemble assez puissant de calcaires dolomitiques, gris foncé ou bruns, à nombreuses poches remplies de cristaux de chaux carbonatée, qui ne renferment que de petites empreintes tout à fait indéterminables, et occupent bien le niveau de l’étage si- némurien à Gryphœa arcuata , dont il ne m’a cependant jamais été donné de rencontrer la moindre trace, malgré le soin que j’ai apporté à examiner cet ensemble couche par couche. Soc. géol 2e série, tome XX Vî. 226 SEANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Si l’on veut bien remarquer que M. Kœchlin dit, page 624 de son mémoire, que le lias inférieur qu’il a appelé stérile contient aussi à Mende de beaux et intéressants cristaux de chaux carbonatée, on en déduira aisément que le terrain dont je viens de parler est aussi le sien, c’est-à-dire la couche que dans ma coupe j’ai marquée c, que je regarde comme appar- tenant en partie à l’infra-lias, et en partie au lias inférieur. Mais, comme toutes les formations du versant méditerranéen ne m’ont guère offert qu’une puissance à peu près moitié moindre que celles indiquées à Mende, je ne saurais trouver là de termes de comparaison pour reconnaître quelle est l’épais- seur de la couche c, qui doit élre attribuée à l’un ou à l’autre de ces termes, et si, des 150 mètres alloués à cette couche, je me contentais d’en retrancher environ 30, reconnus autre part comme appartenant au lias inférieur, il m’en resterait 120 à donner à l’infra-lias, ce qui me paraît énorme» Faute donc de bonnes données, je partagerai la couche c en deux parties égales, pour poser, grossièrement il est vrai, des termes de comparaison, et j’en attribuerai une à l’infra-lias, l’autre au lias inférieur. C’est là, je le sais, une supposition ab- solument gratuite et que rien n’autorise, sinon cette raison, qu’en agissant ainsi j’amoindrirai le plus possible l’erreur dans les deux sens; alors j’obtiendrai pour la puissance des diverses formations des environs de Mende : Infra-lias. — Couches a-b et moitié de c 130m » Lias inférieur. — Moitié de c-d et e si l’on veut 77 » Lias moyen. — /et g , ou simplement f 40 ou 42m Lias supérieur. — h et g si l’on veut 47 ou 45m Qolithe inférieure. — ije t k 100 » 11 me reste à procéder à la description des divers gisements, et comme la série la plus complète se trouve au Bleyinard, je commencerai par celui-là et le décrirai en entier. Cela me per- mettra d’éviter des redites, en me bornant pour les autres à indiquer leur position topographique, accompagnée d’ailleurs de coupes et de leur légende. Cela fini, je grouperai ensemble les divers membres de chaque série qui ont entre eux les plus intimes rapports et ne présentent d’ailleurs que des variations locales de très-minime importance. Chacun des termes se trou- vera donc aussi étudié à la fois dans son ensemble et dans ses détails, et présentera réunis d’un seul coup les rapports et les différences, sans qu’il soit nécessaire pour le lecteur de faire NOTE DE M. JÀUBERT. aucun effort de mémoire, ou de rechercher des détails, qu’une description spéciale de chaque gisement aurait fait disséminer un peu partout, dans le cours de cette étude. Le Bleymard. — Cubières. Le Bleymard est, après Mende, une des localités fossilifères les plus communes de la Lozère, à cause surtout des nombreux et superbes exemplaires de quelques espèces du lias moyen qu’on peut s’y procurer. Mais au-dessus du lias moyen, on y trouve l’oolithe inférieure, dont il a à peine été pa'rlé/et en dessous, un infra-lias très-développé, dont on n’a jamais rien dit, bien que la route impériale ait été établie au milieu de ses assises les plus caractérisées et les traverse sur une assez grande longueur, au grand tournant de la descente du col vis-à-vis de Cubières. Si du village on veut se rendre au hameau de Malecombe un petit sentier permet d’atteindre en cinq minutes le point le plus rappioche de la route, juste a 1 origine du tournant. A peine s’est-on élevé de quelques dizaines de mètres au-dessus de Cubières, que l’on voit les schistes gris ordinaires de la contrée prendre une couleur violet rougeâtre, se feuilleter, se charger de beaucoup de mica, et, à ces schistes ainsi complète- ment modifiés sur une hauteur de sept à huit mètres, succéder une formation calcaire en assises régulières, peu épaisses, qui présentent de nombreuses empreintes de fossiles, que l’on trouve aussi éparses sur le sol. Cette modification des schistes est un fait constant partout où j’ai pu voir des sédiments calcaires, qu’ils consistent en grès ou en calcaires; et, comme je n’ai pas souvenir d’avoir vu ce changement se produire ailleurs que dans une zone étroite de schistes placée au-dessous du niveau des terrains secondaires; que, par exemple, lorsqu’une lentille calcaire ou gréseuse re- pose sur les flancs ordinairement très-abrupts des montagnes schisteuses, les schistes, lorsqu’ils reparaissent par-dessus, n ont pas éprouvé de modification semblable, il me semble qu’on pourrait attribuer cette coloration particulière à la solu- tion de l’élément ferrugineux qui existe souvent dans les grès, toujours dans les calcaires dolomitiques bruns qui les sur- montent, et qui aurait lentement imprégné la roche sous- jacente. SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 18 68. ns L’analyse chimique comparative des schistes altérés et mar- neux et des grès ou calcaires qui les recouvrent, pourrait certainement indiquer la nature exacte de la solution, et montrer si cette explication est ou non acceptable, mais ne saurait jamais dans tous les cas résoudre qu’unepartie du pro- blème, celle qui regarde la coloration, sans indiquer en rien pourquoi cette roche a éprouvé un véritable métamorphisme, qui en a complètement modifié la texture. C’est, dans tous les cas, un phénomène très-curieux que celui que j’indique, et je laisse à de plus compétents le soin d’en donner une explication vraisemblablement plus plausible et qui résolve la question dans toute sa généralité. Coupe entre Cubières et Malecombe, avec le coteau du Bleymard, à gauche, dans le fond. — Échelle de longueur : 1 à 25,000. Fig. 2. Causse du Route Causse de Bleymard. impériale. Malecombe. Neyra 1187 1030 1195 A Oolithe inférieure. — B Lias moyen. — C Lias inférieur. — D Infra-lias. E Schistes siluriens. Si de nouvelles recherches démontraient que ce fait se répète en d’autres points de la Lozère, il pourrait avoir une certaine importance géologique, en ce sens que lorsque les formations secondaires ont été complètement emportées, si ces schistes précurseurs (1) avaient eux-mêmes laissé des traces, ils pour- (1) Cette expression est en elle-même peu exacte. Elle ne peut être prise que dans ce sens, que, lorsqu’on rencontre ces schisles, on peut être certain NOTE DE M. J AUBERT. 22 9 raient servir eux-mêmes à désigner les places où ils élaient autrefois recouverts par les dépôts secondaires, et fournir quelques repères pour le tracé des contours de la mer jurassi- que, tout aussi bien presque que si ces sédiments supérieurs existaient encore eux-mêmes sur les points observés. Les grès que l’on remarque d’habitude sur ces schistes mo- difiés et à la base de l’infra-lias manquent à Gubières, au point où j’ai relevé ma coupe, ce qui n’est nullement une raison pour qu’on ne les retrouve pas ailleurs, sur les contours de l'îlot, car ils sont visibles dans la plupart des autres gisements sem- blables, bien que réduits quelquefois à une très-faible puissance. Infra- lias. La formation commence par un calcaire gréseux, à pâte très- line, contenant de petites lamelles de mica, et moucheté d’une ioulede petits points ou linéaments très-courts, noirs, ressortant peu dans une pâte brun chocolat, mais donnant à la roche une grossière apparence de gneiss. Quelques couches de la base m’ont montré des empreintes de Cardinies, mais elles y sont rares, et il est impossible de déterminer l’espèce. On peut évaluer leur épaisseur à. 3m,00 Calcaire marneux dolomitique roussâtre, sans fossiles 10 00 Calcaires feuilletés en couches minces, fossilifères 8 00 Calcaires gris, à pâte line, durs, à cassure unie, vive, dont les lits de séparation offrent des surfaces bosselées, noduleuses, et présentant souvent comme un aspect de brèche, mais à noyaux arrondis, non anguleux, étroitement soudés ensemble, formant comme de simples taches..... 40 00 Calcaires gris clair, en couches très -variables , depuis 0,05 jus- qu’à 0,50 d’épaisseur, entremêlées de marnes grises et de cou- ches de lumachelles, et présentant une énorme quantité de fossiles appartenant à la zone de Y Ammonites Planorbis. C’est le gisement principal des fossiles de la formation, et il pré- sente dans le haut des calcaires plus rudes et sans marnes in- tercalées 20 00 Puissance totale de l’infra-lias à Cubières 81“, 00 Le calcaire gris, d’aspect bréchiforme, ou dans la pâte du- de trouver presque aussitôt les calcaires. Si elle échappe encore à ma plume, parce qu’elle est significative, il faudra donc la prendre exclusivement dans cette acception. 230 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. quel se remarquent, surtout sur les surfaces exposées à l’air, comme des taches à teintes peu différentes du gris général, mais néanmoins très-sensiblement visibles, me rappelle exac- tement certains calcaires du Yar que, faute d’avoir connu le niveau de Y Ameuta contorta , je n’avais pu faire autrement que de classer dans le muschelkalk, et qui, aujourd’hui, sont re- connus appartenir h l’horizon de l’infra-lias. Ces derniers calcaires atteignent la route au tournant même où aboutit le sentier; mais, en descendant la côte, tout le dépôt se relève assez rapidement du sud au nord, de sorte que la route le traverse dans toute son épaisseur, pénétrant successi- vementtoutes les assises qui finissent, avant d’arriver au fond du tournant et au chemin de Malecombe, par passer au-dessus d’elle, et ne plus laisser voir que les schistes modifiés, et après eux les schistes ordinaires du pays. On pourrait donc, avec du temps, relever presque une à une toutes les assises de cette formation, dans le talus d’amont. Mais, toutefois, cette belle coupe, qui devait se montrer dans tous ses détails au moment de la construction de la route, n’est point aussi nette que la disposition bien favorable des lieux semblerait pouvoir le faire supposer, et bien des termes, surtout ceux de la base, n’y sont pas visibles. Lias inférieur. Depuis la route, en partant du point où je me suis arrêté, jusqu’au haut de la partie vue du coteau, où les pentes s’adou- cissent assez pour former un petit plateau, on peut remarquer une série de calcaires d’apparence très-uniforme, que leur po- sition tend à faire classer dans le lias inférieur, et dont suit le détail : Calcaire argileux brun, dolomitique, ressemblant, du reste, beaucoup à celui de la base, qui est plutôt une sorte de grès vaseux qu’un véritable calcaire, et renferme de très-nombreu- ses poches tapissées de beaux cristaux de chaux carbonatée. J’y ai observé de plus de la baryte sulfatée et des rognons de plomb sulfuré. Ces calcaires paraissent dépourvus de fossiles; il n’en est rien cependant, et, si l’on brise les blocs, on verra, dans la cassure fraîche, ressortir d’assez nombreuses emprein- tes, dont il est difficile de bien saisir les contours, et qui appartiennent à de petites coquilles bivalves, au nombre des- quelles je crois avoir remarqué une Lima, petite, très-convexe. Je n’ai pu retourner au Bleymard depuis que j’ai fait cette re- NOTE DE M. J AUBERT. 231 marque, mais elle me laisse espérer que les assez longues recherches que j’ai faites dans ces calcaires, pour y découvrir VOstrœa arcuata, si elles restent infructueuses à l’égard de cette espèce caractéristique, pourront bien amener d’une autre façon, et à l’aide d’autres preuves paléontologiques, au but que je poursuis. De nombreuses carrières ayant été ouvertes au-dessus de cet ensemble de couches, pour les besoins de l’empierrement de la route, des tas de débris de calcaires cariés, de marnes et de calcaires marneux désagrégés, recouvrent le sol, et empêchent de suivre les détails. Ces débris ne m’ayant pas offert de fos- siles, il faut en conclure, dans tous les cas, que dans la série supérieure ils doivent être extraordinairement rares, si toute- fois il y en a. A partir de la base des carrières, j’ai mesuré : B assises de calcaire dolomitique feuilleté, gris jaunâtre lra,00 Couche de calcaire gris vif 0 25 Filet de marne grise 0 05 Couche de calcaire gris, compacte 0 60 Marne jaunâtre, ou plutôt calcaire feuilleté 0 15 Couche de marne grise liée à la marne jaune, et qui disparaît en coin 0 25 Cinq couches de calcaire roussâtre , dolomitique , très-argileux, avec nombreux cristaux de chaux carbonatée. Séparations con- luses et peu suivies. Les deux supérieures, épaisses de 0,80, se réunissent souvent en formant alors un énorme banc de 1,60, épaisseur réunie 2 35 Couche d’argile grise 0 1S Couche de calcaire jaune argileux 0 30 2 minces filets de calcaire argileux; ensemble 0 10 Couche de calcaire compacte 0 10 3 ou 4 couches de calcaire, en feuillets minces 0 50 Terre végétale ; » » Puissance du lias inférieur 26 10 Lias moyen. Les carrières que l’on exploitait depuis de longues an- nées dans le système sinémurien, ne présentant que quel- ques assises utilisables et non contiguës, ce qui devait, à cause de la grande masse des déchets, rendre l'exploi- tation très-onéreuse, ont été abandonnées, et les nouvelles 23 2 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. recherches reportées plus à l'ouest, en se rapprochant du col même, et presque sur le bord amont de la route. Elles se trouvent là dans les premières assises du lias moyen; comme elles n’ont guère encore pénétré dans le sol de plus de 1 à 2 mètres, elles ne peuvent être d’aucune utilité pour relever des coupes, mais seront visitées avec fruit. Toutes les parties marneuses, en effet, ont été rejetées sur le bord des excavations, ou dispersées sur le sol environnant, et l’on peut y recueillir bon nombre de fossiles détachés. Ce sont en général des moules de bivalves et une immense quan- tité de Belemnites paxillosus . Pour étudier ce terrain, qui n’est plus visible en ce point sous la croûte végétale du mamelon, il faut redescendre au point de départ, appuyer à l’ouest, et atteindre le coteau qui sépare Cubières du Bleymard, que j’ai représenté dans le fond de ma coupe, à gauche. Il ne m’a pas été possible, sur les diverses lignes que j’ai suivies, de trouver des points qui m’aient permis de suivre une coupe et d’en relever les détails. On est interrompu par les cultures qui cachent la roche et ne laissent apercevoir de temps à autre que quelques couches à découvert. Il faudrait donc avoir beaucoup de temps à soi pour relier entre elles ces faibles parties visibles, éparses un peu partout, et placées à des hauteurs différentes. Je ne puis donc parler que de l’ensemble. C’est une série de calcaires roux, grossiers, marneux, même siliceux, en couches régulières, séparées par des lits étroits, marneux. Ils laissent saillir de tous côtés des tronçons de Belemnites paxillosus, beau- coup d’énormes Pecten œquivalvis, des Spiriferina et des Tere- bratula , dont l’espèce qui domine est la cornuta , et aussi la Rhynchondla acuta. Presque à chaque pas on rencontre des poches de cristaux de chaux carbonatée, comme dans les cal- caires inférieurs du lias sinémurien. On peut même, en brisant les grosses boules, y obtenir des rhomboèdres assez bien dé- limités. Ces couches laissent aussi voir de nombreuses Entro- ques ; et toutes les surfaces exposées à Pair, étayant éprouvé un commencement de destruction, laissent ressortir, de plusieurs millimètres, de très-nombreux petits fragments, implantés dans la pâte, de quartz à angles plus ou moins émoussés. J’y ai aussi rencontré, comme dans l’étage inférieur, du plomb sulfuré, mais qui, là, se présente en cristaux assez réguliers. NOTE DE M. J AUBERT. 233 Sur le sommet de la causse de Malecombe, j’ai vu, détachés dans les champs, de nombreux débris de silex zonés qui pa- raissent avoir formé de véritables assises, car ils montrent des lits parallèles très-réguliers. Ces calcaires sont durs, tenaces, fort rebelles au marteau, et il est bien rare qu’on puisse en retirer les fossiles. Mais les pluies, et les gelées probablement plus encore, attaquent et désagrègent assez rapidement cette roche, détachent les fossi- les, et opèrent à la longue un nettoyage assez avancé pour qu’il soit assez facile, avec un peu de patience, des burins et des brosses, d’obtenir de superbes exemplaires. On rencontre assez communément des individus détachés, que la charrue a ame- nés à la surface des champs cultivés, ou que les eaux d’orage ont entraînés et accumulés dans de petits bas-fonds. J’ai pu ainsi, dans des envois que me fait detemps en temps, après les grands orages, un brave homme de ce pays, que j’encourage le plus que je puis, quoique j’y retrouve toujours la même chose à peu près, me procurer des espèces fort inté- ressantes, que je n’ai jamais aperçues moi-même dans le sein des couches. La faune n’est pas extrêmement variée; mais cependant je compte environ une soixantaine d’espèces que m’a données ce terrain, la plupart très-connues, quelques-unes non décrites encore et dont suit la liste : Fort peu d’Ammonites. L’espèce la plus répandue est VA. margaritatus , A. fim.br iatus , etc.; deux ou trois autres en frag- ments seulement; Belemnites paxillosus en immenses quantités, umbilicatus , etc.; Chemnitzia ou Turritella, deux espèces à l’état de moules; Trochus amor? moule ; Pleurolomariamopsa , moule; deux ou trois autres espèces, dont une énorme ; PholadomiaRœ - meri , Ag., Urania , d’Orb., ambigua , Sow .,Hausmanni, Goldf., Thracia elongata , Ag., ou très-voisine ; Pleuromya unioides , en nombreuses variétés, striatula , Ag., rugosa , Chap., œquistriata, rostrata, glabra , angusta? Ag., crassa , Ag., ou fort voisine; Arcomya elongata, Rœm., Ag., nov. spec . , Myacites ( Amphidesma ) rotundata, Phill., donacifornis , Goldf. (Lutaria) ; Mactromya lia- sina , autre espèce, un peu oblique, et quelques autres moules de lamellibranches peu déterminables; Lima Hermanni , Voltz (très-grosse); autre qui est fort voisine de décor ata, punctata ; forme et ornementation, mais très-convexe, et presque aussi épaisse que haute ; Pinna , espècefort grande; Pecten œquivalvis, acuticosta , Lam., liasinus, Nyst, ( disciformis , corneus ), très-grand, 234 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. nov.spec.y à stries disposées en chevrons très-aigus, le même qui est très-répandu dans le Yar, dont M. Dumortier, tome II de ses belles études, donne la figure et la description page 216, en l’assimilant au priscus de Schlot. 11 est. cependant bien diffé- rent, et bien aisé à reconnaître, et surtout n’est pas du lias infé- rieur, ni dans le Yar, ni ailleurs. Dans un travail que je pré- pare et qui verra peut-être le jour, si après examen d’amis compétents il en est jugé digne, je l’ai nommé P. Dieulafaiti (1). (1) Côtes souvent très-aiguës ainsi que les sillons qui en reproduisent exactement la forme en creux. Mais toutes les parties tranchantes ou an- guleuses s’émoussent et s’arrondissent ; les côtes de la valve droite en arri- vent jusqu’à être absolument convexes et à se plaquer l’une contre l’autre, sans laisser d’autre largeur au sillon qui les sépare que le trait du fond (un trait de scie). Il n’y a de constant que l’ornementation remarquable des stries concentriques, qui traversent côtes et sillons par une série de chevrons à angles fort aigus (ou s’arrondissant plus ou moins sur les arêtes saillantes ou rentrantes à mesure que celles-ci se modifient), mais qui sont toujours rele- vées ou abaissées très-obliquement sur les flancs. Si l’on veut d’ ailleurs voir cette disposition exactement représentée, il n’y a qu’à se reporter à la pl. 90 de Goldf., fig. 7 du P. dentatus. En tant qu’ornementation de valve, on ne pourrait être plus parfait. Comme cette obliquité des stries est toujours apparente, quelle que soit l’usure de l’exemplaire , je ne comprends pas que ce caractère, indépen- damment d’autres différences, ait pu laisser confondre cette espèce avec le priscus. Quenstedt, Der Jura , p. 147, dit que la meilleure figure de ce Pecten est celle de Goldfuss, pl. 89, fig. 5. Or, ni cette figure, ni la caractéristique latine, ni le texte allemand, pas plus que Quenstedt, lui-même, n’indiquent cette disposition en chevrons. La diagnose porte mêm evalva lœvi , le texte allemand : Clatt, geript. Il ne saurait donc pouvoir s’établir de con- fusion. Le Var offre encore dans le lias supérieur deux autres Pecten nouveaux. Le premier est celui que M. Dumortier a désigné sous le nom de persona- tus, et qui n’a absolument de commun avec cette espèce que les côtes inté - rieures, et pour le reste en diffère du tout au tout. C’est aussi celui dont M. Dieulafait parle dans sa dernière note, et auquel il restitue sa véritable place. Je l’avais désigné moi-même dans ma coupe , séance de la Société à Marseille, sous le nom de disciformis , auquel les exemplaires usés se rap- portent bien, Vel. nov. spec.y et aussi dans le lias supérieur. Dans mon travail, il figurera sous le nom de P. Dumortieri. Le second Pecten nouveau du lias supérieur est assez rare. Il a, bien plus que le Dieulafaiti , l’aspect du Pecten priscus. Comme chez ce dernier, les valves sont lisses. Les côtes et les sillons y sont aigus, mais il s’en dis- tingue très-nettement par une rangée d’écailles pointues, en dents de râpe, NOTE DE M. J AUBERT. 235 — textorius , beaux exemplaires; Harpax pectinoides , E. Desl. — nov. spec ., très-robuste, magnifique, et d’une admirable con- servation ; Plicalula Ostrœa cymbium ( gigantea ) et deux autres es- pèces bien distinctes; Spiriferina rostrata, pinguis, Hartmanni ; Terebratula subnumismalis, Mariez, cor nuta, quadrifida , et plu- sieurs autres; Rhynchonella acuta , partout. Je ne saurais évaluer la puissance totale de cette série au- dessous de 35 mètres. Les marnes schisteuses noires, qui constituent à Mende la partie supérieure de cet étage, et le lias supérieur à nombreuses Ammonites pyriteuses, n’apparaissent pas en ce point, même sous une forme réduite, et je dois ajouter qu’au- cune rencontre de fossiles dans les calcaires ne m’a annoncé le lias supérieur. 11 ne serait pourtant pas impossible que des marnes foncées, profondément ravinées, que l’on voit au pied du bois de Ney- rac, entre ce village et le sommet du col traversé par la vieille route impériale, au sud du Bleymard, représentassent les marnes schisteuses de la vallée du Lot; mais le temps m’a tou- jours manqué pour aller les explorer. Oolithe inférieure. En continuant à s’élever sur le col, et bien avant d’atteindre le sommet du plateau, la couleur des calcaires devient beau- coup plus claire. Ils sont plus argileux, et se délitent en pla- ques minces, couvertes de nombreuses empreintes de Chon- drites, dont les brins paraissent bien plus étalés et moins serrés que ceux du Scoparius des environs de Lyon, mais qui, à part cela, lui ressemblent beaucoup. La roche qui contient cette algue présente cet aspect si par- ticulier que les géologues lyonnais ont qualifié du nom peu scientifique peut-être, mais à coup sûr des plus significatifs, de calcaire à coups de balai. très-régulière, qui occupe juste le milieu des flancs. Un individu, qui laisse voir les côtes les plus extérieures, porte des épines assez longues placées sur le dos même de ces côtes et couchées, comme cela se rencontre à un niveau plus élevé, chez le Pecten barbatus , dont il prend dans ce cas tout à fait l’aspect. Dans mon travail, il sera figuré sous le nom de notre chef de file du Midi, et appelé P. Coquandi. 236 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1888. C’est exactement le niveau et la continuation du calcaire à fucoïdes, signalé par M. Kœchlin sur la pente nord de la mon- tagne de Saint-Privat, où il alterne avec les calcaires bleus à Ammonites subradiatus dubajocien, et, pour compléter l’identité, j’ajouterai qu’au-dessusdes fucoïdes on peut récolter en gran- des quantités YOstrœa sublobata, Desh., Héb. (Ostrœa Phœdra, d’Orb., Kœchlin, Chap. etDew.). C’est le troisième niveau des fucoïdes de M. Dieulafait. Quelques rares fossiles accompagnent cette algue : de petits Pecten, une Lima , quelques acéphales; mais tout ce que j’ai rencontré est peu déterminable. Je ne dois pas moins constater la présence de ces fossiles, parce qu’il est très-probable que des recherches plus prolongées en feront découvrir de bons individus, qu’on pourra alors reconnaître. Sur le flanc sud du mamelon, en descendant le petit ravin qui part du croisement de la vieille route avec le chemin vicinal qui monte sur la Lozère, ravin qui se dirige sur le hameau du Mazel, on pourra, sur la rive droite, peu au-dessus du fond, recueillir, autant qu’on en désirera, d’ Ostrœa sublobata en par- fait état de conservation. Je crois que les dolomies supérieures de Dufrenoy, avec silex, alternant avec les calcaires à Entroques de M. Kœchlin, manquent en ce point, car les couches à Ostrœa sublobata dis- paraissent bientôt contre les schistes, au pied môme du pre- mier bois, à quelques cents mètres à l’ouest du chemin vicinal, et sont composées de marnes grises alternant avec des calcai- res gris marneux. En dessus même de la vieille route et dans ses talus, une très-faible butte marneuse m’a fourni un petit Mytilus fort élégant, cylindrique, peu courbé, d’un centimètre de diamètre environ et de quatre à peu près de longueur, qui y paraît assez abondant, mais que je n’ai pu détacher qu’en fragments. Mais le fossile le plus intéressant est une petite Rhynchonelle de la forme de varians ou callicosta, toute mignonne, et dont je ne connais pas l’espèce. Elle y est fort répandue, et présente cette heureuse particularité, que le dépôt qui remplit les val- ves se laisse assez facilement ramollir par un séjour prolongé dans l’eau, pour qu’on arrive assez aisément à vider ces valves qui restent excessivement minces, fragiles, translucides, et lais- sent apercevoir, parfaitement conservées, les lames de l’appa- reil apophysaire. On peut même alors faire jouer les valves l’une sur l’autre, ce qui amène ordinairement leur séparation. NOTE DE M. JAUBERT. 237 Je cite celte particularité rare, qui pourra piquer la curiosité des amateurs, car la géologie de ce département pourra se faire d’autant mieux et plus tôt, que le nombre de ceux qui viendront l’explorer sera plus grand, et qu’il importe avant tout d’indiquer ce qui pourra les y attirer. La conformation du terrain, qui sur la ligne que j’ai suivie monte d’abord pour s’arrondir en suivant le plateau, pour de là s’abaisser, puis se relever encore, ne permet pas d’évaluer avec une grande précision la puissance de l’oolithe inférieure, que je crois pouvoir fixer à environ 40 mètres. En résumé donc, le massif jurassique que l’on a vu, plus haut, varier à Mende entre 270 et 400 mètres, ne présente plus au Bleymard, point où il montre, comparativement à ceux que j’ai étudiés, le développement le plus complet, plus de 485 mètres; et si je contrôle ce chiffre par les cotes d’altitude, je trouve au sommet de la série, au nord du Bleymard 4487m A l’origine du grès basique, dans le fond de la vallée de Gubières environ 4010 La différence obtenue 477 se trouve concorder avec celle que j’ai obtenue sur les lieux, sans le secours de la carte, que je n’avais pas encore en ce moment. Gisements de Pomaret. On peut, en prenant le chemin de Pomaret, observer de nou- veau les terrains que j’ai étudiés dans ma coupe de Gubières, à la base du coteau, sur la rive droite de la rivière; mais l’étude y est moins commode; je n’y ai vu que peu de fossiles, et je me suis contenté de les suivre pour en déterminer les limites, et sans y faire de recherches. Ils suivent le contour de la montagne, et remontent le flanc gauche de la vallée de Cubiérettes, jusque près de ce village, sur3à4 kilomètres. Il m’a paru qu’ils s’arrêtaient là ; puis, traversant la vallée, je les ai retrouvés sur le flanc droit, où après avoir franchi la vieille route, vers l’origine de la montée du col de Bournon, ils contournent la montagne comprise entre cette route et P Altier, où ils se maintiennent en dessus de la mi-hauteur de l’escarpement, pour se terminer près de ïreimes. Je regrette de ne point m’être élevé jusqu’au col de Bournon, par lequel la route franchit le faîte, parce que j’espérais y re- 238 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. trouver l’oolithe, dont je crois avoir aperçu des lambeaux con- servés sur le flanc gauche de la vallée de Cubiéreües; mais un orage subit m’obligea, au moment où je me disposais à faire cette reconnaissance, à chercher au plus tôt un refuge dans la localité la plus rapprochée. La même contrariété s’étant renouvelée dans une seconde course où j’avais la même intention, j’ai dû renoncer à aller reconnaître, aux environs du col, sur un kilomètre et demi de longueur environ, la limite sud de ce dépôt. Cette petite chaîne, dont l’altitude se maintient entre 1050 et 1,100, présente une arête arrondie de quelques centaines de mètres de largeur, parallèle au cours de l’Altier, qui, au col de Bournon, se retourne à angle droit, et s’élève jusqu’aux som- mités du mont Lozère. En l’abordant par son flanc est, du côté des Rochettes et de Treimes, au moment où l’escarpement terminal commence à se redresser sous un angle de 25 à 30 degrés, l’approche des sédiments secondaires est annoncée par les schistes précur- seurs, violet rougeâtre, comme d’habitude, et qui là sont tel- lement feuilletés, qu’il faut arriver dessus pour ne pas croire que l’on a devant soi de véritables marnes. Au-dessus, au milieu de nombreux éboulis, se montrent les grès, en une ou deux assises minces, partout où le terrain est débarrassé de débris, ou creusé par les petits ravins. En tournant le coteau pour atteindre son revers sud, si l’on se tourne vers le mont Lozère, on arrive à un plateau incliné qui commence au-dessus des champs cultivés, et l’on peut voir, à deux kilomètres au plus dans le fond de la vallée, et un peu sur la gauche, le village de Pomaret, qui m’a paru le plus con- sidérable parmi ceux que l’on rencontre dans les environs. C’est pourquoi j’ai choisi son nom pour désigner le coteau. A droite, plus rapproché et au fond d’un petit cirque à mi- chemin, entre Pomaret et le col de Bournon, on a le hameau du Crouzet. Au pied est du coteau, dans le fond de la vallée, est un autre hameau nommé Redoussas. Si l’on a assez avancé sur la montagne pour perdre de vue Redoussas et apercevoir Pomaret et le Crouzet dans les po- sitions respectives que j’ai marquées, on se trouvera précisé- ment sur le point le plus fossilifère de ce gisement. JTy ai recueilli, éparse sur le sol, vierge probablementencore de toutes recherches, et où, par suite, les fossiles, détachés de leur gangue depuis des siècles peut-être, se montraient à pro- NOTE DE M. J AUBERT. 239 fusion, une fort grande quantité d’espèces de la zone de Y Ammonites planorbis. J’avise qu’il serait absolument inutile d’essayer de rien re- tirer de la roche ; elle est trop dure et trop vive, et la marne y est rare. Il ne faudrait donc pas espérer y être aussi heureux que je l’ai été dans ma première visite, et je m’en suis bien aperçu lorsque jJy suis retourné depuis. Il faut peu remonter pour trouver le lias moyen, qui, là aussi, montre assez de fossiles. L ’Ostrœa cymbium n’y est pas très-commune, mais on peut en rapporter quelques exemplai- res d’une bien rare conservation. Si l’on veut se bornera étudier simplement la superposition des couches, il vaudrait mieux encore passer sur le revers nord du chaînon; mais, si l’on s’attache principalement aux fossiles, il sera préférable de ne point quitter la pente sud. Coupe du coteau entre l’ Altier et Pomaret. Échelle des longueurs : Fi?. B. Pomaret. 867 (1047) A E E A O'træa cymbium. B Lias moyen. G Lias inférieur. E D Infra-lias. G Grès. E Schistes siluriens vo P< .a p-t i i i ( i i 1 i 00 80 Infra-lias a-f. Puissance 39m0 0. Micaschistes modifiés, puis au-dessus : a . Grès à grains moyens, quartz, feldspath, pâte calcaire 2m,00 b. Grès tufacé, très-fin, brun chocolat 0 80 c. Grès à pâte fine, à fragments de schistes, passant à unebrèche. 0 20 d. Grès vaseux , brun chocolat, extrêmement fin, dont la struc- ture ne se voit bien qu’à la loupe. A l’œil nu, on dirait un cal- caire dolomitique. Sans fossiles 10 A reporter 13 0 0 240 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Report 13 0 0 e. Calcaire et marnes grises, entremêlés de nombreuses couches de lumach elles. Très-fossilifère. Ostræa sublamellosa. Pecten et Lima valoniensis, Ammonites planorbis. Vers le haut, très- nombreux Pecten Thiollierei , et quelques couches de calcaire fragmentaire 20 00 f. Couches calcaires très-minces, en plaquettes. Débris fossiles. Une dent 6 00 Lias inférieur g-h. Puissance 31m00. g. Dolomie sableuse grise, dure, avec fossiles indéterminables. 1 00 h. Grès calcaire jaunâtre, à pâte très-fine, ressemblant beaucoup à du calcaire dolomitique, contenant de très-nombreux cristaux translucides de chaux carbonatée. Sans fossiles 30 00 Lias moyen i-j. Puissance 35m00. i. Grès grossier, ressemblant du reste beaucoup à celui de la base, à ciment calcaire, à nombreuses Belemnites paxillosus. Traces à.' Ostræa, de petits Pecten , à' Ammonites alternant à diverses re- prises avec des calcaires assez terreux, jaunâtres ou gris, à Rhynchonella acuta , et formant à la partie supérieure de gros bancs avec Pecten œquivalvis, liasinus j. Calcaire gris roussâtre, rude au toucher, à très-nombreux grains de quartz implantés dans la pâte et ressortant sur les surfaces exposées à l’air, avec couches minces subordonnées de silex zonés. Belemnites paxillosus nombreuses. Ostræa cym- bium , etc Puissance de l’ensemble 20 00 15 00 105 00 Interrompu par l’échancrure de la vallée, cet ensemble re- paraît sur le dos de l'arête suivante, qui sépare Pomaret de la Pigère ; mais, déposé sur une pente abrupte, il n’en est resté qu’une lisière qui a été entraînée aisément, et dont la base seule s’est conservée. La vieille route de Mende a légèrement échan- cré cette base. On peut se passer de visiter ce gisement. Il est très-réduit, caché parles cultures, et, dans les petits emplace- ments qui semblaient promettre quelque chose, je n’ai trouvé que de très-rares individus mal conservés des espèces les plus communes. J’ai aussi recueilli en ce point, roulés, des rognons de plomb sulfuré. NOTE DE M. J AUBERT. 241 Gisements de Bergougnon . En continuant toujours à marcher sur Villefort, poussant des pointes tantôt à droite, tantôt à gauche de la vieille route, on aperçoit les premiers calcaires au pied du hois situé au nord d’une grande ferme nommée la P rade. Ils forment une bande étroite qui s’élargit en allant vers Bergougnon, situé précisément sur l’arête du contre-fort. La route coupe ces cal- caires, qui finissent avant d’atteindre les maisons, pour passer en grande partie au-dessous de cette route et former le ma- melon qui s’allonge au nord nord-est, dans la direction du village d’Altier. Entre la Prade et Bergougnon, on aperçoit à peine les grès de la base, affleurant dans une ravine que suit un petit sentier, mais qui n’a pas souvent un mètre de profondeur. Mais si, comme je l’ai fait ordinairement, on aborde le gise- ment en venant d’Altier, après avoir suivi pendant une demi- heure à peu près la rude montée du chemin vicinal qui unit ces deux villages, on atteint un petit plateau doucement in- cliné, qui rompt la raideur de l’escarpement. Au milieu de ce plateau, sur les schistes modifiés, paraît, tout à fait à décou- vert, une bande de grès que l’on peut suivre sans peine en contournant le mamelon vers l’est. A cause de l’adoucisse- ment de la pente, le grès occupe en surface une zone qu’il est possible cette fois de faire figurer sur une carte géologique. Dans les localités précédentes, si on l’essaye, ce ne pourra être, quelque étroite que soit la bande coloriée, qu’en exagé- rant démesurément sa largeur réelle sur le terrain. De Bergougnon, situé à l’altitude 995, pour arriver en sui- vant le chemin jusqu’au grès, on a dû s’abaisser de près de 50 mètres, mais on remonte à l’est pour suivre ces grès, et, s’ils n’atteignent pas tout à fait le niveau de Bergougnon, ils ne pa- raissent pas en être au-dessous de plus de 30 à 35 mètres. Ils restent donc sensiblement au-dessous de celui où on peut les observer ailleurs, environ d’une quarantaine de mètres. Les divers termes de l’infra-lias surmontent ces grès, et la formation calcaire du mamelon de Bergougnon, qui appartient au lias moyen Je plus caractérisé, va se terminer contre les schistes, à peu de distance au-dessus du village de la route. Soc. géol.} 2e série, tome XX Yi. 16 242 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. Coupe d 'Altier àBergougnon. — Échelle des longueurs : G Grès. D Infra-lias. C Lias inférieur. B Lias moyen. K Calcaires. K Calcaires gréseux. Infra-lias a-f. Puissance 46m00. Au-dessus des schistes modifiés : a. Grès à gros grains de quartz blanc, à angles peu émoussés, en 3 ou 4 couches, plus ou moins agrégés. Un gros banc de 0,80, moyennement dur et friable. Des couches minces, à grains plus fins, passant à une marne gréseuse. Quelques par- ties bréchiformes, à fragments de schistes, et nombreux ga- lets de quartz arrondis , souvent aplatis , usés et roulés, qui font passer au poudingue» Grains de feldspath. . , 2m,00 6. Calcaire gréseux, siliceux, à pâte très-fine, couleur brun chocolat, en couches minces. Sans fossiles. 8 00 c. Calcaire gris à pâte fine, noduleux, fragmentaire. Sans fos- siles., 6 00 d. Calcaire gris, lumachelle, mélangé de marnes grises, avec de nombreux fossiles de la zone à Ammonites planorbis. Ostrœa sublàmellosa. Pecten Thiollierei, Cardinies, etc 15 00 e. Calcaire marneux jaunâtre, avec les mêmes fossiles* Terebratula Psilonoti , . , ; * , . . , i 5 00 A reporter 36 00 NOTE DE M. JAUBERT. 243 Report. 36 00 f. Calcaires gris, rudes, à Entroques, Peu de fossiles. Plus de marnes., 3,0 oo Lias inférieur g. Puissance lô^OO. g . Calcaire gréseux dolomitique, roux, à nombreux cristaux de chaux carbonatée. Baryte. Plomb sulfuré. Stérile 15 00 Lias moyen h-i. Puissance 19m00. h. Le même calcaire de couleur brun chocolat, à cristaux de chaux carbonatée comme dessus. Pecten œquivalvis et acuticostata , liasinus , — Polypiers, — Térébratules, — se délitant en pla- ques minces 10 00 i. Grès à grains fins ou moyens, sans gros galets, en 7 ou 8 bancs épais, avec très-nombreuses valves des mêmes Pecten, Petites assises siliceuses subordonnées, peu visibles en place, mais dont les débris recouvrent les pentes. C’est une agglo- mération de valves de Pecten (deux espèces et une Lima)i mé- langées en tout sens, mais généralement à plat, le tout changé en un vrai silex, L’assise atteint jusqu’à 0,25 9 00 Puissance de l’ensemble. 80 00 De Bergougnon à Yillefort, sur environ 1Q à 12 kilom., au- cun des contre-forts, au nombre de six ou sept, que montre eneore le revers du mont Lozère, ne présente plus aucune trace de terrains secondaires ou autres. C'est du reste un effet de l’accroissement du volume des eaux, dont le courant devenait plus terrible et plus destructeur à mesure qu’il s’éloignait du lieu de départ et recevait avec chaque nouveau cours d’eau une nouvelle puissance, d’autant plus redoutable que jusque- là il est bon de faire remarquer que le bassin s’est maintenu tout aussi étroit qu’à l’origine. Aussi si l’on jette un simple coup d’œil sur les trois coupes que j’ai données ci-dessus, le résultat théorique est fort sensible et montre les lambeaux respectés diminuer à mesure que la cause de destruction aug- mente. Il me paraît certain que vers la fin de l’époque du trias un mouvement du sol s’est opéré, qui a permis à la mer de péné- trer dans cette moitié du détroit du Bleymard que jeyiens d’é- tudier, Ce mouvement ne peut avoir eu que deux causes : un exhaussement du fond des mers en des points peut-être fort éloignés de celui qui m’occupe, qui aurait obligé les eaux à agrandir leur bassin dans cette direction et pénétré dans les 244 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. dépressions jusque-là émergées, ou un abaissement de la ré- gion en question, ce qui évidemment peut être dû à une oscil- lation unique comme à des oscillations fractionnées qui se se- raient lentement continuées jusqu’à la fin de l’oolithe inférieure. A cette époque, M. Hébert a prouvé que le mouvement d’af- faissement se produisait vers l’est. Alors aurait commencé l’oscillation en sens contraire, que je ne prétends point rattacher, bien entendu, aux mouvements généraux de la masse entière, pour la petite région dont je crois au contraire que le mouvement d’ensemble devait et pou- vait se fractionner en mouvements secondaires, se faisant sen- tir plus vivement en un point que dans un autre, même voisin, mais soustrait à son influence, ou la subissant dans des con- ditions différentes. Ainsi, dans le cas actuel, ce que je viens d’exposer semble indiquer que le retrait des eaux du Bieymard aux Vans s’effectuait en coulant de l’ouest à l’est, précisément le contraire de ce qu’aurait dû produire le relèvement général qui s’opérait alors en sens opposé. Mais je ne vois rien d’im- possible à cela, rien même qui attaque le résultat général in- diqué par cette théorie. De quelque façon que se soit fait le mouvement, il a provo- qué la retraite des eaux, qui auront peut-être, si cette retraite a été tant soit peu brusque, pu commencer à détruire elles- mêmes une partie de l’œuvre qu’elles venaient d’accomplir lentement, laissant aux phénomènes naturels ordinaires le soin de l’achever, ou même d’exécuter à eux seuls cette œuvre de destruction. Arrivé à Villefort, je poursuis l’indication des gisements, en allant recommencer au nord-ouest, à l’extrémité du bras de mer qui se prolongeait jusque dans la région supérieure du bassin actuel du Chassezac. Gisements de la haute vallée du Chassezac. Il ne m’a point été possible encore d’aller visiter cettê con- tçée, où existent des causses , ou plateaux calcaires. Leur existence m’est signalée près de Chasseradès : 1° Au hameau de l’Estampe, dans la direction du Bieymard; 2° Au hameau du Mas, entre Chasseradès et Puy-Laurent, où existe précisément un centre de fabrication de chaux pour la contrée environnante ; 3° Au hameau de l’Hermet, en face de Puy-Laurent; NOTE DE M. JAUBERT. 245 4° Au hameau de la Jare, près Prévenchères, au sud-ouest. Ces quatres lambeaux sont alignés de l’ouest à l’est, 20 de- grés sud. Je connais ce dernier gisement. Tl m’a montré Tinfralias à peu près complet, mais non recouvert. Je le décrirai ci-après. En ce qui regarde les trois premiers, je ne suis encore en mesure d'affirmer qu’une chose : c’est l’existence certaine du lias moyen au hameau du Mas, et précisément de sa partie supérieure. Les échantillons de roche que j’ai envoyé recueillir en ce point aux environs du four à chaux sont des grès fins et gros- siers et des calcaires gréseux absolument identiques avec ceux qui composent le lias moyen de Bergougnon et de Pomaret, et ils contiennent exactement les mêmes fossiles. La similitude est telle entre ces restes et les roches qui les renferment, que, si les échantillons de ces diverses provenances étaient mélan- gés ensemble sans qu’on eût pris la précaution de leur appli- quer des marques distinctives, il deviendrait impossible de pouvoir les rapporter à leurs gisements respectifs. Des calcaires dolomitiques rencontrés dans ces échantillons indiquent le lias inférieur. Aucune de ces diverses roches ne pouvant être exploitée pour chaux, l’agent que j’avais chargé de faire ces recherches, qui d’ailleurs notaient point destinées à un but géologique, mais seulement à savoir si je pouvais trouver là des matériaux propres à fournir des moellons d’ap- pareil et de la pierre de taille, n’a recueilli que ceux qui lui paraissaient propres à remplir ce but, et n’a nullement songé à m’envoyer les calcaires de l’infra-lias qui doivent là comme ailleurs alimenter les fours à chaux. La cote indiquée par la carte d’État-major est 1033 au ha- meau du Mas. On voit que les calcaires s’y rapprochent très- sensiblement des niveaux qu’ils occupent dans la vallée de l’Altier. Gisement de la F are. A une demi-lieue au plus de Prévenchères, à l’ouest, en ap- puyant un peu au sud, un petit mamelon en cône tronqué, que l’on aperçoit de loin parce qu’il est isolé au milieu du sol environnant, est recouvert d’une mince calotte de calcaire, qui forme une petite plate-forme circulaire de lüO mètres environ de diamètre. De tout temps cette butte a été exploitée par des fabricants SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. 246 de chaux pour l’usage des localités environnantes, et, comme d’ailleurs le bois manque absolument dans cette région, on cuisait cette chaux avec du genêt. On doit voir quel singulier produit on pouvait ainsi obtenir; aussi les trois quarts du temps les fournées entières étaient perdues, et il était rare qu’on en réussît une de temps à autre. L’incertitude de pa- reille fabrication se reconnaît à la multitude de fours ruinés qu’on rencontre sur ce mamelon. L’industriel, dégoûté, était remplacé par un autre qui établissait un nouveau four et était forcé de l’abandonner bientôt, après de nouvelles tentatives malheureuses. Aujourd’hui tout s’est régularisé, et la fabrica- tion se fait à la houille. Les grès, quoique très-amincis, s’y voient pourtant très-bien sur le revers est, au-dessus des schistes modifiés. Le reste de l’infra-lias y est fort beau. S’il n’est pas tout à fait complet, il doit n’y manquer au plus que quelques cou- ches, et j’y ai retrouvé en abondance, dans les champs sur le revers sud, à 100 mètres à l’est du four à chaux, la plupart des fossiles des autres gisements et de plus quelques espèces que je n’avais point rencontrées ailleurs. Coupe du mamelon de la Fare. Fig. 5. Chemin Four à Chaux. vicinal. Au-dessus des schistes rouge violet on trouve : A. Grès grossier, peu agrégé, se décomposant en sable avec la plus grande facilité et ne paraissant qu’en petites j lentilles, dans les petits plis creusés par les eaux. Au plus B. Grès vaseux, calcaires siliceux à grains nombreux de quartz NOTE DE M. JAUBERT. 247 Report 2m, 00 translucide très-petits, formant des taches bleues vitreuses dans une pâte brun chocolat très-foncée, se délitant en pla- quettes très-minces. Sans fossiles *. , , * ; . » . 25 00 C. Calcaire gris marneux et petites couches de marnes gris noi- râtre, à Ostrœa sublamellosa , Pecten Thiollierei 10 0 0 D. Lumaehelles de calcaire gris marneux avec nombreuses A, planorbis, Cardinia , etc 15 00 E. Calcaire gris bleu à pâte très-fine, vif et non argileux, exploité pour chaux.. 10 0 0 F. Calcaire noduleux, à rognons irréguliers, arrondis, fortement unis ensemble sans ciment interposé. Roche très-dure à atta- quer au marteau, mais facilement désagrégée par faction at- mosphérique, et jonchant le sol de ses débris 2 00 G-, Calcaire grossier, dur, fendillé, sans fossiles , exploité pour chaux , surtout anciennement, 00 H. Calcaire de même nature que le précédent, à nombreux débris d’Entroques. Rares échinodermes 1° 00 Puissance totale. . . 78 00 Gisements de la Champ du Roure , de la Garde et des Balmelles . Les dépôts que je réunis ici, parce qu’ils formaient autrefois un plateau très-vaste qui se continuait dans l’Ardèche, où M. Dalmas le marque sur sa carte, entre Sainte-Marguerite et Montselgues, et aussi sur le versant nord de la montagne de Malons, ne présentent absolument que les grès de la base non recouverts d’autres sédiments. Ils reposent en partie sur les schistes, toujours dans ce cas modifiés au point de contact, en partie sur les granités qui ont imprimé h cette région un tout autre relief que celui de la vallée d’Altier. En retraçant les contours du plateau, on trouve que ce der* nier formait à peu près une circonférence de 9 à 10 kilomètres de diâmètre. Le niveau est un peu inférieur à celui des autres grès, et la carte donne les cotes suivantes : Plateau de la Champ du Roure, 905 au sud, 962 au nord; Plateau de la Garde, 856; Plateau des Balmelles, 826 et 837 ; Sainte-Marguerite à Montselgues, 974 sud, 1027 centre, 1060 nord ; Les lambeaux qui unissent les BalmellesaujMas de PAir, 845 ; 248 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. et du Mas de l’Air, en descendant aux Vans, ces cotes s’abais- sent beaucoup, et à la Rousse, dernier point qu’aient encore atteint mes recherches, l’altitude des grès ne dépasse pas 600. Je n’ai point vu les grès de Montselgues. J’en parle, parce qu’ils sont figurés sur la carte de M. Dalmas. Trois crevasses principales, très-étroites, aux parois presque à pic, aux bords singulièrement déchiquetés, ont profondément découpé ce plateau dans trois directions, au sein même des granités, jusqu’à 250 à 300 mètres au-dessous des plateaux. Dans l’une s’engouffre l’Altier, qui, peu avant Villefort, à Bayard, dévie sensiblement de sa direction générale et obli- que au nord-est. Elle a séparé au sud le plateau actuel des Balmelles. L’autre reçoit le Chassezac, qui oblique, au contraire, vers le sud-est, et coule à partir d’Albespeyres, près de la Garde, au fond d’une gorge excessivement pittoresque. Dans le triangle ainsi compris entre ces deux crevasses et la route de Villefort à Langogne se trouve isolé à son tour le plateau de la Garde, siège le plus actif de l’exploitation indus- trielle des grès, qui fournissent à la contrée d’excellents ma- tériaux de construction, et sont une ressource précieuse, sans laquelle on ne pourrait avoir recours qu’aux granités, dont la mise en œuvre coûterait cinq à six fois plus cher. La troisième crevasse enfin, non moins grandiose que les deux autres, a ouvert le plateau du nord au sud et séparé ce- lui de la Champ du Roure de celui de Montselgues. La rivière de Borne, qui coule dans le fond, est la limite des départe- ments de la Lozère et de l’Ardèche. Les trois cours d’eau vien- nent converger en un point unique, Sainte-Marguerite, pour, un seul d’entre eux, le Chassezac, conserver son nom et continuer encore pendant une lieue ou deux d’occuper le fond d’une fente très-resserrée, avant de voir son bassin s’élargir, en at- teignant la plaine des Vans. Dans cette région étendue les grès acquièrent une puis- sance tout autre que celle que nous avons pu leur voir jus- qu’ici. Bien que ces grès puissent rigoureusement présenter quel- ques légères différences avec ceux que j’ai suivis dans leurs divers gisements, au-dessous des calcaires de l’infra-lias, il me semblerait difficile de pouvoir les en séparer. Comme ils ne sont pas recouverts, ou que, lorsqu’ils le sont, comme au Mas de TAir, et en descendant sur les Vans, c’est par des calcaires NOTE DE M. JAUBERT, 249 qui sont fort loin, comme on Ta cru, d’appartenir à Pinfra-iias, on n’aurait pas, faute d’autres présomptions, de raisbn absolue et sans réplique à opposer à ceux qui pourraient persister à les placer dans le trias; mais les partisans de cette opinion au- ront à leur disposition, pour l’appuyer, moins d’arguments peut-être que leurs adversaires pour la combattre. Dès qu’on a pu étudier ces grès, là où leur place n’est pas douteuse, qu’on les a suivis de proche en proche pour arriver ainsi jusqu’à ces derniers, le doute ne me paraît même plus possible, et, pour ma part, je me range avec toute conviction à l’avis de MM. Dufrénov, d’Archiac et Hébert, ce qui ne saurait, bien entendu, empêcher qu’il ne puisse exister plus loin, dans le Gard, des grès autres que ceux dont je parle, et qui appar- tiennent au trias, comme l’a dit M. Émilien Dumas. A l’aide des indications que je viens de donner, il sera, je crois, peu difficile, muni d’une carte quelconque, si on n’avait point celle de l’État-major, de savoir trouver, presque comme si on le connaissait déjà, chacun des points que j’ai désignés. Il me reste, comme je l’ai annoncé plus haut, à grouper dans un examen unique les divers termes de chaque étage. Infra-lias. — Grès de la base . J’ai dit que je n’ai pu encore le voir au Bleymard ; sur le co- teau de Pomaret il atteint au plus 2 mètres de puissance. La cassure fraîche offre une pâte brun clair, sur laquelle se détachent des points blancs peu étendus, très-irréguliers dans leur contour, que l’on serait tenté de prendre pour de la silice sèche, arrivée à l’état d’agrégation par forte pression, mais non par fusion. Le quartz se présente en petits grains blancs; mais, s’ils ont été cassés eux-mêmes, on eu trouve bon nombre de gris bleu et d’aspect vitreux. La surface extérieure est tou- jours rongée jusqu’à plusieurs millimètres et montre aux trois quarts libres les grains de quartz, qui laissent souvent très- bien voir encore leurs facettes et leurs angles de cristallisation. Des taches à cassures lamelleuses et miroitantes indiquent le feldspath. Le mica est rare. Partout en dessous le sol est recouvert d’une petite couche de sable grossier. Des fragments de roche, recueillis dans les débris, montrent une pâte plus terreuse et plus brune, à grains de quartz moins 250 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. nombreux, et enchâssent des fragments de schistes micacés, blanchâtres et gris de plomb. Cette brèche apparaît par places sur les contours du mame- lon, au-dessus du hameau de Redoussas; elle a là 0m,25 d’é- paisseur, et se trouve séparée des schistes, modifiés par une couche de 0m,80 d’une espèce de tuf gréseux rougeâtre, qui remplace le grès compacte. Sur le mamelon qui sépare Pomaret de la Pigère ce grès paraît aussi sur quelques points de peu d’étendue. Il est, en général, à grains plus petits, et à pâte plus brune, mais de même aspect qu’à Treimes et à Redoussas. En dessus de la Prade il affleure à peine, mais au-dessous de Bergougnon il se présente très-nettement, en trois ou quatre bancs, dont l’un très-épais. Il est là, par places, à grains très-petits, mais ordinairement de moyenne grosseur, moins cimenté que dans les premiers gisements, ce qui fait qu’il se décompose plus aisément en sable grossier. Des galets de quartz aplatis, arrondis, traversés par le roulage, s’y voient irrégulièrement disséminés et font passer le grès au poudingue, sans être, toutefois, assez nom- breux pour que cette roche puisse être désignée sous ce nom. Quand le grès est plus fin, il se détache quelquefois en pla- ques feuilletées, mais ne présente pas cependant ces masses de marnes gréseuses, que l’on remarque aux Balmelles ou au Mas de l’Air. Enfin, au mamelon de la Fare ce même grès est encore moins fortement agrégé, et partout où il est mis à découvert il est promptement réduit en sable. Aussi le cordon de la base est-il formé de lentilles interrompues, visibles seulement sur quelques mètres, dans quelques petites dépressions du sol. Quelque attention que j’aie apportée à l’examen de ces grès, je n’ai pu y apercevoir aucune trace de restes organisés; aussi je crois bien qu’il faudra renoncer à trouver dans cette région les équivalents des couches à Avicula contorta et du bone-bed. La première butte de grès, au-dessus de Villefort, que l’on rencontre tout à fait au sommet de la montée de la vieille route des Vans, montre à la base une marne bariolée, argileuse, dont la couleur dominante est le vert pâle, qui empâte de très- nombreux galets, et souvent fort gros, de quartz, et beaucoup aussi de fragments de schiste quarizeux noir, à pâte fine, pas- sant à une vraie lydienne. C’est exactement la même lydienne que la Société a vue à mi-hauteur du pic de Cabrières, dans NOTE DE M. JAUBERT. 251 l’Hérault. Lorsque l’argile est moins abondante, cette roche est alors un véritable poudingue. En ce point les marnes argi- leuses se décomposent avec la plus grande facilité, les galets s’en détachent et roulent sur les pentes où les suivent bientôt les grès durs qui les surmontent, et qui, minés par-dessous et séparés par de nombreuses fentes verticales, peuvent se maintenir quelque temps en surplomb, mais se séparent tout d’un coup en grandes masses, puis se cassent en gros blocs, qui s’usent et se divisent eux-mêmes en fragments, qui finis- sent, vers le bas des escarpements, par se réduire en galets, puis en sable. La destruction des grès est aussi très-rapide, et les pourtours des plateaux, dont la surface se rétrécit chaque jour pour ainsi dire d’une façon sensible, se trouve limitée de tous côtés par ces falaises verticales, qui les font si bien reconnaître de loin, pour peu qu’on ait pris l’habitude de la configuration de ces plateaux. La coupe qui suit est un exemple curieux des effets que peu- vent produire les agents naturels ordinaires, et montre que bien des phénomènes, même des plus grandioses, peuvent s’expliquer très-simplement si, à une action naturelle insen- sible, mais sans arrêt, on veut bien appliquer ce coefficient qu’on néglige trop souvent, ou dont la si courte durée de notre existence ne saurait nous permettre de saisir complètement l’incommensurable puissance, le temps, ou, bien mieux, l’infini. Coupe d’une butte de grès entre Villefort et le Mas de l’Air. Fig. 6. S’il nous était possible de mieux nous accoutumer à compter par millions de siècles, peut-être serait-il moins nécessaire d’avoir si souvent recours, comme on l’a fait, à des cataclysmes violents et subits, qui ne sont pas toujours démontrés, qui, 252 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. d’ailleurs, ont aussi apporté leur concours, ainsi que cela arrive encore trop souvent, que cela vient malheureusement de se produire en ce moment môme, à cette œuvre de destruc- tion, ou mieux, pour me servir d’un terme plus juste, de mo- dification, car cette œuvre n’est que la construction de l’avenir. Rien, en effet, ne se détruit, elle bloc arraché ici, en quelques particules ténues qu’il puisse se résoudre, en vînt-il à l’état de solution homœopathique, n’en existe pas moins pour cela, et soit dans l’air, soit dans l’eau, soit où l’on voudra, ne peut que se fixer quelque part, et concourir ày former quelque chose. Cette petite butte peut se voir sur la vieille route de Yillefort aux Vans, à moins de cent mètres à gauche, vis-à-vis du hameau des Balmelles. Au sommet, la plate-forme n’a pas conservé dix mètres de large, et la base n’en a pas plus de quarante à cin- quante. L’entraînement des particules y est plus lent qu’ailleurs, at- tendu qu’elle n’est point placée sur une pente, mais, malgré ces conditions très-favorables à la conservation, il ne reste plus au-dessus de la base marneuse que quelques mètres d’épaisseur de grès qui s’écroulent en quelque sorte à vue d’œil, et, si on admet que chaque année les pluies d’orage n’emportent que quelques centimètres d’épaisseur des marnes peu solides de la base, dans moins de deux siècles, probablement, ce té- moin de l’ancien état des lieux aura disparu à son tour, comme font fait déjà ses voisins moins bien placés que lui. La bande de grès, en effet, qui unissait le mamelon de Ville- fort à celui du Mas de l’Air, ne forme plus que quelques lam- beaux excessivement réduits, quelquefois de peu d#mètres de longueur. Le premier de ces lambeaux, que l’on aperçoit à droite et contre la route, en allant vers le Mas de l’Air, est composé de grès peu agrégé, extrêmement ferrugineux, presque un minerai de fer. Celui-là, aussi, aura bientôt disparu, et ne s’est aussi conservé jusqu’à cette heure, que parce qu’il se trouve sur un plan de schistes peu incliné à la vallée, qui, à peu de distance, descend presque à plomb à une centaine de mètres de pro- fondeur, bien que cette vallée prenne son origine là même. Quant aux grès de la Champ du Roure, de la Garde, des Bal- melles, et très-probablement quant à ceux de l’Ardèche, deSte- Marguerite à Montselgues, que, je le répète, je n’ai pas visités, quant à ceux aussi de la descente des Vans, ils sont absolument identiques avec ceux du Mas de l’Air; et, comme là ils ont été NOTE DE M. JAUBERT» 253 mieux préservés qu’ailleurs par la calotte calcaire qui les re- couvre et qui ne se décompose pas du tout, car ce calcaire n’est ni marneux, ni gélif, ils y ont conservé toute leur puissance; aussi ne pouvais-je mieux choisir, qu’en levantla coupe qui suit de la falaise qui borde le plateau, près de vieilles carrières, aujourd’hui abandonnées et qui étaient exploitées lorsque la vieille route passait au-dessus d’elles. Cette coupe représentera donc, avec le plus d'exactitude possible, l’aspect et la compo- sition de ces grès, et on pourra aussi avoir recours à la des- cription qu’en donne M. Hébert dans le volume XVI du Bulle- tin, page 907. Coupe de la falaise de grès du Mas de l’Air. Fig. 7. S Schistes. G Grès. G Marnes et cargneuies dolomitiques. 254 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. La série à partir des schistes modifiés se compose, en remontant de Couche de grès friable, à gros grains lm,00 Gros banc de grès dur, compacte. . 2 60 Grès plus tendre 0 60 Grès dur, à grain fin 1 30 Couche sableuse 0 20 Grès marneux, en 3 ou 4 petites couches feuilletées. 0 50 Grès dur. 1 00 Grès plus tendre. , — . . 0 50 3 couches compactes, de 0,60, et au-dessus gros banc de lm,00 à peine séparées par de très-minces filets de marne gréseuse. 2 80 Grès moyennement dur, en bancs irréguliers, séparés par des marnes argileuses, irisées, à pâte fine, se divisant en pla- quettes minces, que j’ai explorées avec la plus vive attention, sans y rencontrer la moindre trace de corps organisés 6 00 Grès dur en une douzaine de couches très-régulières , séparées par des lits extrêmement minces de marne fine 10 00 Grès tendre, mélangé d’argile sableuse micacée brune, se décom- posant aisément, qui le mouchète de taches nombreuses assez grandes, et, lorsque la décomposition de ces petits nids marneux est plus avancée, donne au grès un aspect tufacé ou spongieux 3 00 Ces grès sont surmontés d’un ensemble peu épais de marnes gréseuses, bigarrées, et de cargneules dolomitiques caverneu- ses, difficiles à étudier au-dessous des calcaires delà première lentille que l’on rencontre en ce lieu, à travers laquelle M. Hé- bert a pratiqué la coupe qu’il a donnée dans \e Bulletin, tome XVI, p. 906, mais on les voit très-bien à l’extrémité de la seconde lentille, dans les talus de la route qui les a traversées en entier. Cet ensemble, de 3m,50 seulement d’épaisseur, se décompose comme il suit : Couche calcaire dolomitique, gris rosé, fragmentaire 0 60 Marnes gréseuses bariolées. 0 20 Couche calcaire semblable au n° 1 0 50 Marries schisteuses, argileuses , bariolées 0 50 4 à 5 couches d’argile feuilletées, avec plaques calcaires. Couche calcaire tufacée (cargneule) 0 50 Argile gréseuse noirâtre 0 20 Suivent au-dessus des calcaires francs, durs, en assises bien suivies. De même que les grès tufacés du sommet semblent être un passage aux cargneules, de même ce petit système semble in- NOTE DE M. JAUBERT. 2S5 diquer une petite période d’hésitation, amenant insensiblement aux dépôts de calcaire. Calcaires siliceux (magnésiens?) brun de capucin. Cet ensemble de couches, assez uniformes et qu’on ne peut guère diviser, surmonte partout les grès. Ces calcaires terreux, très-durs, siliceux, micacés, sont le plus ordinairement de couleur brun de capucin, ou couleur chocolat, et ne sauraient, comme aspect et cassure dans le plus grand nombre des cas, être mieux comparés qu’à cette der- nière substance. Mais, si on les examine à la loupe, on s’aperçoit que ce sont tout simplement des grès vaseux à particules excessivement ténues. Des paillettes, presque invisibles, de mica et de très- petits grains de quartz se sont mélangées dans une vasecalcaire rouge très-ferrugineuse et ont formé des couches qui se divi- sent aisément en feuillets de quelques centimètres d’épaisseur. Les petits grains de quartz, dans la cassure, forment des ta- chés d’un bleu noirâtre, vitreuses, et qui tranchent peu sur la couleur foncée de la pâte. A Gubières, ai-je dit, cette roche contient des Cardinies, et c’est le seul point où j’ai pu y voir des restes organisés. Entre Treimes et Redoussas, la pâte est très-brune, extrême- ment fine, et les grains de quartz ne s’y laissent pas voir. Un scintillement, que l’on ne voit que lorsqu’on tourne la roche sous certains jours, est dû à une innombrable quantité de par- celles de mica, pas plus grosses qu’une très-légère piqûre d’ai- guille et distinguibles seulement à la loupe. Quelques échantillons montrent des taches blanchâtres, qui paraissent provenir de petits fragments de schistes altérés. Us rappellent alors un peu les brèches que j’ai signalées à la base. Sa puissance y atteint une dizaine de mètres. Il en est à Bergougnon exactement comme à Pomaret. Le plus beau développement de cette série est à Prévenchè- res, au mamelon de la Fare, où il est surtout très-aisé de l’é- tudier sur la pente sud-est. Là, la puissance atteint 25 mètres. Les calcaires se détachent en feuilles minces, et à peu de distance se laissent prendre pour des schistes. La couleur brun chocolat y est des plus prononcées. Quelques plaquettes paraissent comme saupoudrées de cristal brisé; c’est dire, 256 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. tout à la fois, que les grains de quartz y sont abondants, irré- guliers, peu émoussés, et ont une certaine limpidité. Calcaires lumachelles et marnes fossilifères. Les calcaires brun de capucin sont surmontés d’une série, dans laquelle il serait bien difficile d’établir de bonnes sub- divisions, de calcaire gris clair, un peu bleuâtre , à pâte fine et à cassure conchoïdale, avec couches delumachelie et marnes intercalées en lits minces ou qui acquièrent une certaine épaisseur, gris foncé, et qui renferment une énorme quantité de fossiles. Le gisement principal n’est point à la base, mais vers le milieu et dans des couches plus terreuses, à cassure beaucoup moins cristalline, et surtout, quand on le rencontre, dans un calcaire marneux peu clair et donnant un peu sur le jaune. On le voit principalement, sous cette dernière forme, à Bergougnon, mais ailleurs ce calcaire conserve sa pureté et sa cassure nette et vive. Un des termes que bon peut cependant bien distinguer des autres se retrouve partout. Il se compose de cinq ou six cou- ches, d’une sorte de brèche ou plutôt de roche fragmentaire en petits noyaux très-serrés, qui se séparent avec facilité tout seuls, bien que fort difficiles à détacher au marteau, et dont les cassures sont planes et très-vives, comme celles des couches inférieures, ce qui prouve que ce ne sont pas des noyaux adhé- rents, mais une roche tout aussi compacte et uniforme que les autres. Elle n’a guère que deux ou trois mètres d’épaisseur et occupe ordinairement la base des falaises calcaires qui bordent les plateaux, exactement comme le font ailleursles falaises de grès. Cette roche se désagrégeant, ainsi que je l’ai dit, se creuse en dessous des assises supérieures, infiniment plus te- naces, et forme de nombreuses cavités irrégulières qui pénè- trent dans le massif, de un ou deux mètres, séparées entre elles par de petits piliers en troncs de cône. Les calcaires qui suivent ont la pâte un peu plus grossière. Us sont aussi extrêmement durs, gris ou roussâtres, fendillés, en couches bien régulières, sans séparations marneuses, et aussi sans fossiles. Enfin, les calcaires les plus supérieurs prennent un aspect rude et laissent voir de nombreuses articulations d’Entroques, très-répandues aussi dans les lumachelles delà partie moyenne, et des pointes d’oursins. NOTE DE M. JAÜBERT. 257 Quelques-uns des mamelons de la contrée sont couronnés par ces derniers calcaires : tel est celui de la Fare. Ils compo- sent aussi les falaises qui couronnent les plateaux de Bergou- gnon, qui, vus d’en bas, de la route impériale, semblent les terminer. Mais là ils sont recouverts, un peu en arrière, d’au- tres calcaires qui n’appartiennent plus à l’infra-lias. Je ne dois pas oublier de signaler, à la Fare, des boules de silice, arrivée presque à l’état pulvérulent, trouvées dans les débris détachés au pied de l’escarpement calcaire, et qui m’ont laissé recueillir toute une petite colonie de charmantes Astartés qui recouvraient la surface d’une couche de plusieurs centimètres, qui en était entièrement composée. Ces petites coquilles se sont détachées très-nettement de la gangue, ainsi que plusieurs petits Pecten , dont les ornements sont d’une extrême délica- tesse et de la plus belle conservation. C’est aussi dans une de ces boules que j’ai trouvé un superbe Mytilus , qui appartient, sûrement, à une espèce nouvelle. Partout, cet ensemble de calcaires durs a été exploité pour la fabrication de la chaux et continue à l’être. Les fours sont pour la plupart établis au niveau des calcaires fragmentaires, mais il paraît, toutefois, que l’on choisit les calcaires vifs à pâte fine du dessous, et même les supérieurs. A Cubières, on exploite même, à un niveau un peu moins élevé, les lumachelles, qui se montrent là en couches épaisses, au milieu de la série marneuse. Sur le coteau de Pomaret, versant nord, en face de Villes- Basses, un vieux four abandonné avait été établi même dans les calcaires de la base, au-dessus du calcaire siliceux. Entre Pomaret et Bergougnon, on en voit aussi deux aban- donnés, à peu près dans la même position. Il faut bien que les produits fussent mauvais, pour qu’on ait ainsi renoncé depuis longues années à cette industrie. A Bergougnon, un four en activité est établi au-dessus des parties marneuses moyennes et brûle par conséquent les calcaires vifs, inférieurs aux couches fragmentaires. J’ai parlé déjà, plus haut, de l’exploitation de la Fare, et là, comme ailleurs, les fabricants ont abandonné les calcaires su- périeurs, pour se placer un peu plus bas. Gomme tout cet ensemble est assez uniforme, je renvoie aux diverses coupes, et n’ai plus qu’à signaler une circonstance spéciale au gisement de Bergougnon. A un demi-kilomètre environ, à l’ouest du village, en dessus Soc. géoL, 2e série, tome XXVI. 17 258 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. de la route et de la ferme de la Prade, dont j’ai déjà parlé, les calcaires à Ostrea sublamellosa et à Lima valoniensis , cette der- nière accompagnée, là, du Pecten valoniensis assez abondant, tandis qu’il est fort rare ailleurs, excepté à Cubières, où je l’ai aussi trouvé, sont recouverts de couches fort intéressantes, que je n’ai encore aperçues que là. J’ai bien observé leurs analogues à la Grand’Combe, mais ceci est en dehors de mon cadre. Ce sont de vrais récifs de polypiers, bien encore en place, et qui se sont développés en ce point, et non ailleurs, sur l’an- cien rivage. Ils sont agrégés en masses, dans une roche extrê- mement dure, et changés eux-mêmes en grande partie en spath calcaire, qui fait qu'on ne saurait en détacher un seul, parce que tout se réduit en fragments sous le choc du marteau. Il faut donc se contenter du contour toujours fort peu con- servé qui se montre à la surface des rochers. Mais dans la pâte qui a comblé les vides, et qui malheureusement est très-dure, on aperçoit très-fréquemment poindre des spires très-élégan- tes de gastéropodes, quelquefois microscopiques, qui sont ad- mirablement conservées dans les portions dégagées, mais ne veulent point se laisser extraire. Je n’ai pu en reconnaître au- cun, mais ils rappellent singulièrement les charmantes espè- ces de la zone supérieure de ce terrain, c’est-à-dire celle de V Ammonites angulatus. Peut-être parviendrai-je à rencontrer quelque poche, où la gangue, plus maniable, me permettra d’en retirer quelques- uns. Quoi qu’il en soit de la présence de cette zone, je dois dire que rien ne peut m’autoriser à la proclamer encore. Bien plus, ce calcaire à polypiers, qui termine en ce point le dépôt calcaire et n’est pas recouvert, renferme une espèce dont on retrouve les débris nombreux dans les calcaires infé- rieurs à Qstrea sublamellosa , et qui sont encore plus abondants en approchant du village de Bergougnon, dans les assises eal- caréo-marneuses de la partie moyenne,. On le retrouve aussi à Cubières et ailleurs, dans les couches appartenant incontesta- blement à V Ammonites planorbis. Rien donc, je le répète, n’autorise à supposer l'existence de la zone supérieure, mais il est incontestable aussi que plu- sieurs espèces de la première zone, et en assez grand nombre, appartiennent à celle de Va. angulatus. Le temps que j’ai pu donner à ces recherches est beaucoup trop limité pour que je puisse croire que cette conclusion sera NOTE DE M. JAUBERT. m le dernier mot de la question. Il me paraît, au contraire, pres- que impossible qu’un ensemble aussi puissant, et composé comme il l’est, ne renferme qu’un seul terme de cette série, alors que les autres existent non loin de là. Si, malgré toute l’attention que j’y ai apportée, des demi- journées tout entières consacrées à des recherches unique- ment dirigées vers ce but ne m’ont point permis de l’attein- dre, j’espère bien que quelque confrère, qui aura plus de temps et de bonheur que moi, y arrivera quelque jour, et que les calcaires supérieurs, examinés en des points plus favorables, ne resteront pas toujours muets. Telle est, comme j’ai pu jusqu’à ce jour la voir, la compo- sition de l’infra-lias, dans la portion du détroit du Bleymard appartenant au bassin méditerranéen et dans la vallée du Ghassezac. J’ai dit que les fossiles s’y rencontraient en abondance. Ils sont à peu près les mêmes partout, sauf que telle espèce qui couvre le sol dans un gisement est souvent rare, ou manque dans un autre; mais c’est là un détail sans intérêt, et j’ai d’ail- leurs consacré encore si peu de temps aux recberches, que je n’ai dû certainement découvrir qu’une partie, peut-être bien faible, de la faune si intéressante de cette formation. Je compte néanmoins déjà bien près de 150 espèces, et je donne ici la liste de celles que j’ai reconnues, ou que je crois du moins avoir convenablement déterminées. Ammonites planorbis , Hagenovi , Chemnüzia Yesta , Melania ab - breviata , usta , Littorinaarduennensis, Rissoa . .. , Phasianellamoren- ciana... autre, Pleurotomaria Psilonoti, rotellœformis , Hennocquei , Trochus jamoignanus. . ., deux ou trois autres, Trochotoma clypeus , Neritopsis, sp. nov., Turritella Zeukeni , Dunckeri, Deshayesea, Nu- cléus et autres, Pholadomya prima et plusieurs autres, Myacites liasinus , Alduininus , Pleuromya , Anatina , deux ou trois, Lyonsia socialis , Lucina arenacea , ovula , obscura , Corbula Ludoyica , Pul- lastra elongata, Leda, Nucula subovalis . . . , autre, Astar te cingulata , deux autres, Gervilia..., solen. .., Cucullœa hettangiensis, similis, navicula, Cypricardiaindusa? compressa? autre, Cardinia exigua, Eveni , lamellosa , subœquilateralis , quadrangularis , unioides , in- féra ? ovaliSj Deshayesi et autres, en général à l’état de moules, et dès lors d’une détermination fort difficile, et un peu ha- sardée, Pinna trigonata et une autre fort belle, mais dont je n’ai pu avoir encore le test, qui reste toujours adhérent à la roche. Mais j’ai l’intérieur des valves en parfait état et laissant 260 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. voir très-nettement toutes les impressions musculaires. Myti- lus productus , scalprum , Stoppanii , llillanus , Psilonotus , /iasi- nus , rusticus, Dalmasi , woü. spec., très-belle, Lima gigantea jeune, valoniensis , exaltata , compressa , nodulosa , tuberculosa , heüangiensisy dentata, Hausmanni , une autre, Plicatula Baylei , Bettangiensis , Intustriata , Crucis , autre, Carpenteria Heberti , Harpax spinosus , Pecten valoniensis , Thiollierei , Pollux , securis , autre, Ostrœa sublamellosa , autre, peut-être deux, Terebratula Psilonoti , Hemipedina microporum, Michelini , nor. sp., Diadema indéterminable, radioles, Pentacrinus Psilonoti , une vingtaine environ de polypiers; deux dents. Lias inférieur. Je n’ai rien à dire sur cette formation, dont l’existence, dans la couche que j’ai étudiée, n’est encore appuyée d’aucune preuve paléontologique. On sait seulement qu’à Mende des ob- servateurs consciencieux ont dit avoir trouvé la Gryphœa ar- cuata; mais, tout en affirmant le fait, M. Kœchlin ne peut s’em- pêcher de manifester des doutes et laisse croire qu’il a eu affaire à l’oblique. La position de cette série, entre un infra- lias et un lias moyen, que nul ne songera à contester, ne sau- rait toutefois laisser de doutes sur le nom qu’on a à lui donner. Le gisement du Bleymard ayant été décrit en entier, je ne pourrais que me répéter, car aucun des autres ne m’a offert rien de spécial ; aussi je me contente de renvoyer aux coupes et aux détails qui les accompagnent. On y verra que le carac- tère particulier et constant de cet étage est de présenter dans toute son épaisseur une multitude de poches tapissées de cris- taux de chaux carbonatée (ce qui ne lui est pas, il est vrai, pré- cisément spécial, et se continue dans Je lias moyen), et de renfermer quelques substances minérales : la baryte et le plomb sulfuré. Lias moyen . Gomme pour l’étage précédent, je ne puis que renvoyer aux coupes. C’est au Bleymard incontestablement qu’on trouve le plus de fossiles, mais je suis fort surpris de n’avoir pas aperçu là ces grès, qui sont si apparents à Pomaret et à Bergougnon, et n’ai pas remarqué non plus que les calcaires du Bleymard, si on les examine à la loupe, montrent, comme les autres, cette con- NOTE DE M. J AUBERT. 261 texture de grès vaseux, qui fait qu’on ne saurait considérer cette roche comme un véritable calcaire. Je dois me hâter de dire que j’ai fort peu parcouru les ter- rains du Bleymard. Mes courses, entièrement guidées par le hasard dans des régions absolument inconnues pour moi, ne m’ont pas toujours fait tomber sur des points favorables à l’é- tude, etj’ai souvent perdu considérablement detemps à suivre des directions qui ne m’ont rien appris, qu’à ne pas y retour- ner une autre fois, ce qui est bien déjà quelque chose. A me- sure que leur cercle se resserrera dans un meilleur centre d’observations, j’aurai donc à l’avenir plus de temps à donner aux recherches utiles, et, comme les formations calcaires m’ont paru y occuper un espace assez étendu, en les dirigeant dans de nouvelles localités, il ne me paraît guère possible de ne pas y retrouver ces grès, et aussi le représentant au-dessus d’eux, et avant d’atteindre l’oolithe, du lias supérieur, qui, avec la grande extension qu’il atteint dans la vallée du Lot, à peu de distance du Bleymard, ne saurait évidemment y avoir absolu- ment disparu. Je crois bien, par exemple, qu’il ne peut y exister à l’état de marnes noires, car avec semblable composition il ne saurait échapper à la vue, et la frapperait même à très-longue dis- tance; mais il peut fort bien s’y rencontrer sous une autre forme, et je compte bien, au printemps prochain, savoir au juste à quoi m’en tenir là-dessus. Je dis au printemps seule- ment, car la saison des explorations dans ce pays est dès ce moment passée. 11 me resterait à parler des dépôts calcaires qui couvrent le versant nord de la montagne de Malons, depuis le Mas de l’Air jusqu’aux Vans, mais le temps me manque tout à fait; ce tra- vail est déjà d’ailleurs fort long, et les nouveaux terrains dont j’aurais à parler exigent eux-mêmes une étude assez déve- loppée. Le travail est fait depuis plusieurs mois déjà, sous ce titre : Existence de l’oolithe inférieure au Mas de l’Air, près Villefort, avec niveau de fucoïdes ( Chondrites scoparius) dans la partie supérieure ou fullers-earth. Mais, comme je ne pensais en aucune façon, au moment où j’ai rédigé cette note, à entreprendre l’étude actuelle, j’avais dû parler de beaucoup de choses qui se trouvent ici, faire l’histoire du Chondrites , en rappelant les travaux antérieurs 262 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. auxquels il avait donné lieu, afin de réduire à sa juste valeur l’importance stratigraphique de cette algue. Dès l’instant oùj’ai eu pris la résolution d’agrandir le champ de mes études, détermination que la Réunion actuelle, presque dans ces pays, n’a fait qu’affirmer davantage, ma première note avait besoin d’être remaniée, et je ne l’adressai point, comme j’allais le faire, au Secrétariat. J’ai d’autant plus lieu de m’en louer, qu’à peu près à cette même époque, un heureux hasard avait conduit notre collè- gue, M. Dieulafait, à qui la géologie du Midi doit déjà de très- importantes découvertes, à traiter cette même question. Tout ce qui regarde le Chondrites serait absolument inutile, après sa note insérée dans le dernier Bulletin paru. Il a dit ce que je disais moi-même en grande partie, mais moins bien qu’il ne l’a fait, car je n’avais pu généraliser la question aussi bien que lui, attendu que mes observations embrassaient une surface beaucoup plus restreinte. Je me contenterai donc de résumer en quelques mots, sauf à reprendre ce travail, en le réduisant à ce qu’il doit être au- jourd’hui, les conclusions qu’il entraînait. Le gisement du Mas de l’Air est celui que M. Hébert a dé- crit dans le Bulletin , tome XYI, page 905. Trompé par les études antérieures, n’ayant donné sans doute en passant qu’un simple coup d’œil à cette formation calcaire très-restreinte, dont la position est bien faite pour donner le change à tout le monde, et où il n’est d’ailleurs pos- sible d’obtenir quelques fossiles un peu reconnaissables que par des recherches extrêmement minutieuses, que ne peut faire qu’un habitant de la localité, et encore s’il est prévenu comme je l’ai été par un très-heureux hasard, qui m’a cette fois bien servi, la première fois que je suis allé au Mas de l'Air, dans un but tout autre que celui de faire de la géologie, et alors que j’ignorais absolument s’il y avait là des grès infraliasiques ou toute autre chose, en sorte que je me trouvais agir en dehors de toute idée préconçue, notre savant collègue a décrit les calcaires qui recouvrent les grès comme appartenant aussi à Tinfra-lias. Ces calcaires sont de beaucoup plus récents, et représentent l’oolithe inférieure. La présence seule de Bélemnites, très-abondantes, et incon- nues presque dans l’infra-lias , aurait dû peut-être prémunir contre ce classement, mais tous les jours on voit se produire NOTE DE M. JAUBERT. 263 des faits de semblable nature, et l’on rencontre dans un terrain des espèces et des genres qu’on avait crus ne pas exister. Mais la rencontre à la base, presque au contact des grès, de la Terebratula perovalis , grosse variété du type Oleinii de La- marck, qui n’y est même pas très-rare, exactement la même, du reste, que celle qu’on trouve abondamment dans le Var, au niveau de la malière normande, de la Lima heieromorpha , du Cidaris Courtaudina, à la vue duquel M. Gotteau me disait : Vous n’avez pas à conserver de doutes; c’est là une des espè- ces les plus caractéristiques que je connaisse. Un peu plus haut, Y Ammonites Murchisoni. Ces Bélemnites, sillonnées de la base au sommet, qu’on ne peut guère rapporter qu’aux espèces bessinus et Blainvillei; les Pecten personatus et articulatus , de nombreux fragments de grosses Lima pectinifor- mis , des couches pétries d’Entroques sur plusieurs mètres de hauteur, un niveau ferrugineux, et au-dessus, enfin, toute une série d’Ammonites du fullers-earth, parmi lesquelles domi- nent les Parkinsoni et linguiferus, Defrancii , Martinsii , Bron- gnartiy ferrugineus , Oppel, procerus, Schlœnbach, ces deux dernières, déterminées par M. Bayle, et cette détermination contrôlée, séance tenante, sur les beaux exemplaires de l’École des mines. Voilà, je crois, plus qu’il n’en faut pour lever tous les dou- tes et montrer combien cet étage y est complet. Je ne parle là que des espèces les plus remarquables et les plus généralement connues. Mais avec beaucoup de recher- ches j’ai pu retirer de ce gisement plus de 70 espèces du même niveau. Je crois avoir à peine besoin de dire que, depuis que j’habite ce pays, j’ai pu complètement me familiariser avec les formes de l’infra-lias, et rien de ce qui provient du Mas de l’Air ne saurait inspirer même le soupçon que cela puisse être rappro- ché d’aucune espèce infraliasique. C’est précisément au-dessus des couches à Ammonites du fullers-earth , et dans les derniers calcaires qui couronnent l’ensemble et disparaissent contre les schistes, que se trouve en abondance le Chondrïtes sous la même forme exactement qu’il affecte au Bleymard, et dans un calcaire jaunâtre se débitant en plaques, absolument identique. Que ce soit ou non le Sco- parius des environs de Lyon, il lui ressemble assez pour qu’on puisse croire à leur identité, et le niveau où je l’ai rencontré 264 SÉANCE DU 9 NOVEMBRE 1868. serait le même, mais peut-être encore un peu. plus élevé que celui signalé déjà par M. Ébray et autres dans l’Ardèche. Je dois ajouter que la superposition de l’oolithe inférieure, en concordance, sur les grès infraliasiques, n’est point dans ce pays un fait isolé et spécial au Mas de l’Air, et que déjà je l’ai retrouvé se représentant de la même manière, à 4 ou 5 kilomètres de là, dans le premier dépôt calcaire que coupe la route des Vans, le seul que j’aie encore pu explorer sérieu- sement. Les fucoïdes ne s’y voient pas, mais à leur place est un petit dépôt de marnes bleues à Posidonies. Ces marnes, mal- heureusement, bien qu’elles renferment une assez grande quantité d’empreintes, Ammonites et autres, sont si friables et coupées en feuillets tellement minces, que les fossiles très- aplatis qu’elles renferment se réduisent en poussière, aussitôt qu’on cherche à les détacher. Je rédigerai donc probablement une note à ce sujet, car ce fait est doublement important, d’abord parce qu’il détruit une erreur qu’ont reproduite déjà, sur la foi de M. Hébert, des ouvrages récents (voir Stoppani, Dumortier, qui citent comme localités typiques de Tinfra-lias la localité des Balmelles, la Paléontologie française qui figure une Térébratule de l’oolilhe inférieure, comme la gregaria). Ensuite, parce qu’il est le trait d’union qui établit la parfaite continuité des dépôts jurassiques à travers le plateau central. Je suis peut-être entré dans des détails qui pourront paraître oiseux, mais je crois que dans une étude relative à une contrée aussi inconnue encore que celle où je me trouve, il est de beaucoup préférable de dire trop que trop peu. J’ai pris d’ailleurs trop de soin d’indiquer en toute occasion ce que je n’ai pu voir ou faire, que l’on reconnaîtra par la mi- nutie précisément que je n’ai pas craint d’apporter dans mon travail, que je ne le considère moi-même tout au plus que comme une simple ébauche, que je m’efforcerai de compléter autant que je le pourrai, dans le temps qu’il me reste encore à passer ici, moins d’un an sans doute, mais qui, dans aucun cas, ne saurait être inutile à ceux qui y viendront après moi. 265 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. Séance du 16 novembre 1868. PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY, VICE-PRÉSIDENT. M. Louis Laftet, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Boissauveur, ancien officier d'administration de la ma- rine, rue Cherroy, 6, à Paris-Batignolles; présenté par MM. Ch. Sainte-Claire Deville et Fouqué. üugniolle (Maximilien), professeur de minéralogie et de géologie à l'Université, coupure rive gauche, n° 57, h Gand (Belgique). Michel-Lévy, ingénieur des mines, au Val-de-Grâce, à Paris; présenté par MM. Gruner et Delesse. Serre (le comte François-Gaston de), rue Las Cases, 8, à Paris; présenté par MM. Daubrée et Ch. d’Qrbigny. Stoehr (Émile), directeur des mines, villa Schwarzenberg, sulla costa, à Florence (Italie); présenté par MM. J. Capel- lini et G. de Mortillet. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de l'agriculture, du com- merce et des travaux publics, Exposition universelle à Paris en 1867. — Notices sur les collections, cartes et dessins relatifs au service du corps impérial des mines; in-8, 346 p. ; Paris, 1867; chez Paul Dupont. De la part de M. Ch. L. Frossard, Notice géologique sur le pic Péguère ; in-8, 8 p., 1 pl.; Bagnères-de-Bigorre, 1868; chez J. Gaze n ave. 266 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1868. De la part de M. E. Jacquot, Description géologique et miné- ralogique du département de la Moselle ( avec coopération de MM. O. Terquem et Barré) ; in-8, 490 p., 5 pl. ; Paris, 1868... De la part de M. Alph. Milne-Edwards, Note sur Inexistence d’un Pélican de grande taille dans les tourbières d' Angleterre ; in-4, 9 p., 1 pl. ; Paris Delà part de M. V. Raulin, Éléments de géologie [Géologie de la France ); in-12, 282 p.5 1 pl.; Paris, 1868; chez L. Ha- chette et Ce. De la part de M. Achille de Zigno, Descrizione di alcune cica- deacee fossili rinvenute nell’oolite delle Alpi Venete ; in-8, 16 p., 1 pl. ; Venise, 1868; chez Antonelli. M. Eug. Jacquot présente la description géologique de la Moselle (voir la Liste des dons ), qu'il a rédigée, à l'appui de la carte de M. Reverchon, avec le concours de MM. O. Ter- quem et Barré. M. Tabariés de Grandsaignes fait la communication sui- vante : De quelques terrains cristallins , sédiment aires et glaciaires de la Corse; par M. Tabariés de Grandsaignes. Je viens de visiter quelques régions des moins explorées de la Corse, et je présente à la Société les principaux résultats de cette étude. Terrains porphijriques. — J’ai cherché à reconnaître l’étendue du terrain porphyrique qui apparaît depuis les golfes de Ga» leria et de Porto jusqu’au Niolo, et à déterminer l’âge de ces porphyres. Quant à l’étendue, elle est double, à peu près, de celle qu’on lui assigne sur les cartes. Le porphyre occupe, en effet, d’une part, la presque totalité des terrains de la côte occidentale, appelés terrains à combustible par M. Pareto, de l’autre, tout le massif du Monte Cinto, désigné comme grani- tique sur la carte du même géologue. Il paraît y avoir des porphyres de trois ou quatre époques différentes, bien distincts par la direction de leurs filons et leur coloration. 1° Le porphyre rose, le plus ancien, qui forme la base et la NOTE DE M. TABARIÉS. 267 F ij I masse du système porphyrique. Je l’ai rencontré dans le bois d’Asco, dans celui de Carrozica, jusqu’au sommet de la Pie- drella, dans l’intérieur du vallon de Marsolino, sur un coteau voisin de la mer, le long de la Spovata où il devient orbicu- laire sans changer de composition, et contient des orbes de quarante centimètres de diamètre, dans la forêt de Filosorma, au bas de la falaise de Girolata, au-dessus de Curzo, au-dessus de Porto, en face d’Otta, enfin dans le Niolo. Lorsqu’il est en filon, il paraît avoir la direction N. S. coïncidante avec celle du soulèvement de la Corse. 2° Un porphyre blanchâtre, qui paraît être venu recouvrir celui-ci ou former sa partie supérieure; on ne le trouve que dans la vallée de la Sposata. 3° Un porphyre vert, qui coupe les deux précédents en liions presque verticaux, dirigés de l’Ouest à l’Est, c’est-à- dire per- pendiculaire à la direction du système de la Corse. La façon dont il pénètre les deux porphyres précédents confirme dans la pensée que ceux-ci ne sont pas du même âge. En effet, le porphyre vert coupe le rose en filons larges, non ramifiés, d’un vert intense, sans se mêler à la pâte traversée ; il se montre, au contraire, dans le porphyre blanc, en ramifications plus étroites, plus nombreuses, d’un vert plus pâle, et qui colorent plus ou moins, dans leur voisinage, ia roche encaissante. On voit trois exemples remarquables du premier état dans la falaise de Girolata et sur la route de Porto, à quatre kilomètres au nord de ce petit port. On en voit de plus nombreux du second, sur la route de Galeria, à la Bocca di Parma Sottana. 4° Un porphyre gris, qu’on ne trouve que dans le bassin de la Girolata, associé à des schistes anthracifères qu’il a disloqués et renversés. Comme il n’est pas traversé par le porphyre vert, il me semble l - pius récent de tous. Mais quel est l’âge absolu de ces divers porphyres? C’est ce qu’il est difficile de découvrir. Le porphyre rose paraît se lier au granité, qui forme la moitié occidentale de l’île, soit par des passages au granité porphyroïde, comme à Girolata et à Porto, soit par la nature de certaines montagnes, qui présentent tout un versant granitique et l’autre porphyrique, comme la Pie- drella, entre Asco et Calensana et la colline de Marsolino, entre Calensana et Galeria. Le porphyre gris a surgi pendant ou peu après la période primaire. Terrains 'primaires. — Les terrains à combustible de M. Pareto doivent être rangés parmi les terrains primaires. Ils se compo- 268 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1868. sent, dans le bassin de la Girolata: 1° du dépôt anthracifère d’Osani subordonné à des grès et à des schistes argilo-caicaires gris, brisés par l’éruption du porphyre gris dont j’ai parlé plus haut et à un calcaire noir, pyriteux, à veines de spath en con- tact avec l’anthracite. Ce charbon paraît peu abondant et de mauvaise qualité; l’exploitation en est abandonnée. La grande route coupe cette formation sur une étendue d’environ six kilomètres. — 2° D’un dépôt d’anthracite plus abondant et récemment découvert, au sommet d’une pointe de porphyre rose, appelée II Forno, à trois kilomètres O. de Girolata. — ■ Dans le bassin de la Spovata, d’un dépôt de calcaire gris bleuâtre, sans apparence de stratification, traversé par un réseau de veines spathiques et enclavé au milieu du porphyre. Ce dépôt m’a paru d’origine éruptive, d’après sa structure et sa position, et, à raison de sa proximité, je le crois du même âge que celui d’Osani. Terrains secondaires. — J’ai retrouvé, à deux kilomètres S. O. d’Asco, un curieux gisement sédimentaire signalé seulement par Barrai, en 1783. Au milieu du granité, et à vingt kilomètres au moins des terrains sédimentaires les plus voisins, se trouve une formation composée, dans sa partie supérieure, à l’endroit où elle est coupée par le chemin d’Asco à Calensana, de schistes argileux noirs, ayant exactement l’apparence des ar- doises d’Angers, et, plus bas, d’un calcaire gris stratifié, le tout en couches parfaitement horizontales. Je ne puis m’expliquer l’apparence et la situation de ce dépôt, qui descend jusqu’au fond de la vallée, qu’en le considérant comme un dépôt sédi- mentaire lacustre, dont les couches calcaires inférieures pro- viennent de sources chargées de carbonate de chaux, et les couches argileuses supérieures du lavage des terres environ- nantes par les eaux atmosphériques. Il serait difficile et même impossible de l’expliquer par une dénudation ; car, d’une part, il forme le fond de la vallée et non pas le sommet d’une pointe ; de l’autre, il est dominé de tous côtés par des montagnes gra- nitiques, sauf si l’on descend pendant plus de vingt kilomètres le cours extrêmement sinueux du fleuve Asco, qui ne présente, dans ce parcours, aucun vestige de terrain sédimentaire. On peut se représenter la situation du dépôt par la coupe sui- vante ; i NOTE DE M. TABARIÉS. 269 Malgré son aspect, et comme je n’ai pu y trouver de fossiles, je le rattache aux terrains secondaires, dont il est beaucoup plus rapproché que des dépôts plus anciens de la côte occidentale. Formations quaternaires. — J’ai examiné, aux environs de Corte, deux formations tufacées, les seules que je connaisse en Corse et qui n’ont jamais été signalées. L’une, dont j’avais ren- contré des blocs taillés dans les ruines de Saint-Jean (ancienne Corte), se trouve à cinq kilomètres de Corte, sur la grande route de cette ville à Bastia. Elle a l’aspect d’une colline qui se détache d’une chaîne plus élevée, et descend, en forme de V renversé, sur la route et jusqu’au fond de la vallée. La route la coupe sur une étendue de 500 mètres, en présentant la section suivante : Corte. ' : , Bastia. Le tuf jaunâtre A, en général assez dense et résistant, est superposé à la serpentine D et à un calcaire gris secondaire C. Dans sa partie la plus épaisse, on le voit reposer directement sur un calcaire blanc, dur, compacte et schisteux. Dans une grotte formée par éboulement au-dessus de la route, on voit la même superposition; le calcaire compacte est également in- cliné de 20° N. E.-S, O. et le tuf se trouve séparé de lui par une 270 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1868. couche de dix à quinze centimètres de sable calcaire. Quant à l’âge du tuf, il est donné par les empreintes qu’il renferme ; elles se rapportent à des feuilles de Châtaigniers, d’Ormes et d’autres dicotylédones et de Roseaux. Les Châtaigniers et les Roseaux n’existent plus à l’état vivant en cet endroit; il ne s’y trouve que des Figuiers ; autour de leurs racines, les infiltra- tions d’une petite source forment, aux dépens du tuf que nous considérons, un nouveau dépôt bien distinct du premier par sa couleur blanche et sa fragilité. Il résulte de ces faits que le tuf de la colline n’est pas de l’époque contemporaine, mais doit être assimilé aux dépôts quaternaires ; il s’est produit à une époque où le climat de ce canton était plus humide et plus froid qu’aujourd’hui. Un tuf semblable, mais dans lequel je n’ai pas rencontré d’empreintes , existe au village de Piedigriggio , canton d’Omessa. J’ai rencontré sur la côte de Saint-Florent, à l’est de cette ville, un conglomérat marin élevé de plusieurs mètres au- dessus du niveau de la mer, et qui n’est autre qu’un de ces cordons littoraux quaternaires signalés déjà à Ajaccio et à Santa-Manza. Dépôts glaciaires . — - J’ai eu la satisfaction de trouver les traces de deux glaciers anciens dans le massif du Monte Cinto. Lors- qu’en partant de Calasima, dans le canton du Niolo, on s’élève au nord, vers la crête du massif, on arrive à un endroit appelé Valle dello Stagno, et connu pour la beauté des jaspes qu’on peuty récolter. Cette petite vallée est formée par deux rameaux, dont l’un, à gauche, est à pic, et l’autre descend, par une pente beaucoup plus douce, vers l’affluent du Viro, qui coule au pied du premier. Au moment où la vallée , qui montait vers le nord, fait un brusque détour vers l’est, on aperçoit, sur . le versant droit, d’énormes blocs qui barrent tout à coup la vallée. Examinés de près, ces blocs se montrent détachés de la roche porphyrique qui forme le sol et composés d’un jaspe rouge, bréchiforme ; ils sont dans des positions d’équilibre variées et ne paraissent que sur un espace d’une vingtaine de mètres en largeur. Leur masse, leur forme et la configuration des versants s’oppose absolument à ce que l’on puisse supposer qu’ils aient roulé, de l’un ou de l’autre, dans la vallée; enfin, ils sont accompagnés, dans l’espace qu’ils occupent, d’une foule de galets non roulés de jaspes vert, brun et sanguin. Il me paraît impossible de voir dans ces roches autre chose que NOTE DE M» TABARIÉS. 271 des blocs erratiques déposés sur une moraine latéro-lerminale où un glacier venait autrefois déverser ses débris sous l’in- fluence combinée de la pente générale du massif et de la con- figuration de la vallée. Des blocs de même nature et de même aspect, plus nom- breux. mais moins gros, existent dans une vallée située au-dessus du bois de Carrozica (commune d’Asco), sur le versant nord du grand massif du Monte Ginto. Je crois difficile de leur assigner une origine différente, et je pense que, si l’on explorait les trois ou quatre autres vallées qui rayonnent du pic du Cinto, on trouverait des vestiges analogues. Les traces de glaciers anciens dans cette partie de la Corse n’ont rien de surprenant, puisqu’il s’agit ici du massif le plus élevé de l’île entière, qui se trouve contigu à. celui du Monte Paglia-Orba, où Raphaël Pumpelly a signalé des glaciers anciens dès 1859 {Bull, de la Soc. géol. , 2e série, t. XVII). M. de Mortillet demande s’il existe en Corse des cailloux striés et des roches polies et moutonnées. M. Tabariés répond qu’il n’en a pas observé, mais que M. Pumpelly a signalé des traces de stries sur certains ro- chers du pays. M. Morel de Glasville met sous les yeux de la Société une mâchoire de mammifère qu’il a découverte dans les meu- lières supérieures, à Cernay-la-Ville, entre Dampierre et Chevreuse. Séance du 7 décembre 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Dupui (Louis), professeur, au >sset(Var); présenté par MM. Toucas et Hébert. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. Indes (le frère), sous-directeur de l'école chrétienne, à Rome (Italie); présenté par MM. de Yerneuil et Collomb. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Geoffroy d'Ault-Dumesnil : 1° Phénomène de dénudation et de désagrégation. — Recherches sur la provenance des granités gui ont servi à élever les monuments dits celtiques; in-8, 11p.; Vannes, 1866 ; chez L. Galles. 2° Traité des minéraux du Morbihan; in-8, 45 p.; Vannes, 1866; chez L. Galles. Delà part de M. J. R. Bourguignat : 1° Notice prodromique sur quelques Ursidæ d'Algérie; in-8, 7 p.; Paris, 1868; chez Ve Bouchard-Huzard. 2° Notice complémentaire sur diverses espèces de mollusques et de mammifères découvertes dans une caverne près de Vence ; in-8, 12 p.; Paris, 1868; chez Ve Bouchard-Huzard. De la part de M. A. Caillaux : 1 Documents statistiques et géologiques sur les principaux mi- nerais à V Exposition de 1867; in-8, 124 p. , 1 pi. ; Saint- Etienne, chez Ve Théolier aîné et Ce. 2° Les minerais autres que le fer et les combustibles à l’Exposition universelle de 1867 et suite; in-8, 111 p. 265-292 et 427-452. De la paît de M. G. Capellini, Ricordi di un viaggio scien- tifico neW America settentrionale nel 1863 ; in-8, 279 p 1 carte • Bologne, 1867; chez G. Vitali. Delà part de M. Clément-Mullet, Essai sur la minéralogie arabe; in-8, 248 p.; Paris, 1868; imp. Imp. De la part de MM. E. Desor et P. de Loriot, Échinologie hel- ^Ue' . escriPt™n des oursins fossiles de la Suisse; in-4, r wfK1S01!;ita^le I'Ivettextei‘Ivî1868; Wiesbade, chez G. W. Kreidel ; Paris, chez Ch. Beinwald. De la part de M. James Hall : 1° Notes upon the geology Saint-Paul to the western ? ° portions oj Minnesota , from in-4, 12 p.; 1866 bons faits a la société. 273 . 2° Note uP°n the 3enws Palœaster and other fossil Starfishes • in-8, 23 p. 1 pl.; 1866. ' ’ De la part de M. L. Lartet, Mémoire sur une sépulture des an- ciens Troglodytes du Périgord, in-8, 28 p.... De la part de M. F. J. Pictet, Matériaux pour la paléontologie suisse, dO'etll' livraisons. - Monographie des couches de l'étage valangiendes carrières d'Arzier ( canton de Vaud), in-8, 110 p. 9 pl.; Genève et Bâle, novembre 1868; chez H. Georg. -de f ' Ch' Conte''ean ’ La lune r°™e au pays de Montbehard; in-8, 51, p., i pl.; Paris:...., chez J. B. Baillière 6t fils» De la part de M. H. Yinay : 1» Note sur une découverte de coquilles marines fossiles dans un gisement de sables et galets à l’Herm, près le Monastier ( Haute- Loire), in-8, 13 p.; Le Puy, 1868, chez Marchesson. 2° Inauguration du Musée Crozatier , in-8 35 n • Tp Pmr 1868, chez Marchesson. ’ P-’ Uy’ De la part de M. Ant. d’Achiardi, Corallarj fossili del terreno nummulitico delV Alpe Venete , in-4, 31 p.,8 pl.* Milan 1868, chez G. Bernardoni. De la part de M. Alpheus Hyatt, The fossil Cephalopods of the Muséum of Comparative Zoology, in-8, 32 p.... De la part de M. Isaac Lea , Observations on the genus Vnio etc...... in-4, 62 p.; Philadelphie, 1867, chez T. K. Collins! De la part de M. F. A. Pereira da Costa, Descripçao de al- guns dolmins ou antas de Portugal, in-4, 97p., 3 pl.; Lisbonne. De la part de M. J.-B. Perry, Queries on the red sandstone of ermont and ils relations to other rocks, in-8, 16 p.; Boston, 1868, chez Abner A. Kingman. Delà part de M. L. F. de Pourtalès, Contributions to the Fauna of the GulfStream at greatdepths, in-8, 18 p.; Cambridge, 1867. ■ i . . '„i : I . v. -w tt k - :-f ■ ■ ■-' M. Louis Lartet présente une étude sur une sépulture des Troglodytes du Périgord, suivie de la description des crânes humains et des espèces éteintes d'animaux qui s'v trou- 274 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. vaient associées, par MM. Pruner Bey et Édouard Lartet (v. la Liste des dons). En offrant à la Société, au nom de l’auteur, M. de Loriol, la monographie des couches de l’étage valangien des carrières d’Arzier (y. la Liste des dons), M. Gotteau communique les ob- servations suivantes : Les carrières d’Arzier, qui font l’objet de la nouvelle mono- graphie que vient de publier M. de Loriol, sont situées près du village de ce nom, sur le flanc du Jura vaudois. Ces carrières, quej’ai visitées tout récemment, en compagnie de M. de Loriol, présentent un beau développement du terrain néocomien inférieur ou valangien. Les couches inférieures sont formées de calcaires blanchâtres, compactes, exploités comme pierre de taille ; les fossiles y sont très-rares et se bornent à quelques débris indéterminables et à quelques moules de très-grande taille de la Natica Leviathan , Pictet et Campiche. Ces calcaires sont surmontés par des marnes de couleur bleue ou jaunâtre, désignées sous ie nom de marnes d’Arzier, très-riches en fos- siles, et dont la puissance, suivant la coupe relevée par M. de Loriol, est de 4 mètres au maximum. Au-dessus de ces mar- nes, sur une épaisseur de trois à quatre mètres, se montrent des calcaires très-durs, fissiles, de couleur jaunâtre, correspon- dant à la limonite valangienne. Les fossiles, le plus souvent em- pâtés dans cette roche très-dure, sont assez abondants, moins cependant que dans les marnes. M. de Loriol, avec le soin et l’exactitude qui lui sont habi- tuels, a décrit et figuré 112 espèces recueillies dans cet en- semble de couches. Sur ce nombre, 18 espèces appartiennent aux mollusques gastéropodes, 36 espèces aux mollusques acé- phales, 7 espèces aux mollusques brachiopodes, 13 espèces aux bryozoaires, 14 espèces aux échinodermes, 6 espèces aux polypiers et 18 espèces aux spongitaires. Les céphalopodes sont extrêmement rares; aucune espèce déterminable n’a été rencontrée par M. de Loriol, qui signale seulement une loge de Nautile. La nature de cette faune fait penser à M. de Loriol que ces dépôts se sont formés dans une mer profonde et ce- pendant peu éloignée du rivage. Sur les 112 espèces décrites par l’auteur, 36 sont nouvelles; 76 avaient déjà été recueillies dans d’autres localités de la Suisse et de la France, soit dans les couches valangiennes, soit dans le néocomien moyen, soit même, pour quelques-unes NOTE DE M. COTTE AU. 275 d’entre elles, dans le néocomien supérieur ou urgonien. Nous retrouvons dans le néocomien moyen d’Auxerre et de Gy-l’É- vêque (Yonne) 31 des espèces que décrit M. de Loriol. Nous citerons parmi les plus connues le Cardium sub-hillanum , Leymerie, VAstarte elongata , d’Orbigny, 1 ’Opis neocomiensis , d’Ürbigny, le Lithodomus oblongus , le Pecten Archiacianus , d’Orbigny, le Janira atava (Rœncer) d’Orbigny, les Ostrea Bous- singaulti et Couloni , d’Orbigny, la Terebratula pseudo-jurensis, Leymerie, les Pseudodiadema Bourgueti , Desor et Autissiodorense, Cotteau, 1 e Stylosmilia neocomensis, de Fromentel, et YHolocœnia collinaria (d’Orbigny) de Fromentel. Indépendamment de ces espèces, qui sont les plus répandues, nous citerons encore des types beaucoup plus rares, Tylostoma naücoide , Pictet et Cam- piche, Colombellina neocomiensis, d’Orbigny, Pecten icaunensis , Cotteau, Pseudodiadema Guirandi , Cotteau. Associées à ces espèces, il s’en rencontre d’autres essentiel- lement propres aux couches néocomiennes inférieures ou va- langiennes ; il suffit d’indiquer la Natica Sautieri , Pictet et Cam- piche, la Pholadomya valangiensis, Pictet et Campicbe, la Venus helvetica , Pictet et Campiche, le Phyllobrissus Duboisi , Desor, V Acrosalenia patella (Agassiz) Desor, V Acrocidaris minor, Agas- siz, Y Hemicidaris saleniformis , Desor, le Cidaris pretiosa, Desor De cette association, il faut conclure, avec M. de Loriol, que les couches valangiennes dont on a fait, pendant longtemps, en Suisse, un étage distinct, indépendant, un groupe particulier, se rattachent par leur faune, delà manière la plus intime, aux couches du néocomien moyen, et se relient même directement aux couches urgoniennes. M. de Loriol va plus loin encore ; ces faits, suivant lui, peuvent tendre à faire envisager l’étage valangien, non comme une formation distincte, mais simplement commeunfaciès local du terrain néocomien, lequel se serait déposé dans des parages qui présentaient quelques conditions particulières, en même temps que se déposaient, dans la Haute-Saône, l’Yonne, etc., les couches du néocomien moyen ou néocomien proprement dit. L’association d’espèces reconnues par M. de Loriol ne nous paraît pas conduire nécessairement à de pareilles conclusions. Cette association établit qu’un certain nombre d’espèces, après avoir vécu dans les couches inférieures du terrain néocomien, se sont multipliées de nouveau dans les couches moyennes, et que quelques-unes de ces espèces ont persisté jusque dans le 276 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. terrain néocomien supérieur; elle prouve le lien qui unit les différentes parties de ce grand étage; elle ne démontre pas leur synchronisme. La monographie des couches de l’étage valangien des car- rières d’Arzier fait partie des Matériaux pour la paléontologie suisse , publiés par M. Pictet, et termine la quatrième série de cet important ouvrage. M. Gotteau offre, au nom de MM. Desor et de Loriol, Y Èchinologie helvétique (v. la Liste des dons). Il expose que le nombre des échinides connus en Suisse a plus que triplé depuis l'ouvrage d'Agassiz, et que le nouveau travail envoyé à la Société géologique comble une véritable lacune dans la science ; car beaucoup d'espèces avaient été nommées par M. Desor, sans qu'aucune description en fût publiée. La classification adoptée par les auteurs de Y Èchinologie est celle de la Paléontologie française , également suivie par M. Wright, et dans laquelle le principe d'antériorité préside à la nomenclature des espèces. La première livraison, limi- tée au genre Cidaris. comprend la description d'une ving- taine d’oursins jvursVsiques. M. Deshayes exprime le regret qu’on ait cru devoir re- monter, pour la nomenclature, à une époque antérieure à Linné qui, par l'invention de la classification binaire, a créé, en quelque sorte, l'état civil en histoire naturelle. Après quelques observations échangées, sur le même sujet, entre MM. Cotteau, Deshayes et Levallois, M. A.Cail- laux présente ses travaux statistiques sur les minéraux utiles à l'Exposition universelle de 1867 (v. la Liste des dons). Le Secrétaire communique le mémoire suivant de M. Ley- merie : 11 r U>s vert ) ai'orjeXlç ^ooojlunrteurs doublées) Afo/i/ayru’, de Lastuin -z o 3 8 il/ /. ri.jj ' / 'of/p ^*77 . lmp BzcapuJ!£rPaTis . oublé^ès vert pyrénéen dans la ( }';:aju .Ve^-üi A.tzi/, Sucl Bjehez/d Æ. ia/l 276 SÉANCE DD 7 DÉCEMBRE 1868. terrain néocomien supérieur; elle prouve le lien qui unit les différentes parties de ce grand étage ; elle ne démontre pas leur synchronisme. La monographie des couches de l'étage valangien des car- rières d’Arzier fait partie des Matériaux pour la paléontologie suisse, publiés par M. Pictet, et termine la quatrième série de cet important ouvrage. M. Cotteau offre, au nom de MM. Desor et de Loriol, YÉchinologie helvétique (v. la Liste des dons). Il expose que le nombre des échinides connus en Suisse a plus que triplé depuis l’ouvrage d’Agassiz, et que lenouveau travail envoyé à la Société géologique comble une véritable lacune dans la science ; car beaucoup d’espèces avaient été nommées par M. Desor, sans qu’aucune description en fit publiée. La classification adoptée par les auteurs de YÉchinologie est celle de la Paléontologie française , également suivie par M. Wright, et dans laquelle le principe d’antériorité préside ù. la nomenclature des espèces. La première livraison, limi- tée au genre Cldaris. comprend la description d’une ving- taine d’oursins jurassiques. M. Deshayes exprime le regret qu’on ait cru devoir re- monter, pour la nomenclature, à une époque antérieure à Linné qui, par l’invention de la classification binaire, a créé, en quelque sorte, l’état civil en histoire naturelle. Après quelques observations échangées, sur le même sujet, entre MM. Cotteau, Desbayes et Levallois, M. A.Cail- laux présente ses travaux statistiques sur les minéraux utiles à l’Exposition universelle do 1867 (v. la Liste des dons). Le Secrétaire communique le mémoire suivant de M. Ley- merie : Bu/l de fa Sor . Ceo/ de Bfrance Mémoire de M.LEYMERIE sur la division inférieure du terrain crétacé pyrénéen. ( Grès vert) Parba'éan Frontùjnan CaLié C ontrée de Siradan Bris ée entre Roquefort de S nuit an . ( E ch elle 8~ 0,000 ; hauteurs doublées) Ko que/ de de Sauf/ Sf' Fer riol/ S* Martin Sorti . d 'JSte/ica/ Qui/lan. es vert pyrénéen entre S1 Gaudens et Giro E cEelLe 8 o , o o o ; Eauteurs doublé' ■ès vert pyrénéen dans la Contrée de Bize-nistos (Echelle 8 oTboo; hauteurs doublées) Mrramont SfPaol yrM///////7/ Ze Séné . T. XXI 7 , Pt //, / *age : syj . Fig-1 — Profil géognostique de la Vallée de Garonne . ( Cote droit ) entre Ore et Baser! et du Chaînon de Gourddn (Echelle 4.6,000 ;Eauteurs doublé es) Montagne, de Li/srn/t 10S8 .Bull, le la iloc. Gecl. de "Fr, ■i"b Mémoire le lv£..Leymerie ]3 radiiopod.es du grès vert pyrénéen . 2 S . O e Çie T.XM7IMl.m,?ape277. 9 JrrLfj.JjUCfiu*- c^J-’ctris , a, "b, c.Tere bratuLa lo il$5 e lia, Xeym. ici. . . . plus 'jeune . a, b ,Terel)iatella crassicostaXevm.. 4 id id 5. a, b, c,ïvlvync}iouella aluricaiLeym. 6. a, b id. . - . Tegulans,ieym. j. a, "b, . . :id. 8.a,d, c, id. 9 1(1' lo. a,b, c,ÎQiynclioiiellalEudesi, Co^^d ( Sén.onien.j contorta, d'Orb. par vola., Xejm plus jeune. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 277 Mémoire pour servir à la connaissance de la division inférieure du terrain crétacé pyrénéen ; par M. A. Leymerie. (PI. II et III.) PRÉAMBULEg — ÉTAT DE LA QUESTION. Depuis 1845 je m’occupe de l'étude des Pyrénées. J’ai touché à tous les terrains et je crois avoir fait faire quelques progrès vers la connaissance géognostique de cette chaîne, et notam- ment en ce qui touche à la craie (terrain crétacé supérieur) (î) et aux relations, jusque-là si obscures, qui existent entre ce terrain et la formation nummulitique. Une difficulté persistait encore, il y a quelques années, sur cette dernière question; j’ai été assez heureux pour la résoudre par la création de V étage " garumnien , qui a pris et qui prend chaque jour, malgré les obstacles qui lui sont opposés, dans la géologie du Midi de la France, une importance à laquelle, dans l’origine, j’étais assez loin de m’attendre. Maintenant je considère la question de la craie comme étant résolue, au moins à l’égard de la moitié orientale de la chaîne; mais il n’en est pas ainsi pour le terrain crétacé inférieur, et, bien que je me sois occupé de ce terrain avec une certaine persistance, je n’étais arrivé, jusqu’à ces derniers temps, à au- cun résultat qui pût me satisfaire ; mais, tout récemment, me trouvant dans la nécessité de tracer définitivement, sur la carte géologique de la Haute-Garonne, une limite restée jusqu’à ce jour indécise entre cette grande formation et le terrain juras- sique, j’ai fait de nouveaux efforts qui m’ont enfin conduit à une solution dont je me propose de faire connaître les éléments dans le présent mémoire. J’aurais voulu retarder cette publication jusqu’au moment où elle aurait pu être plus mûrie et plus complète, notamment en ce qui concerne les fossiles; mais les circonstances m’obli- gent à la faire dès à présent, et je prie les lecteurs de n’y voir w J’emploie ici exclusivement le nom de craie . ainsi que je l’ai toujours fait jusqu’à ce jour, pour désigner le terrain crétacé supérieur ou la craie proprement dite. Je pense qu’il y a quelque inconvénient à l’appliquer au terrain crétacé considéré dans son ensemble, ainsi que le font plusieurs auteurs. 278 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. qu'un essai, et comme le prodrome d’une description que j’aurai peut-être la satisfaction de faire plus tard. L’unique but que je me propose ici, pour le moment, est de produire les faits les plus indispensables pour appuyer la manière de voir à laquelle j’ai fini par me fixer, après maintes variations et os- cillations qui peuvent être attribuées, sans doute, à mon peu de sagacité, mais qui tiennent aussi, j’ôse le dire, à la difficulté du sujet. Je ne chercherai pas à m’excuser pour ces oscillations, qui prouvent au moins ma sincérité et mon ardent désir d’arriver à la vérité. Les mouvements de va-et-vient ne sont-ils pas d’ailleurs le caractère d’un équilibre stable ! Je n’ai jamais eu la prétention de voir les grands faits géologiques du premier coup, et c’est toujours par des essais successifs, et avec une lenteur qui est une condition de maturité, que j’ai eu le bon- heur de produire, dans ma longue carrière, des résultats peu nombreux, sans doute, mais qui sont entrés dans la science, où ils ont fini par s’établir, malgré le peu de soins que j’ai mis à les faire valoir (1). Il ne sera pas inutile de dire un mot de ces fluctuations et des péripéties qui ont caractérisé les diverses phases par les- quelles j’ai dû passer pour arriver à la solution que cet essai doit faire connaître, ne fût-ce que pour donner un aperçu de la difficulté qui s’attache à la question dont il s’agit. L’idée que le calcaire à Dicérates de Dufrénoy représente le calcaire à Chama d’Orgon, et que les couches à Exogyra sinuata doivent se trouver par-dessus, lorsqu’elles existent, est la pre- mière qui doit se présenter à tout élève qui vient de lire un manuel où se trouvent décrits les terrains classiques de la Pro- vence, et c’est ainsi, je l’avoue, que j’étais disposé à voir les choses en entrant dans les Pyrénées; mais lorsque, après de nombreuses excursions, je me fus un peu familiarisé avec le faciès de ces montagnes, je m’aperçus que la composition de l’étage dont le calcaire à Dicérates fait partie était loin d’être aussi simple que je l’avais d’abord supposé. Une des principales difficultés consistait dans la liaison du calcaire dont il s’agit et des assises arénacées qui lui sont as- sociées avec une série de calcaires gris ou noirs, dénués de (t) C’est ainsi que je suis arrivé au garumnün par Yépicrétacé, qui doit disparaître aujourd’hui, mais qui avait sa raison d’être à l’époque où je l’ai proposé. MEMOIRE DE M. LEYMERIE. 279 fossiles caractéristiques, qui, dans la Haute-Garonne particu- lièrement, se développe largement au sud du lias fossilifère, série que la tradition me faisait au moins une convenance de regarder comme étant de l’âge des calcaires du Jura. Un moment j’ai cru que tout était jurassique. C’était une er- reur sans doute, mais peut-être la trouvera-t-on excusable quand on connaîtra une partie des apparences fallacieuses que la nature semblait avoir rassemblées dans ce terrain, comme pour mettre à l’épreuve la patience et la sagacité du géologue. Je vais indiquer ici quelques-unes de ces apparences si pro- pres à induire en erreur. Nous verrons bientôt que le terrain dont il est question se termine, dans la Haute-Garonne, par une assise où le calcaire en bancs homogènes et continus est tout à fait subordonné, et qui est essentiellement composée de conglomérats calcaires, de- grés argileux de couleur sombre, et de schistes terreux. Ces conglomérais se présentent en face de Saint-Gaudens, au bord droit de la Garonne, sous la forme de bancs très-inclinés au nord. Ces bancs m’ont offert des Bélemnites et d’autres fos- siles appartenant à la formation jurassique. Je m’explique maintenant ce fait par la considération, que ces fossiles se trouvaient dans des fragments qui ont pu provenir de calcaires réellement de cette époque, placés plus haut dans les mon- tagnes. C’est encore de cette manière que je me rends compte de la présence, dans un calcaire de Rieucazé, d’un fragment de Ci- daris qui portait des caractères assez significatifs pour que M. Cotteau ait été autorisé à le rapporter sans hésitation au C. nobilis. Je l’avais recueilli dans un gros bloc, et j’ai re- connu depuis que ce bloc n’était là qu’en seconde main, à titre d’élément d’un conglomérat crétacé, dépendant de la forma- tion qui nous occupe. Enfin, le calcaire de Miramont. et de Yalentine, où l’on trouve de rares indices de Dicérates, et qui constitue, en avant des conglomérats dont il vient d’être question, une assise d’une faible épaisseur, contient, comme fossile assez habituel, un grand Peigne à côtes simples qui ressemble, à s’y méprendre, au Pecten œquivalvis. D’un autre côté, certaines couches des environs de Bize- Nistos (Hautes-Pyrénées), que nous verrons bientôt faire partie d’un ensemble où le calcaire à Dicérates joue le rôle caracté- ristique, sont remplies de Nérinées, qui ont tout à fait le faciès 280 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. jurassique et qui viennent d’être rapportées, par M. Hébert, à des espèces du coral-rag, et, dans le marbre de Lourdes, qui est pétri de tests de Caprotines et d’autres fossiles, j’avais vu aussi des Nérinées analogues (1). Je pourrais citer un assez grand nombre d’autres signes trompeurs, comme la présence, dans le calcaire à Dicérates d’Aubert, près de Saint-Girons, d’une Térébratule {T. Dutempliana, d’Orb.) de la taille et de la forme de T. perovalis. Enfin, j’avais découvert à Galié, au sein des montagnes, presque au contact des dolomies jurassi- ques, avec des calcaires réputés de cet âge jusqu’alors, une assise à Caprotines bien caractérisées, à 9 ou 10 kilom. au sud de la zone extérieure où l’on croyait devoir reléguer le terrain crétacé. Remarquez qu’à cette époque tout le monde était d’accord pour attribuer à la formation jurassique toute la longue série de calcaires que nous allons ci-après parcourir dans la vallée de la Garonne, et qui s’étend entre le pic de Gar et Gourdan ; le calcaire à Dicérates de Gourdan, même, était teinté en bleu sur la Carte géologique de la France. Étant obligé, en 1866, de prendre un parti, et n’osant pas rompre brusquement avec la tradition qui voulait que la masse de nos calcaires secondaires fût jurassique, j’étais revenu, en désespoir de cause, à mes premières idées, et je m’étais dé- cidé, sans conviction, puisqu’il fallait une limite, à la tracer derrière l'assise qui avait fourni des fossiles crétacés, et qui comprenait le calcaire à Dicérates et les conglomérats, grès et schistes de Miramont, rapportant d’ailleurs cet étage ainsi li- mité au type cénomanien, par des raisons que j’exposerai plus loin. Je laissais de côté le calcaire à Caprotines de Galié, et je fermais les yeux sur d’autres difficultés qui n’existaient pas dans la Haute-Garonne à un aussi haut degré que dans les dé- fi) Je crois devoir indiquer ici le gîte d’une de ces Nérinées. Ce gîte était, en 1855, à Mont-de-Marsan, sur une des tables du principal café. J’en ai pris sur place un croquis. D’autres individus ont été observés par différents géologues au sein du même calcaire, notamment par M. Ém. Frossard. Au reste, les caractères de ces Nérinées ne doivent plus nous embarrasser, maintenant que nous voyons par les belles planches des fossiles de Sainte- Croix, publiées par M. Pictet, des espèces crétacées qui ressemblent d’une manière très-marquée aux espèces coralliennes, et qui ont avec les nôtres une grande analogie. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 281 parlements voisins. Mais ce n’était qu’un expédient qui me permettait de sortir d’embarras, pour l’instant, et que je dési- rais vivement remplacer par un moyen plus rationnel. Dans cette conjecture, j’ai pris le parti d’aller encore sur le terrain pour y faire de nouvelles observations avec une attention particulière et l’esprit dégagé de toute préoccupation de tra- dition ou de déférence. Je suis revenu de ce voyage avec des idées radicales complète- ment inverses de celles que j’ai indiquées précédemment. J’avais considéré comme jurassique toute la série qui s’étend au nord du lias, y compris le calcaire à Dicérates; maintenant je crois que cette série est tout entière crétacée . Ainsi j’en suis arrivé à n’attribuer à la formation jurassique que ce qui m’est démontré tel par les fossiles et par la position, comme le lias et les dolomies qui lui sont superposées, et à rattacher à la formation crétacée une série beaucoup plus puissante, exclusivement calcaire, dépourvue, dans la Haute- Garonne, de fossiles caractéristiques, qui s’étend au nord jus- qu’au pied des montagnes, où elle se termine par le calcaire à Dicérates et par les schistes et conglomérats et calcaires ci- dessus signalés. Tout cet ensemble représenterait, dans mon opinion actuelle, cette division inférieure que les Anglais ont nommée green-sand , et que nous appelions, en France, grès vert avant l’introduction du type néocomien. Tel est le système que je vais chercher à soutenir dans ce mémoire. Je le ferai par quelques coupes choisies, dont cha- cune apportera sa preuve, et par une revue rapide des terrains secondaires supérieurs des Pyrénées, destinée à élargir la base et à fortifier les fondements de l’édifice que je me propose de construire. Je m’occuperai d’abord des Pyrénées de la Haute- Garonne, qui se trouvent au centre de cette chaîne et que j’ai plus particulièrement étudiées. GRÈS VERT DANS LES PYRÉNÉES DE LA HAUTE-GARONNE. Je commencerai par une coupe détaillée du terrain dont il s’agit, tel qu’il se présente dans la vallée même de la Garonne : Coupe de la vallée de la Garonne. Cette coupe (PI. II, fig. 1) représente géologiquement le côté droit de la vallée, entre Galié, où commence le système SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1803, dont il s’agit, après le terrain jurassique d’Ore et de Saint-Pé, jusqu’à Montrejeau où les schistes terreux crétacés s h s’enfon- cent sous un plateau diluvien a 2 très-caillouteux, qui se trouve au niveau géologique de Saint-Gaudens. Cette coupe, ou plutôt ce profil, qui embrasse une succession de terrains d’environ 12 kilomètres, où les étages et assises ne sont guère indiqués que par leurs affleurements, montre le versant droit delà vâdée jusqu’à Bazert, près Labroquère, complété par le chaînon de Gourdan que je suppose vu de la plaine de Yalentine. Nous allons la décrire brièvement en commençant par ce dernier appendice qui a ici une grande importance. Le chaînon que je désigne par le nom du village de Gour- dan, situé à son pied, peut être regardé comme un hors- d’œuvre pyrénéen, qui barre à l’ouest le beau bassin de Yalen- tine. Il est formé par trois protubérances. La première (la Pelade) , la plus rapprochée des montagnes, semble s’y rat- tacher par ses caractères physiques. Sa forme est arrondie et elle est entièrement couverte de bois, analogie qui va se trou- ver confirmée et complétée par l’identité des roches. Les autres parties du chaînon consistent en deux pics ro- cheux, arides, qui, vus du bassin de Yalentine, offrent à l’œil l’image de deux pyramides égyptiennes, qui se toucheraient en confluant assez légèrement à leurs hases. Ces pics pyramidaux sont composés de calcaires à Dicérates et en constituent même un des types les plus connus. Le calcaire de Gourdan, représenté dans la coupe par la lettre d, est sub-compacte, à pâte assez fine; sa couleur est tan- tôt le gris clair tirant au blanchâtre, et tantôt le gris bleuâtre. Il est fétide sous le marteau. Les bancs qui se trouvent du côté oriental, où ils sont exploités comme pierre à chaux et comme pierre d’appareil, offrent habituellement, à la cassure, de nombreuses lignes noires courbes de diverses formes que l’on considère comme des tests de Gaprotines (G. Lonsdalei ), et les surfaces exposées depuis longtemps à l’air laissent apercevoir les indices d’autres fossiles, parmi lesquels on reconnaît des radioles de Cidaris ( C . pyrenaica). Il y a aussi des bancs à Annulites , nom que j’emploie pour indiquer la présence d’an- neaux blancs, très-réguliers, qui ne sont autre chose que des sections d’une assez grosse Serpule ou Dentale; mais cet acci- dent est assez rare. Ces pics sont hérissés d’aspérités, offrent partout des traces de dislocation, et la stratification y est assez difficile à dé- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 283 brouiller; cependant, après une étude attentive, on ne peut pas douter que les bancs n’y soient presque verticaux, avec une tendance à pencher au S. O. qui est assez souvent réalisée, et que la direction au N. N. O. est conforme à celle de la petite chaîne elle-même. On peut attribuer 800 mètres de puissance à ce petit sys- tème; mais il n’est pas entièrement composé de couches à Gaprotines. En effet, si on le traverse perpendiculairement à la direction, c’est-à-dire de l’orient à l’occident, on voit ces rudistes, qui étaient très-nombreux sur le versant oriental, disparaître au delà de la ligne culminante, et l’on ne rencontre plus alors, jusqu’à la Garonne, que des calcaires gris, fétides, où les fossiles sont rares s’ils existent. La manière dont se termine le chaînon de Gourdan au nord, et ses relations avec les schistes terreux crétacés de Montre- jeau, à l’extrémité de notre coupe, méritent que nous nous y arrêtions un instant. Sur la rive droite de la Garonne, vers le point où elle reçoit la Neste, au-dessous d’une petite crête qui porte une ruine, le massif du calcaire à Dicérates est brusquement coupé au bord même du fleuve, de manière à offrir une surface abrupte, ro- cheuse, ruinée, où tout indique la trace d’une violente rupture; mais, de l’autre côté du fleuve, en face de cette surface hé- rissée, les choses se passent tout différemment, et contrastent par leur allure régulière et tranquille avec le désordre et la violence accusée sur la rive opposée. En effet, que voit-on de ce côté? La ville deMontrejeau assise au bord d’un plateau dilu- vien a2, au niveau de celui de Saint-Gaudens, sous lequel plongent des schistes terreux s à, inclinés au nord d’une ma- nière très-régulière, et dont la direction O. S. O. est presque perpendiculaire à celle du calcaire à Dicérates de Gourdan. L’étroit passage qui sépare ces deux ordres de choses si différents, par lequel la Garonne entre actuellement dans le bassin de Yalentine, correspond évidemment à une rupture ou à une faille, et la discordance manifeste qui existe entre le cal- caire à Dicérates et les schistes terreux semblerait autoriser à placer là une ligne de séparation entre deux étages crétacés très-distincts. Nous ne pensons pas toutefois devoir adopter cette manière de voir d’une manière générale, parce que nous trouverons ailleurs ces schistes alternant avec le calcaire à Gaprotines. Nous avons même à cet égard, dans le chaînon de Gourdan, un fait curieux à signaler et qui est resté pour nous SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868, inexplicable jusqu'à présent. Il consiste dans la présence, au hameau de Beaucoulan, dans la petite gorge qui sépare les deux grandes pyramides, d’une petite assise x de schistes iden- tiques avec ceux de Montrejeau, et qui, là, chose fort singu- lière, sont dirigés comme eux, c’est-à-dire dans un sens trans- versal relativement à celui du calcaire à Dicérates, avec un plongement rapide vers le sud, que nous allons ci-après re- connaître dans les calcaires noirs de la Pelade. Nous avons déjà dit que ce dernier nom était celui d’une montagne boisée, arrondie, à laquelle le système des deux pyramides de Gourdan vient se souder, et dont les caractères indiquent cependant un tout autre ordre de choses. En effet, les calcaires c, qui composent cette partie du chaînon, au moins son lobe principal, sont tout différents de ceux que nous venons d’étudier. Ils ont une couleur très-noire, ne mon- trent jamais de tests de Gaprotines et alternent avec des dalles irrégulières ou lavasses de même couleur. Voilà pour leur composition ; quant à leur stratification, elle s’accorde pour la direction avec les schistes de Montrejeau, dont elle s'écarte pour le sens de l’inclinaison qui a lieu ici vers le sud. C’est assez dire que ces calcaires et lavasses sont en complète dis- cordance avec le calcaire à Dicérates qui, cependant, semble se confondre avec eux dans le même massif. Les deux pyrami- des de Gourdan forment donc un petit système à part, ayant une allure toute spéciale entre deux terrains qui ont la direc- tion normale du pays. On dirait qu’après avoir été soulevé, ce système est retombé ensuite après avoir fait un demi-tour dans le plan horizontal. C’est cette discordance bien marquée entre le petit massif et les calcaires noirs, que nous allons voir se prolonger dans la montagne suivante, qui m’avait déterminé, à une époque récente, que j’ai ci-dessus indiquée, à faire passer derrière le calcaire à Dicérates la limite du terrain crétacé. Si l’on passe du chaînon de Gourdan à la montagne de Burs, qui en est séparée par un étroit défilé, où coulait autrefois la Garonne et où passe maintenant la route impériale de Toulouse à Luchon, on retrouve les calcaires noirs c et leurs lavasses, avec la direction et l’inclinaison méridionale qu’ils avaient à la Pelade. Ils forment là une assise qui règne dans la plus grande partie de la montagne, et constituent un type impor- tant et distinct dans l’ensemble assez uniforme que comprend notre profil. Ces calcaires et lavasses ont une puissance assez considé- MEMOIRE DE M. LEYMERIE. rable et que je ne crois pas inférieure à celle de l’assise à Dicérates de Gourdan. Je désigne ces calcaires par le nom du village de Cier, situé derrière la montagne de Burs, au bord du bassin de Valen- tine, parce qu’ils sont là très-caractérisés. 11 y a, en effet, dans la contrée de Cier, des dalles bien réglées, et le calcaire est assez noir et assez compacte en certaines places pour qu’on ait cherché à l’exploiter comme marbre imitant le noir de Belgique. Ce marbre a une cassure unie. Il est accompagné de calcaires également noirs, mais plus gros- siers, qui sont veinés et mouchetés de spath blanc. Je n’ai jamais vu de fossiles dans cette assise, si ce n’est de très-rares Annulites. La montagne de Burs fait partie de l’enceinte du grand bassin auquel nous donnons le nom du village deLoures, situé vers sa partie centrale. Si nous continuons à suivre cette enceinte, du côté oriental, nous verrons succéder au calcaire noir de Cier, et en concordance parfaite avec lui, d’autres calcaires de couleur claire, cassants et compactes au point de mériter la qualification de lithographiques. Plus au sud, les calcaires disparaissent sous un flanquement e de cailloux et de blocs transportés, qui monte très-haut sur le flanc de la montagne, jusqu’au hameau de Burs, qui trouve sa raison d’être à une si grande hauteur au-dessus des bois, dans les champs cultivables que le terrain de transport a déterminés (1). La montagne que nous venons d’explorer est séparée, par une dépression, d’un petit système ‘composé de trois protubé- rances, sur lequel nous allons donner quelques indications. La première de ces petites montagnes est arrondie. Elle est formée par un calcaire d’un gris clair, en partie bréchoïde, irrégulièrement veinulé de blanc, et dont la stratification est très-obscure par suite des dislocations qu’il a éprouvées. — Ce calcaire, dont la puissance est d’environ 400 mètres , paraît sous la forme de rochers saillants au milieu des bois. Après cette première montagne, la coupe montre deux pointes coniques qui offrent ,uné composition et une allure très-différentes de celles de la montagne précédente, et qui en (1) Cet amas, sur lequel on remarque des blocs de granité d’un volume assez considérable, se trouve là, en face de la vallée en amont de Loures, et exactement dans sa direction. Il s’élève à plus de 130 mètres au-dessus du fond de la plaine. 286 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. * ' sont d’ailleurs séparées par une étroite gorge qui résulte évi- demment d’une faille. C’est le système de Barbazan, village situé à une assez grande hauteur, dans une position pittoresque, sur la ceinture que nous suivons. Ce petit groupe est principa- lement composé d’un calcaire (b de notre coupe) qui a, comme celui de Burs ou de Cier, une couleur noire prononcée, mais qui s’en distingue par une plus grande compacité, par une cassure ridée ou palmée, et par la propriété qu’il a de prendre à sa surface, par l’action de l’air, une légère teinte cendrée, inégalement répartie. Fréquemment, il est accidenté par des veinules blanches, quelquefois jaunes, qui le font ressembler un peu au marbre de Portor. On y voit, sur les surfaces concaves usées par les influences atmosphériques , des traces de fossiles (Cérites, Astartes, etc.); j’y ai aperçu et dessiné une section de grande Nérinée. On y a trouvé un tronçon d’Ammonite, qui n’a pas encore été déterminé. Ce calcaire de Barbazan est en bancs fortement et régulière- ment inclinés au nord, c’est-à-dire en sens inverse du calcaire noir de Cier; il est d’ailleurs dirigé, comme lui, à l’O. S. O., con- formément à la direction générale de la contrée. Le chemin de Barbazan à Sauveterre se trouve entre les deux petits pics, dans une fissure ouverte au milieu de ce calcaire et dans sa direction. Si l’on veut observer les couches inférieures à ces calcaires, il faut passer derrière le pic principal (le plus oriental); on voit alors sortir, de dessous les bancs dont il vient d’être ques- tion, d’autres couches qui consistent en des calcaires marneux et en des schistes terreux et calschistes qui forment la base du pic. Ce versant oriental, où affleurent les couches précédentes, est surtout intéressant par la présence, dans les bancs noirs inférieurs immédiatement superposés aux calcaires marneux, d’une multitude de véritables Serpules appartenant à une es- pèce assez mince, ondulée, et qui diffère essentiellement de celle qui a pu donner naissance aux Annulites ci-dessus signa- lées, qui sont dans tous les cas' beaucoup plus larges. Ces Serpules se concentrent ici dans un ou deux bancs, désignés sur la coupe par la lettre s, de manière à former une luma- chelle particulière d’un aspect assez agréable, qui constitue, comme nous le verrons par la suite , un point de repère pré- cieux dans la difficile question de l’âge de nos calcaires. Ces MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 287 bancs se prolongent à l’orient jusque dans le bassin de Sauve- terre où ils sont très-caractérisés. Us offrent, outre les Serpules, quelques coquilles malheureusement indéterminables, parti- culièrement de petites ostracées. Cet horizon fossilifère donne de l’intérêt et de la vie, pour ainsi dire, au petit système de Barbazan, que je crois différent de celui de Cier et plus ancien que lui, malgré la ressemblance des calcaires, bien qu’il y aurait peut-être une apparence de probabilité dans la supposition que les calcaires noirs pour- raient se lier à ceux de la montagne de Burs et former avec eux un fond de bateau qui serait rempli par les calcaires gris irréguliers, comparables à des calcaires à Caprotines où ces fossiles n’existeraient pas. Le petit système de Barbazan, dont l’épaisseur est d’environ 300m, se trouve séparé par un ravin ou gorge de la montagne suivante, qui commence par des lavasses calcaires grises, qui reprennent l’inclinaison S. du système de Burs et de Cier; et il y a probablement là une nouvelle faille suivant le thalweg de ce ravin qui suit lui-même la direction normale du pays. Le profil représente le versant occidental de cette montagne, que nous appellerons montagne de Luscan, nom du village qui se trouve à son pied dans sa partie moyenne. En longeant ce versant du nord au sud, nous quittons le petit bassin de Lour- des, pour entrer dans une partie étroite de la vallée de la Ga- ronne, qui relie ce bassin à celui d’Ore ou de Frontignan, où s’arrête notre profil. La montagne de Luscan, ainsi que notre figure l’indique, consiste en un massif dont le versant, qui descend à la Ga- ronne, n’offre d’autres traces de division ou d’accident que quelques étroites fissures. Sa composition est également assez uniforme. Il est d’ailleurs difficile de l’étudier, à cause de la rapidité des pentes et des éboulis qui cachent souvent la base jusqu’à une certaine hauteur ; cette montagne paraît consister principalement en lavasses souvent terreuses. Les calcaires francs n’y sont qu’accessoires. La direction O.S.O. est toujours celle qui régit la contrée ; l’inclinaison y est considérable et oscille autour de la verticale. D’abord, elle se porte au sud, ainsi que nous l’avons déjà dit; mais, au delà de Luscan, elle semble passer au nord. Entre Barbazan et Luscan, ce système de lavasses (/ de la coupe) offre une petite assise de calcaire noir compacte, assez analogue à celui de Barbazan, et, à Luscan même, on peut 233 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1808. * voir, à la fontaine, des dalles de calcaire bleuâtre presque ver- ticales. Ce système monotone de lavasses et de calcaires /, jusqu’à 1500m environ du village de Galié, constitue un ensemble où il y a peut-être quelques inflexions, qui ne sont pas indiquées toutefois assez clairement pour que nous puissions les admet- tre. Il est plus sage et probablement plus vrai de supposer que cet étage forme un tout dont la puissance, indiquée par le nom- bre et la position presque verticale des couches, ne peut être portée à moins de 3000m. La seule partie intéressante de ce versant, représenté sur notre profil, est celle qui traverse la commune de Galié. En effet, lorsque, après avoir suivi le pied de la montagne sur la rive droite de la Garonne, à partir de Luscan, on se trouve à environ 1500m de ce village, on voit apparaître au bord du chemin une assise de calcaire noir n, moucheté et veiné de blanc, accompagné de dalles irrégulières ou lavasses, rappelant assez l’assise de Cier, le tout formant une succession de cou- ches bien réglées, inclinées au nord sous un angle, d’environ 50°. Cette assise (puissance 300m) s’arrête brusquement au ha- meau qui précède Galié, à une crevasse ou faille, au delà de laquelle se montre une nouvelle assise, qui se recommande tout particulièrement à notre attention, car c’est elle qui offre un calcaire à Dicérates que j’ai depuis longtemps signalé, et qui doit jouer un certain rôle dans la question qui nous oc- cupe. Ce dernier calcaire ne forme que trois ou quatre bancs d où les Caprotines sont clairement accusées, et il est facile de les observer en montant, à partir de Galié, à un village appelé Monl-de- Galié, situé sur la montagne, par un sentier très-rapide qui passe longitudinalement sur ces bancs eux-mêmes à une certaine hauteur. Ceux-ci font partie d’un petit ensemble dont les couches septentrionales g , dérangées et oscillant de part et d’autre de la position verticale, consistent en des calcaires gris peu compactes, souvent tenaces, devenant bleuâtres vers le nord de l’assise et alternant alors avec des lavasses schistoïdes, habituellement grises, mais quelquefois d’une couleur lie de vin prononcée. Aux bancs à Caprotines d commence un ordre de chose plus régulier. Les couches qui les suivent au sud offrent de nouveaux calcaires plus compactes d’une couleur claire, affectant une inclinaison méridionale prononcée et régu- lière. MÉMOIRE DE M. LEYMEPJE. 289 Les calcaires de l’assise dont il vient d’être question se montrent dans le village de Galié même, où ils sont exploités comme pierre à chaux; mais je n’y ai pas vu de Gaprotines, bien que ces rudistes existent dans leur prolongement dans le sentier où nous venons de les signaler. Il semblerait donc que ces fossiles se sont réfugiés dans quelques bancs sur une épais- seur d’environ 2 mètres, et seulement en certaines places. Les rapports de position de cette assise avec les calcaires noirs mouchetés n, assez analogues à ceux de Gier, semble- raient autoriser la supposition que les calcaires à Gaprotines de Galié pourraient se rattacher à ceux de Gourdan; mais il fau- drait, pour réaliser cette conception, supposer des courbures de terrain d’une si grande portée (10 à 12 kilom.) que nous n’oserions nous y arrêter. Nous pensons qu’il y a ici une assise à Dicérates nouvelle, très-dérangée sans doute, mais non loin de la place que la nature lui a assignée. Gette récurrence du calcaire à Dicérates sera confirmée par les coupes que nous allons bientôt faire connaître. D’ores et déjà, elle est à peu près certaine pour notre vallée, par le cro- quis que nous donnons (fig. 2), pris de l’autre côté de la Ga- ronne, croquis qui montre, plus clairement que ne pourrait le faire la coupe prolongée sur la rive droite, les relations de ce calcaire avec le lias et les dolomies supra-liasiques, où nous pensons qu’il y a lieu d’arrêter le terrain jurassique. Le même croquis comprend un autre fait très-curieux et que nous ne sommes pas fâché de mettre sous les yeux de nos lec- teurs, bien qu’il soit étranger à la question qui nous occupe. Je veux parier d’une faille déjà signalée dans le compte-rendu de la Réunion extraordinaire de la Société géologique à Saint-Gau- dens, qui met en contact le lias et les schistes siluriens, et par laquelle est sortie une plaque d’ophite qui, très-probablement, a donné naissance aux sources salines séléniteuses de Sainte- Marie et de Siradan. Nous donnons ici la légende de ce croquis : g.} granité éruptif, analogue à celui de Luchon. gn., gneiss se liant au granité, en partie pénétré par lui et passant au schiste de transition. si., schiste argileux sul>satiné (silurien supérieur ou cambrien). cr., cargneules; base du lias dans toutes ces contrées. calcaires et schistes du lias se prolongeant vers Mauléon, où l’on trouve des Bélemnites, Peignes et autres fossiles du lias moyen ou cymbien. dn.} dolomies noires, grenues, bitumineuses, qui généralement reposent Soc. géol. , 2e série, tome XXVI, 49 290 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. sur le lias ^ dans les Pyrénées, et qui représentent un étage jurassique. d., calcaire gris clair, fétide, identique avec le calcaire de Galié, dont quelques bancs renferment des Caprotines, et qui irait rejoindre ce cal- caire, si on le prolongeait assez pour lui faire traverser la vallée. (Ce calcaire est exploité dans une carrière sur le bord de la route impé- périale, entre Bagiry et Bertren). Ces assises sont presque verticales avec une tendance à prendre l’inclinaison S. ; elles sont suivies, comme du côié droit dç la vallée représenté dans la grande coupe, d’une épaisse formation de calcaire noir, avec lavasses généralement inclinées au nord, sous un angle approchant plus ou moins de 90°. Coupe des deux étages du grès vert suivant le méridien de Saint -Gau dens. Nous venons de voir qu’il existe, dans la partie inférieure de la vallée de Garonne (montagne), une série principalement cal- caire, dont la puissance dépasse 5000m, qui est comprise entre deux assises de calcaire à Dicérates, et qui devra être rangée dans l’étage inférieur du terrain crétacé que nous appelons grès vert. En poussant plus loin nos investigations, nous arrivons à reconnaître qu’elle constituerait, dans le grès vert lui-même, un étage inférieur à un système arénacé qui n’existe pas dans notre coupe, mais qui se montre et se développe non loin à l’est, derrière le village de Miramont. Pour appuyer cette dernière prévision, nous ferons observer que dans la région qui vient d’être étudiée il n’entre guère que des calcaires, et que les roches arénacées y sont à peu près étrangères. D’un autre côté, je remarque que le système de conglomérats de grès et de schistes que je viens de signaler, et qui s.’avance au sud de Miramont jusqu’au parallèle d’Aspret, au nord d’Encausse, se dirige généralement à l’O. N. O., paral- lèlement aux Pyrénées. Cette direction, prolongée dans notre région où règne l’orien- tation O. S. O., ferait passer l’étage entier au-devant de la série calcaire, sous le bassin de Valentine, d’où il irait se raccorder avec les schistes de Montrejeau, pour disparaître comme eux sous le diluvium. Si cette manière devoir est vraie, l’assise des calcaires noirs MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 291 de la Garonne n’aurait de représentant, sous le méridien de Saint-Gaudens, que dans les calcaires et les lavasses qui exis- tent aux environs d’Encausse, d’où ils s’étendent jusqu’au lias d’Aspret. Il y aurait seulement cette différence que, dans cette région plus orientale, le calcaire à Dicérates bien caractérisé manque- rait ou serait dissimulé dans la partie inférieure de la coupe, d’où il ne faudrait tirer aucune conséquence contre nos vues ci-dessus exposées; car l’existence de ces fossiles, évidemment crétacés, n’est accusée à Galié que dans une étendue de quel- ques mètres, comme pour nous avertir que l’assise dont ces bancs font partie appartient à cette époque. Sans cette circon- stance, en quelque sorte accidentelle, il est certain que celte assise aurait été rapportée à la formation jurassique. Ce gîte exceptionnel des Gaprotines de Galié joue ici le môme rôle que la colonie du massif d’Ausseing, qui s'est trouvée là tout exprès, et fort heureusement, pour démontrer l’âge crétacé de l’étage garumnien, qui jusqu’alors avait été considéré comme tertiaire, et qui continuerait à être ainsi classé sans la présence des oursins et autres fossiles de la craie. Nous donnons (fig. 3) un profil suivant le méridien de Saint- Gaudens, qui comprend à la fois les deux étages dont il s'agit, et qui montre les relations qui les lient entre eux et avec le lias des environs d’Aspret. Cette coupe sera suffisamment expliquée, pour le but que nous nous proposons, par la légende qui suit : a et a1, diluvium de la vallée de la Garonne. ni, — du plateau de Saint-Gaudens (terrasse). m , terrain tertiaire miocène limoneux jaunâtre, prenant des cailloux quartzeux dans sa partie supérieure; stratification horizontale. G2, grès vert (étage supérieur) composé de conglomérats à gros et à fins éléments de grès et de schistes terreux principalement développés à la base. Les morceaux ou blocs calcaires généralement anguleux qui entrent dans les conglomérats renferment quelquefois des fos- siles jurassiques, et certains contiennent de pelites Orbitolines avec des polypiers siliceux et quelquefois des Caprotines. Ces éléments calcaires sont associés à des fragments de schiste et d’une roche verdâtre tigrée qui ressemble beaucoup à l’ophite. — Direction des Pyrénées. — Inclinaison plus ou moins forte, constamment au N. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. L’étage semble se terminer au calvaire de Miramont par quelques bancs de calcaire gris clair compacte c, où existent des fossiles fondus dans la pâte, notamment un grand Pecten voisin de Yœquivalvis , et de rares indices de Caprotines; mais, en réalité, il s’avance plus loin, car on peut voir réapparaître les conglomérats au bord de la Garonne, un peu en aval de ce calcaire et même de l’autre côté du fleuve, dans les tranchées du chemin de fer, particulièrement sous le château de Lama- guère, en face de Pointis. Ces bancs calcaires sont séparés des conglomérats grossiers qui se développent derrière par une simple couche d’un calcaire noirâtre sub-terreux contenant de petites Orbitolines (1). Passé le parallèle d’Aspret, on voit apparaître, après des schistes terreux très-développés et très-tourmentés, le système inférieur dont l’inclinaison se porte en masse vers le sud, c’est- â-dire en sens inverse de celle qui règne dans l’étage des con- glomérats, avec une tendance vers la direction O., un peu S., qui domine dans la vallée de la Garonne. Ce nouveau système commence par des calcaires noirs et des caîschistes, où j’ai trouvé un fragment d’Ammonite. Puis vient le calcaire de Regades, qui est tout â fait semblable à celui de Barbazan, avec les mêmes veinules souvent jaunes et les mêmes traces de fossiles. Au sud d’Encausse, ces calcaires et caîschistes sont associés à des schistes grossiers, remarquables par leurs vives couleurs jaune, rouge violet, lie de vin. La montagne de Cabanac, qui vient ensuite, est encore composée de calcaires noirs ou bleuâtres avec des lavasses fré- quentes, qui rappellent la montagne de Luscan dans la vallée de la Garonne. Elle se termine à Izaut par deux petits pics cal- caires, dont le dernier, au pied duquel est le village, est formé par un calcaire compacte de couleur claire, qui est très-ana- logue à celui qui, à Galié, fait partie de l’assise à Dicérates. Cette montagne est séparée de celle de Girosp, à l’ouest (1) Nous avons décrit cet étage ailleurs, et notamment dans notre es- quisse des Pyrénées de la Haute-Garonne. M. Hébert en a donné récem- ment une coupe détaillée avec une description où règne quelque confusion par la distinction qu il a faite, au milieu de ces bancs arénacés, d’un con- glomérat contenant des fossiles jurassiques et qu’il considère comme étant de oette époque (chose singulière!). MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 293 d’Aspret, par une dépression où s’est déposé un terrain de transport caillouteux ( t ) qui cache le terrain fondamental. Enfin, cette dernière montagne par laquelle se termine notre coupe, qu’il a fallu dévier un peu à l’est de sa direction méri- dienne pour l’y faire passer, offre un système nouveau,/ incliné au N. O., qui est jurassique. En effet, à Girosp même se trouvent les dolomies noires supra-jurassiques, associées à des calcaires magnésiens bré- choïdes versicolores, et, au-dessous, les schistes et calcaires du lias (cymbien et toarcien) à Belemnites ,• Pecten œquivalvis , Terebratula punctata, T. Jauberti , Gryphœa sublobata,e te. ÉTENDUE ET CARACTÈRES DU GRES VERT DANS LA MOITIÉ OCCIDENTALE DES PYRÉNÉES. Les faits qui viennent d’être exposés nous ont fourni une indication générale de la composition de l’étage crétacé infé- rieur dans les Pyrénées et tendent à démontrer la probabilité de l’opinion qui conduirait à faire considérer comme crétacés des calcaires noirs secondaires rapportés naguère à la forma- tion jurassique. Néanmoins, il ne sera pas inutile de confirmer et de corroborer ces observations faites dans le département de la Haute-Garonne par de nouveaux faits offerts par d’autres régions pyrénéennes plus favorables, et de faire voir que l’étage dont il s’agit s’étend sur presque toute la longueur de la chaîne, avec un ensemble de caractères analogues. C’est ce dont nous allons maintenant nous occuper, en commençant par la partie qui se trouve à l’ouest de la Garonne. Coupe du grès vert dans la contrée de Bize-Nistos ( Hautes-Pyrénées ) . Nous donnerons d’abord une coupe prise à 10 kilomètres environ à l’ouest des limites de la Haute-Garonne, dans la con- trée de Bize-Nistos (Hautes-Pyrénées), contrée qui est connue des géologues par son calcaire àNérinées. Cette coupe, qui se trouve figurée dans notre planche sous le n° 4, montre, dans sa partie nord, le village de Saint-Paul, situé sur une langue de diluvium a2, à peu près au niveau de SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE l868. 294 Montrejeau et de Saint-Gaudens, en avant du plateau tertiaire de Lannemezan, m. En certains points du talus qui relie ces hauteurs avec la plaine, des écorchures du terrain laissent voir les schistes ter- reux crétacés s h offrant les caractères et l’allure de ceux qui ont été signalés à Montrejeau dans notre grande coupe. Si, à partir de ce point, on suit notre profil actuel en se dirigeant au sud, on le verra traverser le fond de la vallée de la Neste, composé d’une plaine basse a et d’une terrasse diluvienne peu élevée a1. A la limite de cette plaine se trouve le village de Nestier, où commence une série de calcaires et de schistes, dont cette coupe est destinée à indiquer les caractères, les re- lations et l’âge. A Nestier même existe une grande carrière où l’on exploite un calcaire gris c, 'assez compacte, veiné de blanc, dont la stra- tification est très-obscure et dans lequel je n’ai pu distinguer aucun fossile. Il pourrait représenter le calcaire de Miramont, d’autant plus que, au sud de ce calcaire, qui n’a pas une grande épaisseur, se.trouve une montagne G2 qui paraît princi- palement composée de schistes terreux et de roches arénacées. Le terrain fondamental y est habituellement caché par un limon jaunâtre qui résulte de la décomposition des schistes; mais j’ai pu observer ces roches avec des conglomérats à éléments cal- caires dans la montagne qui est à l’est de celle-ci, et dont les couches se prolongent de manière à passer dans la première. 11 me paraît évident, d’après cela, que la première partie de la série coupée dans notre figure appartient à l’étage supérieur G* du grès vert pyrénéen. C’est donc à partir de la dépression qui vient après la montagne schisteuse que commencerait l’é- tage inférieur G1; en effet, les couches nombreuses que nous allons rencontrer en marchant dans ce sens sont presque exclusivement composées de calcaires gris ou noirs. Je ferai remarquer, avant de commencer cette exploration, que cette série calcaire, aussi bien que les schistes G2, suivent généralement la direction de la contrée qui est 0. S. O., comme dans la vallée de la Garonne; les couches y sont d’ail- leurs dans une position presque verticale, avec une tendance au sud, qui est souvent satisfaite. L’ensemble du système plonge donc vers les montagnes, ce qui n’implique pas un renverse- ment, qui serait inadmissible, mais bien un affaissement au sud, phénomène qui est, au reste, habituel dans les Hautes et dans les Basses-Pyrénées. D’un autre côté, il n’y a, dans cette série, MEMOIRE DE M. LEYHERIE. 295 aucun fait de nature à y faire admettre des plis ou des failles ayant pu déranger fondamentalement l’ordonnance du système. Tout au plus pourrait-on y soupçonner une reproduction du calcaire à Dicérates, qui sera indiquée ci-après, et qui n’aurait d’ailleurs aucune influence sur l’ensemble des faits ni sur les conclusions que nous aurons à en tirer. J’ajouterai môme que, dans la ligne que j’ai adoptée pour ma coupe, se trouve une masse ophitique qui, par extraordinaire, n’a causé dans les calcaires dont il est question aucune perturbation remar- quable. Nous pouvons donc être à peu près sûrs, en traversant le système du N. au S., de suivre l’ordre d’ancienneté relative des couches. Lorsqu’on se rend deNestierà Bizepar la route nouvelle, les premières roches que l’on rencontre après la dépression accusée sur la coupe, et qui forment saillie au quartier des Peyrets, sont des calcaires noirs et gris assez compactes, où l’on trouve des indices de fossiles, principalement de polypiers. Plus loin, au hameau des Pléchats, existe une autre -assise calcaire qui est séparée de la précédente par des schistes terreux peu déve- loppés. Cette seconde assise n’est autre qu’un calcaire à Dicé- rates de couleur claire, fétide, où les tests de Caprotines sont très-bien accusés. Il est exploité là, comme à l’ordinaire, pour la fabrication de la chaux. Ce calcaire est en bancs réguliers fortement inclinés au sud, ainsi que les schistes qui le précè- dent. Plus loin, on rencontre d’autres calcaires noirâtres ou gris, jusqu’à Bize; mais il y a sur cette route beaucoup d’inter- ruptions; notre coupe suit une direction parallèle, un peu à l’ouest de la route, et passe dans une région plus favorable où se prolongent les assises que nous venons de rencontrer. Nous avons d’ailleurs un moyen de concordance très-sûr dans le calcaire à Dicérates d , qui se montre sur l’une et l’autre ligne dans une position analogue. Quant aux calcaires noirs des Peyrets, dont on ne voyait qu’une partie sur la route, ils se présentent ici au nord du cal- caire à Dicérates avec tout leur développement. La roche do- minante est encore, dans la ligne que nous avons adoptée, un calcaire noir souvent moucheté de blanc par du spath calcaire, alternant avec quelques lavasses également noires. Et c’est parmi ces calcaires, particulièrement, vers leur limite septen- trionale, et dans une position par conséquent qui indique un âge postérieur à celui du calcaire à Dicérates, que se trouvent 206 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE i 868. deux ou trois bancs n pétris de Nérinées, ayant l’aspect des Nérinées coralliennes , mais qui ressemblent aussi à des especes crétacées de Suisse, que M.Pictet a décrites dans son beau travail sur le terrain crétacé de Sainte-Croix; et ici j’ai à me reprocher d’avoir considéré ces bancs comme jurassiques à une époque où je ne connaissais cette contrée que pour l’avoir traversée rapidement, et où je n’avais pas encore assez appris à me dé- fendre contre Jes séductions que dame Paléontologie se permet quelquefois lorsqu’elle agit seule en l’absence de sa sœur plus sévère, la Stratigraphie. Ces calcaires ont d’ailleurs tous les caractères du calcaire noir des Peyrets et de ceux qui s’y trou- vent associés tant au nord qu’au sud du calcaire à Dicérates, qui est représenté dans notre coupe par quelques bancs où les Caprotines sont très-caractérisées. Ces bancs à Nérinées appar- tiennent donc incontestablement au grès vert et même à une partie relativement récente de l’étage inférieur. Je rappellerai à cet égard qu’il y a des Nérinées de forme jurassique dans le marbre de Lourdes, qui est un véritable calcaire à Dicérates. C’est au milieu de ces calcaires que s’intercale le massif d’o- pbite dont nous avons fait mention ci-dessus. Après l’avoir traversé, on retrouve encore des calcaires semblables aux pré- cédents. Au hameau d’Ore, et près du château de Bize, situé au pied d’un pic dont le sommet s’avance au nord en forme de bec, on peut encore observer le calcaire à Dicérates d plongeant forte- ment au sud (1). Ce pic lui-même se compose de calcaires gris, ayant à peu près la même allure que les couches précédentes , et dont la succession peut s’observer assez commodément dans le vallon du Merdan, au sud de Bize, au fond duquel existent, dans le W C’est ce calcaire auquel je faisais allusion quand je parlais d’une réapparition possible. Il se pourrait, en effet, que cette assise du château ne fût qu’une reproduction de celle déjà signalée au nord, par l’effet d'une voûte actuellement arasée. Dans cette hypothèse, qui ne me paraît pas probable, il faudrait chercher au sud du château un représentant du cal- caire à Nérinées, que très-probablement on n’y trouverait pas. M. Hébert indique, dans cette région et dans celles qui lui succèdent à l’est, des calcai- res à Ostrea aquila. Quant à moi, je n’y aijamais rencontré ce fossile. Peut- être mon honorable confrère, qui ne distingue pas les Huîtres desExogyres, aura-t-il considéré comme se rapportant à l’espèce dont il s’agit quelques fragments d’Huîtres qui peuvent s’y trouver. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 297 quartier de Cassagne, des carrières dans les assises les mieux caractérisées. Les premiers calcaires que l’on rencontre en remontant ce vallon, après le calcaire à Dicérates de Bize, n’ont rien de re- marquable. Ils sont gris, sub-compactes, et l’on n’y voit guère d’autres corps organisés que de rares anneaux blançs ( Annuli - les). Plus loin, dans le vallon, vers le milieu de sa longueur, ces fossiles paraissent plus abondamment et se concentrent même localement dans quelques bancs noirs, de manière à former une sorte de marbre utilisé à la marbrerie de M. Géruzez, à Bagnères de Bigorre; mais, avant d’arriver à ces marbres noirs à Annulites, on traverse des calcaires à Dicérates fétides, de couleur claire, d, où les Caprotines sont évidentes et peuvent même en partie se détacher. Les dernières couches exploitées au fond du vallon offrent des caractères particuliers; ce sont des calcaires compactes br , en partie bréchoïdes, offrant une teinte blanchâtre, variée par- dès accidents de coloration rouge et verte d’un effet agréable. Les bancs inférieurs sont traversés par des veines irrégulières d’une véritable brèche à petits et moyens fragments blancs, rouges, verts, brun rougeâtre, et quelquefois enduits, dans les fissures, d’une matière onctueuse, d’un vert analogue à celui de la smaragdite. Prolongement du grès vert à travers les vallées des Hautes et des Basses-Pyrénées . L’assise qui succéderait, au sud, à cet ensemble observable du vallon du Merdan, est composée de lavasses et de calcaires noirs, que des obstacles naturels m’ont empêché d’étudier sur les lieux, mais qui se prolongent en direction dans la vallée d’Aure, où ils se trouvent représentés dans une coupe insérée au Bulletin , 2e série, t. XIII, page 671. Cette coupe accuse, comme celle que nous venons d’expli- quer, deux calcaires à Dicérates, et l’on y retrouve à peu près les mêmes couches, excepté peut-être le calcaire à Nérinées qui paraît n’être qu’un accident local. Ainsi, le calcaire à Di- cérates inférieur y succède à un calcaire bréchiforme noir, veiné et accidenté de blanc (noir antique), exploité à Héchettes, qui représente le marbre bréchoïde versicolore qui, dans le vallon de Merdan, occupe absolument la même position; et, en 298 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. effet, c’est immédiatement au sud de ce marbre d'Héchettes que se développe, dans la vallée d’Aure, l’assise de schistes et de calcaires noirs précédemment cités, jusqu'au vallon de Lé- chan qui sépare le grès vert des dolomies jurassiques (1). L’étage G* 2 du grès vert n’entre pas dans le diagramme que nous citons ; mais il serait facile, en prolongeant vers le nord ce profil, d’y introduire les schistes terreux et les conglomé- rats qui existent au sud de Montoussé et qui se terminent par un calcaire sans fossiles qui représente celui de Nestier. La même coupe, continuée plus loin encore au delà de la Neste, montrerait des affleurements de schistes terreux qui s’enfon- cent, à Scala, sous le diluvium et sous le plateau tertiaire de Lannemezan, ainsi qu’ils le font à Saint-Laurent, près Saint- Paul, et à Montréjeau. L’étage inférieur du grès vert pyrénéen, après avoir traversé la vallée d’Aure, s’amincit en se prolongeant à l’ouest. C'est lui qui constitue la crête d’Esparros, qui va le porter dans la vallée de Campan, où il se termine à la penne de Lhiéris si connue des botanistes, et qui jusqu’à présent avait été consi- dérée comme jurassique. On sait que ce pic est séparé, par la gorge d’Asté, de la mon- tagne de Pennarouye, qui est composée du lias et des dolomies supra-liasiques, les mêmes que nous avons ci-dessus signalés à Rebouc, dans la vallée d’Aure (2). Cette similitude s’explique d’ailleurs facilement, quand, je- tant un coup d’œil sur une bonne carte, on y voit la penneju- rassique de Bassia partir de Rebouc, traverser tout le massif qui sépare la vallée d’Aure de celle de l’Adour, et se terminer par une courbure qui la rapproche de Bagnères. Je ferai re- remarquer d’ailleurs que, dans toutes ces régions des Hautes- Pyrénées, le sens dominant de l’inclinaison, qui est d’ailleurs en général très-forte, est vers le sud, circonstance, je le ré- pète, qui n’indique pas un renversement, mais bien un affais- sement du côté des montagnes. (t) En amont de ces dolomies se montre le lias où les travaux d’un canal ont mis an jour, à Rebouc, près Sarrancolin, des fossiles caractéris- tiques de l’étage cymbien en nombre assez considérable, notamment : Ammonites planicosta, A. Davœi , avec des Bélemnites, des Peignes, etc. (2) Voir ma notice sur le terrain jurassique des Pyrénées, dans YHist. des progr . de la gèol. de M. d’Archiac, t. VI, page 541, et les coupes qui s’v rapportent insérées dans le Bull, de la Soc. géolt) 2e sér., t. XIII, p.671. MÉMOIRE DE M, LEYMERIE. 291) J’ajouterai à cette manifestation du grès vert pyrénéen aux environs de Bagnères un fait plus restreint et plus local, que mon ami,M.Ém. Frossard, m’a depuis longtemps fait connaître et que j’ai plusieurs fois vérifié : je veux parler de la présence, au nord de Bagnères, à l’entrée du chemin de Labassère, au lieu dit Lagailleste, d’un calcaire noirâtre pétri des.mêmes Serpules sur lesquelles j’ai déjà appelé l’attention, à Barbazan, dans la description du grès vert inférieur de la vallée de la Garonne, et qu’il ne faut pas confondre avec les anneaux blancs {Annu- lites), signalés à Bize et ailleurs comme des sections de larges Serpules ou de Dentales. Je pourrais, avec les documents que je possède et que j’ai recueillis sur le terrain, montrer le grès vert pyrénéen et ses relations avec les terrains antérieurs et postérieurs dans toute la partie des Pyrénées qui s’étend à l’ouest de la vallée de l’Adour; mais cette étude, que je reprendrai plus tard, nous mènerait trop loin aujourd’hui, et je me bornerai à signaler la présence de ce grand étage et les deux calcaires à Dicérates qui s’y trouvent presque partout clairement indiqués. Dans la vallée de Lavedan ou d’Argelès ce calcaire est repré- senté par le marbre de Lourdes, sorte de lumachelle très-em- ployée dans tout le Midi, qui, avec de nombreux tests de Ca- protines, de polypiers et autres fossiles, offre assez rarement des Nérinées semblables à celles de la contrée de Bize. A ce marbre succède brusquement, au nord, le système des schistes à fucoïdes, et au sud se trouvent des lavasses, des calcaires et des schistes ardoisiers ammonitifères exploités, que nous ran- geons dans notre étage inférieur du grès vert, ainsi que les cal- caires qui leur succèdent, jusqu’à la dolomie noire fétide d’A- gos, non loin d’Argelès, où commencerait le système jurassique. Si nous nous transportions dans la vallée d’Asson, en la descendant à partir de Ferrières, nous verrions notre étage G1 y prendre naissance en amont des forges de Nogarot où passe la dolomie d’Agos. Nous y retrouverions les deux calcaires à Dicérates dont le plus extérieur, à Saint-Paul d’Asson, corres- pond sans doute à la lumachelle de Lourdes. Le même étage, dans son prolongement, traverse la vallée d’Ossau avec les calcaires à Dicérates. On exploite à Loubie ce calcaire, qui d’ailleurs est très-caractérisé et développé dans le bassin d’Arudy (i). (1) Nous ne comprenons dans cette dénomination de calcaire à Dicérates 303 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. De là, on le voit passer dans la vallée d’Aspe où il forme au moins deux crêtes parallèles, la penne d’Escot et la montagne de Binet, séparées par un étage de schistes noirs qui rappellent singulièrement celui que nous retrouverons à Quillan, avec des fossiles aptiens et dans la même position. Peut-être même de- vrait-on lui rattacher le calcaire de Sarrance, qui offre aussi des lignes courbes de couleur noire, et faire remonter la limite du grès vert jusque vers le bassin de Bédous où se trouvent des dolomies et des couches renfermant des espèces du lias moyen. Plus à Pouest encore, les deux calcaires à Dicérates conti- nuent à se montrer, et nous avons eu l’occasion de les recon- naître, en 1866, dans la vallée du Gaisonou de Mauléon, section de Larrau, avec MM. Lartet fils et Tardy. Ils y sont séparés par plusieurs assises, dont une consiste en un calcaire où se trouve Belemnites semi-canaliculatus . De là, le même calcaire passe dans la branche de la vallée qui est désignée sur la carte de Gassini par le nom de vallon dextre ; mais il y semble réduit à son assise extérieure. Je l’ai reconnu là avec les jeunes géolo- gues que je viens de citer, en association avec des couches marneuses renfermant Belemnites semi-canaliculatus , des Pen- tacrinites, de petitesTéréhratules, etc. Cette dernière observation a été faite un peu au nord de La- carry, d’où l’on voit le calcaire à Dicérates entrer, de l’autre côté du vallon, dans le massif de Lixarra (Cassini), où il se ter- mine sans doute, car on ne le retrouve plus à Saint-Jean-Pied- de-Port, ni en aucun point situé à l’ouest du méridien de cette ville. Dans les dernières vallées, traversées par le calcaire à Dicé- rates, ce calcaire est accompagné de roches argilo-schisteuses noires, avec nodules de calcaire ferrugineux et de sidérose li- thoïde, qui sont très-développées principalement au sud de que les calcaires fétides qui renferment des Gaprotines nombreuses et ca- ractérisées. Celui qui constitue le pic de Rebenac ne remplit pas cette der- nière condition ; néanmoins nous le considérons comme appartenant au même horizon. Le pic lui-même paraît être sorti du sein des schistes crétacés par un soulèvement tout local. Il contient une assise de calcaires schisteux où M. Hébert a cité Exogyra sinuata , Sow., qu’il appelle Ostrea. aquila. J’ajouterai que dans la même contrée, au col de Sévignac, j’ai ob- servé une valve supérieure de ce fossile sur le seuil d’une maison du village. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 301 Tardets, dans le haut de la vallée de Barétous, en avant de la crête calcaire extérieure, et qui occupent aussi un grand espace en arrière dans la contrée de Lacarry. C’est une formation particulière très-analogue à celle de Quillan (Aude), et qui al- terne, comme cette dernière, avec le calcaire à Dicérates. Nous pensons qu’il est indispensable de la comprendre, comme le calcaire lui-même, dans le grès vert, bien que nous n’y ayons pas rencontré jusqu’à présent un seul fossile. Dans le pays béarnais, l’assise extérieure du calcaire à Dicé- rates forme comme un mur au nord duquel tout semble avoir été déprimé ou affaissé. C’est, au reste, le rôle que joue ce calcaire dans toute la chaîne; mais nulle part ce trait orogra- phique n’est plus marqué que dans cette partie occidentale des Pyrénées. Le Béarn proprement dit n’est vraiment, au nord de cette crête calcaire, qu’une plaine mollement ondulée ou ma- melonnée. Grès vert soulevé à Orth'es et à Vinport. Cette tranquillité du pays béarnais est cependant troublée en un point, à Orthès, où un soulèvement a mis brusquement en relief, à la surface du sol, le calcaire à Dicérates, qui, sans cette circonstance, serait resté caché dans le sein delà terre. Le géologue doit se féliciter de cette catastrophe locale et exceptionnelle, d’autant plus que les couches qu’elle a mises au jour, comme pour les offrir à ses observations, se montrent ici dans des conditions spéciales et favorables, au moins à l’égard du caractère paléontologique. Dufrénoy a fait connaître cette localité remarquable dans son important mémoire sur le terrain crétacé du sud de la France. Nous y avons découvert quelques faits nouveaux, et notam- ment la présence d’argiles hFxogyra sinuata à Sainte-Suzanne, qui nous ont engagé à en adresser un croquis, avec une courte notice, à l’Académie des sciences de Paris en 1862 (voir Comptes rendus , t. LIY, page 683). Nous donnons ici une nouvelle édition de ce croquis revue et complétée, avec quelques mots d’explication : SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. On y voit les couches argileuses à Exogyrasinuata, qui d’ail- leurs contiennent Toxaster Collegnii et d’autres fossiles aptiens avec Toxaster complanatus , espèce néocomienne, occuper, sous le pont de Sainte-Suzanne, le fond du ruisseau de Laa, d’où elles s’élèvent au S. O. pour aller former le sol d’une mé- tairie à l’entrée du chemin de Bérenx, oùla Société géologique a recueilli, en 1866, de nombreux individus d ’Exogyra sinuata et d’autres fossiles. Voici la liste bien incomplète des espèces qui s’y trouvent, à ma connaissance : MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 303 Ammonites fissicostatus, Phill espèce du gault. Trigonia Hondaana, Lea ? de l’aptien d’Espagne. — limbata , d’Orb?. turonien. Cypricardia secans , Coquand aptien d’Espagne. Corbis cordiformis , Desh., Levm néoc. Exogyra sinuata, Sow aptien. Terebratuîa longella, Leyra Fl. III, fig. 1 et 2. Toxaster Collegnii, Agass aptien des Corbières. — comp/anatus, Agass néoc. Polypier turbinolien. On remarquera ici l’absence des Caprotines et celle des pe- tites Orbitolines. Lorsque, à partir de cette métairie on suit le petit chemin qui vient d’être indiqué, en se dirigeant vers Bérenx, on ne tarde pas à rencontrer, en montant au plateau figuré sur la coupe, le calcaire à Dicérates (Caprotines) en roches irréguliè- res, qui constituent toutefois, dans leur ensemble, une assise évidemment supérieure aux argiles à Exogyres, et qui supporte à son tour des marnes blanchâtres (craie) et des schistes terreux plongeant au S. O. Si, au contraire, partant du pont de Sainte-Suzanne, on se dirige vers un moulin situé en amont du village, on voit appa- raître, sur le bord de la petite rivière déjà citée, d’autres cal- caires également à Caprotines, et qui offrent même en certai- nes places ces fossiles très-caractérisés, accompagnés de nombreuses Orbitolines de petite taille ( Orbitolina conoidea). En montant à partir de là au nord, à la petite montagne de Mon- talibet, on rencontre des marnes noirâtres, et, vers le sommet, on trouve d’anciennes carrières où se montrent de nombreuses couches, inclinées au N. O., les unes marneuses ou argileuses, les autres calcaires, où régnent encore Orbitolina conoidea et discoidea , avec des polypiers et d’autres fossiles. Les couches les plus inférieures de ces carrières sont des calcaires à Capro- lines qui paraissent descendre vers les bords du Gave à Orthès. Tel est l'état des choses dans le relief produit au sud d’Or- thès par le soulèvement dont il s’agit. Si l’on descend de Mon- lalibet à Orthès même, on y voit le Gave coulerdans une fracture opérée au sein d’un calcaire à Dicérates, de couleur assez claire, calcaire qui se montre beaucoup mieux caractérisé au bord de la route de Bayonne, où l’on trouve, même avec les petites Orbitolines déjà signalées, des Caprotines susceptibles d’être détachées de la roche. 304 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. Ges bancs rocheux de la route de Bayonne se reproduisent un peu plus loin, à Bérenx, où se montrent quelques fossiles que nous n’avions pas encore rencontrés. Nous réunissons ici les noms des espèces que nous avons pu recueillir dans ces calcaires à Caprotines des environs d’Orthès. Nerinea- indét Ostrea carinata ou macroptera, . Terebralula longella, Leym — tamarindus , Sow . . . . — lentoidea, Leym. . . . Terebratella crassicosta , Leym. . . Rhynchonclla parvula, Leym,. . . Caprotina Lonsdaîei, d’Orb Caprina Verneuili , Bayle?. . . . . . Cidaris pyrenaica, Gott. ....... Orbitolina conoidea, Alb. Gras.. — discoidea , — - route d’Orthès à Orion. Sainte-Suzanne. PI. III, fig. 1 et 2. Bérenx. — , St-Suzanne, PL III, fig. B et 4. — — PL III, fîg. 8 et 9. partout. Gave à Orthès. | partout (t). Les calcaires à Caprotines qui se trouvent du côté droit du Gave, le long de la route de Bayonne, servent de base à une série crétacée plus moderne, qui occupe tout le coteau au nord d’Orthès et que nous rapportons à la craie. Cette série, que son inclinaison moyenne porte vers le nord, est principalement constituée par un calcaire blanc sub- crayeux qui est une véritable craie. On y a trouvé Ananchytes ovata et Ostrea vesicularis; mais il y a, vers la base de cette craie et dans les carrières de la craie elle-même, des bancs durs très-compactes où existent des tronçons de Caprinelles ( C . triangularis?) très-caractérisés, et quelquefois des moules d’un rudiste de petite taille, de forme triangulaire ( Radiolites ? Caprina?), On ne voit pas clairement, dans la ligne même que suit notre coupe, les couches intermédiaires entre cette craie et le cal- caire à Caprotines, couches qui ont subi d’ailleurs des déran- gements plus ou moins prononcés. Il y a sous la tour de Mont- calm, indiquée sur le croquis, des roches argileuses et marneuses où je n’ai pas vu de débris organiques; mais, plus à l’est, à la gare du chemin de fer, existent des calcaires blancs (1) M. Dumortier a cité, en outre, dans ces calcaires Terebratula bipli- cata, Defr., Rhynchonella lata , d’Orb., et M. Hébert dit y avoir trouvé Ostrea Leymerii , Desh. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 305 très-compactes et comme fayencés, et c’est peut-être dans le prolongement de cette assise que M.Ém. Frossard a fait la décou- verte, dans les tranchées du chemin de fer, à environ 1 kilom. du côté de Pau, de quelques coquilles qui offrent beaucoup d’intérêt. Parmi ces fossiles, j’ai reconnu Ammonites gallo- villensis, d’Orb., qui est une des espèces principales du gîte de Bidart, sur la côte du golfe de Gascogne, accompagnée d’em- preintes d’un végétal turbiné qui est très-fréquent dans la mêmecontrée. Avec ces fossiles se trouvait une grande Baculite et des empreintes de Scalpellum. Ces couches fossilifères, parleur position, sembleraient être au-dessous de l’horizon des Caprinelles, ce qui serait un fait as- sez anormal. Le coteau crayeux d’Orthès est enfin couronné par un ter- rain tertiaire horizontal, miocène, composé de sable et d’un gravier dont les éléments sont de petits cailloux quartzeux, parfaitement arrondis, et qui paraît reposer sur une base ar- gileuse. Ajoutons qu’entre ce terrain et la craie se trouve, en plu- sieurs places, de petits dépôts coquilliers qui appartiennent à l’époque nummulitique, sur lesquels M. Tournoüer a récem- ment appelé l’attention des géologues. Nous venons de résumer, peut-être trop succinctement, mais avec une scrupuleuse fidélité, les traits les plus essentiels qui caractérisent l’accident plein d’intérêt qui interrompt momen- tanément, à Orthès, l’allure généralement si calme des terrains béarnais. Un mot maintenant sur le rôle que joue l’argile à grandes Exogyres dans cet ensemble. Frappé de cette circonstance que cette argile ne paraissait nulle part ailleurs dans toute la contrée que dans ce fond du ruisseau de Lâa et dans une partie du coteau qui le domine au sud, j’ai pensé qu’elle passait par une courbure sous l’un et l’autre des deux calcaires à Dicérates, accusés de part et d’au- tre du ruisseau dans notre croquis, et j’avoue que cette manière de voir me paraît la plus probable et le plus en rapport aver l’observation des lieux, il n’y aurait rien d’inadmissible non plus dans la supposition que cette assise argileuse se trouvât entre deux calcaires à Caprotines, puisque nous avons vu que c’était ainsi que se présentaient les choses dans toute la chaîne. Il faudrait, dans cette hypothèse, imaginer une faille qu’il serait bien difficile de figurer d’une manière un peu na- turelle, et il y aurait quelque trace d’argiles à Exogyres sur le Soc. géol,3 2e série, tome XXVI. 20 306 SÉANCE DU DÉCEMBRE 1868. plan de Montalibet, qui descend à Orthès, ce que les faits ne montrent pas. Ce qui ne peut être soutenu, et ce qui est contraire à l’ob- servation, c’est que les deux calcaires dont il s’agit appartien- nent à deux étages crétacés, séparés par un intervalle considé- rable, l’un étant cénomanien tandis que l’autre serait néocomien. Je ferai remarquer à cet égard que le calcaire qui supporte immédiatement la craie au nord d’Orthès, qui devrait être considéré comme supérieur dans l’hypothèse des deux calcaires, offre des Caprotines très-caractérisées avec des Or- bitolines, aussi bien que celui qui se trouve à la base du Monta- libet, près Sainte-Suzanne. Le calcaire de Sainte-Suzanne, comme celui de Bérenx, qui se montre de part et d’autre du Gave à quelques kilomètres à l’ouest, est remarquable par des accidents bitumineux. Il y a été fait autrefois des recherches de charbon, et il ne me paraît pas douteux que c’est à ce niveau que l’on exploitait ja- dis, à Saint-Lon, dans les Landes, un combustible dont la va- leur était loin de couvrir les frais d’extraction. C’est encore le même calcaire qui se relève au bord de l’Adour, à Vinport, à environ 8 kilomètres au S. O. de Dax, où il passe sous la craie de Tercis. Ce gîte est très-intéressant par les nombreux fossiles qu’il présente, et il y aurait bien des choses à dire à ce sujet; mais il n’entre pas dans notre plan de le décrire en détail. Nous nous bornerons à donner une indica- tion des principales espèces des brachiopodes qui jouent un rôle très-important dans cette faune et dont nous avons décrit et figuré plusieurs espèces nouvelles à la fin de ce mémoire. Voici l’indication de ces brachiopodes et de quelques autres fossiles : c. Terebratula longella, Leym PI. m fig, \ et 2. citée par les auteurs sous le nom de pseudojurensis . Terebratula tamarindus , Sow. — lentoidea, Leym. c. Terebratella crassicosta, Leym pj. jqi, fig. B et 4. c. Rhynchonella parvula , Leym pi. m fig. g e ^ g# — aturica , Leym PI. III, fig. 5. — régulons, Leym PI. III, fig. 6. — conforta, d’Orb PI. III, fig. 7 (1). (1) MM. Dumortier, Noguès et Hébert indiquent Terebratula sella, Sow., T. prœlonga , Sow., qui n’est probablement qu’une variété grande de 307 MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. Orbitolina conoidea. — discoideu, Alb. Gras. Espèces qui sont très-communes dans les couches inférieures, où il y a aussi beaucoup de bryozoaires et Cidaris pyrenaica, Cott. Les couches supérieures sont très-riches en polypiers. On remarque dans ce gîte l’absence des Caprotines. Je reviendrai, au reste, plus loin, sur ces fossiles, et je ter- mine cette courte mention du gîte de Vinport en faisant remar- quer que rien n’indique, entre cette assise et la craie deTercis, la présence des argiles aptiennes dont on devrait rencontrer quelque affleurement si elles occupaient réellement une posi- tion supérieure, relativement aux couches à Rhynchonelles dont nous venons de parler. Ces argiles peuvent exister sans doute dans les Landes ; mais tout nous porte à croire que ce ne peut être que dans les profondeurs du sol, sous les calcaires à Rhynchonelles. Calcaire à Caprines de Sare. Dans notre revue rapide du calcaire à Dicérates de la moitié occidentale des Pyrénées, nous avons vu ce calcaire, à l’ouest de la vallée de Mauléon, pénétrer dans le massif de Lixarra, où nous avons pensé qu’il se terminait. En effet, avons-nous dit, on ne le retrouve plus au méridien de Saint-Jean-Pied-de-Port ni au delà. Toutefois, si nous continuions à suivre la chaîne sur cet horizon jusqu’à son extrémité occidentale, nous ver- rions, au méridien d’Ainhoa, commencer une muraille calcaire qui domine le bas pays basque, ainsi que le faisait le calcaire à Dicérates à l’égard du bas pays du Réarn; mais ce calcaire basque n’est plus le même, paraît-il, que celui qui règne dans presque toute la longueur des Pyrénées; on n’y trouve plus les tests noirs de Caprotines qui caractérisent le calcaire à Dicéra- tes. Il n’offre même pas en général de fossiles reconnaissables. Cependant, une circonstance heureuse m’y a fait découvrir au' sud du village de Sare, à la base de la montagne d’Ibantelîi, r. longella , Rhynchonella lata, Sow., et R. depressa, qui doit être notre espèce R.parvula, très- distincte de l’autre par les caractères que nous avons fait connaître. Les mêmes auteurs citent encore Janira atava, Rœm., 0?- trea macroptera, Sow., O. Tombechiana, O .Roussingaultii , d’Orb., Caprina Verneuili , Bayle, Monopleura Lamberti, d’Orb. , Goniopygus Noguw' , Cot- teau ,ryphosoma Lnryi , Cott. 308 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. des coquilles qui se trouvent tout à fait caractéristiques pour J’étage cénomanien. Ces coquilles, dont la détermination ne peut laisser le moindre doute, puisqu’elle a été contrôlée par M. Bayle, sont Caprina adversa et Spherulites foliaceus ou aga- riciformis. J’ai eu l’avantage de les montrer sur place à la So- ciété géologique, extraordinairement réunie à Bayonne en 1866* Nous donnons ici un croquis destiné à représenter la posi- tion de ce calcaire à Caprines et à donner une idée de l’aspect pittoresque qu’il offre dans la montagne d’Atchioula, au pied de laquelle se trouve une grotte fossilifère. Vue du calcaire à Caprines dans la montagne d' Atchioula. d. Grotte à ossements. sd. Schiste argileux dévonien. g. Grès rouge. gs. Schistes rouges, c. Calcaire à Caprines et calcaire bréchiforme. sc. Calschistes noirâtres. et. Schistes terreux à fucoïdes. Ce calcaire est associé vers sa base à une sorte de marbre bréchoïde versicolore, à parties rouges, vertes, etc., et offre ainsi avec le Calcaire à caprotines une certaine analogie qui est encore corroborée par ses relations orographiques. Mais ici il n’y a plus ni grès vert inférieur, ni dolomie, ni lias par-dessous, mais bien le grès rouge (trias) qui, lui-même, repose sur un schiste argileux appartenant probablement à l’époque dévo- nienne (i). (1) Entre le grès rouge et le schiste, se trouve, à la montagne d’Iban- telli, sur la frontière espagnole, une faible assise houillère très-pareav. MEMOIRE DE M. LEYMERIE. 309 Le calcaire à Caprines des Basses-Pyrénées, qui représente évidemment l’assise cénomanienne que caractérisent les mêmes rudistes dans les Charentes, ne doit pas être confondu avec le calcaire à Cicérates (Caprotines) (2). Il ne faut pas même le considérer comme un type français. On le voit passer sur le versant méridional des Pyrénées, à une assez faible distance de la région de Sare et d’Espelette. Il paraît jouer un rôle impor- tant vers la crête, sur les hauteurs où prennent naissance les vallées de l’arrondissement de Mauléon, notamment dans la montagne d’Orrhi, d’où il s’étendrait sur les régions élevées qui dominent dans la vallée d’Ossau. Il me paraît probable que c’est ce calcaire que nous avons traversé, MM. Lartet fils, Tardy et moi en 1866, en montant de Larrau au pic d’Orrhi, où nous n’avons pu arriver à cause d’un violent orage. Ce calcaire était associé à des brèches versico- lores, et nous y avons vu divers débris organiques, notamment des parties d’oursins, et une assez petite espèce de Caprine. DU GRÈS VERT DANS LA DEMI-CHAÎNE ORIENTALE. Après avoir suivi le terrain crétacé inférieur autant que pos- sible jusqu’à sa limite du côté occidental des Pyrénées, nous allons revenir à la partie centrale où ont eu lieu nos principales observations et donner, à partir de là, quelques rapides indi- cations sur les caractères qu’il présente dans la demi-chaîne orientale et dans les corbières. Voyons d’abord ce qu’il devient dans le département de l’Ariége. mais bien caractérisée géologiquement par de nombreuses empreintes vé- gétales déterminées par M. Ad. Brongniart. Cette assise reparaît par une faille dans le massif de la Rhune. (2) J’avais bien fait cette distinction sur les lieux mêmes, et en séance de- vant la Société géologique à Bayonne ; aussi ai-je vu avec quelque surprise dans le compte-rendu qu’on m’y faisait caractériser ce calcaire à Caprines par Caprotinalœvigata . 310 séance du 7 décembres: 1888. Ariége. Nous avons peu d’observations personnelles sur la vallée du Salat et sur les montagnes qui se trouvent comprises entrecette vallée et celle de l’Ariége. Cependant il y a dans la planche déjà citée (vol. XIII du Bulletin , 2e série) trois petites coupes prises par nous dans cette région, coupes dont l’explication se trouve dans le t. VI de 1 Hist. des prog. de la Géol. de M. d’Archiac. i3ans la première, qui est comprise entre la chapelle de Sainte-Maure et le village de Francazal, on voit un calcaire à Dicérates, très-caractérisé, faisant partie d’un ensemble que je crois maintenant appartenir au grès vert. La seconde coupe, qui passe par Aubert, au bord de la pe- tite rivière du Lez, non loin de Saint-Girons, en se dirigeant par le bois de Lembège sur Montégut, offre un autre calcaire à Dicérates où les Caprotines sont évidentes* Ce calcaire où j’ai trouvé une grosse Térébratule, T. Dutem- pleana, d Orb., succède d’ailleurs, comme à Héchettes, dans la vallée d Aure, à des calcaires noirs bréchoïdes, veinés de blanc, dont 1 un, à larges veines, anciennement exploité par les Ro- mains, est un des plus beaux marbres de deuil connus (i). Le calcaire à Dicérates, qui est ici assez largement développé, piécede une assise marno-schisteuse où j’ai vu des traces d Ammonites et de Bélemnites (probablement B. semi-caualicu- latus), à laquelle succède une protubérance calcaire qui sup- porte le village de Montégut. Je n’insiste pas d’ailleurs sur ces assises dont les caractères ont été esquissés dans un travail sur le terram jurassique des Pyrénées, inséré dans le tome VI de 1 Hist. des prog. de la Géol. par M. d’Archiac, travail qui de- vrait etre considérablement modifié actuellement en ce qui concerne 1 âge relatif des couches qui y sont décrites. La troisième petite coupe, qui porte le n° 5 sur la planche du Bulletin de la Société géologique ci-dessus indiquée, passe par Montesquieu à une certaine distance à l’est du Salat. Celle-ci id lu! qUG lettGrrainjurassi(ïue’ et’ ^ nous la rappelons Z J qUe HaS del’AriéSe’ très-fossilifère res e de 1, T ’ ? 6St * PGU près comPosé comme dans le este de la chaîne, et qui! s’y trouve aussi recouvert par un l’EmieLValtoludeÉ3118 ^ °raementati^ d“ de MÉMOIRE DE M. REYMERIE. 311 étage de dolomie qui, lui-même, sert de base à une série de calcaires qui doivent être rapportés au grès vert. La conclusion à tirer des deux premières coupes, c’est que, dans la vallée du Salai, comme dans celles de la Garonne, d’Aure, etc., il y a deux niveaux de calcaires àDicérates, entre lesquels se trouvent diverses assises, notamment des schistes à Belemnites semi-canaliculatus. Les observations assez anciennes que nous venons de rappe- ler sont loin de suffire pour donner une juste idée de la com- position géologique du grès vert de la région intéressante dont Saint-Girons est le chef-lieu. Tout récemment, M. Magnan y a fait une exploration plus sui- vie et dans des circonstances scientifiques et matérielles très- favorables, et ilapurésumer ses étudeset les rendre sensibles en des coupes où l’on trouve la confirmation de ce fait, que nous ayons reconnu dans presque toutes les vallées à l’ouest de l’A- riége, savoir qu’il existe plusieurs assises de calcaires àDicérates, séparées par des marnes ou des calcaires noirs qui doivent être rapportés au terrain crétacé inférieur; mais, tandis que dans la Haute-Garonne ces assises intermédiaires sont dénuées de fossiles déterminables, on y trouve, dans la région explorée par M. Magnan, des fossiles aptiens et notamment Exogyra si- nuata et Toxaster Collegnii , qui viennent apporter ici des preuves positives en faveur de nos vues fondées sur des considérations purement stratigraphiques. Je citerai particulièrement la présence, dans ces couches à fossiles aptiens, d’un calcaireà Serpules, identiqueavec celui qui, à Barbazan et à Sauveterre, constitue un horizon remarquable dans un système que l’on avait jusqu’ici rapporté au calcaire du Jura , lumachelle d’un genre tout particulier, que nous avons aussi mentionnée au nord de Bagnères de Bigorre. Je dois encore signaler, dans ces coupes, que M. Magnan a bien voulu me communiquer, l’énorme développement d’un conglo- mérat à éléments volumineux, souvent gigantesques, qui ne faisait que se montrer dans les parties limitrophes delà Haute- Garonne, comme à Salies, Touille, etc., et dont l’identité avec les conglomérats crétacés de Miramont ne me paraît pas en- core établie. Passons à la vallée de l’Ariége. Là nous trouverons le pech de Saint-Sauveur où les diverses assises du terrain crétacé inférieur se sont, pour ainsi dire, condensées, de part et d’autre d;un noyau jurassique eu l’on retrouve encore le lias 312 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. moyen (cymbien) et les dolomies supra-liasiques, recouvertes d’un limon ferrugineux en partie pisolithique {bauxite) qui les sépare du système crétacé (1). Celui-ci forme principalement, au nord de cette montagne et du pech de Foix qui lui correspond du côté opposé de l’A- riége, un revêtement d’une faible épaisseur, et qui cependant renferme des fossiles qui sembleraient indiquer des âges assez différents. Le calcaire à Caprotines y est réduit à une mince assise; mais il y a d’autres calcaires qui sont très-riches en petites Orbitolines, qui contiennent en outre la plupart des fossiles les plus habituels de Vinport et de Sainte-Suzanne. J’indiquerai particulièrement les Rhynchonelles, ici très- abondantes, que nous avons déjà citées à Vinport. On y trouve aussi fréquemment Terebratula longella, Leym., Terebratella cras- sicosta , Leym., avec Ostrea macroptera et Ostrea carinata. En général, les brachiopodes y jouent un rôle important, comme à Vinport, et cette circonstance nous a déterminé à les étudier d’une manière toute particulière et à en faire l’objet d’une note paléontologique qui se trouve à la fin de ce mémoire. Sur ces couches reposent, au sud de la tuilerie de Sarda, avec des calcaires lithographiques exploités, d’autres couches à polypiers et à fossiles siliceux. M. Hébert dit avoir recueilli de ce côté, mais plus à l’est, au nord du pech de Foix, des espèces du gault. Ce fait n’a rien qui doive nous étonner, car que ne trouve- t-on pas dans cette mince assise de Foix I J’ai d’ailleurs re- connu moi-même Ammonites inflatus et A. latidorsatusy avec d’autres espèces indéterminées dans une argile noire, qui a été découverte récemment à Foix même en creusant le sol au pied sud de Saint- Sauveur, sur la rive gauche de la petite ri- vière de l’Arget. Cette assise repose de ce côté sur un ensemble assez mince de couches calcaires dont les plusinférieures ren- ferment, avec d’autres fossiles à l’état de moules, une grande et belle Nérinée, de forme cylindrique, N. Fuxea , Leym., dont j’ai des tronçons de 20 centimètres de longueur, et qui res- semble à N. Archimedi, d’Orb., dont elle diffère toutefois par ses plus grandes dimensions et par un sillon prononcé qu’elle (1) Voyez notre Esquisse géognostique de la vallée de l’Ariége [Bulletin de la Soc. gèol ., 2e série, t. XX, page 24 5). MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 313 porte vers le milieu de la concavité de ses tours. Nerinea Ar- chimedi se trouve aussi dans ce calcaire avec une autre espèce plus petite. Ce calcaire affleure plus loin, sur la route de Foix, aux ro- chers de Garalp où il offre avec des Nérinées de nombreux in- dividus de Terebratula longella , Leym. Il y a du même côté du pic une couche de calcaire à fossiles siliceux où j’ai recueilli anciennement, avec de jolis polypiers et diverses espèces de coquilles, Trigonia spinosa , espèce qui appartient à la faune de l’étage cénomanien. Quant au véritable calcaire à Dicérafes, il ne se manifeste pas nettement sur ce versant méridional de la montagne ; mais on peut l’observer avec un assez beau développement à l’ouest, dans le prolongement, sous le méridien de Cadarcet. Là il est remarquable surtout par le bel état de conservation des petites Orbitolines, qui abondent surtout dans les bancs les plus anciens ou plutôt à leur surface, lorsque celle-ci a été depuis longtemps exposée aux influences atmosphériques. Elles s’y montrent en saillie, dans toutes les positions, en vertu de leur nature sili- ceuse qui les a préservées de la destruction. Nous avons pris, sur les lieux, une petite coupe où s’accu- sent, d’une manière assez nette, les relations du calcaire à Di- cérates avec les terrains supérieur et inférieur. Nous la don- nons à la page suivante avec quelques mots d’explication. 314 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. Coupe des terrains secondaires suivant le méridien de Cadarcet [Ariège). ôaragne. Serre de Cor. Laplagne. Cadarcet. Berny. Montredon. m. Calcaire à Miliolites (éocène). k. Argiles rutilantes et calcaire lacustre (garumnien). g. Grès d’Alet et de Labarre (sénonien). Faille. t. Calcaire marneux avec polypiers et indices de rudistes (turonien?) h. Assise argileuse grise. d. Calcaire à Dicérates avec petites Orbitoünes, Rhynchonella parvula , Leym., Cidaris pyrenaica, etc. f. Horizon rouge avec pisolithes ferrugineuses {bauxite). e. Calcaire dolomitique. ^ j Lias moyen à Gryphœa cymbium et Terebratula subpunctata. ' | Infra-lias avec Avicula contorta observée, par M. l’abbé Pouech. i. Argiles grises et irisées avec calcaires. R. Schistes et calcaires dévoniens, avec une roche euritique en décompo- sition, renfermant un filon plombifère qui s’étend de l’est à L'ouest. On remarque dans cette coupe une faille au sud du grès de Labarre, de part et d’autre de laquelle les couches prennent des inclinaisons en sens opposé. La faune de cette région de l’Ariége, qui est si analogue à celle de Vinport et qui certainement appartient à la même époque, mériterait d’être complétée et étudiée avec soin , et ce n’est qu’à titre de document que nous donnons la liste des fossiles que nous avons pu recueillir jusqu’à ce jour. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 315 Nerinea Fuxea , Leym Saint-Sauveur côté sud. très-grande et belle espèce. — Archimedi , d’Orb Id. — sp. nova ?..... Turritella aurigera, Leym,... Pech-de-Foix, côté nord. voisine de T. Tournali, Coq. Cerithium pulchellum , Leym.. Id. — plusieurs espèces in- déterminées. Natica , plusieurs espèces avec les grandes Nérinées de Saint-Sauveur. Panopœa gigantea , Leym. ..... grande espèce du Pech-de-Foix, su h Ceromya Fuxea , Leym Id. Trigonïa spinosa, Park Saint-Sauveur, sud. — Picteti, Goquand Saint-Sauveur, nord. Bivalves (moules) indét St-Sauveur avec les grandes Nérinées. Ostrea macroptera , Sow environs de Foix. — carinata , Lam Pech-de-Foix, nord. — indét. — environs de Foix. Caprina Verneuili , Bayle? Saint- Sauveur, nord. Caprotina Lonsdalei, d’Orb.. . . Id. Terebratula longella , Leym. PI. III, fig. 1 et 2 Saint-Sauveur, Caralp, Pêch-de-Foix. Terebratula Chloris, Coq Pech-de-Foix, nord. Terebratula sella, Sow Pradières, Saint-Gironnais. — Dutemplana , d’Orb.. cale, à Caprotines d’Aubert, près Saint-Girons. Terebratella crassicosta, Leym. PL III, fig. 3 et 4 Id. (1) Rhynchonella parvula , Leym. PL III, fig. 8 et 9 Saint-Sauveur, Caralp, Cadarceh Rhynchonella aturica , Leym. P.l III, fig. 5 Pech-de-Foix, nord. Rhynchonella reqularis , Leym. PL III, fig. 6 Id. Rhynchonella conforta, d’Orb. PL III, fig. 7 Saint-Sauveur, Pech-de-Foix, nord. Rhynchonella elegans, Sow. PL III, fig. 7 vallée de Lherm. Rhynchonella lata (pars), d’Orb. Cidaris pyrenaica, Cotteau environs de Foix. (1) Je n’ai pas mentionné ici une grande Rhynchonelle à petits plis fins filiformes, égaux et réguliers qui se trouve avec R. aturica, et dont je n’ai que des échantillons incomplets ou écrasés. Cette espèco se rapproche A ia fois de R. aturica, de R. régularisai encore plus de R. difformis. 316 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE Hemiaster indét Pech-de-Foix, nord. Orbüolina conoidea , Alb. Gras. — discoidea , Alb. Gras. Nombreux polypiers à étudier... Certaines couches en sont pétries. Serpula assez grosse espèce .... — espèce presque filiforme en faisceau parallèle. Je n’ai pas compris dans cette liste les fossiles albiens cités dans le texte, considérés ici comme hors-d’œuvre. On sait que, dans le pays de Foix et dans cette ville même, le terrain crétacé est brusquement arrêté par une faille contre le granité; de sorte que la série sédimentaire, si continue et si régulière au nord de la montagne de Saint-Sauveur, se trouve là interrompue dans son développement inférieur. Cependant, au sud du massif granitique, on retrouve les anneaux de la chaîne brisée dans le calcaire à Dicérates de Bedeillac, près Taras- con, et dans les assises calcaires qui s’étendent au sud jusqu’à Ussat. ïl y a donc dans la vallée de l’Ariége au moins deux assises de calcaire à Caprotines qui appartiennent, l’une et l’autre, au terrain crétacé inférieur. Plus à l’est, le même calcaire s’accuse d’abord à Belesta et ensuite plus loin dans la même direction, par un relief ro- cheux abrupt qui reprend ici le rôle que nous lui avions reconnu dans les Pyrénées-Occidentales. Ce calcaire est remarquable, à Belesta même, par la présence de quelques bancs d’un marbre noir, assez curieux par les nombreux débris de polypiers qui s’y trouvent concentrés sous forme de petites parties, d’un blanc mat, très-rapprochées les unes des autres. Ce marbre, connu dans le pays sous le nom de grénite , a été employé pour la décoration de la place centrale de Carcassonne ; il y forme les fûts des colonnes qui marquent les quatre coins de la place. Cette muraille de calcaire à Dicérates se continue dans l’Aude, où nous allons la retrouver au sud de Quillan. Vallée de l’Aude, coupe entre Roquefort- de-Sault et Quillan. La petite ville de Quillan est située sur la rive gauche de l’Aude dans un bassin très-curieux qui constitue, pour le terrain qui nous occupe, un gîte véritablement classique. Nous nous y ar- rêterons donc un instant. Toutefois, nous n’avons pas lapréten- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 317 tion d'en faire une nouvelle description qui, certainement, ne vaudrait pas celle qui a été donnée par M. d’Archiac, dans son beau mémoire sur les Corbières. Nous nous contenterons de rappeler que ce bassin, remarquable par sa couleur noire et qui renferme de véritables montagnes composées de roches argilo-schisteuses, associées à des calcaires argileux de couleur très-sombre, est entouré de toutes parts, surtout au sud, au nord et à l’ouest, par une enceinte que l’on ne peut franchir qu’en gravissant des côtes très-rapides. Cependant la vallée de l’Aude le traverse, mais elle ne parvient à en sortir que par une étroite coupure du calcaire à Dicérates, et elle n’y entre que par une ouverture très-resserrée, à l’issue de plusieurs dé- filés profonds et abrupts qui se réduisent toutefois à deux principaux, savoir : la gorge de Pierre lis et celle de Saint- Georges. Ces gorges peuvent être regardées comme un des accidents les plus curieux et les plus pittoresques des Pyrénées. Leur fond est à peine assez large pour contenir la rivière qui s’y trouve encaissée entre des murailles presque verticales, ayant plus de 100 mètres de hauteur. M. d’Archiac a fait connaître la composition de cet ensemble qui se rapporte au terrain crétacé inférieur, et il en a même tracé une coupe, et nous devrions peut-être nous borner ici à y renvoyer le lecteur. Toutefois, cette coupe s’arrête en deçà des hautes régions où nous aurions intérêt à la voir s’étendre, et nous avons pensé qu’il ne serait pas inutile d’en produire une nouvelle en la poussant jusqu’au granité. C’est celle qui se trouve figurée, sous le n° 5, dans notre planche. Elle résulte d’une exploration que j’ai faite, en 1866, avec M. Magnan en la compagnie de MM. Paul Seignette et Sermet, et d’ob- servations antérieures qui me sont personnelles. Cette coupe traverse trois grands systèmes dans leur ordre d’ancienneté, savoir : le granité, le terrain de transition (dévo- nien), principalement calcaire, et enfin plusieurs crêtes de calcaires secondaires alternant avec des assises schisteuses, correspondant à des dépressions. L’ensemble des terrains stra- tifiés est fortement incliné toujours au sud, passant souvent à la position verticale. En suivant notre figure du sud au nord, on y voit d’abord le plateau granitique de Roquefort (1), auquel se trouve accolé (1) Ce granité appartient à la catégorie des passifs. On ne le voit pas 318 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18G8. un système de schistes, de calcaires et de dolomies que nous croyons pouvoir considérer comme dévonien, et c’est ainsi que M. d’Archiac les a représentés sur sa carte; mais il a eu tort de leur faire succéder du granité au fond des rivières de l’Aude et de la Guette. Ce granité n’y existe pas; il n’y a là que les premières couches d’un calcaire marmoréen blanc, sac- charoïde ou sub-lamellaire, qui constitue la crête qui succède au terrain de transition. C’est dans ce calcaire que s’ouvre la gorge dite de Saint- Georges, où l’Aude, qui jusque-là avait suivi une direction longitudinale relativement aux Pyrénées, commence à s’en- caisser en adoptant définitivement le sens du méridien qui lui fait traverser les massifs calcaires qui vont nous occuper. Cette première crête calcaire fait partie d’une longue arête ou chaîne (chaîne de Lesquerde) qui s’étend le long des Pyré- nées, notamment du côté oriental jusqu’à Estagel. C’est d’abord un marbre blanc, assez cristallin en certaines places, pour être considéré comme statuaire, et qui est accompagné parfois de dolomie et habituellement d’une brèche pâle, accidentée de jaunâtre, et le tout rappelle le marbre de Saint-Béat (Haute- Garonne) qui est regardé comme un calcaire jurassique mar- morisé. Ce marbre ne règne pas d’ailleurs dans toute l’étendue du défilé; il passe, vers le nord, à un calcaire compacte gris ou bleuâtre, accidenté par quelques parties bréchoïdes, et qui n’offre que çàefc là quelques faibles traces de marmorisation. Entre cette première crête et la suivante est un petit évase- ment qui annonce la présence de roches faiblement consistan- tes. Ce sont des calcaires bleus veinés, argilifères, passant à des lavasses; puis s’ouvre une nouvelle fracture également très- étroite et d’une profondeur effrayante, dont les parois sont presque exactement verticales, au sein d’une masse calcaire à pâte fine, à cassure compacte un peu argileuse, d’un gris clair uniforme, où il n’y a aucune trace de fossiles. C’est la deuxième section du défilé de Saint-Georges. Le géologue qui vient de traverser cette double gorge sau- pénétrer dans le terrain adjacent. C’est, du reste, une belle roche à feld- spath blanc abondant, mica brun ou noir, peu riche en quartz, avec horn- blende disséminée. Il donne en se désagrégeant une belle arène blanche. Le plateau de Roquefort offre des accumulations assez considérables de gros blocs du même granité. 1 MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 319 vage et profonde retrouve avec plaisir Pair et la lumière en entrant dans le bassin d’Axat, où la vallée se continue, mais avec des caractères bien plus modérés, au sein d’un puissant système de calschistes en dalles bien réglées et fortement in- clinées au sud, associées à des calcaires noirs qui, d’abord subordonnés aux dalles, deviennent ensuite dominants près de la rivière deRibenti, qui coule vers la limite de ce système. Après avoir passé la rivière, on a devant soi une nouvelle crête calcaire peu considérable que la vallée traverse en se resserrant, mais non d’une manière excessive. G’estun calcaire à Dicérates où les Caprotines se montrent très-nombreuses et bien caractérisées, auquel succède une assise de schistes noi- râtres, qui donne à la vallée l’occasion de former encore un évasement beaucoup plus restreint que le précédent, au bord duquel s’élève le village de Saint-Martin. En quittant cette partie évasée, l’Aude traverse une dernière gorge plus longue et presque aussi sauvage que celle de Saint- Georges, et qui est tellement resserrée que ce n’est qu’en creusant la roche en berceau et en tunnel, dans le mur qui domine la rive gauche de la rivière, que l’on a pu y pratiquer un chemin qui était bien nécessaire pour faire communiquer avec la plaine les pauvres habitants de la haute vallée (1). C’est la Pierre lis , dont la roche dominante est un calcaire plus ou moins compacte, gris bleuâtre, veinulé de blanc çà et là, où je n’ai pas remarqué de Caprotines. Ce défilé entre dans le bassin de Quillan par une ouverture profondément entaillée dans une grande plaque calcaire, à peu près verticale, derrière laquelle est une petite assise de schiste noir calcarifère, où j’ai trouvé Orbitolina discoidea et une Lime, qui est un peu plus grande que Lima Cotlaldina , d’Orb. La coupe, en sortant de ces défilés, montre le bassin de Quillan lui-même, composé de roches schisteuses qui suivent à peu près l’allure générale ci-dessus indiquée, avec des pertur- bations locales qui sont, en partie, la cause du relief caracté- risé qu’elles présentent. M.d’Archiaca bien décrit ces schistes au milieu desquels se trouvent isolés ou groupés des bancs de (1) Ce chemin est dû à l’énergie et à la persévérance d’nn pauvre curé, le curé de Saint-Martin, qui, travaillant de ses mains avec les paysans de la contrée, est parvenu à accomplir cette œuvre que l’on aurait pu croire impossible sans le secours des moyens puissants employés actuellement pour les travaux publics. 320 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. calcaire noirâtre ou bleuâtre très-durs. Nous ajouterons que ces schistes, habituellement calcarifères, contiennent souvent des rognons calcaréo-ferrugineux compactes, qui rappellent singulièrement ceux du terrain schisteux noir de Tardets et de la vallée de Barétous (Basses-Pyrénées). Ces deux assises noi- res, si éloignées géographiquement Tune de l’autre, offrent les mêmes caractères lithologiques et les mêmes rapports de po- sition. Mais, dans celle du bassin de Quillan, il y a ce qui manque dans les Basses-Pyrénées, savoir : des fossiles tout à fait expressifs comme Exogyra sinuata ou aquila , Toxaster Col - legnii , espèces essentiellement aptiennes, qui doivent au moins affirmer le droit de ces schistes noirs à faire partie du terrain crétacé inférieur. La rivière d’Aude, après avoir traversé ce bassin, en sort en- fin par un étroit goulet, ouvert dans une dernière crête con- sistante qui est encore composée de calcaire à Dicérafes; après quoi elle entre dans un système tout différent et discordant avec le précédent, remarquable par sa couleur rouge. C’est l’étage crétacé tout à fait supérieur que nous avons appelé garumnien (1). Telles sont la composition et les relations réciproques des terrains traversés par notre coupe. Si nous les reprenons à partir du calcaire marmoréen, où commence la série secon- daire, nous éprouverons d’abord quelque embarras pour clas- ser la crête dont ces calcaires font partie. Sa position à la base de la série et la très-grande ressemblance de ses roches mar- moréennes, principalement de ses brèches, avec les calcaires du Mont à Saint-Béat, me porteraient à croire qu’elles appar- tiennent au terrain jurassique. J’étendrais même cette déter- (1)11 est bien remarquable que cet étage lacustre, qui n’est autre chose que l’assise supérieure du groupe d’Alet de M. d’Archiac, n’offre dans l’intérieur du bassin de Quillan aucun affleurement, tandis qu’il se développe large- ment à l’extérieur au nord et à l’ouest. Rien n’est si frappant, lorsqu’on est sur un des cols par lesquels on sort du bassin à l’ouest, que le contraste de la couleur noire de ce dernier avec l’aspect rutilant du bassin de Brenac où les argiles garumniennes, avec lès calcaires et les poudingues qui les accompagnent, s’étalent largement dans une plaine en s’appuyant au sud d’une manière discordante contre les mu- railles abruptes du calcaire à Dicérates ; d’où il résulte que le bassin de Quillan était déjà formé lorsque le lac garumnien est venu envahir la con- trée, entourer le bassin et déposer ses sédiments à l’extérieur de son en- ceinte trop élevée pour que ses eaux aient pu la franchir . MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 321 mination jusqu’aux calcaires du défilé de Saint-Georges et ce serait au bassin d’Axat que je ferais commencer le grès vert; d’où il résulterait que des deux grandes chaînes signalées par M. d’Archiac, l’une, la chaîne de Lesquerde, serait jurassique, tandis que celle de Saint-Antoine serait crétacée ainsi que les schistes noirs de Saint-Paul de Fénouillet et de Caudiès qui séparent ces deux grands reliefs. Il y a cependant contre cette manière de voir, que nous émettons ici simplement comme possible, une objection à faire : c’est que nous avons vu partout jusqu’ici le terrain jurassique se terminer par des dolomies succédant au lias fossilifère, et que ni l’un ni l’autre de ces caractères ne se présentent ici. Je ferai remarquer, d’un autre côté, qu’il y a, dans le sys- tème du grès vert, en le supposant même réduit conformémentà l’hypothèse qui vient d’être hasardée, au moins deux calcaires à Dicérates très-caractérisés, l’un à St-Martin, au sein du système argilo-calcaire inférieur noir d’Axat, et l’autre à la limite même de l’étage crétacé inférieur, à Saint-Ferriol, à l’issue du bassin de Quillan ; d’où l’on voit que cette récurrence du calcaire à Dicérates de la vallée de l’Aude, qui avait été considérée comme un fait extraordinaire pour lequel on avait mis en avant des moyens d’explication peu naturels, est absolument con- forme au plan que la nature a suivi dans la composition et la structure des terrains pyrénéens. Les calcaires et les schistes traversés par la coupe que nous venons d’expliquer se prolongent au loin vers l’est, ainsi que nous l’avons déjà dit, en lignes longitudinales, de manière à former principalement deux crêtes saillantes comprenant entre elles une vallée noire sans rivière où ’se trouvent des fossiles aptiens, parmi lesquels se mêlent un certain nombre d’espèces très-connues pour appartenir à l’albien ou gault. Ces crêtes et le sillon noir qui les séparent s’étendent jusque dans le dé- partement des Pyrénées-Orientales et préludent aux Corbières orientales et^aux montagnes delà Clape. M. d’Archiac ayant donné une description détaillée de ces contrées extrêmes, nous nous dispenserons d’en parler autre- ment que pour appeler l’attention sur un fait général qui con- firme nos vues sur le grès vert pyrénéen. Le savant [géologue que je viens de citerja^partout reconnu, dans ces régions orientales, qui forment une sorte d’appendice aux Pyrénées, i^que le calcaire à Dicérates y était supérieur à un autre étage argilo-marneux que caractérisent principalement Soc. géol.} 2 e série, tome XXVI. 21 322 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. des fossiles aptiens et qui renferme aussi des espèces néoco- miennes. Cet état de choses était contraire à ce qui se passe en Provence où c’est l’ordre inverse qui se trouve constamment observé ; mais il n’a rien de nouveau ni d’insolite à l’égard des Pyrénées, où nous avons vu, presque partout, deux calcaires à Dicérates, dont l’un est habituellement postérieur à une assise argileuse comparable à celle qui, à Quillan et à la Clape, a été considérée comme représentant l’étage aptien. Ici seulement il n’y aurait qu’un calcaire à Dicérates supérieur, ou bien l’as- sise la plus ancienne n’existerait que dans la profondeur où elle resterait cachée par l’étage marneux, qui, généralement, est peu incliné dans la région dont il s’agit. RÉSUMÉ. — CONCLUSIONS. Arrivé au terme de la tâche que je m’étais imposée, je rap- pellerai au lecteur ce que j’ai annoncé en commençant, c’est-à- dire que je n’ai ici, en l’accomplissant, d’autre but que d’es- quisser rapidement les caractères généraux du terrain crétacé inférieur des Pyrénées, tel que je suis arrivé à le concevoir après maintes tentatives et oscillations. J’aurais préféré ne produire ce travail que plus tard, lorsque j’aurais été en mesure d’utiliser les nombreux matériaux que j’ai recueillis dans toutes les vallées. Je regrette particulière- ment d’avoir négligé la partie paléontologique ; mais des cir- constances, que je ne veux ici ni caractériser ni qualifier, ne me permettaient pas d’ajourner cette manifestation de mes longues études sur la question difficile dont il s’agit. On vou- dra bien, je l’espère, me tenir compte de cette nécessité. Au reste, quelque incomplet et insuffisant que soit le travail que je soumets aujourd’hui aux géologues, il renferme assez de faits significatifs pour que je puisse me croire autorisé à en tirer quelques conclusions importantes, que je vais énoncer après un court résumé. Résumé. Le calcaire à Dicérates de Dufrénoy constitue le caractère le plus marqué du terrain crétacé inférieur des Pyrénées, où ce calcaire se fait facilement reconnaître par des sections courbes, de formes variées, de couleur noire, qui accusent la présence d’une Caprotine que les géologues semblent vouloir rapporter à C. Lonsdalei , d’Orb., espèce urgonienne. Ces traces de Ca- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 323 protines sont souvent accompagnées de radioles de Cidaris (C. pyrenaica, Cotteau) et quelquefois de petites Orbitolînes {O. discoidea , O. conoidea) qui, en Dauphiné, se trouvent ha- bituellement dans l’étage aptien. Ce calcaire à Dicérates n’occupe pas une place unique dans la série des assises que nous comprenons dans l’étage crétacé dont il s’agit. Il s’y montre par récurrence au moins deux fois, et forme ainsi deux zones fort redressées, ordinairement sail- lantes, qui s’étendent, à travers les vallées, dans presque toute la longueur de la chaîne, entre la vallée de Mauléon et l’extré- mité des Pyrénées-Orientales. Ces zones sont séparées et quel- quefois suivies par des schistes argilo-calcaires et des calcaires noirs habituellement sans fossiles, mais renfermant dans quel- ques lieux privilégiés (Sainte-Suzanne près Orthez, Ariége au nord de Saint-Girons, Quillan) les fossiles les plus caractéristi- ques de l’étage aptien de d’Orbigny. D’où il résulte que, dans les contrées pyrénéennes, les deux types urgonien et aptien se confondent, les fossiles habituels de ces types se trouvant localisés, non en raison de leur âge relatif, mais bien plutôt eu égard à la nature minéralogique des assises qui les renferment. Cet état de choses est d’ailleurs conforme à celui qui a été reconnu par M. Coquand en Espagne et en Algérie, régions qui appai tiennent à un même faciès, comprenant les Pyrénées, qui pourrait s’appeler méditerranéen , la séparation de ces deux types en Provence devant être regar- dée comme un cas particulier. Dans la plupart des vallées pyrénéennes, au sud de cette série urgo-aptienne , entre elle et les dolomies jurassiques, se trouvent de nouveaux calcaires, de couleur foncée, qui n’of- frent généralement aucun fossile reconnaissable, qui étaient autrefois regardées comme jurassiques etque nous comprenons dans le même étage crétacé. D’un autre côté, il se développe en avant de la même série et habituellement en discordance avec elle, dans la partie centrale de la chaîne, un système de con- glomérats à gros et petits éléments, de grès et de schistes ter- reux, contenant les petites Orbitoline3 déjà citées, qui pourrait être regardé comme une assise supérieure de la même formation. Le tout réuni forme un grand étage ayant une puissance de 5,000 à 6,000 mètres et dont les couches sont habituellement redressées sous un angle très-grand, qui détermine un plonge- ment méridional dans la plupart des cas, avec une orientation qui les porte fréquemment à PO. S, O. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. La régularité stratigraphigue de cet étage est quelquefois troublée par des failles et par des discordances qui se mani- festent principalement dans les Pyrénées centrales. Conclusion. Après avoir résumé les faits de notre mémoire qui se rap- portent à la composition géognostique et à la stratigraphie, occupons-nous de la partie paléontologique et des rapproche- ments ou références que la distribution des fossiles pourra nous suggérer, malgré l’état assez peu avancé de nos connais- sances à cet égard. La faune du grand étage qui nous occupe, il faut en convenir, offre des caractères suffisants pour qu’il soit convenable de la rapprocher du type néocomien. Toutefois je rappellerai ici une remarque qui a déjà été faite : c’est qu’on n’y rencontre jamais Exogyra Couloni ni les céphalopodes déroulés et les Bélemnites plates qui caractérisent, en Provence, le néocomien inférieur; le Toxaster complanatus , lui-même, ne s’y montre que rarement. J’appellerai l’attention, d’un autre côté, sur le faciès céno- manien qu’offrent certains gîtes, notamment ceux de Yinport et de Foix, où l’on trouve, comme fossiles habituels, des Rhynchonelles , dont quelques-unes se rapprochent de R. Lamarckiana , d’Orb., avec Ostrea carinata , Trigonia spi - nosa , etc. etc., circonstance qui m’avait déterminé, à une cer- taine époque, à élever au niveau cénomanien une partie des calcaires à Dicérates, détermination erronée sans doute, mais que j’avais faite en bonne compagnie, puisque c’est à peu près en même temps que M. Bayle émettait, devant la Société géo- logique, l’opinion que le calcaire à Dicérates des Pyrénées était cénomanien, et que MM. de Yerneuil et Triger disaient en revenant des provinces basques espagnoles, qu'il n'y avait rien de plus ancien dans cette partie de l'Espagne , qui est cependant constituée comme nos montagnes, à l’égard du terrain crétacé inférieur [Bulletin de la Société géologique , t. XVIII, page 361) (1). Le grand étage pyrénéen, dont nous venons d’esquisser les (1) Les Caprotines, que l’on regarde actuellement comme C. Lonsdatei , étaient alors rapportées à C. lœvigata, espèce cénomanienne ; et il faut avouer que ces deux espèces se ressemblent beaucoup. MM. de Verneui] et Triger citaient d’ailleurs dans les mêmes couches Rhynchonella conforta, d’Orb., variété de Lamarckiana ?, Ostrea carinata, etc. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 325 principaux caractères, présente aussi, çà et là, une légère teinte d’albien ou gault, notamment à Foix, à Quillan, et sur- tout à Saint-Paul de Fénouillet où des schistes noirs, qui cor- respondent à ceux d’Axatet qui sont par conséquent plus an- ciens que le calcaire à Dicérates de Saint-Martin, et, à plus forte raison, que l’assise de Quillan, contiennent, dans leur faune principalement aptienne, des espèces albiennes très- caractéristiques, signalées par M. d’Archiac, comme : Nucula pectinata , Sow., Cardita tenuicosta, Mich., Ammonites Mille- tianus , cl’Orb. Ilrésultede ces dernières considérations quelesseules faunes qui aient un caractère de généralité suffisant pour qu’il soit permis deles considérer commefaunes pyrénéennes, sont celles qui se rapportent aux types urgonien et aptien de la Provence, le premier de ces types n’y étant caractérisé réellement que par un seul fossile, Caprotina Lonsdalei, que l’on ne trouve que très- rarement à un état déterminable. D’un autre côté, la strati- graphie nous oblige à ne pas séparer ces deux types et à les réunir dans un seul groupe. Il semblerait dès lors assez naturel d’appeler notre étage ur go-aptien ou néocomien supérieur; mais cette dénomination laisserait en dehors les fossiles assez nom- breux du calcaire à Spatangues, que l’on trouve à la Glape et dans quelques parties des Corbières, et la série des calcaires qui, dans la plupart des vallées, précèdent au sud les calcaires à Dicérates, série qui représente peut-être le néocomien infé- rieur. Dans le sens opposé, le même nom ne pourrait com- prendre les fossiles albienset cénomaniens qui s’introduisent, çà et là, dans la faune générale. Nous croyons être plus dans le vrai en appelant grès vertt out cet ensemble, ce nom étant rétabli avec le sens large qu’on lui attribuait jadis, en Angleterre, où il s’appliquait à toute la partie du terrain crétacé qui est inférieure à la craie propre- ment dite, et qui avait été adopté par Dufrénoy. On trouvera peut-être un peu vague cette conclusion ; mais elle répond à l’état mixte et indécis de l’étage dont il s’agit; il est des cas où la précision est opposée à V exactitude. Nous devons toutefois faire ici une réserve. En mentionnant quelques fossiles cénomaniens qu’offrent certaines couches fossilifères de l’étage, nous ne prétendons qu’exprimer un fait, une nuance, et il ne faudrait pas en conclure que nous rattachons à notre grès vert le type cénomanien, tel que d’Or- bigny Fa établi. 326 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1863. Cette question tient d’ailleurs à une difficulté qui nous préoccupe encore actuellement : je veux parler de la déter- mination de la ligne où commence la craie (terrain crétacé supérieur). La séparation des deux étages crétacés paraît, au premier abord, très-tranchée dans nos montagnes et semblerait coïnci- der avec une dénivellation longitudinale très-brusque, qui forme un des traits les plus accentués du relief pyrénéen (1). Nous avons déjà dit que le calcaire à Dicérates se présentait, vers le pied des montagnes, comme une haute muraille à la base de laquelle la craie constituait une basse région relative- ment plane, qui semblerait résulter d’un affaissement en masse au nord d’une grande faille. Cet état de choses est no- tamment très-marqué dans le Béarn et dans une partie du pays basque, surtout en traversant les vallées du Gaison, d’Aspe, d’Ossau. Il s’accuse encore d’une manière frappante dans le pays de Bigorre, en bas des vallées d’Argelès, de l’Adour, d’Aure, dans l’Ariége et surtout dans les Corbières. Ces der- nières montagnes offrent même une discordance manifeste entre le calcaire à Dicérates et les couches inférieures de la craie, en sorte que là l’hypothèse d’une révolution qui aurait séparé les deux divisions se trouve réalisée. Dans l’Ariége, peut-être, y a-t-il aussi des exemples de cette discordance ; mais elle ne paraît pas exister partout. Ainsi, dans les vallées d’Aspe et du Gaison, les dernières crêtes du calcaire à Dicéra- tes semblent sortir d’une assise de schistes calcarifères noirs, que Ton pourrait qualifier d’aptiens, et qui, d’un autre côté, forment un élément de la plaine où ils se lient aux schistes et aux calcaires à fucoïdes. Il y a d’ailleurs dépression de part et d’autre de ces crêtes. D’un autre côté, je ferai remarquer que le rôle de muraille dominant une plains schisteuse est aussi celui du calcaire à Caprines (cénomanien) du canton de Sare (Basses-Pyrénées). Sans rejeter l’idée d’un mouvement du sol qui aurait eu lieu, en certaines parties de notre chaîne, notamment dans les Corbières après le dépôt du calcaire à Dicérates, je pense qu’il pourrait se faire que la principale cause de cette brusque dif- (1) L’ingénieur Flamichon avait reconnu ce fait orographique dès 1780. Il se trouve consigné dans un ouvrage aujourd’hui oublié, intitulé : Théorie de la terre déduite de T organisation des Pyrénées, qui contient quelques autres aperçus très-remarquables pour l’époque. MEMOIRE DE M. LEYMERIE. férence de niveau qui nous occupe se trouvât dans la dénu- dation qui aurait agi largement et efficacement en dehors des dernières assises rocheuses des Pyrénées sur les schistes ter- reux peu consistants qui se développent presque seuls en avant des montagnes. Nous rappellerons à cet égard que, dans le soulèvement local d’Orthès, les couches marneuses et les schistes pourris qui succèdent, du côté sud, au calcaire à Ca- protines, et la craie à Ananchytes qui constitue les coteaux au nord, paraissent concordants avec lui, et se conforment à l’in- clinaison qu’ils devaient prendre par l’effet du soulèvement, qui a dû, par conséquent, s’effectuer postérieurement à la for- mation de la craie. La délimitation dont il s’agit se rattache aussi à la solution d’un problème qui offre des difficultés : je veux parler de la classification de la grande formation schisteuse et calcaire à fucoïdes qui constitue presque tout le bas pays béarnais et basque, formation plus complexe qu’il ne le semble au premier coup d’œil et qui représente plusieurs assises de la craie et peut-être même une partie du grès vert. Nota. — Depuis que ce mémoire est écrit, j’ai eu connaissance des ob- servations qui ont conduit quelques géologues allemands à lier avec le terrain crétacé inférieur les assises supérieures de la formation jurassique et à faire de certains étages, où la séparation leur a paru impossible, un type mixte qu’ils appellent tithonique. Aurais-je fait ici du tithonique sans le savoir? Dans tous les cas, les auteurs auxquels je fais allusion pourraient trouver dans l’état de choses que je viens de signaler dans ce mémoire, en toute sincérité, un nouvel appui pour leurs idées systématiques que je me réserve d’étudier d’une manière plus spéciale. NOTE SUR LES BRACHYOPODES DU GRÈS VERT PYRÉNÉEN. Nous avons vu que les brachyopodes jouaient un grand rôle dans certains gîtes de grès vert pyrénéen qui semblent consti- tuer un faciès particulier, que nous appelons mixte , vers la partie supérieure de cette importante formation. Au premier aperçu, les faunes de ces régions mixtes, qui sont principalement caractérisées à Vinport, dans les Landes, et aux environs de Foix, nous avaient paru offrir un faciès cé- nomanien. Cette idée, qui était venue en même temps à MM. de Yerneuil et Triger pour les provinces basques de l’Es- pagne, m’avait été particulièrement suggérée par les Rhyncho- SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. 328 nelles qui occupent dans ces faunes une place considérable. En effet, parmi ces brachyopodes pyrénéens, il en est qui semblent pouvoir être rapportés aux types R. Lamarckiana et R. con- forta, tels qu’ils sont figurés dans les planches de d’Orbigny (1). Tout récemment, j’ai voulu éclaircir les doutes que j’avais con- çus à cet égard et j’ai prié M. Guéranger, qui a étudié les fos- siles du Mans avec un soin consciencieux, de m’envoyer les meilleurs types de Rhynchonelles de cette localité classique, notamment R. Lamarckiana , d’Orb., avec toutes ses variétés. Ce savant paléontologiste a été au delà de mes désirs en m’a- dressant une suite nombreuse d’individus parfaitement conser- vés, et la comparaison que j’ai pu faire alors de nos espèces avec celles du Mans m’a convaincu que celles-ci, à l’exception d’une seule, étaient différentes. Ayant d’ailleurs vainement cherché à rapporter nos Rhynchonelles à des types connus, j’ai dû prendre le parti de les décrire et de les figurer sous de nou- veaux noms, dans une petite planche (PI. III) que l’on trouvera à la fin de ce mémoire. Voici un petit état des brachyopodes de notre grès vert, considéré, seulement dans les Pyrénées proprement dites, avec des descriptions succinctes pour ceux que j’ai été amené à considérer comme nouveaux. r Etat des brachyopodes du grès vert. Terebratula longella, Leym., PI. III, fig. 1, a, b, c et fig. 2. — Le nom que nous donnons à cette espèce indique sa petite taille et sa forme allongée. Elle est lisse, ovalaire, peu épaisse et porte au front deux légers plis qui ne se prononcent bien que chez les individus adultes. Valve dorsale sub-carénée ; valve ventrale un peu bombée sous le crochet qui est court et percé d’un trou rond de médiocre grandeur. Longueur : 20 à 25 millim.; largeur: 14 à 16 millim. ; épaisseur : 8 millim. Cette Térébratule, qui n’est pas sans offrir quelque analogie (1) L’habitude où était Aie. d’Orbigny de figurer beaucoup d’espèces avec des dimensions exagérées et la régularité mathématique et uniforme qu’il donnait systématiquement à ses figures ont nui singulièrement à la vérité des types qu’il a fait représenter, et il en résulte que le géologue qui se sert de ces figures, en quelque sorte artificielles, pour déterminer certains genres de fossiles, doit souvent être porté à des hésitations et à des erreurs. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 329 avec T. prœlonga, Sow., en diffère toutefois par sa taille qui est moindre et par ses plis moins prononcés. Elle a été confondue à tort avec T. pseudojurensis , Leym., du calcaire néocomien de l’Aube. Il est vrai qu’elle ressemble à cette espèce par sa taille et par sa forme allongée; mais ses contours sont diffé- rents. Elle est plus ovalaire et son front n’est pas tronqué ou digone comme celui de l’autre espèce, telle que nous l’avons décrite et figurée. On peut regarder cette Térébratule comme le fossile le plus habituel et le plus caractéristique du faciès mixte de notre grès vert. Elle est très-répandue à Vinport et dans le pays de Foix où elle accompagne les petites Orbitolines (Saint-Sauveur, Caralp, Pech-de-Foix). Terebratula sella , Sow. — Cette espèce, qui est très-fréquente à la Clape et dans quelques parties des Corbières, ne se montre qu’assez rarement dans les Pyrénées proprement dites, et je suis porté à croire que l’on a quelquefois cité sous ce nom des Térébratules qui dépendent d’autres espèces. M. Hébert l’a signalée à Vinport et au Pech-de-Foix, et M. Magnan au nord de Saint-Girons, dans l’Ariége. Terebratula Chloris, Coquand. — Cette Térébratule remarqua- ble par sa forme toute spéciale et par son test lisse et comme poli, se rapporte exactement à celle que M. Coquand a décrite et figurée pl. XXII, fig. 3 à 5 de sa Monographie de l’étage aptien d’Espagne. Celle-ci provenait des couches supérieures d’Obon (Aragon); la nôtre se trouve rarement à la base nord du Pech- de-Foix dans les couches à Orbitolines. Terebratula tamarindus , Sow. — Cette jolie espèce, qui est fréquente à la fontaine salée de Sougraigne (Corbières) se trouve aussi à Bérenx, près Orthès, et à Vinport où elle est souvent représentée par des individus jeunes de figure ovoïde. Terebratula lentoidea , Leym. — Celle-ci, à contour tranchant et orbicuîaire, est de la taille de la précédente, qu’elle accom- pagne dans les localités citées. Elle pourrait bien n’être qu’une variété de cette espèce où les protubérances latérales auraient disparu. Terebratula Dutempleana, d’Orb. — Nous rapportons à cette espèce une grande et grosse Térébratule, ovalaire, lisse, que nous avons extraite du calcaire à Caprotines d’Aubert, près Saint-Girons, fossile qui nous paraît identique, malgré quel- ques légères défectuosités, avec le grand individu figuré par d’Orbigny dans la paléontologie française (T. crétacé), pl. 511, 330 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. fig. 1, 2, 3, et que cet auteur a cité comme provenant du gault. Longueur: 50 millim., largeur 40 millim., épaisseur 29 roillim. Au premier aperçu, on lui trouve certains rapports avec T. perovalis , Sow., espèce bajocienne qui en diffère par cer- tains détails de forme, notamment parla valve ventrale qui est plus bombée dans notre espèce. Terebratella crassicosta , Leym., PI. III, fî g. 3, a, b ; fig. 4. — Cette Térébratelle est une des espèces les plus importantes pour notre grès vert. C’est un type spécial jusqu’à présent aux Pyré- nées. Elle est à peu près de la taille de Terebratella Menardi et lui ressemble pour la forme générale, surtout dans le jeune âge. Ces espèces ont l’une et l’autre une longue area et une grande ouverture; mais la Térébratelle pyrénéenne n’a pas, comme celle du Mans, un sillon dorsal correspondant à un relèvement de la valve ventrale. Le caractère distinctif essentiel de notre espèce consiste dans ses grosses côtes, peu nombreuses, arron- dies et grossièrement écailleuses, quelquefois même noduleu- ses, irrégulièrement dichotomes, caractère qui se prononce de plus en plus avec l’âge et qui nous avait suggéré le nom de crassicosta avant que M. Hébert eût proposé celui de Delbosi. Hauteur: 15 mUlim.; largeur, 18 millim. L’épaisseur augmente avec l’âge par des accroissements successifs, qui se manifestent par des rides au front des vieux individus. Rhynchonella aturica , Leym., PL III, fig. 5, a, b, c. — Grande espèce, trigone, un peu transverse, peu épaisse, acuminée, crochet ordinairement allongé et aigu. La base a la forme d’un arc assez étendu dont la régularité n’est troublée que par une légère déformation. Côtes saillantes, filiformes, nombreuses et serrées. Valve ventrale convexe dans les individus bien conser- vés, souvent aplatie par compression. Hauteur: 25 millim.; largeur, 23 millim.; épaisseur, 15 millim. Cette espèce est le principal type des Rhynchonelles du grès vert de Vinport et de Foix. Les autres grandes espèces s’y rat- tachent par des analogues. Les individus le mieux caractérisés se trouvent à Vinport sur la rive gauche de l’Adour; d’où le nom d 'aturica. R . aturica est assez souvent aplatie par com- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 331 pression, auquel cas elle ressemble un peu à R. compressa , d’Orb., qui est à peu près delà même taille. Rhynchonella regularis , Leym.,Pl.III, fig. 6, a, b. —Nous avons hésité avant de créer cette espèce, qui ressemble à la précé- dente en quelques points, notamment parla taille; mais il y a aussi entre ces deux Rhynchonelles des différences assez mar- quées qui nous ont déterminé à une séparation. Sa forme, plus transverse, au lieu d’être trigone, est ovoïde transversa- lement, et son crochet est relativement court; les côtés sont gracieusement arrondis et le front est assez large et régulier. La valve ventrale se relève modérément. Les plis sont assez fins, ronds, serrés, uniformes. En somme, cette espèce est gracieuse de forme et régulière dans toutes ses parties, et mérite le nom que nous lui avons attribué. Hauteur : 23 millim.; largeur, 29 à 30 millim. ; épaisseur, 14 raillim. Elle est moins fréquente que R. aturica , avec laquelle on- ia trouve dans les gîtes précédemment cités. Rhyrichonella conforta, d’Orb.,Pl.HI, fig. 7, a, b. — Il ne peut guère y avoir de doute sur l'identité de cette espèce cénoma- nienne avec une de nos Rhynchonelles que l’on trouve assez fré- quemment à Foix et à Yinport, en compagnie des grandes es- pèces ci-dessus décrites et dont nous donnons la figure dans notre planche. Elle est de moyenne taille, un peu trigone, assez globuleuse, à peine transverse, et porte des plis assez gros. C'est probablement cette Rhyncbonelle qui a été souvent citée par M. de Yerneuil sous le nom de conforta dans le grès vert d’Espagne. Hauteur: 21 millim.; largeur, 22 milfira. ; épaisseur, 15 millim. Rhynconhelia elegans , Sow. — Nous conservons ce nom pour une Rhyncbonelle à petits plis réguliers, à front relevé, que d’Or- bigny a réunie, suivant nous, à une ou deux autres espèces sous le nom de laùa. La nôtre, que nous avons trouvée au nord du Pech-de-Foix, dans la vallée de Lherm, et dont la place géo- gnostique reste un peu incertaine, se rapporte exactement à la figure 11, Pl. HT, que M. de Yerneuil a donnée dans le t. X du Bulletin, 2e sér., pour une Rhyncbonelle provenant du calcaire à Caprotines d’Espagne, qu’il a désignée sous le nom de lata. Rhynchonella parvula, Leym., Pl. III, fig. 8, a, b, c; fig. 9. — Petite espèce presque aussi haute que large, subtrigone, assez déprimée; crochet aeuminé assez court, percé d’une ouverture 332 SEANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. ronde; contour circulaire à la base, avec une légère sinuosité au front; plis fins et serrés. Hauteur maximum, ’ 15 millim.; largeur, 14 à 15 millim.; épaisseur, 9 millim. Elle ressemble pour la forme générale au jeune individu du groupe des lata de d’Orbigny, représenté dans ses figures 15 et 16, dont elle diffère essentiellement par la taille qui est bien moindre môme dans nos individus adultes qui sont d’ailleurs moins allongés. Elle diffère encore plus de R. depressa , Sow., non-seulement par une taille moindre, mais encore par la fi- nesse de ses plis et même par la forme générale. Elle se trouve souvent dans le calcaire à Caprotines, sans connexion avec les grandes espèces ci-dessus décrites, notam- ment à Berenx et à Sainte-Suzanne, près Orthès, et dans le pays deFoix à Yernajoul, Caralp, Cadarcet. Rhynchonella Eudesi , Goquand, PI. III, fig. 10 a, b. — Nous avons profité d’une petite place à la fin de notre planche de brachiopodes du grès vert, pour figurer cette Rhynchonelle sé- nonienne qui joue un rôle important dans notre craie propre- ment dite, notamment dans le calcaire argileux d’Ausseing, sous-jacent aux couches à Hemipneustes. Nous l’avions désignée par le nom d’alata dans notre mémoire sur la craie de Gensac et de Montléon ; mais il y a longtemps que nous avons reconnu qu’elle devait constituer une espèce particulière que nous ap- pelions subalata. Ce n’est que tout récemment que nous avons appris de M. Coquand qu’il avait décrit et figuré la même Rhynchonelle sous le nom d * Eudesi, dans son important travail sur la région de Gonstantine où elle gît, comme dans la Haute- Garonne, au sein d’une assise sénonienne. Elle est également très-répandue au même niveau géognostique dans la Dordogne, notamment à Périgueux. • ESSAI D’UNE CLASSIFICATION DU TERRAIN CRÉTACÉ DES PYRÉNÉES. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire sur le terrain cré- tacé des Pyrénées et que nous ne soyons pas encore en mesure d’en donner une classification tout à fait générale, nous avons pensé qu’il ne serait pas inutile, maintenant que nous avons à peu près fixé les limites et les caractères de l’étage inférieur, de faire connaître le point où nous en sommes sur cette partie MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 333 importante de la géologie pyrénéenne qui a été l’objet princi- pal de nos études pendant un grand nombre d’années. Tel est le but que nous avons cherché à atteindre en con- struisant le petit tableau ci-après. Le terrain crétacé pyrénéen s’y trouve divisé, conformément aux idées de Dufrénoy, en deux grands étages, savoir : le grès vert et la craie , ce dernier nom n’étant appliqué qu’à la craie proprement dite, y compris la craie chloritée. L’étage inférieur, qui se compose essentiellement deVurgo- nien réuni à Y aptien, est cependant nuancé çà et là par des fossiles du calcaire à Spatangues, du gaultetmême du cénoma- nien. Il offre, dans toute l’étendue de la chaîne, à peu près les mêmes caractères essentiels, dont le plus marqué consiste dans la présence de plusieurs assises de calcaire à Dicérates, Dufr., qui s’y dessine, principalement à l’extérieur, sous la forme d’une crête saillante. Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu, quant à présent, d’y faire des subdivisions; mais nous y distinguons trois faciès, savoir : 1° le calcaire à Dicérates proprement dit; 2° un faciès souvent schisteux argilo-calcaire, caractérisé par une faune principalement aptienne; 3° un faciès mixte offrant à la fois plusieurs caractères des précédents, plus une nuance céno- manienne. La même uniformité n’existe pas pour la craie. Celle-ci se montre à la base des montagnes sous deux formes différentes, qui se partagent à peu près également la longueur de la chaîne, de part et d’autre du plateau de Lannemezan. L’un de ces faciès, le faciès occidental, se manifeste par un puissant étage schistoïde qui, souvent, montre de nombreuses empreintes de fucoïdes, dans lequel Userait difficile de faire des divisions et qui appelle des études nouvelles très-attentives. — Dans l’autre région, au contraire, la craie se compose d’assises fossilifères qui ont été étüdiées avec soin et qui ont pu être rapportées aux types connus, y compris le type danien , ce dernier y étant re- présenté, d’une manière curieuse et inattendue, par l’étage garumnien . Il résulte de ces considérations que le tableau de classifica- tion que nous soumettons aujourd’hui aux géologues, bien qu’il comprenne réellement tout le terrain crétacé des Pyré- nées, est particulièrement applicable, en ce qui concerne la craie proprement dite, à la moitié occidentale de la chaîne où ce terrain est admirablement représenté et caractérisé. 334 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. ESSAI D’UNE CLASSIFICATION DU TERRAIN CRÉTACÉ DES PYRÉNÉES Super-stratum : Calcaire à Miliolites (Éocène inférieur). / GARDMNIEN. . SENONIEN TURONIEN FACIÈS LACUSTRE (Ariége, Aude) Argiles rutilantes avec poudin- gues versicolores souvent fer- rugineux, renfermant une ou plusieurs assises de calcaire compacte avec : Physa prisca ; Lymnea Leymeriei, Bulimus primævus. Partie supérieure du groupe d’Alet , d’Archiac ; Calcaire infra-nummulitique de Mon- tolieu (Aude). CÉNOMANIEN. . Craie. FACIÈS FLUVIO-MARIN (Haute-Garonne) Horizon blanc à Operculines et Piléoles (1). Colonie marine: Micraster ter - ccnsis ; Ananchytes ovata (var. tercensis ) ; Hemiuster nasu- tulus; Cyphosoma magnifîcum; T ereb ratatina tenuistriuta; Na- tica brevispira; Pleurotomaria danica, etc. — • Sable jaune d’Aurignac. (= Calcaire lithographique avec si- lex. != Aigiles bigarrées; sables, grès et calcaire argileux. Crocodiles et Tortues : Ostrea Vemeuili; Cyrena garumnica; Melanopsis Collatdina; Torna- tella Baylei; Radiolites Ley- meriei. Calcaire jaunâtre de Séglan , près Aulon, avec Hippurites radiosa. — Calcaire nankin à Orbitolites d’Ausseing ; couches de Saint-Marcet, Gensac, Monléon : Hemipneu^tes radiatus ; Nerita rugosa; Janira striuio-costata ; Exogyra pyrenaica; Ostrea larva; Ostrea unci- nella; T ht eide a radiata ; Orbitolites socialis ; 0. secans. I— Grès à lignLes de T Ariége et de l’Aude (partie inférieure du groupe d’Alet, d’Archiac). = Couches argileuses inférieures, d’Ausseing, de Saint-Martory , de Gensac : Ananchytes ovata (var. haute : tenui-tuberculata) ; Ostrea vesicularis (var. spissa ) ; Rhynchonella. Eudesi (2), etc. — Craie de Tercis et d’Orthès ; calcaires noirs du cirque de Gavarnie.... Partie du système à fucoïdes? Calcaire à Hippurites et à polypiers de T Ariége, de l’Aude et des Hau- tes et Basses-Pyrénées. Assise à Micraster des bains de Rennes. Couches à spongiaires et rudistes siliceux de Paillon, près St-Martory. Partie du système à fucoïdes des Pyrénées-Occidentales. Couches à Exogyra columba des Gorbières et de l’Ariége. — Couches à Radiolites foliacea? de la Salz aux bains de Rennes. Calcaire de Sare à Caprina adversa et Radiolites foliacea. = Calcaire à Caprinelles d’Orthès. (1) Nous appelons ainsi une coquille bivalve ayant le faciès d’une Réquiénie, dont la grande valve a la forme d’un bonnet conoïde plissé, l’autre valve étant operculiforme. ^2) C’est cette espèce que nous avions d’abord rapportée à R. alata, Brong. MÉMOIRE DS M. LEYMERIE. OOD Grès vert. Assise supérieure arénacée : Conglomérats; brèches à grands et petits éléments, grès et schistes terreax de la H au te -Garonne et de l’Ariége. Calca're à Dicératesde Miramont. Partie du système à fucoïdes des Pyrénées -Occidentales. ASSISE INFÉRIEURE. FACIÈS URGONIEN. Calcaire à Dicé'.ates pro- prement dit : CaprotinaLoni- dalei, Rhynchonella parvula , Cidaris pyrenaica, petites Or- bitolines conoidea et discoi- dea. Il forme des crêtes paral - lèles dans presque toute la longueur de la chaîne. ' — Calcaire à Ostrea ma - croptera et à grandes^ Néri- nées du pays de Fois. FACIÈS APTIEN. Gouches noires schistoïdes argilo-calcaires de Sainte-Su- zanne, Quillan, Saint-Paul de Fenouillet : Exogyra sinuata; Toxaster Collegnii ; Diadema Malbosii, avec fossiles néoco- miens et albiens accessoires. — Assise noire sans fossiles de la vallée d’Aspe. — Calcaires noirs à An- nulites, Serpules , Nérinées courtes à faciès jurassique de la Haute-Garonne , de l’A- riége et des Hautes-Pyrénées. FACIÈS MIXTE. Calcaire à Caprotines et à petites Orhitolines de Fois, de Sainte-Suzanne, de Vinport, caractérisé par une couleur cénomanienne : Rhynchonella aturica , R. conforta , Tere- bratula longella; T. tama- rindus ; Terebratula crassi- costa ; Ostrea carinata et ma- croptera ; Trigonia spinosa. Suh-stratum : Dolomies fétides supra-liasiques. — Lias et infra-lias. A l'occasion de cette communication, M. Hébert croit devoir faire observer que M. Leymerie avait, jusqu'à ces dernières années, contesté l’existence du terrain néocomien dans les Pyrénées. A la suite de la réunion extraordinaire de Bayonne, en 1866 , M. Hébert a publié, dans le Bulletin , un mémoire où il établissait l'étendue et les caractères de ce terrain dans la région pyrénéenne. Le silence gardé par M. Leymerie à l'égard de ce travail met M. Hébert dans la nécessité de le rappeler au souvenir de la Société géolo- gique. M. Hébert ajoute qu’il n'admet pas le faciès mixte du grès vert que M. Leymerie indique à Foix, à Sainte-Suzanne et à Vinport. L'examen d'une série très-complète de fossiles provenant de ces localités l'a convaincu qu'il n'y avait aucun mélange de faunes, et que la succession normale des assises n'y était troublée que par des failles. M. Parran conteste les alternances signalées par M. Ley- merie entre l'urgonien et l'aptien; il ne lui semble pas possible que deux étages si distincts dans la Provence puis- sent se confondre ailleurs. 338 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1888. M. Hébert n'a pas vu, non plus, d’alternances de ce genre. Il croit seulement que les grands groupes du terrain néo- comien peuvent avoir les uns avec les autres beaucoup d'espèces communes. M. Alfred. Caillaux présente, de la part de M.Capellini,des souvenirs d'un voyage scientifique dans l'Amérique septen- trionale (v. la Liste des dons). M. Caillaux donne ensuite lecture de la traduction sui- vante qu'il a faite d'un résumé des travaux minéralogiques de M. le professeur Bombicci. Résumé des diverses publications de M. le professeur Luigi Bombicci , sur la théorie des associations polygéniques, appliquée à V étude et à la classification des minéraux; par M. A. Caillaux. Dès 1860, tout en s’occupant de la publication de son cours de minéralogie, publication qui fut achevée en 1862, M. Bom- bicci, cherchant à interpréter la composition des phosphates et des arséniates hexagonaux, et isomorphes, représentée par la formule générale 3 RO, M05 + fRCh, tels quel'Apatite, la Piromorphite, laMimetèse et le Zuieselite, émit l’idée que le chlorure métallique, avec coefficient inva- riable, se trouvait associé à ces divers composés, de la même manière que l’eau de cristallisation dans un grand nombre d’autres composés (Cours de minéralogie, p. 486). Ce fut la première manifestation positive, de la part de l’au- teur, de l’idée de l’association polygénique, qufil développa ultérieurement dans plusieurs publications spéciales. M. Bombicci donne le nom d 'association polygénique à l’ag- grégation mécanique de molécules chimiques différentes, avec arrangement symétrique et équilibre réciproque, molécules qui, en se groupant, conserveraient leur propre individualité ; il en résulterait des particules physiques , aptes à se réunir, sous forme de cristaux, de la même manière que les molé- cules d’une seule substance minérale. NOTE DE M. BOMBICCI. 337 Ainsi, les cristaux del’andalousite pure sont composés de mo- lécules identiques de silicate d’alumine ; ceux de la wollasto- nite pure sont formés de molécules identiques de silicate de chaux; tandis que les cristaux d’anorthite sont formés par l’agrégation de particules physiques, dont chacune est con- stituée par l’association polygénique de n molécules de sili- cate d’alumine du type andalousite, et n molécules de silicate de chaux du type wollastonite, qui conservent leur individua- lité propre. Andalousite = Si VI (Al2) •r 03 = Wollastonite ntt Si2 IV (Al2) Ca 08 = Anorthite. Si nous cherchons de nouveaux exemples, nous voyons que l’anorthite se convertirait en labradorite par la seule addition d’une molécule de silice dans l’arrangement mécanique qui lui est propre, addition qui en modifiera légèrement les caractères; et que n particules de labradorite se groupant avec n molécules d’alhite produiront 2 n molécules d’oligoclase. trr Si2 VI Ai ir Ga ntt -{- Si 0~ ftrt Si3 VI Al n Ca U 010 Anorthite 4-Silice = Labradorite, Labradorite nn Si3 Albite VI (Al2) tt Ga rttr Si6 VI 010 + (Al2) Na2 016 ttrt Si9 VI Al2 tt Ga 0 6 = Oligoclase. Na2 Soc. géol. , 2e série, tome XXVI. 22 338 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. L’association polygénique d’une molécule de péridot et de trois d’andalousite, avec trois molécules d’acide borique de cristallisation, engendre la tourmaline normale et ainsi de suite. Cette idée si simple et si naturelle en elle-même, une fois acceptée, conduit, ainsi que nous allons le voir, à des résultats de la plus grande importance. Dans la première publication faite à ce sujet, se trouve comprise l’étude de l’association polygénique pour les sulfures métalliques. Il résulte de cette étude, que la série des sulfures métalli- ques est beaucoup plus simple et plus naturelle en réalité que celle qui a été admise jusqu’à présent. Que dans cette série on comprend seulement un petit nom- bre de types fondamentaux, bien définis quant à leur compo- sition et à leur forme; que les sulfures minéraux sont dus à un arrangement réciproque et mécanique des molécules chi- miques (qui conservent leur individualité) en particules physi- ques, aptes à se grouper (et généralement groupées) en cristaux. Enfin, que les sesquisulfures d’antimoine et d’arsenic peuvent fonctionner dans les sulfures cristallisés, dits sulfures doubles , absolument comme s’ils enconstituaient l’eau de cristallisation; ils varient, en effet, suivant des quantités bien définies et ra- tionnelles, en même temps que varient les conditions dans lesquelles se reproduisent les cristaux, ainsi que cela se passe pour l’eau dse cristallisation dans les composés hydratés. Jamésonite PôS + f S é2S?, Piagionite P b S -f- - S b* c3, Type galène -f- n Sè2S3(gaî. sulfurée antimoniée), Zinkénite P b S -f- S b1 S3, imésonite PèS -f- f S ZrS3, i C /,2 ^3 Héteromorphite P b S-f- 1 8&2S3, Boulangérite P& S -j-f $b~tf, Géocronite P&S -f- j S b* Ss. NOTE DE M. BOMBICCI. 339 Si Ton généralise ainsi pour le sulfure d’antimoine, pour ses analogues et pour beaucoup d’autres composés (ainsi que nous le voyons plus loin), l’action mécanique que l’eau de cristalli- sation exerce dans la genèse des cristaux des corps auxquels elle s’unit en les hydratant, on généralise un fait qui, jusqu’à présent et sans véritable motif suffisant, a été uniquement ap- pliqué à l’eau; on voit disparaître les difficultés qui, dans l’in- terprétation rationnelle des sulfures doubles, proviennent des différences atomistiques de l’antimoine et des autres radicaux métalliques. Les sulfures doubles sont considérés, relativement aux sul- fures simples, de la même manière que les sels hydratés, rela- tivement à leurs correspondants anhydres. Enfin et surtout, si l’on applique au sulfure d’antimoine, etc., la loi connue depuis les découvertes de Mitscherlich, relative au polymorphisme des sels susceptibles de s’hydrater par diver- ses proportions d’eau suivant la température, on a l’explication la plus naturelle du polymorphisme des différents sulfures an- timonifères, dont le plus grand nombre ne diffèrent entre eux dans leurs formules que par les différences dans les quantités de molécules du sulfure. Après avoir reconnu l’association polygénique entre les chlo- rures et les phosphates, dans l’apatite, la pyromorphite, etc., après avoir cherché à en démontrer la réalité par le raisonne- ment et par l’expérimentation dans le groupe le plus étendu des sulfures minéraux, il restait à soumettre à ce nouveau point de vue, et à concilier avec les nouvelles doctrines, le groupe si vaste et si compliqué des silicates. — Ce travail a été récemment terminé par l’auteur, et il faut l’avouer, avec une facilité inattendue. En effet, malgré l’importance de la question à traiter, malgré la complication d’un très-grand nombre de formules, l’idée de l’association polygénique favorisa tellement la synthèse natu- relle des groupes et la démonstration du mécanisme molécu- laire des composés, que non-seulement il fut possible de passer rapidement en revue un grand nombre de silicates minéraux, mais l’auteur put, en même temps, reconnaître des données d’un très-grand intérêt pour l’étude des hydratations, des sub- stitutions par isomorphisme f des pseudomorphoses des miné- raux, et éclairant les rapports jusqu’à présent inconnus ou né- gligés qui existent entre les diverses espèces minéralogiques et les roches ou les gangues qui les renferment. 11 s’est ouvert 340 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. un champ d’étude vaste et nouveau pour la chronologie des minéraux, et particulièrement pour le métamorphisme. Avant de procéder au résumé méthodique du mémoire sur les silicates minéraux considérés suivant la théorie de l’associa- tion polygénique, il est nécessaire de dire que la publication de ce mémoire avait été précédée par une autre beaucoup moins étendue et renfermant le contenu d’une lettre que l’au- teur adressait au professeur Daubrée. Une circonstance parti- culière avait en effet appelé cette communication. Dès le début des premières recherches générales sur les si- licates, vers la moitié de 1867, l’auteur était inévitablement conduit à cette conclusion : savoir que les silicates du type péri - dot et du type pyroxène étaient les racines ou les souches de la série entière des silicates. En un mot, le péridot et le pyroxène (celui- ci peut directement dériver de celui-là) auraient engendré la serpentine en se réunissant molécule à molécule; . nu Péridot \ ^ (R2 ri'r " Si 04+ n R 03 Pyroxène Serpentine n'i Si2 tandis qu’en se groupant dans des proportions diverses ils donnaient naissance aux chlorites. Ensuite, à mesure que l’oxyde et le silicate d’alumine se formaient, et avec leur concours, les mêmes minéraux susdits ils auraient produit les types feldspathiques et les zéolithes qui s’y rapportent. En d’autres termes, le péridot et le pyroxène représenteraient les résultats directs des premières réactions chi- miques silicatées dans la croûte terrestre, et ils composeraient la première pellicule scoriacée qui s’y est formée. Le type pyroxène serait dérivé du péridot grâce à l’action oxydante de l’eau, particulièrement sur le fer et sur le ma- gnésium qu’il contient, et sous l’influence probable d’une haute température : ce qui explique encore l’union très-fré- quente des oxydes de fer avec les serpentines et de l’oxyde hy- draté de magnésie dans les ophiolites ferrifères du Texas, etc. Ce fut au moment où ces études se complétaient que l’auteur eut connaissance de l’important mémoire deM. Daubrée, dans lequel ce savant géologue, après avoir décrit ses exnériences ' f • i '. ' ‘ . . • • .1 NOTE DE M. BOMBICCI. 341 sur les météorites, démontrait les rapports existant entre ces derniers et certaines serpentines, la possibilité de convertir artificiellement les uns dans les autres, et déduisait de ses étu- des que le péridot doit avoir été le silicate dominant et carac- téristique de la première pellicule scoriacée de la croûte du globe ; que le pyroxène doit avoir succédé au péridot, précé- dant à son tour les silicates alumineux ; que pour cette raison les serpentines doivent avoir précédé les granités, et ainsi de suite. De sorte que l’on arrivait, pour ainsi dire, aux mêmes con- séquences, soit par les belles études expérimentales de M. Dau- brée, soit par l’appli cation, à l’étude des silicates minéraux, de la nouvelle théorie sur leur composition moléculaire. Afin de ne pas rendre trop long le présent compte rendu, nous nous bornerons à exposer les conclusions les plus impor- tantes relatives à l’étude générale des silicates minéraux, dans le même ordre où elles se trouvent dans le livre qui les ren- ferme. Les formules des silicates, prises en considération et, pour ainsi dire, comme termes de comparaison avec les formu- les proposées, sont celles de M» Weltzien, publiées, de- puis 1864, dans un ouvrage intitulé Systematische Uebersicht der Silicate , dont l’auteur signale quelques-uns des passages les plus remarquables et les plus caractéristiques. 1° La théorie des associations polygéniques, appliquée à l’étude et au classement des silicates et des minéraux en géné- ral, ne change pas essentiellement le caractère des familles , des tri- bus, des genres ; elle se conforme, au contraire, avec les classifi- cations actuelles adoptées par les auteurs les plus modernes et les plus éminents. 2° Cette théorie n’altère en aucune manière les lois fonda- mentales et la philosophie actuelle de la chimie générale. Elle présente sous un nouveau jour les formules des composés de nature complexe et se substitue aux autres interprétations vagues et bornées de leur mécanisme moléculaire. 3° Elle sous-entend la distinction à établir entre les réactions chimiques proprement dites, et les solutions, les hydratations, les alliages, etc., mais dans le sens unique suivant : que la réaction chimique a lieu entre des atomes de molécules qui, par cela même, sont modifiées et renouvelées intimement dans leur nature et dans leurs propriétés; tandis que la solution, l’hydratation, et dans beaucoup de cas, les alliages se produisent par le rapprochement mécanique et l’équilibre de 342 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. molécules déjà constituées, qui persistent dans leurs qualités et conservent leurs propriétés caractéristiques ; une chaleur rela- tivement élevée se manifeste toujours dans la vraie réaction chimique ; cette chaleur semble directement proportionnelle aux carrés des vitesses avec lesquelles les atomes se rappro- chent, et nous représente ainsi la transformation de leur mou- vement initial; au contraire, il ne se développe qu’une chaleur relativement faible dans l’acte de la solution, due au frottement des molécules qui prennent un nouvel arrangement dans les particules physiques qui se forment de nouveau, et, en géné- ral, on signale plutôt un signe négatif pour cette chaleur, c’est-à-dire un abaissement sensible de température par la transformation en mouvement du calorique spécifique des substances en action. La réaction chimique s'effectue nécessairement et éternelle- ment suivant des proportions définies, tandis que les dissolu- tions, les alliages, les hydratations (en un mot, les associations polygéniques dans leurs différentes manifestations) , s’effectuent suivant des proportions indéterminées, ou définies seulement entre des limites généralement éloignées, variables avec les variations de la température, de la pression, et d’autres cir- constances extérieures, par la simple raison que la molécule y reste dans son même état, et il n’y a de modification que dans la masse seule dont cette molécule est l’élément matériel. Ceci ne veut pas dire que les [phénomènes de la réaction chimique, aussi bien que ceux de la dissolution, n’aient pas éga- lement leur raison moins connue et première dans le ^mouve- ment et dans le dynamisme; mais ils sont d’ordre différent, en ce que, dans un cas, la molécule, ou la véritable individualité chimique , s’altère et se modifie et, [[[dans l’autre, cette molé- cule reste intacte (1). 4° Les silicates minéraux complexes dérivent de l’association (1) L’auteur cherche à démontrer ici toute la généralité de la loi de Ma- riotte, relative au rapport entre les volumes des gaz et les pressions [aux- quelles ces gaz sont soumis, en attribuant les exceptions que présentent les gaz facilement compressibles et qui firent considérer cette loi^comme limite, au simple fait de sur-liquéfaction , tout à fait comparable aux surfu- sions, etc. (V. Considerazioni sugli pseudostereismi dei corpi colloidi, sui cambiamenti di stato, etc., que l’auteur a exposées dans le Mémoire [déjà cité sur les sulfures, et dans la même publication sur les silicates dont il est question ici.) NOTE DE M. BOMBICCÏ. 343 mécanique de silicates relativement plus simples; et cette in- terprétation de leur origine s’accorde pleinement et avec avan- tage, soit avec leurs propriétés physiques, soit avec les conditions de leur gisement , avec la composition minéralogique des roches qui les renferment , et avec le mode et le temps de leur formation. 5° La substitution des corps isomorphes est un fait qui ressort spécialement de l’association polygénique ; en effet, si la substi- tution par isomorphisme était dépendante d’une réaction chimique, si elle se rapportait aux atomes élémentaires, on ne pourrait pas concevoir la grande variabilité de proportions dans les corps qui se substituent, variabilité que l’on a consi- dérée comme un des caractères de l’isomorphisme dans le règne minéral. Si, au contraire, l’isomorphisme et les substi- tutions qui en dépendent consistent dans l’association méca- nique de parcelles semblables quant à la forme et au type de composition, différentes seulement par le radical qu’elles renferment, on comprend parfaitement la variabilité dans les proportions réciproques des différentes parcelles aptes à en- gendrer un cristal ou une masse cristalline. Ces parcelles jouissent des mêmes aptitudes, dans le sens mécanique et cris- tallogénique, parce qu’elles sont identiquement construites, bien que les radicaux métalliques des unes ou des autres soient différents. Nous allons en donner un exemple. Plusieurs pyroxènes contiennent parmi leurs radicaux, dans leurs cristaux, du magnésium, du fer et du manganèse. La formule jusqu’ici adoptée pour ces variétés, rtrt Si r tr tt (mn fe mg) ne saurait avoir qu’une signification purement conventionnelle, car le magnésium, le fer et le manganèse, bien que jugés iso- morphes, ne peuvent se trouver tous ensemble unis avec un atome de silicium et3 d’oxygène, sans varier dansleurs propor- tions relatives jusqu’à la disparition de l’un ou de l’autre, même lorsque l’on voudrait admettre l’hypothèse arbitraire et contre nature de la neutralisation partielle de leur atomicité. Au con- traire, et par un fait exlrêmement simple, les molécules du pyroxène pur de fer, celles du pyroxène pur de magnésie, celles du pyroxène pur de manganèse peuvent s’agréger et se grouper en une même masse crisfalline ou en un cristal, SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. parce qu’ils sont semblables et isomorphes; les unes peuvent dominer les autres sans aucune proportion déterminée, parce qu’elles sont toutes identiques relativement à la fonction mécani- que de la cristallisation. C’est tout au plus, si l’on verra changer quelque caractère extérieur du minéral cristallisé, comme 1a. couleur, le degré de transparence ou d’homogénéité. Ceci est confirmé par l’observation pratique, caron voit des cristaux de pyroxène qui, comme beaucoup d’autres, varient dans leur couleur, la limpidité qui s’efface graduellement, ou brusque- ment de la base au sommet, de l’axe à la périphérie. La véritable formule du pyroxène de magnésium, fer et manganèse sera donc la suivante : Si Mg + " Si & Mn dans laquelle les coefficients m, n, p, exprimeront la propor- tion réellement variable dans des limites indéterminées, pro- portion qui .existe, par exemple, dans le pyroxène bustamite, entre les molécules isomorphes des pyroxènes de type wollas- tonite, de type grunerite et de type rodonite. 6° L’idée de l’association polygénique peut faire reconnaître si l’eau contenue dans un composé donné, comme un silicate, par exemple, s’y trouve à l’état de combinaison chimique, ou à l’état de simple association. Et en effet, l’idée d’admettre que les silicates composés dérivent de l’équilibre mécanique des parcelles ou des molécules de silicates plus simples, nous permettra de reconnaître quels sont ceux de ces silicates sim- ples qui concourent à former le silicate composé hydraté sou- mis à l’examen. S’il ne reste libre aucune molécule de silice, l’eau sera de cristallisation ; mais si, au contraire, nous avons de la silice libre en plus de celle qui sera nécessaire à la con- stitution des molécules de chacun des silicates élémentaires, nous pourrons la regarder comme silice hydratée, du type opale, et l’eau lui sera chimiquement combinée. L’auteur donne des exemples nombreux à l’appui de cette importante obser- vation. 7° Dans les silicates minéraux, les substances qui, le plus souvent, fonctionnent comme éléments de cristallisation, sont l’eau et la silice. Celles-ci peuvent souvent être accompagnées ou remplacées par d’autres. Ainsi , nous voyons l’alumine et ses hydrates; la magnésie, la zirconie, certains titanates, NOTE DE M. BOMBICCI. 345 quelques chlorures, fluorures, etc., et particulièrement l’acide borique, se réunir en équilibre mécanique, cristallogénique à des groupes moléculaires d’espèces bien définies. De cette manière, on interprète simplement et rationnelle- ment la composition des silicotitanates, silicotantalates, des fluosilicates et des borosilicates. Ces diverses substances peuvent quelquefois, en s’associant polygéniquement, et en entrant dans la composition des cristaux, maintenir la forme que ceux-ci auraient prise s’ils s’étaient produits sans leur in- tervention. Ainsi, par exemple, la leucite maintient la forme monomé- trique, bien que dans sa propre cristallisation intervienne une molécule de sulfate de chaux et d’alumine pour former la haüyne ou une molécule de népheline et deux de chlorure de sodium, formant ainsi la sodalite, etc. On a de remarquables exemples de ce fait dans les si nom- breuses variétés de tourmalines, qui ont donné lieu, à cause des différents résultats de leurs analyses, à des formules aussi nombreuses que variées. La composition de la tourmaline étant interprétée dans le sens de l’association polygénique, on re- connaît facilement que toutes ses variétés se rapportent à un seul type, donné par la réunion d’une molécule pyroxénique, avec trois molécules de silicate d’alumine et trois d’acide bo- rique de cristallisation, acide borique non indispensable h l’existence de l’espèce. Ce type dont la formule est Si4 VI (Al2)3 rr R2 s’adjoignant de nouvelles molécules, tantôt de silicate d’alu- mine, tantôt d’orthose, de spinelle, même de grenat et de lé- pidolite, produit toutes les autres variétés connues, tout en gardant ses caractères cristallographiques, sa double hémié- drie, son aspect extérieur et ses propriétés physiques. On peut encore regarder comme fait assez général que, lors- qu’un groupe moléculaire jouit d’une grande aptitude pour la cristallisation, il conserve sa forme et la plupart de ses propriétés physiques , malgré l’union polygénique de plusieurs différentes molé- cules ou particules physiques. (Ex. leucite et dérivés ; cordiérite et dérivés, pyroxènes et amphiboles, épidote, etc.) n tu r 019+3B203, 346 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. Pourtant quand, dans les silicates, on trouve de la silice associée pour ainsi dire comme élément de cristallisation, ou de complément de la parcelle cristalline, ces silicates sont généralement plus altérables et plus altérés que ceux qui n’en possèdent pas. (Ex : silicates magnésiens, pectolites, orthocla- ses, labradorites, etc.). 8° Une dernière considération générale précède cette partie de l’ouvrage qui considère les silicates, et en discute les diver- ses formules, pour en déduire le mécanisme moléculaire poly- génique et les classes. Cette considération se rapporte à la véritable cause des pseudomorpboses des espèces minérales, c’est-à-dire, en général, des altérations chimiques que présen- tent certaines substances cristallisées, dans lesquelles persiste la forme cristalline préexistante. Toujours, en partant du point de vue de l’association polygénique, cette cause peut se retrou- ver dans la différence d'altérabilité chimique des diverses mo- lécules qui composent un minéral complexe et cristallisé. En effet, si les molécules de l’une des différentes substances associées entre elles mécaniquement sont plus susceptibles que les autres de ressentir l’influence des agents extérieurs, ainsi que cela doit arriver dans beaucoup de cas, toutes les fois que les agents extérieurs exerceront leur action, les molécules de cette substance se désagrégeront, elles cesseront de faire partie de l’équilibre général déjà existant, et pourront être éliminées par action chimique ou mécanique; le minéral chan- gera de nature, mais la forme extérieure de sa masse et de ses cristaux pourra facilement se maintenir et se conserver. La pseudomorphose vient ainsi à être considérée comme une véritable dissociation moléculaire qui, présentant un fait inverse à l’association polygénique, concourt toutefois à la confirmer. Au milieu de nombreux exemples, on peut citer, comme le plus simple, celui de la pseudomorphose de la gehlenite dont on a constaté l’identité de forme avec l’idocrase, sans que rationnellement il fût possible de prévoir qu’il y avait là une pseudomorphose de ce minéral. La gehlenite n’est pas autre chose que l’idocrase qui , dans des circonstances parti- culières ( molto localizzate ), a perdu une molécule de silice. Résumant rapidement la classification des silicates modifiée, telle qu’elle est représentée dans un tableau subséquent et que l’auteur met dans la plus grande évidence dans ses publica- tions, par le moyen de grands tableaux synoptiques très-dé- taillés, placés avant l’étude de chaque espèce, nous trouvons, NOTE DE M. BOMBICCI. 347 avant toute chose , que la racine ou la hase théorique de la série entière est Yacide silicique neutre normal rr 04, dans laquelle se substituant Mg2, Fe2, Ca2, etc, et plus rarement Ce2, Y2, La2, etc. on a le type péridotique, c’est-à-dire le résultat le plus grand et le plus caractéristique des réactions ignées qui ont formé la première pellicule scoriacée de la terre. Le péridot, sous l’in- fluence de l’eau qui s’exerça vraisemblablement à une haute température et sous une forte pression, donna lieu à la forma- tion des types pyroxéniques. L’association molécule à molécule de ces deux types en- gendra facilement la riche série des serpentines et de toutes leurs variétés, par la fréquente adjonction de silice, de ma- gnésie, d’oxyde de fer, etc. L’aluminium s’étant oxydé, commencèrent les associations des types péridot, pyroxène et serpentine avec les molécules des silicates d’aluminium, et se formèrent alors les chlorites, les micas, les grenats, les feldspaths, etc., dont les groupes mo- léculaires, souvent anhydres, souvent hydratés, partant d’une condition relativement simple, telle qu’on peut l’observer dans la ripidolite, la biotite, le grena t, la wernerite, l’orthose et l’al- bite, etc., passentpour ainsi dire graduellement à des types plus compliqués. Ces types offrent dans la théorie des polysilicates une complication extraordinaire, anormale, souvent excessive. Au contraire, en se rapportant au point de vue de l’association polygénique, on reconnaît qu’ils sont dus à un mécanisme d’une simplicité surprenante. Aussi nous paraît-il utile de re- produire ici l’un des derniers paragraphes des considérations générales, que l’auteur met en tête de la partie appliquée de son travail. « Le savant minéralogiste Des Cloizeaux, dit-il, a souvent préféré transcrire la composition centésimale des silicates, en les décrivant dans un excellent manuel de minéralogie, 1862, et dans la première partie, plutôt que de se contraindre 348 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. à exposer des formules d’une valeur très-incertaine, et qui ne méritaient qu’une confiance très-bornée; et cela malgré tant d’analyses, après tant d’études , pendant que tant d’éminents chimistes faisaient les plus grands efforts pour discerner la cause première de la divergence de ces analyses, de ia variété dans la composition des espèces, en un mot, pour découvrir la loi générale qui gouverne les composés chimiques de la croûte du globe. Devra-t-on conclure que cette loi générale n’existe pas? Que les 360 espèces de silicates appartiennent réellement à 180 types chimiques, c’est-à-dire deux espèces seulement pour chaque type (en moyenne), tandis que nous avons remar- qué qu’environ 140 de ces types comprennent une espèce seule? Devra-t-on conclure que, par conséquent, la nature, toujours merveilleuse dans la généralité , la constance et la simplicité de ses lois, dans quelque ordre que ce soit de la création, organiques ou inorganiques, positives ou abstraites, a failli à elle-même dans la production des vrais minéraux, tandis qu’elle a laissé surprendre quelques-unes de ces lois pour les produits dits de laboratoire ? Non, certainement! Une loi générale doit exister, et j’ose espérer que la théorie des associations polygéniques sera un pas non indifférent vers sa découverte complète et sa juste définition. Suit la classification des silicates, nouvellement modifiée : Silicates TABLEAU GÉNÉRAL Péridots Andalousites. . . Pyroxènes Serpentines. . . . Ghlorites et Mi- cas. . , Grenats Feldspaths et Zéolithes .... Enstatites, Apophy lûtes. Pyroxènes. Spodumènes. Axinites. Talcs. Stéatites. Ripidolites. Delessites. Meroxènes. Margarites. Grenats. Wernerites. Allanites. Epidotes. avec radicaux bi- atomiques domin. avec radie. mowo- atomiques domin. NOTE DE M. BOMBICCI. 349 Les péridots proprement dits et les gadolinites étant, pour ainsi dire, identifiés pour ce qui regarde leur typede compo- sition, leur mécanisme moléculaire et la forme cristalline, on trouve que l’ilvaïte inscrite jusqu’ici dans le groupe des anda- lousites, dans les classifications méthodiques, appartient au groupe péridotique, soit par la construction de sa formule , soit par ses caractères cristallographiques. — L’ilvaïte est un véri- table peridot ferrifère, analogue aux autres péridots, à autres radicaux, par la forme, par le rapport atomique et souvent par le mode de gisement. Le péridot, prenant la magnésie pure, comme dans d’autres cas il prend l’eau, produit lachondrodite. — Il convient de rap- peler que cette chondrodite se retrouve habituellement dans les laves préhistoriques, riches de péridot, contiguës à celles qui renferment la périclase, ou la magnésie pure et cristalline. Les associations moléculaires des aluminates monométri- ques ou spinellides (spinelle, pleonaste, magnésite, etc., tous octaèdres et isomorphes) avec les silicates, qui se sont déjà manifestées dans la discussion des formules et des caractères cristallographiques de certains minéraux, ont été considérées comme réelles , seulement lorsque l’examen des roches ou gangues du gisement a confirmé la présence de ces spinel- lides, en même temps que celle des silicates en question. Ce fait étant constaté et étant reconnu tout à fait vraisemblable, que, de même que pour d’autres composés du premier système, les aluminates octaédriques puissent faire partie d’un édifice moléculaire cristallin , grâces à la contiguïté des molécules en voie de formation, on obtient immédiatement la plus utile interprétation de la formule des diverses xantopyhllites, de la saffirine, de la vermicolite, de certaines variétés de tourma- line, etc. La silicatisation des péridots, avec l’altération de leur struc- ture cristalline qui devenait amorphe toutes les fois que les masses péridotiques venaient à être désagrégées, ou empâtées, ou scagliose (écailleuse), avec surfaces lisses , et par suite de mouvements locaux et variables, transformant les péridots en un grand nombre de variétés de stéatites, avec tous les différents degrés de leur hydratation. Le type pyroxène varie de deux manières , de même que beaucoup d’autres, par la variation, dans les cristaux de ce type, de la proportion numérique entre les molécules pyroxéniques, différents par leur radical métallique. Dans ce cas, l’analyse 3o0 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1868. d’un cristal donne la formule complète du pyroxène propre- ment dit; mais on voit dominer, tantôt le fer, tantôt la magné- sie, la chaux ou le manganèse, sans aucun rapport rationnel entre les radicaux dominants et ceux qui leur sont subordonnés. Bien souvent les diverses parties d’un même cristal montrent, en ce sens, de notables différences dans les résultats des ana- lyses, et ceci est tout d’abord indiqué par le polychromisme, comme celui du diopside et de l’Hédembergite. En second lieu, le type pyroxène varie par l’association avec ses molécules d’autres molécules ou groupes moléculaires, qui entrent en fonction mécanique dans la parcelle physique com- plète, ou vont simplement faire partie de la disposition cristal- logénique. Dans ce cas, la formule brute (bruta)des composés ne répond plus au type pyroxénique qui, pourtant, se laisse en- trevoir, quelque latent ou masqué qu’il puisse être. On peut citer comme exemples la leucophane ou melinopbane (type pyroxé- nique et fluorure de sodium), la wohlerite (type pyroxénique et zirconie), la pectolite (type pyroxénique avec silice hydratée), l’augite (type pyroxénique et alumine), etc. Dans ces substances, la nature pyroxénique se révèle par le rapprochement dans les valeurs des angles entre leurs formes primitives et celles des pyroxènes fondamentaux. Nous avons déjà vu qu’en associant au type pyroxénique un égal nombre de molécules du type péridotique, on constituait les serpentines, avec toutes leurs nombreuses variétés, généra- lement amorphes et hydratées. La formule de l’axinite se rattache facilement au type pyro- xénique, en y considérant l’acide borique comme élément de cristallisation, et de cette manière s’explique la cristallisation assymétrique, la pyroélectricité et les autres propriétés phy- siques qui rapprochent ce minéral des borates et borosilicates. La composition polygénique de l’axinite est alors représentée par six molécules de pyroxène de calcium, associées à deux molécules du type andalousite. Les principaux chlorites et les micas dérivent de la modifi- cation, par association polygénique, de trois espèces fonda- mentales , ripidolite , delessite et meroxène. — La première concourt à former le clinocblore, la thuringite et la sismon- dine; la seconde, la calcodite, la rodofillite, l’ottrelite et l’épi- cblorite; la troisième, entre essentiellement dans la consti- tution moléculaire des biotites, de la muscovite et des micas liihinifôres ou lépidolites. NOTE DE M. BOMBICCI. m En général, le type du péridot et celui de l’àndalousite sont les composants primaires des molécules du type chlorite. Les micas pourraient nous représenter autant de chlorites anhydres • ou déshydratés ; les associations polygéniques de nouvelles parcelles de silicates d’alumine ou d’alumine pure, de silice ou d’eau etc., donnant lieu à des modifications plus ou moins importantes dans leurs dispositions cristallines, rendent compte de chaque variation dans la structure et dans les phénomènes optiques de ces espèces minérales et de beaucoup d’autres. On a encore vu que la tourmaline était une simple tri-anda- lousite, péridotifère , avec acide borique de cristallisation, apte à s’associer avec les molécules de divers autres types (silice, orthose, spinelle, lepidolite etc.), et à engendrer un grand nombre de variétés. M molécules de péridot, N molécules d’alumine ou du type andalousite et, dans des cas assez rares, quelque molécule de silice, donnent lieu, en s’associant polygéniquement, ■'à tous les types principaux monométriques, dimétriques, trimétri- ques et monocliniques du groupe nombreux des grenats. Le grenat proprement dit, monométrique, peut se constituer de bien des manières, suivant que varient les conditions de son origine et de son gisement. L’idocrase, souvent isomère avec le grenat, donne un exemple de dimorphisme. — La gehlenite est un idocrase qui a perdu une molécule de silice. Le type grenat, par la simple association avec une molécule d’alumine, variant d’autre part dans sa forme et dans sa cris- tallisation, donne lieu aux épidotes et aux allanites biréfrin- gentes, qui sont isomorphes avec les précédents. Enfin, les feldspaths (et par suite les zéolites, qui ne sont autres que les résultats de leur hydratation, et suivent les chan- gements de structure et de cristallisation qui en sont les con- séquences) ont leur base dans l’anorthite produite elle-même par l’union de n molécules du type pyroxénique (avec radicaux terreux et alcalins) et n molécules du type andalousite. Le type de l’anorthite, en se modifiant par la substitution dans le propre élément pyroxénique, de molécules alcalines aux ter- reuses, passe par une progressive silicatisation aux types de la labradorite, de la leucite, de l’orthose et de l’albite, de la jalophane, de l’oligoclase et de la cordiérite. Il est intéressant de voir une fois expliquées, grâces à la nouvelle théorie, les passages de l’anorthite à la labradorite, de la labradorite à l’oli- goclase etc. Il devient facile de comprendre certaines transi- SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. tiens, certains métamorphismes, des roches laviques aux roches feldspathiques, aux ophiolites , de certaines euphoti- des entre elles, et avec d’autres à base de saussurite. Nous rappelerons rapidement que de la leucite dérivent, comme d’une souche, avec forme cristalline permanente, l’haüyne, le lapis-lazuli, la sodalite, remarquables par l’asso- ciation polygénique entre leurs molécules et celles de sulfates alumineux et alcalins. Le Pollux, toujours uni au Castor , dans le granité tourmali- nifère de l’Elbe, serait le Castor lui-même avec l’association de trois molécules au type andalousite (les deux minéraux se trouvent au milieu de masses feldspathiques, lithinifères, très- altérées en kaolinites), plus deux molécules d’eau de cristal- lisation. M. Louis Lartet met sous les yeux de la Société, de la part de M. J. Hall, deux photographies relatives à la décou- verte, en Amérique, d’un Mastodonte gigantesque. Séance du 21 décembre 1868. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres delà Société: MM. Hératjd (le docteur), professeur à l’école de médecine na- vale, boulevard Napoléon, 15, h Toulon (Var); présenté par MM. Hébert et de Limur. Joubert (le docteur), membre de Pexpédition du Mé- Eong, rue Jacob, 12, à Paris; présenté par MM. Hébert et Louis Lartet. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Albert Gaudry, Cours annexe de paléontolo- > NOTE DE M. FABRE. 353 gie. — Leçon d'ouverture ; in-8, 20 p.; Paris, 1868; chez Germer-Baillière. De la part de M. Dollfus-Ausset, Vigie nationale. — In- struction populaire en Europe; 1867; in-18, 24 pages; Mul- house, 1868; chez L. L. Bader. M. Hébert présente de la part de M. Georges Fabre, la note suivante : Note sur la base de V oolithe inférieure dans les environs de Nancy ; par M. G. Fabre. Cette note a pour but de montrer quelles sont les couches qui commencent l’oolithe inférieure dansles environs de Nancy, de préciser la position du calcaire à fucoïdesdéjà indiqué dans cette partie de la France par M. Dumortier (1) et de faire con- naître en outre deux localités de l’Alsace où l’on constate la présence du même niveau de fucoïdes. On sait que le lias su- périeur se termine dans la Meurthe par une couche puissante d’hydroxyde de fer oolithique, exploitée par galeries; mais les assises qui surmontent ce minerai ne sont jamais mises à nu dans les exploitations et sont généralement masquées par les éboulis. On peut cependant les observer en place dans l’an- cienne minière de Chavigny et surtout dans la coupe dont nous allons donner le détail. Elle a été prise dans les bois de Cham- pigneulles, à 400 mètres environ à gauche de la route impé- riale de Nancy à Metz, un peu avant d’arriver au pont biais du chemin de fer sur le canal. L’escarpement formé par les couches se voit parfaitement du bas de la côte, et il est dû à un énorme glissement qui s’est produit lors de la construction du chemin de fer. (1) Bull. 3 2e série, t. XX, 1862, p. 113. Soc. géol 2e série, tome XXVI, 1 1 Z 4 5 6— 7 8 9 10 11 ■ \ t 12 13 r« ' ! ' 14 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868 Échelle de 0m501 pour lm,00. 5 NOTE DE M. FABRE. 355 On a dans cet escarpement de haut en bas: 1. Calcaire dur, d’un jaune d’ocre foncé, à cassure spathique, avec facettes miroitantes, et oolithes ferrugineuses très-petites (J). — Les bancs sont régulièrement stratifiés, séparés par de minces lits de marne brune, et ne contiennent que de très-ra- res fossiles, empâtés dans la roche. Épaisseur visible. ...... 4m 2. Calcaire jaune clair, très-dur, à cassure spathique et à facettes miroitantes. Cette couche est remplie de Pecten personaius , Goldf., et contient en outre accidentellement Belemnites a b- breviatus , Mill., et Ostrea sublobata, Desh. (2) 0.20 3. Calcaire brun, à cassure terreuse, et âpre au toucher; sans fossiles 0.30 4. Calcaire terreux, brun, se divisant en plaquettes couvertes d’em- preintes de fucoïdes ( Zoophycos scoparius, Thioll., sp.). Il ne contient pas d'autres fossiles o . 4 0 5. Calcaire jaune, très-dur, restant en saillie sur l’escarpement,; cassure miroitante avec une multitude de petites oolithes fer- rugineuses. Rares fossiles empâtés, parmi lesquels on peut re- connaître cependant O. sublobata, Desh 0.50 6. Marne grise avec galets roulés de calcaire couverts de Serpules. Avec les galets sont mélangés des moules très-roulés de grosses Pholadomyes. — La partie supérieure de la couche est irré- gulière et ravinée, et le calcaire superposé s’est moulé dans les cavités 0.05 7. Marne un peu micacée, brune, devenant, par places, rouge par la présence des oolithes ferrugineuses. Pas de fossiles 0.40* 8. Calcaire gréseux, assez dur, pétri d’oolithes ferrugineuses. Pas de fossiles * 0.60 9. Marne grise avec moules roulés de coquilles bivalves et galets cal- caires, couverts de Serpules, criblés de trous de lithophages, et portant encore des Huîtres adhérentes à leur surface. — Cette couche mince devient par places très -ferrugineuse ; le fer s’y trouve à l’état de nodules roulés d’hydroxyde 0.10 (1) Pour me conformer à l’usage reçu, je nomme oolithes les grains d’hy- droxyde de fer qui se trouvent dans cette roche et dans toutes les suivan- tes, bien que leur structure soit complètement différente de celle des vérita- bles oolithes ferrugineuses. Ce sont, au contraire, de petits grains fins, polis, semblables à ceux de la poudre à canon, et ne présentant jamais les enve- loppes concentriques qui constituent, à proprement parler, l’oolithe ; aussi la roche qui les contient offre-t-elle de grands rapports avec les roches syn- chroniques du Wurtemberg (étage p du Jura Brun de Quenstedt). (2) C’est YOstrea Phœdra , d’Orb. Elle se trouve absolument au même niveau à Mâcon et dans toute la Lozère. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. 356 10. Argile grise, un peu micacée, devenant parfois jaune à sa partie supérieure. Pas de fossiles 1.30 11. Minerai de fer oolithique rouge argileux, avec banc de calcaire subordonné. Pas de fossiles » 0.60 12. Marne grise micacée sans fossiles 2.00 13. Calcaire pétri d’oolithes ferrugineuses, d’une dureté variable; avec galets parfois très-gros de minerai de fer compacte ; ces galets sont généralement perforés par les lithopbages. Cette couche est remplie de fossiles d’une très-belle conservation. L’ensemble de la faune a un faciès franchement oolithique, bien que les espèces soient pour la plupart nouvelles. — Aucune d’elles ne descend dans le minerai de fer sous-jacent, dont la faune est par contre complètement basique. Les espèces que l’on rencontre le plus communément dans cette couche sont : Lyonsia abduda, d’Orb. , Ammonites Murchisonœ , Sow. , As- tarte Menardi , Desh., Montlivaltia Delabechei (1),M. Edw. et J. Haime 0.20 14. Minerai de fer oolithique rouge compacte, fortement marneux par places. Ce minerai forme un escarpement à pic d’une hauteur de plus de six mètres. Il est ici assez riche en fossiles, parmi lesquels nous avons recueilli en place : Belemnites tripartitus, Schl. , Ammonites primordialis , Schl., A. aalensis, Ziet., Ostrea ferruginea , Terq., O. polymorpha , Gold., Trigonia similis , Ag., Mytilus greyarius, Gold'., Trigonia navis (2).. 6.00 Si l’on veut se rendre compte des assises qui surmontent cette série de couches et qui complètent la zone à A. Murchi- soncBy il faut remonter les fonds de Toul en suivant la nouvelle route qui joint la maison forestière de Bellefontaine aux Bara- ques de Toul. La route présente à droite une suite non inter- rompue de tranchées qui, malgré les éboulis, laissent voir Pensembie delà composition du terrain. On rencontre d’abord à la pépinière même de Bellefontaine les marnes bleues du lias supérieur, plus loin le minerai de fer, assez riche en A. aalensis , puis les marnes qui les surmontent, et enfin de grandes plaques éboulées du calcaire à fucoïdes (n° 4 de la coupe ci-dessus) recouvertes par les calcaires à Pecten personatus (n° 2). On est alors à plus de deux kilomètres de Bellefontaine; à cet endroit la route se bifurque; dans Pangle des deux routes se trouve dans le bois une ancienne (1) C’est le Montlivaltia decipiens , M’Coy. (2) Cette espèce est donc ici au même niveau qu’à Gundershoffen et dans le Wurtemberg. NOTE DE M. FABRE. 357 carrière qui montre l’entier développement des couches n° i de la coupe précitée. Ce sont des calcaires gréseux d’un jaune brunâtre, presque sans fossiles; mais la partie supérieure, quoique un peu rema- niée, laisse voir un lit mince, irrégulier, ayant tout l’aspect d’un conglomérat. On le retrouve à 300 mètres plus loin, le long de la route de droite qui s’enfonce dans la forêt de Slage, et on peut constater en cet endroit que les calcaires n° 1 se terminent en haut par une couche ravinée, pénétrée d’oxyde de fer, et dont les anfractuosités sont remplies de morceaux roulés de calcaire ferrugineux, mêlés à des fossiles d’une conser- vation admirable. Les plus gros de ces galets sont souvent re- couverts de Serpules, de petites Huîtres, et même de Montli- mltia Delabechei. Le fossile le plus commun est le Lyonsia abducta , mais la faune est très-variée et presque toute inédite; elle est caractérisée par la présence de VA. Sowerbyi qui, en Lorraine, ne se trouve qu’à ce niveau. C’est ce mince lit coquil- lier qui a offert aux persévérantes recherches de MM. Schlum- berger et Roubalet de très-belles séries de fossiles de l’oolithe inférieure. Au-dessus de ce banc mince, commence la série des couches calcaires, très-dures, fossilifères, exploitées pour moellons dans tous les environs de Nancy sous le nom de roche: c’est la zone à A . Humphriesianus. Nous retrouvons donc à Nancy l’équivalent complet de la matière de Normandie, c’est-à-dire la zone à A. Murchisonœ. On peut y distinguer en résumé de haut en bas : m. i° Couche ravinée fossilifère à A. Sowerbyi 0.10 2° Calcaire gréseux à B. abbreviatus 4.00 8° Bancs à Pecten personatus 0.50 4® Calcaire terreux à fucoïdes 1.20 5° Marnes grises et bancs ferrugineux 5.00 6° Conglomérat ferrugineux fossilifère à A. Murchisorue . ... 0.20 Total 11.00 Ce sous-étage est donc parfaitement bien limité tant en haut qu’en bas par deux couches durcies et ravinées, et le lias supérieur à A. primordial is se termine bien comme l’avait dit depuis longtemps M. Hébert (1) au lit à Montlivaltia. Je ferai remarquer en outre que le mélange, si souvent indiqué dans le (1) Mers anciennes et leurs rivages, p. 19. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. 368 minerai de fer de la Meurlhe, d’espèces liasiques avec d’autres de l’oolithe inférieure, tient à ce que les fossiles sont générale- ment recueillis dans les haldes des mines, et qu’il est difficile parla composition minéralogique seule de reconnaître la cou- che à Montlivaltia de certaines parties du minerai de fer. Quant aux deux petites couches marquées 9 et 6 sur la coupe, il ne faut pas leur attribuer plus d’importance qu’elles n’en ont réellement ; elles indiquent seulement de légers temps d’arrêt dans l’affaissement graduel du bassin jurassique et montrent que l’ensemble des circonstances qui, en Lorraine, ont imprimé aux derniers sédiments du lias un faciès si parti- culier, n’a pas fait place subitement à un ordre de choses nou- veau. En effet, lespremiers sédiments de la mer del’oolithein- férieure ont différé très-peu des derniers de l’époque basique, et ne s’en distinguent que par la prédominance graduelle du calcaire. — Il semblerait même que ce n’est que sous l’in- fluence d’un mélange de calcaire gréseux et de marne que les fucoïdes ont pu vivre et se développer, car la roche qui les contient conserve identiquement les mêmes caractères minéra- logiques sur une étendue de plus de 200 lieues, depuis Metz et Nancy au nord jusqu’au Gard et à la Lozère au sud ; cela expliquerait comment, les mêmes conditions de sédimentation pouvant s’être reproduites plusieurs fois dans les mêmes lieux, on trouve en certains endroitsplusieurs niveaux de fucoïdes (1). Quelque intérêt que l’on puisse attacher à ces récurrences d’une même faune ou flore (2), il n’en demeure pas moins établi que le niveau principal de fucoïdes, celui qui, selon l’expression de M. Dumortier, est un excellent horizon géolo- gique, est compris entre le lias supérieur et la zone à A. Hum - phriesianus. Telle est la position du calcaire à fucoïdes de la Lozère que j’ai eu l’occasion d’étudier, non-seulement à Mende, mais à Marvejols et àMeyrueis. Ces calcaires à fucoï- des, qui ont 40 mètres dans la Lozère, ne tardent pas à s’a- mincir quand on les suit vers le nord à travers l’Ardèche; ils (1) Dieulafait. Bull., 2e série, t. XXV, 1868, p. 408. (2) Ces récurrences de fucoïdes ne s’observent pas seulement dans le Var, comme M. Dieulafait semble le supposer; son troisième niveau se trouve en effet intercalé dans le calcaire jaune (calcaire à Entroques), dans le Lyonnais, et encore plus nettement dans le Méconnais, comme l’indiquent MM. Faisan et Locard dans leur Monographie du Mont-d'Or lyonnais, p. 264. NOTE DE M. FABRE. 359 n’ont plus que 5 mètres dans le Lyonnais , et aux environs de Dijon, oùM. J. Martin lésa retrouvés, ils sont réduits à un feuil- let de quelques centimètres, mais ils reprennent un peu de puissance en pénétrant dans le bassin de Paris et ne dispa- raissent qu’au nord de Metz. On les retrouve exactement au même niveau, et avec le même faciès minéralogique, de l’autre côté de la chaîne des Vosges, dans le petit golfe jurassique de l’Alsace, et j’ai pu en constater l’existence dans deux localités du Bas-Rhin, fort distantes l’une de l’autre. La première est Gundershoffen ; en cet endroit « les marnes du lias sont recouvertes par des marnes sableuses et micacées auxquelles est associé un grès jaunâtre (1). » C’est au milieu de ces marnes que j’ai reconnu des plaquettes calcaires, couver- tes d’empreintes de fucoïdes et remplies de moules de bival- ves trop mal conservées pour qu’on puisse en déterminer les espèces avec quelque certitude. C’est la zone à A. Murchisonœ d’après M. Engelbardt (2). ' La seconde localité est aux environs de Barr, le long de la route qui remonte la vallée; les conditions du gisement sont à peu près les mêmes, la roche seulement un peu ferrugineuse. RÉSUMÉ. 1° Le lias supérieur de Lorraine (minerai de fer) se termine par une couche durcie ravinée, riche en fossiles de l’oolithe inférieure. 2° La zone à A. Murchisonœ se termine par une couche sem- blable à celle qui en forme la base, et non moins fossilifère. ■ 3° La partie moyenne de cette zone constitue l’horizon du calcaire à fucoïdes. 4° Cet horizon se suit sans interruption depuis la Méditerra- née jusqu’en Lorraine, et même en Alsace. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de MM. Faisan et Chantre : (1) Daubrée. Description géologique du Bas-Rhin , p. 145. (2) Daubrée. Ibid., p. 159. 360 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. Rapport à M. Belgrand , président de la Société géologique de France , sur le tracé d’une carte géologique du terrain erratique et sur la conservation des blocs erratiques de la partie moyenne du bassin du Rhône ; par MM. Faisan et Chantre. Depuis que le célèbre B. de Saussure, au retour de son voyage en Provence, en 1780, expliqua la présence des blocs errati- ques sur les plateaux sablonneux d’Auberives, près Vienne, par leur transport au moyen d’un courant d’eau considérable descendu probablement des Alpes du Dauphiné, un grand nombre de savants géologues se sont occupés de l’étude du terrain erratique du bassin du Rhône. En dehors des géologues suisses qui ont concentré leurs observations dans le bassin su- périeur de ce fleuve, il nous suffira de citer, pour cette simple note, les noms de MM. Élie de Beaumont, Fournet, Leymerie, Necker, Collomb, Gras, Blanchet, d’Archiac, Jourdan, Du- mortier. Enfin, nous devons ajouter que MM. Benoît, Favre etLory, en résumant et en discutant les travaux de leurs devanciers et en s’appuyant principalement sur leurs nombreuses observa- tions personnelles ont établi sur une base solide l’étude de cette importante question géologique. Aussi a-t-il été donné à ces messieurs de mettre en lumière la véritable solution scien- tifique de ce grand problème, après avoir esquissé largement et avec une remarquable précision les caractères essentiels de ce terrain, dont l’origine et le mode de formation étaient resté s si longtemps inconnus. Dans de telles conditions, il devenait difficile ou presque inutile d’entreprendre de nouvelles études sur ce même terrain. Nous fûmes donc bien surpris lorsque M. Favre, professeur de géologie à l’Académie de Genève, nous engagea lui-même à nous occuper encore de ces couches de transport. 11 est vrai qu’il s’agissait du tracé d’une carte spéciale du terrain errati- que de la partie moyenne de la vallée du Rhône et des environs de Lyon, ainsi que de la conservation des blocs les plus curieux dans ces mêmes contrées. L’exemple des travaux entrepris ac- tuellement et dans un semblable but, sous la direction de M. Favre, en Suisse, où le terrain erratique a été étudié d’une manière si complète et depuis si longtemps, nous aida à vaincre nos hésitations, et, nous confiant dans l’appui qu’on voulait NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 361 bien nous promettre à Genève, à Paris, à Lyon, à Grenoble, nous consentîmes à marcher dans la voie qu’on venait d’ouvrir devant nous. Du reste, qu’on ne nous fasse pas le reproche de vouloir enfoncer une porte ouverte ; nous le savons et nous nous plaisons à le répéter, MM. Benoît, Favre et Lory ont une dernière fois et largement ouvert cette porte ;« souvent déjà entr’ouverte et refermée. » Notre désir est simplement d’em- pêcher qu’on essaye de la refermer encore. Nous venons donc apporter de nouvelles preuves à l’appui des théories soutenues par ces savants observateurs; nous voulons les suivre pas à pas afin d’aplanir pour tout le monde les difficultés qu’ils ont surmontées les premiers et si laborieu- sement. Enfin, nous nous efforcerons de figurer et de conserver les éléments de leurs travaux. Pour tracer notre carte spéciale du terrain erratique, nous avons adopté la méthode qui nous a paru la plus naturelle. Nous avons supposé que, si les conditions avaient été favorables, le glacier aurait pu creuser sur toute la surface qu’il a parcourue et recouverte des stries semblables à celles que nous avons observées sur plusieurs points. Nous avons donc essayé de reproduire sur des cartes de l’État-major, au moyen de lignes teintées, toutes ces stries réelles ou fictives, dont l’ensemble permît ainsi d’embrasser d’un seul coup d’œil toute l’extension du phénomène glaciaire et la marche de sa progression avec tous ses détails. Pour le grand gla- cier descendu des Alpes, nous traçons des lignes coloriées en orange; pour les glaciers locaux des montagnes du Bugey ou des chaînes lyonnaises, les lignes sont bleu clair. Ces deux couleurs s’enlèvent assez vivement de dessus les hachures noi- res de la carte de l’État-major pour que leur lecture ne rende pas difficile celle du travail topographique. Dans toutes les lo- calités où apparaissent encore des lambeaux ou des nappes de terrain erratique, les lignes sont pleines ; pour les surfaces où le même terrain a été emporté comme dans certains cantons du Bas-Dauphiné, nous ne faisons que ponctuer les lignes pour ne pas les interrompre, et elles ne redeviennent pleines que lorsque nous trouvons de nouveau la boue glaciaire et les cailloux striés. Parfois le glacier, en vertu de son expansion latérale, a surmonté des glaciers locaux, à éléments étrangers aux Alpes; alors nous prolongeons les lignes oranges par des- sus les lignes bleues. Enfin, par un système de signes conven- tionnels, des flèches, des points, des hachures, nous indiquons 362 SEANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. les stries apparentes, gravées sur les rochers, les moraines frontales ou latérales, les alluvions glaciaires et le lehm. A l’exemple de M. Favre pour la carte du terrain erratique de la Suisse, nous figurons les blocs les plus intéressants par la lettre initiale du nom de la roche dont ils sont composés, et près de cette lettre nous mettons un numéro qui se rapporte à celui des catalogues et du texte explicatif; puis nous inscrivons encore ce môme numéro au bas des dessins que nous avons le- vés d’après nature, ainsi que sur les échantillons que nous dé- tachons de ces blocs et que nous classons par ordre dans une salle que M. Bonnet, ingénieur en chef de la ville de Lyon, a bien voulu mettre à notre disposition au parc de la Tête d’Or. Sur les feuilles des catalogues nous écrivons, dans des colonnes séparées, le numéro d’ordre du bloc, la localité, l’altitude, les dimensions, le volume, la nature de la roche, le mode de groupement, l’origine présumée, les légendes et re- marques diverses, le nom du propriétaire et celui de l’obser- vateur. Il y a quelques mois, nous avons distribué un grand nombre de ces catalogues en faisant notre appel ; mais, à part quelques rares indications isolées, nous n’avons encore à adresser des remercîments qu’à MM. Fournet, Benoît, Lory, Dumortier, et nous le faisons avec d’autant plus de plaisir. Nous nous sommes également préoccupés de la conservation des blocs les plus curieux; mais nous nous sommes trouvés en face de grandes difficultés. La plupart des blocs que nous avons catalogués appartiennent à des particuliers qui en compren- nent si peu l’importance scientifique, qu’ils seraient très- heureux de les briser pour en débarrasser leurs champs. La crainte seule de la dépense les arrête dans cette œuvre de destruction. Ajoutons qu’il est souvent difficile de savoir quel est le propriétaire de ces blocs. Est-ce l’État, la commune ou un particulier? Puis, lorsque cette première détermination est faite, il faut entreprendre de nouvelles démarches, de nouvel- les courses, souvent longues et pénibles et toujours fastidieu- ses, pour arriver à faire prendre les mesures nécessaires à la conservation de ces remarquables débris. Pour obtenir facile- ment ce résultat et abréger des lenteurs inutiles, nous aurions besoin de requérir l’aide d’un agent de l’autorité, du garde champêtre par exemple, en parcourant les communes. Autre- ment notre tâche devient impossible. Déjà, monsieur le Président, d’après la demande que M. Favre vous a adressée en faveur de notre travail, vous avez NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 363 eu l’obligeance d’écrire à messieurs les Préfets du Rhône, de l’Ain, de l’Isère, pour nous obtenir cette autorisation qui nous est nécessaire ; mais jusqu’à ce jour nous sommes privés de l’appui que vous avez sollicité pour nous. Nous espérons que vous ne nous retirerez pas votre protection, et que grâce à votre influence nous finirons par obtenir cette permission de MM. les Préfets ou même de Son Excellence Monsieur le Mi- nistre des travaux publics (1). Ainsi que nous aurons l’honneur de vous l’exposer plus bas, la destruction des blocs est constante et rapide. Il faut se bâter, si l’on veut conserver quelques-uns de ces monuments de l’histoire primitive de notre pays (2). Après avoir ainsi formulé d’une manière précise l’esprit et le but de notre œuvre, nous vous prions de nous permettre (1) Postérieurement à la lecture de ce rapport à la séance du 21 décembre dernier, et sur la demande de M. Belgrand, inspecteur général des Ponts et Chaussées et président de la Société géologique de France, S. Exc. M. le Ministre des travaux publics a adressé des lettres à MM. les ingénieurs en chef des départements de l’Ain, de l’Isère et du Rhône pour les inviter à nous faciliter autant qu’ils le pourront l’accomplissement de nos travaux. MM. les ingénieurs se sont empressés de souscrire à cette invitation. En faisant connaître ces faits, nous sommes heureux d’exprimer en même temps toute notre gratitude. (2) A titre de simple renseignement, veuillez nous permettre, monsieur le Président, de vous indiquer quelques-uns des blocs que nous avons re- connus sur les biens des communes ou de l’État, et par conséquent dont la conservation est possible. Bloc de grès houiller de 9 mèt. cub.} à Bin, communal de Yollien, Ha- meau de Cuzieu (Ain). Divers blocs de grès houiller ou d’autres roches alpines sur la montagne de Parves, près de la Croix-Ste-Anne, à l’est de Belley (Ain). Bloc de grès houiller de 1 mèt . euh ., près du bloc de poudingue de Va- lorsine de 8 mèt. cub., décrit par M. E. Benoît, sur la montagne de Talabois, à l’ouest de Souclin (Ain) (*). Bloc de poudingue de Valorsine de 20 mèt. cub., vers la croix de Liu- don, sur le bord du chemin d’Ordonnaz à Lompnaz, au-dessus et au nord de Lompnaz (Ain). Bloc de brèche triasique de la Tarent aise de 112 mèt. cub.} appelé la Pierre du Diable , communaux de Trept, près Crémieu (Isère). Bloc de brèche triasique de la Tarentaise de 240 mèt. cub., appelé la Pierre du Bon Dieu; communaux de Trept, près Crémieu (Isère). (*) Bulletin de la Société, géologique , 2e série, t. XX, p. 354. 364 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. quelques réflexions générales et de nous laisser essayer de ré- sumer nos récentes observations en renvoyant à quelques mois Fexposé de notre travail graphique. Lorsque nous avons écrit notre appel, notre conviction sur le mode d’origine du terrain erratique de nos environs n’était pas encore complète, et, malgré notre tendance intime à adopter la théorie glaciaire, nous subissions parfois et malgré nous l’influence des théories opposées. Du reste, les ravages causés par les débordements terribles de nos deux grands fleuves ont dû toujours prédisposer les géologues et le public lyonnais à attribuer une importance extrême aux effets torren- tiels et diluviens, qu’ils sont même tentés d’exagérer facile- ment. Leur imagination au contraire s’effraye de l’extension des phénomènes glaciaires, qu’ils n’ont souvent entrevus que de très-loin et qui sont familiers pour tous les habitants des régions alpestres. Certainement c’était bien la vue constante des glaciers et de leurs moraines qui inspira à Perraudin, sim- ple chasseur de chamois, la magnifique théorie qu’il commu- niqua à M. de Charpentier et qui a fait le tour du monde. Les idées diluviennes nous entourent et dominent près de nous, et cependant nous n’avons pu faire une course, une observation sans retrouver des preuves du système glaciaire, si bien qu’en parcourant les montagnes du Bugey et du bas Dauphiné, le plateau de la Dombes, il nous semblait, pour ainsi dire, assister encore au retrait de ces immenses glaciers qui ont recouvert Lyon et les plaines voisines de leurs vastes débris. Le grand glacier du Rhône, après être descendu des hau- teurs du mont Rose et du massif du mont Blanc, a comblé tout le Valais d’une masse de glace compacte ; puis il s’est divisé en deux courants. L’un s’est épanché au nord par la vallée de la Suisse pour venir rejoindre le glacier de l’Aar et s’étendre avec lui jusque dans la vallée du Rhin; l’autre, suivant presque le cours du Rhône, a envahi latéralement toutes les vallées du Bugey, et, après avoir pivoté autour du Molard de Don (1), est venu abandonner ses moraines profondes et frontales sur les plaines du Dauphiné et de la Dombes, jusque vers Bourg et Brou (2), ainsi que sur les collines du bas Lyonnais. Les glaciers de l’Arve et de l’Isère, et sans doute ceux qui (1) Bulletin de la Société géol.f 2e série, t. XX, p. 821 . (2) Necker. Études géol. dans les Alpes, p. 270 (1841). NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 365 descendaient de la chaîne méridionale des Alpes françaises, ont apporté également leurs tributs à ce gigantesque fleuve solide qui a fini par submerger, dans sa marche lente et progressive, toute la belle vallée du Rhône jusque près de la mer et de Montpellier (1) ; mais nous n’avons pas à nous préoccuper au- jourd’hui de cette immense nappe de glace, et nos recherches se sont concentrées dans la partie moyenne de l’ancien glacier du Rhône. Cependant, nous ferons remarquer d’une manière générale que les deux courants de ce glacier ont continué à progresser avec un ensemble prodigieux, après s’étre séparés sur la ligne de partage des bassins du Rhin et du Rhône ; ainsi le grand cirque de Belley, que M. E. Benoît a décrit (2) comme un im- mense réceptacle de débris de moraines et de blocs erratiques glaciaires, se trouve à la même distance que Soleure du dé- bouché du Valais, point de bifurcation des deux courants, et vers ces deux villes les blocs sont nombreux et atteignent les mêmes altitudes. C’est près de Soleure que sont accumulés les blocs si remarquables du Steinoff, entre autres ce fameux bloc d’Arkésine de 60,000 p. c. (3). Ces blocs sont groupés à une altitude de 534m, mais M. Lang en a signalé un de 750 p. c. à Herbertsvyl, à un niveau de 850 à 900m au-dessus de la mer. Le bloc de quartzite de 40 m. c. que nous venons de décou- vrir près du sommet de la montagne de Lâchât, sur le revers S. O. du Molard de Don et à l’ouest de Belley, se trouve égale- ment à plus de 1000m. Déjà M. Benoît avait indiqué des frag- ments de roches alpines très-nombreux et souvent volumineux sur Je plateau d’Inimont, au pied du Molard de Don (4). Pour dire encore un mot de ce parallélisme, ajoutons que les blocs signalés par ce même géologue au Grand-Colombier, à 1200, correspondent à ceux du Chaumont, au-dessus de Neuchâtel, à la cote 1220. Il serait facile, du reste, de multiplier ces points de comparaison dans la marche de ces deux courants, ainsi que pour ceux de l’Arve et de l’Isère, depuis les sommets des Alpes jusqu’à leurs limites d’extension, en citant un grand nombre de blocs parmi ceux qui sont dispersés sur les monta- gnes du Jura, du Bugey, de la Chartreuse et de tout le Dau- (1) Dernière réunion extraord. de la Soc. géol. (2) Bulletin de la Soc. géol.y 2e série, t. XX, p. B21. (3) Favre. Recherches géol., t. I, p. 113. (4) Bulletin de la Soc. géol. de France , 2e série, t. XX, p. 352. 366 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. phiné; mais ce simple coup d’œil suffit pour permettre d’em- brasser l’ensemble de ce grandiose phénomène et en rétablir l’unité. Afin de rentrer dans le cadre plus restreint de notre étude, cherchons à retrouver sur le sol et dans un endroit déterminé l’empreinte de la marche d’une portion de ce grand glacier dont nous venons d’admirer la surface. Déjà, M. E. Benoît a indiqué (1) ses extensions latérales à travers les vallées du Bu- gey. Des traînées de roches de cristallisation au milieu des calcaires jurassiques et crétacés lui ont servi de guides pour suivre d’une manière certaine le phénomène glaciaire jusque dans la Michaille, le Valromey et sur les plateaux du haut et du bas Bugey; cet automne, nous sommes arrivés à la démons- tration des mêmes faits par un moyen différent. Nous avons étudié principalement les environs de Belley, car, après avoir dépassé le Grand-Colombier, le glacier ayant dû s’épanouir dans plusieurs directions, il nous a semblé possible de retrou- ver sur les roches dures de cette contrée les traces de cette grande dispersion. Aidés de quelques indications de M. E. Be- noît, nous avons recherché attentivement les stries gravées sur les rochers, et toujours nos observations sont venues confirmer les faits avancés par ce géologue. Au sud-ouest de Culoz, au nord de Ceyzérieux, entre ce vil- lage et la Grange-des-Roches, on aperçoit un vaste affleure- ment de roches néocomiennes dont la surface, sur un espace d’environ un kilomètre, est entièrement sillonnée de stries et de cannelures rectilignes et parallèles, toutes dirigées vers le N. O., c’est-à-dire vers le Valromey et les échancrures de Thézilieux et de Saint-Rambért. Près de cette station de la Grange-des-Roches, à Ardosset, un second affleurement de néo- comien présente des stries dans la même direction. Ces deux points ne sont éloignés que de 4 à 5 kilomètres du pied du Grand-Colombier ; et pourtant ces stries, dont la prolongation à l’est viendrait presque croiser à angle droit la direction nor- male du glacier dans la vallée du Rhône, nous démontrent d’une manière palpable les effets de l’expansion latérale ; et, sans doute, si le fond du Valromey n’était pas encombré par les grès tendres de la mollasse et par les débris calcaires du glacier local inférieur, on y retrouverait les stries du grand glacier se dirigeant vers le nord. Sur les flancs durs et com- (1) Bulletin de la Soc. géol., 2e série, t. XX, p. 845. NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 367 pactes de cette longue dépression on peut étudier de nouvelles directions de stries ; ainsi dans celles (N. O.) que M. E. Benoît nous a signalées au col qui sert de passage à la route de Cham- pagne à Cormoranche, on peut reconnaître encore un effet du même phénomène. Ces stries suffiraient pour prouver que le grand glacier s’est déversé sur le plateau d’Hauteville. Revenons à la masse principale du glacier qui ne s’est pas écartée de sa direction primitive pour remonter vers le nord. Sur les bords du marais de Lavours apparaît un rocher isolé surmonté du vieux château de ce nom; au pied d’une des tours le calcaire néocomien est raboté, poli et couvert de stries. Leur direction n’est plus au N. O.; mais sous la pression du glacier de l’Arve, et peut-être d’une branche de celui de l’Isère, qui a franchi et strié les rochers de Chanaz, elle n’est plus di- rectement au S.; elle s’infléchit à l’O. , précisément en se diri- geant vers le col de Saint-Benoît (528m), où M. Benoît a reconnu, avec sa sagacité habituelle, le principal passage par lequel le glacier a dû franchir la chaîne du Molard de Don pour rejoindre le Rhône, après avoir laissé sur les roches de ce col des stries qui se redressent déjà vers le N. O. Comme point intermédiaire entre ces deux stations, nous avons dé- couvert des stries O. 30 S. sur un affleurement de calcaire, au milieu de l’ancienne route de Belley à Ceyzérieux, eu face de Marignieu. La petite différence qui existe entre la direction reconnue à Lavours et celle de Marignieu peut résulter des obstacles présentés par plusieurs chaînes de collines transver- sales qui sillonnent cette contrée; du reste, nous venons d’ap- prendre que M. E. Benoît a trouvé près de cette station, au sud de Billieu, sur une surface de calcaire à Entroques, des stries se dirigeant d’une manière normale vers le col de Saint- Benoît. Il n’y aurait donc eu qu’un simple croisement acciden- tel de ces deux directions. Au midi de cette grande ligne qui vient aboutir à la mon- tagne de Tantainé, la direction des stries est franchement S. O. Elle est parallèle à la crevasse du Lit-au-Roi, dans laquelle passe la route, et qu’a dû suivre le glacier. Au midi de Parves, près d’un chemin qui conduit au hameau de Poisson, des strier apparaissent encore à l’angle d’un champ, mais elles se dirigent presque vers le S. avec une légère in- flexion seulement à l’ouest. Sans doute, la dorsale de la mon- tagne de Parves les maintenaitdans ce sens, tandis qu’à Pierre- Châtel, l’obstacle se trouvant directement au S., la direction se 368 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. trouva entièrement modifiée et passa complètement de l’est à rouest. Près de l’ancienne Chartreuse, les stries ont presque partout disparu, et les grandes parois verticales de rocher qui supportent les forts ou qui dominent la route d’Yenne ne pré- sentent que des surfaces moutonnées. Dès qu’il eut franchi cet étroit défilé et qu’il eut surmonté la chaîne qui lui barrait le passage à l’ouest, Je glacier s’est avancé librement dans la plaine du Dauphiné et a pu de nou- veau suivre la vallée du Rhône devenue assez vaste pour le contenir. La progression du glacier se fît dans le sens de cette vallée, comme le prouvent de la manière la plus évidente les stries N. O. qui sont gravées sur le choin de Grattet, au N. O. de Villebois, et surtout celles qui se développent avec tant de régularité au-dessus des plateaux de Morestel, d’Amblagnieu, de Parmilieu, de Pressieu en Dauphiné, sur un espace de plu- sieurs kilomètres carrés (1). Ce choin, qui représente la grande oolithe, est un calcaire très-dur, compacte, éminemment propre à recevoir le poli et à conserver les stries glaciaires. Aussi, en étudiant avec attention ces localités, on y reconnaît tous les accidents décrits par MM. Collomb, Hogard et les géologues suisses. Ces stries sont de toutes les grosseurs et restent tou- jours rectilignes, malgré les différentes inclinaisons de la ro- che; parfois elles deviennent de véritables sillons de 0m,30 à 0m,40 de profondeur. Ces surfaces, qui servent souvent d’aires pour battre le blé, sont généralement recouvertes par une couche peu épaisse de boue glaciaire, dont la nature argileuse les a conservées avec tous leurs détails d’une manière remarquable, en les préservant de tout contact avec les eaux atmosphériques. On voit encore en place des grains de quartz ou de roche dure qui ont servi de burins pour tracer ces stries, qui vont tou- jours en s’approfondissant dans le sens de la marche du glacier, jusqu’à ce que la résistance de la roche soit devenue supérieure aux efforts exercés sur elle. Nous avons tellement admiré ces stries, que nous avons fait transporter au parc de la Tête d’Or une dalle qui en était couverte. L’examen de cet ensemble de stries, constamment tracées dans un sens déterminé, se rapportant toujours aux résultats d’autres investigations, fournit, il nous semble, une preuve ir- (1) Lory. Descript. géol, du Dauphiné , t. III. NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 369 récusable, matérielle, palpable, à l’appui du système de l’ex- tension des glaciers en dehors des Alpes et du transport, par leur moyen, des blocs erratiques. Des torrents d’eau ou de boue peuvent moutonner des roches dures, creuser des cannelures tortueuses au fond des vallées ou sur leurs flancs, mais ils sont incapables de tracer des stries toujours parallèles et toujours rectilignes, sans qu’elles se modifient d’après les ondulations du sol ou des différences de niveau de près de 300 mètres. Le glacier qui a riflé et usé les calcaires durs du bas Dau- phiné, qui y a creusé des cannelures de 0m,40 recouvertes encore par sa moraine profonde, a dû fonctionner pendant un grand laps de temps. La durée de ce phénomène peut se prouver encore par les immenses accumulations de débris et de boue glaciaire qui sont placardées contre les flancs des mon- tagnes du bas Bugey, dans les dépressions de l’Huis de Lomp- naz, de Bénonces, de Villebois, etc. Au-dessus du hameau de Bouis, dans cette dernière commune, et près de la tufière, le ruisseau du Riby a entamé le terrain erratique pour y former un escarpement de 50 à 60 mètres de hauteur. Des fragments de roches des Alpes de tous les volumes sont entassés pêle- mêle dans une boue jaunâtre, colorée ainsi par la décomposi- tion des calcaires tendres du voisinage. Quelquefois, de gros blocs préservant des dégradations plu- viales le terrain qui les supporte, tandis que les autres débris sont entraînés par les eaux sauvages en bas de l’escarpement, il se forme petit à petit des 'pilastres erratiques ou cylindres de débris qui rappellent les colonnes d’Useignes de la vallée d’Hé- rens, décrites par M. de Charpentier. C’est encore un point de similitude entre la formation glaciaire du Bugey et celle de la Suisse. Afin d’identifier davantage ces deux terrains et pour mieux prouver le transport des blocs par le glacier, nous dirons en- core qu’il est facile de retrouver, dans les environs de Belley ainsi que dans le bas Dauphiné, des groupements de roches, des convois de hlocs analogues à ceux que M. Guyot a si bien étudiés dans toute la Suisse jusque vers le défilé du fort de l’Écluse, qu’il regardait comme la limite du terrain erratique dans la vallée du Rhône. Ainsi que l’a ditM. Benoît (1), on trouve dans «. le Jura mé- (1) Bulletin de la Soc. gèol . de France , 2e série, t. XX, p. 321. Soc. géol.j 2e série, tome XX YI. 24 370 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. ridional les débris de toutes les roches des Alpes, depuis les Pennines jusqu’à la Tarentaise. Il y a eu convergence sur le bassin de Belley, suivant la déclivité générale des contre-forts des Alpes. » Les serpentines du haut Valais, les euphotides de la vallée de Saaz continuent à caractériser, sur le pourtour du Bugey, les vestiges de l’ancien glacier du Rhône. En outre, de vérita- bles traînées ou convois de poudingues de Valorsine se recon- naissent sur toute la montagne de Parves. Cette roche y domine presque exclusivement. Au pied de cette montagne, que le géologue que nous avons déjà si sou- vent cité compare avec tant de raison au Salève, il y a un nouveau groupement de roche : c’est une sorte de phyllade noirâtre, lustré, peut-être l’analogue de ces prétendues ardoi- ses noires que M. Favre a observées sur les hauteurs du massif du mont Blanc. Au sud de ce château de Montarfier nous avons reconnu un bloc de cette roche, cubant près de 400 mètres ; et près des maisons de Lassigneux on voit les fragments d’autres blocs semblables qu’on a brisés depuis peu d’années. A cette espèce appartient encore le gros bloc de près de 300 mèt. cub. qu’on a commencé à exploiter pour faire des soles de four, et qui sert de limite aux trois communes de Cuzieu, de Virieu et de Saint-Martin de Bavel. Ainsi, les plus gros blocs sont formés de la même roche, et cette roche tendre, se délitant facilement, offre peu de résistance. Comment dans de telles conditions ex- pliquer son transport lointain par un charriage, soit par un torrent boueux, soit par des débâcles diluviennes au milieu d’un pays accidenté et à toutes les altitudes ? A Seillonnaz, à Souclin, à Ordonnaz, on trouve ce phyllade associé au grès et au poudingue de Valorsine, qui y sont arrivés en convois sur le dos du glacier qui les déposait à tous les ni- veaux. A la Croix de Luidon, entre Ordonnaz et Lompnaz, nous avons découvert, à près de 900 mètres, un bloc anguleux, presque cubique, de 200 mètres, de poudingue de Valorsine. Cette roche, il est vrai, est très-dure, mais elle a conservé tou- tes ses saillies. Le bloc de grès houiller, qui apparaît perché sur un de ses angles comme un énorme carreau (9 mèt. cub.), au milieu des pentes néocomiennes fortement inclinées de Vollien, communal de Cuzieu, offre les mêmes caractères et permet de tirer les mêmes conclusions. Des laits et des groupements analogues se reconnaissent sur NOTE DE MM. FÀLSAN ET CHANTRE. 371 les bas plateaux calcaires qui forment Fextrémité nord du dé- partement de l’Isère; ainsi à Parmilieu, àCharette et à Optevoz, les blocs coralliens et néocomiens dominent, mélangés aux grès triasiques. Plus au sud, près de Crémieu, nous trouvons à Trept, à Moras, un groupe considérable de blocs formés par la brèche du trias de la Tarentaise ou du Valais. Le plus gros de ces blocs, appelé la Pierre-du-Bon-Dieu, ne cube pas moins de 240 mèt. A Frétignieu, près du lac de Moras, ce sont au contraire les gneiss et les granités qui sont les roches les plus abondantes. Près de Lyon la plupart des gros blocs apparents ont été dé- truits depuis longtemps; mais ceux qui ont été épargnés pré- sentent également des angles à peine émoussés, usés un peu par leur transport sur le glacier, mais non roulés comme s’ils avaient été entraînés par les eaux; pour exemple, nous citons les blocs de Saint-Genis, d’Oullins, de la Croix-Rousse, de Sathonay, du marais des Échets, de Rancé, dh\rs, etc. Ces derniers blocs disparaissent chaque jour ; à Meximieux, à Saint-André de Corcy, des fours à chaux sont alimentés en partie par des blocs erratiques calcaires. Les blocs erratiques étaient très-abondants, près de Trévoux; ceux des hauteurs de Sainte-Euphémie ont été brisés pour l’empierrement de la route d’Ars, lors de sa rectification. La pierre brune de Rancé (50 mèt. cub.) a déjà été exploitée. Près de ce village, dans celui de Toussieu, à l’est de Trévoux, on a détruit, il y a une quinzaine d’années, un bloc de protogine de près de 5 mèi. cub. qui, en s’appuyant sur d’autres blocs, formait une sorte de dolmen ! Le bloc de quartz laiteux du camp de Sathonay a été brisé en plusieurs fragments ; le bloc de 35 mèt. cub. du chemin de fer de la Croix-Rousse sert de fondation à la culée d’un pont. Pourtant ces blocs étaient les jalons indicateurs de la limite du terrain erratique au milieu de nos vastes plaines et de nos collines; ils étaient souvent pour le géologue les seuls indices apparents de toute une formation qui se dérobe presque tou- jours à toute recherche superficielle. Nous ne pouvons donc nous empêcher de rappeler encore l’importance qu’il y aurait à en conserver quelques-uns des plus remarquables. En l’absence des blocs on ne peut observer et étudier le terrain erratique que dans les gravières, les tranchées artifi- cielles ou les escarpements des ravins. Une couche plus ou moins épaisse de terre végétale recouvre tout le pays d’un 372 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. manteau uniforme; cette terre, c’esi le limon jaune de M. E. Benoît, le lehm des géologues, le diluvium jaune et rouge de M. Sauvanau, et encore le terrain blanc goutteiix des cultiva- teurs de la Dombes. Ce terrain résulte de la trituration de tou- tes les roches usées et transportées par le glacier; il s’est étendu en nappe immense pendant et après la fonte des gla- ces. Du reste, il se modifie et s’accroît toujours par des ad- jonctions provenant des couches décomposées, sous-jacentes, des localités voisines. Par l’absorption des eaux acidulées atmosphériques qui dé- composent et entraînent le calcaire, lorsque l'épaisseur du dépôt ne s’y oppose pas, ce terrain finit souvent par n’être plus qu’un composé argileux brunâtre ou simplement de la si- lice pulvérulente d’une ténuité extrême (1) (87 °/°), mélangée à un peu d’argile. Il prend alors une teinte blanche. Quant aux colorations jaunâtres ou rougeâtres, elles ne peuvent servira déterminer deux formations géologiques; elles dépendent seu- lement de l’état d’oxydation du fer, et ce phénomène pure- ment accidentel rentre dans ceux de la rubéfaction des roches, si bien étudiée par notre maître, M. Fournet (2). Ces décompositions déjà étudiées par M. Benoît (3) n’agissent pas simplement à la surface du sol; elles se font sentir souvent à une grande profondeur et elles modifient entièrement l’aspect et la composition des terrains. Tout le carbonate de chaux est entraîné; les cailloux calcaires commencent par perdre leurs stries; puis ils finissent par disparaître complètement en ne laissant qu’un peu d’argile à leur place. Les blocs calcaires de plusieurs décimètres cubes sont attaqués et restent dans des sphères creuses, tapissées d’une argile brune, résidu de leur composition. Tous les fragments des roches feldspathiques ou siliceuses sont soumis à des effets chimiques analogues et su- bissent des modifications qui ont été déjà bien souvent étu- diées. Les véritables quartzites résistent seuls et deviennent ainsi les éléments dominants et môme exclusifs de ce terrain, tellement modifié, qu’il devient impossible de le déterminer et de le différencier du terrain inférieur qui subit les mêmes (1) F. Pouriau. Études gèol chim. et agron. sur les sols de la Bresse, p. 56. (2) Ann • de la Soc. cTagric.de Lyon , t. VIII, P* I (1845). (E) Bull, de la Soc. géol., 2e série, t. XV, p. 840 (1858). NOTE DE MM. FÀLSAN ET CHANTRE. 373 accidents» Ce terrain inférieur appelé conglomérat bressan nous paraît, dans son ensemble, de formation marine et rattaché à la mollasse, miocène supérieur, dont il renferme les fossiles caractéristiques lorsqu’il a été à l’abri des influences décompo- santes. II aurait été transporté et roulé par les eaux de la mer lors du soulèvement de la mollasse jusque auprès du Crêt de Chalam (Ain), à l’altitude de 1233 mètres (1). Parfois la surface de ce terrain inférieur n’est qu’une alluvion glaciaire ou encore des lambeaux pliocènes. On peut se demander ce que devient le carbonate de chaux qui résulte de ce grand lessivage. C’est lui, croyons-nous, qui va cimenter des couches inférieures de graviers pour en for- mer ces poudingues qui apparaissent à mi-coteaux sur la rive gauche de la Saône; c’est lui qui fournit le calcaire à toutes les sources qui en déposent sur ces collines, et nous n’attri- huons pas une autre origine à ces grands amas de tuf de Meximieux et de Dagnieux, dont M. le comte de Saporta étudie la flore dans ce moment et qu’il est tenté de regarder comme du pliocène moyen ou inférieur. Tout en admettant la théorie glaciaire, on ne peut nier les effets diluviens ; mais il faut les restreindre dans certaines li- mites et les regarder comme résultats des torrents sous-gîa- ciaires ainsi que de la fonted.es neiges, môme si elle s’est opérée lentement. Les eaux ont repris en sous-œuvre les déhris transportés et striés ou polis par le glacier, et leur ont fait perdre leurs ca- ractères distinctifs. Cette action a rendu plus fréquentes les difficultés d’observation. Ainsi à la Trappe du Plantay, en Dombes, pendant le forage d’un puits, nous n’avons reconnu le terrain erratique normal qu’à une profondeur de 6 mètres. Pour l’atteindre il avait fallu traverser le lehm, les couches décomposées et l’alluvion glaciaire, indiquée par de petits bancs de sable fin. Toutefois, un bloc assez volumineux de schiste micacé, gisant près de la porte de l’hôtellerie, aurait suffi pour faire reconnaître la présence de ce terrain. Souvent, au milieu de l’alluvion glaciaire, il reste quelques cailloux striés; la détermination du terrain devient alors facile; c’est ce qui nous est arrivé pour les petites collines de Tossiat, entre Bourg et le Bevermont, et pour les gravières du marais des Échets. (1) E. Benoît. Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, t. XV, p. 326. 374 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. Toute la plaine de la Dombes et du bas Dauphiné a donc été recouverte par la moraine profonde du glacier du Rhône et de ses tributaires, et à la limite de ce terrain qu’ont tracée MM. Be- noît et Lory on trouve des lambeaux de moraines frontales ou terminales. Nous en avonsaussireconnu au pied du mont d’Or et sur les plateaux du bas Dauphiné. Il y a déjà dix ans que M. Benoît (1) a considéré comme des moraines terminales les bourrelets sur lesquels on a construit le camp et la chapelle de Sathonay. Les travaux de tranchée qu’on a entrepris depuis pour le chemin de fer de Bourg ont confirmé cette détermination d’une manière évidente, et on n’a qu’à examiner les talus de la voie pour y retrouver toute la structure des moraines frontales, cet amoncellement de blocs, defragments de toutes grosseurs sans stratification, sans triage. Enfin là, comme dans le Bugey et le plateau du Dauphiné, on peut revoir ces groupements de blocs de même nature, inexplicables par la théorie diluvienne. Ainsi, dans les cham- bres d’emprunt de Caluire et des Échets, il n’y a presque que des calcaires coralliens ou néocomiens: vers le marais des r ' Echets ce sont des schistes noirs calcaréo-siliceux, des proto- ginesà grands cristaux, des grès avec quelques empreintes de l’époque tertiaire. Le terrain erratique a donc partout les mêmes caractères. Disons encore que le marais des Échets nous paraît placé dans une grande cuvette en forme de croissant, prise entre deux moraines presque concentriques, et que ce bassin nous rap- pelle tous les petits lacs des environs de Belley, situés à toutes les hauteurs dans la boue argileuse glaciaire, depuis les lacs d’Armaille et de Conzieu, à 331 mètres, jusqu’à ceux de Crotel et d’Àmbléon, à 528 et 705 mètres. On pourrait encore placer dans cette catégorie tous les étangs de la Dombes, puisqu’ils doivent leur origine à l’imperméabilité du terrain erratique répandu sur tout ce pays. Les eaux des petits lacs du plateau qui domine la grotte de la Balme et Crémieu, en Dauphiné, entre autres celles du lac de Moras, sont retenues de la même manière dans des dépressions de moraines. Les collines de Fourvière, de Sainte-Foy, d’Oullins, deSaint- Genis, nous paraissent couronnées par des moraines frontales (1) Bail, de la Soc. géol. de F ance, 2e sér.; t. XV, p. 330 et 333 (1858). NOTE DE MM. FALSAN ET CHANTRE. 375 / qui ne seraient que le prolongement de celles de la Croix- Rousse, de Sathonay, d’Ars. Nous avons d’abord pensé qu’au delà de Givors, au pied du Pilât, au-dessus du plateau de Sainte-Colombe, nous trouverions le terrain erratique, si bien développé sur les collines de Vienne ; mais nos recherches ont été infructueuses; nous n’avons pas vu un seul bloc, un seul caillou strié. Cette absence de terrain erratique alpin dans cette localité, pour nous ne peut s’expliquer qu’en suppo- sant sur le massif élevé du Pilât un glacier particulier qui au- rait repoussé les débris étrangers et ne leur aurait pas permis de dépasser les hauteurs de Vienne. Peut-être encore des glaciers locaux, semblables à ceux que M. Benoît a décrits dans les vallées du Bugey, fonctionnaient, à la même époque, dans les montagnes du Beaujolais. Du moins, de gros blocs de porphyre, de granité, à peine émous- sés et alignés sur lespremiers contre-forts de cette chaîne, sem- bleraient appuyer cette hypothèse. Il nous suffît maintenant de signaler ces faits, que nous nous proposons d’étudier attenti- vement. M. Belgrand fait les observations suivantes sur la communi- cation de MM. Faisan et Chantre : La Société apprendra sans doute avec plaisir que les gran- des administrations de France ont pris des mesures pour faciliter les recherches de nos deux confrères. M. le Ministre des travaux publics a invité MM. Dumoulin, ingénieur en chef du département delà Savoie, Collet-Meygret, ingénieur en chef du département de la Haute-Savoie, Bau- dari, ingénieur en chef du département de l’Ain, Meynard, in- génieur en chef du département du Rhône, et Berthier, ingénieur en chef du département de l’Isère, à faciliter autant qu’ils le pourront l’accomplissement de leurs travaux, et à donner à cet effet des instructions à MM. les ingénieurs et aux agents placés sous leurs ordres. M. le Directeur général des forêts a envoyé des instructions analogues à MM. les Conservateurs de la Savoie, de la Haute- Savoie, de l’Ain, de l’Isère et du Rhône. La Société comprendra sans peine combien le concours de ces deux administrations est important. Sans les gardes fores- tiers et les cantonniers, bien des blocs erratiques, des plus intéressants, resteraient cachés sous le feuillage des forêts. 376 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. MM. les préfets des mêmes départements ont bien voulu mettre à la disposition de nos confrères une autre classe d’a- gents non moins précieux, les gardes champêtres. Enfin, la Compagnie du chemin de fer de Lyon a bien voulu leur délivrer des cartes de circulation gratuites sur les lignes de son réseau avoisinant la Suisse et la Savoie. Le concours de ceux qui s’intéressent à la science est donc assuré à MM. Faisan et Chantre. M. Michal se souvient d'avoir observé autrefois, près du sommet du Pilât et sur la rive gauche du Gier, des blocs erratiques à arêtes vives qui, peut-être, pourraient être considérés comme les témoins de l’ancien glacier particu- lier du Pilât. Cette observation est confirmée par M. Munier-Chalmas. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. de Roys. Note sur les formations d'eau douce supérieures aux sables de Fontainebleau ; par M. le marquis de Roys. Dans une course faite en 1837, avec Constant Prévost et M. Lajoye, aux buttes deRumont, Fromont, Amfreville, et à deux ou trois lieues à l’ouest de Nemours, nous avons vu que le calcaire lacustre, immédiatement supérieur au grès de Fon- tainebleau, était recouvert par une assise de marnes très-argi- leuses, vertes et jaunes, surmontées elles-mêmes par un second calcaire d’eau douce, riche en Hélix , fossile qui nous a paru manquer complètement dans l’assise inférieure. J’ai eu occa- sion de rappeler ce fait, il y a deux ans, à l’occasion d’une communication de M. Tournouër cherchant, dans le bassin de Paris où il ne connaissait que le calcaire de Beauee, l’équiva- lent des trois calcaires lacustres qui, en Aquitaine, sont sépa- rés par des formations marines. Bans sa coupe théorique, Constant Prévost n’a distingué que par des chiffres ces di- vers étages de calcaire d’eau douce, formations qu’à l’exemple de Cordier il nomme travertins. Dufrénoy ayant donné le nom de calcaire de Brie au calcaire inférieur aux sables de Fontainebleau, le plus élevé ayant reçu de tous les géologues le nom de calcaire de Beauee, je proposerai le nom de calcaire NOTE DE M. DE ROYS. 377 du Gâtinais pour celui qui recouvre immédiatement les grès, et qui est assez développé à Fontainebleau, Nemours, Château- Landon, Paley, Lorrez dans l’ancienne province du Gâtinais, située entre la Brie, qui finit à Melun, et la Beauce, qui com- mence à Amfreville, où il plonge sous les argiles et le calcaire de Beauce. J’ai constaté la présence de ces trois formations près de Montfort l’Amaury, où le calcaire de Beauce est représenté par une couche assez mince d’un conglomérat ferrugineux, dont les pisolithes sont liées par un ciment calcaire quelquefois do- minant. J’ai suivi cette assise du plateau de Blusche à Mont- fort jusqu’au delà des étangs de la forêt de Bambouillet, à plus de 8 kilomètres. Ce conglomérat est pareil à celui dont on trouve quelques rognons épars à Meudon, dans la même posi- tion, au-dessus des argiles à meulières supérieures. Mais celui de la forêt de Rambouillet forme une assise continue, atteignant 30 à 40 centimètres de puissance près de l’étang d’Hollandre. A une distance assez considérable, dans la commune de Tbury (Oise), j’ai relevé une coupe analogue. Au-dessus des sables de Fontainebleau, un calcaire assez argileux, de deux à trois mètres de puissance, est exploité à d’assez grandes distan- ces comme marne pour l’amendement des terres grasses de tous les plateaux. Dans un chemin qui va de Collinance à Rouvres, chemin qui est un véritable ravin, ce calcaire, qui est très-blanc, est recouvert d'argiles vertes et jaunes, tout à fait semblables à celles de Rumont, sur deux mètres de puissance, que j’ai aussi observées dans une excavation au-dessus des bois, près du chemin de Thury. Au-dessus, on trouve de gros rognons de silex de la forme d’un pain de munition, dont la cassure grisâtre présente des bandes parallèles, d’un noir foncé, et de différentes largeurs. Avec ces silex on trouve en grand nombre des rognons aplatis de limonite siliceuse. Je n’oserais dire que ces rognons forment une assise, puisqu’ils sont sim- plement répandus sur les argiles précédentes et sans adhérence entre eux. Cependant ils y sont constants et en grand nombre puisqu’ils forment une assez notable partie des approvisionne- ments pour l’entretien des routes. Ils sont presque partout recouverts par une couche épaisse de lœss que les travaux de l’agriculture font descendre sur les pentes qui ne sont pas très- rudes, de manière à les masquer très-ordinairement. J’ai cru devoir attirer l’attention de la Société sur cette coupe si com- plètement analogue à celle de Montfort-PAmaury et à celle de 378 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. Meudon. Les trois formations d’eau douce des environs de Ne- mours s’y retrouvent bien distinctes quoique la supérieure n’y existe que d’une manière rudimentaire. Dans une de ses dernières communications, notre regretté collègue, M. Goubert, cite des Hélix parmi les fossiles des car- rières de Fontainebleau, route de Paris. J’ai longtemps habité Fontainebleau ou ses environs et sans cesse visité ces carrières; je n’y en ai jamais trouvé. Je ne voudrais pas affirmer qu’il n’y en a point. J’en ai bien remis à M. Ch. d’Orbigny, en 1836, pour le Muséum, une provenant du calcaire de Brie, recueillie dans la carrière de M. de Nonville, à Treusy, avec des Limnées et des Planorbes connus dans cette assise. J’y suis revenu plus de vingt fois sans en trouver d’autres. Mais je puis assurer qu’elles sont au moins très-rares, s’il y en a. Je n’en ai jamais trouvé dans tous les autres affleurements du calcaire du Gâtinais,que j’ai visités souvent et en grand nombre. Je n’ai pas besoin de rappeler que c’est l’absence complète d’Helix dans le calcaire du Gâtinais et leur fréquence dans le calcaire de Beauce qui ont déterminé Constant Prévost, en 1837, à distinguer ces deux as- sises et à rapporter à l’argile à meulières supérieures les argi- les vertes et jaunes qui les séparent. Ainsi, môme pour les géologues qui placent les sables et les grès de Fontainebleau dans l’étage éocène, le calcaire de Beauce doit appartenir à la partie supérieure de l’étage mio- cène, puisqu’il n’y a au-dessus de lui que les lambeaux de fa- luns de la Touraine et de la Bretagne. J’ai cru devoir faire cette observation parce que, dans une communication récente, M. de Mortillet a dit que les cailloux à empreintes, au moins problématiques, de la main de l’homme, trouvés par MM. les abbés Bourgeois et Delaunay dans le calcaire de Beauce, pro- venaient de la base de l’étage miocène. Je n’ignore pas qu’on a créé pour ces faluns un étage falunien auquel on a rapporté toute la mollasse marine du sud-est de la France. Mais d’abord ce nom d’étage falunien est un nom détestable. Bien qu’on ait cessé de donner, comme on le faisait il y a trente ans, le nom de falun au dépôt de Grignon, on ne doit pas oublier que l’A- quitaine est criblée de faluns appartenant à tous les terrains antérieurs, même à celui du calcaire grossier. Qu’est-ce qu’un étage falunien en dehors duquel se trouve la majeure partie des faluns de la France ? Il y a longtemps que j’avais cru devoir placer au niveau des faluns de la Touraine l’étage supérieur de la mollasse, sorte de Pny: Beajzœt , Paris,' c ‘es S1: EtLenne de &our£as LODÈVE MIL HAIT nidi >zcre Aoicul. 2? Série. , T, PL . Î[T. Paye, 3g8 . (Xv/à/‘dûvi 378 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1868. Meudon. Les trois formations d’eau douce des environs de Ne- mours s’y retrouvent bien distinctes quoique la supérieure n’y existe que d’une manière rudimentaire. Dans une de ses dernières communications, notre regretté collègue, M. Goubert, cite des Hélix parmi les fossiles des car- rières de Fontainebleau, route de Paris. J’ai longtemps habité Fontainebleau ou ses environs et sans cesse visité ces carrières; je n’y en ai jamais trouvé. Je ne voudrais pas affirmer qu’il n’y en a point. J’en ai bien remis à M. Ch. d’Orbigny, en 1836, pour le Muséum, une provenant du calcaire de Brie, recueillie dans la carrière de M. de Nonville, à Treusy, avec des Limnées et des Planorbes connus dans cette assise. J’y suis revenu plus de vingt fois sans en trouver d’autres. Mais je puis assurer qu’elles sont au moins très-rares, s’il y en a. Je n’en ai jamais trouvé dans tous les autres affleurements du calcaire du Gâtinais,que j’ai visités souvent et en grand nombre. Je n’ai pas besoin de rappeler que c’est l’absence complète d 'Hélix dans le calcaire du Gâtinais et leur fréquence dans le calcaire de Beauce qui ont déterminé Constant Prévost, en 1837, à distinguer ces deux as- sises et à rapporter à l’argile à meulières supérieures les argi- les vertes et jaunes qui les séparent. Ainsi, même pour les géologues qui placent les sables et les grès de Fontainebleau dans l’étage éocène, le calcaire de Beauce doit appartenir à la partie supérieure de l’étage mio- cène, puisqu’il n’y a au-dessus de lui que les lambeaux de fa- luns de la Touraine et de la Bretagne. J’ai cru devoir faire cette observation parce que, dans une communication récente, M. de Mortillet a dit que les cailloux à empreintes, au moins problématiques, de la main de l’homme, trouvés par MM. les abbés Bourgeois et Delaunay dans le calcaire de Beauce, pro- venaient de la base de l’étage miocène. Je n’ignore pas qu’on a créé pour ces faluns un étage falunien auquel on a rapporté toute la mollasse marine du sud-est de la France. Mais d’abord ce nom d’étage falunien est un nom détestable. Bien qu’on ait cessé de donner, comme on le faisait il y a trente ans, le nom de falun au dépôt de Grignon, on ne doit pas oublier que l’A- quitaine est criblée de faluns appartenant à tous les terrains antérieurs, même à celui du calcaire grossier. Qu’est-ce qu’un étage falunien en dehors duquel se trouve la majeure partie des faluns de la France ? Il y a longtemps que j’avais cru devoir placer au niveau des faluns de la Touraine l’étage supérieur de la mollasse, sorte de Bu7/. r(c /et « S'fsc .cjct'L. Je // -fii/ce Note de M. DIEULAFAIT ( Zone à Avicula coiitorta dans le midi de la "France ) 2f Série, T, JTX17. PL. IV Pape 3g& . Zone. à. Avicula. contortci. 7,o,æ à. Auunnrutrs pZtuwr/ôcs ■ ■ — i Infra -Lins etLtas lv*V' '7-1 Oolit/te infYet grajide Aol/tAo Ojclbrdlen, AUBEXAS fi I. Coupe d' Aubenas à Lodève LARGE N Tl ERE JOYEUSE LES VANS A Jean du Gard S1*’ Croit' S T H ï P POLYT E S* Etienne de G-ourdas ^ 1 y [} 1 ^ I,1 y ! j 1 ii l 'J i h 1 1 n i m i iiillmïï m m i m fil mm i fi T ni \ iTfnffTfjx LODEVE -LES VA XS VJlsLEL O ET Eercjougnon, Cttbièf'ej' II Coupe des Vans a Milhau Les Coupes I et n sont surtout destinées a montrer les rapports generaux de TMra-lias avec les terrains inférieurs et avec 1 "horizon La partie comprise entre S1 H^ppolyte et Lodève n’est qu'approximative LE BLEYMAKD MENDE 7‘vl Je. Mxf.’iljniral F LO RAC ï’reissinet Cot del&jurc, MEYRUETS MILHAU RERAJJL T AUDE C HE III Coupes rapportées au niveau géologique commun de I Ammonites plauorbis LOZÈRE AVEYR ON GARD G- sré Ji&<-AlzrrzZ TTiénarcL. 7. Pu Becquet. Paru NOTE DE M. DE ROYS. 379 grès formé presque entièrement de rhomboèdres de ehaux car- bonatée, débris de coquilles fossiles, et de grains de quartz connu des carriers sous le nom d e safre. Partout où je l’ai étudié, aux pieds de Youlon, de l’Aiguille, etc., près de Beau- caire, à Barbentane, à Notre-Dame-du-Château dans les Al- pines, etc., il m’a paru se séparer assez nettement des étages inférieurs par la stratification et parles fossiles, n’y ayant point trouvé les Clypéastres, si communs dans l’étage moyen, surtout à sa partie supérieure, formée d’une multitude d’assises min- ces qui s’exploitent en grandes dalles pour des clôtures. La partie inférieure fournit ces magnifiques pierres d’appareil qui sont employées dans le Midi de temps immémorial et s’ex- portent fort au loin. Dans cet étage, M. Matheron a signalé quelques fossiles de l’étage des sables de Fontainebleau du bassin de Paris, d’autres, en plus grand nombre, de l’Aqui- taine, rapportés aux mêmes sables, et même quelques-uns du calcaire grossier, comme la Turriiella imbricataria , etc. On comprend que sur les rivages exposés au midi, dans une mer méditerranéenne, ces mollusques aient pu vivre encore lors- qu’ils avaient déjà cessé d’exister sur les rivages exposés au nord d’une mer plus septentrionale. L’étage inférieur est un calcaire un peu argileux à Barbentane, où il fournit de belles pierres bleues, mais ne pouvant être employées que dans des inté- rieurs non humides, très-argileux et se délitant facilement, à Beaucaire, dans la tranchée qui précède le tunnel du chemin de fer. Marcel de Serres, à cause de ses caractères exté- rieurs, l’avait pris pour les marnes subapennines. Cette formation marine, remplacée quelquefois, et notamment dans le bassin de Marseille, par une formation d'eau douce, repré- sente la totalité de l’étage miocène. Les fossiles indiqués paF M. Matheron me paraissent établir formellement la contem- poranéité démon étage moyen avec les sables et grès de Fon- tainebleau qui, par conséquent, devront être rapportés à l’étage miocène, comme Font toujours enseigné M. Élie de Beaumont, Dufrénoy, Constant Prévost, etc. Ainsi, le cal- caire de Beauce doit être évidemment placé dans la partie supérieure de cet étage. Dans son excellente carte des environs de Paris, notre sa- vant collègue, M. Raulin, trompé sans doute par ces marnes blanches et les argiles vertes et jaunes qui les recouvrent et qu’il avait probablement rapportées à celles de l’étage gypseux, a placé le plateau deïhury, à Villers-Coterets, à un niveau trop 380 SÉANCE DU 4 JANVIER 1869. bas. J'ai constaté leur superposition aux sables de Fontaine- bleau, à Collinance, à Grouy, etc., ce qui ne peut laisser au- cune incertitude sur leur véritable position. M. Munier-Chalmas n'admet pas la distinction fondée sur la présence ou l'absence des Hélix dans le calcaire lacustre supérieur. Suivant lui, la partie inférieure du calcaire de Beauce, soit à Fontainebleau, soit à Étampes, contient beaucoup de fossiles du genre Hélix , associés à la faune des couches à Potamides Lamarcki, M. Tournoüer ayant dit que, jusqu’à présent, il avait cru pouvoir distinguer, dans les calcaires de la Beauce, deux faunes successives, celle des meulières de Montmorency, à Potamides Lamarcki et à Limnées, et celle des calcaires de l’Orléanais, M. Munier-Chalmas répond qu'il possède des documents établissant de nombreux passages entre ces deux faunes. MM. de Lapparent et Munier-Chalmas croient que le pou- dingue ferrugineux et manganésifère des plateaux deMeu- don est un dépôt très-récent, probablement diluvien, qui ne saurait, comme le croit M. de Rovs, représenter le cal- caire du Gâtinais. M. le Président ayant soulevé la question de l'origine du manganèse, si fréquent dans le diluviupa parisien, M. Mu- nier-Chalmas répond que ce métal a dû être amené par des sources dont l'action colorante s’est aussi fait sentir sur les grès d'Orsay. Séance du 4 janvier 1869. PRÉSIDENCE DE M. ALFRED CAILLAUX, VICE-PRÉSIDENT. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 381 MM. Julien (Alphonse), pharmacien, licencié ès-sciences, rue de Seine, 52, à Paris; présenté par MM. d'Archiac et Éd. Collomb. Làfouge, capitaine d’État-major, rue Jacob, 41, à Paris; présenté par MM. Hébert et Louis Lartet. Piccinini (le professeur Ralfaele), Marche-Pesaro-Pergola (Italie); présenté par MM. de Lapparent et Éd. Collomb. Zittel (le DrR.), professeur à PUniversité et conservateur du musée paléontologique, à Munich (Bavière), est admis sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Gustav Jenzsch, Ueber eine mikroskopische Flora undFauna krystallinischer Massengesteine [Eruptivgesteine) , in-8, 29 p. ; Leipzig, 1868; chez Von W. Engelmann. De la part de M. U. Schloenbach, Ueber Belemnites rugifer , Schloenb ., nov. sp ., aus dem eocenen Tuffe von Ronca; in-8, 14 p., 1 pl.; Vienne, 1868. De la part de M. L. Zejszner, O dolomicie w pasmie dewons - kiérn , rozpostartêm pomiedzy Checinami a Sandomierzem ; in-8, 14 p.; Cracovie, 1868. De la part de M. K. Justus Andrae, Bericht über die Ergeb~ nisse geognostischer Forschungen im Giébeie der 14, 18 und 19 Section der General-Quartier-meierstabs-Karte von Steiermark und lllyrien wdhrend des Sommers 1854; in-8, 40 p. ; Vienne, 1858. De la part de M. Emil Czyrnianski, Chemische Théorie auf der rôtir enden Bewegung der Atome basirt, kritisch entwickelt; in-8, 39 p.; Cracovie, 1868. De la part de M. Friedrich Rolle : 1° Die Braunkohlen-Gebilde bei Rottenmann , Judendorf und St. Oswald und die Schotterablagerungen im Giebete der oberen Mur in Steiermark ; in-8, 28 p. ; Vienne, 1856. 382 SÉANCE DU 4 JANVIER 1869. 2° Geologische Untersuchungen in dem Theile Steiermarks zivischen Gratz , Obdach , Hohenmauthen und Marburg ; in-8, 31 p. ; Vienne, 1836. 3° Geologische Untersuchungen in der Gegend zwischen Ehren- hausen, Schwanberg, Windisch-Frestritz und Windisch- Gratz in Steiermark; in-8, 23 p.; Vienne, 1857. De la part de M. Dionys Stur, Workommen ober-silurischer petrefacte am Erzberg und in dessen Umgebung bei Eisenerz in Steiermarh; in-8, 11 p.; Vienne, 1865. M. le Président annonce que M. Dolffus-Ausset vient de compléter, par un second envoi de cinq mille francs, le don qu’il avait promis à la Société géologique; des remercî- mentssont votés par acclamation an donateur. M. Hébert présente une série de travaux offerts par les géologues autrichiens (V. la Liste des dons). M. Hébert rappelle à la Société la mort, encore assez ré- cente, de M. Héricart-Ferrand, doyen d’âge des géologues français. RAPPORT DE LÀ COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 383 * Compte des recettes et dépenses effectuées pendant Vannée 1867 pour la Société géologique de France , présenté par M. Éd. Collomb, trésorier. 7 RECETTE . DESIGNATION des chapitres de la recette. J 1. Produits or- dinaires des ré- ceptions § 2. Produits extr. § 3. Produit des publications. . . § 4. Capitaux pla- cés i CD (“H O Sh a ai CD NATURE DES RECETTES. Droit d’entrée et de diplôme. . I de l’ann. courante. Cotisations j des années précéd. ' anticipées Cotisations une fois payées. . . Bulletin Table des vingt 1ers vol., 2e sér. Mémoires Histoire des progrès de la géo- § 5. Recettes di-^ verses 13 1 14 15 16 17 logie. Arrérages de rentes 3 •/„• . Intérêts d’obligations. . . . Allocation du Ministre de l’in- publications de la Société. . Souscription du Ministre de l’Instruction publique auj Mémoires et reliquat Recettes extraordinaires rela- tives au Bulletin Recettes imprévues Loyer de la Société météorolog 1867. RECETTES prévues au budget de 1867. RECETTES effectuées en 1867. AUGMENTA- TION. DIMINUTION. 500 » 720 » 220 > » D 1 8,350 » 7, 423 75 M J) 926 25 2,550 » 1, 750 D » 2> 800 » 300 » 564 » 264 Ji » » 1,200 2> 900 » » y> 300 » 1,200 * 1,513 » 313 » » D | » » 201 50 201 50 D » 1 800 7> 962 60 162 60 » » | 150 » 115 D » » 35 y> 1,870 » 1,870 » » » » b 585 » 585 > > M » » 1,000 » 1,000 » » » D y> 1,200 » » > » D 1,200 y> B » » 150 2> 150 M D » S > D » > » » » » | 400 » 400 » » » » » § . 20,105 631 » 05 18, 154 631 85 05 1,311 10 3,261 25 1 r . 20,736 05 18,785 90 COMPARAISON. La recette présumée était de 20,736 05 La recette effectuée est de . . . 18,785 90 1,950 15 Il y a diminution de recette de, 384 SÉANCE DU 4 JANVIER 1869 DÉPENSE. DESIGNATION des chapitres de la dépense. NATURE DES DÉPENSES. traitement. |§ 1. Personnel. § 2. Frais de lo- r u gement . .... J 9 * 10 § 3. Frais de bu- ^11 reau « 12 ( 13 § 4. Matériel. . .(!! § 5. Publications. § 6. Emploi de, capitaux. . . . Agent et gratification. Aide temporaire ( Garçon de bureau (ses gages. . . . gratificat. ordin. gratifie, extraord Loyer, contributions, assuranc Chauffage et éclairage. . . . Dépenses diverses Ports de lettres Impression d’avis et circulaires Change. » Mobilier Bibliothèque. — - Reliure, port Bulletin. Mémoires.— Impression, papie et planches , . . Placement de cotisations uniq Dépenses imprévues. ... DÉPENSES prévues au budget de 1867. DÉPENSES effectuées eu 1867. augmenta- tion. DIMINUTION. 1,800 D 1,800 » » » » » 300 D 300 » » » » ï) 400 D 400 » D » » » 300 » 300 » » » 1> » 900 > 900 » )) » i » » 100 D 100 » 0 » » » 100 » 100 » D D » » 3,000 » 2,984 55 » » 15 45 '700 ï> 482 95 » » 217 05 300 » 325 40 25 40 » » 300 » 231 50 » » 68 50 100 » 44 » » » 56 » 20 » 19 95 » » 1 •» 05 100 D 114 10 14 10 2) » 300 » 479 20 179 20 J> » 8,500 D 6, 555 70 » J> 1, 944 30 700 D 782 05 82 05 » » 2,500 » 2,090 10 D D 409 90 » » y> » » D D D » » 81 75 81 75 0 » 20,420 y> 18, 091 25 382 50 2,711 25 COMPARAISON. La dépense présumée était de 20,420 » La dépense effectuée est de 18,091 25 Il y a diminution de 2,328 75 RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1867. 18,785 90 18,091 25 694 65 La recette totale étant de. . Et la dépense totale étant de. Il reste en caisse audit jour RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 385 MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYEES ET DES PLACEMENTS DE CAPITAUX, EXERCICE 1867. NOMBRE DE COTISATIONS VALEURS Recette ) antérieurement au 1er janvier 1867. . / pendant l’année .1867 177 fr# c 53,008 *55* 3 900 » Totaux. ...... 180 53,908 55 Legs Roberton. . 12, 000 » Total des capitaux encaissés. • . 65,908 55 PLACEMENT. fr. C. fr. c. ê 1, 870 » Rentes 3 0/0 et frais de mutation 4 1/2 en 3 0/0. ..... 47,699 25 585 » Intérêts de 89 obligations de che- >59,048 » mins de fer, achetées antérieure- I ment au 1er janvier 1867. . . 11, 848 75 J 2,455 » — Excédant de la recette sur la dépense. , . | 6, 860 55 MOUVEMENT DES ENTREES ET DES SORTIES DES MEMBRES AU 31 DÉCEMBRE 1867. Au 31 décembre 1866, le nombre des membres inscrits sur les listes officielles s’élevait à 499, dont : 367 membres payant cotisation annuelle. . . j . Knn , } ci. » . 499 132 membres a vie . . . .J 5 Les réceptions du 1er janvier au 31 décembre 1867 ont été de 41 Total. 540 A déduire pour cause de décès, démissions et radiations . . 12 Le nombre des membres inscrits sur les registres, au 31 dé- cembre 1867, s’élève à 528 "" . l 393 membres payant cotisation annuelle, ÏÏS ’s i 135 membres à vie. Soc. géol ., 2e série, tome XXVI. 25 J 386 SÉANCE DU 4 JANVIER 1869. M. le marquis de Roys présente, au nom de la Commis- sion de comptabilité, le rapport suivant : Rapport de la Commission de comptabilité sur les comptes du Tr é- sorier pour l’exercice 1867; par M. le marquis de Roys, rapporteur * Messieurs, Le rapport qui vous a été présenté Tannée dernière consta- tait une augmentation notable sur les recettes principales de notre budget. On avait alors l’espoir de voir se continuer cette amélioration. L’Exposition devait amener à Paris la plupart de nos collègues de la France et de l’Étranger. Ils auraient donc toute facilité pour acquitter les cotisations qu’il est quelquefois si difficile de nous faire parvenir. Nous avons le regret de dire que, malgré tout le zèle et l’insistance de notre Trésorier, ces prévisions ont été déçues. Nous ne pouvons mieux faire que de suivre, dans notre rap- port, la marche si naturelle et si claire qui nous a été tracée dans les rapports des années dernières par leur habile rappor- teur, M. Parés. Nous examinerons donc : 1° Les recettes et dépenses fixes; 2° Les recettes et dépenses peu importantes par leur chiffre; 3° Les recettes et dépenses essentielles, que M. Parés a si heureusement nommées vitales . I. — Recettes et dépenses fixes. / Les recettes fixes se .composent des arrérages de rentes et obligations de chemins de fer. Nous devons exprimer le regret devoir que, depuis notre installation rue de Fleuras, le surcroît forcé de dépenses a obligé nos deux Trésoriers à ne point tou- jours placer, suivant l’usage, le produit des cotisations une fois versées, et à les employer à solder les excédants de dépenses annuelles. Sans doute notre règlement ne nous fait point de ce placement un devoir rigoureux, mais un usage constant de trente ans l’avait établi, et il est fort à désirer, pour l’avenir de la Société, qu’on puisse y revenir au plus tôt. Nos dépenses fixes se composent du personnel et du loyer. La nécessité d’avoir toujours au bureau, pendant la durée de l’Exposition, quelqu’un pour répondre aux membres étrangers. * RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 387 avait fait voter une somme de 300 francs pour un aide tempo- raire à l’Agent. Cette somme a été dépensée, mais cette dépense ne se renouvellera pas. II. — Recettes et dépenses peu importantes par leur chiffre. Ces dépenses se rapportent aux nos 10 à 14 du budget des dé- penses. Elles ne peuvent donner lieu ici qu’à des éloges pour le zèle de notre Trésorier à les réduire autant que possible.il y a eu une augmentation de 25 fr. 40 c. sur les dépenses diverses, plus que compensée par les diminutions de 68 fr. 50 c. sur les ports de lettres, 56 francs sur les impressions lithographiques; mais le mobilier a donné lieu à une augmentation de 14 fr. 10c. et la bibliothèque de 179 fr. 20 c., en sorte que l’ensemble des cinq articles présente une augmentation de 94 fr. 20 c. Cette augmentation est plus que justifiée par l’insuffisance no- toire de l’allocation de 300 francs qui avait été votée. La biblio- thèque de la Société avait déjà une importance notable. Elle s’est augmentée par des dons d’une valeur considérable, et il est bien à désirer qu’on puisse bientôt lui accorder des alloca- tions plus convenables» III. — Recettes et dépenses principales. 1° Recettes „ Les recettes les plus importantes de la Société sont d’abord les droits d’entrée et les cotisations de ses membres; en second lieu la vente de ses publications. Les droits d’entrée et de diplômes, calculés sur l’admission en moyenne de 25 membres, étaient prévus au budget pour une somme de 500 francs. Le nombre des membres admis a été beaucoup plus considérable, et l’Exposition pouvait le faire prévoir. Il a été de 36. La somme reçue s’est élevée à 720 francs, avec une augmentation de 220 francs. Les cotisations sont de quatre sortes : celles de l’année cou- rante, les cotisations arriérées, les cotisations anticipées et les cotisations une fois payées. Les premières étaient prévues au budget pour une somme de 8,350 francs, et certes cette prévision n’avait rien d’exagéré. Le nombre des membres qui la devaient était, au commence- ment de l’année, de 367. Avec les admissions nouvelle^, la somme due aurait dépassé onze mille francs. La somme tou- 388 SÉANCE DU 4 JANVIER 1869. chée n’a été que de 7,423 fr. 75 c. Ainsi, dans une année qui amenait à Paris un si grand nombre de membres éloignés, un tiers au moins n’a point acquitté ses cotisations. La diminution sur cet article a été de 926 fr. 25 c. Elle a été de 800 francs sur les cotisations arriérées portées pour une somme de 2,250 fr. qui n’était pas la moitié de la somme due. Nous savons cepen- dant que notre Trésorier a multiplié les avertissements soit verbaux, soit par de nombreux envois de circulaires. Les co- tisations anticipées, prévues pour 300 francs, ont produit564 fr.; en sorte que le déficit réel s’est élevé sur les quatre articles à 1,442 fr. 25 c., plus 300 fr. sur les cotisations une fois payées, prévues pour 1,200 fr., 900 francs seulement ayant été reçus. Nous avons déjà fait remarquer que l’usage constant de la Société avait été de placer ces cotisations une fois payées. An- térieurement à 1867, la somme non placée s’élevait à 5,960 fr. 55 c. En y ajoutant les 900 francs reçus pendant cet exercice, on voit que nos revenus fixes auraient dû être augmentés de plus de 300 francs. La vente du Bulletin , prévue pour 1200 francs, en a produit 1513. Celle des Mémoires , prévue pour 800 francs, a produit 962- fr. 60 c. Celle de V Histoire des progrès de la géologie , prévue pour 150, n’en a produit que 115. Mais il y a eu une recette extraordinaire relative au Bulletin de 150 francs ; puis un nouveau sujet de vente, la Table générale des vingt premiers volumes de la seconde série du Bulletin qui a produit 201 fr. 50 c. ; en sorte que sur la vente de nos publications il y a eu une augmentation de 792 fr. 10 c. Nous n’avons rien à dire sur les allocations ministérielles et le loyer de la Société météorologique. 2° Dépenses . Nous avons déjà parlé des augmentations sur le mobilier et la bibliothèque; sur les prévisions pour le loyer, une réduction insignifiante de 15 fr. 45 c. ; pour le chauffage et éclairage, une réduction de 217 fr. 05 c., due en partie à la tenue des séances dans la salle de la Société d’encouragement, objet sur lequel nous reviendrons. La dépense capitale de la Société est celle de ses publica- tions. La plus importante pour nous, celle qui est réellement la vie de la Société, c’est le Bulletin. Nos dépenses pour cet objet ont toujours été en croissant, et nous ne pouvons le re- RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 389 gretter que par rapport à la longueur de quelques mémoires. Il est très-essentiel que le Conseil tienne à la règle qu’il a im- posée, de mettre à la charge des auteurs tout ce qui excède deux feuilles d’impression. L’impression du Bulletin n’est portée dans les comptes de 1867 que pour une somme de 6,555 fr. 70 c., inférieure de 1,944 fr. 30 c. à la prévision 8,500 francs du budget. On se tromperait étrangement si on voyait là une économie. Elle tient à ce que les dépenses faites n’ont point été acquittées en 1867 et devront être reportées sur les comptes de l’exercice de 1868. On ne peut en douter en voyant les frais de port offrir un accroissement de dépense de 82 fr. 05 c. Nous pouvons en dire autant des Mémoires, dont les dépenses portées au compte de l’exercice de 1867 semblent présenter une réduction de 409 fr. 90 c. Cette dépense, pour les Mémoires , devra attirer l’attention du conseil. Elle est très- considérable et la vente en est insignifiante. La Société géolo- gique de Londres, qui est vingt fois plus riche que la nôtre, a ajourné indéfiniment la publication de nouveaux Mémoires. Ne pourrions-nous pas demander au Conseil de s’occuper de cette question et de voir s’il ne serait pas convenable de prendre une mesure semblable, au moinsjusqu’au moment où nous aurions pu opérer le placement des 6,860 fr. 55 c. de capitaux que nous aurions dû placer et qui ont servi à ac- quitter des dépenses auxquelles ils n’étaient point destinés. On le voit, malgré le zèle et l’incessante activité de notre ex- cellent Trésorier, nous ne pourrions féliciter la Société sur le bon état de ses finances si un don aussi généreux qu’inattendu n’était venu nous placer dans un état plus prospère. Un de nos collègues, M. Dollfus-Ausset, qui fait le plus noble usage de sa grande fortune, a bien voulu faire à la Société un don de dix mille francs , spécialement destiné à nous procurer une salle de séances plus convenable. Les dix mille francs ont été versés, et notre Trésorier pourra placer ce qui en reste après les douze cents francs déjà dépensés pour le loyer, pendant ces deux années, de la salle où nous nous trouvons. Son revenu devra former à l’avenir un chapitre spécial dans nos recettes fixes, avec mention du nom du donateur pour perpétuer le souvenir de ce don et l’expression de notre reconnaissance. Si le pro- duit de ce placement se trouve insuffisant pour la dépense à laquelle il est affecté, ce ne sera qu’une charge bien légère et que la Société votera certainement très-volontiers. 390 SÉANCE DU 4 JANVIER 1869. Conclusions. La recette prévue était de 20,736 fr. 05 c. ; il fr- - a été reçu seulement.. 18 785 90 Les dépenses prévues étaient de 20,420 fr. 00; il a été dépensé 18 091 25 Reste à porter dans les comptes de 1868. . . . 694 65 La Commission propose de donner une entière approbation aux comptes que lui a présentés M. Éd. Collomb, trésorier, et de lui voter des remercîments. Le marquis de Rois rapporteur. A. D AMOUR. Alb. Gâudry. M. Éd. Collomb, trésorier, présente l’état de la caisse au 31 décembre 1868 : > fr. c. Il y avait en caisse au 31 décembre 1867 ... . 694 . 65 La recette du 1er janvier au 31 décembre a été de 22,175.30 Total..... 22,869.95 La dépense du lep janvier au 31 décembre 1868 a été de 22,058.20 Il reste en caisse au 31 décembre 1868. .... 811.75 La Société adopte successivement les nominations des di- verses Commissions, pour Tannée 1869, faites par le Conseil dans sa séance de ce jour, 4 janvier 1869. Ces Commissions sont composées delà manière suivante : 1° Commission de comptabilité , chargée de vérifier les comptes du Trésorier : MM. le marquis de Roys, Marcou, Pellat. 2° Commission des Archives . MM. Delesse, Alf. Caillaux , Parés. 3° Commission du Bulletin : MM. d’Àrchîac, Deshayes, Damour, Hébert, Tournoüer. NOMINATIONS DU BUREAU POUR 1869. 4° Commission des Mémoires : MM. Daubréo, Albert Gau dry, Paul Gervais. Il est ensuite procédé à l’élection du Président pour Pannée 1869» M. de Billy, ayant obtenu 100 suffrages sur 173 votes, est élu président pour l’année 1869. La Société nomme ensuite successivement : Vice-présidents : MM. Paul Gervais, Deshayes, Albert Gaudry, D amour. Secrétoire : M. Louis Lartet. Vice-secrétaire : M. Chaper. Membres du Conseil : MM. Alfred Caillaüx, J. Margot), Tournouer, Beusrand, Perlai, Mis de Roys, Dollfus-Ausset. Par suite de ces nominations, le Bureau et le Conseil sont composés, pour l’année 1869, de la manière suivante : Président M. de Billy. M. Paul Gervais. M. Deshayes. Secrétaires Vice-présidents j M. Albert Gaudry. | M. D AMOUR. Vice-secrétaires M. Albert de Lapparent. M. Louis Lartet. Trésorier M. Éd. Collomb. Membres M. Àlph, Bioghe. M. Chaper. Archiviste S M. E. Danglure. du Conseil M. Éd. Lartet. M. de Verneuil. M. Hébert. M. Delesse. M. d’ARGHIAC. M. Alfred Caillaüx. M. Jules Marcou. M. Tournouer. M. Belgrand. M. Pellat. M. de Roys. M. Dollfus-Ausset Commission de comptabilité : MM. le marquis DE Marcou, Edm. Perlât. Roys 392 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. Commission des archives: MM. Delesse, Alf. Caillaux, Pares. Commission du Bulletin : MM. cTArchiac, Deshayes, Damour, Hébert, Tournouer. Commission des mémoires : MM. Daubrée, Alb. Gaudry, P. Gervais. Séance du 11 janvier 1869. PRÉSIDENCE DE M. de BILLY. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Eugène Deslonchamps, Notes paléontolo - giques. Prodrome des Téléosauriens du Calvados ; in-8, pp. 95-162, pl. X-XII; 1867, Caen, chez le Blanc Hardel; Paris, chez F. Savy. De la part de M. J. Gosselet : i°Sur le terrain nommé système ahrien par André Dumont (Lettre à M. d'Omalius d'Halloy) ; in-8, 5 p.; Bruxelles, 1868. 2° Études paléontologiques sur le département du Nord et ob- servations sur les couches de la craie traversées par le puits Saint- René, à Guesnain, près Douai ; in-8, 21 p.; Lille, 1868; chez L. Panel. De la part de M. Louis Lartet, Congrès international d'ar- chéologie préhistorique . — Session de Norwich. - Compte rendu; in-4, 7 p. (Revue des Cours scientifiques, 2 janvier 1869). De la part de M. G. Carrel : 1 Le gouffre des Busserailles à V ait or nenche ; in-8, 14 p.; Turin, 1866, chez G. Cassone, etc., lre et 2e édition. 2* Le col de Saint- Théodule (Lettre à M. B. Gastaldi ) ; in-8, 15 p.; Turin, 1866; chez G. Cassone, etc. 3 La vallée de Valtornenche en 1867; in-12, Turin, 1868' chez G. Cassone, etc. NOTE DE M. ÉBRAY. 393 4° Ascensions du Mont- Cer vin en 1868; in-18, 7 p. ; Aoste, 1868; chez J. B. Mensio. De la part de MM. E. Chelloneix et J. Ortlieb, Notice géo- logique sur le mont de la Ferme-Masure , près Roubaix , in-8, 12 p.; 2 pl.; Lille, 1868; chez L. Danel. De la part de M. L. Parisot, Supplément à V esquisse géologi- que des environs de Belfort ; in-8, 12 p.; Montbéliard, 1868; chez H. Barbier. De la part de M. G. G. Laube : 1° Die Fauna der Schichten von St. Cassian; in-8; mars et avril 1868. 2° Ein Beitrag zur Kenntniss der Echinodermen der vicenti - nischen Tertidrgebietes ; in-4, 38 p., 7 pl.; Vienne, 1868. De la part de M. R. F. Peters, Zur Kenntniss der Wirbelthiere aus den Miocenschichten von Eibiswald in Steiermark ; in-8, 4 p. ; Vienne, 1868. M. de Billy remercie la Société géologique de Fhonneur qu'elle lui a fait en l’appelant à la présidence. M. Hébert annonce la mort de M. Fournet. M. le Président ne doute pas que cette perte ne soit vive- ment sentie par tous ceux qui s'intéressent à la géologie. Sur l’invitation de M. le Président, M. Alfred Caillaux se charge de faire la notice nécrologique de M. J. Fournet. Le Secrétaire lit la note suivante de M. Ébray. Recherches sur l’inclinaison des couches jurassiques ci l’ouest des Alpes dauphinoises; par M. Th. Ébray. L’étude de la géologie des Alpes a toujours présenté de grandes difficultés. Son histoire le prouve. En compulsant les divers travaux publiés sur ces montagnes, on constate une très-grande diversité d’opinions. Les difficultés sont en effet grandes et nombreuses, mais la lumière commence à se faire. Les géologues qui ont étudié préalablement les pays de plaine voient que pour toute géologie alpine les lois ne diffèrent pas de celles qui régissent les superpositions et les allures des couches des autres pays. 394 SÉANCE Dü 11 JANVIER 1869. L’étude des montagnes du Morvan m’a montré que des cou- ches jurassiques, presque horizontales, butaient au p _ cette chaîne par l’intermédiaire d’une faille profon' • montagnes du Beaujolais sont séparées des plaines de la S par une rupture d’une grande étendue, de meme celles d Cévennes, entre la Voulte et Lescrinet, ainsi que le plateau central vers Saint-Amand. J’ai cherché si ce même phénomène se reproduisait au pied des Alpes dauphinoises, et je 1 ai re- trouvé là aussi clairement qu’ailleurs. Toutefois, comme M. Lory, dans sa notice en réponse à mes observations, a mis en doute cette inclinaison des couches annoncée uans mon travail, je viens fournir de nouveaux renseignements sur cette question importante. Pour procéder régulièrement avec surcte et sans être obligé de revenir sur ses pas, il ne faut avancei qu’après avoir bien établi la réalité des faits sur lesquels on cherche à s’appuyer. . On sait que le savant géologue de Grenoble prétend contr - rement à mes assertions que les couches jurassiques se rem- vent entre Grenoble et Uriage, entre Goncelm et Allevard, entre Ghamousset et Aiguebelle, vers la chaîne des Alpes dau- phinoises, et il met en avant un prétendu clivage simulant une stratification. 11 y a longtemps que j’ai appris à distinguer e clivage de la stratification, et ce n’est pas à la légère que j ai étudié cette question. M. Lory verra en lisant cette notice que les raisons sur lesquelles j’appuie mon opinion sont tout a iai péremptoires; si je ne les ai pas fait connaître dans ma no e sur les Alpes dauphinoises, c’était uniquement pour rendre mon travail plus bref et plus concis. Il existe, en effet, au mi- lieu des couches basiques et jurassiques des fissures qm se dirigent dans des sens divers, mais par crainte d’erreur j ai cherché un guide plus certain dans l’étude de la composition des couches et dans l’inclinaison des filons qui les traversent. Les sédiments s’étant déposés conformément à des lois identiques sur une certaine étendue, il y a lieu d’admettre, ce qui est d’ailleurs confirmé par l’observation, que les bancs pa- rallèles de composition minéralogique semblable indiquent la véritable stratification. 11 est évident encore que, si, dans un système de couches sur la stratification duquel on est d ac- cord, on constate des filons disposés suivant une certaine in- clinaison, ces filons pourront servir à fixer une stratification équivoque dans un cas où d’autres indices ne seraient pas suffisants. NOTE DE M. ÉBRAY. 305 C’est en partant de ces deux principes que j’ai pu résoudre la question. Disposition des filons de carbonate de chaux dans le massif juras- sique de la V or te-de-F rance. Les terrains jurassiques et le lias sont traversés par une multitude de filons et de veines de carbonate de chaux. Dans certaines localités ces filons paraissent, au premier abord, obéir à des inclinaisons diverses ; mais en les examinant plus attentivement on s’aperçoit bientôt qu’ils se coordonnent à deux inclinaisons principales : 1° inclinaison dépendant d’une perpendiculaire à l’inclinaison des couches ; 2° inclinaison pa- rallèle à la stratification. Les faits se vérifient à Grenoble môme dans les anciennes carrières contre lesquelles sont adossés les fours à ciment de M. Bumolard. Après avoir passé devant ses bureaux on arrive à la rampe qui conduit sur les fours à chaux; les bancs oxfordiens ont, dans cette région; une incli- naison de 70° environ, admise par M. Lory lui-même; les filons affectent manifestement les deux inclinaisons dont on a parlé, conformément au croquis ci-dessous : s f s A, four à chaux; R, rampe; /, filons parallèles à la stratifica- tion; s, salbandes argileuses; f, filons perpendiculaires à la stratification. On sait que les eaux chargées de carbonate de chaux ont dû de préférence suiyre les fissures de la stratification et celles des cassures perpendiculaires à cette première. Geci posé, nous allons examiner les couches aux abords de la chaîne principale des Alpes dauphinises. 396 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. 1° Entre Giers et Uriage. Les filons de carbonate de chaux sont nombreux sur ce Ira- jet. Au premier village, à la sortie de la combe de Giers la route se dirige E. 10» N ; les couches plongent de 15 vers les Alpes principales, et les filons sont perpendiculaires et paral- lèles à cette inclinaison; à 500™ plus loin on fait la même r®" marque ; à 1,200™ se présente un grand déblai à gauche de la route; on y voit les couches s’affaisser de 25* vers la chaîne; elles contiennent de nombreux filons affectant les mêmes al- lures. * A Uriage, seulement, point de passage de la faille occiden- tale, l’on constate des bancs dont la direction se rapproche quelquefois delà verticale. Ces perturbations dans les inclinai- sons peuvent se voir non-seulement à Uriage, mais encore Allevard et à Aiguebelle; elles indiquent un brouillage, résultat ordinaire des grandes ruptures. 2° Entre Goncelin et Allevard . Entre Goncelin et Allevard, les filons de carbonate de chaux ne sont pas nombreux ; mais par contre il existe quelques dé- blais creusés dans les massifs, dont les bancs sont de composi- tion minéralogique diverse et qui s’affaissent évidemment vers l’Est Au kilom. 32, les déblais indiquent un plongement de 30° vers les Alpes; au kilom. 33, 500“, on rencontre à droite de la route, en allant vers Allevard, un autre déblai qui montre une succession de bancs compactes à cassure légèrement subla- inellaire, alternant avec des bancs marneux; la stratification conforme à celle des autres déblais échelonnés sur la route est donc ici incontestable ; elle est de 30° vers 1 Est. ^ Au kilom. 34, on peut faire la même remarque. Ce n est qu’en arrivant aux sources minérales, c’est-à-dire au passage de la faille, que se manifestent des redressements et des incli- naisons anormaux ; ce fait confirme l’existence de la faille, comme nous l’avons déjà dit. 3° Le long de la rivière de l'Arc. A l’entrée de la berge de l’Arc, sur la rive droite du torrent, on constate à l’époque des basses eaux un gros filon de carbo- NOTE DE M. DIEULAFAIT. 397 nate de chaux perpendiculaire à l’inclinaison que nous avons indiquée dans notre note sur les Alpes dauphinoises. Plus loin, en approchant d’Aiguebelle, la roche que l’on aperçoit sur la même berge est parsemée de filons de 5 à 10 centimètres d’épaisseur, parallèles à la stratification; ces filons occupent l’intervalle entre deux bancs. Il me paraît bien difficile, en pré- sence de ces faits, de nier le plongement vers la chaîne. Nous n’avons fait, comme on l’a vu, que nous appuyer sur l’observation directe des couches pour en conclure l’existence delafaille occidentale des Alpes dauphinoises, sans nous engager dans la question de savoir à quel étage appartiennent les grès d’Allevard et quelle est la provenance des gypses d’Aiguebelle; la présence dé ces lambeaux au pied même de la chaîne ne peut, de quelque manière qu’on les envisage, infirmer les résultats d’une observation directe de stratification. Nous savons d’ail- leurs que les gypses des Alpes sont rarement dans leur vérita- ble place; très-souvent ils représentent des paquets descendus des hauteurs, comme j’ai eu déjà l’occasion de le montrer. Ce régime d’éboulement n’est pas particulier aux Alpes seules. Je rédige cette note à Monistrol-d’Allier ; là j’ai vu cette ri- vière, devenue un torrent, couler entre deux parois de basalte, reposant, par l’intermédiaire d’un terrain de transport, sur les schistes micacés. Tous les ans, des blocs énormes se déta- chent des faîtes et viennent se projeter sur les alluvions de cette rivière ; aussi la réglementation de ce régime d’éboule- ment constitue une des parties les plus difficiles de l’art de ’ingénieur, forcé dans ces contrées de chercher des moyens, sinon pour arrêter la loi naturelle des éboulements, du moins pour en circonscrire les effets et en prévenir les dangers. Après la lecture de cette note, divers membres expriment l’opinion que l’auteur a attaché trop d’importance à la di- rection des filons, considérée comme un indice de la strati- fication des roches encaissantes. M. Hébert rend compte de la note suivante de M. Dieu- lafait. 398 SEANCE DU 11 JANVIER 1869, Zone à Avicula contorta et Infra-lias dans le Midi de la France, à l'ouest du Rhône {Ardèche, Lozère , Aveyron , Hérault); par M. Louis Dieulafait (PI. IV). La zone à Avicula contorta n’a été signalée, jusqu’ici, dans le midi de la France, à l’ouest du Rhône, que dans quelques points isolés, bien que cette partie de notre pays ait été à di- verses reprises explorée par des observateurs de premier ordre. Dans une excursion à travers le Languedoc, j’avais, il y a trois ans, essayé de découvrir le niveau si précieux qui me guidait avec tant de sûreté en Provence ; mes résultats, à ce point de vue, avaient été à peu près nuis ; je n’avais pas vu autre chose que les savants qui m’avaient précédé. Fortifié par trois années d’études consacrées à l’exploration de la zone à A. contorta , depuis le Rhône jusqu’à l’est du golfe de Gênes, j’ai repris cette année mes recherches dans le Lan- guedoc, et cette fois les résultats ont dépassé mes espérances. Non-seulement j’ai rencontré la zone à A. contorta, quelque- fois prodigieusement fossilifère, mais la position qu’elle oc- cupe déplace singulièrement, comme nous allons le voir, les limites assignées jusqu’ici au trias et à l’infra-lias dans cette province. La Carte géologique de la France nous montre la formation jurassique, commençant dans le Languedoc, en face de Va- lence, et formant jusqu’à Saint-Hippolyte, dans le Gard, une bande, dont la largeur n’est pas très-considérable, mais qui se développe sur une longueur de près de cent cinquante kilo- mètres. A partir de Saint-Hippolyte, elle s’étend dans tous les sens et pénètre dans les départements de l’Hérault, de Î’A- veyron et de la Lozère. C’est ce grand massif que j’ai exploré en me maintenant, au- tant qu’il m’a été possible de le faire; vers la limite inférieure des terrains jurassiques. Comme le montre bien la Carte géologique de la France, il existe encore, dans la région dont nous nous occupons, un certain nombre de lambeaux isolés appartenant à la meme formation. •J’en ai examiné un certain nombre, et plus particulièrement NOTE DE M. DÏEULAPAÏT* 399 ceux que l’on rencontre en suivant la nouvelle route des Vans à Villefort et l’ancienne route de Villefort à Mende. Dans tout ce grand massif l’A. contorta n’a été jusqu’à ce jour citée qu’en deux points : à Joyeuse (Ardèche), par M. Du- mortier, et, tout récemment, aux environs de Lodève (Hérault), par MM. de Rouville et Bioche. Si on n’a pas signalé plus tôt dans le Languedoc, particu- lièrement dans l’Ardèche et dans le Gard, le développement considérable de la zone à A. contorta que nous allons faire connaître, il faut, sans aucun doute, l’attribuer à cette opinion, justifiée d’ailleurs jusqu’ici, par toutes les analogies, que les grès existant constamment à la base des terrains jurassiques, dans cette 'partie de la France, faisaient déjà partie de cette formation. C’est cette idée qui m’avait fait concentrer tous mes efforts sur l’exploration de ces grès, et qui m’avait amené, dans mon ré- cent, comme dans mon premier voyage, de la Voulte jusqu’à Largentière, sans obtenir aucun résultat. C’est seulement à partir de ce point, qu’abandonnant les grès je commençai à m’élever dans les assises calcaires, et que je vis apparaître les horizons fossilifères, vainement cherchés jusque-là dans les dépôts inférieurs. Le premier point où je rencontrai bien en place la zone à A, contorta est sur le territoire du village d’Assion, au hameau de la Ribeire, au-dessous de la propriété Terisse, au bord môme de la route. Quand on a dépassé de 100 mètres environ la dernière mai- son, on voit, à l’ouest, un puits; il est creusé dans la zone à A. contorta et, entre ce puits et la route, on peut observer un très-beau développement de cette zone. Elle est là, par tous ses caractères, identique avec celle de la Provence, c’est-à-dire éminemment calcaire, sans la moindre trace non-seulement de grès, mais sans aucune parcelle de sable dans la pâte. Ce point très-favorable pour constater la présence de la zone à A. contorta ne l’est plus pour établir les relations de cette zone avec les assises qu’elle supporte et celles sur les- quelles elle repose. Mais une fois ce niveau bien reconnu, il n’y avait plus qu’à le suivre pour trouver dans cette région au- tant de coupes qu’on en pouvait désirer. Je donne ici (PL IV, coupes III, tig. 1) celle que j’ai menée perpendiculairement à la route, à âOO mètres au sud du pont de la Boutonnelte, distant lui-même de quelques centaines de 400 SÉANCE DU tl JANVIER 1869. mètres du point où nous venons de constater la présence de la zone à A. contorta. Cette coupe sera toujours bien facile à retrouver, et, de plus, c’est, une coupe limite . Elle montre, en effet, avec évidence, que, si la zone à A. contorta est réellement dans les strates calcaires, comme nous l’avons dit, elle est, en ce point, au voisinage des grès. (Dans cette coupe et dans toutes celles qui vont suivre, les assises se succèdent de haut en bas dans l’ordre naturel.) Coupe du ravin de la Boutonnette (PI. IY, coupes III, fig. 1). Lias inférieur. ( Épaisseurs Dolomies et calcaires infraliasiques avec zone à< non Ammonites planorbis. ( mesurées. 16. Calcaires lumachelles en gros bancs bleuâtres, pétris de débris de fossiles « « 15. Calcaires fissiles parfaitement réglés et calcaires plus com- pactes, montrant de nombreux fossiles, et en particulier IA. contorta lm80 14. Cargneules extrêmement cloisonnées, usées, et fortement cor- rodées à la surface, avec marnes verdâtres à la base; en tout. 0.80 13, Grès fins, avec petits fragments de quartzite empâtés et ter- minés par une couche de grès à éléments roulés, indiquant une sédimentation beaucoup plus agitée 0.60 12. Marnes noires avec débris de fossiles (?) 0.60 11. Grès grossier, analogue au n° 9 0.20 10. Marnes noires..... 0.10 9. Grès grossier 0.30 8. Grès à grain très-fin 1,80 7. Calcaires fissiles remplis de débris de fossiles et appartenant très-probablement à la zone à A. contorta , bien que je n’aie pu y rencontrer ni cette coquille, ni aucun fossile bien déter- minable, se rapportant à cette zone. 0.80 6. Grès blanc bleuâtre, à éléments grossiers, alternant avec car- gneules dolomitiques jaunâtres 1,00 5. Calcaire jaune siliceux dolomitique montrant, à la surface des bancs, un grand nombre de ramifications cylindriques... 3.50 4. Calcaire siliceux alternant avec marnes vertes, surtout à la base 2.50 3 . Calcaire siliceux avec petits lits de marne verte î.oo 2. Grès à grain assez fin et assez régulier, un peu calcaire 1.50 1. Grès blancs, à gros grains très-irréguliers, en cinq bancs très- variables 2.00 NOTE DE M. DIEULAFAIT. 401 Fond du ravin. Les différences si considérables que vient de nous révéler la coupe précédente dans la nature des sédiments nous montrent avec évidence que nous sommes ici au voisinage d*un ancien rivage ; mais aussi, constatons que, même en ce point, le déve- loppement de P A. contorta coïncide avec la prépondérance de l’élément calcaire. En marchant vers le sud, on voit les couches s’incliner légè- rement ; aussi la lumachelle à A. contorta et les bancs com- plètement calcaires qui la renferment ne tardent pas à arriver au niveau de la route. On suit cette zone, toujours très-fossili- fère, sans la moindre difficulté; mais le point où elle se mon- tre le mieux à découvert est aux environs de propriétés isolées, appelées le Mas du Plantier. Elle se continue bien au delà avec quelques interruptions, et va passer aux Vans où elle est très- développée. La lumachelle est là constituée (échantillon n° 5) par un calcaire gris foncé, très-dur, très-résistant, renfermant certai- nement de la silice, mais de la silice à l’état gélatineux com- binée avec le calcaire, en un mot, sans aucun élément gréseux. A côté de magnifiques échantillons de PA. contorta, cette lumachelle montre une multitude de fossiles entiers, et sur- tout de débris de fossiles de très-petites dimensions. Très-développée au bord même de la route de Villefort, quand on sort des Yans, elle demeure visible pendant un cer- tain temps; mais, le système général se relevant plus vite que la route ne monte, on rentre bientôt dans les grès inférieurs. La lumachelle se prolonge toujours au-dessus, et, si l’on suit une coupe perpendiculaire à la route, en un point quelconque, on retrouve aussitôt la lumachelle, toujours exclusivement calcaire, bien qu’elle continue à se maintenir dans le voisinage des grès (1). En marchant vers Villefort, à partir des Yans, on ne tarde (1) Une coupe, exécutée entre les Vans et le sommet de la montagne qui s’élève au sud, m’a montré que la série depuis la zone à A. contorta jus- qu’à l’Oxford-clay était là complète et normale. Cette coupe, qui n’avait pas d’autre but que de me donner une connaissance précise de la succession des étages, au moment où j’allais pénétrer dans le Gard et dans la Lozère, trouvera sa place ailleurs. Soc. géol.} 2e série, tome XXVI. 20 SÉANCE DTI 11 JANVIER 1869. pas à voir reparaître les schistes anciens ; mais entre ces deux localités on trouve quatre lambeaux isolés de terrains secon- daires qui offrent le plus grand intérêt. Le premier, que Fôfi trouve à 5 kilomètres des Vans, est à 260 métrés au-dessus de ce village. J’espérais retrouver clans ce lambeau et dans les suivants une répétition de ce que je venais d’observer entre targen- tière et les Vans ; mais il fut loin d’en être ainsi. En effet, sur les schistes anciens on voit des grès et des marnes calcaires verdâtres, identiques, a fous les points de vue, avec les assises correspondantes des coUpes du pont de la Boutonnette et des Vans, inférieures à l’horizon de VA. contorta. Mais, en exami- nant les bancs de plus près, je reconnus immédiatement, et non sans surprise, un horizon dont je me suis beaucoup oc- cupé, et que je venais cbétudier tout récemmen t dans le midi delà Provence, Vhorkon de la Lima heteromorpha. Ces dépôts sont là, absolument comme dans le Var, formés de calcaires ferrugineux en bancs assez épais, remplis de débris de coquil- les et d’articles d’Encrines, montrant un grand nombre de gros silex branchus, faisant saillie sur les plans de stratifica- tion, et surtout sur les tranches. Mais, ce qui est, bien plus concluant encore, c’est qu’ils renferment les fossiles les plus caractéristiques de l’horizon auquel je lés rapporte : Belemnites sidcatüs , Ammonites Mitrchisonœ, Lima heteromorpha (?), Pecten barbalus, plusieurs Terébratuïés, parmi lesquelles trois gros et très-beaux échantillons de la T. perovàlis , etc., etc, Au-dessus de ces calcaires durs à Silex, viennent, absolu- ment encore comme dans le Var, des calcaires bleus très- marneux, dont quelques bancs sont remplis d’Ammonites, mais en général écrasées et tombant en débris quand on veut les détacher. J’ai cependant rapporté de ce point des À. Hum- phriesianus , A , Garrantianus , A. Mariinsii, dont la détermi- nation ne peut laisser aucun doute, et un Ancyloceras (fi. annulatus?) qui m’a paru identique avec celui qu’on retrouve fréquemment dans le Var à ce môme niveau. Enfin, dans les parties élevées apparaissent d’abondantes empreintes de Chon- drites scoparins. En s’avançant toujours à l’ouest, on rentre dans les schistes, et, à 2 kilomètres du lambeau précédent, on en rencontre un second à une altitude de 410 mètres par rapport aux Vans,- k 150 mètres, par conséquent, au-dessus du premier. Il présente absolument la môme disposition générale que le NOTE DE M. DIEULAPAIT. 403 précédent : marnes bleues à Ammonites Humphriesianus et Chondrites scoparins en haut, calcaires à silex avec A. Murchi - sonæ et Terebratula perovâlis à la base. Seulement cette der- nière division de l’oolithe inférieure n’est ici séparée des schistes anciens que par un ensemble assez faible de marnes vertes dolomitiques et gréseuses, sur lesquelles elle repose, en outre, en stratification très-discordante. Le troisième lambeau est distant du précédent d’un kilo- mètre; son altitude au-dessus des Vans est de 560 mètres ;il est donc au-dessus du second à la même hauteur que le se- cond au-dessus du premier, -150 mètres. Il occupe le sommet de la montagne du Mas de l’Air, et c’est, comme étendue, le plus important des quatre. 11 ne diffère pas, dans son ensemble, des deux précédents; seulement les grès sont beaucoup plus déve- loppés à la partie inférieure. La nuit qui arrivait ne me permit pas d’examiner le qua- trième lambeau qui domine Villefort. En comparant les résultats de l’examen de ces trois lam- beaux avec les coupes que j’avais relevées entre Largentière et les Vans, je retrouvais des grès quartzeux et des marnes vertes identiques avec l’ensemble qui, dans les coupes précé- dentes, là où la série est complète , servent de support à la zone à A. contorta. Je me trouvais donc amené forcément à cette conclusion que, dans les trois lambeaux jurassiques explorés, les grès et les marnes vertes faisaient partie du trias, et que, dans ces trois points, non-seulement l’infra-lias, mais les trois autres étages du lias, faisaient complètement défaut. Le soir j’eus la bonne fortune de rencontrer à Villefort notre savant et excellent confrère M. Jaubert, qui avait exploré l’un des trois lambeaux précédents (celui du Mas de l’Air), et j’eus la satisfaction de voir que ses résultats coïncidaient exactement avec les miens. M. Jaubert eut la complaisance de me donner les renseigne- ments les plus précis sur deux autres lambeaux de terrains jurassiques que je devais visiter le lendemain, celui de Ber- gougnon et celui du Bleymard, ce qui me permit, sans tâtonne- ment et sans aucune perte de temps, d’aborder directement les points que je me proposais d’étudier spécialement. je trouvai, à l’est de Bergougtion, en montant vers le nord, la zone h Ammonites planorbis , très-riche en fossiles et parfaite- ment reconnue déjà par M. Jaubert. Mais je ne tardai pas, en appuyant toujours vers l’est, à rencontrer une lumachelle pé- 404 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. trie de débris de fossiles, parfaitement indéterminables, il est vrai, mais tellement identique avec celle du Yar et des Alpes- Maritimes que je ne doutai pas un seul instant que je ne fusse bien clans la zone à A. conforta. En effet, je rencontrai bientôt un certain nombre de fossiles, Avicula , Monotis«Rissoa , etc., qui partout, en Provence, accompagnent P A. conforta , et, en bri- sant quelques fragments de lumacheîle, je découvris bientôt ce dernier fossile lui-même. L’échantillon n°2, provenant du pointprécédent, montre, d’un côté, la lumacheîle, et de l’autre, avec quelques débris de fos- siles divers, un très-bel exemplaire de l’A. conforta. Je dois dire cependant qu’à Bergougnon l’A. conforta me paraît être très- rare. H est possible et même probable qu’une exploration plus complète de cette station fera reconnaître ce fossile en quan- tité plus considérable, ce qui du reste devient à peu près in- différent au point de vue de l’horizon, maintenant que son exis- tence est bien constatée en ce point. Troislambeaux de terrain jurassique, avec infra-lias à la base, s’étendent à l’ouest, au sud et au nord du village de Cubière. Dans ces trois gisements, j’ai rencontré immédiatement un bon nombre de fossiles qui, en Provence, dans l’Ardèche et dans le Gard accompagnent P A. conforta ; mais je n’ai pu dé- couvrir un seul exemplaire de ce dernier fossile. Le point le plus favorable à l’observation, dans cette région, est le nord du village de Cubière, en arrivant par la nouvelle route. Là les assises des terrains se succèdent avec une régu- larité parfaite et laissent voir avec la plus grande facilité leurs relations mutuelles. Ce qui frappe tout d’abord, à Cubière comme à Bergougnon, du reste, c’est la présence et surtout la richesse fossilifère de la zone à A. planorbis. En suivant les affleurements infraliasiques, depuis Bergou- gnon jusqu’aux environs de Pornaret, et en remontant le ravin qui s’ouvre au sud vers Cubierette, j’avais rencontré plusieurs fragments bien reconnaissables de l’A. planorbis , mais je n’en avais pas trouvé un seul en place. Au nord de Cubière, il n’en est plus ainsi. Quand on arrive par l’est au point précédent, on voit les schistes anciens imprégnés d’un minerai de fer, qui les colore fortement en rouge, s’enfoncer sous un massif calcaire formant falaise au bord de la route et divisé en deux par un ravin qui s’ouvre vers ie nord. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 405 Dans la première partie, les couches sont à peu près hori- zontales. A droite, à trois mètres en moyenne au-dessus du niveau de la route, on voit des marnes blanchâtres, grossières, grume- leuses avec un grand nombre de petites parties verdâtres. Elles tracent, à la hase des calcaires, une ligne qui frappe à première vue : c’est le niveau de VA. planorbis. On trouve dans les par- ties délitées ce fossile en compagnie d’une foule d’autres, et, en dégageant un peu le terrain, on peut très-facilement les voir en place. Ces nuances sont en contact avec une lumacheîle formée d’un calcaire noir gris, très-dur, très-compacte, remplie et couverte d’un grand nombre de fossiles, identique avec celle qui existe, à ce niveau, dans la Provence, le Gard et l’Ardèche. Maintenant, entre ce niveau bien défini de l’A. planorbis et les schistes anciens, la distance ne dépasse pas trois mètres. Tout à fait à la base, en contact avec les schistes, se montrent quelques traces de grès grossier, puis d’autres grès un peu plus réguliers. Au-dessus viennent quelques assises d’un cal- caire bleu, à pâte fine, avec traces de fossiles. Elles corres- pondent probablement à l’horizon de l’A. contorta , mais je n’ai pas réussi en ce point à trouver cette coquille. On rencontre ensuite les marnes blanchâtres à A. planor- bis, puis des calcaires siliceux dolomitiques, et, plus haut, des bancs épais formés d’un grès grossier et sableux qu’il faut, malgré ses caractères tout à fait marneux, rapporter au lias moyen , puisqu’il en renferme les fossiles les plus caractéris- tiques, VOstrea cymbium et le Pecien œquimlms en particulier. Enfin, au-dessus des grès basiques, on trouve les puissantes assises de la zone à Lima heteromorpha , avec un ensemble de caractères pétrdgraphiques et paléontologiques identiques avec ceux qu’elle montre au Mas de l’Air et dans les autres lam- beaux que nous avons rencontrés entre Villefort et les Vans. Après avoir traversé le massif jurassique qui, commençant à Gubière, s’étend surtout sur le territoire de la commune de Bleymard, on rentre dans les terrains anciens. A onze kilomètres de ce dernier village, en face de celui du Chadenet, les schistes anciens disparaissent de nouveau et sont recouverts par des assises de calcaires siliceux bleuâtres et rougeâtres, montrant, à plusieurs niveaux, des couches, en général très-minces, de marnes noires. Ces assises appar- tiennent à l’infra-lias, et sont supérieures à l’horizon de l’A. 406 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. planorbis. En effet, dans le ravin qui sert de limite aux deux communes de Chadenet et de Sainte-Hélène, et aux environs, on rencontre des calcaires magnésiens remplis de fossiles re- posant sur d’autres calcaires rougeâtres à Gardinies. Or, en jugeant ces fossiles, par comparaison avec ceux des points où la série est complète, on voit qu’ils appartiennent aux parties élevées de la portion fossilifère de la zone à A. planorbis . Ces calcaires à Gardinies se continuent et se montrent très- développés, à l’ouest de ce point, là où la route tourne brus- quement pour descendre à Sainte-Hélène. Au point où nous sommes parvenus, on quitte les lambeaux de terrains jurassiques pour entrer dans le grand massif dont Mende, Rodez, Sainte-Affrique, Lodève, Saint-Hippolyte, le Vigan et Florac marquent le périmètre,, Aussi la série des étages devient, non-seulement plus régulière et plus complète, mais c’est avec une profonde satisfaction que le géologue des Alpes se retrouve en présence de terrains qui, par leur dispo- sition, leur état minéralogique, leur couleur, etc., etc., repro- duisent complètement les types les mieux connus de cette dernière région. C’est ce qui arrive à partir de Sainte-Hélène. Là, le lias moyen formé de bancs de calcaire bleu marneux montrant d’énormes Ammonites fimbriatus arrive rapidement au niveau delà route. Il est recouvert par un puissant dépôt de marnes noires appartenant au lias supérieur, et celles-ci à leur tour supportent un système puissant de calcaire, noduleux d’abord, et plus haut lithographique, dépendant du système oolithique. Il ne m’a pas paru possible de faire arriver, en ce point, la coupe jusqu’aux terrains anciens. Mais, en suivant la route, on descend la série, et, à quelques centaines de mètres au sud du village, les schistes anciens revenant au jour, on constate que les dépôts fossilifères qui les recouvrent appartiennent, comme dans la partie nord du village, à l’horizon de PH. planorbis. Le système jurassique s’éloigne momentanément de la route, mais au village de Nojaret, au point où la route passe sur la rive droite du Lot, on le voit de nouveau reparaître formant escarpement en face du pont. Coupe (PI. IV, coupes IIÎ, fig. 2) prise sur la rive droite du Lot en face de Nojaret. 15. Calcaires dolomitiques siliceux . . » » 14. Route de Toulouse. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 407 14. Calcaire dolomitique blanc grisâtre. 10m00 13. Lumachelle avec débris de fossiles 0.50 12. Calcaires dolomiticjues rougeâtres, les premiers bancs usés et alternant dans tout l’ensemble avec des assises sub-mar- neuses ....... 25.00 11. Marnes jaunes noirâtres »... * ..... . 1.00 10. Calcaires dolomitiques siliceux en gros bancs jaunes. ....... 5. 00 9. Calcaires dolomitiques assez compactes 1.00 8 . Marnes grenues très-magnésiennes. „ . . t * ............... * 1.50 7. Calcaire dolomitique, avec un grand nombre de grains de quartz dans la pâte 0.50 6. Marnes magnésiennes. 5. Calcaire dolomitique* avec grains de quartz, formant barre. . 0.30 4. Calcaire compacte dolomitique, 0 . G0 3. Marnes noires .. ............. .. » .. ..... 0.10 2. Calcaire dolomitique jaune marneux » . „ * . i ......... 4 . » ». . 0.30 1 . Marne noire friable. » . 0*30 Terrains cristallisés . Il était évident qu’en ce point la zone A . conforta et même la partie fossilifère de la zone à A. pianorbis manquaient complètement. Toutefois, pour laisser le moins possible à l’hypothèse, je revins à la base des dépôts calcaires et les suivis dans le sens horizontal. Je ne tardai pas à voir apparaître à la partie tout à fait inférieure les calcaires rouge foncé, remplis de Cardinies et reposant, comme à Sainte-Hélène, sur les schistes anciens, ce qui confirmait complètement ma pre- mière impression. Dix coupes menées successivement, en m’avançant toujours vers Mende, ne m’ont appris rien de nouveau, si ce n’est que l’infra-Iias ne semblait pas descendre, en général, plus bas que l’horizon des Cardinies. A trois kilomètres avant d’arriver à Mende, on atteint le val- lon de Rieuxcros-Abaïsse signalé, comme on le sait ( Bail ., 2e série, t. XI, p. 607), par M. liœchlin-Schlumberger comme fournissant une coupe très-favorable pour observer l’infra-lias et le lias inférieur. En effet, ce vallon qui s’ouvre de l’est à l’ouest, perpendiculairement à la route, montre, dans le fond, les schistes anciens colorés en rouge, et, au-dessus, un puissant dépôt dont la stratification est assez apparente ; tout cet en- semble plonge assez rapidement vers l’est. 408 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. Coupe (PI. IV, coupes III, fig. 3) de la partie sud du vallon de Rieuxcros- Ab disse. 18. Bancs dolomitiques siliceux, en général très-compactes et assez puissants, alternant avec de nombreux lits de marnes noires, toujours relativement très-minces 17. Deuxième petite barre, un peu en arrière de la première, dont elle est séparée par un lit de marnes noires ; le calcaire dolomiti- que qui constitue cette barre renferme beaucoup de fossiles fortement empâtés 16. Première barre très-apparente et parfaitement visible, allant, au niveau de la route, s’enfoncer sous le sol. Elle est formée pai un banc de calcaire siliceux, se brisant en fragments verticaux polyédriques, et de plusieurs assises de calcaire siliceux dolomitique, très-compacte, renfermant des fossiles comme la division précédente. En tout 15. Couche très-mince de marnes noires 14. Banc dolomitique rempli de fossiles 13. Ensemble de bancs dolomitiques avec quelques traces de marnes 12. Trois gros bancs dolomitiques avec marnes noires inter- calées 11. Ensemble de bancs rougeâtres à l’extérieur, très- durs, très- siliceux 10. Couche mince de marnes noires 9. Calcaire compacte dolomitique 8. Couche mince de marnes vertes 7. Couche dolomitique avec Gervülia , Àvicula , etc 6. Marnes dolomitiques 5. Calcaire dolomitique compacte 4. Marnes rouges magnésiennes, avec lumachelle gréseuse, montrant des traces de fossiles tout à fait indéterminables.. 3. Grès blanc à gros grain compacte, montrant à la partie su- périeure une petite couche à éléments plus fins (grès à meules) 2. Grès blanc sableux 1. Traces de marnes. 3 0 m 0 0 0.80 2.80 » » 0.10 10. 00 4.00 20.00 » » 1.50 » » 0.10 1.50 1.00 2.50 2. 50 1.00 Schistes anciens . On voit, par la coupe précédente, que Tensemble des assi- ses qu’elle comprend n’est pas complètement privé de fossi- les, comme on l’avait pensé jusque-là. Elle montre, au contraire, trois niveaux fossilifères bien définis. A 1 ouest de Mende, à un kilomètre environ de la ville, ouvie un lavin assez profond qui porte encore le nom de NOTE DE M. DIEULAFAIT. 409 ravin de Rieuxcros. Quand on le remonte, en suivant le che- min de la rive gauche, on descend la série. Au bout de 700 ou 800 mètres, on rencontre, à droite, un deuxième ravin qui vient s’embrancher sur le précédent : c’est celui qui descend de Châtel-Nouvel. A l’angle très-aigu que forment les deux ravins en se réunis- sant on voit affluer les schistes anciens toujours fortement im- prégnés d’oxyde de fer. On trouve là une très-bonne coupe, en partant de la pointe précédente, remontant le ravin de Châtel-Nouvel, pendant en- viron 60 mètres, et franchissant le ravin pour s’élever dans les escarpements, de manière à aller passer au parapet de la route de Paris à Nîmes. Coupe (PI. IV, coupes III, fi g. 4) partant du point de jonction du ravin de Rieuxcros et du ravin de Châtel-Nouvel . 29. Calcaires en gros bancs pétris de débris de fossiles et surtout de valves d’Huîtres. De grandes Huîtres, très-répandues dans quelques bancs, ont été assimilées par M. Kœchlin- Schlumberger à certaines variétés du lias inférieur, et, par suite, les calcaires dont il s’agit appartiendraient à ce dernier étage. Je ne saurais partager cette opinion; je considère les grandes Huîtres de Mende comme appartenant aux espèces du lias moyen. Je n’ai rien vu aux environs de Mende qui, au point de vue paléontologique, me permette de penser que l’étage du lias inférieur existe dans cette région » » 28. Ensemble de cargneules, de calcaires cariés, de dolomies cloi- sonnées, de marnes vertes, etc., tranchant de la manière la plus absolue avec les assises silicéo-calcaires inférieures sur lesquelles elles reposent et avec les gros bancs de cal- caire bleu fossilifère qui les recouvrent 1.00 27. Calcaires siliceux, en bancs assez minces, avec quelques lits de marnes 12.00 26. Calcaires magnésiens en bancs compactes 7.00 25. Marnes et calcaires fissiles , l.°° 24. Calcaires marneux 1.00 Route de Paris à Nîmes. 23. Calcaire silicéo-magnésien formant barre « 5.00 22. Calcaires magnésiens, en général sans marnes, montrant dans les parties basses et moyennes des fossiles assez fréquents, mais très-mal conservés. A la base, ces assises forment barre 20.0 0 21. Mince lit de marnes noires » » 20. Calcaires dolomitiques blancs, avec d’assez nombreux fossiles. . 4.00 410 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. 3 9. Escarpement calcaire et marneux 1S. Calcaires et marnes noires recouverts par la végétation 17. Marnes grises 1 G . Marnes noires 15. Calcaires silicéo-magnésiens blanchâtres 14. Bancs très-puissants de calcaires gréseux, à grains assez fins, rouges jusqu’à l’intérieur, et montrant dans la pâte un grand nombre de petits silex plus ou moins roulés . 13. Assises de calcaire gréseux rouge, à grains très-fins, 12. Calcaires en plaquettes. » - 11. Calcaire assez compacte, se brisant verticalement. 1 0. Mince lit de marnes. .... .•••••••••••• 9. Calcaires siliceux, en assises assez minces, se brisant en irag- ments polyédriques verticaux. 8. "Couche de marne verte très-mince, mais très-apparente 7. Lumachelle épaisse de quelques centimètres seulement, mais remplie d’une multitude de fossiles bien conservés, Avicula , Gervillia , Mytilus , Monotis , etc., etc. .... . • • » 6. Marnes et calcaires marneux. 5. Banc analogue au n° 3 • » 4. Lit de marnes. 8 .................. * 3. Gros banc, très-compacte, rouge jusqu’au centre et taisant barre 2. Bancs jaunâtres dolomitiques assez compactes 1. Marnes jaunâtres dolomitiques 7.00 4.00 1.00 1.00 3.00 3.00 1.00 1.50 » » » » 2.00 » » » » 2.50 0.40 » » 0.60 0.80 0.50 Schistes anciens imprégnés d'oxyde de fer . Ce qu’il importe surtout de remarquer, dans la coupe pré- cédente, c’est la présence de la lumachelle n° 7 et des nom- breux fossiles qu’elle renferme. C’est celle que nous avons déjà rencontrée au vallon de Rieuxcros-Abaïsse, au-dessus des grès à meules (n° 7 de la fig. 3) ; seulement, dans ce dernier point les fossiles sont moins bien conservés qu’au vallon de Châtel-Nouvel. La lumachelle dont il s’agit n’ayant, clans les deux coupes précédentes, que quelques centimètres d’épaisseur, et se trouvant noyée dans des calcaires et des marnes silicéo-ma- gnésiennes, complètement privées de fossiles, il n’est pas éton- nant qu’elle ait échappé, jusqu’ici,. aux recherches des géolo- gues qui ont exploré les environs de Mende. Mais sa minime épaisseur ne l’empêche pas d’avoir une grande constance, comme il est facile de s’en convaincre, soit en faisant des coupes parallèles à notre coupe générale, en différents points du val- NOTE DE M. DÏEULAFÀITe 4il Ion, soit en suivant, dans le sens horizontal, les affleurements de ce niveau fossilifère. Que représente ce niveau? Si je pouvais admettre, avec un grand nombre de géologues des plus autorisés, les géologues allemands en particulier, que les fossiles de la zone à .4. contorta sont spéciaux à cette zone et ne se trouvent plus dans l’horizon de PA. planorbis , il n’y aurait pas à hésiter un seul instant sur la réponse à faire à la question précédente ; la lumachelle de Mende dépendrait complètement de la zone à A. contorta . En effet : 1° Les fossiles dont la lumachelle de Mende est pétrie, Mytilus, Gervillia , Avicula. Monoiis , etc., me paraissent iden- tiques avec ceux qui en Provence accompagnent VA. con- torta. 2° En comparant les fossiles de la lumachelle de la Lozère avec ceux qui, dans la même région (Ardèche et Gard), se rencontrent constamment avec PA. contorta , je n’y trouve pas de différences appréciables. Pour permettre à la Société de se former, autant qu’il est possible, une opinion dans cette importante question, je lui adresse plusieurs échantillons pris parmi ceux dont l’examen m’a conduit aux conclusions précédentes. Je prie en même temps nos savants confrères de remarquer que ce ne sont pas là des échantillons rares et exceptionnels; on pourra toujours en recueillir de parfaitement identiques, et par mil- liers, dans les points où je lésai rencontrés. Le n° 4 est la lumachelle de Mende, prise au vallon de Châ- tel-Nouvel. Le n° I vient de l’Ardèche (commune d’Assion). Il montre plusieurs bivalves que je considère comme identiques avec celles de Mende, à l’une des extrémités un très-bel exemplaire de PA. contorta , et sur Pautre côté un fragment d’os et plu- sieurs autres débris et empreintes organiques. Au point de vue minéralogique même, cet échantillon de l’Ardèche ne diffère pas sensiblement de celui de Mende. Le n° 3 vient du Gard (tranchée du chemin de fer au nord de la station de Molière). Là encore, au milieu d’un ensemble de fossiles variés et montrant, entre autres, plusieurs beaux échantillons deQ’A. contorta , je retrouve des bivalves qui me paraissent être les memes que celles de Mende. Voici maintenant les raisons qui ne me permettent pas, mal- 412 SÉANCE DU il JANVIER 1869, gré ce qui précède, de conclure avec certitude que la zone à A. coyitorta existe aux environs de Mende. 1° En comparant les nombreux fossiles que j’ai recueillis en Provence, sur les mômes plaques que VA. contorta, avec les fossiles de l’infra-lias figurés par les géologues les plus auto- risés dans la question, en les comparant avec les fossiles en nature quej’ai recueillis moi-même dans la plupart des loca- lités classiques en France et en Italie, j’ai acquis la conviction qu’un bon nombre de ceux qui sont donnés comme spéciaux à la zone de VA. planorbis commencent dans la zone à A. con- Zorta. L’indépendance que certains géologues avaient cru pouvoir établir, au point de vue paléontologique, entre la zone à A. contorta et la zone à A. planorbis disparaît donc en présence du grand nombre de fossiles communs que renferment ces deux zones. Il n’y aura donc plus lieu, dès lors, de séparer ces deux horizons et surtout de rattacher l’un au trias et l’autre à la formation jurassique (1). 2° Je n’ai pas rencontré aux environs de Mende la zone à A. planorbis , et, si elle y existe, il est certain qu’elle ne se présente pas là avec son aspect ordinaire. Je dois dire du reste que je n’attacherai à cette suppression de la zone à A. planor- bis , quand môme elle serait bien constatée, qu’une importance très-secondaire, puisque, jusqu’ici, il ne m’a pas encore été possible de constater sa présence dans le midi de la Provence, où cependant, comme on le sait, la zone à A. contorta est si prodigieusement développée. Quoi qu’il en soit, je regarde comme certain que la luma- chelle de Mende n’est pas supérieure au niveau de l’A. pla- norbis, et j’incline même à penser qu’elle fait déjà partie de la zone à A. contorta. Dans tous les cas, la question arrivée à ces termes ne peut manquer d’avoir une solution prochaine. Elle sera donnée par le premier observateur qui aura assez de temps et de patience pour explorer, aux environs de Mende, les dépôts toujours peu épais compris entre la lumachelle dont nous avons fixé la place et les terrains anciens. Pour continuer à explorer la base des terrains secondaires, je me dirigeai vers Florac. (l) On trouvera dans mon travail général sur V Infra-lias dans le bassin franco-italien de la Méditerranée, qui paraîtra dans quelques mois, la preuve de ee que j’avance ici. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 413 A partir de Mende, dans la direction du sud, les terrains s’abaissent assez rapidement. Aussi, on rencontre bientôt le lias moyen, les marnes noires du lias supérieur, puis les cal- caires noduleux et marneux de l’oolithe inférieure, avec em- preintes de Chondrites scoparius , arrivant au niveau de la route. A 3,500 mètres de Mende, on franchit le Lot au pont neuf. Bien qu’on se soit déjà abaissé de 30 mètres, on voit descendre, au niveau de la route, les calcaires de la grande oolithe et pro- bablement môme ceux de l’étage oxfordien; mais ce n’est là qu’un accident local. Bientôt le système se relève, et on ne quitte plus l’oolithe inférieure jusqu’au village de Bulsièges, où la nouvelle route de Florac s’embranche sur l’ancienne. En suivant la nouvelle voie, on remonte le ruisseau de Val- donnés et on continue de s’avancer pendant deux kilomètres dans l’oolithe inférieure. On laisse à droite le hameau de la Fonts, et, à 700 ou 800 mètres plus loin, une faille considé- rable, passant par le sommet de la montagne, ramène subite- ment, en les élevant à une hauteur considérable, les marnes noires du lias supérieur. A partir des environs de la faille, la vallée s’élargit en en- voyant une ramification du côté de l’est et une autre dans la direction du sud-est. C’est cette dernière que suit 1a, route. Elle franchit le fond de la vallée à l’aide d’un pont assez long, et va passer à l’est et au-dessous du château de Montialoux. Quand, des environs du pont précédent, on regarde autour de soi, on voit, dans toutes les directions, de grands escarpe- ments constitués, dans leurs parties basses et moyennes, par les marnes noires du lias supérieur, si facilement reconnais- sables dans toute cette région. Elles arrivent, du reste, jusqu'à la route, et, à 200 mètres au sud du pont, elles montrent, en prodigieuse abondance, les Belemnites du lias supérieur, et en particulier B . tripartitus , Schloth., B. canaliculatus, Schloth, de nombreuses Ammonites ferrugineuses d’assez petite taille (1). On s’avance pendant environ 4 kilomètres dans ces marnes ou dans leur voisinage, et on peut constater qu’elles sont tou- jours très-riches en fossiles du lias supérieur. (1) J’ai rencontré là aussi, dans les mêmes bancs que les fossiles précé- dents, de nombreux échantillons d’une petite Plicatule ayant beaucoup de rapports avec la Plicatula spinosa du lias moyen, mais montrant des com rayonnantes plus prononcées. 414 SÉANCE DU 11 JANVIER 1889. On entre alors dans une petite vallée qui m’a offert une par- ticularité extrêmement remarquable. Cette vallée est remplie par un dépôt énorme de cailloux, en général roulés, et dont un très-grand nombre, souvent complètement arrondis, montrent des dimensions très-considérables. Si j’avais rencontré ces dépôts à une latitude plus septen- trionale, je n’aurais pas hésité à y voir le produit d’un ancien glacier. Appliquée aux lieux dont il s’agit, cette conclusion serait très-importante, puisqu’elle aurait pour conséquence de faire descendre, les glaciers dans dès latitudes beaucoup plus méri- dionales (en dehors des Alpes et des Pyrénées) qu’on ne l’a- vait admis jusque là. J’ajouterai que, quand on s’avance à partir de Villefort par l’ancienne route de Mende, on voit, à 2 kilomètres environ, dans la vallée dont la route suit le flanc E., des dépôts qui pourraient bien avoir la même origine. Ils sont, du reste, à peu près exactement à la même latitude que ceux dont il est question. Tout en restant dans la réserve que me commande l’insuffi- sance de mes recherches sur cette grande question, je n’hésite pas à consigner ici les remarques qui précèdent, et à appeler, sur ces dépôts, l’attention de ceux de nos savants confrères qui se sont particulièrement occupés de l’étude de la période glaciaire. En marchant toujours au sud, ces dépôts disparaissent. On voit alors, au bord de la route et aux environs, des assises calcaires, à aspect gréseux, se séparant en dalles de quelques centimètres d’épaisseur, et montrant, sur leurs surfaces, de grandes Ammonites se rapportant au type de VA. serpeniihus . Ces assises sont d’ailleurs directement recouvertes par des marnes noire remplies d ’A. bifrons . Bientôt on se trouve reporté à la limite des terrains anciens et des terrains secondaires; mais, comme cette limite coïncide avec un ravin où les dérangements ont été considérables, et qu’il est d’ailleurs obstrué par des débris de toute espèce, je n’ai rencontré jusqu’au col de Montmirat, sur un parcours de 4 kilomètres, rien qui, au point de vue de l’infra-lias, mé- rite d’être signalé. Bien après, à partir du col de Montmirat, les terrains secon- daires s’étendent et offrent une disposition plus régulière; je descendis à Florac, et c’est seulement quand j’eus exploré les NOTE DE », DIEÜLAFÂÏT. 41b environ s de celle dernière localité, que, revenant sur mes pas, je complétai la série interrompue de mes observations en re- joignant le col de Montmirat. Les environs de la petite ville de Florac offrent plusieurs points très-favorables à l'observation du contact entre les ter- rains sédimentaires et les schistes anciens. Mais celui qui m’a paru le plus favorable est fourni par la colline qui, se détachant un peu des hauts escarpements ruiniformes qui dominent Florac, vient, au sud de la ville, se terminer à la route d’Aiais. En montant, à partir du pont de bois, dans la direction de l'ouest, on constate d’abord l’existence de la succession géné- rale suivante, avec les épaisseurs approximatives de chaque étage ; m Calcaire blanc, compacte, ruiniforme. ....... 50 Calcaire noirâtre, à pâte assez fine. ......... 30 Calcaire marneux noduleux à Chondrites sco- parius. 9 . 30 Marnes noires et calcaires noirs 20 Calcaires bleuâtres, très-compactes, remplis de débris de fossiles. 35 Je n’ai rencontré aucun fossile se rapportant à cet étage. » Calcaires siliceux dolomitiques. 70 Oxfordien ......... Grande ooiithe, . . Ooiithe inférieure. . . Lias supérieur Lias moyen Lias inférieur Infra-lias Ces grandes divisions, une fois reconnues, il fallait revenir à la base et examiner, en détail, les parties inférieures. Le point qui m’a semblé le plus favorable pour bien saisir toutes les relations est le côté sud d’un petit bois de châtai- gniers, qu’on aperçoit de la route» J’y ai relevé la succession suivante : Coupe (PI. IV, coupes III, fig, 5) prise au sud de Florac. 6. Dolomie très-compacte, très-siliceuse, en gros bancs formant m barre * • 4.00 5. Calcaires dolomitiques siliceux, rougeâtres à l’extérieur, se bri- sant en fragments polyédriques perpendiculairement aux plans de stratification, et formant une grande barre tout à fait ver- ticale . .* ................ i ï i ........... s . 0 0 4* Bancs dans lesquels l’élément calcaire- devient plus abondant, et terminés, à la partie supérieure, par des lits très-minces 1.50 3, Calcaires dont l’aspect général est le même que celui du n° 2, mais qui, vu de près, montre une texture manifestement ooli- thigue, Ces, calcaires renferment beaucoup de fossiles, particuliè- 416 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. rement des bivalves, mais les espèces sont peu variées 2.00 2. Bancs minces dolomitiques siliceux, avec une lumachellede quel- ques centimètres d’épaisseur, dont les fossiles ne m’ont pas paru déterminables 1.50 1. Gros banc dolomitique siliceux, montrant dans sa pâte, d’ailleurs assez fine, un certain nombre de grains de quartz, et terminé, à la base, par un conglomérat quartzeux à gros grains intime- ment uni avec lui 2.00 Schistes anciens . Les fossiles que je rencontrais, à la base des dolomies, dans la coupe précédente, rappelaient ceux de la zone à A. planor- bis; mais je ne trouvais là ni les moules de Cardinies, ni les Huîtres, ni les Mytiles, ni surtout les lumachelles de calcaire bleu noir, etc., qui, partout ailleurs, à défaut de VA. planorbis, toujours très-rare, caractérisent parfaitement la zone à laquelle cette dernière coquille a donné son nom. Pour sortir, s’il était possible, de l’indécision dans laquelle je me trouvais amené, la marche était naturellement indiquée par la vue des lieux qui m’environnaient. Toutes les vallées étant, aux environs de Florac, ouvertes dans les schistes an- ciens, on aperçoit parfaitement à découvert, à une hauteur plus ou moins grande, la base des terrains secondaires reposant, en général, sur les schistes. 11 fallait donc suivre, sur les flancs des montagnes, la ligne de contact des deux formations, et voir si les assises des terrains secondaires se modelaient sur les dé- pressions des terrains schisteux, auquel cas il n’y avait rien de nouveau à espérer, ou bien si, dans ces dépressions, s’étaient déposés des sédiments un peu plus anciens que ceux de la coupe du pont de bois. Partant de Florac, je remontai d'abord les escarpements qui forment les flancs ouest de la vallée du Tarn, et j’allai rejoindre la route au col de Montmirat, là où, quelques jours aupara- vant, j’avais interrompu mes observations. Dans toute cette région, qu’on ne peut du reste explorer qu’au prix d’une fatigue extrême, je ne rencontrai rien de bien concluant. Cependant, au-dessus du hameau de Monteil, on voit des calcaires en plaques, avec Cardinies, rappelant tout à fait ceux de Sainte-Hélène, et probablement identiques avec eux. Le versant est de la vallée, que j’explorai les jours suivants, ne me fournit pas de meilleurs résultats. NOTE DE M. DIEULAFÀIT. 417 Il devenait dès lors très-probable que, dans les parties ex- plorées, entre Florac et Montmirat, Pinfra-lias débutait parles parties les plus supérieures de la zone à A. planorbis. Mais, comme j’avais vu constamment, dans cette région, les schistes anciens parfaitement nivelés, recouverts toujours parallèlement par les terrains secondaires, il fallait, avant d’a- bandonner mes recherches, trouver une dépression dans ces schistes et voir comment les sédiments y étaient déposés. Revenu à Florac, je dirigeai mes observations dans une di- rection opposée. Je remontai la rive gauche du Tornon, en marchant par conséquent dans la direction du sud. Plus heureux que dans la vallée du nord, je ne tardai pas à rencontrer tous les éléments nécessaires à la solution de la question que je poursuivais. En suivant la base des terrains sédimentaires, à partir de la coupe dupont de bois, je vis bientôt quelques sédiments nou- veaux à la partie inférieure. Des grès très-grossiers, quelques calcaires magnésiens, des marnes compactes et grenues de couleur verte, empâtant des débris de schistes, se montrèrent successivement. 11 devenait en même temps manifeste, quand même le baromètre ne me l’eût pas montré avec précision, que je m’enfonçais dans une dépression des schistes anciens. Ces grès se développant de plus en plus deviennent blancs, avec reflet bleuâtre, et finissent par prendre une apparence et une constitution tout à fait identiques avec celles des grès des environs de Mende, désignés sous le nom de grès à meules. Mais, et c’est là le point important, entre ces grès et les calcaires si- liceux à fragments polyédriques qui, à Florac, arrivent pres- que au contact des schistes anciens, on voit apparaître, à mesure qu’on s’avance, un système calcaire tout nouveau. Son plus grand développement est sur le flanc nord d’un ravin très- abrupt, s’ouvrant à 4 kilomètres de Florac, et coïncidant avec un abaissement momentané des schistes anciens jusqu’au ni- veau de la route. Deux petites exploitations, ouvertes précisé- ment dans le système dont il s’agit, permettront de le retrouver avec la plus grande facilité. La zone à A. planorbis apparaît là, très-développée, très- riche en fossiles, avec ses lumachelles et tout l’ensfjqible de .ses caractères ordinaires. Soc. géol., 2e série, tome XXVI. 27 418 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. Coupe (PI. IV, coupes III, fig. 6) perpendiculaire à la route cl’Alais, i 4 kilomètres au sud de Florac . 12 * Barre : calcaire dolomitique siliceux, rougeâtre à l’extérieur, se brisant en fragments polyédriques verticaux 5m00 11 i Petites assises de calcaire bleu 0.50 10. Calcaire bleu se délitant et rappelant beaucoup les assises du fullers earth de la Provence. 0.50 9. Calcaires en minces assises, très-fossilifères 0.80 8. Calcaire gris en très-petites plaquettes, entièrement pétri de fos- siles : A. planorbis^ Cardinia avec test et moules de Cardi- nies, MytiluSj Lima , Pecten , Plicatula , Ostrea, etc., etc., et un grand nombre de débris d’Échinodermes 1.00 7. Calcaires siliceux gris et rougeâtres, avec beaucoup de fossiles très-mal conservés, paraissant analogues à ceux des bancs n° 8 * 4.00 6 . Gros banc calcaire siliceux 1.00 5. Calcaires siliceux en bancs assez minces, et renfermant quel- ques fossiles peu déterminables [A. contoria ?) 1.00 4. Banc siliceux très-dur 1.00 8. Bancs de grès avec lits de calcaires intercalés 2.00 2 . Grès blanc à grains grossiers, très-compacte (grès à meules) . . 2.00 i. Grès grossier se désagrégeant facilement 1.00 Schistes anciens. La zone à A. planorbis apparaît, dans cette coupe, de la manière la plus nette. Sa partie fossilifère correspond aux as- sises 7, 8 et 9. La zone à A. conforta ex iste-t-elle en ce point? J'ai rencontré dans les calcaires gréseux delà division n° 5 quelques fossiles appartenant à cette zone; mais ce que j’ai dit, à propos des coupes de Mende, au sujet du nombre considérable de fossiles communs à la zone de VA. planorbis et à la zone de VA. con- forta empêche que je puisse tirer de la présence de ces fossiles un argument en faveur de l’existence, même probable, de la zone à A. conforta en ce point. Dans tous les cas , l’horizon de VA. planorbis bien fixé comme il vient de l’être, le champ où peut se rencontrer VA. conforta devient tellement restreint qu’il est impossible que ce fossile échappe encore longtemps aux recherches des géolo- gues, si réellement il existe aux environs de Florac. Les terrains secondaires, débutant par la zone à A. planor - NOTE DE M. DIEULAFAIT. 419 bis et couronnés par les calcaires ruiniformes de l’oxfordien, constituent, sans interruption, les parties élevées de la chaîne de montagne qui, partant de Florac, va, parallèlement à !â route de Meyrueis, passer à l’ouest et au-dessus des villages de Saïgas, de Vebron et de Freissinet de Fourgues. Dans un parcours d’environ 16 kilomètres, les terrains se- condaires paraissent tout à fait horizontaux. Et, en effet, la base de l’infra-lias, au fond de la vallée de Freissinet, est seulement de 75 ou 80 mètres plus élevée qu’aux environs de Florac. Il semble, dès lors, que, dans cette région, il ne s’est pro- duit aucun mouvement sensible depuis les premiers dépôts de l’infra-lias, et que le creusement lent des vallées soit la seule modification apportée par les périodes suivantes. Mais quand, à 5 kilomètres plus loin, on a atteint le col du Perjuret, les choses changent complètement. Si, pour sortir de la vallée de Freissinet, au lieu de suivre la route, on monte, dans la direction du nord-ouest, vers les escarpements, on retrouve toujours une coupe à peu près identique avec celle de Florac, excepté à la base où elle est tout à fait incomplète. Je n’ai rencontré là aucun fossile de l'infra-lias. J’ai exploré, sans plus de succès, les vallons profonds qui, descendant du col du Perjuret, s’ouvrent vers Freissinet. Il me paraît évident que, dans tous les lieux explorés, l’infra-lias dé- bute par les parties élevées de la zone à A. planorbis . En suivant les contours de la route, on remonte également la série, mais bien plus lentement. A 3 kilomètres de Freissi- net, sur le fianc de la deuxième vallée, on retrouve, au-dessus des dolomies infra-liasiques, les calcaires lumachelles et fossi- lifères du lias moyen, et, au-dessus, les marnes noires si ca- ractéristiques du lias supérieur. La route les coupe aux envi- rons du premier col, et on peut constater qu’elles sont là, comme dans tout le reste du département, remplies d’une multitude de Bélemnites, accompagnées des Ammonites les plus caractéristiques de cet étage. On quitte bientôt les marnes du lias pour entrer dans l’oo- lithe inférieure, et jusqu’au col, c’est-à-dire sur une longueur d’environ 3 kilomètres, on ne sort plus de cet étage. Comme, à partir du col du Perjuret, la route s’abaisse con- stamment vers Meyrueis, on doit redescendre la série. En effet, on retrouve bientôt les marnes noires du lias avec petites Ammonites ferrugineuses, et, à 1500 mètres du col, là où la 420 SÉANCE DU il JANVIER 1869. rampe devient plus prononcée, on rencontre un grand déve- loppement de marnes et de calcaires marneux, avec Belem - nites tripartitus , B. unicanaliculatus , toujours en quantité pro- digieuse, accompagnées de quelques espèces d’Ammonites, et en particulier de VA. bifrons , qui prend ici un développement tout particulier. Bientôt on voit sortir, au-dessous de ces marnes, des cal- caires durs en gros bancs, pétris d’Encrines, et montrant de nombreuses Bélemnites : c’est le lias moyen. Cet étage, sa par- tie fossilifère du moins, n’a pas, en ce point, plus de 9 ou 10 mètres d’épaisseur. Le lias moyen repose sur des calcaires siliceux dolomitiques montrant, ça et là, comme partout dans le Languedoc, à ce niveau, de petits lits de marnes noires. Cet ensemble dépend de l’étage de l’infra-lias. La route semblant descendre plus vite que les couches, on devrait atteindre facilement la base du système, mais il n’en est rien. Du col du Perjuret au hameau de Salvensac, la dis- tance est de 9 kilomètres, la différence d’altitude 250 mètres, et cependant la base de l’infra-lias ne revient pas une seule fois au jour. Des dérangements, des failles et des renversements continuels établissent le contraste le plus frappant entre cette région et celle que nous avons parcourue précédemment. On se croirait volontiers subitement transporté dans les terrains analogues de la région des Alpes. En face du hameau de Salvensac, à 4 kilomètres de Mey- rueis, la base de l’infra-lias reparaît. Les grès à gros grains, les uns compactes et fortement agrégés, les autres plus ou moins friables, sont plus développés que précédemment ; leur puis- sance est de 15 ou 16 mètres. Au-dessus d’eux, on voit un système de calcaires toujours dolomitiques et siliceux, mais en bancs assez minces, et différant notablement, dans son en- semble, de tout ce que nous avons vu jusqu’ici à ce niveau. Les restes organiques semblent y être très-rares, au moins dans la partie inférieure. Je n’y ai rencontré que quelques dé- bris d’Huîtres et quelques bivalves tout à fait indéterminables. En approchant de Meyrueis, l’ensemble du système jurassi- que s’abaisse rapidement, et, bien que ce village soit sensi- blement à la même altitude que Florac, l’oxfordien arrive presque jusqu à son niveau. C’est, en effet, à cet étage qu’ap- partiennent, les masses énormes de calcaires blancs qui domi- nent Meyrueis et qui couronnent, d’une façon à la fois si NOTE DE M. DIEULAFAIT. 421 pittoresque et si grandiose, les deux autres murailles de ro- chers, entre lesquelles coule la Jonte de Meyrueis à Peyreleau, sur une longueur de 23 kilomètres. De Meyrueis à Peyreleau, et de ce point à Milhau, c’est-à- dire sur une longueur de 45 kilomètres, l’infra-lias n’apparaît plus, bien qu’on descende constamment. Il y a donc, entre Meyrueis et Milhau, un abaissement considérable. En effet, en prenant pour repère un horizon bien connu, celui des mar- nes à Ammonites bifrons par exemple, on constate que l’infra- lias se trouve moyennement, dans ce dernier parcours, à plus de 4Ü0 mètres plus bas qu’entre Florac et le Perjuret. Si le long ravin de la Jonte ne montre pas la base de l’infra- lias, il m’a fourni, sur d’autres horizons, des données nouvel- les et importantes. On n’a pas signalé jusqu’ici la présence delà grande oolitbe dans la Lozère et dans l’Aveyron; on a même pensé que cet étage devait y faire défaut. Elle s’y rencontre, au contraire, parfaitement caractérisée. A mesure qu’on s’éloigne de Meyrueis, on voit se dévelop- per, au-dessous des calcaires ruiniformes de l’Oxford-clay, un système de calcaires bleus, marneux, à pâte fine, montrant dans leur ensemble un faisceau d’assises de même nature , mais très-minces. On trouve dans ces calcaires des Limes, des Pboladomyes, des Panopées, etc. Ces fossiles ont déjà été signalés dans une excellente étude que vient de faire paraître M. Reynès sur la géologie de l’Aveyron (1) ; seulement, ce savant, n’ayant pas de termes de comparaison, n’a pu en tirer parti pour fixer un horizon. Pour moi, sans me préoccuper des noms de ces espèces dont plu- sieurs sont certainement nouvelles, je les reconnus immédia- tement pour appartenir aux parties élevées de la grande ooîithe, parce qu’elles me semblaient identiques avec celles que je rencontre par centaines, depuis des années, dans le Var et dans les Alpes-Maritimes, au niveau de Ranville, et où elles se rencontrent toujours accompagnées des espèces les plus caractéristiques de ce niveau, Terebralula flabellum , T. cardium , Rhynchonella continua, R. decorata , etc., etc. Du reste, dans les deux flancs du ravin de la Jonte, dont (1) Essai de géologie et de paléontologie aveyronnaise. 1 volume in-8, 110 p. et 8 pl. de fossiles. Paris, J-B. Baillère et fils, rue Hautefeuille ; 1868. SÉANCE DU il JANVIER 1869. l’un appartient au département de la Lozère et l’autre au dé- partement de l’Aveyron, les bivalves dont il vient d être question ne sont pas les seuls fossiles que montic e niveau dont nous nous occupons. On y trouve entre autres de nom- breux bryozoaires, la R. decorata , une petite Huître fortement p lissée que je rapporte à YO. gregaria (1), une Lime identique avec celle qui existe au même niveau dans le sud de la Pro- vence, etc. * Cet important horizon, que j’ai retrouvé dans un grand nombre découpés, jusqu’au-dessous des derniers escarpements qui dominent Milhau, du côté du nord-est, me paraît tiès- constant. Il est placé à environ 40 mètres au-dessous des calcaires ruiniformes qui dominent toutes les montagnes de ces régions, calcaires se rapportant à l’Oxford-clay, puîsqu ils m’ont fourni plusieurs Ammonites du groupe des plicatilis. Ce n’est pas seulement dans la région qui nous occupe que se développe l’horizon de la grande oolitbe; il commence aux environs de Mende, peut-être même à Sainte-Hélène, et se con- tinue par Florac et Meyrueis, à l’est du massif secondaire, et de là, au sud-ouest, jusqu’à Miihau. On constate, en outre, en remontant, à partir de Peyreleau, la rive gauche du Tarn, que, du côté de l’ouest, ce niveau n’est pas moins constant. Il en est encore très-probablement de même dans la partie méri- dionale du massif secondaire dont nous nous occupons. Revenons à l’infra-lias. La partie de l’Aveyron où l’on a signalé depuis longtemps la présence des grès infra-liasiques et un développement consi- dérable des petits bancs du système jurassique est 1 arrondis- sement de Milhau et surtout celui de Saint-Affrique. C’est cette région que j’ai particulièrement explorée. Mais dans cette partie de l’Aveyron mes résultats ont été absolument nuis relativement à la zone de l’A. contovta et très-imparfaits en ce qui touche la zone à A. planorbis. J’étais, du reste, à peu près certain à l’avance d’arriver à ce résultat négatif, car je savais qu’un observateur habile, M. Reynès, qui connaît si bien l’Aveyron, qui a donné une carte géologique de l’arrondissement de Saint-Affrique, (1) Il se peut que ce nom ne soit pas le véritable, mais cette Huître est identique avec celle du Var et celle de Ranville, ce qui est la seule chose dont nous ayons ici besoin de nous préoccuper. NOTE DE M. DIEULÀFAIT. 423 n’avait jamais rencontré aucun fossile se rapportant à la zone de VA. contorta ou à celle de- IM. planorbis. Pour fixer les idées et montrer quelle est dans l’arrondis- sement de Saint- Afïrique la nature des sédiments, à partir des grès, je donne ici une coupe prise à l’ouest de l’ancienne rouie de Milhau, à 3 kilomètres au nord de Saint-Affrique. (PI. IV, coupes III, fig. 7 ) Saint-Affrique. m 1 1 . Calcaire siliceux formant barre » 3.00 10. Ensemble de gros bancs siliceux. 4.00 9. Gros banc calcaire avec assises minces à la base 2.00 8. Calcaire siliceux en très-grosses assises formant saillie. 4.00 7. Calcaire en petits bancs 5.00 6. Marnes verdâtres calcaires et magnésiennes. 2.00 5. Grès dur, blanc, faisant barre, 4.00 4. Grès et grès marneux 2.00 3. Grès analogue au n° 1 en deux bancs 1.50 2. Grès rougeâtre, friable 1.00 1 . Grès blanc à gros grains (grès à meules) 0.80 Calcaire blanchâtre dolomitique 0.50 Grès rougeâtres, calcaires bariolés de rouge et de vert, etc., épaisseur indéterminée, la coupe ne pouvant descendre plus bas,. Neuf ou dix coupes relevées aux environs de Saint-Affrique m’ont fourni des résultats analogues et, par conséquent, tout aussi peu concluants. Maintenant, j'ai rencontré, à l’ouest de Saint-Affrique, un fragment de îumachelle calcaire, empâtant plusieurs fossiles et en particulier quelques valves d’Huîtres. Je suis bien con- vaincu qu’elle appartient à la zone à A. planorbis, mais il m’a été absolument impossible de découvrir cette Iumachelle en place, bien que, pendant une journée entière, j’aie exploré, sur plus de trois kilomètres, la base des assises calcaires. J’ai retrouvé cette même Iumachelle dans le vallon de Fon- damonte, au-dessous de Cornus. Ici, il n’y a pas de doute, elle dépend parfaitement de la zone à a. planorbis. Enfin, tout à fait à la limite de l’Aveyron et du Gard, sous les assises du vieux château qui domine, du côté du sud-ouest, la commune de Saint-Jean-de-Bruel, j’ai rencontré, dans des calcaires siliceux, un fragment très-bien reconnaissable de VAo planorbis . 424 SÉANCE DU H JANVIER 1869. En sortant du département de l'Aveyron, ma conviction était, partageant en cela les idées de mes prédécesseurs, que la zone à A. conforta faisait défaut dans les arrondissements cle Saint -Affrique et de Milhau, et que la zone à A. planorbis n’y était que très-imparfaitement représentée. Mais, je me nate d’ajouter, que les résultats si importants et si concluants obte- nus, quelques jours après, dans l’exploration du Gard, modi- fiaient complètement les idées précédentes, et on verra, un peu plus loin, les raisons qui m’autorisent à penser que la zone à A. planorbis et la zone à A.' conforta pourraient très-bien exister dans le département de l’Aveyron. En passant du département de l’Aveyron dans celui de e- rault, les choses changent et la série redevient complète, sinon tout à fait normale. J’ai exposé dans le compte rendu de la réunion extraordi- naire de la Société géologique de France à Montpellier (Bull., 2e série, t. XXV, p. 980) les résultats obtenus, à ce point de vue, dans l’arrondissement de Lodève. Pour ne pas introduire un double emploi dans le Bulletin, je n’y reviendrai pas ici. Je rappellerai seulement que, dans l’arrondissement de Lo- dève, VA. contorta se trouve dans les derniers bancs gréseux* immédiatement au-dessous des calcaires magnésiens à Car- dinies, et que, dans cette région, l’A. contorta n’est pas ac- compagnée des fossiles si nombreux au milieu desquels on la trouve toujours en Provence, dans l’Ardèche et dans le Gard. Quand on a bien reconnu la position de la zone à A. contorta à l’ouest de Lodève, au quartier de la Défriche, il est très-facile de la retrouver dans le grand massif jurassique que remonte, à partir de Lodève, la route de Bédarieux. Elle passe h une très- petite distance du four à chaux hydraulique isolé, au bord de la route. En prenant la zone en ce point, il sera certainement facile de la suivre dans la direction du nord-est et de s’assu- rer si réellement elle remonte à travers l’Aveyron, ou bien si elle disparaît en s’avançant vers Saint-Affrique. La partie nord du massif jurassique, comprise entre Nant, dans l’Aveyron, et Saint-Hippolyte, dans le Gard, ne m’a mon- tré comme niveau bien reconnaissable que les calcaires dolo- mitiques siliceux se divisant en fragments polyédriques; les zones fossilifères de l’infra-lias ont constamment fait défaut. Le seul point où j’aie obtenu un résultat important, bien qu’il soit incomplet, est, comme je l’ai dit, sur le territoire de 425 NOTE DE M. DIEULAFA1T. Saint-Jean-de-Bruel, au-dessous des ruines du vieuA château qui le domine au sud-ouest. Là, j’ai relevé la succession sui- vante qui montre, en ce point, la présence de la zone planorbis. (PI. IV, coupes III, fig. 8) Sommet du vieux château au sud-ouest de Saint- Jean-de-Bruel* 8. Calcaires siliceux dolomitiques, gris en bas, blancs en haut, et rappelant parfaitement, par leurs caractères généraux, les dolo- mies infraliasiques du reste du Languedoc. Ces calcaires m ont fourni, avec quelques débris de fossiles à peine discernables, un fragment parfaitement reconnaissable de VA. planorbis. 7. On atteint le sommet de la colline au-dessus de la carrière à gypse; mais, comme l’ensemble des assises plonge fortement à l’ouest, on continue à remonter la série en marchant vers le vieux château. On rencontre bientôt des grès arkosestout à fait comparables à ceux de Lodève, mais je n ai pu découvrir dans leurs assises une partie calcaire et fossilifère analogue à cel e qui, au quartier de la Défriche, m’a fourni VAvicula conforta. ^ 6. Assises alternantes de grès vert et blanc ‘ 5. Grès, marnes rouges et grès complètement rouges. 4. Marnes calcaires, très-gréseuses, et banc de grès fortement co- ^ ^ loré en vert ** **■' *“* 8. Gypse en assises parfaitement stratifiées, et marnes intercalées. 2. Marnes rouges et vertes. 1. Grès rouge à gros grains et marnes. Schistes anciens très-redressés vers l'est. La portion des terrains jurassiques comprise entre Lodève et Saint-Hippolyte du Gard et toute la partie orientale ne montrent sur la Carte de la France rien de plus ancien que le système oolithique inférieur. Je n’ai pas exploré cette région. J’ai repris mes observations à Saint-Hippolyte du Gard, et remontant par Anduze, Alais, Saint-Ambroix, Robiac, etc., je suis venu rejoindre, aux Vans, dans l’Ardèche, une coupe PrEn marchant, à partir de Saint-Hippolyte, dans la direction du nord, vers Lasalle, on voit les assises oxfordiennes, très- développées, se relever assez rapidement et laisser apparaître des dolomies très-analogues à celles de l’infra-lias, puis un calcaire noir, pétri d’articles d’Encrines, dépendant 1 un et l’autre du système oolithique moyen. Plus bas, des assises de 426 SÉANCE DU il JANVIER 1869. 7 ' t\ >'■ ' ( f' «•> . - T * • rf-r •. ' \ .... . • r ' T ^ ‘ f . -• ' ^ *"v calcaires bleus, noduleux, un peu marneux, montrent, avec de nombreuses empreintes de Chondrites scoparius , des Bélem- nites,des Térébratules et des fragments d’Ammonites. Ils ap- partiennent à la base de l’oolitke inférieure. A 4 kilomètres de Saint-Hippolyte, on atteint un ravin qui sert de limite à cette commune et à celle de Monoblet. Les gypses sont très-développés dans ce vallon, et plusieurs ex- ploitations y sont ouvertes. Je n’ai vu là ni la zone à A. conforta , ni la zone à A. pla- norbis. J’ai rencontré seulement dans un calcaire doîomitique, blanchâtre, trois exemplaires d’une Térébratule qui me paraît identique avec la T. psilonoti (Quenstedt), telle qidelle est figurée dans je beau travail de M, Dumortier (1), PI. VU, fig. 3, A et 5. En suivant la route, on rentre bientôt dans les schistes et les terrains anciens, et on atteint le village de Lasalle sans les voir disparaître. Si, après avoir laissé ce village à gauche, on quitte la route pour s’élever vers Sainte-Croix, on monte presque jusqu’au sommet de cette montagne sans sortir de ces terrains. Mais, en approchant de Sainte-Croix, et surtout de l’autre côté, l’infra-lias siliceux est très-développé. J’ai bien rencontré, à plusieurs reprises, aux environs de Sainte-Croix, quelques débris de fossiles, mais je ne pense pas que la base de l’infra-lias existe en ce point. Quand on a franchi la vallée et qu’on est remonté sur le flanc de la montagne que, contourne le chemin de Saint-Jean du Garu, on rencontre, à droite, un développement considérable de marnes rouges gypsifères. Elles sont recouvertes par les calcaires dolomitiques que nous venons de signaler et, là, comme à Sainte-Croix, la base de l Infra-lias m’a paru faire défaut. En s’avançant vers Anduze, à partir de Saint-Jean du Gard, on voit un énorme système de grès, de marnes rouges et ver- te&y de calcaires siliceux et dolomitiques, etc., le tout parfai- tement stratifié, avec un plongement très-marqué vers le sud-est. , . .. En m élevant à travers ces assises, et les suivant bancs par bancs, a peu près dans la direction de l’est, je rencontrai, quand je fus complètement sorti des grès, un ensemble d’as- G) Op. cit. NOTE DE M, DIEULÀFAIT. 427 sises très-minces, d’un calcaire noduleux, bleuâtre, remplies d’un grand nombre de fossiles. Quand même je n’aurais pas rencontré presque aussitôt plusieurs fragments très-bien conservés de VA. planorbis , il n’y aurait pas. eu à hésiter pour moi un seul instant ; je retrou- vais îà l’ensemble des fossiles qui, partout dans la haute Pro- vence, accompagnent VA. planorbis. Je suivis ce niveau du côté du sud, et, après quelques acci- dents, je me trouvai reporté au niveau de la route, en face d’une auberge isolée à 3 kilomètres environ de Saint-Jean du Gard. La zone à A. planorbis se reconnaît, en ce point, avec la plus grande facilité, par sa couleur bleue et la faible épaisseur de ses bancs ; mais un détail précis, bien que tout à fait acci- dentel, la fera retrouver immédiatement. On voit, dans les lieux dont il s’agit et tout près de la route, cinq fours à chaux hydraulique, alignés sur une longueur de 1 kilomètre -environ. Ils sont placés précisément à la limite supérieure de la partie fossilifère de la zone à A. planorbis. Ce niveau bien reconnu, il fallait chercher au-dessous la zone h A. conforta. ' La végétation empêchant de voir en ce point ce qui se trouvait au-dessous de la route, je m’avançai vers le sud-est en suivant, avec la plus grande facilité du reste, la zone à A. planorbis , et à un kilomètre plus loin, là où la rivière se rap- proche tout à fait de la route, je trouvai, avec une coupe con- venable, la solution de la seconde partie du problème cherché. En aval de la rivière on voit un ensemble d’assises généra- lement gréseuses, lavées et usées par les grandes eaux, et plongeant vers le nord-ouest. A l’est de la route, on aperçoit très-bien, à une certaine hauteur, les assises marneuses de la zone à A. planorbis , et il est facile de constater que la suc- cession est parfaitement normale. (PI. IV, coupes III, fig. 9) Coupe pariant de la rivière du Gardon , à 4 kilomètres sud-est de Saint-Jean du Gard. 34. Grande barre formée de calcaires dolomitiques rouges à la sur- face et très-siliceux. 33. Calcaires minces, marneux, à A. planorbis, remplis de fossiles ; moules de Cardinies, Pinna , Mytilus , M. Stoppanii (Dumor- tier), M. scalprum (Goldfuss), Cypricardia Breoni (Martin), Cypricardia porrecta (Dumortier), Corbula Ludovicœ (Ter- 428 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. quem), Lima valonensis (Defrance); je rapporte à cette der- nière espèce la Lima de ce niveau en acceptant l'opinion de M. Dumortier (Op. cit., PI. VI, fig. 8 et 9, et page 53); Os- trea Rhodani (Dumortier), O. anomala (Terquem) et beaucoup d’autres fossiles de différentes espèces. Ces assises fossilifères mesurent environ 3.00 31. Calcaires siliceux, très-durs, en bancs d’épaisseurs variables.. 6.00 30. Calcaires noirs en bancs minces 2.50 29. Marnes noires 0.50 28. Calcaire dolomitique blanchâtre en bancs minces 1.00 27. Marnes noires et jaunâtres 0.50 26. Lits noduleux minces, pétris de débris de coquilles et de grains de quartz, avec fragments d’os et dents de poissons 1.50 25. Gros banc de calcaire jaune dolomitique 0.80 24. Marnes noires 0.50 23. Calcaire analogue au n° 22, mais plus foncé, et montrant dans le milieu un lit de marne noire 1.50 21. Calcaire bleu, en lits minces, montrant les premières traces de fossiles, et parmi eux trois exemplaires de VA. conforta , dont un parfaitement reconnaissable 1.50 20. Grès gris, compacte 0.50 19. Marnes noires et calcaires 0.50 18. Calcaire siliceux jaune 1.00 17. Marnes noires et calcaires 2.0 0 16. Grès gris o.80 15. Grès gris avec marnes noires 1.50 14. Grès gris 0.80 13. Marnes et calcaires gris 0.50 12. Grès jaune assez grossier 0.80 11. Marnes et calcaires marneux 1.50 10. Grès très-grossier, spongieux 1.50 9. Calcaire bleu 100 8. Grès bleu avec assises, les unes à pâte fine, et les autres à pâte grossière 2<50 7. Marnes calcaires et calcaires bleus 1.50 6. Grès bleuâtre, grossier à la base 0.50 5. Grès très- dur, rougeâtre, à grains grossiers 1.00 4. Grès blanc bleuâtre, à grains très-fins et très-durs 2.00 3. Grès fin jaune 1 qo 2. Grès avec blocs empâtés et une assise de calcaire marneux à la partie supérieure # 100 1. Grès blanc compacte 1.00 NOTE BE M. DIEULAFAIT. m Rivière du Gardon (1). La série infraliasique est complète sur ce point puisqu’on y trouve le bone-bed et la zone à A. contorta ; mais il est évident que ce dernier horizon est ici tout à fait rudimentaire. Du côté du sud-est les assises à A. planorbis s’élèvent d’a- bord, puis disparaissent sous la terre végétale; mais à un kilo- mètre de là, elles redeviennent très-visibles pendant 700 ou 800 mètres, toujours dominées par les énormes bancs de cal- caires siliceux rougeâtres de l’infra-lias. J’ai retrouvé la zone à A. planorbis dans un grand nombre de points, entre la station précédente et Anduze, mais elle ne m’a montré aucune modification assez importante pour qu’il soit nécessaire d'en faire ici mention. D’Anduze à Àlais on ne rencontre pas l’infra-lias, mais on le voit aux environs de cette dernière ville parfaitement caracté- risé. Toutefois, c’est dans la région dont Robiac est le centre que l’infra-lias se montre à la fois le plus développé, le plus riche en fossiles et le plus facilement observable. Aussi c’est dans cette partie du Gard que nous allons le décrire, en le faisant avec assez de détails pour qu’il soit facile de reconnaître ensuite si, dans un point donné du département, cet étage existe en tout ou en partie. En arrivant à Robiac je commençai par examiner la re- marquable collection de notre savant confrère, M. l’abbé Berthon, curé de Robiac, surtout les séries de fossiles pro- venant des environs. Mon attention fut immédiatement attirée par la vue de grandes plaques, couvertes de bivalves, dont l’en- semble présentait la plus grande analogie avec ce que les géo- logues anglais ont appelé Monotis-bed et qui, en Angleterre, dépend de la zone à A. contorta. J’ai retrouvé en Provence ce Monotis-bed parfaitement caractérisé, mais il est toujours à une hauteur considérable au-dessus des assises qui renferment l’A. contorta , et jamais je n’ai vu, dans le Monotis-bed de la Provence, la moindre trace de ce dernier fossile. A part les plaques dont il vient d’être question, je ne recon- nus dans la collection de M. le curé de Robiac rien qui dépen- dît, d’une manière certaine, de la zone à A. contorta. Presque (1) Du n® l au n* 28 la coupe remonte la rivière sans sortir du lit. 430 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. V — * -T* tous les fossiles, au contraire, se rattachaient d’une manière évidente à l’horizon de VA. planorbis. Toutefois, à la faveur de la gracieuse hospitalité que m’of- frait notre savant confrère, et guidé par ses précieuses indica- tions, je commènçai à explorer les parties inférieures du système jurassique, ou du moins, ce que nous considérions comme tel, c’est-à-dire les grès et les calcaires gréseux. M. l’abbé Berthon avait, depuis longtemps, rencontré des fossiles dans ces grès, et nous ert trouvâmes encore un certain nombre dans nos premières explorations. Tous étaient assez mal conservés; mais, cependant, on reconnaissait parfaitement leurs formes générales. Aucun d’eux ne se rapportait à ceux que, jusqu’ici, j’avais rencontrés avec VA. conforta. A Robiac les calcaires à Gryphées arquées du lias inférieur sont parfaitement développés ; d’un autre côté, quand on descend assez bas, on trouve des bancs de grès grossier blanc, avec reflet bleuâtre, qui me paraissent identiques, par leur constance et leur position géologique, avec les grès à meules de la Lozère. # , S’il existait là des zones fossilifères dépendant de l’infra- lias, on devait les rencontrer en examinant soigneusement les assises comprises entre ces deüx niveaux. L’un des lieux qui me parut le plus favorable pour exécuter cette recherche est la colline qui s’élève, sur la rive droite de la Cèze, en face de l’église de Robiac. (PI. IV, coupes III, fig. 10) Coupe prise à V ouest de Robiac. 42. Calcaires noduleux du liasinfér. (calcaire à Gryphées arquées). » » 41. Calcaires très-compactes, très-siliceux, magnésiens, en bancs puissants.... 13.00 40. Calcaires dolomitiques siliceux, rouges à l’extérieur, identiques à tous les points de vue avec les calcaires àcbaux hydrauli- que de Saint- Jean du Gard. Ils sont également exploités plus au sud et dans la vallée de la Grand’Combe, pour cet objet. 6.00 39. Calcaires dolomitiques blanchâtres montrant plusieurs fossiles des assises n° 38, particulièrement des Huîtres. 38. Calcaires siliceux blanchâtres, très-compactes, dont les bancs sont profondément usés, avec A. planorbis, Huîtres, Cardi- nies, etc., etc 2.00 37. Calcaires dolomitiques en bancs grisâtres et bleuâtres 8.0 0 36. Calcaires bleus et calcaires dolomitiques avec quelques lits de marne 6.0 0 85. Banc de calcaire fissile parfaitement stratifié. . 0.50 NOTE DE M. DIEULAFAIT. 431 B 4. Calcaires bleus compactes, très- durs, profondément usés et corrodés à la surface des assises, d’ailleurs parfaitement stra- tifiés, pétris , surtout à la bas q, d'une quantité prodigieuse de débris de coquilles , montrant aussi un certain nombre de fossiles bien conservés et en particulier de magnifiques échan- tillons de YAvicula contoria ............ . « . . . . 1.00 83. Marnes bleues et calcaires. ............. 0.50 32. Alternance de calcaires marneux et de calcaires siliceux jau- nâtres, quelquefois gris . . . * 6.00 31. Calcaires dolomitiques siliceux et marnes intercalées » » 30. Calcaires dolomitiques blanchâtres. ........ 3.00 29. Grès calcaires avec grains de quartz 0.30 28. Calcaires dolomitiques blanchâtres. . 0.50 27. Marnes calcaires difficilement observables. . ... ........ ,3..O0 26. Calcaire dolomitique très-siliceux et très-compacte. 0.60 25. Calcaire marneux fissile jaunâtre 0.50 24. Calcaire jaunâtre dolomitique avec grès et traces de fossiles à la surface 0.80 23. Marnes jaunes feuilletées en haut. 1.00 22. Calcaire schisteux dolomitique, avec lit de grès fin à la sur- face, montrant quelques débris de fossiles. » » 21. Calcaire siliceux à grain très-fin, blanc, très-dur, avec débris de fossiles. •.*.■.■». L . 0.30 20. Calcaire siliceux analogue à celui du n° 19, mais jaune . » » 19. Calcaire siliceux, marneux, bleu verdâtre, un peu rognoneux. 0.80 18. Calcaire dolomitique, blanchâtre, à grain fin. . , 0.,60 17. Marnes et calcaires noirâtres 1.50 16. Assises calcaires cristallines, très-usées et corrodées à la sur- face.. . » 0.30 15. Banc compacte de calcaire dolomitique blanchâtre avec de nom- breuses vacuoles, tapissées de cristaux de carbonate de chaux 1.00 14. Marnes et calcaires marneux grisâtres 1.00 13. Calcaires très-analogues à ceux du n° 12, mais de pâte plus homogène et plus siliceuse ....... 0.30 12. Calcaires dolomitiques, blanchâtres à l’extérieur, mais zonés de bleu à l’intérieur . . 0.60 11. Gros bancs de grès jaune, à éléments assez fins très-réguliers, et n’ayant qu’une assez faible cohérence. Les parties les moins agrégées renferment beaucoup de fossiles qui, à cause de la nature de la roche, sont à la fois mal conservés et très- difficiles à isoler f .ÜÔ 10. Grès fissile avec fossiles 0" .30 9. Calcaires dolomitiques blanchâtres, avec calcaires marneux, montrant à leur surfacs de nombreux débris dé plantes ; .-. . 1.00 8. Assises de marnes calcaires, noires, fissiles (elles se retrouvent de l’autre côté de la rivière, sous le presbytère même de ^4 ; . . . , • . . t _ . ; . .* _ , J \J • •. • J -J *J- i- - } ^32 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. Robiac) avec débris de fossiles 7. Calcaire dolomitique jaunâtre 6. Calcaires jaunes et marnes noires * 5. Marnes calcaires noires et jaunes 4. Grès friable bleuâtre. 8. Grès analogue au n° !.. 2. Assises très-siliceuses, très-vertes, à aspect marneux, mais en réalité très-compactes 1. Gros bancs de grès blancs à reflet bleuâtre (grès à meules de la Lozère) (1) La zone à A. coniorta montre dans la coupe précédente un développement complet. Mais il est à peu près certain que si je n’avais pas exploré, en Provence, ce niveau pendant des années, ou si la lumachelle de Robiac eût été très-différente de celle de cette dernière province, elle m’aurait échappé dans le Gard, comme elle' avait échappé jusque-là aux recherches de mes prédécesseurs. Mais en arrivant aux assises n° 34 de la coupe précédente je fus immédiatement frappé de l’identité des ca- ractères présentés par ces assises avec ceux des sédiments qui, dans le Var et les Alpes maritimes, renferment VA. contorta. Ainsi, à Robiac comme à Bergougnon, c’est le caractère li- thologique de la roche qui m’a permis de découvrir le pré- cieux niveau à A . contorta. Il est un autre caractère purement minéralogique et strati- graphique sur lequel j’appelle, d’une manière toute spéciale, l’attention des explorateurs du Languedoc, c estl existence du banc de calcaire fissile n° 35, servant de toit à la partie fossili- fère de la zone à A. contorta. Ce banc, dont l’épaisseur ne dépasse jamais 0m,50, est ex- trêmement reconnaissable à ce caractère, qu’il se débite natu- rellement en plaques pouvant parfois avoir plusieurs décimè- tres de côté, plaques parfaitement planes et n’ayant pas plus d’épaisseur que les ardoises ordinaires. Souvent ces calcaires sont très-résistants, d’autres fois ils deviennent marneux et tombent à l’état d’ardoises pourries; il n’est même pas rare de rencontrer, sous les deux états, ces calcaires dans les mêmes lieux. .. Par la minceur et le parallélisme de leurs assises ils contras- tent, de la manière la plus complète, avec les bancs plus ou 0.50 3.00 0.50 0.50 0.50 1.50 0.50 ? (1) La' coupa ne peut pas descendre plus bas. NOTE DE M. DIEULAFATT. 433 moins réguliers, mais toujours épais et compactes, au milieu desquels ils sont intercalés. Une fois qu’on est prévenu, on peut apercevoir et reconnaître ces bancs à une distance consi- dérable, et, dans tous les cas, il est impossible que dans une coupe, ne fût-ce qu’une coupe de reconnaissance, ils ne s’im- posent pas d’eux-mêmes à l’attention de l’observateur. Ces mêmes calcaires fissiles se retrouvent en Provence; seulement, comme les dépôts renfermant PA. contorta sont là beaucoup plus épais que dans le Languedoc, on rencontre en Provence plusieurs niveaux de marnes et de calcaires fissiles; mais le plus développé et le plus constant occupe, à l’est comme à l’ouest du Rhône, exactement la même position géologique. Il recouvre directement les assises à A. contorta. Au nord de Robiac s’ouvre la vallée au fond de laquelle coule la rivière de Ganière, que domine, du côté de l’est, le vieux château ruiné de Castillon. Quand on remonte cette val- lée, on arrive au terrain bouiller des Salles, où de grandes ex- ploitations sont en pleine activité. J’ai examiné toute cette région, et j’ai eu l’avantage défaire une partie de mon exploration avec l’un des hommes qui ont le plus contribué à faire connaître ce district houiller, avec notre savant confrère M. de Lavernède. Le grès houiller occupe le pied des montagnes, mais il est recouvert par un ensemble de terrains calcaires, très-épais, dans lesquels, à première vue, on reconnaît plusieurs étages de la formation jurassique. L’un des points les plus remarquables pour étudier, dans cette région, la constitution de l’infra-lias, est la montagne qui, du côté de l’est, domine le village des Salles. Guidés par la coupe de Robiac, nous montâmes, M. de La- vernède et moi, dans les escarpements, à la recherche du banc de calcaire fissile , que nous aperçûmes, en effet, à 50 mètres de distance. A peine arrivés dans son voisinage, M. de Lavernède rencontra, dans un fragment de roche détachée, un exemplaire bien caractérisé de l’A. con- torta et, bientôt après, nous trouvâmes, immédiatement sous les calcaires fissiles, la lumachelle parfaitement en place avec plu- sieurs fossiles et un certain nombre de très-beaux exemplaires de l’A. contorta. L’un d’eux avait même des dimensions si considérables que j’hésitai un instant à le reconnaître. Dans la coupe de Robiac la zone à A. planorbis est à envi- ron 15 mètres au-dessus de la zone à A. contorta . Je m’élevai Bull. Soc. Géol., 2e série, t. XXVI. 28 434 SÉANCE DU 11 JANVIER 1809. dans la montagne des Salles d’une hauteur à peu près égale, à partir des calcaires fissiles, et je vis apparaître la zone à A. planorbis avec les mêmes fossiles et les memes caraclèits (ju h Robiac. M. de Lavernède ne pouvant, a mon grand regret, continuer avec moi l’exploration de la montagne, je revins à la base, et je relevai la coupe suivante : (PI. IV, coupes III, fig. Il) Coupe partant de la montagne à l'est du village des Salles, en partant du puits Lavernède. 32. Bancs extrêmement remarquables, composés presque exclusive- ment de silice à l’état spongieux et empâtant un nombre con- sidérable de fossiles appartenant au lias inférieur 31. Calcaires gris noir, en bancs bien stratinés, montrant dans toutes leurs parties de nombreux et gros rognons de silex. . . 30. Calcaires jaunâtres, noduleux, avec quelques silex et de nom- breuses Bélemnites, ; • 29. Calcaire moins siliceux, avec Bélemnites dans les parties élevées » 28. Dolomies très-siliceuses formant barre en haut. 27. Calcaire marneux blanchâtre avec Ammonites planorbis, etc., et tous les fossiles de Robiac 26. Calcaires analogues à ceux du n° 23, mais en bancs plus minces 25. Gros banc de calcaire très-compacte et très-siliceux 24. Calcaires marneux, jaunâtres, avec traces de fossiles 23. Calcaires en gros bancs blanchâtres siliceux 22. Calcaires compactes marneux et siliceux 21. Banc de calcaire marneux - 20. Calcaire compacte avec lumachelle fossilifère 19. Calcaires fissiles » 18. Lumachelle avec A. contorta, etc., etc 17. Marnes vertes 16. Calcaires gris en gros bancs, montrant un ceitain nombre de lits, extrêmement minces, de grès engagés dans la pâte. . . . 15. Calcaires marneux en gros bancs ; l’un d’eux se délite comme le fuller's earth de la Provence 14. Marnes vertes et calcaires cariés 13. Gros banc de calcaire dolomitique rempli de débris de fossiles. 12. Système de cargneules très-développées et de marnes vertes rappelant tout à fait les dépôts sur lesquels reposent les pre- mières assises renfermant VA. contorta en Provence 11. Ensemble de gros bancs de calcaire gris siliceux 10. Calcaires siliceux en bancs assez minces devenant quelquefois feuilletés. * 20.00 45.00 25.00 15.00 40.00 4.00 2.00 2.50 0.20 2.00 2.00 0.20 1 .00 0.50 1.00 0.20 2.00 2.00 1.00 1.50 2.50 9.00 8.00 NOTE DE M. DIEULAFAÏT. 9. Gros banc de calcaire jaune dolomitique Y. ....... . 0.60 8. Calcaires jaunes et marnes vertes , 0.60 7. Gros banc de grès grossier très-compacte (grès à meules de la Lozère) 0.80 6. Marnes rouges bariolées 3.00 5. Alternance de calcaires jaunâtres dolomitiques, marnes vertes et quelques lits de grès grossier 5.00 4. Grès grossier quartzeux 0.50 3. Gros banc de calcaire jaune dolomitique 0.80 2. Alternance de grès grossier, grès fin et marnes 4 0 . 0 0 1. Marnes noires 12.00 Grès à gros grains de quartz; limite supérieure du terrain houiller. » » En marchant, à partir de Robiac, dans la direction du sud- est, on constate facilement que le système général se relève d’une manière régulière, à mesure qu’on s’approche de la station de Molière, A 400 mètres au nord de cette station se trouve le hameau de Gammal. Ce point a é é examiné par M. Hébert, il y a neuf ans (1), et plus récemment étudié par M. Dumortier (2) à qui il a fourni un certain nombre de fossiles se rapportant tous au niveau de VA. planorbis. Je vais d’abord faire connaître la succession des assises et préciser la position des niveaux fossilifères. On verra alors, par la seule inspection de la coupe, comment je suis amené forcé- ment à une opinion tout à fait différente de celles de mes sa- vants prédécesseurs. Les travaux du chemin de fer, entre Molière et Gammal, ont entaillé complètement les terrains. Il y a là une coupe magnifi- que dans toute l’acception du mot. M. le chef de gare de Mo- lière et M. le directeur des travaux ayant bien voulu m’auto- riser à pénétrer sur la voie ferrée, j’ai pu suivre, avec la plus grande facilité, la succession des assises. (PI. IV, coupes III, fîg. 12) Coupe des terrains compris entre la station de Molière et le hameau de Gammal ensuivant la tranchée du chemin de fer. 21. Calcaires bleuâtres, compactes, et calcaires grès siliceux 50.00 30. Calcaire bleu très-marneux et calcaires en plaquettes, avec A, planorbis et un grand nombre de fossiles du même horizon. 6.00 (1) Bull,, 2e série, t. XVI, p. 905. (2) Op. cit 1864. 436 SEANCE du il JANVIER 1869. 18. 17. 16. 15. Bancs puissants de calcaires rougeâtres montrant un gran nombre 'de lamelles de carbonate de chaux cristallisé, dispo- sées perpendiculairement aux plans de stratification Calcaire très-siliceux, gris, en assises minces Calcaire gris en très-gros bancs Calcaire jaune marneux en plaquettes .......... Gros banc de calcaires gris et bleu avec quelques lits de calcai- res bleus en plaquettes à la base 14. Calcaire' siliceux gris bleuâtre. 13. Marnes et calcaires marneux fissiles 12 Marnes vertes avec cargneules à la base ni Lumachelle calcaire à A-. contovia avec un grand nombre d’autres fossiles 10. Calcaire fissile bleu 9. Calcaires en plaquettes jaunes. 8. Calcaire bleu fissile 7. Lumachelle très-fossilifère à A . contorta, etc 6 Marnes vertes et cargneules peu visibles dans la tranchée, mais bien développées quand on remonte le flanc de la mon- tagne ; * v * * * 5. Calcaires blanchâtres, parfois bleuâtres, dont certains bancs sont énormes et forment barre. Ces bancs sont extrêmement compactes et séparés par des assises marneuses grises ou noires ne montrant aucune partie rouge, environ 4. Gros banc degrés isolé, dur, compacte, et pétri de petits quart- zites plus ou moins roulés • B. Alternance de marnes dans lesquelles la couleur rouge domine toujours, de marnes vertes et de très-nombreux bancs de calcaire siliceux jaunâtre, environ . 2. Alternance de marnes dans lesquelles la couleur rouge domine surtout , de marnes vertes et de calcaires passant de plus en plus à l’état gréseux à mesure qu’on descend, au moins 1. Dolomies compactes, cloisonnées ou terreuses Calcaire marneux et schiste noir 3.00 1.50 3.00 0.50 2.00 2.00 1.50 4.00 1.00 0.30 2.00 0.50 » » 2.00 35.00 1.50 20.00 80.00 12.00 10.00 Au-dessus des gros bancs de calcaires rougeâtres n* 19 on ne peut plus suivre la coupe dans la tranchée; elle est complè- tement interrompue par un fort mur de 60 mètres de long sur le milieu duquel s’appuie le pont de Gammal ; mais, en mon- tant au-dessus de la tranchée, du côté de l'ouest, on voit se développer, au-dessous du village de Gammal et aux environs, un ensemble de calcaires marneux en plaquettes s’inclinant, comme le reste du système, d’environ 50° au nord, mais ayant, comme tout le reste aussi probablement, un plongeaient bien marqué vers le sud. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 437 La puissance de ces calcaires marneux est, à Gammal, rela- tivement considérable; mais, à cause de leur fort plongement vers le sud, ils sont, pour ainsi dire, plaqués sur le flanc de la montagne, et, si on ne se rendait pas bien compte de l’état des lieux, on serait disposé à leur donner une épaisseur d’au moins 30 mètres, tandis que, en réalité, elle ne doit pas dépasser 5 ou 6 mètres. Ce sont ces calcaires qui ont été signalés, d’abord, par M. Hébert comme fossilifères, et explorés, plus tard, par M. Dumortier, qui les a rapportés, avec raison, à l’horizon de IM. planorbis. Il m’ont fourni, avec un bon nombre des fos- siles décrits par M. Dumortier, plusieurs exemplaires de l’A. planorbis. Au-dessus de ces calcaires vient, comme à Robiac, comme à Saint-Jean du Gard, un puissant système de calcaires bleuâtres, siliceux, magnésiens, qui occupent toutes les hau- teurs jusqu’au ravin de Perret. Seulement, comme le système général s’incline toujours au nord, les bancs marneux à A. planorbis arrivent presque au niveau du ravin, et, par suite, la zone à A. contorla est complètement recouverte. Sur la rive droite du ravin de Perret, les calcaires marneux à A. planor- bis sont très-visibles et parfaitement reconnaissables à plusieurs kilomètres de distance, à cause de leur couleur bleu foncé et de leur état marneux. Ils contrastent ainsi de la manière la plus complète avec les calcaires dolomitiques rougeâtres et très-compactes qui les recouvrent et qui forment, en ce point, un abrupt tout à fait vertical. Ce vallon de Perret correspond à une petite faille, car, sur la rive opposée, on ne retrouve plus les calcaires marneux à A. planorbis , mais seulement les bancs compactes rougeâtres supérieurs. Au-dessus de ces assises, se développe l’étage du lias in- férieur, formé de calcaires bleus très-compactes, puis de cal- caires noduleux, un peu marneux, montrant un certain nombre de fossiles, parmi lesquels de nombreuses Bélemnites, VAm- monites bisulcatus et la Grypbée arquée. Ce dernier fossile, si remarquable, me paraît identique avec les types les plus connus et les plus classiques ; seulement il se montre ici à plusieurs niveaux parfaitement distincts. L’ensemble des faits que nous venons de faire connaître, avec détails, aux environs de Robiac, se reproduit, avec quelques différences d’un ordre très-secondaire, dans toute la 438 SÉANCE DU il JANVIER 1869. partie nord du département du Gard ; c’est ce qui a lieu, no- tamment, sur le territoire de la commune de Meyranne, au sud-est de Robiac, du côté du nord quand on s’avance vers les Yans, et au nord est en marchant vers Villefort. J’ai fait dans ces directions, et en remontant depuis Alais jusqu’à la Grand’Combe la vallée du Gardon d’Alais, un cer- tain nombre d’observations, sur lesquelles j’aurai à revenir ailleurs, mais dont l’exposition ne paraît modifier en rien les conséquences qui résultent des faits consignés dans le travail actuel. Avec la zone à A. contorta et la zone à A. planorbis il existe dans l’infra-lias du Languedoc un troisième niveau fossilifère : c’est un niveau à polypiers. Tous les géologues qui se sont occupés de l’infra-lias, au point de vue paléontologique, ont cité des polypiers dans cet étage. Celui qui a surtout fait connaître l’importance de ces restes organiques est M. Duncan, en Angleterre. Ce savant, qui a eu à sa disposition des matériaux considérables et qui a fait de ces restes une étude extrêmement étendue, rapporte leur plus grand développement à l’horizon de V Ammonites an- gulatus. Or, dans le Languedoc, le niveau à polypiers dont nous par- lons est toujours placé dans les dolomies compactes siliceuses, au-dessus de la partie fossilifère de la zone à A. planorbis. Il sera certainement très-intéressant, au point de vue pa- léontologique, d’étudier cette zone à polypiers; mais il n’est pas nécessaire que cette étude préliminaire soit faite pour que ce niveau mérite toute l’attention des géologues. Il trace, en effet, dans le système dolomitique inférieur au lias à Gryphées arquées , un plan aussi régulier et aussi constant que celui de IM. contorta à la base du système. Je n’ai pas pu en tirer parti dans mon excursion à travers le Languedoc, car ce n’est que très-tard que j’ai soupçonné son importance, et ce n’est mêmequ’après avoir, de retour à Tou- lon, dépouillé et comparé les centaines de coupes partielles et locales toutes relevées au baromètre, rapportées de mon voyage, que j’ai vu ce niveau à polypiers se révéler de lui- même, avec une régularité parfaite, dans mes coupes géné- rales. Il nous reste maintenant à examiner une question considérée comme résolue par beaucoup de nos confrères, mais qui, pour nous, est loin de l’être : c’est celle-ci : NOTE DE M. DIEULAPAIT. 439 Le lias inférieur existe-t-il dans le Languedoc? Il y a à ce point de vue deux divisions à faire. La première comprend l’Ardèche et le Gard ; la deuxième, l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère (1). Pour la première région il n’y a pas de doute à conserver. Depuis longtemps M. Dumas, M. Hébert, etc., ont montré que la véritable Gryphœa arcuata^V Ammonites bisulcatus, etc., exis- taient dans le Gard. Dans l’Ardèche, la Gryphœa arcuata a dû être signalée. Je l’ai, dans tous les cas, rencontrée à l’est de Largentière et dans plusieurs autres points du département de l’Ardèche. Dans la 2e partie du Languedoc il en est tout autrement. Au point de vue paléontologique, les seuls fossiles cités jus- qu’ici, comme se rapportant au lias inférieur, sont : la Lima gigantea, Sow. et le Spirifer Walcotii , d’Orb. Ils ont été rencon- trés, dans l’Aveyron, par M. Reynès, qui s’appuie sur leur pré- sence pour admettre, dans ce département, l’existence du lias inférieur. Malheureusement les fossiles précédents n’ont pas la signifi- cation précise que leur attribue notre savant confrère, puisque en Bourgogne, pour ne citer que cette région, la Lima gigantea et le Spirifer Walcotii descendent jusque dans la zone à A. planorbis (2). Au point de vue pétrographique l’infra-lias se confond, de la manière la plus complète, avec les dépôts rapportés au lias inférieur. « La partie supérieure des bancs calcaires renferme quelques fossiles du lias inférieur ( Spirifer Walcotii, Lima gigantea) , mais on ne saurait établir une ligne de démarcation entre ces cal- caires et ceux qui sont au-dessous. La seule différence facile à observer, c’est que les calcaires du lias inférieur sont d’une teinte blanchâtre, tandis que ceux de l’infra-lias sont blancs ; il n’y a donc pas possibilité de limiter nettement l’infra-lias et le lias inférieur. » (M. Reynès) (3). (1) J’ai à peine besoin de faire remarquer que j’emploie les noms de dé- partements pour plus de simplicité, et sans prétendre que ce qui va suivre «'applique rigoureusement à la circonscription administrative correspondant à chacun d’eux. (2) Voir, en particulier, M. Martin. Mém . de la Soc . géol. , 2* série, t. VII, p. 30. (3) Op. cit., p. 43. 440 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. Au point de vue stratigraphique , il y avait dans cette question une marche toute tracée. Puisque dans la première partie du Languedoc les calcaires à Gryphées arquées recouvrent l’infra-lias, il fallait relever, dans les deux régions, deux séries de coupes comprises entre deux niveaux paléontologiques bien précis, et comparer ensuite les deux séries de résultats. C’est ce que j’ai fait, en pre- nant pour limites la zone à A. planôrbis , en bas, et les assises à Ostrea cymbium du lias moyen, en haut. J’ai relevé onze coupes dans la première partie (Gard, Ardèche) et quatre-vingt six dans la deuxième (Hérault, Aveyron, Lozère). Après avoir comparé et discuté, avec le plus grand soin, (tous les éléments de ces coupes, j"ai obtenu un certain nombre de résultats généraux, résumés dans les trois propositions suivan- tes, qui, je l’espère bien, ne seront pas sensiblement modifiées par les observations ultérieures. 1° Ces dépôts dolomitiques succédant, à la partie fossilifère de la zone à A . planôrbis se montrent dans tout le Languedoc avec les mêmes caractères, qu'ils soient ou non recouverts par les calcaires à Gryphées arquées. Il me paraît donc absolument certain que ces dépôts correspondent exactement à un même système et ont été formés sous l’influence de conditions tout à fait identiques dans toute l’étendue de cette province. 2° En considérant dans la première région, là où les calcaires à Gryphées n'existent pas, l’ensemble des calcaires plus ou moins dolomitiques compris entre la zone à A. planôrbis et la base du lias moyen , on trouve que l’épaisseur est sensiblement plus grande que celle des calcaires analogues compris entre la zone à A. planôrbis et la base du lias inférieur ; dans la pre- mière région, la différence en plus peut être évaluée à un cin- quième de l’épaisseur totale. 3° Mais si, dans les deux régions, on compare l’ensemble des dépôts compris entre les deux horizons servant de points de repères (zone à A. planôrbis et niveau de l’O. cymbium ), on reconnaît immédiatement que l’épaisseur est beaucoup plus grande dans la première région (Gard et Ardèche) que dans la deuxième. Ici la différence en plus est d’au moins la moitié. La conséquence qui résulte de ces trois propositions est que le lias inférieur n’existe pas, ou n’existe que très-imparfaite- ment, dans l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère. Remarquons bien, comme fait acquis àla science, et sanspré- NOTE DE M. DIEULÀFAIT. 441 judice delà solution définitive de la question agitée ici, que cette absence du calcaire à Gryphées arquées , et peut-être du lias in- férieur dans une partie du Languedoc, et. la présence de ces calcaires très-développés dans une autre, établissentune grande et nouvelle analogie vraiment extraordinaire avec la Provence, puisque, dans cette dernière province, on a constaté exacte- ment la même différence entre la région du nord, où les cal- caires à Gryphées arquées atteignent un très-grand dévelop- pement, et la région du sud qui n’en montre pas la moindre trace. A ce point de vue, l’Ardèche et le Gard se rattachent complè- tement à Vaucluse et aux Basses-Alpes, comme l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère se rattachent aux Bouches-du-Rhône, au Var et aux Alpes maritimes. Constatons bien que les différences et les analogies signalées ici existent d’une manière absolue, et qu’elles n’en resteraient pas moins quand on viendrait à découvrir, dans l’ouest du Languedoc et même dans le sud de la Provence, des repré- sentants bien authentiques de l’étage du lias inférieur. Sans doute, je ne considère pas comme rigoureuses les con- séquences déduites des trois propositions établies plus haut. Mais, si la suppression du lias inférieur dans l’ouest du Lan- guedoc n’est pas parfaitement démontrée, il faut bien recon- naître aussi, d’après ce que nous avons établi, que cette suppression complète ou partielle serait au moins possible. Dans tous les cas, et c’est là pour la science le résultat le plus utile qu’auraient amené mes observations, nos savants confrères du Languedoc se trouvent actuellement dans l’obligation de se livrer à de nouvelles recherches et de fournir de nouveaux ar- guments à l’appui de leurs idées, s’ils veulent que nous re- connaissions, avec eux, l’étage du lias inférieur, dans l’ouest du Languedoc. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. I. — La première conséquence qui résulte des faits exposés précédemment, et particulièrement de l’examen des coupes du Gard, est que les grès infraliasiques de la Carte de la France doivent , au moins dans le grand massif jurassique du Languedoc, être C07nplétement séparés de la formation jurassique et reportés dans le trias. C’est là, on le sait l’opinion de M. Émilien Dumas, dans ses travaux si remarquables sur le département du Gard. 4Ï2 SÉANCE DU il JANVIER 1869. Je me trouve ainsi en opposition formelle avec les illustres auteurs de la Carte géologique de la France et avec les géolo- gues français les plus autorisés, MM. Hébert et d’Archiac en particulier. Mais, malgré l’autorité si grande de ces illustres maîtres, l’opinion que je viens de formuler me paraît être ex- pression de la vérité. , , D’abord, elle est incontestable pour le département de 1 Ar- dèche et celui du Gard, puisque la série infraliasique, complète dans ces deux départements, montre la zone à .4. contorta , parfaitement développée, parfois placée, il est vrai, au voisi- nage des grès, mais toujours au-dessus et faisant constam- ment partie d’un système sédimentaire, de nature éminem- ment calcaire. Dans la Lozère, la conséquence est encore rigoureusement la même pour le seul point où j’aie rencontré 1 A. contorta (Ber- gouguon). Elle fait partie de sédiments exclusivement cal- caires. Dans l’Hérault, à l’ouest de Lodève (Défriche), VA. contorta fait réellement partie des grès arkosiques ; mais elle se trouve dans une couche complètement calcaire, et, d’ailleurs, à la par- tie tout à fait supérieure du système gréseux. De l’autre côté de Lodève, à Saint-Etienne-de-Gourgas, on constate quelque chose de très-analogue. J’ai rencontré, sur une assise de giès arkosiques, une couche de marne noirâtre que 1 ongie pou- vait facilement rayer, n’ayant pas deux millimètres u épais- seur, et tapissée d’un certain nombre de valves très-petites, mais parfaitement conservées de VA. contorta , et presque im- médiatement au-dessus la lumachelle calcaire noire avec ses caractères ordinaires. Plus haut les grès ont complètement dis- paru. Donc, dans l’Hérault, les grès se terminant avec 1 appa- rition de la zone à A. contorta ne peuvent appartenir au lias, et font dès lors partie du trias. Cependant, pour bien établir l’état de la question, il im- porte de faire remarquer que les grès arkosiques de l’Hérault, dont il est ici question, me paraissent spéciaux à cette région. Ce sont des grès dans lesquels l’élément calcaire n’est jamais étranger, dans lesquels il domine même parfois complète- ment. En second lieu la zone à H. contorta à Saint-Etienne-de- Gourgas, et surtout à la Défriche, est tout à fait rudimentaire. Il n’y aurait rien d’impossible à ce que ces grès appartinssent réellement, en tout ou en partie, au véritable infra-lias. Seu- lement ils sont tout à fait différents des grès infraliasiques NOTE DE M. DIEtJLAFAIT. 443 de la Carte de la France, qui, du reste, ne signale pas dans l’Hérault la présence de cet étage. Reste l’Aveyron. Ici les documents paléontologiques que j’ai pu recueillir sont, comme je l’ai dit, tout à fait incomplets. Mais, en l’ab- sence de preuves paléontologiques permettant de se prononcer avec certitude, il est un élément minéralogique et stratigraphi- que qui mérite une sérieuse attention : c’est la présence con- stante, quand le système gréseux est un peu développé, de gros bancs de grès blanc à éléments grossiers, mais très-compacte, appelé grès à meules dans la Lozère, et qu’on retrouve dans la plupart de nos coupes. Or, en examinant la coupe à peu près complète de Saint-Jean du Gard (PI. IV, coup. 111, fîg. 9) et les coupes très-complètes de Robiac et des Salles (fîg. 10 et 11), on constate, avec la der- nière évidence que ces grès à meules sont bien inférieurs à l’ho- rizon de VA. conforta , et font, dès lors, forcément partie du trias. Or, dans l’Aveyron et dans la Lozère, comme dans tout le reste du Languedoc, les grès à meules se montrent toujours dans les parties les plus élevées du système gréseux, ce qui fait rentrer dans le trias ces grès eux-mêmes et toutes les assises analogues inférieures, ensemble qui, dans l’Aveyron et dans la Lozère, a été rapporté aux grès infraliasigv.es. Maintenant il est un point sur lequel je dois revenir, comme je l’ai promis, au sujet de l’Aveyron. Après avoir constaté, à ma profonde stupéfaction, je l’avoue, le développement complet de la zone à A. conforta aux envi- rons de Robiac, non-seulement en dehors du système des grès , mais très-haut dans les assises calcaires , en me rappelant la ren- contre de la véritable lumachelle à A. planorbis , aux environs de Saint- Affri que et au ravin de Fdndamonte, sans que j’aie pu trouver ces lumachelles en place, j’ai été amené à me de- mander si je m’étais suffisamment élevé dans le système cal- caire de l’Aveyron, si je n’avais pas exploré seulement des dépôts correspondant aux assises 1, 2, 3, 4, 5, 6, de la coupe de Molières, et enfin, comme conséquence, si la zone à A. contorta et la zone à A. planorbis n’étaient pas parfaitement développées dans l’Aveyron, où elles occuperaient des positions analogues à celles de ces deux niveaux aux environs de Robiac. Après avoir relu mes notes et examiné mes coupes de l’A- veyron, je dois dire que la chose me paraît bien probable. Dans tous les cas, en nous en tenant, pour le moment, aux carac- 444 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. tères minéralogiques et stratigraphiques exposés plus haut, en voyant surtout comment les choses se passent dans les parties du Languedoc où la série infraliasique est complète, ilme paraît presque certain que dans l’Aveyron, comme dans les quatre autres départements, tout le système gréseux inférieur aux calcaires fait partie de la formation triasique. Mais ce n’est pas tout. A quelle division du trias doit-on rapporter ces grès? Là, je continue à m'éloigner de plus en plus, non-seulement de l’opinion des maîtres illustres que j’ai cités plus haut, mais aussi de celle de M. Émilien Dumas. Je pense que ces grès appartiennent à la division inférieure du trias : à V étage du grès bigarré . Voici mes raisons : 1° Dans les coupes des environs de Robiac, et plus particu- lièrement dans celle de Molière, il faut trouver une place aux puissantes assises calcaires comprises entre le banc de grès compacte n° 5, et les marnes vertes sur lesquelles reposent les premières lumachelles à A. contorta. Recouvert par la zone à A. corilorta, cet ensemble n'est pas plus récent que l'étage des marnes irisées ; mais en le compa- rant avec ce dernier étage tel qu’il est connu dans les lieux classiques, le système du Gard n’a avec lui presque aucun rapport. Son analogie avec le muschelkalk du Var est, au con- traire, très-grande. La partie marneuse est plus développée dans le Gard, mais la puissance des bancs, leur composition, leur aspect blanchâtre, le grain fin des sédiments, etc., etc., rappellent parfaitement le muschelkalk du Var, surtout sa partie moyenne. 2° Si les assises calcaires représentent le muschelkalk, il faudrait admettre dans le Gard la suppression de l’étage des marnes irisées; au moins ne seraient-elles représentées que par les faibles dépôts de marnes vertes et de cargneules ser- vant de base à la zone à A. contorta . Mais cette suppression, au lieu d’être une objection à notre manière de voir, lui serait au contraire extrêmement favorable, en ce sens qu’elle établi- rait une analogie frappante de plus entre le Languedoc et la Provence. On sait, en effet, que les illustres auteurs de la Carte géolo- gique de la France n’ont pas admis dans la Provence l’existence des marnes irisées. En réalité elles s’y rencontrent, mais tou- jours extrêmement réduites, et, dans une foule de lieux, elles manquent à peu près complètement. NOTE DE M. DIEULÀFAIT. 445 Maintenant, si les choses sont réellement ainsi, elles entraî- nent une conséquence qu’il importe de signaler : c’est que les gypses de Molière seraient, non plus dans les marnes irisées, mais dans les grès bigarrés. Ce serait là un fait dont je ne connais pas un seul exemple en Provence ; mais, dans le Lan- guedoc, il paraît qu’il en est autrement, puisque plusieurs géologues ont placé certains gisements de gypses à ce ni- veau, et que, dans un travail tout récent, M. Reynès y rapporte ceux de Saint-Vincent, près de Saint-Affrique. 3° Aux environs de Lodève (Défriche), les grès blancs à élé- ments grossiers, mais très-compactes, (grès à meules), sont bien visibles. Ils occupent la partie supérieure du système (PI. IV, Coupes III, fig. 0), des grès bigarrés et supportent un en- semble de calcaires dolomitiques et siliceux que je rapporte au muschelkalk. Remarquons bien que cette position, attribuée aux grès des environs de Lodève, n’est pas une opinion qui me soit personnelle; c’est celle de M. Hébert et de nos savants con- frères du Languedoc qui ont exploré cette localité. La seule chose, au reste, qui m’appartienne dans la coupe de la Dé- friche, c’est la découverte et l’établissement de la position exacte de la zone à A . conforta en ce point. Si donc les grès dont il s’agit appartiennent, de l’avis de tous les géologues, à l’étage des grès bigarrés, il en devient naturellement de même dans tout le reste du Languedoc. Sans doute, on pourra m’adresser ici une objection que je n’ai pas manqué de me faire à moi-même, dans tout le cours de mes excursions : ces bancs de grès blancs compactes ap- partiennent-ils réellement, dans les différents lieux, au même niveau géologique? Il ne m’est pas permis de répondre à cette question par une affirmation absolue ; mais il est infiniment probable qu’il en est ainsi, parce que j’ai suivi ces grès, sans solution de conti- nuité, sur de longues étendues, et qu’ils se montrent toujours avec les mêmes caractères et dans la même position relative toutes les fois que la série est complète. Je dois dire maintenant que M. Reynès, dans son récent travail sur l’Aveyron, est arrivé à des conclusions tout à fait semblables aux miennes, en ce qui touche les grès infraliasiques de la Carte de la France ; seulement ce savant et consciencieux géologue, n'ayant pas étendu ses recherches en dehors de l’A- veyron, n’a pas trouvé, plus que moi, dans ce département, de preuves irrécusables pour justifier sa manière de voir. Je ne 446 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. puis donc m’appuyer, autant que je le voudrais, sur son auto- rité: mais je constate que les analogies ont conduit M. Reynès, pour l’Aveyron, au point où j’ai été amene moi-même par l’ensemble des faits que j’ai reconnus dans le reste du Langue- doc. II. — Dans le Languedoc l’expression zone à A. planorbis doit être (pour la partie fossilifère) prise dans un sens littéral, c’est-à-dire, qu’il y a, au niveau indiqué par ces mots dans mes différentes coupes (Gammal, Bergougnon, Florae, etc.), une énorme quantité de fossiles, quelquefois bien conservés et plus souvent brisés et triturés, mais accumulés dans des bancs dont Y ensemble ne mesure jamais qu’une faible épaisseur. Maintenant, dans tous les points où la zone fossilifère à A. contorta est bien développée , il y a, entre elle et la zone à A. planorbis , un système de bancs calcaires à peu près sans fos- siles, dont l’épaisseur dépasse quelquefois 10 mètres. La zone à A. planorbis commençant avec l’apparition de ce fossile et de ceux qui l’accompagnent, tout ce qui est inférieur à cet horizon dépend nécessairement de la zone a A. contorta . Si, dès lors, on examine la série des Coupes III, on voit que partout dans le Languedoc apparaît, de la manière la plus ma- nifeste, la zone à A. planorbis. Comme, d’un autre côté, cette zone ne repose presque jamais directement sur les schistes anciens, il en résulte que les dépôts qui lui sont inférieurs font partie de la zone à A. contorta. Si on ne considérait que.les résultats fournis par le départe- ment du Gard, il faudrait, en jugeant par comparaison, conclure que la zone fossilifère à Avicula contorta n’existe pas dans l’A- veyron, excepté peut-être à Florae (Coupes III, fig. 6). Mais la coupe de l’Ardèche (fig. I) et celle de l’Hérault (fig. 0) nous montrent que l’A. contorta peut arriver presque au con- tact de la zone à A. planorbis , et par conséquent il peut se faire que, dans la Lozère, aux environs de Mende, en particu- lier, on arrive à rencontrer l’A. contorta. III. — Ce qui m’a surtout déterminé à considérer les grès infraliasiques comme ne dépendant pas du lias, c’est que leur partie supérieure (grès à meules), en conservant toujours les mêmes caractères, supporte (Coupes III et Coupe II, entre Vil- lefort et les Vans) les dépôts les plus divers, et, ce qui m’a amené à les ranger dans le grès bigarré , c’est surtout la posi- tion qu’ils occupent, dans le Gard, par rapport à la zone à A. contorta (Coupes III, fig. 9, 10, II, 12). NOTE DE M. Hébert. 447 Noos pourrions maintenant comparer les terrains infraliasi- ques du Languedoc avec les terrains correspondants de la Pro- vence; mais, outre que l’espace nous manque ici, cette compa- raison sera faite, avec tout le développement convenable, dans notre travail général. Constatons seulement en terminant que les grandes lignes géologiques de l’est du Rhône se reprodui- sent à l’ouest sans modifications bien sensibles. Et même, si on rapproche les détails exposés dans le travail actuel de ceux que j’ai fait connaître en Provence, il devient évident que l’analogie entre les deux provinces se poursuivra jusque dans un grand nombre de points tout à fait secondaires. M. Parran, tout en constatant qu’il existe du gypse dans la partie inférieure du trias en Provence, est d’accord avec M. Hébert pour placer dans les marnes irisées la principale masse des gypses de ce pays. Il rappelle que la base du trias y renferme des conglomérats riches en minerais mé- talliques. Quant aux grès supérieurs indiqués par M. Dieu- lafait, M. Parran les croit indépendants du lias, car en di- vers points ils supportent directement le terrain oxfordien sans aucune trace délias. Après la lecture du mémoire de M. Dieulafait, M. Hébert présente les observations suivantes : Observations sur les couches inférieures de /’infra-lias du Midi de la France ; par M. Hébert. Le travail que cite M. Dieulafait, dans son mémoire sur l’infra-lias du Languedoc, avait pour but principal la compo- sition du trias et la limite inférieure du lias dans les départe- ments du Gard et de l’Hérault. J’avais établi (1) : 1° que les grès micacés de l’Hérault, à Calamites arenaceus e t h Labyrinthodon , correspondaient exacte- ment aux grès bigarrés de la Lorraine et de l’Allemagne; 2° que ces grès étaient reconnaissables par du calcaire dolomitique que je rapportais avec doute au Muschelkalk ; 3° que ceux-ci supportaient un système de marnes bigarrées, associées à des (1) Bull . 2e série, t. XVI, p. 917. 448 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. calcaires marneux et à du gypse, système représentant exacte- ment le heuper , ou marnes irisées; 4° que les conglomérats et les grès dits arkoses qui surmontaient le tout formaient la base de V infra-lias. Ces conclusions ont été confirmées par de nombreux faits. — Le sel gemme, mentionné par M. Gruner dans le système gypseux n° 3, les fossiles du muschelkalk recueillis, aux envi- rons de Neffiez, par MM. Graff, J. Fournet(l), et plus récem- ment par M. de Grasset, ne permettent plus aucun doute sur l’âge des calcaires dolomitiques n° 2. M. Reynès (2) a tout récemment montré avec la plus grande évidence que le trias de l’Aveyron était exactement constitué des mêmes éléments que celui du Gard et de l’Hérault, et là aussi on a recueilli les fossiles caractéristiques du muschelkalk ( Articula socialis) dans les calcaires qui occupent le milieu de la série triasique. Cela posé, il est tout à fait impossible de mettre, comme le veut M. Dieulafait, les gypses de Molières dans les grès bigar- rés, car ce système gypseux est évidemment le même que ce- lui de Neffiez, de Lodève et de l’Aveyron, c’est-à-dire qu’il est supérieur au muschelkalk, représenté pour moi à Molières par les dolomies compactes ou cloisonnées et les calcaires marneux qui forment la base de la coupe que j’ai donnée de cette loca- lité ( loc . cit.y p. 913) et le n° 1 de la coupe de M. Dieulafait. En comparant nos deux coupes on verra qu’elles ont beau- coup de parties communes, mais la mienne donne la position du système gypseux, qui est omis dans celle de M. Dieulafait, et c’est une grande lacune. Dans l’hypothèse de M. Dieulafait le grès bigarré de Mo- lières aurait une composition tout à fait anormale, puisqu’il serait composé de gypses, d’argiles rouges ou vertes et do- lomies et de calcaires, et qu’il ne renfermerait pas de grès. 11 (1) Bull. 28 série, t. VIII, p. 54. — Si dans ma note citée ci-dessus je ne me suis point appuyé sur les fossiles mentionnés par M. Fournet, cela tient à l’incertitude, dans laquelle j’étais alors, du gisement de ces fossiles que M. Fournet ne précisait pas, incertitude qui a disparu depuis que M. de Grasset m’a apporté des échantillons fossilifères, recueillis dans les calcaires gris de fumée, intercalés entre le système gypseux et les grès à Calamites arenaceusf c’est-à-dire dans les calcaires n° lde ma note (Loc. cit. p. 91 4). (2) Essai de géologie et de paléontologie aveyronnaise ; 1868. NOTE DE M. HÉBERT. 449 est certain que la présence de marnes de couleurs variées dans les grès bigarrés n’a rien d’extraordinaire, mais, les gyp- ses et les calcaires remplaçant totalement les grès, cela serait nouveau. Il n’est donc pas exact de dire que la série de Mo- lières est la même que celle de Lodève ; elle ne peut être com- parée qu’à la partie supérieure de cette dernière, et ni dans ma coupe de Molières, ni dans celle deM. Dieulafait, il n’y a apparence de grès bigarré. Si cet étage existe, il est au- dessous. En outre, je ne comprends pas pourquoi M. Dieulafait, qui range dans les grès bigarrés les arkoses inférieures à la zone à Avicula contorta , met ceux de Lodève, aussi bien que les gyp- ses, au-dessus du muschelkalk. U y a donc pour M. Dieulafait deux arkoses, l’une inférieure au muschelkalk, l’autre supé- rieure au gypse. Quoi qu’en dise M. Dieulafait et quelque effort qu’il fasse pour expliquer cette contradiction, elle est flagrante. Gela posé, puisque le système des arkoses supérieures de Lodève renferme dans ses assises , d’après la découverte de M. Dieulafait lui-même, la zone à Avicula contorta , puisque dans d’autres localités encore ce fossile se trouve dans les grès, bien qu’à la partie supérieure, puisque ces grès forment aussi bien que les gypses qui sont dessous un horizon constant, et que ceux-ci avec leurs marnes bigarrées étant supérieurs au muschelkalk représentent nécessairement lekeuper, les arko- ses sont donc de l’infra-lias, à moins de les couper en deux et de mettre dans l’infra-lias la partie renfermant les fossiles et dans le keuper la base à éléments en général plus grossiers et non fossilifères. Cette conclusion n’aurait sans doute rien d’absurde, mais elle ne me paraît pas naturelle. M. Dieulafait s’est laissé con- duire dans cette circonstance par un principe qu’on ne saurait admettre, à savoir qu’il ne peut pas y avoir danskinfra-lias de couches inférieures à celle qui renferme V Avicula contorta , comme si, lors de la rentrée de la mer le long des bords mé- ridionaux du plateau central, il n’avait pas dû se former des sédiments grossiers, dus au remaniement par les eaux des élé- ments désagrégés des roches adjacentes précédemment émergées, éléments exclusivement quartzeux, micacés ou feldspathiques dans le voisinage des roches granitiques ou cris- tallines, éléments marneux ou magnésiens dans le voisinage des dépôts triasiques. Ce n’est qu’après un certain temps que, Soc. géol 2e série, tome XXVI. 29 4^0 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. le calme rétabli, des animaux ont pu vivre et leurs dépouilles s’accumuler; et si, en Provence et dans les Alpes, les couches fossilifères succèdent immédiatement aux gypses et , _ gneules, c’est que ces contrées n’étaient point précisemen des rivages contre lesquels la mer venait battre et former un cordon littoral, mais seulement des plages ou des fonds de mpa preuve que la nature de ces sédiments est nécessairement en relation avec celle des roches formant le rivage, c est que M. Dieulafait a constaté, entre les Vans et Villefort, au contac des schistes anciens, des lambeaux de grès et marnes calcaires verdâtres , identiques (v. supra, p. 402) avec les assises in é- rieures à l’horizon de YAvicula contorta, mais il aurait pu ajouter, identiques aussi avec les assises intercalées dans cet horizon, comme cela résulte de la coupe qu’il donne du ravin de la Boutonnette (v. suprà p. 400). Or, ces dépôts servent de base à l’oolithe inférieure (1), et on ne saurait être autorise à les détacher des couches fossilifères supérieures pour les placer dans le grès bigarré, il y aurait d’ailleurs autant e raisons de mettre ces grès et ces marnes dans 1 inlra-lias, puisque des roches identiques s’y rencontrent. 11 me paraît tout aussi impossible de voir, dans les trois mèires tv.suprâ, p.405) qui séparent, aux environs de Cu- bières, la zone à Ammonites planorbis des schistes anciens, a la fois la zone à Âvicula contorta et le grès bigarre, comme aussi de rapporter à ce dernier étage les 3 à 4 mètres de grès qui forment la base de la coupe du vallon de Rieuxcros, près Mende. 11 me paraît beaucoup plus rationnel de rapporter e tout au premier horizon, c’est-à-dire à la zone de 1 Avicula COTXtOVtCl Le mémoire de M. Dieulafait est rempli d’observations de nature à justifier le peu d’importance qu’il faut, dans ces ré- gions, attacher aux caractères minéralogiques; c’est ainsi qu il (1) M. Dieulafait m’écrit qu’il pense que le lambeau de Balmelles, que j’ai décrit comme étant de l’infra-lias, appartient à la même époque (oolithe inférieure). — J’ai donné ce lambeau comme infra-lias, parce que je n’avais aucune raison de le détacher de cet horizon où le plaçaient les autres géologues. — Les fossiles que j’ai cités de celte localité ont été dé- terminés depuis par plusieurs paléontologistes (MM. Deslonchamps, Du- mortier, etc.) comme étant infraliasiques. Je suis donc tout prêt à accepter la preuve qu’annonce M. Dieulafait. NOTE DE M. HEBERT, 451 signale entre la zone à Ammonites planorbis et le lias moyen à l’état de grès grossier, des calcaires siliceux dolomi- tiques, comme il en signale au-dessous de la zone à Avicula contorta , de môme qu’il donne le détail d’une épaisse série de cargneules, de calcaires siliceux, de marnes noires, grises ou vertes qui, à Rieuxcros (v. suprà p. 408), sépare le lias moyen de la zone à Avicula contorta ou à A. planorbis. Mon opinion est donc que la zone à Avicula contorta com- mence, dans toute la région suivie par M. Dieuîafait, par des couches de nature et d’épaisseur variable, non fossilifères, mais dont la base est constamment formée par des grès ou des conglomérats quartzeux bien caractérisés, surtout lorsque cette série repose directement sur les schistes anciens, de même qu’àFlorac, cette assise non fossilifère inférieure serait * peut-être la base de la zone à Ammonites planorbis. Tantôt cette base se réduit à 2 ou 3 mètres, tantôt elle pourrait atteindre 30 à 40 mètres ou même une épaisseur en- core plus considérable. A Molières, la série infraliasique com- mence pour moi au n° 4 de M. Dieuîafait (v. suprà, p. 435) et comprend par suite toutes les assises dolomitiques , mar- neuses ou gréseuses, supérieures au système gypseux; c’est- à-dire que mon opinion sur ce point reste la même qu’il y a dix ans.' Ce ne sont pas d’ailleurs les seules régions où la couche à Avicula contorta , ou l ebone-bcd qui l’accompagne, ne se présente pas tout à fait à la base de l’infra-lias. Déjà à Digne (1) j’ai signalé au-dessous un banc de grès et un lit de schistes noirs qui reposent sur les cargneules du keuper. Aux environs d’Autun, M. Pellat a montré (2) qu’au-dessous des calcaires siliceux à Avicula contorta il y avait 6 à 8 mètres de grès dont les bancs inférieurs sont remplis d’empreintes végétales ( Equisetites , Calamites, etc.). Ces grès correspondent exactement par leur position, et pa- raîtraient même correspondre par leur flore aux grès infé- rieurs du bone-bed de la Franconie, décrits avec tant de soin par M. Gümbel (3); mais, dans cette région, ils ont beaucoup (1) Bull. Soc. géol. de France, 2e série, t. XIX, p. 107. (2) Bull. Soc. géol. de France, 2e série, t. XXII, p. 555, 1865. (3) Abhandlungen der k. bayerisch.Acad. der Wissenschaften — Maillent « Physike Classe, 7 mai 1864. 452 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. plus d’importance, car ils atteignent une épaisseur de 15 et même de plus de 25 mètres au-dessous du bone-bed, et pré- sentent plusieurs niveaux de végétaux dans leurs couches su- périeures. M. Giimbel pense, et les nombreuses coupes qu’il donne le montrent avec évidence, que ces grès ne sont qu’une dépendance du bone-bed , mais plusieurs de ces coupes indi- quent aussi une telle liaison, une telle analogie de caiacteres entre les couches à Ammonites angulatus , celles à Ammonites planorbis et le bone-bed , que ce sont de nouveaux arguments pour ranger ces trois horizons dans un même ensemble, Y infra- lias. M. Dieulafait réplique en ces termes aux observations de M. Hébert : M. Hébert ayant eu la complaisance de me communiquer la note précédente, ce dont je le remercie vivement, je présen- terai à ce sujet les remarques suivantes : 1° Une erreur de copie a seule fait que les gypses de Molières ne sont pas signalés dans ma coupe de cette localité. Ils occu- pent les parties moyennes de la division n° 3. 2° Je ne puis me rendre compte de la contradiction que M. Hébert m’attribue au sujet des arkoses de Lodève. « Il y a donc pour M. Dieulafait deux arkoses, l’une infé- rieure au muschelkalk, l’autre supérieure au gypse. » Mais, certainement, il y a deux arkoses placées dans les deux positions précédentes. Les couches étant parfaitement régulières et presque hori- zontales, c’est là un résultat géométrique sur lequel on ne peut élever le moindre doute. Du reste, M. Hébert, il y a dix ans, l’a parfaitement établi. « La dolomie infraliasique avec arkose , peu épaisse à la base, recouvre les marnes des gypses (1). » Voilà mon arkose supérieure , celle dans laquelle j’ai rencon- tré VA. contorta. « La partie inférieure des grès est V arkose, avec cailloux de quartz, passant à un véritable conglomérat (2). » Voilà mon arkose inférieure , et je suis complètement d’ac- cord avec M. Hébert ; je la rapporte au grès bigarré. (1) Bull.', 2e série, T. XVI, page 915* (2) Ibid. } page 916. NOTE DE M. DIEULAFAIT. 453 Maintenant voici le point délicat : Quand on s’éloigne de Lodève, l’une des deux arkoses seule persiste. Laquelle ? Là est toute la question. M. Hébert pense que c’est l’arkose supérieure. Je crois, au contraire, que c’est l’arkose inférieure. C’est à elle que je rapporte les arkoses et conglomérats qui, dans mes coupes, sont désignés sous le nom de grès à meules. Il peut se faire que je me trompe et que M, Hébert ait raison; il peut môme se faire que les grès à meules de mes coupes ne correspondent à aucune des deux arkoses de Lodève, mais il u’y a, dans ce que j’ai écrit, aucune contradiction. 3° Je reconnais très-volontiers que pour moi l’infra-lias commence avec les premiers dépôts de la zone à A. contorta et du bone-bed. Les raisons qui ont déterminé cette opinion résultent des études que je poursuis depuis six ans dans les A'ipes, sur l’horizon qui nous occupe. Ce sont des raisons pu- rement stratigraphiques, dans lesquelles la paléontologie n’intervient en aucune façon. On pourra le juger prochaine- ment ; elles sont complètement exposées dans mon Étude gé- nérale sur l'infra-lias dans le Midi de la France qui s’imprime en ce moment. 4° Dans les quatre lambeaux de terrains secondaires, com- pris entre les Yans et Villefort, je n’ai pas rencontré, malgré le soin et le temps que j’y ai employés, la moindre trace de fossiles infraliasiques ni même de fossiles liasiques. Je serais très-heureux que nos savants et si autorisés confrères, MM. E. Deslonchamps et Dumortier, voulussent bien me com- muniquer les fossiles qu’ils rapportent à l’infra-lias dans ces localités. Dans tous les cas, les fossiles de la zone à Lima he- teromorpha , cités dans mon mémoire, se trouvent parfaitement dans les lambeaux de terrains secondaires dont il est ici ques- tion, et cela jusqu’au contact des grès. Il y a dans mon mémoire deux points à considérer : 4° les faits nouveaux que je soumets avec confiance à la bienveillante ap- préciation de nos savants confrères et qui resteront acquis à la science ; 2° les conséquences de ces faits, notamment celles que j’ai cru pouvoir en déduire. Je reconnais parfaitement que ces conséquences ne sont pas à l’abri d’objection. Je les ai, du reste, présentées comme telles dans mon mémoire; cepen- dant, après un nouvel examen, je suis amené à persister dans mes premières conclusions. Mais, quand les travailleurs isolés émettent des idées que n’acceptent pas les maîtres de la 454 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. science, c’est un devoir pour les premiers de se livrer à de nouvelles recherches. C’est ce que je ne manquerai pas de faire. Je vais retourner incessamment dans le Languedoc pour examiner de nouveau les points douteux, et, comme ces points se trouvent parfaitement limités dans mon mémoire, j’espère bien arriver à découvrir un ensemble d’éléments dont la si- gnification sera assez précise pour porter, dans un sens ou dans l’autre, la conviction dans tous les esprits. Le Secrétaire lit la note suivante de M. d'Archiac. Note sur le genre Fabularia, Defrance ; par M. d’Archiac. Le genre Fabularia , établi par Defrance (1) pour un petit corps fossile du calcaire grossier des environs de Paris, qu’il regardait, à l’instar de Los de la Seiche, comme provenant de l’intérieur de quelque mollusque, a été depuis étudié par plusieurs naturalistes, sans être encore pour cela suffisamment connu. Son abondance dans les bancs du calcaire grossier moyen de la rive droite de la Seine, autour de Meulan, parti- culièrement dans les carrières deDamply, de Seraincourt, etc., nous a engagé à nous en occuper de nouveau. La roche est ici tantôt friable, ses éléments étant à peine ag- glutinés par une très-faible proportion de calcaire spathique, tantôt, au contraire, gris jaunâtre, dense, rendue très-solide par l’abondance de cette dernière substance. Elle est presque entièrement dépourvue de matière sédimentaire proprement dite (argile ou sable siliceux), mais composée de débris de très-petites coquilles (gastéropodes et acéphales'), de fort petits échinides (Scutellina) , de bryozoaires, de polypiers (Turbinolia sulcata), et surtout de rbizopodes, parmi lesquels dominent VOrbitolites complanata , 1 ’Alvulina Bosci , les Rotalines, les Miliolites, associées à une grande quantité de Fabularia. Les figures qu’adonnées Defrance de la Fabularia discolithes, qu’il comparait sans doute h cause de sa forme à une petite fève, sont assez exactes. La figure 5b, ayant 7 millimètres dans son plus grand diamètre, il est douteux que les deux autres figures soient des grossissements du même individu, parce que leur forme sphéroïdale ou globuleuse est celle du jeune (1) Dictionn, des sc. naturelles , vol. XVI, 1820. U NOTE DE M. D’âRCHUC. 455 âge, lorsque le diamètre n’a encore que 2 ou 3 millimètres. Dans ces figures très-grossies, le corps est privé de son enve- loppe externe ou épithèque lisse, et présente à la surface de pe- tits canaux, courts, flexueux, longitudinaux, caractéristiques de la couche sous-jacente. La coupe transverse montre une lame spirale, dont l’intervalle des tours est rempli par un dé- pôt calcaire d’apparence celluleuse ou spongieuse. Aucune ouverture n’est distinctement indiquée. En 1825, Aie. d’Orbigny (1) comprend la Fabularia dans sa famille des entomostègues (cinquième famille des céphalopo- des foraminifëres) et la place avec les Amphislegina , les Hetero- stegina , les Alveolïna , etc. Il admet et figure, comme Defrance, une spire, mais dont le dernier tour présente, dans le plan d’une troncature terminale, des trous nombreux, régulièrement circonscrits, et dont la disposition rappelle celle d’une pompe d’arrosoir. L’extérieur du corps, partagé obliquement en deux par une ligne très-prononcée, bordant une sorte de bourrelet, est marqué, non pas de canaux courts, discontinus, flexueux, comme dans la figure donnée par Defrance, mais de stries droites, équidistantes, régulières et continues sur toute la hau- leurdutest. Cette représentation des caractères extérieurs delà Fabularia est infiniment moins exacte que celle qui en avait été donnée la première fois. Éclairé sur ses vrais rapports par une étude ultérieure. Aie. d’Orbigny reconnaît en 1846 (2) la véritable analogie de la disposition générale des loges embrassantes alternes de ’la Fabularia avec ce que l’on observe dans les Biloculines; et il la range alors dans la famille des agathistègues. Il remarque, comme différence, que chaque loge, au lieu d'être vide, est di- visée par un grand nombre de tubes capillaires, et que l’ou- verture est multiple au lieu d’être simple. Les figures sont d’ailleurs toujours très-fautives, et les caractères en sont exa- gérés ou mal compris. Ainsi, la forme générale est beaucoup trop régulière et symétrique, les stries droites du pourtour, la projection de la dernière loge, avec une troncature normale et l’ouverture multipore, sont des caractères artificiels qui n’ont été observés sur aucun échantillon et que n’offre aucun de ceux delà collection de l’auteur. (1) Ann. des sc. naturelles, 1825. p. 141, pl. J 7, fig. 14, 15, 16, 17. (2) Foraminifères du bassin tertiaire de Vienne, p. 267, pl. XXI, fig, 55, 56; 1846, — Cours de paléontologie, vol. III, p. 203; 1851. 456 SÉANCE DU 11 JANVIER 1869. En 1860, MM. W. Parker et R. Jones (1) constatent l’analogie de la structure intérieure de la Fabularia avec celle des Alvéo- » lines. Deux ans après, M. W. B. Garpenter, qui s’était associé les deux savants que nous venons de citer dans sa belle Intro- duction à l’étude des foraminifères (2), commence à traiter ce sujet en faisant une critique peu équitable de l’opinion théori- que de Defrance. Il n’était pas, en effet, plus déraisonnable de rapporter la Fabularia à un osselet intérieur de quelque mol- lusque que de ranger toutes les coquilles microscopiques dans les céphalopodes, comme le faisaient Cuvier, de Lamarck, de Férussac et tous les zoologistes de cette époque. M. Carpen- ter distingue et représente d’ailleurs très-bien l’enveloppe ex- térieure lisse qui avait échappé à ses prédécesseurs, la structure canaliculée de la lame sous-jacente, la disposition alterne des lames et des loges successives, d’après le type des Milioles , le remplissage des intervalles par une masse cal- caire que traversent trois sortes de pores, les uns extérieurs correspondant aux canaux de la surface, petits, réguliers et contigus, les autres s’appuyant contre le plan interne de la loge plus large, moins nombreux, moins réguliers, enfin les canaux qui traversent la loge obliquement dans diverses di- rections. L’auteur, tout en conservant une ouverture multipore comme ses prédécesseurs, donne cependant une représen- tation de la Fabularia infiniment plus exacte. Voyons maintenant, à l’aide de nombreux échantillons pris à divers âges et à divers degrés de conservation, quels sont réellement les caractères de la Fabularia. Cette coquille de rhizopodes est globuleuse ou ovoïde dans le jeune âge, au diamètre de 2 ou 3 millimètres. Elle s’allonge ensuite dans un sens, se déprime légèrement dans l’autre, devient pulviniforme, peu régulière, et atteint 6 à 7 millimètres dans son plus grand développement. Elle est obscurément di- visée à sa surface en deux parties inégales par une ligne obli- que à l’axe, parfois un peu flexueuse, mais toujours peu pro- noncée. L’une de ces divisions du test représente la surface externe de l’avant-dernière loge , l’autre, un peu plus grande, celle de la dernière, qui se prolonge légèrement suivant l’axe (1) Ann. andMagaz. ofnat . hist. 1860, p. 18, ou Mern.— Ibid., 1868 p. 2. (2) Pa 82, pl. VI, fig. 37, 38. (Éditée par la Société Royale ; 1862.) NOTE DE M. d’aRCHIàG. 457 pour former une protubérance terminale très-faible, quelque- fois nulle. La surface extérieure est complètement recouverte d’une enveloppe calcaire, lisse, appliquée sur la lame principale que sillonnent partout les canaux déjà mentionnés, lesquels lui impriment ce caractère particulier qui permet de reconnaître de suite les plus petits fragments de Fabularia. Ces canaux con- vergent sensiblement vers l’extrémité supérieure de chaque loge. Dans les vieux individus surtout, la dernière loge s’é- largit un peu vers l’extrémité supérieure ou axillaire, et la minceur du test, comme celle de la couche externe en ce point, y occasionne constamment des brisures qui se prolon- gent plus ou moins sur les côtés, simulant ainsi un plan de troncature, dont le milieu serait occupé par l’ouverture mul- tipore qu’ont figurée les auteurs. Quant aux caractères intérieurs, ils ont été bien compris par M. Carpenter; mais peut-être leur analogie avec ceux des Al- véolines et des Fusulines, sauf l’enroulementaxiliaire de la lame spirale, continue dans ces derniers genres, n’a-t-elle pas assez frappé le savant micrographe anglais. Cette structure, tout à fait anormale pour le type des Miliolites, diffère à quelques égards aussi de celle des genres précédents, dont l’ouverture ne pouvait être terminale, mais est parallèle à l’axe et montre dans toute sa longueur les pores ou orifices des pseudopodes. Pour retrouver quelque chose d’analogue dans la Fabularia , il faudrait qu’il y eût, non pas une ouverture terminale, simple ou multiple, comme on l’a supposé d’après le plan des Milio- les, mais bien une double série de pores, ouverts de chaque côté de la dernière lame, ce qui n’a pas lieu, puisque celle-ci est complètement soudée à la précédente dans les individus bien conservés. D’un autre côté il semble que la coupe faite suivant le grand axe, et parallèlement au plan déprimé du corps, devait offrir des traces des ouvertures successives et alternes aux extrémités, un peu élargies, des loges; or on n’y remarque rien de particulier; c’est toujours la structure des parties latérales avec un peu plus d’écartement des lames, et par suite des rangées de pores qui les accompagnent, ce qui contribue à la forme générale plus haute que large de la coquille. L’existence d’une ouverture terminale constante, régulière, symétrique, comme chez les Milioles, avec la seule différence d’orifices multiples, nous semble donc très-problématique, 458 SÉANCE DU 18 JANVIER 1869. n’ayant pu distinguer encore que des fractures accidentelles et irrégulières du test, précisément dans sa partie la plus déli- cate, la plus exposée aux chocs et aux frottements. Aussi ap- pellerons-nous sur ce sujet l’attention des observateurs, car l’absence de pores à la surface lisse, pour le passage des pseudopodes, est une autre difficulté. Gomment, en eflet, la masse sarcodique était-elle en communication directe avec le milieu ambiant? Quant à la Fabularia compressa du calcaire grossier du Co- tentin, elle atteint 8 millimètres de haut sur 5 et demi de large et 2 d’épaisseur. Plus grande par conséquent et plus déprimée que les individus des environs de Paris, il semble qu’elle n en soit encore qu’une forte variété. Elle est d’ailleurs associée à VOrbitolites complanata et à une multitude de Milioles et d’autres rhizopodes. Enfin, de même que l’espèce, le genre est jusqu’à présent confiné à ces deux localités et à un seul horizon. On n’en connaît encore ni dans les périodes tertiaires suivantes, ni dans les mers actuelles. C’est donc en réalité un type tout à fait particulier, propre à ce niveau, où il s’est multiplié sur certains points avec une abondance extrême. Séance du 18 janvier 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. del Castillo (Antonio), professeur de minéralogie à PÉ- cole des mines, à Mexico (Mexique); présenté par MM. Ch. Sainte-Claire-Deville et Edm. Guillemin-Tarayre. Cogordan (Louis), rue Saint-Félix, 26, à Valence-sur- Drôme (Drôme); présenté par MM. A. Leymerie et H. Magnan. Le Président annonce ensuite deux présentations. DÉCISIONS DU CONSEIL. 459 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Delesse, Distribution de la pluie en France ; in-8, 8 p., 1 carte; Paris, 1868. De la part de M. E. Renevier, Quelques observations géologi- ques sur les Alpes de la Suisse centrale , comparées aux Alpes vau - doises ; in-8, 18 p., 1 pl.; Lausanne, 1868. De la part dé M. F. Karrer, Die miocene Foraminiferen Faunavon Kostej im Banat ; in-8, 73 p., 5 pl. ; Vienne, 1868. De la part de M. J. S. Newberry, Notes on the lutter extinct floras of North America , with descriptions of some new species of fossil plants from the cretaceous and tertiary strata; in-8, 76 p., New-York, 1867. M. le Président soumet à Papprobation de la Société les décisions prises par le Conseil dans la séance de ce jour. La proposition ayant pour but de fixer le jour de la séance annuelle de 1869 au jeudi 1er avril, afin de per- mettre aux confrères de la province de profiter, en même temps, de la réunion à Paris du Comité des sociétés savantes, est mise aux voix et adoptée. M. le Président met ensuite en délibération la propo- sition relative à Fheure des ‘Séances ordinaires de la Société. t rr v • •s . Après une observation de M. Jacquot, sur la convenance qu'il y aurait à modifier les heures adoptées pour les réu- nions du Conseil, afin qu’elles ne vinssent pas retarder l’ouverture des séances ordinaires, la Société adopte la proposition de fixer l’heure de cette ouverture à huit heures très-précises. Enfin, M. le Président annonce que, par suite d’une dé- cision du Conseil, la bibliothèque de la Société, rue de s ' t - • 1 ■ Fleurus, 39, sera désormais ouverte tous les jeudis soirs, de huit heures à onze heures. 460 DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. Séance du lep février 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Baron (Gustave), rue Bréa, 6, à Paris; présenté par MM. Pisani et Collomb. Labourdette, docteur en médecine, boulevard de Bercy, 4, à Paris-Bercy; présenté par MM. Alfred Caillaux et Alb. de Lapparent. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Joachim Barrande, Silurische Fauna aus der Umgebung vonHof in Bayern; in-8, 56 p., 1 pi.; 1868. De la part de M. J. Marcou, De la science en France. — 1er fascicule. — Le corps impérial des Mines. — La Carte géo- logique de France; in-8, 99 p.; Paris, 1869; chez C. Reinwald. De la part de M. Émile Thomas, Rapport sur le gisement de pierres lithographiques découvertes par Rencurel fils à Menton {Alpes-Maritimes) ; in-4, 4 p.; Paris De la part de M. Franz de Ritter, Geologische Uebersicht- karte der œsterreichischen Monarchie . — Blatt VI. Oestliche Al - penlœnder; in-8, 44 p.; Vienne 1868. — Blatt X. Dalmatien ; in-8, 24 p.; Vienne, 1868. M. le Président annonce qu'il a pris des renseignements auprès de divers membres du Conseil général de l'Ain, au sujet de la demande faite par MM. Faisan et Chantre pour la conservation des blocs erratiques. Il résulte de ces ren- seignements que la question a été simplement ajournée NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORT AL. 461 faute de fonds disponibles, et que le Conseil est favorable en principe à la solution qui lui a été soumise. Le Secrétaire communique les décisions suivantes, prises par le Conseil dans sa séance du 4 janvier dernier : « La société accorde l°à chaque membre deux feuilles d'im- pression au plus pour chacune de ses communications, et quatre feuilles pour la totalité de ses communications pendant une année; 2° Elle prélève sur chaque membre dont les communications ne rentreraient pas dans ces limites une indemnité proportion- nelle à l'excédant. M. Marcou présente un travail de M. Barrande sur la faune silurienne de Hof (v. la Liste des dons.) M. Marcou offre la première livraison d'un travail inti- tulé «La science en France » (v. la Liste des dons ), et an- nonce la prochaine publication des autres fascicules. M. Lory met sous les yeux de la Société la minute, à l'échelle de mfôTo de sa carte géologique de la Savoie et donne quelques explications sur les terrains qui y ont été distingués. M. Garrigou fait, en son nom et au nom de M. Duportal, la communication suivante : Ages de l’Ours , du Renne , de la pierre polie et des dolmens dans le département du Lot ; par MM. F. Garrigou et H. Du- portal. Les deux seuls observateurs qui ont écrit jusqu'à présent sur la vallée du Lot sont J. -A. Delpon et M. Combes, pharmacien à Fumel, qui s’est occupé surtout de la vallée touchant à cette petite ville. Nous avions nous-mêmes déjà donné à l’Académie des Sciences de Toulouse une notice sur la caverne de Mar- temprou (près Fumel) et une énumération de la faune con- tenue dans les alluvions du Lot. Une étude plus complète de la semble des différentes époques d’habitation des cavernes par l’homme. m SÉANCE DU lep FÉVRIER 1869. Ce sont les résultats d’une longue et pénible campagne géo- logique et anthropologique que nous venons esquisser au- jourd’hui. Nous énumérerons les faits que nous avons été à même d’ob- server entre Cahor§ et Saint-Cirq; nous en tirerons ensuite les conséquences rigoureuses. 1° A 11 kilomètres de Cahors, sous les rochers du Tustal, sur la rive droite du Lot, les tranchées de la route de Figeac ont mis à découvert dans les éboulis qui forment le flanc de la montagne des foyers très-nombreux. Ils sont peu épais, multi- pliés et échelonnés le long du Lot, à 15 mètres environ au- dessus de son niveau. On y trouve en très-grande abondance, surtout des silex taillés, et aussi quçlqqes poinçons semblables à ceux de tous les gisements de l’âge du Renne, ^es. ossements cassés appartenant principalement au Renne et à quelques autres espèces y sont assez abondants ; ils se brisent facile- ment si on les retire sans précaution. La couche d’éboulis qui recouvre ces foyers est très-considérable sur les points où s’est produit le maximum d’épaisseur de la formation, et fait pré- sumer que les foyers ont une très-haute antiquité. Toutes les vallées latérales à celle du Lot renferment des foyers semblables, en même temps que des cavernes habitées par l’homme à diverses époques. Nous en verrons quelques exemples. 2° St-Géry. — Le village fort pittoresque de St-Géry est bâti au pied d’un immense cirque, dont la projection serait un arc de cercle à concavité tournée vers le midi. Les escarpe- ments de ce cirque, formés par le calcaire corallien , sont cri- blés de cavernes placées à des hauteurs relativement inégales, mais disposées en général sur une ligne N. S. plongeant de quelques degrés vers le sud. Ces cavernes sont tellement ex- posées au soleil, que même en hiver, lorsque le ciel est sans nuages, leur séjour n’est pas désagréable pendant la majeure partie de la journée. Les cavernes qui sont au contraire creusées dans les rochers bordant la rive gauche de la rivière sont com- plètement privées des rayons du soleil; on ne peut y séjourner sans être promptement saisi par un froid pénétrant qu’un feu bien alimenté peut à peine chasser. Plusieurs de ces cavernes ont été habitées par l’homme, dans l’été sans doute, mais les débris de repas et les traces d'habitation n’y sont pas aussi abondants que dans les premières. Au Cuzoul de Mousset, nos fouilles ont été fort considérables. NOTE DE MM. GARRÏGOU ET DUPORTAL. 463 Nous sommes descendus là jusqu’à 5 mètres de profondeur point où la roche en place nous a arrêtés. Voici d’abord la coupe de la caverne, avec les couches di- verses que nous avons traversées. A, Brèche rougeâtre très-résistante, avec ossements de Renne et silex, autrefois exploitée, dit-on, dans le pays, pour faire du salpêtre. Il n’en reste plus que quelques lambeaux fortement attachés aux parois de la grotte. Cette brèche pouvait bien avoir lm40 d’épaisseur. B, Au-dessous était une autre couche de brèche intacte de 40 centimètres d'épaisseur, se terminant insensiblement par C, un dépôt meuble composé de petits fragments anguleux de calcaire et d’une sorte d’argile sèche très-poudreuse. On voit, sur la coupe que nous avons pratiquée, que l’épaisseur moyenne de cette couche est de lm,70 environ. Nous y avons découvert D, vers le bord extérieur du surplomb, cinq niveaux de foyers. C’est là surtout que nous avons pu recueillir des ossements déterminables, appartenant au Renne, au Cheval, au Bœuf, à un grand Cerf, à une Chèvre, peut-être aussi à un Mouton? Ces derniers ossements, intimement mélangés à ceux des autres animaux, étaient en général calcinés et tous fragmentés. J’ai pu reconnaître un fragment inférieur de radius et des os cunéi- formes. Avec cela abondaient les silex, qu’on peut réunir par hectolitres, et présentant toutes les variétéspossibles de formes, depuis les grattoirs de 8 à 10 centimètres de long jusqu’aux pointes les plus acérées et les plus courtes. Avec ces objets se retrouvent des instruments en bois de 464 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869. Renne, en général assez mal conservés, et aussi des fragments de coquilles marines venant de l’Océan, par exemple, un Cé- rite, deux Natices, un Peigne. Aux silex taillés il faut joindre de nombreux cailloux roulés du Lot, quartzeux, porphyroïdes et micacés, dont quelques-uns étaient taillés comme les silex et ressemblaient à ceux des cavernes des Pyrénées. — Sous la couche G est l’assise. F, de 20 centimètres d’épaisseur, formée par une terre ferrugineuse rouge, dans laquelle étaient encore deux énormes plaques calcaires calcinées, G, et directement placées sous les fovers. En H, est enfin une couche d’alluvions, que l’un de nous a re- connue pour être la même que celle du bas des vallées secon- daires du Lot. Le tout repose sur la roche en place, trouvée à im 50 de profondeur dans la couche H. Les faits intéressants fournis par l’exploration du Cuzoul de Mousset, sont donc : 1° La grande durée d’habitation de cette caverne, puisqu’il y a plus de 3m 30 de débris de cuisine accumulés; 2° La présence d’ossements humains calcinés et cassés au milieu de ceux des autres animaux, fait incontestable pour nous de cannibalisme. Ce fait est unique jusqu’ici pour l’âge du Renne, si nous ne faisons pas erreur, venant confirmer les sup- positions de M. Roujou. Dupont en avait cité un semblable dans une caverne de l’âge de l’Ours, et M. Spring, de Liège, plu- sieurs pour l’âge de la pierre polie. En suivant le flanc du cirque et remontant vers le N. on longe une série de surplombs, tous habités à la même époque que le Cuzoul de Mousset, et offrant exactement les mêmes débris. ïl y avait là un véritable village troglodytique de l’époque du Renne. Dans plusieurs des petites cavernes qui accompagnent ces sur- plombs, on remarque aussi des traces d’habitations plus ré- centes, et les empreintes des poutres enchâssées dans le roc, de même que les pans de mur encore debout, laissent supposer qu’il y a peu de temps encore (quelques siècles peut-être) ces cavernes et ces surplombs servaient de demeure à plusieurs familles. Quelques-unes de celles que caractérisent surtout les ossements de Renne présentent des enfoncements artificiels très-curieux ; certaines sont creusées de main d’homme en forme d’escalier grossier et de siège. Deux d’entre elles ont une source s’épanchant dans un bassin qui n’est pas l’œuvre de la nature. A l’extrémité S. et à l’extrémité N. du cirque de St-Géry se 465 NOTE DE MM* 6ARRI60U ET DEPORTAI.. trouvent encore deux autres grottes dont la description sera, croyons-nous, instructive. Ce sont les grottes des Genettes et du roc de Peyroune. 1° Grotte des Genettes ou des Fées . — Elle est située au S. du cirque et du Cuzoul de Mousset, à peu près à un kilomètre de cette dernière* Elle est composée ainsi que le représente le plan ci-dessous (A) de trois compartiments dont la longueur totale est à peine de 15 à 18 mètres. La première salle surtout nous a paru intéressante. Nous Pavons fouillée dans toute son étendue. Voici sa coupe (B) sur 2“ 50 de profondeur. A, Couche de sable rouge très-anciennement creusée de main d’homme, sur laquelle repose B, un dépôt remanié, ca- ractérisé par le Renne, le Cheval, un Bœuf, le Bouquetin, le Mouflon, un grand Cerf, un autre plus petit ; avec cela des silex et des quartzites taillés en très-grande abondance, du char- bon, des cendres, des poteries non tournées, avec dessins par lignes et croix de Saint-André. En c, au milieu de ce dépôt hétérogène étaient des osse^ ments humains non calcinés, fracturés de façons variées et diverses, appartenant à un seul individu, dont le crâne était complètement brisé. Nous avons supposé que c’était là une sépulture de l’âge de la pierre polie, faite dans une caverne habitée par l’homme à l’âge du Renne, et peut-être remaniée plu» tard. Soc, géol.t % • série, tome XXVI. 3» 466 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869. 2° Grotte du roc de Peyrous.se. — Située au N. du cirque, elle a présenté à la coupe, à partir du bas : A, une couche d’humus noir reposant sur le coral-rag, a) ant 40 centimètres d’épaisseur. Au-dessus, B, une assise d’argile très-compacte, rouge, contenant des fragments anguleux de calcaire, des siiex et des quartzites gros- sièrement taillés, avec quelques ossements indéterminables. Épaisseur lm 10. ; . B', une brèche très-épaisse de l’âge du renne, aujourd’hui totalement détruite. G, Sorte de fond de bateau creusé dans la couche B. Il’ était rempli de charbon, de cendres, de silex appartenant à la couche B, de poteries on ne peut plus grossières, de bri- ques cuites, avec des ossements rares de Bœuf (grand), de Brebis, de Genette? Avec cela nous avons trouvé une phalange de Cerf percée et un andouiller d ’Elaphus scié et appointi.^Au milieu de cette masse gisait un amas d’argile, prise peut-être dans les alluvions du Lot, conservant encore les traces d’une fine stratification. C’était probablement cette argile qui avait servi à fabriquer les poteries. D, Un peu en arrière de ce fond de bateau était une sorte de puits de lm50 de profondeur rempli : 1° de matériaux ap- partenant aux deux couches précédentes; 2° de matériaux étrangers, poteries tournées et vernies, cendres, charbons, etc. Le plan ci-dessous donnera une idée de cet ensemble : A, sol le plus ancien de la caverne. B, fond de bateau avec poteries grossières. C, puits avec poteries vernies. Le sol A, avec silex, mais sans ossements, pourrait bien ap- NOTE DE MM. GAHRIGOU ET DUPORTAL. 467 partenir à une époque plus ancienne que celle de Renne, peut- être celle de l’Ours ? Le dépôt B est contemporain, suivant toule probabilité, de l’âge de la pierre polie. Le puits C, lui est postérieur. Pour terminer ce qui a rapport à cette partie de la vallée du Lot, nous allons donner une coupe théorique de l’ensemble que nous venons d’étudier. St-Géry. t 1. Grotte des Genettes, la pins basse (âge du Renne et de la pierre” polie). 2. Cuzoul de Mousset (âge du Renne). B, 4. Surplombs divers (âge du Renne). 5, 6. Grottes de divers âges avec murs d’apparence peu ancienne. 7. Surplombs (âge du Renne). 8. Grotte du roc de Peyrousse (âge de l’Ours et âge de la pierre polie). Hauteur 130 à 150 mètres au-dessus de Saint-Géry. 9. Roc de Peyrousse. AB. Lot passant à Saint-Géry. Nous voyons donc que la caverne qui nous a présenté des objets appartenant probablement à l’âge de l’Ours est la plus élevée de la région. Nous constatons également que les dépôts de l’âge de la pierre polie surmontaient également ceux de l’âge du Renne. Les choses se passent donc ici comme dans les Pyrénées. 3° Bouziès. — En remontant le Lot, on arrive au village de Bouziès. La rivière est limitée en ce point, sur la rive droite, par d’immenses roches à pic dans lesquelles sont creusés des tunnels ou des galeries pour le passage d’une route aussi pittoresque qu’elfrayantc. La hauteur de ces escarpements est de 100 mè- tres au moins. Sous d’immenses surplombs s’ouvrent des quantités de ca- vernes plus ou moins vastes, dont le sol inférieur, contient presque toujours des ossements d’uneforme caractérisée palé» ontologiquement par le Renne, et lithologiquement par un cailioutis rouge fort considérable. 468 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1860. Cependant quelques-unes de ces cavernes paraissent avoir été habitées pendant l’époque de la pierre polie. L’une d’entre elles surtout, appartenant à M. de Malleville, nousa présenté les traces d’une habitation très-longue et datant probablement de plusieurs époques. Les dépôts artificiels caractérisant l’âge de lapierre polie y étaient on ne peut plus abondants. Des monceaux de cendres et de charbons encombraient quelques-unes des galeries, renfermant des ossements d’animaux domestiques, des poteries grossières, des meules et des outils en pierre polie (silex et serpentine). Dans une sorte de salle circulaire, située sur la droite, quand, après avoir gravi l’entrée, entre des murailles écroulées, on pénètre dans la caverne, nous avons relevé la coupe sui- vante : 1° Cailloutis dans une sorte d’humus noir, ayant environ 20 centimètres ; 2° Cendres avec ossements de Bœuf, de Mouton et de Sus , ainsi que charbons : 25 centimètres ; 3° Argiles avec charbon: 10 centimètres; 4° Cendres: 10 centimètres; 5e Argile avec charbon et cendres : 15 à 20 centimètres ; 6° Cendres et charbons: 50 centimètres ; 7° Stalagmite : 90 centimètres ; 8° Roche en place. Des couloirs latéraux plus ou moins tortueux, ascendants et descendants, conduisent dans diverses parties de la caverne, s’ouvrant au dehors par des cavités qui paraissent inabordables, en les voyant de la route. À en juger par la quantité de matériaux accumulés dans cette caverne, l’habitation a dû en être très-longue et les habi- tants fort nombreux. Dans quelques couloirs, en effet, on reti- rerait sans peine plusieurs charretées de cendres. 4° Grotte de Pélissié (à Saint-Martin-Labouval). — Quelques kilomètres au sud de Saint-Martin-Labouval, entre ce village et celui de Bouziès, est une caverne fort importante, celle dite de Pélissié. Pour l’atteindre, on passe tout près d’un immense éboulis appelé Rouin dans le pays, et sous lequel, suivant la légende, aurait été englouti tout un village dans des temps ex- cessivement reculés. Les éléments calcaires énormes de cet éboulis reposent sur les dépôts meubles des pentes de cette région, qui renferment des silex taillés et des foyers de l’âge du Renne. Après avoir laissé sur la gauche cet immense chaos, on NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORTAL. 469 gravit, à travers champs, la montagne jusqu’à une hauteur de 150 mètres, après avoir traversé un petit vallon très-court et très-peu marqué. Là, sous une petite maison d’hahitation qui est presque à la crête, se cache l’entrée basse et peu large de la caverne de Pélissié. Après être entré presque en rampant, on suit une pente assez rocailleuse qui dure environ l’espace de 40 à 50 mètres, puis on marche sur un terrain plus horizontal. La voûte est alors à 12 mètres au-dessus du sol. Dès le premier coup d’œil, nous vîmes que c’était là un dépôt artificiel qui formait cette pente; nous le fouillâmes. Nos re- cherches portèrent surtout autour du point P, bloc calcaire énorme détaché, comme plusieurs autres, de la voûte hori- zontale. La masse du dépôt formant la pente était exclusivement composée de cendres, de charbons, d’argile, d’humus, avec ossements de Renne, de Cerf, de Bœuf, de Cheval, etc. Autour du bloc P, les cendres étaient tellement épaisses qu’elles indi- quaient parfaitement l’emplacement d’un foyer principal. Elles contenaient des quantités énormes Hélix nemoralis. A la surface et jusqu’à une certaine épaisseur, se trouvaient, de loin en loin, des fragments de poteries grossières non tour- nées et quelques cailloux aplatis, dont l’un en roche ophi- tique, ressemblant à des meules cassées. Cet ensemble reposait sur un dépôt de sable argileux rouge, stratifié, existant dans toute la caverne dont il forme le sol, et contenant au pied de la pente surtout, et sous les dépôts de cette pente, du charbon et des os du grand Ours des cavernes portant des cassures caractéristiques, prouvant irrécusablement que l’homme les a produites pendant que les os étaient frais. Le dépôt argilo-sableux est stratifié et 'caractérisé dans toute la caverne par les mêmes ossements. Ainsi donc la caverne de Pélissié a présenté trois dépôts superposés : 1° Celui de l’âge de l’Ours, stratifié très-régulièrement et ré- pandu dans toute la caverne dont il forme le sol ; 2° Celui de l’âge du Renne, limité à l’entrée de la caverne, reposant sur celui de l’âge de l’Ours et supportant des bloc* considérables tombés de la voûte ; 3° Enfin, celui P P, très-rudimentaire, de l’âge de la pierre polie, à la surface du précédent. 4° En remontant la petite vallée du Burnac, sur la rive 470 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869. gauche du Lot, au-dessous de Saint-Martin, nous avons trouvé aussi de nombreux surplombs et des cavernes dont le sol ren- fermait aussi des traces non équivoques d’habitation pendant que le Renne abondait dans le pays. Les cavernes de cette petite vallée sont très-froides en hiver. 5° Vallée du Célé. — Cette vallée qui conduit vers Figeac est excessivement curieuse. Dans l’étendue qui existe entre le village de Cabrerets et l’embouchure du Célé dans le Lot, les roches, surtout celles de la rive droite du ruisseau, sont ittêralement criblées de cavernes. Nous n’avons pas essayé de les fouiller toutes, car il faudrait plusieurs mois d’un travail incessant pour les expLorer en partie seulement. Les princi- pales nous ont occupés. La grotte Grande, celle des Huguenots, les surplombs du roc Grand, les talus faits par la route, nous ont fourni, environ à 10 et 20 mètres au-dessus du Célé, d’abondants débris de renne, de Bouquetin, de Chamois, de grand Cerf, de Sus, de Cheval, etc., ainsi que des cendres, du charbon, des silex taillés, quel- ques débris d’instruments en bois de Renne, etc. Sous les murs mêmes du château de Cabrerets existent des foyers nombreux et parfaitement caractérisés de l'âge du Renne. La route est certainement empierrée partout avec ces précieux débris. Dans le village de Cabrerets on voit sous des surplombs gigan- NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORTAL. 471 tesques des maisons bâties sur remplacement même d’habi- tations de l’âge du Renne. Nos fouilles nous ont permis de recueillir des débris caractéristiques et d’y compter des foyers nombreux et très-étendus. Plusieurs cavernes dont le sol est parfaitement caractérisé par les fossiles de cette époque anté- diluvienne servent de granges ou d’habitations aux gens de la localité. En poursuivant plus loin sa route on arrive au moulin de la Pescalerie, dont les environs sont intéressants. Cent mètres environ avant le moulin est un immense surplomb presque complètement encombré d’éboulis, dans lequel on a trouvé, au milieu d’un gisement de Pâge du Renne, un crâne humain, brisé involontairement parles ouvriers qui Pavaient découvert plusieurs années avant notre exploration. Dans les couches supérieures des éboulis était un vase grossier en poterie non tournée peut-être, et plus loin, dans les mêmes éboulis de la surface, une hache en pierre polie. A plusieurs lieues de ce moulin, dans la direction de Figeac, est la fameuse grotte de Rrengue, fouillée et décrite par Del- pon. Tout le monde sait que dans cette caverne furent trouvées des quantités considérables d’ossements de Renne. A un quart d’heure deCabrerets environ, dans le pech Merle, est située une grotte portant le nom de grotte de Cabrerets, et dans laquelle nous avons exécuté pendant plusieurs jours des fouilles considérables. Cette caverne est à un niveau qui nous a paru le même, par rapport au Lot, que celui de la grotte de Pélissié et de la grotte du roc de Peyrousse , c’est-à-dire 150 mètres environ au-dessus de l’embouchure du Célé dans le Lot, et 80 mètres à peu près au-dessus du ruisseau incrus- tant de la Plagne, au pied du pech Merle. Nous croyons utile de donner le plan de cette caverne, où la composition du sol et de la voûte est aussi curieuse qulns- tructive. Nous commencerons par faire connaître la composi- tion des dépôts, puis nous nous occuperons du parcours, des parois et de la voûte, pour arriver ensuite à des conclusions décisives. 472 SÉANCE DU 1er FÉVRUR 1869. 1° Stratigraphie des dépôts . — Nous avons pratiqué, environ à 45 ou 20 mètres de l’entrée, une tranchée de 5 mètres de long sur 3 mètres de large et 5 mètres de profondeur. Voici l’énumération et la description des couches que nous avons traversées. 4. — A la surface, dans uncailloutis avec terreau noir très- abondant, se trouvaient quelques fragments de poteries, mélan- gés avec des silex et des os de Renne, ainsi que des cendres et du charbon. Épaisseur 65 centimètres. 2. — Même cailloutis et terrain noir avec mêmes objets, poteries infiniment plus rares; à la base, mélange de sable avec le terreau. Épaisseur 65 centimètres. 3. — Couche de sable formant un niveau très-peu régulier. Épaisseur maximum 50 centimètres. 4» — Niveau d’un cailloutis avec os de Renne, silex et quart- xites taillés, ainsi que charbon. Épaisseur 30 centimètres. — Couche de sable argileux. Épaisseur 40 centimètres. 6. — Cailloutis avec quelques silex taillés. Les os de Renne NOTft DK M9L «ARRIGOU ST DURQRTÀL. 473 et surtout les bois entiers, mais très-friables, abondaient dans cette couche. Nous y avons trouvé des fragments d’outils en bois de Renne, ainsi que du charbon. Épaisseur 4“50. L’en- semble de la faune de ces couches était : le Renne, deux Cerfs, Sus , Carnassier? Bœuf, Bouquetin. T. — Argile rouge, parfaitement stratifiée, avec ossements de grand ours des cavernes cassés par la main de l’homme ; cen- dres et charbons c, c' c®, et un fragment plat de stalagmite calcinée au milieu de cet emplacement de foyer. Épaisseur 4*70. 8. — Parois calcaires de la caverne. Nous avons laissé, au fond de cette immense tranchée, des cail- loux, des pièces de monnaie à l’effigie de l’Empereur, des fragments de bois, afin que l’on puisse retrouver le point de notre fouille, le propriétaire de la caverne nous ayant obligés à remettre le sol de la caverne dans son état primitif. Nous re- grettons que d’autres explorateurs ne puissent pas profiter du travail énorme que nous avions déjà fait. 2° Sol du reste de la caverne . — Fouillé sur plusieurs points dans l’interieur de la caverne, et même jusqu’au point le plus reculé, le sol ne nous a fourni partout que la couche d’argile sableuse rouge stratifiée, avec ossements d’Ours et de grand Chat. Ainsi donc, ce ne serait que vers l’entrée que nous aurions trouvé les restes caractéristiques de l’homme et de son indus- trie pendant la période quaternaire caractérisée paléontologi- quement par le Renne. Sur certains points du parcours, et principalement au fond de la caverne, on trouve des fragments de la voûte calcaire éboulés, ainsi que des morceaux considérables de stalactites et de stalagmites anciennes. Le parcours total est de 140 mètres. 3* Voûte et parois de la caverne . — La voûte et les parois sont tapissées de stalactites et de stalagmites, Et d’abord, nous ferons remarquer que ce mot de stalagmite, appliqué aux cou crétions adhérentes à la voûte, ne doit pas étonner. 474 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869, -t. . — -—~~7 gi ù ^_SMùî^M^3 g-, S'. >ÏL M" v NOTE DE MM. GARR1GOU ET DUPORTAL. 475 En effet, en prenant respectivement chacune des coupes AB, CD, EF, GH, nous voyons des lambeaux de tables horizontales s et s' attachés encore à la voûte par des piliers plus ou moins courts. ïl est incontestable que ces lambeaux de table, pour être déposés horizontalement, devaient reposer sur quelque chose d’horizontal; sans cela, il se serait formé non des dépôts horizontaux, mais des dépôts verticaux, des stalactites. Cela fait donc supposer qu’autrefois le sol de la caverne n’était pas au niveau M, M', M", M'", comme aujourd’hui, mais immédia- tement au-dessous et au contact des stalagmites s et s' ; car, théoriquement, rien autre chose, si ce n’est le sol, ne pou- vait supporter, soutenir ces concrétions horizontales. Et, en effet, le sol de la caverne était si bien au niveau de ces stalag- mites, qui semblent aujourd’hui attachéesau plafond, qu’onvoit encore de l’argile plastique enchâssée dans les anfractuosités de ces stalagmites et des stalactites roulées encastrées entre divers niveaux de ces stalagmites aériennes, ainsi que les repré- sentent les coupes AB, au point a, et GH en a, b et c. Bien plus, dans la coupe CD, nous voyons de vrais galets en a et b sur la stalagmite CD, tandis que le niveau du sol actuel est en M/v. Ceci démontre de la façon la plus nette et la plus irrécusable, que l’ouverture de cette caverne doit être bien antérieure à l’époque de l’ours qui caractérise paléontologiquement le sol actuel M, M', M", M"' de la caverne. Nous croyons que cette caverne, ainsi que beaucoup d’autres, nous allons bientôt le démontrer, remonte, comme date d’ouverture, à une époque géologique reculée, atteignant même l’époque des terrains se- condaires les plus rapprochés de l’émergence des terrains jurassiques. La caverne de Cabrerets aurait donc été soumise, ainsi que plusieurs cavernes des Pyrénées à divers phénomènes de rem- plissage et d’érosion. 7° Dolmens du Quercy. — Les dolmens abondent dans cette partie du département du Lot. Sur cent environ que nous avons visités, et on sait que Delpon en avait visité ou fouillé cinq cents, nous n’en avons trouvé que deux seulement intacts. Les marchands de pierre du pays les démolissent pour avoir la pierre à bon marché et la vendre cher. Nous protestons vive- ment contre un pareil vandalisme, et nous appelons de tous nos vœux l’attention de Fautorité et des corps savants sur des faits semblables, afin qu’on les réprime et qu’on laisse encore subsister les très-rares dolmens non détruits. 476 •ÉANCK DU 1er FÉVRIER 1869. Nos fouilles dans ces dolmens mutilés ont mis au jour : des ossements humains, des objets de parure, des colliers en coquilles, des flèches en silex, une épée en bronze (trouvée par des Vandales) dans le dolmen de M. Pradines, à Limogne. Un grand nombre de ces dolmens étaient orientés N. S. et non pas E. O. Bien que cette dernière direction soit donnée à plu- sieurs de ces monuments funéraires, il ne faut pas la considérer comme exclusive. 8* Les alluvions récentes du Lot ont fourni une hache en serpentine polie dans les environs de Bouziès. Nous avons donné à l’Académie des sciences de Toulouse la liste complète des mammifères trouvés dans les alluvions les plus anciennes; c’est ici le lieu de les énumérer de nouveau. Trois espèces de Bœufs, l’un grand ( Urus ?), les autres plus petits, deux espèces de Chevaux, dont l’une est moitié plus petite que l’autre, un Cerf de petite taille, le Renne, le Castor, deux rongeurs plus petits, la Chauve-souris, le Lièvre, VHyœna spelœa , le Felis spelœa , l'Ursus spelœus , le Loup, un Chien plus petit, le Renard, l’Éléphant. Les alluvions du Lot forment trois terrasses superposées de même que toutes celles des grands cours d’eau du bassin sous- pyrénéen. On peut voir en effet ces terrasses successives : 1° Pour le Lot, entre Trentel et Rougette, près de Port-de- Penne (Lot-et-Garonne). 2° Pour l’Aveyron, à Villemeure. 3° Pour le Tarn, à Villemeure et à Villaudrie. 4° Pour la Garonne, à Grisolles. 5* Pour l’Ariége, à Pamiers. 6° Pour l’Adour, dans toute la plaine du Béarn. La même forme caractérise toutes ces alluvions anciennes, celles qui forment les terrasses les plus élevées, ou les couches alluviennes les plus profondes. Ainsi donc la marche des grands cours d’eau, qui se déver- saient dans le bassin sous-pyrénéen, pendant la période qua- ternaire, était la même. Les trois grandes époques paléontolo- giques des cavernes correspondraient, en conséquence, aux trois grands étages d’alluvions quaternaires déposés sur la série des terrains tertiaires. 9* Avant de faire connaître les conclusions générales de notre travail, nous terminerons par quelques observations sur l’âge et le creusement des cavernes de la vallée du Lot et sur la formation des cavernes et des vallées en général. NOTE DE MM. GARRIGOU ET DUPORTÀL, ’ 477 C’est l’étude des directions et des niveaux des grottes qui va nous guider dans ces observations. Lorsqu’une vallée rencontre une formation très-perméable, les affluents disparaissent et les eaux pluviales se rendent au thalweg par des galeries souterraines qui servent de con- duites à des sources plus ou moins importantes, suivant les conditions météorologiques et l’étendue de cette partie du bassin. On peut généralement retrouver ces conduites, ou du moins leurs directions principales, et constituer ainsi l’hydrographie souterraine de la contrée. Cette étude présente un grand inté- rêt, et conduira peut-être à des solutions simples et économi- ques de l’irrigation des plateaux les plus arides. Nous allons poser quelques-uns des principes qui nous guident dans ce genre de recherches. Le Lot est une de ces rivières qui descendent du plateau central, et traversent toutes les formations qui l’entourent. Pendant l’époque tertiaire, c’était un fleuve qui avait son em- bouchure dans la mer nummulitique, non loin de Capdenac; plus tard il se jetait, près de Libos, dans le miocène, et vers la fin de l’époque pliocène, c’était déjà un affluent du fleuve dont il est aujourd’hui tributaire. Mais si son importance et son dé- veloppement ont changé, nous espérons démontrer que son thlaweg a très-peu varié. La vallée du Lot forme, en effet, une coupure profonde dans les formations oolithiques qui occupent le centre du départe- ment auquel il donne son nom. Toutes ses berges concaves sont situées au pied de grands escarpements de 100 à 150 mètres de hauteur, dont les dislocations ne paraissent avoir influencé que fort peu la direction de la vallée. Leurs accidents se retrouvent sans déplacements verticaux sur la berge opposée, et l’on ne peut attribuer nulle part à la présence d’une faille impor- tante l’orientation de la vallée principale. Mais si ces failles sont restées sans grande influence sur le cours d’eau principal, elles ont eu une part considérable dans la direction des affluents souterrains. Concevons, en effet, au commencement de l’époque crétacée le Lot traversant le plateau très-perméable de l’oolithe. Il recevait probablement par infiltration des sources descendues des plateaux voisins dont les eaux suivaient de préférence les failles parallèles à l’Erzgebirge, aux Cévennes, à la côte d’Or, soulèvements parallèles qui venaient de disloquer la région; de 478 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1869. là au sommet des escarpements du Lot une série de grottes dont la direction générale est à peu près E. N. Lorsque le soulèvement du mont Viso s’est effectué plus tard, ces conduites souterraines d’eau se sont brisées, et les eaux des sources qui sortaient au-dessus du thalweg principal approfondi se sont dirigées dan§ les failles parallèles au sou- lèvement du mont Viso, N. 25 à 26° O., creusant de nouvelles galeries, sans abandonner complètement les premières. C’est, en effet, aux deux directions principales, E. 40° N. et N 27° O., que se rapportent, en effet, presque toutes les orien- tations des galeries1 les plus élevées des quatre étages de grotte qu’on remarque si fréquemment dans les escarpements du Lot. , Le soulèvement des Pyrénées a de même donné un nouvel étage de grottes qui ont tari les premières sources pour les conduire plus directement au thalweg, qui s’était approfondi pendant le temps écoulé entre ce soulèvement et celui du mont Viso. ; , Les cavernes inférieures sont de même plus particulièrement orientées parallèlement aux Alpes principales et aux Alpes oc- cidentales. Mais, dans ces cavernes, les failles occasionnées par les soulèvements précédents ont souvent été suivies par les eaux souterraines comme raccordements, et il est facile de s’expliquer, la boussole à la main, comment s’enchevêtrent les unes dans les autres les grottes si capricieuses de la vallée du Lot. . Comme nous l’avons dit, il existe quatre étages de galeries souterraines dans les calcaires secondaires du Lot. Les galeries les plus basses sont très-peu élevées au-dessus du thalweg ac- tuel, et généralement elles ne peuvent être visitées, car elles servent de débouché à des sources importantes, comme celles de Cahors et de Touzac, qui font tourner plusieurs meules de moulin. Quant aux trois autres niveaux, ils sont complète- ment à sec, sauf de très-rares exceptions, où après de forts orages, il arrive que les galeries de l’étage immédiatement supérieur servent de déversoir au trop-plein des sources actuelles. Il existe, en outre, de légers suintements au fond des galeries les plus élevées, dernier vestige de l’action première qui a créé la galerie. Ainsi donc, en résumé, le premier étage de grottes, élevé de 100 à 150 mètres au-dessus du Lot, est placé dans des failles orientées sur la côte d’Or et sur le mont Viso. — Le second est OBSERVATIONS DE MM. GARRIGOU ET DUPORT AL. 479 situé dans des failles orientées suivant les Pyrénées, se bifur- quant souvent dans des failles parallèles aux deux soulèvements précédents. — Le troisième est reconnaissable à la direction des Alpes occidentales, suivie parquelques couloirs se raccor- dant à d’autres orientés par quelques fractures de la côte d’Or, du mont Yiso et des Pyrénées. — Enfin, le quatrième étage forme les affluents souterrains actuellement en activité, orientés suivant les Alpes principales. Si ces cavernes étaient formées, ainsi que nous Pont démon- tré leur étude spéciale et les détails dans lesquels nous venons d’entrer, au moment de l’époque quaternaire, il est évident que l’homme a pu les habiter à diverses époques. Mais avant de donner notre théorie pratique des diverses époques d’habitation des cavernes, donnons une dernière preuve de l’antiquité très-considérable du thalweg du Lot, an- tiquité remontant à la fin de la période jurassique. Au confluent du Célé et du Lot il existe une presqu’île qui, en raison de la pente considérable de l’affluent et de la per- méabilité des roches jurassiques, est traversée par des pertes du Célé qui se précipite dans le Lot, non en suivant l’arc décrit à à ciel découvert par les escarpements, mais en suivant la corde souterraine de cet arc de cercle. Or, cette communica- tion entre les deux cours d’eau a eu lieu de tout temps, et l’on peut voir, au-dessus de la perte actuelle, les galeries qui ont été suivies aux époques des trois autres niveaux des grottes. Cette confirmation de la fixité de la vallée du Lot se retrouve, du reste, dans l’isthme delà presqu’île de Cahors, que la rivière coupe aussi par un conduit souterrain dont on peut suivre les anciens niveaux. Nous savons maintenant que les vallées confluentes du Lot et la vallée du Lot ont des niveaux successifs de cavernes, dont le plus élevé semble être à 150 mètres environ au-dessus du cours d’eau principal. Dans ces cavernes les plus élevées, on retrouve l’homme contemporain du grand Ours, du grand Chat et de l’Éléphant, dont les débris, surtout ceux des deux pre- miers, gisent dans les dépôts stratifiés que ces cavernes con- tiennent. D’un autre côté, les alluvions quaternaires du Lot sont caractérisées par la même faune que les cavernes de 150 mètres de hauteur. Ces dépôts sont donc du même âge. Mais, puisque les dépôts stratifiés des cavernes sont les mêmes que ceux déposés par les alluvions anciennes, argiles rouges sableuses, sorte de loess surmontant les cailloux roulés des 480 mUnci wj iw févribr 1869, vallées, il s’ensuit que les eaux qui formaient ces dépôts dans les vallées devaient atteindre le niveau des cavernes à 150 mètres. Donc les cavernes situées au-dessous étaient obstruées, soit par des dépôts, soit par les eaiâc elles-mêmes, et l’homme, pas plus que les animaux, ne pouvait les habiter. Plus tard, le niveau des eaux baissant, les cavernes des étages inférieurs furent mises à découvert, et l’homme put les habiter. Mais la faune ayant changé, on devait retrouver dans ces cavernes, après qu’elles eurent cessé d’être habitées, une nouvelle faune, celle dans laquelle domine le Renne, différente de celle des cavernes de i50 mètres , des cavernes caractérisées par VUrsus spelceus . L’homme qui habitait ces cavernes inférieures pouvait aussi habiter les cavernes supérieures anciennement fréquentées par ses ancêtres à l’âge de l’Ours. De là la superposition dans les cavernes supérieures de dépôts de l’âge de la pierre polie, de l’âge du Renne et de l’âge de l’Ours. De même encore, si par un phénomène d’érosion nous voyions le niveau du Célé et du Lot s’abaisser etles cavernes qui forment les’ dérivations na- turelles du Célé se dessécher, nous pourrions visiter et habiter ces cavernes servant actuellement de conduits souterrains aux énormes sources dont nous avons parlé. Les choses se sont donc passées dans le Lot comme dans les Pyrénées, au point de vue de l’habitation des cavernes. Nous terminerons en [disant que les faits précédents nous permettent de conclure : 1» Que la loi établie par l’un de nous pour l’ouest de l’Eu- rope (1) est vraie pour les abords du plateau central, comme elle l’est pour les Pyrénées. Nous rappellerons cette loi : Toutes les fois que dans une même vallée, d’une région montagneuse, il existe divers niveaux de cavernes, on peut être sûr qu’à moins de bouleversements locaux expliquant l’exception, les cavernes contenant la faune la plus ancienne sont aussi les plus élevées par rapport au fond de la vallée, les faunes les plus récentes se trouvant surtout dans les cavernes inférieures. Lorsque, dans les cavernes supérieures, on retrouve aussi les faunes spéciales aux cavernes inférieures, «es faunes occupent toujours un niveau stratigraphique supérieur à la faune an- cienne. On peut avoir ainsi dans les cavernes supérieures, chose très-fréquente, le sol composé de quatre niveaux pa- léontologiques différents : (1) Alluvitw quaternaires, par F. Garrigou; cha* J. -B» Baillière. OBSERVATIONS DE DIVERS. 481 1° A la surface, niveau historique ; a» Au-dessous, niveau antéhistorique, des âges du fer rin bronze ou de la pierre polie ; ° ’ du 3° Niveau de l’âge du Renne ; 4° Niveau de l’âge de l’Ours. ’ M M. Lartet croit que la distinction, dans les cavernes des ta niveaux de l'O.rs, du Benne e. de 1» pierre pï i ° ' 1 ® des cavernes- Situées à un niveau très-bas, où l'Ours n°e 65t ComP*et entre faune du Renne et celle de Répondant ensuite à une observation de M. Belgrand, M Garngou admet que les grottes inférieures ont d’abord et^abTtéêr P3r d6S d6PÔtS Slaciaires’ Puis mises a« jour floservations sont ensuite échangées entre MM. Ld. Lartet et Garngou sur les divers planchers de sta- agmites superposés dans la caverne de Rébenacq, ainsi que sur le limon rouge qui contient la faune du Renne D accord avec M. Paul Gervais, M. Garrigou considère les epots rouges, à ossements de Renne, comme de véritables Ajœkkenmaddmgs , qui sont partout identiques, quelles que soient les vallées où on les observe. M. Garngou signale la rapide destruction des dolmens u Lot et la convenance qu’il y aurait à prendre des me- sures pour assurer leur conservation. Séance du 15 février 1869. PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS, VICE-PRÉSIDENT. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal delà dernière séance, dont la rédaction est adoptée Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : Soc. géol., 2e série, tome XXVI. 31 482 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. M. Gauthier, boulevard du Nord, 7, à Marseille (Bouches- du-Rhône); présenté par MM. Coquand et J. Goste. M. Vézian , professeur de géologie à la Faculté des sciences, à Besançon (Doubs), ancien membre, est admis, sur sa demande, à faire de nouveau partie de la Société. Le Président annonce ensuite quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Ami Boué, Ueber die ISothwendigkeit einer Reform des bergmœnnischen Unterrichtes in Oesterreich , etc., in-8, 30 p. ; Vienne, 1869 ; chez M. Brauniüller. De la part de M. G. Cotteau : 1° Notes sur quelques Musées d' histoire naturelle de lu Suisse et de V Allemagne du Sud; in-8, 29 p. ; Auxerre, 1869; chez G. Per- riquet. 2° Sur les Êchinides fossiles recueillis par M. L. Lartet en Syrie , pendant son voyage avec M . le duc de Luynes; in-4, 2 p.; Paris, 1869. De la part de M. Ernest Favre, Note sur quelques glaciers de la chaîne du Caucase , et particulièrement sur le glacier de Devdo- roc; in-8, 36 p., 1 carte ; Genève, 1869. De la part de M. G. de Saporta, Caractères de V ancienne végé- tation polaire, — Analyse raisonnée de V ouvrage de M. Osw. Heer , intitulé Flora fossilis arctica; in-8 , 43 p.; Paris, 1868; chez Victor Masson* De la part de M. Adolph Steen, Om Integrationen af Diffe- rentialligninger, der fore tïl Additionstheoremer for transcendente Funktioner; in-4, 14-3 p. ; Copenhague 1868. Le Secrétaire, au nom du Trésorier, qu'une indisposition empêche d’assister à la séance, dépose sur le bureau : !• les comptes de 1868, qui sont renvoyés à l'examen de la Commission de comptabilité; 2° le projet du budget de la Société géologique pour 1869, tel qu il a été arrêté par le Conseil dans sa séance du 13 février. BUDGET DE 1869 483 Budget pour 1869 RECETTE . DESIGNATION des chapitres de la recette. |N0Sdes articles. NATURE DES RECETTES. RECETTES prévues au budget de 1868. RECETTES effectuées en 1868, RECETTES prévues pour 1889. | 'S 1 . Prnrl iiit.s nr. 1 Droit d’entrée et de diplôme. . 600 » 680 » 600 » 2I 1 de l’ann. courante. 8, 500 » 8, 945 d 9, üuo » nflnt.innfi. . 3 Cotisations j des années précéd. 2, 000 » 2, 680 » 2,000 » 4 J ' anticipées 300 » 255 » 300 » § 2. Produits extr. 5 | Cotisations une fois payées. . . 900 k 1,800 » 1,200 » fi \ Bulletin 1,200 » 1,064 » 1,100 » § 6. Produit des I 7 Table des vingt lers vol., 2e sér. 100 i» 132 » 160 » publications. . . 8 Mémoires 800 > 582 00 600 » 9 Histoire des progrès de la géol. 100 » 231 70 200 » § 4. Capitaux pla- cés 10 11 xlrrérages de rentes 3 %• • • • A rréra crp.s d’nhlin-ntinns 1,870 > 585 » 1,870 » 585 » 1,870 » 1,005 » 12 Allocation du Ministre de l’in- struction publique pour les publications de la Société. . 1,000 » 1,000 > 1,000 » 1 13 Souscription du Ministre aux § 5. Recettes di- Mémoires 1,200 » 1,200 » 600 » verses. .....< li Recette, extraordinaire relative 1 au Bulletin. 100 » 150 » 200 » 1 J 15 Recette extraordinaire relative aux Mémoires T> » x> » 1,100 » ! 1 * 16 Lover de la Société météorolom 400 .. 400 » 400 » 17 Recettes imprévues. ...... 800 » 600 » 225 » Total de la recette. . . . 20,455 » 22,175 30 21,560 » § 0, Solde de 1868 Reliquat au 31 décembre 18G8. » )> )> » 811 751 I Total de la recette prévue pour I 1 1869 ■» » » » 22,371 75 j EMPLOI DES FONDS PROVENANT DE LA DONATION DE M. DOLLFUS-AtJSSET Recette. Reçu de M. Dollfus-Ausset en 1867 et 1869 ,• . . 10,000 00 O • Dépense. Loyer de la salle rue Bonaparte en 18 68. , . 4 600 00 Achat de 25 obligations Ouest. 8,186 24 Solde disponible au 31 janvier 1869 à la Société des dépôts et comptes courants ....... 1,213 76 10.000 00 484 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. Budget pour 1869 DEPENSE DÉSIGNATION des chapitres de la dépense. NATURE DES DÉPENSES. § 1. Personnel § 2. Frais de lo- \ 5 gement \ 6 f 7 ( 8 § 3. Frais de bu- ï 9 reau 1 10 fil f 12 § 4. Magasin. • • \ ]3 (14 § 5. Publications. I }g 17 18 19 S traitement _ travaux extraordinaires indemnité de logement et gratification. . . . Garçon de bureau, ses gages et gratification 1 Loyer, contributions, assuranc Loyer. rueBonaparte, 1867, 1868 Chauffage et éclairage. . . Dépenses diverses Ports de lettres Impression d’avis et circulaires Change et retour des mandats Mobilier Bibliothèque. — Reliure, port et planches. Dépenses imprévues .... Pension à l’anc. garçon de bur Placement de cotisations a vie DÉPENSES prévues au budget de 1868. 1,800 1> 300 D 400 D 1,060 > 2.850 J> 800 » 500 r > 250 250 » 100 » 20 » 175 » 375 D 9,000 » 700 D 2,000 I) » » 200 )) i> » 20,720 » DÉPENSES effectuées en 1868. DÉPENSES prévues jour 1869. 1,800 » 1,800 » 300 » 300 » 400 » O O 1,062 50 1,000 » 2,866 05 2, 870 » 600 » 600 » 402 95 550 » 233 15 240 » 288 30 300 » fil 50 100 » 13 95 30 » 155 » 400 » 582 70 500 » 9,543 25 10,000 » 609 » 700 » 1,949 85 1,000 » » » 1) I) 200 » 200 » 900 » 1,200 » 22,058 20 22, 190 » ■Si La recette étant évaluée ii La dépense à Il y aura un excédant de recette de 22,371 75 22,190 00 181 75 Après la lecture des articles, les deux sections des recettes et des dépenses sont successivement mises aux voix et adoptées. M. Meugy fait la communication suivante : Sur le lias; par M. Meugy. Je me suis proposé dans cette note de relier entre [elles les observations faites sur les divers étages du terrain basique du NOTE DE M. MEUGY. 485 N. E, delà France, et d’examiner les conséquences qui peuvent en être déduites relativement au classement de ces étages, qui portent souvent des noms différents dans chaque département ou dans chaque province, et dont on peut ne pas apercevoir nettement de prime abord la corrélation. On distingue dans le lias trois termes principaux, qui sont de bas en haut: 1° Le grès infra-liasique ; 2° Le calcaire bleu ; 3° Les marnes supra-liasiques. La superposition de ces trois groupes l’un au-dessus de l’autre a été reconnue partout où ils se trouvent réunis. Quel- quefois le calcaire à Gryphées arquées est recouvert unique- ment par des marnes qu’on englobe toutes ensemble dans l’étage supérieur. Mais il arrive aussi, comme dans le N. E., qu’on trouve, au-dessus du même calcaire, une série de couches non-seulement marneuses, mais aussi calcaires, sableuses, fer- rugineuses, qui diffèrent entre elles par leur nature minéra- logique comme par leurs fossiles, et qu’on a dû par suite distin- guer les unes des autres en leur donnant divers noms. De là des difficultés qui naissent toujours dès qu’on entre dans plus de détails, et ces difficultés se conçoivent d’autant mieux que toutes les couches reconnues dans un point peuvent ne pas se retrouver au complet dans un autre, ou qu’au moins elles peu- vent ne pas s’y retrouver exactement avec les mêmes carac- tères pétrographiques et paléontologiques. Cependant il convient de remarquer, d’une part, que dans une couche régulière la nature minéralogique de la roche est assez constante pour qu’on puisse sérieusementy avoir égard, et d’un autre côté, que les conditions climatériques étaient assez uniformes à l’époque du lias, pour permettre à un moment donné le développement de faunes identiques aux mêmes pro- fondeurs, indépendamment de la latitude. D’où proviennent donc les difficultés que nous signalons? De ce qu’il peut arriver qu’une couche ne se prolonge pas sur de grandes étendues et soit renfermée dans les limites d’un bassin circonscrit, et aussi de ce qu’on ne connaît pas complètement les fossiles des étages que l’on est appelé à comparer. Ces considérations s’appliquent d’autant mieux au sujet qui nous occupe, qu’il s’agit ici de dépôts de sédiment remplissant le golfe profond du Luxembourg, dont les rivages pouvaient présenter des pentes variables suivant les mouvements qui leur 486 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. étaient communiqués de l’intérieur du globe, mouvements par suite desquels le centre du bassin de dépôt se déplaçait néces- sairement davis un sens ou dans un autre. Notre mémoire ne sera peut-être pas dépourvu d’intérêt au moment où le Gouvernement vient de décréter l’exécution d’une carte géologique détaillée de la France , et qu’il va falloir s’occuper de raccorder entre elles plusieurs cartes déjà publiées. On a déjà beaucoup écrit sur le même sujet, et le Bulletin de la Société renferme plusieurs notes de MM. Dewalque, D’Oma- lius, Levallois, Hébert, Terquem etPiette (1), qui ont défendu avec talent leur manière de voir, chacun à son point de vue, quelquefois peut-être avec une certaine vivacité, et même avec passion, mais avec cette passion qui ne peut être considérée que comme l’expression exagérée de l’amour de la science. Car nous ne pouvons avoir, tous tant que nous sommes, qu’un seul but, celui d’arriver, par nos communs efforts, à la découverte de la vérité. Cependant, si les faits ont été bien établis, les interprétations qu’on en a données n’ont peut-être pas toujours été à l’abri de critiques, et c’est surtout dans le raccordement des étages de la même formation qui se montrent dans divers lieux, qu’il peut rester quelque chose à désirer. Rappelons d’abord la nomenclature des différentes assises superposées au calcaire à Gryphites, dans les Ardennes et la Meuse, dans la Belgique et dans TEst. ARDENNES ET MEUSE. (MM. Sauvage et Buvignier.) Oolithe inférieure. Marnes supérieures. Calcaire ferrugineux. Marnes moyennes. Calcaire sableux. Lias à Gryphites. Grès inférieurs. BELGIQUE ET LUXEMBOURG. (M. Dumont.) Calcaire de Longwy . Oolithe lerrugin. de Mont-St-Martin, Schiste bitumineux et marne de Grand- court. Schiste et macigno d’Aubange. Schiste d’Ethe. Grès de Virton. Calcaires et marnes de Strassen, Sables et grès de Luxembourg. Marne de Jamoigne. Grès de Martinsart. (H 2e série, t. IX, XI, XIV, XV, XIX, XX. NOTE DE M. MEUGY. 487 MOSELLE ET MEURTHE. (M, Simon, M. Levallois.) Calcaire à polypiers , Marnes grises. % t , Minerai oolithique Marty sandstone. , . f , Marnes schisto-bitum. à Posidonies Grès médio-liasique Marnes feuilletées ou marnes bleues à ovoïdes Cale, à Bélemnites ou cale, ocreux. Calcaire à Gryphées arquées. Grès infra-liasique. HAUTE- MARNE. (M. Duhamel.) Calcaire à Eniroques . Marnes à Posidonies. Marnes avec calcaire noduleux. Marnes brunes. Lias bleu. Grès inférieurs du lias. Marnes supérieures. Id. Id. Marnes moyennes. Id, Id. Marnes inférieures. YONNE. (M. Raulin.) Calcaire à Eniroques. Marnes supérieures à Bélemnites. Calcaire à Gryphœa cymbium. Marnes inférieures à Bélemnites. Calcaires et argiles à Gryphées arquées. Lumachelles h Cardinies. Arkose granitoïde et silex. Ce qui frappe tout d’abord quand on compare ces légendes, c’est non-seulement la diversité des noms, qui s’appliquent pourtant quelquefois à des roches semblables, mais encore la disparité dans la succession des assises; et c’est autant pour chercher à reconnaître l’accord qui doit exister entre ces di- verses dénominations, que pour me rendre compte des diffé- rences existant dans l’ordre de succession des couches, que j’ai visité quelques localités dans les Ardennes et la Meuse, dans la Belgique et le Luxembourg, dans la Moselle, dans la Meurthc, les Vosges, la Haute-Marne et l’Yonne. Je vais exposer successivement les observations que j’ai re- cueillies ; Ardennes. — Rappelons d’abord que la formation du calcaire sableux, à laquelle les auteurs de la Carte géologique des Ar- dennes assignent une puissance de 110 mètres, peut être sub- divisée en trois parties, savoir, de bas en haut : l°Desbanes calcareux jaunâtres, séparés par des lits de sables, de même couleur (Sedan, Romery), où l’on remarque l’absence des Bélemmites (50 mètres environ). 2°Des bancs de calcaire argileux bleuâtres alternant avec des 488 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. couches de sables, le plus souvent bleues comme les calcaires, très-argileux, et remplacés vers le haut de l'étage par des cou- ches de marnes (St-Laurent, Villette), (20 à 30 mètres). Les fossiles sont tout différents de ceux qu’on trouve dans la partie inférieure : ce sont des Bélemmites, des Gryphœa cymbium en grande abondance avec la Gryphœa obliquata , des Térébatules, des Spmfer , des Plicatules, et notamment la Plicatula spinosa , le Pecten œquivalvis, etc. 3 Des alternances de sables et degrés calcaires généralement plus épais que ceux de la partie inférieure (Breux, Sapogne, Herbeuval) (40 mètres environ), (Bélemnites, Ammonites, Gry- phœa cymbium, (variété aplatie), Pecten œquivalvis , etc.) u calcaire sableux succèdent les marnes moyennes ordi- nairement de couleur grise, avec ovoïdes de calcaire argileux e de fer carbonaté (70 mèt.), (Bélemnites, Ammonites, Pecten œquiva ms, etc.), puis le calcaire ferrugineux, consistant en une série de bancs de calcaire argileux ou sableux souvent coloré en jaune par hydroxyde de fer qui se concentre en certains points sous forme géodique. L’expression de calcaire ferrugineux dépeint mieux que ou e autre cette formation où les sources ferrugineuses et cal- caires mélangeaient intimement leurs dépôts. On y voit des par îes cacaires solides, sillonnées de filets ferrugineux, d’au- res couc es minces etfriables au milieu desquelles on distingue u er y roxydé géodique noyé dans un argile jaune. Certains ancs son c argésdepetites oolithes ferrugineuses, et sont em- p oy s avantageusement comme castine, et môme comme mi- r* \ es ^auts_f°orneaux (Signy Montlibert, sur les con- la p/6 fi euse^‘ Parm* les fossiles de cet étage, on remarque * Plicatula spinosa , que je crois devoir citer, bien qu’elle soit » , 1(^Uef C0m^le rare dans les Ardennes, parce qu’elle est plus quen e en d autres points sur le même horizon, comme nous e verrons plus tard ; de nombreuses Térébratules (T. tetrae- j i’ p \ r^mon^es costatus , des Bélemnites, etc. Les auteurs j tf\ ' rf ^'° °^ue des Ardennes assignent une puissance de 40 a 50 métrés à leur calcaire ferrugineux. miA supen®ur du terrain basique des Ardennes est dési- gne sous le nom de marnes supérieures. fniw^x de*.“arnes généralement noirâtres ou d’un bleu nnîir Par, S Sj lsteuses’ s°uvent utilisées sous le nom de cendres sV TronvlT tmeDt des,terres> en raison des pyrites de fer qui y vent, et qui par leur décomposition donnent lieu à une NOTE DE M. MEUGY. 489 certaine quantité de sulfate de chaux. Leur teinte foncée est un caractère assez constant qui permet de les distinguer des marnes moyennes, au moins dans beaucoup de localités. Toutefois, elles sont quelquefois grises, comme ces dernières, et on y remarque aussi des ovoïdes calcaires et ferrugineux. Aux environs de Signy- le-Petit, près de la limite du département de l’Aisne, elles con- tiennent, d’après MM. Sauvage et Buvignier, quelques bancs d’un calcaire argileux bleuâtre que je signale avec intention, parce qu’ils me paraissent être l’équivalent de la pierre à ci- ment de Yassy, dont il sera question plus loin. Enfin, on a constaté vers la partie supérieure de ces marnes, près d’Han- nogne -Saint-Martin et de Villers-sur-Bar, un minerai de fer en grains irréguliers et en plaquettes, empâtés dans une terre ocreuse et formant une couche assez régulière d’une épaisseur variable, qui semble se prolonger au même niveau géologique par Fresnois, Remilly, Amblimont etMalandry. Cet étage mar- neux, qui dans les Ardennes n’a pas moins de 90 mètres de puissance, est caractérisé par un fossile, la Posidonia Bronnii , qui n’a pas encore paru dans les étages précédents. On y a rencontré aussi des Ammonites et des Bélemnites de diverses espèces, ainsi que des indices de poissons et de sauriens. J’ajouterai, pour la complète intelligence des faits observés dans les départements de l’Est, que les marnes supérieures du lias sont immédiatement recouvertes ici par l’oolithe infé- rieure, qui commence ordinairement par des calcaires mar- meux avec oolithes ferrugineuses de formes irrégulières et de grosseurs variables. J’ai observé ces sortes de calcaires (dont je parle à dessein parce que j’aurai occasionde les rappeler plus tard) sur ,1a grande route de Mézières à Retbel, à proximité d’Evigny, et au-dessus de Fresnois, près Sedan. Meuse. — Les divers étages que je viens de rappeler se pro- longent en Belgique et dans le département de la Meuse. M. Buvignier, dans l’explication de la carte géologique de ce département, décrit successivement : le calcaire sableux, les marnes moyennes, le calcaire ferrugineux, les marnes supé- rieures et l’oolitbe inférieure. La partie supérieure du calcaire sableux, principalement composée de roches sableuses, appa- raît, pour ainsi dire, seule dans la Meuse, les parties inférieures de cette formation n’affleurant que plus au nord, sur le terri- toire Belge. Je rappellerai que des minerais de fer sont exploi- tés aux environs de Tbonne-le-Thil et de Thonnelle, au nord de Montmédy, dans le calcaire ferrugineux, c’est-à-dire, dans 490 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869, les mêmes conditions de gisement qu’à Signy-Montlibcrt (Ar- dennes). Je rappellerai également les calcaires à oolithes ferru- gineuses que M. Buvignier signale à la base de sonooiithe infe- rieure, ainsi que les polypiers en calcaire saccharoïde qui les surmontent. Ces polypiers méritent en effet d’être mentionnés, parce qu’ils deviennent très-abondants au même niveau dans la Moselle et la Meurthe, ce qui a même fait donner au cal- caire qui les renferme, et qui est toujours placé au-dessous du f aller' s-earth , le nom de calcaire à polypiers. Me trouvant à Montmédy, tout près de la frontière de Belgi- que, ou les dénominations de terrains adoptées parM.?Dumont ne sont plus les mêmes que sur notre territoire, préoccupé aussi de la situation géologique des minerais de fer exploités, sous le nom de minette , à Mont-Saint-Martin et à Longwy, j’ai cru devoir rechercher s’il y aurait possibilité de raccorder ces dernières stations avec la Meuse et les Ardennes. Je me suis, à cet effet, transporté à Grand-Verneuil, petit village à une lieue à l’est de Montmédy, où la carte de la Meuse indique le calcaire oolithique superposé aux marnes supérieures du lias. Les roches du calcaire ferrugineux se montrent, en plusieurs points, dans les fossés de la route avec les caractères qu’on leur connaît dans les Ardennes. Ce sont des calcaires gréseux, tan- tôt durs, tantôt friables, qui ont une teinte grise quand ils ne sont pas imprégnés de limonite, et où l’on rencontre duferhy- droxydé en géodes ou en concrétions affectant différentes for- mes. Ces calcaires affleurent en descendant à un petit affluent de la Chiers, au delà duquel ils plongent sous les marnes su- périeures, qu’on suitsans interruptionjusqu’au village de Grand- Verneuil. Ces marnes sont d’un gris bleuâtre et empâtent de gros rognons de fer carbonaté argileux. Si à l’entrée du village on prend un petit chemin dirigé au N. E., on ne tarde pas à at- teindre la limite des marnes, auxquelles succèdent les roches calcaires de l’oolithe inférieure. A 4 ou 5 mètres au-dessus du contact de ces deux terrains se trouve *un lavoir alimenté par une source, et auquel aboutit un chemin creux dans lequel on n’observe que des calcaires jaunes, plus ou moins friables, et plus ou moins chargés d’oolithes ferrugineuses, dont certains échantillons rappellent la mine pauvre exploitée comme cas- tine à Longwy. Mais je me hâte d’ajouter que, dans ma pensée, toutes les couches de ce chemin creux sont géologiquement supérieures à la minette de la Moselle, qui elle aussi supporte une série de couches semblables. Au-dessus du chemin creux, NOTE DE M. MEUGY. 491 on ne voit plus que quelques calcaires jaunes avec Entroques, puis le calcaire à polypiers cristallin comme à Montmédy. Si la source du lavoir était due à une couche marneuse dis- tincte des marnes noires, et dont l’affleurement serait masqué par des éboulis, il se pourrait qu’il existât ici un lambeau de l’oolithe ferrugineuse qu’on exploite plus loin à l’Est, et dont il sera question tout à l’heure ; mais cela est fort douteux. Quoi qu’il en soit, cette formation calcaire et ferrugineuse a au moins 10 mètres de puissance, dans le point où je l’ai observée près de Grand-Verneuil. Longwy (Moselle).— Nous allons maintenant décrire la forma- tion ferrugineuse de Longwy et de Mont-Saint-Martin, où sont ouvertes des exploitations très*actives du minerai de fer qui a amené, on peut le dire, une sorte de révolution dans la fabri- cation de la fonte. Il suffit, pour faire sentir le prix qu’on atta- che à ce minerai, de dire qu’il s’en transporte journellement 50 wagons de 10,000 kilogrammes pour les usines du dépar- tement du Nord, et 20 wagons pour les hauts fourneaux belges. Ce minerai revient sur place à 2 fr. 50 environ la tonne et ne rend pas moins de 33 p. 100 de fonte. Plusieurs fourneaux ont été construits dans ces dernières années au bas de la côte deLongwy, près de la station de Mont-Saint-Martin ou du Port- Sec. On voit dans la tranchée de cette station une marne schis- teuse noirâtre qui affleure aussi dans la cour de rétablisse- ment voisin. Si l’on gravit la côte à partir de ce point pour gagner Longwy-Haut, on rencontre d’abord, immédiatement au- dessus de la marne noire, qui représente évidemment les marnes supérieures du lias, un sable jaune micacé de 15 mè- tres au moins de puissance exploité pour le moulage, avec des lits de sable gris argileux et des cordons parallèles de grès effervescent de couleur grise. Au fur et à mesure qu’on s’élève, ces parties dures prennent plus d’épaisseur et deviennent jaunâtres. C’est une espèce de grès qui forme des bancs continus superposés l’un à l’autre. Puis viennent des calcaires remplis de petites oolithes ferrugi- neuses à surface lisse et brillante alternant avec des couches de minerai plus pur et plus tendre, et dans lesquels on remarque de nombreux filons blancs de chaux carbonatée cristallisée. Les fossiles principaux sont des Bélemnites , des Lima et des Ostrea de diverses espèces, entre autres une Ostrea de forme bombée (O. ferruginea , Terquem). On n’exploite à Longwy que la couche supérieure, dont la puissance est de 2 à 3 mètres. Au-dessus de 492 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. cette couche reposent des calcaires de môme nature, mais moins riches en fer, qui sont utilisés comme castine. Vient en- suite un banc de glaise grise micacée, dont l’épaisseur vaiie de lm,50 k 4 mètres, puis une dizaine de mètres de calcaires plus ou moins ferrugineux avec Entroques, rappelant bien ceux de Grand-Verneuil, et aussi ceux de Fresnois et d Evigny (Ar- dennes), puis enfin le calcaire à polypiers. En résumé, la puis- sance de cette formation, jusqu’à la couche de glaise micacee inclusivement, serait d’environ 35 mètres, savoir: Glaise micacée Calcaires à oolithes ferrugineuses et minerai. . Grès et sables. 1,50 à 4 mètres. 10 à 12 » 20m. Un puits de recherche creusé au S. O. de Longwy, près de Cous-la-Granville , a permis de constater que le terrain dont il s’agit s’amincit rapidement dans cette direction. M. Munier, ingénieur civil à Longwy, m’a dit avoir reconnu son existence à Vezin et à Velosnes, entre Longuyon et Mont- médy. Mais le minerai n’est plus exploitable, et du reste M. Munier n’a vu dans ces localités ni la couche de glaise mi- cacée qui le recouvre, ni les sables et grès de la base. De sorte qu’il reste ici le même doute que pour Grand-Verneuil. Dans tous les cas, il est constant que la puissante formation ferrugi- neuse dont nous venons de parler r/existe pour ainsi dire plus à l’ouest, ou bien elle y est tellement restreinte qu’il devient impossible d’en tirer parti industriellement. On conçoit d ail- leurs que si la petite couche de glaise supérieure vient à man- quer, on n’a plus de repère pour distinguer les calcaires ferru- gineux qui la surmontent de ceux qui se trouvent en dessous d’elle et par conséquent on peut confondre d’autant mieux ces deux sortes de calcaires, qu’ils ont un faciès analogue etqu ils se trouvent tous deux à la base du terrain oolithique. Quoi qu’il en soit, on ne peut méconnaîtreles rapports inti- mes qui existent au point de vue minéralogique entre l’oolithe ferrugineuse de Longwy et les couches calcaires de l’oolithe in- férieure. Aussi comprenons-nous très-bien queM. Dumont l’ait rangée avec le calcaire de Longwy dans le système bathonien, et nous sommes d’autant plus porté à adopter cette manière de voir, que les sables qui forment la base de l’oolithe ferrugi- neuse constituent un dépôt de transport qui marque une pé- riode de trouble et d’agitation comme celles qui sont indiquées à l’origine de la plupart des terrains. NOTE DE M. MEUGY, 493 Belgique et Luxembourg . — Lorsqu’on suit la grande route de Longwy à Aubange et qu’on a descendu la côte le long de laquelle se font remarquer plusieurs extractions de minerai, on traverse d’abord les marnes noirâtres supérieures du lias, appelées parM. Dumont : schiste bitumineux et marne de Grand- cour , du nom d’un hameau voisin de la frontière française, entre Virton et Longwy. Puis on marche sur le terrain auquel M. d’O- malius a donné le nom de macigno ou grès calcaire. Ce terrain comprend un ensemble de couches marneuses et calcaires qui sont l’équivalent exact du calcaire ferrugineux des Ardennes et de la Meuse. J’ai reconnu à Aubange même, près de l’église, ainsi que sur le chemin de Rachecourt, ces couches minces et fissiles de calcaire gréseux micacé ou de grèsargilo-calcaire alternant avec des marnes, et généralement imprégnées comme ces dernières d’hydrate de fer qui, en certains points, s’accu- mule sous forme de géodes , en donnant lieu à un véritable minerai. Le macigno d’ Aubange renferme non-seulement les fossiles indiqués dans le calcaire ferrugineux des Ardennes, tels que la Terebratula ietraedra et la Plicatula spinosa , qui pa- raît ici beaucoup plus abondante qu’à l’ouest, mais aussi le Pecten œquivalvis et la Gryphæa cymbium (variété dilatata ) (1), Nous croyons devoir appeler l’attention sur cette dernière coquille, qui peut aider à déterminer l’horizon de certaines couches dans le département de l’Yonne. A la station d’Athus, sur le chemin de fer de Longwy à Ar- lon, il existe une grande tranchée d’environ 15 mètres de hau- teur, qui est tout entière dans les marnes schisteuses noirâtres superposées au macigno d’ Aubange. La voie suit ensuite le ruisseau de Messancy, dans le macigno et longe, entre Differt et Autel , l’affleurement des marnes moyennes ( schistes d’Èthe), qui, en ce point, ont une teinte bleuâtre. La couleur n’est donc pas un caractère qui permette de distinguer toujours les marnes moyennes de celles supérieures; et si ces marnes sont généralement grises à l’ouest dans les Ardennes et la Meuse, elles deviennent souvent plus foncées versl’est. D’Autel à Arlon, le chemin de fer traverse en tranchée, d’abord des calcaires et des marnes appartenant à la formation de Stras- sen, puis une série de bancs de grès calcaires et de sables. Ce sont bien là les mênaes roches qui constituent le calcaire sa- (1) Dewalque, Bulletin , 2e série, tome XI, p. 553. 494 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. bleux supérieur des environs de Breux et de Carignan. A Arlon môme, affleurent des sables jaunes ou bruns plus ou moins friables, et sans trace de carbonate de chaux. De la station d’ Au tel, où s’embranche la ligne de Luxembourg, à Sterpemch sur la frontière belge, la voie repose sur un terrain tres-humide dont l’imperméabilité est due aux marnes moyennes. De bter- penich à Capellen, elle traverse la large vallée de l’Eisch, qui est criblée de trous pour l’extraction du minerai de fer d a lu- vion. On arrive ensuite à la station de Marner par une tranchée qui montre distinctement des couches alternantes de marnes et de calcaire bleuâtre à Gryphites représentant les dépôts de Strassen. Ces calcaires sont exploités et donnent une très- bonne chaux hydraulique. ABertrange, en lace de Strassen, on voit le môme terrain bien caractérisé et reposant près de Meile sur ,1e grès de Luxembourg qui affleure sur les deux rives de la Pétrusse. La ville de Luxembourg est bâtie sur ce grès, dont les cou- ches nombreuses et puissantes forment des escarpements abrupts et pittoresques le long de la profonde vallée de l’Al- zelte. Les plis et replis de cette vallée détachent de la masse du grès une série de contre-forts sur lesquels sont bâties les fortifications de la place. J’ai visité quelques-unes des carrières qui touchent à la ville du côté de l’ouest et du sud-ouest. La première, toute voisine de la route de Longwy, était ouverte dans des grès solides blanchâtres et effervescents, alternant avec des sables jaunâtres plus ou moins friables et très-peu caicareux. Dans celle qu’on rencontre au sud de la ville, près d’Hollerieh, on remarque des bancs épais de grès calcaires et de sables. Les grès nuancés de jaunâtre et de bleuâtre font une légère effervescence avec les acides. Ce sont bien les mômes couches qu’à Sedan , seulement développées sur une plus grande échelle. Les fossiles y sont rares. On peut citer la Lima gigantea , un grand Nautile, des Turritelles, des Turbo, etc. On voit dans les mêmes carrières le grès de Luxembourg recou- vert très-nettement par des marnes bleuâtres avec aiguilles cristallines gypseuses et des bancs minces de calcaire argileux renfermant beaucoup de Gryphées arquées. C’est là un fait tout à fait inconnu dans le département des Ardennes, où les Gry- phites ne s’observent que dans le calcaire de Warcq inférieur au calcaire sableux de Romery et de Sedan. De cette anomalie sont nées toutes les discussions qui se sont produites à l’occasion des rapports du calcaire sableux inférieur des Ardennes avec le NOTE DE M. MEUGY. 495 grès de Luxembourg. S’il était vrai que les marnes de Strassen ù. Gryphées arquées se reliassent avec celles de Jamoigne, il faudrait admettre que le grès de Luxembourg s’amincît en coin aux environs d’Arlon, et que le calcaire sableux inférieur des Ardennes prît naissance précisément vers le même point. Dans ce cas, ce dernier serait géologiquement supérieur au grès de Luxembourg. Si, au contraire, le grès de Luxembourg se trouve exactement au même niveau que le calcaire sableux inférieur de Sedan et de Romery, il faut concevoir que les marnes à Grypbites de Strassen disparaissent à l’ouest d’Ar- lon. Cette dernière opinion, qui est celle de M. Dewalque, paraît plus conformé aux faits observés par cet habile géologue dans les environs d’Heinsch. Toutefois, comme le dit Mi Dewalque, c’est là qu’est le nœud de la question, et c’est entre Heinsch et Vance que les investigations les plus minutieuses devraient se porter pour résoudre le problème. Quoiqu’il en soit et jusqu’à plus ample informé, nous adopterons les idées de M. Dewal- que qui a exploré depuis longtemps ces localités avec le plus grand soin. Est-ce à dire qu’il ne reste plus rien à faire? Non ; car M. Dewalque dit lui-même qu’entre Heinsch et Vance les sables d’Arlon empêchent de suivre l’affleurement des marnes de Strassen, qui paraît du reste se diriger au sud-ouest dans les bois de Stokem, c’est-à-dire, en se tenant toujours à distance des marnes de Jamoigne qui, elles, suivent la rive droite de la Semois (1). M. l’abbé Wies, professeur de géologie à Luxembourg, nous a fait voir le contact du grès avec le marnes inférieures qui af- fleurent le long de l’Alzette, au nord de la ville, près d’Eich. Il est vrai que là on ne rencontre aucune Gryphée arquée; mais (1) MM. Terquem et Piette distinguent quatre zones au-dessus du grès in- fra-liasique, savoir, de bas en haut : une première zone à Ammonites pl a- norbis ou psilonotus ; une deuxième à Ammonites angulatus , comprenant le grès de Luxembourg ; une troisième zone à Ammonites bisulcatus , corres- pondant aux marnes de Strassen à Gryphées arquées, et enfin une qua- trième zone à Belemnites brevis , qui comprendrait le calcaire sableux in- férieur des Ardennes. J’avoue que, tout en ayant la plus grande estime pour les travaux de ces savants paléontologistes, je ne puis les suivre dans la même voie et que je ne désirerais rien autant que de voir confirmer strati- graphiquement leurs vues par le raccordement continu des couches des Ar- dennes et de la Belgique avec celles du Luxembourg. Dans ce cas, la suite 496 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. l’absence de ce fossile caractéristique n’est suivant toute pro- babilité qu’un accident tout à fait local, puisque plus loin, près de Metzert, au nord d’Arlon, comme aussi à Distroff, à l’ouest de Kédange, le même fossile se retrouve au même niveau géo- logique. Nous avons suivi ensuite le chemin de fer pour nous rendre directement à Hollerich, où les marnes à Gryphites de Strassen sont recouvertes par une alîuvion ferrifère, puis nous sommes allés de ce village à Gasperich, sur un plateau voisin qui borde la rive droite de la Pétrusse. Nous avons perdu alors les marnes à Gryphites dont l’épais- seur s’élève rarement au delà de 4 à 5 mètres, et auxquelles succèdent d’autres marnes de couleur grise ou gris bleuâtre avec Bélemnites, au milieu desquelles se trouvent des bancs de grès calcaire à grains fins et serrés, d’un brun jaunâtre et très-dur, employé à l’entretien des routes. Le village de Gas- perich est bâti sur ce grès qui est caractérisé par divers fossiles parmi lesquels je citerai des Bélemnites, un Peigne lisse, le Plagiostoma striatum et la Gryphœa cymbium (variété bom- bée), signalés aussi dans le calcaire sableux moyen des Arden- nes. Plus haut, on voit les marnes à ovoïdes (marnes moyennes) qui ont été anciennement exploitées pour la faïencerie de Sep t- des strates entre les points extrêmes de l’est et de l’ouest pourrait être ex- primée graphiquement par le diagramme ci-dessous : o 77777777m///7/////////////7T77M7m <3 1 Calcaire sableux supérieur. b Marnes (le Strassen. c Calcaire sableux moyen. 3 Grès de Luxembourg. 2 Calcaire sableux inferieur. a Marnes d’HelsiDgen. c’est-à-dire que le grès de Luxembourg et le calcaire sableux inférieur des Ardennes seraient séparés par la marne de Strassen à Gryphées arquées. Dans le cas contraire, au lieu de voir ces deux étages s’amincir en sens inverse l’un de l’autre, ce serait la marne de Strassen qui disparaîtrait aux environs d’Arlon, comme le montre la figure suivante : NOTE DE M. MEUGY. 497 Fontaines, et qui plongent sous le grès de Dippach, qui n’est autre que le macigno d’Aubange. Les marnes qui séparent le calcaire argileux àGryphées ar- quées et le grès calcaire à Gryphœa cymbium de Strassen ont une épaisseur très-variable. Ces deux sortes de calcaires se rapprochent jusqu’à se toucher. Mais il n’en est pas moins Vrai qu’ils ne se ressemblent en aucune manière, ni minéralogi- quement, ni au point de vue de leurs faunes, qui sont tout à fait différentes. Il convient donc de les distinguer et de diviser les marnes dites de Strassen , en deux parties : l’une inférieure à Gryphites, l’autre supérieure à Gryphœa cymbium . D’après M. l’abbé Wies, voici quelles sontles épaisseurs maximum des divers étages qui se succèdent dans le Luxembourg : Schiste bitumineux et murne de Grandcour. ..... 110 mètres. Macigno d’Aubange avac marnes d'un gris terne. 40 à 50 mètres. Marnes à ovoïdes ferrugineux (marnes moyennes) 80 mètres. Marnes et calcaires de Strassen, (partie supérieure à Gryphœa cymbium) 10 à 15 mètres. Marnes et calcaires de Strassen, (partie inférieure à Gryphées arquées) 5 à 10 mètres. Grès de Luxembourg. , loo mètres. Marnes inférieures du lias 10àl5 mètres. C’est ici le lieu de présenter quelques observations sur les teintes qui figurent sur la carte géologique de la Belgique. Les terrains compris entre le grès de Luxembourg et la marne de Grandcour inclusivement sont désignés par deux couleurs, l’une qui se rapporte à la fois aux sables et aux grès de Luxem- bourg, et aux calcaires et marnes de Strassen, l’autre au schiste et au macigno d’Aubange. Or, cette dernière s’applique à deux étages qui, dans les Ardennes et la Meuse, ont été sépa- rés sous les noms de marne moyenne et de calcaire ferrugineux. Il est bon d’appeler l’attention à ce sujet, parce qu’on pourrait être induit en erreur, comme j’ai failli l’être moi-même, par certaines publications de M. Dumont antérieures à 1852, où les marnes de Strassen sont assimilées aux marnes moyennes des Ardennes. Ainsi, par exemple, on peut s’assurer en lisant un Rapport du savant auteur de la carte de la Belgique sur un mémoire de MM. Dewalque et Chapuis, relatif à la province de Luxembourg (page 9), qu’il considérait alors les marnes moyennes et les marnes de Strassen comme formant un seul et même étage. D’après les termes mêmes de ce Rapport, on Soc. géol ., 2e série, tome XXVI. g 2 498 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. pourrait donc croire que les marnes moyennes du département des Ardennes sont comprises dans la teinte affectée au grès de Luxembourg, tandis qu’elles sont réellement englobées dans celle qui, sur la légende, se trouve en regard du titre : schiste et macigno d’Aubancje. Ces marnes moyennes sont, du reste, connues en Belgique sous le nom de schiste d' Ethe (1) que leur a donné postérieurement M. d’Omalius, et forment une bor- dure continue autour du macigno, sur le territoire belge et dans la province de Luxembourg. ... Quant à la teinte qui, sur la carte de la Belgique, indique en môme temps le grès de Luxembourg elles marnes de Strassen, elle peut être elle-même subdivisée en trois autres : 1 une ap- plicable au grès de Luxembourg proprement dit, la seconde aux marnes et calcaires de Strassen dont M. Dewalque a fait connaître les limites (2), et la troisième aux sables et grès d’Arlon et Virton. M. Dewalque a suivi l’affleurement des marnes de Strassen, de Steinfort et de Sterpenich, sur les con- tins de la Belgique et du Luxembourg, à Waltzing, Frassem, la Bellevue, Viville* la papeterie sousHeinsch, en tournant autour d’Arlon; puis ces marnes paraissent se perdre dans les bois de Stokem. Elles sont donc évidemment recouvertes par les sa- bles et grès d’Arlon et par conséquent antérieures à ces der- niers. On peut ajouter que l’affleurement des mêmes marnes s’épanouit, entre Autel et Arlon, jusqu’aux environs de Wolk- D’un autre côté, le même géologue, en partant de la frontière française, fait passer la limite nord de ces mêmes grès et sables, dont il fait un étage particulier sous le nom de grès de. Virton, près de Limes, Géronville, Meix, d’où cette limite continuerait à se diriger à l’est au milieu des bois, en passant au nord d’Ètbe, de Saint-Léger et de Châtillon. Je ferai remarquer à ce sujet que l’étage du grès de Virton de M. Dewalque se trouve dans le prolongement du calcaire sa- bleux supérieur des Ardennes et de laMeuse, qui affleure entre Carignan et Virton, notamment à Sapogne, Herbeuval etBreux, comme nous l’avons déjà dit. De sorte que la limite nord de ce grès serait en même temps la limite méridionale de la bande de calcaire sableux moyen qui, partant de Saint-Laurent, près Mézières, passe au sud de Sedan et s’étend entre Pouru-Saint- (1) Village à 4 kilom. au nord-est de Virton. (2) Mémoire déjà cité, page 245. 1 CW NOTE DE M. MEUGY. 499 Remy, Messincourt, Mathon, le Tremblois, an nord ,et Carignan, Auflance et Margny, au sud. Cette bande, dont la largeur est d’environ 5 kilomètres, pénètre en Belgique au-dessus de Vil- lers, devant Grval, et traverse la grande forêt de Merlanvaux. La difficulté que présente la circulation dans cette contrée toute couverte de bois est certainement la principale cause qui a empêché jusqu’ici de suivre la lisière septentrionale de ladite bande sur le territoire belge. Néanmoins il ne paraîtra pas trop hardi de supposer que cette ligne, qui dessine en même temps la limite sud du calcaire sableux inférieur ou du grès de Luxembourg, va se souder dans les bois de Stokem à celle qui représente la même limite autour d’Àrlon, laquelle est nette- ment indiquée de ce côté par les marnes et calcaires de Stras- sen qui semblent manquer à l’ouest. Rappelons ici la constitution de l’étage connu dans les Ar- dennes sous le nom de calcaire sableux moyen. Je crois que la description qu’en donne M. Sauvage n’a pas été interprétée d’une manière complètement exacte. Cet étage commence par les couches calcaires et sableuses de Saint-Laurent et se ter- mine par des calcaires alternant avec des couches de marne grise et noire, qu’on peut observer à Prix et à Villette sur les bords de la Meuse. Ce système plonge sous le calcaire sableux supérieur des environs de Carignan, qui n’est autre chose que le prolongement en France des sables et grès d’Arlon et de Virton. C’est, comme on le voit, la partie la plus marneuse du calcaire sableux. Les calcaires y sont argileux et donnent de la chaux plus ou moins hydraulique, et, vers le haut, les couches de sable font place à des couches de marne. Le calcaire sableux moyen paraît donc tenir la place des marnes et des calcaires de Strassen. Si nous consultons les faunes fossilifères de chaque étage dans les deux pays, nous reconnaissons dans le calcaire sableux supérieur des Ardennes, comme dans les sables et grès d’Arlon et de Virton, la Gryphœa cymbium (variété aplatie); et dans le calcaire sableux moyen, comme dans la partie supérieure des calcaires de Strassen, la Gryphœa cymbium (variété bombée). Mais nous ne voyons rien au-dessus du calcaire sableux infé- rieur des Ardennes qui puisse être comparé à la partie infé- rieure de la formation de Strassen. Il n’y a entre les premiers sédiments de cette formation et le calcaire sableux moyen rien d’analogue, et nous sommes porté à en conclure que les marnes et calcaires à Gryphées arquées de Strassen, qui repo- 500 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. sent directement sur le grès de Luxembourg, se peident à l’ouest et n’existent pas dans les Ardennes Nous sommes donc sur ce point parfaitement d’accord avec M. _ Dewa que. Mc , d’un autre côté, la grande similitude qui existe entre les > cou- ' ches supérieures du calcaire sableux moyen et ie^s caicaires supérieurs de la formation de Strassen nous porte à les placei sur le même horizon. . . . . Les faits les plus importants qu’on puisse constater dans le Luxembourg sont en résumé : 1» La superposition aux marnes à Gryphées arquees de Strassen d’autres marnes à Bélemnites, avec bancs de ca caire brun gréseux à Gryphœa cymbium. 2° La disparition à l’est des puissants dépôts sableux d Ailo et de Virton qui font suite au calcaire sableux supérieur des On peut acquérir une conviction entière à cet égard en sui- vant la route de Luxembourg à Dippach jusqu’à moins de 3 kilomètres de la ville, comme nous l’avons fait. Car on verra les marnes moyennes succéder immédiatement aux couches a Bélemnites et à Gryphœa cymbium qui, elles-mêmes, reposent sur les marnes à Gryphées arquées, superposées au grès de Luxembourg. Départements de l'est. — Il nous sera maintenant facile, en nous basant sur ces premiers résultats, de raccorder les cou- ches basiques du nord avec celles de l’est. En effet, si nous suivons la description qu’en a faite M. Levallois pour le département de la Meurthe, nous remar- quons d’abord, au-dessus des calcaires à Gryphées arquées, une première division dite des marnes inférieures , laquelle se compose de marnes ordinairement peu épaisses, à Ilippopodium ponderosum , auxquelles fait suite un système de bancs calcai- res et marneux, particulièrement abondants en Gryphœa cym- bium, et dont les plus élevés sont exploités près de Nancy pour l’entretien des routes (Essex,Tomblaines, etc.). J’ai eu occasion d’observer ces roches, qui sont souvent cristallines et qui 11e diffèrent des bancs à Gryphœa cymbium des environs de Luxem- bourg qu’en ce que la matière calcaire y est notablement plus abondante que dans ces derniers. Ce sont ces calcaires que M. Levallois a cru pouvoir appeler ocreux en raison de leur teinte jaunâtre, qui résulte de la décomposition des pyrites dont ils sont imprégnés. Ces bancs offrent d’ailleurs une assez grande régularité. Car ce sont les mêmes calcaires qui ont reçu NOTE DE M. MEUGY. 501 de M. Simon, dans la Moselle, le nom de calcaires à Bélemnites , et M. Levalloisles a suivis jusqu’à Bouzanville, aux confins des Vosges. J’ai aussi constaté leur présence à Ghaudenay, dans la Haute-Marne, à peu de distance de Chalindrey, sur la ligne de Paris à Mulhouse. Les bancs calcaires ont en ce point de 0m,30 à 0m,80 d’épaisseur; ils sont séparés par de petits lits de marne jaunâtre et contiennent beaucoup de Bélemnites, de Gryphœa cymbium (forme bombée), d’ Ammonites, de Peignes, de Térébratules, etc. Ce système, dont la puissance ne dépasse pas d’ailleurs 3 à 4 mètres, repose sur des marnes d’une épaisseur à peu près égale qui le séparent du calcaire à Gry- phées arquées. L’ensemble de ces couches s’observe très-bien dans les carrières ouvertes entre la grande route et le village de Ghaudenay. Elles sont, comme je viens de le faire remarquer, très-rapprochées l’une de l’autre et comprises sous la notation j 4 (lias bleu) sur la carte géologique de la Haute-Marne. Les couches supérieures se distinguent par leur épaisseur de celles inférieures à Gryphées arquées, qui sont ordinairement très- minces. Au-dessus de son calcaire ocreux, M. Levallois fait sous le titre de marnes moyennes une deuxième division qui comprend : Des marnes bleues, avec ovoïdes de fer carbonaté argileux, renfermant entre autres fossiles le Pecten œquimlms et une Gryphœa cymbium très-dilatée; Puis un grès calcaire, qu’il appelle médio-liasique , abondant en fossiles, parmi lesquels se trouve V Articula inœquivalvis , Y Ammonites spinatus , la Terebratula triplicata , la Plicatula spinosa; Et enfin, un système de marnes schisteuses ou schisto-bitu- mineuses, avec Posidonies et Inocérames, dans lesquelles on a aussi trouvé des débris d’Ichthyosaures. Les marnes qui forment la partie inférieure de cette division correspondent évidemment aux marnes feuilletées de la Mo- selle et aux marnes moyennes des Ardennes. Elles sont en effet au même niveau géologique; seulement leur couleur est, comme on le voit, un caractère assez fugitif, puisqu’elles sont tantôt grises, comme dans les Ardennes et la Meuse, et tantôt bleuâtres, ou gris bleuâtre, comme dans les départements de l’est. G’est sur les mêmes marnes qu’est bâti le village de Châte- nois, près Neufchâteau (Vosges). Elles ont là 30 mètres au 502 SÉANCE DE 15 FÉVRIER 1869. moins de puissance, et on y trouve des Bélemnites en giand nombre. Ce sont encore les mêmes marnes feuilletées et bleuâtres qui affleurent au-dessous de la Griffonnotte, à 4 kilomètres de Langres, sur la grande route de Mulhouse, et que traverse le tunnel du chemin de fer, entre Chalindrey et Chaudenay. Le grès médio-liasique, que M. Levallois a signale dans la Meurthe, notamment près d’Agincourt, se prolonge aussi plus loin au sud. Les échantillons que j’ai recueillis près de Nancy, à l’ancienne poudrière transformée en fabrique d’huile, con- sistent en un grès à grains fins, micacé, de couleur gris bleuâtre ou gris jaunâtre, qui fait effervescence avec les aci- des. C’est exactement la môme roche qui surmonte les marnes bleuâtres de Châtenois et que M. Élie de Beaumont a désignée sous le nom de calcaire sableux. Elle alterne avec de petits lits de marne, et certains bancs sont remplis de fossiles, parmi lesquels domine la Plicatula spinosa. Cet étage n’a dans cette localité que 15 mètres environ d’épaisseur. Mais il prend beaucoup plus d’importance dans la Haute-Marne, où il porte sur la carte géologique de ce département la désignation de marnes avec calcaire noduleux. C’est , en effet , un système principalement composé de marnes souvent ferrugineuses, qui renferment plusieurs bancs de grès calcaire jaunâtre et qui impriment un cachet particulier à tout le plateau situé à l’est de Langres. Les terres de ce plateau paraissent, en effet, très- humides, ce qui tient au peu de perméabilité du sous-sol. Une tranchée du chemin de fer, près de la gare de Langres, présente une belle coupe de ce terrain. On voit au pied de la tranchée les marnes bleues à ovoïdes, recouvertes par un sys- tème marneux gris, traversé par plusieurs cordons de grès de peu d’épaisseur. En cet endroit les marnes dominent ; mais au nord-ouest de Langres, le long de la vallée de la Marne, les bancs solides prennent plus de puissance, et on les voit dans toutes les tranchées du chemin de fer jusqu’à Rolampont, quelquefois presque en contact l’un avec l’autre, ou séparés par des intervalles marneux peu épais. Tout ce système super- posé aux marnes moyennes est l’exact équivalent du macigno d’Aubange et du calcaire ferrugineux des Ardennes. Il pré- sente même aux environs de Langres un développement com- parable à celui qu’on lui a reconnu dans la province de Luxembourg et dans la Belgique. Car je ne crois pas exagérer en attribuant à cette latitude une puissance d’au moins 40 m. NOTE DE M. MEUGY. 503 Les marnes schisto-bitumineuses noirâtres qui constituent la partie supérieure des marnes moyennes de M. Levallois se trouvent sur un horizon bien nettement déterminé. Je les ai observées près de Nancy, au-dessus du grès médio-liasique de la poudrière et à l’estacade de déchargement de la mine des Prussiens à Maxeville. Je les ai observées aussi au-dessus du calcaire sableux de Ghâtenois qui n’est autre, comme nous ve- nons de le dire, que le grès médio-liasique. Ce sont des marnes grises compactes, vers la base desquelles on remarque des calcaires bleuâtres, argilo-ferrugineux, sous forme de très- gros nodules, ou en bancs réguliers très-schisteux, se divisant en minces feuillets qui portent des empreintes nombreuses de Posidonies. Ces bancs se trouvaient bien à découvert dans le fossé qui borde la route, au point où celle-ci forme un coude prononcé pour descendre à Châtenois. Les mêmes marnes gri- ses affleurent sur toute la rampe comprise entre la route et le plateau supérieur. Vers le haut de l’étage elles se chargent de carbonate de chaux en même temps que d’hydroxyde de fer, et renferment même des veines d’un véritable minerai. J’y ai trouvé aussi des plaquettes de fer carbonaté argileux. Cette couche, à la fois calcaire et ferrugineuse, a quelquefois l’appa- rence d’une lumachelle grossière. Elle est particulièrement très-abondante en Bélemnites. Des marnes grises la séparent . du calcaire à Entroques qui couronne le plateau. Mais je m’empresse de déclarer que je n’ai rien vu là qui pût rappeler la minette de Longwy. Cette couche, ou plutôt cette succession de veines ou de petits lits ferrugineux subordonnés aux mar- nes, n’a que 2 ou 3 mètres d’épaisseur au plus, et ne paraît pas s’étendre au loin bien régulièrement. Je ne l’ai pas remarquée dans la côte de Langres, où les marnes à Posidonies atteignent cependant comme près de Châtenois une puissance assez con- sidérable qui n’est pas moindre que 50 mètres. Je serais porté à y voir quelque chose d’analogue à la couche ferrugineuse, signalée dans les Ardennes par MM. Sauvage et Buvignier, au même niveau géologique. La troisième division de M. Levallois comprend uniquement les terrains superposés aux marnes à Posidonies, qui sont si bien caractérisés à Longwy, et dont nous avons plus haut donné la description. Ces terrains offrent dans la Meurthe la même succession de couches que dans la Moselle, mais d’une manière moins complète et moins développée. Ainsi, tandis que l’ensemble de ces couches atteint à Longwy une puissance ^04 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. de 35 à 40 mètres, l’épaisseur du même terrain n’est plus que de 25 mètres environ sur les bords de la Meurthe. Si Ton se trans- porte de Nancy à l’Estacade de la mine des Prussiens, près du fourneau de M. Sépulchre, on observe d’abord, au-dessus des marnes noirâtres supérieures, des grès argileux et micacés non effervescents, bleuâtres et jaunâtres (15 mètres), puis des bancs calcaires plus ou moins imprégnés de grains ferrugineux (8 à 9 mètres), recouverts par une couche de marne argileuse de 1 à 2 mètres qui plonge sous le calcaire oolithique. La rampe du plan incliné automoteur, qui relie les extractions souterraines du minerai de fer à l’Estacade, est tout entière dans les grès argileux. Je n’y ai pas vu de sables comme au pied de la côte de Longwy. Le minerai exploité forme une couche de lm,60 de puissance presque immédiatement au- dessus du grès dont il n’est séparé que par un banc de calcaire rougeâtre de 0m,50 seulement d’épaisseur. Au-dessus de cette couche s’en trouvent d’autres, moins riches, qui sont analogues à celles qu’on exploite à Longwy comme castine. ALiverdun, à 7 kilomètres à l’ouest de Frouard, on voit les derniers affleurements de l’oolithe ferrugineuse qui s’enfonce sous les calcaires blancs de la formation oolithique, lesquels paraissent seuls en bancs multipliés dans les hautes tranchées du chemin de fer jusqu’à Fontenoy sur Moselle et Gondreville. Du côté du sud, dans les Vosges et dans la Haute-Marne, je n’ai rien remarqué entre les marnes supérieures et le calcaire oolithique qui puisse être considéré comme représentant l’oolithe ferrugineuse. Yonne. — * Il nous reste à exposer les résultats de nos observa- tions dans le département de l’Yonne. La carte géologique de ce département, exécutée par M. Raulin, indique au-dessus du calcaire à Gryphées arquées : 1° Des marnes inférieures à Bélemnites ; 2° Un calcaire à Gryphœa cymbium ; 3° Des marnes supérieures à Bélemnites. Comment ces trois groupes se rattachent-ils aux étages que nous avons étudiés plus au nord? Ici, nous ne pouvons nous appuyer sur les caractères de continuité, puisque nous nous trouvons sur une rive différente de celle que nous avons suivie jusqu’ici. Cependant, je crois qu’en nous aidant des observa- tions faites sur les lieux et en les comparant à celles recueillies sur l’autre rive du bassin, notamment aux environs de Langres, point le plus rapproché de l’Yonne où se relèvent les couches NOTE DE M. MEUGY. 505 du lias, il nous sera possible de raccorder d’une manière sa- tisfaisante les deux affleurements opposés. Nous sommes parti d’Avallon où l’on voit l’arkose, cette roche siliceuse d’origine geysérienne, recouvrant le granité qui se montre partout autour de la ville dans les gorges pro- fondes où serpente le ruisseau de Cousin. En nous dirigeant vers Vassy par la grande route, nous sommes passé presque immédiatement de l’arkose sur le calcaire à Gryphites, dans lequel ont été ouvertes plusieurs carrières actuellement rem- blayées. Ce calcaire se trouve lui-même recouvert par des marnes compactes grises où pullulent les Bélemnites qui font souvent saillie dans les fossés par suite des petits éboulis qui s’opèrent autour d’elles. Ces marnes affleurent sur toutes les éminences qui s’élèvent au-dessus des plaines basses environ- nantes. On peut distinguer, à la partie inférieure, des bancs calcaires, caractérisés par le même fossile, qui touchent presque le calcaire à Gryphées arquées. Ce dernier se montre à découvert dans une carrière ouverte près d’Étaules, entre ce village et l’église Saint-Valentin. 11 est employé avec Farkose pour l’entretien des routes, On y remarque des Gryphites en grand nombre avec des Ammonites, de petites Térébratules, des lima, etc. Les marnes dont nous venons de parler forment la base du coteau de Vassy et ont au moins 30 mètres de puissance (1). Elles sont surmontées par des couches de calcaire sableux et jaunâtre de 0m,60 environ d’épaisseur, alternant avec des mar- nes ferrugineuses, où l’on observe de nombreuses Gryphées dites cymbium , très-aplaties, des Bélemnites, des Ammonites (margaritatus , spinatus ), des Pecten ( œquivalvis , discus) , la Plicatula spinosa , etc. C’est sur ces bancs calcaires, qui ont dans leur ensemble une puissance de 10 ou 12 mètres, qu’est bâti le village de Vassy. Puis viennent des marnes très-schis- teuses et noirâtres, avec lits subordonnés d’un calcaire argilo- ferrugineux de couleur gris bleuâtre et à grains fins, exploité pour la fabrication du ciment (2). (1) Elles auraient 50 mètres d’épaisseur d’après M. de Bonnard. (Voir plus loin la coupe générale du lias (n° 3.) (2) On compte à Vassy huit veines de pierre à ciment qui, suivant leur épaisseur, sont désignées sous les noms de gros banc, de petits bacns ou de rayons. Le gros banc, dont la puissance maximum est de 0m,50 à 0m,60, commence à peu de hauteur au-dessus des calcaires à Gryphées aplaties; 506 SÉANCE DU 15 février 1869. La pierre à ciment renferme d’après une analyse de M. Du mas, insérée dans le Bulletin de la Société d encoufctgemcnt . Carbonate de chaux Carbonate de magnésie Carbonate de ter Silice Alumine.. Eau et matières organiques 63,8 1,5 U, 6 14,0 j 5,7 ) 3,4 19,7 100,0 On voit que cette pierre n’est autre qu’un calcaire argileux, mêlé intimement de fer carbonaté. Aussi le ciment de assy prend-il toujours une teinte jaunâtre. Cet étage marneux renferme plusieurs fossiles, parmi es- quels on doit surtout signaler : des Ammonites de diverses espèces ( Charmassei , Requienianus , heterophyllus , serpentinus) , des Bélemnites dont la surface est souvent recouverte d une mince pellicule pyriteuse qui leur donne une apparence aigen- tée, un gros Nautile, des Posidonies, des vertèbres d Ichthyo- saure, des troncs d’arbre transformés en jayet. M. Moreau, professeur à Availon, qui connaît très-bien la localité, n’a jamais rencontré dans la pierre à ciment le Pecten œquivalvis qui n’existe qu’avec les Gryphœa cymbium dilatées dans les calcaires inférieurs à cette formation. D’après le meme observateur, les marnes qui recouvrent la pierre à ci- ment se distinguent aussi par une faune particulière com- prenant entre autres fossiles : Y Ammonites biffons , un petit Pecten (P. paradoxus) , un polypier presque microscopique ( Fungia mactra ), le Trochus duplicatas. On y a trouvé aussi les empreintes d’un poisson indéterminé, dont un bel échantillon figure dans la magnifique collection de M. Cotteau, à Auxerre. Avant d’exposer les conséquences qui nous paraissent ré- sulter des faits que nous venons de rapporter, nous résumerons la coupe générale du terrain basique, donnée par M. de Con- viennent ensuite, à lm,35 au-dessus du gros banc, deux petits bancs de 0m,12 à 0m,15, puis quatre rayons de 0m,05 à 0m,06. Ces différents lits sont séparés par des intervalles schisteux de 0m,60 environ d’épaisseur et se voient bien dans la plupart des excavations voisines de Yassy, notamment dans une ancienne carrière sise à un demi-kilomètre du village, à gauche d’un chemin dirigé au nord-est et conduisant de Yassy à la Tour-du-Pré, qui présente une coupe assez complète sur 5 à 6 mètres de hauteur. NOTE DE M. MEUGY. 507 nard, autant pour rappeler les divers niveaux des pierres à ciment que pour embrasser d’un coup d’œil l’ensemble des couches et saisir plus facilement leurs relations réciproques. Au-dessous du calcaire à Entroques, M. de Bonnard donne la série suivante de haut en bas : m 1° Marnes bleu noirâtre ou brunes feuilletées 20,00 Marnes avec calcaire argileux et plâtre ciment 10,50 [Gisement de Vclssij). Marnes bleu noirâtre feuilletées 3,00 2° Calcaires moduleux, ferrugineux, coquillier, avec marnes brunes ferrugineuses 10,00 3° Marnes argileuses d’un gris bleuâtre 50,00 4° Calcaire argileux à Bélemnites et à chaux hydraulique al- ternant avec des marnes 3,50 [Gisement de Venarey , près les Laumes ). 5° Calcaire à Gryphites chargé de pyrites 1,80 Calcaire à chaux grasse ou peu hydraulique 8,00 Calcaire argileux à chaux hydraulique et plâtre ciment. . . . 2,00 6° Lumachelle argileuse (chaux un peu hydraulique) ou sili- ceuse 1,60 Alternances d’arkose, de grès à grains plus ou moins fins, de marnes argileuses noires et de calcaire argileux à chaux hydraulique et plâtre-ciment 14,70 [Gisement de Pouilly), On peut donc trouver des calcaires à chaux hydraulique ou à ciment, soit dans l’infra-lias, soit dans le lias proprement dit, soit dans les marnes supra-liasiques. Maintenant, nous ferons remarquer que si, comme cela paraît certain, les Posidonies et les débris d’Ichthyosaures ne se trouvent à Vassy que dans les couches à ciment, il est im- possible de ne pas placer les marnes schisteuses noirâtres de cette localité sur le même horizon que les marnes supérieures des Ardennes, où l’on se rappelle qu’on trouve des nodules et même des bancs de calcaire argileux dont la composition est précisément la même que celle de la pierre à ciment de Vassy (1). D’un autre côté, si Pon compare le calcaire sableux jaunâtre, qui se trouve immédiatement au-dessous de la pierre à ciment, au calcaire ferrugineux de MM. Sauvage et Buvignier, on re- (1) Géologie des Ardennes , p. 261, 50S SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1869. connaît dans les deux roches la plus grande analogie au double point de vue minéralogique et paléontologique. En effet, la Gryphœa cymbium aplatie, le Pecten œquivalms et la Plicaiula spinosa, qui sont associés dans le calcaire de Yassy, sont aussi les fossiles les plus caractéristiques du macigno d’Aubange. Aussi me paraît-il hors de doute que ces deux systèmes se rac- cordent souterrainement entre eux. Ce rapprochement devient encore plus frappant au fur et à mesure que nous descendons plus bas dans 1 échelle géologi- que. En effet, que trouvons-nous au-dessous du calcaire ferru- gineux de Yassy? Un nouvel étage marneux très-épais qui, d’après l’ordre de superposition bien constate dans lenoid-est de la France, dans la Belgique et dans le Luxembourg, se relie naturellement aux marnes moyennes à ovoïdes de ces contrées. Si nous descendons encore, nous rencontrons, avant d at- teindre les Gryphées arquées, un calcaire argileux à Bélemnites qui parait parfaitement correspondre au calcaire ocreux et à Gryphœa cymbium de M. Levallois. 11 est vrai que ce banc cal- caire est moins développé dans l’Yonne que plus au nord. Mais nous ferons observer que ce même banc n’a guère plus de puissance dans la Haute-Marne, où nous l’avons étudié, et nous insisterons surtout sur cette circonstance, que les Bélem- nites ne deviennent très-nombreuses qu’à partir de ce niveau. Car on n’en rencontre pour ainsi dire pas ou elles sont relati- vement très-rares, dans le calcaire à Gryphées arquées. Aussi est-il présumable que ces calcaires à Bélemnites renferment aussi la Gryphœa cymbium bombée qui caractérise les mêmes couches dans les départements de l’Est. Conclusion. — Il résulte de tout ce qui précède que les lé- gendes des cartes géologiques des divers pays que je viens de passer en revue peuvent être mises en parallèle ainsi qu’il suit : ARDENNES ET MEUSE. BELGIQUE ET LUXEMBOURG. MOSELLE ET MEURTHE. HAUTE-MARNE. YONNE. NOTE DE M. MEUGY. CO CD 13 tr o s. i-* a w *ci CD Si •r- I eus O ! vl) m *03 M CD h P CD sj « S C/2 O u-> •H (T) aS'S a O PQ *ci’ co CD U a (D Si ci D CD U I s O “CD 23 *03 X! a -2 • p-h bo >-» Su O •d en JD • rU en G/D CD Si VT) d d sco U-H d Su d CD w S- d • • rH • CD . CD C/2 > s 2 s a Co ^ q]> en Sî h co bî c ^ G 03 CO D . a § o a. 'a .ST •a s O .2 Cu -JC *oi .2 o *S § S 2 m a * O U Ï3 ni O oi D co Q3 Si 03 -p .■-i sd oa 01 s .2 w*S oi a U O 03 bo a ci £ bo 0 a? D •p 03 Si • rH 01 o 13 o D ■a D co a D a • rH bo Su • rH .03 a ^ œ JS 03 o CD 1 «4» i rH d D Sb Su • a • H Su d s 3a a o ^3 . a a d en O Su d *rU UH O O a .* bo 2 -rt Si < •v oa • __ S 03 2: en ^ en ds d î_ VD rd d< >-> o O 2 o 2 ° 2 03 3 g 2 O co ..i D .a oa o U2 g -a 5 $ 6 6 ^ CD blO CD 4-J ru C/2 £ C/2 • r— I CO .rH rd rQ rd O o m m en ✓CD Su b/D ® g co f* .2 -u rQ f> d m o -.§ en CD Su d r^H 73 U S: o» ►o bo a a o . g g Su - £h S *oi a a 03 J co 03 CO i} Si 03 2 • Pi V33 -■ g a in ci Si O CD 2 a 03 • U Si -CD Cu a D -a ii • rU r u o O Si *CD en X a, a CD D en en Su d .2 QJ d X CD • U Su 'bo a d CD a 03 scd Si !3 Si dP is cette différence ne m’a pas paru suffisante pour le sépa- rer de VHol. excisus. Loc. Aïn Musa (Ammonitide). En France, VH. excisus se montre à Fouras, àl’île d’Aix (Cha- rente-Inférieure) et au Mans (Sarthe), dans l’étage cénomanien. Holectypus Larteti, Cott. [nov. sp.). NOTE DE M. COTTE AU. 537 Holectypus Larteti, Cotteau ( n . sp.). — Par sa taille, sa forme générale, sa face supérieure épaisse et renflée, son péristome étroit et très-enfoncé, cette espèce rappelle, au premier aspect, YH. turonensis, Desor; elle s’en éloigne d’une manière positive par ses tubercules moins nombreux et au- trement disposés, et surtout par son périprocte beaucoup moins développé. Ce dernier caractère lui donne quelque ressem- blance avec le Discoidea pentagonalis , mais cette espèce est moins grande, plus renflée et plus pentagonale, et sa face in- férieure est plus plane; son périprocte se rapproche beaucoup plus du péristome que du bord, tandis que c’est le contraire qui a lieu dans YHol. Larteti. Loc. du W. Haïdan au W. Mojeb (Ammonitide). Heterodiadema libycum (Desor), Cotteau. — Cette curieuse espèce forme le type du genre Heterodiadema, et sera toujours facilement reconnaissable à l’ensemble de ses caractères, et surtout à la forme toute particulière de son appareil général, qui écbancre si profondément l’aire interambulacraire posté- rieure. Les exemplaires assez nombreux, recueillis par M. Lartet, ne me laissent ancun doute sur leur identité spéci- fique; f’un d’eux est remarquable par sa grande taille. Zoc. W. Mojeb, Àïn Musa (Ammonitide). h' H. libycum occupe un très-vaste horizon; il est abon- dant à Batna, à Tébessa, à Bou-Saada, au col de Sfa, en Al- gérie. M. Dastugue l’a rencontré, aux environs de l’Oasis de Mograr, Tahtania, sur le bord du Grand Désert; M» Desor le mentionne en Égypte; je l’ai recueilli moi-môme en France, près des Martigues (Bouches-du-Rhône), sur les bords de l’é- tang de Besse, au-dessous de la zone à Caprina adnersa. La dé- couverte de Y H. libycum, en Syrie, vient accroître encore l’extension géographique de cette espèce, qui existait à l’époque cénomanienne en Europe, en Afrique et en Asie. Cyphosoma Delamarrei, Desbayes? — Je fais suivre cette dé- termination d’un point de doute, les échantillons que je rap- porte à cette espèce étant trop mal conservés pour que je puisse être bien affirmatif ; si, d’un côté, ils se rapprochent du C . Delamarrei par leurs pores simples près du sommet, par la grosseur et la disposition de leurs tubercules, je dois recon- naître qu’ils s’en éloignent un peu par leur forme moins ren- flée, leur zone porifère moins onduleuse, leurs plaques coro- nales à sutures moins apparentes, leur appareil apicial relativement plus développé. 538 SÉANCE DIJ 4er MARS 1869. Loc. Contre-forts du Jebel Haroun, près de Petra (Idumée). Le C. Delamarrei, assez commun en Algérie, se rencontre à Batna, à Tébessa, etc., associé à VHelerodiadema libycum et parai! caractériser les mêmes couches. Goniopygns Brossardi, Coquand. — Un seul exemplaire de cette espèce a été rencontré par M. Lartet. Malgré son mauvais état de conservation, je n’hésite pas, en raison de sa taille, de sa forme légèrement pentagonale, de ses aires ambulacraires étroites et renflées et de son périprocte triangulaire à le réunir au G. Brossardi , Coquand, que j’ai décrit et figuré pour la première fois dans la Paléontologie française. Loc. W. Mojeb. M. Coquand a rencontré cette espèce au Dj. Madid Sétif, dans l’étage cénomanien; elle y est rare. Sur les onze espèces que M. Lartet a recueillies, sept, comme on vient de le dire, ont déjà été indiquées dans d’autres pays. Ces espèces, à l’exception peut-être de V Holectxypus seidalis, dont le gisement, soit en France, soit en Algérie, ne me paraît pas fixé d’une manière bien positive, caractérisent ces couches in- termédiaires entre le gault et la craie proprement dite, dési- gnées pendant longtemps sous le nom de grès verts et auxquel- les d’Orbigny a donné le nom d’étage cénomanien. La présence de ces diverses espèces d’échinides dans les couches crétacées de Syrie fournit un point de repère fort utile, et c’est avec cer- titude qu’on peut rapporter ces mêmes couches à l’époque cé- nomanienne. Séance du 1er mars 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE B1LLY. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres delà Société: MM. Poisse, ancien directeur des mines de Carmaux, ingénieur à Rodez (Aveyron); présenté par MM. Delesse et Alf. Caïllaux. Cléradlt (Fernand), ingénieur au corps impérial des DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 539 mines, rue des Écuries-d'Artois, 9, à Paris; présenté par MM. de Verneuil et Alb. deLapparent. Douvillé (Henri), ingénieur au corps impérial des mines, rue d’Assas, 116, à Paris; présenté par MM. de Chancour- tois et Edm. Fuchs. Ledoux (Charles), ingénieur au corps impérial des mines, à Alais (Gard); présenté par MM. de Billy et Edm. Fuchs. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de MM. Delesse et Alb. de Lapparent, Revue de géologie pour les années 1866 et 1867 ; in 8, 304 p. ; Paris, 1869 ; chez Dunod. De la part de MM. Aug. Dollfuset deMont-Serrat, Voyage géologique dans les Républiques de Guatemala et de Salvador ; in-4, 535 p., 18 pl.; Paris, 1868; imprimerie Impériale. De la part de M. Ch. Mayer : 1° Tableau synchronistique des terrains jurassiques ; 1 f. co- lombier; Zurich, août 1864; chez Oxell, Füssli et Gie. 2° Tableau synchronistique des terrains tertiaires de T Europe ; 1 f. colombier double; Zurich, mars 1865; chez les mêmes éditeurs. 3° Tableau synchronistique des terrains tertiaires supérieurs ; 1 f. colombier, 4e édition; Zurich, 1868; chez les mêmes éditeurs. 4° Protokoll der geologisch-mineralogischen Sektion an der Ver- sammlung der Schweizerischen Naturforschenden Gesellschaft den 25 August 1868; in-8, 12 p. ; Einsilden; chez C. et N. Ben- zinger. De la part de M. A. Bayssellance, Quelques traces glaciaires dans la vallée d’Ossau ; in-8, 8 p. ; Toulon, nov. 1868. De la part de M. W. de Haidinger, Zur Erinnerung an Fer- dinand Fr. v. Thinnfeld ; in-8, 16 p.; Vienne, 1868. De la part de M. G. H. F. Ulrich, Notes and observations on the Nuggety Reef, Maldon ; in-8, 9 p., 1 pl. ; Melbourne, ; chez J. Ferres. 540 SÉANCE DU 1er MARS 1869. Le Secrétaire donne communication des décisions sui- vantes prises par le Conseil dans sa séance du 4 janvier dernier : « La Société 1° accorde à chaque membre deux feuilles « d’impression, au plus, pour chacune de ses communi- a cations et quatre feuilles pour la totalité de ses commu- te nications pendant une année; « 2° Elle prélève sur chaque membre, dont les com- « munications ne rentreraient pas dans ces limites, une « indemnité proportionnelle à l’excédant. » M. Tombeck fait la communication suivante : J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société, au nom de M. l’abbé Vallet, quelques fossiles qui ont failli être l’occa- sion d’une grosse, question dans la science. Ces fossiles (une Dicérate, une Nérinée, desAstartes, desTrigonies, une Corbis, des polypiers) ont été recueillis au-dessus du village de Saint- Claude, près de Chambéry, dans une oolithe blanche, à gros grains, en tout semblable à l’oolithe corallienne. Ils ont été examinés par des paléontologistes dont l’autorité fait, d’ordi- naire, loi dans la science, et ces messieurs n’y ont vu que des fossiles coralliens. Et cependant l’oolithe qui les renferme paraît bien évidem- ment reposer sur plus de 200 mètres de calcaires valanginiens, et est surmontée par les couches néocomiennes h Ostrea ma- croptera et à Ostrea Couloni el Toxaster complanatus. Heureusement, la paléontologie a fini par se mettre d’accord avec la stratigraphie. M. Munier-Chalmas a, en effet, reconnu dans la Dicérate de Chambéry un fossile déjà trouvé dans l’é- tage néocomien ; de mon côté, je n’ai vu dans les polypiers que j’ai recueillis moi-même, ou qui m’ont été communiqués par M. l’abbé Vallet, que des genres et même des espèces déjà recueillis par moi dans les terrains néocomiens des environs de Vassy. Enfin j’ai trouvé dans ce même gisement un exem- plaire de la Belemnites pistiiliformis , ce qui tranche la question. Ces fossiles sont donc bien néocomiens comme le veut leur gi- sement. Mais il reste de là cette conclusion : c’est que, quand un même faciès minéralogique reparaît à des époques différentes, il ramène, sinon une faune identique, au moins des faunes tel- NOTE DE M. COQUAND. Ml lement voisines, qu’il faut quelquefois au géologue une attention sévère pour ne pas s’y laisser tromper. M. Tardy, qui a parcouru le bassin du Rhône en novembre 1868, fait une communication qu’il résume ainsi : Les plaines qui s’étendent de Nîmes au méridien (Est 2° 30°) sont fortement colmatées; c’est l’ancien estuaire du Rhône. Au contraire, la craie située à l’est de ce méridien est aride. C’est un cône de déjection aqueuse, dont la pente est de 3“,25 par kilomètre, et dont le point d’origine est à 105 mètres d’alti- tude au col de Lamanon, qui sépare la Crau de la Durance. Il est donc évident que, dans les grandes crues de la Durance quaternaire ou antérieure, une partie des eaux passait torren- tiellement par le col sur la craie et n’y pouvait déposer que des cailloux et du limon. L’autre partie des eaux (environ les deux tiers) formait les diverses crues que l’on connaît au nord de la chaîne des Alpines. Leurs âges, s’ils pouvaient être déterminés, fixeraient l’époque des différentes érosions du lit du Rhône et la durée relative de chaque lit. M. de Mortillet pense que les poudingues diluviens de la Crau ne sont pas de produit d’une seule crue, mais qu’ils ont été déposés aux diverses époques de creusement de la vallée du Rhône. Après quelques observations de MM. Écl. Lartet et Tardy sur le débit probable du Rhône à l’époque quaternaire, le Secrétaire communique la note suivante de M. Coquand : La Crau , sa composition géologique et son origine ; par Ma Coquand. CHAPITRE PREMIER. Description géologique , On sait que, dans le midi de la France, l’expression de crau sert généralement à désigner une région ou un terrain com- posé de cailloux. La grande plaine caillouteuse qui s’étend, comme un Sahara pierreux, entre la chaîne des montagnes des 542 SÉANCE DU 1er MARS 1869. Alpines et la Méditerranée, dans le département des Bouches- du-Rhône et que le chemin de fer traverse dans ses plus grands axes, est la Grau par excellence à cause de sa vaste étendue, et, depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, elle a eu le privilège d’attirer l’attention des esprits observateurs. 500 ans avant Jésus -Christ, Eschyle (1) raconte dans sa tragé- die de Prométhée, que Jupiter fit pleuvoir l’immense quantité de cailloux, dont sa surface est recouverte, pour fournir des armes à Hercule qui avait épuisé ses traits en combattant les Liguriens. Vers le milieu du seizième siècle, Soléry, dans sa géogra- phie manuscrite de la Provence, a, le premier, émis l’idée que la plaine de la Grau avait été formée par la Durance, qui, au lieu de suivre son cours actuel, se serait ouvert, à l’époque de la dispersion de cailloux, un passage à travers la vallée de La- manon. Le naturaliste Lamanon, par des recherches très-lon- gues et des observations très-exactes, dit l’auteur de la Statisti- que des Bouches-du-Rhône, reconnut la vérité de cette asser- tion; mais le môme auteur se hâte d’ajouter que, sans le concours de l’élévation de la mer, la Durance n’avait pu former une plaine de cailloux aussi vaste que la Grau. C’était s’enrôler en plein, ainsi que nous le démontrerons plus loin, dans la phalange des fabricateurs des systèmes du monde, en entrant dans le domaine des hypothèses, sans tenir aucun compte des faits d’observation et des impossibilités qu’ils dévoilent. Saussure s’est occupé également de l’origine de la Crau et de la provenance de ses cailloux. Il combat l’opinion de Lama- non, mais il lui en substitue une autre bien moins acceptable, et qui se ressent singulièrement des idées qui gouvernaient, de son temps, la géologie. Saussure, avant tout, était un liiho- logue habile. M. le comte de Villeneuve, préfet du département des Bouches-du-Rhône, en traitant, à son tour, le même sujet en 1821, est tombé dans des erreurs bien autrement graves que celles que l’on peut relever dans les écrits des deux naturalis- tes que nous venons de nommer, sans avoir, comme eux, des droits à la môme indulgence. Et, chose faite pour étonner, (1) La pluie d’Eschyle rappelle celle dont parle Josué dans la bataille de Béthoron. 11 serait curieux de savoir s’il existe une crau dans cette localité. On serait tenté de le croire, d’après le rapport du P. Berruyer qui l’a dé- couverte à Azéca, qui se trouve à plusieurs lieues de Béthoron, (Lamanon, manuscrits). NOTE DE M. COQUAND. 543 nous voyons les géologues modernes, accepter de confiance, sans les contrôler, les théories fausses de Lamanon et de la Statistique. Placé en présence d’une foule de contradictions impossibles à concilier, nous avons pris le parti de subordonner au prin- cipe d’autorité, toujours dangereux dans les sciences d’obser- vation où les faits sont tout, l’étude des causes qui avaient pu leur donner naissance, et nous nous sommes livré, sans idées préconçues, à l’examen géologique de la Grau, convaincu que c’était le moyen, sinon le plus court, du moins le plus sûr, de parvenir à dissiper l’obscurité qui enveloppe encore la ques- tion si controversée et si délicate en même temps de l’origine de la fameuse plaine. Pour procéder avec méthode, il devenait indispensable de dresser l’invenlaire et de bien préciser l’âge, dans la région qui constitue la Crau, des divers terrains qui contiennent des cailloux roulés ou des poudingues, et de faire, grâce à cette ventilation (qu’on veuille bien me passer cette expression em- pruntée au droit), la part des cailloux qui appartiennent réel- lement à la Grau, et la part de ceux qui appartiennent à des formations plus anciennes ou plus modernes, cailloux que Ton a constamment confondus, en les ramenant à un niveau unique, et qui, lorsque le moment est arrivé des explications théoriques, ont fait surgir les hypothèses les plus audacieuses, et ajoutons, les plus fausses en science. Disons de suite, afin d’indiquer à l’avance toute la partie de la question, qu'il existe dans le champ que nous avons à décrire, cinq époques géolo- giques distinctes qui contiennent des poudingues ou des cail- loux roulés, comme cela va ressortir clairement de notre étude. § I. Premier niveau de cailloux et de poudingues appartenant à la formation crétacée. Le système garumnien de M. Leymerie, introduit depuis peu d’armées dans le domaine de la science, comprend, comme on le sait, entre la craie supérieure de Maestriclit et la formation tertiaire éocène, une série de couches de composition com- plexe, parmi lesquelles se font remarquer, dans le départe- ment des Bouches-du-Rhône et dans celui de l’Hérault, des bancs très-puissants d’argiles d’un rouge amarante très-vif, admettant, comme roches subordonnées, des brèches et des 544 SÉANCE DU 1er MARS 1869. poudingues. Ces argiles rubiennes , pour me servir du nom que leur a valu leur coloration, sont très-largement développées dans la vallée de l’Arc, notamment aux environs d’Aix, où elles contiennent le fameux marbre du Tholonet, constituent les barres de Rognac et de Vitrolles, à l’est de l’étang de Berre, et viennent expirer, près de Foz, dans les marais qui séparent le plateau de la Crau du delta du Rhône. Lorsque de Martigues on se rend à Foz par la rive droite de l’étang de Caronte, on coupe une presqu’île qu’occupe presque en entier la commune de Saint-Mittre jusqu’en face du Mas de Bourdin, on traverse des argiles rouges fouettées de gris qui forment la base de l’étage garumnien. A Bourdin même, on constate l’intercalation de bancs subordonnés de poudingues d’épaisseur variable, mais très-irréguliers dans leurs allures, comme le sont généralement toutes les couches produites par une cause violente. Les cailloux calcaires prédominent, et on y reconnaît facilement des représentants des formations juras- siques et crétacées des contrées environnantes. Leur volume, de petit calibre, si on le considère en bloc, varie depuis la grosseur d’un œuf de poule jusqu’à celle du poing ; quelques- uns cependant atteignent les dimensions dune demi -tête d’homme; mais ils sont très-rares. On y remarque également des cailloux, de quartzite, blancs dans la cassure, mais à la surface recouverte d’une patine ocracée ou rougeâtre, des schistes siliceux (phtanites), rubannés, verdâtres ou jaunâires. Ces quartzites ne peuvent être distingués de ceux de la Grau, et ont très-probablement la même origine, ou du moins pro- viennent de terrains analogues. Nous avons observé aussi quel- ques cailloux de quartz blanc et de granité, mais dont le feld- spath passé à l’état de kaolin les convertissait en une roche pourrie, chez laquelle les caractères primitifs étaient effacés. On remonte la série géologique à mesure qu’on se rapproche de la mer, et on peut constater alors que les bancs de poudin- gues, d’abord subordonnés aux argiles, se les subordonnent à leur tour et deviennent prédominants. De plus, comme ils tendent à se désassocier, à cause de l’incohérence qui tenait unis leurs éléments, ceux-ci se rendent libres, et forment, à partir de la côte, au-dessous du niveau de laquelle ils plongent, jusqu’à la base de la mollasse marine sous lesquels ils s’enfon- cent au nord, une véritable Grau, un campus lapideus que dé- paissent les troupeaux, mais séparée de la grande Grau qua- ternaire par toute l’épaisseur de l’étage miocène, et dont il NOTE DE M. COQUAND. serait bien difficile de la distinguer, si ce n’est par l’âge, c’est- à-dire, par un niveau géologique différent. Sur le plateau qui supporte le Mas de Milan, on peut obser- ver des bancs très-inclinés de poudingues qui mesurent de 3 à b mètres, et qui alternent, jusqu’au rivage de la mer, avec des argiles rouges. Les poudingues horizontaux de la Grau n’attei- gnent jamais une pareille puissance. Si, à la base de la forma- tion garumnienne, les cailloux calcaires prédominent, comme nous l’avons constaté à Bourdin, ce sont les cailloux de quart- zitequise montrent les plus abondants dans la partie supé- rieure. Ainsi le quartier connu sous le nom de la Grande-Colle n’est, à proprement parler, qu’un plateau de cailloux roulés, élevé de 60 mètres au-dessus de la Méditerranée, et par con- séquent de 27 mètres au-dessus de la plaine de la Grau, tandis qu’au-delàdu canal de Bouc à Arles les mêmes cailloux sont recouverts par les eaux de la mer. Cette différence d’altitude tient uniquement à la dénivella- tion des couches du système garumnien, dont l’inclinaisonj dans le trajet de Martigues à Foz, oscille entre 12 et 45 degrés. Elle est plus forte toutefois dans les environs de Bourdin qu’à Milan, où elle atteint son minimum. On comprend de suite que c’est surtout sur les points où les couches se montrent le plus aplaties que la désagrégation des poudingues tend à former des plaines ou des plateaux caillouteux, donc une Grau. Mais il ne faudrait pas confondre la Grau de la Grande-Colle avec la Grau proprement dite, ainsi que l’a fait, si mal à pro- pos, l’auteur de la Statistique. Il ne faut pas trop s’étonner d’ailleurs du nombre prodigieux de cailloux roulés dont le sol de la région que nous décrivons est parsemé, si on veut bien reconnaître avec nous que les pou- dingues polygéniques s’y montrent, à plusieurs niveaux, au milieu des argiles garumniennes, et qu’en certains points, dans la cuvette même du canal de navigation d’Arles à Bouc, leur épaisseur atteint, si elle ne le dépasse même, le chiffre respectable de 40 mètres, tandis que les poudingues quater- naires de la Grau approchent rarement de celui de 4 à 5 mètres. § II. — ■ Deuxième niveau de poudingues et de cailloux appartenant à la formation tertiaire (étage falunien). • ■ >"■ Gomme l’intervalle qui sépare le plateau caillouteux de Mi- lan de la plaine de la Crau'est insignifiant, deux kilomètres au Soc. (jéol.: 2 e série, tome XXVI. 35 546 SÉANCE DU ior MARS 1869. plus, et qu’après avoir franchi le Pont-du-Roi, on tombe en plein dans le marais, tout autre observateur qu’un géologue pourrait être entraîné à confondre ces deux dépôts pour ainsi dire contigus, de composition presque identique, mais d’âge différent, et de les rapporter à une même époque. Mais, pour se prémunir contre une confusion decette nature dans laquelle sont entrés presque tous les auteurs qui ont écrit sur la Grau, on a les coteaux qui barrent l’horizon au nord de Milan et dont la position géologique permet d’établir une séparation nette et radicale entre les deux formations. Ces coteaux ap- partiennent en effet à la mollasse miocène, si bien caractérisée dans toute la Provence littorale, et que l’on voit s’étendre di- rectement et transgressivement sur les argiles et les poudin- gues garumniens, qui sont d’origine lacustre, sans qu’il soit possible d’observer un passage ménagé entre les deux. Yoici la coupe que nous avons relevée entre les coteaux de Milan et la mer. Elle porte avec elle son enseignement et peut se passer de commentaires. Milan. Canal. Méditerranée. A. Mollasse coquillière tendre, fournissant des pierres de taille : 25 mètres. B. Mollasse coquillière avec cailloux de quartzite disséminés : 10 mètres. C. Banc de cailloux libres ou agglutinés en poudingues avec des valves à’Ostrea dépareillées et usées : 2m,5Q. D. Banc à’Ostrea entières avec cailloux de petit calibre disséminés : 2 m. E. Sable jaune et gravier grossier : 1 mètre. C’est par cette dernière assise que débute la mollasse. Au-dessous se développe l’éiage garumnien. F. qui consiste en une soixantaine de mètres de poudingues et d’argiles rouges alternantes. NOTE DE M. COQUAND. 547 La discordance de la mollasse par rapport à cette dernière formation est flagrante, et il devait en être ainsi, puisque, sur le point que nous décrivons, il manque, entre les deux termes de la série stratigraphique, toute l’épaisseur de l’étage éocène, et de plus les gypses d’Aix, ainsi que les calcaires lacustres qui les surmontent. Les cailloux provenant de la désagrégation des poudingues miocènes se mêlent avec ceux de l’étage garumnien et contri- buent, quoique dans une proportion comparativement assez faible, à rendre les plateaux de la Grande-Colle plus caillouteux encore. Toutefois, ce sont les falaises garumniennes de la pointe de Saint-Gervais qui fournissent à la mer actuelle les matériaux roulés que l’on remarque dans le cordon littoral du golfe de Foz et qui les ont fournis à d’autres cordons littoraux plus anciens, engagés dans l’intérieur des terres, cordons dé- signés par le mot provençal de couadoulière (amas de cailloux) et que les archéologues ont considérés, les uns, comme des chaussées élevées de main d’hommes, destinées à protéger contre les attaques de la mer le canal de dérivation creusé par Marius, et les autres comme une grande voie romaine qui au- rait abouti au marais impraticable de Galéjon, où tout établis- sement était impossible et de plus sans utilité (1). (1) Voici en quels termes s’exprime à leur sujet M. Saurel dans sa No- tice sur les Fossœ Marianœ, 1865, p. 25 ; « C’est évidemment une voie romaine dont la conservation est telle qu’il n’est guère possible d’élever des doutes sur son origine. Ce chemin commence aux bords mêmes de l’étang de Galéjon, côtoie la mer à une distance de 1 kilomètre environ et est éta- bli dans les marais qui séparent ce même étang de Galéjon de la Pointe de ; Saint-Gervais. Elle a près de 5 kilomètres de longueur, depuis son point de départ jusqu'aux approches de Foz. Elle est formée par un empierrement de galets de la mer , mélangés de sable et de terre. » Millin fait également mention de cette prétendue voie romaine. M. Des jardins qui a rédigé une étude très-détaillée sur les embouchures du Rhône (Paris, 1866, p. 38), à l’occasion du creusement actuel du canal de Saint-Louis à la mer, dit, en parlant des couadoulières : « La levée prise par M. Saurel pour le chemin de Marius n’est pas unique. Il en existe une autre plus près de la mer et suivant une direction souvent parallèle à la première. Leur écartement, dans les points où le parallélisme cesse, varie de 100 à 500 mètres entre l’étang de Galéjon et Foz. Ces deux levées sont construites de même avec des pierres apportées de la crau , et leurs inter- stices sont remplis de terre d’alluvion; celle du sud a 11 kilomètres, à la base 30 mètres et au sommet 7 mètres. Elle est élevée de 0m?46 au-dessus 548 SÉANCE DU 1er MARS 1869. L’existence de bancs puissants de poudingues, à la base de la mollasse est un fait général dans la Basse-Provence. Aie. d’Or- bigny (1) mentionne qu’il a eu l’occasion d’observer au Rouet de Carry, sur la côte opposée à Marseille, que l’étage falunien a pour base des assises puissantes de poudingues contenant de nombreux galets de la Durance , semblables à ceux de la Crau. La mollasse se continue, à partir de Foz, jusqu’au delà de Salon, où elle s’appuie contre les montagnes néocomiennes, et elle constitue une série de coteaux bas qui limitent du sud au nord la plaine de la Crau. Or, comme l’inclinaison des couches est vers l’ouest, celles-ci ne tardent pas à disparaître sous le manteau des poudingues delà Grau, comme il est facile de s’en assurer à la station de Miramas et sur une foule d’autres points. Il existe dans les environs immédiats de Foz, et presque en contact les uns avec les autres, quatre dépôts de cailloux d’âge tout à fait différent, donnant naissance à deux Craux, l’une créée surplace aux dépens des poudingues garumniens et faluniens, l’autre plus moderne et formée de matériaux qui n’existent pas en place dans la contrée, mais qui ont été trans- portés de loin par des courants énergiques et dont la direction et le point de départ sont connus. Quant aux couadoulières , leur dépôt est certainement de l’époque contemporaine. Il était indispensable de bien établir cette distinction, parce que les faits qui s’y rattachent conduisent à des conséquences de première importance, de la même manière que ces mêmes faits mal interprétés par plusieurs observateurs, et notamment du sol et de lm,26 au-dessus de la basse mer. La couadoulière du nord a à sa base 41®, 50, au-dessus du sol de lm,88 à 2m,80 et de 2m,31 à 2m,93 au-dessus de la basse mer. Ces deux digues avaient pour but de contenir les eaux du canal (de Marius). Leur écartement montre qu’il s’agissait d’une masse d’eau considérable. » Dire que les prétendues digues sont formées de cailloux de très-petite di- mension, arrachés par la mer aux falaises garumniennes de Saint-Gervais, et non point de cailloux delà Grau; qu’ils sont mélangés avec du sable de rivage et des débris roulés de coquilles marines; ajouter que la mer, quand les vents du midi soufflent, n’avait besoin que d’une seule vague pour ba- layer et précipiter dans le canal le frêle édifice destiné à le protéger, c’est démontrer suffisamment, en négligeant toute autre considération, l’infirmité des déductions imaginées par les deux savants archéologues dont nous ve- nons de reproduire l’opinion. (1) D’Orbigny, Géologie stratigraphiqne , p. 785. NOTE DE M. COQUAND. 549 par l’auteur de la Statistique , les ont entraînés dans un sys- tème d’applications erroné de tous points, dans un labyrinthe sans issue. On va en juger. En parlant de quelques vallons creusés au milieu des colli- nes qui courent d’Istres à Foz, il est dit dans cet ouvrage (1), que les vallons sont bordés de chaque côté par des roches cal- caires (molîasse| assises en bancs horizontaux sur le poudingue de la Cran. Il ajoute ensuite : « ce poudingue qui compose le sol de la Crau est le même que celui de Lamanon, de Sénas et de Saint-Rémy, et il est incontestable que les galets sont ceux de la Durance. Le poudingue occupe non-seulement la plaine de la Crau, mais encore il passe sous les collines d’Istres, du Plan d’Aren, de Foz, et de toute la presqu’île qui est entre le golfe de Foz et l’étang de Berre. On voit le poudingue sous le calcaire qu’on a taillé pour creuser le canal de communication qui va de l’étang de Berre à celui d’Istres, dans le val d’Antoulen, dans le canal de Bouc et dans plusieurs autres endroits du bord de la mer, du côté de l’étang de Caronte. D’autres obser- vations, faites sur les lieux avec beaucoup de soin, prouvent que le poudingue est recouvert par les collines riveraines delà Crau dans toute la circonférence de cette plaine, et qu’il passe par la vallée de Lamanon, dont il occupe toute la longueur, dans le bassin de Sénas jusqu’aux bords de la Durance. » Ainsi le terrain de la Crau, d’après la Statistique , serait l’aîné de la formation miocène, et son origine remonterait à des milliers de siècles antérieurs à la période quaternaire; et cette antériorité lui est déférée, parce que l’on a confondu les cailloux des alluvions modernes de la Durance avec les cailloux roulés par lesquels débute la mollasse marine. Or, comme ceux-ci se retrouvent dans la même position à Lamanon, c’est-à-dire, sous la mollasse qui constitue le col par lequel on pénètre avec le plus de facilité de la Crau dans la vallée de la Durance, on a proclamé, en violant de la manière la plus arbitraire les lois de la superposition, la contemporanéité de ces cailloux mio- cènes avec les cailloux de la Crau et la contemporanéité des uns et des autres avec les cailloux des alluvions modernes de la Durance. Voilà donc, grâce à cette explication, quatre dé- pôts de cailloux, appartenait incontestablement à quatre épo- (1) Statistique du département des Bouches-du-Rhône , par M* de Ville neuve, t. I, p. 66. 550 SÉANCE DU l*r MARS 1869. ques différentes et séparés les uns des autres par des intervalles de temps très-longs, réunis et attribués à une époque unique, par la raison seule qu’ils contiennent des cailloux que 1 on le- ; trouve dans le lit actuel de la Durance. Et c’est à cette erreur inqualifiable qu’est due l’invention d’une série d’hypothèses gratuites, à l’aide desquelles on vou- drait établir, que, pendant l’époque diluvienne, la Durance, après avoir renversé les obstacles que lui opposaient ies mon- tagnes qui réglaient son cours et qui le règlent encore aujour- d’hui, avait pu le réfracter à angle droit, en face de Mallemort, changer brusquement de direction et déserter une plaine plate, située en contre-bas de la pente naturelle, qui par con- séquent ne lui offrait aucune résistance, et que les lois de l’hydrostatique lui faisaient une loi de suivre, pour se creuser un lit à travers le rempart montagneux de Lamanon et deverser ainsi dans la plaine de la Grau qui, à cette époque, aurait été un golfe, la mer de cailloux qui la recouvre. Cette opération impossible une fois accomplie, la Durance se serait décidée à reprendre son aimable lit, et à renverser de nouvelles montagnes pour devenir à nouveau tributaire du Rhône. Nous aurons à revenir plus tard sur cette fameuse théorie de Lamanon qui fait encore autorité en science, et qui, en realite, ne repose sur aucune base sérieuse. Et cependant le Rhône, dont le volume des eaux est bien plus considérable, qui, au- jourd’hui môme, dans ses périodes de grandes crues,, vient inonder la base de la Grau, jusqu’à la hauteur de Mouriès, et qui, à l’époque des alluvions anciennes, n’avait point encore creusé son lit aussi profond qu’il l’est en ce moment, ni donné naissance au delta de la Camargue* aurait abdiqué en faveur de la Durance, et lui aurait laissé remplir, sur sa rive gauche, un rôle qui était le sien, dont il ne pouvait s’affranchir et dont il s’acquittait si merveilleusement, et sur une si grande échelle sur sa rive droite, en y déposant une Grau languedocienne équivalente à la Grau provençale. M. Jacquemin (t) commet la même erreur que la Statistique en écrivant, qu’en suivant le poudingue de la Grau depuis le pont de Ghamet (près d’Arles), où il commence à se montrer, jusqu’au delà de Fontvieille, dans la direction des Baux, on le voit disparaître d’abord sous les immenses amas de tourbe qui (1) Jacquemin, Guide duvogageur dans Arles , 1835, p. 65. NOTE DE M. COQUAND. mi comblent les bas-fonds intermédiaires, puis s’enfoncer sous le calcaire coquillier (mollasse miocène) exploité pour les con- structions. Plus près du village des Baux* la superposition des deux roches est encore plus évidente. La présence des poudingues à la base de la mollasse n’est point une particularité spéciale à la mollasse des Bouches-du- Rhône seulement. Elle se manifeste également sur les bords du Rhône, où elle débute par des sables et des poudingues. M. Sc. Gras (1) décrit à Barris et à Vacqueyras, dans le départe- ment de Vaucluse, des poudingues dans cette position qui ac- quièrent une puissance de 15 à 18 mètres, trois fois au moins celle des poudingues quaternaires de la Crau. § III. — - Troisième niveau de cailloux el de poudingues appartenant à la formation pliocène. Depuis longtemps M. Ëlie de Beaumont a appelé, dans un célèbre mémoire, l’attention des géologues sur la plaine élevée que le département des Basses-Alpes renferme dans sa partie méridionale et qui, vers l’ouest, est limitée par une chaîne de montagnes formées principalement de mollasse. Ce vaste bas- sin a été rempli par un puissant terrain d’eau douce qui, sur tous les points où il est en contact avec la mollasse, la recouvre directement. 11 est essentiellement composé de poudingues, de cailloux incohérents, de marnes argileuses, grises ou rou- geâtres, d’argiles sableuses et de grès friables à ciment mar- neux. L’immense majorité des cailloux dont il est composé appartient à des calcaires. M. Sc. Gras (2), qui s’est occupé spécialement de cette forma- tion, fait remarquer que lorsqu’on compare les poudingues ter- tiaires aux dépôts quaternaires des bords de la Durance, avec lesquels ils sont en contact immédiat sur de grandes lon- gueurs, on est frappé de la différence qui existe entre eux sous le rapport de la composition. Les dépôts quaternaires ren- ferment une proportion de roches alpines cristallisées, parmi lesquelles on en distingue sans peine qui sont propres au dé- (1) Sc. Gras , Description géologique du département de Vaucluse , 1862, p. 194. (2) Sc. Gras, Loco citato} p. 216. SÉANCE Dü 1er MARS 1869, parlement des Hautes-Alpes. Dans le poudingue tertiaire, on n’en trouve pas une seule. Il est clair, par conséquent, que le terrain s’est formé à une époque où la pente générale du sol n’était pas la môme que de nos jours. La vallée de la Durance n’était pas encore recouverte. Relevé jusqu’à la verticale et souvent même renversé, entre Yaionne et Digne, le terrain tertiaire supérieur s’incline insen- siblement vers le sud du département, où il ne conserve plus qu’une faible pente. Son épaisseur, qui atteint 200 mètres à Valonne, se réduit à 80 à Gubières, sur la frontière de Vau- cluse, et à 1 5 à 20 mètres près du pont de Mirabeau M. Sc. Gras en cite des dépôts, en face des Alpines, entre les torrents de Laval et de Mardarie, sur le plateau de Cadenet,et à Puyvert, sur la gauche de la route de Gadenet à Cucuron. Enfin le dépôt le plus méridional, et par conséquent le plus rapproché delà mer, constitue le fond de la plaine de la Grau, ainsi que celle d’Eyragues, et n’a rien de commun avec les cailloux roulés qui les recouvrent et qui appartiennent à l’épo- que quaternaire. L’auteur de la Statistique a méconnu son existence, bien que Saussure (i) eût déjà établi la distinction de ce poudingue tertiaire d’avec les cailloux superficiels. En effet, le naturaliste génevois dit que le pont de Crau, près d’Arles, est dominé par des collines composées de cailloux roulés, mais de tout autre genre que ceux de la Grau. Ils sont bien plus petits et puis, calcaires, dans la proportion des neuf- dixièmes. Effectivement, on n’v remarque aucune des roches euphotidiques, granitiques ou porphyriques, qui sont propres aux montagnes des Grandes-Alpes, et qui se montrent dans les alluvions anciennes et modernes du Rhône et de la Durance. On y observe cependant des cailloux dequartzite, particularité qui ne se produit jamais dans les dépôts contemporains des Basses-Alpes. Nous aurons à expliquer cette différence impor- tante. Jacquemin, dont la science archéologique déplore la perte récente, a donné plus de corps à l’observation de Saussure, en décrivant la Grau de la manière suivante (2) : « Nous n’avons pas été longtemps sans nous apercevoir qu’il suffisait de la plus légère attention pour s’assurer que le pou- (1) Saussure, Voyage dans les Alpes, 1796. (2) Jacquemin, Guide du voyageur dans Arles, p. 68. NOTE DE M. COQUAND. 553 dingue qui forme le terrain le plus ancien de la Crau et les cailloux détachés de sa surface sont entièrement indépendants les uns des autres, et qu’ils appartiennent à des époques géo- gnostiques évidemment distinctes. « Le poudingue déposé sur une grande étendue en bancs puissants et presque horizontaux alterne à plusieurs reprises avec des lits de sable, de gravier et de cailloux non agglutinés. Il est presque entièrement composé de petits galets calcaiçps, liés entre eux par une pâte silicéo-calcaire, ayant tous les ca- ractères du grès-mollasse proprement dit. Dans beaucoup d’endroits les galets diminuent de volume, deviennent de plus en plus rares et clair-semés, puis enfin ils disparaissent entiè- rement, et alors le poudingue se trouve remplacé par du véri- table grès mollasse. a Les cailloux détachés de la surface, au contraire, beaucoup plus gros que ceux qui entrent dans la composition du pou- dingue, appartiennent spécialement aux terrains Inférieurs (anciens) et sont presque tous quartzeux, à l’exception du petit nombre de porphyres, de jades, de granité et devariolites qu’on y trouve. La présence de celles-ci semble devoir ne laisser aucun doute sur l’origine de ces cailloux, dont les analogues se trouvent encore aujourd’hui dans le lit de la Durance. Il est évident qu’ils ont été amenés là par cette rivière dans un temps où 1 e. volume de ses eaux beaucoup plus considérable se pré- cipitait dans un lit dont la place variait selon les accidents, et où elle se jetait à la mer par une embouchure distincte de celle du Rhône. Selon nous, la différence qui existe entre le poudingue de la Grau et les cailloux détachés de sa superficie est telle que le poudingue s’est formé sous les eaux de la mer, à une époque où la série des terrains qui composent l’écorce du globe n’était pas achevée, tandis que les cailloux de la surface, au contraire, ont été amenés là où ils sont aujourd’hui, dans un temps où il ne se formait plus de terrains proprement dits. Ils pourraient être classés dans les terrains de transport anté- historiques les plus modernes et rapportés à l’époque des cail- loux de la vallée du Rhône, » En rapportant le poudingue calcaire de la Crau au terrain de mollasse, Jacquemin a reproduit l’erreur déjà commise par la Statistique , et en faisant provenir les cailloux quaternaires de la Durance, il a répété l’opinion de Lamanon. Les poudingues tertiaires alternent avec des argiles rouges, des grès sableux, comme on peut s’en assurer dans la tranchée WÜIJ oo4 SÉANCE DU 1er MARS 1869. du chemin de fer qui entame le plateau de la Grau, au pont de Chamet, près Arles, dans la commune de Mouriès et entre la Teulière et Barbegal, sur les falaises méridionales de l’étang du Comte. Il n’est pas facile, dans une contrée aussi peu accidentée que celle dont nous nous occupons, de vérifier, d’après des coupes naturelles, l’épaisseur et la constitution géologique des pou- din^ues. On peut réclamer cependant des renseignements pré- cis à quelques points exceptionnels ainsi qu’à des sondages de puits. La statistique nous vient en aide à ce sujet, car elle donne le résultat de cinq sondages de puits : le premier, à L extrémité nord de la Crau, à une lieue de Salon; le deuxième, à deux lieues de cette ville, en pleine Crau; le troisième, à Entressen ; le quatrième, à Saint-Martin de Grau, et le cinquième, près de l’étang de Dézaumes (1). 1 2 3 J 4 5 1° Terre végétale ronge mêlée de galets 2° Sistre on poudingue 0,50 0 60 0,50 1 00 0,30 K OO 0,20 /, Kf\ 0,50 3° Gravier mêlé de galets 2,50 0,05 0,05 » n 9n ‘2 K Ci q n n UvJ 4e Grès calcaire compacte coquillier 0,10 0,10 0,15 3,00 0,30 0 50 5 50 0,50 0,20 O j O U 9 4.0 u j DU 0,90 o Qn b” Lit de sable avec grains de quartz. . . 0,30 0,80 c ne 6° Terre argileuse brune avec galets. . . . u, o u 0,25 1,50 1.00 0,10 7* Banc de sistre (poudino-nei. . . 8° Lit de sable mêlé de gravier et de galets. . . . 9 Calcaire horizontal coquillier. ......... J> J) O * « ao •N O 0,05 1,00 1 . 3,70 2,55 co V* œ o 18,75 7,05 On voit, d après ces indications, qu’un grès coquillier marin (n 4) se trouve à une très-faible profondeur au-dessous des assises qui le recouvrent et dont l’épaisseur est de huit mètres au maximum. Nous ferons remarquer, en outre, l’alternance qui existe entre les roches d’origine marine et d’autres pou- dmgues qui, évidemment, ne peuvent plus être ceux de l’épo- que diluvienne. L’enseignement que nous fournissent les son- dages précités amène à la conclusion suivante : c’est que la Ciaua pour base un poudingue, des sables et un calcaire d’ori- gine marine. Cherchons, en dehors des puits, au fond desquels (t) Statistique des Houches-du-Rhône , t. I, p. 411, RÉPONSE DE M. MEÜGY. 555 on pourrait supposer que la vérité géologique ne se trouve pas toujours, d’autres instruments de contrôle moins contes- tables, d’autres éléments de conviction. Le poudingue calcaire de la Crau est bien l’équivalent de celui des Basses-Alpes que nous savons être supérieur à la mollasse miocène. Mais il ne faudrait pas inférer de cette équi- valence qu’il a succédé immédiatement à ce dernier terrain, ou qu’à lui seul il représente l’étage pliocène complet. Bans les départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, il existe, entre la mollasse et les poudingues calcaires qui forment la base de la Grau, un système marin, de composition niarno- sableuse, correspondant exactement aux marnes bleues suba- pennines, que nous avons retrouvées dans l’arrondissement d’Uzès, notamment dans la commune de Vénéjean, sur la rive droite du Rhône, où les argiles alimentent plusieurs brique- teries. , M. Sc. Gras a décrit, à son tour, dans la commune de Bollène (Vaucluse) (1), un dépôt vraiment remarquable par le nombre prodigieux de fossiles subapennins, dont sont remplies les argiles bleues qui le composent. Ces argiles supportent des sables quartzeux avec cailloux roulés de même nature que ceux qui existent dans la Grau, et dont les sondages des puits nous ont révélé l’existence. Citer, parmi ces fossiles, les Turriteila Brocchii , Turbo rugosus , Nassa semistriata , Area diluvii , Ostrea undata , Ceratotrochus duodecimcostatus, c’est affirmer que les marnes appartiennent bien certainement à l’étage pliocène. C’est dans la même position et avec les mêmes fossiles que se montrent les gisements de Visan, de Valréas et de Ceiranne. Les marnes subapennines franchissent la Durance, et nous les avons découvertes sur plusieurs points du département des Bouches-du-Rhône, notamment dans les territoires de Saint- Remy, d’Eyragues, de Lagoy, de Noves, sur le revers septen- trional des Alpines, et ce qui a une importance capitale, à la base même de la Grande^Crau, dont les communes de Mouriès et d’Arles, entre la Teulière et Barbegal. C’est le terrain que M. Matheron (2) désigne par le nom de tertiaire supérieur marin, et dont il fixe très-exactement la position entre la mol- (1) Gras, Loco cit.ato, p.197. (2) Matheron, Catalogue des corps organisés fossiles des Bouches-du- Rhône } 1842, p. 90. 55(3 SÉANCE DU 1er MARS 1869. lasse miocène et une couche de poudingue en tout semblable à celui de Grau. Examinons avec toute l’attention qu’il réclame ce nouveau terme de la série géologique. La Petite-Crau, dite de Saint- Remy, forme, au-dessus des alluvions modernes delà Durance, une île allongée du sud au noid, dont les talus, occupés par des roches sableuses et argileuses, sont couronnés par un en- tablement de poudingues diluviens. Au midi d’Eyragues, une grande croix a été plantée snr une espèce de promontoire. Quand, de ce point, on descend vers le village par le quartier des Sablières, on remarque au-dessous du poudingue quater- naire des marnes bleues micacées avec coquilles subapen- nines et dents de squale, auxquelles succèdent des bancs de grès quartzeux, tendres, verdâtres, passant à un sable friable et contenant la Turritella Brocchii , VOstrea undatay des Pecten et de nombreux bryozoaires. Ce système marin incline vers le sud, et il est facile de s’assurer qu’il avait été exposé à des ravinements profonds avant d’avoir été recouvert par le pou- dingue diluvien, car celui-ci s’est modelé dans toutes les dé- pressions préexistantes qu’il a nivelées, et il se montre con- stamment en discordance de stratification avec le premier; ils sont effectivement séparés l’un de l’autre par la révolution connue sous le nom de soulèvement des Alpes principales. Lorsque le poudingue est en contact immédiat avec des grès, le ciment qui unit les cailloux est sableux. Sur la route môme d’Eyragues à Saint-Remy, on aperçoit dans les fossés les sables inférieurs avec lentilles de grès subordonnées. Deux kilomètres avant d’arriver à l’antiqne cité grecque de Glanum, on constate, au-dessus des sables, un dépôt puissant d’argiles bleues que l’on exploite pour le service de plusieurs tuileries, et, au point même où la grande carraire de Noves abandonne la Petite-Crau, on observe très-clairement les poudingues quaternaires P, qui peuvent avoir de lm,50 à 2 mètres d’é- paisseur, recouvrir transgressivement les marnes subapennines NOTE DE M. COQUAND. 557 A, sans qu’il soit possible de remarquer aucun passage miné- ralogique des uns aux autres ; d’où la conséquence nécessaire que le poudingue superficiel est réellement de date très-ré- cente et ne saurait être rattaché , à aucun titre , à un des termes de la série tertiaire, même le moins ancien. Les exploitations ouvertes dans les marnes ont permis, comme on le voit, de relever exactement leur position par rap- port aux grès qui les supportent et par rapport aux poudingues qui les recouvrent. Mais les dénudations qui ont affecté l’étage subapennin, après leur redressement, ont eu pour résultat de déraser les bancs les plus supérieurs, de sorte qu’il est difficile de voir le couronnement par lequel se terminait l’édi- fice. Cependant, le Mas de Viré, situé en pleine petite Crau, à 1,500 mètres environ au nord de Saint-Remy, présente à cet égard une exception dont j’ai fait mon profit. Le cellier et l’écurie de la ferme ont été creusés dans le cœur même de la colline à laquelle ils sont adossés, et j’ai pu constater dans la portion entaillée la succession des couches suivantes : A. Argiles bleues micacifères (partie supérieure des carrières exploitées à mi-coteau. B. Grès micacifère : 0m,50. G. Banc de poudingue composé de cailloux de quartzite en plus grand nombre, reliés par un ciment sableux : 0m,7 5. D. Calcaire coquillier marin : 0m,9 0. E. Cailloux en partie calcaires et en partie siliceux (quartzites) engagés dans un sable marin fossilifère : 0m,S5. F. Poudingue quaternaire de la Crau. Même inclinaison sur ce point que dans la coupe précédente, et même discordance du poudingue diluvien et de l’étage suba- pennin. Cette nouvelle station démontre que les marnes bleues ne sont point le dernier terme de l’étage pliocène, puisque nous les voyons surmontées par des grès, des sables, des poudin- gues et un calcaire coquillier, lequel rappelle complètement 558 SÉANCE DU 1er MARS 1889. la panchina classique, qui, en Toscane, couronne les marnes bleues; or, nous savons déjà que les poudingues à éléments calcaires sont du pliocèue supérieur dans les Basses-Alpes. Nous les retrouvons dans une position identique dans les alen- tours de Saint-Remy, et nous allons les signaler bientôt sous la plaine de la Grau, où ils supportent également les cailloux quaternaires. Si dans les Basses-Alpes le terrain tertiaire supérieur est re- présenté exclusivement par des dépôts d’eau douce, ainsi que l’attestent les Limnées et les Planorbes qu’il renferme, il est évident, d’après les faits déjà exposés, qu’à l’époque où un lac occupait la partie méridionale de ce département, lac qui se terminait au grand barrage jurassique de Mirabeau, la mer tertiaire s’avançait dans le voisinage de ce lac et déposait à son tour des sables, des grès, des argiles, des poudingues et des calcaires ; et si les poudingues, qui sont supérieurs aux marnes bleues, n’ont plus que quelques mètres de puissance, cette faiblesse relative se trouve compensée par l’épaisseur des marnes et des grès inférieurs qui sont les équivalents des 200 mètres de poudingues calcaires des Basses-Alpes ; or, ce sont justement ces grès et ces poudingues qui émergent au Mas de Viré et que les puits ont atteints dans la grande Grau. On a constaté, ainsi que cela a déjà été consigné dans cet écrit, que les poudingues lacustres des Basses-Alpes ne ren- fermaient aucun représentant des roches des grandes Alpes, et que celles dont iis étaient composés avaient toutes été em- pruntées aux formations secondaires de la contrée. La mer subapennine, dont le domaine était bien plus étendu, emprun- tait bien aussi aux mêmes montagnes subalpines qu’elle bai- gnait les matériaux de même nature que ceux que l’on re- marque dans le dépôt d’eau douce, mais elle recevait en même temps, d’autres affluents plus éloignés et qui lui arrivaient du nord, des produits arrachés aux Grandes-Alpes, et c’est là la raison pour laquelle on voit des cailloux de quartzites mélan- gés avec des cailloux calcaires. Il est utile de faire observer qu’il serait tout à fait impossible de rapporter au terrain de la mollasse les sables, les argiles les marnes, les calcaires coquilliers et les poudingues que nous venons de décrire. La mollasse miocène existe au sud de Saint- Remy, où elle est fortement redressée, et c’est dans son pro- longement, vers le nord, qu’elle s’enfonce sous la petite Crau, qu’elle supporte, par conséquent, ainsi que le terrain subapen- NOTE DE M. COQUAND. nin intermédiaire. La stratigraphie et la paléontologie sont donc d’accord pour assigner aux divers termes de la série ter- tiaire, qui se succèdent dans les régions limitrophes de la Grau et dans la Grau elle-même, leurs dates véritables et qui sont bien réellement celles que nous avons formulées dans les pages précédentes. Abandonnons, à présent, la vallée de la Durance, et pénétrons dans celle du Rhône en franchissant la chaîne des Alpines, et arrivons, par le méridien d’Eyguières, jusqu’au pied des falaises par lesquelles le plateau de la Grau se termine brus- quement dans la région basse des marais d’Arles, dont fait partie l’étang du Comte, au-dessous de la ville déserte des Baux. On s’affranchit des terrains secondaires à Aureille. La route d’Âureille à Mouriès est tracée en pleine Grau, que l’on abandonne à 2 kilomètres avant d’arriver à ce dernier bourg. Sur ce point elle se rajuste, au moyen d’un lacet, avec la ré- gion du pays bas ou des marais. Les zigzags du lacet sont tra- cés en plein dans l’étage subapennin, lequel consiste, comme à Eyragues, en des argiles bleues et grises, micacifères, en argiles rougeâtres sableuses, en grès tendres et en bancs de poudingues subordonnés, à cailloux calcaires et à cailloux de quartzites, et en couches minces de calcaire coquillier (pan- china). Les couches pendent sous la Grau, donc vers le sud, mais avec une inclinaison si faible, qu’on les croirait presque horizontales, et elles sont recouvertes par les cailloux quater- naires. On les voit s’appuyer au sud-ouest, sur une diramation qui les détache des Opics, et les cailloux superficiels de la Grau recouvrent indifféremment les deux formations, circonstance qui dévoile clairement leur complète indépendance. La route de Maussane à Saint-Martin de Crau, après avoir traversé le marais des Baux, entame près du Mas de la Four- bine la formation jurassique qui consiste en des calcaires Tenlière. i t * e. | E. 560 SÉANCE DU 1er MARS 1869. blancs A, avec Diceras Lucii , Terebratula Repeliana , (polypiers), représentant l’étage kimmeridgien , en dolomies grenues B, occupant la place du corallien, en calcaires C lithographiques avec Belemnites hastatus et Ammonites plicatiiis (oxfordien). Ces diverses assises plongent vers le sud, sous un angle de 65°. Au- dessus de la Teulière, elles sont recouvertes par un puissant manteau de brèches calcaires D, inclinées de 45° vers le N. O. Ces brèches sont les mômes que celles duThoïonet, près d’Aix, et appartiennent à l’étage garumnien. C’est sur elles que re- posent les diverses assises de l'étage subapennin qui se mon- trent à découvert dans les falaises verticales que l’on voit se développer le long de l’étang du Comte, jusqu'au Mas de l’Is- lon, et que l’on dirait avoir été créées tout exprès pour les géologues qui veulent étudier le sous-sol de la Crau. L’histoire géologique de la fameuse plaine est toute là. Lorsqu’on a dépassé un vallon creusé au milieu des brèches garumniennes, on traverse successivement jusqu’à la base du poudingue quaternaire : 1° Des argiles bleues micacifères et sableuses E, qui ont ali» menté autrefois une tuilerie, d’où la ferme de la Teulière a tiré son nom. Elles y sont fossilifères et contiennent, entre autres fossiles, VOstrca undata : 8 mètres; 2° Des grès sableux F friables, se convertissant en sables jaunes argileux, en couches bien réglées, et contenant par places des cailloux d’un petit calibre : 15 mètres; 3° Grès grossier G, gris, friable, avec cailloux de quartzites et de calcaire : 0m,30 c. ; 4° Argiles rouges H, grumeleuses, avec noyaux de calcaire : 0m,40 c. ; 5° Calcaire travertineux grisâtre et rosé I, grumeleux, avec valves de Pecten : lm,80 c. Ce n’est qu’à la crête des escarpements formés par ce cal- caire, que l’on rencontre le poudingue quaternaire P de la Crau, qui, là encore, est assis en complète discordance de stra- tification sur les bancs subapennins, et dont les premières traînées ont eu pour mission de combler les inégalités et les poches profondes creusées par les érosions, après le soulève- ment qui fit émerger les terrains pliocènes, et par conséquent le plateau de la Crau. Comme les diverses assises de l’étage subapennin retiennent des fossiles à tous les niveaux, et que les fossiles sont ces Ostrea undata 9 Nassa semistriata , etc. , il ne peut] exister aucun NOTE DE M, CO QUAND. 561 doute sur leur âge. Sur un parcours de plusieurs kilomètres, on retrouve les sables, les marnes, les argiles rouges ou grises, les grès, les calcaires coquilliers avec lesquels nous ont fami- liarisés nos études de la petite Crau de Saint-Remy. Au delà de l’Islon et jusqu’à Barbegal (1), les falaises cessent et sont remplacées par des talus à pentes douces qui recouvrent les cailloux de la Crau et sous lesquels disparaissent les roches précédentes. Entre l’étang de la Peluque et le pont de Cbamet, vers lequel les couches inclinent, on trouve les poudingues calcaires décrits par Saussure et Jacquemin, et par lesquels semblent se terminer les marnes subapennines. Ce niveau est représenté entre la Fourbine et la Teulière (p. ), v. ci-dessus le diagramme, par des sables jaunes K, friables, alternant avec des poudingues à éléments calcaires. Leur absence au-dessus des falaises de l’étang du Comte s’explique par l’inclinaison des couches qui les rejette du côté d’Arles, où naturellement la base de l’étage n’affleure pas, mais où la partie supérieure est plus complète. Le poudingue à cailloux calcaires de la Crau, sur lequel s’étend le manteau des cailloux diluviens, est donc d 'origine marine , et de l’époqne subapennine. Ce résultat inattendu, et dont je suis redevable aux falaises de la Teulière, trouve sa confirmation dans les sondages des puits que nous avons re- latés, et, de plus, il concorde avec tous les faits d’observation qui ont été recueillis dans la petite Crau de Saint-Remy et dans les départements limitrophes du Gard, de l’Hérault et de Vaucluse. Ainsi le terrain tertiaire supérieur, qui est d’origine lacustre (1) Avant les travaux entrepris en vue du dessèchement des marais d’Arles, le Rhône formait, entre la Crau et les montagnes de Fontvieille, du Paradou, de Maussane et de Mouriès, un grand étang dont il ne reste plus aujourd’hui que celui du Comte. Cet ancien étang n’avait pas moins de 16 kilomètres de long sur 3 de large. Sa surface était donc de 48 kilomètres carrés. Le mistral y soulevait de véritables tempêtes et poussait les eaux contre les falaises de la Teulière qui sont opposées à sa direction. En effet, en suivant le chemin qui conduit de cette ferme à Barbegal, on marche sur une plage de galets très-petits et très-plats qui ne sont autre chose que des cailloux de la Crau descendus dans l’étang par éboulement. Lorsque dans la période des grandes inondations le Rhône emporte ses digues, le ma- rais actuel des bancs est de nouveau converti en étang jusqu’au dessus d,e Mouriès. Soc. géol ., 2e série, tome XXVI. 36 562 SÉANCE DU 1er MARS 1869. dans le département des Basses-Alpes, a pour équivalent dans celui des Bouches-du-Rhône un terrain de même date, mais déposé au fond des mers. Dès lors la présence de cailloux calcaires de composition identique au milieu de ces deux dépôts contemporains n’offre rien qui ne soit très-normal, puisque le lac tertiaire et la mer tertiaire occupaient des régions contiguës et puisaient leurs éléments pierreux, en partie du moins, dans un arsenal commun. La prédominence de l’élément argileux dans le bassin d’eau douce et la prédominance de l’élément sableux dans le bassin marin sont encore la conséquence du régime différent auquel sont assujetties les eaux des lacs et celles des grandes mers. Nous ajouterons que, lors de l’exécution dn chemin de fer, plateau de la Crau fut entamé, au pont du Chamet, par une profonde tranchée qui mit à nu les poudingues calcaires. On fit la découverte sur ce point d’ossements de taille gigantesque qui ont été dispersés. M. Desplaces, ingénieur en chef de la ligne, m’a assuré que ceux qu’il avait conservés avaient été reconnus par des savants compétents pour avoir appartenu au genre Mastodon, Or, la tranchée étant ouverte dans un terrain d’origine incontestablement subapennine, les Mastodontes qui ont été signalés à ce niveau sont les M. dissimilis (arvernensis) et Borsoni, espèces qui existent dans les sables supérieurs de Montpellier, ainsi que dans l’enceinte même de Lyon, associées à des cailloux de quartzite et à des coquilles marines [Balanm, Buccinum Michaudi , Dendvophyllici Coulongeoni , Pcctcn , etc. Il ne faudrait point supposer d’ailleurs que les terrains dont nous sommes occupé soient spéciaux aux points seuls que notre description a touchés. On ne doit point oublier que le cadre monographique qui compose notre sujet nous interdit de nous jeter trop en dehors des régions qui ne s’y rattachent pas d’une manière directe. Mais la nature sait donner a ses œuvres une plus large extension. Ainsi aux départements pio- vençaux, déjà cités comme contenant des dépôts subapennins, il convient d’ajouter ceux des Alpes-Maritimes, du Yar, du Gard, de l’Béraultet des Pyrénées-Orientales, et probablement celui du Rhône, dans lesquels nous retrouvons le pliocène avec son cortège habituel de fossiles, de poudingues et de sables. Les poudingues pliocènes sont largement développés et très- fortement redressés dans la vallée du Loup, entre Antibes et Villeneuve, ainsi que dans celle du Yar, qu’ils remontent NOTE DE M. G O QUAND* 563 jusqu’à la hauteur de Carros, en donnant, naissance par leur désagrégation, à des terrains caillouteux qui, dans le pays, ont reçu le nom de craux , mais qui sont plus anciens que la crau d’Arles, si dans celle-ci on ne considère que les cailloux quater- naires, et contemporains de cette même crau, si on les compare au poudingue calcaire qui en forme la base. C’est encore à ce niveau qu’appartient le dépôt des poudingues avec argiles rouges subordonnées que l’on observe dans la plaine qui s’étend entre Hyères, la Garde, Solliès, et à laquelle la commune de la Crau est redevable de son nom. Nous ajoute- rons que, dans les environs d’Antibes, les marnes bleues infé- rieures aux poudingues sont remplies de fossiles suba- pennins. C’est donc à tort que Lamanon pensait que la crau d’Arles était un terrain unique dans le monde entier. Si nous ne consi- dérons que son manteau superficiel de cailloux, nous la voyons se reproduire sur la rive droite du Rhône, sur la rive langue- docienne, remonter le fleuve jusqu’au-dessus de Lyon, s’intro- duire très-avant dans les vallées de la Durance, du Drac, de l’Isère. Si nous l’examinons au point de vue de son sous-sol, nous retrouvons ses équivalents dans le poudingue calcaire des Basses-Alpes, dans ceux de la Crau (Var) et des vallées du Loup et du Var. Enfin, au point de vue paléontologique, elle correspond aux sables supérieurs de Montpellier et aux marnes subapennines d’Antibes, de Perpignan, du Gard et de Vau- cluse. Nous admettons donc, et notre opinion nous paraît à l’abri de toute contestation sérieuse, que le poudingue calcaire, sur lequel sont répandus les cailloux diluviens de la Grande-Crau, est d’origine marine et constitue la partie la plus supérieure de l’étage subapennin. Comme les marnes bleues représentent plus spécialement le pliocène moyen, ou le plaisancien, que dans les poudingues qui les surmontent et dont fait partie celui de la Crau on veuille voir le pliocène supérieur, ou le sous-étage astien, nous n’avons point à contester sur ce point. C’est là une question de détail tout à fait secondaire, et qui ne saurait infirmer en rien les conclusions auxquelles les faits d’observation nous ont conduit* 564 SÉANCE DU 1er MARS 1869. IV. — Quatrième niveau de poudingues et de cailloux roulés appartenant à la période quaternaire ancienne , Puisque les cailloux superficiels de la Crau reposent trans- gressivement sur l’étage pliocène, ils ne sauraient appartenir au terrain tertiaire. Ils sont donc de l’époque quaternaire et pos- térieurs par conséquent au dernier soulèvement qui a façonné nos continents. C'est là un point solidement établi, je pense, et sur lequel tous les géologues seront d’accord. A la période de violence qui a amené leur disposition correspondent, comme dépôts opérés dans des conditions de tranquillité parfaite, les grands amas travertineux des environs de Marseille, et dans lesquels ont été découvertes des dents du Mammouth de Sibérie (Elephas primigmius). Les cailloux superficiels de la Crau sont libres ou bien agglutinés sous forme de poudingues, par le secours d’un ciment silicéo-calcaire emprunté à la mollasse marine ou à l’étage subapennin sous-jacents. Ils sont presque tous de nature siliceuse. Les quartzites blancs des Alpes en constituent les neuf dixièmes. Le dernier dixième est constitué par des pro- togines, des orthophyres, des granités, des roches amphibo- leuses, des calcaires. On y remarque quelques variolites du Mont-Genève et quelques spilites à amygdales calcaires du Drac. Le fameux Campus lapideus n’est donc, à proprement parler, que la collection géologique de toutes les montagnes de la partie des Alpes tributaires du Rhône. On a fait la remarque que les cailloux originaires de la vallée de la Durance sont d’un volume plus considérable que ceux que contiennent les alluvions modernes de cette rivière. Il devait en être ainsi, puisque à l’époque de la fusion des glaciers, à laquelle la Crau superficielle doit son existence, la Durance avait un cours plus rapide, et devait transporter des blocs d’un plus fort calibre que ceux qu’elle peut entraîner aujourd’hui. Il ne faut point s’attendre à trouver dans les diverses craux que l’on rencontre dans la vallée de la Durance la même constitution géologique que dans la grande Crau d’Arles, puisque, celle-ci ayant été formée par le Rhône, la provenance des cailloux est toute différente. Ceux qui ont écrit sur la Crau n’ont jamais donné à cette comparaison l’impor- NOTE DE M« COQUAND. 565 tance qu’elle réclame et qui devait être cependant le point de départ de leurs observations. Or, en examinant la nature des poudingues et des cailloux diluviens qui envahissent la vallée de la Durance, depuis Sénas jusqu’au-dessus de Charleval, c’est-à-dire dans la zone à travers laquelle on a supposé que la rivière avait fait brèche pour faire irruption dans la Grau, en passant par le vallon de Lamanon, on est étonné du nombre prodigieux de roches vertes qu’ils contien- nent; ces roches sont des serpentines, des euphotides et des variolites provenant du Briançonnais. On peut les y recueillir par centaines et sans grandes recherches. Or, comme sur la rive gauche les alluvions anciennes remontent depuis Sénas jusqu’à mille mètres avant d’arriver à Lamanon, les roches vertes se montrent très-abondantes jusqu’à ce dernier village. Le canal de Boisgelin, qui passe au fond même du vallon, tant qu’il n’a pas franchi la ligne de faîte qui établit la sépara- tion des eaux de la Durance de celles du Rhône, a été creusé dans le poudingue diluvien de la vallée de la Durance. Mais, en se rapprochant de Lamanon, c’est dans la mollasse miocène que sa cuvette est pratiquée. Or c’est justement cette mollasse qui, dans le col même, sépare les deux craux, et qui, une fois franchie, mais en tranchée, livre au canal l’accès de la crau d’Arles, de laquelle semblent avoir disparu, comme pa enchantement, les variolites, les serpentines et les euphotides qui sont si abondantes à quelques pas, dans la crau duran- cienne; du moins si l’on en trouve quelques échantillons, les a-t-on comptés; ils sont au nombre de cinq ou six. 11 devait en être ainsi, si la Grande-Crau a été déposée par le Rhône, puisque les cailloux provenant de la Durance ont dû être mélangés avec les cailloux, bien plus nombreux, que le Rhône avait reçus des autres rivières, ses tributaires. Ainsi les craux de laDurance sont essentiellement euphotidifères, tandis que celle d’Arles est une crau de quartzites. Il serait impossible d’expli- quer cette différence radicale de composition si la Grande- Crau était due à l’intervention directe de la Durance. Les cailloux devraient être les mêmes au nord comme au sud de Lamanon; et c’est le contraire qui se vérifie non-seulement dans le défdé, où l’on devrait retrouver les traces d’un ancien lit de fleuve, mais aussi dans les alentours d’Eyguières, du Merle et de Salon, qui sont les points où la Durance aurait commencé à s’étaler, si elle se fût jetée autrefois dans la mer par le golfe de la Grau. 566 SÉANCE DU 1er MARS 1869. Le croquis suivant aidera beaucoup à l’intelligence du texte : Crau d’Arles. Lamanon. Sénas. Durance. La vallée de Lamanon n’a donc jamais livré passage aux eaux de la Durance. Seulement, à cause de la nature friable des sables miocènes qui en constituent le fond et qui l’ont exposée à des dénudations énergiques, cette vallée est devenue le point où les deux craux de la Durance et du Rhône se sont le plus rapprochées Tune de l’autre, mais sans jamais se toucher ni se confondre. Le village de Lamanon est placé à peu près à égale distance de Sénas et de Salon. Le point où le canal de Craponne et celui des Alpines se traversent, un peu au nord de Lamanon, est à l’altitude de 106m,54 au-dessus de la mer, Sénas, de 87 mètres, et Salon (qui est bâti sur la mollasse), de 76. On voit donc que Lamanon est une ligne de faîte à partir de laquelle on peut, à volonté, descendre dans la vallée de la Durance ou dans la plaine de la Crau. C’est ce qu’établissent nettement les nivelle- ments, les tracés des routes et celui du chemin de fer, qui est obligé de recourir aux remblais pour relier la crau de Sénas au col de Lamanon. § Y, — Cinquième niveau de cailloux appartenant d la période actuelle. Nous ne les mentionnons ici que pour mémoire. Ce sont ceux que charrie la Durance en ce moment, et qui, comme les poudingues diluviens de cette vallée, sont très -riches en variolites, en euphotides et en serpentines du Briançon- nais. Les anciens cordons littoraux de la plage de Foz, que nous avons fait connaître sous le nom de couadoullières, et la plage NOTE DE M. COQUAND. 567 de galets de l’étang du Comte font également partie fie la période contemporaine. CHAPITRE II. De la formation de la Crau. A présent que les cinq dépôts de cailloux ou de poudingues qui ont concouru à la formation de la Crau proprement dite ou à celle des terrains immédiats nous sont connus, et qu’on peut éviter, en les distinguant les uns des autres, les graves erreurs auxquelles leur confusion a donné naissance, abordons le point délicat autour duquel se sont groupées des opinions si divergentes, le point qui tient à la question des provenances des cailloux quaternaires. Nous avons déjà exposé l’opinion d’Eschyle, que Pomponius Mêla s’est borné à traduire en prose. Yoici celle d’un auteur plus sérieux en fait des choses de science, Strabon (1) : « Entre Marseille et l’embouchure du Rhône, à environ 100 stades de la mer, dit ce géographe, est une plaine de forme circulaire, de 100 stades de diamètre, à laquelle un événement singulier a fait donner le nom de champ de cailloux. Elle est en effet couverte de cailloux gros comme le poing. Aristote prétend que la terre, par des tremblements de terre de l’espèce de ceux qu’on appelle brassus , avait vomi à sa surface tous ces cailloux qui, naturellement, se sont accumulés dans les plus bas du terrain. Possidonius veut que cette plaine ait été autre- fois un lac congelé avec le limon de la terre, et que ce soit par l’effet d’une grande agitation que les eaux, en se morcelant, aient formé un grand nombre de pierres semblables, par le poli et par le volume, aux cailloux des fleuves et aux galets des bords de la mer. Telles sont les explications que ces deux écrivains donnent de ce phénomène, explications qui me paraissent pécher toutes deux contre la vraisemblance; car toutes ces pierres ne pouvaient s’accumuler d’elles-mêmes ni se former d’une eau convertie en glace; mais il faut, de toute nécessité, qu’elles soient les débris de quelques grands rochers qui se seraient brisés à différentes époques. » On reconnaît dans les paroles de Strabon l’esprit d’un obser- (1) Strabon, livre IV, p. 182. m SÉANCE DU l*r MARS 1869. vateur sagace. Il rejette avec raison les fables d'Aristote et de Possidonius, comme il aurait rejeté, à coup sûr, les explications de quelques écrivains modernes, s’il lui avait été donné de les connaître. Si les raisons qu’il fournit sont insuffisantes pour embrasser le phénomène dans tous ses détails, la cause qu’il lui allègue est du moins assez juste au fond. Solléry, géographe provençal qui écrivait en 1550, est le premier qui ait eu l’idée d’attribuer les cailloux de la Crau à l’intervention directe de la Durance, qui autrefois aurait passé vers le lieu de Lamanon. Cette opinion a été partagée par Bouche, Papou, Peyresc, Gassendi et Lamanon. C’est surtout ce dernier, dont le nom faisait autorité en science, qui l’a vul- garisée et lui a donné le crédit dont elle jouit encore auprès de ceux qui trouvent plus commode de s’en rapporter aux autres que de les contrôler directement sur le terrain. Bouche (I) s’exprime de la sorte : « Pour moi, j’avais autre- fois estimé qu’il y avait très-grande apparence que l’étang des Martigues était anciennement beaucoup plus grand et plus haut qu’il n’est maintenant, agrandi et relevé par les continuelles eaux des rivières de l’Arc et de la Tolobre, et que n’ayant point encore, en ce temps-là, des issues en la mer, les eaux surna- gèrent par toute la campagne de la Crau, faisant un lac d’une étendue immense, et se relevant bien haut sur la terre. Joint à cela qu’au terroir d’Istres, qui est presque au bord de cet étang, l’on voit en quelques éminences, maintenant assez éloignées de cet étang, des écailles d’Huîtres empierrées dans le rocher (mollasse marine), qui est un argument que l’eau de l’étang montait jusque-là. Et comme avec le temps il s’est fait une ouverture et issue de cet étang, ou par art ou par nature, dans la mer, les eaux s’étant abaissées, les unes de ce grand étang entrèrent dans la mer, et les autres, qui se trouvèrent enfermées par des éminences, demeurèrent croupissantes , et n’ayant aucune vuidange, elles se congelèrent ou caillèrent avec le limon de la terre, et se convertirent en pierres, comme le gravois qui se forme des eaux des rivières. » Bouche, remarquant plus tard que les petites rivières de l’Arc et de la Touloubre auraient été impuissantes pour exhausser l’étang à la hauteur de la Crau, modifia sa première opinion et admit qu’anciennement la mer venait jusqu’à Arles, et que, I.T-,1 ... - - - - (1) Bouche, Chorégraphie ou description de la Provence , p. 21, 1664. NOTE DE M. COQUAND. 569 reculant vers l’endroit où on la voit aujourd’hui, elle laissa des eaux croupissantes en forme d’étangs, là où sont aujourd’hui les pierres de la Grau, qui en furent formées par voie de congé- lation avec le limon de la terre. C’était aussi le sentiment de Peyresc et de Gassendi (1), qui firent intervenir les sucs lapidifiques. Les Annales des voyages (2) font connaître un manuscrit dé- posé à la Bibliothèque impériale, dans lequel Lamanon déve- loppe, en la complétant, la théorie qu’il avait déjà exposée dans le Journal de physique (3). Nous nous contenterons de (1) Sic rogatus (Peyresc) de lapidibus Crautiæ, Herculeorumve campo- rum, censuit totam illam planitiem potuisse olim restagnare, exundante potissimùm seu Druentiâ, seu Rhodano, et lapidifico germine, simul devecto, coagulante. Argumento fuit, quod in salium concretione observamus. Quippè, ut in vase, ex quo aqua sali commista evaporatur, tessellæ majores in fundo, quàm ad latera relinquuntur ; quod illic salsedo uberiùs, diutiùsque resi- deat; sic in medio Crautiæ, quod depressius est, majores longé lapides, quàm ad oras observantur ; et ad maritimas quidam, paludosasque præser- tim, ubi lapilli vix attingunt nuculæ magnitudinem, cùm in medio lapides sint capiti humano plerumque æquales. Gassendi, Vie de Peyresc , 1641, page 241. Voyez aussi sa Physique, tome II, où les mêmes idées sont re- produites. (2) Annales des voyages , t. III, page 291. (S) Je dois à l’obligeance de M. Boy, libraire à Marseille, la communi- cation de cinq volumes in-folio manuscrits, dans lesquels Lamanon avait consigné ses observations. Il est curieux de connaître la manière dont ce naturaliste comprenait la formation des cailloux. Il s’inspire des idées de Peyresc et de Gassendi. « Les cailloux sont formés instantanément sur les lieux mêmes où on les trouve. Ils ne sont autre chose que du sable ou de l’argile pétris ensemble par les eaux et caillés ou durcis par une plus forte attraction des parties que le voisinage occasionne. Il ne faut que quelques minutes au lait pour se cailler; pourquoi un ou deux jours ne suffiraient-ils pas pour cailler un caillou? « S’il y a de plus gros cailloux en Crau que sur le lit de la Durance, c’est qu’il manque un élément aux eaux de la Durance pour former des gros cailloux. Cet élément est le sel, le plus fort des ciments. La Durance, en faisant reculer la mer de la Crau, a fait que la mer y a laissé des parties salines qui se sont ensuite dissipées. « La nature de la Durance, qui de très-grosse devient très-petite dans peu de jours, n’a pas peu contribué à la formation des cailloux. Le soleil durcit les cailloux. La sécheresse, si commune en basse Provence au plus fort de l’été, amène la perfection des coagulations commencées. » — Lama- non, manuscrits. 570 SÉANCE DU 1er MARS 1869. lui emprunter les passages qui se rapportent à notre sujet. Le naturaliste salonais admet (page 294) qu’il résulte de la comparaison des cailloux, qui sont les mêmes dans la Grau que sur les bords de la Durance, que la vraie origine de la Crau n’est due ni à un tremblement de terre, ni à un lac, ni à la mer, ni enfin au Rhône, mais à la Durance, qui passait autrefois par la gorge de Lamanon, formée dans une montagne de grès, et qui n’a abandonné son lit qu'après s’être ouvert un passage dans une colline de pierre calcaire qui est du côté de Sénas (montagne néocomienne de la Cabre). La Durance (p. 297) était probablement plus considérable autrefois qu’elle n’est aujourd’hui. C’est par là qu’on peut ex- pliquer la différence qu’il y a dans la grosseur des cailloux de la Crau et de ceux du lit actuel de la Durance. En dessous de la masse de cailloux on trouve une pierre coquillière; donc la mer occupait cet endroit avant que la Durance y portât ses cailloux. Il y a dans la Crau des puits de 15 à 16 toises, et qui sont creusés dans une masse de poudingues. La Durance pas- sait donc 15 à 16 toises plus bas lorsqu’elle a commencé de former la Crau que lorsqu’elle s’en est retirée; sa pente était donc beaucoup plus forte. Le fond de la Crau est au-dessous du niveau de la mer dans plusieurs endroits; donc la Durance se jetait dans la mer, qu’elle forçait de se retirer, en aggravant déplus en plus les côtes où le niveau de la mer était autrefois beaucoup plus bas qu’aujourd’bui. On voit que Lamanon confond les poudingues garumniens et inclinés des environs de Foz, qui effectivement plongent sous la Méditerranée, avec les cailloux superficiels de la Crau, qui sont horizontaux et se montrent au-dessus du niveau de la mer. La Durance, pour reprendre son ancien lit, aurait été obligée de rompre une barrière de pierre calcaire du côté de Sénas, comme elle avait été obligée d’en rompre une première dans la montagne des Alpines, pour pouvoir déboucher dans le golfe de la Crau. Et toutes ces théories fantaisistes ont été imaginées uniquement pour expliquer la présence de cailloux de la Durance dans la plaine de la Grau. Et Lamanon était ce- pendant le premier à reconnaître, et cela en contradiction avec ses propres idées, que les cailloux micacés de la Crau étaient plus anciens que ceux de la Durance {p. 294). S’ils étaient plus anciens, la Durance n’avait donc pu les y porter; or, comme ils sont mélangés avec ces derniers, il s’ensuit ’ qu’il aurait existé deux cours d’eau, dont l’un aurait apporté les granités NOTE DE M. COQUAND. 571 anciens des Alpes, et l’autre les roches plus modernes du Briançonnais. Notre intention est moins de jeter de la défaveur sur le mérite du naturaliste provençal, en lui opposant ses propres contradictions, et qui sont excusées en quelque sorte par l’état de l’avancement de la science à l’époque où il écri- vait, que de trouver étrange qu’on ait adopté aujourd’hui ses idées sans les soumettre à aucun contrôle. Si encore l’auteur n’avait construit son édifice que sur les hypothèses qui étaient en vogue de son temps, en invoquant, par exemple, quelque révolution du globe, nous comprendrions à la rigueur qu’il eût pu avancer que la Durance s’était frayé un passage à travers les montagnes de Lamanon. Mais Lama- non, discutant le mérite des fables anciennes, pour en séparer le vrai du merveilleux, et distinguant, relativementaux champs herculéens de la Grau, entre Hercule le Grec et Hercule le Gau- lois, admet que celui-ci avait bien pu détourner la Durance de son ancien lit, pour la diriger dans la mer, comme le premier avait détourné le cours d’un fleuve pour nettoyer les écuries d’Aùgias. Adam de Craponne n’aurait donc été qu’un imita- teur, en créant son canal fertilisateur de la Crau. Mais il ne s’arrête pas là. Il cherche à démontrer que la Mé- diterranée recouvrait la Crau en partie. Lorsqu’elle s’est préci- pitée dans l’Océan, par la rupture du détroit de Gibraltar, cette plaine a dû rester à découvert. Et cela ne l’empêche pas de dire que c’est la Durance qui l’a formée, car c’est elle qui a amené tous les cailloux qui y sont, et obligé, en partie, la mer de se retirer (p. 300). On voit que Lamanon a pris pour son compte les opinions de Bouche et de Peyresc, en les mo- difiant toutefois. Saussure, qui n’a point admis le système de l’infortuné com- pagnon de la Peyrouse (1), a su trouver des arguments sé- rieux quand il s’est agi de les réclamer aux indications litholo- giques. Ainsi, il signale le peu de rapports qui existe entre les cailloux de la Grau et ceux de la Durance; les quartzites sont rares et les variolites très-abondantes dans le lit actuel de cette rivière, tandis que les premiers prédominent et les se- condes forment une exception infinitésimale dans la Crau. Il s’appuie sur l’uniformité de la surface de cette plaine et sur le volume plus considérable des cailloux qu’elle renferme, pour considérer le Rhône et la Durance comme incapables (0 Saussure, Voyages dans les Alpes , § 1595. 572 SÉANCE DU 1er MARS 1869. d’avoir pu en opérer le transport. 11 en trouve la cause dans la débâcle générale qui se serait produite lorsque les eaux de la nier, abandonnant nos continents, se portèrent avec une vio- lence extrême vers les lieux les plus bas du sol, où s’étaient ouverts les gouffres qui les engloutirent. C’était faire retour à des idées surannées et qu’un savant de son mérite aurait dû se dispenser de reproduire. Nous passerons sous silence le sentiment de Darluc, qui ci oyait que les cailloux de la Crau avaient été apportés par le flux de la mer. Il était réservé à un ouvrage spécial sur le département des ouches-du-Rhône, écrit en 1821, à une époque où régnaient en géologie les idées saines de Brongniart, de Werner et de 'école anglaise, de dépasser tout ce que l’imagination la plus nardie avait pu suggérer d’outré aux anciens fabricateurs des systèmes du monde. Laissons la parole à la Statistique (1) : « Il n’est plus besoin, oit son auteur (p. 67), d’avoir recours à des hypothèses pour expliquer la formation de la Crau. Les faits seuls en rendent raison, et il suffira pour cela de les ranger dans l’ordre con- venable. « 1° Le plus ancien terrain de la Crau est le poudingue de la Durance. Cette rivière y coulait par la vallée de Lamanon, alors beaucoup plus large qu’aujourd’hui, puisque le groupe de collines (mollasse miocène) qui esta l’ouest de cette vallée est assis tout entier sur le poudingue. « 2° La Crau était un golfe de la mer, dans lequel la Durance se jetait, puisque les couches les plus basses du poudingue (étage garumnien) sont au niveau actuel “de la mer, et même au-dessous. Les Alpines et les différents revers des montagnes de Salon, de Cavaillon, de la Fare, n’avaient alors que leurs anciens revêtements de calcaire compacte (néocomien), con- tenant les coquilles dites pélagiennes. « 3 La mer, gonflée par une cause quelconque, a élevé ses eaux au-dessus du niveau actuel et poussé tous les galets vers le nord, de manière que les eaux de la Durance ont reflué vers leui source, et que les galets se sont étendus en couches dans tout l’espace inondé qui comprenait la Crau, les vallées de La- manon, les bassins de Sénas, de Saint-Remy. « 4 Sur ces couches de galets, que le temps a depuis con- (1) Statistique des Bouches-du-Rhône, t. I*r. NOTE DE M. COQUAND. 573 vertiesen poudingues parleur agglomération, la mer a déposé différentes couches de calcaire coquillier (mollasse miocène), dont les plus récentes forment la lisière actuelle de la Crau. Cette formation coquillière s’étend très-loin. Elle existe au pied du Léberon, dans tout le contour des Alpines, sur la Tré- varesse, où elle recouvre le calcaire lacustre (gypses d’Aix), dans les bassins de Pertuis et de Peyrolles. Elle recouvre tous les rivages de Foz, de l’étang de Caronte et de celui de Berre, les collines littorales depuis Bouc jusqu’à Carry, et à l’ouest celles du Languedoc. « Solléry avait, le premier, reconnu le passage de la Du- rance par la vallée de Lamanon ; mais, sans le concours de l’in- tervention de la mer, la Durance n’aurait pu former une plaine de cailloux aussi vaste que la Crau. Papon l’avait bien senti; mais le peu de connaissances géologiques qu’il possédait l’en- traîna dans des hypothèses au moins très-basardées. Les résul- tats que nous indiquons concilient ces divers auteurs et con- firment leurs observations, en constatant que la formation des poudingues est antérieure aux calcaires coquilliers déposés par la mer sur la côte et sur les flancs des collines que baigne la Durance. » La Statistique , après avoir provoqué dans les terres l’irrup- tion de la mer qui sillonna la surface de la Crau, et l’avoir fait remonter par la vallée de la Durance jusqu’au pied du Léberon, continue ainsi l’histoire de ses faits et gestes dans la contrée : « Là le courant (p. 92), ne pouvant franchir cette barrière (le Léberon), agit sur les deux cotés de la vallée ; il brisa la digue de Malemort et déchiqueta les collines de la Cabre pour se ré- pandre dans le bassin de Sénas, déposant sur tous les bords de la vallée et des ruisseaux qui s’y rendent le calcaire coquillier qu’on y trouve encore et qui est le même que celui de la Crau. La mer, ayant fait sa retraite, reprit son cours en formant sur son passage les dépôts de poudingue et de sable qui sont su- perposés au calcaire coquillier. Arrivé à Malemort et ne trou- vant plus de digue, elle prit son cours vers Orgon, où, étant ar- rêtée de nouveau, elle s’épancha dans le bassin de Sénas etalla accumuler ses dépôts sur le flanc occidental de la colline de Lamanon. « Avec le temps la digue d’Orgon céda à son tour, et les eaux inondèrent le bassin de Saint-Remy, où elles formèrent la Crau qui est entre Orgon et Mollèges, la Petite-Crau et le Touret, qui sont trois formations de galets et de sable de la Durance. 574 SÉANCE DU 1er MARS 4869. Enfin, par un dernier changement, la rivière, qui d’Orgon avait d’abord couru à l’ouest par la vallée où passe aujourd’hui la grande route, se détourna au N. O.* vers Gavaillon, et aban- donna le bassin de Saint-Remy. » Ainsi, d’après la Statistique , les cailloux de l’étage garum- nien, ceux de la mollasse et de l’étage subapennin, appartien- draient tous aux alluvions de la Durance, et la mer, en sortant brusquement de son lit, se serait chargée, en y procédant à plusieurs reprises, et en culbutant les barrières que les mon- tagnes opposaient à son action, de les distribuer successivement sur les Graux d’Arles, de Mollèges et de Saint-Remy. Ce mi- racle ne pouvait s’opérer qu’à la condition de supprimer les eaux de la Durance, de les refouler vers leur source, puis de faire déposer sur ces cailloux ainsi distribués la mollasse co- quillière. Par conséquent, l’effet du flux fut de faire remonter vers le nord les cailloux de la. Durance, qui se jetait dans le golfe de la Crau par la vallée de Lamanon, laquelle était alors beaucoup plus large, puis de combler cette môme vallée, en y déposant la mollasse qui la recouvre aujourd’hui. Après le dé- pôt de celle-ci, le reflux étendit sur sa surface un manteau de cailloux roulés, toujours empruntés à la Durance, comme le flux avait eu pour mission d’étendre les cailloux de la Crau profonde. Cet acte de vigueur une fois accompli, la mer rentra dans son ancien lit, et la Durance dans le sien. Quant au Rhône, il n’en est fait aucune mention, la mer s’étant chargée de toute la besogne. Nous n’abuserons pas des textes que nous venons de trans- crire ou d’analyser pour pousser plus loin notre critique. On pourrait croire que nous leur accordons plus d’importance qu’ils ne le méritent. Nous n’avons pu cependant nous dispen- ser de les placer sous les yeux de nos lecteurs, afin qu’ils pussent juger par eux-mêmes de la valeur des hypothèses aux- quelles on a été obligé de recourir, et de l’incohérence des conséquences qui en découlent, pour avoir rattaché, sans preuves, la formation des cailloux de la Crau à un double dé- placement de la mer et du lit de la Durance, et cela en violant sans hésitation les lois de l’hydrostatique. H est temps de rentrer dans le domaine des faits d’observa- tion et de reconnaître qu’après le soulèvement des grandes Alpes auquel est dû le relief de la Crau subapennine, qu’on pourrait appeler la Crau quaternaire ou superficielle, l’ossature de la Provence a toujours été telle que nous la voyons aujour- NOTE DE M. COQUÀND. 575 d’hui, sauf quelques modifications insignifiantes, G’est à cette époque que se place, comme on le sait, la date de l’extension des glaciers dans l’Europe entière. Les eaux de la Durance, gonflées par la fonte des glaciers des Alpes briançonnaises, ont formé les diverses Craux que l’on remarque sur ses deux rives, comme le Rhône, dont le volume des eaux était bien plus con- sidérable, a formé les Craux qui se trouvent également sur ses deux rives, depuis son embouchure jusqu’au lac de Genève. C’était la seule opinion rationnelle qu’il eût été convenable d’adopter à priori. Mais nous avons vu le géographe Solléry et, après lui, Paponet Lamanon, se fondant sur la présence de quelques variolites (1) parmi les cailloux de la Crau (comme si le Rhône, qui les reçoit de la Durance f n’en contenait point aujourd’hui dans ses alluvions modernes) pour destituer le Rhône, autoriser la Durance à se réfracter au milieu d’une plaine plate et sans obstacles, à renverser des montagnes, et tout cela pour effectuer un dépôt que le Rhône pouvait effec- tuer sans violence, dépôt qui se continue de nos jours, dans des conditions sinon égales, du moins semblables. * « On pourrait croire, dit Papon, que les cailloux de la Crau ont été roulés par le Rhône ; mais, outre que le lit de ce fleuve, depuis Tarascon jusqu’à la mer, est beaucoup plus bas que la Crau, les monticules qui la séparent du Rhône, du côté de l’E. N. E>, rendent le fait impossible (2). » Papon oublie d’ajouter . g j — . . i B ' - - 8gBÿ8< — : : (1) Voici boniment Lamahon s'exprime à l’etldroit dëS vâriolités : t)n dit en. T. T* T> Sert lo n. renversée- S action, normale T. Trias in/ T .Trias sup — h Lias et Dolomies^ ^v. Grès vert — S en. S énoncera Gac. CrarumnierL -Série- Sec o rc cl cl i, r e. E o cène* S- Tertiaires Fi£ 2 Coupe en travers du Bassin de Cerdague passant par Puycerda ( Long eur 10 TU. ) Hg. 4- Coupe de l'Etage Garumnien au Maseas de Nar ? I Crxz>é chui,AzjriL/'7> ImpBecquet Parts MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 605 tend d’une manière continue à la base du versant français dans sa moitié orientale. Cet espoir avait été d’ailleurs fortifié par la citation d’un gîte évidemment garumnien observé par M. de Verneuil, au nord de Berga, en Catalogne (1). Cette dernière circonstance, et des conditions particulièrement fa- vorables qui se sont présentées à moi en août dernier, m'ont déterminé à choisir la vallée de la Sègre, vallée extrê- mement sauvage et par cela même très-peu fréquentée et res- tée à peu près inconnue géologiquement, bien qu’elle ait été l’objet d'un mémoire de M. l’ingénieur Noblemaire (2). J’ai employé environ trois semaines pour cette étude que j’ai eu l’avantage de faire en la compagnie d’un de mes disci- ples, actuellement notre confrère, M. Paul Seignette, principal du collège de Foix. Nous avons abordé le haut de la vallée (Cerdagne) par l’Ariége. Partis de Foix, nous nous sommes rendus, par Ax, à i’Hospitalet, dernier village de ce département, d’où nous sommes montés au col de Puymorens, pour redescendre du côté opposé par la vallée de Carol (Pyrénées-Orientales), qui débouche dans la plaine de Cerdagne. Cette traversée nous a offert des faits intéressants dont nous croyons devoir d’abord dire quelques mots. Trajet entre THospitalet et Carol (Cerdagne). La route de l’Ariége, entre Ax et l’Hospitalet, est tracée, comme nous avons eu l’occasion de le dire ailleurs (3), à tra- vers une masse de roches granitiques, appartenant à la catégo- rie de ce granité polymorphe éruptif, dont le type est à Ba- gnères de Luchon. A une petite distance de l’Hospitalet, presque en sortant de ce village, du côté de l’Espagne, nous avons franchi la limite de ce granité et du gneiss qui l’accom- pagne de ce côté, pour entrer dans une région schisteuse qui lui succède brusquement et qui s’accuse à l’œil par des for- mes plus déprimées, plus douces et mollement arrondies. (1) Bulletin de la Soc. géol. de France, 2e série, t. XXIV, p. 315. (2) Étude sur les richesses minérales du district de la Seu d’Urgel (Cata- logne). Annales des Mines , 5e série, t. XIV; 1858. (3) Esquisse géognostique de la vallée de l’Ariége. Bulletin de la Soc. géol., 2e série, t. XX, p. 245. 606 SÉANCE DU l9r MARS 1869. Ces schistes ont une teinte grise assez uniforme. Ils sont de nature argileuse, avec un faciès sub-satiné, quelquefois rubané, strié ou guilloché, et passent à la mâcline par la présence de petits nœuds noirâtres, qui tendent à devenir des mâcles ou des staurotides. Cette assise, absolument dépourvue de cal- caire, et dans laquelle nous n’avons pu distinguer la moindre trace organique, me paraît devoir être regardée comme silu- rienne (étage inférieur). Elle plonge en masse, vers le nord, sous un angle assez modéré, comme si elle se disposait à passer sous le granité de l’Hospitalet. Lorsque l’on a franchi l’Ariége, au pont de Cerda, pour monter au Col de Puymorens par le sentier direct, on marche constamment sur ces schistes et Ton ne voit pas autre chose jusqu’au col, qui lui-même est assis dessus; mais si, au lieu de traverser la rivière au pont, on continuait à la remonter en suivant le chemin ordinaire de l’Andorre, on apercevrait, sur la rive droite, des affleurements d’un schiste carburé très- noir qui, dans les Pyrénées, se trouve constamment à la base du silurien supérieur. Je n’ai pu m’assurer, d’une manière cer- taine, de sa position, relativement aux schistes sub-satinés de la montée du col ; il m’a semblé qu’ils passaient par dessous, ce qui indiquerait un renversement. Le col de Puymorens consiste topographiquement en une selle presque plane, gazonnée, jonchée de blocs, dominée au N. E. et au S. O. par des montagnes qui s’élèvent à une grande hauteur, particulièrement au N. E. Le col lui-même acquiert une altitude considérable, dont la cote maximum 1,931 mètres se trouve à la cabane des douaniers. Nous avons vu que le sol de cette plaine était essentiellement formé par les schistes siluriens. Toutefois, cette roche fondamentale n’y affleure pas; elle s’y trouve partout recouverte et cachée par un terrain superficiel, composé de cailloux et de blocs graniti- ques, libres à la surface ou emballés dans une terre grossière, blanchâtre ou brunâtre. Quelle est l’origine de ce dépôt clysmien, situé à une telle hauteur? Jusqu’à quel point les glaciers auraient-ils pu con- tribuer à sa formation ? Nous laissons de côté cette question dont l’étude nous entraînerait trop en dehors de notre sujet principal. On descend du pont, au milieu de ces blocs, pour entrer, dans la vallée de Carol, longue fracture au milieu d’un nouveau massif granitique qui s’étend jusqu’à la plaine de Gerdagne. La MÉMOIRE DE M. LEYMERIE, 607 ligne qui sépare ce granité de la bande silurienne de Puymo- rens coïncide exactement, du côté N. E., avec le fond du petit vallon de Font Vive , où se trouve le village de Porté ; mais, si on cherchait à la prolonger en ligne droite dans le sens opposé, elle irait butter contre la montagne granitique de Fontfrède , qu’elle serait obligée de contourner, en remontant jusqu’aubord du col, pour se diriger ensuite vers l’ouest où elle viendrait couper l’Ariégetout près de sa source. La vallée de Garol, qui commence à Porté, se compose de deux parties distinctes par la forme et par la direction. La première, qui suit exactement la ligne méridienne, n’a que trois kilomètres de longueur. Elle se termine par le petit bassin où est situé le village de Porta. Elle est ouverte dans le granité ; toutefois, cette roche y est comme bordée, au nord, par une lisière comprenant des roches cristallines stratifiées, où l’on distingue près de Porté, sous les ruines d’un vieux château, un beau gneiss, en partie noduleux, très«brillant et . noir par l’abondance d’un mica de cette couleur. Après le bassin de Porta, commence la seconde partie de la vallée, la partie principale, qui fait avec la première un angle très-marqué qui la porte au sud-ouest, direction qu’elle conserve jusqu’à son entrée dans la plaine de Ger- dagne. Cette partie, longue de 8 kilomètres environ, est une véritable gorge portant tous les caractères d’une fracture, dont les parois, très-rapprochées de la route, offrent à l’obser- vateur des surfaces vives et fraîches qui lui permettent d’étu- dier la roche et d’en reconnaître la composition et les diverses variétés. Le granité de la vallée de Garol diffère essentiellement des roches granitoïdes variables et incertaines de l’Ariége, entre Ax et l’Hospitalet. Il est généralement massif, franc, vif à la cassure, homogène, à feldspath (ortbose) blanc dominant; le quartz y est gris, très-clair, vitreux, se fondant fréquemment sur les bords avec le feldspath. Je n’ai vu, dans ce granité, qu’un seul mica qui est noir, très-brillant, et assez uniformé- ment dispersé en lamelles souvent groupées, de manière à former de petits paquets qui prennent quelquefois une forme allongée, simulant l’hornblende. La couleur de la roche dépend principalement de l’espacement plus ou moins grand de cet élément lamelliforme. Habituellement, les lamelles sont assez écartées, et le granité offre, par suite, une couleur claire qui lui ferait donner le nom de granité blanc. Les variétés où le 608 SÉANCE DU 1er MARS 1869. mica est plus serré prennent une teinte grise plus prononcée. Il y a aussi quelques granités de cette catégorie dont la couleur générale passe au bleuâtre, à cause d'une légère teinte bleue qu’offre l’élément feldspathique. Nous ne devons pas passer sous silence un caractère acces- soire, mais assez général, qui se montre d’ailleurs dans pres- que tous les granités francs des Pyrénées. Il consiste dans la présence de taches noires assez grandes et nettement circons- crites, dans la plupart des cas, à figure irrégulière, anguleuse ou grossièrement curviligne. Elles sont dues, croyons-nous, à la concentration des éléments du granité réduits à un état de ténuité extraordinaire, avec prédominance du mica, et peut- être aussi du quartz. Dans tous les cas, ces taches sont con- temporaines du granité, et se sont formées pendant que les éléments de cette roche s’individualisaient et se séparaient sous l’influence de la cristallisation. Le granité blanc où le mica est relativement espacé, très- souvent taché de noir, règne dans tout le massif dont il est question; les autres variétés ne sont qu’accessoires. Il est re- marquable, par sa constance, dans une aussi grande étendue. Pour ma part, je n'avais pas encore eu l’occasion de traverser, dans les Pyrénées, sur un espace de 10 kilomètres, un gra- nité en masse aussi franc et aussi homogène. C’est à une petite distance de Carol (1), en amont, que cette roche massive cesse enfin, pour céder la place à des schistes de transition, identiques avec ceux de. Puymorens, et qui doivent appartenir au même étage. C’est, en même temps, vers cette limite que la vallée commence à s’élargir, et se prépare, pour ainsi dire, à s’épanouir dans la plaine dont il va être question ci-après. Le terrain de transport qui couvre le fond de la vallée cache les schistes au village même, mais on peut observer facilement ces roches fondamentales, sous l’é- glise qui est située sur un piton où nous avons retrouvé les schistes striés, à petites mâcles ébauchées de la montée du col. Ce gîte se rattache à un étage assez considérable que nous aurons l’occasion d’étudier ailleurs. Avant de quitter la vallée de Carol, nous signalerons de nom- (1) Ce village porte dans le pays le nom de Tour-de-Carol ; mais nous pen- sons qu’il convient de réserver ce nom pour la tour ruinée, qui constitue un accident pittoresque à 5 kilomètres plus haut dans la vallée et dont on fait, mal à propos, remonter la construction jusqu’à Charlemagne. MEMOIRE DE M. LEYMERIE. 609 breuses roches moutonnées et mamelonnées, souvent même po- lies, qu’il est impossible de ne pas remarquer lorsqu’on mar- che dans la partie supérieure, entre Porté et Porta, et particulièrement dans le petit bassin où se trouve ce dernier village. Faut-il voir dans cet état des affleurements granitiques de cette région un effet d’anciens glaciers? Nous devons dire, à cet égard, que nous n’avons remarqué sur les surfaces polies de ces roches, aucune strie ou cannelure, et en cherchant à distinguer le sens de Faction qui a pu produire ces surfaces, nous n’avons vu nulle part la preuve que ce sens eût été celui de la vallée. Nous avons cru reconnaître, au contraire, des indices d’un mouvement transversal. En admettant l’existence d’un ancien glacier, on pourrait trouver la trace d’une moraine dans une protubérance qui se trouve à l’entrée de la vallée, vers le bord septentrional, sur laquelle est situé le village d ’Enveigt. VALLÉE DE LA SÈGRE. » Aperçu général. La vallée de la Sègre appartient au versant méridional des Pyrénées, partie orientale. Elle commence au pied d’un cirque élevé et rapide, par un bassin allongé très-étendu, dont l’enceinte est formée par des montagnes de transition, où se trouvent de hautes cimes, et qui constitue un territoire mixte, entre la France et l’Espagne, appelé la Cerdagne. Le cirque, qui est la partie principale de cette enceinte, s’élève jusqu’à 1,662 mètres au col de la Perche, passage direct par lequel communiquent les deux versants. La vallée proprement dite, qui succède à ce bassin, est tout entière espagnole et dépend de la province de Catalogne. Elle consiste en une gorge profonde et sauvage, interrompue en quelques points par de petits bassins qui résultent de l’entrée latérale de vallons secondaires. Le principal de ces bassins est celui où est situé la S eu d'Urgel , chef-lieu de la vallée, à l’endroit où le val d’Embalire ou d’Andorre vient se réunir à la vallée générale. Les autres bas- sins sont, en amont d’Urgel, celui de Belver et, en aval, ceux d’Organya et d’Oliana. En traversant ce dernier, qui consiste Soe. géol.t 2e série, tome XXVI. 39 SÉANCE DU 1er MARS 1869. 610 en une plaine assez étendue, la Sègre quitte les hautes mon- tagnes, les véritables Pyrénées, pour entrer dans une région de collines qui précède la plaine de PEbre. Lavallée de la Sègre n’est pas directement transversale, re- lativement à l’axe pyrénéen ou, du moins» elle ne le devient qu’à partir du village du Pla ou plutôt de celui de Naves , situé en aval d’Urgel, où elle se courbe pour prendre une direction à peu près méridienne. Jusque-là, elle se dirigeait obliquement au S. O., un peu O. (1). Sa longueur totale, y compris la plaine de Cer~ dagne, jusqu'à Oliana, où elle quitte les Pyrénées proprement dites, est de 95 kilomètres (près de 25 lieues métriques) qui sont ainsi distribués entre les trois parties qui la composent. 1° Bassin ou plaine de Cerdagne entre Saillagouse et Isobol. . 20 kilom. (Largeur moyenne, 6 kilom.) 2° Vallée proprement dite, partie oblique entre Isobol et Naves. 50 » 8° Partie méridienne, entre Naves et Oliana 2 5 » Total 95 » Au-delà d’Oliana, la vallée s’élargit en entrant dans une ré- gion, relativement basse, et passe à Lérida avant de s’épanouir dans la grande vallée de l’Ebre; mais nous ne la suivrons pas dans cette partie inférieure de son cours, où elle présente beaucoup moins d’intérêt au point de vue géologique. La Sègre, qui donne son nom à la vallée, résulte de la réu- nion de trois petites rivières, savoir: la Sègre proprement dite qui entre dans le bassin latéralement à la base du cirque, côté oriental, en sortant d’une gorge profonde ; la Raour et la rivière de Carol provenant l’une et l'autre des montagnes si- tuées du côté occidental du cirque. La réunion de la Raour et de la Sègre se fait un peu au-dessous de Bourg -Madame; mais ce n’est qu’à environ 5 kilomètres plus bas que la rivière de Carol vient apporter le tribut de ses eaux. La Sègre ainsi constituée est une rivière assez médiocre, dont l’eau est habituellement louche, avec une teinte grisâtre, qui devient presque noire par l'effet des grandes pluies. Les trois divisions, que la topographie nous avait suggérées, dans la vallée qui nous occupe, pourraient être regardées (1) Nous faisons abstraction dans cet aperçu très-général d’une petite partie dirigée de l’est à l’ouest, comprise entre Isobol et le Martinet. ■ MEMOIRE DE M. LEYMEME. 611 k comme des régions naturelles; car il se trouve qu'elles se dis- : tinguent également par la plupart des aulres caractères, et surtout au point de Yue géologique. En effet, si nous considé- rons d’abord le bassin de Cerdagne, en laissant de côté pour l’instant le fonds du bassin lui-même, qui offre deux dépôts récents que nous étudierons plus loin, pourrie porter notre at- tention que sur les terrains anciens qui forment son enceinte, nous verrons d’abord, que le cirque au pied duquel cette plaine prend naissance, est constitué parle granité flanqué de schistes de transition sans fossiles, et que ce sont également des schistes anciens qui forment les parties latérales de la même enceinte. La première section de la vallée proprement dite, celle qui commence à l’extrémité sud du bassin, est presque exclusive- ment ouverte dans l’étage dévonien où le calcaire joue un rôle important, tandis qu’il manquait complètement dans les schis- tes de la ceinture. Enfin, le terrain secondaire constitue entiè- rement la section inférieure ou méridienne, celle qui offre au plus haut degré le caractère de gorge et dont les accidents oro- rà ] graphiques sont les plus imposants; ce terrain s’y montre deux i v fois ou en deux séries, l’une normale et l’autre renversée; cette dernière étant à peu près complète. Quant aux basses montagnes ou collines qui succèdent au bassin d’Oliana et qui contrastent, par leurs formes arrondies, leur végétation (bois de pins), et par l’inclinaison de leurs couches avec les montagnes hardies et arides de la section précédente, elles ont aussi une composition toute spéciale. Leurs éléments sont des grès, des poudingues calcaires et des argiles souvent bigarrées, appartenant à la formation nam- mulitique (éocène), qui n’a aucun représentant dans la haute vallée. Elles forment, à la base de la chaîne, une sorte d’inter- médiaire entre les véritables Pyrénées et la plaine de l’Ebre, dont le sol fondamental est un terrain lacustre miocène. La coupe générale qui accompagne ce mémoire accuse aux yeux la plupart des caractères généraux que nous ve- nons d’esquisser. Cette coupe a été construite à l’échelle de a &oT~0 o o Pour ^es distances horizontales : l’absence de cotes exactes nous a obligé de nous y contenter de probabilités pour l'es hauteurs qui s’y trouvent un peu exagérées. Ce profd (pl. V fig. 1) traverse d’abord le cirque dans sa partie occiden- tale, et l’on y voit clairement les relations qui existent entre le granité et les schistes anciens. Il représente le bassin de Cer- dagne dans sa longueur avec projection de sa ceinture occi- 612 SÉANCE DU 1er MARS 1869. dentale et suit plus loin la vallée en reproduisant presque par- tout son versant droit. Nous avons dû placer, dans ce dessin, à la suite Tune de l’autre, sur une môme ligne droite, les deux sections de la vallée proprement dite, bien qu’elles forment un angle prononcé ; mais nous avons indiqué les deux directions et même la direction E. O. accessoire par la notation ordinaire. C’est ce profil qui va nous servir de guide dans la courte des- cription que nous allons faire des divers terrains qui s y trouvent représentés. Nous commencerons naturellement par la Cerdagne. De la plaine de Cerdagne et de son enceinte. Le bassin de Cerdagne est une des particularités les plus cu- rieuses de la vallée que nous décrivons. En effet, tandis que dans les vallées considérées d’une manière générale, les éva- sements qu’on appelle bassins sont d’autant plus importants qu’ils se trouvent plus bas, c’est-à dire plus loin de l’origine de ces grands sillons des montagnes, celui-ci qui est lui-même le commencement de la vallée et dont l’altitude n’est pas moindre de 1,140 mètres à Bourg-Madame, constitue une plaine ayant 19 kilomètres de long sur 6 environ de largeur, qui est la plus étendue, la plus peuplée de la vallée, et qui contient la prin- cipale ville, Puycerda. La fertilité de cette plaine est réellement remarquable eu égard à son altitude. Elle tient sans doute à la nature de son sol; mais principalement à sa situation méridionale au fond d’un cirque élevé, qui la tient h l’abri des vents du Nord. Ce bassin devrait appartenir entièrement à l’Espagne ; mais par une de ces inconséquences, dont la chaîne des Pyrénées offre malheureusement trop d’exemples, la partie la plus septen- trionale est française et, chose particulièrement bizarre, dans cette région, qui dépend du département des Pyrénées-Orien- tales, se trouve enclavée une commune espagnole, Livia, qui ne peut communiquer avec l’Espagne sans traverser le sol français. La capitale de la Cerdagne est Puycerda , ville espagnole située sur une hauteur au fond du bassin et dont le terrain n’est séparé de Bourg-Madame, village français appartenant au can- ton de Saillagouse, que par la petite rivière de la Raour. Le fond du bassin de Cerdagne, assez inégal et bosselé au pied du cirque, dans sa partie française, qui offre une pente 613 MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. générale vers le midi, se régularise en aval de Puycerda et prend la forme d’une plaine longitudinale bordée par une terrasse. Nous nous occuperons bientôt de cette plaine d’une manière spéciale ; mais il convient de prendre préalablement une idée de l’enceinte et d’abord du cirque qui en est la partie prin- cipale. Du cirque au pied duquel commence le bassin. Pour cette reconnaissance du cirque, qui est tout entier dans la Cerdagne française, nous l’avons attaqué en premier lieu du côté oriental en montant aux Escaldas, où se trouvent des eaux chaudes sulfureuses très-abondantes. A partir du Bourg-Madame, où nous avions établi notre quartier général, le chemin qui conduit à cette station ther- male se trouve d’abord en plaine et longe la Raour sur sa rive gauche. C’est au village d’Ur que commence la montagne, et à peine avions-nous commencé à la gravir, que nous avons ren- contré une formation schisteuse qui se rattache aux schistes sombresen partiemâclifères, signalésprécédemmentàCarol. En montant d’Ur à Villeneuve par un chemin assez rapide, tracé au bord gauche de la petite rivière qui porte le nom de ce village, nous avons d’abord traversé ces schistes, puis nous les avons laissés à gauche du chemin, ayant en vue, de l’autre côté du ruisseau, une bordure granitique sur laquelle nous n’insiste- rons pas, parce qu’elle, disparaît presque aussitôt en descendant sous les dépôts de la plaine. En marchant constamment au bord de la région schisteuse nous avons pu en étudier les caractères. Les schistes qui la composent sont d’un gris foncé, argileux, sub-satinés en partie mâclifères, et quelquefois alumino-pyriteux. On y rencontre de rares filons ou veines de quartz et quelques accidents euri- tiques, mais jamais de calcaire. Le tout forme un étage homo- gène en grand, d’une teinte sombre uniforme, qui plonge assez rapidement au nord comme s’il devait passer sous une crête granitique que nous voyions saillir de ce côté, au pied de laquelle sourdent les eaux thermales des Escaldas et de Dorres. A Villeneuve, le chemin qui conduit à ces sources prend une direction septentrionale, et semble encore suivre la ligne qui sépare les schistes de transition d’une langue granitique qui s’avance, au sud, par le village d’ Angoustrine . On ne voit sur 614 SÉANCE DU 1er MARS 1869» ce chemin que des blocs de granité qui, naturellement, sont beaucoup plus nombreux et pins amassés du côté orienta! sur la pente de la langue granitique qui vient d’être signalée. De l’autre côté doit exister le schiste qui s’y élève à une hauteur nusitée au sommet de Bailloc (1,688 mètres); mais les blocs de granité dominent au bord du chemin. C’est, comme nous l’avons dit ci-dessus, au pied d’une crête granitique escarpée, dans un site sauvage et très-élevé, où la rivière de Villeneuve tombe en cascade au milieu d’un chaos de blocs volumineux et presque au contact de la formation schisteuse, que sourdent les eaux sulfureuses thermales des Escaldas et celles de Dorres, qui ont été étudiées par le savant et consciencieux Anglada (1). Les principales, celles des Es- caldas, sont franchement sulfureuses (2) et peuvent 'être com- parées pour le volume aux eaux d’Ax; mais leur température n’atteint que 42°, 5. Ces thermes ne sont guère fréquentés que par des Espagnols malades, ce qui tient à ^insuffisance des moyens de communication et surtout à la concurrence des établissements du Vernet, d’Amélie et d’Ax qui sont en position d’offrir aux baigneurs des ressources et des distractions qu’il serait impossible d’introduire en un lieu si écarté (3). Le granité de cette contrée se prolonge dans celui de la vallée de Carol et offre identiquement les mêmes caractères (1) Traité des eaux minérales des Pyrénées-Orientales, t. t, p. 7 3. An- glada considérait ces eaux, avec raison, je crois, comme étant celies des Pyrénées qui sourdent à la plus grande hauteur. L’altitude de la station de Dorres qui se trouve tout près des Escaldas, mais un peu plus haut, atteint 1,458 mètres. (2) D’après Anglada un litre d’eau des Escaldas contiendrait Ogr,144 de matières étrangères dont les principales s’y trouveraient dans les propor- tions suivantes : Silice 0,039 Garb. de potasse. . . 0,012 Sulfnre de sodium. . 0,033 Ghlor. de sodium.. 0,006 Carb, de soude. . . . 0,027 Glairine 0,007 Suif, de soude 0,018 (8j II ne faudrait pas conclure de ce que nous venons de dire que réta- blissement des Esca.das soit en défaut à l’égard du confortable. On y fait dans ce sens tout ce qu’il est possible, et non s pou vons ajouter que nous avons été, pour notre part, très-satisfaits et même étonnés de la manière dont nous y avons été traités. Quel contraste avec les mauvaises posadas qu’il nous a fallu subir dans la plus grande partie de notre voyage! 615 MÉMOIRE DE I, LEYMERIE. pour lesquels nous renvoyons à l'indication que nous en avons donnée plus haut. L'un et l’autre dépendent d’un immense massif qui constitue la plus grande partie des Pyrénées-Orien- tales et qui comprend le Canigou. Nous avons voulu compléter cette reconnaissance de la par- tie occidentale du cirque en descendant à Livia, village es- pagnol situéau bord de la plaine, contre la pointe d’une petite montagne schisteuse, où nous avons retrouvé les caractères des schistes d’Ur et de Garol. Il résulte de l’ensemble de ces observations, que les schistes (S1 de la coupe) cfui se développent au bord occidental du cirque, au fond duquel commence le bassin de Cerdagne, cons- tituent un étage uniforme et régulier, dénué de calcaire et sans la moindre trace de fossiles, qui semble être une repro- duction de celui qui a été mentionné plus haut au col de Puymorens, dont il offre les caractères lithologiques et strati- graphiques, et que l’un et l’autre doivent dépendre d’un seul et même système, probablement silurien (étage inférieur). Ces schistes forment en Cerdagne une zone courant dans la direction O. S. O., avec une inclinaison septentrionale, qui tendrait à les faire passer sous le massif granitique g qui se développe au nord. Tel est le résultat de notre reconnaissance dans la partie oc- cidentale du cirque. Pour en reconnaître le fond et le côté oriental, la voie la plus directe et la plus commode était celle qui conduit droit à Montlouis par le col de la Perche. C’est cette voie que nous avons adoptée. Nous ne dirons rien pour l’instant du trajet entre Bourg-Madame et Saillagouse, village situé sur la Sègre au pied du cirque. Cette partie ap- partient au bassin même dont nous allons bientôt nous occu- per d’une manière toute spéciale. Après avoir traversé la Sègre à Saillagouse, on a devant soi une côte rapide qui indique assez clairement que l’on quitte en effet le bassin pour s’élever sur le cirque qui est la partie la plus remarquable de son enceinte et qui se termine par le col de la Perche et par le plateau de Mont-Louis, Je m’attendais, en montant vers ces hautes régions que je savais être granitiques, à y trouver le granité franc et vif des Escaldas et de Carol, après avoir coupé le prolongement de l’étage silurien reconnu précédemment ; mon attente a été trompée. Le premier terrain qui s’est présenté sur la côte, au sortir du village, s’est trouvé être une sorte d’argilolifce rouge, 616 SÉANCE DU 1er MARS 1869. bizarrement ravinée, qui est comme flanquée à la base de la montagne, et qui appartient, comme je l’ai reconnu depuis, à un dépôt qui semble avoir comblé Je bassin vers la fin de l’é- poque tertiaire et dont il sera particulièrement question un peu plus loin. Les schistes anciens, recouverts par ce dépôt, affleurent cependant en quelques points de la côte qui con- duit à une première station qu’on appelle col de Riga ; mais ils ne se manifestent un peu largement qu’après ce col, dans la plaine qui le sépare du col de la Perche , qui est plus loin et plus élevée. On reconnaît alors un schiste qui diffère sensible- ment de celui d’Ur et de Garol. Il est mat et mjune terreux, et d’une couleur claire passant au blanc sale. Le gazon qui re- couvre celte plaine, à une hauteur où se montrent des forêts de sapins dans la montagne voisine* est jonché de blocs de quartz blanchâtre, à peine arrondis sur les angles qui indiquent la présence de cette roche dans ces schistes ou dans ceux des montagnes entre lesquelles la plaine est comme encaissée. Après avoir traversé ce plateau gazonné, on franchit le col de la Perche, molle dépression en forme de selle très-élargie (largeur 3 kilomètres), dont l’altitude est cotée 1,622 mètres sur la grande carte de France, et qui est limité latéralement par des escarpements granitiques très-prononcés du côté oriental. C’est là que l’on commence à rencontrer le granité. Sur le col lui-même et en descendant à la Cabanasse , dans un petit vallon qui le sépare du plateau de Mont-Louis, cette roche se montre sous un aspect terne et même terreux, et avec une couleur sale d’un gris un peu roussâtre, et l’on rencontre à chaque pas de nombreux blocs en état de désagrégation par couches concen- triques qui se réduisent peu à peu en une arène de même couleur. Au reste, ce granité n’occupe pas une très-grande surface, et j’ai lieu de croire qu’il ne se montre, dans le mas- sif général que nous avons déjà indiqué, qu’en larges taches où la roche, franche et vive habituellement, semblerait atteinte d’une sorte de maiadie qui paraîtrait tenir particulièrement à la décomposition du mica. Si l’on descendait à l’est de Mont- Louis, dans la vallée de la Têt, on verrait le granité reprendre ce faciès vif et brillant qui témoigne de son état sain : il en serait de même si l’on marchait sur le plateau au nord, dans la direction de Fourmiguières (1). (L Le granité des Pyrénées-Orientales offre dans ces parages, un acci- nent assez curieux. G est une matière verte ou verdâtre, comme serpenti- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 617 Le granité malade du col de la Perche m’a rappelé celui de Foix et plus particulièrement encore le granité de la partie orientale duCanigou, sur le chemin d’Arles à la Batère qui est là, comme dans la montée delà Perche, en relation avec des schistes blanchâtres ou légèrement jaunâtres sans éclat. Le temps nous a manqué pour étudier en détail l’escarpe- ment oriental du cirque au col de la Perche et au-dessous. Il nous a paru que la roche qui succédait immédiatement au gra- nité de ce côté était un gneiss ou hyalomicte, à mica bronzé en décomposition. La gorge par laquelle la Sègre fait son entrée dans le bassin débouche au sein de cette roche, d’où sourdent également les eaux thermales sulfureuses de Llo. Il semblerait résulter de ce rapide aperçu que le côté orien- tal du cirque diffère sensiblement du côté occidental. Nous n’y avons rien vu notamment qui pût nous rappeler les schistes sombres, sub-satinés, mâclifères, d’Ur et de Carol; mais nous n’insisterons pas sur cette différence qui mériterait d’être l’ob- jet d’une étude plus approfondie. Occupons-nous maintenant de la partie de l'enceinte qui cir- conscrit le bassin latéralement. Elle est constituée par des schistes de transition. Nous avons constaté ce fait des deux côtés du bassin; mais principalement du côté oriental où ces schistes s’offrent, pour ainsi dire, d’eux-mêmes à l’observateur, au pied des montagnes et dans les gorges qui en sortent pour venir dé- boucher dans la plaine. Nous avons pu faire cette reconnais- sance facilement en profitant d’un chemin qui passe à la base des montagnes, par une suite de villages (Palau, Villalobent , Urch, Alvilar) qui semblent situés là comme des jalons pour marquer de ce côté la circonscription de la belle plaine qui va être ci-après l’objet de notre attention. Cette exploration ne nous a offert nulle part les schistes si- luriens en partie mâclifères de Carol; mais bien une suite assez uniforme d’autres schistes d’un gris cendré, ternes quelquefois même sub-terreux, notamment dans une gorge près de Pareras , où ils ressemblent à de la boue desséchée. Il est difficile de découvrir l’allure générale de ces schistes à cause des inflexions et des autres dérangements qui les affec- tent, bien que ces perturbations ne soient jamais bien pro- noncées. — En approchant du village d’Urch, la roche en lieuse, mais légèrement foliacée, qui s’y trouve en veines ou qui pénètre aussi moléeulairement dans la masse. 618 SÉANCE DIJ 1er MARS 1869. place se trouve un peu cachée ou éloignée du chemin ; mais les murs de clôture des champs (ressource précieuse dans des cas semblables pour le géologue) accusent des schistes souvent assez massifs, d’une couleur légèrement verdâtre, passant parfois au schiste novaculaire, et entre Urch et Alvilar nous en avons remarqué qui manifestaient une tendance à la struc- ture amygdaline, caractères qui semblaient nous indiquer la présence ou au moins le voisinage de l’étage dévonien. C’est dans ces circonstances que nous sommes arrivés à la gorge de Pardinella où passe le chemin de Puycerda à Bar- celonne. Là nous avons reconnu des schistes légèrement ver- dâtres ou gris sub-ardoisiers, plongeant fortement au N. E. Le ruisseau lui-même coule sur des affleurements de ces schistes, et montre des blocs, généralement peu arrondis, descendus des montagnes qui s’élèvent immédiatement à l’est. Nous avons vu parmi ces blocs des schistes nettement et agréable- ment rubanés ; mais la plupart consistent en des conglomérats vivement colorés en vert et en rouge, qui sont composés d’une matière schistoïde ou euritique, empâtant des fragments de grauwacke très-fine et surtout de quartz blanc, et dans laquelle cette dernière roche s’introduit même sous forme de veines enlaçant les autres éléments, de manière à constituer avec eux un magma dur et solide. On sait que ces vives couleurs sont dans les Pyrénées, un indice presque certain pour l’étage dé- vonien supérieur, et cet indice se trouve d’ailleurs fortifié par la présence de blocs de marbre rouge, analogue à l’incarnat et à la griotte du Languedoc, tout près de là dans le terrain de transport de Sanavastre , et sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Le village que nous venons de nommer est d’ailleurs à une très-petite distance d’ Isobol, vers l’extrémité sud du bassin où la vallée proprement dite s’ouvre dans une assise dont les ca- ractères dévoniens ne sauraient être contestés. Il ne me paraît donc pas douteux que la gorge de Pardinella et tout ce qui lui succède au sud appartient à cet étage; peut-être même fau- drait-il faire remonter la limite au nord, du côté d’Urcb. Quant aux schistes gris-terne, qui se développent en deçà de ce village, ils pourraient être regardés comme siluriens (étage supérieur). Tel est 1 état des choses dans l’enceinte du bassin du côté oriental. Le côté opposé offre à Deu près la même succession, sauf la piésence des schistes siluriens intérieurs de Carol qui se MÉMOIRE DE M. LEYMERIE, 619 prolongent là, tandis que nous ne les avions vus nulle part dans l’exploration précédente. En suivant la route d’Urgel, du côté droit de la Sègre, nous avons en effet reconnu, dans les murs de clôture, à défaut d’af- fleurements, ces schistes bien caractérisés. Us paraissent se continuer jusqu’à Volvir et même un peu au delà où ils se montrent enfin d’une manière directe, avec un prolongement septentrional, et par conséquent conforme à celui de Carol. Plus loin, on perd de vue le terrain de transition ; mais après avoir dépassé le village &’ Ailes, les débris employés dans la construction des murs témoignent de la présence des schistes verdâtres que nous avions rencontrés à Urcb, de l’autre côté du bassin. Enfin, en approchant d’isobol, où nous allons bien- tôt indiquer des griottes en place, de nombreux fragments de calcaires gris, mêlés à quelques calcaires rouges amygdalins, indiquent que l’on a franchi la limite qui sépare le silurien du dévonien. En résumant toutes nos observations sur l’enceinte du bas- sin de Gerdagne, on voit que ce bassin est acculé au nord con- tre un massif granitique g. auquel s’accolent des schistes de transition nettement accusés et caractérisés à l’est, et qui doivent appartenir à l’étage inférieur du système silurien, tan- dis que ses parties latérales consistent en des roches schisteuses plus ternes et d’une teinte cendrée qui pourraient être encore siluriennes (étage supérieur), passant, par des schistes légère- ment verdâtres, à un étage d évidemment dévonien D, qui constitue la partie extrême du côté méridional. Abstraction faite de ces roches extrêmes, l’ensemble de cette enceinte schisteuse constitue un puissant système azoï- que, dont l’inclinaison générale est au nord, et qui semble, dès lors, occuper une position renversée avec surincombance du granité. On remarquera que ce système est entièrement dé- pourvu de calcaire, circonstance qui suffirait pour le faire dis- tinguer de l’étage dévonien qui le suit, et qui explique l’ab- sence des pierres de cette espèce, et celle de la chaux dans les constructions du pays. Du Bassin lui-même. Le bassin riche et fertile qui constitue principalement la Gerdagne, et dont nous avons indiqué plus haut la forme allongée et la grande étendue, a été regardé par plusieurs ob- 020 SÉANCE DU îer 31 A RS 1869. servateurs, comme un lac desséché. Rien n’est mieux fondé que celte supposition qui devient presque une réalité, lors- qu’on vient à considérer cette plaine au point de vue géog- nostique. En effet, malgré le remaniement opéré dans ce bas- sin par les eaux diluviennes qui l’on recouvert finalement de matériaux plus grossiers, il reste des indices et des témoins qui suffisent pour mettre l’observateur à même de constater l’existence au fond du bassin d’un grand dépôt lacustre ( P de la coupe générale), et de reconnaître même la composition et sa structure. D’abord il s’est conservé presque intact tout autour du bassin, où il forme, à la base des montagnes, une bordure saillante, quelquefois élevée, presque continue, surtout du côté oriental. D’un autre côté, on peut s’assurer directe- ment de sa présence dans l’intérieur, sous le diluvium, en certains points où des tranchées profondes traversent entière- ment ce dernier dépôt. 11 y a donc lieu de distinguer dans le terrain de comblement du bassin de la Gerdagne, deux formations : l’une, lacustre; et l’autre, diluvienne. Nous allons nous occuper successive- ment de ces deux ordres de dépôts, en commençant par le premier. Dépôt lacustre. — Le terrain qui a comblé primitivement le bas- sin de l’ancien lac, et qui en occupe encore le fond et les bords, est lui-même susceptible d’être divisé en deux assises, dont la plus récente se trouve être aussi la plus grossière. Gelle-ci se ma- nifeste surtout dans la bordure extérieure ; l’autre, qui se trouve naturellement au fond, où elle est recouverte par le diluvium, se laisse voir cependant, en quelques points, là où ce dépôt su- perficiel est entamé profondément. Elle se compose d’argiles souvent sableuses, accompagnées de grès friables de couleur claire; les couches les plus inférieures, toutefois, offrent sou- vent des argiles assez pures, d’une couleur plus sombre, obs- curément bariolées. L’assise supérieure consiste, presque partout, en une argilo- lite grossière rouge, quelquefois jaune d’orange, renfermant des fragments anguleux de schistes provenant des montagnes voisines ; un gravier, ordinairement quartzeux, s’y trouve aussi en petits amas ou veines, principalement dans la partie supé- rieure.— G’est cette assise que sa couleur rutilante fait particu- lièrement remarquer au pied des montagnes de l’enceinte (côté oriental), où elle passe derrière les nombreux villages que nous avons déjà eu l’occasion de nommer. .MÉMOIRE DE M. LE YM ER IE. 621 Ce dépôt lacustre, considéré dans son ensemble, offre des traces d’une véritable stratification, et ce qu’il y a de remar- quable dans l’allure des strates, c’est l’inclinaison très-sen- sible qu’ils offrent presque toujours. Toutefois, cette incli- naison est assez faible vers le fond du bassin. Quant au sens, il est assez variable; mais nous avons cru remarquer qu’il tendait le plus souvent à faire descendre les couches des bords à l’intérieur. Ces faits généraux sont le résultat d’une reconnaissance que nous avons faite tout autour de la plaine, et aussi dans la plaine elle-même, et dont nous allons donner une courte analyse. C’est principalement la bordure orientale qui a attiré notre attention. On se rappelle que dans notre excursion au Col de la Perche et à Mont-Louis, nous avons rencontré, en mon- tant, au nord de Saillagousse, un terrain rutilant vivement raviné. Ce terrain n’était autre chose qu’un affleurement pro- noncé du dépôt lacustre que nous décrivons, qui se trouve là flanqué contre les roches anciennes. En examinant de plus près les talus escarpés qui bordent la route à droite, on voit que la partie inférieure consiste en des argiles verdâtres et violacées contenant de petits rognons calcaires, des indices de lignite et quelques accidents ferrugineux ; mais que la masse, qui appartientpresque entièrement ànotreassise supérieure, est formée par des débris schisteux grisâtres, emballés dans l’ar- gilolite rouge, matière qui se présente aussi seule en bandes particulières, le tout plongeant légèrement vers le fond de la vallée. Des caractères semblables se remarquent, à partir de ce point, tout le long du bord oriental du bassin. Nous l’avons constaté en suivant cette partie de l’enceinte jusqu’à la gorge de Pardinelîa, d’où l’on voit la ceinture rouge que nous avions rarement perdue de vue jusque-là, se prolonger au sud der- rière le village d 'Asp et tous les autres villages qui se trouvent de ce côté au pied des montagnes, jusqu’à l’extrémité du bassin. Nous avons particulièrement étudié cette ceinture derrière les villages français d’Osseja et de Palau, où le terrain rouge s’accuse d’une manière remarquable par son épaisseur et par son étendue, et exerce même une influence sur la forme du relief. Il forme là de petites collines et des promontoires en avant des montagnes, et on l’y voit pénétrer par des gorges, dont les SÉANCE DU lor MARS 1869. 622 escarpements offrent des coupes de ce terrain qui permettent d’en reconnaître la composition et la structure. C’est toujours, en masse, uile terre argileuse, grossière, de couleur rouge, con- tenant des fragments de schistes, un peu de quartz et quel- ques autres éléments d’un petit volume qui sont disséminés dans la roche terreuse. Ces éléments et Pargilolite elle-même, forment aussi des couches qui descendent vers le fond du bassin, sous un angle dont la valeur va peu à peu en dimi- nuant. Le gîte dont nous venons de donner un léger aperçu, ne montre pas les couches inférieures du dépôt; mais ces couches paraissent plus près du centre dans certaines écorchures d’une teinte jaunâtre, que l’on laisse à droite, lorsqu'on se rend de Bourg-Madame à Saillagouse, par la route de Perpignan. Nous avons eu l’occasion, d’ailleurs, d’en traverser des affleurements en continuant à suivre la lisière orientale sur le territoire espa- gnol, après avoir passé le gisement de Palau. Un de ces affleu- rements s’est présenté à nous, notamment un peu après avoir traversé le village de Villalobent, en un point où un petit ravin entame une argile verdâtre obscurément tachée de rouge qui ressemble beaucoup à celle qui gît à la base du terrain rouge à Saillagouse. — Nous citerons encore un autre gîte de cette assise inférieure que nous avons rencontré à l’entrée du village d’Urch, où se trouve également un ravin qui permet d’en ob- server les caractères. C’est une argile analogue à la précédente que l’on observe en cet endroit; mais elle y offre cette curieuse circonstance qu’elle alterne en strates inclinés de 25 à 30 de- grés avec des couches de grès friable et de petits cailloux quart- zeux agglomérés. Le tout est recouvert par une assise arénacée blanchâtre, passant au jaunâtre où la couleur rouge fait défaut, circonstance qui pourrait s’expliquer par une destruction locale de l’assise supérieure. Dans nos observations sur cette assise inférieure, nous avons vu quelque fois les argiles en contact avec les schistes sous- jacents, et il nous a semblé remarquer un passage du schiste en décomposition à l’argile. Nous nous sommes arrêtés dans cette reconnaissance de la bordure orientale du dépôt lacustre, à la gorge de Pardinella, ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut; mais nous avons suivi des yeux l’assise rouge au delà de cette limite, où elle continue à passer derrière les villages jusqu’au fond du bassin. MEMOIRE DS M. LEYMERIE. Cette bordure, si accusée au bord oriental, doit avoir un représentant du côté opposé. C’est ce que nous avons constaté en suivant la route de Puycerda à Urgel, entre la première de ces villes et le village d’isobol où se termine la plaine ; mais ici, les caractères du terrain lacustre ne sont pas aussi prononcés ; ses formes sont plus étalées, plus vagues, et la couleur rutilante s’y trouve généralement remplacée par des teintes plus pâles et plus ternes. C’est ce que l’on peut recon- naître presque en sortant de Puycerda, dans le talus qui des- cend à la vallée, sous le village de Guils. L’endroit où la bordure lacustre se manifeste le plus de ce côté, est derrière le village d’ Ailes, où elle affecte une disposition en gradins que l’on distingue de loin, à cause de cette forme spéciale et aussi par les teintes alternativement jaune-orangé et blanche de la matière argileuse qui la compose. C’est cette partie occidentale de la ceinture que nous avons projetée en P sur notre coupe générale, à cause de sa proximité; elle se trouve particulièrement représentée dans le profil transversal (fig. 3). Le terrain que nous venons de reconnaître tout autour du bassin passe évidemment sous le dépôt diluvien pour consti- tuer le fond. C’est un fait dont nous avons vu la confirmation en plusieurs points où le diluvium a été entamé assez com- plètement, pour mettre a nu le dépôt sous-jacent. C’est ce que nous avons notamment observé dans les tranchées du mon- ticule qui supporte Puycerda. En effet, le rapide chemin par lequel on descend de cette ville du côté occidental, montre un dépôt de cailloux diluviens reposant brusquement et en dis- cordance sur une argile blanc-jaunâtre qui est évidemment lacustre. Ce fait qui est rendu sensible aux yeux dans la figure 2, se repro'duit encore, ains que le montre la même figure, à la gauche de la Sègre, dans la terrasse diluvienne sur laquelle est tracé le chemin de Bourg-Madame à Palau, et nous allons en signaler d’autres exemples en parlant des lignites qui gisent dans le terrain qui nous occupe. On y rencontre des traces de ce combustible en beaucoup de points ; mais on ne connaît que deux gîtes où il se soit trouvé en assez grande abondance pour mériter une exploitation suivie. L’un est sur le territoire de la commune française d’Estavar, à l’extrémité nord du bassin, et l’autre à Sanavastre (Espagne), vers l’extrémité opposée. Nous dirons un mot de chacun de ces gîtes. m SÉANCE DU 1er MARS 1869. Le gîte d’Estavar se trouve dans un petit vallon par lequel le ruisseau qui passe à ce village arrive dans la plaine, tout près de la limite qui sépare son territoire de l’enclave espa- gnole de Livia. Ce vallon est encaissé entre des schistes silu- riens, et l’on n’y voit aucun affleurement du dépôt lacustre qui ne peut exister qu’au fond. C’est là, en effet, que l’on avait jadis commencé des travaux au milieu d’une argile sableuse qui ne pouvait être que l’assise inférieure du terrain qui nous occupe. MM. Bouis et Farine, de Perpignan, ont parlé de ce gîte. D’après M. Farine, la lignite y formait une couche épaisse inclinée au S. E. dans laquelle ce combustible se présentait d’une manière assez irrégulière, avec des traces des fibres ligneuses et môme sous forme de branches et de troncs d’arbre. Le même savant a signalé, dans les argiles supérieures au lignite, des lits contenant beaucoup de coquilles écrasées, parmi lesquelles, il a reconnu : Limneus stagnalis , palastvis , auricularia; Paiudim impora; Valvata piscinalis; Planorbis carinatus, espèces qui appartiennent toutes à l’époque actuelle, et des cyclades indéterminables spécifiquement. D’autres ont cité, dans le même gîte, des cônes de pin et des ossements de mammifères. — Aujourd’hui, cette exploitation est complète- ment abandonnée, et nous n’avons pu même en découvrir, sur les lieux, la moindre trace. Il n’en est pas de même de l’autre gîte. Celui-ci est encore l’objet d’une exploitation que Bon pousse activement par des travaux souterrains d’une étendue considérable. (Voyez le pro- fil, fig. 3). Il faut dire aussi qu’il est favorablement situé, à . une faible hauteur au-dessus du fond de la plaine, au bord d’un ruisseau qui passe derrière le village de Sanavastre. D’où Front et entrée de la mine de lignite de Sanavastre. I il résulte une facile sortie pour le combustible et un écoulement tout naturel pour les eaux rencontrées dans les travaux. Nous donnons ici un croquis représentant le front de la mine où Bon voit l’ac- tion des galeries percées dans la couche de lignite dont l’é- paisseur est d’environ 1 mètre. La même figure montre que cette couche est comprise entre des bancs de grès friable, de MEMOIRE DE M. LFYMERÏE. ()25 couleur claire sous-jacents, à une argile sableuse blanchâtre ; le tout étant 'surmonté, d’une manière brusque, par un dépôt cail- louteux qui appartient au diluvium. L’ensemble du dépôt ligni- tifère offre d’ailleurs une stratification marquée avec une assez faible inclinaison dont nous n’avons pu reconnaître clairement le sens. — Le lignite de Sanavastre est schisteux, avec une ten- dance à la cassure rectangulaire. On y remarque des impres- sions de tiges végétales tout à fait indéterminables. Il résulte des faits et des considérations qui viennent d'être exposés que, à une époque antérienre à celle où s’est exercée l’action violente qu’on appelle diluvienne, un lac remplissait le bassin aujourd’hui émergé de Cerdagne, et que ce bassin a été comblé à cette époque par un dépôt considérable d’atté- rissements apportés dans cette vaste dépression par les tor- rents qu’y déversaient les gorges déjà ouvertes au sein des montagnes de l’enceinte, principalement du côté oriental. En considérant ce dépôt lacustre en lui-même autant qu’il nous est permis de le faire dans les parties accessibles aux observations, on peut y distinguer deux assises. La première, celle qui occupe le fond, se compose, à la base, d’argiles assez pures d’un gris verdâtre ou obscurément pana- chées et, plus haut, d’argiles aréneuses et de grès friable de cou- leur claire, associé, en quelques points, à du gravier quartzeux à petits éléments. Elle renferme souvent des traces de lignite; mais ce combustible s’y trouve accumulé, en quelques en- droits, de manière à mériter d’être exploité, notamment vers les extrémités du bassin. L’assise supérieure, de composition plus grossière, consiste généralement en une argilolithe qui est d’un rouge vif dans la partie orientale du bassin, où elle contient des fragments an- guleux de schistes et de quartz qui s’y trouvent en amas dis- persés ou qui s’y disposent en couches alternant avec les cou- ches argileuses. Du côté occidental, la composition de la même assise devient plus uniforme, moins grossière, et la couleur rutilante s’atténue au point de passer à des teintes ternes et insignifiantes. Tout ce système lacustre se relève tout autour du bassin sous un angle sensible et croissant du fond vers les bords. On y remarque aussi des inclinaisons en d’autres sens qui semble- raient indiquer un soulèvement postérieur. Pour arriver à une détermination de l’âge de ce dépôt lacustre de Cerdagne, nous ferons remarquer qu’il est très-analogue à Soc. cjèoU, 2e série, tome XX VT. 40 f}9(3 SÉANCE DU 1er MARS 1869. celui qui constitue le fond de la plaine du Roussillon. J ai été particulièrement frappé de la ressemblance de notre bordure avec celle qui forme, à la base des albères, le dépôt roussil- lonnais sous un manteaux de cailloux diluviens qui ne semble pas partager l’inclinaison du terrain qu’il recouvre. On re- marque, en effet, dans cette dernière bordure, une terre argi- leuse souvent rouge, renfermant des fragments et de petits cailloux, et les fossés profonds, ainsi que les berges des rivières montrent une assise argileuse où l’on trouve, notamment à Banyuls-les-aspres, des coquilles marines qui indiquent l’épo- que pliocène. La présence de ces animaux marins s’explique très-bien ici où la plaine est largement ouverte vers la mer; dans notre bassin tout intérieur, nous sommes nécessairement privé de ce moyen de détermination ; mais 1 analogie strati- graphique qui existe entre les deux dépôts, l’un marin et 1 autre lacustre, notamment l’inclinaison quelquefois très-prononcée qui tend à les séparer assez profondément du diluvium qui les recouvre, nous autorisent jusqu’à un certain point à les rap- porter l’un et l’autre à la même époque (pliocène). Dépôt diluvien. — Après le retrait des eaux du lac de la Cerda- gne, le dépôt qui s’y était formé, a été remanié et creusé de l’amont à l’aval par des eaux courantes d’un volume extraor- dinaire et animées d’une grande vitesse. Ces eaux, dans leur période de calme relatif, y amenaient et déposaient les cail- loux roulés, et les blocs que nous voyons aujourd’hui brusque- ment superposés au terrain lacustre qui se distingue d’ailleurs immédiatement par sa composition incomparablement moins grossière. Ce nouveau dépôt n’est autre qu’un individu de ce grand genre de terrains clysmiens qu’on a appelé diluvium, qui, lui-même, n’est qu’une forme du terrain quaternaire. Le dilu- vium se trouve, en effet, dans toutes les vallées, et notamment dans celles des Pyrénées; mais ce qu’il offre de singulier en Cerdagne, c’est qu’il y prend un développement et des formes accusées, à l’origine même de la vallée de la Sègre, à 1,100 à 1,200 mètres d’altitude; tandis que dans les autres grandes vallées pyrénéennes, ces caractères ne se dessinent qu’au dé- bouché dans les plaines basses ou un peu en amont, mais jamais dans les parties élevées où la rivière n’est, en général, qu’un torrent sans lit bien déterminé. Si l’on considère d’abord le dépôt diluvien de Cerdagne, en amont de Puycerda, où il n’y a pas encore de rivière princi- pale, et où la vallée n’est pour ainsi dire pas constituée, on MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 627 le voit couvrir comme d’un manteau irrégulier les ondulations de cette région initiale qui semble préluder à la plaine. Il ne commence réellement à s’établir et à prendre les formes ca- ractéristiques dont nous venons de parler, qu’au sud de Puy- cerda. Là, on voit se dessiner immédiatement le caractère orographique le plus saisissant de ce comblement diluvien; ce caractère que nous avons fait particulièrement ressortir dans la fîg. 2 qui représente une coupe transversale du bassin au parallèle de Puycerda, consiste en une terrasse élevée qui borde la plaine à sa gauche, suivant la loi générale qui régit les dépôts diluviens dans les vallées, et qui est si remarqua- blement observée dans les plaines de la Garonne et du Tarn, ainsi que nous l’avons expliqué ailleurs (1). Cette terrasse va butter latéralement contre la bordure du terrain lacustre, et sa limite, de ce côté, passe à peu près par les villages nom- breux et rapprochés qui ont été précédemment nommés. ■ — On pourrait lui rattacher l’étroit plateau, à l’extrémité duquel est situé la ville de Puycerda, qui domine de là toute la plaine. Nous avons déjà dit que les cailloux roulés qui constituent cette banquette, reposent sur l’assise argileuse lacustre qui affleure à la base, notamment en bas de la côte par laquelle on descend de la ville du côté occidental. (Voyez fîg. 2.) La grande terrasse dont nous venons de signaler l’exis- tence, et que nous avons vue s’étendre jusqu’à la bordure lacustre dans la partie orientale de l’enceinte, est coupée dans le sens opposé, de manière à offrir un talus qui descend rapidement vers le fond de la vallée et qui montre clairement la structure du diluvium et les caractères des matériaux qui e composent. J’ai eu l’occasion d’observer ce talus en plusieurs points notamment vers le parallèle de Puycerda en allant de Bourg- Madame à Palau (voyez la coupe, fîg. 2), et, plus bas, au pont sur la Sègre où passe le chemin de Barcelonne. Dans le premier point, j’ai cru distinguer deux assises dans le dépôt diluvien, savoir: des cailloux plats serrés, d’un schiste gris assez massif, reposant sur un amas de couleur jaunâtre plus terreux, contenant des fragments de schistes et quelques blocs de quartz arrondis. La tranchée, en cet endroit, traverse (1) Voyez Bull, de la Soc. géol. de France, 2e sér., t. XII, page 1299; 1855 et Notice sur le phénomène diluvien dans le bassin de Lavilledieu Mém. de V Acad, de Toulouse), Ge série, t. V, page 132 ; 1867. (5:28 SEANCE DU Ier MARS 1869. toute la formation et entame légèrement, une roche sous-ja- cente, probablement lacustre, de nature argileuse, verdâtre, divisée en strates inclinés qui semblent indiquer que l’argile résulte de la décomposition sur place d un schiste aigileux de transition. Le pont sur la Sègre, ci-dessus mentionné, qui se trouve à six kilomètres environ en aval du point précédent, se ter- mine au pied de la même terrasse, et les tranchées faites dans le dépôt diluvien pour le passage du chemin de Barcelonne, montrent un amas confus de gros cailloux roulés et de petits blocs arrondis de quartz, de granité et de schiste gris-cendré massif, et accusent par conséquent une composition beaucoup plus grossière que celle de la terrasse de Palau. En suivant le chemin de Sanavastre, qui se sépare de la route de Barcelonne, un peu après ce pont, et qui se trouve alors sur la terrasse même, près de son bord, on ne tarde pasà voir paraître un nouvel élément du diluvium qui offre un cer- tain intérêt. C’est une roche singulière où dominent des cou- leurs vives tantôt vertes, tantôt rouges, et qui n’est autre chose que le conglomérat ou magma déjà signalé dans la gorge de Pardinella, et qui se trouve ici à l’état de blocs, dans le do- maine du diluvium. Ces blocs, dans l’intervalle qui sépare de Sanavastre le pont dont il s’agit, sont accompagnés de blocs granitiques, dont le volume atteint celui d’une tête de veau. — Nous avons déjà dit qu’à proximité de ce dernier village, appa- raissent de nouvelles roches qui ont un caractère dévonien pro- noncé, savoir : des calcaires roses ou rouges qui rappellent les marbres incarnat et les griottes des Pyrénées et du Languedoc. La présence de ces blocs calcaires colorés, et celle des con- glomérats ou magmas vert et rouge dans cette partie extrême du bassin, est due incontestablement à la proximité des roches dévoniennes, et il n’est pas douteux que la plupart de ces blocs sont arrivés dans la vallée par les gorges de Das et de Pardi- nella. Quant au volume plus considérable de ces matériaux di- luviens, relativement à ceux que nous avions reconnus plus haut, vers Puycerda, il s’explique assez naturellement par les apports particuliers de la rivière de GaroJ, dont le confluent se trouve tout près du pont où nous avons fait nos dernières ob- servations. Nous n’avons vu dans le bassin de Gerdagne aucune trace manifeste d’une action glaciaire quelconque. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 629 Vallée proprement dite. Le bassin de Gerdagne est dirigé à peu près au sud-ouest, ainsi que nous Lavons dit plus haut. Là où il se termine com- mence une longue et profonde gorge, d’un aspect sauvage, qui n’est interrompue jusqu’au bassin d 'Urgel que par un petit évasement où se trouve Belver et, plus loin, par ceux d’Orga- 7iya et du col de Nargo. Nous avons étudié cette gorge en descendant la Sègre par le chemin de Lérida, qui se maintient constamment vers le fond, tantôt à droite, tantôt à gauche, et qui n’est le plus souvent qu’un sentier à peine praticable, et notre retour à Urgel parle même chemin nous a permis de reviser nos observations et de découvrir même des faits qui nous avaient échappés à la des- cente. A partir d’Urgel, nous avons pris pour retourner dans LAriége un nouveau chemin par le val d’Andorre qui n’entre pas dans le plan de cette étude. Nous avons indiqué en commençant les sections qu’il y a lieu de distinguer dans notre vallée, qui diffèrent entre elles à la fois par les caractères géognostiques et par la direction. 11 s’agit maintenant de faire connaître, d’une manière rapide, chacune de ces sections, en commençant, bien entendu, par celle qui correspond au terrain paléozoïque. Section paléozoïque entre Isobol et Urgel. A Isobol , village situé à l’entrée de la vallée proprement dite, celle-ci fait, avec l’axe du bassin, un angle qui la porte presque exactement vers l’ouest, direction qui persiste jusqu’au village du Martinet , et même plus loin jusqu’à Puente de Bar ; après quoi elle repasse au sud-ouest au moins jusqu’à Urgel. U y a donc là deux parties ou sous-sections qui diffèrent par des ca- ractères spéciaux, bien que dans l’une comme dans l’autre, ce soit ie faciès dévonien qui domine. Nous allons jeter successi- vement un coup d’œil sur chacune d’elles. Partie comprise entre Isobol et le Martinet (direction E. O.) — Le changement de direction que nous avons signalé ci-des- sus, au point où le bassin de Gerdagne se termine et où la vallée commence, correspond à un changement géognostique. On s’en aperçoit facilement lorsque, après avoir traversé le village d’isobol, on pénètre dans le défilé qui sépare notre 630 SÉANCE DU 1er MARS 1869. grand bassin du petit bassin de Belver. En effet, tandis que l’élément calcaire manquait essentiellement dans les assises schisteuses de la Cerdagne, l’entrée du défilé se fait au milieu dérochés de cette nature, et le village d’isobol lui-même est situé sur des rochers calcaires, les uns gris, les autres rouges, en partie amygdalins, passant à de véritables griottes. On voit même, en traversant le village, ces griottes s’arquer au-dessous d’une assise de calcaire gris qu’elles semblent supporter. Si l’on s’engage dans le défilé à partir de ce point où les caractè- res dévoniens sont déjà très-accusés, en suivant, sur la rive droite de la Sègre, un mauvais sentier qualifié dans le pays de Route-Royale , on coupe une puissante assise de poudingue et de grès, roches également inconnues dans la plaine, associées à des schistes argileux noirâtres. M. l’ingénieur Duroeher a parlé de ce poudingue dans un mémoire sur le terrain de tran- sition des Pyrénées (Annales des mines , 4e série, tome VI). Il y indique des cailloux grossièrement arrondis, dont le dia- mètre varierait de 10 à 15 centimètres, qui seraient formés par du quartz, du granité, du schiste, emballés dans une pâte d’argile schisteuse. C’est au milieu de cette formation où le schiste argileux a pris un plus grand développement, que l’affreux sentier déjà cité monte, en vue du joli bassin de Belver, sur une protu- bérance où reparaît le calcaire, qui est ici assez compacte et d’un gris sombre. De là, nous apercevions cette petite ville, qui doit évidemment son nom à sa position pittoresque sur un piton calcaire qu’entoure une ceinture de champs cultivés, animée par quelques villages. La formation toute nouvelle que nous venons de tra- verser avant d’atteindre ce petit bassin, sorte d’oasis vers l’entrée du pays sauvage que nous parcourons, offre des inflexions et, par conséquent des inclinaisons inverses qui sembleraient devoir nous laisser incertains à l’égard du sens général du système. M. Duroeher qui, dans le mé- moire déjà cité, a donné une coupe de la vallée entre Urgel et Belver qu’il a prolongée jusqu’à Isobol, probablement par induction, fait plonger cet ensemble au S. -O. Nous pen- sons, au contraire, que c’est le sens N.-E. qu’il faudrait pré- férer, et voici nos motifs : d’abord, c’est de ce côté que nous avons vu les couches s’incliner le plus souvent ; mais ce motif n’est, à nos yeux, que secondaire à l’égard de celui que nous trouvons dans l’allure générale du terrain de transition de MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 631 la Cerdagne. On se rappelle que la formation schisteuse qui constitue essentiellement ce terrain plonge en masse et très-régulièrement au N.-E. contre le granité, et nous avons reconnu qu’elle était renversée. Or, les caractères de ces schistes, indiquant avec évidence un âge silurien et, dans tous les cas, plus ancien que le système nouveau que nous venons de traverser, où les caractères dévoniens sont d’ailleurs très- marqués, la position de ce dernier sous les schistes du bassin serait tout à fait rationnelle ; car tout semble faire présumer qu’il a participé au renversement. Autrement il faudrait ad- mettre entre les schistes siluriens et la nouvelle assise une faille dont rien n’indique l’existence. Étant dans l’impossibilité de marquer sur notre coupe gé- nérale les inflexions particulières des couches dont il s’agit, nous avons dû les porter en masse au N.-E., conformément à la supposition que nous venons d’indiquer. On remarque dans la même coupe, au fond du bassin de Belver, les hachures caractéristiques du terrain lacustre que nous avons vu si développé dans le bassin de la Cerdagne. Elles indiquent un amas considérable d’argilolithe rouge su- perposé à une terre argileuse d’un blanc verdâtre, formant, à la base des montagnes, au sud, un flanquement qui doit se terminer en haut par un petit plateau. Nous n’avons pas exa- miné de près cet amas ; mais il nous a été facile d’y recon- naître, étant placés à une certaine hauteur, sur la rive op- posée, un témoin du dépôt lacustre à la couleur rutilante de son assise supérieure. Il produit, du reste, dans ce petit bas- sin un grand effet par cette vive coloration qui tranche sur la teinte sombre des montagnes contre lesquelles il s’applique, et parce qu’il s’élève brusquement à une assez grande hauteur au-dessus du niveau de la Sègre. La présence de ce dépôt dans ce lieu nous apprend que la formation lacustre de Cerdagne n’appartient pas exclusivement à ce grand bassin. Nous la retrouverons bientôt encore dans le bassin d’Urgel, et nous verrons, en continuant à descendre la vallée, qu’elle ne dépasse pas, au moins avec les caractères que nous lui connaissons, la section qui fait en ce moment l’objet de notre étude, où elle semble liée à la présence de terrain de transition. On sort du bassin de Belver en marchant sur des bosselures composées de schistes et de calcaires gris, avec des griottes subordonnées qui rappellent celles d’isobol ; puis on coupe 632 SÉANCE DU 1er MARS 1869. des schistes gris, verts et rouges, dont les caractères dévoniens sont incontestables. Ici encore, l’allure des couches est assez embrouillée : il aurait fallu beaucoup de temps pour l’étudier en détail. Nous pensons qu’il pourrait y avoir là un relève- ment qui ferait réapparaître les calcaires d’isobol, sortant de dessous les schistes gris et les poudingues que nous venions de traverser, et qui ne se représentent plus en aval. Dans l’étroit défilé où l’on entre pour aboutir au Martinet, on continue à marcher au milieu de blocs dont les vives cou- leurs et la structure témoignent de la continuation des roches dévoniennes; mais en approchant de ce petit village, station habituelle des muletiers qui voyagent journellement dans cette vallée, on voit le terrain changer d’aspect, et les tranchées que l’on ne cesse d’avoir à droite en suivant le chemin mon- trent des calcaires d’un gris bleuâtre et des schistes très- pyriteux noirâtres et même carburés qui ressemblent beau- coup aux roches du terrain silurien supérieur de Luchon. On remarque deux inclinaisons contraires dans ces couches; il semble qu’il y a là une inflexion qui fait affleurer une assise silurienne sous-jacente, et c’est ainsi que nous avons fait figurer les choses dans notre coupe générale. Entre le Martinet et le bassin d’Urgel (direction S. O.). — La section qui commence au Martinet pour se terminer au bassin d’Urgel offre l’aspect d’uue gorge aride et sauvage. Elle est principalement caractérisée, au point de vue géogno- stique, par l’intercalation du granité au milieu du terrain de transition. Le village du Martinet est situé en pente sur des roches qui s’évasent un peu du côté droit de la Sègre, grâce à l’influence de la gorge de la Llosa qui vient apporter en ce point un peu d’air et de lumière. La végétation en profite pour reparaître timidement, il est vrai, sous la forme de vignes, les premières que nous ayons vues dans la vallée, plantées sur de petites banquettes en gradins qui témoignent du zèle indus- trieux des habitants. La rive gauche suit le pied d’un immense escarpement presque vertical, en haut duquel on aperçoit une partie du village de Montalba , et qui serait de nature calcaire d’après M. Noblemaire (Mémoire déjà cité), qui a reconnu de ce côté une roche porphyroïde éruptive. Le même ingénieur a signalé au nord de la Sègre, notamment dans la gorge de la Llosa, plusieurs affleurements de filons cuprifères. Ces phénomènes particuliers qui se présentent au Martinet paraissent liés à l’apparition d’un massif granitique qui com- MEMOIRE DE M. LEYMERIE. 633 mence à se montrer immédiatement en aval de ce village, et les filons dont nous venons de parler se trouvent même dans le granité au voisinage du terrain précédent. A peine avions- nous traversé la rivière pour reprendre le chemin, qui se porte ici sur la rive gauche, que nous avons rencontré cette roche qui nous a paru analogue à celle de Garol, sauf le mica, qui se trouve affecter ici une teinte un peu verdâtre avec une certaine onctuosité. La présence du granité, nous l’avons déjà dit, est un carac- tère spécial pour cette section de la vallée. Cette roche toute- fois, n’y forme pas une masse continue. On peut y distinguer deux parties qui sembleraient pouvoir se relier à la hase par un affleurement accessoire, sorte de quille au sommet de la- quelle est perché le village d’Aristôt. Les intervalles assez courts, compris entre ces trois granités, sont remplis par des roches de transition parmi lesquelles il en est beaucoup que leurs couleurs vives font aisément reconnaître comme dévo- niennes. Ce sont des calcaires rouges en partie suh-amygda- lins, d’autres roches vertes ehdes schistes verts et violets. Sans affirmer qu’il n’existe pas sous ces schistes et calcaires des couches qui pourraient se rapporter à l’étage silurien, nous pensons que la plupart de ces roches de transition doivent être regardées comme dévoniennes. Ces couches subissent d’ailleurs des perturbations qui en rendent l’allure variable et irrégulière. C’est à Puente-de-Bar, petit village situé sur la Sègre, que commence la seconde masse granitique, qui est la plus consi- dérable. Là se trouve un pont qui nous a permis de passer sur la rive droite que nous n’avons plus quittée jusqu’à Urgeh Au delà de ce pont se présentent des escarpements granitiques où la roche semble se diviser en couches parla présence de joints ou fissures parallèles, disposition qui a été également men- tionnée par M. Noblemaire dans la quille d’Aristôt. Nous avons aussi remarqué dans ce granité de Puente-de-Bar une roche trappéenne d’un vert sombre en décomposition qui s’y trouve intercalée comme une couche ou un filon. Nous n’avons cessé de marcher au bord de ce granité jus- qu’à une certaine distance au delà de Saint- Vincent , où sour- dent des eaux sulfureuses qui se conforment ici encore à la loi générale qui astreint les sources thermales de ce genre a se trouver près du contact du granité et des terrains stratifiés (1). (1) Les eaux de Saiat-Vincent sont administrées dans un petit établis- 634 SÉANCE DU 1er MARS 1869. On se rappelle que nous avions déjà vu cette loi confirmée par la position des thermes de Cerdagne. C’est environ à 800 mètres en aval de Saint-Vincent que se termine définitivement le granité. Au delà de cette limite, on rentre dans un terrain de transition très-bouleversé, où le ca- ractère dévonien domine encore; car le chemin montre fré- quemment des blocs de calcaire rouge et des schistes verts. On y constate cependant d’autres calcaires de couleur grise assez souvent rayés par des lits schisteux d’une teinte analogue plus ou moins foncée, qui pourraient être siluriens. Cette par- tie de la gorge qui succède au granité est réellement remar- quable par les dislocations, les bouleversements et enfin par les perturbations de tous genres qu’elle offre à l’observateur. On y voit d’énormes masses qui ont été détachées par des bri- sures et qui sont descendues des hauteurs, gisant en tous sens les unes contre ou sur les autres, et dans les escarpements qui montrent le terrain vif, on reconnaît sans peine des fractures, des failles, des plis compliqués qui indiquent une action vio- lente et très-énergique provenant de l’intérieur (1). C’est après avoir traversé une fracture, étroit ravin où le terrain est bouleversé comme nous venons de le dire, que nous avons rencontré des calcaires bleuâtres en couches assez min- ces et peu inclinées, alternant avec des lits argileux et même avec des couches de schiste noir carburé. Nous étions alors près du village de Torres , situé sur un roc calcaire assez élevé. On nous avait signalé de ce côté des fossiles siluriens; mais nous n’osions espérer la bonne fortune qui nous a fait rencon- trer, chemin faisant, des ortbocères dont nous avons pu re- cueillir même quelques individus passables. C’était, pour ainsi dire, la vie qui se manifestait à nous pour la première fois, après tant de recherches infructueuses dans les terrains de transition que nous venions de traverser et dans celui du bassin sement un peu primitif. Elles ont une saveur franchement hépatique. Leur température serait d’environ 3 5 degrés, d’après notre estimation. (1) Ceci s’applique particulièrement au côté droit de la vallée, le seul que nous ayons observé de près. M. Noblemaire qui paraît avoir considéré plutôt le côté opposé, y signale aussi des plissements et renversements ; mais il ajoute : « Ces accidents affectent très-régulièrement toutes les cou- ches; aucune faille n’est visible, aucune cavité ne s’est formée par la sépa- ration des deux assises juxtaposées; la formation tout entière s’est inflé- hie. » 635 MÉMOIRE DE M. LEYMERIË. de Cerdagne. Il y a là un massif calcaire particulier dont les , caractères rappellent ceux du calcaire des environs de Saint- Béat, qui renferme, avec des orthoeères lisses et réguliers semblables à ceux de Torres, des fossiles siluriens incontes- tables (silurien supérieur) et particulièrement Cardiola inter - rupta , que nous avons vainement cherchée dans la vallée de la Sègre. Ce calcaire se prolonge, au bord du chemin, jusqu'à 5 ou 6 kilomètres en aval de Torres, où commence le bassin d’Urgel. Au delà se présente un puissant étage schisteux assez régulier. Nous allons revenir sur ces deux assises en nous oc- cupant du bassin lui-même. Bassin d’Urgel (direction S. O.). — La rivière de Balire ou d ’Embalire , qui descend de l’Andorre du N. au S., en se réunissant à la Sègre dont la direction est au S. O., fait avec cette dernière un angle. De là résulte une petite plaine triangulaire où se rendent, du côté gauche de la Sègre, trois gorges principales qui viennent y apporter leur tribut, savoir : la gorge ou grand ravin de Labastida et ceux de Ségars et de Narines , dont l’origine remonte jusqu’aux crêtes secondaires que nous allons bientôt rencontrer dans leur pro- longement en continuant à descendre la vallée. C’est dans ce petit et fertile bassin, sur une légère émi- nence diluvienne, que se trouve la petite ville d’Urgel , chef-Jieu du district, et qu’on appelle aussi la Seu ou Seo d’Urgel, parce que, malgré sa faible importance, elle est le siège d’un évêché, duquel dépend même le pays d’Andorre. Nous avons dû passer quelques jours dans cette ville pour les observations qu’il était indispensable de faire dans les en- virons. Ce séjour nous a été très-utile et, en même temps, agréable, grâce à la cordiale hospitalité que nous avons reçue dans la famille Llorens, une des plus considérables et des plus estimées du pays. Géologiquement, la plaine d’Urgel consiste en un dépôt diluvien qui dépasse la Sègre pour aller former, sur la rive gauche, une sorte de bordure ou bourrelet/ La ville domine cette plaine du haut de la butte ci-dessus mentionnée. Nous avons dit ci-dessus que cette butte était elle-même diluvienne. On peut facilement s’assurer qu’il en est ainsi tout autour de la ville, mais particulièrement vers la tête du pont qui traverse la Sègre au S. E., où une tranchée haute d’environ 4 mètres accuse un amas confus de gros cailloux principalement grani- tiques. Si, après avoir passé ce pont, on prenait à gauche le che- 636 SÉANCE DU 1er MARS .1869. min d’Alas, on rencontrerait soit dans le lit de la rivière, soit au pied de la bordure dont il a été ci-dessus question, associés aux cailloux granitiques, des blocs et cailloux d’une autre na- ture et qui se montrent pour la première fois. Ce sont des grès rouges et des poudingues du trias, dont la présence ici s’explique d’ailleurs naturellement, puisque les roches trans- portées gisent vers le débouché de la gorge de la Bastida, dont nous avons déjà signalé l’origine au sein ou au voisinage des terrains secondaires. Quant à l’enceinte du bassin, elle est formée, ainsi que nous l’avons déjà dit, par le terrain de transition. Pour reconnaître ce terrain, nous avons fait le tour de la plaine, en commençant par le versant nord que côtoie de très-près la route de Puy- cerda à Urgel et sur lequel nous avions déjà jeté un regard en arrivant. A la première vue, on distingue de ce côté deux assises très- différentes qui semblent affecter en masse une inclinaison au nord-est, savoir : une assise schisteuse et une assise calcaire qui est superposée à la première. Les schistes constituent d’abord tout le massif compris entre la Sègre et l’Embalire. En entrant un peu dans la vallée qu’ar- rose celte rivière andorraine, on voit ces roches au bord du chçmin, et l’on peut aisément constater que ce sont des schistes argileux gris ou gris verdâtre qui sont faiblement accidentés par quelques veines ou nœuds de quartz. Sur ces schistes, qui sont médiocrement inclinés au nord-est, reposent des roches du même genre, quelquefois assez massives, qui diffèrent ce- pendant des premières par une teinte noirâtre ou bleuâtre et par une disposition rubanée assez habituelle. Si, après avoir contourné ce massif commun aux deux val- lées, on revient sur ses pas pour reporter toute son attention sur les pentes qui descendent directement au bassin d’Urgel, on retrouve d’abord les schistes précédents dans leur prolon- gement; mais, à 3 ou 4 kilomètres d’Urgel, en amont, on voit succéder à ces assises aux teintes banales et insignifiantes, de nouveaux schistes qui se distinguent à première vue par des couleurs vives qui sont le violet , le rouge lie de vin et le vert , et qui prennent en même temps, çà et là, une structure bacil- laire. Ces vives couleurs sembleraient déjà indiquer l’âge dé- vonien de ces schistes, indication qui se trouve confirmée par une particularité que nous allons faire connaître. Je veux parler de la présence, dans cette masse schisteuse, de bandes peu MEMOIRE DE Al. LE Y ME RIE. 037 épaisses d’une roche massive, ordinairement un peu terreuse et ocreuse, sorte d’eurite en décomposition, dont certaines parties sont pétries de fossiies, malheureusement à l’état de moules en creux ou d’empreintes qui sont serrés et comprimés les uns contre les autres, de manière à former dans l’ensemble une roche caverneuse dont les moindres fragments offrent des traces organiques. Ces fossiles, dans cet état, échappent à la détermination; toutefois, on y distingue plusieurs genres de brachiopodes paléozoïques particulièrement des spirifères. Il y a aussi des indices de bivalves, de polypiers et même de gastéropodes allongés. Cette roche fossilifère pourrie rappelle, jusqu’à un certain point celle qui, dans les Pyrénées fran- çaises (Brada, Col-d’Aubisque, Mérens), renferme Atrypa reti- cularis et Retepora reticularis; mais je dois avouer que je n’ai pu y reconnaître ces espèces avec quelque certitude. Je n’en suis pas moins porté à considérer comme dévonienne l’assise dont cette couche fait partie. En continuant à explorer ce grand système schisteux qui circonscrit le bassin vers le nord, dans la direction du chemin de Puycerda, on voit succéder à l’assise précédente des schis- tes argileux uniformément gris ou noirâtres plus ou moins fis- siles. Tels sont ceux qui passent immédiatement sous les cal- caires bleuâtres à orthocères de Torres déjà signalés. L’assise calcaire elle-même commence à peu près à l’endroit où la Sègre entre dans le bassin, et l’on ne cesse de la côtoyer lorsqu’on remonte le chemin de Puycerda jusqu’à Torres et plus loin encore, à 2 kilomètres au delà de ce village. La roche qui domine d’abord est un calcaire gris-bleuâtre assez compacte et même un peu brillant par place, que l’on exploite comme pierre d’appareil. A environ 1 kilomètre plus loin, les couches s’amincissent et alternent avec des parties argileuses en pas- sant à la structure rubanée. C’est dans ces couches, qui se dis- tinguent d’ailleurs par de légères ondulations et par une incli- naison généralement assez faible, que nous avions trouvé les orthocères déjà signalées. Malgré une recherche très-atten- tive, nous n’avons pu découvrir aucun autre fossile, et ce n’est que dans des calschistes terreux d’un gris clair un peu jaunâtre qui alternent plus loin avec les calcaires précédents, que nous avons reconnu des débris spalhiques d’encrines et des portions de tiges qui s’y trouvent disséminés. A une distance de 1 kilomètre encore au delà de ces dernières roches, on arrive à cette grande déchirure où 638 SÉANCE DU Ier MARS 1869. nous avions observé, en venant, des bouleversements et dislo- cations extraordinaires. Parmi les blocs volumineux qui sont descendus, par l’effet de cette violente catastrophe, jusqu’au bord du chemin, on en voit dont la couleur rouge et la struc- ture indiquent la présence de roches dévoniennes, et l’on aper- çoit même des calcaires semblables, encore en place, vers le haut des escarpements. Il semble donc qu’il y ait là une faille au delà de laquelle, c’est-à-dire au N. E., régnerait le système devonien, probablement avec des affleurements siluriens à la base. Ce calcaire a été observé avant nous par MM. Durocher et Noblemaire, ingénieurs des mines, qui y ont cité des térébra- ules et des polypiers. M. Durocher dit même y avoir vu une mpression de trilobite. Quant à nous, il ne nous a pas été donné d’y découvrir autre chose que des orthocères et les dé- bris d’encrines ci-dessus signalés. Les orthocères paraissent appartenir à une seule espèce en forme de cône allongé lisse et régulier à syphon central, qui ressemble beaucoup à l’espèce habituelle du calcaire silurien supérieur des environs de Saint- Béat, calcaire si bien caractérisé d’ailleurs par Carcliola inter- rupta et par Orthoceras Bohemica. Nous sommes donc porté à regarder comme siluriens les calcaires de Torres, qui d’ailleurs ont la plus grande analogie lithologique avec ceux des environs de Saint-Béat. Toutefois, il faut avouer l’embarras que nous éprouvons en cherchant à concilier cette détermination avec les relations stratigraphiques qui existent entre cette assise et celles qui la suivent et la précèdent. On remarquera d’abord que le grand système de schistes du bassin plonge en masse sous l’assise calcaire, bien qu’il comprenne une assise vivement colorée fossilifère qu’il se- rait difficile de ne pas regarder comme dévonienne. Cet état des choses peut s’expliquer par un renversement qui affecterait tous les schistes et calcaires du bassin d’Urgel. H est plus difficile de se rendre raison de la présence de l’étage dévonien au nord-est du massif calcaire. Quant à l’al- lure de ce calcaire lui-même, on y reconnaît d’abord l’incli- naison générale au nord-est; mais en amont de Torres cette inclinaison se modifie localement, et il y a là, comme nous l’avons déjà dit, de molles ondulations qui semblent s’arrêter à la déchirure où tout est, pour ainsi dire, remis en question. M. Durocher, dans la coupe déjà citée de la portion de vallée comprise entre Urgel et Belver, fait onduler ces calcaires jus- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. (339 qu’à ce dernier bourg, où ils passeraient sur le massif qui se trouve au delà jusqu’à Isobol. Il regarde, par conséquent, ce massif comme plus ancien, et, pour lui, les griottes et les au- tres roches vivement colorées ne sont que des accidents méta- morphiques des calcaires d’Urgeî. Cette manière d’interpréter et de figurer la stratigraphie de ce grand ensemble, ne nous semble nullement en rapport avec ce qui existe en réalité, et le lecteur en sera convaincu, s’il veut bien se reporter aux faits que nous avons successivement exposés. Il n’en reste pas moins que les rapports de position de l’assise à Orthocères de Torres renversée, et des roches dévoniennes qui lui succèdent au delà de la fracture, sont obscurs et difficiles à expliquer. Je ne vois qu’une faille qui puisse nous tirer d’affaire, et c’est ainsi que j’ai figuré les choses dans ma coupe générale. Cette exploration des terrains de la rive droite de la Sègre, nous avait entraînés au delà de la limite du bassin. En passant la rivière vers Torres, nous avons pu continuer nos observa- tions du côté opposé et achever la reconnaissance du circuit en retournant à Urgel par Alas, Sur la rive gauche de la Sègre, des escarpements abrupts^ious ont montré d’abord des bancs fortement inclinés au nord-est, formés par un calcaire com- pacte gris-foncé analogue à celui de Torres, et, dans l’impossi- bilité, que nous avons de suite reconnue, de poursuivre nos ob- servations en côtoyant la rivière, nous avons gravi une côte très -rapide qui nous a fait parvenir sur un mamelon où se trouve un ancien ermitage. Là s’est offert à nous un petit che- min qui descend à Alas, et dans lequel nous sommes entrés d’autant plus volontiers, qu’il coupe une série de couches in- clinées au nord-est, et dont la régularité se soutient d’une manière complète, ce à quoi nous étions loin de nous atten- dre. Nous donnons ici une petite coupe de cette série qui re- pose d’une manière concordante sur les schistes tout à fait semblables à ceux qui, du côté droit de la vallée, passent sous le calcaire de Torres. SÉANCE DU 1er MARS 1809. 040 Coupe du terrain de transition d’A las. Atlas. Ermitage. Les premières roches que nous avons rencontrées en com- mençant à descendre à partir de 1’ermitage, sont des schistes et des calschistes de couleur claire(sd de la coupe), prenant des teintes rouge et verdâtre par place ; puis nous avons coupé une suite assez importante de schistes et de calschistes es d’un gris clair blanchâtre à la surface et des calcaires en couches minces subordonnées. Là nous avons retrouvé les fragments spathiques d’encrines déjà observés dans les couches supérieures de Torres, avec des portions de tiges ou rameaux à section circu- laire ordinairement courbes et flexueuses. Au-dessous devaient se trouver les calcaires àOrthocères, signalés dans le Mémoire de M. Noblemaire. Nous n’avons pas eu la bonne fortune de rencontrer en place ces fossiles qui gisent sans doute dans les couches inférieures o. Mais nous en avons vu, en entrant à Alas, de nombreux débris dans un calcaire bleuâtre qui avait été déposé là et réservé comme moellon. Le croquis montre ces calcaires o reposant sans discordance sur le système schisteux s. La superposition se fait tout près du village, et si, avant de franchir cette limite, on jette un regard en arrière, on peut voir la série calcaire, au moins l’assise inférieure, se manifester, au nord du ruisseau d’Alas, sur le coteau que nous venons de descendre, sous la forme de bandes parallèles à peu près horizontales. Les schistes appartiennent à la catégorie des schistes argi- leux. D’abord un peu terreux et d’un aspect terne, ils devien- nent plus foncés, plus francs et quelquefois massifs à mesure qu’on pénètre dans les parties inférieures. L’assise fossilifère à couleurs vives qui s’était olferte à nous du côté de la Sègre, MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 641 doit exister aussi de ce côté; mais nous ne l’avons pas aperçue dans notre trajet rapide d’Alas à Urgel, presque au bord du bassin où la roche fondamentale est souvent cachée par des dépôts modernes. En somme, on voit que, dans cette partie orientale de la cein- ture, les choses se passent, à peu près, comme de l’autre côté. Cependant, on aura sans doute remarqué qu’il n’y a pas ici ces perturbations locales qui affectent le terrain du côté de Torres. L’assise calcaire repose purement et simplement sur le système schisteux, et le tout offre une inclinaison générale au nord-est. Je ferai observer encore que le calcaire à Orthocères s’avance de ce côté plus au sud jusqu’à l’entrée même du bas- sin, comme si le système entier avait fait un mouvement dans ce sens. Le circuit essentiellement schisteux du bassin d’Urgel se trouve reconnu, autant que possible, dans presque toute son étendue par les observations qui précèdent. Il ne reste plus qu’à dire un mot de la colline, allongée du sud au nord, qui, du côté droit de l’Embalire, porte la citadelle et les ruines de l’an- cien château. C’est encore le schiste argileux qui est ici la roche constituante. On peut facilement s’en assurer en mon- tant à la citadelle par la route d’Organya. Ce schiste est assez terreux, terne, avec de légères teintes de verdâtre et de rou- geâtre. Il se conforme d’ailleurs pour l’inclinaison à l’allure gé- nérale de la contrée. La citadelle et le bourg de Ciudad-reale sont bâtis sur le schiste même qui de là se prolonge dans le sens de Montferret et d ’Arfa, en suivant la rive droite de la Sègre réunie avec l’Embalire; mais il n’en est pas de même du vieux château Castel-Ciudad , situé à l’extrémité méridionale de la colline. Le sol fondamental y est bien encore le schiste; mais cette roche y est recouverte par un dépôt terreux de couleur rouge beau- coup plus moderne, qui n’est autre chose que le terrain lacus- tre dont nous avons constaté l’existence en Cerdagne, et que nous avons retrouvé dans le bassin de Belver. Cette différence entre les deux points de la colline occupés, l’un par la citadelle, l’autre par le château, s’accuserait nette- ment aux yeux d’un observateur placé sur la butte d’Urgel, et qui aurait devant les yeux la protubérance allongée dont il est question. La partie où se trouve la citadelle lui paraîtrait comme un dos d’âne de couleur terne, tandis que l’autre lui offrirait l’aspect d’un terrain rutilant flanqué contre le coteau, et qui Soc. Géol., 2e série, t. XXVI. 41 042 SÉANCE DU 1er MARS 1869. serait profondément découpé en grossiers pilastres par des ravins presque verticaux. Le terrain lacustre existe donc dans le bassin d Urgel, et il est plus que probable qu’il a laissé des témoins du côté orien- tal de la ceinture, ainsi que cela avait lieu dans les bassins pré- cédents. Nous avons rencontré, en effet, en retournant d Ala^ à Urgel par les coteaux, un de ces témoins bien caractérisé par ses couleurs vives, et qui était encore ici appliqué contre les schistes de transition (voir la coupe d’Alas où il est indiqué par la lettre P). Il consistait en un dépôt grossièrement argi- leux d’un rouge prononcé en recouvrement sur une assise blanche. C’est, du reste, le dernier dépôt de ce genre que nous avons observé dans la vallée. En poursuivant nos observations au delà d’Urgel, nous n’en avons vu aucune trace, de sorte que sa présence paraîtrait liée à celle des schistes anciens. Le terrain de transition d’Urgel semble se prolonger en aval dans la vallée jusqu’au village du Pla, après lequel la Sègre change de direction; mais il est presque partout caché aux abords de la route par un dépôt diluvien. Ce n’est guère qu’à Arfa que le chemin conduit à des affleurements très-vifs, qui accusent un schiste sub-satiné , d’un gris très-clair ar- gentin qui diffère, comme on le voit, de ceux que nous venons d’étudier, et sur lequel nous aurons bientôt l’occasion de re- venir. Du terrain carbonifère des environs d’Urgel. — Avant de quitter définitivement le bassin d’Urgel, nous croyons de- voir mentionner une faible assise de terrain carbonifère qui sépare les schistes du circuit (côté oriental) du système secondaire au sein duquel nous allons nous engager. Les affleurements de cette bande houillère ne se voient pas dans le bassin môme; car, s’ils devaient se prolonger à l’ouest, ils passeraient au sud de ce lieu à une certaine distance» Il faut pour les observer, à partir d’Urgel, remonter jusqu’à une assez grande hauteur dans les gorges déjà citées de la Bastida, de Ségars et de Navines. Le temps nous a manqné pour aller reconnaître ces affleure- ments; mais ils ont été visités par M. Noblemaire, auquel nous emprunterons une courte description de celui de Ségars (Mé- moire cité). « Quand on remonte le ravin de Ségars, à partir de la Seu d’Urgel, on chemine sur les schistes argileux de transition di- rigés O. 10° N., et plongeant fortement vers le sud. Ils cessent en MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 643 un point situé à peu près à égale distance de la chapelle de Ségars et de la métairie de Llarol, et sont recouverts par une bande houillère d’environ 50 mètres de puissance parfaite- ment dénudée au fond du ravin et très-visible sur les flancs de la vallée... A la base de la formation, sur la rive droite du ra- vin, on peut constater la présence d’une petite masse porphy- rique se décomposant facilement à la surface en une argile verdâtre et violacée. Cette masse se termine, dans le lit même du torrent, par une veine intercalée entre les schistes de tran- sition et la première couche de grès houiller. Les grès de la partie inférieure, de couleur en général grise, parfois rougeâ- tre, ont tous les caractères du grès houiller le mieux défini. Ils sont formés de grains de quartz blanc, dépassant rarement le volume d’une noisette et de fragments des schistes inférieurs verdâtres et satinés. Au milieu à peu près de leur épaisseur, se trouve une couche de houille séparée du grès par un lit de schiste argileux noir, pétri d'empreintes très- caractéristiques du terrain houiller ( Calamites , Nevropteris , Sphenopteris). » Le grès qui surmonte la houille est plus fin que celui qui gît au-dessous, et est disposé en petites couches d’un jaune sale. La couche houillère consiste en un schiste noir bitumineux où courent des veines de houille brillante, n’ayant que quelques centimètres d’épaisseur. Cette houille est sèche, anthraciteuse et il n’y aurait aucun avantage à l’extraire. La mince assise dont il vient d’être question, paraît être la queue d’une bande générale qui, à Saint- Juan de las Abadesas , en Catalogne, offre un certain développement de charbon activement exploité, et dont la position géologique est claire- ment indiquée entre la vallée du Ter et celle de la Sègre, sur le versant des Pyrénées catalanes, par l’étage de grès rouge triasique qui lui est immédiatement superposé. Résumé et détermination de la section paléozoïque. — Il ré- sulte des observations que nous avons rapportées plus haut, que l’étage schisteux, absolument dénué de calcaire, qui touche le granité au fond de la plaine de Puycerda et celui qui constitue l’enceinte de cette plaine, semblent devoir être rap- portés au système silurien. On se rappelle d’ailleurs que le premier de ces étages consiste en des schistes de couleur som- bre, assez brillants, en partie mâelifères (silurien inférieur), tandis que les schistes qui composent le second (silurien supé- rieur) sont plus terreux et d’un gris cendré assez constant. L’ensemble de ces schistes affecte une inclinaison au nord-est, 644 SÉANCE DU Ier MARS 1869. qui tendrait à les faire plonger sous le massif granitique du fond, et qui indique un renversement. C’est seulement vers l’extrémité sud-ouest du bassin que le terrain change notable- ment. 11 commence par une assise ou le calcaire joue un grand rôle, et dont certaines couches rouges passent à la griotte qui est une roche essentiellement dévonienne. Outre le calcaire qui est habituellement subcompacte et d’une teinte grise, cette assise qui se développe entre Isobol et Belver, offre des schis- tes argileux communs et un autre élément plus grossier et tout à fait caractéristique, qui est le poudingue dont nous avons in- diqué plus haut les caractères. Cette assise semble passer en masse sous les schistes de Cerdagne et a, par conséquent, participé au renversement qui a déterminé le plongement nord-est ci-dessus mentionné. Nous regardons cette assise comme dévonienne, et nous étendons la même détermination aux schistes et calcaires rouges et aux schistes verts qni occu- pent, en grande partie, l’intervalle compris entre Belver et le Martinet, à l’exception d’une assise noirâtre relevée sous forme de pli au voisinage de ce dernier village, et qui offre les carac- tères lithologiques du terrain silurien supérieur des Pyrénées françaises. La gorge comprise entre le Martinet et le bassin d’Urgel se distingue par l’intercalation du granité au milieu de schistes et de calcaires qui, dans cette partie de la vallée, sont très-in- fléchis et dérangés, et que nous sommes porté néanmoins à considérer, au moins en partie, comme dévoniens, à cause des nombreux blocs et affleurements à couleurs vives que nous n’avons cessé d’y rencontrer. Vient ensuite le massif calcaire gris-bleuâtre à Orthocères de Torres. Celui-ci qui arrive jusqu’à l’entrée du bassin d’Ur- gel, se distingue nettement de tout ce que nous avions vu jus- que-là dans la vallée. On se rappelle que ce calcaire est immé- diatement précédé d’une profonde déchirure où règne un désordre indiquant d’énergiques dislocations. Quant au massif calcaire lui-même, on n’y remarque d’abord que des inflexions assez douces, et il ne tarde pas à adopter une inclinaison gé- nérale au nord-est, qui- le fait passer sur les schistes du bassin. Enfin ces schistes, eux-mêmes, qui, dans leur ensemble, sont très - réguliers et assez uniformes, comprennent une assise à couleurs vives avec des rubans euritiques en dé- composition, pétris de fossiles dont le faciès rappelle sin- MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 645 gulièrement celui des couches dévoniennes de même genre, que l’on trouve en plusieurs points des départements des Basses et des Hautes-Pyrénées. Il semblerait donc que la masse schisteuse entière du bassin devrait être dévonienne et renver- sée sous l’assise bleuâtre à Orthocères, qui pourrait être silu- rienne. Dans cette hypothèse, il faudrait admettre une faille en amont du calcaire à la déchirure dont il a été plusieurs fois question. Il y a là du reste une certaine difficulté, et les choses s’arrangeraient plus naturellement si l’on pouvait regarder le calcaire, malgré ses orthocères, comme une assise intercalée dans un grand système dévonien renversé sous un étage silu- rien, qui butterait au nord contre le granité de la Cerdagne. Les schistes du bassin d’Urgel forment un puissant étage qui s’étend, toujours avec la même inclinaison, jusqu’à l’extrémité sud du bassin sous la citadelle; mais si L’on remontait les gor- ges, descendant des montagnes qui dominent l’enceinte elle- même du côté oriental, on trouverait, ainsi qu’il résulte des observations de M. Noblemaire, de nouveaux schistes satinés affectant une inclinaison opposée, c’est-à-dire au sud-ouest. Ceux-ci supportent, ainsi que nous l’avons dit plus haut, une faible assise houillère qui constitue comme une séparation entre le système paléozoïque et une série secondaire normale, commençant par le grès rouge triasique, série que nous allons maintenant explorer. Section secondaire ou méridienne entre le Pla et Oliana. Le chemin d’Urgel à Organya, après avoir traversé la plaine et passé la rivière d’Embalire, franchit la longue colline schis- teuse qui supporte la citadelle, passe au bourg de Ciudad-reale et descend, de l’autre côté, dans une petite vallée qui dépend de la vallée de la Sègre. Cette rivière coule de l’autre côté de la colline. Ce n’est qu’à Arfa qu’on la voit déboucher à l’extré- mité de cette langue schisteuse. On la traverse sur un pont pour monter à ce village, qui est situé sur une protubérance également composée de schistes. Nous avons déjà cité ces schistes d’Arfa qui se montrent largement, soit en montant au village, soit en en sortant, et jusque sous les maisons. Il est donc facile d’en reconnaître les caractères qui sont assez dif- férents de ceux ci-dessus indiqués pour le bassin d’Urgel. Ici 646 SÉANCE DU l,r MARS 1869. la roche est plus cristalline; sa couleur est plus claire et comme argentine avec un éclat satiné, et peut-être se rat- tache-t-elle à l’assise schisteuse de même aspect, signalée par M. Noblemaire dans la gorge de Ségars, sous le terrain houiller. Dans ce cas, cette assise devrait former le sol fonda- mental de la vallée en aval d’Arfa; mais il est impossible de s’en assurer, parce que ce sol s’y trouve constamment recou- vert par le diluvium jusqu’au village du Pla où commence le terrain secondaire. Dans cet intervalle, qui sépare les villages d’Arfa et du Pla, laSègre coule dans une région qui participe un peu du bassin d’Urgel. Elle y offre un fond cultivé bordé à gauche par une terrasse diluvienne. Le chemin d’Organya suit le bord de cette terrasse qui, dans les écorchures du sol, laisse voir des cailloux et des blocs granitiques, les uns inférieurs et en décomposi- tion, et les autres, à la surface, généralement sains, volumi- neux et très-imparfaitement arrondis. Ces éléments du dilu- vium se montrent particulièrement aux environs du Pla, où la terrasse dont il vient d’être question s’étale de manière à former un léger plateau, qui sans doute a suggéré le nom de ce village. Ce terrain de transport cache, ainsique nous l’avons dit plus haut, le sol fondamental; mais il est permis de penser que c est dans cette partie de la vallée, que les schistes satinés et autres prennent l’inclinaison sud-ouest, qui les fait passer sous la bande houillère qui est également cachée par le diluvium, et qui peut-être commence à s’y évanouir. Série secondaire normale entre le Pla et le Col de Nargo. — Après être descendu du plateau, nous avons vu apparaître le trias sous la forme d’un étage rouge qui se trouve coupé à vif par la vallée, réduite là à un étroit défilé, et dont les strates sont régulièrement et médiocrement inclinés au S. S. O. et par conséquent, en concordance avec le terrain houiller et les schistes de transition qui doivent passer dessous, concordance qui continue à régner dans toute la série normale où nous entrons, et que nous allons traverser. Le chemin se maintient toujours du côté gauche de la Sègre ; mais il se trouve ici, au bord même de cette rivière, au pied d’une longue tranchée qui offre directement à l’observateur les caractères de l’étage triasique rutilant ci-dessus mentionné. Cette étage commence par une puissante assise (T1 de la coupe) de poudingue à cailloux calcaires, avec quartz subordonné, où 647 MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. se trouvent aussi des fragments de schiste et de la roche verte, citée par M. Noblemaire, dans la gorge de Ségars; le tout étant cimenté assez faiblement par une matière argileuse rouge, qui forme aussi des couches et des lits entre les bancs du pou- dingue. Il y a aussi des couches intercalées, d’un calcaire as- sez compacte, dont la couleur est le gris mêlé de rougeâtre. La partie supérieure de cette assise passe à un conglomérat très- grossier, où l’on distingue de nombreuses pièces de schis- tes ayant une certaine étendue. Enfin, l’assise se termine par un grès en partie moucheté de quartz avec interposition de couches et de lits argileux, friables. A cette première série, qui caractérise la grosseur de ses élé- ments, vient succéder une assise moins grossière, qui consiste en une argilolithe, principalement rouge, avec des maculations d’un blanc verdâtre, passant çà et là, au psammite argileux. Ce terrain où le rouge domine considérablement, rappelle singulièrement le grès rouge ( Rougier ) des Pyrénées françaises et du massif central de la France (Tarn, Aveyron, Corrèze). On le voit se terminer du côté droit de la Sègre, à une gorge à l’entrée de laquelle se trouve le village de Noces , et qui semble séparer cet étage d’un nouveau terrain (T2) beaucoup moins régulier et d’une couleur terne, qui lui est évidemment super- posé. Le chemin que nous suivions du côté opposé de la rivière, passe au pied de coupures escarpées, où nous avons pu facile- ment constater l’irrégularité de cet étage et ses teintes sales qui le font distinguer de l’autre à première vue. Les matériaux qui le composent sont des argiles, des calcaires marneux, des cargneules très- caractérisées et des conglomérats en partie calcaires. Il y a au milieu de tout cela, du gypse irrégulière- ment interposé en petites masses, quelquefois saccharoïdes, et en veines et veinules lamelleuses ou fibreuses. Cette matière y est exploitée malgré sa faible importance, sans doute, parce qu’il n’en existe pas de gîtes plus riches dans la contrée. Vers la limite de ce dépôt gypsifère, on distingue quelques couches calcaires ; mais cette roche se développe à partir du village de l’Hostalet, de manière à constituer un étage continu qui doit appartenir au lias. L’ensemble des deux étages que nous venons de traverser, par les caractères qui viennent d’être indiqués, et par sa posi- tion entre le terrain houiller et le lias que nous allons bientôt rencontrer, représente évidemment le trias. L’étage rouge (T1) doit être assimilé au grès bigarré et l’étage gypsifère (T2) aux 648 SÉANCE DU l8r MARS 1869. argiles irisées; le muschelkalk manquerait ici comme dans les Pyrénées françaises. C’est ainsi que les choses se trouvent fi- gurés dans la carte d’Espagne de MM. de Yerneuiî et Collomb. Telle n’a pas été l’opinion de M. Noblemaire,, dans le mé- moire que nous avons déjà cité. Dans ce travail, le terrain dont il s'agit se trouve rapporté à la formation crétacée, déter- mination qui a entraîné l’auteur à d’autres erreurs fondamen- tales pour tout le reste de la vallée. Le village de l’Hostalet est dominé à l’est par des rochers calcaires qui succèdent à l’étage du gypse, et qui ne sont que le premier terme d’une nouvelle série qui doit être considérée comme jurassique. Je n’ai pu trouver la moindre trace de fos- siles dans les calcaires mêmes des rochers, qui pourraient bien correspondre à l’infrà-lias : mais plus loin, en continuant à suivre le chemin au pied d’éboulis qui nous cachaient la roche en place, nous nous sommes trouvés au pied d’escarpe- ments où le lias (L. de la coupe) s’est présenté à nous avec ses fossiles caractéristiques. Ce n’était pas le calcaire à gryphées (liasien) qui semble manquer dans les Pyrénées, mais le Cym- bien (1) caractérisé par Gryphœa Cymbium , et ce n’est pas sans une certaine satisfaction, que nous avons trouvé et recueilli, dans un calcaire noirâtre assez impur et fortement redressé, de beaux et nombreux individus des espèces de térébratules, si fréquentes à ce niveau, dans l’Ariège, notamment à Foix, savoir : Terebralula punctata , Sow. ; Tereb. sub. punctata, Davidson; Tereb. Jauberti, et quelques bivalves non encore déterminées. Un peu plus loin, en continuant à couper cette série nor- male, de nouvelles couches d’un calcaire du même genre, , mais un peu plus argileux, nous ont offert les coquilles princi- pales de l’étage superliasique, tel qu’il existe dans l’Aveyron, le Tarn et dans certaines régions des Pyrénées françaises, notamment aux environs d’Aspet, ce sont : Gryphœa sublobata et • Rhynchonella epiliasina , Leym. (2). (1) On voit que nous reportons ici, ainsi que nous l’avons proposé dans nos Eléments de géologie , au lias proprement dit (calcaire à gryphées), le nom de liasien que d’Orbigny, nous ignorons pour quel motif, a donné au cale, à gryph. cymbiennes, que nous appelons cymbien. (2) Espèce que j ai figurée dans la seconde édition de mes Éléments de géologie, et dont Rhync. cynocephala, Richard, n’est qu une variété. Elle a été nommée Rhync. ruthenensis, postérieurement, par M. Reynès. MÉMOIRE DE M. LETMERIE. 649 Enfin, au-dessus de ces dernières couches fossilifères existe une assise.de dolomie fétide, présque noire. Les choses se passent ici absolument comme dans les Py- rénées françaises. Cependant, je dois dire que la dolomie qui, sur le versant septentrional de la chaîne constitue habituelle- ment une assise distincte superposée au lias, nous a paru, dans la vallée de la Sègre, s’intercaler aussi dans le lias môme. Cette partie de nos observations qui se rapportent spécia- lement au terrain jurassique, a été faite dans un tronçon de la vallée où elle est déjà rétrécie, préludant ainsi aux gorges où nous allons entrer, et au fond desquelles nous resterons en- gagé jusqu’à Organya. Ces gorges qui portent le nom de ce bourg, auquel elles permettent de parvenir, sont de véritables fentes extrêmement profondes, ouvertes dans un énorme mas- sif calcaire qui dépend de la montagne de Cadix , dont la cime est si élevée, que la neige, dit-on, s’y conserve en tout temps. Ces défilés rendus célèbres, à l’époque des guerres civiles, par le meurtre du comte d’Espagne, correspondent à ceux qui, dans la vallée de l’Aude, sont si connus sous les noms de Pierre Lis et de Saint-Georges , mais elles les dépassent en grandeur et en beauté sauvage. 11 y a certainement quelque chose de très- curieux dans cette correspondance topographique, de part et d’autre de la chaîne, et presque dans la même section trans- versale; mais la curiosité devient de l’intérêt, quand on ac- quiert la conviction que la correspondance s’étend jusque sur l’âge et la nature des calcaires au sein desquels se sont produits ces grands accidents. 11 résulte de nos observations, en effet, que le puissant étage traversé par les gorges d’Organya, indi- qué par gv dans notre coupe, appartient au grès vert, comme celui ou s’ouvre le défilé de Pierre Lis au sud de Quillan. Le calcaire de ces gorges est gris, assez compacte, souvent veinulé et uniforme dans son ensemble. La stratification y est quelquefois peu distincte; on y remarque des brouillages, des ondulations et même des plis. Toutefois, ces perturbations laissent dominer un plongement méridional modéré, conforme à celui des étages précédents. Les fossiles y sont très-rares. On y voit, çà et là, des linéaments courbes indiquant sans doute des Caprotines; et nous avons trouvé, vers le milieu de l’étage, plusieurs moliusques du même horizon, notamment une variété d’assez petite taille de Terebratula sella , Sow. D’ailleurs, la position de ce massif en stratification concor- dante sur les dolomies noires suprà-liasiques, suffirait pour mo SÉANCE DU 1er MARS 1869. indiquer son âge crétacé on au moins titho nique, pour me servir d’un mot qui voudrait s’introduire dans la science. Les gorges d’Organya ne forment réellement qu’un long et profond défilé qui résulte évidemment d’une fracture opérée dans un immense massif calcaire ; on peut toutefois y distin- guer deux parties à peine séparées par un évasement très- restreint où s’est nichée une petite maisonnette ( Houstal nove.) L’une et l’autre sont très-sauvages; mais la seconde, qui est la plus longue et qui débouche dans le bassin d’Organya, offre ce caractère d’une manière plus prononcée. Elle est si étroite, que c’est à grand’peine qu’on est parvenu à y pratiquer un sentier pour les mulets, à la base des escarpements, en en- taillant le roc en beaucoup de points, et souvent assez haut, au-dessus de la rivière qui coule au fond, encaissée entre des murailles d’une hauteur prodigieuse. En passant de la première gorge à la seconde, le chemin qui jusque-là avait constamment suivi la rive gauche de la Sègre, passe à droite par un pont qui l’introduit presque immédiate- ment dans l’évasement bosselé de Houstal nove. On remarque en cet endroit de larges plis et des indexions sinueuses qu’y forment les couches devenues très-distinctes, et l’on est étonné d’y trouver un dépôt de transport assez épais, accident unique dans cette partie de la vallée. Ce dépôt est composé de gros cailloux ovalaires, parmi lesquels existe du granité en décom- position, et l’on se demande comment des éléments si volumi- neux ont pu parvenir à se rendre et à s’assembler en ce lieu, malgré les étroites proportions du canal qu’ils ont dû par- courir pour y arriver. La seconde gorge, plus longue et beaucoup plus sauvage que la première, ainsi que nous l’avons dit, devient si abrupte du côté droit, vers son milieu, que le chemin doit nécessairement passer sur la rive gauche par un pont ( pont du Diable ), là où le malheureux comte d’Espagne, déjà couvert de blessures, fut précipité dans la Sègre; mais le sentier ne reste pas longtemps de ce côté, qu’il quitte à l’entrée du bassin d’Organya, pour reprendre la rive droite (1). C’est en entrant dans cette dernière gorge que nous avons (1) C’est probablement à ces trois ponts dont la nécessité tient aux escar- pements verticaux qui rendent certaines parties impraticables, qu’il faut attribuer le nom de Trespons , donné à un village perché sur un rocher du côté droit de la gorge. MÉMOIRE DE M. LEYMER1E. 651 recueilli, dans un calcaire noirâtre un peu marneux, quelques fossiles, et particulièrement Terebratula sella , Sow.Les dernières couches que l’on rencontre en en sortant , en vue d’Organya, sont des calcaires noirs passant à la dolomie, et d’autres con- tenant des rognons siliceux. Ces couches plongent sous un nouvel étage marno-calcaire (mgv de la coupe) qui constitue le sol fondamental du bassin au milieu duquel ce bourg est situé. L’évasement ou petit bassin dont il s’agit, que nous allons maintenant traverser, est compris entre le défilé précédent et une gorge dans laquelle nous allons pénétrer. Il a été évidem- ment déterminé par l’entrée du vallon de Poujal , au milieu d’une assise faiblement consistante; ce n’est pas d’ailleurs une véritable plaine, mais bien une région relativement basse de collines arrondies. Le bourg d’Organya y occupe un mamelon entre la Sègre (rive droite) et un ruisseau assez considérable, qui descend du vallon qui vient d’être cité. Il est entouré de hautes montagnes calcaires découpées de la manière la plus pittoresque, en pitons ou quilles à parois escarpées, dont l’une, qui domine à l’O. S. O. porte l’ancien ermitage de Saint-Her- mengol, saint auquel on attribue, dans le pays, des actions merveilleuses. Les formes mamelonnées et la dépression générale du bas- sin dépendent beaucoup de sa composition géognostique. Celle-ci consiste principalement en une puissante assise mar- no-calcaire, d’un gris clair, rubanée par des alternances ré- pétées de calcaire marneux en couches et de lits de marnes, dont la faible consistance contraste avec la rigidité compacte des calcaires de l’enceinte. Cette assise qui affecte , dans son ensemble, une médiocre inclinaison au sud, est évidemment comprise entre les calcaires de la gorge dont nous venons de sortir et ceux d’un autre défilé où nous entrerons bientôt, et fait partie d’une puissante formation où il serait difficile de faire des divisions, et que nous rapportons au grès vert. Des re- cherches minutieuses nous y ont fait découvrir, au N. d’Orga- nya, des débris indéterminables d’ammonites, et j’ai eu la bonne fortune d’y rencontrer un beau fragment, malheureuse- ment un peu écrasé, d’un nautile à côtes sinueuses, qui n’est autre que Nautilus radiatus , d’Orb. espèce que je crois identi- que à Naut. neocomiensis du môme auteur qui créait souvent des types pour les besoins des lois stratigraphiques absolues, qu’il cherchait à faire prévaloir (1). (1) M. de Verneuil vient de m’apprendre qu’il a lui-même passé à Orga - 652 SÉANCE DU 1er MARS 1869. Au delà du bourg d’Organya, le chemin traverse la partie sud de la même assise mamelonnée que nous venons de recon- naître du côté nord. Celle-ci, où nous n’avons pu distinguer le moindre débris organique, semble avoir été soulevée ou af- faissée, de manière à offrir des inclinaisons en divers sens, principalement vers l’ouest. Nous avons à y signaler comme accident assez remarquable, la présence d’une petite assise de calcaire noir massif exploité dans une carrière, presque à la sortie du bourg (i). En quittant ce bassin bosselé, qui n’est, pas sans analo- gie avec celui de Quillan (Aude) , compris également entre des crêtes calcaires appartenant au grès vert, on entre dans un nouveau défilé plus court que ceux qui précèdent. Il s’ou- vre dans un caleaire encore sub-compacte, d’un gris assez clair et uniforme dans presque toute la longueur de la gorge, où il affecte une inclinaison générale au sud, qui le fait passer sur l’assise calcaréo-marneuse d’Organya; cependant, les dernières couches qui prennent d’ailleurs une teinte plus sombre, plon- gent en sens opposé. Cette assise calcaire, le grand massif des gorges et l’assise marno-calcaire d’Organya interposée, forment un grand en- semble superposé au lias, et qui appartient à l’étage inférieur du terrain crétacé que nous appelons grès vert , dans lequel il serait encore plus difficile ici que sur le versant français, de distinguer l’urgonien de l’aptien. La première erreur de M. Noblemaire qui lui faisait rapporter le grès rouge à la ormation crétacée, l’a entraîné à considérer comme nummu- litique tout ce qui suit le calcaire des grandes gorges à partir du bassin d’Organya. Il semble d’ailleurs que cet ingénieur ait passé bien rapidement dans la partie inférieure de la vallée, puisqu’il dit, qu’en aval du col de Nargo, les couches qu’il croyait d’ailleurs appartenir toutes au terrain à nummulites, reprennent l’inclinaison sud pour passer sous le terrain ter - nya et que dans la traversée de l’assise dont il s’agit, entre ce bourg eî Abella, il y a trouvé Ezogyra aquila , Caprina Verneuilli, Lima cottaldina avec des orbitolites Ces fossiles sont tout à fait caractéristiques pour l’étage ap- tien et viennent appuyer l’analogie signalée plus haut entre le bassin d’Or- ganya et celui de Quillan dans l’Aude. (1) Cettp formation d’Organya offre des calcaires qui renferment de l’ar- gile en proportions variables, et il est très -probable qu’il y a là des variétés qu’il serait avantageux d’exploiter pour la fabrication du ciment romain. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 65Ü tiaire proprement dit, ce qui est, comme on va le voir, l’op- posé de ce qui existe. Série renversée entre le col de Nargo et Oliana . — En che- minant au fond de la gorge qui succède au bassin d’Or- ganya, je me préoccupais du terrain que j’allais rencontrer plus loin, et je conjecturais que, le grès vert étant terminé, la série que j’allais traverser, allait se continuer par les assises supérieures de la formation crétacée. Quel ne fut pas mon étonnement, en sortant du défilé, lorsque je vis se déployer devant moi, à droite de la Sègre, un horizon rutilant qui s’é- levait jusqu’à une sorte de col assez bas, où se montrait en face un village ( Col de Nargo). C’était absolument le fa- ciès du garumnien lacustre du Languedoc. Mais comment se trouvait-il là au centre des montagnes, tandis que je ne pou- vais naturellement m’attendre à le rencontrer que beaucoup plus bas, à la suite de la craie! L’observation vint bientôt me donner la certitude et l’explication de ce fait extraordinaire. En montant au col , je m’aperçus d’abord que l’inclinaison qui, dans la série précédente s'était constamment maintenue au sud, était devenue septentrionale, et en étudiant les couches au fur et à mesure que je les traversais, je trouvai d’ahord une assise peu développée, d’une teinte grise, composée de calcaire marneux, en grande partie divisible en rognons in- formes alternant avec des lits de marne. A cette assise, qui se maintenait vers la base du coteau, succédait le terrain rouge qui lui était superposé en concordance parfaite. Il était prin- cipalement formé par des bancs de conglomérats et de pou- dingues , composés de cailloux et de fragments d’un assez petit volume, liés entre eux d’une manière plus ou moins lâche, par une argil olithe rouge ou maculée de jaune et de blanc, qui formait aussi des lits et des couches dans l’ensemble; il s’y trouvait également un peu de calcaire. Les poudingues qui dominent considérablement cette assise ont tous les caractères de ceux du garumnien lacustre du midi de la France. Leurs éléments versicolores , sont des cailloux de calcaire compacte gris, blanc ou rougeâtre, associés à des fragments de schiste jaune terreux. L’église et les maisons du Col de Nargo ont été bâties sur ces roches qui font partout saillie; mais en descendant de l’autre côté du col, c’est-à-dire au sud, on ne les retrouve plus, et avec elles disparaît la teinte rutilante qui était si manifeste du côté opposé. On entre alors dans une région de collines marneuses assez analogues à celles 054 SEANCE DU 1er MARS 1869. d’Organya, mais plus élevées, sorte d’évasement qui est encore déterminé ici par l’introduction d’un vallon au sein d’une as- sise friable. Ce nouveau terrain se compose de calcaires mar- neux facilement divisible en lopins ou rognons imparfaits, al- ternant avec des marnes, et ressemble beaucoup à l’assise citée précédemment, avant le terrain rouge, à la base de la montée du col. Nous y avons rencontré quelques fossiles, savoir : d’a- bord, une petite exogyre, puis des fragments d’encrines à tiges rondes, un polypier réticulé, et plus loin, des couches analogues nous ont offert de grosses huîtres qui sont identiques avec celles du sénonien d’Ausseing (Haute-Garonne), que les paléontolo- gistes considèrent comme une variété épaisse de Ostrea vesicu - laris. C'est à peu près dans la même région que se développe un grès sans fossiles qui ressemble beaucoup au grès sénonien d’Alet, auquel succède un calcaire assez compacte qui occupe l’entrée d’une gorge où nous allons bientôt nous engager. Ce système gris marno- calcaire et le grès qui l’accompagne appartiennent évidemment à la craie supérieure. Toutefois les choses ne se présentaient pas le long du chemin que nous sui- vions, d’une manière assez claire pour qu’il fût permis, en se bornant aux observations précédentes, d’apporter dans cette détermination et dans les relations de ce terrain avec l’assise rutilante, un degré suffisant de certitude et de précision. Cette partie de nos études étant d’ailleurs d’une haute importance,, nous prîmes la résolution de stationner au Col de Nargo et de prendre le temps nécessaire pour dresser une coupe du vallon transversal que nous avons ci-dessus signalé, où la constitution géologique de la contrée se montre avec évidence. En consé- quence, nous partîmes du village sous la conduite d’un habi- tant pour nous rendre à un hameau appelé Maséas de Nargo situé au bord sud de ce vallon, où nous avons pu faire les ob- servations nécessaires pour servir de base au diagramme re- présenté (fig. 4), et dont voici la légende détaillée : Légende de la coupe du vallon de Nargo (fig. 4). n. Assise grise déprimée de calcaire marneux en partie rognonneux avec lits marneux, sans fossiles. P . Assise saillante remarquable par sa couleur rutilante qui la fait recon- naître de loin, composée de poudingues fleuris à éléments calcaires, alternant avec des argilolites rouges et bigarrées et de rares couches calcaires. m. Assise marneuse ou marno- calcaire de couleur grise, constituant le MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. 655 fond et le flanc nord du vallon, renfermant les fossiles ci-dessus si- gnalés. i. Dalles de calcaire gris et de grès calcarifère à la base desquelles est un mince gite de lignite, qui contiennent, vers ce niveau, de nombreuses cyrènes à côtes saillantes qui diffèrent de Cyrena garumnica par une moindre taille et par d’autres caractères, avec Ostrea Verneuilii , Leym., espèce inédite que l’on trouve dans la Haute-Garonne à la base du garummen, notamment à MarsouJas où l’on a aussi fait quelques recherches de lignite. gv. Grès sans fossiles analogue à celui d’Alet avec quelques couches calcaires intercalées. c. Calcaire gris-jaunâtre alternant en partie avec le grès. Sf, Couches supérieures du calcaire S, contenant de nombreuses et belles rhynchonelles à grosses côtes, des bivalves indéterminées et Ostrea larva, S. Calcaire très-marneux renfermant des rognons grossiers de calcaire plus pur, alternant avec des lits marneux, assez semblable à n, formant un puissant étage généralement sans fossiles, excepté dans les couches supérieures. » Lorsque duMaséas de Nargo on jette un regard au nord sur le versant opposé du vallon, on voit les poudingues rutilants former une saillie en corniche qui semble se prolonger à l’ouest au-dessus de l’assise marneuse qui constitue le fond du valion et laissant derrière une dépression occupée par l’assise n. En- fin, au delà de cette dépression s'élève un rocher calcaire, re- présenté par G dans la figure 4, qui domine tout le système. J’étais fort embarrassé à l’égard de ce rocher qui se ratta- chait à une petite crête que je voyais s’étendre à l’ouest. M. Seignette, qui voulut aller le reconnaître, m’en rapporta de petites orbitolines (Orb. conoidea) et une petite térébratule allon- gée encore inédite ( Tereb . longella, Leym.) (1) qui accompagne ha- bituellement les petites orbitolines dans le grès vert des Pyrénées françaises. Cette petite crête n’était donc qu’une dépendance du système d’Organya, se terminant ici brusquement par une faille au contact du garumnien où devait commencer une nou- velle série tout à fait distincte de la première et renversée (2). (1) Elle a été décrite depuis dans mon Mémoire sur la division inférieure du terrain cristal pyrénéen; Bulletin de la Soc. géol., 2e série, t. XXVI, p. 328, et figurée dans la planche ni. (2) Je ferai remarquer que c’est absolument de la même manière que les choses se passent en aval du bassin de Quillan où le garumnien ruti- SÉANCE DU 1er MARS 1869. 656 L’étage garumnien se trouve ainsi nettement limité d’un côté par le grès g r, et de l’autre par le calcaire G, et sa position au-dessus d’un étage sénonien supérieur complète d’une manière très-heureuse, et à coup sûr inattendue, la détermina- tion que nous avons déduite de sa nature même et de ses fos- siles. Ce gîte catalan est d’ailleurs très-instructif à deux points de vue principaux. En effet, il offre réunis dans un même point les deux faciès, l’un marin, l’autre lacustre, qui habituellement sont séparés du côté de la France. D’un autre côté, ses rela- tions intimes et manifestes avec le terrain crétacé supérieur et sa position au centre des montagnes où il n’y a pas la moindre trace de terrain nummulitique sont une preuve convaincante qu’il appartient à la craie et qu’il ne saurait dépendre de la formation tertiaire où quelques géologues s’obstinent à le maintenir. Des hauteurs qui dominent le Maséas au sud, on voit le ter- rain se prolonger vers l’ouest, ainsi que nous l’avons déjà dit. D’un autre côté, si l’on se place au col de Nargo même, on peut constater l’extension de l’assise des poudingues vers l’est où elle laisse une trace rutilante, et il est très-probable que l’étage entier occupe, à cette hauteur, une bande continue en Cata- logne. Au reste, nous saurons, prochainement, à quoi nous en tenir à cet égard, mon compagnon de voyage, M. Seignette, se proposant de suivre cette trace jusqu’au point où elle viendrait à lui manquer. Nous savons déjà, par les observations de M. de Verneuil, que l’étage dont il s’agit existe au nord de Berga, près de Pobla, de Lillet et de Paguerra, où il est en relation avec des calcaires renfermant H emipneustes radiatus et Hippurites radiosus. Il y a là également des couches à ligniles avec cyrènes qui ne peuvent être que le prolongement des dalles lignitileres indiquées sur notre coupe particulière (J). La région que le chemin traverse au sud du col de Nargo est d’abord mamelonnée et offre ensuite de hautes collines dont on suit la base non loin de la rive droite de la Sègre. Ces collines, formées par les assises représentées au sud de notre tant vient butter en complète discordance contre une crête de calcaire à di- cérates. (t) Pour ce gîte et pour d’autres références espagnoles indiquées par notre éminent confrère, voir le Bulletin de la Société géologique , 2e série, t. XXIV, p. 315. MÉMOIRE DK M. LKYMERIE. 057 coupe, préludent à un puissant massif au sein duquel on pé- nètre par une nouvelle gorge à parois abruptes et d’une hau- teur qui étonne, quand on s’aperçoit que l’on se trouve là au milieu de calcaires marneux, à rognons irréguliers, alternant avec des marnes qui ne sembleraient pas d’abord susceptibles d’une suffisante consistance. Ces calcaires, où nous n’avons pas rencontré de fossiles, sont, au reste, tout à fait semblables à ceux qui renferment les rbynchonelles ci-dessus signalées, et il n’est pas douteux qu’ils appartiennent à la même formation. Cette assise est très-uniforme dans toute son épaisseur, qui est très-considérable, et, malgré les perturbations dont ses escarpements accusent ça et là l’existence, on peut y recon- naître une inclinaison générale au sud, conforme à celle de la région du col de Nargo. L’uniformité de ce défilé ne cesse que vers son extrémité, qui est d’ailleurs remarquable, au point de vue pittoresque, par l’immense hauteur de ses parois, et par les éminences en forme de tours qui les couronnent du côté occidental. Lorsqu’on est sur le point de sortir de cette gorge, on voit le calcaire devenir plus franc, prendre une teinte plus sombre et enfin s’animer, pour ainsi dire, par la présence de débris or- ganiques. Une des couches de ce calcaire nous a offert une petite exogyre, Exog. Matheroni , un joli oursin diadémoïde, un hemiaster (1) et un cardium indéterminé; et à quelques pas plus loin, nous avons eu la satisfaction de trouver un banc pétri d’hippurites, où ces rudistes sont à l’état de fragments, qui laissent toutefois reconnaître plusieurs espèces identiques à celles qui caractérisent les couches turoniennes classiques des Bains de Rennes dans les Gorbières. Au-dessous de ces calcaires turoniens, il aurait fallu rencon- trer le grès vert; mais c’est le lias qui s’est présenté avec quel- ques bancs de dolomie noire. En effet, au sortir du défilé, après avoir coupé une assise de calcaire noirâtre, accompagnée de dolomies, nous nous sommes trouvés en présence d’un étage marneux d’un gris jaunâtre assez clair, qui nous a pré- senté les fossiles supra-liasiques les plus caractéristiques, no- tamment, Gryphœa sublobatae t Rkynchonella epiliasina , etensuite (1) Ges oursins ayant été soumis à M. Gotteau, notre savant confrère a reconnu, dans le dernier, Hemiaster Verneuilli ; le premier, qui est d’une parfaite conservation, lui a paru pouvoir se rapporter à Cyphosoma Maresi. Gotteau, espece qui se trouve dàns la craie fie l’Algérie. Soc, géol., 2e série, tome XXVI. 42 658 SÉANCE DU Ier MARS 1869. une petite térébratule à deux piis, et des fragments d ammo- nites et de bélemnites. Nous étions alors sous les tours dont nous avons parlé ci-dessus, et nous voyions les couches mar- neuses du lias supérieur plonger à 1 O. N. O. à leur base, ce manière à passer sous l’assise turonienne , qui semblait des- cendre des tours elles - mêmes, avec une inclinaison très- modérée, pour aller se présenter en affleurement sur le chemin où nous venions de les rencontrer. Nous avions donc traversé, à partir du col de Nargo, une nouvelle série renversée, qui semblait complémentaire de la précédente à l’égard du terrain crétacé : cette dernière, la sé- rie d’Organya, n’ayant que le grès vert, très-développé, il est vrai, tandis que l’autre, où cet étage manque absolument, of- frait la craie proprement dite complète, y compris le garum- nien, étage dont nous n’avions pas vu le moindre représentant dans la série normale. La gorge dont nous venons de sortir se termine à un éva- sement rocheux, où descendent quelques ravins transversaux, et donton a profité poury établir unepetite auberge. Sansdoute, le lias moyen s’y trouve sous l’étage supérieur dont il vient d’être question. Il ne nous a pas été donné de Fy voir, le sol étant caché par des éboulis détritiques; mais, un peu plus loin, une quille de calcaire gris compacte, analogue à celui de l’Hostalet et qui porte, à sa cime, les ruines d’un château [J un- cas), semble être là comme un témoin de l’existence du lias inférieur. Après avoir laissé à droite cette aiguille calcaire qui fait partie d’une assise que l’on voit à l’entrée d’un ravin, on a devant soi , et toujours du côté droit de la Sègre, une région rocheuse inégale, que dominent au sud des montagnes escar- pées, d’une couleur rougeâtre. Le chemin traverse les bosse- lures de cette région, que constitue un nouveau terrain qui plonge au nord sous le lias, partageant ainsi les allures et le renversement du système où nous nous trouvions depuis le col de Nargo. Ce terrain occupait donc la place du trias. L’obser- vation directe est venue confirmer cette prévision; mais en même temps, elle nous a appris que cet étage renversé n’avait pas tout à fait les mêmes caractères que la formation contem- poraine que nous avions coupée dans la série normale. Les premières couches que l’on rencontre après les ruines de Juncas, en commençant à marcher sur le nouveau système, sont composées d’argiles rouges et bigarrées, associées à du MÉMOIRE DE M. LE YM ERIK. 659 calcaire gris, avec quelques bancs de poudingue versicolore et. de grès. Le tout constitue une assise d’une faible épaisseur, à laquelle succède une autre assise plus puissante, formée par des schistes gris, qui prennent, en certaines places, un aspect ancien, et qui contiennent du gypse. Il y a là aussi des couches calcaires. Ges deux assises réunies forment un étage corres- pondant à celui de l’Hostalet, qui doit représenter le trias su- périeur. On descend de cette région bombée, probablement keupé- rienne, par une pente rapide qui conduit au bord de la Sègre, à l’entrée du défilé que nous avons annoncé ci-dessus, et qu est ouvert au sein d’un étage de conglomérats et de poudin- gues T1, que je ^apporte au trias inférieur. En pénétrant au sein de ce massif, on distingue d’abord, entre les bancs des con- glomérats, des grès rougeâtres et des couches calcaires; puis les poudingues régnent à peu près seuis. Toutefois, ils ne con- servent pas tout à fait les mômes caractères dans toute l’éten- due de l’assise. Les premiers ont l’aspect fleuri, et à peu près la composition des poudingues triasiques de la série normale. Leurs cailloux sont calcaires, pour la plupart, et teintés d’une manière variée et agréable ; ce n’est qu’accessoirement qu’il s’y trouve quelques pièces anguleuses. Plus loin, paraissent de nouveaux conglomérats à gros éléments, peu ou point ar- rondis, mal consolidés, parmi lesquels on distingue d’assez grandes pièces calcaires, et les choses continuent ainsi jusqu’à l’extrémité de la gorge. Cette assise de conglomérats et de poudingues plonge en masse vers le nord, sous l’assise keupérienne que nous avons traversée précédemment. Toutefois, en examinant l’allure de la stratification en détail, on y reconnaît des obscurités et des perturbations. Le défilé ouvert dans ce singulier trias, bien qu’il n’ait pas l’étendue de la plupart de ceux que nous avons par- courus jusqu’ici, n’en offre pas moins ce caractère sauvage qu a été précédemment signalé dans presque toutes les parties de la vallée, et les escarpements entre lesquels il est resserré sont fréquemment couronnés par des découpures capricieuses et bizarres. Lorsqu’on sort de cette gorge, après en avoir parcouru tant d’autres au sein de montagnes arides et sauvages, ce n’est pas sans une certaine satisfaction que l’on entre dans un large bas- sin couvert de cultures, au fond duquel est le bourg d ’Oliana, et que l’on aperçoit à l’horizon une région de collines et de MARS 1809. G60 SÉANCE DU 1er basses montagnes arrondies, qui semblent préluder à la plaine. On reconnaît alors que Ton a quitté décidément les véritables Pyrénées, et si, une fois entré dans le bassin d’Gliana, on vient à se retourner pour jeter un regard en arrière, on voit ces montagnes se terminer par des escarpements abrupts et ari- des, d’une très-grande hauteur, qui semblent former de ce côté une barrière infranchissable, tandis que vers le sud se présente un pays mamelonné, relativement bas et doux, cou- vert de bois. Il y a entre ces deux ordres de choses, qui ne sont séparés que par une plaine de quelques kilomètres, un contraste des plus frappants. Caractères généraux des basses montagnes de la Catalogne au sud-est d' Oliana. Oliana est situé à la limite sud du bassin qui porte son nom, sur une légère éminence, à la base des montagnes arrondies, dont nous venons de parler. Il était naturel de prendre ce bourg pour point de départ d’une exploration de cette nouvelle ré- gion, qui pourrait être regardée comme les petites Pyrénées de la Catalogne. Nous l’avons traversée obliquement, entre Oliana et Solsona , et ensuite de Solsona à Cardona , si connue par ses curieux affleurements de sel gemme. Cette partie de notre voyage qui s’écarte de la vallée de la Sègre, objet essentiel de ce travail, sera traitée à part dans une note spéciale. Nous nous bornerons ici à donner une idée gé- rale, très-sommaire, de la constitution géologique de ce pays, constitution qui, chose remarquable, est essentiellement dis- tincte de celle des Pyrénées proprement dites. Dans ces der- nières montagnes, nous n’avons pas rencontré la moindre trace de l’éocène; celles-ci, au contraire, sont entièrement formées par des poudingues, des grès et des argiles de cette époque, roches qui représentent ici le poudingue de Palassou, et sur- tout les grès de Carcassonne, qui gisent à la base des Pyrénées françaises, dans une région correspondante. Cette différence fondamentale se trouve accentuée par celle de l’inclinaison qui est absolument contraire dans les deux systèmes, où elle prend d’ailleurs des valeurs très-différentes. En effet, les cou- ches qui forment la nouvelle région, dont le relief est d’ailleurs doux et . tranquille, penchent au sud d’une manière mo- dérée ou faible, qui contraste avec l’allure hardie de la série pyrénéenne plongeant rapidement] au nord. Il n’est pas jus- MÉMOIRE DE M. LKYMKRIE. 601 qu’à la végétation qui ne se joigne aux caractères géologiques pour rendre le contraste plus frappant. Tandis que les monta- gnes pyrénéennes attristaient l’œil par la nudité et l’aridité de leurs parois escarpées, les collines arrondies au sud d’Oliana sont couvertes de bois de pins, d’arbustes et de plantes dont l’odeur aromatique est exaltée par l’influence d’un climat mé- ridional, et rappellent, à la hauteur près, qui est ici bien plus considérable, les grandes dunes de Gascogne. Il semble qu’il y ait, entre cette région et les vraies Pyrénées, un abîme qui aurait été comblé pour former le bassin d’Oliana. Le bassin lui-même est bordé par des talus d’argile bleuâtre gypsifère, comprenant quelques bancs calcaires, et dont nous n’avons pas eu le temps d’étudier les relations avec le système des collines où nous allons maintenant entrer. En montant à cette nouvelle région, à partir d’Oliana, on passe d’abord sur les argiles précédentes, puis, après avoir traversé quelques bancs de calcaire bleuâtre, on rencontre un système de grès et d’argiles panachées, en couches alterna- tives. Ce n’est qu’à une certaine distance que s’intercalent, vers le haut de cette formation, de gros bancs de poudingues à éléments calcaires, qui rappellent le poudingue dePalassou. A Salsona, et dans l’intervalle qui sépare cette ville de Car- dona, ce poudingue lui-même a disparu, et il ne reste plus qu’un grès à ciment calcaire gris flambé de rougeâtre, associé à des argiles et argilolithes de même couleur, obscurément ba- riolées, formation qui ressemble d’une manière remarquable au grès de Carcassonne. Les environs de Salsona notamment rappellent singulièrement ceux de cette ville, chef-lieu du dé- partement de l’Aude. C’est dans le même terrain, qui prend ici une teinte plus constamment rougeâtre, que gisent les célèbres masses de sel gemme de Cardona, qui nous ont paru, ainsi qu’à M. Dufrénoy, avoir été produites par une éruption thermale. L’ensemble de cette formation éocène plonge au sud, ainsi que nous l’avons déjà dit, mais cette allure subit des variations locales et même des ondulations; il y a aussi des parties horizontales, circonstances stratigraphiques qui permettent d’expliquer naturellement la grande étendue que prend ce terrain en Catalogne, à la base des Pyrénées proprement dites. 662 SÉANCE DU 1er MARS 1869 La vallée de la Sègre , comparée à celle de la Noguera , explorée par MM. de Verneuil et de Keyserling. Un de nos premiers soins, après avoir tracé la coupe que nous venons de décrire, a été de la comparer à celle de la vallée voisine de la Noguera , donnée en 1860, par MM. de Ver- neuil et de Keyserling (1). Nous espérions trouver dans cette dernière, au moins à peu près, les représentants des divers étages que la nôtre présente. Notre espoir a été déçu. Ces coupes diffèrent d’une manière assez marquée, soit par les faits eux-mêmes, soit par l’interprétation , ce qui pourrait tenir, en partie, à cette circonstance que nos confrères n’ont pas été aussi favorisés que nous par le hasard qui nous a fait ren- contrer, presque partout où il était nécessaire, des fossiles caractéristiques. Hâtons-nous de dire que la différence géné- rale que je signale n’exclut pas certaines correspondances qu’un examen attentif parvient à faire découvrir. Comparant d’abord le terrain de transition des deux vallées, on voit que celui de la Noguera, qui s’arrête à Réalp , comme celui de la Sègre au Pla , offre une inclinaison générale au nord, qui est également celle qui domine dans notre vallée, où elle ne passe au sud que vers la fin de l’étage pour plonger sous la série secondaire normale, changement qui se fait de la même manière et dans les mêmes circonstances dans l’autre vallée. Quant à la composition, la première partie des schistes en aval d’Esterrise rapporterait assez à celle qui, dans le bas- sin de Puycerda, va butter contre le granité, et que nous re- gardons comme silurienne. Dans tous les cas, le calcaire man- que absolument dans l’une comme dans l’autre. Pour le reste de cette série ancienne, nous ne retrouvons pas au bord de la Noguera ces schistes calcaires vivement co- lorés qui indiquent la période dévonienne, ni le calcaire à or- thocères de Torres, ni l’intercalation du granité, caractères très-marqués dans tout l’intervalle compris entre ce dernier village et celui du Martinet. D’un autre côté, l’absence du terrain houiller dans la vallée de la Noguera prouve que la bande signalée à l’est du bassin d’Urgel s’évanouit à l’ouest avant d’arriver jusque-là. (1) Coupes du versant méridional des Pyrénées ( Bulletin de la Soc. géol. de France , 2e série, vol, XVIII, p. 333. MÉMOIRE DE M. EEYMEÎUE. 663 Après les schistes de transition, on voit se développer, dans la coupe de nos savants confrères, des argiles schisteuses rou- geâtres avec calcaires, des marnes gypsifères et enfin des con- glomérats rouges, qui forment là un étage très-puissant, qui se trouve justement à la place qui doit correspondre à notre étage triasique, compris entre le Pla et l’Hostalet. Le plus grand développement, et les irrégularités et perturbations que signalent MM. deVerneuil et de Keyserlingdans cet étage, tien- nent sans doute, ainsi que le pensent ces auteurs, à la présence de i'ophite qu’ils indiquent près de Gerry , et qui paraît man- quer dans la vallée de la Sègre. Dans notre coupe, le lias, bien caractérisé par ses fossiles, avec les dolomies noirâtres fétides qui l’accompagnent habi- tuellement du côté de la France, succède à l’étage dont il vient d’être question, venant ainsi confirmer son âge triasique. Il n’en est pas ainsi dâns le diagramme de nos confrères, qui accuse immédiatement les calcaires gris, massifs, du grès vert que la vallée entaille profondément, prenant alors le faciès d’une gorge qui correspond à celle d’Qrganya. Au sortir de ce défilé, MM. de Verneuiletde Keyserling indi- quent un nouveau poudingue à galets calcaires arrondis diffé- rent, de celui du trias, où nous serions tentés de voir le garum- nien supérieur du col de Nargo. En effet, cette assise qui, dans la coupe de la Noguera, comme dans la nôtre, vient butter contre le calcaire du grès vert, repose sur des argiles schisteuses et des marnes qui correspondraient aux dalles à lignites avec cyrènes, tandis que le tout reposerait sur une assise rubanée, qui serait ici le modeste représentant des calcaires marneux rognonneux alternant avec des lits de'marne, qui, sur les bords de la Sègre, forment des escarpements très-élevés et dont les couches supérieures renferment des fossiles sénoniens (1). Là se termine, dans la vallée de la Noguera, la série secon- daire dont la partie crétacée se reproduit plus au sud, au mont Sec , après une apparition développée de terrain nummulitique. Nous avons vu qu’il n’en était pas ainsi dans la vallée de la Sègre, où les choses se passent d’une manière beaucoup plus (1) Cette dernière assimilation nous semblerait d’autant plus probable, que nous devons à M. Marty, pharmacien à Puycerda des individus bien caractérisés de Micraüer brevis , provenant d’une localité dont il n’a pu, il est vrai, nous indiquer la position précise, mais qui se trouve au nord de Tremp. 664 SÉANCE DU lor MARS 1869. simple et plus normale. Ici la série secondaire renversée se complète par le calcaire à hippurites, le lias et le trias. Après quoi se développe, tout à fait à part, le système de grès, d’ar- gile et de poudingue que nous avons comparé au grès de Car- cassonne, sans calcaire à nummulites. Une des plus grandes différences qui résultent de la compa- raison des deux vallées, consiste dans l’absence, sur les rives de la Noguera, du terrain jurassique, caractère qui semblerait s’étendre à l’ouest, au moins jusqu’à l’Essera, où MM. de Ver- neuil et de Keyserling ofit pris également une coupe dans la- quelle ce terrain n’est pas indiqué. On pourrait, par contre, signaler dans ces deux vallées la présence de l’ophite, qui ne nous est apparue, ainsi que nous l’avons* déjà dit, en aucun point de la vallée de la Sègre (1). Correspondance avec le versant français. La vallée de la Sègre, par les deux directions principales que nous y avons reconnues, correspond à deux vallées du versant français des Pyrénées, savoir : par sa première partie, dirigée au S. O. (série paléozoïque), à la vallée de la Têt qui se trouve exactement dans son prolongement ; et la partie méridienne (série secondaire) à la vallée de l’Àriége qu’elle semble aller rejoindre par le val d’Andorre. Les correspondances géologiques se conforment à celles que vient de nous indiquer la géographie. Le plateau de Mont-Louis, qui peut être regardé comme un point de confluence pour les deux vallées de la Têt et de la Haute-Sègre, consiste en un massif granitique qui est, pour (1) Ayant soumis à M. de Verneuil, qui a tant étudié l’Espagne, les prin- cipaux résultats que j’ai exposés dans ce mémoire, j’ai reçu en réponse, une lettre très-intéressante où no’re éminent confrère me fait savoir qu’il a suivi lui-même la vallée de la Sègre jusqu’à Organya. Il a parfaitement ob- servé le trias au Pla et par-dessus le li e s fossilifère. Il rappoite le bassin d Or^nya à l’aptien. Jusque-là, nous sommes parfaitement d’accord; mais malheureusement, il n’a ; as continué ses observations le long de la Sègre après Organya, s étant porté transversalement du côté de Tremp. Il n’à donc pu voir la série renversée qui constitue peut-être la partie la plus cu- rieuse de notre vallée, et il a supposé, ainsi que 1 analogie devait l’y porter, que cette région était principalement formée par le terrain à nummulites. MÉMOIRE DE M. LEYMERIE. ainsi dire, commun aux deux vallées’. Les schistes de tran- sition d’Qlette et les griottes de Villefranehe, qui constituent essentiellement le terrain paléozoïque dans la première vallée, représentent le système schisteux de la Cerdagne et les calcaires et schistes dévoniens des environs de Belver. Enfin, l’analogie entre les deux vallées se trouve, en quelque sorte, complétée par la présence, dans les bassins de la haute Sègre, d’un dépôt lacustre qui a son pendant; de l’autre côté, dans le comblement pliocène marin de la grande plaine du Roussillon, avec cette différence singulière, que le premier dépôt occupe des points très-élevés du côté méridional des Pyrénées, tandis que, du côté opposé, il gît à la base des montagnes. Ici doit s’arrêter; par la force des choses, le parallèle entre les deux vallées, puisque celle de la Têt ne rencontre aucun dépôt secondaire remarquable ; mais, en même temps, com- mence l’analogie avec l’Ariége et avec l’Aude, vallée intermé- diaire qui n’a pas, en Espagne, de pendant qui lui soit propre. Le trias, que nous avons vu dans la vallée de la Sègre, occuper une assez belle place au delà de la section paléozoïque, à la base de la série secondaire normale, ne se manifeste pas net- tement dans les deux vallées françaises que nous venons de nommer (1); mais le lias, au moins l’étage cymbien, qui lui succède en aval de l’Hostalet , est presque identique à celui qui, près de Foix, renferme ces belles Térébratules, dont nous avons recueilli, sur les bords de la Sègre, de nombreux indi- vidus très-bien conservés. Il n’est pas jusqu’aux dolomies su- pra-basiques de Foix qui ne se trouvent ici; seulement, leur teinte claire s’y trouve remplacée par une couleur d’un brun noir qui est d’ailleurs habituelle dans les autres vallées fran- çaises. En continuant à descendre la Sègre, dans la partie méri- dienne, on rencontre, après le lias, un massif calcaire im- mense au sein duquel est l’assise marneuse d’Organya, et qui appartient, dans son ensemble, au terrain crétacé inférieur que nous appelons grès vert. Pour ce grand élément de la série (1) Il est très-bien caractérisé dans nne autre vallée des Pyrénées-Orien- tales, celle du Tech, à Amélie-les-Bains, où il supporte des calcaires noi- râtres sans fossiles que nous avons rapportés au lias, détermination qui se trouve confirmée par nos observations dans la vallée de la Sègre. Voyez Notice géologique sur Amélie-les-Bains (Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, t. XXIII, 6e livraison). 666 SÉANCE DU 15 MARS 1869. secondaire espagnole, ce n’est pas dans l’Ariége qu'il faut chercher quelque chose de comparable , mais bien dans la vallée de l’Aude, où nous trouvons le pendant des gorges d’Or- ganya dans celles de Pierre-Lis et de Saint -Georges ouvertes au sein d’un calcaire du môme âge, avec l’intercalation d’une assise marneuse aptienne (bassin de Quillan), qui correspond presque exactement à celle qui supporte le bourg espagnol que nous venons de citer. Nous avons d’ailleurs indiqué plus haut ce rapprochement qui est d’autant plus remarquable, que de ce côté, comme dans les Pyrénées françaises, ce massif de grès vert s’arrête brus- quement en présence d’un étage rutilant garumnien qui vient en aval de Quillan, comme au sud d’Organya, butter contre lui en interrompant la série secondaire pour commencer une nou- velle série renversée. En poussant plus loin encore ce parallèle entre les vallées de la Sôgre et celle de l’Aude, nous pourrions trouver dans le calcaire à hippurites et le sénonien de la première (section renversée) des équivalents du calcaire à hippurites des Bains de Rennes et du grès d’Alet. Quant à la réapparition du trias vers Oliana, à l’extrémité de la série renversée, il n’y a rien de semblable du côté de la France; mais nous y trouvons, dans le grès de Carcassonne, le correspondant du terrain qui constitue les basses montagnes de la Catalogne. Il y a cependant ici cette différence, que de notre côté, le terrain dont il s’agit, qui est d’ailleurs presque partout superposé au calcaire à nummuliles, ne s’étend pas aussi loin vers la plaine qu’en Espagne, où il s’étale par des ondulations et des parties horizontales, sur une large surface. Il y a aussi à dire que les Pyrénées françaises n’offrent pas à leur base ce hiatus si accentué que nous avons signalé à Oliana, entre les hautes et les basses montagnes. Séance du 15 mars 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY. M. le Président communique à la Société la nomination qui vient d’être faite, par le Conseil, de M. Le vallois comme DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 667 membre de la Commission du Bulletin , en remplacement de M. d’Archiac. M. le Président expose ensuite que M. Hébert ayant cru devoir se démettre de ses fonctions dans cette même Com- mission, le Conseil, en exprimant ses regrets de cette dé- termination, a renvoyé à sa prochaine séance le choix d’un nouveau membre. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance. Le Président proclame membres de îa Société : ■ MM. Brochon (Henri), avocat à la cour impériale, rue des Trois-Conils , 51, à Bordeaux (Gironde); présenté par MM. Ch. Boreau et Arnaud. Desailly, pharmacien à Grandpré (Ardennes); présenté par MM. Meugy et Nivoit. Vinay, maire du Puy (Haute-Loire); présenté par MM. Hé- bert et Louis Lartet. Le Président annonce ensuite une présentation • DONS FAITS A LA. SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Émile Arnaud, Études préhistoriques sur les premiers vestiges de l’industrie humaine et la fin de la période quaternaire dans le Sud-Est de Vaucluse ; in-8, 13 p.,6 pi.; Paris, 1869; chez F. Savy. De la part de MM. F. L. Cornet et A. Briart : 1° Description minéralogique , paléontologique et géologique du terrain crétacé de la province de Hainaut; in-8, 111 p., 1 pi. ; Mons, 1866; chez Dequesne-Masquillier. 2° Description minéralogique , géologique et paléontologique de ia meule de Bracquegnies ; in-4, 92 p. , 8 pi. ; Bruxelles, 1868. 3’ Notice sur les dépôts qui recouvrent le calcaire carbonifère à Soignies ; in-8, 7 p., 1 pi. ; Bruxelles, 1868. De la part de M. le baron de Dücker, Vorgeschichtliche Spu- ren des Menschen am Wege nach Rügen und auf der Insel Rügen selbst ; in-8, 16 p.; Berlin, 1868; chez J. A. Stargardt. 668 SÉANCE DU 15 MARS 1869. De la part de M. Mclleville, Ville de Laon. — Étude théorique et pratique sur la question des eaux ; in-4, 10 p. ; Laon..... De la part de M. U. Schloenbach, Die Brachiopoden der bôhmischen Kreide ;in-8, 28 p.; Vienne, 1888. De la part de M. H. Trantschold, Die Laterne des Diogenes von Archœocidaris rossicus ; in-3, 13 p., 1 pl. ; Moscou, 1868. De la part de M. R. F. Peters : 1° Zur Kentnniss der Wirbelthiere aus den miocânschichten von E ibiswald in Steiermark I. Die Schildkrûtenreste ; in-4, 16p., 3 pl. — II. Amphicyon. — Vwerra. — Eyotherium ; in-4, 26 p., 3 pl.; Vienne, 1868; chez R, Gerold fils. De la part de M. G. A. Pirona, Sopra una nuova specie di Hippurites ; in-8, 4 p., 1 pl.; Milan, 1868; chez Bernardoni. M. Chaper présente les observations suivantes qu’il s’excuse de n’avoir pu faireàla suite du procès-verbal, où elles auraient été mieux à leur place. Arrivé un peu trop tard, il a été forcé de les iemettie a la tin de la séance et s’aperçoit avec regret que M. Hébert vient de quitter Ja réunion depuis quelques mi- nutes à peine. M. Chaper se trouve par conséquent forcé de n’entrer dans aucun développement et de se borner à un sim- ple énoncé. D ailleurs, meme en l’absence des motifs ci-dessus, il ne serait pas possible de répondre à une aussi longue communication sans en avoir sous les yeux le texte authentique, qui n’était pas rédigé au moment de la dernière séance, et n’est pas encore déposé. Cette communication était pleine de détails, de faits, de discussions, etc., etc., que la meilleure mémoire ne pour- rait retenir avec certitude. L’impression générale et sommaire qui résulte , pour M. Chaper, de l’audition de cette communication, est qu’on y retrouve les erreurs de détermination de fossiles, d’assimila- tion d’horizons, etc., qu,i avaient fait l’objet de discussions anterieures, et qui se retrouvent également dans une note insérée au Bulletin, séance du 15 juin 1868. Le Bulletin vient d’être distribué il y a une heure environ, et M. Chaper n’a pu que le parcourir. Mais il a été surpris d’y trouver la note dont il est question et dont il n’avait gardé aucun souvenir. ° L’absence de notre confrère et les motifs ci-dessus doivent NOTE DE M. MARCOU. 669 faire ajourner toute discussion jusqu'au moment où nous aurons entre les mains la forme définitive et imprimée des opinions de M. Hébert. Il doit donc suffire en ce moment à M. Chaper, mais il lui est nécessaire de protester contre l’ensemble, tel qu’il l’a retenu, des conclusions de la communication dont il s’agit, du moins en ce qui concerne la a Porte-de-France » dont il a commencé l’étude détaillée. Elle est loin d’être achevée; car elle est forcément minutieuse et longue. Mais jusqu’à présent, la « Porte-de-France >>, étudiée sur place, donne des résultats tout différents de ceux qu’elle paraît fournir quand on va la chercher en Allemagne. On pouvait s’y attendre. Notes sur V origine de l'étage tithonique ; par M. J. Marco u. M. Marcou appelle l’attention de M. le Secrétaire sur la séance du 15 juin 1868, dont le compte rendu vient de paraître dans le tome xxv du Bulletin. Les observations qu’il fit alors sur le terrain tithonique d’Oppel se rapportaient aux remarques de M. Hébert, avec qui il diffère d’opinion, et non aux travaux de MM. Pictet et Chaper, avec qui, au contraire, il est en com- munion d’idées. L’ordre des observations présentées à la séance du 15 juin a été interverti, et, par suite d’un change- ment contre lequel M. Marcou proteste, les remarques et objec- tions qu’il a présentées contre les vues de M. Hébert se trou- vent entièrement déplacées et n’ont plus de raison d’être. Aussi, M. Hébert, après avoir eu communication de la note exposant les remarques de M. Marcou, a-t-il pu, avec des apparences de réalité, s’étonner que M. Marcou lui ait attribué des « idées bizarres » sur la modification brusque et le chan- gement de front, d’une séance à l’autre, des déterminations d’âges des calcaires à T. diphya de la Porte-de-France. M. Mar- cou , tout en admettant qu’un auteur a le droit de lire les observations de ses adversaires , demande que le Secrétaire veuille bien prévenir la personne dont on communique le manuscrit, afin qu’elle puisse aussi, à son tour, si elle le juge convenable, réclamer la communication des réponses que l’on a faites, après coup, à ses observations dites en séance. Relativement aux notes de M. Hébert , insérées dans la séance du 15 juin, M. Marcou déclare qu’il n’a attribué aucune idée bizarre à M. Hébert, et que, si M. Hébert trouve cette idée 670 SÉANCE DU 15 MARS 1869. bizarre, c’est depuis qu’il a vu l'Argovie au mois de septem- bre, ce qui semblerait indiquer que les notes de M. Hébert, au lieu d’être remises dans les limites du règlement, ont été rédigées ou corrigées après son voyage; car M. Hébert, dans la séance du 15 juin, a déclaré que, pour lui, la zone à Ammonites tenuilobatus avec tout ce qui lui était supérieur était néocomien. M. Hébert, à la fin de sa note, regarde comme « une première et considérable conquête obtenue par son intervention » le parallélisme et la contemporanéité des assises à ciment hy- draulique de la Porte-de-France avec les calcaires à Terebratula diphyoides de Berrias. « Et, dit-il, ses contradicteurs ont tort de l’oublier.» M. Marcou pense que ce résultat est dû à M. Pictet, l’auteur des deux belles monographies intitulées : Faune à Terebratula diphyoides de Berrias , in-4°, et Étude provisoire des fossiles de la Porte-de-France , d'Aizy et de Lémenc , in-4°. M. Hébert s’est contenté d’affirmer ou de nier des détermi- nations de fossiles, sans publier ni planches, ni descriptions, ni coupes; ce n’est pas ainsi qu’il est possible d’élucider des questions qui , d’ailleurs, de l’avis de M. Marcou, ont été résolues, sinon dans les détails, du moins dans l’ensemble, par feu Oppel. Ce n’est que par des descriptions détaillées, comme celles de MM. Pictet et Zittel, qu’on peut mettre les savants à même de se prononcer pièces en main. Toute autre méthode expose à de graves mécomptes et à des oscillations comme celles par lesquelles ont passé MM. Hébert et Lory qui, après avoir attribué les calcaires de la Porte-de-France à l’oxfordien, veulent aujourd’hui en faire du néocomien. Il y a une phrase de M. Hébert qui demande une réponse, parce qu’elle renferme une inexactitude grave. « La Porte-de- France, dit-il, a amené Stramberg sur le tapis ». La vérité est que c’est Stramberg, où Oppel avait passé beaucoup de semai- nes et de mois, en 1863, 1864 et 1865, à étudier et à classer la collection de Hohenegger, qui a amené la question de la Porte- de-France, et que tout ce qui a été fait sur l’étage tithonique, depuis sa création, en 1865, par Oppel, a eu pour point de départ Stramberg et la collection Hohenegger. \M. Marcou ajoute que, pour éviter les malentendus et les remaniements, il ne présentera aucune remarque sur la com- munication que M. Hébert a faite, dans la séance du 15 fé- vrier 1869, au sujet de Stramberg, jusqu’à ce que ce travail ait été imprimé. RÉPONSE I)K M. HEBERT. G 71 Réponse à MM. Marcou et Chaper , à propos de la discussion sur T âge des calcaires à Terebratula diphya de la Porte de- France; par M. Hébert. M. Marcou porte le débat sur un terrain tout à fait person- nel; je suis bien obligé de l’y suivre, et, à ce propos, je dirai que, dans de pareilles discussions, il me paraît convenable que les observations soient au nom de la personne qui les pré- sente, afin qu’elles ne paraissent pas au lecteur rédigées par le Secrétaire. M. Marcou parle d’une interversion dans l’ordre des obser- vations présentées à la séance du 15 juin 1868, et il semble dire que c’est à la suite d’une exposition préalable de vues particulières faite par moi à cette séance, qu’il a présenté ses critiques. M. Marcou oublie complètement comment les choses se sont passées. C'est le 18 mai que cette discussion a commencé à l'occasion d’un résumé du travail de Zittel sur les céphalo- podes de Stramberg, résumé qui venait d’être publié dans le bulletin d’avril de Ylnstitut géologique de Vienne, et dont je donnai connaissance à la société. Je fis simplement remarquer, à cette occasion, que M. Zittel trouvait, parmi les 55 céphalo- podes qu’il avait décrits et figurés, 8 espèces de la Porte-de- France un petit nombre d7 espèces néocomiennes et aucune du terrain urassique. Cette très-courte communication, que je ne crus pas devoir rédiger moi-même, pensant que M. le Secrétaire en avait pris note, ne fut pas mentionnée, et, à la place, le procès-verbal porte que j’ai fait une communication sur le terrain néocomien du sud-est de la France, ce qui n’est pas exact. L’erreur du Secrétaire s’explique, parce qu’en effet M. Marcou est venu prétendre que ce que j’entendais par espèces néocomiennes étaient des fossiles du soi-disant néocomien de la Drôme ou de la Provence, du néocomien de d’Orbigny, qui n’était pas le véritable néocomien de Neufchâtel. C’est alors que M. Chaper a présenté des observations, en partie insérées à la page 692, et auxquelles j’ai répondu en séance avec la plus grande modération, bien que j’aie été vivement blessé de certaines expressions employées à mon égard par notre jeune confrère. Pensant que M. Chaper, après 672 SÉANCE DU 15 MARS 1869. réflexion, modifierait ses critiques, j’ai voulu attendre le mo- ment où sa note aurait eu sa forme définitive pour rédiger ma réponse. Je tiens à constater que dans cette communication du travail de M. Zittel, le 18 mai, je n’avais parlé ni de M. Marcou, ni de M. Chaper, ni des personnes qu’ils se sont donné mission de défendre. Je n’assistai point à la séance du 8 juin, parce que je ne voulais point continuer la discussion; mais, le 10, je recevais de M. Chaper une invitation écrite de me rendre à la dernière séance, celle du 15 juin, pour y entendre l’analyse qu’il devait y faire du mémoire de M. Pictet, et je m’y suis rendu, ne pou- vant faire autrement. Si donc ce débat est né, ce n’est pas moi qu’on doit en rendre responsable, puisque j’ai tout fait pour l’éviter. M. Marcou est intervenu au nom deM. Oppel, que je m’étais bien gardé de mettre en cause. Il en est résulté une discussion entrecoupée, où j’ai eu à me défendre, non-seulement contre les conséquences que M. Chaper prétendait tirer contre moi du mémoire de M. Pictet, mais contre les critiques faites par M. Marcou à plusieurs reprises. En résumé, il y avait dans la défense, que j’étais forcé de présenter trois parts : celle de M. Chaper, celle de M. Marcou et celle de M. Pictet. En effet, j’avais aussi à mon tour à exa- miner le mémoire de notre savant confrère et à voir s’il jus- tifiait les critiques dont j’étais l’objet. J’ai voulu séparer avec soin, on le comprendra, la critique sérieuse et scientifique d’un travail comme celui de M. Pictet, d’une discussion d’un tout autre caractère, et j’étais certes dans mon droit. Le corps de mes remarques sur le mémoire de M. Pictet est donc sans aucun mélange de toute autre réfutation, et c’est pour cela que j’ai relégué, dans quelques notes placées en dehors, ce qui concernait M. Chaper. Ce procédé présentait d’ailleurs l’avantage d’une plus grande clarté et une économie notable de texte. Tout cela, comme pour la séance du 18 mai, était une affaire de rédaction, que je ne pouvais terminer qu’en ayant sous les yeux le texte des notes de mes adversaires, revues par eux et prêtes à être imprimées. Quand je suis parti de Paris, le 8 août, les choses n’étaient point aussi avancées, et quand je suis revenu, le 1er novembre, la séance du 18 mai était mise en pages, ce qui explique com- RÉPONSE DE M. HÉBERT. 673 ment il ne se trouve, à cette séance, aucune réponse aux ob- servations de M. Chaper, et celle du 15 juin était en placards. M. Marcou avait jugé convenable, et je ne m’en plains nul- lement, de condenser en un seul corps toutes les critiques qu’il avait faites à bâtons rompus. Ma réponse devait être rédigée de la même manière, et la défense devait suivre l’atta- que. Que veut donc M. Marcou ? Avoir le dernier mot. Cela n’était pas possible,, puisqu’il m’attaquait. J’avais le droit incontestable de répondre le dernier. Je n’ai point touché au procès-verbal; je me suis contenté de réclamer, pour ma réfu- tation, la place qui lui appartenait, comme aujourd’hui je la réclame pour celle-ci. M. Marcou persiste à soutenir que j’ai déclaré que la zone à A. tenuilobatus était néocomienne; il ajoute cette fois que j’ai placé aussi dans le néocomien tout ce qui est au-dessus de cette zone dans le Jura, et que, si je ne soutiens plus cette opinion, c’est, depuis que j’ai visité l’Argovie. En vérité, je ne sais comment qualifier une pareille assertion. M. Marcou n’a pas compris ce que j’ai dit le 15 juin; je l’ai déjà expliqué p. 822; il ne s’est pas rappelé qu’il lui arrive quelquefois non- seulement de mal entendre, mais aussi de mal lire. C’est ainsi que dans ses Lettres sur le Jura M. Marcou m’attribue, p. 181, des opinions contraires aux miennes. 11 extrait ces prétendues opinions, qui étaient celles d’un de nos maîtres illustres, d’un travail destiné précisément à en montrer l'insuffisance, et il s’amuse à cette occasion à répandre la raillerie sur un con- frère qui n’a aucun tort à se reprocher à son égard (1). Me faire mettre les divisions d, s, ç, de Quenstedt, dans le néocomien, comme si, depuis vingt ans que j’enseigne la géo- logie, j’étais dans l’ignorance la plus complète de la stratigra- phie allemande, comme si, depuis cette époque, nos collec- tions ne contenaient aucun échantillon du Jura blanc, aucun fossile de Natlheim ou de Solenhofen , dont la position dans les cases de la série corallienne a pu être constatée par une foule de visiteurs français et étrangers dont je pourrais donner les noms, avec la seule incertitude relative à Solenhofen, que les savants allemands m’ont fait placer tantôt dans le coral-rag, tantôt dans le Kimmeridge , mais que je me (t) Voir ma réponse à M. Marcou, Bull.. 2e série, t. XVIII, p. 97; on reconnaîtra avec quelle modération j’ai réfuté une erreur aussi singulière. Soc. géol.} 2* série, tome XXVI. 43 (374 SÉANCE DU 15 MARS 1869. suis toujours refusé à remonter jusqu’au Portlandl Si je ne repoussais une telle assertion , l’assurance avec laquelle la produit M. Marcou pourrait faire quelque impression sur les personnes qui ne me connaissent qu imparfaitement. J’ajouterai que M. Marcou introduit dans les discussions scientifiques des dispositions fâcheuses. La sympathie qui l’entraîne d’un côté le rend aveugle et injuste, même à son égard. C’est ainsi qu’il affirme qu il- est en communauté d’idées avec MM. Oppel, Pictet et Chaper, avec Oppel, qui a supprimé le coral-rag comme étage, qui place la zone à Cidaris florigemma dans l’Oxford et les couches à Ammonites tenuilobatus et polyplocus dans le Kimmeridge par-dessus la zone à Cidaris florigemma et à Ilemicidaris crenularis. Or, cette dernière zone n’est autre que le coral.-rag de la Cha- pelle (Jura franc-comtois), et on peut voir dans les Lettres sur le Jura de M. Marcou, p, 37, 38, etc., et dans le tableau de la page 45, qu’en 1860, pour M. Marcou, cette zone était supérieure aux couches à Ammonites polyplocus , dépendant de son argo- vien, qu’il appelait alors oxfordien supérieur. Si M, Marcou s’est converti aux idées d’Oppel, il aurait dû le déclarer plus expli- citement et nous dire ce qu’il y a de vrai et de faux dans ses anciens travaux. Pour moi , M. Marcou était dans le vrai et Oppel dans l’erreur. M. Marcou prétend, encore qu’Oppel a résolu dans leur ensemble les questions relatives aux calcaires delà Porte-de- France, bien que, dans mon opinion, le savant professeur de Munich, en mettant, sans citer un seul fossile, dans le Kimme- ridge, les couches inférieures qui renferment V Ammonites po- lyplocus, commette une grave erreur, que M. Marcou lui-même doit rejeter, à moins de renier une partie de ses travaux sur le Jura, et qu’en plaçant le calcaire- ciment, reconnu maintenant comme néocomien par M. Pictet, dans son étage titlionique avec les couches de Portland, du Boulonnais et de Solenho- fen, il soit en désaccord avec tous les géologues qui ont publié des observations sur cette matière. Oppel n’a donc rien résolu à la Porte-de-Franee, et la pre- mière indication du cachet néocomien, que portent avec elles les couches à Terebratula diphya (J. janitor , Pictet) est bien ma propriété, quoi qu’en diseM. Marcou, qui me refuse toute part dans cette découverte, et ce n’est pas par de simples affirma- tions que j’en ai pris possession, puisque ma première note con- tient la description d’une espèce caractéristique, VA. Calypso , RÉPONSE DE M. HÉBERT. 0!»* K? /D que j’ai’séparée de celles avec lesquelles elle était confondue, et des indications si précises sur quelques autres que ni M. Pictet ni M. Zittel ne nient qu'il n’y ait dans ces assises quelques espèces véritablement néocomiennes. C’est donc bien par la Porte-de-Franee que l’attention sur ce point a été éveillée ; car, même dans le mémoire de M. Pictet, Stramberg est considéré comme jurassique , et Oppel, en plaçant ces calcaires de Stramberg au niveau de Solenhofen, est dans un ordre d’idées entièrement différent du mien; il n’a d’ailleurs, si je ne me trompe, signalé que des analogies et non des identités entre les fossiles tithoniques et le néocomien. Quant à mettre les savants en mesure de se prononcer sur ces questions nouvelles, si délicates, par des travaux plus détaillés, M. Marcou peut être certain que je ferai tous mes efforts pour réaliser son désir, et que je sais parfaitement que ma tâche n’est pas terminée. Ma réponse à M. Chaper sera courte. J’ai suffisamment répondu sur les faits, dans ma communi- cation du 18 juin; mais je ne saurais admettre que M. Chaper continue à employer à mon égard des expressions comme celles qu’on peut lire dans le Bulletin. Je ne lui reconnais pas le droit d’imprimer, soit en son nom, soit au nom de tout autre, que le jugement de M. Hébert a succombé sous la pression d'une conviction préalable (1), pas plus que de dire, comme il vient de le faire, sans se donner la peine de le prouver, qu’on retrouve, dans ma dernière communication comme dans les précé- dentes, les mêmes erreurs de détermination de fossiles, d’as- similations d’horizons, etc., etc. — J’ai réfuté les prétendues erreurs que M. Chaper m’attribuait; qu’il discute mes réfuta- tions si cela lui convient, mais qu’il exprime autrement son impression générale et sommaire. M. Éd. Lartet communique l’extrait suivant d’une lettre de M. Whitney: (1) Bull., t. XXY, p. 693, lig. 25. 676 SÉANCE DU lü MARS 1869. Extrait d'une lettre de M. Whitney , chef du Geological Survey de l'État de Californie , à M . Desor , communiquée , au nom de ce dernier , à /a Société géologique de France; par M. Ed. Lartet. « Une découverte du plus haut intérêt vient d’être faite en Californie. Des restes humains et des traces du travail de l’homme ont été trouvés dans des roches tertiaires et j’ai pu, pendant ces derniers mois, vérifier leur authenticité. Aujour- d’hui, les faits à l’appui de cette découverte se sont multipliés à tel point que je n’éprouve aucune hésitation à dire que nous possédons des preuves non équivoques de l’existence de l’homme, sur les côtes du Pacifique, antérieurement à l’épo- que glaciaire et à la période du Mastodonte et de l’Éléphant, dans un temps où la vie animale et végétale était entièrement différente de ce qu’elle est actuellement, et depuis lequel il s’est produit, dans les roches dures et cristallines de la contrée, une érosion verticale de 700 h 1,000 métrés. Je publierai, in extenso, les détails de cette découverte dès que j’aurai ter- miné mon travail. » M. de Mortillet confirme le fait énoncé par M. Whitney, et donne quelques détails sur le gisement des silex trouvés dans le terrain tertiaire par M. l’abbé Bourgeois. Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Ébray qui, en donnant son adhésion aux conclusions du travail de M. Henri Magnan sur les petites Pyrénées de l’Ariége, re- vendique pour lui-même la priorité dans l’exposition des théories relatives au rôle joué par les failles dans la pro- duction des montagnes. Pour établir cette priorité, M. Ébray renvoie à sa note sur le Calcul des dénudations qui se sont opérées à de grandes altitudes {Bulletin, XXI, 293) et à ses Études géologiques sur le département de la Nièvre (Baillière, 1858 à 1860). Le Secrétaire communique les deux notes suivantes de M. Grad. NOTE DE M. GRAD. 677 Sur la formation et la constitution des lacs des Vosges ; par M. Charles Grad. Le massif des Hautes-Vosges présente un certain nombre d’amas d’eau épars dans ses dépressions , accumulés à toutes les hauteurs, depuis le fond des vallées jusqu’au-dessus du niveau moyen de la ligne de faîte. Tels sont, du côté de l’Al- sace, les lacs de Séeven , de Neuweyer, le Sternsée dans la vallée de la Doller, le lac du Bâlon dans le val de la Lauch, le lac de Daaren , qui donne naissance à un des bras de la Fecht, les lacs Blanc et Noir, dont les eaux réunies forment en- semble la Weiss, au-dessus d’Orbey. Sur les pentes occi- dentales de la chaîne, nous voyons les flots de la Vologne se répandre tour à tour dans les deux bassins de Betour- nemer et de Longemer pour recevoir un peu plus bas un affluent issu du lac de Gérardmer, le lac des Corbeaux , près la Bresse, et ceux de Lispach, de Blanchemer, du Mar- chet, dans la vallée de la Moselotte, le lac de Fondromaix dans le bassin supérieur de la Moselle, enfin, le petit lac de la Maix sur les montagnes arénacées au sud-ouest de Framont. Aucun de ces lacs n’a des dimensions bien considérables; le plus étendu de tous, celui de Gérardmer, figure une ellipse dont le grand axe mesure seulement 2,000 mètres sur une largeur moyenne de 800 mètres. Toutes ces nappes d’eau, différentes par leurs sites, ne le sont pas moins par la structure de leur bassin. Les unes, comme les lacs d’Orbey et du Bâlon, affectent la forme d’en- tonnoirs à peu près circulaires, creusés au fond de vastes cir- ques dans la partie supérieure des vallées. D’autres , situées plus bas, ont une forme plus allongée; les montagnes de leurs rives s’élèvent d’une manière moins brusque, et leur bord inférieur est généralement formé d’une chaussée naturelle de sable, de gravier, de blocs accumulés, assez consistante pour résistera la pression des eaux. Tels sont les lacs de Séewen, de Longemer, de Gérardmer. Le lac de Gérardmer présente en outre un phénomène assez rare dans les pays de montagnes, mais que l’on constate aussi au lac de Lourdes, dans les Pyré- nées ; aux lacs d’Orta et de Côme, en Italie : la digue qui le contient est tellement forte, que ses eaux, au lieu de s’écouler selon la direction générale de la vallée de Cleurie dans le 678 SÉANCE DU 15 MARS 1869. bassin inférieur de la Moselle, se trouvent refoulées pour passer en amont dans Pétroite gorge de la Vologne. Ailleurs, nous voyons un autre accident orographique non moins remar- quable. (Test un petit réservoir situé sur le chaînon qui passe du Bâlon de Servance au plateau de Langres et se déversant à la fois dans la Moselle et dans la Saône, partageant ses eaux entre le bassin de la Méditerranée et celui de la mer du Nord. Au témoignage de Tacite, L. Vêtus, l’un des comman- dants des armées romaines en Germanie, pour ne pas laisser ses soldats oisifs, conçut le projet de joindre, en ce point, la Moselle à la Saône par un canal. On eût épargné ainsi aux tioupes des marches difficiles, et la navigation, dès le premier siècle de notre ère, aurait réuni les rivages du Nord à ceux du Midi. Cependant, ajoute le grand historien .* « Elius Graci- lis, lieutenant de Belgique, envia à Vêtus l’honneur de cette entreprise, en le détournant de chercher dans les Gaules une popularité qui alarmerait Pempereur, crainte qui fait souvent échouer les plus louables projets (i). » Le lac Blanc est le plus élevé des Vosges. Des escarpements sourcilleux 1 étreignent, déchiquetés comme certaines crêtes des Alpes. Sur deux faces, au sud et à l’ouest, ces escarpe- ments s élèvent de 200 à 250 mètres au-dessus du niveau de la nappe d’eau, tandis que l’autre bord le domine encore de 80 métrés. M. Élie de Beaumont compare le bassin à un vaste fontis qui se serait produit à la surface du sol par suite d’un ébouiement comme ceux qui arrivent dans les carrières souter- raines abandonnées, et nous le trouvons comme découpé à l’emporte-pièce. Le lac mesure 23 hectares de superficie et se trouve à 1,054 mètres d’altitude. Sa figure rappelle un triangle allongé dans le sens de la chaîne. Ses eaux trouvent issue par une sorte de couloir naturel, étroit, bas, ouvert du côté de la plaine et où l’on vient de construire une digue de 8 mètres d élévation pour transformer le lac en réservoir au service des usines de la vallée. Dans l’angle en face du débouché, le bord s élève suivant une pente de 45 degrés. A l’extrémité nord, il monte jusqu’au faîte des Hautes Chaumes sous forme d’une gouttière à pente plus douce, à fond tourbeux et par où les pluies amènent des sables de lavage qui envahissent le lac eutement. Les sables constituent une plage inclinée de quelques degrés seulement, mais qui s’abaisse brusquement (1) "tacite. Annales , livre XIII, chap. liii. NOTE DE IV! . OR AD. 679 à 30 mètres du bord. Au delà, le fond est limoneux, couvert de troncs de sapins tombés dans le lac à une époque où les pâtu- rages supérieurs étaient boisés. Ce fond est très-inégal. J’y ai trouvé des profondeurs de 61 mètres. Des blocs de granité en nombre énorme forment une lisière continue à l’intérieur du bassin et entourent le lac, entassés sans ordre, presque sans mélange de menus débris. La plupart de ces rochers sont arrondis et comme roulés par suite de la décomposition qu’ils éprouvent sous l’influence de l’atmosphère. Ceux qui restent dans l’eau conservent des arêtes plus vives. Tous gisent au pied des escarpements dont ils sont tombés naguère, et n’y ont pas été charriés. Une paroi rocheuse, évidée vers la base, sépare le lac Blanc du lac Noir dont le cirque se découpe à droite. Il y a une tourbière au bas de l’escarpement et d’autres sur les plateaux des Hautes-Chaumes que la commune d’Orbey s’efforce de reboiser. Puis, si l’on suit la ligne de faîtes, le Fohrenweyer, le lac Vert ou de Daaren, et, sur le flanc du Hoh’Neck, le lac de Retournemer, occupent le fond de cirques pareils, ce dernier situé bien plus bas, ainsi que le petit lac de Blanchemer, qui est assis sur le versant opposé du même rameau. Quant au bassin du lac du Bâlon, il constitue une cuvette d’environ 300 mètres de diamètre entaillée dans une roche de quartzite et de grauwacke métamorphique souvent fendillée. Ses eaux reposent sur un lit de sable; ses bords ne présentent pas les escarpements qui étreignent le double cirque des lacs d’Orbey: un talus à pente régulière les remplace et s’élève à 250 mètres au-dessus du niveau du lac. Lors de la construction de Neuf-Brisach, Yauban avait fait construire au lac du Bâlon une digue munie d’une écluse pour l’alimentation du canal destiné autiansport des matériaux. En 1740 les pluies et la fonte des neiges firent subitement monter les eaux du lac à une hauteur extraordinaire, et le 22 décem- bre, au milieu de la nuit, l’écluse et la digue se rompirent avec fracas; une énorme masse d’eau, haute de 16 mètres, se précipita sur la vallée, rasant en un clin d’œil, rochers, arbres, maisons, terre végétale, bestiaux, causant de grands dom- mages à Guebwiller et à Issenheim, dont les constructions devinrent la proie des eaux. Depuis, on a encore cherché à utiliser le lac du Bâlon pour assurer un aliment permanent aux moteurs des établissements industriels de la vallée de la Lauch. L’ancienne digue de Yauban avait 15 mètres de hauteur 680 SÉANCE DU 15 MARS 1869. au-dessus du niveau naturel du lac; la nouvelle prise d’eau doit au contraire déboucher à 15 mètres au-dessous de ce ni- veau. Au lieu d’élever les eaux au moyen d’un barrage, on cherche aujourd’hui à donner au lac un écoulement par un tunnel de 80 mètres de longueur environ et muni de trois vannes mobiles pour en régler le débit. Des travaux analogues existent sur d’autres points des Vosges, notamment aux lacs Blanc et Noir d’Orbey, où un chef d’industrie connu par ses grands travaux de colonisation, M. Antoine Herzog, s’est assuré une réserve d’eau de trois millions de mètres cubes. Un système de réservoirs pareils établi dans les vallées vos- giennes et dans les pays de montagnes où il serait réalisable, en régularisant le régime des torrents, serait d’un secours providentiel contre les inondations et fournirait à l’industrie, comme à l’agriculture, l’eau nécessaire en temps de séche- resse. Plusieurs lacs des Vosges doivent leur origine à des digues naturelles qui sont venues barrer les vallées. Le lac de Fondro- maix, entre autres, à 200 mètres au-dessus de Rupt, occupe une cavité à parois fort roides et découpée en hémicycle dans des montagnes de nature granitique , vers la vallée haute de la Moselle, avec une issue largement ouverte et un canal d écoulement peu profond, par où s’échappe le trop plein de ses eaux. Une chaussée formée autour du bord extérieur du lac 1 étreint suivant une courbe dont le centre coïncide avec le milieu du bassin, tournant sa partie convexe vers l’extérieur du cirque» Son bassin est donc fermé d’un côté par les montagnes granitiques, de l’autre par une ceinture de débris amoncelés de ces mômes roches sur la pente du plan le plus incliné, pro- longement d’une ligne droite qui, descendant du faîte au pied du massif, se trouve subitement brisée vers son milieu. Les paroisdela montagne disparaissent entièrement sous laverdure d une belle forêt de hêtres et de sapins. La digue s’élève en avant à 7 ou 8 mètres au-dessus du niveau actuel du lac. Ses maté- riaux sont composés de roches anguleuses, de boue, de sable formant du côté de la vallée un bourrelet circulaire, au point même ou la pente de la montagne s’incline, à partir du palier occupé par le lac. Cette pente étant en moyenne de 15 degrés, un courant qui se serait élevé au niveau du lac, quelle qu’eût été sa direction, aurait comblé le bassin dont le fond est à une vingtaine de mètres seulement en contre-bas de la chaussée. D un autre coté, un torrent partant du lac, si toutefois un tor- NOTE DE M. GRAD. 681 rent pouvait en sortir, aurait poussé sable et cailloux hors du goulot pour les déposer dans la vallée, tandis que la chaussée se trouve en tête du canal et que, dans le bassin où les déjec- tions auraient eu lieu, il n’y a aucune trace de terrain de trans- port composé d’éléments provenant du bassin du lac. Les matériaux du barrage appartiennent à la localité même; ils se sont détachés des parois du cirque. Enfin, l’échancrure par où s’opère l’écoulement des eaux s’approfondirait vite si leur débit était plus considérable. On remarque une disposition analogue au lac de Daaren et au lac des Corbeaux. Le bassin du lac de Daaren est tout simplement un vallon barré par une digue de matériaux meu- bles; il a 10 à 11 mètres de profondeur et peut s’élever à 18 mètres, depuis la construction d'un fort barrage en maçon- nerie au-dessus de l’ancienne digue naturelle. Le lac des Cor- beaux, situé à la base du Grand-Ventron, aux environs de la Bresse, est également formé d’une cuvette circulaire, large de 500 à 600 mètres. Il est creusé dans un granité porphyroïde rougeâtre qui contient des aiguilles d'amphibole. Ses eaux s’écoulent par la coupure placée en aval et barrée par une digue de débris granitiques. Les dimensions de ces débris varient depuis la grosseur d’un grain de sable imperceptible jusqu’à celle d’énormes blocs, aux angles légèrement émous- sés, mesurant de 8 à 10 mètres cubes. Les blocs, le gravier, les sables delà digue, entassés pêle-mêle, sans mélange de terre, sont lavés comme s’ils sortaient de l’eau. Au fond du lac s’est déposée une couche de tourbe terreuse mêlée de troncs de sapins et de hêtres tout entiers, durs, pesants, de la consistance du lignite, et, depuis que la tourbe existe, rien n’en a arrêté le lente formation. Au-dessous de cette couche peu épaisse, selon la remarque de M. Édouard Collomb (1), le fond du bassin se compose, ainsi que la digue, d’un amas inco- hérent de sable, de graviers , de blocs sans trace de stratifica- tion, sauf quelques couches minces de sable fin disposé en strates grossières et incliné suivant la pente du fond. Ces matériaux, les couches de sable exceptées, sont de nature morainique; le dépôt de tourbe repose sur la moraine pro- fonde immédiatement et sans transition. Les matériaux de la (1) Édouard Collomb. Preuves de V existence d'anciens glaciers dans les Vosges , p. 135. Paris, 1847. 682 SÉANCE DU 15 MARS 1869. moraine paraissent blancs; la tourbe terreuse a une teinte noire; la ligne de démarcation est nettement tranchée. Sur les bords, la tourbe se relève en forme de capsule; on remar- que à son contact avec le terrain erratique, que depuis sa for- mation aucun changement n’est survenu dans le bassin. Une vanne pratiquée dans la digue par les gens de la Bresse, pour l’alimentation de leurs usines, règle l’écoulement des eaux qui s’arrêtent à 7 mètres au-dessous de leur niveau ancien. Le barrage du lac des Corbeaux est réellement une moraine et le lac ne se serait pas formé sans l’intervention dam ancien glacier qui déposa cette digue naturelle lors de sa retraite. Déposés loin des pentes rapides suivant une ligne transversale à la vallée, les matériaux qui la composent ne sont pas les restes d’un cône d’éboulement. Ce ne sont pas non plus le sédiment d’une eau courante, car ils se trouvent entassés sans ordre, sans trace de stratification. Us ont dû tomber sur un massif de glace qui a charrié vers ses bords le sable, le gravier et les gros blocs pour y former une ceinture de plus en plus épaisse, comme dans les moraines frontales à l’extrémité des glaciers actuels. Après la disparition de la glace, la moraine resta à peu près intacte, et les eaux, sans écoulement, rem- plirent le lit du lac. M. Henri Hogard a le premier appelé Uat- tention sur l’origine glaciaire de certains lacs des Vosges (1), et ses vues ont été confirmées parM. Collomb dans ses Preuves de V existence d’anciens glaciers dans les Vosges. Le phénomène qui a moulé ces petits bassins les reproduit avec des dimensions parfois plus considérables en Écosse, en Suisse, dans le nord de l’Italie, dans les Alpes Scandinaves et au pied des monta- gnes de la Nouvelle-Zélande, dont les beaux lacs ajoutent un charme puissant à la nature déjà si pittoresque de ces hautes régions. A une époque plus ancienne, ces réservoirs étaient en plus grand nombre dans les Vosges. Il en apparaît parfois plu- sieurs dans la même vallée, où ils sont alors superposés par étages, comme dans la vallée de laVologne, et, dans d’autres, où ils n’existent plus, des traces nombreuses, la présence de vieilles moraines frontales minées et percées par les torrents, rendent témoignage de leur existence passée. Des sondages attentifs m’ont fait voir que mes lacs d’origine (1) Hogard. Recherches sur les moraines et les dépôts de transport et de comblement des Vosges, Épinal, 1842, p. 55, et Coup a’ œil sur le terrain erratique des Vosges , Épinal, 1851, p. 78. NOTE DE iu. GRAD. 683 glaciaire sont à fond plat, légèrement ondulé, pareil à celui des vallons qui commencent dans des cirques près du faîte des Vosges. Ils ont une faible profondeur et mesurent 30 mètres au plus. Le lac du Bâlon avait 22 mètres en mai 1866, le lac de Fondromaix environ 18, et j’en ai trouvé 11 seulement au lac de Daaren, déduction faite du barrage établi sur la mo- raine pour élever le niveau des eaux à 18 mètres. Fig. 1. — Lac de Daaren. — NR. Niveau du réservoir. — NL. Niveau du lac. — M. Moraine. — B. Barrage. — S. Couche de sable et de limon. — L. Leptynite en place. Pour le lac Blanc, j’ai obtenu 61 mètres de profondeur maximum avec un fond très-inégal. Ce chiffre est loin des profondeurs immenses, insondables, attribuées à ce bassin par les gens du pays; mais il assigne à la formation du lac une cause à laquelle les glaciers n’ont point concouru malgré la présence des blocs de rochers épars sur le pourtour. Ces blocs n’ont pas été charriés par un glacier qui se trouvait ici à son point d’origine, à quelques cents mètres seulement du faîte des montagnes. Jamais glacier dans un bassin comme celui du lac Blanc, après un si faible parcours, n’a déposé un tel amas de matériaux, une moraine aussi puissante que le déversoir du lac même à son niveau le plus bas. Or, nous voyons les mê- mes blocs arrondis au niveau du lac et jusqu’à 80 mètres au- dessus au haut de son bord oriental. Le lac Blanc occupe sim- plement une cavité creusée dans la roche compacte, dans le massif même de la montagne, comme beaucoup de lacs des Alpes suisses, et notamment le lac de Lungern, au bord de la route du Brunnig, entre Alpnach et Meyringen. Fig. 2. — Lac blanc. — Profil longitudinal, le rapport des profondeurs à celni des longueurs étant de 10 à 1. — E. Blocs d’éboulement. — S. Sables de lavage. — G. Granité en place. — T. Tourbe. 684 SÉANCE DU 15 MARS 1869, Fig. 3. fc.. Lac blanc. — Profil longitudinal réel. Fig. b. — Lac blanc. — Profil transversal réel. Fig. 6. — Lac blanc. — (1054 mètres d’altitnde). — Vu de l'hôtel. D’autres bassins, celui du lac Noir, entre autres, se font remar- quer parleur aspect cratériforme assez analogue aux lacs avec amphithéâtre de Meerfeld, de Gillenfeld et de Daun, dans l’Ei- fel, au lac Pavin, en Auvergne. Comparant entre eux ces bassins en forme d’entonnoirs, M. Élie de Beaumont présume « qu’ils résultent d’écroulements qui ont eu lieu dans des cavités situées dans l’intérieur des montagnes, à l’occasion des dernières NOTE DE M. GRAD. 685 secousses qui s’y sont fait sentir et peut-être à l’époque des éruptions volcaniques qui ont produit à leur pied, dans la plaine du Rhin* le massif du Kayserstuhl et les petits îlots basaltiques de Riquewfrir et de Gundershofen (1). » Ainsi, différentes causes ont concouru à la formation des lacs des Vosges, et, tandis que les uns doivent leur existence à d’anciens glaciers, d’autres occupent des cavités extérieures au développement de ces glaciers. Ceux-ci, que j’appellerais volontiers des lacs d’effondrement, ont rempli les bassins ouverts dans la roche vive et compacte , daus le massif même de la montagne. Ceux-là, d’origine glaciaire, occupent des vallons barrés par des digues de débris provenant d’anciennes moraines terminales. Outre ces deux formes nettement carac- térisées, certaines nappes d’eau, et ce sont les plus faibles et les moins profondes, ont pu apparaître à la suite de glisse- ments de terrain, derrière des cônes d’éboulement dont la composition a quelque analogie avec les digues morainiques, leurs matériaux étant entassés sans ordre et renfermant des blocs à vives arêtes, mais mélangés de terre et sans galets striés. La stagnation des eaux ne s’opère alors pas toujours en nappes assez importantes pour produire des lacs, mais favo- risée par la rareté ou l’absence des fissures dans la région * cristalline des hautes Vosges, elle forme de petites lagunes, des marais propices au développement des plantes palustres, qui, en s’accumulant, engendrent des tourbières. Les dépôts tourbeux se trouvent à toutes les altitudes dans les dépressions de la chaîne des Vosges. Ils constituent des amas considérables sur les pentes du Hoh’Neck, sur les pla- teaux des Hautes-Chaumes au-dessus du lac Blanc et ceux du Champ-du-Feu dont l’aspect rappelle les hautes fagnes de l’Ardenne avec ses marais fangeux. Dans la plaine du Rhin, on exploite aussi la tourbe au fond d’anses découpées dans l’allu- vion ancienne le long de la Moder, de la Lauter, sur les bords de la Moselle et de ses affluents. La tourbe, comme chacun sait, se forme de la racine décomposée d’un groupe de plantes désignées sous le nom générique de Sphaignes. Ces végétaux produisent à la surface du sol humide des mottes dont l’épais- seur va toujours croissant et auxquelles se mêlent des débris (t) Élie de Beaumont. Explication de la Carte géologique de la France; 1841, t. I, p. 27$ et 432. 686 SÉANCE DU 15 MARS 1869. ligneux, des racines, des branches, des troncs d’arbres tout entiers. Nulle part les différents degrés de celte formation ne sont plus intéressants à suivre que dans les bassins des petits lacs barrés par des moraines et des cônes d’éboulement. L’étang du Devin sur le territoire de Lapoutroie, le Fohren- weyer au-dessus de Sultzeren, le Lauchenweyer dans la vallée de la Lauch, se trouvent à peu près complètement envahis par la tourbe, et la tourbière d’Urbey est de même un ancien lac comblé totalement. Près de Gérardmer, la tourbière du Grand- Étang remplit peu à peu le fond d’une dépression non loin du col de la Creuse; sa surface est irrégulière, couverte çà et là par des troncs de sapins à l’écorce moussue encore debout. Sur le lac de Lispacb, on voit de véritables îlots flottants ; une croûte mouvante le recouvre, formée de racines joncées, de cypéracées, de jeunes bouleaux hauts de 2 mètres et d’autres arbustes vivant à sa surface, le tout composant des couches tourbeuses qui ne tarderont pas à couvrir tout le bassin et le rempliront un jour. Les dépôts du Tanet ne renferment pas des troncs entiers; la tourbe, sans mélange de souches et de racines d’arbres, repose immédiatement sur le roc ou sur une couche de terre argileuse provenant de la décomposition des roches sous-jacentes. Ce sont simplement des sphaignes mê- lées à des couches de cypéracées, d’éricinées, de joncées, 9 qui constituent la masse tourbeuse sillonnée à la surface par des canaux d’eau stagnante. Toutes les mares sont peuplées de Sphagnum cuspidatum , de Balrachospermum cœrulescens, de Carex limosa , de Scheuchzeria, tandis que les plants de Carex leucoglochia , de Vaccinîum oxycocos, de F. uiiginosum , d ’Andro- meda poliifolia , la Viola palustris, le Lycopodium inundatum cam- pent hors de l’eau entre les Sphaignes. On y rencontre encore la Drosera rotundifolia , Y Eriophorum vaginatum et quelques mousses parmi lesquelles le docteur Kirschleger cite : Splach- num urceolatum et gracile , Aulacomnion palustre. Le gazon au boid des tourbières est composé des Scirpes, parmi lesquels prénomme le Scirpus ccespitosus ; puis, sur les pâturages envi- ronnants des plateaux, les Sphaignes en mottes serrées forment encore de petits monticules pareils aux tumuli d’un immense cimetière accompagnés de Myrtilles, de Bruyères et d ’Empe- trum nigrum , NOTE DE M. G RAI). Observations sur les glaciers du Grindehvald ; par M. Charles Grad. Si du sommet du Schreckhorn on jette un regard sur le dou- ble bassin des glaciers du Grindelwald,on les voit s’ouvrir sous forme de deux gouttières profondes, entre le nord et l’ouest, mais le bassin est fermé sur tout le reste de son pourtour par une arête continue qui atteint les plus hauts points aux Wetter- hœrner, au Berglistock, au Schreckhorn, aux pics de Viesch, aux sommets du Moench et de l’Eiger. Une crête déchiquetée relie le Schreckhorn au Mettenberg pour séparer le glacier supérieur du glacier inférieur, et les deux grands courants de glace figés, rigides, débouchent dans la vallée, entre les trois groupes du Wetterhorn, du Mettenberg et de l’Eiger. Le bassin du glacier supérieur est remarquable par la régularité de ses contours qui lui donne la forme d’un carré long d’où la langue termi- nale s’échappe et ne reçoit pas de grand affluent. Le glacier inférieur formé par la réunion de deux grandes branches que sépare le Zæsenberg descend plus bas que tous les autres gla- ciers des Alpes, soit jusqu’à 980 mètres au-dessus du niveau delà mer. Le Zæsenberg est un contre-fort des pics de Viesch. A sa droite, la branche orientale du glacier remonte jusqu’au pic d’Agassiz et au col de Finsteraar, à 3,500 mètres d’altitude, tandis qu’à sa gauche la branche occidentale descend avec une pente assez forte et reçoit au pied de l’Eiger le petit gla- cier de Rali. La Mer de glace inférieure est formée par la jonction de ces deux branches et le glacier ne tarde pas à se retirer à l’entrée d’une gorge dont les parois de calcaire dur et compacte se laissent moins facilement entamer que le quartz friable qui constitue le bassin en amont. Dans le courant du mois d’août 1868, j’ai fait, avec mon ami M. Anatole Dupré, sur ce point et à l’extrémité inférieure du glacier, quelques observations intéressantes sur la structure de la glace glaciaire, à l’aide de la lumière polarisée. Depuis une douzaine d’années, la Mer de glace a diminué de 35 mètres en épaisseur, et depuis l été dernier l’excès de l’ablation sur la croissance a été de plus de 2 mètres sur ce point. On descend sur le glacier par une échelle posée contre la paroi parfaitement polie. A la surface de la Mer de glace, la glace exposée à l’air paraît composée de gros grains friables 688 SÉANCE DU 15 MARS 1869. et presque tout à fait blanche. Quand des corps étrangers la recouvrent, sous les moraines, sous les cônes graveleux et même à l’intérieur des crevasses, elle est plus compacte. Pour nos expériences, nous prîmes un bloc dans un cône graveleux, puis un autre dans une crevasse à faible profondeur. Cette glace était transparente, quoique renfermant beaucoup de tis- sures et de bulles d’air, moins friable que la glace superficielle, quoique moins compacte que la glace d’eau. Les blocs exposés à Pair se décomposaient en fragments irréguliers. Nous sciâmes dans les blocs des lames d’un centimètre à un demi- centimètre d’épaisseur pour en examiner la structure avec la lumière polarisée. L’appareil employé dans ce but est le mi- croscope polarisant de Norremberg, qui sert à examiner dans la lumière convergente, mais qu’on peut employer comme ap- pareil à lumière parallèle en supprimant les lentilles pour con- server seulement le polariseur et l’analyseur. Nous sciâmes donc des lames dans nos deux blocs. Comme la glace fraîchement sciée était rugueuse et opaque, nous avons poli les lames en les trottant contre une plaque de cuivre chauffée, afin de les rendre transparentes. Exposées à la lu- mière parallèle, ces lames paraissaient formées de cristaux adhérents les uns aux autres, mais sans groupement régulier. Si ensuite nous les exposions à la lumière convergente, les la- mes faisaient voir des franges disposées en tout sens et quel- quefois des anneaux colorés. Ces anneaux n’apparaissaient pas dans toutes les lames; ils n’occupaient pas dans les blocs de position régulière. Impossible de savoir si en taillant les lames dans telle ou telle direction, elles fourniraient des anneaux dans la lumière convergente. De la Mer de glace, nous nous sommes rendus à la base du glacier inférieur. Une couche de gravier, de sable, ou tout au moins un mince enduit de boue recouvrait toute la pente ter- minale du glacier. La glace y était plus compacte qu’à la Mer de glace, et sous l’influence de la lumière solaire les blocs se divisaient encore en fragments, mais plus gros. Il y avait en- core des bulles d’air, mais en plus petit nombre, et la struc- ture de toute la masse semblait à peu près homogène. Ayant détaché du glacier un gros bloc scié dans le sens de l’horizon, nous y taillâmes un grand nombre de lames d’un demi-centi- mètre d’épaisseur, les unes parallèles, les autres obliques, d’autres encore perpendiculaires à la base horizontale. Ces lames, préparées ensuite par le même procédé qu’à la Mer de NOTE DE M. GRAD. 689 glace, ne laissèrent voir dans la lumière parallèle pour tous les trois groupes que des plaques colorées, preuve qu’elles ne sont pas encore parfaitement homogènes. Au contraire, dans la lu- mière convergente, les lames horizontales donnaient des an- neaux colorés, traversés par une croix noire, les lames verti- cales, deux groupes d’hyperboles conjuguées équilatères, les lames obliques ni anneaux ni hyperboles. Toutefois, il est es- sentiel de faire remarquer que les anneaux n’apparaissaient pas seulement dans les lames tirées de notre bloc, mais dans toutes les lames prises à la base du glacier, pourvu qu’elles y fussent laissées dans le sens de l’horizon. De même, toutes les lames verticales présentaient des hyperboles. Ces résultats étaient constants pour les lames du même groupe. A la base du glacier, les lames présentent donc des effets à peu près identiques avec ceux de la glace d’eau ordinaire, avec cette différence toutefois, que, dans la lumière parallèle, les lames horizontales prises à l’extrémité du glacier fournissent des plaques colorées, tandis que les mêmes lames de la glace d’eau ne produisent aucun effeti Or, chacun sait que la glace d’eau est de constitution homogène, composée de cristaux ré- gulièrement groupés et dont l’axe est perpendiculaire à la surface de congélation. Nos observations indiquent pour les cristaux de la glace glaciaire une orientation à peu près iden- tique vers l’extrémité du glacier inférieur. Mais plus haut, à la Mer de glace, nous n’avons vu que des franges colorées et parfois des anneaux sans disposition régulière ; les cristaux qui la composent sont orientés sans ordre. En conséquence, la con- stitution de la glace des glaciers, loin d’être uniforme, présente des différences considérables, suivant les points observés; la structure subit des modifications régulières tendant vers un état limite qui est la glace d’eau, et qui s’accomplissent pen- dant le trajet du glacier. Ces observations ont été faites avant nous au Grindelwald même, par M. Bertin, dès le mois de juil- let 1866, mais nos expériences confirment les siennes (1). Pour déterminer avec précision quels rapports existent entre le mou- vement des glaciers et leurs transformations, il importe de multiplier les expériences sur des glaciers d’une plus grande étendue. Nous comptons donc les reprendre l’été prochain, tandis que M. Gustave Lambert a bien voulu nous promettre (1) Bertin: Comptes rendus de V Académie des Sciences , 20 août, 1 866. Ch. Grad. Comptes rendus du 7 janvier 1867. Soc. géol.j 2e série, tome XXVI. 44 690 SÉANCE DU 15 MARS 1869, de faire les mêmes observations sur les glaciers polaires, et nous ferons une demande semblable au Dr Petermann de Go- tha, qui se propose d’envoyer une nouvelle expédition dans l’océan Glacial. J’ai dit que le niveau de la mer de glace s’est abaissé de 35 mètres depuis douze ans ! Dans le même intervalle, l’extré- mité du glacier inférieur s’est retirée bien plus, abandonnant dans sa retraite plusieurs moraines frontales et laissant à nu de grands escarpements arrondis et polis, sur toute la rive gauche, sur le flanc du Mettenberg. Depuis 1855, époque du violent tremblement de terre qui flt tant de mal au Valais et se flt sentir au Grindelwald , les glaciers de la vallée se reti- rent suivant une progression croissante, reculant chaque an- née d’une quantité plus considérable que l’année précédente. La distance entre la moraine de 1855 et la base actuelle du glacier inférieur, mesurée en ligne droite, est de 594 mètres. Au glacier supérieur, cette distance même est seulement de 378 mètres. Pour le glacier de Rosenlaui, situé de Pautre côté du passage de la Grande -Scbeidegg, ce mouvement de retraite semble plus con- sidérable encore, mais nous n’en avons pas pris de mesure exacte. De même, dans les massifs du mont Blanc et du mont Rosa. Au mont liosa, dans la vallée de Zermatt, où je signa- lais, en 1866 ( Annales des voyages de Malte-Brun, 1868, tome III, page 82), les rapides envahissements du grand glacier de Cor- ner, les glaces sont partout en voie de réduction ; le glacier de Gûrner ne progressait déjà plus en 1866, et, en 1868, il avait reculé de 40 mètres environ sur la rive gauche, et un peu moins au bord opposé, sur le flanc du Riffeî. A 63 mètres de la moraine terminale du glacier inférieur du Grindelwald, on en remarque une autre plus ancienne et en partie envahie par la végétation : c’est la moraine frontale du glacier de l’année 1601. Le glacier supérieur aussi s’était avancé, en 1601, an delà de sa limite; en 1855, la moraine fron- tale de 1601, parfaitement reconnaissable, se trouvait à 47 mè- tres en avant du glacier. Le limite des glaciers au commen- cement du dix-septième siècle est nettement indiquée dans une chronique manuscrite, dont nous devons la communication à M. Gerwer, pasteur de l’église réformée du Grindelwald. Ce document authentique est écrit en langue allemande. En voici la traduction : « L’an 1600, le glacier supérieur s’est avancé « dans le Bargelbach, près du pont inférieur, et il a fallu dé- « ménager deux maisons et cinq granges, et le glacier envahit NOTE DE*M, GHÀD. 691 « aussi leur emplacement. Le glacier inférieur est allé jusqu'au <( Burgbül, sous le rocher, et à un jet de pierre du ravin de la « Schussellamine, et la Lutschine perdit son cours habituel et « fut barrée par le glacier, de manière à s’écouler par le terri- « toire d’Aellauinen. Toute la commune accourut au lieu du « danger, mais sans rien pouvoir; il fallut démolir les cons- « tructions, quatre maisons et d’autres construciions ; puis a l’eau inonda les champs, les emporta et les dévasta. — L’an « 1602, le glacier commença à fondre et à reculer en arrière.» La Lutschine est formée de deux branches principales : la Lutschine noire qui sort du glacier supérieur, et la Lutschine blanche, issue du glacier inférieur. C’est la Lutschine noire qui fut arrêtée et barrée en 1600, par le glacier inférieur. Selon ces faits positifs, les glaciers du Grindelwald auraient atteint leur plus grand développement de date connue, de 1600 à 1602 ; tandis qu’en 1750, iis avaient repris leur plus faible limite connue. En dehors de ces oscillations partielles qui les ont portés tantôt en avant et tantôt en arrière, ils occuperaient à peu près les mêmes limites depuis trois siècles au moins. Or, différents auteurs, qui, il est vrai, se sont copiés l’un l’autre, ont prétendu que précisément à l’époque où les glaciers du Grindelwald s’approchaient de leur plus grande limite de date connue , vers la fin du seizième siècle, les glaces étaient bien plus faibles qu’aujourd’hui, et cela, au point de permettre des relations fréquentes entre la vallée du Grindelwald et le Valais par un passage traversant la crête de Viesch. Ces écrivains appuient leur opinion sur l’existence d’une cloche conservée à l’église du Grindelwald et qui porte le millésime de 1044, et provenant d’une chapelle consacrée à sainte Pétronille, située, selon la tradition, à l’extrémité d’un passage traversant la crête de Viesch. Pour montrer que ce passage était fréquenté il y a quelques siècles, on ajoute le fait du baptême d’un enfant amené du Valais au Grindelwald par ce chemin en 1576. Tou- tefois, aucune indication certaine ne prouve l’existence de la chapelle à l’extrémité du passage supposé. Quant au baptême, nous n’en avons trouvé d’autre indice qu’une inscription des registres de la paroisse du Grindelwald ainsi conçue . « 15/6. «. Den 10 juni han ich iy Kind tauft, eins Joders auf Sengg von a Wallis uss Sauss. » Le registre ne dit pas plus, et la seule explication rationnelle. du fait, c’est qu’un paysan réformé, ori- ginaire du Valais, mais demeurant au lieu dit auf Sengg , dans la vallée de la Lutschine, a fait baptiser son enfant au Grin- 692 SÉANCE DE 15 MARS 1869. delwald. D’un autre côté, lors de la dernière guerre de religion en Suisse, en 1712, plusieurs réformés s’enfuirent du Valais pour venir au Grindelwald par les glaciers, mais ils accompli- rent le passage seulement avec des fatigues inouïes et au péril de leur vie. Si donc des hommes vigoureux ont eu tant de peine à franchir la crête de Viesch, comment aurait-on amené par ce passage un faible enfant pour le présenter sur les fonts baptismaux ? Bref, les relations du Grindelwald avec le Valais par la crête de Viesch n’étaient pas plus fréquentes à la tin du seizième siècle qu’aujourd’hui, et la puissance des glaces n’a guère varié depuis, en dehors des oscillations partielles que nous avons reconnues. Quant à la composition des moraines des glaciers du Grin- delwald, nous y avons trouvé du gneiss, du calcaire, du gra- nité et du micaschiste de plusieurs variétés. Le gneiss prédo- mine et forme les crêtes du Mittelhorn, du Bergli stock, du Schreckhorn, du Rossenhorn et des pics de Viesch. L’Eiger. la paroi du Mettenberg et le Wetterhorn jusqu’à son premier sommet, sont constitués de roches calcaires, que M. Studer rapporte au Jura moyen, ainsi que le Wblihorn, sur la rive gauche du glacier de Rosenlaui. La limite entre les deux for- mations gneissique et calcaire se trouve sous le glacier de Ro- senlaui; — le Dossenhorn sur le versant droit de ce bassin est gneissique; — elle passe entre les cimes du Wetterhon et du Mittelhorn pour se rendre du Mettenberg à l’Eiger, sous le gla- cier inférieur du Grindelwald. Sur les bords du glacier, la li- mite des deux roches est bien distincte. Le contact du gneiss et du calcaire correspond au dernier rétrécissement du glacier en face de l’Eiger, où l’on voit un ravin s’élever jusqu’au som- met du Mettenberg. Dans tout ce massif, le gneiss s’altère, se délite facilement, et comme, au contraire, le calcaire du Met- tenberg et de TEiger est très-compacte, on peut attribuer la plus grande largeur des glaciers dans la région du gneiss à l’extrême friabilité de cette roche. Le sol même du Grindel- wald, au pied des escarpements du Wetterhorn, du Metten- berg et de l’Eiger, consiste en schistes calcaires qui alternent avec de puissants dépôts de schistes argileux, noirs, lustrés, en partie très-quartzeux, appelés dans le pays Eisenstein, roche de fer , à cause de leur couleur et de l’éclat métallique de certai- nes variétés. Les fossiles découverts dans ces couches les rap- portent au Jura inférieur ou bajocien, et elles sont séparées par une faille de la grande falaise du Wetterhorn et de l’Eiger. NOTICE SUR M. THIRRIA. 693 M. Valdemar Schmidt annonce que le congrès d’archéo- logie tiendra sa session de 1869 en Danemark, à partir du 27 août. Séance générale annuelle du 1er avril 1869. PRÉSIDENCE DE M. BELGRAND. M. Belgrand, le président de Tannée précédente, occupe le fauteuil de la présidence. La liste des membres admis dans la Société pendant Tannée 1868 et celle des membres décédés pendant la même année sont lues par M. le Président. M. Levaliois donne lecture de la notice nécrologique sui- vante : Notice sur la vie et les travaux de Charles- Édouard Thirria , inspecteur général des Mines ; par M. Levaliois. Àu moment où allait finir le siècle dernier, la Géologie, qui venait à peine de recevoir son nom, ne comptait encore que très-peu d’adeptes. Elle n’en était encore qu’à cette phase par où ont passé toutes les Sciences, la phase où elles ne sont cul- tivées qu’en vue de l’Art auquel elles se rapportent et qui a lui-même suscité leur éclosion, et presque exclusivement, comme conséquence, par ceux-là qui s’occupent de cet art. Jusque vers cette époque, il n’y avait guère eu de Minéralo- gistes (comme on disait encore alors, en prenant ce mot dans son sens le plus général) que parmi les Mineurs de profession, de même qu’il n’y avait guère eu de chimistes que parmi ceux qui se livraient à la préparation des médicaments. Cependant, à mesure que l’industrie des mines se dévelop- pait, à mesure que son importance était plus appréciée, comme il arriva surtout, sous la vigoureuse impulsion donnée, en 1794, par le cri de la Patrie en danger, en face des quantités consi- dérables de fer, de plomb, de cuivre, d’étain, de soufre et de 694 SÉANCE DU 1er AVRIL i 869. houille que réclamait sa défense, le Corps des ingénieurs pré- posés à cette branche de la richesse publique se constituait. L’École des mines, par un arrêté du Comité de salut public, était recréée à Paris sur une plus large base, pour assurer le recrutement de ce corps ; des cours publics y étaient institués; et c’est en rayonnant de cette école par la voix des ingénieurs des mines, Bolomieu, Brongniart, plus tard Bro- chant de Villiers, que les connaissances géologiques finirent par être assez répandues, pour que de zélés amis de la science aient pu songer, en 1828, à grouper en un centre commun tous les adeptes de la Géologie. Et voilà comment a pu naître la Société géologique de France, constituée le 17 mars 1830, et qui réunit aujourd hui à la fois, au nombre de plus de cinq cents, les hommes qui cultivent la science par état et ceux qui la cultivent librement, pour elle-même. Depuis lors, à ce foyer d’enseignement de l’École des mines, longtemps unique pour la géologie classique, si l’on peut s exprimer ainsi, il en a été ajouté beaucoup d’autres, qui, rayonnant à leur tour dans leur sphère d’activité, contribuent chaque jour pour leur part à entretenir et à activer le feu sa- cré, et, de la sorte, à assurer la perpétuité de la Société géo- ^o£dfiue. Mais 1 enfant, devenu homme, ne doit pas oublier quelle fut sa première nourrice; et c’est pourquoi, avant que ce point de notre histoire ne soit effacé de la mémoire des vi- vants, par la disparition de ceux qui en furent les témoins et qui sont déjà bien peu nombreux (1), j’ai voulu rappeler à nos jeunes générations, le lien qui unit la Société géologique à l’É- cele et au Corps des ingénieurs des mines ; lien auquel la So- ciété donnait encore elle-même sa consécration expresse, en choisissant, pour ses deux premiers présidents annuels, deux membres éminents, deux professeurs du Corps des ingénieurs des mines, Cordier (2), puis Brongniart. Et je n’ai point à m excuser, je suppose, pour ce retour fait sur nos origines, au moment où j’ai à remplir le devoir de vous parler d’un con- frère très-regretté, qui était arrivé au plus haut grade dans le Corps des ingénieurs et qui s’honorait d’avoir été un des digni- taires de la Société. (î) Des 143 membres fondateurs, il n’en existe pins que 23, dont 7 seu- lement sont re tés en rapport avec la Société. (2i Cordier n’avait pas professé à i’ Ecole des mines. Il a occupé, depuis 819 jusqu en 1861, la chaire de Géologie du Muséum d’histoire natuielle. NOTICE SUR M. THIRRIA. 695 Charles-Édouard Thirria est né à Beauvais, le 25 février 1796. Son père était alors juge au tribunal civil du département de l’Oise. Après la réorganisation judiciaire du Consulat, en l’an VIII, il devint vice-président du tribunal de première ins- tance de Beauvais, et, à la création des Cours d’appel, en 4804, il fut nommé conseiller à la cour d’Amiens. Dès lors, la fa- mille est établie dans cette ville, où elle a vécu trente ans et plus, entourée de la considération générale que lui avait mé- ritée son chef. Après avoir fait ses études classiques au lycée d’Amiens, le jeune Thirria, qui se sentait attiré vers l’École polytechnique, vint à Paris, au mois d’octobre 1814, pour redoubler son cours de mathématiques spéciales au lycée Napoléon (alors Henri TV), et il fut, en effet, reçu à la grande École au concours de 1815. Deux ans après, il était, admis dans le corps des ingénieurs des mines. De cette classe de mathématiques du lycée Napoléon date ma connaissance avec le confrère dont j’ai à retracer au- jourd’hui la vie. De là je le suivis, à un an de distance, dans les mêmes écoles: en sorte que cette vie s’est écoulée côte à côte, pour ainsi dire, avec la mienne, au milieu d’études et d’occupations communes, d’où était née dès l’abord, entre nous, une amitié que la mort seule a pu interrompre après une durée de cinquante-trois ans. Cependant des obstacles aussi graves qu’imprévus mena- cèrent, tout au début, d’arrêter Thirria dans sa carrière. Il était entré à l’École polytechnique au mois de novembre 1815, et, le 13 avril 1816, une ordonnance royale en prononçait le licenciement. Cette mesure avait eu pour motif, disait l’ordon- nance, un acte de « désobéissance générale. » Mais l’opinion publique ne vit dans cet acte, étranger d’ailleurs à la politique, qu’un prétexte, qu’une occasion cherchée et trouvée, pour faire expier aux élèves de cette école, comme un crime d’État, la froideur que le gouvernement d’alors rencontrait en eux; et pour décourager ainsi leurs successeurs du sentiment géné- reux — plus importun d’ailleurs que dangereux, — qui a fait pencher dans tons les temps ces jeunes théoriciens du côté des causes vaincues. Quoi qu’il en soit, le licenciement de 1816 ne fut pas partiel et momentané comme ceux qui ont eu lieu depuis à plusieurs reprises, îl avait été complet et absolu; et jamais les portes de l’École polytechnique ne se rouvrirent pour les 214 élèves qui s’y trouvaient au moment de l’ordonnance du 13 avril. Le 696 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. préambule annonçait bien une possibilité de rémission pour le « petit nombre de ceux qui n’avaient pas pris part au der- « nier acte d’insubordination, lorsque l’Ecole serait rétablie. » Mais, en attendant, le séjour de Paris fut interdit aux élèves dont les familles n’y étaient pas domiciliées, et le plus grand nombre fut ainsi privé de tout moyen d’études. L’ordonnance de réorganisation fut rendue le 4 septem- bre 1816, et elle disposait, en effet, dans son article final, que les éièves licenciés seraient admis, en 1817, à concourir pour entrer dans les Écoles d’application des services publics, en jus- tifiant de la continuation de leurs études. Ils étaient 214, avons- nous dit, et 61 places seulement leur furent attribuées. Aussi y en eut-il à peine la moitié qui osèrent affronter les épreuves de ce concours entouré pour eux de tant de difficultés, puis- que l’enseignement spécial de l’École polytechnique leur était fermé, et qu’ils étaient obligés d’aller demander le complé- ment de leur instruction aux différents Cours publics de la capitale, dont les programmes ne répondaient pas précisément à ceux des examens qu’ils auraient à subir. Mais heureusement ils trouvèrent, dans les éminents professeurs de la Faculté des sciences, des amis de l’institution polytechnique, qui employè- rent tout leur dévouement pour aplanir, à celte jeunesse avide d’apprendre, la voie d’entrée dans la vie que les circon- stances lui avaient faite si rude. Or ces difficultés étaient particulièrement grandes pour les élèves de la division à laquelle appartenait Thirria, ceux de la promotion de 1815, puisqu’ils avaient à peine passé six mois à l’Ecole au moment du licenciement et qu’ils avaient h. lutter avec la division plus ancienne, qui, composée à peu près par moitié, d’élèves des promotions de 1814 et de 1813, avait par conséquent sur l’autre un an et même deux ans d’avance. Et cependant, Thirria eut le courage d’entreprendre cette lutte ! et ce courage fut récompensé; il fut un des élus, et il fut classé dans le service des Mines : ce qui, dès lors, mais à un moindre degré qu aujourd hui, sans contredit, n’était pas un but facile à atteindre. Les détails qui précèdent sont sans doute étrangers à l’his- toire de la Géologie, et peuvent, pour cela, paraître-à première vue hors de leur place en cette notice; mais on reconnaîtra pourtant, en y réfléchissant, qu’ils sont particulièrement pro- pres à donner la mesure de ia volonté de travail dont était NOTICE SUR M. THIRRIA. 697 doué Thirria, qui fut toujours sa qualité dominante et qu'il mit si bien au service de la Géologie. Thirria entra à l’École des mises au mois de décembre 1817, et il en sortit en 1820, après l’accomplissement des trois an- nées d’études. Pendant l’été des deux dernières années, les élèves, le plus souvent par groupes de deux ou trois, font, du- rant quatre mois, des voyages d’instruction, qui constituent vé- ritablement pour eux l’école pratique; et c’est là surtout que s’apprend, sur le vif pourrait-on dire, la Géologie. Thirria fit son second voyage en 1820, et je fus son compagnon. Plus an- cien d’un an, il dirigeait la tournée et s’en acquittait à mer- veille, me faisant profiter de l’expérience de voir qu’il avait déjà acquise l’année précédente : toujours le premier levé, ja- mais couché, quelque rude qu’eût pu être la journée, avant que les observations n’en eussent été enregistrées; infatigable pour aller à la découverte d’un banc qui, au plus abrupt d’une coupe, semblait devoir offrir quelque particularité; intraitable quant à la façon des échantillons, qu’il fallait recommencer jusqu'à ce qu’ils fussent bien décapés (comme on disait) sur toutes les faces, et au soin à donner à leur emballage. Pour les membres de la Société géologique, ce ne sont pas là de petites choses, comme elles pourraient paraître à des esprits superficiels; — il n’y a pas de précautions trop petites dans les sciences d’observation — car si les excursions géo- logiques sont la chasse aux faits , suivant la juste et pittoresque expression d*un maître illustre, il faut bien se souvenir que les chasseurs ne sont pas d’ordinaire crus sur parole, et que ce n’est que sur le vu des pièces que l’on peut espérer de forcer la conviction des douteurs. Or, les pièces à l’appui des faits géo- logiques, ce sont les échantillons soigneusement choisis et fa- çonnés; et il est bien évident aussi, que celui-là décèle son goût pour co genre de chasse, qui se montre, dès son premier début, ardent à en recueillir les produits, pour en faire plus tard, dans le cabinet, l’objet d’une étude approfondie, en les livrant à la discussion de tous. Nous parcourûmes ainsi de compagnie le centre et le sud- ouest de la France. Et, si je rappelle ce voyage, ce ne peut être que pour donner un exemple d’humilité; car, quel géologue n’est pas exposé, en remontant à cinquante ans en arrière, à faire quelque confession analogue à la nôtre? 11 faut donc bien le dire : Quand nous observions dans l’Ariége le calcaire sac- 698 SÉANCE DU Ier AVRIL 1869. charoïde, marmoréen, qui renferme les importants gîtes de fer de Rancié, — dans les Basses- Pyrénées, les calcaires, souvent d’un noir foncé, où se font jour les sources salées de Salies, avec leur cortège de glaises bigarrées, degypse et d’o- phite — nous étions loin de nous douter que nous avions af- faire : là à des couches jurassiques, ici à des roches crétacées, si non tertiaires. Nous nous croyions naïvement en face du calcaire de transition et du calcaire alpin. Du calcaire alpin ! alors qu'il était à la veille de disparaître de la nomenclature géologique, et cela par une raison bien simple : on venait de reconnaître que le calcaire ci-devant baptisé de ce nom d’al- pin, n’existe pas dans les Alpes. A la fin de l’année 1820, Thirria est chargé du service miné- ralogique du département des Ardennes, et il donne, peu de temps après, dans les Annales des mines , une note sur une car- rière de marbre qui venait d’être découverte auprès de Me- zières, et dont il discute très-judicieusement la position géo- logique. En 1822, il est placé à Colmar et chargé, sous les ordres de ringénieur en chef Voltz, du service des trois départements du Haut-Rhin, des Vosges et de la Haute-Saône. Puis il dut bien- tôt partager sa résidence entre Colmar et Vesoul, jusqu'à ce qu’enfîn, en 1826, le développement, qu’avait pris l’industrie métallurgique dans le département de la Haute-Saône, déter- mina l’Administration à former, de ce seul département, le sous-arrondissement minéralogique de Vesoul. Thirria en fut chargé, et il conserva cette résidence jusqu’en 1840. Dès ses premiers séjours dans le département de la Haute- Saône, il avait formé, sans autre mandat que celui qu’il tenait de son zèle, la résolution, qu’on peut dire vaillante pour le temps, d’en faire la carte géologique. C’était, en effet, une œuvre très-la- borieuse; car si nous trouvons aujourd’hui, dans un cadre stra- tigraphique généralement adopté, des repères propres à nous faciliter les travaux du même genre, il était loin d’en être ainsi en 1824. Les moyens matériels même n’étaient pas ce qu’ils sont maintenant. La carie du Dépôt de la guerre n’était pas publiée, et Thirria dut commencer par s’imposer la lâche de déterminer lui-même l’altitude de 246 stations, particulièrement impor- tantes à connaître. D’ailleurs, le département de la Haute- Saône est un des plus complexes au point de vue géologique; car, adossé à la croupe méridionale des Vosges et se ratta- chant du côté de l’est à la chaîne du Jura, il rassemble à la fois 699 NOTICE SUR M. THIRRIA. \ en lui îes roches du système vosgien et celles du système ju- rassique, et il présente en définitive la série géologique près- qu'au complet à partir du granité inclusivement. Entreprendre, en 1824, la dissection de ce grand sujet, — pour me servir du langage de l’anatomie et répondre à l’expression de Cuvier, lorsqu’il recommandait aux géologues de faire avant tout V anatomie de la terre — c’était évidemment, comme je le disais tout à l’heure, une œuvre très-laborieuse, suitout en ce qui concerne les terrains dits jurassiques; car ces terrains avaient été jusqu’alors très-peu étudiés sur le continent, et leur composition dans leur pays natal, pourrait-on dire, dans la chaîne du Jura, n’avait jamais été décrite. Aussi, n’était-ce pas trop que d’appeler, pour diriger le travail du scalpel, Ja paléon- tologie au secours de la pétrographie. Thirria n’y manqua pas, et il eut pour cela le précieux concours de notre maître et ami commun Yoîtz, qui voulut bien se charger de faire ou de con- trôler les déterminations des fossiles. Cependant, Thirria n’avait pas attendu la fin de sa grande entreprise pour fournir d’intéresspxnts mémoires sur différents sujets, relatifs à la géologie de la Haute-Saône. Le premier, publié dans les Annales des mines de 1825, est une monographie des environs de Saulnot, point très-bien choisi pour donner un aperçu de la constitution minérale du département; car il est précisément placé là où finissent les Vosges et où commence le Jura. Notre auteur y décrit, eu ef- fet, après le porphyre, ce que nous appelons maintenant les séries permienne et triasique, — celle-ci dans son complet avec ses sources salées et sa houille keupérienne, et couronnée par le grès dit infra-liasique — puis le lias, décomposé en cal- caire à gryphéesetschistes marno-bitumineux, puis les calcaires oolitiques, dans lesquels il ne faisait encore aucune subdivi- sion; puis enfin le minerai de fer en grains, qu’il considérait dès lors comme constituant l’étage le plus supérieur de la for- mation jurassique. Au mois d’avril 1828, Thirria présenta à l’Académie des sciences une notice sur les grottes ossifères d’Echenoz et de Fouvent. La première, située à 4 kilomètres de Vesoul, formée de 4 chambres étroites, qui présentent ensemble un développe- ment de 275, mètres, n’avait encore fourni aucune contribution à la paléontologie. L’ingénieur des mines de la Haute-Saône eut l’idée d’y faire faire, en août 1827, des fouilles qui amené- 700 SÉANCE DU 1er AVRIL 186®. rent la découverte de plus de 600 ossements ou portions d’os- sements, appartenant, d’après les déterminations de Cuvier, aux genres Ours ( Ursus spelœus-arctoideus. Cuv.), Hyène, Chat {F élis spelœa. Cuv.), Cerf, Sanglier, Éléphant; et auxquels il faut ajouter le Lion, dont notre confrère trouva plus tard une mâchoire et des dents molaires. La grotte de Fouvent, située près de Champlitte, à 45 kilo - lomèlres de Vesoul, était, contrairement à celle d’Echenoz, entièrement remplie. Elle présentait seulement, à travers la roche calcaire, une petite fissure oblongue, dont on voulut profiter en 1800 pour y creuser une cave, et cette fouille avait amené la rencontre d’ossements qui furent reconnus alors et décrits par Cuvier, comme appartenant aux cinq genres : Ours, Hyène, Éléphant, Rhinocéros et Cheval. Thirria fit éga- lement, en 1827, déblayer cette grotte sur une étendue de 5m environ de longueur et largeur et de 2m50 de hauteur, et il en retira de nombreux ossements se rapportant aux cinq genres nommés ci-dessus, accompagnés en outre d’os de bœuf et de lion, Dans le travail de dissection qu’il avait entrepris, la par- tie relative aux terrains jurassiques est celle , nous l’avons dit, qui offrait le plus de difficulté, et qui, par suite aussi, pro- mettait le plus de nouveauté. Et c’est pourquoi Thirria se dé- cida, d’après le désir de Yoltz, à faire, de cette partie de son travail, l’objet d’une publication séparée anticipant le reste. Elle eut lieu à la fin de 1830, dans la première livraison du tome Ier des Mémoires de la Société d’histoire naturelle de Strasbourg, sous le titre : Notice sur le terrain jurassique du département de la Haute- Saône et sur quelques-unes des grottes qu’il renferme. Dans le chapitre relatif aux grottes, qui sont au nombre de 12 dans le département, Fauteur reproduit la description des grottes ossifères d’Échenoz et de Fouvent, déjà donnée en 1828, en l’illustrant cette fois de plans et de coupes, et il en décrit en outre trois autres fort importantes, celles de Quincey, Chaux et Frétigney, bien qu’elles ne renferment pas de restes d’ani- maux antédiluviens. Il présente d’ailleurs à cette occasion quelques considérations générales sur l’origine des cavernes et sur les circonstances de leur remplissage : question qui s’est bien agrandie depuis que, dans ces derniers temps, la ren- contre faite, dans beaucoup de cavernes, de restes de repas humains, a fait reconnaître que certains ossements provenaient NOTICE SUR M. THIRRIÀ, 701 d’animaux qui avaient servi à la nourriture de l’homme. Mais ce qui fait l’importance de la Notice de 1830 dont nous nous occupons, c’est la description détaillée, que donne l’au- teur, de toute la série oolitique (il ne comprenait pas alors le lias dans le terrain jurassique). Il y distingue 65 assises, et il en présente la succession dans un tableau qui indique, avec les caractères pétrographiques et l’épaisseur de chacune d’elles, les principaux fossiles (1) qu’on y rencontre, et qui spécifie en même temps la localité dans laquelle chaque relèvement par- tiel a été fait. Après l’analyse vient la synthèse. Thirria fait de ces 65 as- sises 12 groupes ou sous-groupes, et il en indique le parallé- lisme approximatif avec les divisions anglaises, dont la con- naissance était alors, depuis quelques années, devenue familière aux géologues du continent. La conséquence, restée hors de doute, de cette comparaison stratigraphique : c’est que la série oolitique est complète dans la Haute-Saône, et qu'elle y peut être partagée en trois groupes, correspondant à ceux qui, dis- traction faite du lias, ont été établis de l’autre côté du détroit. La classification que iit alors Thirria, des couches jurassi- ques de la Haute-Saône, n’a été que très-peu modifiée dans ses publications ultérieures; en sorte que c’est bien sa notice de 1830 qui marque la date de cette classification et de la no- toriété qu’elle acquit immédiatement. Thurmann , en effet, l’adopta pour la plus grande partie dans son remarquable ou- vrage sur le Porentruy, publié dans la 2e livraison du tome 1er des Mémoires de la Société d’histoire naturelle de Strasbourg, où il dit, en parlant de la notice de Thirria : « Je trouvai dès «. lors un cadre tout prêt pour l’étude plus approfondie des « sous-divisions dans nos chaînes. » De La Bêche, de son côté, dans son Manuel géologique, donne place à la classification établie par l’ingénieur des mines de la Haute- Saône dans sa notice de 1830; et M. Boué, notre savant et toujours si dévoué confrère, de loin comme de près, ne manque pas non plus de la citer dans son Résumé des progrès de la géologie pendant les années 1830 et 1831. Cependant Thirria avait achevé sa carte géologique, et elle parut, au commencement de 1832, dans la même 2e livraison, (1) La détermination faite, il y a 40 ans, de ces fossiles, aurait besoin sans doute d’être revisée aujourd’hui. 702 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. tout à l’heure citée, des Mémoires de la Société d’histoire na- turelle de Strasbourg. Cette carte dressée, pour le tracé géométrique, sur celle (à très-petite échelle comme on sait) de l’atlas national de Chan- laire, est accompagnée de 7 profds traversant tout le départe- ment. Les divisions et sous-divisions géologiques y sont expri- mées au moyen de 19 teintes. L’auteur a joint à sa carte une explication sous forme de légende, qui présente, avec leur dé- finition sommaire, la succession des différents terrains qui y sont figurés, depuis le terrain moderne jusqu’au granité; et d’où il résulte que l’épaisseur totale des sédiments superposés au terrain de transition dépasse*800 mètres. Dans cette série ne figure pas le terrain crétacé : Thirria ne le découvrit que quelques années après, comme on le verra plus loin. A cette publication était encore joint, comme à celle de 1830, un ta- bleau donnant cette fois, non pas seulement la succession dé- taillée des assises oolitiques, mais des assises jurassiques au complet : » oolite et lias. — Les assises oolitiques, au nombre de 72, occupent à elles seules une épaisseur de 295 mètres. Il les réunit en 11 groupes ou sous-groupes (au lieu de 12) un peu difféi ent.s de ceux qu’il avait faits en 1830. Le sous-groupe de 1 argile a chailles, mal placé à cette époque, reprend son véritable rang au-dessus des marnes oxfordiennes proprement dites. Enfin Thirria résuma tous ses précédents travaux dans un ouvrage didactique, qui parut à Besançon, en 1833, sous le titre : Statistique minéralogique et géologique du département de la Haute- Saône, en un volume accompagné de la carte géologique, avec ses 7 profils, déjà publiée Tannée précédente. M. Boué, dans ses rapports sur les progrès de la géologie en 1831 et 1833, avait appelé l’attention de la Société sur la «jobe » carte, comme il disait, et sur le livre de Thirria. Et, apiès en avoir rendu compte, il faisait remarquer tout ce que ce travail, avec ceux de Thurmann et de Yoltz, des géologues stationnaires, suivant son expression, avait jeté de lumière sur la structure du Jura, naguère si peu connue; en dégageant de là — non sans l’accompagner des réserves nécessaires — cette conséquence importante : « Que les sous-divisions re- « connues en Angleterre peuvent être recherchées avec con- « fiance dans le nord et l’est de la France. « Mais ce qu'avait oublié le savant rapporteur de 1833 c’est de signaler l’exemple donné par Thirria d’étudier particulière- ment les failles et d’en marquer la trace sur les cartes géolo- NOTICE SUR M, THIRRIA. 703 giques. Il en a marqué 14, qui sont toutes sensiblement paral- lèles à la direction de la chaîne de la Côte-d’Or. — Ces cas- sures, plus ou moins verticales, indépendamment de l’impor- tance qui leur appartient pour avoir été les émissaires de nos richesses métallurgiques, ne sont pas, en effet, moins à consi- dérer que les plans plus ou moins horizontaux (en général) de stratification; car ils jouent comme eux un rôle essentiel dans la structure de l’écorce terrestre, mosaïque h plusieurs étages, suivant l’expression de M. Élie de Beaumont, dont ils forment les plans de joint. Le livre de Thirria n’est pas seulement descriptif; il s’ouvre par une introduction géologique ; et , dans les différentes parties successivement consacrées à décrire : d'abord la consti- tution physique, l’orographie, l’hydrographie; puis, la consti- tution minéralogique et géognostique , les minéraux, les ro- ches, le groupement des roches en terrains et les terrains eux-mêmes, il ne néglige jamais les explications théoriques. Mais il ne néglige pas davantage, bien entendu, le côté de l’application, non-seulement quant aux exploitations minérales de toute sorte qui dépendent des divers terrains, mais aussi quant aux relations du sol géologique avec la culture. Enfin le livre se ferme par un tableau statistique et économi- que des communes du département avec le nom des divisions géologiques et des richesses minérales que renferme chacune d’elles. On voit que, sous cet humble titre de Statistique , Thirria a fait de son livre comme un petit traité de géologie à pro- pos de la monographie de la Haute-Saône; et il faut bien re- connaître qu’aucun département de France ne se prête mieux à cette généralisation que celui de la Haute-Saône , puisque, comme on Ta déjà fait remarquer, aucun ne présente (sauf les terrains volcaniques) une série de terrains plus près d’être com- plète : et cela, avec tout le développement de richesses miné- rales qu’ils comportent par leur formation même ou adventi- vement : houillères, sel gemme, sources thermales, nombreux dépôts de minerais de fer, filons, grottes ossifères. On com- prend donc bien que l’auteur se soit laissé aller sur la pente où l’attirait son sujet; mais peut-être serait-on fondé à trouver qu’il est trop enclin, dans ses explications théoriques, à pré- senter la science comme si elle eût dit son dernier mot. Telle est l’œuvre de Thirria et pour laquelle il a bien mar- qué sa trace dans la Société géologique : œuvre entreprise, il 704 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. faut le répéter, de sa propre initiative, et accomplie au prix de ses sacrifices personnels. Dans ce travail, d’ailleurs, comme dans tous ceux du même genre, il y a deux parties qu’il est essentiel de distinguer. L’une, que je dirai accessoire, quant à l’importance comme quant à Tordre logique des idées : c’est celle qui est relative à la classification et à la nomenclature. Sans se laisser entraîner par des idées préconçues, Thirria a puisé ses divisions et ses noms dans les noms mêmes des couches qu’il avait sous les yeux , et ce n’est qu’après coup qu’il a cherché à établir un parallélisme avec les divisions anglaises. Que ce parallélisme puisse prêter à la critique, il n’y a pas à s’en étonner, et il y aurait plutôt à s’étonner du contraire. Car, lorsque William Smith publiait, en 1816, la classification en 19 étages du ter- rain jurassique de l’Angleterre, il ne prétendait assurément pas qu’elle dût s’appliquer , — de plus royalistes que le roi l’ont cependant prétendu pour lui! — qu’elle dût s’appliquer au terrain jurassique du globe entier, pas plus que Thirria ne prétendait que les divisions établies par lui dans la Haute- Saône dussent s’appliquer à tout le Jura. Ces divisions, — ces groupements, vaudrait-il mieux dire, puisque c’est de la syn- thèse qu’on fait là — de quelque pensée logique qu’elles procè- dent, ne sont guère, en général, que des moyens mnémoniques, et qui ont, par cela même, quelque chose d’artificiel, d’arbi- traire, qui ne saurait s’adapter, à priori , à toute contrée. Mais ce qui est la partie fondamentale et à l’abri de toute méthode artificielle, dans une monographie géologique, c;est l’analyse stratigraphique de la portion d’écorce terrestre qui constitue la contrée décrite ; et c’est cette analyse qui a été faite par Thirria avec un soin et un scrupule qui ne sauraient être dépassés. — Soin et scrupule : deux choses qu’il ne faut pas séparer, bien qu’elles se rapportent à deux ordres différents d’idées, car Tune est la caution de l’autre; car le soin , Tordre matériel chez l’observateur de la nature, c’est la précaution prise par le scrupule , pour empêcher qu’une infidélité de mé- moire, ne nous entraîne en des illusions que nous présenterions de la meilleure foi du monde pour des réalités. Et c’est pour- quoi, sans insister sur les collections de roches et de fossiles que notre confrère rapportait de ses tournées, il n’est pas pué- ril de parler de ses petits calepins de voyage, que nous avons vus, où chaque commune avait minutieusement son compte géologique ouvert, où chaque coupe de terrain partielle était NOTICE SUR M. THIRRIA. 705 soigneusement relevée pour fournir, en conférant l’une avec l’autre, les éléments de la coupe générale. Et toutes ces coupes élémentaires, il les a reproduites dans son texte, fournissant ainsi à chacun le moyen de contrôler l’exactitude de ses observations. L’ouvrage de Thirria devait être apprécié ici surtout dans sa partie géologique, qui en est aussi la partie vraiment scien- tifique. Et, néanmoins, nous ne devons pas omettre de dire, qu’à raison des détails statistiques qu’il renferme, et qui expliquent le titre beaucoup trop modeste que lui avait donné son auteur, il a mérité qu’une mention honorable lui ait été décernée par l’Académie des sciences au concours de statistique de 1835. Une mission fut donnée, en 1834, à Thirria, pour aller étudier, sous un point de vue administratif, les gîtes de mi- nerai de fer situés dans le haut Jura , vers les sources du Doubs et de l’Ain, et qui appartiennent au terrain néocomien : ce fut pour notre confrère l’occasion de faire connaître, par une description détaillée, la composition de ce terrain dans la Franche-Comté. Il lui donnait alors le nom de jura-crétacé, pour exprimer la croyance où étaient un certain nombre de géologues, qu’il participait, par ses caractères zoologiques, des deux terrains que rappelle ce nom. Mais comme il reconnaît pourtant que le nouveau-nommé ne se montre que dans le fond des vallées jurassiques, il conclut finalement à le consi- dérer comme tenant très-probablement la place de la partie inférieure du grès vert. Les dépôts gypseux et ferrifères attirent particulièrement son attention, et il fait remarquer, au sujet des premiers , qu’ils sont tous compris dans une même zone, parallèle à la direction des chaînes jurassiques, et qui comprend aussi deux autres dépôts gypseux appartenant à d’autres ter- rains : l’un, près de Nans, subordonné au keuper; l’autre, près de Neufchâtel, subordonné à la molasse. Il met en parallèle les minerais de fer, dont il décrit 7 gîtes, avec le minerai de fer pisiforme de la Haute-Saône; et, malgré les différences phy- siques de structure qu’il y constate, l’analogie dans la compo- sition chimique et dans les roches acompagnantes, le confirme dans la pensée qu;il avait anciennement émise, de rapporter aussi au grès vert inférieur les gîtes de minerais pisiformes de ce département. D’ailleurs, l’étude qu’il venait de faire, de la composition du terrain néocomien, dans le haut Jura français, et en Suisse à Neufchâtel même, le conduisit à un résultat fort intéressant; elle lui fit reconnaître l’existence de ce terrain Soc . géol., 2e série, tome XXVI. 45 706 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. dans 5 communes de la Haute-Saône (1), tandis qu’il ne 1 y avait pas encore reconnu lors de la publication de sa Statis- tique. Thirria fut aussi appelé par son service à étudier les impor- tants gîtes de minerai de fer du terrain néocomien du dépar- tement de la Haute-Marne, et il en fit l’objet d’une notice im- primée dans les Annales des mines de 1839. La composition du terrain néocomien diffère un peu ici de celle qu’il montre dans le haut Jura. En outre du gîte ferrifère en plaquettes et grains oblongs qu’il présente à sa partie inférieure, comme dans le Jura, il renferme, dans sa partie supérieure, un autre gîte à l’état d’oolite miliaire, beaucoup plus important que le pre- mier; puisque, exploité depuis très-longtemps, il produisait encore annuellement plus de 900,000 quintaux de minerai propre à la fusion, extraits de 120 minières autour de Vassy. La partie supérieure du terrain néocomien de la Haute-Marne, qui renferme ce second gîte, manque donc, dit notre auteur, dans les monts Jura. Il s’occupe d’ailleurs aussi, dans cette notice, d’une troi- sième sorte de gîtes de minerais, qui se trouve également dans le département de la Haute-Marne. C’est le gîte d ’alluvion qui provient des deux premiers, dont les minerais ont été démolis et entraînés par les courants diluviens dans les cavités du cal- caire jurassique, qu’ils ont plus ou moins remplies : telles sont les célèbres minières de Poissons. D’autres minières de même nature ont été formées aux dépens des minerais oxfordiens; mais s’il est possible ici de reconnaître la relation qui existe entre les minerais remaniés ou d’alluvion et leurs gîtes origi- naires, c’est au contraire une grande difficulté pour les contrées où, comme dans la Haute-Saône, ce gîte originaire, le terrain du minerai de fer pisiforme, n’est pas recouvert. On voit néan- moins, par une note de son mémoire, que Thirria incline déjà à rapporter le fer pisiforme de la Franche-Comté, celui de Gray nommément, au terrain tertiaire. (1) « A Voray, Yenère, Bucey-lès-Gy, Gy etVelloreille-lès-Choye. » (Mé- moire sur le terrain jura-crétacé de la Franclie-comté, Ann . des mines , 8e série* 1836, t X, p. 109). Ce passage avait évidemment échappé à M. d’Àrchiac quand il écrivait, au sujet de la découverte du terrain néocomien dans les communes sus- nommées du département de la Haute-Saône, la page 549 (§ 1er) de son Histoire des progrès de la Géologie, t. IV. NOTICE SUR M, THIRRÏA. 707 Cette question du minerai de fer pisiforme l’avait déjà beau- coup occupé avant son travail sur la Haute-Marne dont nous venons de parler. Indépendamment de la place qu’il lui avait donnée dans sa notice de 1830, et en 1833 dans sa statistique, il l’avait traitée, dans la session extraordinaire que iâ Société géologique tint à Strasbourg en 1834 (et dont il était l’un des secrétaires), en signalant deux gîtes de ce minerai situés dan le département du Doubs, et où ils se présentent recouverts par un dépôt tertiaire lacustre, d’une assez grande épaisseur. Il voulait montrer, par cet exemple, que certains de ces gîtes, au moins, ne sont pas aussi modernes qu’on l’avait prétendu et qu’ils ne sont pas exclusivement clysmiens , c’est-à-dire de transport. Mais, bien qu’il ne résultât, de ce seul fait de super- position, rien qui pût fixer leur âge entre le troisième étage oolitique et le terrain tertiaire, Thirria concluait, d’après des considérations tirées encore de la nature du minerai et des roches accompagnantes, à les attribuer au Green-Sand des An- glais, comme il l’avait fait pour les gîtes analogues, mais non recouverts, de la Haute-Saône. C’est encore à cette question qu’il a consacré son dernier travail géologique, publié dans les Annales des mines de 1851, sur les rapports qui existent entre les minerais de fer en grains de la Franche-Comté et du Berry. Mais alors l’étude, qu’il avait eu l’occasion de faire de ces derniers sur les lieux mômes, lui avait apporté de nouvelles lumières. Ici, en effet, ces minerais sont -déposés dans des dépressions de toute forme, poches, en- tonnoirs, crevasses, du calcaire jurassique moyen, dont ils sont ainsi parfaitement indépendants ; tandis que, d’autre part, ils sont recouverts par le calcaire lacustre miocène, empâtant lui- même de ces grains, et auquel il est naturel, dès lors, de les rattacher. Et c’est pourquoi Thirria n’hésite plus, en s’ap- puyant d’ailleurs sur l’observation qu’il a faite dans le départe- ment de la Côte-d’Or, auprès de Mirebeau, d’un lit de minerai gisant entre deux bancs de calcaire lacustre, et encore sur la rencontre d’ossements de Mastodonte dans quelques minières de la Haute-Saône, il n’hésite plus à abandonner l’opinion qu’il avait longtempts soutenue et il se réunit à celle qui prédomi- nait déjà depuis plusieurs années et qui range ces minerais dans le terrain tertiaire moyen. Ce dernier travail est en quelque sorte consacré à rassembler et à mettre en évidence tous les faits qui justifient cette ma- nière de voir; comme si, obéissant à ce sentiment de fran- 708 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. chise, inné, suivant le dicton, chez les enfants de sa province natale, de sa chère Picardie, et dont il était si profondément imbu, Thirria se fût fait un devoir de venir apporter son témoi- gnage contre l’opinion qu’il reconnaissait aujourd’hui mal fon- dée, après l’avoir longtemps soutenue avec une ténacité non moins innée, dit-on aussi, chez ses compatriotes ; et ajoutons, en excellente compagnie, avec Thurmann, Walchner et d’au- tres géologues très-autorisés. Il termine, d’ailleurs, son mémoire en reproduisant avec d’assez grands développements la théorie proposée en 1828, par Brongniart, et suivant laquelle le mine- rai de fer pisiforme peut être regardé » comme un précipité « fourni par des eaux minérales ferrugineuses (1). » Quoi qu’il en soit, Thirria avait été fondé à soutenir, comme il l’a fait, contre l’éminent auteur du Tableau des terrains qui com- posent r écorce du globe , que les dépôts de minerai de fer en grains , appelés autrefois d’alluvion ou de transport, n’ont pas tous cette origine, ne sont pas tous exclusivement clysmiens. Le plus grand nombre de ces dépôts, au contraire, a été formé dans la place même qu’ils occupent aujourd’hui. Mais, s’il est démon- tré maintenant que les gîtes de minerais de fer pisiforme ou réniforme de la Franche-Comté et du Berry, et bien d’autres encore, appartiennent à l’époque tertiaire, il faudrait se gar- der d’en conclure que tous les minerais de cette sorte dussent être nécessairement du même âge. Notre vénéré doyen, M. d*0- malius d’Halloy, n’a-t-il donc pas fait remarquer, en 1834 à la réunion de Strasbourg que je rappelais tout à l’heure, en 1838 à la réunion de Porentruy, n’a-t-il donc pas fait remarquer que, le bohnerz n’étant probablement qu’un produit d’eaux ther- males ferrugineuses et une sorte d’accident minéralogique, il n’y avait pas à s’étonner de le rencontrer dans des situations diverses correspondant à des époques différentes? Et d’où res- sort cette conclusion : qu’il n’y a pas de terrain que l’on soit fondé à caractériser, exclusivement à tous autres, par le nom de sidérolitique . Thirria avait épousé, en 1832, une personne aussi distinguée par son éducation que par son intelligence, Mlle Rouher-La- mothe, fille du directeur des contributions directes à Vesoul; et cette alliance devait naturellement le retenir encore davan- (1) Ann . des Sc. natur,9 t. XIV, 1828, p. 431. NOTICE SUR M. THIRRIA. 709 tage dans ce pays, où déjà une plus ancienne affection, la géo- logie, lui avait créé de profondes attaches, et qu’il aimait à proportion de ce qu’il avait fait pour elle. Mais la géologie ne devait pas lui être ingrate, et elle le paya en une seule fois des soins qu’il lui avait rendus depuis dix ans, en sauvant le jeune ménage de la plus grande contrariété qui pût lui advenir. Le mariage avait eu lieu le 30 avril , et, le 2 mai , une déci- sion appelait Thirria à aller prendre la direction du service des mines dans le département de l’Aveyron. Mais qu’allait deve- nir aussi la Statistique géologique de la Haute-Saône alors en cours d’impression , dans ce moment où la surveillance de l’auteur, surtout en ce qui concerne la carte, était si indis- pensable? La science prend fait et cause ; et, ce que la rigueur administrative n’aurait pas pu accorder aux larmes de la nou- velle épouse, elle l’accorde à la Géologie, plaidant ainsi tout à la fois pour elle-même et pour la jeune rivale qui venait de lui être donnée. Thirria fut maintenu à Yesoul. Le déplacement, dont il avait été menacé de si près, n’était cependant, bien entendu, qu’une marque de confiance de la part de l’administration. C’était le moment où l’industrie mé- tallurgique se créait à Decazeville, et où l’exploitation des im- menses richesses houillères de ce bassin allait prendre un grand* développement. Et Thirria, nommé seulement depuis quelques jours ingénieur ordinaire de première classe, était appelé là pour y remplir les fonctions d’ingénieur en chef. Ce grade lui fut conféré en 1836; mais pour en exercer les fonctions à Vesoul même : son service comprenant désormais, en outre de la Haute-Saône, les deux départements de la Haute- Marne et de la Côte-d’Or. Et ce fut en cette nouvelle qualité qu’il fut chargé de faire l’étude des gisements de fer de la Haute-Marne, dont nous avons parlé plus haut. C’est vers cette époque qu’un laboratoire de chimie fut créé à Vesoul pour le service des mines ; et les volumes 14, 16 et 18 des Annales des mines (3me série), renferment un assez grand nombre d’analyses faites par Thirria, de substances minérales et de produits métallurgiques. Mais je rencontre ici un souvenir, à la fois glorieux et triste pour la Société, et auquel il me sera permis de m’arrêter un instant. En même temps grandissait dans ce laboratoire de Vesoul, un autre de nos confrères, alors très-jeune ingénieur des mines, sous les ordres de Thirria, et qui fut bientôt appelé à l’École des mines comme adjoint au professeur de docimasie 710 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869, Berthicr, auquel il devait succéder peu d’années après. Ebel- men n’avait encore que trente-sept ans lorsqu’il nous fut enlevé presque subitement, après avoir, par quelques travaux de pre- mier ordre et empreints d’une originalité très-remarquable, répandu une grande lumière sur d’importantes questions de géologie : montrant ainsi tout ce que l’histoire du globe peut attendre du concours de la science chimique. Cependant Thirria dut quitter Vesoul en 1840, appelé qu’il fut par l’administration à remplir un poste de haute confiance, celui de secrétaire do conseil général des mines. Le zèle et l’aptitude dont il avait constamment fait preuve dans les affaires administratives le désignaient depuis longtemps pour cette po- sition. Il avait toujours su mener de front les affaires et les étu- des géologiques, ou, pour mieux dire, il avait toujours su faire tourner au profit de celles-ci les occasions que lui offrait le ser- vice administratif. Thirria avait été , parmi ceux qui cultivaient la géologie en province, un des plus empressés à se rattacher au centre de lumières et d’études qui s’était créé en 1830, sous le nom de Sociélé géologique de France; et, à partir du moment où il habita Paris, il en suivit assidûment les séances. Il fut élu, en 1845, l’un de ses vice-présidents. Cependant les travaux du secrétariat du conseil des mines le tenaient éloigné de la géo - logie active. Mais, nommé inspecteur général en 1818, il re- trouva dans ses tournées de service l’ardeur de sa jeunesse; et c’est ainsi qu’il fut amené, comme nous l’avons dit plus haut, à étudier les gîtes de minerai de fer en grains du Berry, objet de son mémoire de 1851. Ici finit, pour ainsi dire, la carrière du géologue. Thirria fut frappé, au commencement de 1857, par un im- mense malheur. Son fils aîné, jeune homme qui donnait les plus belles espérances, lui fut ravi par la mort à l’âge de dix- neuf ans. Lui-même venait d’être atteint par une assez grave maladie; et, sous cette impression, la résolution fut prise par les malheureux parents de fuir Paris, et par Thirria, de deman- der sa mise en retraite. Mais le ministre des travaux publics, M. Ilouher, ne voulut pas consentir à se priver si prématuré- ment de son concours; et, dans la confiance que l’action du temps ramènerait le calme dans celte nature, alors si troublée par la douleur, il se borna à lui donner un congé de plusieurs mois. Bientôt d’ailleurs le ministre lui montrait le prix qu’il NOTICE SUR M. THIRRIA. 711 attachait à ses services futurs, en récompensant ses services passés par le grade d’inspecteur général de première classe, en remplacement de Dufrénoy, qui venait, lui aussi, de nous être enlevé par une mort inattendue. Thirria vint, en effet, re- prendre sa place au Conseil des mines, au mois de novembre 1857, et bientôt ^après il fut nommé membre du comité con- sultatif d’hygiène publique de la France, pour y représenter particulièrement l’administration des mines dans les questions relatives au captage et à l’aménagement des eaux minérales. Il put ainsi donner huit années encore au service de son pays avant d atteindre la date du 25 février 1866, où, ayant accom- pli ses soixante-dix ans, limite d’âge fixée pour l’activité, il fut mis en retraite, après quarante-huit ans de services. Thirria avait été promu au grade de commandeur de la Lé- gion d’honneur le 16 août 1863, après avoir été nommé offi- cier du même ordre le 27 avril 1845, et chevalier au mois de janvier 1834. Il avait été élu, en 1856, membre du conseil général du dé- partement de la Haute-Saône, par le canton de Rioz; et, en 1858, membre du conseil municipal de la ville de Vesoul, bien qu’il n’y pût siéger qu’à de longs intervalles. C’était le té- moignage spontané delà grande considération dont notre con- frère jouissait dans le pays et qui s’adressait tout à la fois à l’homme privé et à l’ingénieur ; c’était le témoignage de la re- connaissance publique pour les services qu’il aimait à rendre à la cité comme au plus humble des habitants du département. Pendant ce temps-là, son plus jeune fils, devenu son unique enfant, avait achevé son éducation, et il venait d’entrer au Conseil d’État comme auditeur, à la suite d’un brillant con- cours. Ce côté de l’avenir était donc bien tranquillisant. Thir- ria d’ailleurs, était d’une solide constitution, et il pouvait se promettre encore de bonnes années pour jouir de la vie de famille, tout en s’occupant de différents travaux à terminer et notamment de sa carte géologique, dont il aurait souhaité de faire une nouvelle publication à grande échelle. Mais la desti- née en avait autrement ordonné. Mme Thirria dont la santé, toujours délicate, avait été vio- lemment ébranlée par la mort de son fils aîné, était allée pas- ser les vacances de 1867 chez une amie, à Villefranche-sur- Saône; et là, atteinte d’une fièvre muqueuse, elle succomba au bout de deux mois de maladie, le 7 janvier 1868. Son mari, accouru près d’elle, la soigna pendant tout ce temps avec le 712 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. dévouement le plus exemplaire, mais ce fut en vain, et il ne put ramener à Vesoul qu’un cercueil. A peine la cérémonie mortuaire y était-elle accomplie, qu’il revint à Paris; mais la secousse physique et morale qu’il ve- nait de recevoir avait corrompu en lui les sources de la vie : un érysipèle se déclara, qui prit immédiatement le caractère le plus grave, et, au bout de dix jours seulement, le 24 janvier, deux semaines après sa femme, Thirria succombait. Ces deux coups furent si précipités que bon nombre de leurs amis n’en furent informés qu’à la fois et purent croire à quel- que confusion : ne voulant pas accepter l’idée si fatale d’un malheur double. Et cependant, ce n’était que trop vrai : la même tombe, en quelque sorte, avait reçu M. et Mme Thirria. Peut-être peut-on penser que c’est là, pour les époux, la solution la plus souhaitable du lien du mariage, après trente- cinq ans passés dans l’habitude d’une vie commune ; mais quelle cruelle solitude pour le jeune fils survivant! quelle complète douleur pour les amisî Ihirria en avait beaucoup, et il me semble, à moi qui l’ai si bien connu, qu’il ne pouvait avoir que des amis. Pourtant son abord était froid; mais c’était l’expression d’une certaine timi- dité. Son parler bref a pu être pris pour de la brusquerie; mais cette brièveté de parole est la forme de la franchise picarde qu il avait sucée avec le lait. Et, quand on avait percé la pre- mière couche, on ne trouvait en lui qu’un caractère doux, facile, toujours enclin à atténuer les frottements entre les per- sonnes qui avaient droit à son affection. On trouvait un cama- rade sûr et désintéressé, et qu’un sentiment ombrageux de délicatesse mettait à l’abri de toute préoccupation personnelle. Simple d ailleurs dans sa vie et dans ses manières, exempt de toute prétention : c’était, en peu de mots, avec un cœur bien- veillant, une âme honnête et sincère. lel aussi il était connu dans le département de la Haute- Saône ; et 1 on en put juger par la manifestation de regrets dont il fut 1 objet aux funérailles solennelles qui lui furent faites à Vesoul, le 29 janvier. Le département, la ville, le canton dont il était 1 élu, vinrent successivement, par leurs organes les plus éleves, au milieu d’un grand concours de population, rendre hommage à l’homme de bien, au conseiller général dévoue aux intérêts de ses commettants, à l’ingénieur-citoyen qui avait particulièrement mis sa science au service du dépar- tement dont il avait fait son pays d’adoption. NOTICE SUR M. THIRRIA. 713 Et je puis ajouter, sans hyperbole, qu’à cela fut employé le dernier acte de sa main; puisqu’au moment précis où il sentit la première atteinte du mal qui l’a si rapidement emporté, il corrigeait les épreuves d’un ouvrage, occupation des deux dernières années de sa vie (et qui va paraître incessamment), portant le modeste titre de : Manuel à l’usage de l'habitant du département de la Haute- Saône . Dans ce petit livre qui, d’après ce que j’en ai pu apprendre, présente en abrégé l’ensemble des faits naturels et sociaux dont se compose l’histoire de ce département, la description géologique du sol, théâtre de ces faits, tient encore naturellement une assez grande place. Et elle aura d’ailleurs, désormais, son commentaire parlant aux yeux dans les collections recueillies par l’historien lui-même, et qui, suivant son vœu, offertes à la ville par son fils, seront déposées à la Bibliothèque publique. Telle fut donc la vie de Thirria, vie pleine d’unité, et où fut présente, jusqu’au dernier moment, la pensée d’être utile par la science; par la science, dont le culte a été l’objet de la fondation de la Société géologique. Il avait donc un droit par- ticulier à une place dans notre Nécrologe; et, si la Société n’a pas pu joindre sa voix à celles de ses compatriotes aux funérailles de Yesoul, elle les complète aujourd’hui en parlant la dernière sur la tombe du confrère si digne de son estime et de ses regrets, et à qui l'on peut justement appliquer ce mot final : Vir bonus et observandi peritus, liste BIBLIOGRAPHIQUE DES PUBLICATIONS DE CHARLES -ÉDOUARD THIRRIA, SE RAPPORTANT A LA GÉOLOGIE ET A LA MINER ALOGiE. 1820. — Annales des mines, lre série, t. V. Mémoire sur la mine de fer de la Voulte [Ardèche), par MM. Thirria et Lamé. 1821. — Annales des mines, t. YI. Sur une carrière de marbre récem- ment découverte dans le département des Ardennes . 1825. — Annales des mines, t. XI. Notice géologique sur les environs de S aulnot [Haute-Saône). 1829. — Annales des mines, 2« série, t. V. Notice sur les grottes d’Éche - noz et de Fouvent , sises dans le département de la Haute-Saône et sur les ossements fossiles qu’elles renferment. 1830. — Mémoires de la Société du Muséum d’histoire naturelle de Stras- bourg, t. I, lre livraison. Notice sur le terrain jurassique du département de la Haute-Saône , et sur quelques-unes des grottes qu’il renferme ; — avec 1 planche. 714 . SÉANCE DU 1er AVRIL 1869, 1832. — Mémoire de la Société du Muséum d’histoire naturelle de Stras- bourg, t. I, 2e livraison. Carte géologique du d< partement de la Haute- Saône, dressée, pour le tracé géométrique, sur celle de Y Atlas national, revue et corrigée; — plus 7 profils. (Avec une coupe générale du terrain jurassique et du terrain liasique de la Haute-Saône, indiquant la nature et l’épaisseur approximative des diffé- rentes assises qui composent ces terrains, ainsi que l’ensemble des fossiles organiques qu’ils renferment, etc.). 1833. — (A Besançon, chez Outhenin-Chalandre fils; un vol. in-8°, avec une carte géologique et 7 profils.) Statistique minéralogique et géologique du département de la Haute-Saône . 1835. — Bulletin de la Société géologique de France, lre série, t. VI, p. 32. (Réunion extraordinaire à Strasbourg.) Notice sur des gîtes de minerai de fer pisiforme (Bohnerz) du département du Doubs , recouverts par un dépôt lacustre appartenant aux terrains tertiaires . 1836. — Annales des mines, 3e série, t. X. Mémoire sur le terrain jura - crétacé de la Franche-Comté. 1838. — Annales des mines, t. XIV, p. 259-270. Résultats principaux des expériences faites dans le laboratoire de chimie de Vesoul pendant Van- née 1837 (travaux de M. Thirria). 1839. — Annales des mines, t, XV. Notice géologique sur les gîtes de minerai de fer du terrain néocomien de la Haute-Marne. 1839. — Annales des mines, t. XVI, p. 453-463. Résultats principaux des expériences faites en 1838 dans le laboratoire de chimie de Vesoul (ex- périences de M. Thirria). 1840. — - Annales des mines, t. XVIII, p. 183-207. Résultats principaux des expériences faites dans le laboratoire de chimie de Vesoul pendant Van- née 1839 (expériences de M. Thirria). 1851, — Annales des mines, 4e série, t. XIX. Mémoire sur les simili- tudes qui existent entre les minerais de fer en grains de la Franche-Comté et du Berri, et sur les particularités qui peuvent conduire à expliquer le mode de formation des gîtes de ces minerais . Notice nécrologique sur M . Hœrnes. Dans la séance du 9 novembre 1868, M. Hébert fit part à la Société de la mort de M. Hœrnes, directeur du cabinet impé- rial de minéralogie de Vienne, et donna lecture d'une lettre que M. Boué lui avait adressée sur ce sujet. Bien que M. Hœrnes ne fût pas membre de la Société géolo- gique de France, rassemblée décida, séance tenante, que l’extrait de la lettre de M. Boué serait inséré parmi les notices nécrologiques, à titre d’hommage à la mémoire d’un savant aussi distingué. NOTICE SUR M. HOERNES. 7i5 Le docteur Maurice Hœrnes était né à Vienne, le 14 juil- let 18! 5. Après avoir été, sous feu Partsch, adjoint à la direc- tion du cabinet impérial minéralogique, il succéda à Partsch, dont il avait épousé une nièce. Sous Partsch, ce beau musée avait pris une nouvelle face, mais le plus grand mérite du nouvel arrangement n’était pas tant d’avoir bien exposé aux yeux les richesses qu’il renfermait, que d’avoir utilisé les ma- riaux et l’exiguïté des locaux, de la manière la plus utile à l’étude. Le docteur Hœrnes continua les améliorations dans la même voie et compléta plusieurs parties du cabinet, notamment la collection des Aérolithes ; puis il agrandit surtout le domaine de la paléontologie. Enfin, il classa la bibliothèque dans un ordre parfait, et y ajouta une collection de mémoires tirés à part, qui est presque unique. Étant, en même temps, minéralogiste, géologue et paléontologiste, il put également contribuer à l’avancement de ces diverses sciences. Ses œuvres consistent surtout : 1° Hans la belle description des Mollusques fossiles des ter- rains tertiaires de Vienne, dont il a paru deux volumes in-4® avec plus d’une centaine de planches (1851-68). Il ne lui res- tait plus qu’à traiter des Huîtres, famille qui exerçait, ces der- niers temps, sa patience autant que sa perspicacité; 2° Un bon nombre de mémoires consacrés en grande partie au terrain tertiaire. J’en compte vingt-quatre pour l’Autriche inférieure seule, un pour l’Autriche supérieure, un pour la Hongrie, un pour la Transylvanie, deux pour la Moravie, etc.: 3° Des mémoires sur les Gastéropodes et les acéphales des couches de Hallstadt ( Mém . de VAcad. de Vienne , 1835 Vg, p. 33- 56, 2pl.); sur les Gastéropodes des Alpes orientales [dito, 1855 Vie, p, 2, pl. 173-178, 3 pl.); sur ceux du trias des Alpes [dito, 1856 Viz, pl. 11, p. 21-34, 3 pl.); 4° Un nouveau catalogue de la collection des Aérolithes du cabinet impérial ; 5° Un nouveau catalogue très-bien fait de la bibliothèque assez complète de cet institut. Elle représente, à Vienne, pour la Minéralogie, la Géologie et la Paléontologie, ce que votre belle bibliothèque du Muséum d’Histoire naturelle est pour cette dernière. Grâce au caractère doux et traitable de Haidinger, Partsch, Hœrnes et de Hauer, il est arrivé (chose malheureusement rare parmi les savants), qu’il a toujours régné une franche cordia- 716 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. lité entre le cabinet impérial pour prouver que la craie subit de nos jours une dissolution assez rapide parles eaux chargées d’acide carbonique. Enfin, dans un langage imagé, le même auteur représente les agents atmosphériques comme le ciseau à l’aide duquel le Tout-Puissant Sculpteur façonne sans cesse la surface de la terre, pendant que le feu central l’élève au- dessus des eaux. Quant aux glacialistes , on sait que leur principale prétention est de faire creuser par les glaciers le lit des rivières et des lacs; et M. Haast, se fondant sur ce qu’il a observé dans la Nouvelle-Zélande, ne craint pas de supposer que les régions montagneuses ont formé, à l’origine, de hauts plateaux couverts de neige et de glace, dont les bords ont été ensuite découpés par l’action des glaciers qui, rencontrant devant eux la résis- tance de leurs propres moraines, auraient employé leur force à creuser des bassins dans la roche sous-jacente. Il va sans dire que, sous le nom de glacialistes, nous enten- dons ceux qui, systématiquement, attribuent tous les accidents du soi à l’action des glaces, et non pas ces observateurs atten- tifs qui cherchent à définir, à l’aide de documents irréfutables, l’étendue des anciens glaciers, comme l’ont fait tout récem- ment MM. Martins et Collomb pour la vallée d’Argelès. A côté des écoles tranchées dont nous venons de parler, il y a place pour un certain éclectisme. Empressons-nous d’abord de dire que, dans une lettre adressée à M. Whitaker, sir Charles Lyell renie les exagérations qu’on veut mettre sous son patro- nage ; il est arrivé à cette conviction que les escarpements qui bordent le AVeald sont des escarpements intérieurs et non des falaises marines (conviction que l’illustre géologue eût sans 732 SÉANCE DU 1er AVRIL 1869. doute acquise plus tôt s'il avait connu le pays de Bray, sem- blable au Weald, mais plus complet, et s’il avait observé les deux falaises qui forment les lèvres de cette boutonnière si bien fermée à ses deux extrémités). M. Lyell reconnaît égale- ment que la mer n’a pas dû remonter la Somme plus haut qu’Abbeville, et qu’il est impossible qu’elle ait produit, dans la vallée de la Seine, les falaises et les aiguilles de craie voi- sines des Andelys. Il suffit, d’ailleurs, de se reporter à ce qui se passe dans les régions déboisées pour acquérir la certitude que la pluie et la gelée isolent des piliers de roches mieux que ne pourrait le faire tout autre agent. L’exposition de 1867 présentait, sous ce point de vue, les photographies les plus in- structives. M. Whitaker consent à admettre l’action marine, mais seu- lement pour les grands traits de la surface du globe, et il fait observer avec beaucoup de justesse que la nature, qui n’a pas coutume de gaspiller ses forces, n’a point besoin de faire inter- venir la mer là où les agents atmosphériques suffisent, « de môme, dit-il, qu’on n’emploie pas un marteau-pilon pour cas- ser une noisette, ni une charrue à vapeur pour cultiver un jardin. » Ce qui résulte le plus clairement de ces débats, c’est qu’il n’existe pas d’agent à l’action exclusive duquel on puisse attri- buer les accidents du relief terrestre. La mer, la pluie, la ge- lée, les rivières, les glaces, y ont toutes part. Mais il ne faut pas oublier que tous ces agents ont affaire à un sol déjà pré- paré, en définitive, par les forces internes, qui déterminent les fentes et les dénivellations d’où -doivent sortir les détails de l’orographie. Pour ne citer à cet égard que des autorités anglaises, disons que MM. Jukes et Scrope le reconnaissent eux-mêmes, que sir Roderick Murchison le confirme, et qu’il constate, avec empressement, que tous les géologues habitués aux terrains montagneux, comme MM. Studer, Favre et tant d’autres, sont unanimes à proclamer le grand rôle joué par les forces souterraines. Ce ne sera pas sortir du sujet qui vient de nous occuper que de vous parler des montagnes , dont l’existence, sinon comme fait matériel, du moins comme système, est constamment re- mise en question. Il y a des personnes que les montagnes pa- raissent gêner singulièrement : ne pouvant les nier, cepen- dant, on s’attaque à la seule explication raisonnable qui puisse DISCOURS DE M. DE LAPPARENT. 733 en être donnée, et Ton s’acharne à la trouver en défaut, en la retournant sous toutes les formes et dans tous ses détails. Est- ce à dire, pour cela, qu’il faille s’interdire ce genre d'études? Assurément non, et quand un district montagneux occupe des observateurs comme M. Lory, c’est une bonne fortune pour la science. Mais n’est-il pas permis de regretter l’ardeur avec la- quelle, parfois, on s’empresse de tirer, de quelques faits mal interprétés, des conclusions contraires à la doctrine des sou- lèvements, doctrine qui, dans son essence, reste l’une des plus belles que la géologie ait jamais enfantées? Ainsi, l’auteur d’un récent travail sur les Pyrénées de l’A- riége, M. Magnan, après avoir constaté l’existence, dans cette région, de plusieurs grandes failles que ses patientes études lui permettent de tracer depuis l’Océan jusqu’à la Méditerranée, n’hésite pas à affirmer que «les Pyrénées doivent leur relief à des failles immenses linéaires, et non à des soulèvements comme on le croit généralement. » Après quoi, il ajoute : «Les direc- tions ne peuvent pas servir à caractériser l’âge des montagnes.» Nous ne savons pas très-bien ce que peut être une faille sans soulèvement, car l’une des lèvres est nécessairement élevée par rapport à l’autre, et si l’on objecte, comme on le fait sou- vent, que la cassure qui a produit cette dénivellation est le résultat d’un affaissement de la croûte terrestre, nous deman- derons comment il se fait que les régions du globe où se sont produits ces grands affaissements , comme les Vosges, les Alpes et les Pyrénées, atteignent toujours une altitude si supérieure à celle des contrées voisines. Ajoutons que c’est défigurer sin- gulièrement la théorie des soulèvements que d’affecter de lui donner pour principe la poussée des roches éruptives, alors que, dans l’esprit de son illustre auteur, cette théorie repose tout entière sur le ridement et le crevassement de l’écorce terrestre par suite du refroidissement. Quant au peu de crédit que M. Magnan accorde aux directions, qu’il consulte, à cet égard, l’expérience des mineurs. Us lui diront de quel poids sont les directions dans la détermination de l’âge des filons; ils lui diront quel parti notre regretté confrère, M. Rivot, a su en tirer pour les mines de Vialas, et comment, sans aucune idée préconçue, la comparaison qu’il en a faite après coup avec les systèmes de montagnes, a fait naître des coïncidences re- marquables. Mais ils lui diront aussi que cette connaissance ne s’acquiert que par de longues et consciencieuses éludes; qu’il y faut employer des mois et des années, en s’aidant de toutes 734 SÉANCE DU Ier AVRIL 1869. les données fournies par le labyrinthe des travaux souterrains; et alors notre savant confrère reconnaîtra, sans doute, que pour avoir relevé, peut-être, quelques erreurs dans l’analyse des éléments de la géologie pyrénéenne, il n’a nullement dé- truit la valeur intrinsèque du meilleur instrument dont on puisse se servir pour débrouiller toute espèce de champs de fractures. En Amérique, on paraît croire que les montagnes résultent simplement de l'élévation continentale et en masse de tout un district où les courants océaniques avaient accumulé une épaisseur de sédiments plus grande que partout ailleurs. Telle est du moins la théorie de MM. Sterry^Hunt, Lesley et James Hall, qui attribuent à l’affaissement progressif et au tasse- ment de ces dépôts épais les plissements, les failles et môme le métamorphisme des roches. Quant aux rangées de monta- gnes, elles résulteraient de ce que le massif soulevé aurait été plus tard découpé par des valiées d’érosion. Nous avouons n’avoir pas très-bien compris cette théorie nouvelle, et nous soupçonnons qu’elle a dû être suggérée à nos savants confrères d’outre-mer par le désir de ne rien emprunter, même en géo- logie, à notre hémisphère décrépit. Je m’arrête ici, messieurs; et je terminerai en m’excusant de la forme un peu militante que le présent rapport a parfois revêtue. Mais comment échapper à l’influence batailleuse lorsque, depuis des années, on est obligé, par état, de lire tout ce que les géologues produisent en France et à l’étranger ? On ne saurait vraiment croire à quel point nos confrères aiment les combats ; la cordialité dont ils font preuve dans les réunions au grand air, n’enlève rien à la vivacité de leurs débats scientifi- ques ; et quand on lit leurs discussions, qu’elles aient lieu dans notre fougueux pays de France, ou dans la grave Angleterre, ou dans la jeune Amérique, on ne voit partout que réclamations de priorité, accusations de plagiat, d’ignorance ou de palino- dies, charges à fond de train contre telle ou telle institution, contre telle ou telle doctrine; en un mot, on serait parfois tenté de croire que la plume des géologues a le même manche que leur marteau. Il serait fâcheux pourtant de finir sur cette note guerrière une séance dont le but principal est de resserrer les liens qui unissent entre eux les géologues. Tournons donc nos regards avec complaisance vers des modèles d’un tout autre genre, DISCOURS DE M. DE L APPARENT. 735 que la Société géologique est heureuse de compter dans ses rangs. Qu’il me soit permis de saluer tout d’abord, à ce titre, l’éminent ingénieur qui nous préside (1) et qui, par un rare privilège, a pu toute sa vie s’occuper du terrain quaternaire, sans rencontrer jamais, contre personne, une seule vivacité de plume ni de langage. Après lui, mes hommages aimeraient à rencontrer ici ce savant si bienveillant (2), par qui vous avez voulu être présidés dans l’année de l’exposition universelle, sen- tant bien que nul autre ne pouvait plus dignement marcher à la tête de la Société géologique dans une circonstance aussi mémorable. Enfin, franchissant la frontière, j’irai saluer, dans un pays voisin, cet illustre doyen de la géologie, à qui la Pro- vidence accorde une vieillesse si enviable, et dont la présence est maintenant trop rare parmi nous (3). Français par la langue, il a été, dans d’autres temps, de fait et de droit, notre compa- triote, et le désir de lui voir reprendre cette qualité suffirait seul pour faire germer dans notre esprit de fâcheuses idées d’annexion. A ces modèles, j’en pourrais ajouter d’autres, messieurs; mais je m’arrête, car je ne veux pas être suspecté de partialité. Gomment, d’ailleurs, pouvais-je mieux terminer mon discours qu’en évoquant ces ligures si sympathiques, qui personnifient à nos yeux la science désintéressée, pratiquée pour elle-même, pleine de bon vouloir pour les autres et, par là, récoltant dans toute sa plénitude le tribut de ce respect qu’elle n’a jamais re- fusé à personne ? Séance du 5 "avril 1869. PRÉSIDENCE DE M. de BILLY. M, de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : (1) M. Belgrand. (2) M. de Verneuil. (3) 1\1. d’Omalius d’Halloy. 73G SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. M. Barré, ingénieur des mines à Metz (Moselle); présenté par MM. Levallois et Jacquot. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. J. Barrande, Réapparition du genre Arethu' sina, Barr. ; in-8, 110 p. 1 pl. ; Prague, 1868. De la part de M. Éd. Dufour : 1° Note sur la diversité d’influence des couleurs du spectre so- laire dans la respiration des végétaux; in-8, 4 p.; Nantes, 1867; 2° Esquisse sur la théorie dynamique delà chaleur ; in-8, 39 p. ; Nantes, 1868; chez madame veuve C. Mellinet. De la part de M. E. Saint-John Fairman, / Petrolii in ltalia; in-18, 37 p.; Florence, 1869. De la part de MM. H. de Ferry et A. Arcelin, Lâge du Renne en Maçonnais. — Mémoire sur la station du clos du Char- nier à S olutré ; in-8, 42 p., 1 pl.; Mâcon, 1868; chez E. Protat. De la part de M. F. Foucou, Sur une grande carte manus- crite de l’Europe et des contrées adjacentes , dressée d'après le sys- tème de la projection gnomonique ; 4 p. in-4, Paris, 1869. De la part de M. Mussy, Description de la constitution géolo- gique et des ressources minérales du canton de Vicdessos et spécia- lement de la mine de Rancié ; in-8, 165 p., 5 pl.; Paris, 1869; chez Dunod. De la part de M. le comte Gaston de Saporta, Études sur la végétation du S. E. de la France à V époque tertiaire ; in-8, 194 p., 22 pl. ; Paris, 1867; chez Victor Masson. De la part de M. Pierre de Tcbihatcheff, Géologie de l'Asie Mineure ; 3 volumes in-8, 1 carte; Paris, 1869; chezTh.Mor- • gand. De la part de M. Tournai, Notice sur les gisements de sel gemme ; in-8, 9 p. ; Bagnères-de-Bigorre, 1869; chez J. Caze- nave. De la part de M. J. Thoulet, Sur les formules et les calculs NOTE DE M. DE TCHIHATCHEFF. 737 qui ont servi à construire la grande carte gnomonique de l} Europe et des contrées adjacentes ; in-4, 3 p.; Paris, 1869. De la part de M. G. Laube, Ueber Ammonites Aon , Munster , und dessen \erwandte ; in-8, 10 p. ; Vienne, 1869. M. Danbrée présente la carte géologique de l’Asie Mi- neure, par M. de Tchihatcheff, avec la note suivante : J’ai Thonneur de faire hommage à la Société géologique de France, de ma Géologie de l’Asie mineure en trois volumes, dont le premier, consacré aux roches éruptives et aux terrains de transition , et accompagné d’une carte géologique coloriée , avait déjà paru l’année passée; mais comme ce premier vo- lume devait être immédiatement suivi de deux autres qui viennent d’être publiés, et qui embrassent les terrains secon- daires, tertiaires et post-tertiaires, j’ai préféré attendre le mo- ment oi .1 me serait permis de présenter un travail complète- ment terminé. En offrant à la Société le fruit de vingt années de pénible labeur, je n’ai pas l’intention d’abuser de ses moments, pour essayer de lui tracer un résumé de mon ouvrage, et je me borne à le soumettre à sa bienveillante appréciation. Toute- fois, je crois devoir profiter de cette occasion pour faire droit à une réclamation légitime à laquelle il a donné lieu de la part d’un de nos confrères les plus éminents. Dans une lettre que vient de m’adresser M. Abich, en date de Tiflis, du 14 décem- bre 1868, il appelle mon attention sur une erreur commise par moi à son préjudice, puisqu’il s’agit de deux citations qui lui attribuent des opinions dont il décline complètement la responsabilité. L’une de ces citations se rapporte à la question de la limite des neiges perpétuelles que j’ai traitée dans la par- tie de mon grand ouvrage consacrée à la climatologie (Asie Mineure, 2me partie, cbap. vin, p. 283-36), et où, après avoir constaté que cette limite est comparativement très-élevée dans toutes les montagnes de la classique péninsule, je fais obser- ver dans une note (p. 294), qu’une opinion contraire a été for- mulée par M. Abich , relativement à quelques points de l’Ar- ménie russe, observation que j’ai malheureusement reproduite dans un écrit récent publié par moi, sous le titre de Une page sur l’ Orient (p . 89); or, dans sa lettre, M. Abich me déclare que, loin d’avoir jamais signalé un fait semblable, tous ses travaux hypsométriques l'ont conduit, au contraire, précisément aux Soc. géol.y 2e série, tome XXVI. 47 738 • SEANCE t)ü 5 avril 1869; mêmes résultats que m’avaient fournis mes propres études en Asie Mineure, c’est-à-dire que lui aussi avait constaté (à une époque antérieure à celle ou fut publié mon ouvrage), dans l’Arménie russe, une élévation considérable de la limite des neiges perpétuelles, et que, de plus, il avait signalé, comme explication de ce phénomène, la grande sécheresse de l’air qui caractérise ces contrées, explication que j’avais également ad- mise pour les régions de l’Asie Mineure explorées par moi, et entre autres, pour lé mont Argée ( loc . cit. p. 294) et pour le Bingueul Dagh [Une page sur l'Orient, p. 79). L’erreur que j’avais commise, et dont en ce moment je ne saurais me rendre compte, étant dans l’impossibilité de découvrir la source où j’avais puisé le renseignement susmentionné, est d’une nature d’autant plus regrettable, que, contrairement à ce qui arrive le plus souvent aux auteurs qui, dans l’intérêt de leur thèse, croient voir des avocats là où ils ne sont pas, j’ai eu le malheur de méconnaître un allié précieux en le prenant gratuitement pour un adversaire. Une autre rectification, que M. Abich réclame également à juste titre, se rapporte à la citation que j’ai faite {Une page sur l’Orient , p. 255, et Géologie de l’Asie Mineure , v. III, p. 294), de l’opinion formulée par lui, relativement à l’absence de toute trace de l’époque glaciaire dans le Caucase. Or, en m’appuyant sur cette opinion, j’ignorais complètement qu’elle ne repré- sente plus aujourd’hui la manière de voir de l’éminent géolo- gue russe, fait que j’appris pour la première fois par la lettre susmentionnée, dont je crois devoir reproduire ici les passages qui se rapportent à cet important sujet, en les traduisant d’a- près l’original allemand. « Sans doute, les pages 159 et 163 citées par vous, de mon Prodrome , contiennent des assertions dont il résulterait que les blocs erratiques et les surfaces polies ou striées font défaut au Caucase. Ces assertions formulées en 1858 d’une manière trop générale, je le reconnais volontiers, ne s’accordent plus avec les résultats de mes explorations qui depuis ont acquis un développement beaucoup plus grand. J’ai pu constater non- seulement la présence de stries parfaitement caractérisées, produites par d’anciens glaciers sur les parois des vallées si- tuées à une hauteur considérable, mais encore la diffusion de blocs erratiques dans les régions centrales des montagnes. J’ai de même eu lieu de me convaincre que parmi les débris et masses détritiques accumulés dans les vallées du Caucase NOTE DE M. DE TCHIHATCHEFF. 739 (transversales comme longitudinales) , on peut distinguer les dépôts de transport purement alluviaux, des dépôts qui doi- vent leur origine aux moraines de l’époque glaciaire propre- ment dite, bien que cette distinction soit incomparablement moins prononcée que dans les Alpes. Ce fut mon dernier voyage (octobre 1867) entrepris en vue de l’exploration du gla- cier Desdoroki sur le Rasbek, qui me fournit matière aux ob- servations susmentionnées, recueillies dans toute l’étendue de la vallée du Terek jusqu’à 7 verstes au delà de Wladikavkas. La maladie que m’attira probablement cette excursion, aussi bien que plusieurs affaires qui, plus tard, réclamèrent tout mon temps, me forcèrent d’ajourner le moment de faire connaître dans une publication spéciale les modifications qu’avaient su- bies, depuis 1858, les résultats de mes études, relativement à la limite des glaciers actuels et des glaciers anciens du Caucase. Pressé de me rendre, conformément aux ordres des médecins, aux eaux de Saint-Maurice, dans PEngadine, j’ai dû me bor- ner à transmettre, peu de temps avant mon départ de Tiflis (mois de mai), à la Société géographique de cette ville, quel- ques aperçus provisoires sur les principaux résultats de mes nouvelles observations, et ce n’est que par cette voie que ma communication a pu arriver jusqu’à Saint-Pétersbourg. En même temps, invité par la Société des naturalistes de Moscou à rédiger un programme géologique à l’usage d’un de ses membres, M. Fitschenko, qui avait été chargé, par le gouver- neur général de Tascbkendt, d’une mission ethnographique et zoologique, j’ai profité de cette occasion pour recommander instamment, non-seulement l’étude des dépôts néogènes (dans le sens üe M. Hœrnes), mais encore le développement et le contrôle des faits découverts par M. Severzof et ses succes- seurs, relativement à l’existence de glaciers de la période glaciaire, dans le groupe montagneux de l’Alatau. Enfin, in- formé par M. Charles Martins de son arrivée prochaine à Tiflis, je me suis empressé d’adresser (à Montpellier) à ce connais- seur distingué des phénomènes glaciaires, une lettre dans la- quelle je lui exposais, avec beaucoup de développement, ma manière actuelle de voir et mes convictions relativement à la nature et à l’étendue des monuments de la période glaciaire que renferment les montagnes du Caucase. Je fis des commu- nications semblables à MM. Favre père et fils, lors de notre entrevue à Vienne, et j’ajoutai des illustrations graphiques aux notices remises par moi à M. Favre fils. 740 SÉANCE DU 5 AVRIL 1809. (( Après tout ce que je viens de dire, ii est évident que je n’ai nulle intention d’incriminer votre citation ; tout au plus me serait-il permis de regretter de n’avoir pas plus tôt et par une voie de publicité plus étendue, fait connaître les modifications apportées aux opinions formulées par moi en 1858. D’ailleurs, je dois faire valoir en ma faveur cette circonstance atténuante : en présence des phénomènes pseudo-moraimques , tels qu’ils s’offrent sur l’Ararat, dans la vallée d’Arguri et dans beaucoup d’autres vallées du Caucase, j’ai pu hésiter pendant longtemps à appliquer mes conclusions à la totalité du Caucase, et j’ai dû attendre des preuves plus concluantes et plus nombreuses, avant d’assigner à la période glaciaire le rôle important qu’elle joue réellement dans ce pays. » La satisfaction que je me suis empressé de donner aux justes réclamations de M. Abich constitue pour moi un devoir que je remplis avec d’autant plus de plaisir, qu’en relevant moi-même les défectuosités de mon ouvrage, je puis espérer d’acquérir un titre de plus à l’indulgence dont il a tant besoin, non-seu- lement eu égard aux difficultés inhérentes à la nature même de la tâche que je rn’étais imposée, mais à cause des condi- tions exceptionnellement défavorables dans lesquelles elle a été effectuée. M. Daubrée fait ensuite, sur le même sujet, la commu- nication suivante : Ce qui caractérise particulièrement le grand travail de M. de Tchihatchetf et constitue un fait réellement nouveau , c’est d’abord qu’il fait connaître aux géologues un vaste pays, sur lequel on n'avait que peu de notions, avant les investiga- tions persévérantes de son auteur; en outre, ce pays, barbare, inhospitalier, habité par des populations fanatiques, est d’une superficie aussi étendue que celle de la France. M. de Tcbi- hatcheff, après avoir acquis la connaissance des langues, des mœurs et des usages du pays, a dû le parcourir en tous sens, Larme au poing, sans compagnon européen, avec ses seules ressources, durant onze années. Bien que, dans son étude sur l’Asie Mineure, l’infatigable voyageur ait embrassé tout le domaine des sciences naturelles, la partie géologique, qui entrait dans les préoccupations sc.ien- 74 i NOTE DE M. DAUBRÉE. tiflques les plus spéciales de toute sa vie, a pris sous sa plume un grand développement. Le premier volume est consacré aux roches éruptives et aux terrains de transition. Ainsi que le fait voir un coup d’œil jeté sur la carte géolo- gique, les roches éruptives occupent, en Asie Mineure, une place tellement considérable, qu’il n’est pas d’autre pays peut- être qui les présente dans une telle proportion par rapport aux terrains sédimentaires. Parmi ces roches, ce sont les trachytes, les dolérites et les porphyres pyroxéniques qui jouent le rôle dominant; la deuxième place, sous le rapport de l’extension, appartient aux syénites et aux granités; puis viennent les serpentines et enfin les diorites. Quant aux basaltes, ils ne jouent en Asie Mineure qu’un rôle comparativement subor- donné. Bien que disséminés sur toute la surface de l’Asie Mineure, les trachytes abondent particulièrement dans la partie occi- dentale de la péninsule , se prolongent sous la mer et se reproduisent dans l’archipel grec, sous forme d’îles trachyti- ques, parmi lesquelles celle de Santorin, si remarquable par les phénomènes dont elle a été le siège, semble rattacher la période volcanique actuelle à l’époque de l’ancienne activité des trachytes. La distribution topographique des trachytes de l’Asie Mi- neure offre encore cela de remarquable, qu’ils sont fréquem- ment associés à des lacs salés, même ceux qui sont le plus éloignés du littoral. Cette circonstance apporte un argument de plus en faveur de la théorie de l’intervention de l’eau de la mer dans les phénomènes volcaniques, théorie déjà ancienne et qui, dans ces derniers temps, a été appuyée sur de nouveaux arguments. Sous le rapport de leur âge, les trachytes proprement dits, aussi bien que les dolérites d’Asie Mineure, appartiennent à des époques très-différentes, et la durée de leur action a dû avoir été fort considérable ; car elle se manifeste depuis le ter- rain crétacé inclusivement jusqu’au terrain tertiaire supérieur, et peut-être même jusqu’au terrain quaternaire. En divers points, les relations entre les dolérites et les tra- chytes sont très-intimes. Les basaltes, les porphyres pyroxéniques, les eurites et les porphyres quartzifères se trouvent également en connexion, d’après l’auteur, avec les trachytes. 742 SÉANCE DU O AVRIL 1869. La syénite abonde en Asie Mineure, et elle passe souvent au granité, et l’auteur admet que Tune et l’autre roches sont postérieures au terrain tertiaire inférieur. Les serpentines, bien que n’occupant, dans cette péninsule, qu’un rang subordonné parmi les roches éruptives, présentent, entre autres particularités, un caractère qui les rapproche de celles de l’île de Chypre et de la Toscane : c’est d’être souvent associées à des gîtes métallifères, tantôt disséminés dans la roche, tantôt situés à proximité. Terrains de transition. — Les couches les plus anciennes dans lesquelles on ait trouvé des fossiles appartiennent au terrain dévonien; sa faune n’est composée que de représentants des classes de crustacés, de mollusques et de coralliens. Le terrain carbonifère est représenté par le calcaire de mon- tagne et par des dépôts houillers. Un système de roches dans lequel on n’a encore trouvé aucun débris organique et comprenant des phyllades et des micaschistes, est classé comme terrain de transition d’âge indé- terminé. 7 errain jurassique. — Composé en grande partie de roches cal- caireset marneuses, le terrain jurassique delà péninsule présente des couches qui doivent être rapportées à l’étage oxfordien, d’après quatre espèces d’ammonites qui y ont été rencontrées. La prédominance de cet étage dans les dépôts jurassiques du pourtour de la mer Noire, unie à Tabsence, presque complète, des autres groupes oolithiques, ainsi que du lias, semble imprimer un caractère particulier aux dépôts jurassiques du continent asiatique. Terrain crétacé. — De même que le terrain jurassique , le terrain crétacé est très -imparfaitement représenté en Asie Mineure, où il est réduit aux groupes de la craie blanche et cle la craie tuffeau. Dans ce pays, comme dans le Caucase, les couches crétacées renferment fréquemment des détritus de roches éruptives. Terrain tertiaire inférieur .—Le terrain tertiaire inférieur d’A- sie Mineure se compose de dépôts, les uns fossilifères, les autres dénués de restes organiques. Parmi les roches qui constituent les couches fossilifères, dominent des calcaires souvent siliceux; en quelques points, cette roche prend une teinte noire et rap- pelle tout à fait le calcaire de transition. Les couches de cet étage sont tantôt horizontales, même à proximité des tra- NOTE DE M. DAUBRÉE. 743 chytes, tantôt fortement inclinées. La plupart des terrains tertiaires de cet étage sont marins, et ils appartiennent au type asiatico-méditerranéen dont M. d’Archiae a si bien ap- précié les caractères et la portée, dans son travail classique sur le terrain tertiaire inférieur. Ce qui caractérise particulièrement, en Asie Mineure, la faune de cet étage, c’est sa richesse en rhizopodes du genre Nummulite, dont on n’a pas trouvé moins de vingt-trois espèces, c’est-à-dire plus du tiers du nombre total des Nummulites con- nues. D’un autre côté, en examinant cette faune, on est frappé de la rareté des Bryozoaires, des Radiaires échinides et des Annélides. Les dépôts tertiaires du même type parais- sent se soutenir avec une grande constance sur un espace con- sidérable embrassant le sud de la Russie, la Turquie d’Europe, la Perse, la Syrie, l’Égypte et la Grèce. C’est pendant l’époque tertiaire inférieure que les agents éruptifs paraissent avoir acquis, en Asie Mineure, le plus d’in- tensité et d’étendue. Terrain tertiaire moyen. — Ainsi qu’on le voit, au premier coup d’œil jeté sur la carte géologique d’Asie Mineure, le terrain mio- cène y est plus morcelé que tout autre dépôt sédimentaire. Les couches sont souvent redressées; elles consistent principale- ment en calcaire plus ou moins siliceux, amorphe ou cristallin, marnes, grès, conglomérat et gypse. C’est pendant l’époque miocène que se sont probablement formés la plupart des dépôts de sel gemme si abondants en Asie Mineure, ainsi que des masses assez considérables de gypse. Ce terrain miocène est en général d’origine pélagique ; les dépôts lacustres y sont comparativement rares. — C’est un caractère diamétralement opposé à celui qu’offre la péninsule ibérique, où les dépôts miocènes d'eau douce occupent près du quart de la surface totale du pays. Terrain tertiaire supérieur. — Les dépôts de l’Asie Mineure appartenant à l’étage supérieur du terrain tertiaire se di- visent en deux grands groupes : l’un caractérisé par des fos- siles marins ou saumâtres, l’autre par des fossiles lacustres. Les couches à fossiles marins sont le plus souvent horizon- tales et présentent le caractère aralo-caspien , tel qu’on le con- naît en Russie et en Autriche. Celles qui renferment les fossiles lacustres sont incompara- blement plus importantes en Asie Mineure que les couches 744 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. marines. — Elles forment souvent des nappes continues d énormes dimensions, dont plusieurs points s’élèvent à une altitude de près de 2,000 mètres. Parmi ces nappes, la plus considérable est celle qui constitue le plateau de la Lycaonie- elle occupe une surface à peu près égale à celle des quatorze départements du sud-ouest de la France. Les calcaires blancs compactes et quelquefois cristallins , renfermant beaucoup de silex, prédominent et sont le siège principal des restes organiques, tandis que des conglomérats et dessables habituellement non fossilifères paraissent indi- quer des dépôts littoraux. L’extrême rareté, en Asie Mineure, de substances bitumi- n mses, solides ou liquides, contraste avec le développement tertiMreTd 6 ^ substances armèrent dans les terrains tertiaires de plusieurs contrées limitrophes, notamment dans les principautés danubiennes, l’Albanie et l’ile de Zante renMien Part'Cull,èrement Pendant l’époque pliocène qu’eu- lenfe H P * trachyti(ïues dont les parties pulvéru- térisés narieiri "a!Sf nce h énormes dépôts de tufs carac- douce. * dlatomacées et Par des coquilles d’eau l’époque quaternaire et peut-être nombre d ép0que moderne’ l’Asie-Mineure a éprouvé de 0I V!T'e"ieDlS d’immersion et d’émersion dontquel- offre dans 1 POrainS de 1,homme- La Pé™de moderne relafion P3yS ““ mtérêt l0ut P^culier, à cause de ses relations intimes avec les annales de l’histoire. ~la carte SéoloS'que présente l’indication détaillée de tous les itinéraires de l’auteur. M Dufoui-S- ^artet Présente les deux notes suivantes de Noie sur le pseudomorphisme des roches feldspathiques ■ par M. E. Dutour. affleure à^haqué^paT^'t0?1116 C°Inme Nanles’ où le «ranit( breuses carrière. P , V01slna8e de laquelle de nom- S sont ouvertes pour l’extraction de cette NOTE DE M. DUFOUR. 745 roche, il est impossible de ne pas remarquer la disposition des joints qui la séparent suivant des surfaces planes d’une grande étendue, se coupant dans des directions déterminées, et faci- litant singulièrement son exploitation. D.epuis longtemps, en examinant les escarpements des col- lines granitiques et les blocs extraits des carrières, j’avais été frappé de la constance des angles qu’ils présentent, et surtout de la fréquence de l’angle aigu de 55° environ, de l’angle obtus supplémentaire; enfin, d'angles dièdres droits disposés par quatre symétriquement. Je rencontrai même, quelquefois d’abord, plus fréquem- ment ensuite, quand mon attention fut éveillée, l’angle obtus de 1 12° environ. Cet angle étant celui du prisme rhomboïdal oblique du cinquième système qui est la forme primitive du feldspath orthose, et les angles précédents étant ceux du prisme oblique à base rectangle, forme dominante de ce minéral, une telle coïncidence fut pour moi un trait de lumière, et je ne doutai plus que je ne fusse en présence d’entassements d’énormes cristaux, produits par refroidissement après fusion dans les gigantesques laboratoires de la nature. Il peut paraître étrange au premier abord , que ces masses cristallines aient conservé la forme du feldspath, malgré l’in- terposition du quartz et du mica, éléments essentiels, quoique variables, des roches granitiques. Nous connaissons pourtant d’autres exemples qui prouvent que la force de cristallisation peut s’exercer encore à distance. Ainsi, le grès cristallisé de Fontainebleau conserve la forme du carbonate de chaux, malgré l’interposition de près de 60 p, 100 de silice; et la présence de 50 p. 100 d’argile n’a pas altéré la forme cristalline de la chaux fluatée de Buxton. J’ai fait même de récentes observations qui complètent l’ana- logie du cas actuel avec ceux que je viens de rappeler. Ainsi, tandis que le granité, à cause peut-être de la grossièreté des éléments minéraux interposés, a retenu la forme dominante des cristaux plus ou moins volumineux de feldspath dont il est l’agrégation; le gneiss leptynoïde et surtout les eurites , où le feldspath domine davantage et dont les parties sont d’une té- nuité plus grande, ont pris la forme primitive du feldspath, qui serait celle de la molécule intégrante de ce minéral. De même aussi, la chaux carbonatée siliceuse de Fontaine- bleau, en raison sans doute du milieu dans lequel elle a cris- 746 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. tallisé, présente la forme du rhomboèdre inverse, au lieu de celle du rhomboèdre de 104° du spath d’Islande. Cependant, l’origine ignée du granité et en général des ro- ches feldspathiques cristallines ne me paraît pas douteuse, et est confirmée par ce fait, facile à observer, qu’à la partie supé- rieure des masses granitiques où le refroidissement a dû être le plus rapide et la cristallisation plus confuse, les joints, tou- jours disposés suivant les mêmes directions, se trouvent beau- coup plus rapprochés, et que les cristaux grossiers dont se composent les premières assises, sont ainsi bien moins volu- mineux. Je suis porté à croire aussi, mais les observations me man- quent pour l’affirmer, que les roches trappéennes doivent à la présence d’un feldspath en quantité plus ou moins consi- dérable, leur disposition en gradins ou leur tendance prisma- toïde. ^ Note sur un singe probablement subfossile ; par M. E. Dufour. La modeste collection de géologie et de minéralogie du pen- sionnat Saint-Joseph, tenu à Nantes par les frères de la doc- trine chrétienne, renferme une pièce qui m’a paru extrême- ment singulière et curieuse, et que j’ai photographiée en vue de soumettre la question de son origine au jugement de mes savants confrères de la Société géologique. C’est une tête de singe engagée, ainsi que la patte, dans un bloc mesurant 19 centimètres de hauteur sur 10 centimètres de largeur, et qui paraît etre un conglomérat, caverneux et friable, de sable et de détritus coquillier, dont la formation sous-marine est attestée par les nombreux tubes de serpules, très-visibles dans le dessin photographique, qui le recouvrent,' éloignant en même temps toute idée de supercherie. Mais ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que la peau brune- et comme tannée, est conservée sur les doigts et sur la face, où des lambeaux soulevés se voient très-bien au bord de la cavité orbitaire. Malheureusement, la provenance de cette pièce est tout à fait inconnue. Elle fut achetée autrefois à Nantes, avec d’autres objets d histoire naturelle, après la mort d’un ancien médecin, dont les papiers n’ont pu fournir aucune indication. S il m était permis d emettre humblement mon opinion, je pencherais à croire qu’elle ne remonte point au delà de l’épo- NOTE DE M. RAULIN. que moderne, et que sa fossilisation est analogue à celle des squelettes humains trouvés naguère à la Guadeloupe. C’est ce que sauront décider sans doute nos savants paléon- tologistes, à l’inspection des photographies jointes à cette com- munication, et qui sont éclairées, à dessein, de deux côtés dif- férents, et surtout d’après l’examen des épreuves stéréosco- piques dont l’effet de relief est saisissant. M. P. Gervais fait remarquer que la figure mise sous les yeux de la Société est évidemment celle d’un singe améri- cain, ce dont il est facile de juger à l’écartement des narines. Il croit qu’avant, d’émettre une opinion sur cette pièce, il faudrait la voir en nature et non sur une simple photogra- phie qui ne permet pas d’en juger le mode de formation . M. Raulin présente sa carte géologique de l’île de Crète et fait la communication suivante : De l'opinion de L. Cordier sur les Ophites des Pyrénées ; par M. V. Raulin. Ce n’est pas avec un médiocre étonnement que, en recevant il y a environ trois semaines, le Bulletin T. XXV, feuilles 42 à 55, j’ai vu dans un mémoire intitulé : Ophites des Pyrénées : leur origine sédimentaire et métamorphique , M. le docteur Garri- gou dit, dès la première page (724): « Cordier, etc., n’avaient « pas hésité à soutenir contre Dietrioh, Grateloup, Borda d’Oro «que i’ophite n’était pas due aux feux souterrains, que c’était « un grunstein et non pas un basalte. Palassou et Cordier « avaient même émis l’opinion que le grunstein semblait se « comporter comme un terrain de dépôt; » enfin corroborer ce « dire, p. 727-732, et surtout ainsi, p. 733 : « les passages « insensibles de l’opbite aux argiles et aux calcaires qui les « renferment me semblent constituer l’un des faits les plus « concluants que l’on puisse invoquer en faveur de la nature « non éruptive de Tophite; je donnerai textuellement l’opinion « de Cordier à ce sujet, opinion rapportée et admise par Palas- « sou (suite de la citation). » Il n’y a qu’un malheur, c’est que dans le passage emprunté à peu près textuellement à Palassou, celui-ci attribue à L. Cor- dier une opinion diamétralement opposée à la sienne, sur des 748 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. roches au sujet desquelles il n’avait encore rien écrit. En effet; dans le travail cité, le Mémoire sur les substances minérales dites en masse qui entrent dans la composition des roches volcaniques de tous les âges , (inséré dans le Journal de Physique , en 1816, et dont le tirage à part comporte 87 pages in-4°), L. Cordier, ainsi que je l’ai vérifié soigneusement, n’a rien dit qui ait trait spéciale- ment aux ophites des Pyrénées, puisqu’il ne les nomme même pas. Le passage imparfaitement cité et encadré par Palassou dans un alinéa de la page 241 de la Suite des mémoires (1819), et qui est emprunté aux pages 288-9 (32) de L. Cordier, a seu- lement rapport aux roches désignées vaguement en 1816, sous les noms de pêtrosilex , de trapp et de cornèenneq roches sans analogie avec les ophites des Pyrénées, et dans lesquelles L. Cordier, comme beaucoup de géologues postérieurs, vovait déjà des assemblages hétéroclites de roches noires compactes, les unes massives et les autres stratifiées, dont les éléments minéralogiques sont indiscernables au microscope. Ainsi que je l’ai déjà fait remarquer à la Société, le 4 no- vembre 1861 : « M. Cordier se mêla peu, trop peu, à nos dis- cussions, car depuis l’apparition de la Géographie minéralogique des environs de Paris , en 1811, il sembla suivre d’un peu loin et sans s y mêler beaucoup, les progrès de la géographie géo- logique. » Aussi, n’est-ce pas toujours par des publications personnelles que l’on peut connaître ses opinions, mais sou- vent, soit par ses carnets de voyages, soit par les publications de ceux qui l’approchaient et qui avaient pris à tâche de ré- fléter sa pensée. Au premier point de vue, c’est en 1822, dans une de ses tournées d’inspecteur des mines, que L. Cordier étudia, à peu près pour la première fois, en géologue, les Pyrénées et leurs dépendances. Son carnet de notes est peu détaillé; cependant on y voit une coupe d’une colline d’ophite, située au S. S. E. de Salies-de-Béarn, laquelle ne permet pas de supposer qu’il n ait pas regardé cette roche comme massive et par consé- quent, d’origine ignée. Au second point de vue, en 1834 et 1835, il y a 34 et 35 ans, je suivais les cours de L. Cordier au Muséum pour la première fois, et comme mon cahier de notes de cette époque en fait oi, il considérait la Lherzolite comme une roche non strati- oime, et les roches amphiboliques (amphibolithe, kersanton et îorite), comme des matières, soit en amas et filons transver- saux, soit primitives stratifiées. NOTE DE M. RAÜLIN. 749 De 1842 à 1848, M. Ch. d’Orbigny a publié un Dictionnaire universel d'histoire naturelle dans lequel de nombreux articles donnent des descriptions sommaires de toutes les roches, dont la rédaction, faite d’après les notes qu’il avait prises aux cours des années précédentes, avait été contrôlée parL. Cordier lui- même. Voici ce qu’on lit, t. V, p. 43 (1845), article Diorite : « Il a reçu bien des noms différents, tels que ceux de Gruns- « sein, d’Ophite, d’Aphanite, de Trapp et de Cornéenne. Les « roches vertes des Pyrénées, que Palassou d’abord, et ensuite « MM. de Charpentier et Dufrénoy ont nommées Ophites, ap- « partiennent à l’espèce de roche que nous décrivons ici. Cette « roche, de formation ignée, se rencontre assez abondamment « dans la nature... Elle forme des amas, des filons ou même « des couches subordonnées (dans les terrains primitifs). » En 1853, je soumettais à l’examen de L. Cordier, des échan- tillons des ophites des environs de Dax étudiées sur place par lui à cinq reprises différentes, de 1822 à 1843. Il n’y voyait tou- jours que des roches ignées et pensait, comme il est dit, p. 70 de la thèse pour le doctorat soutenu à Paris, par M. Delbos, à la fin de 1854 : « Que les unes sont principalement composées « de pyroxène et d’hypersthène, et que les autres sont formées « de pyroxène et d’amphibole. D’après cela, il paraîtrait que u le pyroxène joue le rôle principal dans la composition de « l’ophite, ce qui viendrait à l’appui de sa réunion aux lher- « zolithes proposée par M. Dufrénoy. » Enfin, en juillet 1868, M. Ch. d’Orbigny a publié une Descrip- tion des roches composant l’écorce terrestre , « à l’aide des manus- « crits laissés par M. Cordier, et des nombreuses notes que « les fonctions d’aide-professeur et de collaborateur de cet il- « lustre géologue durant vingt-huit années, lui ont permis de « recueillir a ses cours de géologie du Muséum. » Voici ce qu’on trouve dans cet ouvrage (que j’ai moi-même lu atten- tivement deux fois, en manuscrit et en épreuves), au sujet d’abord de diverses roches désignées collectivement sous le nom d ’ Ophites dans les Pyrénées, et ensuite de Rersanton, et de l’origine des terrains primitifs. Lherzolithe , p. 121. « La Lherzolithe forme dans les Pyrénées, notamment au bord du lac de Lherz (Ariége), de petits enclaves transversaux et pyrogènes dans les terrains jurassiques. Lherzoline , p. 128. « La Lherzoline a le même gisement que la Lherzolithe. Elle se trouve dans les Pyrénées (Lhercoul, entre 750 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. Vicdessos et l’étang de Lherz, etc.), et dans le Tyrol, où elle forme de petits fîlons-dykes. Amphibohthe , p. 444. « L’amphibolithe sans délit ne contient presque jamais de minerais accidentels ; elle forme des enclaves transversaux, des dykes dans les terrains crétacés supérieurs et tertiaires inférieurs. Exemple : environs de Bagnères-de- Bigorre (Hautes-Pyrénées), etc. Diorite, p. 146. « Le diorite offre deux gisements bien dis- tincts, suivant qu’il est stratiforme ou sans délit. Diorite sans délit. Forme des enclaves transversaux, des dy- kes oes filons, notamment dans les terrains primitifs et dans les terrains siluriens et dévoniens. Toutefois, il y a des diorites sans délit beaucoup plus récents; tel est, par exemple, le Dio~ rite, souvent épidotifère, des Pyrénées (Ophite de Palassou). Uuelques géologues pensent que l’épancbement de celte der- nière rocne a eu lieu vers la fin de la période tertiaire ; mais , apres des observations faites et publiées par 31. Raulin [Comptes rendus deP Académie des sciences, 1862, t. LV p. 669). la roche dont il s’agit serait un peu plus ancienne. En effet* M. Raulin a constaté que les débris de ce diorite s’observent non-seulement dans la molasse du miocène supérieur, mais encore dans les couches moyennes des terrains crétacés. Kersanton, p. 202. « Le Kersanton constitue, soit des enclaves transversaux, soit des filons dykes dans les terrains primitifs et dans les terrains sédimentaires anciens. Et enfin, p, 429 . « La formation du sol primitif de cette grande enveloppe (écorce terrestre), composée d’assises cris- tallines, s explique naturellement par le refroidissement origi- éprouvîf ))SUCCeSSlf que la masse terrestre a graduellement Il ressort sans conteste de ces diverses citations : 1» que des que L. Cordier a eu étudié les Ophite, des Pyrénées, il a 6t f,rofessf t’opimon qui les considère comme des roches, ignées d epanchement. 2° Que M. Garrigou, voulant rappeler les opinions des au- urs qui ont piécéde dans l’étude de ces roches, n’aurait pas du se contenter des dires de Palassou, imprimés en 1819 quelques conformes fussent-ils à son opinion, mais bien avoS recours, soit aux publications personnelles de l’illustre auteur de 1 Essai sur la température de l’ intérieur delà terre, soit à celles faites sous les auspices et par l’intermédiaire de ceux qui pou- vaient le mieux connaître ses opinions, M. Ch. d’Orbigny et NOTE DE M. DE SA PORTA. 75i moi-méme, ses aide-naturaliste et préparateur au Muséum pendant 28 et 8 années. Toutefois, je n’en dois pas moins déclarer en terminant, que je suis en parfait accord avec M. Garrigou pour placer L. Cor- dier au nombre « des observateurs dont les descriptions géo- a logiques sont toujours d’un grand poids dans la science. » M. Piette donne lecture d'une lettre de M. Noguès, qui réfuté les assertions de M. Garrigou relativement aux ophi- tes, et déclare persister dans les conclusions de son précé- dent travail sur le même sujet. M. Jacquot dit qu’il s’associera de grand cœur à toute protestation contre des travaux ayant pour objet de con- tester l’origine éruptive des ophites. M. Raulin cite l’ophite du Pouy-d’Arget, près de Dax, dont le grain est noir, fin et tout à fait basaltique d’appa- rence. M. de Saporta fait la communication suivante, en pré- sentant la troisième partie de ses études sur la végétation tertiaire du sud-est de la France. r La troisième partie de mes Etudes sur la végétation du S. E. de la France à l’époque tertiaire , que j’ai l’honneur de vous pré- senter termine, sauf un supplément qui viendra plus tard, la série des flores fossiles échelonnées depuis l’éocène supérieur et l’âge des Paléothériums jusqu’à l’horizon de Y Hélix Ramondi et du Rhinocéros minutus , qu’il m’a été donné d’observer dans la région méditerranéenne. J’arrive ainsi à relier intimement et de la manière la plus heureuse, la série des plantes tertiaires recueillies en France avec celles 'que M. Heer a décrites et qui proviennent des divers étages de la mollasse suisse. La série provençale commence bien avant la série helvétique; mais elle s’arrête plus tôt, et les espèces les plus récentes de ma troisième partie me paraissent devoir être rangées à peu près à la hauteur de celles d’Eriz en Suisse, qui sont plus anciennes que les plantes du riche dépôt d’QEningen. Je dois à mes re- cherches une grande partie des espèces que je décris et dont beaucoup sont nouvelles; j’ai eu soin, particulièrement dans les volumes précédents, d’indiquer l’origine de celles qui m’ont été libéralement communiquées et qui existent dans 752 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. d’autres collections que la mienne. Les espèces qui font par- tie de ma collection n’ont été, peut être à tort, l’objet d’au- cune note spéciale. Je suis pourtant redevable de plusieurs d’entre elles au zèle persévérant de mes compagnons de course; je les prie de recevoir ici mes remerciements pour un zèle qui ne m’a jamais fait défaut. Mes travaux et mes recher- ches ont été trop particulièrement associés à ceux de mon ami M. Matheron, notre collègue, pour que son nom ne soit pas prononcé ici. C’est à lui que je dois», non-seulement la con- naissance première, mais la série entière des espèces de la dernière de mes flores, celle des argiles du bassin de Marseille ; si j ai gardé le silence sur cette circonstance ainsi que sur le gisement géologique des empreintes elles-mêmes, c’est que ces détails devaient tenir place dans le grand travail d’ensemble sur les terrains d’eau douce crétacés et tertiaires du midi de la brance, que prépare actuellement mon ami, et dont la pu- blication est attendue de jour en jour; mon silence à cet égard pourrait paraître singulier, s’il ne s’expliquait par un sentiment de délicatesse basé sur la crainte d’enlever quelque chose de sa nou\eauté à une œuvre aussi sérieuse et aussi impatiemment souhaitée. Des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur l’ayant forcé d’ajourner encore, je ne saurais attendre moi-même l’occasion d’un supplément dont la rédaction est nécessairement subordonnée à bien des circonstances, pour exprimer devant mes collègues combien le concours de M. Ma- theron, concours fondé à la fois sur l’affection et la commu- nauté de vues, m’a été indispensable dans l’achèvement d’une œuvre que lui seul a pu me rendre accessible, en me donnant la clef des phénomènes stratigraphiques qui s’y rattachent. M. de Saporta fait la communication suivante : « Sur l'existence de plusieurs espèces actuelles observées dans la flore pliocène de Meximieux (Ain) ; par le comte Gaston de Saporta. Les changements qui se sont opérés dans la nature vivante et qui ont modifiée de période en période, en substituant de nouveaux êtres à ceux qui existaient auparavant, n’ont jamais eu lieu qu avec lenteur et par des degrés successifs, dont il est malheureusement impossible de retrouver tous les termes. Ce qui prouve qu’aucun changement brusque et radical n’est ja- NOTE DE M. DE SAPORTA. 753 mais venu remplacer un ensemble préexistant par un autre, c’est qu’on n’aperçoit de différence tranchée entre deux faunes ou deux flores consécutives que lorsque des lacunes se mani- festent dans la série des dépôts qui les renferment, soit par le défaut de liaison intime entre les diverses parties du terrain que l’on observe, soit par l’absence de vestiges fossiles dans l’espace vertical correspondant à la lacune. Il est donc exact de dire que les liens et les transitions se multiplient à mesure que les vides se comblent, et en raison même de la richesse des documents que l’on possède. L’étude des flores fossiles que j’ai observées dans le midi de la France à travers plusieurs étages contigus, m’a confirmé dans cette opinion dont la vérité se dégage de plus en plus, à mesure que l’on perfectionne les diverses branches de la pa- léontologie. Mais, s’il est d’un grand intérêt de reconstituer cette chaîne des êtres coordonnés entre eux et se succédant les uns aux autres, suivant des lois que la science parviendra peut-être à analyser, malgré leur extrême complexité, il est d’un plus grand intérêt encore de rechercher comment les êtres actuels se sont introduits sur la scène du monde, et en particulier à quelle époque et dans quelles circonstances les espèces végé- tales que nous avons encore sous les yeux ont commencé à revêtir l’apparence que nous leur connaissons? Sont-elles ve- nues en masse, ou se sont-elles glissées isolément, et dans quelle proportion? à quelle catégorie de plantes étaient-elles asso- ciées dans l’origine, et comment se sont-elles graduellement substituées à celles qui les ont immédiatement précédées? Enfin, quelle était dans ces premiers temps leur distribution géographique, et cette distribution est-elle en rapport avec celle d’aujourd’hui? En dernier lieu, ces espèces sont-elles réellement demeurées immuables, depuis le premier moment où il est possible de contrôler leur présence, et ne se lient- elles pas plus eu moins à des formes antérieures dont elles pourraient être issues par voie de filiation? Telles sont les ques- tions que soulève et résout en partie l’étude de la flore des travertins pliocènes de Meximieux, dont je vais esquisser les traits les plus saillants et les principaux caractères. La première connaissance des végétaux fossiles de Mexi- mieux est due à M. Albert Faisan, qui m’en communiqua des échantillons en 1859. Les échantillons furent soumis l’année suivante à l’examen de M. Gaudin, de Lausanne, bien connu Soc. géol,y 2e série, tome XXVI. 48 754 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. par ses travaux sur les plantes fossiles d’Italie. Dans son mé- moire sur les travertins toscans, publié en mars 1860, ce sa- vant signala quelques plantes de Meximieux (voy. Contrib. à la fl. foss. italienne, 4e Mémoire, Travertins toscans, par Ch. Th. Gaudin et le marquis C. Strozzi, ext. du t. XVIII des nouveaux mém. de la Soc. helvétique). 11 regardait alors ce dépôt comme quaternaire, et crut y rencontrer le Populus Fraasii , Heer, le Cercis siliquastrum et Y Acer pseudoplatanus , var. paucidentatum à côté de Y Oreodaphne Heerii, Gaud. L’opinion de M. Gaudin n’était fondée qu’en partie; les tufs de Meximieux , comme on le verra, sont bien plus anciens que ceux de Provence, de Kannstadt et de Montpellier, et s’ils présentent des traits de liaison et des espèces communes avec ceux de Toscane, c’est que probablement ceux-ci, en partie au moins, devront être reculés plus loin vers le pliocène, que ne le pensait le regret- table M. Th. Gaudin. Quoi qu’il en soit, M. Gaudin, en 1861, fit connaître la loca- lité de Meximieux à son ami M. Gustave Plancbon, alors pro- fesseur extrordinaire de botanique à l’Académie de Lausanne. Celui-ci alla sur les lieux à la fin de la même année et en rapporta une collection qui lui permit de constater la présence de plusieurs espèces nouvelles ou éteintes, comme le Glyptos- strobus europœus, un Cary a voisin du Cary a alba, plusieurs Lau- rinées , un llex presque semblable à 17. balearica, etc. C’est cette même collection que M. Gustave Planchon, éloigné for- cément de l’étude des plantes fossiles par les fonctions qu’il occupe à l’École supérieure de pharmacie de Paris, a bien voulu me confier pour en déterminer les espèces. Je me suis alors adressé de nouveau à M. A. Faisan, bien connu par son ouvrage monographique sur le mont d’Or lyonnais et ses dêpen- pendances, publié en collaboration avecM. A. Locard, et qui, étant sur les lieux, se trouvait à même plus que personne, de re- cueillir des matériaux assez nombreux pour compléter ceux qui sont dus à M. Planchon. M. A. Faisan attachait d’ailleurs de l’importance à ce que l’étude des végétaux fossiles de Meximieux pût servir à déterminer exactement l’horizon géo- gnostique de cette localité, et des formations très-étendues au milieu desquelles elle est intercalée comme un simple acci- dent. En effet, la position véritable des formations supérieures à la mollasse marine à Ostrœa crassissima, dans le bassin lyonnais et le bas Dauphiné, est loin d’être fixée. Il suffit de passer en NOTE DE M. DE SAPORTA. 755 revue les opinions divergentes des géologues qui en ont tenté le classement pour en constater la confusion; une seule chose ressort évidemment de leurs recherches, c’est qu’au dessus de la mollasse miocène, dans la partie du département de l’Ain qui confine au territoire de Lyon, se présente un vaste ensem- ble de dépôts marno-sableux et caillouteux, avec lignites et calcaires concrétionnés intercalés, dont les tufs de Meximieux font certainement partie et qui se lient aux dépôts de même nature qui comprennent, dans le bas Dauphiné, les lignites de la Tour-du-Pin. M. A. Faisan, dans sa monographie, range avec quelque hésitation tous ces terrains, et par conséquent la flore de Meximieux, dans le miocène supérieur, et sauf des interca- lations qui lui paraissent correspondre à des accidents litto- raux, il leur reconnaît une origine fluvio-marine. Au-dessus, et par conséquent dans un étage distinct qu’il regarde comme représentant le pliocène, il place les sables ferrugineux de Tré- voux à dents de Mastodon arvernensis , Croiz. et Job., et dissimi- lis Jourd. L’examen auquel je viens de me livrer tend évidem- ment à modifier ces conclusions, que M. A. Faisan était loin, du reste, de considérer comme définitives, en rapprochant sen- siblement l’âge des formations supérieures à la mollasse dont les tufs de Meximieux font partie, de celui des sables de Tré- voux. Quoiqu’il soit évidemment possible de concevoir, dans ce vaste ensemble, des parties plus anciennes et d’autres plus récentes, une faune de coquilles terrestres et d’eau douce sen- siblement pareille, sert de lien à toutes les localités, et je ci- terai parmi ces espèces une très-belle clausilie, Clausilia Ter- verii , Mich. qui abonde à Meximieux; ce sont là, il est naturel de le croire, des formations postérieures au retrait définitif de la mer qui avait occupé si longtemps la vallée du Rhône, dont les dépressions furent alors remplies par des eaux douces, lacustres ou fluviales, et çà et là, par des dépôts concrétion- nés, dus à l’action des sources qui durent s’écouler avec abon- dance sur bien des points émergés, car les calcaires caverneux et travertineux indiquent toujours, lorsqu’ils se forment en masse, l’effet des eaux jaillissantes coulant avec rapidité sur un plan plus ou moins incliné. 11 est aisé de s’en assurer par l’examen des tubes de phryganides, dont ces sortes de roches sont ordinairement criblées, et dont M. Gustave Plancbon a si bien déterminé la nature dans “son Mémoire sur les tufs de Montpellier . L’attribution à l’âge pliocène des tufs de Meximieux ressort 756 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. de toutes les recherches que j’ai pu faire. Le Val d'Arno spé- cialement, m’a fourni des points de repère d’une grande im- portance, à cause des flores échelonnées à divers niveaux suc- cessifs qu’on y rencontre, et des mammifères associés à cha- cune d’elles, qui permettent d’en fixer l’âge relatif avec sûreté, à la base extrême de cette formation, dans des argiles bleues avec mastodon angustidens (1) et mastodon pyrenaicus , par con- séquent déjà à la hauteur du miocène supérieur, ou rencontre une première flore à peu près semblable à celle d’OEnigen ; plus haut, à 30 ou 40 mètres de distance verticale, on observe, dans des argiles brûlées par la combustion des lignites, une deuxième flore plus moderne, mais plus riche que la précé- dente, puisqu’elle compte au moins 50 espèces décrites. Sur ce nombre, la moitié environ se retrouve dans le miocène de Suisse ou d’Allemagne, tandis que 5 seulement existent à Meximieux, et sur ces 5, quatre sont des espèces qui se mon- trent aussi dans le miocène , et dont l’extension verticale est par conséquent très-grande. En outre, la flore des argiles brûlées ne renferme que des espèces éteintes, tandis que celle de Meximieux comprend déjà une certaine proportion d’espèces trop analogues à celles qui vivent encore, pour en être dis- tinguées autrement qu à titre de simples variétés. Mais bien plus haut que les argiles brûlées, à 116 mètres au-dessus de la base, on rencontre, dans le Val d’Arno, un conglomérat fer- rifère à éléments menus, nommé Sansino , recouvert de sables jaunes, associés à des lignites et à des tufs, comme auprès de Lyon ; ces dépôts supérieurs contiennent à la fois, des osse- ments de mammifères et des empreintes de plantes. Les ani- maux bien connus sont le Mastodon arvernensis , Croiz. et Job , 1 Elephas mendionalis, Y Hippopotamus major , le Rhinocéros lep~ torhinus (2) et des restes de Sus , Tapirus , Hyœna . F élis, Cervus c’est-à-dire une faune franchement pliocène, sensiblement analogue à celle des sables supérieurs de Montpellier, et au dépôt du Riège ou Saint-Martial, près de Pézenas, qui ren- ferme aussi des tufs intercalés avec Y Elephas meridionalis ; mais (1) Ces attributions ont depuis été révoquées en doute par M. Gaudin ui-meme; mais la nature des espèces végétales rencontrées dans les ar- giles bleues oblige de ranger cette couche sur un horizon qui, en tous cas mem é? r treS"PeU ^ 1 ^ ^ mastodon an9^tidens. (Note ajoutée au mo- ment de l’impression.) (2) C'est le Rhinocéros Uerkii. Cf. Larlet. In Ann. sc. naturelles. NOTE DE M. DE SAPOKTA. 757 ce dernier dépôt est probablement plus récent que le premier et que le Sansino proprement dit. Les végétaux que l’on rencontre sur cet horizon dans le val d’Arno, ont le plus grand rapport avec ceux de Meximieux. On observe des deux paris, en fait d’espèces tertiaires : le Glyptostrobus europœus, le Liqui - dambar europæum , et le Platanus aceroides ; en fait d’espèces pliocènes caractéristiques : le Carya Massalongi , Gaud., YOreo- daphne Heerii, Gaud., et une forme très- voisine de Y Acer Sis - mondœ du même auteur; en fait d’espèces vivantes, le Laurus canariensis, Webb.il existe donc une liaison trop évidente entre les deux flores, malgré la distance qui les sépare, pour ne pas être tenté de les ranger à la fois, sur le même horizon géognos- tique, c’est-à-dire vers le Pliocène moyen, niveau encore in- connu en France au point de vue phythologique , et qui vient justement de me révéler des résultats aussi curieux qu’inatten- dus pour cette époque. Le point de vue que j’adopte tend, comme je l’ai déjà dit, à rapprocher les tufs de Meximieux des sables incontestable- ment pliocènes de Trévoux, puisque ceux-ci, comme le sansino et les sables de Montpellier renferment le Mastodon arvernensis ; j’ajouterai que dans la partie supérieure des sables de Mont- pellier, vers le Jardin des plantes, sur un point très-voisin du Palais de justice, M. Martini a recueilli dernièrement des em- preintes de plantes, et parmi elles, YOreodaphne Heerii , qui se trouve également à Meximieux et dans le val d’Arno. Gomme pour confirmer encore mieux cette position assignée à Meximieux, l’opinion de mon ami, M. Matheron , est, qu’il existe, dans le bas Dauphiné, ainsi qu’aux environs de Lyon, au-dessus de la mollasse miocène, un étage marin bien distinct et encore peu connu, qui viendrait se placer sur l’horizon d’Asti , comme les sables jaunes de Montpellier, et auquel aurait succédé le vaste ensemble des formations d’eau douce dont les tufs de Meximieux font partie. Toutes ces considérations amènent donc au même résultat; nous serions ainsi en présence d’un dépôt travertineux plio- cène immédiatement postérieur à l’Astésan, soit contemporain des sables de Trévoux, soit à peine antérieur à eux; et ce se- rait après le retrait définitif de la mer de la partie supérieure de la vallée du Rhône, qui formait jusque-là un golfe sem- blable à l'Adriatique actuelle, que se serait développée la riche végétation dont je vais parler. Ce sont évidemment les dépouilles d’une grande forêt que 758 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. les eaux inscrustantes de Meximieux nous ont conservées. Grâce a la bienveillance de M. Planchon, aux explorations ré- pétées de M. A. Faisan, ainsi qu’à l’aide active de M. Marion , préparateur attaché à la Faculté des sciences de Marseille, qui réunit en ce moment les matériaux d’un travail d’ensemble sur les modifications successives de la faune et de la flore, à partir des derniers temps tertiaires, j’ai pu déterminer 31 es- pèces, dont une seule des sables de Trévoux et les autres de Meximieux. Je vais les passer en revue, non pas dans un ordre méthodique, mais en les partageant en trois catégories bien distinctes et trèsTnégales. La première comprendra les es- pèces miocènes, la deuxième, les espèces éteintes pliocènes, soit déjà connues, soit particulières à Meximieux, et par con- séquent nouvelles; la dernière enfin, les espèces encore vi- vantes ou qui diffèrent trop peu de celles-ci pour en être dis- tinguées autrement qu’à titre de races ou de simples va- riétés. Les espèces miocènes qui existaient encore lors du dépôt de Meximieux étaient les moins nombreuses, mais non pas les moins importantes, car elles jouaient un rôle considérable dans la végétation d’alors. Ce sont les suivantes, au nombre de 7 : Glyptostrobus europœus , Heer, Ficus tiliœfolia, Heer, Fia - tanus aceroides , Gœpp., Liquidambar europœum, Al. Br., Diospy - ros brachysepala , Heer, Liriodendron Procaccinii , Ung.. Acer in- tegrilobum, O. Weber. Quelques-unes de ces espèces, comme le Glyptostrobus euro- pœus et le Liquidambar europœum se sont montrées en Europe à partir du miocène inférieur; d’autres, à partir seulement du miocène moyen ou supérieur. Toutes font partie de la flore de la mollasse suisse publiée par M. Heer. Cinq d’entre elles se trouvent signalées dans la flore de Bilin, récemment pu- îee par M. d Lttingshausen, et qui est encore incomplète. Cette flore où les Laurinées, les Ficus et même les Palmiers abondent, doit appartenir au miocène inférieur, en majorité au moins, car elle comprend plusieurs localités d’un âge peut- être assez différent. Ces mêmes espèces doivent donc être ran- gées parmi les mieux connues, et le fait de leur présence à Meximieux me paraît des mieux établis ; elles sont au nombre de celles dont l’extension géographique a été la plus grande à époque miocène. Quatre d’entre elles, savoir : le Glyptostrobus europœus , le Platanus aceroides , le Diospyros brachysepala et le Liriodendron Procaccinii , ont été rencontrées dans les régions NOTE DK M. DE SAPORTA. 759 polaires miocènes ; le Liquidambar europœum n’a pas été en» eore observé à d’aussi hautes latitudes, mais il a été signalé sur un très-grand nombre de points de l’ancienne Europe. Ainsi, les espèces qui ont possédé à un moment donné l’aire la plus vaste, ont été aussi celles dont la durée paraît avoir été la plus longue. Ces espèces ont disparu depuis du sol de l’Europe, où au- cune forme ne les représente aujourd’hui; mais en dehors de notre continent, en Amérique et en Asie , il existe des formes qui s’en rapprochent plus ou moins, et quelquefois en repro- duisent les principaux traits avec une fidélité étonnante. Ainsi, le Glyptostrobus europœus répond au Glyptostrobus heterophyllus (Chine et Japon), le Platanns aceroides au P. occidentalisé L., (Amérique), le Liquidambar europœum au L. styracifluum (Amé- rique), le Diospyros brachysepala au D. lotus (Asie occidentale), le Liriodendron Procaccinii au L. tulipifera (Amérique), Y Acer integrilobum à Y Acer sempervirens (Asie occidentale). On voit que les formes actuelles correspondant à ces formes miocènes existent, soit en Asie, soit en Amérique; celles qui appartiennent à ce dernier continent diffèrent à peine des es- pèces tertiaires homologues, dont elles paraissent directement dérivées-: La deuxième catégorie comprend 15 espèces (près de la moitié du nombre total), jusqu’ici exclusivement pliocènes, et quelques-unes très-caractéristiques de cette période. J’énu- mère d’abord celles qui ont été déjà décrites par divers au- teurs; elles sont au nombre de cinq : Quercus subrobur , Oiæpp. vTerl. Fl. von Schossnitz, p. 16, tab. vu, fig. 7-10), Fagus at- ténuât a, Gœpp. (Ihid.pag. 18, tab. v, fig. 9), Populus leucophyUa Ung. (Th. Gaud., Mém. sur quelques gisements de feuilles fos- siles, etc., p. 29, pl. iv, fig. 1-5, et pl. xn, fig. 4), Oreodaphne Heervi , Gaud. (Ibid. p. 35, pl. x, fig. 4-9, et pl. xi, fig. 1-7), Car y a Massalongi ( Pterocarya Massalongi , Gaud. Ihid. p. 40, pl. vm, fig. 16, et pl. ix, fig. 2). Quelques-unes mériteraient de nous arrêter plus ou moins longtemps. Je me contenterai de dire que le Quercus subrobur se rapproche plus de certains chênes exotiques que de notre Q. robur par ses lobes peu prononcés, sa base atténuée, ses nervures obliques et peu nombreuses, que le Fagus attenuata, qui provient des sables de Trévoux, pourrait bien ne pas diffé- rer de notre F. sylvatria , s’il était mieux connu, que le Populus leucophylla semble tenir à la fois de notre P. canescens et du 760 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. P. grandidentata d’Amérique, et qu’enfin 1 ’Oreodaphne Heerii, dont M. Gaudin avait recueilli de nombreuses empreintes en Toscasne, est construit sur un type très-peu différent de l'Oreo- daphne fœtens, Nées, des îles Canaries, tandis que le Carya Mas- salongi. dont il existe à Meximieux des folioles encore réunies au pétiole commun, offre une ressemblance évidente avec les Carya alba, Nutt. et tomentosa, Nutt. d’Amérique; M. Planchon avait déjà remarqué cette dernière analogie, qui cependant ne va pas jusqu’à l’identité. Les espèces nouvelles fixeront davantage notre attention. Comme les précédentes, elles se rattachent, par des liens plus ou moins étroits, à des formes actuellement canariennes, amé- ricaines ou asiatiques; d’autres, en plus petit nombre, sont encore représentées en Europe par des espèces qui pourraient bien en être les descendants directs et dont elles se distin- guent très-peu. Celles-ci servent de transition vers la dernière de nos trois catégories. Les espèces de Meximieux qui me pa- raissent nouvelles sont au nombre de 10 : je les ai désignées ainsi qu il suit : Bambusa lugdunensis, Quercus prœcursor, Quer- cus submrens, Humulus palœolupulus, Populus anodonla, Persea amphfolia, Persea assimilis, Magnolia fraterna, Vitis subinteqra, Acer latifohum. Passons-les rapidement en revue. Bambusa lugdunensis. Les feuilles de cette plante abondent à Meximieux, couchées l’une sur l’autre dans le plus grand désordre, elles encombrent certains blocs; leur caducité si rare parmi les monocotylédones, mais caractéristique chez 'les Bambusées, est attestée par la présence d’un pétiole distinct qui devait etre articulé sur la partie vaginale de la feuille. En dehors meme de cette particularité déjà si saillante , la par- faite conformité de tous les caractères de forme et de nerva- tion, permet de donner cette attribution comme tout à fait gitime; elle est d’autant plus curieuse, que la plupart des attributions du même genre sont, au contraire, d’une nature tres-incertaine. Il est singulier de trouver pour la première fois un vrai bambou , non pas dans les terrains anciens, mais au sein d un etage tertiaire récent. Les feuilles du B. lugdu- nenm ressemblent beaucoup à celles du B. arundinacea, L„ seu- lement, leur dimension est plus petite de moitié et se rappro- che de celle des Arundinaria, particulièrement de VA. metah • es Arundinaria sont, du reste, à peine distincts des vrais bam- bous et il est impossible de savoir si l’espèce fossile faisait partie p utot de ceux-ci que des premiers. Ses tiges, dont on observe NOTE DE M. DE SAPORTA. 761 des empreintes, mesuraient 3 à 3 1/2 centimètres en dia- mètre ; elles constituaient donc, dans tous les cas, un Bambou de petite taille. Quercus prcecursor . Les feuilles de cette espèce, très-répandues à Meximieux, diffèrent assez peu des variétés du Quercus ilex à bords entiers ; leur dimension est cependant bien supérieure, puisqu’elles sont ordinairement longues de 6 à 8 centimètres, y compris le pétiole. Leur contour est évidemment plus allongé, leurs nervures secondaires plus nombreuses, et émises sous un angle plus ouvert. Cependant il existe des exemplaires qu’il serait difficile de distinguer des formes correspondantes du Quercus ilex. Parmi toutes les feuilles de cette espèce qu’il m’a été donné d’examiner, je n’en ai remarqué aucune dontles bords ne fussent pas parfaitement entiers; la marge est légèrement repliée en-dessous; la face inférieure était probablement un peu cotonneuse; la supérieure, au contraire, très-glabre et très-lisse. Le gland qui figure à côté des feuilles appartient très-probablement à cette espèce ; il diffère de ceux du Quer- cus ilex par une forme plus ovoïde, moins cylindrique et plus atténuée au sommet. Cette espèce se rapproche du Q. integrifolia Gæpp. Schos- snitz. p. 14, tab. vi, fig. 8. Quercus subvirens. Fragments de feuilles annonçant une es- pèce à feuilles persistantes, allongées, atténuées inférieure- ment, très-analogues à celles du Quercus virens , dit d’Amé- rique, et, parmi les fossiles, du Quercus elœna , Ung.; mais ici le limbe est plus large. Humulus palœolupulus. Bractée membraneuse, sessile, na- turellement caduque, portant à sa base un petit fruit ovoïde ou du moins présentant la trace d’une cavité qui correspond à la saillie produite par le fruit, car la bractée semble présenter plutôt la face dorsale; les bords sont vaguement délimités, peut-être dentés çà et là; le fond est parcouru par des ner- vures assez peu visibles, qui partent de la base, tronquée carré- ment, et se ramifient de manière à produire une sorte de ré- seau, très-analogue, ainsi que tous les caractères visibles, à ce que montrent les bractées fructifères de VHumulus lupulus lorsqu’elles tombent et se dispersent à la maturité. La bractée fossile est plus grande, plus large, moins atténuée dans les deux sens et parcourue par des nervures plus nombreuses que les bractées de l’espèce actuelle, dont elle se rapproche évi- demment beaucoup. On ne saurait affirmer la réalité des dents 4 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. 762 qui paraissent garnir la marge. Les bractées de l’unique espèce vivante sont ordinairement très-entières; exceptionnellement elles sont dentées, surtout vers le haut. C’est la première fois que ce genre, aujourd’hui encore européen, se trouve signalé à l’état fossile. Poputus anodonta. Les feuilles de ce beau peuplier abondent à Meximieux. Elles sont obovales ou suborbiculaires, toujours entières le long des bords , ordinairement arrondies, mais quelquefois plus ou moins atténuées en coin, vers la base, qui porte deux glandes au sommet du pétiole. Ce dernier organe est assez long, et ne semble pas avoir été comprimé latérale- ment. Les nervures principales sont disposées de manière à ce que les inférieures, quoique ordinairement plus développées que les suivantes, ne se séparent d’elles par aucun intervalle appréciable, et sont plus ou moins suprabasilaires. Elles se replient le long de la marge, qui est souvent ondulée ou irrégu- lièrement sinuée, mais demeure toujours exempte de dente- lures. Le réseau veineux est très-fin, et les deux surfaces de- vaient être glabres et lisses. Ce Peuplier remarquable offre un rapport évident avec le Populus massiliensis , Sap. que j’ai si- gnalé dernièrement dans les argiles du bassin de Marseille. Il s’en distingue pourtant par plusieurs caractères de forme et de nervation qui doivent empêcher de les confondre. Il est également distinct du Populus Fraasii, Heer, des tufs de Kann- stadt, dont la base est cordiforme et les bords entiers comme ceux du nôtre. Le P. Fraasii rappelle beaucoup le P. hetero- phylla d Amérique, tandis que le P. anodonta se rapproche évidemment du P. laurifolia, Lebed., surtout en s’attachant aux plus larges feuilles de cette espèce de la Sibérie. L’espèce fos- sile s’en distingue par l’absence de dentelures, et par des ner- vures secondaires plus nombreuses, plus parallèles entre elles et moins repliées en avant, le long des bords. Persea amphfolia . Les feuilles de cette espèce sont très- larges ; le bord en est ondulé; la forme du contour ovale-lan- ceolé, les nervures principales saillantes sur la face inférieure. les présentent le type des Persea et se rapprochent visible- ment du Persea indica , Spreng. , des îles Canaries, dont elles diffèrent, cependant, par des nervures secondaires moins nom- breuses et plus recourbées; elles ont dû constituer une forme intermédiaire entre les Persea indica et carolinensis. Persea assimilis. Cette seconde espèce est tracée sur le mo- NOTE DE M. DE SAPORTA. 763 dèle du Persea carolinensis d’Amérique, dont elle diffère à peine par le contour plus allongé du limbe. Magnolia fraterna. Plusieurs feuilles entières et divers frag- ments, où le réseau veineux se laisse bien apercevoir, permet- tent de signaler la présence à Meximieux de cette espèce qui s’écarte à peine du Magnolia grandiflora actuel par les dimen- sions un peu plus petites du limbe dont le contour dessine une ellipse un peu plus allongée. Cette espèce ressemble aussi beaucoup au Magnolia Inglefiedii , Heer, des régions polaires miocènes. Les autres magnolia signalés à l’état fossile, entre autres les M. Dianœ et primigenia , Ung., de Radoboj et le M. crassifolia , Gœpp.,du miocène de Silésie, s’éloignent encore plus de celui de Meximieux. Vitis subintegra. Espèce très-curieuse et très-bien caractéri- sée, dont la détermination repose pourtant sur l’examen d’une seule feuille mutilée au sommet et sur l’un des côtés. La base est légèrement cordiforme, les côtés arrondis, le bord presque en- tier ; mais on y distingue à la loupe des dentelures à peine saillantes et fort espacées; elles sont faiblement rnucro- nées et correspondent aux principales nervures. L’espèce res- semble beaucoup au Vitis labrusca , L., d’Amérique, ainsi qu’au Vitis pallida , Wight et Arn., des Indes, et encore plus au Vitis parvifolia , Rexb. , de la même contrée. Ces espèces sont pour- tant plus distinctement dentées que celle de Meximieux. Il est presque impossible à l’état fossile de distinguer les Vitis pro- prement dits des C issus ; il se pourrait donc que cette espèce eût fait partie de ce dernier groupe; je dois faire ressortir son affinité avec les Cissus adnata et rufescens. Cette vigne pliocène n’a rien de commun avec les Vitis teutonica , Ung., et islandicay Heer; mais elle rappelle davantage les Vitis Olrïki et arctica , Heer, du Groenland miocène. Acer latifolium. Cet Érable n’est peut-être qu’une forme de Y Acer Sismondœ, Gaud., qui est fréquent dans le Pliocène d’Ita- lie, particulièrement dans le sansino et dans les travertins de Perolla et de San-Vivaldo. Il est analogue à YA.Lobelii de Te- ner qui habite l’Italie; on peut aussi le comparer à l’Érable de Naples (Acer neapolitanum, Ten.), race ou sous-espèce qui se lie à Y Acer opulifolium et se montre avec celui-ci dans les tufs qua- ternaires du midi de la France. Les espèces qui précèdent, malgré l’analogie plus ou moins étroite qui les lie à des plantes, soit exotiques soit indigènes, de l’ordre actuel, s’en distinguent cependant assez pour que l’on 764 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. ne soit pas tenté de les confondre avec elles; mais la dernière et la plus intéressante de nos trois catégories nous présente des espèces évidemment identiques avec celles que nous avons encore sous les yeux, ou du moins trop voisines de celles-ci pour pouvoir en être séparées à un autre titre qu’à celui de race ou de variété; cependant, il faut le dire, les divergences, mal- gré leur peu de valeur, ne laissent pas, dans plusieurs cas, que de pouvoir être appréciées. Les espèces qui correspondent trait pour trait à celles de Meximieux dont il va être question, présentent un ordre de distribution géographique sur lequel je dois insister, tellement il me paraît significatif. Ce ne sont point des espèces indiffé- remment répandues aujourd’hui dans toute l’Europe, mais au contraire, ce sont des espèces actuellement méridionales, ca- nariennes ou propres à la région méditerranéenne, mais dont aucune ne s’avance jusqu’à Lyon et n’y existe à l’état spontané, quoique quelques-unes puissent y être cultivées à l’air libre. La présence de ces espèces, auprès de Lyon, à l’époque où vi- vaient le Mastodon arvernensis , le Rhinocéros leptorhinus et VEle- phas meridionalis associés à des Tapirs, à des Cerfs, à des Che- vaux et à de grands carnassiers, indique donc une température bien supérieure à celle qui existe maintenant aux mêmes lieux. L’abaissement climatérique a été depuis lors très-marqué, et le retrait des essences alors indigènes dans l’Europe centrale a été bien considérable, puisqu’il faudrait maintenant redescendre jusqu’aux îles Madère et Canaries pour retrouver quelques-unes des espèces que je signalerai. Elles sont au nombre de 9. Woodwardia radicans , Cav. Cette fougère n’est pas rare dans le bassin de Ténériffe et de Palma; elle existe en Sicile, et s’a- vance en Italie et en Espagne jusqu’au delà du 43e degré. Les vestiges de cette espèce à Meximieux consistent seulement jusqu’ici en quelques lambeaux de pennes qui ne laissent pour- tant aucun doute au sujet de l’attribution générique. On aper- çoit un sore, sur l’un des échantillons, qui comprend la côte médiane d’un segment avec la partie inférieure de plusieurs lobes ou pinnules; un autre fragment montre la partie termi- nale d’une pinnule qui est finement acuminée et serrulée sur les bords. La disposition des veines est parfaitement conforme aux caractères de l’espèce actuelle, à laquelle il est difficile de ne pas réunir celle-ci. M. Heer a publié sous le nom de Woodwardia Rœmeriana ( Woodwardites Rœmerianus , Ung., Chl. protog., tab. 37, fîg. 4. — Ieonog., pl. foss. tab. 4, fig. 6-8), une fougère NOTE DE M. DE SA PORTA. 765 d’Eris qui se trouve aussi àRadoboj, et qui se rapproche telle- ment de l’espèce vivante, que le savant professeur a hésité à l’en distinguer; cependant, il fait remarquer que les pinnules ou lobes de l’espèce miocène étaient plus courts, moins acuminés et dentés vers le sommet seulement. Il y a aussi quelque dif- férence très-légère dans la disposition du réseau veineux. Par ses caractères visibles, l’espèce de Meximieux se rattache bien plus naturellement à celle qui vit encore dans le midi de l’Eu- rope qu’à la forme tertiaire. Laurus canariensis , Webb. Le Laurier des Canaries a été déjà signalé par M. Th. Gaudin dans plusieurs localités pliocènes d’Italie, notamment dans les sables jaunes à Elephas meridio- nalis du Yal d’Arno, dans les Travertins de Sano et de San-Vi- valdo, enfin dans les travertins, probablement quaternaires, de Lipari , où. il se trouve associé au Chamœrops humilis et au Quercus ilex. Je l’ai moi-même observé dans les tufs à Elephas antiquus des Aygalades près de Marseille, et dans ceux de Mey- rargues (Bouches-du-Rhône). Les exemplaires de Meximieux ne permettent pas de douter de la présence de cette espèce dans le Pliocène de France. Les exemplaires ne se distinguent par aucun caractère des feuilles actuelles des Canaries, et se rattachent aux formes les plus larges et les moins anciennes du Laurus primigenia , Ung., qui semble avoir précédé le Laurus canariensis en Europe; tandis que le Laurus nohilis, plus rus- tique que celui-ci, a dû le supplanter partout dans le cours de l’âge quaternaire. Laurus nobilis , L. Une empreinte unique, il est vrai, et mu- tilée aux deux extrémités, me paraît devoir être rapportée, sans invraisemblance, à cette espèce, encore indigène le long des cours d’eau de la Provence méridionale, dans la zone la plus voisine du littoral. Viburnum pseudo-tinus , nob. Les feuilles de cette espèce ne diffèrent de celles de notre Viburnum tinus que par leur ten- dance à devenir subcordiformes, à la base, tendance que l’es- sence actuelle accuse quelquefois, lorsqu’elle est très-vigou- reuse; les nervures secondaires de la forme fossile paraissent aussi un peu plus obliques, plus ascendantes et peut-être moins nombreuses; malgré tout, il semble que l’on a sous les yeux plutôt une variété qu’une espèce distincte. L’observation des fruits viendra peut-être éclaircir la question. Viburnum rugosum , Pers. ( V. strictumf Link.) Rien ne dis- tingue les feuilles de cette remarquable espèce de celles du 766 SEANCE DU 5 AVRIL 1869. V. rugosum ou Laurier-thym des Canaries, qui croît sur les rochers et les pentes agrestes de cet archipel, dans la région 1 aurifère. Nenum oleander , L. îl est impossible de ne pas reconnaître un Laurier-rose dans les feuilles de cette espèce, qui sont assez frequentes à Mexirnieux, et se distinguent par des caractères tellement conformes à ceux du N. oleander actuel qu’on ne saurait les en séparer. Les feuilles de Mexirnieux sont cepen- dant un peu plus obtuses au sommet que la majorité de celles du Nerium oleander , maïs l’aspect du tissu foliacé, sa consis- tance, sa nervation et la forme du pétiole sont exactement pa- ieils «ms deux parts; en sorte que l’on pourrait, au plus, regar- dei les empreintes de Mexirnieux comme dénotant une variété à laquelle on appliquerait le nom de Lugdunensis. Comparés à celui-ci, les autres Nerium fossiles, particulièrement les Ne- rmm Gaudryanum , Brongt., de Grèce (Oropô), et bilinicum, Et- tingsh. de Bilin en Bohême , qui appartiennent à l’époque miocène et sont les mieux connus, présentent une forme lan» céolée-lméaire qui les rapproche évidemment du Nerium odo- rum, sol des Indes. M. d Ettinghausen, dans sa flore fossile de Bilin (2 partie, p. 31), signale sous le nom de Nerium stiriacum , une espèce de Leoben en Styrie, encore inédite, mais dont les feuilles plus larges pourraient bien indiquer une forme plus analogue à l’espèce de Mexirnieux, et par conséquent, au Lau- rier-rose actuel. Ilex Falsani. Cette forme curieuse me paraît tenir stricte- ment le milieu entre 1’ Ilex Balear ica, Desf., qui, aux yeux de certains botanistes, ne serait qu’une race de notre L aqui- folium , L., et Vllex cassine , Ait., qui habite la Caroline, en sorte qu en réunissant toutes ces formes, on peut en composer une chaîne qui mène insensiblement de l’une à l’autre. Le Houx de Mahon dont VI. Falsani reproduit presque tous les caractères habite les Baléares, et, dit-on, aussi les Açores; il se distingue du houx ordinaire par des feuilles plus souples, souvent en- tières ou munies de dents épineuses plus courtes, plus rappro- chées, non recourbées; les nervures secondaires sont un peu moins nombreuses, moins obliques et le pétiole un peu plus court proportionnellement; le contour est moins oblong et le sommet toujours terminé dans les feuilles par un acumen épi- neux. L’espèce de Mexirnieux affecte tous ces caractères et * J. . . . . XI . reconnu avant moi ; aussi je n hésiterais pas à la réunir à Vllex balearica , si elle ne s’en NOTE DE M. DE SAPORTA. 767 distinguait par certains détaiis qui la constituent au moins à l’état de race, en sorte qu’elle semble jouer, vis-à-vis du houx de Mahon, le rôle que celui-ci joue auprès du houx ordinaire. Les feuilles de Vllex Falsani paraissent avoir été constamment entières, et leur pétiole est sensiblement plus mince et plus court que dans Vllex balearica. Ce pétiole est tracé exactement sur le modèle de celui de Vllex cassine , dont les feuilles, presque entières oti faiblement dentées, sont cependant plus oblongues que celles du houx de Mahon, et de notre houx de Meximieux, quoique certaines feuilles de celui-ci aient une visible analogie de forme avec celles de VI. cassine. Par leur consistance, par leur surface glabre et luisante , les feuilles de VI. Falsani res- semblent tout à fait à celles de VI. balearica. Gomme celles-ci, elles sont souvent subconcaves, et les bords sont légèrement repliés en-dessous; les nervures sont presque toujours cachées ou peu visibles ; on peut aussi rapprocher ce houx de VI. cana- riensis , Webb, dont les feuilles sont presque constamment inermes, mais dont le sommet ne se termine pas par une pointe acuminée et spinescente, comme dans l’espèce de Meximieux et dans celles des Baléares. Punica granatum , L. var. Planchoni. Il existe une feuille et de nombreux calices ou fleurs en boutons de ce grenadier, qui diffère trop peu de l’espèce méditerranéenne actuelle pour que j’ose l’en séparer. La feuille montre sa face supérieure; elle a l’aspect, la nervation caractéristique et le contour de celles de notre grenadier: seulement, elle serait rangée parmi les plus grandes, et son sommet obtus et émarginé comme celui des feuilles du Punica granatum , est cependant sensiblement plus atténué qu’on ne le remarque ordinairement chez celles-ci. Les boutons ou calices clos ou presque clos, diffèrent très-peu des organes correspondants du grenadier; à l’époque où fleurit cet arbre, un grand nombre de ces boutons avortent, et au lieu de s’épanouir, se détachent et jonchent le sol. Les organes fossiles, que j’ai dessinés avec soin, après les avoir moulés, doivent évi- demment leur conservation à cette phase de la végétation du grenadier; ils occupent toutes sortes de positions dans les tufs, et présentent des dimensions très -diverses, correspondant à plusieurs degrés de développement. Leur forme, la situation de l’ovaire, leur préfloraison valvaire, le nombre et la disposi- tion des segments calicinaux, leur étroite ressemblance enfin avec les calices de Punica ne laissent aucun doute sur la légi- timité de l’attribution que je propose. 768 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. En fait de différences spécifiques, on ne saurait indiquer que les suivantes : ces organes ont généralement une dimension supérieure à celle des boutons du grenadier actuel, du moins, si on le considère à l’état spontané; ils ont une forme plus ellipsoïde ; la partie inférieure qui correspond à l’ovaire est plus épaisse; la partie supérieure ou calicinale se prolonge da- vantage, en sorte que de contour extérieur est plus cylindroïde et s’atténue plus également vers les deux extrémités' Enfin, les segments calicinaux sont partagés plus profondément que dans l’espèce actuelle; ils sont aussi plus réguliers, plus égaux entre eux et se trouvent constamment au nombre de cinq. Ces diver- gences, que l’on doit signaler comme un indice des modifica- tions éprouvées par l’espèce, ne m’ont pas semblé suffisantes pour motiver une distinction réelle; elles fournissent plutôt les éléments d’une race ou variété que je désigne du nom de Plan- choni , en souvenir de M. Gustave Planchon, à qui je dois la connaissance de cette curieuse forme pliocène. MM. Otto Weber et Philippe Wessel, dans leur nouvel essai sur la flore fossile des lignites du Rhin inférieur (Extr. de PalŒontogvaphica par Dunker et Meyer, t. IV, livr. 4 et 6), ont décrit et figuré, sous le nom de Punicites Hesperidum , une empreinte de Rott qui re- présente, à ce qu’il paraît, un fruit jeune de Punica qui semble avoir été fécondé ou du moins s’être détaché après la floraison, et qui se trouve couronné au sommet par les segments caiici- naux accrus et écartés. Ces segments sont au nombre de six et l’organe en question, se rapportant à une autre phase de dé- veloppement que les nôtres, il est impossible de procéder à une comparaison; seulement le fruit fossile de Rott, dont la partie calicinale est bien plus évasée et séparée du fruit par un étranglement bien plus marqué que chez le Punica granatum actuel, annonce évidemment une espèce distincte de celui-ci* tandis que nos calices plus voisins par le temps, comme par les principaux caractères, semblent se lier intimement à l’arbre de la région méditerranéenne, ou s’en écarter tout au plus par quelques détails très-secondaires. Cercis inœqualis. Le gainier que M. Planchon et moi avons été d’abord portés à identifier complètement avec le Cercis si - liquastrum, h. , me semble devoir en être distingué, au moins à titre de variété, jusqu’à ce que l’on puisse mieux juger de ses caractères réels. R n’en existe encore, à ma connaissance, que deux fragments de feuille très-incomplets tous les deux. L’un montre la partie inférieure et latérale d’une feuille avec une NOTE DE M. DE SAPORTA. 769 partie du pétiole ; l’autre, la moitié d’une feuille mutilée au sommet et sur un des côtés. On peut cependant se faire une idée de l’espèce. Celle des deux feuilles dont la base est con- servée est très-inégale, soit par l’avortement accidentel d’un des côtés du limbe, soit plutôt par une disposition caractéris- que. On voit, en outre, que la plus extérieure des deux paires de nervures basilaires est bien plus ascendante que chez le C . siliquastrum , ce qui entraîne un contour général plus oblong et une base moins largement arrondie et moins cordiforme que dans l’espèce européenne actuelle. Par ce dernier caractère et surtout par l’aspect de la seconde des deux empreintes, cette espèce se rapproche du Cercis Canadensis , auquel il serait peut- être naturel de l’identifier, si l’inégalité probable de la base ne fournissait un caractère différentiel d’une assez grande impor- tance. Il faut attendre la découverte probable de nouveaux échantillons pour se prononcer en connaissance de cause sur une espèce qui, observée à l’aide d’échantillons plus nombreux, pourrait bien devenir un trait d’union entre le gainier du Ca- nada ( Cercis Canadensis) et notre C. siliquastrum . Parmi les espèces précédentes, la plus septentrionale, c’est- à-dire celle qui s’avance le plus loin vers le nord, à l’état spon- tané, dans la direction de Lyon, est le Cercis siliquastrum , qui existe sur une pente pierreuse, en partie boisée, à quelques lieues au-dessus de Montélimart, et qui n’atteint plus, par con- séquent, le 45e parallèle. Le Viburnum tinus ne dépasse pas la région de l’olivier, c’est-à-dire le 44e degré; il n’en est pas au- trement du Punica granatum, qui ne paraît être spontané que dans les parties les plus chaudes de cette région. Le Laurus nobilis se montre le long des cours d’eau de la Provence, mais seulement dans la zone la plus méridionale du département du Yar; quant au Nerium oleander , il n’apparaît que sur quelques points isolés, le long du littoral, près d’Hyères, de Cannes, de Nice, c’est-à-dire aux approches du 43e degré et seulement dans la bande étroite et privilégiée où l’oranger résiste en plein air. Le grenadier est considéré par M. de Candolle, dans sa géo- graphie botanique, comme spontané dans l’Asie Mineure, la Palestine et peut-être la Grèce, d’où il aurait été introduit dans le reste de la région méditerranéenne. Cependant la présence, dans le pliocène de Lyon, d’une forme de Punica , aussi voisine de la nôtre, peut faire supposer sans invraisemblance que le grenadier sauvage, plus rustique que le laurier noble et le lau- Soc, géol 2 e série, tome XX VL • 49 770 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. rier-rose, a probablement persisté sur les points où on l’ob- serve maintenant, croissant en abondance et sans culture; du reste, il est impossible de distinguer les pieds introduits originairement de ceux qui seraient indigènes. Le houx de Mahon, qui est rustique sous le climat de Paris, n’est cependant pas indigène ailleurs qu’aux Baléares, vers le 40e degré; tandis que le Woodwardia radicans s’avance en Es- pagne et en Italie jusqu’au 43e parallèle. Mais pour retrouver maintenant le Laurus Canariensis et le Viburnum rugosum , il faut aller jusque dans l’archipel des Canaries ou du moins jus- qu’à Madère, c’est-à-dire rétrograder jusqu’au 35e degré. Or, si l’on fait attention que deux autres laurinées de Meximieux rappellent, l’une le Persea Indica , l’autre V Oreodaphne fœtens , que le Persea assimilis , le Quercus subvirens, le Carya Massalongi , le Platanus aceroides , le Magnolia f raterna , le Liriodendron Pro - caccinii, le Liquidambar europœum , nous reportent vers la Ca- roline et la Virginie, où des essences très- analogues à celles de Meximieux vivent réunies sous une latitude de 35 à 38 degrés, que le bambou ramène vers des régions de l’Asie situées sous la même latitude, on conviendra que l’écart en latitude ainsi constaté, et qui peut être évalué à 10 degrés, représente bien la somme de chaleur que le climat de Lyon a dû perdre depuis cette époque. Depuis le miocène inférieur, le retrait des es- sences méridionales du sol de l’Europe, leur marche vers le sud pour s’en éloigner, ont eu lieu d’une manière constante et graduelle. Les termes de ces étapes successives, faciles à constater maintenant, marquent avec une grande précision les progrès croissants de l’abaissement par lequel la température n’a cessé de se déprimer; toutefois, ils ne s’opèrent évidem- ment qu’avec une grande lenteur, et l’étude des végétaux de Meximieux prouve que dans le pliocène avancé cet abaissement était encore bien éloigné d’être définitif. Dans le miocène infé- rieur, les Cinnamomum s’étendaient jusqu’à Dantzig et tou- chaient presque le 55e degré de latitude; les palmiers se mon- traient en Bohême (Bilin) et dans le bassin à lignite du Rhin inférieur; par conséquent, ces arbres vivaient sous le 50e degré. Dans le miocène supérieur, il y avait encore beaucoup de Cin- namomum et quelques palmiers à QEningen au delà du 47e de- gré. Dans le pliocène inférieur, les palmiers se montrent encore sur quelques points de l’Italie (Monte-Barnboli), et les Cinna- momum vivaient dans le val d’Arno lors du pliocène moyen, sous le 43e degré. Quant aux palmiers, pour en retrouver des NOTE DE M. DE SAPORTA. 771 traces à l’état fossile dans le quaternaire, il faut aller jusqu’à Lipari par delà le 39e degré. Il en est de même des lauriers, des lauriers-rose et des grenadiers. Dans le miocène inférieur, on observe les premiers à Bilin et les derniers à Rott, dans les lignites du Rhin inférieur, par conséquent sous le 50e degré. Dans le pliocène, ces trois catégories de plantes se montrent près de Lyon aux environs du 46e degré, tandis que mainte- nant il faut descendre jusque vers le 43e pour en rencontrer les premiers représentants spontanés. Le laurier des Canaries, indigène auprès de Lyon dans le pliocène, ne se montre plus dans le quaternaire qu’en Provence, et maintenant c’est seule- ment aux Açores, vers le 38e degré, qu’il commence à devenir spontané. Mais si le climat européen s’est graduellement abaissé à partir du miocène inférieur, il faut encore rechercher si cette gradation a été soumise à une marche régulière, ou bien si elle a été seulement le résultat d’une série d’oscillations en plus ou en moins. Pour résoudre cette nouvelle question, les plantes de Meximieux nous offriront les documents les plus précieux. M. Heer, disposant de matériaux nombreux pour la période qui me servira de point de départ, a évalué à 20 ou 21 degrés C., en moyenne, la température annuelle probable de la Suisse lors du miocène inférieur, et à 18 ou 19 degrés G. celle du miocène supérieur du même pays. Cette même tem- pérature devait être également celle des environs de Lyon à la même époque, les mêmes conditions maritimes et continen- tales se trouvant communes entre les deux pays. La moyenne annuelle de Lyon étant aujourd’hui de 11 degrés 8C., l’écart entre le miocène inférieur et l’âge actuel est de 10 degrés C. environ. Si la progression décroissante a suivi un cours régu- lier, chacune des périodes qui se sont succédé à partir de l’éo- Cène, en les supposant égales en durée, aurait dû posséder une température plus basse que la précédente de 3 degrés 2 C. environ, en sorte que celle du pliocène, considéré à une dis- tance égale de son début comme de sa fin, devrait correspondre à 17 degrés 8 C. ou 18 degrés G. en chiffres ronds. L’abaisse- ment constaté par M. Heer du miocène inférieur au supérieur est assez bien en rapport avec cette marche supposée; il faut voir maintenant si la flore de Meximieux s’y adapte également. Nous possédons heureusement ici, pour un calcul de ce genre, des éléments plus précis que pour aucun des âges antérieurs, puisque nous disposons, non-seulement d’espèces analogues à celles du monde actuel, mais de formes qui paraissent devoir 772 SEANCE DU 5 AVRIL 1869. être identifiées spécifiquement avec celles-ci. Leurs aptitudes nous étant parfaitement connues, il ne nous reste plus qu’à les consulter, en choisissant naturellement, comme objets d’études, les plus délicates et les plus exigeantes sous le rapport du cli- mat, celles enfin qui résistent le plus difficilement au froid et demandent pour fleurir et se reproduire un minimum de cha- leur dont il soit possible d’apprécier le degré. Le Laurus Ca- narienne, Webb, et le Nerium oleander, L., peuvent nous servir à ces deux points de vue. Le premier ne résiste pas à un froid de quelques degrés; le second exige pour fleurir une chaleur estivale supérieure en moyenne à 25 degrés G. Ce minimum de chaleur utile est tellement indispensable au laurier-rose que sa floraison est avancée ou retardée d’un mois, suivant que l’on se transporte aux environs d’Aix ou aux environs de Toulon ; ses premières fleurs épanouissent vers le 5 juillet, dans la pre- mière des deux localités, et vers le 5 juin dans la seconde. En hiver, les tiges du laurier-rose succombent sous un froid de 8 à 10 degrés G., suivant les circonstances. Sous ce dernier rap- port, il est plus rustique que le laurier des Canaries, mais il exige plus de chaleur que lui en été. A l’époque où se formaient les tufs de Meximieux, les hivers étaient donc très-doux et les étés chauds ; si l’on considère l’association d’espèces qui ca- ractérise le mieux ce dépôt, on ne sera pas éloigné d’attribuer à cette époque la température propre à la région laurifère de l’archipel des Canaries. D’après le grand ouvrage de MM. Webb et Berthelot, la température de la forêt d ’Agua-Garcia à Téné- riffe, située à une altitude de 800 mètres, est de 24 à 26 degrés en août et se soutient à 16 degrés en mars dans l’endroit le plus ombragé et le plus humide de la forêt. Au milieu des bois d ’Agua-mansa, à 1200 mètres d’élévation, le thermomètre se soutient à 18 degrés C. au mois d’octobre; enfin, àLaguna, dans le voisinage d’une des forêts les plus importantes de Té- nériffe, vers 600 mètres d’altitude, le thermomètre oscille en janvier entre 10 et 14 degrés C., se maintient ordinairement en décembre entre 16 et 17 degrés C., et monte jusqu'à 24 et 25 degrés en juillet. Dans la vallée de Guimar, à plus de 1000 mè- tres d'élévation absolue, la température, à la mi-septembre, n’est pas inférieure à 22 degrés (1). En combinant ces données avec celles que nous fournissent les plantes de Meximieux, nous (1) Webb et Berthelot, Hist. nat. des îles Canaries , t. III, lrc partie. Géogr. bot., p. 46 et 47. NOTE DE M. DE SAPORTA. 773 arrivons à admettre pour l’époque de Meximieux une moyenne de 10 à 12 degrés C. pour l’hiver, de 26 à 28 pour l’été, de 16 à 18 pour les saisons intermédiaires; ce qui nous amène jus- tement à la moyenne annuelle d’environ 18 degrés G. que nous avions calculée à l’avance comme devant être celle de l’âge pliocène, en admettant une dégradation régulière de la tempé- rature depuis le miocène inférieur jusqu’à nous. Ainsi, dès cette époque, un certain nombre de nos espèces actuelles se montraient déjà au milieu d’une association végétale dont l’en- semble n’a rien de commun avec ce qui existe maintenant en Europe; tout a changé depuis lors : la configuration du sol et la nature du climat ; la distribution géographique des plantes européennes et la composition de la faune. Les espèces encore vivantes, dont je viens de signaler les plus anciens vestiges, sont-elles restées immuables? on ne saurait l’affirmer, d’autant plus que nous ne possédons qu’une partie de leurs organes. Il semblerait pourtant, en s’attachant seulement aux éléments restreints dont il est possible de disposer, qu’elles ont varié dans une certaine mesure, du moins celles qui sont demeurées européennes, mais que ces variations n’ont pour toutes ni la même étendue, ni la même importance ; d’autres, et ce sont plutôt celles qui depuis sont devenues exotiques , paraissent avoir conservé tous leurs caractères. Quoi qu’il en soit, l’exa- men que je viens de faire des espèces de Meximieux amène à reconnaître que toutes se lient, quoique à des degrés diffé- rents, à celles qui les ont précédées, comme à celles qui les ont suivies; si, en multipliant de semblables observations, on parvient à établir que l’on peut passer de l’état ancien à l’état actuel à travers une série de nuances insensibles et graduées, on continuera, si l’on veut, à désigner du nom d’espèces cha- cune de ces nuances considérées à part; mais il sera bien dif- ficile d’attribuer à chacune d’elles une origine distincte, un point de départ isolé et particulier, sans connexion avec ce qui précède, sans attache avec ce qui suit; ainsi que l’on est for- cément amené à le faire, en admettant que chaque espèce a été créée à part de ses congénères, et ne possède vis-à-vis d’elle que des traits de ressemblance, mais rien qui ressemble à une filiation ou à une parenté. M. Tournouër présente, après cette communication, les observations suivantes : 774 SÉANCE DU 5 AVRIL 9869. Observations sur la faune des coquilles fossiles des tufs de Mexvmieux (Ain) ; par M. R. Tourijouër. Les tufs de Meximieux renferment avec les empreintes végé- tales qui font l’objet du travail de M. de Saporta, des empreintes de coquilles terrestres, dont les espèces sont identiques avec celles des marnes bleues d’Hauterive, dans la Drôme, ainsi que l’a dit M. Dumortier, il y a dix ans (Réunion extraordinaire à Lyon-, 1859. Bull., 2e série, t. XVI, p. 10 99). Ces espèces ne semblent pas nombreuses, mais on y reconnaît incontestable- ment Hélix Collongeoni, Michaud ; Hélix Nayliesi , Mich. ; Cyclo- stoma Baudoni, Mich. ; et la grande Clausilia Terveri , Mich., et qui sont tout à fait caractéristiques des marnes si connues d’Hauterive. La flore de Meximieux et la faune d’Hauterive étant associées, l’étude de l’une doit aider celle de l’autre, et les résultats où l’on arrive par l’analyse des végétaux ou par celle des mollusques, qui vivaient sur ces végétaux ou à côté d’eux, ne doivent pas être contradictoires. Je crois, en effet, qu’ils sont en accord, autant que le permet le développement particulier des deux règnes. N’étant pas allé à Hauterive, je ne puis parler d’ailleurs qu’avec réserve et très-rapidement d’une faune que je ne connais que par les collections et par les pu- blications qui en ont été faites, en deux fois, par M. Michaud, avec descriptions et figures (1); mais je ne veux que dégager une donnée générale qui me semble ressortir avec certitude des faits publiés. Ce qui frappe en effet au premier coup d’œil dans la compo- sition de la faune terrestre ou d’eau douce d’Hauterive, telle que ces publications l’ont fait connaître, c’est, le mélange de grandes et belles formes caractéristiques et aujourd’hui per- dues, comme les Hélix Chaixii , H. Collongeoni , Clausilia Ter - veri , Limnea BouilletC Planorbis Thiollierei , etc., avec une quantité de types européens encore existants (2), mélange qui [1) Description des coq. foss. des environs de Hauterive (Drôme), par M. Michaud.— Ann. Soc. Linn . de Lyon, 1855 et Journal de Conchyliologie , vol. X, Paris, 1862. (2) Je ferai observer que dans les fragments de calcaire eoquillier de Meximieux, qui m’ont été obligeamment communiqués par notre confrère M. Faisan, ce sont presque uniquement les grands types exotiques de Clau- silie et d’Helix qui ont laissé leurs empreintes. OBSERVATIONS DE M. TOURNOUER. m serait même plus accusé que le mélange semblable signalé dans la flore de Meximieux; puisque, sur plus de soixante-dix espèces indiquées, s’il fallait s’en fier absolument àM. Michaud, il n’y en aurait pas moins de trente qu’il faudrait rapporter aux espèces vivantes, soit comme identiques, soit comme faibles va-» riétés. Cette proportion est même tellement forte qu’elle met l’esprit en défiance et qu’elle fait soupçonner soit quelques er- reurs de détermination sur des espèces voisines, soit quelques confusions de coquilles vivantes du pays mêlées superficielle- ment aux fossiles des marnes. J’avoue, cependant aujourd’hui, que les résultats de l’analyse de la flore de Meximieux par M. de Saporta me donnent à réfléchir et me portent à admettre plus facilement, dans une certaine proportion au moins, le mélange indiqué. Je remarque notamment que parmi les es- pèces vivantes citées, il y en a quelques-unes, comme V Hélix vermiculata et V Hélix splendida , qui, n’étant point vivantes ac- tuellement dans le Dauphiné, et appartenant exclusivement, si je ne me trompe, à la région méditerranéenne, ne peuvent avoir été l’objet que d’une méprise spécifique portant sur des types fossiles, très-voisins, comme il y en a dans le miocène, si en- core il y a méprise. Et quand il en serait ainsi, le raisonne- ment n’en serait guère altéré. Pour ces espèces, comme pour toutes les autres dont on est tenté de suspecter l’identité (ce qui dépend d’ailleurs du sentiment très-personnel que l’on a de l 'espèce en histoire naturelle) , il faut dire que si ce ne sont pas des espèces identiques, ce sont du moins des formes si voisines que le caractère qui en résulte pour apprécier la phy- sionomie générale de la faune est toujours celui-ci : mélange de grands types exotiques ou du moins particuliers et d’un fa- ciès exotique, qui ont été éliminés, avec une quantité domi- nante de types européens encore existants. Ce mélange est bien ancien dans les faunes malacologiques terrestres ou d’eau douce de nos-terrains tertiaires; puisque la racine de beaucoup de types du système européen actuel peut être cherchée dans les lignites du Soissonnais et dans le cal- caire lacustre de Rilly, qui montrent associés déjà à une faune tropicale des types plus spécialement européens, comme ceux des Clausilia , des Melanopsis , des Valvata , Carychium , Sphœ- rinm , etc., dont quelques-uns peuvent même être poursuivis plus loin encore : ce sont des faits comparables à ceux qui res- sortent de l’analyse de la flore de Sézanne. En descendant les terrains tertiaires, ce mélange continue et la prédominance du 776 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. type européen tend à s’accentuer davantage, jusqu’à donner dans le miocène quelques identités ou quasi-identités d’es- pèces qui, à l’époque d’Hauterive, balancent même les espèces propres ou exotiques. C est tout ce que je voulais observer : et pour ne parler que de Mexirnieux, j en conclus, pour la flore et la faune associées dans les mêmes calcaires, que si l’une est pliocène de l’âge du Val d’Arno, l’autre doit être pliocène aussi, et un peu plus jeune, par conséquent, que ne l’avaient pensé les géologues qui ont compris dans le miocène supérieur les dépôts d’eau douce d’Hauterive et les dépôts marins à Buccinum Michaudi qui dé- pendent, je crois, du même système, et dont la faune spéciale est encore à étudier. Les marnes lacustres d’Hauterive me paraissent tout au plus aussi anciennes et probablement plus récentes que les dépôts d eau douce de Gucuron (Vaucluse), qui surmontent cependant la mollasse marine de Cabrières d’Aigues (V. Dumortier, Bull., 2e série, t. XXI, p. 282), laquelle renferme, à ma connaissance, toute la faune des bivalves caractéristiques du miocène supé- rieur de Salles, près de Bordeaux, associée, surtout par les gastéropodes, à la faune de la Touraine et à celle de Tortone, en Italie, qui est la plus élevée des faunes du miocène supé- rieur. Je les crois donc pliocènes , malgré quelques affinités d especes avec les faluns de Touraine [Hélix umbilicaris, Desh., H. Collongeoni , Mich., en particulier etquelques autres), comme es sables supérieurs de Montpellier, qui présentent, dans une taune bien moins riche, quelques types comparables à ceux Hautenve : un grand Bulime sénestre, entre autres, Bul. simstrorsus , Marcel de Serres, et intermédiaires entre l’étage tortonien de Cucuron et les argiles pléistocènes delà vallée su- périeure de la Saône, de Bligny-sous-Beaune, en particulier, ou les grands types exotiques semblent avoir complètement dis- paru. Je me suis proposé d’ailleurs, en présentant à la Société ces observations qui m’ont été suggérées par la communication de M. de Saporta, non pas de résoudre incidemment les questions de classement que soulèvent encore les terrains tertiaires supé- rieurs, marins ou d’eau douce, de la vallée du Rhône, mais de provoquer au contraire les études locales et les observations directes qui doivent en amener la solution. M. Gervais fait la communication suivante: NOTE DE M* GERVAIS. 777 Restes fossiles du Glouton recueillis en France ; par M. Paul Gervais. Le Glouton, animal aujourd’hui confiné dans les régions po- laires, à vécu dans l’Europe centrale, à l’époque des grands mamifères quaternaires. Des débris en ont été signalés en Allemagne, particulièrement dans la caverne de Gailen- reuth (1), et il en a été retrouvé depuis lors en Belgique (2) ainsi qu’en Angleterre (3). Cependant on n’en avait pas reconnu avec certitude en France. J’ai fait voir en effet (4) que les prétendus restes de Glouton signalés par Marcel de Serres dans les caver- nes de l’Ardèche n’étaient que des ossements de blaireaux, et aucun gisement authentique n’en a été constaté depuis lors ; mais j’ai aujourd’hui la preuve qu’il a aussi vécu des blaireaux en France. La grotte de Fouvent (Haute-Saône) en renferme des débris mêlés à ceux des grands ours et des hyènes. Pendant la visite que je viens de faire au musée de Dijon, pour y revoir les types des Glyptodons décrits par M. Nodot, j’ai remarqué parmi les fossiles de Fouvent, dont ce musée possède une fort belle suite, plusieurs pièces, en particulier une mâchoire supé- rieure ainsi qu’une mâchoire inférieure, qui ne peuvent être attribuées qu’au Glouton. Ces pièces sont remarquables par le degré peu avancé de leur fossilisation ; elles diffèrent à peine, sous ce rapport, des ossements des animaux enfouis à une épo- que tout à fait récente ; mais le même fait aussi a été signalé pour des os d’ours et d’hyènes retirés d’autres cavernes. Grâce à l’intervention de M. Brullé, doyen de la Faculté des sciences de Dijon, M. le directeur du musée de cette ville a bien voulu me communiquer les deux mâchoires de Glouton dont je viens de parler, ce qui m’a permis de les faire dessiner pour mon ou- vrage, et mouler pour la collection du Muséum. Je les mets sous les yeux de la Société comparativement avec une tête os- seuse d’un Glouton actuel provenant du Nord de l’Europe. Le maxillaire supérieur est celai du côté gauche. On y voit, en place, la série des quatre dernières molaires, dont la carnas- (1) Goldfuss, Nova acta nat. curios t. IX, p. 811. (2) Par MM. Yan Beneden et Dupont. (3) Dans la caverne de Bleadon. (4) Zool, et Pal. franç ,,p. 247. 778 SÉANCE DU 5 AVRIL 1869. sière a eu sa couronne en partie détruite. Les dents offrent une analogie complète avec celles du Glouton actuel, et il est im- possible de les attribuera une autre espèce. Leur longueur to- tale est de 0,044, ce qui dépasse un peu la longueur totale 0,038 des mêmes dents mesurées chez le Glouton récent mises en regard d’elles. Une pareille similitude de forme, alliée à une taille égale- ment supérieure, se retrouve entre le maxillaire inférieur du Glouton trouvé à Fouvent et celui du Glouton vivant auquel je le compare. Ce maxillaire est aussi celui du côté gauche, et il a très-probablement appartenu au même sujet que le fragment qui vient d’être décrit. On y voit en place les deuxième et troi- sième incisives, la canine et les molaires antérieures; la sixième, ou tuberculeuse, n’est représentée que par son alvéole. La longueur de ces cinq molaires prises ensemble est de 0,050; celle des dents correspondantes sur le sujet d’époque actuelle n’est que de 0,048. Avec ces débris il y avait des restes de Ganis, en particulier deux maxillaires inférieurs qui me paraissent mériter aussi une mention. L’un est d’un Ganis delà taille du loup; mais on pourrait à cause de la petitesse de la pointe interne de la carnassière, l’at- tribuer à un chien. Il offre cela de remarquable, que ses tu- berculeuses étaient au nombre de trois, comme on en cite des exemples dans le chien domestique (1). La troisième de ces tuberculeuses n’est pas conservée, mais son alvéole est très- apparente. L’autre est d’un animal plus petit et comparable à un très- fort renard ou à un chacal. Je lui trouve même plus d’analogie avec cette dernière espèce, mais je n’ose assurer qu’elle lui ap- partienne; ce qui me la fait citer ici, c’est qu’elle n’a qu’une seule tuberculeuse et montre par conséquent la formule du Cuon. Toutefois ce n’est pas un Cuon, car le tubercule posté- rieur de sa carnassière et sa tuberculeuse n’ont pas la forme propre à ce dernier animal et rappellent au contraire davantage le chacal. M. Gervais met ensuite sous les yeux de la Société le des- sin du grand humérus d’oiseau recueilli à Léognan par (1) Rlainville, Ostèogruphie, genre Cams, pl. 12. NOTE DS M. BOURASSIN. 779 M. Delfortrie, et il rappelle que le même géologue vient aussi de trouver dans ce gisement un maxillaire inférieur d'Halitherium. L'humérus d’oiseau a une très-grande ana- logie avec celui sur lequel M. Lartet a établi son genre Pelagornis et qui provient de la mollasse marine de l'Arma- gnac. M. Tournouër rappelle que la mollasse de Léognan a fourni de belles espèces de chélonés. M. Gervais montre ensuite une pièce fossile de Saurien, recueillie par M. Matheron, dans les lignitesde la Nerthe ; il discute ses affinités avec les autres reptiles et émet l'o- pinion que, malgré son analogie avec les Iguanodon , elle indique un genre nouveau. Le gisement de ce fossile inté- téressant est attribué par M. Matheron au terrain crétacé supérieur. Le Secrétaire lit la note suivante de M. Bourassin : Note sur les Blocs granitiques qui se trouvent aux environs de Concarneau et de ïréguier; par M. Bourassin, Il existe dans les environs de Concarneau, sur une grande étendue de terrain, des blocs granitiques d’une grosseur énorme ; quelques-uns sont à peu de distance du lieu dont ils ont été détachés; mais beaucoup d’autres sont dispersés à plusieurs kilomètres et doivent être, je crois, considérés comme des blocs erratiques. Ces masses de granité sont répandues sur la surface du sol dans la direction de l’est à l’ouest sur une étendue de plus de trois lieues en longueur et près de deux lieues en lar- geur, bornée au nord, par une bande de michaschiste, et au sud, par des roches granitoïdes décomposées, traversées par des veines de quartz et de felspath. Toutes ces roches reposent sur un sol sablonneux d’alluvion ou sur de l’argile plastique; e crois qu’elles ont été détachées de la baie de Concarneau, près du cap nommé cap Hellou, à une époque indéterminable, qui pourrait bien être celle où les îles des Glénans furent sé- parées du continent. On voit par l’aspect des lieux que ce ter- rain a été fortement tourmenté et a subi à plusieurs époques des dislocations très-grandes. 780 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. Pour expliquer ce chaos qui excite vraiment l’étonnement et l’effroi, on est obligé d’appeler à son secours tout ce que la na- ture peut produire de plus terrible, les soulèvements, les trem- blements de terre, les ouragans et les tempêtes. Ces roches, dont quelques-unes sont à la surface de la terre et d’autres for- tement enfoncées, ont quelquefois des formes bizarres, formant souvent par leur superposition des grottes peu profondes ; d’autres sont considérées comme des dolmens ; il y en a qui sont verticales de plusieurs mètres de haut, et que l’on appelle des menhirs. Ces pierres, dit-on dans le pays, ont été élevées par la main des Druides. Séance du 19 avril 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Marion (Fortuné), préparateur h la Faculté des Scien- ces à Marseille (Bouches-du-Rhône); présenté par MM. de Saporta et Albert Gaudry. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Albert Faisan, Introduction pour l’étude du terrain erratique de la partie moyenne du bassin du Rhône ; in-8, 26 p., 7 pl.; 1869; Paris, chez F. Savy; Lyon, chez P. Mé- gret. De la part de M. Ch. Grad, Observations sur la vallée du Grindelwald et ses glaciers (août 1868); in-8, 45 p.; Paris, 1869, De la part de M. Ch. Ledoux, Étude sur les terrains Irai - sique et jurassique et les gisements de minerai de fer du départe- ment de V Ardèche; in-8, 115 p., 1 carte et 3 pl. de coupes; 1868; Paris, chez F. Savy; Privas, chez Curnier. NOTE DE M. MATHEHON. 781 De la part de M. B. Studer, Orographie der S chweizeralpen ; in-18, 21 p.; Berne, 1869. De la part de M. T. G. Winkler, Des Tortues fossiles conser- vées dans le Musée Teyler; in-4, 151 p., 33 pl.; Harlem, 1869; chez les héritiers Loosjes. Le Président rappelle que le lieu et la date de la session extraordinaire de 1869 doivent être choisis au commence- ment du mois de mai. En conséquence, il invite les con- frères qui auraient quelques propositions à faire à cet égard à les adresser par écrit au Conseil avant sa pro- chaine séance. Le Président annonce la mort de M. le professeur T. A. Catullo. M. de Saporta lit la note suivante de M. Matheron : Note sur les reptiles fossiles des dépôts fluvio-lacustres crétacés du bassin à lignite de Fuveau; par M. Philippe Matheron. . Il est bien remarquable que les dépôts fluvio-lacustres du bassin à lignite de Fuveau, qui sont si riches en débris de co- quilles terrestres, lacustres et fluviatiles, n’aient pas encore offert le moindre vestige de mammifères ou de poissons, et que les vertébrés ne soient jusqu’à présent représentés, dans les diverses faunes qui caractérisent les étages qu’on distingue dans ce bassin, que par quelques reptiles. Pour être peu nombreux, ces reptiles n’en sont pas moins dignes d’attention. On va voir, en effet, qu’ils sont tous ex- trêmement remarquables et qu’ils offrent un intérêt d’autant plus grand qu’il résulte de l’étude de leurs vestiges : \° L’obli- gation de faire reculer jusqu’aux temps crétacés la première apparition des crocodiles proprement dits; 2° la certitude que, pendant la durée de l’immense période de temps à laquelle correspondent les couches du bassin de Fuveau, de véritables crocodiles ont vécu dans nos contrées en même temps que des chéloniens, des grands sauriens et un dinosaurien dont il faut aller chercher les analogues dans les dépôts wealdiens de la forêt de Tilgate, ou dans les couches lacustres de Purbeck. 782 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. II serait hors de propos de répéter ici ce que j’ai eu l’occasion d’exposer à différentes reprises pour démontrer que les dépôts fluvio-lacustres du bassin de Fuveau n’étaient nullement ter- tiaires. Mais, pour être intelligible dans ce que j’ai à dire de la position respective des diverses couches qui ont offert des vestiges de reptiles, il est indispensable de rappeler quelques faits stratigraphiques. On sait que la grande série de couches fluvio-lacustres du S. E. de la France se divise en deux parties bien distinctes : 1° Une partie supérieure, dans laquelle on rencontre succes- sivement les équivalents lacustres de tous les étages tertiaires inférieurs aux dépôts faluniens; 2° Une partie inférieure, par laquelle est plus particulière- ment constitué le bassin de Fuveau, et qui appartient, suivant ma manière de voir, à la période crétacée. On sait aussi que cette partie inférieure de la série se subdi- vise en quatre groupes de couches ou en quatre étages prin- ! cipaux, qui sont placés de bas en haut dans l’ordre suivant : 1° Un étage inférieur qui repose sur des couches marines de l’âge de la craie de Villedieu, et qui est formé par des couches mixtes, c’est-à-dire par des couches marines, d’eau saumâtre et d’eau douce. 2° Le puissant étage de Fuveau, vers la base duquel sont intercalées diverses couches de lignites, et qui paraît corres- pondre à la craie blanche à lnoceramus Cripsi et à Belemnitetla mucronata. 3° Le grand étage de Rognac, que je considère comme l’é- quivalent de la craie à Hemipneustes de Gsnsac et de Maëstricbt. 4° Le grand étage rutilant de Vitrolles et de Gengle, dont le prolongement vers le S. O. de la France, à travers les dépar- tements de l’Hérault, de l’Aude, de l’Ariége et de la Haute- Garonne, constitue le terrain garumnien de M. Leymerie, ou soit la partie supérieure du groupe d’Alet de M. d’Archiac. On sait enfin que chacun de ces étages est caractérisé par des fossiles particuliers, et que ces fossiles diffèrent tous de ceux qu’on rencontre dans les divers dépôts lacustres ter- tiaires. Ceci posé, j’ajoute que les reptiles dont il va être question sont eux-mêmes distribués d’une manière spéciale, étage par étage. Ces reptiles appartiennent à cinq horizons distincts, savoir : Étage d’eau saumâtre de la base : chéloniens . NOTE DE M. MATIÏERON. 783 2° Dans le lignite de la grande mine de l’étage de Fuveao : chéloniens , crocodiles. 3° Dans le lignite de la mène de quatre pans du même étage : Crocodilus Blavieri , Gray. 4° Dans les couches détritiques de la base de Pétage de Ko- gnac : chélonien, grand saurien. 5° Dans les couches supérieures du môme étage : chéloniens 7 crocodiles , grands sauriens et dinosaurien. On a signalé des vertébrés dans les couches garumniennes de i’Ariége ; mais celles du bassin de Fuveau n’en ont offert jusqu’à ce jour aucun vestige. A l’exception des crocodiles, les reptiles dont il s’agit appar- tiennent tous à des genres éteints qui ne paraissent pas avoir traversé une partie de la période tertiaire. C’est là un fait nou- veau qui n’échappera pas à l’attention des paléontologistes et qui vient à l’appui de l’antiquité relative que la logique des faits stratigraphiques assigne aux couches du bassin de Fuveau. Quoiqu’il en soit de cette question, je vais passer en revue les divers débris de reptiles que j’ai eu l’occasion d’étudier. 1° Reptiles de l'étage d'eau saumâtre de la série. Je ne connais de cet étage que des fragments de chéloniens absolument indéterminables. 2° Reptiles du lignite de la grande mène de l'étage de Fuveau. Chéloniens. — Les animaux de cet ordre sont représentés par des fragments qui paraissent avoir tous appartenu à la même espèce, d’un genre se rapprochant beaucoup des Pleurosternons d’Owen. L’animal était de taille moyenne et très-déprimé. La surface externe des os de la carapace n’offrait que de très- petites rugosités longitudinales, à peu près obsolètes, et n’était ni granuleuse ni vermiculée comme dans certains chéloniens fluviatiles. Parmi les fragments que je possède se trouve une portion de la pièce antérieure et impaire de la carapace dont le côté antérieur, un peu convexe dans son ensemble et légère- ment sinueux au milieu, est le seul qui ne soit pas fracturé. La surface supérieure de ce fragment est à peine convexe, et elle est marquée de trois sillons rayonnants, qui sont disposés entre eux comme le sont ceux qui existent au-dessus des nuchal plates , marqués Ch. dans les figures des Pleurosternon concin- num et Pleurosternon ovatum , données par M. Owen, dans sa monographie des reptiles du Purbeck et du Wéaldien (1). (l) Owen, Monograph on the fossil reptilia} etc.^ part. I, 1858, plat. 2 784 SÉANCE DU 49 AVRIL 1869. Ges sillons correspondent aux séparations qui existaient, d’une part, entre les deux écailles antérieures paires, et d’autre part, entre ces deux écailles et la première écaille vertébrale. Je possède et j’ai vu d’autres fragments qui prouvent que les côtes de 1 animal ne se terminaient pas en pointe, comme dans les Trionyx , et que la carapace était unie au plastron par des pièces osseuses marginales, au lieu de l’être par des cartilages, comme cela a lieu dans les chélonées et dans les tortues fluviatiles. Il est donc probable que le chélonien dont il s’agit était une tortue paludine couverte d’écailles, appartenant peut-être au j genre Pleurosternon. En attendant que des observations ulté- rieures permettent de décider la question, je donnerai provi- soirement à cette tortue le nom d q PldUTOstevnon ? pvovincicile , en ayant soin toutefois de placer un point de doute à la suite du nom générique. A en juger par les divers fragments que j’ai eu l’occasion 1 d obseiver, cette tortue atteignait environ 50 centimètres dans la longueur de son grand axe. Elle était donc plus grande que les Pleurosternons décrits par M. Owen. Cï ocodtles. — — Le crocodilien des couches charbonneuses de la grande mène est un véritable crocodile. Je le désigne sous le vocable de Crocodilus affuvelensis. Je connais de cet animal plusieurs fragments qui ont appar- tenu à des sujets de divers âges, savoir : A Un maxillaire inférieur gauche, fracturé aux approches de 1 apophyse coronoïde et engagé dans le charbon un peu avant la symphyse. Ce magnifique échantillon montre la sur- face externe du maxillaire et les sinuosités caractéristiques de son bord dentaire; 9 dents sont à leurs places respectives. 11 n y a pas de traces des trois premières. La 4e est en place; les 5% 6e et 7e manquent; les autres, depuis la 8e jusqu’à la der- nière, c’est-à-dire jusqu’à la 15e, sont en place. ’Ces dents sont inégales comme le sont celles des crocodiles. L animal auquel elles ont appartenu en avait, comme on le voit, 15 de chaque côté du maxillaire inférieur; c’était donc un crocodile proprement dit et non un caïman (1). B. Débris d’une tête présentant des fragments juxtaposés, des (1) Ce bel échantillon fait partie de la collection de la Compagnie conces- sionnaire des Mines de Griasque et de Fuveau. NOTE DE M. MATHEKON. 785 maxillaires supérieur et inférieur du côté gauche, avec des dents postérieures. Ces dents ont toutes la forme bien connue des dents postérieures de crocodiles. Leur couronne est séparée de leur racine par un étranglement et présente de petites rugo- sités rayonnantes, qui s’oblitèrent en s’éloignant du sommet. Sa base est circonscrite par une sorte de dépression annulaire horizontale. Les dents sont distantes d’axe en axe d’environ 11 millimètres, ce qui permet de les rapporter à un animal de 2m de longueur. G. Diverses dents antérieures et moyennes en cône un peu recourbé. Elles sont toutes un peu comprimées. Elles ont toutes le sommet plus ou moins obtus et légèrement rugueux. Quelques-unes sont assez grosses pour avoir appartenu à des sujets de 3m de longueur. D. Une vingt-deuxième vertèbre ou troisième lombaire, dont les apophyses articulaires et l’apophyse épineuse sont plus ou moins fracturées. E. Deux fragments de la vingt-troisième vertèbre du même sujet. Ces vertèbres ont appartenu k un animal de 2m de longueur. La convexité de leur face postérieure est très-prononcée. F. Un caracoïdien droit d’un sujet de 3m de longueur. Cet os est fracturé un peu au-dessus du col. On distingue dans cette pièce la facette sur laquelle s’appuyait l’omoplate, ainsi que l’apophyse qui concourait à former la fosse qui recevait la tête de l’humérus. G. Un fragment de la partie supérieure d’un fémur gauche, brisé un peu au-dessus de la tubérosité tenant lieu de tro- chanter, et ayant appartenu à un sujet de 3m de longueur. H. Un fragment de la partie supérieure d’un fémur droit, symétrique du précédent, mais ayant appartenu à un animal qui n’avait que 2m de longueur. Ces deux fémurs diffèrent du fémur du Crocodilus Blameri dont il va être question. 3° Reptiles de la mène de quatre pans. — On ne connaît de cette assise charbonneuse du bassin de Fuveau que la moitié supérieure de fémur gauche du crocodile qui fut Irouvé, il y a de cela plus de trente ans, dans les environs de Mimet, et que M. Blavier, alors ingénieur en chef des mines, avait remis à Cuvier. Cuvier croyait que les lignites de Mimet (ou de Fuveau). étaient dans la même situation relative que l’argile plastique Soc . géol.j 2e série, tome XXVI. 50 786 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. et les lignites du Soissonnais. Cette opinion préconçue porta ce savant anatomiste à dire qu’il n'y aurait rien d’impossible à ce que l’espèce de crocodile de Mimet fût la même que celle dont on avait trouvé deux petits fragments dans les lignites d'Auteuil. 11 est probable que Cuvier n’aurait pas hasardé cette opinion s'il avait su que les lignites de Fuveau et de Mimet n’étaient pas de l’âge de l’argile plastique. Il est, dans tous les cas, bien difficile d'admettre qu’on puisse identifier deux animaux, dont l'un n’est connu que par une moitié de fémur, et l’autre par une dent presque micro- scopique, et une très-minime partie d’humérus. Je n’ai pas sous les yeux le fragment de fémur décrit et figuré par Cuvier; mais, à en juger par la figure qui en a été donnée dans les recherches sur les ossements fossiles, cet os différerait des fémurs des autres espèces de Crocodiles par une plus grande saillie et un plus grand prolongement de l’émi- nence trochantérienne. C’est aussi par ce caractère que ce fémur diffère de celui du Crocodilus affuvelensis. On sait que M. Gray a inséré dans son catalogue le Crocodile de Mimet sous le nom de Crocodilus Blameri , et que M. Giebel a donné plus tard à ce même animal le nom de Crocodilus pro- vincialis. Ces deux auteurs partagent d’ailleurs l’opinion de Cuvier sur la contemporanéité des lignites de Mimet avec les lignites et l’argile plastique d’Auteuil. M. Gervais (1), qui a consacré quelques lignes de son impor- tant ouvrage à l’animal de Mimet, ne se prononce pas catégo- riquement sur la position relative des lignites de cette localité. Mais ce qu’il dit à cet égard tend à prouver que le Crocodile de Mimet serait dans tous les cas moins ancien que les ani- maux des lignites du Soissonnais. J ai lieu de croire que le savant professeur ne partage plus aujourd hui cette opinion. Dans tous les cas, ce que j’ai à dif- ferentes reprises exposé sur la question stratigraphique du bassin de Fuveau démontre qu’il s’en faut de beaucoup qu’il y ait les moindres rapports entre l’etage proïcène et les couches charbonneuses exploitées dans ce bassin, et que le Crocodilus (1) Paui Gervais, Zoologie et paléontologie française 2e édition 1859 p. 444. ‘ ’ * NOTE DE M. MATHERON. 787 Blavien n’a pas plus été le contemporain des Paléothériums de l’époque proïcène, ou des Lophiodons éocènes, qu’il n’a été celui des Coryphodons de la période orthrocène. Comme on ne connaît de cet ânimal que le fragment de fémur gauche décrit et figuré par Cuvier, et qu’on ignore, par conséquent, quelles étaient ses dents et combien il en avait sur chacune des branches du maxillaire inférieur, il reste à savoir s’il faut le rapporter plutôt aux Crocodiles proprement dits qu’aux Gavials ou aux Caïmans. 4° Reptiles des couches détritiques de la base de l'étage de Rognac. Chélonien . — Le Chéionien dont on a trouvé les restes fos- siles dans les grès argileux de Rognac ne me paraît pas pou- voir être sûrement introduit dans l’un des genres connus. C’était un animal dépourvu d’écailies, qui se rattachait aux Trionyx par son exosquelette rugueux et aux Emydes par son plastron et par les pièces marginales qui servaient d’union entre ce plastron et la carapace. Il est probable d’après cela que cet animal avait quelques rapports avec les Chéloniens qui ont servi de type au genre Aplolidemys créé par M. Pomel (1). Mais, comme je ne connais ce genre que par ce qu’en a dit M. Pomel dans l’ouvrage cité en note et que je ne possède du Chélonien de Rognac qu’un petit nombre de pièces toutes plus ou moins fracturées, je dois ajourner jusqu’à nouveaux faits toute détermination générique. Ce ne sera donc qu’avec doutes et sous toutes réserves que je désignerai ce Chélonien par la dénomination d’ Aplolidemys Gaudryi (2). Parmi les débris de cette Tortue se trouve un fragment de l’os de l’épaule gauche. Cet os est fracturé à quelques centi- mètres au-dessus de la facette articulaire de l’humérus. On y distingue parfaitement la suture entre l’omoplate et le cara- coïdien. On y voit aussi la naissance de l’acromion. Ce Chélonien devait avoir environ 80 centimètres de lon- gueur; la facette articulaire de l’omoplate a 5 centimètres en- viron dans la longueur de son grand axe. La carapace qui était (0 Archives de la Bihlioth. univers, de Genève, vol. IV, p. 328. (2) Mon savant ami M. Gaudry, aux lumières duquel j’ai souvent recours a bien voulu faire pour moi des recherches comparatives et bibliographiques que mon éloignement de Paris me rendait bien difficiles. 788 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. assez épaisse était comme sillonnée en long par des rugosités allongées, irrégulières et très-saillantes. Le plastron était bien moins rugueux. Grand Saurien. — En même temps que le Chélonien dont je viens de parler vivait dans la contrée un monstrueux Saurien dont la présence inattendue dans les couches de Rognac est bien digne d’attention. Cet animal, dont on ne trouve aucun précurseur dans l’étage de Fuveau, rappelle les gigantesques Crocodiiiens à vertèbres biconcaves ou convexo-concaves, c’est-à-dire, qu’il se rap- proche des genres Steneosauras , Streptospondylus, Cetiosaurus , Pelorosaurus , etc. J’en connais les pièces suivantes : A. Des fragments d’un grand os dont le rapprochement ac- cuse une longueur dépassant 80 centimètres. Cet os paraît être un fémur gauche. Ses têtes sont mutilées. Il est peu sinueux, déprimé, surtout vers le milieu de sa longueur où sa section est en ovale, un peu quadrilatère, ayant 17 centimètres de longueur sur 7 centimètres seulement de largeur. Il n’a pas de canal médullaire, ce qui permet de le rapporter à un animal aquatique. Sa partie centrale et ses têtes présentent un tissu spongieux. B. Un fragment qui paraît être la partie inférieure du tibia gauche comprise entre le tiers inférieur et le commencement de la dilatation conduisant à la tête inférieure. Cet os n’est nullement cylindrique. Sa section transverse, observée sur la fracture supérieure, est en ovale, déprimée d’un côté de H centimètres de longueur sur 5 centimètres de largeur. Il n’y a pas de canal médullaire. La substance centrale spon- gieuse, presque nulle vers la section supérieure du fragment, est au contraire largement développée du côté de la tête infé- rieure. Comparées à celles desparties correspondantes du tibia des Crocodiiiens les dimensions mesurées sur ce fragment per- mettent de fixer à 80 centimètres au moins la longueur de l’os entier. C. Une grande portion d’un os très-allongé, fracturé d’un côté et se terminant de l’autre par une dilatation amincie, très- prononcée, dont l’une des faces est concave tandis que l’autre est convexe. C’est probablement un grand fragment de pé- roné dont les dimensions se coordonnent à. celles du fémur et du tibia précités. L’os entier devait avoir au moins 80 centi- mètres de longueur. Le fragment que je possède est long de NOTE DE M. MATHERON. 789 55 centimètres. Sa section transversale, non loin du point de rupture, a sensiblement la forme d’un triangle équilatéral, dont les angles seraient arrondis, et dont les côtés sont d’envi- ron 7 centimètres. La partie amincie et pliée en tuile a une longueur de 18 centimètres. D. Deux vertèbres caudales aussi remarquables par leur grande dimension et par la forme de leur corps que par la singularité de leurs apophyses. Ces deux vertèbres étaient consécutives dans le squelette. Elles diffèrent très-peu Tune de l’autre dans leur dimension, d’où l’on peut conclure que la queue de l’animal devait en avoir un nombre considérable, et que cette queue était consé- quemment très-allongée. Ce qui distingue surtout ces vertèbres, c’est que leur corps, au lieu d’être comprimé sur les côtés , comme dans les ver- tèbres caudales des Crocodiles, est au contraire partout dé- primé dans le sens vertical, de telle sorte que les faces articu- laires, au lieu d’être arrondies, sont en ovales transverses de il centimètres sur 7 centimètres. L’une de ces faces est con- cave, l’autre est convexe ; mais cette concavité et cette con- vexité sont de beaucoup relativement moindres que dans les Crocodiles. Le corps de la vertèbre ( centrum ) a environ 12 centimètres de longueur. Excepté au-dessus, où il est presque horizontal, il est évidé en courbe, de telle façon que vers son milieu il n’a plus que 8 centimètres de largeur sur 5 centimètres i\2 de hauteur. Le trou vertébral est petit ; il ne règne, avec la partie annulaire, que sur la moitié environ de la longueur de la ver- tèbre, du côté où celle-ci est concave. Cette partie annulaire s’élève au plus à 6 centimètres au-dessus de la vertèbre et se termine, en haut, par une sorte de faîte mousse dans lequel se résume l’apophyse épineuse. Ce faîte se prolonge d’un côté en cône qui tient lieu d’apophyses articulaires et dont le sommet obtus n’atteint pas tout-à-fait le plan de la face convexe de la vertèbre. Du côté opposé se détachent de la partie annulaire deux apophyses articulaires coniques et symétriques qui s’avancent en divergeant du côté de la face concave de la ver- tèbre dont elles dépassent le plan sur une longueur de 4 cen- timètres environ. Ces deux apophyses sont situées plus bas que le cône du côté opposé, d’où il suit, que dans l’articulation de deux vertèbres consécutives le cône de l’une se trouve situé 790 SÉANCE DU 19 AYBIL 1869, symétriquement au-dessus et au milieu des deux apophyses divergentes de l’autre. apopnyses Sur le bord de sa face convexe on remarque au-dessous de la vertebre deux saillies très-mousses séparées par une dépret sion longitudinale, analogues à celles qu’on observe dans les veitebres caudales des Crocodiles.il est permis de penser d après cela que ces vertèbres étaient pourvues d’un e hœma- pophyse, qu’elles étaient concavo-convexes et que dans Tur articulation les apophyses antérieures étaient les extérieures et les inférieures, comme cela a lieu dans les Crocodiles Ces singulières vertèbres ont quelques rapports avec' celle qui est représentée pl. V. f. 3 et 4 du supplément n° 2 à la mo- nographie des Reptiles du Wealdien et du Purbeck et Z M. Owen rapporte avec doute au genre Petorosaurus II e"t a remarquer cependant que dans cette vertèbre il existe une Hœrnapophyse adhérente par ankylosé et que les apophyses aiticulaires antérieures et postérieures sent ‘ . saillantes. postérieures sont bien moins Il est très-probable que les deux vertèbres de Rognacannar tiennent, comme la vertèbre figurée parM. Owen, à la pardè postérieure de la queue. Qu’on juge d’après leurs dimeJTon ce que pouvait être la longueur de cette partie de “a" , C. tte Srande longueur se coordonne au surplus avec les dimen s.ons des os de l’un des membres postérieurs qui accomna-" gnaieni ces vertèbres. De toutes les manières on arrive à un animal de taille véritablement gigantesque. Je n’entrevois pas la possibilité de faire entrer les vestiges •;'r t/)anS,1’Un des Senres connus- sauf erreur rie ma part,, doit donc donner lieuàla création d’un genre nouveau auquel, à raison de la haute taille que devait avoir cet animal’ J® , °"ne Ie nom d’#ypMlosaurw. Le grand Saurien de Rognac sera donc pour moi VPypselosaurus prisons 6 L ’Hypsélosaure était probablement un animal aquatique de la famille des grands Crocodiliens. Sa queue ne devait pas être comprimée sur les côtés comme celle des Crocodiles Son système dentaire est à connaître. L’absence du canal médul- aire dans les os longs ne permet pas de penser que cet ani" mal était terrestre comme l’était l'Iguanodon. fmfVeC les Stents débris osseux dont je viens de parler se trouvaient deux grands segments de sphère ou d’ellipsoïde tres-émgmatiques. à l’examen desquels plusieurs mlAnntni « NOTE DE M. MÂTHERON. 791 bien considéré, il paraîtrait que ce sont deux fragments d’œuf, probablement de Y Hypselosaurus prisons. Ces œufs étaient plus gros que ceux du grand oiseau auquel Geoffroy Saint-Hilaire a donné dans le temps le nom d ' Æpyornis. Je donnerai, dans une autre circonstance, une description détaillée de mes deux échantillons, avec dessins à l’appui. 5. Reptiles de la partie supérieure de l'étage de Rognac. Les reptiles dont il me reste à parler proviennent de cou- ches marneuses lacustres, qui ont été traversées par le souter- rain de la Nerthe9 par lequel on sait que le chemin de fer de Paris à la Méditerranée passe du bassin de Fuveau, dans le- quel se trouve Rognac, dans le bassin de Marseille. Ces cou- ches dépendent du littoral du bassin de Fuveau et sont situées sur l’horizon géognostique et paléontologique des couches su- périeures de l’étage de Rognac. Les ossements étaient extrêmement nombreux dans ces marnes; mais presque tous ceux qui ont été recueillis, à l’époque des travaux du chemin de fer, sont plus ou moins fracturés. Voici, dans son ensemble, le résultat de l’étude que j’ai faite de ces divers vestiges de reptiles : Chélomens. — Des fragments indéterminables de deux es- pèces. Une, dont la carapace était chagrinée par d’assez fortes granulations, et une autre, dont je possède des vestiges de la colonne vertébrale avec quelques portions de pièces costales, qui avait la carapace non chagrinée et probablement couverte d’écailles. Crocodiles. — 11 y avait dans les couches dont il s’agit des débris d’une espèce nouvelle de Crocodile à laquelle je donne le nom de Crocodilus vetustus , et dont je possède les pièces suivantes : A. Plusieurs dents appartenant à diverses parties des maxil- laires. Les dents postérieures ont une couronne obtuse qui est séparée de la racine par un étranglement, et qui offre au som- met de légères rugosités rayonnantes. Ces dents, ainsi que celles qui sont côniques, diffèrent de celles du Crocodilus a[fuvelensis et sont un peu moins grandes qu’elles. B. Moitié inférieure d’un fémur gauche dont les condyles, surtout l’interne, sont en partie fracturés. L’os entier devait avoir environ 23 centimètres de longueur; il appartenait con- séquemment à un animal de 3 mètres de longueur. C. Partie supérieure d’un fémur gauche, plus [petit que le 792 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869, précédent, cassé un peu en dessous de la tête supérieure. Par son éminence ou tubérosité trochantérienne, cet os diffère au- tant du fémur du Crocodilus Blavieri que de celui du Crocodilus affuvelensis. I y avait, avec les restes de Chéloniens et avec ceux du Crocodile précités, de nombreux fragments d’os de Sauriens qu’il ne m’a pas encore été possible de dé- terminer; ils seront l’objet d’une étude ultérieure. Binosaunens. — Mais ce qui doit surtout exciter un bien grand intérêt, c’est qu’il y avait aussi, parmi les débris osseux enfouis dans les marnes lacustres de la Nertbe, les restes d’un grand reptile terrestre nouveau qui avait les plus grands rap- ports avec 1 Iguanodon et auquel à raison de ses dents canne- lées je propose de donner le nom générique de Rhcibdodon. Ce Rhabdodon avait un système dentaire, du mode pleuro- donte, analogue à celui de, V Iguanodon. Les dents n’étaient pas logées dans des alvéoles distinctes. Elles étaient toutes situées dans une losse alvéolaire commune, et adhéraient, par un des côtés de leur racine, à la face interne de l’os de la mâchoire. Elles étaient comprimées, festonnées sur leurs bords supé- rieurs, régulièrement cannelées sur la moitié supérieure de leurs faces latérales et irrégulièrement onduleuses en travers, dans leur partie inférieure. Je possède de cet animal un certain nombre de pièces dont la description dépasserait de beaucoup les limites de cette note (1). Je ne parlerai donc ici que des principales, au nombre desquelles se présentent en première ligne divers fragments du maxillaire inférieur. A. Maxillaire inférieur. — A en juger par deux des frag- ments que je possédé, qui appartiennent à la partie postérieure de la mâchoire, l’un du côté gauche et l’autre du côté droit, le maxillaire inférieur du Rhabdodon , comme celui de V Igua- nodon, était remarquable par le parallélisme de ses bords su- périeur et inferieur et par la présence de dents jusqu’au point où l’os se relève assez brusquement pour former l’apophyse coronoïde ; j ignore si, comme dans l 'Iguanodon, la partie anté- rieure du maxillaire était dépourvue de dents et si elle était (1) J’en ai donné des descriptions assez détaillées, avec dessins à l’appui, dans une notice que j’ai lue à l’Académie de Marseille le 1er avril, et qui est sous presse. NOTE DE M. MATHEHON. 793 coupée en biais. Par analogie il est permis de penser qu’il en était ainsi. La surface extérieure au lieu d’être, comme dansl 'Iguanodon, verticalement un peu concave vers le haut, est convexe ou su- banguleuse dans son ensemble, divisée qu’elle est en deux par- ties presque planes, qui forment entre elles un angle obtus, à sommet arrondi. On remarque vers le bas de la partie supé- rieure, c’est-à-dire, un peu au-dessus de l’angle obtus décur- rent situé vers le milieu de l’os, des trous analogues à ceux qui existent dans Y Iguanodon, avec cette différence, que dans le maxillaire inférieur de cet animal ces trous sont situés presque sur le bord supérieur de l’os, et que, toute proportion gardée, ils sont plus rapprochés les uns des autres. La surface extérieure de l’os est sensiblement lisse. La fosse alvéolaire repose sur une saillie de l’os dentaire. Elle est formée au fond par une sorte de rainure qui existe au- dessus de cette saillie, d’un côté par la partie supérieure de l’os dentaire et de l’autre par unoperculaire qui s’élève jusqu’à la hauteur du bord supérieur du maxillaire. Il suit de là que les dents ne sont apparentes que par leur sommet et qu’on ne peut les observer qu’en enlevant l’os operculaire. On voit au-dessous de la saillie supportant la fosse alvéolaire le canal mandibulairequiest à découvert, et dont la profondeur augmente à mesure qu’il s’approche de la partie postérieure du maxillaire. Les dents sont nombreuses, presques contiguës. On en voit de toutes les dimensions, ce qui permet de supposer que leur accroissement et leur remplacement s’effectuaient de la même manière que dans Y Iguanodon. La plus grande des dents exis- tantes sur mes échantillons a une longueur d’avant en arrière de 2 centimètres. La hauteur verticale des maxillaires que j’ai sous les yeux est exactement la moitié de celle du maxillaire inférieur de Ylguanodon,. d’où il faut conclure, ou que les fragments de maxillaire que je possède ont appartenu à de jeunes Rhab- dodons , ou, que toute proportion gardée, la tête de cet animal était relativement moins grande que celle de Ylguanodon. 11 est probable que la seconde de ces hypothèses se rapproche da- vantage de la vérité que la première. B. Une vertèbre dorsale ou lombaire fracturée et déformée. Elle est légèrement bi-concave. Son trou vertébral est grand. On y aperçoit une partie de l’apophyse épineuse, une portion 794 SÉANCE DU 49 AVRIL 1869. de l’une des apophyses transverses, des vestiges de l’une des apophyses articulaires postérieures, etles deux apophyses arti- culaires antérieures, dont l’une, la gauche, est en très-bon état. L’articulation de deux vertèbres consécutives s’effectuait comme dans les crocodiles; c’est-à-dire que les apophyses ar- ticulaires antérieures d’une vertèbre étaient extérieures et in- férieures par rapport aux apophyses articulaires postérieures de la précédente vertèbre. La face articulaire du corps de la vertèbre est un peu ellip- tique dans Je sens vertical. Sa largeur est de 6 centimètres. Cette vertèbre est d’une grandeur égale aux 2j3 de celles des vertèbres analogues des Iguanodons. On n’aperçoit pas de traces d’une apophyse inférieure. C. Un fragment de sacrum dans lequel on voit deux ver- tèbres, avec leurs apophyses articulaires et leur partie annu- laire, et la moitié d’une troisième vertèbre. Toutes ces pièces sont adhérentes entre elles par ankylosé. La longueur des vertèbres est de 5 centimètres, c’est-à-dire, les 2|3 de la longueur de celles qui existent dans le sacrum des Iguanodons. Cet échantillon démontre à lui tout seul que le Ehabdodon était un Dinosaurien. D. Une vertèbre caudale postérieure. Cette vertèbre est légè- rement bi-concave. Elle est évidée au milieu, un peu déprimée dans le sens transversal. L’exiguïté de son trou vertébral prouve qu’elle appartient à la dernière moitié de la queue. On voit au- dessus quelques traces d’apophyses. Elle a 8 centimètres de longueur, c’est-à-dire, que ses dimensions sont les 2j3 environ de celles des vertèbres analogues des Iguanodons. E. Un fragment de vertèbre caudale du milieu de la queue avec des vestiges d’une longue apophyse épineuse. F. Un humérus droit dont la tête supérieure est fracturée et qui devait avoir environ 29 centimètres de longueur. Il a les plus grands rapports avec l’humérus de l 'Iguanodon. G. La moitié supérieure d’un fémur droit qui a aussi les plus grands rapports avec le fémur de l 'Iguanodon. On voit sur l’un des côtés de sa tête un trochanter en crête qui se détache un peu de l’os et qui ensuite le courbe. Un autre trochanter existe sur l’un des côtés de l’os, vers le milieu de sa lon- gueur, au point oii il présente une facette déprimée qui forme en quelque sorte méplat. Cet os devait avoir environ 50 centimètres de longueur. NOTE DE M. MATHEHON. 795 H. La partie inférieure d’un tibia droit qui devait avoir près de 50 centimètres de longueur. En résumé, on voit que le Reptile que j’inscris dans mon catalogue sous le nom de Rhabdodon priscum était un animal terrestre très-voisin des Iguanodons. La présence inattendue de ce Dinosaurien et du gigantesque Hypselosaurus dans l’étage de Rognac reporte naturellement notre pensée sur inintéressante et difficile question de l’appari- tion successive des types organiques. Si nous sommes à cet égard dans la plus complète ignorance, l’observation nous a-t-elle du moins fait reconnaître que le développement de tous ces types à travers les divers âges du monde paléontolo- gique ne paraît pas s’être effectué d’une manière intermit- tente, c’est-à-dire, que tout porte à croire qu’il n’y a jamais eu de réapparitions de types éteints et que par suite les solutions de continuité qui semblent quelquefois exister seront peu à peu comblées à mesure que se multiplieront d’avantage les recherches paléontologiques? S'il en est ainsi, on peut à bon droit se demander jusqu’à quel point il est possible d’admettre que la chaîne des grands Crocodiliens et celle des Dinosauriens aient été interrompues dans le commencement de la période crétacée pour se re- nouer plus tard à l’époque de Rognac? On peut se demander, en d’autres termes, si la solution de continuité qu’on remarque ici ne serait pas plutôt apparente que réelle et si elle ne tien- drait pas autant à l’insuffisance des observations qu’à la rareté des débris organiques ayant appartenu aux animaux qui for- maient le lien entre les grands reptiles des deux époques. Quoiqu'il en soit de cette question, il est du moins certain que l’existence des débris de ces grands reptiles dans diverses couches de la série fluvio-lacustre du bassin de Fuveau donne à ces couches un caractère d’antiquité devant lequel, je l’es- père, s’évanouiront tous les doutes. Le Secrétaire rend compte de la communication suivante de M. le Br Toucas : 796 SÉANCE DU 19 AVRIL 3889. Description géologique et paléontologique du canton du Beausset ( Var) et de ses environs; par M. R. Toucas (PI. YI). Une série de vingt-sept étages se sont succédé depuis la fin des terrains azoïques. En suivant la division des étages de notre illustre et regretté ami Alcide d’Orbigny, nous trouvons dans ce canton treize terrains, en commençant par le con- chylien et finissant par le fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb. La première période de Panimalisation manque. La deuxième période : triasique, comprend : 5e étage : Conchylien. — 6e étage : Saliférien (1). Troisième période .-jurassique. 7e étage : Infra -lias. — - 8e étage : Liasien. — 9e étage : Toar- cien. — 10e étage : Bajocien. Quatrième période : crétacée. . 17e étage ; Néocomien. — 18e étage : Aptien. — 19e étage : Al- bien. — 20e étage ; Cénomanien. — » 21e étage : Turonien. — - 22e étage : Sénonien. Cinquième période : tertiaire. 24e étage : Fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb. Nous ajoutons les alluvions anciennes et modernes. Le Beausset, au centre des terrains crétacés et assis sur le grès vert mornasien, se trouve à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer. La longueur du canton est de 31 kilomètres, à partir de la pyramide des ingénieurs géographes au nord-est, jusqu’à la mer, près le port d’Alon. Sa largeur est de 25 kilomètres, prise à la Barralière, bergerie de Turben à l’est, jusqu’à la bastide du Pin à l’ouest. Ce canton est, sans contredit, l’un des plus riches en fossiles de notie département. Dans un tableau général, nous ferons connaître les lieux qu’ils occupent, leurs noms génériques et spécifiques, et les erreurs qui se sont glissées dans la Paléon- tologie française à. Alcide d’Orbigny, erreurs involontaires, occa- sionnées à la suite des mélanges qui ont eu lieu dans les envois. Le muschelkalk commence l’échelle géognostique du can- ton, et le suessonien la finit. (1) Cet étage ne renferme que des marnes irisées et des gypses. uxi jj>eaussei f \ar) — Tewams Tei'iLair \ ^ 2a?eSér,e,T.JXVI,n.n, face 7,96 NDE DES TERRAINS es N ora des EtagN Orbigny | d'apres MP € o quand es ysorvLen, mzen SantcmjLen__ % Terrains Grétac a « yruert Provenam. .... | fi vnien. Momasien ^nzeruligérierv irnajvieju CarantxiivLerc - ucL ..... &ai\{urne n es o COTruiaL irrams neit «Juras si ai q ue s Ÿien, émuriea aaInf}‘a-Lias brrai n s Tin a si que s ‘ries irisées et gypses subordonnés Ÿcéieibalé oir CbruJujlien |i> bigar res et Calcaire^ Rodes Eeuptives ipes iasaüigues cTrell.e au-^oo noo 4 Myri triions ajunennes tmons modernes Imp.Pexgu-etPoré 796 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. Description géologique et palêontologique du canton du Beausset ( Var) et de ses environs ; par M. R. Toucas (PI. YI). Une série de vingt-sept étages se sont succédé depuis la fin des terrains azoïques. En suivant la division des étages de notre illustre et regretté ami Alcide d’Orbigny, nous trouvons dans ce canton treize terrains, en commençant par le con- chylien et finissant par le fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb. La première période de Panimalisation manque. La deuxième période : triasique, comprend : 5e étage : Conchylien. — 6e étage : Saliférien (1). Troisième période .'jurassique. _ 7e étage : Infra -lias. — 8e étage : Liasien. — 9e étage : Toar- cien. — 10e étage : Bajocien. Quatrième période : crétacée. . 17e étage : Néocomien. — 18e étage : Aptien. — 19e étage : Al- bien. 20° étage ; Cénomanien. — 21e étage : Turonien. — 22e étage : Sénonien. Cinquième période : tertiaire. 24e étage : Fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb. Nous ajoutons les alluvions anciennes et modernes. Le Beausset, au centre des terrains crétacés et assis sur le grès vert mornasien, se trouveà200 mètres au-dessus du niveau de la mer. La longueur du canton est de 31 kilomètres, à partir de la pyramide des ingénieurs géographes au nord-est, jusqu’à la mei, près le port dAlon. Sa largeur est de 2o kilomètres, prise à la Barralière, bergerie de Turben à l’est, jusqu’à la bastide du Pin à l’ouest. Ce canton est, sans contredit, l’un des plus riches en fossiles de noiie dépai tement. Dans un tableau général, nous ferons connaître les lieux qu’ils occupent, leurs noms génériques et spécifiques, et les erreurs qui se sont glissées dans la Paléon- tologie française d’ Alcide d’Orbigny, erreurs involontaires, occa- sionnées à la suite des mélanges qui ont eu lieu dans les envois. Le muschelkalk commence l’échelle géognostique du can- ton, et le suessonien la finit. (1) Cet étage ne renferme que des marnes irisées et des gypses. Bull de la Soc ■ Gml . de France é Oue^AvriLr™ Note de MV T OU CAS _ Sur la géologie et la paléontologie du Beansset (Var) 2™e Série, 71 XXVI, PL FJ, Page 796 d'Evenos- u ras s au. i .EcTielLe an. ^00.000 ; > ■ ' 4 ATynd. LEGENDE DES TERRAINS Nota des Etag dApresUTdOrbigir^ | dûapces Ml Co quand Tewams Tertiaires v w v vv I 0 v v T-W vl ouessomen, Ivv V V V vl w H»" " *■ w v»» w -V. V--^ î Senorden SontoruLerv. Terrains Crétacés Turomen. Proz/encten. Turonien. Morrmsien Tm'cmieruL igénen CenornojuLen _ Carantoftien ut. (rardorden, ÂXbiav Apb N&ocornjLejL Terrains Jui1 assignes Bajaeien ToarcLen. Liasien, Sinemta^ien. aie. In/} ■«. - h tas T, errams linasi i que a M tv'Ties irise tes et gypses subordonnés Musckelk alh ou ( ondiylien Grès bigarrés et Calmù'e Roclies Eruptives Happes basaltiques mÊÊÊÊ AUivowns anciennes Allumons modernes ImpBerguet Paré NOTE DE M. TOUCAS. 797 DEUXIÈME GRANDE ÉPOQUE DE L’ANIMALISATION DU GLOBE. PÉRIODE TRIASIQUE. Cette époque commence avec le grès bigarré et finit avec les marnes irisées. 5e étage : Conchylien , d’Orb. Au Beausset, ce terrain est compris dans un massif, qui renferme une vingtaine de coteaux plus ou moins accidentés. Son périmètre est d’environ 11 kilomètres. Ce massif, formant un cercle irrégulier, commence au quar- tier de Bon; il comprend le Réal-Martin, le Cas, le plateau de la Marne, la colline qui la domine, les deux Canadeau, le grand escarpement de la Migoi, la campagne des Pères, les Cambeirons, les gypsières du Vieux-Beausset, et enfin aux Venturones qui s’étendent jusqu'aux ruines du moulin à vent de Bon. Terroir du Castelet , quartier du Cas , plateau de la Marne. — La maison de campagne de la Marne donne son nom à ce pla- teau. Il offre un escarpement au nord, au-dessus du défilé de Gavari; son étendue est de 200 mètres, et sa largeur de 80. Sa surface, presque plane à l’est, est très-inclinée à l’ouest. Le sol est marno-argileux, de couleur jaunâtre, la même que celle des galets remaniés sur place. On y trouve souvent des coquilles fossiles liées ensemble. Vers le milieu de ce champ se voit une petite cabane en ruines, montée en pierres sèches, et sur laquelle on trouve de beaux fossiles. Les murailles, entre-croisées en tous sens, sont montées par des calcaires conchyliens, pris sur place; sur leur surface saillent des articulations d’Encrines de l’espèce liliiformis. Sur des conglomérats jaunâtres se montrent des fossiles peu reconnaissables; sur des lumachelles de Térébratules s’y trouvent quelquefois des Myophoria curvirostris. Les mollusques, que l’on trouve dans les marnes, sont les mieux conservés. Les plus communs sont la Terebratula commuais , dont deux ou trois iné- dites, la Lima regularis et ses variétés, la Gervillia socialis , le Ceratites nodosus, etc., etc. A la fin de l’étage, nous compléte- rons les genres et espèces de coquilles fossiles que l’on peut récolter sur ce plateau. C’est d’après les beaux et remarquables 798 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. fossiles que l’on y a recueillis que M. Alcide d’Orbigny en a fait son second type français. La petite colline qui domine le plateau de la Marne présente au nord-est une pente douce, et au sud-ouest un escarpement, d’où se détachent des gros blocs calcaires, qui, pendant les orages violents, entraînent après eux les vignes et les oliviers, et tout ce qui se trouye sur leur passage. La perspective noi- râtre de ces roches, jointe à la verdure des pins, forme un contraste frappant. Ces roches n’offrent aucune trace d’orga- nisation. Le muschelkalk au défilé de Gavari, immédiatement au-des- sous de l’escarpement du plateau, s*’élève sans interruption au-dessus de la source de Rouve, et va former sur le point culminant de Cambeiron une des assises les plus puissantes de notre département. Là se montre une grande faille qui sépare les couches calcaires du conchylien d’avec les roches sédimentaires de Pinfra-lias. On y voit encore les mêmes bra- chiopodes de la Marne. A Toulon, les schistes micacés et talqueux, ainsi que le nou- veau grès rouge et vosgien, sont placés sous le grès bigarré. La même superposition a lieu au Beausset; nous trouvons de plus les poudingues à noyaux de porphyre à la hase de ce grès; ils ont une faible épaisseur. Le grès bigarré porte ce nom à cause des diverses couleurs qu’il présente et qui sont dues à des sels de fer. Ils sont mar- quetés de taches noirâtres ; on en voit qui ont sur leurs surfaces un grand nombre de petits fragments noirs, les uns en dicho- tomie, les autres aplatis prenant la forme de crayons. Nous pensons que ces empreintes ont dû appartenir au règne végétal. Le grès bigarré est isolé à Cambeiron, où il est recouvert par les calcaires conchyliens. Ce grès est très-peu coquillier ; il repré- sente le littoral de la mer concnylienne; on y voit des den- drites. Nous avons trouvé des os de sauriens et trois spécimens d eWoltzia brevi folia. Les couches du grès bigarré sont minces dans des localités et épaisses dans d’autres; leur ensemble donne l’épaisseur de 125 mètres. Nous avons reconnu sur ce grès la trace de pas d’animaux, mais nous n’avons pu les rapporter à aucune division du règne animal. Le grès bigarré a été dérangé par trois failles au massif du Vieux-Beausset. Ces failles existent aussi dans Tinfra-lias. La première, qui est plus petite, se montre à Bon; elle doit avoir eu lieu pendant la fracture des calcaires de cette localité. Elle NOTE DE M. TOUCAS. 799 est séparée des marnes irisées et de l’infra-lias qui occupent la partie supérieure de la colline. La moyenne, qui est la plus grande, divise les marnes irisées et les gypses à mi-côte, à la platrière de Déprat. La troisième occupe la partie la plus élevée sur laquelle est bâti l’ermitage; elle est presque en totalité dans Pinfra-lias, excepté au sud de la colline, où les marnes et les gypses sont séparés des calcaires d muschelkalk de Gain- beiron. Ces trois cassures sont dirigées du nord au sud; elles ont pour premier alignement les gypses, au versant septentrio- nal du Vieux-Beausset, et pour le deuxième les marnes irisées, au versant méridional. Ces trois systèmes de failles descendent jusqu’à la base du grès bigarré, au midi des quartiers de Bon et de Bouve, et chacune d’elles signale une source; la plus petite est celle du Noyer; celle du milieu est indiquée près d’un aqueduc que l’on voit à mi-côte sur le chemin de l’ermitage. Les eaux de ces deux sources ne sont pas potables; elles sont très-chargées de sulfate de chaux. La troisième est la plus abon- dante; le quartier de Rouve lui donne son nom. L’eau de cette source doit lui arriver des marnes irisées du Vieux-Beaus- set et des couches marno-argileuses de Cambeiron, du côté du midi. Elle est bonne pour la cuisson et est très-agréable à boire. La plus grande fracture a donné son relief aux calcaires isolés et coquilliers de Cambeiron. La seconde signale l’ermitage avec l’infra-lias qui le couronne, La troisième désigne les calcaires du muschelkalk de Bon plongeant à l’ouest. Il y a bien d’autres failles. Ce n’est qu’à la description des terrains respectifs que nous les indiquerons. Nous ne devons pas clore la description du grès bigarré; il se présente encore au-dessus de la maison de campagne de M. Caudier et de la propriété la Galone, immédiatement au- dessus du chemin qui va du Beausset au Castelet. Ici ce grès est chargé de carbonate de chaux; on voit sur le tertre qui domine le chemin un grès traversé par des veines blanchâtres. C’est ce carbonate qui s’est concentré et cristallisé dans ses fentes. Pour compléter la minéralogie de l’étage, nous dirons que les calcaires conchyliens sont compactes, durs, bleuâtres; ils représentent la partie sédimentaire marine de la mer con- chylienne, et le grès bigarré les parties terrestres de l’époque. Ces deux séries de couches ont une intimité bien suivie. Là où s’est déposé le grès, le calcaire s’y superpose en stratification concordante. 800 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. A la Marne, le calcaire a une épaisseur de 3 mètres ; au-dessus de la source de Rouve, à la cime de Gambeiron, elle est de 20 mètres, et de 35 mètres au-dessus de la source de Fons-Vive. Nous pourrions porter au décuple son épaisseur. Les roches dolomitiques sont granuleuses, grisâtres, avec des cristaux de chaux entre les fissures; elles changent de cou- leur selon les lieux. La surface de ces roches est bosselée et bombée en forme de choux-fleurs. Les roches magnésiennes succèdent aux roches à chaux carbonalée; elles sont blan- châtres, à grain fin, rougeâtres et cloisonnées, selon les lieux les géodes ou cellules qu’elles offrent sont rhomboïdales et remplies en partie ou en totalité de marnes argileuses. Dans ce système de couches, la magnésie est assez abon- dante. La grande plâtrière d’Imbert à Gavari se trouve à la base de ces couches. A celles-ci succèdent les calcaires caverneux ou à cargneules, dont a fait mention M. Thirria; ils sont très- développés au-dessus des marnes irisées, sur le bord du chemin de l’ermitage, propriété Suquet. A la base de ce système de couches, on voit une roche feuilletée, d’un gris plombé, dont les surfaces sont tapissées de dendrites. Au pont de l’Escaillon, près de Toulon, se montre une roche coquillière, qui oscille d’un à deux mètres sur une longueur de cinq. Elle est entièrement formée de Terebratula communis ; elles ont entre elles fort peu de matières agglutinavives. Nous pensons que dans le fond de la mer conchylienne de ce temps si reculé, il a dû y avoir de forts courants d’eau, qui ont en- traîné dans ce lieu ces masses innombrables de brachiopodes, des mêmes genre et espèce, sans mélange aucun. Nous ajoutons que les ouvriers, en déblayant le chemin, ont dû en enlever les deux tiers. Sans aller bien loin, on peut étudier les roches du muschel- kalk sur le chemin du Beausset au Castelet, au-dessus de la propriété la Galone. La plupart sont en place ou servent de murs à la vigne et aux oliviers. Le sol est marneux, le tertre qui le domine offre des roches blanchâtres, rouges de lie de vin et grisâtres. Immédiatement au-dessous de l’infra-lias, la colline du Vieux -Beausset renferme de vastes magasins de plâtre. Le gris est le seul exploité; le rouge et le blanc ont une faible épaisseur. La puissance du gris est de 40 mètres sur une longueur de deux kilomètres. Jadis l’exploitation se faisait sur une grande échelle; actuel- lement elle est très-restreinte. Nous n’en connaissons pas la NOTE DE M. TOUCAS. 801 cause. Tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que les roches gypsifères affleurent en des endroits encore intacts. On compte dans le canton huit ou neuf carrières de gypse exploitées. L’une des plus grandes est celle d’Imbert, près Gavari. Elle nous a offert des cristaux gypseux translucides, comme ceux que l’on trouve à Montmartre, près de Paris. Les gypses et les marnes irisées au-dessous de l’infra-lias doivent être compris dans l’étage saliférien. Toutes ces couches de roches n’offrent aucune trace d’organisation. Les marnes irisées sont fortement chargées de pyrites de fer; elles ont éprouvé une décomposition. Le bitume a été détruit par l’acide sulfurique, dû au sulfure de fer, et la majeure partie du carbonate a été transformée en gypse nuancé de diverses couleurs. Les marnes irisées suivent les allures de l’infra-lias ; elles font partie de la grande époque du trias. Elles ont une épais- seur de dix-huit mètres, et varient de couleur comme le grès bigarré. Plusieurs sources sortent de ces marnes. Nous nommerons la principale, qui alimente en partie les fontaines du Beausset. C’est celle de Fons-Vive. Les eaux de cette source lui arrivent dans un bassin commun par trois voies différentes : 1° par les argiles marneuses de la Migoi; 2° par les grès et marnes cal- caires du conchylien de Cambeiron; 3° par les eaux des réser- voirs naturels du sénonien qui dominent cette source, au-dessus de la maison de campagne des Hoirs-Olivaux. Les puits ne manquent pas dans le Beausset. La plupart de leurs eaux sont chargées de sulfate de chaux; elles ne sont pas potables. Les eaux de fontaines ou de puits, qui sont alimen- tées par les terrains turonien et sénonien, sont plus légères et agréables au goût; mais pendant les années de sécheresse presque toutes les sources tarissent, de quelque terrain qu’elles arrivent. Trois points remarquables se font voir sur le muschelkaîk. Le premier se voit au Cas avec ses calcaires noirâtres dont nous avons fait mention. Le second au Montpibernon, sous l’ancien télégraphe aérien de la Cadière. Le troisième à la Buse, plateau du Castelet. Ils forment un triangle très-espacé, plon- geant tous les trois sous le bassin commun du Castelet et de la Cadière. Les deux terrains crétacés, turonien et sénonien, et le terrain tertiaire fluvio-lacustre, suessonien, d’Orb.,se super- posent en stratification transgressive et lui 'servent de toit. Soc. géol., 2e série, tome XXVI, SI 802 SÉANCE BU 19 AVRIL 1869. Massif commun du trias. — Ses rapports avec les terrains crétacés cénomanien , turonien et sénonien . Dans toute son étendue, le trias est recouvert par le céno- manien en stratification discordante. Le conchylien a le turo- nien au pied, et le sénonien lui sert de ceinture. Ces deux der- niers étages suivent les inflexions du conchylien. Sur le plateau du Castelet, au Montpibernon et à Fontainieu, terroir de la Cadière, on y trouve en plus le suessonien fluvio-lacustre. Ici, le muschelkalk a encore sur lui le mornasien de M. Co- quand; les deux derniers membres de la craie occupent la même place qu’au massif. Le suessonien suit toutes les allures du sénonien et le re- couvre en stratification concordante. Depuis la fin de l’époque conchylienne jusqu’à la fin du turo- nien, il existe pour ce dernier une lacune de seize étages; elle est de dix-sept pour le sénonien et de dix-neuf pour le suesso- nien. Les lacunes en plus pour cet étage viennent de l’absence du danien. Nous disons à priori : 1° les calcaires conchyliens du massif communiquent avec leurs congénères d’Ollioules et de Toulon à l’est, en plongeant sous les calcaires néocomiens des gorges d’Ollioules; 2° au nord-ouest avec ceux du plan d’Aups et de Saint- Maximin, en plongeant sous les terrains jurassiques et crétacés de la Sainte - Baume; 3° au nord-est avec ceux de Signes, en plongeant sous les trois derniers terrains crayeux et le suessonien à Gyclades fluviatiles. Enfin, le muschelkalk se lie avec ses congénères des pays susnommés, et forme avec eux un tout où finit l’extrémité continentale et occidentale de Pilot du Var. Nous comprenons dans le terrain du trias du canton : le grès bigarré, les calcaires, les couches marno-argileuses, et les marnes irisées et gypses de Signes, des Baumelles,de Fontai- nieu, du Patoir, sur les limites de la Cadière et de Bandol. On peut évaluer la puissance du trias du canton à 799 mètres. Les discordances, les fractures et les isolements du muschel- kalk, que nous avons cités entre la fin de cette époque et le commencement du premier terme jurassique sinémurien, sont arrivés pendant le système du Thuringervald, du Bœhmervald- Gebirge, du Morvan de M. Éiie de Beaumont, système dont la direction est de l’ouest 40° nord, à l’est 40° sud. NOTE DE M. TOUCAS. 803 TROISIÈME GRANDE PÉRIODE DE L’ANIMALISATION DU GLOBE. — TERRAINS JURASSIQUES. 7e Étage. * — V infra-lias remplit en partie la lacune du calcaire à Gryphées arquées de MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont. En 1866, dix ans après notre découverte de Pinfra-lias (1), à un kilomètre à l’est du vieux Beausset, dans le quartier de la Migoi, nous avons encore reconnu un autre lambeau infra- liasique; il repose en stratification transgressive sur le Mus- chelkalk. 8e Etage. — ■ Liasien , d’Orb. — Le deuxième de la série Jurassique. Le liasien est assez développé au versant méridional de la Sainte-Baume, dans une partie de la plaine et sur lemont-Pa- radis. Le sol est argileux; nous y avons recueilli des Ammo- nites margaritatus et spinatus. Les roches sédimentaires sont grisâtres et brunâtres, presque entièrement formées d’Ostrea cymbium major. Les calcaires se désagrègent pendant les années pluvieuses; ils s’étendent du sud au nord au-dessus du Latay, près des glacières; ils changent de direction de l’ouest à l’est et plongent sous le toarcien dans le vallon de Tailîane, au nord du village de Signes. Dans ce vallon les couches lia- siennes ont éprouvé des plissements remarquables; les fossiles mêmes sont très-comprimés. Ces couches s’étendent à mi- côte sur toute l’étendue de la chaîne; on y trouve les Terebra- tula numismalis , Rhynchonella acuta , Lima punctata , etc. A Tailîane, aux limites de cet étage, nous avons recueilli le Pecten œquivalvis , YOstrea cymbium minor , une jolie Ammonite nouvelle et un Pecten qui a quelque analogie avec le Pecten lens ; mais celui-ci occupe un horizon plus élevé. Cet étage se montre au bord de la mer, entre Saint-Nazaire et Bandol; nous ne faisons que le citer, car il a déjà été décrit par divers géologues. Nous dirons que nous y avons récolté beaucoup de fossiles, tels que Rhynchonella varians , une grande Bélemnite, une Ostrea cymbium major avec ses ornements an- ciens très-curieux ; nous y avons recueilli trois Lima , la punc- tata dans le liasien, la gigantea , rare, dans le toarcien, et la Lima heteromorpha , très-commune à la base de l’étage bajo- cien, etc. j (1) Voir Bulletin de la Soc • gèoh de France , 2e série, XXIII, 13, 804 SÉANCE DU 19 AVRIL 186 . Dans la commune de Riboux, au pied de la Sainte-Baume, Pétage repose en stratification discordante sur le muschelkalk. La puissance du lias moyen à la Sainte-Baume est moins grande qu’à Taillane, où elle peut être évaluée à 95 mètres. 9e Étage. — Toarcien , d’Orb. — Le 3me de la série jurassique. Le lias supérieur est le plus étendu de la série dans notre département; il se montre sur le rivage de la mer entre Saint- Nazaire et Bandol, dans le vallon de Vallongue, au-dessus du mont Paradis, à Taillane, à Belgentier, à Valcros, prés Cuers, au Puget, à Carnoules, où sont les plus beaux fossiles, à Pi- gnans, à Gonfaron, au Luc et à Vidauban. Nous croyons que ses limites se trouvent entre ces deux derniers pays. Il recouvre le liasien ou lias moyen en stratification con- cordante. Le calcaire est compacte, grenu, brunâtre et noirâtre; il change de couleur et devient jaunâtre et prend la forme oolithique au contact de Pétage bajocien. Les bancs varient d’épaisseur selon les localités. Dans les couches cal- caires se trouve la riche faune de l’époque. Parmi les cépha- lopodes : les Belemnites canaliculatus et tripartitus , Ammonites radians , serpentinus , insignis , Calypso , etc. Parmi les gastéro- podes : les genres Turbo , Cerithium , etc. ; parmi les brachio- podes : la Rhynchonella teiraedra et un bon nombre de Térébra- tules, etc. Tous ces fossiles nous les avons recueillis entre Saint-Nazaire et Bandol, à Valcros et à Taillane. L’épaisseur de l’étage est de 315 mètres. 10e Étage. — Bajocien , d’Orb. — Le 4e de la série jurassique. C’est le dernier étage qui se montre dans le canton. Il se montre au versant sud de la Sainte-Baume, au-dessus et près des Glacières, à Taillane, entre ce vallon et Mazaugue. Iln’y a pas d’étage dans la partie moyenne de la série jurassique dont la minéralogie change plus d’aspects et de variations dans les roches. Cependant la nature oolithique est celle qui lui est la plus caractéristique. Dans ce système la roche est formée à sa base de grains de forme lenticulaire; elle est souillée d’oxyde de fer, qui attaque le calcaire; sa couleur jaunâtre domine les autres. A la Sainte-Baume, ce calcaire est grisâtre et brunâtre dans la plupart des couches; il présente à sa base des Fucus et NOTE DE M. TOUCAS. 805 autres traces de végétaux agames. Entre Bandol et Saint- Nazaire nous avons extrait d’un calcaire blanchâtre le Belem - nites canaliculatuSy 1 ’ Ammonites subradiatus ; parmi les gastéro- podes, un Turbo ; parmi les lamellibranches, une Pholadomya et une Lyonsia; cette dernière, nous l’avons recueillie dans une couche marno-argileuse jaunâtre au-dessus du rivage* à quel- ques cents mètres avant d’arriver à la Gride. Tout près de cette localité, sur le rivage battu par les eaux, se montrent des Ostreciy des Pecten, des Turbinolia et des quantités de mollusques fossiles. Au-dessus de la colline qui domine Bandol nous n’avons pas trouvé de fossiles. Dans le vallon de Yallongue nous avons trouvé un grand nombre deTérébratules, et parmi les lamellibranches le Pecten Erebus et une Pholadomya fidicula. Nous tenons des Maulines, et du haut du vallon deTaillane, les brachiopodes tels que : Terebratula globata , spheroidalis , bul - lata , etc. Les affaissements et dislocations qui se montrent à la base de l’étage, près de Mazaugue, au nord de Signes, se présentent encore au vallon de Valcros près de Cuers.Là, dans le toarcien, nous avons recueilli les Ammonites serpentinus et bifrons et la Rhynchonella tetraedra. Ces espèces sont très-communes à Val- cros. Dans le Bajocien de cette localité nous avons récolté les mêmes brachiopodes qu’au vallon de Taillane. Dans le petit sentier qui longe le vallon de Valcros, nous nous sommes aperçus des nombreuses empreintes d’un Fucus que la mer Bajocienne y a déposé. Ce Fucus , que depuis plusieurs an- nées M. Eugène Dumortier a fait connaître, a été nommé Chondrites scoparius parM. Thiollière. ÉPAISSEUR DE CHAQUE TERRAIN JURASSIQUE. Bajocien 410 mètres. Toarcien 315 — Liasien 95 — Infra-lias, ses deux lambeaux réunis 79 — Total 899 mètres. QUATRIÈME GRANDE PÉRIODE DE L’ ANIMALISATION DU GLOBE. TERRAINS CRÉTACÉS. Dans le canton une ère nouvelle commence avec l’étage néocomien et finit après le sénonien. 806 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. On trouve les six étages en se dirigeant de Cassis vers la Bédouîe, Cujes, la Sainte-Baume, la Dalmasse, la Barralière, Turben, le Beausset, le Castelet et la Cadière. w * Etage néocomien . Cet étage se montre dans la commune de Riboux, à la par- tie supérieure de la Sainte-Baume, près le Saint-Pilon à Saint- Cassian, le point le plus culminant de la chaîne; entre le Beausset et Cujes; à l’est, dans la commune d’Événos, les vaux d’Ollioules, le bas du chaînon du Grand-Cerveau qui en est la suite. Ce chaînon, qu’on appelle encore Barre de la Val- daren,est composé d’un calcaire compacte dur, blanc cristallin vers le haut, qui appartient à l’étage aptien. A sa base sont des couches minces de grès jaunâtres composées de radioles d Échinodermes. Sur le chemin l’on trouve des moules du Corbis corrugata qui descendent de la partie supé- rieure; à gauche de ce chemin sont des couches marno-cal- caires grisâtres et brunâtres et quantité de cailloux de toute grandeur, qui paraissent avoir été remaniés ; ces couches et ces cailloux appartiennent au néocomien ; ici on ne trouve dans le néocomien que les déhris d’Échinodermes cités. Au-dessus du pont de Simaï, à 2 mètres d’une petite source, se montrent des calcaires brunâtres très-compactes, durs; sur leurs surfaces se trouvent quantité de fossiles; les plus re- marquables sont des Huîtres de plusieurs espèces, des Téré- bratules et beaucoup de débris d’oursins; mais tous ces fos- siles sont tellement empâtés dans la roche qu’il est très-difficile de les extraire. Ce lieu a dû être sans doute le fond de la mer de cette époque. Les calcaires du bas du Grand-Cerveau, réunis à ceux de Simaï, d’Événos et de Capéou-Gros, peuvent être évalués à 338 mètres, dont 53 d’argiles. Les couches calcaires supérieures du néocomien de Pouest sont inclinées de 23 degrés à l’horizon. Dans le terroir de Riboux nous avons recueilli les mollus- ques fossiles suivants : Ammonites radiatus , Pleurotomaria neocomiensis , Corbis corrugata , Ostrea Couloni , etc. Nous avons encore trouvé les mêmes genres et espèces fossiles dans les couches argileuses de la forêt entre Cujes et le Beausset. L’épaisseur des couches calcaires de la commune de Ri- boux, du Saint-Pilon, de Saint-Cassian, y compris celles entre Cujes et le Beausset, peut être évaluée à 375 mètres. Entre NOTE DE M. TOUCAS. 807 le massif d’Événos et la chaîne de Capéou-Gros se voit une cluse, tout près le bourg du Broussan; elle porte le nom de Destéou. C’est là que se réunissent toutes les eaux torrentielles du nord de ce pays, lesquelles entraînent des blocs énormes de basalte qui vont se joindre à ceux de la petite rivière de la Rèpe, qui s’est formé un lit entre les gorges d’Ollioules. Les discordances, les isolements, les failles, des causes lointaines, ont suffi pour amener la fin de la flore et de la faune de cette époque. M. de Villeneuve, dans son ouvrage sur la statistique de notre département, dit à la page 166 : «Le néocomien du pla- teau de Gujes plonge au sud sous la craie du Beausset et du Castelet. » Nous sommes loin de partager l’opinion de ce savant. Voici la nôtre. Le muschelkalk du Beausset etdu Castelet plonge sous les couches inférieures du grès vert cénomanien. Il y est re- couvert par ce grès en stratification discordante. C’est là une raison péremptoire, et, pour l’appuyer, nous disons que la plupart des puits du Beausset contiennent dans leurs eaux le sulfate de chaux , tandis que la presque totalité des eaux néocomiennes d’Evénos, d’Ollioules, de Cassis, etc., sont très-légères et agréables à boire. Le néocomien du plateau de Cuj es ne peut plonger sous la craie de ces pays , puisque le muschelkalk en occupe la place. Tout le monde peut se con- vaincre du fait en allant sur le plateau du Castelet, où le muschelkalk se trouve. Nous n’admettons pas de même que le dépôt sableux de la Valdaren fasse partie de la formation néocomienne, puisque c’est l’ancien rivage de la mer cénomanienne. Ce dépôt est à la base du turonien. La raison la plus évidente est que l’on trouve les Hippurites dans le turonien, dans cette localité citée, et que ce genre de brachiopodes ne se trouve pas dans le néocomiem t 8e Étage. — Aptien , d’Orb. Cet étage se montre à la Bédoule où il ne peut mieux être représenté par ses fossiles et ses calcaires feuilletés bleuâtres, qui se délitent dans les fortes pluies. Il s’étend deRoquefort à Cujes et à Sainte-Anne du Castelet. Les couches calcaires du Grand-Cerveau en font partie. Nous devons dire qu’à la Bédoule l’aptien est très-riche en fossiles 808 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. et qu’il est connu de la plupart des géologues; c’est pourquoi nous ne nous arrêterons pas davantage. Le calcaire du Grand-Cerveau est blanc compacte, cristallin vers le haut; on y voit des silex de toute grandeur; nous avons récolté dans les calcaires les fossiles suivants: Nautilus neoco- miensis, Ammonites fissicostatus , Corbis corrugata , Ostrea aquila d’une taille géante. Dans les silex nous avons reconnu la Rhyn- chonella Gibbsiana. Il y en a même qui sont transformés en cette substance (1). Les couches calcaires supérieures du Grand-Cerveau réu- nies a celles de Roquefort, de Cujes et du Castelet, peuvent être évaluées à 200 mètres. A l’est, comme à l’ouest, l’aptien recouvre le nëocomien en stratification concordante et se trouve recouvert de même par l’étage qui le suit. 19e Etage. — • Albien ou Gault . Ce terrain se voit â l’ouest de la Cadière et du Castelet, sur les collines de ces pays. Il se montre sous plusieurs formes minéralogiques : 1° ce sont des grès compactes peu micacés et des calcaires ferrugineux; 2° des couches d’argiles jau- nâtres et de débris de roches remaniées. Sur les calcaires sont fortement empâtés, des Turrilites, des Trochus , des Ostrea, des Terebratula et des polypiers , dont un prend la forme cylin- drique; il est jaunâtre comme l’argile. Les seuls fossiles que nous ayons déterminés sont: Discoidea rotula, Turrilites catena - tus et la Terebratula Dutempleana . Le gault recouvre 1 aptien en stratification transgressive. Son épaisseur est de beaucoup inférieure à celle de l’étage aptien. Elle est d’environ 45 mètres. De tous les étages du canton, le gault est le plus pauvre en fossiles. Il est recouvert par le cénomanien en stratification concordante. (1) Une Caprotine déformée, que nous avions cru être le Diceras arie - tina, nous a fait commettre une erreur que nous* sommes bien aise de rec- tifier. Nous avons écrit, dans le Bulletin de la Société géologique de France que le chaînon du Grand-Cerveau faisait partie de la formation corallienne' tandis que les preuves paléontologiques démontrent qu’il doit être compris comme les couches de la Nerthe, près de Marseille, dans l’étage aptien puisque l 'Ostrea aquila y est très-commune. NOTE DE M. TOUCAS. 809 20e Étage , — Cénomanien , d’Orb. — le 4e de la série jurassique — Deuxième zone de Rudistes. Dans le canton, le cénomanien s’étend des Lèques à Saint- Cyr, à la Gadière, au Castelet, au Beausset, à la Dalmasse, aux portes d’Orvès, à Séou-Blanc, au-dessus de Signes, sur une longueur d’environ 25 kilomètres. Depuis les Léques jus- qu’au Cabot, l’étage est isolé et forme dans les plaines de ces pays un vaste bassin caractérisé par le Micr aster Matheroni. Le type de l’étage se trouve de la Barralière à Turben. Au Castelet et à Signes, le cénomanien repose sur le con- cbylien en stratification discordante. A Sainte-Anne-Castelet, cet étage recouvre l’albien en stratification concordante. A Candello, Barre-du-Castelet, le turonien repose sur lui en stratification transgressive; il en est de même à la Ca- dière, à Fontainieu, à la Valdaren, aux vallons de l’Heure, de Carnaval et de Faouvi. \ Division de l'étage. Cénomanien . — Nous divisons le cénomanien en rliotoma- gien, gardonien et carentonien. Le rhotomagien est peu dé- veloppé; il se montre entre la Bergerie de la Gueirarde et la Barralière ; peut-être même les quartiers Maré-Caïré et Cime- tière en dépendent. Les roches sont des calcaires blanchâtres, brisés en tous sens. Elles n’offrent aucune trace d’organisation. L’épaisseur du terrain est de 20 mètres environ ; il recouvre l’albien en stratification concordante; il est recouvert à son tour par le gardonien qui le suit. Gardonien. — L’étage gardonien se trouve peu développé ; il peut avoir 1 mètre d’épaisseur. Il s’étend de la Barralière à Turben, au centre des argiles de la formation carentonienne. C’est un autre wéaldien, au milieu du carentonien. Il offre des roche marno-ligneuses composées presque entièrement de fossiles qui prennent la forme de Vénus et de Vénéricardes et de quantité de débris de végétaux qui lui font prendre à l’inté- rieur un aspect noirâtre. Il est recouvert par le carentonien en stratification concordante. Carentonien. — L’étage carentonien est puissamment déve- loppé; il commence à la caserne delà gendarmerie du camp, sur le plateau de Cujes, se dirige delà vers Signes, comprenant les 810 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. bois deDenjean, du Puits d’Encastré, delà Braqueti, de la Gui- cbarde,de laRichaude, unepartie des bois de laDalmasse, tous ceux de la Colle de Fédo, de Séou-Blanc, du plan des Foous jusqu’aux Portes d’Qrvés. Ces bois forment unevaste forêt. Les calcaires offrent partout le faciès blanchâtre; ils sont surtout ostracés entre la Barralière et Turben, dont nous allons faire connaître la faune : nous disons que les bancs ostracés se dé- litent et qu’ils occupent le milieu des argiles, à côté du banc du gardonien. Ils renferment les Ostrea biauriculata , carinata , flabella , columba , conica , Trigeri , le Strombus inonarlus , le Nau- tilus triangularis , espèces peu communes, un bon nombre d’échinodermes, parmi lesquels nous citons un Discoïdea , le Goniopygus major , etc., plusieurs espèces de Cyclolites inédites, et beaucoup d’autres genres et espèces que nous ne connais- sons pas. Trois grands vallons distancés se montrent dans le carento- nien au bas de la Dalmasse. Le premier est celui de l’Heure, le second celui de Carnaval et le troisième celui du Faouvi. Au-dessous se trouvent les couches rhotomagiennes, et les couches à Hippurit.es leur servent de toit. La plus grande partie de l’année ces vallons sont à sec; celui de FHeure rallie leseaux des autres; ces eaux se déversent à la petite rivière de la Rèpe, entraînant après elle des cailloux de toutes les tailles et d’énormes blocs de ba- salte qui s’écoulent du Curasseau. Les grès verts, les couches calcaires, argileuses renferment, outre les nombreux mollusques fossiles , un bon nombre de plantes conifères, cycadées, etc. La puissance de l’etage caren- tonien, y compris les divisions faites par M. Coquand, peut être évaluée à 590 mètres. Les affaissements, les redressements des couches, les abîmes de Ville, de l’Avène, les Ragagés des Morts, de la Mare-Mougé, les milliers de strates calcaires brisés en tous sens, sont dus aux oscillations produites parle volcan d’Evénos et en grande partie aux eaux corrosives. Au-dessus du Beausset se trouve le Curasseau compris dans le cénomanien; de son sein sont sorties des nappes basaltiques; leur aspect ressemble de loin aux embrasures d’un ancien rempart. Ces nappes sont compactes, poreuses, noires, impré» gnées de chaux carbonatée et de cristaux feldspathiques. ()n extrait ne cette localité des basaltes solides pour en faiie des meules de moulin à larine, à huile et à divers autres NOTE DE Mo TOUCAS. 811 usages. On y voit des puits peu profonds dont Peau paraît bourbeuse. La cause en est due à une terre métallique jaune, qui peut être de la nature de l’ocre, ce qui donne à l’eau la nuance reflétée qu’on lui connaît. Cette eau est agréable h boire. Les perturbations, les isolements, les fractures, les oscil- lations du sol, les limites respectives de la flore et de la faune sont la preuve la plus évidente que l’étage a fini à cette époque. Après le carentonien, nous divisons la craie moyenne en trois étages, qui sont : le ligérien, le mornasien et le turo- nien. Ligérien. — ■ Le ligérien se présente à la Dalmasse à 8 kilo- mètres au nord du Beausset avec des calcaires compactes, blanchâtres, sans fossiles; les chaufourniers les font cuire et en retirent des fleurs de chaux. A l’est, dans une plaine près de ces calcaires, se voit la petite faune de cet étage; il occupe un petit espace, dont le sol ra- viné dépose quantité de sables blancs, auxquels on a. donné le nom de Sablas. C’est dans ces sables que l’on récolte les fos- siles, tels que : Pterodonta inflata , P. elongata , Ammonites va - rians , Fusns quadratus , Hemiaster Verncuili , un Epiaster inédit. Non loin de là, dans la plaine, à 60 mètres avant d’arriver au Pilier, est un calcaire blanchâtre avec force cailloux roulés; c’est dans ce calcaire que nous avons recueilli une Ammonite sphérique et des moules de Cardium de plusieurs espèces différentes, mais peu déterminables. Le ligérien recouvre le carentonien en stratification trans» gressive. Son épaisseur peut être évaluée à 15 mètres. Mornasien. — Le mornasien occupe dans le canton un péri- mètre de 25 kilomètres d’étendue. Ses caractères minéralogiques varient; on y trouve des grès verts, des calcaires, des argiles, des sables et un grand dépôt sableux. Type du canton. — Le type de cet étage est au moulin de la Dabi, aux petites aires du Beausset et surtout aux limites de la Valdaren, à la montée de Grimaud. Au Mont-Piéredon, les grès sont compactes, durs, rous- sâtres, très-micacés, incrustés de carbonate de chaux avec des cristaux qui prennent la forme prismatique; ils servent pour la bâtisse, le pavage des rues et les parapets des chemins; au Puverel et aux petites aires du Beausset, ils sont un peu jau- nâtres, mal liés, se délitent et sont appelés safres par les habi- 812 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. tants; les maçons ne les emploient pas pour la bâtisse. Au milieu des safres, on trouve plusieurs couches calcaires d’un blanc pâle, pétries de baguettes d’oursins; mon fils y a découvert une articulation d’Encrine étoilée. Nous y avons trouvé plu- sieurs espèces de Cardiaster , dont quelques-uns peuvent être déterminés, des Pleurotomaires , des Nautiles informes, beaucoup de Polypiers et des Amorphozoaires, etc. Les Polypiers de la Dabi sont fort gros, on en trouve trois ou quatre espèces différentes ; on y trouve des Nautiles et des Inoceramus inédits et de très-grande taille. Ces derniers me- surent 75 centimètres de long sur 27 ou 28 centimètres de large. On rencontre aussi de petits polypiers, semblables à ceux des aires basses. Les grès des grandes aires sont com- pactes, durs, micacés, et très-chargés de pyrites; ils ont servi à bâtir la nouvelle église ; avant que les façades fussent badi- geonnées, les pluies les avaient attaquées, et l’on voyait sur elles de longues et larges traînées rougeâtres et jaunâtres, qui prove- naient de la décomposition du sulfure de fer; mais ces grès n’offraient plus de traces fossiles comme aux petites aires et à la Dabi. Sur d’autres grès à grain grossier, se voient des bandes plus ou moins saillantes, longues, larges, rubanées, entrecroisées en différents sens, et quelques-unes sont en dichotomie, ce qui pourrait faire croire qu’elles appartiennent au règne végétal. Nous connaissons de cet étage 25 coquilles fossiles; les plus communes sont : Nautilus Matheroni, Micraster Matheroni , Pteurolomaria bifrons , Ostrea conica , Trigonia scabra , Terebratula data , Rhijnchonella Grasiana , R. contorta, le Spon- dylus spinosus très-rare, etc., etc. Le mornasien recouvre le ligérien en stratification concordante ; il est recouvert à son tour par le turonien. Les strates de grès verts et les couches calcaires de la Bé- renguière ont subi des dérangements provenant de la proxi- mité du volcan d’Evénos; ils se voient sur le chemin un peu au-dessus, tout près du fond de chaudron appelé Viero prefun - dado ; tout comme les grès infléchis de l’ouest à l’est, ce fond de chaudron a été produit par la même cause. A mi-côte en descendant, les strates calcaires et gréseux sont déviés du nord- est au sud-ouest; enfin, toutà fait à la base de ce chemin, tous ces calcaires et tous ces grès sont dirigés de l’est à l’ouest. Tout le système a suivi les inflexions du volcan, dont les basaltes se trouvent éloignés de moins de 600 mètres. La puissance du mornasien peut être évaluée à 90 mètres. La description de NOTE DE JM. TOUCAS. 813 I étage mornasien finit par le dépôt sableux déjà nommé ; ce dépôt est pour nous l’ancien rivage de la mer cénomanienne. II occupe le dessous des couches à Hippurites; il se montre à Touris, près de Toulon, au Révest, sous la montagne de Gaume, au-dessus, à l’ouest et au sud du château du bourg du Brous- se1 11; sur la colline qui le domine, il plonge sous les roches à Hippurites pour reparaître au sud, s’incline sous un angle de 18 degrés sous le pont de Simaï et se relève au-dessus du vallon; il arrive au Cabot, où il est exploité pour les verreries; les maçons détrempent ce sable avec la chaux pour en faire un mortier pour la bâtisse. On trouve dans ce dépôt, à teinte paille, des pierres siliceuses et calcaires blanchâtres de la gros- seur du pisaire à l’amygdalaire ; de là il reprend son cours en se dirigeant vers la montagne turonienne de la Capelude (1), et va se terminer à la maison de campagne de Grimaud, aux limites de la Valdaren. Ce dépôt, à partir de la Capelude jusqu’à la campagne citée, forme une série de quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix monti- cules, dont les plus élevés s’aperçoivent au sortir des gorges d’Ollioules. C’est sur les flancs de cette montagne, taillée à pic, que se montrent de petites et de grandes excavations et toute sorte de figures plus bizarres les unes que les autres, produites sans doute par les agents atmosphériques. Le quar- tier de la Valdaren doit son nom à ce dépôt; la décomposition de ce nom décèle son origine. Quelques géologues ont compris ce dépôt dans le premier étage de la craie. Nous pouvons affirmer sans être contredit qu’au bas de la Capelude et dans le dépôt sableux même nous avons recueilli des Hippurites. Chacun sait, d’ailleurs, que ce fossile ne se trouve pas dans la formation néocomienne. Le dépôt sableux, depuis son point de départ jusqu’aux limites connues, est de 20 kilomètres environ. 11 couvre le li- gérien en stratification concordante, et son épaisseur est de 43 mètres. 21e étage. — Turonien, d’Orb. — Le 5e de la série crétacée . — Quatrième zone de Rudistes. Cet étage se montre aux Canadeaux, dans la Valdaren, à la montagne la Capelude, à la campagne des Pères, à Saint- (1) Les habitants de cette contrée ont donné ce nom à cette montagne, à cause de l’analogie qu’ils ont cru lui trouver avec la crête d’un gallinacé. 814 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. Côme, près de la maison de campagne du Palmier, près le dernier moulin sur la route de Bandol, au nord du Beausset, dans les trois vallons du Faouvi, du Carnaval et de l’Heure, et surtout aux barres du Casteleî et de la Cadière. Avant de dé- crire ces localités, il convient de citer un passage intéressant de M. d’Orbigny, tiré de la page 659 de son Cours élémentaire. «A la Cadière, à Figuières et surtout au-dessus du Beausset, près de Toulon, il semblerait que la mer vient de se retirer, et montre encore intacte la faune sous- marine de cette époque, telle qu’elle a vécu. En effet, ce sont des groupes énormes d’Hippurites en place, entourés de Polypiers, d’Échi- nodermes, de mollusques qui vivaient réunis dans ces colo- nies animales, analogues à celles qui vivent sur les récifs de coraux des Antilles et de l’Océanie. Pour que cet ensemble nous ait été conservé, il faut qu’il ait été d’abord recouvert subitement en se détruisant; aujourd’hui, par suite des agents atmosphériques, il nous découvre cette nature des temps passés dans ses plus secrets détails. » Extension du lambeau du Beausset à la Cadière passant par le Castelet. A 1 kilomètre au-dessus du Beausset, ce lambeau commence par une série de roches bleuâtres à Hippurites, que les habitants nomment Barre du Castelet et dont la direction est de l’est à l’ouest ; il arrive au-dessus du pont du Brûlât, se contourne, et prend la direction du nord au sud. Au-dessous du cimetière du Castelet il désigne une grande faille, s’incline et se dirige sans interruption jusqu’à une plus grande faille où est bâti le moulin de la Roche de la Cadière. Ici ce lambeau reprend sa direction première, passe sous la Cadière qui y est bâtie comme le Castelet et va se terminer à 8 kilomètres de son point de départ près le bourg de Saint-Cyr. Il est isolé à sa partie supérieure. Sa partie inférieure plonge sous les couches sénoniennes, depuis la maison de campagne de la Buse, jusque près la faille du cimetière du Castelet. Là se montrent cinq étages superposés; à la base se trouve le muschelkalk re- couvert par le cénomanien en stratification discordante. Après ce dernier étage se succèdent en stratification concor- dante le turonien, le sénonien et le suessonien; à celui-ci finit l’ossature des treize étages du canton. Si l’on veut se procurer de petits échantillons d’Hippurites, on doit aller à mi-côte, dans les derniers bancs de vignes, à 100 mètres environ de la maison de campagne de M. Dalmas. ï our les grosses espèces , on les trouvera dans un fond de NOTE DE M. TOUCAS» 815 chaudron qui est dominé par un poste aux Grives. En cet endroit, sur les murailles dégradées, gisent des amas de poly- piers et de Rudistes. Les plus communs sont les lîadiolites excavata , Hippurites gigantea , H. organisans , tons isolés. On trouvera des Actéonelles avec leurs gangues sur des amas de débris de roches sédimentaires, qui ont été faits en défonçant le terrain» Si l’on veut se procurer quelques Caprines, on devra explorer toutes les murailles qui forment ceinture au coteau voisin. Les Méandrines sont trop lourdes; mais il existe des polypiers curieux de toutes les tailles; les plus petits sont à profusion, dans certains points; il y en a d’inédits» Nous en- gageons les amateurs de Rudistes à aller explorer tout le lam- beau inépuisable depuis le Castelet juqu’à la Gadière; ils doi- vent surtout s’arrêter à Château-Vieux et visiter la partie supé- rieure de la propriété de M. Pélegrin, qui va aboutir à la grande faille du moulin de la Roche. Sous cette roche est un banc presque entièrement composé de détritus de Rudistes, mollusques, Caprines et polypiers de toute sorte, entre les- quels s’interposent des marnes argileuses noirâtres où se trou- vent parfois des Caprina Aguilloni , des Rudistes entiers, parmi lesquels sont de jeunes et très-belles Hippurites. On pourra explorer à mi-côte la colline sur laquelle est bâtie la Gadière. Les localités de Saint-Côme près le Palmier, les quartiers de Fontainieu et de la Vaidaren sont tous dépendants du tu- ronien.Au grand Canadeau, à côté de la Fontaine, le turonien a à sa base un monticule sableux, analogue à ceux de la Vaida- ren. A la Capelude on rencontre des roches calcaires compactes, dures, à aspect brunâtre et taillées à pic, qui ont une simili- tude parfaite avec les calcaires rougeâtres du dessus du vallon de Simaï ; ces roches renferment la même faune et ont à leur base le dépôt sableux» De même que les calcaires de la Capelude dominent la faille de la Vaidaren en face de l’escarpement du grand Cer- vau, de même ceux de Simaï dominent la faille de ce nom. Dans leur voisinage se montrent cinq à six grandes dentelures déchiquetées, très-pittoresques; elles se voient de fort loin et sont dépendantes du néocomien. Ce système de roches appartient à la formation turonienne, et nous regardons le dépôt de sables de la Vaidaren comme le ri- vage de la mer cénomanienne. Au grand Canadeau la chapelle et ses dépendances sont bâties 816 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869, sur les calcaires turoniens, qui, comme au petit Canadeau, plongent sous le sénonien. Les deux étages sont en stratifica- tion concordante. Non loin de là, à la montée Grimaud, le mornasien existe avec sa faune. A un demi kilomètre de ce lieu, à la Tuilerie, se montrent encore les fossiles des deux étages. . Sur le plateau du Castelet, nous avons trouvé des Hippu- rites depuis la taille d’un dé à coudre jusqu’à celle d’un pain de sucre, presque toutes operculées. Parmi les Radiolites, les plus gros sont les B mamillaris et les /?. Sauvagesi. A Candello sont des polypiers corralligènes énormes, des Astrœa tres-curieux et des Méandrines aux formes gracieuses. On y trouve encore le Spondylus hippuritarum; les Cyclolites giganlea et hemisphœrica y sont communes. Sur toute l’étendue du lambeau décrit, on peut y compter 36 espèces deRudistes, dont 12 H., 20 R., quelques Biradiolites , deux Caprines ou Plagioptychus paradoxus et Toucasianus , plus une espèce de Ca- protine inédite d’une grande taille. Nous ajoutons à la série les Acteonella gigantea , Benauxi , loevis , voluta et Toucasi qui finis- sent la faune marine de ce vaste et intéressant lambeau. Au quartier de Notre-Dame, en compagnie de M. N. de Mercey, nous avons recueilli des empreintes de végétaux dans le grès vert turonien; peu de temps avant, nous y avons recueilli des empreintes de fougères, des conifères, etc., etc. En tei minant la description de cet étage, nous ferons remar- quer que l’on trouve des fossiles remaniés entre le trou du Loup et la Buse, dans une couche calcaire de plusieurs mètres. Cesont des Bippurites cornu- vaccinum et Badiolites radiosa au milieu du dépôt de l’étage sénonien, en contact avec le Cardium radia- tum, la Trigonia limbata , YOstrea auricularis et plusieurs autres mollusques fossiles de l’étage sénonien. Les oscillations, les dénudations, l’usure, les affaissements, les fractures, tous ces faits réunis aux causes lointaines, prou- vent assez l’anéantissement de la faune et de la flore de cette époque. • * 22 Etage . Senomeny d Orb.- — Le 6e etc la série crétacée . Cinquième zone de rudistes. Les autres zones sont comprises dans la division de l’étage sénonien par notre ami M. Coquand, C est après le cénomanien l’étage le plus étendu de cette contrée. Il suit sans interruption toutes les allures du muschel- NOTE DE M. TOUCAS. 817 kalk et lui sert de ceinture, mais dans le grand massif dont nous avons fait mention. Il se montre à Signes, à Saint-Côme, près le Palmier, au sud-est de Saint-Cyr, sous le Montpibernon de Fontainieu, à la campagne des Pères, au Gastelet, etc. Nous divisons le sénonien en deux lambeaux. Le premier s’étend du pont du Gastelet jusqu’à la faille de son cimetière, à 3 kilomètres de son point de départ; il recouvre le turonien en stratification transgressive. Sous ce pont le grès est com- pacte, grisâtre, à grains grossiers. Au-dessus du bosquet de la Yivone, on a fait défoncer le sol à deux mètres cinquante; les grès étaient jaunâtres et feuilletés vers le haut, et les strates du bas verdâtres, compactes, très- serrés, ont été attaqués par la poudre. Nous y avons récolté des mollusques fossiles et bon nombre d’empreintes de plantes acotylédones, monocotylé- dones, et une feuille que nous avons cru appartenir au Regia juglans . Près de là, dans le même grès, nous avons trouvé des Cardium radiatum , de très-petits corps de la grosseur d’un bouton de nacre, que nous avons rapportés au Synastrea com- posita , et une charmante Trigonia limkata. On y voit les alter- nances de grès et de marnes vertes et grisâtres contenant les mêmes fossiles, et une faille qui sépare le sénonien du sues- sonien. Vers le milieu se trouve un sentier avec des roches rosâtres à Milioles. A mi-côte se trouve la faille qui aboutit au vieux chemin du Puech au Castelet; là, en compagnie de M. Terquem, nous avons recueilli des Cardium radiatum avec leur test et une sigillée de Palmier. Sur le plateau du Castelet, près la campagne de la Buse, le grès est brunâtre à l’extérieur et verdâtre à l’intérieur; une partie de l’étage plonge sous le suessonien pour reparaître à un kilomètre à la maison de campagne de M. Gaudier et au château des Hoirs-Queirel; et l’autre suit une autre direction, passe sous le banc remanié du turonien, s’incline et se termine près du puits de M.Ollivier, non loin du cimetière. Dans cette loca- tité, les grès sont supérieurs aux argiles ; ils sont compactes durs, d’un jaune fauve, coquilliers; on y voit des Trigonia Lim - bata , des Ostrea auricularis , des Cardium radiatum , des Den- tales■, etc. C’est, ici, le coniacien, Coquand. Au-dessous du puits Ollivier, de son intérieur on a extrait des marnes et quantité de petits fossiles, qui sont de grosseur lenticulaire, tels que Cyclolites , Turbinolia , Ostrea auricularis , et des fragments de végétaux de l’étage santonien (Coquand); à 20 mètres de ce puits se voit un petit espace montueux de 4 à 5 mètres d’épais- Soc. géol ., 2e série, tome XXVI. 52 818 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. seur sur une longueur d’environ 100 mètres; le calcaire est blanchâtre et très-coquillier; on le brise facilement; il y paraît une grande quantité de mollusques fossiles. Les argiles sont de la même nuance; elles renferment les mêmes genres et espèces que dans les marnes, sans végétaux. Les coquilles fossiles que nous avons recueillies dans les couches de cette localité sont : Lima Marti ansii, Nerinea bisulcata, Pterocera Toucasi , Ostrea Ma- theroni , Sphœrulites sinuata, 5 à 6 variétés, Radiolites fissicostata y Salenia geometrica, Terebratulasemiglobosa , T. Nanclasi , T. Tou- casi, Rhynchonella vespertilio, R . Eudesii, Cyclolites radiata, Pecten royanus , Janira quadricostata , Pterocera Toucasi , Caproùna Tou- casi, Pygaulus Toucasi, Bothriopygus Toucasi, Crassatella Marro- tiana, C. orbicularis , Arcopagia numùmalis et un grand nom- bre de mollusques fossiles qui nous sont inconnus, etc. Dans le grès coniacien nous avons trouvé quelques jolis échantillons du Cyprœa Marticensis, et des os de reptiles. Nous indiquerons encore de nombreux fossiles dans les deux propriétés Allemand et Barthélemy, à trois cents mètres au nord du puits. C’est dans ces propriétés que se trouvent des Diadema , Pseudodiadema et Salenia, etc., qui font l’admiration des paléontologistes. Le second lambeau se montre à Fontainieu, au-dessus de la tuilerie. A la base se voit le muschelkalk recouvert parle céno- manien en stratification discordante ; ensuite, en concor- dance, se superposent le turonien, le sénonien et le suessonien d’eau douce. Le sénonien commence par les bancs à Milioles, avec des Huîtres inédites et indéterminables, et l’on voit ici que la nature prélude à une chaîne d’Huîtres de quinze cents mètres de long sur trois mètres d’épaisseur; ce serait le cas de nommer cet étage l’ostracé des ostracés. Nous ne croyons pas qu’en France il existe une formation si riche, totalement com- posée d 'Ostrea acutirostris. Au-dessous des couches d’Huîtres sont les argiles tégulines avec Lucina numismalis, Hemiaster Toucasi, Cardium radiatum , Cyclades et Vénus marines. Au- dessus de ces argiles est un banc calcaire blanchâtre qui se délite avec Turritella Coquandi , Renauxi et funiculosa, et autres Huîtres incomplètes. Enfin un banc de strates sans liaison, com- posé de petits Cérithes, couronne ces couches. Les couches sénoniennes argileuses, étant détrempées par les pluies, s’éboulent et se renversent, ce qui empêche souvent de récolter les mollusques fossiles qui s’y trouvent. La base de cet étgae est représentée par des efflorescences NOTE EE M. TOUCAS. 819 calcaires blanchâtres, vides au milieu, et dues à la décompo- sition du sulfate de fer. Les couches à Milioles font la sépa- ration du turonien et du sénonien. Au Réal-Martin, au milieu de cet étage, se trouve le Cyclolites hemisphœrica , qui est com- mun aux étages que je viens de nommer. Les grès des trois derniers étages de la craie du canton pré- sentent^ teinte verte; dans la carrière deM.PJanchu, l’on voit un grès vert avec les conifères et le genre Brachyphyllum; h la Vi- vone,mêmegrès sénonien et des fossiles en plus; à Notre-Dame, grès vert turonien avec des empreintes d’algues, de conifères et de fougères; aux grandes aires du Beausset, grès verts mor- nasiens pénétrés de pyrites. Ainsi donc, minéralogiquement, on ne peut s’en rapporter aux grès verts pour la classification. La puissance du sénonien peut être évaluée à 85 mètres. Nous prenons son point de repère à la Grand’Bastide de M. Verger, jusqu’à l’élévation du chemin du Castelet, en pas- sant au château des Hoirs-Queirel. A la tuilerie de Fontainieu, le second lambeau doit servir d’ossature : 1° A la base le inuschelkalk; 2° Le cénomanien; 3° Les cou- ches h Hippurites cornuvaccinum ;4° Les bancs à Millioles ; 5° Les bancs à argiles tégulines; 6° Les bancs à Ostrea acutirostris ; 7° Les bancs à Turritelles; 8° Les strates à Cérithes. Les diverses couches du sénonien ont pour base le con- cliylien et pour sommet Je suessonien ou fluvio-lacustre. Dénudations des couches à Ostrea acutirostris. — Des mvriades d’écailles d 'Ostrea acutirostris sont répandues sur plus de quinze localités différentes, sur un parcours de 28 kilomètres de circonférence. Seule, la chaîne ostracée d’un kilomètre et demi est restée intacte, en conservant son horizontalité. C’est une preuve évidente que la commotion géologique, qui a mis en mouvement les eaux de la mer de cette époque, a dénudé et dégradé un grand nombre de couches. Les dénudations les plus remarquables sont : 1° Au Réal- Martin, propriétés Corlin et Imbert-Figuières; 2° A la Buse, près du moulin à vent; 3° Au-dessus du vallon de la tuilerie, entre le Moutin et la Noblesse, etc,, etc. Oscillations du sol. A Fontainieu, l’altitude du sénonien au-dessus du niveau de la mer est de 85 mètres. Elle est de 250 mètres à la Buse, et de 255 au grand Canadeau. Le sénonien recouvre le turonien en stratification transgres- sive. Près de Saint-Côme, cet étage recouvre en discordance le 820 SÉANCE DU 19 AVRIL 1809. mornasien, par le manque du turonien. Il est recouvert à son tour par le suessonien. 24e étage : suessonien , d’Grb. Le suessonien ou fluvio-lacustre se montre à la Buse, pla- teau du Castelet, au Puech, près du Beausset, et au quartier de Fontainieu, terroir de la Gadière. La multiplicité des dénudations, que nous avons remarquées dans Pétage sénonien et dans celui-ci, ont dû contribuer au manque de l’étage Danien. Nous trouvons dans l’un et dans l’autre, sur le plateau du Castelet, des couches blanchâtres que nos cultivateurs appellent « Blanquié, » avec des grès et des poudingues et des efflorescences de chaux provenant de la décomposition du sulfure de fer. Ne pourrait-on pas rapporter toutes ces couches à l’étage Banien? Deux lambeaux se montrent, l’un au Castelet, et l’autre à Fon- tainieu. Le premier, sur le plateau du Castelet, est formé d’un calcaire grisâtre et brunâtre; les couches marno-argileuses sont roussâtres et noirâtres et couvertes de débris de Méîanopsides; à la Buse on les trouve entières sur le calcaire; leur grand nombre et leur éclat blanchâtre effacent la teinte du calcaire. Les marnes se voient au Puech, près du Beausset. Ici le sues- sonien sert de remplissage au sénonien. On y trouve un banc de Cyrena globosa. Comme à Fontainieu, une faille le sépare du sénonien à sa base, et le calcaire le couronne. Dans les propriétés Eynaud, Caudier, au-dessus du chemin du Castelet et à la Buse, on rencontre les mêmes couches et les mêmes fos- siles que dans les précédentes. Cet étage recouvre le sénonien en stratification concordante; mais à la Buse, vers sa partie supérieure, il affleure et s’appuie même sur le calcaire cou- chylien. Trois moulins à vent en ruines se montrent sur le plateau; le premier, près la source qui alimente la fontaine du Castelet, se trouve bâti sur le suessonien; le second, tout près du Cas- telet, est bâti sur le muschelkalk, et le troisième est sur le sénonien. Celui-ci et le premier ont à leur base leurs coquilles fossiles. Tout près de la source, sur les murailles, se trouvent des calcaires blanchâtres pétris de Cyclades, de quatre à cinq espèces différentes, toujours avec une seule valve. Dans la propriété de M. Caudier, le suessonien recouvre le conchylien en stratification discordante; entre lui et ce dernier NOTE DE M. TQUCAS. 821 il existe une lacune de dix-neuf étages. Près delà source on a creusé un puits au milieu des couches marno-argileuses du suessonien, et à six mètres de profondeur on a pénétré dans les couches à Ostrea acutirostris ; à deux mètres plus bas dans les mêmes couches, on a creusé un second puits et l’on a trouvé les mêmes Huîtres, ce qui démontre la superposition exacte des deux étages suessonien et sénonien. Le premier se trouve isolé sur presque tous les points. L’on n’y a point encore trouvé de lignites; ils pourraient s’y trouver. Son épaisseur peut être évaluée à 95 mètres. Au-dessous du premier moulin à vent, on exploite un grès compacte, dur, brunâtre et noirâtre; des veines blanchâtres le traversent en tous sens. On y voit des valves de Gyclades luisantes et argentées. Ce grès, une fois taillé et poli, pourrait fournir un marbre charmant. On s’en sert pour bâtir et pour faire les murs de soutènement aux terres couvertes de vignes et d’oliviers qui sont sur les coteaux. Le second lambeau se montre à Fontainieu (Cadière) ; il est plus développé que le premier. Les couches marno-argileuses et les caractères paléontologiques sont à peu près les mêmes qu’au plateau; mais les caractères minéralogiques varient. On y trouve des calcaires gréseux, des sables, des lignites, et une dizaine de couches à Gyclades. Toutes ces couches réunies donnent à ce lambeau une puissance de 130 mètres. Les 35 mètres de lignites qui manquent au Gastelet en établissent la différence; quant à la superposition, elle est la même. Dans cet étage, en 1839, près de Fontainieu, nous avons dé- couvert dans un grès compacte, dur, jaunâtre, des corps sphé- roïdaux un peu comprimés, de la grosseur d’une pomme, recé- lant à leur centre un petit noyau et quelquefois une coquille fos- sile. Une combinaison chimique adûavoir lieu d’abord, ensui te une incrustation s’est formée. Ils ont été apportés par les eaux dans ce grès avant sa consolidation; ils n’y sont pas amassés, mais répandus çà et là. Nous citons un autre fait non moins surprenant : à 100 mètres au-dessus de ce lieu, aux limites de l’étage et du concbylien, auMontpibernon, nous avons trouvé un bloc calcaire arrondi et granuleux, d’un mètre de circonfé- rence; sa forme nous surprit; à la percussion nous comprîmes qu’un vide était dans son intérieur; après l’avoir brisé nous aperçûmes une douzaine de ces corps, mais sans agréga- tion. Voici comment nous nous rendîmes raison de ce fait : Ges sphéroïdes auraient été jetés et amassés dans une fosse SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. 822 de chaux vive. Après sa fermentation une pluie serait survenue et aurait détaché des parties sableuses de ses bords, qui se seraient mêlés à la chaux et auraient pris la forme connue. Ces corps y seraient restés englobés, là où nous les avons trouvés. Les sables et les poudingues offrent peu d'épaisseur. Les couches marno- argileuses, jaunâtres et noirâtres selon les lieux, ont une épaisseur de trois ou quatre mètres, et dans d’autres jusqu’à l’épaisseur de 45 mètres. Deux failles se voient : l’une descend du Montpibernon vers Ja Noblesse, et l’autre, au sud de Fontainieu, fait la séparation de cet étage et du sénonien. Les lignites sont de la même formation que ceux du plan d’Aups et de Fuveau. Ils ont une épaisseur de 35 mètres. On y trouve du jayet. Une dizaine de couches à Cyclades se montrent au Montpeyroulet, près de l’ancien télégraphe aérien de la Cadière. Elles descendent jusqu’au dessous des habita- tions de Fontainieu. L’épaisseur de toutes les couches réunies donne le chiffre de 130 mètres pour l’étage suessonien. Depuis 25 ans que nous explorons les terrains de ce canton, nous n’avons jamais trouvé de Nummulites. A Fontainieu, la faune marine suessonienne nummulitique n’existe pas; peut- être les lignites en occupent-ils la place. On a confondu les Orbi- tolites avec les Nummulites. Les couches sont fluvio-lacustres. Les Fungites, Hippurites et Miliolites ne peuvent jamais être mélangées avec lesNummulites, puisque celles-ci ne se trouvent nulle part. Les premières occupent la craie moyenne, et les secondes un niveau plus élevé. Depuis longtemps des savants ont exploré le lambeau de Fontainieu. Us affirment qu’il existe un mélange de coquilles fossiles, fluviatiles ou lacustres, avec d’autres espèces marines. Il se peut que dans ce même terrain et dans une autre contrée ce mélange ait eu lieu. Mais à Fontainieu ce prétendu mélange n’a jamais existé et ne peut être. Le savant ingénieur des mines qui a fait la statistique de notre département dit que ce mélange a été observé dans le fond d’un puits; il se peut que de la partie supérieure il soit tombé des fossiles, lesquels se seraient mêlés avec ceux du bas. 11 y a quelques années, on a creusé un autre puits tout près du premier, et l’on n’a retiré que des Ostrea acutirosîris , des Turritella CoquandielRenauxi, fossiles qui caractérisent, comme on sait, l’étage sénonien. NOTE DE M. TOUCAS. 823 D’autres géologues ont dit, après ce savant, que le mélange existait réellement; mais ni le premier, ni les seconds ne l’ont prouvé; or, il faut donner des preuves; c’est ce que nous allons tâcher de faire. Ces preuves sont tirées des carac- tères paléontologiques. Il y a dans les deux derniers étages desCyclades fossiles; les unes sont d’eau douce et les autres marines. Ce sont celles qui ont été confondues par les savants qui ont exploré les terrains de Fontainieu. Avec les Cyclades d’eau douce ou saumâtre sont les genres Cyrena , Unio, Anodonta , Melania , Melanopsis , etc., qui sont, comme on sait, fluvio-lacustres ou suessoniens. A côté des secondes sont les genres Turritella , Cerithium, Lncina , Ostrea , Hemiaster , etc., tous sénoniens. v La taille des Cyclades fluvio-lacustres n’atteint pas la moitié de celle des Cyclades sénoniennes; elles sont luisantes et ar- gentées dans un calcaire blanchâtre et ne présentant qu’une seule valve ; elles vivent en société avec les genres sus-nommés , mais plus souvent en société avec la Melania lyra et la Mela- nopsis gallo-provincialis. La taille des secondes est plus grande; très-souvent entières, elles ont la couleur jaunâtre et sont très-comprimées; elles se trouvent dans une roche entre le banc des Ostrea acutirostris et le banc des Turritelles. D’autres Cyclades marines plus grandes, non comprimées, luisantes, se trouvent mêlées avec des Turritella Coquandi, T. Renauxi, Venus, Area, etc.; elles sont dans le banc à Turritelles, immédiatement au-dessous des couches à Ostrea acutirostris. Nous observons que ce sont des strates éboulées au milieu des argiles tégulines, et qu’elles n’occupent plus leur premier niveau; néanmoins, ce mélange de Cyclades marines avec les genres sus-nommés ne se pro- duit que dans l’étage sénonien. Pour conclusion nous dirons : si ce mélange avait eu lieu au lambeau de Fontainieu, pourquoi n’en aurait-il pas été de même pour le lambeau du Castelet, puisque, à quelque diffé- rence près, on y trouve les mêmes couches avec leurs carac- tères paléontologiques? C’est au suessonien fluvio-lacustre que s’arrête l’échelle géo- gnostique du Canton. La fin de l’étage suessonien aurait eu lieu par des dislocations lointaines, et, selon M. Élie de Beaumont, par la dislocation du système de la Corse et de la Sardaigne, dont la direction est du sud au nord. 824 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869 MÉLANGE DES FOSSILES QUI ONT EU LIEU DANS LES ENVOIS A M. ü’ORBIGNY. Rectification . 21e étage : Turonien, d’Orb. Genre Natica Toucasiana, non turo- nien. — Fusas Requienianus ? — Cerithium provinciale, non tu- ronien. — Arcopagia vel Lucina numis- malis, non turonien. — Gardium Toucasianum, non tu- ronien. — Lithodomus Toucasianus, non turonien. — RadiolitesToucasiana, turonien et non dans le sénonien parM. Co- quand. — Caprotina Toucasiana, non tu- ronien. — Funginellahemisphærica, com- mune aux deux étages. — Synastrea composita, individus groupés dans le turonien et isolés dans le sénonien. — Acteonella crassa, non fcuron. — • — gigantea, turonien. — — voluta — — ■ Turritella Renauxiana, non tu- ronien, probablement sénonien. — Pterodonta inflata (20e étage), non cénomanien, mais ligérien. — Pterodonta intermedia, non li- gérien, mais carentonien avec l’Os- trea columba. — Pterodonta pupoides, non turo- nien. — Pleurotomaria Toucasiana, non turonien. — Spondylus spinosus,mornasien, Goquand. Il est probable que deux espèces portent le même nom, l’une dans le mornasien du Beausset et l’autre dans la craie supér. à Paris. — Rhynchonella difformis,turon. — Idmonea Toucasiana, turonien. — Ostrea carentonensis? d’Orb. — Ostrea diluviana, turon. et cé- nomanien, rare dans les 2 étages. — Rhynchonella Grasiana. Cette jolie espèce passe du mornasien au turonien ; on la trouve à côté de la Caprina Aguilloni. 22e étage : Sénonien , d’Orb. Genre Natica Toucasiana, sénonien. — Fusus Requienianus? — Cerithium provinciale, séno- nien. — Arcopagia vel Lucina numisma- lis, sénonien. — Cardium Toucasianum, séno- nien . — Lithodomus Toucasianus, séno- nien. Caprotina Toucasia na, sénonien . — Acteonella crassa, sénonien. — — , gigantea, non sénon. — — voluta, sénonien. — Pterodonta pupoides, sénonien, plusieurs espèces inédites. — Pleurotomaria Toucasiana, sé- nonien. — Rhynchonella difformis, n. sén. — Idmonea Toucasiana, non sén. — Ostrea carentonensis? ms >0 e — 824 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. MÉLANGE DES FOSSILES QUI ONT EU LIEU DANS LES ENVOIS A M. d’oRBIGNY. Rectification, 21e étage : Turonien, d’Orb. Genre Natica Toucasiana, non turo- nien. — Fusus Requienianus ? — Cerithium provinciale, non tu- ronien. — Arcopagia vel Lucina numis- malis, non turonien. — Cardium Toucasianum, non tu- ronien. — Lithodomus Toucasianus, non turonien. — RadiolitesToucasiana, turonien et non dans le sénonien parM. Go- quand. — Gaprotina Toucasiana, non tu- ronien. — Funginellahemisphærica, com- mune aux deux étages. — Synastrea composita, individus groupés dans le turonien et isolés dans le sénonien. — Acteonella crassa, non turon. — — gigantea, turonien. — — voluta — — Turritella Renauxiana, non tu- ronien, probablement sénonien. — Pterodonta inflata (20e étage), non cénomanien, mais ligérien. — Pterodonta intermedia, non li- gérien, mais carentonien avec l’Os- trea columba. — Pterodonta pupoides, non turo- nien. — Pleurotomaria Toucasiana, non turonien. — Spondylus spinosus,mornasien, Goquand. Il est probable que deux espèces portent le même nom, l’une dans le mornasien du Beausset et l’autre dans la craie supér. à Paris. — Rhynchonella difformis, turon. — Idmonea Toucasiana, turonien. — Ostrea carentonensis ? d’Orb. — Ostrea diluviana, turon. et cé- nomanien, rare dans les 2 étages. — Rhynchonella Grasiana. Cette jolie espèce passe du mornasien au turonien ; on la trouve à côté de la Gaprina Aguilloni. 22e étage : Sénonien , d’Orb. Genre Natica Toucasiana, sénonien. — Fusus Requienianus? — Cerithium provinciale, séno- nien. — Arcopagia vel Lucina numisma- lis, sénonien. — Cardium Toucasianum, séno- nien. — Lithodomus Toucasianus, séno- nien. Caprotina Toucasiana, sénonien . — Acteonella crassa, sénonien. — — , gigantea, non sénon. — - — voluta, sénonien. — Pterodonta pupoides, sénonien, plusieurs espèces inédites. — Pleurotomaria Toucasiana, sé- nonien . — Rhynchonella difformis, n. sén. Idmonea Toucasiana, non sén. — Ostrea carentonensis? TABLEAU indiquant la succession des étages géologiques du canton du Beausset et de ses environs LEUB COMPOSITION, LEURS FOSSILES PRINCIPAUX, LEURS MINÉRAUX ET LEURS LOCALITÉS. < a COMPOSITION. Galets roulés, sables. Epaisseur d'un à trois mètres. Grès calcaires. Très-faible épaisseur. DISTRIBUTION DES FOSSILES TERTIAIR dans les diverses localités du canton du BEAU! fossiles et minéraux. Les palets et les calcaires d’une faible épaisseur. L épaisseur des deux alluvions peut être évaluée à 6 mètres. Galets non liés vers le haut. Au bas, tufs et plantes qui y sont identifiées, feuilles, osier, noyer, noisetier, chêne, etc. Fluvio- Lacustre Suessonien. Calcaire tendre blanc , pâle, Roches à Cyelades et h lignites. Epaisseur des deux lambeaux : 195 mètres. localités. Beausset, Pas-de-la-Crau. Signes, les bords du Latay. Cadière, les bords du Grand- Vulla. Plan du Beausset, peu au-des- sous de la terre arable. Plaine de Chibron à Signes. LaRagle- Castelet, etc. !» fl ü < b fl fi 0 x Z H 4 fi fi H b Cinq à six espèces de Cyelades, Melanopsis gallo-provincialis, Melania lyra, Oyrena globosa, lignites et jayet. Sénonien. Turonien. Calcaire blanchâtre, grisâtre, grès vert au milieu et roussâtro sur les bords des blocs, argiles tégulines, jaunes. Épaisseur : 80 mètres. Calcaire compacte, dur, bleuâtre, grisâtre, grès vert micacé avec sulfure de fer. Épaisseur : 120 mètres. Empreintes de bon nombre de plantes, sigillée de pal- mier, fucus, cycadées, fougères, conifères, etc. Ammo- nites polyopsis Bourgeoisii , Nautilus , Radiolites- sinuata, Kad.-hssieostata, Lima Martiansii, Ostrea ilatheroni, Ostrea auricularis, Salenia geometrica, Rhyncbonella Eudesii , Rhynchonella vespertilio , Terebratula Toucasi. Cadière-Fontainieu, Castelet-la-Buse, Le Pueseh, près du Beausset. Couches à Hippurites organisans, Hipp. cornu-vacci- num, Hipp. bioeulata, dilatata, Moulinsii, sulcata, canahculata, Toucasiana, etc. Radiolites acutieosta- ta, Radiolites angeiodes, Desmoulinsiana, excavata, radiosa, Snuvagesii , alata, mamillaris, Toucasiana. 3b especes de rudistes, 12 hipp., 20 Radiolites ouSphe- ruhtes, 2 Biradiolites, 2 espèces de Caprines, une Ca- protine inédite. Céno- manien. Albien ou Gault. Aptien d’Orb. Calcaire compacte, dur, brunâtre, grisâtre, grès vert, micacé, à grain grossier, fortement chargé de sulfure de fer ; bancs ostracés, dépôt sableux, marnes, et Roches éruptives. Puissance : 590 met. Calcaire ferrugineux, grès compacte, micacé, marnes jaunâtres, débris de roches remaniées, calcaire peu coqinllier Épaisseur : 24 mètres. Calcaire marneux fissile, bleuâtre. Étage fussilifère à la Bédoule. Epaisseur : 200 m. à la Bédoule. Epaisseur dans le canton : 18 m. Belemnitella vera, Nautilus triangularis, Amm. Rho- tomageusis, Am. Yarians, Am. spheriGa, Pterodonta inflata, Spondylus spinosus, Ostrea columba, Ostr. Carinata, Ostr. flabella , Ostr. biauriculata , Ostr. oarentonensis, Ostr. couica, Ostr. diluviana. Car- dium Hillanum, Goniopygus major, etc. Plateau du Castelet, puits Oli- vier, Cadière, vallon de la Tuilerie, Fontainieu , Réal- Martin, propriété Dalmas-Mu- ret, grand Canadeau, à la Yaldaren, etc. Cadière, Castelet, le Beausset, la Valdaren, la Sainte-Beaume et les trois vallons. Aires du Beausset, Dalmasse, le Sablas, Barralière, Turben, Braqueti, Richarde, Danjean, Séou-Blanc, Pigourets, etc., ou Cheillerets, Cassini. Turrilites, Trocîms, Ostrea, Terebratula Dutempleana, Discoidea rotuîa, Les espèces sont peu reconnais- sables. Cadière et Castelet, entre le Castelet et le Beausset. Néocomien. Thurnjgnn. | Calcaire compacte blanc, dur, j cristallin. Épaisseur : 735 mètres. Ici se trouvent réunies les couches de l’ouest et de l’est. Amm. consobrinus, Cornuelianus, A. Martinii, A. Ma- tneroni, Ancyloceras Matberonianus, Plicatula pla- cunea, Ostrea aquila, etc. Collines à l’ouest, entre la Cadière et le Castelet. S a o» H « II) < H P ►3 » t, H < tl ü a b Bajocien d’Orb. Toarcien. Calcaire marno-argileux, jaunâtre, brunâtre. Les couches réunies : 899 mèt. Calcaire compacte, dur, grisâtre, à grain grossier. Puissance : 315 mètres. Nautilus neocomiensis, Ammonites fissicostatus radia- tus, Corbis eorrugata, Terebratula sella, Ancyloceras, Pleure tomaria, Ostrea Couloni, Rhyncbonella, Rbync. inédite, Pholadomia Cornueliana, etc. Amm. interruptus, Am^ Humphriesianus, Am.Niorten- sis, Am. subradia:us,Pleurotomaria granulata, Pho- ladomia, Pecten, Area, etc. Amm. serpentions, A. msigins, A. Calypso, Lima gigantea , Rhyncbonella tetraedra. Terebratula rin- gens, de Bucli, Pholadomia decorata, Unicardium uniforme, Cardium subtruncatum, etc. Lias moyen ou Liasien. Calcaire compacte, dur, brunâ- tre, grisâtre, à grain grossier. Calcaire il banc sédimeutaire très-coquillier. Épaisseur : 95 mètres. Sinémurien. Cet étage est peut-être remplacé par des couches argileuses souillées par des oxides de fer. Il a une faible épaisseur. Escarpement du grand Cerveau entre le Beausset et Cujes, à Riboux. Vallon de Taillane, montagne de la Verguine, à Signes. Montagne de la Sainte-Beaume, vallon du Taillane, à Signes. Amm. margaritatus , A. spinatus , Lima punctata Pecten æquivalvis, Ostrea cymbium major et mi- nor, etc. Infia-Lias ou étage Rhétien. Calcaire jaunâtre, dur. Épaiss. : 59 m. vieux Beausset 20 m. à la Migoi. Total, 79 mètres. Une empreinte de poisson, dents de poisson. Avicula contorta, Spondylus triasicus, un Cidaris, Rissoa, Pecten, Fucus et Calamites. !» H P c* H !» < 8 b m % H I H b lames irisées et gypses. Saliférien d’Orb. Calcaire cloisonné marneux, Cargneules et gypses , marnes irisées. Épaisseur : 18 mètres. Chaux carbouatée souillée de sels de fer. Une petite source salifère avec du sel de la grosseur d’un petit pois. Montparadis, au versant méridional de la Sainte-Beaume, à Taillane, au nord de Signes. Au sud du Vieux-Beausset, sur la hauteur. Vieux-Beausset, quartiers de Rouve et Migoi. Vieux-Beausset, sous l’infra-lias aux Baumelles, à Signes, près du Gapeau. Cristaux gypseux translucides, de la grandeur d’une lame de couteau, à Gavari, daus la plâtrière d’Imbert. Epaisseur des gypses de la colline du Vieux-Beausset : 40 mètres. td iJ < M ►J w K o CO 53 S 53 a H 53 Calcaire jaunâtre marneux, conglomérats, galets roulés avec lumachelles de Térébratules communes. Calcaires grisâtres, bleuâtres compactes, durs, oscille de 453 à 464 mètres. Ne sont point comprises les cou- ches argileuses que nous éva- luons à 252 mètres. Nautilus arietis, C eratites nodosus, Lima regularis. Trois variétés, Gervillia socialis, Mytilus eduliformis, Myo- phoria trigona. Id. simplex, id. curvirostris, Ostrea subspondyloides, Terebratula communis,Tereb. inédi- tes, Éncriuus liliiformis. Moule d'un crustacé que nous rapportons au pemphix Sueurii. [A la Marne, plateau du Cas, au Montpibernon de la Cadière. Grès bigarré. Ciment calcaire coloré par des oxides ferrugineux, galets isolés. Épaisseur du grès bi- garré : 125 mètres. Calcaire saccharoïde. Empreintes de Woltzia brevifolia. Calcaire à dendrite. Épaisseur de chaque terrain de la craie : mètre». Fluvio-lacustre, sucs- sonien , deux lam- beaux réunis 195 Sénonien 80 Turonien 120 Cénomanien 590 Albien 24 Aptien 19 Néocomien 735 Total.... Î7ÏÏ2 Aux quartiers de Cambeiron, de la Migoi, aüx Baumelles, au-dessus des ruines de Taurentum. Au versant sud du Vieux-Beausset , au défilé de Gavari, près de la Source. Epaisseur des souches du trias : mires Marnes irisées, 18 Gypses réunis. 40 Calcaires du canton... 464 Grès bigarré 125 Couches marno-argl leuses Total. 252 899 Épaisseur de tous les terrains connus du canton : mires. 799 899 1762 Terrains triasiques... — jurassiques. — crétacés.. Total d’alluvions. 3460 6 Épaisseur de chaque terrain jurassique : Uip.tres. Bajocien 410 Toarcien 315 Liasien 95 Infra-lias, deux lam- beaux réunis. 79 Total 899 NOM DES ÉTAGES d’après M. D’ORBIGNY. M. GOaUANS. LIEUX OÙ SE TROUVEPf AVEC LEURS PRINCIPAUX Suessonien. Fluvio- lacustre et à lignites. Plateau du Castelet, quartier de la Buse. Puech. Terrain tertiaire. Melanopsis gallo-provincialis. Quartier de Fontainieu, terroir de la Cadière. ES ET CRÉTACÉS SET. T LES ÉTAGES FOSSILES. Cyrena globosa. Cyolas. } Melania lyra. Melanopsis gallo- irovincialis. Cyrena globosa. Cyclas. Lignites. Terrains crélacés. Sénonien. „ . . I Nerinea bisulcata. Varigera Toi 1 1 opriéte Olivier, au-dessus du I Radiolites sinuata. Lithodom Castelet. casiana. Crassatella Marrotiana. Lima ovata. ns Toucasi. Ostrea auricularis. Terebratula Toucasiana. Terebratula sen iglobosa. Cyololites. Rhyncbonella Eudesii. Caprotina Toucasiana. Pteroc ira Toucasiana. Salenia geometrica. Quartier Fontainieu, terroir de la (Roches à Milioles. Argiles tégulines à Hemiaster Toucasi, Areopama numis- J Wl O I 1 C I n 1 i 4- r\ n / 1 n t « A •-» n Tl 1 » f 1 — 17 /"X 1 1 ■ ff 1 • . TT Cadière. Santonien. \ O O < malis, Cyclolites. Ostrea acuti ( Coquandi , Turritella Rhenox Tuilerie du Moutin, terroir de la j Lima ovata. Cardium Goldfussii. Cadière. Propriété Dalmas-Maret, quartier (Acteonella crassa. Ostrea déformées. Turritella Coquandi, Turritella Rhenoxi du Réal-Martin. Cardium radiatum. rostris. Venus ou Cyelades marines. Turritella Caprotina Toucasi. Radiolites sinuata. Ostrea Matheroniana. Rhynchonella octoplicata. Hippurites médites Quartier du Canadeau. Turritella Coquandi. Turritella Rhenoxi. Cardium radiatum. Venus. r, , _ . , . , i Hippurites organisans. Radiolites mamillaris. Acteonella gigantea. Caprina Barre du Castelet , propriété I Coquandi. Hippurites cornu vaecinum . Radiolites excavata Acteonella lævis Dalmas. ) Caprina Aguilloni. Hippurites Toucasiana. Radiolites Toucasiana. Rhyn- \ chonella deformis. Cyololites gigantea. Polypiers et Amorphozoaires. Barre de la Cadière. Mêmes fossiles que ci-dessus. Hippurites Requieniana. Radiolites Desmoulin- siana. Hippurites bioeulata. Radiolites acuticostata. Hippurites dilatata. I Radiolites radiosa. Turonien. Turonien. Provencien. Moulin de la Roche^ de la Cadière. 'Memes fossiles que ci-dessus. Hippurites sulcata. Ostrea Tisnei. Ostrea Toucasi. Ostrea Santonensis. Ostrea auricularis. Trou de Loup et Château-Vieux 1 du Castelet. 1 Hippurites organisans. Acteonella gigantea. Cyololites gigantea. Polypiers nombreux. Hippurites eornuiiacoinum. Radiolites angeiodes. Radiolites Toucasi. Radiolites mamillaris. Radiolites squamosa. | Quartier Fontainieu, près le / dernier moulin. 1 Hippurites dilatata. Radiolites mamillaris. Radiolites radiosa. Polypiers. Radiolites Sauvagesii. j Bas de la Valdaren | Hippurites cornuvaceinum. Ri 1 Hippurites dila diolites mamillaris. Cyclolites gigantea. j ata. Radiolites squamosa. J Capelude, versant ouest Mêmes fossiles qu’à la Valdaren. H Grand Canadeau, vers l’est. . . . Caprina Aguilloni. Hippurites cornuvaecinum. Cyololites gigantea. Polypiers. Vallon de Saint-Côme, près la Bastide du palmier (Saint-Cyr). [Hippurites organisans. Radiolites excavata. Hippurites cornu vaeeinum. Radiolites squamosa. Polypiers, Cyololites. Montée de la Gueirarde, sommets des vallons de Fauvy et de l’Ouro. Hippurites indéterminables. Cerithium. Hippurites cornuvaceinum de très- grosse espèce. Polypiers. 1 Sainte - Beaume , escarpement du 1 baou de Bretagne, et du dessous 1 du Saint-Pilon. Mêmes fossiles qu’aux barres du Castelet et de la Cadière. I Moulin de la Daby, à gauche de la ( Micraster Matberonianus. Spondylus spinosus. Inoceramus non décrit. Ammo- nouvelle route de Marseille. ) nites ferrugineuses. Polypiers. Pleurotomaires. Aires du Beausset et Cimetière. Cardiaster. Pleurotomaires. Polypiers et Amorphozoaires. Bâtons d’oursins. Montée de Grimeau, quartier de (Rhyncbonella Grasiaiia. Rhynchonella contorta. Terebratula l’avant-dernier moulin. ) Hippurites déformées. Mornasien. Dessous de la barre de la Cadière, vers Saint-Cyr. ! Trigonia fieabra. Ostrea conica. A gauche du pont de la Cadière, ) _ . dans les roches à Rhyncbonella ( Belemmtes. Rhynchonella Grasiana. Hippurites orgauisans. Radiolites Grasiana, ou trouve un mélange ( mamillaris. Fragments de Trigonies. Oursins. Caprina Aguilloni. à la suite d’une dénudation. ^ Cyololites. Sables de la Valdaren et de la Capelude. Fragments d’Bippurites et de Radiolites. Turonien. Ligérien. Sables de la Dalmasse (Ammonites varians. Pterodonta inflata. Fusus quadratus. Hemiaster Vernenili. Cénomanien. Propriété Olivier, à 600 mètres (Nautilus triangularis. Strombus de la Dalmasse. Carantonien. < Faille entre la Dalmasse et la } Barralière. | Ostrea Trigeri. Barralière et Turben. i B olemnitella vera. Nautilus trian Ostrea flabella. Ostrea biaur inornatus. Ostrea flabella. Ostrea carinata. Ostrea biaur: .culata. Ostrea columba. Ostrea inédite. Goniopygus major. Cyololites inédites. gularis. Strombus inornatus. Ostrea columba. ionlata. Ostrea carinata. Ostrea haliotidea. Cénomanien. Gardouien. Au milieu des argiles, entre la Barralière et Turben. Fragments de coquilles fluviatiles sur des parties ligneuses. 80. — Paris. Édouard Blot, imprimeur, rue Bleue, 7. NOTE DE M. GARRIGOU. Dans cette notice, notre travail géologique et paléontolo- logique sur le canton du Beausset, quoique imparfait, peut donner encore quelques renseignements utiles à ceux qui viendront après nous. M. Valdemar Schmidt met sous les yeux de la Société des silex qu'il a recueillis dans le terrain miocène et où l'action de l'homme lui paraît incontestable. M. de Mortillet ajoute que le gisement exploré par M. Schmidt est celui que M. l'abbé Bourgeois a signalé près de Pontlevoy. Le Secrétaire lit la note suivante de M. Garrigou : Note sur le niveau des cavernes; par M. F. Garrigou. M. Ed. Lartet a présenté dernièrement quelques objections contre ma théorie sur les divers niveaux des cavernes. Je ferai d’abord observer que ce ne sont pas les hauteurs au- dessus du niveau de la mer qui me servent de guide, comme mon savant confrère a paru en avoir l’idée, pour déterminer à l’avance la faune contenue dans une caverne inexplorée; c’est le niveau qu’occupe la caverne, par rapport au fond de la vallée, qui est mon point de départ. Puis aussi, ce n’est que lorsqu’il y a plusieurs niveaux de cavernes dans une même vallée que ma loi est applicable. S’il n’y a qu'une seule ca- verne dans une région, on ne peut comparer à d’autres sa hauteur au-dessus du fond de la vallée. Et, en effet, ainsi que je l’ai déjà démontré : 1° Dans la vallée de l’Ariége les grottes de Bouichéta, des Enchantées, de Lherrn, du Portel, sont toutes à des niveaux atteignant 150 mètres ou 250 mètres au-dessus de l’Ariége. C’est le grand Ours qui les caractérise. 2° Dans la vallée de Moulis, près de Saint-Girons, la grotte d’Aubert, qui a fourni de nombreux spécimens du grand Ours, atteint un niveau de près de 240 mètres au-dessus de la rivière du Lez. 3° A Massat (Ariége) la caverne supérieure, avec ossements très-abondants du grand Ours, est à 170 mètres environ au- dessus de l’Arac et de la grotte inférieure (âge du Renne). 826 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. 4° A Lourdes les alluvions quaternaires du même âge que les dépôts de l’âge de l'Ours dépassent de beaucoup le niveau delà caverne des Espélugues. 5° Dans les Basses-Pyrénées il en est de même pour celle d’Izeste (Espalungue). 6° Enfin j’ai indiqué récemment, dans la vallée du Lot, trois cavernes de l’âge de l’Ours occupant toutes les niveaux supé- rieurs dans la vallée. Je puis affirmer que sur 238 cavernes que j’ai examinées, je n’ai jamais vu les faits se trouver en contradiction avec cette loi, qu’un examen approfondi m'a conduit à établir. Quant aux cavernes d'Aurignac, du Mas-d'Azil, de Rebenacq, que M. Lartet oppose à cette loi, je lui ferai remarquer : 1° Que la caverne d’Aurignac est, du moins d'après ce que lui-même a écrit, à un niveau très-considérable au-dessus de tout dépôt ailuvien; par conséquent je ne crains pas de la faire rentrer dans la catégorie des cavernes de Bouichéta, de Lherm, de Massat (supérieure), etc. J'estime que la hauteur de son ouverture est facile à calculer, et qu’elle est à plus de 150 mètres au-dessus du cours d’eau principal le plus voisin. En effet, la hauteur absolue d'Aurignac est de 430 mètres (État major); le moulin du pont, sur la Louge, est à 309 mètres. LaLouge est un ruisseau insignifiant, comme les petits ruis- seaux naissant dans le plateau de Lannemezan. Il y a donc en- viron 100 mètres de différence de niveau entre la grotte et la Louge, dont les alluvions atteignent une très-faible hauteur, car elles n’arrivent pas au village d’Aurignac. Le niveau de la Garonne, pris à 9 kilomètres d’Aurignac, c’est-à-dire au pont le plus rapproché du village, entre Bous- sens et Roquefort, est de 266 mètres. Il y a donc une différence de 164 mètres de niveau entre Aurignac et le fond de la vallée de la Garonne. J’ai donc raison de dire que la grotte d’Au- rignac, du reste complètement privée de dépôts quaternaires stratifiés, puisque ces dépôts n’existent pas dans la région, rentre bien dans la catégorie des cavernes que j’ai décrites. 2° Je ferai observer, au sujet de la caverne du Mas-d’Azil, que cette caverne a été, dès les premiers temps de l’époque quaternaire, traversée par un cours d’eau dont les dépôts limo- neux atteignent une hauteur de près de 60 mètres dans les couloirs. Aussi ces limons, qui marquent à peu près les points les plus élevés des dépôts quaternaires dans la région, contien- nent la faune caractéristique de celte époque, l’Ours, le grand NOTE DE M. GARRIGOU. 827 Chat et l’Éléphant, contemporains de l’homme. Ceci ne prouve pas que les faits observés dans les hautes vallées soient inexacts. Le Mas-d’Azil se trouve aux limites de la montagne et de la plaine. Il est évident que les masses d’eau, les rivières produites par la fonte des glaciers quaternaires et resserrées dans les étroites vallées des montagnes, devaient atteindre dans ces vallées un niveau supérieur à celui qu’elles at- teignaient dans la plaine, où elles pouvaient s’étendre et se développer en nappes à leur aise. Aussi, tandis que dans les vallées des montagnes les cavernes situées à 150 et 200 mètres au-dessus du fond de nos vallées actuelles pouvaient être atteintes par les cours d’eau et garder leurs limons, ces mêmes limons n’atteignaient que des hauteurs de 50, 60, 80 mètres dans les points des vallées les plus rapprochés de la plaine, pour s’abaisser encore plus une fois hors des montagnes. De plus, les hautes vallées devaient être encombrées par les produits glaciaires, et leur fond était comparativement plus élevé que ceux des vallées basses, un peu à l’abri des glaciers, qui ne les atteignaient pas. De là, encore, une nouvelle cause pour que les eaux aient pu atteindre dans le cœur des mon- tagnes des niveaux relativement plus élevés, et arriver à l’entrée de certaines cavernes qui auraient été à l’abri dans des régions plus rapprochées delà plaine en conservant leurs niveaux ab- solus. 11 est donc arrivé pour la caverne du Mas-d’Azil que, pendant l’époque glaciaire, les glaciers ont pu permettre son habita- tion, l’entrée se trouvant à découvert, soit que les glaciers n’aient pas eu au niveau de l’entrée de la caverne une épais- seur assez considérable pour obstruer cette entrée, soit qu’ils ne soient pas descendus jusque dans cette région, ce qui paraît probable. Alors l’homme pouvait habiter l’entrée de la ca- verne, y accumuler les débris de ses repas, de ses chasses, y produire un vrai kjœkkenmodding de l’âge de l’Ours. A l’é- poque de la fonte des glaciers les eaux, devenues plus abon- dantes, ont pénétré dans la caverne avec fracas, entraînant de- vant elles les restes de ces repas et les objets laissés par l’homme, pour les entraîner pêle-mêle avec les limons dans la caverne jusqu’à des hauteurs considérables, où on les retrouve aujourd’hui. A ce moment il est fort probable que l’entrée de la caverne devait être bouchée complètement par l’énorme torrent glaciaire. Peu à peu les eaux se retirant, les dépôts ont été abandonnés SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. dans la profondeur des couloirs. Mais la caverne étant ouverte de part en part pour laisser passer le courant d’eau qui, aujourd’hui encore, en s’appelant l’Arize, n’est qu’un mince représentant de celui que fournissaient les glaciers quaternai- res, ces mêmes dépôts ont été érodés, et la traversée de la ca- verne, dans les parcours qu’elle a encore de nos jours, était fa- cilement exécutée par le torrent. L’entrée étant encore deve- nue libre, l’homme de l’âge du Renne a pu habiter la caverne, et a laissé, sur les dépôts renfermant l’Ours et l’Éléphant, les débris de son industrie et de la faune contemporaine du Renne, ainsi qu on les trouve de nos jours, surmontés à leur tour par les dépôts de l’âge de la pierre polie (1). 3° Quant à la grotte de Rebenacq, je dirai d’abord qu’elle est seule dans la région, aux portes de Pau, c’est-à-dire dans la plaine du Béarn pour ainsi dire, non dans une vallée étroite, mais au pied de la haute chaîne de la région, exactement comme la grotte du Mas-d’Azil, à moitié distance du gave de Pau et du gave d Oloron, qui ont fourni les ailuvions quater- naires de ces régions, et à une hauteur de 100 mètres environ au-dessus du premier de ces fleuves, mais au niveau même du fond de la vallée insignifiante du Néez. L étude des divers planchers stalagmitiques de cette caverne est certainement de nature à mettre en évidence les remanie- ments nombreux subis par le sol meuble qu’elle renferme, et à montrer qu’elle ne peut servir à faire une étude stratigra- phique type du sol des cavernes. En effet, nous avons trouvé avec Martin trois planchers sta- agmitiques superposés, et même quatre en un point, dans l’un des couloirs de gauche, ainsi que le présente la figure ci- jointe : ° (1) Bull. Soc. < féol. , 2e série, t. XXIV, p. 492. NOTE DE M. GARttïGOU. 829 Pour nous, ces planchers stalagmitiques veulent dire que le niveau du limon L, actuellement sous la stalagmite Sa suc- cessivement été en L/ L", L"', soutenant, à mesure qu’elles se formaient, les stalagmites S', S", S'". Des érosions suc- cessives ont eu lieu dans la caverne à diverses époques, et des stalagmites superposées indiquent les niveaux atteints à ces différentes époques par les limons sur lesquels elles reposaient en se formant Car on admettra, je le suppose, que ces stalag- mites ne se sont pas formées en l’air, mais quelles ont dû reposer sur quelque chose de solide, pendant que l’eau cal- caire les déposait en tombant de la voûte de la caverne. En admettant que les ossements d’Ours, de Rhinocéros, d’Ë- léphant, intimement mélangés au limon, aient été introduits dans la caverne au moment de la fonte des premiers glaciers quaternaires, il y aurait eu des remaniements successifs à diverses époques, qui auraient mélangé les objets fossiles de l’âge de l’Ours et ceux d’époques récentes. Et en effet c’est ce qui est arrivé, car nous avons trouvé avec Martin des fragments de poteries paraissant appartenir à l’âge de la pierre polie, ainsi que des ossements de conservation différente de ceux de l’Ours et de l’Éléphant, intimement mélangés à ceux-ci, sur- tout vers l’entrée de la caverne. Et que trouvera-t-on d’étonnant à cela, si l’on sait que, sous 830 SÉANCE DU 19 AVRIL 1869. la caverne principale sont d’autres galeries situées à quelques mètres seulement de l’entrée et servant d’issue à un cours d’eau considérable qu’on nomme le Néez, et dont on a dé- tourné un bras pour alimenter les fontaines de Pau ? C’est, je crois, ce cours d’eau qui a successivement parcouru des points divers de la caverne et qui a produit les érosions des limons, ainsi que le mélange des fossiles des diverses périodes de l’époque quaternaire en donnant lieu au phénomène de la superposition des planchers stalagmitiques. Aussi, en considérant la caverne deRébenacq comme située à environ 100 mètres au-dessus du gave de Pau, principal cours d’eau de la région et représentant minime du cours d’eau glaciaire qui a formé les alluvions quaternaires de la ré- gion, il ne faut nullement s’étonner des remaniements subis par les limons de cette caverne. Si, du reste, nous comparons, par rapport aux gaves d’Oloron et de Pau, voisins l’un de l’autre, la hauteur de la grotte de Rébenacq (âge de l’Ours) et la hauteur de la grotte d’Jzeste (âge du Renne), nous trouvons que cette dernière est relativement inférieure à la première. Elles rentrent donc toutes deux dans la catégorie des autres cavernes, et la loi des hauteurs au- dessus du fond des vallées leur est applicable. On ne doit pas oublier que, pour aller de Pau à Izeste, on monte jusqu’à Sévignacq, et que la grotte de Rébenacq esta 120 mètres au moins au-dessus du gave de Pau, tandis que la grotte d’Izeste est tout au plus à 50 ou 60 mètres au-dessus du gave d’Oloron. Ainsi donclesniveauxrelatifsdeces cavernes, par rapport aux grandes vallées voisines les plus considérables, sont exactement dans les mômes conditions que les grottes des vallées pyré- néennes. Rappelons-nous, du reste, que dans une môme ca- verne peuvent exister les trois époques quaternaires, âge de l'Ours, âge du Renne, âge de la Pierre polie, superposés l’un à l’autre, l’âge de l’Ours étant recouvert par l’un des deux autres, et l’âge du Renne toujours stratigraphiquement inférieur à l’âge de la Pierre polie. Mais il faut savoir aussi que dans certaines régions des Py- rénées, et probablement ailleurs, la stratigraphie de l’époque quaternaire n’a pas été conservée telle qu’elle était pendant cette époque. Des plissements incontestables des alluvions quaternaires nous indiquent que ces dépôts ont dû subir des dénivellations, et il faut chercher, avant de nier, si les roches NOTE DE M. GARRIGOU. 831 anciennes n’ont pas subi, elles aussi, les mouvements qui ont plissé les alluvions. Les Pyrénées ne seraient pas les seules à avoir éprouvé ces phénomènés, puisqu’on en a cité de semblables en Auvergne. Bien que fort restreints encore, ces faits doivent attirer l’attention des observateurs. Je persiste donc à dire, en m’appuyant à la fois et sur mes nombreuses observations et sur M. d’Archiac, qui a admis la loi que j’ai posée (1), que, lorsqu’on étudie les niveaux des ca- vernes par rapport au fond des grandes vallées qui leur sont les plus voisines, ou des grandes vallées dans lesquelles elles se trouvent, les cavernes contenant la faune la plus ancienne (celle de l’âge de l’Ours) sont à un niveau plus élevé, relativement au fond de la vallée do comparaison, que celles qui renferment les faunes plus récentes. En d’autres termes, les cavernes les pim élevées , dans une même vallée, contiennent la même faune que les alluvions quaternaires les plus anciennes de cette vallée. Les cavernes qui leur sont inférieures étaient encombrées parles eaux ou par les dépôts quaternaires pendant l’existence de la faune ancienne ; l’homme ne pouvait donc en habiter l’entrée. Ce n’est que plus tard, quand des phénomènes d’érosion en ont mis l’entrée à découvert, que l’homme a pu y établir sa de- meure, en même temps qu’une faune nouvelle (celle du Renne) était développée dans le pays. M. Éd. Lartet ne trouve pas que les faits mentionnés dans la note qui précède apportent des arguments péremptoires en faveur de la théorie de M. Garrigou que, jusqu’à nouvel ordre, il considère comme n’étant pas suffisamment dé- montrée. Quant à l’approbation dont elle aurait été l’objet de la part de M. d’Archiac, M. Lartet l’a vainement cherchée dans les ouvrages de ce savant. Il a trouvé seulement [Pa- léontologie de la France , p. 520) une mention sommaire de la doctrine en question, sans adhésion explicite. M. Belgrand donne quelques détails sur le régime de la Somme et la disposition de ses graviers aux environs d’Amiens. (1) Paléontologie de la France, in -8. Paris, 18G8 ; Imprimerie impéria'e. SÉANCE DU 3 MAI 1869. Séance du 3 mai 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY. M. Louis Lartet , secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Delaunay, inspecteur de la maison centrale d’Eysses (Lot- et-Garonne); présenté par M. A. Passy et A. Daubrée. Früminville (Léon de), au château de l’Aumusse, par Pont de Veyle (Ain); présenté par MM. Faisan et Benoît. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Th. Davidson, A Monograph of the britsh brachiopoda. — The silurian brachiopoda ; in-4°, pp. 169-248, pi. XX1II-XXXVII. Londres, 1869. De la part de M. Émile Bormoy, Topographie souterraine du bassin houiller de Valenciennes ; in-4°, 296 p. , 1 atlas in-folio. Paris, 1867. Imprimerie impériale. De la part de M. J. Gosselet, Observations géologiques faites en Italie ; in-8°, 59 p., 7 pl. Lille, 1869; chez L. Danel. De la part de M. J. Marco u, De la science en France. — Deuxième fascicule. — F Académie des sciences de l’Institut impé- rial de France ; in-8°, 208 p. Paris, 1869; chez G. Reinwald. Le Président communique à la Société une proposition du Conseil tendant à fixer au Puy (Haute-Loire) le siège de la Réunion extraordinaire de 1869, et il prie ceux de ses confrères qui auraient d'autres projets à faire valoir de vouloir bien les faire connaître. M. Hébert déclare s’associer à la proposition du Conseil et retirer provisoirement la motion d’une réunion à Nice, qu’il avait formulée auparavant, et qui sera plus opportune lorsque les études, dont les environs de cette ville sont maintenant l’objet, seront complètement terminées. PROPOSITION DE M. LE PRÉSIDENT. 833 M. Jullien exprime le regret de voir la Société se réunir dans le plateau central avant qu’il ait eu le temps d'ache- ver les recherches dont il a déjà communiqué les princi- paux résultats dans une des séances précédentes. Il de- mande que la Société ne se réunisse au Puy que l’année prochaine, se proposant d'ici là d’explorer le Velay, et ayant le ferme espoir d’y découvrir des faits du même or- dre que ceux qu'il a déjà signalés en Auvergne. La Société ne trouverait d’ailleurs actuellement dans le Velay aucune des questions controversées qui la déter- minent d'habitude dans le choix de ses réunions extraor- dinaires. M. Louis Lartet regrette de n'être point de ce dernier avis et il énumère les questions litigieuses et intéressantes sur lesquelles la Société pourrait avoir à se prononcer dans la réunion au Puy. L'importance de ces questions lui paraît de nature à motiver, dès à présent, l'adoption du projet du Conseil. Le Velay est une terre classique où Giraud-Soula- vie, Faujas de Saint-Fond, Poulett-Scrope et Bertrand de Doue ont encore aujourd’hui de dignes successeurs dans MM. Aymard, Vinay, Félix Robert et d’autres géologues dont le concours ne fera pas défaut en cette circonstance. M. Jullien demande que la Société réserve la question des glaciers. MM. Levallois et Hébert font remarquer que la Société se borne, en général, dans ses excursions, à enregistrer et à contrôler les découvertes déjà faites, mais qu'on ne saurait d’ailleurs imposer, à l’avance, des limites aux chercheurs, dans le champ de leurs explorations. La proposition du Conseil est ensuite mise aux voix et adoptée. Le Président soumet à l’approbation de la Société une proposition du Conseil tendant à remettre au 24 mai la séance du 17 mai (lundi de la Pentecôte), et une autre mo- tion ayant pour but de n'admettre à l'avenir à faire de nou- veau partie de la Société les anciens membres non démis- sionnaires, qu'après qu'ils auront acquitté les cotisations Soc. gèoh, 2e série, tome XX VT. 53 834 SÉANCE DU 3 MAI 1860. se rapportant aux années pendant lesquelles ils ont conti- nué à recevoir le Bulletin. Ces deux propositions sont mises aux voix et adoptées. Le Président propose encore, au nom du Conseil, défaire cesser l’envoi du Bulletin , dès le 1er juillet, aux membres qui n’auraient pas fait parvenir, avant cette époque, la co- tisation de l’année courante. Cette mesure ne serait applica- ble qu’à partir du 1er juillet 1870. La proposition est mise aux voix et adoptée. M. Éd. Lartet demande que ces décisions soient portées à la connaissance de tous les membres par une circulaire spéciale et par une bande appliquée sur la couverture du Bulletin , ce qui est adopté. Le Secrétaire lit la note suivante de MM. Coquand et Bou- tin : Sur les relations qui existent entre la formation jurassique et la formation crétacée des cantons de Ganges ( Hérault ), de Saint- Hippolyte et de Sumène(Gard) ; par MM. Coquand et Boutin. On espérait que la Société géologique de France, lors de sa réunion à Montpellier, aurait pu disposer de quelques jours et se transporter dans la montagne de la Séranne, pour y étu- dier un système puissant de calcaires blancs, remplis de Poly- piers, de Nérinées et de Diceras , sur l’âge duquel les géolo- gues ne se sont point encore prononcés d’une manière pré- cise. M. Em. Dumas les place, dans sa carte géologique du Gard, en partie dans l’étage corallien et en partie dans l’étage ox- fordien. Les échantillons qui furent présentés dans une des séances publiques tenues à Montpellier, provenant de Rans et de Cazillac, furent jugés, à première vue, comme coralliens. Ce ne fut que plus tard que la découverte du Cidaris glandifera et la détermination plus rigoureuse des exemplaires que des courses nombreuses mirent à notre disposition nous suggérè- rent l’idée que nous avions sous les yeux le véritable équiva- lent des gisements bien connus de l’Échaillon, du mont du Chat et du mont Salève dans les grandes Alpes. Nous espérons que ce fait ressortira clairement de notre description et de l’examen comparatif des faunes. NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 835 A ce point de vue seulement, il devenait intéressant de dé- montrer l’existence d’un étage superposé à l’oxfordien dans nos contrées méridionales où des géologues de grand renom ont admis que les étages corallien, kimméridgien et portlan- dien n’avaient jamais été déposés. Cette hypothèse avait déjà reçu un démenti pour les environs d ’Escragnolles où M. Sc. Gras et M. d’Orbigny avaient signalé un étage corallien caractérisé par la Cidarisftorigcmma et les Iîhynchonella inconstans et Astie- riana. Mais, cette interprétation n’ayant jamais reposé que sur des énoncés non suffisamment justifiés, la conviction n’était point formée encore à ce sujet et la question n’était guère sor- tie du vague dans lequel elle est restée enveloppée jusque dans ces derniers temps. L’un de nous a publié tout récemment un mémoire dans lequel il s’efforce de démontrer que les calcaires blancs infé- rieurs au valenginien et supérieurs aux dolomies, que suppor- tent à leur tour les calcaires oxfordiens, étaient d’époque kim- méridgienne dans les départements du Var et des Bouches- du-Rhône. Malheureusement l’empâtement des fossiles dans la roche ne lui avait point permis de déterminer les nombreux fossiles qu’elle renferme; mais la découverte de deux Néri- nées ( N . bruntrutana et A. suprajurensis) kimméridgiennes, jointe à leur position dans la série stratigraphique , four- nissait des arguments suffisants pour légitimer son opi- nion. Si nous démontrons, ce que nous espérons faire d’une ma- nière complète, que les calcaires blancs de l’Hérault occupent la même place, entre le valenginien et les dolomies jurassiques, que ceux des environs de Marseille; si, de plus, aux deux Né- rinées citées en Provence, nous pouvons ajouter un contingent paléontologique bien plus important, pareeque, dans les envi- rons de Ganges, l’état de la roche présente des conditions plus favorables pour la récolte des fossiles; si les conséquences à tirer de la position des masses et de la signification des fos- siles conduisent à reconnaître, dans nos calcaires blancs, les assises corallifèresde Tonnerre, d’Angoulins, près La Rochelle, de TÉchaillon, du mont du Chat, du mont Salève, et si ces di- vers gisements, attribués au coral-rag, sont considérés, à plus juste titre aujourd’hui, comme subordonnés au calcaire à As- tartes ou séquanien des géologues du Jura, nous aimons à penser qu’on sera disposé à accorder à nos calcaires coralli- fères de l’Hérault l’équivalence que nous réclamons pour eux, 836 SÉANCE DU 3 MAI 1869. équivalence que nous ne prétendons établir d'ailleurs qu’avec le secours de données purement scientifiques. Mais l’intérêt qui pourra s’attacher à notre étude s’accroît encore des déductions que l’on sera en droit d'en tirer pour éclaircir quelques questions douteuses et controversées sur d’autres points du globe, nous voulons parler surtout de l’âge des brèches d’Aizy et de Lémenc, ainsi que du Klippenkalk du Stramberg, que les uns rattachent à la formation crétacée et les autres à la formation jurassique. Les environs de Ganges se prêtent d’autant mieux à des comparaisons de cette nature, qu’au-dessus des calcaires blancs corallifères nous trouvons des calcaires lithographiques ou marneux renfermant la faune complète de Berrias que M. Pictet a fait connaître, et, comme il n’existe pas même une seule espèce fossile commune aux deux dépôts, on ne sera en droit de disputer ni sur leur réu- nion ou leur séparation ni d’invoquer des mélanges de faunes» Cette déclaration une fois exprimée, nous nous bornerons à laisser parler les faits d’observation, parce que nous les consi- dérons comme assez probants pour s’imposer d’eux-mêmes et nous dispenser de tous développements théoriques. Nous avons de plus la confiance, à cause de la régularité avec la- quelle les diverses assises fossilifères se succèdent dans la contrée que nous décrivons, que les cantons de Ganges et de Saint-Hippolyte deviendront classiques pour les géologues qui seront curieux de juger par eux-mêmes des relations qui exis- tent, dans le midi de la France, entre la formation jurassique et la formation crétacée. Le canton de Ganges, quoiqu’appartenant au département de l’Hérault, peut être considéré comme une dépendance de celui du Gard, dans lequel il constitue une véritable enclave. La petite ville de Ganges, située au confluent de trois rivières, l’Hérault, le Riotort et la Vis, setrouve être la clé de trois val- lées montagneuses, dominées de chaque côté par des escar- pements élevés qui se prêtent merveilleusement aux études géologiques. G est justement cette situation favorable, jointe A l existence de gisements fossilifères à presque tous les ni- veaux, qui nous a suggéré la pensée d’étudier la contrée d’abord et de la décrire ensuite. Toutefois, pour ne pas surcharger notre travail de digres- sions superflues, nous avons résolu de ne nous occuper que des étages supérieurs de la formation jurassique et des étages in- férieurs de la formation crétacée, c’est-à-dire, des terrains qui NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 837 ont le privilège de tenir éveillée en ce moment, dans les Alpes dauphinoises et provençales, ainsi que dans les Carpathes, l’attention des géologues sur un sujet auxquel es idées systé- matiques ont attribué peut être plus de relief qu’il n’en com- portait réellement par lui-même. Quoiqu’il en soit, le moment nous a paru opportun pour verser, sans idées préconçues, quelques pièces nouvelles au procès, espérant qu’elles pour- ront aider, dans une certaine mesure, à la solution du pro- blème. Nous devons déclarer qu’aucun travail sérieux de géologie n’ayant été produit sur les terrains qui font l’objet de cette étude, nous conserverons toute liberté dans nos allures. Les seuls documents qu’il nous a été permis de consulter, pour nous aider dans nos recherches, sont la Carte géologique de la France, qui n’indique que du jurassique inférieur là, où nous n’avons rencontré que de la craie, et celle deM. Ém. Dumas qui n’indique, entre Ganges et Sauve, que l’étage oxfordien, où nous aurons à signaler la continuatiou du klippenkalk de la Séranne, que le savant observateur, qui le considère comme du corallien, arrête sur la rive droite de l’Hérault, tandis qu’il le franchit et forme le contre-fort montagneux qui court de l’O. à l’E., parallèlement à la route impériale, et vient se fondre dans les montagnes d’Anduze. Ganges est bâti au pied même de ce contre-fort qui, dans la direction de l’ouest, s’infléchit sensiblement vers le sud pour se souder à la chaîne escarpée de la Séranne, dont le point culminant est de 915 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cette chaîne calcaire, qui forme un rempart continu, et qui n’est guère accessible qu’aux piétons, est un pur klippenkalk, que font remarquer de loin l’aridité de ses flancs et les cas- sures crûment accentuées de ses cimes. C’est contre elle, mais à sa base, que viennent s’appliquer les premières assises néocomiennes, dont les éléments argileux don- nent naissance à des collines ondulées, et par lesquelles le pays bas du Languedoc est mis en communication avec les Cévennes. La fissure à travers laquelle la rivière de l’Hérault coule et qui a scié le klippenkalk dans toute son épaisseur a permis aux voitures, qui jusqu’à Ganges n’avaient pu longer que le revers méridional de la chaîne, d’atteindre le revers septentrional dans la direction du Vigan, en d’autres termes, de fouler le terrain jurassique au lieu du terrain crétacé. Le torrent de Sumène a procédé à la manière de l’Hérault 3umène0 838 SÉANCE DU 3 MAI 1869, NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 839 et pénètre jusqu’à la formation des schistes cristallins, en en- tamant successivement tous les étages de la série jurassique qui se terminepar l’infra-lias. Aussi est-ce la vallée de Sumène que nous choisirons de préférence pour nos études à travers les bancs à cause de la régularité avec laquelle se superposent les divers termes de la série secondaire, et dont le diagramme ci-devant indique l’ordre relatif de succession. La ville de Sumène est bâtie sur les marnes supraliasiques A, qui contiennent les Ammonites opalinus , sternalis , mucrona- ius , etc. Au-dessus on observe un étage puissant de dolomies gre- nues, cristallines, noires à la surface, découpées aux affleure» ments en prismes, en obélisques et en pyramides de formes fantastiques. Ce sont les mêmes que la Société géologique a eu le plaisir d’admirer à Mourèze, dans le voisinage de Clermont- l’Hérault. Elles occupent la place du jurassique inférieur tout entier. Elles sont sans fossiles. L’étage oxfordien, qui les recouvre immédiatement, débute par des marnes grises C, alternant avec des calcaires marneux gris, dans lesquels on recueille avec profusion les Belemniteshasta- lus , Ammonites canaliculatus, A. transverscirius, A. per ar mains, A. crenatus; viennent ensuite des calcaires noirs exploités pour les constructions, entremêlés d’argiles noirâtres. L’étage est cou- ronné par de puissantes masses d’un calcaire lithographique C’ gris ou jaunâtre , nettement stratifiées, dans lesquelles nous avons recueilli Y Ammonites oculatus. L’oxfordien atteint dans son ensemble une puissance de plus de 140 mètres, comme on peut en juger aussi dans la cluse de Tbaurac, entre Laroque et Saint-Bauzille-en-Putois. Au-dessus de l’oxfordien se développe un nouvel étage dolo- mitique D qui n’a pas moins de 80 mètres d’épaisseur. Miné- ralogiquement, il ne se distingue point des dolomies infé- rieures ; mais sa position constante, au-dessus des calcaires lithographiques oxfordiens, fournit un excellent point de re- père qui permet d’établir une séparation facile entre ces der- niers et d’autres calcaires également compactes qui lui sont supérieurs. On le reconnaît sans peine à la simple vue, même de loin. La faculté que possède la dolomie de s’égrener à la surface et de laisser la végétation recouvrir les talus, et sa couleur brunâtre qui tranche vivement sur le ton grisâtre ou blanchâtre des calcaires encaissants, fournissent un caractère extérieur dont le géologue tire le plus grand parti pour se re- 840 SÉANCE DU 3 MAI 1869. connaître au milieu de ces montagnes calcaires. Le seul fossile que nous avons pu recueillir est un Ammonites qui se rapporte à VA. Achilles , espèce corallienne. Puisque Poxfordien supérieur est représenté par les calcaires lithographiques qui surmontent les bancs à Ammonites trans- mrsariuse t qui correspondent par conséquent à l’argovien des géologues suisses, il est logique d'admettre que les dolomies tiennent Iaplace de l'étage de la même manière que les dolomies inférieures tiennent celle dujurassique inférieur. Leur position d’abord et ensuite V Ammonites Achilles que nous y avons dé- couverts donnent du poids à cette opinion. Si donc cette opi- nion est fondée et si les couches se succèdent, dans cette par- tie de la France, dans le même ordre que dans les autres contrées jurassiques, dans le Jura, par exemple, nous devrons naturellement trouver au-dessus des dolomies supra-oxfordien- nes le représentant de l’étage kimméridgien. Nous passerons donc à l’étage des calcaires blancs et litho- graphiques E. Nous touchons ici à un des étages qui joue le rôle le plus relevant dans la série des terrains qui se déve- loppent dans les cantons de Ganges, de Saint-Hippolyte et de Sumène, autant par la puissance énorme qu’il acquiert, et qui paraît dépasser 180 mètres, qu’à cause des fossiles variés qu’il renferme. 11 consiste dans tout son ensemble en des calcaires purs, constamment privés d’argiles. Nous verrons incessam- ment que 1 interprétation de la faune qu*il recèle conduit à 1 assimiler aux assises coralliferes du mont Salève, du mont du Chat, de lÉchaillon, d’Angoulins, de Tonnerre, de la Pro- vence maritime, et très-probablement au corallien de Verdun et de la Nièvre; or, comme ces divers gisements, sur lesquels existent de nombreux travaux, occupent une position bien connue, ils nous autorisent à affirmer leur équivalence avec ceux de 1 Hérault et du Gard, et, par conséquent, à rattacher par un lien commun nos Alpes méridionales aux Alpes dauphi- noises et savoisiennes. La composition de nos calcaires est des plus simples, puis- qu’ils n’admettent aucune roche subordonnée. Ils fournissent des matériaux irréprochables pour la fabrication de la chaux grasse; mais, en revanche, ils se montrent d’une stérilité com- plété. Suivant la manière dont les soulèvements ont façonné es couches, ils donnent naissance à de grandes murailles langées d une façon capricieuse dans leur couronnement, ou len à des pics qui impriment beaucoup de grandeur au NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 841 paysage. Toutefois ils sont la patrie par excellence des escarpe- ments verticaux, surtout au-dessus des cours d’eau, et le nom de klippenkalk que leurs analogues ont reçu dans le langage allemand, est parfaitement justifié. Quant aux variations que la roche est susceptible de présenter dans sa texture, elles sont utiles à signaler, par la raison qu’elles entraînent souvent une modification dans la physionomie de la faune, de sorte que, suivant les points où portent les recherches, on est exposé à faire une bonne récolte de fossiles ou à n’en rencontrer au- cune. Dans les environs immédiats de Ganges, et surtout dans les quartiers de Cazillac et de Rans, les roches sont très-fossili- fères et se présentent alors sous la forme d’un calcaire blanc un peu rosé, semi-cristallin, passant par places à un calcaire oolithique à oolithes mal définies, et quelquefois, comme au bois de Mounier, dans la commune dePompignan, à une roche grossière formée entièrement de débris roulés et usés de co- quilles passées à l’état spathique et mal reliés entre eux, roche qu’on a l’habitude d’observer fréquemment dans les étages corallifères de la Meuse et du Jura, et qui existe égale- ment dans le vallon de la Cloche près de Marseille. Quant aux variétés subsaccharoïdes, elles sont susceptibles de donner des marbres qu’on aexploités sur le revers méridional delà Sainte- Beaume, dans la commune de Riboux, et au-dessus de Trets, dans l’arrondissement d’Aix. Entre la vallée de Riotort et Saint-Hippolyte, les calcaires changent un peu de caractère; ils ont bien conservé leur cou- leur blanche, mais ils deviennent compactes, chantent sous le marteau à la manière des phonolites, ont la cassure largement conchoïdale, et contiennent beaucoup moins de fossiles. Cependant, sur les surfaces exposées aux injures atmosphé- riques, on voit se dessiner en relief les mêmes Échinides, les mêmes polypiers et les mêmes Diceras que l’on obtient tout détachés dans les calcaires semi-cristallins et oolithiques. Cette variation peut très-bien s’observer quand on se rend par le quartier des Patus, au N. de Ganges, au pic du Rans de Bonne qui domine la ville de Sumène. Près du Mas de Viala surtout, et dans le voisinage des dolomies, on voit le calcaire, qui était blanc et fossilifère dans les premiers gradins de la montagne, passer graduellement à un calcaire grisâtre et li- thographique qu’on pourrait confondre avec les calcaires ox- fordiens et dans lequel il est difficile d'apercevoir des fos- 8 42 SÉANCE DU 3 MAI 1869. Siles. Ce caractère persiste jusqu’au delà de Saint-Hippolyte : aussi cette région se prête très-peu aux recherches paléon- totogiques, et, pour retrouver des gisements féconds, il est indispensable de rechercher les stations où le déve- oppement des coraux a pu permettre aux Échinodermes et aux mollusques d’établir des colonies. Les masses intermé- ciaue.i, qu on est en droit de considérer comme des dé- pots de mer profonde, mais qui, en réalité, ne sont que la continuation des premiers, semblent perdre, avec le caractère pétrographique corallien, le privilège de contenir les animaux qui abondent dans les calcaires corallifères proprement dits. ’ ma‘8ré 1,immense étendue du klippenkalk s les deux départements limitrophes du Gard etde l’Hérault !lni?ISl i/q"? t,r°1S °U quatre points très-limités en surface’ ù le paléontologue puisse faire sa moisson. Ces points sont les quartiers de Cazillac et de Rans près de Ganges, et le bois e Moumer. En dehors de ces stations privilégiées on se nTrTsVes Tede Calf'res comPactes, qui, s’ils n’étaient sé- P descidcairesoxforden8 par l’étage de dolomies inter- êiFe confondus avec eux, comme ils l’ont été dans la chaîne des Dourbes. On ne croirait qu’à l’exis- distincts*111 1386 Um dans la roche qu’il devient impossMe deV' T™* engagées Un seul échantillon nous a montré une e caractères distinctifs. Mer au B. semicanaliculatuT "ne «*«»?»• *on sillon fai, ressem- NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 843 Nautilus. Espèce indéterminable. Rans. Ammonites . Fragments indéterminables. Nerinea tuberculata,~Rœmer. Commune au bois de Mounier. Cazillac, Rans. Elle se retrouve dans le corallien de Tonnerre (calcaire à Astartes), dans le kimméridgien de Tœnjesberges (Credner). A Lindner (Hanovre). Nerinea bruntratana , Thurmann. Cazillac, Rans. Onia retrouve au vallon de la Cloche et au val de Planouze (Marseille). A Auriol. Kimméridgienne dans le Jura et les deux Charentes. — Tonnerre. — Jurassique supérieur en Autriche (Peters). Nerinea Mandelslohi, Bronn. Cazillac. Bois deMounier. Kimméridgienne à Tonnerre, à Nattheim. — Stramberg. Nerinea Mariœ , d’Orbigny. Cazillac. Bois de Mounier. Kimméridgienne en Autriche (Credner). Nerinea suprajurensis, Yoltz. Cazillac. On la retrouve à Marseille. Kimmé - ridgienne dans le Jura. Nerinea Gosœ , Rcemer. Cazillac. Bois de Mounier. On la retrouve à Mar- seille. Kimméridgienne dans le Jura et en Allemagne. Nerinea dilalata, û’Orbigny. Bois de Mounier. Elle se retrouve au mont Salève (de Loriol). Nerinea salevensis , de Loriol. Bois de Mounier. Elle se retrouve au mont Salève. Nerinea. Il existe entre nos mains, ou dans celles de M. Jeanjean à Sainte Hippolyte, 5 ou 6 espèces que nous n’avons pu rapporter aux espèces déjà décrites. Elles proviennent du bois de Mounier. Cerithium nodoso- striatum, Péters. Cazillac. Rans, avec le Cidaris glandi- fera. Il se retrouve au mont Salève et à Stramberg. Nous passons sous silence des Natica , des Turbo , des Acteo- nina , des Pteroceras que nous supposons devoir constituer, pour le plus grand nombre, des espèces nouvelles. Diceras Escheri, de Loriol. Cazillac, Rans, Bois de Mounier. Elle se re- trouve au vallon de la Cloche (Marseille), à Rougon (Basses-Alpes) et au mont Salève. Diceras Lucii, Defrance. Cazillac , Rans. Exemplaires complets. Elle se re- trouve au vallon de la Cloche et au mont Salève. Diceras arietina , Lamarck. Cazillac, Rans, bois de Mounier. Elle se retrouve dans le vallon de la Cloche. Elle est astartienne à Bellevue, près Porren- truy, à Montbéliard, à Tonnerre, à la Rochelle. Diceras suprajurensis , Thurmann. Rans, On la retrouve au vallon de la Cloche. Kimméridgienne à Porrentruy. Nous mentionnons ici pour mémoire une espèce que nous croyons nouvelle, et qui, lorsque la couche externe du têt est enlevée, montre autour de la partie centrale des valves une zone limitée, ornée de couches concentriques, qui lui donne 844 SÉANCE DU 3 MAI 1869. a!ors ''apparence d’un Requienia. Cazillac, Rans, bois de Mou- mei-. Elle se retrouve au vallon de la Cloche près de Mar- beiiie. Cardiwm corallinum, Leymerie. Bois de Mounier. Elle se retrouve dans le OyoMax aStartie“ ^ ^ R0Che‘le’ ^ TonDerre> de Porrentruy et à Corto decmsata, Buvignier. Bois de Mounier. Elle se retrouve dans la Meuse et à Oyonnax. ? MombéliIrd/', à Lém™c, à Tonnerre, à GIocker-Cazillac. «h on recueille des individus de 7 centimètres de longueur. Elle se retrouve à Stramberg. etmvà^tim°POlitmSÜ’ PiCte‘- N°US ‘Ui rapp0rt0ns aTCC doute da“* Fmnce Pr°TCnant de CazilIac- 0n la retrouve à la Porte-de- eilt7ltkStnmbevg‘S’ Zeuschner- Cazillac- E1Ie se retrouve au mont Sa- ^Rogoni^'’ Zeucbner- Cazillac- Nous l’avons reçue du klippenkalk Cloche (Marseille) et à Strlmbecf " °UVe ““ Val‘°n de la TlienTet ^ Eeym.). «ans. Kimmérid- Teretratula e?^d’OrbTaMliac “ia">- Terebratula pentaedra ToT Kimméndgienne à la Rochelle. M. Quenstedt (Jura,'pl 91 fit TT TT ^ C°nf°rmeS anx fl^ures de auteur indentata (non So\v.) fi. 13 T r 5,n°mmée par le mêrae „ Streitberg me paraît plus bombéT ? ^ je P°SSède de i erebratula subsella, Loymerie Ca7îliap un de Surgères, d’Oyonnax, de Tonnerre * d’LST da"S NOTE DE MM* COQUAND ET BOUTIN. 845 Terebratula Bielimecki, Suess. Rans. Elle se retrouve à Stramberg. Rnynchonella Astieriana , d’Orb. Cazillac.Elle se retrouve à Stramberg et à Escragnolles (Var). Rhynchonella. Plusieurs espèces à nommer. Rans. Megtrlea pectunculoides, Schl. sp. Rans. Kimméridgienne à Naltheim, Lé- menc. Aizy. Acrocidaris œquituberculata, Agassiz. Cazillac. Astartien à Angoulins (la Rochelle) et à Tonnerre. — Aizy, Nattheim, Valfin. Cidaris rnarginata, Goldf. Bois de Mounier. — Nattheim , Stramberg. Cidaris bavarica, Desor. Cazillac. Jurassique supérieur à Heidenheim. Cidaris glandifera, Goldfuss. Cazillac, Rans, Moules. Elle se retrouve à Échaillon (Lory), à Lémenc, en Syrie, en Algérie, où elle est kimmérid- gienne. Cidaris. Quatre espèces représentées par des radioles qui nous sont incon- nus. Cazillac. Rans. Eugeniacrinus Heberti , de Loriol. Cazillac. Il se retrouve à Lémenc. Millericrinus mespiliformis , d’Orbigny. Cazillac. Il se retrouve à Lémenc, à Heidenheim. Apiocrinus Meriani, Desor. Cazillac, Rans. Astartien à la Rochelle, à Ton- nerre, dans le Doubs, à Angoulême, en Algérie. ? Apiocrinus flexuosus , Goldfuss. Rans. Kimméridgien à Nattheim. Eunomia grandis , d’Orbigny. Cazillac, Rans, Bois de Mounier. Elle se re- trouve à Échaillon. Calamophyllia Stœkesi, M. Edw. etHaime. Cazillac. Elle se retrouve au mont Salève. Il existe une foule de polypiers branchus, des Astrea , etc., que, faute de matériaux suffisamment bien conservés ou de types de comparaison, nous n’avons pu déterminer. Nous espérions compléter cette énumération de fossiles déjà assez étendue par l’indication des espèces qui auraient pu nous échapper et qui se trouvent si bien représentées danslabelle collection que M. Jeanjean, maire de Saint-Hippo- lyte , possède du klippenkalk du bois de Mounier ; mais nous n’avons pu profiter des ressources que ce zélé paléontologiste était disposé à mettre à notre service, car, à l’époque où nous nous occupions de l’étude des terrains , tous ses types avaient été envoyés en communication à M. Hébert. Comme ce savant, dont la compétence est si bien connue, est mieux placé que nous, pour procéder à des comparaisons avec des échantillons provenant d’autres gisements analogues, nous sommes con- vaincus que la science en retirera un plus ample bénéfice que s’ils fussent restés entre nos mains. En tous cas leur étude servira à former sa conviction. 846 SÉANCE DU 3 MAI 1869. Afin de rester fidèles à notre programme et de ne point nous engager dans des discussions théoriques, nous nous contente- rons de faire observer que le plus grand nombre, sinon la to- talité, des espèces que nous avons mentionnées, se retrouvent dans les coralliens de Tonnerre, de la Rochelle, de l’Échail- lon, du mont Salève, que tous les géologues sont d’accord au- jourd’hui à considérer comme faisant partie du kimméridgien à Astartes. C’est donc à ce niveau que se rapportent, et que nous rapportons sans hésitation, nos calcaires blancs coralli- fères des environs de Ganges et de Saint-Hippolyte, et nous ajouterons que leur superposition constante aux dolomies qui occupent la place du corallien ajoute un degré de certitude de plus aux déductions tirées de l’examen des fossiles. Nous savons aujourd’hui que les calcaires corallifères, qui ont une puissance si considérable, représentent dans leur partie supérieure quelque chose de supérieur à l’astartien et au kimméridgien (1). Comme il n’est point facile d’indiquer le point précis où commencent et où finissent les zones fossili- fères, on reste nécessairement dans le doute relativement à quelques points de détail, et on se trouve obligé d’appliquer à la masse entière, qui n’est pas susceptible de subdivisions bien tranchées, à cause de la constance du caractère pétro- graphique, les conséquences que la paléontologie tire de l’examen des fossiles de certaines de ses parties; mais, quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir à cet égard, il n’en restera pas moins établi d’une manière surabondante, que le jurassique supérieur, dont on avait constamment nié l’exis- tence dans le midi de la France, non-seulement y est repré- (1) Un cantonnier de Ganges nous a cédé trois Ammonites de grande taille, converties en calcaire lithographique grisâtre, et dont l’intérieur des loges est tapissé de cristaux de chaux carbonatée métastatique, exactement comme onl observe dans les Ammonites du kimméridgien à Gryphées vir- gules de Tonnerre et ne la Charente. Parmi ces Ammonites se trouve VA. L'irgilliertianus ,d Orb., espèce kimméridgienne. Ces céphalopodes proviennent de la montagne de Thaurac et des calcaires lithographiques que l’on observe entre le valenginien et les calcaires blancs corallifères, bancs que l’absence de fossiles ne nous avait pas permis de séparer de ces derniers. Voilà donc, apiès 1 astartien , le virgulien officiellement représenté dans le midi de la France. Un de nous, qui habite les lieux, se charge de procéder à de nouvelles recherches pour s’assurer si ce nouvel horizon ne serait pas re- couvert, comme dans le Jura et dans le nord de la France, par les assises portlandiermes fossilifères. NOTE DE MM, COQUAND ET BOUTIN. 8i7 senté, mais qu’il y tient un rang honorable que des décou- vertes ultérieures ne peuvent manquer de rendre plus honorable encore. Reprenons notre coupe. Aux calcaires blancs corallifères succède un ordre de choses tout nouveau. Si dans ceux-ci on n’a pu constater l’existence d’aucune espèce oxfordienne, on n’a pu y découvrir non plus aucune espèce néocoinienne; l’indé- pendance de l’étage qu’ils représentent se trouve solidement affirmée. Nous allons pénétrer en ce moment dans un système géologique tout à fait différent et par sa composition et par ses fossiles, et qui nous placera en plein dans la formation crétacée qui est représentée dans la contrée par deux de ses étages, le valenginienetlenéocomien proprement dit. Point de traces de l’urgonien ou du barrémien son équivalent, par le- quel débute la série urgo-aptienne. Nous indiquons fici les subdivisions en lesquelles on peut dépecer nos deux étages. 9 Etage mlenginien : a. Lumachelle à Terebratula et calcaire ammonitifère de Berrias 10 mètres. b. Bancs à Serpula recta : 1 mètre à 1 m50. c. Marnes à Natica Leviathan et Belemnites latus : 60 mètres. r Etage néocomien : Il se compose à sa base de marnes et de calcaires marneux avec Ammonites asper et Astierianus ; et à sa partie supérieure de calcaires avec Ostrea Couloni , etc., base : 60 mètres; partie supérieure : 35 mètres. Immédiatement au-dessus des calcaires blancs, et sans qu’on puisse observer de discordance réelle, on trouve à Cazillac-le- Haut, un calcaire gris-jaunâtre, terne dans la cassure, mélangé d’argile, et dans lequel se trouvent entassées des quantités in- nombrables de Térébratules déformées, parmi lesquelles on reconnaît les T. Moutoniana et hippopus, et une prodigieuse abondance d’articles du Millericrinus Boissieri . A ces fossiles est associé le Belemnites latus , de toutes les tailles et avec toutes les variétés propres à l’espèce. Nous y avons également observé des valves d ’Exogyra qui rappellentl'O. Couloni ; mais, comme tous ces fossiles sont solidement engagés dans la gan- gue, il devient assez difficile d’en retirer des exemplaires iso- 848 SÉANCE DU 3 MAI 1869. lés. Sur le point que nous décrivons, la lumachelle supporte directement des calcaires argileux sans fossiles, susceptibles de fournir de très-bons matériaux hydrauliques, jouissant de la propriété de se déliter à l’air et de se diviser en masses sphéroïdales. Ces masses, qui s’isolent facilement et qui sont de tout calibre, sont blanches dans leur centre et jaunâtres à leur extérieur. Cette dernière teinte, qui pénètre plus ou moins profondément, est due à des phénomènes d’altération, et se maintient dans la terre végétale qui provient de la désa- grégation de ces calcaires. La lumachelle ne paraît pas former une bande continue et n’est certainement qu’un accident par- ticulier du calcaire arnmonitifère ; cependant nous l’avons re- trouvée dans les environs de Moulés. Son épaisseur n’est gnère que de 1 à 2 mètres. Le calcairç arnmonitifère est grisâtre, compacte, mais il n’a plus le grain du calcaire lithographique et il alterne avec de minces lits de marnes. C’est par lui en réalité que débute l’étage valenginien,et on le voit former une bande continue de 8 à 12 mètres de puissance, depuis Moulés jusqu’au delà de Saint-Hippolyte, limite à laquelle nous nous sommes arrêtés, après avoir étudié successivement les stations fossilifères in- termédiaires de la Moure, de l’Olivier, des Oliviers, de Gines- tous, de la Cisterne, de la Cadière. La séparation de ce système d’avec les calcaires kimmérid- giens s’opère avec la plus grande facilité et d’une manière tranchée, car il rampe constamment à la base des grands es- carpements que ces derniers forment au-dessus de la plaine ; de plus, comme l’élément argileux a donné naissance à un sol arable, il est totalement recouvert de cultures variées ; de sorte que la présence de la végétation et la couleur jaune du terrain, deviennent des guides infaillibles presque autant que les indications fournies par la superposition et par la faune. S’il n’existe aucun passage minéralogique entre les derniers bancskimméridgiens et les premiers bancs valenginiens, la liste des fossiles, que nous allons donner, fournira une preuve nou- velle de l’antipathie qui semble exister entre les deux forma- tions. Saurien. Mâchoire de très-grande taille armée de ses dents. La Cadière. Aptychus Didayi, Coquand. Ginestous. lise retrouve à Berrias. Belemnites latus, Blainv. Cazillac, Moulés, Ginestous, la Cisterne, la Ca- dière, Saint-Hippolyte, Pompignan. Elle se retrouve à Berrias, dans les Basses-Alpes, etc. NOTE DE MM. COQUAND ET BOUTIN. 849 Belemnites Orbignyanus , Duval. Mêmes localités. Berrias. Belemnites minaret , Raspail. Ginestous, la Cadière. Elle se retrouve à Berrias. Nautilus aturioides, Pictet. Ginestous. Il se retrouve à Berrias. Nautilus Dumasi, Pictet. Ginestous. Il se retrouve à Berrias. Ammonites semisulcatus , d’Orb. [A.ptychoichus, Quensdt.) Nous n’hésitons pas à assimiler ces deux espèces. La collection de M. Jeanjean renferme plusieurs individus ferrugineux, provenant des marnes supérieures à Belemnites latuset dilatatus , c’est-à-dire du niveau des Ammonites Gra- sianusy neocomiensis, asperrimus , qui portent les bourrelets que Ton ob- serve presque constamment sur les individus transformés en calcaire qui sont ordinairement plus complets. Ces bourrelets, comme on le sait, ne se manifestent pas dans le jeune âge de la coquille. Ginestous, les Oliviers, la Cadière, Moulés. Cette espèce se retrouve à Ber- rias et dans les bancs les plus supérieurs du calcaire lithographique du col deChaudon (Basses- Alpes), à Stramberg et en Espagne. Ammonites Calypso , d’Orbigny. Ginestous, la Cadière, Pompignan. Elle se se retrouve à Privas et à Stramberg. Ammonites Nierei , Pictet. La Cisterne (commune de Beaucels). On la re- trouve à Berrias. Ammonites Malbosi , Pictet. Ginestous. Berrias. Ammonites Grasianus^ d’Orb. Ginestous, la Cisterne, la Cadière, Pompignan. On la retrouve à Berrias et au col de Chaudon. Ammonites neocomiensis , d’Orbigny. Pompignan. Ammonites Prwasensis, Pictet. Ginestous, La Cadière. Bancs les plus supé- rieurs des calcaires lithographiques du col de Chaudon. Ammonites Honnoratianus , d’Orb. Ginestous, La Cadière. Elle se retrouve dans les Basses-Alpes et à Stramberg. Ammonites Berriasensis , Pictet. Ginestous. Elle se retrouve à Berrias. Ammonites Euthymi , Pictet. Ginestous. Elle se retrouve à Berrias et dans les marnes à ciment de Chambéry. Ammonites JVarbonnensis , Pictet. Ginestous (32 centimètres de diamètre). Elle se retrouve à Berrias. Ammonites Astierianus (variété), d’Orbigny. La Cadière. Elle se retrouve h Berrias. Ammonites Calistoy d’Orbigny. Ginestous. Elle se retrouve au col de Chaudon et à Chambéry. Nous pensons que c’est à tort que cette espèce est consi- dérée comme kimméridgienne. Ammonites Boissieri, Pictet. Ginestous. Elle se retrouve à Berrias et dans les marnes à ciment de Chambéry. Ammonites CI areti , Coq. et Boutin ( Ancyloceras Clareti , de Rouville). Gi- nestous. Elle se retrouve dans les environs de Montpellier, à Lavalette. Ammonites rarefurcatus , Pictet. Ginestous. Elle se retrouve dans les marnes à ciment d’Apremont (Savoie). Ammonites transitorius, Oppel. Ginestous. Nous pensons avec M. Pictet qu’elle fait double emploi avec VA. Calisto. Soe. géol.t 2e série, tome XXYI. 54 850 SÉANCE DU 3 MAI 1869. Ammonites quadrisulcatns, d’Qrb. Ginestoùs. Elle se retrouve à Stramberg et àBerrias. Ammonites occitanicus , Pictet. La Cisterne, La Gadière, Ginestoùs, Pompi- gnan. Elle se retrouve à Berrias et dans les bancs les plus supérieurs du calcaire lithographique du col de Ghaudon, ainsi que dans les marnes à ciment d’Àpremont (Savoie). Pleurotomaria. Espèce nouvelle. Ginestoùs. Pecten Dumasi , Pictet. La Moure, Berrias. Hinnites occitanicus , Pictet. Ginestoùs, La Gadière. Il se retrouve à Berrias. Hinnites Euthymi , Coq. et Boutin ( Pecten Euthymi 3 Pictet). Ginestoùs, Berrias. Pholadomya Trigeriana, Cotteau. Ginestoùs, Berrias. Phynchonella Malbosi , Pictet. Cazillac, Berrias. Rhynchonella contracta , d’Orb. Ginestoùs, Berrias. Terebratula diphyoides , d’Orb. Ginestoùs, La Gadiére. Elle se retrouve à Berrias. Terebratula Moutoniana, d’Orb. Ginestoùs, La Gadière, Berrias. Terebratula Euthymi , Pictet. La Moure, Berrias. Terebratula hippopus , Rœmer. Ginestoùs, Cazillac. Terebratula tamarindus, Sowerby. Ginestoùs, Cazillac. Cidaris alpina , Cotteau. Ginestoùs, Berrias. Cidaris pretiosa, Desor. Ginestoùs, Berrias. Cidaris. Plusieurs espèces nouvelles de nos collections et de celles de M. Jeanjean représentées par des radioles. Millericrinus Boissieri , Pictet. Ginestoùs, Berrias. Il nous paraîtrait très-difficile de contester l’origine créta- cée de notre assise à Ammonites. Le calcaire ammonitifère alterne déjà dans sa partie supé- rieure avec des marnes à Belemnites lattis. C’est à ce niveau des marnes que se trouvent subordonnés un ou deux bancs épais, entièrement composés de Serpula recta, M. de Serres, qui existent également à Lavalette près de Montpellier et sur Page desquels la Société géologique n’avait point osé ss prononcer. Leur date est désormais fixée. Au-dessus des bancs à Serpules se développe un puissant système de calcaires marneux et de marnes alternantes noirâtres et grisâtres, à la base duquel a été recueilli, dans la commune de Pompignan.laiVdifica Leviathan , Pictet ( Strombus Sautieri, Coq.). Nous savons que ce gigantesque gastéropode est valenginien dans tout le Jura, dans les environs de Nice et de Marseille. Seulement, dans ces dernières régions, où l'élé- ment marneux prédomine, le niveau ammonitifère de Ber- rias n’e^t pas représenté par des Ammonites. Toutefois la dé- NOTE DE MM, COQUAND ET BOUTIN, 881 couverte faite récemment par l’un de nous, dansle vallon deTou- louse (Marseille), dans la zone à Strombus Saulieri> de VHinnites Euthymietd’untragmentdeVAmmonites Privasensis indique bien l’équivalence duvalenginien de la Basse-Provence avec celui de Berrias et de Ganges, bien qu’on n’y puisse établir les mêmes subdivisions, qui, quoiqu’intéressantes à un certain point de vue, n’ont pas cependant une grande importance géologique. Les marnes, par lesquelles se termine l’étage valenginien, nous ramènent en plein, comme faciès et comme fossiles, dans les contrées classiques des Alpes, c’est-à-dire dans l’horizon des Bélemnites plates et des Ammonites ferrugineuses qui ont rendu les gisements de Lioux, de Chardavon et de Saint- Jullien et de Châtillon de Chabre si célébrés. Pour s’en con- vaincre, il ne s’agit que de citer les fossiles suivants : Belemnites latus , B. dilatatus . B. minaret. B. Orbignyi , B . isoscelis. B. extinctorius . B. pistilliformis . Ammonites semicanaliculatus. Ammonites asperrimus. A , Calypso . A. neocomiensis. A. Grasianus. A. Thetys. A. Terveri. Aptychus Didayi . A ce niveau ammonitifère qui termine le néocomien infé- rieur succèdent d’autres marnes grises alternant avec des calcaires marneux, et que couronnent une quarantaine de mètres de calcaires plus solides. On récolte dans cet ensemble de couches les Ammonites radiatus, A. Astierianus , A. cryptoce - ras , Ostrea Couloniy Spatangus retusus , etc., les représentants les plus autorisés des marnes d’Hauterive. C’est par ces cal- caires que se termine, dans le canton de Ganges et dans l’ar- rondissement du Yigan, la formation néocomienne proprement dite. On est obligé de pénétrer dans l’arrondissement d’Alais pour surprendre le recouvrement des assises à Spatangus relu - sus par les calcaires à Requienia ammonia. C’est en vain que * nous avons réclamé à nos gisements néocomiens, malgré leur développement et leurs richesses paléontologiqnes, un seul des céphalopodes à tours déroulés qui caractérisent le faciès barrémien des Basses- Alpes et du Dauphiné, et il devait en être ainsi, si, comme l’a établi l’un de nous, le barrémien et l’urgonien ne sont que les deux faciès différents d’un type SÉANCE DU 3 MAI 1869. 852 unique. La présence de l’un sur un point entraîne nécessaire- ment l’exclusion de l’autre sur ce même point. On concevrait difficilement que, lorsque levaîenginien et les marnes d’Haute- rive sont représentés dans les Basses-Alpes et dans l’Hérault par des termes identiques et des fossiles identiques, on ne rencontrât, dans ce dernier département, aucune espèce bar- rémienne, si le barrémien faisait réellement partie du néoco- mien moyen, comme le veulent quelques géologues, tandis que le barrémien continue dans les Basses-Alpes, avec ses fossiles propres, la même série qui, dans les environs d’Alais, est continuée par le terrain à Requienia ammonia, c’est-à-dire per l’équivalent des bancs à Crioceras Duvalii et Scaphiies Yvani (1). Nous avons eu soin de choisir pour l’établissement de nos étages et de leurs subdivisions les points où la stratifica- tion n’avait été affectée par aucun dérangement. Cependant les failles et les ploiements de couches ne sont point rares dans les montagnes calcaires que nous venons de décrire. Nous nous contenterons d’indiquer un ou deux accidents de ce genre. L’Hérault a ouvert son lit, à Ganges même, dans le calcaire blanc, qui, sur la rive gauche, occupe le quartier de Rans et se poursuit sans interruption jusqu’aux environs de Sauve, où il s’abaisse jusqu’au niveau de la plaine, en consti- tuant un désert pierreux, et sur la rive droite forme le pro- montoire connu sous le nom de Poupée de Saint-Laurent, par lequel se termine vers le nord la chaîne de la Séranne. Un peu au-dessus du canal voûté qui conduit les eaux de la Vis à Ganges, on observe, sur le bord même de la route de Saint- Laurent, un calcaire lithograghique entièrement rempli de Dicérates. Près du barrage, les couches se reploient sur elles- mêmes et montrent, au centre du bombement, les dolomies supra-oxfordiennes. Mais cet accident est bientôt réparé, et l’on voit les étages se succéder régulièremeni suivant l’ordre indi- (1) M. Marcel de Serres, dans une note insérée dans les Mémoires de l’A- cadémie de Montpellier, année 1856, mentionne dans les environs de Ganges les Ammonites dichotomus. Lyelli , Renauxi , ïnfiaius , intermedius , Leopoldinus et Grasianus , les Ancyloceras Duvali, Emerici et Toxaster oblongus, comme se trouvant toutes dans l’étage néocomien. Ce mélange n’existe en aucune manière, pas plus que le genre Ancyloceras qui a été fait sur des fragments d 'Ammonites. NOTE DE MM. COQUAND ET BOÜTIN. 853 que par le diagramme ci-dessous, qui donne une coupe prise un La Vis. Poupée de St-Laurent. À Oxfordien, — B Dolomies coralliennes. — G Kimmôridgien. peu au-dessus du torrent de Modesse, au pont même de Cam- prodon. Au-delà de Saint-Laurent-le-Minier les dolomies for- ment une série de pics taillés en dents de scie, dont le plus élevé, celui d’Angeau, atteint l’altitude de 852 mètres. Enfin, comme exemple de ploiement de couches et de dis- position en cornets ernboités les uns dans les autres, nous men- tionnerons le Roc du Midi, à l’ouest de Saint-Hippolyte, où le valenginien se trouve pincé dans un élau de calcaire blanc kimméridgien. Roc du Midi. Nous dirons donc en nous résumant, que dans les cantons de Ganges, de Sumène et de Saint-Hippolyte, on rencontre, au- dessus de l’oxfordien supérieur, la série ascendante qui suit : 1° Un étage dolomitique que nous rapportons à l’étage co- rallien ; 854 SÉANCE DU 3 MAI 1869. 2° Un étage de calcaires blancs et lithographiques que nous rapportons au kimméridgien inférieur et supérieur ; 3° L’étage valenginien comprenant, A. la faune ammonitifère de Berrias, B. le banc à Serpula recta, G. les bancs à Strombus Sautieri, etB.les marnes supérieures à Belemnites laïus et dïla~- tatus ; 4U Les marnes d'Hauterive formées à leur base de calcaires marneux et à leur partie supérieure de calcaires avec Spatan- gus retusus. Nous ajouterons que chacun de ces étages est caractérisé par une faune spéciale et ne renferme aucun mélange de fos- siles, enfin que 1 absence de tout fossile barrémien dans l’étage néocomien proprement dit démontre que le barrémien ne peut faire partie intégrante de cet étage. Comparaison des terrains de Ganges [ Hérault ) avec d' autres ter- rains analogues , et constatation des étages kimméridgien et port- landien fossilifères dans la Provence; par M. H. Goquand. Nous espérons avoir établi d une manière certaine, M. Bou- tin et moi, à 1 aide de la superposition et des fossiles, que, dans la région de 1 Hérault qui fait l’objet de la notice précédente, la série jurassique., depuis l’oxfordien, qui a été notre point de départ, comprend : l’oxfordien supérieur, un étage dolomi- tique qu on peut raisonnablement considérer comme l’équi- valent du coral-rag, dont il tient la place, enfin, un ensemble très-puissant de calcaires blancs à faciès corallien appartenant au jurassique supérieur, au groupe kimméridgien inférieur et supérieur. Nous croyons avoir établi également d’une manière tout ausn certaine qu’au-dessus des calcaires blancs se déve- loppe la série néocomienne, comprenant : 1° L’étage valenginien ; 2° Les marnes d’Hauterive. Ces divers termes de la double série jurassique et crétacée sont^ concordants entre eux, et on n’observe aucune espèce fossne commune entre le valenginien inférieur et les calcaires blancs qui le supportent. Pour introduire ces derniers dans la oimation crétacée, il faudrait nécessairement allonger le NOTP DE M. CQQÜJVND. m néocomien d’un ou plusieurs étages nouveaux; mais dans ce cas, on se trouverait en présence d’une grande masse qui non seulement contient des fossiles kirnméridgiens, mais dont les analogues ou équivalents sont recouverts, ailleurs, par l’étage portlaudien et le purbeckien d’eau douce. Voilà pourquoi nous avons conservé les calcaires blancs dans le groupe kimmérid- gien, et en agissant ainsi, nous n’avons obéi, ainsi qu’on a pu s’en assurer, à aucune idée théorique préconçue, puisque nous nous sommes laissé guider simplement par les faits stra- tigraphiques et paléontologiques. Ceci posé, interrogeons les contrées qui peuvent présenter de l’analogie avec celle que nous venons de décrire, pour mieux connaître l’extension géographique de nos calcaires blancs ainsi que leurs équivalents géologiques. Un des premiers points à consulter est sans contredit la lo- calité de Berrias dans l’Ardèche, dont M, Pictet (1) vient d’il- lustrer tout récemment la faune, et qui appartient comme celle.de Ganges, à la chaîne des Cévennes. Suivant M. de Mal- bos, on peut distinguer, dans la masse qu’il considère comme oxfordienne et qui est inférieure aux assises à Terebratula di- phyoides , trois couches. L’inférieure est un calcaire gris d’une puissance d’environ 120 pieds contenant quelques Ammonites et deux Aptychus non décrits. La couche moyenne est un cal- caire blanc d’une puissance d’environ 90 pieds. C’est lui qui, dans la forêt de Païolive, se décompose par les influences at- mosphériques, ce qui lui donne l’apparence de ruines magni- fiques. La couche supérieure est encore un calcaire gris, delà puissance de 60 pieds environ. Espérons, ajoute M. Pictet, que les géologues de l’Ardèche pourront compléter ces données : elles sont insuffisantes pour nous apprendre les relations de la faune du calcaire à diphyoides avec celles qui l’ont précédée, Nous pensons que cette lacune est en partie comblée par l’étude que nous venons de publier, et qui dévoile la même succession de masses minérales dans la vallée supérieure de l’Hérault et dans les environs de Berrias. On est donc en droit de prédire que les calcaires placés entre les dolomies et les premières assises valenginiennes fourniront, si elles se mon- trent fossilifères, les mêmes fossiles que les stations de Rans, de Cazillac et de Marseille. (1) Pictet. Études paléontologiques sur la faune à Terebratula dyphoides de Berrias. 1867, p. 50. 856 SÉANCE DU 3 MAI 1869. Pour mieux faire ressortir la complète analogie qui existe entre le valenginien de Berrias et celui de Ginestous et de la Moure, nous n’avons qu’à renvoyer à la liste des espèces que nous en avons donnée. A Ginestous, comme à Berrias, la couche à T . diphyoides est recouverte par des marnes à Belemnites latus et Ammonites Terveri que surmontent, dans les deux régions, des calcaires marneux avec Ostrea Couloni et Spatangus retusus. L’analogie ne saurait donc être plus évidente. Aussi nous jugeons inutile d’insister davantage sur les rapprochements énoncés. Nous sommes disposés à voir les équivalents de nos cal- caires blancs dans les assises coralliennes citées par M. Rey- nès (1) au-dessus des calcaires oxfordiens des environs de Saint-Pierre, près Gadève. La comparaison de nos terrains de l’Hérault avec ceux de la Basse-Provence aboutit à des résultats identiques, bien que le caractère pétrographique et la physionomie des faunes res- pectives éprouvent quelques légères variations. Dans un travail tout récent, publié par nous sur le juras- sique supérieur de la Provence, il a été établi que dans les environs de Marseille, les calcaires blancs à Nerinea Bruntrutana et suprajurensis étaient nettement séparés, et minéralogique- ment et de position, de la série néocomienne qui débute, dans les vallons de Toulouse et de Planouze, par des calcaires hy- drauliques avec Natica Leviathan (Pictet) ( Strombus Sautievi , Coq.), et Terebratula tamarindus. Ce sont ces calcaires blancs à faciès corallien que quelques géoloques, qui n’ont parcouru la Provence que rapidement, ont confondus avec les calcaires à Chama ammonia , malgré leur origine jurassique, si claire- ment indiquée par la couche de contact avec les calcaires va- lenginiens, toute raboteuse, recouverte de Serpules, de valves d’ Ostrea crétacées encore adhérentes, et criblée de perfora- tions de Pholades. Aux fossiles indiqués ci-dessus nous de- vons ajouter la découverte faite, ces jours derniers, des Dice - ras Lucii et D. suprajurensis , Thurmann et des Terebratula mo - ramca et subcanalis, Suess, dans le vallon de la Cloche (2), au- (1) Reynès. Essai de géologie et de paléontologie aveyronaises . 1868 , p. 87. (2) M. Hébert [Bull., XXIII, p. 523) persiste à placer les calcaires coral- lileres du vallon de la Cloche dans l’étage à Chama ammonia , parce que nés fragments de bivalves rapportés par moi à des Diceras ont été jugés par NOTE DE M. COQUAND. 857 dessus du souterrain de la Nerthe, au sein de calcaires blancs qui, comme à Cazillac et à Berrias sont remplis, de polypiers, lui comme pouvant appartenir à la Requienia Lonsdalii , et cela, au mépris de la superposition la plus évidente et la plus incontestable, mise en lumière non-seulement par l’inspection de la surface des terrains , mais encore par les travaux du souterrain de la Nerthe qui ont été dirigés et relevés au mil , limètreparM. Matheron , surface et travaux qui indiquent du nord au sud la succession des assises suivantes : lo Calcaires à Chama ammonia , 250 mètres; 2° Néocomien et valenginien, 60 m.; 30 Calcaires blancs de l’étage corallien, 80 m.; 4° Calcaires et dolomies jurassiques, 220 m. Ce n’est qu’au dessous des dolomies que se montrent les calcaires compactes oxfordiens avec Ammonites tortisulcatus. Or, comme la série est normale entre les deux points extrêmes, ainsi qu’aurait pu s’en assurer M. Hébert, si le jour qu’il a visité la Nerthe en compagnie de la Société , il avait dé- passé le niveau des calcaires à Spatangus retusus , et que, de]plus, la succes- sion des étages s’y montre telle qu’on la relève dans toute l’étendue des dé- partements des Bouches-du-Rhône et du Var, il existerait, s’il fallait suivre les idées de ce savant, deux calcaires à Chama Lonsdalii, l’un supérieur aux marnes d’Hauterive, celui que tous les géologues connaissent , et un autre inférieur au valenginien. Il n’est point possible d’invoquer à l’encontre de la coupe de M. Matheron des ploiements de couches en Y, car les cal- caires blancs jurassiques du sud sont supportés par les dolomies, les mêmes que celles de Saint-Hubert dans le Var, et que M. Hébert reconnaît comme oxfordiennes, et les calcaires blancs urgoniens du nord supportent les mar- nes aptiennes . C’est ce qu’indique très-nettement le profil de la Nerthe que M. Matheron a inséré dans le t. XXI du Bulletin. D’ailleurs les deux cal- caires n’ont de commun que la couleur blanche ; structure, position et fos- siles, tout est différent. Le vallon de la Cloche, entre autres fossiles, renferme un Diceras qui, lorsque la première couche, qui est lisse et unie, a été enlevée, permet d’a- percevoir dans la partie centrale de la deuxième enveloppe une zone de stries concentriques qui lui donne quelque ressemblance extérieure avec une Requienia. Je suis parvenu à préparer, par des enlèvements partiels, des pièces qui présentent très-nettement les deux états complètement diffé- rents de la première et de la seconde enveloppe, de sorte qu’il est facile de voir réunies sur un même échantillon les deux formes qui , examinées iso- lément, pourraient être rapportées à deux espèces, et même à deux genres, si dans celle qui est ornée de stries concentriques on veut y lire les carac- tères des Requienia. M. Favre, en décrivant les Dicérates d’un gisement analogue à celui de la Nerthe, le mont Salève, a depuis longtemps appelé l’attention des savants sur les diverses enveloppes et l’ornementation diffé- rente qui composent le têt de ces bivalves. Cette même espèce est très-abon- dante à Cazillac. M. Hébert ajoute que les calcaires blancs du Var que j’avais considérés comme coralliens sont devenus, grâce aux recherches de séance du 3 mai 1869. de Nérinées et s’appuient sur des dolomies grenues qui les sé- parent des calcaires oxfordiens supérieurs. Si dans l’Hérault il n’est pas possible de les rattacher à la formation néocomienne, cette impossibilité est encore plus absolue pour les environs de Marseille, à cause des perforations de Pholades que nous avons signalées. Ainsi donc, les assises que nous attribuons au juras- sique supérieur dans les Bouches-du-Rhône sont bien distinc- tes de l’étage valenginien et ne présentent aucun fossile commun avec ce dernier, et à plus forte raison avec le calcaire à Chaîna , Nous aurions à signaler encore une station de calcaires à Nérinées et à coraux, dont la découverte est due à M. Garnier. Parmi les fossiles qui nous ont été montrés nous avons reconnu les Biceras Lucii eXEscheri , la TerebratulaRepeliniana de l’Éehail- lon et un crustacé qui sera signalé la première fois dans nos contrées, le Prosopon rostratum, Meyer, figuré par M.Quenstedt dans son Ber Jura , et qui est abondamment répandu dans le kimméridgien de Derlingen. Cette station est située dans la commune de Rougon, près de Castellanne, et les calcaires blancs coralhfères s’y trouvent intercalés au milieu des calcaires litho- graphiques qui, à la base, contiennent une faune franchement ox- fordienne, et à la crête, comme à Chaudon, par exemple* les Ammonites occitanicus,rarefurcalus et Callisto qui caractérisent la zone ammonitifère de Berrias et de Ganges.Et, cependant, c’est cette crête de Chaudon, sur laquelle M. Hébert (1) s’exprime en ces termes : e des tourbes dans la vallée de la Seine Echelle des longueurs 20 3 c fo 5 o 60 jo 8 o go wo (g3,g8o) ( ge, 36o ) Vanne Rivière î®» naturelle 'O'CT'CCS de Chigif ( 86, oo) ; j'cd’V ■ ift} 2mc , fente .T.JXll, PL 131, finie 87$ Bull ■ lie la Soc . Gcol ■ du, Vrance, Iùxp JBecquvt/ Taris. COUPE EN TRAVERS DE LA VALLEE DE LA VANNE (en aval de Chigy) Echelle des hauteurs a b b’ e d e € ê Terre . net) étale. Tourbe. Tourbe et' cailloute Terre, tourbeuse Sable craie et' cailloute' Fâse (frise Vase, (frise/ et graviers Terre, et graviers très (jros h i j j’ k 1 m 1! Bouc brune Argile grise Terre et cailloute Terre jaunâtre Terre mélangée de/ grève Sable jaune et > graviers Grève et/ Sable Sable o Sable jim cr agence U P Craviers V P’ Graviers jtns . V q Limon, jaune ou vase X r limon et graviers fins r 8 Graviers crageux/ V o t limon jaune a limon jaune crayeux limon rougeâtre ■/ Grève Grève jine Alarncs et cailloute - veinés de sable rouge Craie - pâteuse (raie comporté Lédende ? ! *. NOTE DE M. BELGRAND 879 quesdolacoupe deGanges, donnée parM. Coquand dans la première des notes qui viennent d'être lues, lui paraissent être les mêmes que ceux qu’avait déjà publiés M. Émilien Dumas. 11 croit cependant se souvenir que M. Dumas con- sidérait comme corallien l’étage calcaire que M. Coquand assimile au terrain kimméridgien. M. Lory présente à son tour diverses observations au sujet des communications précédentes de M. Coquand. Le même membre met sous les yeux de la Société une coupe détaillée de la Porte-de-France, et il énumère la succession des terrains qu’on observe sur ce point. M. Belgrand présente le résumé de ses travaux sur le régime des rivières tributaires de la Seine et fait la com- munication suivante : L’âge des tourbes dans la vallée de la Seine ; par M. Belgrand (PI. VU). (Communiqué dans la Séance du 19 avril 18G9) Il y a eu nécessairement, entre Père des grands cours d’eau de Page de pierre et celle des tourbes, ou, si Pon aime mieux, celle des petits cours d’eau de l’époque actuelle, un régime de transition qu’il est très-important de faire connaître; car ce changement, qui correspond probablement à la fm de l’époque glaciaire, paraît aussi remonter à une époque où se sont pro- duites de profondes modifications dans les mœurs et les habi- tudes des sauvages populations qui habitaient alors la France. On sait que, à tous les niveaux où Pon trouve les graviers du grand fleuve, on rencontre dans les anses , dans les tour- nants, et, en général, dans toutes les parties du lit où les aliu- vions se formaient, des ossements de grands animaux de race éteinte et aussi des traces du travail de l’homme. Les instru- ments en silex sont simplement taillés, comme ceux qui ont été découverts dans les cavernes jusqu’à la fin de l’époque du renne, du mammouth, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la période froide, ce qui fait présumer que les grands cours d’eau ont duré jusqu’à la fin de Père glaciaire. 880 SÉANCE DU 3 MAI 1869. Jamais, dans les graviers de fond des grands cours d’eau, on n’a rencontré jusqu’ici ni instruments en pierre polie, ni, à plus forte raison, aucune trace de métal, ni ossements d’ani- maux domestiques, pas plus que dans les parties des cavernes où se trouvent l’éléphant et le renne. Ces objets, indices d’une civilisation plus avancée, ne se ren- contrent qu’à la superficie du sol des sablières, et sont toujours séparés du gravier de fond par l’alluvion qui a rempli les lits anciens, dans laquelle, je l’ai dit, on ne trouve presque jamais rien. Au contraire, avec les tourbes apparaissent, sans transition aucune, les animaux domestiques, les instruments en pierre polie et plus tard en métal; les restes de l’élépbant et du renne ne se rencontrent plus. Ces premiers rudiments de civilisation paraissent donc être la conséquence d’un adoucissement subit du climat qui a apporté, en même temps, une profonde modi- fication dans le régime des eaux. Le dernier ou le plus bas lit des grandes rivières de l’âge de la pierre taillée, dans la plupart des vallées du bassin de la Seine, est très-sensiblement au niveau du lit des cours d’eau actuels, et quelquefois au-dessous. Il est souvent possible de le reconnaître, et d’une manière bien simple : les gra- viers dont il se compose sont trop volumineux pour que le cours d’eau moderne les déplace. Cela ne laisse aucun doute dans les vallées tourbeuses; le sable et le gravier, qui existent sous la tourbe, formaient bien le fond des cours d’eau de l’âge de pierre; mais, même dans les rivières qui ont conservé une certaine violence, comme la Seine, les ingénieurs savent très- bien qu’il existe, au-dessous du sable et du petit gravier que le fleuve charrie encore aujourd’hui, un banc de gravier plus gros qui n’est jamais déplacé : c’est le gros gravier qui formait autrefois le fond de l’ancien fleuve. J’ai été ingénieur en chef de la navigation de la Seine, entre Paris et Rouen, et j’ai constaté, par des observations certaines et constantes, que le niveau de toutes les parties du lit du fleuve, où ces graviers se montraient, était parfaitement fixe. Lorsqu’on y opérait un dragage, pour faciliter le passage des bateaux, jamais le vide n’était rempli par de gros graviers ; tandis qu’au contraire les bancs de sable ou de graviers plus petits, enlevés par la drague , étaient promptement remplacés par des alluvions de même nature. Ces lits anciens étaient démesurément trop larges pour les NOTE DE M. BELGRAND. 881 cours d’eau modernes. Or, il est une loi bien connue des ingé- nieurs : toutes les fois que le lit d’une rivière est trop large, elle travaille incessamment à le rétrécir. Mais cette alluvion complémentaire ne se forme plus comme celle qui résulte d’une modification du lit; elle est d’une nature très-variable, suivant que le régime du cours d’eau est violent ou tran- quille. Si le cours d’eau est violent, l’excès de largeur du lit se comble avec du gravier, du sable ou du limon, et en général, en pareil cas, le rétrécissement s’opère très-vite. Ainsi, le chemin de fer de La Roche à Auxerre coupe deux torrents, l’Armançon et le Serein. On a construit sur ces rivières deux ponts de six arches : deux suffisaient ; l’excès de largeur des lits a été immédiatement remblayé par le gravier et le sable apporté par les crues, et il ne reste que deux arches libres. Sous le pont de l’Armançon, l’administration du chemin de fer a établi une carrière de ballast; tous les ans on enlève le gravier qui encombre les arches inutiles, et le lit est élargi sur 4 à 500 mètres de longueur, à l’amont et à l’aval; l’hiver suivant, à la première crue, le torrent obstiné apporte de nouveaux graviers pour combler les vides. Le cours d’eau est-il tranquille, les crues sont-elles faibles, l’eau reste- t-elle à peu près constamment limpide, l’excès de la largeur du lit se comble par de la tourbe. C’est ainsi que s’est rempli le dernier des lits des grands cours d’eau de l’âge de pierre, à l’époque de transition, tan- tôt avec du gravier, du sable ou du limon , tantôt avec de la tourbe. « Le terrain de transport du fond des vallées, disent a Cuvier et Brongniart, est ou de sable, ou de limon propre- « ment dit, ou de tourbe. » Ainsi, l’âge des tourbes correspond à une époqueimportante de l’histoire de l’homme et de la terre : la tourbe s’est déve- loppée au fond de nos vallées h l’époque où les grands cours d’eau de l’âge de pierre ont été remplacés par nos petites rivières modernes. Les silex taillés ont fait place aux ustensiles encore en silex, mais polis et d’une fabrication plus parfaite; le bronze, puis le fer, se substituent à la pierre, et les temps hisioriques commencent. L’âge des tourbes correspond donc à l’âge de la pierre polie, du bronze, du fer et aux temps his- toriques. Les grands animaux de l’âge de la pierre taillée disparaissent eux-mêmes, lorsque la tourbe apparaît, et sont remplacés par nos animaux des temps modernes. Soc. géol.y 2° sérient. XXVI. 56 882 SÉANCE DU 3 MAI 1869. Un savant allemand, Dan, est le premier qui- ait fait une classification rationnelle des marais tourbeux. Il a remarqué qu’il fallait les diviser en deux genres : les marais émergés et les marais immergés. Les marais émergés se trouvent aussi bien sur les plateaux et sur les pentes qu’au fond des vallées. La tourbe s’y forme au-dessus du niveau naturel de 1 eau. Dan cite les marais de la Lithuanie, qui s’élèvent jusqu a 36 et 48 pieds au-dessus du niveau des plaines et des eaux voisines. Dans le Holstein, les marais de Dosen, près de Neumunster, s’élèvent au centre de 25 à 30 pieds au-dessus des rives, de sorte que, d’un bord, on ne voit ni les maisons ni les arbres du bord opposé. Les marais immergés se développent sur les bords des cours d’eau, des étangs et des lacs. La tourbe s y forme toujours sous l’eau et ne s’élève jamais au-dessus. C’est M. Lesquereux qui, dans un excellent mémoire publié en 1845 (1), a proposé de désigner les marais du premier genre sous le nom de marais émergés ou supra-aquatiques, et ceux du second genre sous le nom de marais immergés ou sous-aquatiques; j’adopte ces deux dénominations. Si l’on fait abstraction de la petite ramification des Arden- nes, qu’on trouve vers les sources de l’Oise, la seule partie du bassin de la Seine où l’on rencontre des marais émergés est le Morvan. Ces marais sont disséminés irrégulièrement sur Toute la surface du pays, aussi bien sur les pentes rapides des co- teaux que sur les plateaux et le fond des petites vallées. Les innombrables fissures superficielles du granité absorbent une partie des eaux de pluie et alimentent ainsi une multitude de petites sources qui souvent n’ont point d’émissaire détermine, se répandent dans les terrains détritiques delà surface du sol, formés habituellement d’arène granitique, et y entretiennent une abondante végétation. C’est l’accumulation très-ancienne des débris de ces végétaux qui aujourd’hui forme les petits marais tourbeux du Moivan. On trouve ces tourbières irrégu- lièrement disséminées partout, excepté au fond des vallées, où coulent des cours d’eau assez importants pour éprouver des crues violentes. Les marais et la tourbe manquent alors dans toute la partie du fond delà vallée balayée par ces crues. Comment les marais peuvent-ils se produire en s’élevant à de grandes hauteurs au-dessus de l’eau? "Voici 1 explication très-simple et vraiment originale que donne M. Lesquereux. (1) Mémoire de la Société des sciences natur, de Neufchâ‘el}\. III, 1845. NOTE DE M. BELGRAND. 883 Il a constaté que les mousses du genre sphagnum jouissaient de la propriété d’absorber une quantité d’eau prodigieuse, Une touffe de sphaignes, conservée par lui pendant un an, qui pesait 1 once 21 deniers, a absorbé en deux heures 17 onces 12 deniers d’eau. Cette propriété des sphaignes est encore plus remarquable quand ces mousses sont vivantes. Elle n’existe ni dans les autres mousses ni dans aucune autre plante phanérogame. C’est l’accumulation des débris des sphaignes qui, suivant M. Lesquereux, forme la plus grande partie des tourbes des roches primitives des Alpes et des Vosges. cc Il se forme çà et là de petits bassins d’eau où quelques ra- « cines ligneuses vont s’étendre et puiser leur nourriture. Sur « ces racines s’implantent les sphaignes; ils s’abreuvent de « l’eau du réservoir, ils la pompent, l’élèvent pour leur crois- « sance, s’approvisionnent, à la fonte des neiges, d’une partie cc de l’eau qui les traverse, vivent en été de celle des pluies et « des brouillards, et ont ainsi une végétation proportionnée à « la quantité de pluie qu’ils reçoivent. Quelquefois cette végé- « tation des sphaignes s’établit sur des plateaux étroits, au a bord de l’abîme ; il les recouvrent entièrement, et quand « l’espace leur manque, ils laissent pendre leur franges sur la cc roche escarpée, et forment ainsi un dépôt tourbeux qu’on « pourrait appeler aérien . Plusieurs cas semblables ont été cc observés dans les Alpes pittoresques du Tyrol. C’est ainsi et que les couches tourbeuses varient à l’infini. cc Toutes les matières en fermentation, les engrais, les sels , « la chaux, les gypses, etc...., détruisent cette végétation; les cc mousses ne peuvent vivre non plus à l’ombre ou sous les « goultières des arbres forestiers, sous les sapins, les hêtres, « les chênes. Aussi remarque-bon, sous les sapins qui sont cc restés implantés dans nos marais, une dépression souvent cc très-profonde, où la tourbe n’a point crû. Ces enfoncements cc sont déjà, ce me semble, une preuve suffisante de la crois- cc sance continue de la tourbe par la surface, et de l’influence cc des sphaignes sur cette formation. cc C’est donc seulement quand ces forêts ont été renversées (( sur des terrains arrosés, ou par des sources naturelles, ou « par des circonstances atmosphériques , que les sphaignes cc ont pu commencer à paraître. Ils se sont semés, et ils ont c< germé d’abord dans les lieux où l’humidité était abondante, « mais où l’eau était peu profonde, et, par leur croissance * » * Q a » < » a O 0‘. S” 8 » i <3* » • O.® «* _ * Q ® a i ,  « .&.• ° * 1 Gravier aec glaise bleuâtr. Gravier, probablement gra- vier de fond du dernier lit de l’âge de pierre. NOTE DE M. BELGRAND. 897 l On voit que la tourbe est recouverte d’une couche d’alluvion de 4m,50 d’épaisseur, qui devient très-limoneuse à la surface du sol. M. l’ingénieur Saint-Yves, en fondant l’écluse de Martot, près d’Elbeuf, a mis au jour une autre couche de cette tourbe. Coupe de la rive gauche de la Seine , à l’ écluse de Martot .] A Meulan, on n’a trouvé que les fossiles ordinaires de la tourbe, avec de nombreux tronçons d’arbres. A Martot, on a découvert dans la tourbe des ossements hu- mains et, en même temps, des ossements de bœufs, de san- gliers, etc. Parmi les restes humains, se trouvait un très-beau crâne, presque complet, qui a été reconnu, par M. le docteur Pruner-Bey, comme appartenant à la race celtique. Le relief des bassins de la Seine et [des cours d’eau limi- trophes était, pendant toute la durée de l’âge de pierre, à très-peu près ce qu’il est aujourd’hui. Ces bassins pré- sentaient donc aussi la même disposition de terrains per- méables et imperméables. Mais alors, il fallait que le régime des pluies fût, au contraire, tout différent, puisque les eaux pluviales ruisselaient à la surface des terrains les plus per- méables, de la craie, par exemple; c’est ce que j’ai déjà fait voir, en discutant la coupe du fond de la vallée de la Vanne. Cette question est tellement importante, qu’il est bon de prou- Soc. géol.y 2* série, tome XXVI. 57 898 SÉANCE DU 3 MAI 1869. ver que le régime ancien de la Vanne n’était point un cas par- ticulier. Prenons un autre exemple, la vallée de la Somme, pour nous placer sur un terrain plus connu des géologues. Tous ceux qui ont visité cette vallée, près d’Amiens, savent qu’on y trouve, au-dessus des tourbières, deux étages de sa- blières bien séparés, l’un à une petite hauteur au-dessus des eaux actuelles de la rivière, (St-Roch, Montières) l’autre à un niveau plus élevé (St-Acheul); ces deux étages correspondent à peu près à nos hauts et à nos bas niveaux de Paris, les zones de cailloux et de sables sont disposées comme dans nos gran- des rivières actuelles; le sable est parfaitement pur; ce qui prouve qu’il était remué et lavé par un courant d’eau animé d’une certaine vitesse. Or, comment un courant d’eau violent pouvait-il exister dans la vallée de la Somme, si, comme aujourd’hui, les eaux pluviales étaient absorbées en totalité sur place, et passaient parles sources, avant d’arriver aux thalwegs? La portée des grandes crues ordinaires de la Somme est à peine trois ou quatre fois plus grande que sa portée d’étiage, et c’est à cette tranquillité de régime qu’on doit attribuer le grand dévelop- pement des tourbières du fond de la vallée. Autrefois la ri- vière, non-seulement ne produisait pas de tourbe, mais encore était assez violente pour déplacer le sable et les cailloux; il fallait donc que les eaux pluviales ruisselassent à la surface du sol de son bassin. Cependant, ce bassin était aussi perméable qu ’auj ou r d’hui. Par conséquent, les chutes de pluies ou de neige étaient beau- coup plus grandes, puisque la totalité de l’eau n’était pas ab- sorbée sur place. Ces ruissellements d’eaux pluviales ou de neigés fondues ne sont pas sans exemple dans les temps mo- dernes. La Somme éprouve des crues assez grandes pour être dé- sastreuses, mais qui se renouvellent à peine une fois par siè- cle; telle a été celle de février 1658. D’après les récits du temps, cette crue a été produite par une grande fonte de neige ; le froid avait été excessif pendant six semaines, et la couche de neige, qui s’était accumulée à la surface du sol, avait la hauteur d’un homme. Ces phénomènes, qui se reproduisent trop rarement dans les temps modernes pour troubler la production de la tourbe, devaient être beaucoup plus fréquents autrefois, pendant la mngue durée de l’âge de pierre. On ne peut donc comprendre NOTE DE M. BELGRAND. 899 l’existence des cours d’eau à crues violentes, qui remplaçaient autrefois les ruisseaux, aujourd’hui si paisibles, des vallées à versants perméables, comme celle de la Somme, qu’avec un ruissellement considérable et habituel des eaux pluviales à la surface du sol. S’il en était ainsi, ces eaux devaient arriver dans les vallées chargées du limon rouge des plateaux, et il n’y a rien de sur- prenant que, dans leurs débordements, elles déposassent ce même limon sur les graviers plus élevés que le lit sur lesquels elles s’étendaient, comme le font encore toutes nos rivières à grandes crues ou à versants imperméables. C’est ce qui expli- que ces dépôts de limon rouge qui, dans certaines parties de la vallée de la Somme, et notamment à Amiens, semblent se relier aux limons des plateaux. Ce ruissellement des eaux pluviales, à la surface des terrains aujourd’hui si complètement perméables, est la preuve la plus incontestable de l’existence des grands cours d’eau de l’âge de pierre. M. Lesquereux fait remarquer que les tourbières appartien- nent essentiellement aux zones froides et tempérées. La température moyenne la plus favorable à la production de la tourbe, est comprise entre 6 et 8 degrés centigrades (Irlande, îles Malouines). Dans les plaines basses, on ne trouve pas de tourbe au sud du 46e degré de latitude boréale, et, sui- vant Darwin, au nord du 41e degré de latitude australe. M. Les- quereux cherche à établir que la répartition géographique des autres combustibles minéraux, de la houille et de l’anthracite, est à peu près la même, c’est-à-dire que ces combustibles ne sortent guère des limites des régions tempérées. Je ne sais si les découvertes modernes n’infirment pas cette opinion. Les terrains carbonifères des États-Unis descendent, vers le sud, bien au-dessous de 46 degrés de latitude; mais, quoi qu’il en soit, les études qui précèdent peuvent jeter quelque lumière sur cette importante question. On voit d’abord que, dans les terrains perméables les accu- mulations de végétaux n’ont pu se former, aux époques paléo- zoïques comme aujourd’hui, qu’au fond des vallees les plus profondes, au bord des rares cours d’eau qui les sillonnaient, l’humidité manquant sur les pentes Jet dans les vallées peu profondes. 900 SÉANCE DÜ 3 MAI 1869. Il résulte de là que les combustibles minéraux doivent être fort rares dans les terrains perméables, non-seulement parce que les accumulations de végétaux ne peuvent s’y former que sur des surfaces très-restreintes, mais encore parce que ces dépôts, placés au fond des vallées, ont dû être balayés parles déplacements de la mer, dans toutes les révolutions du globe. Les combustibles minéraux manquent aussi dans toutes les formations franchement argileuses, parce que les eaux plu- viales coulant toujours à la surface et produisant des crues violentes au fond des vallées, les débris de végétaux n’ont pu s’accumuler nulle part. Au contraire, les terrains paléozoïques fissurés ou schisteux ont dû, comme aujourd’hui, donner naissance à de nombreux suintements, et, par conséquent, les plantes aquatiques ont pu s’y développer de tout temps, comme elles s’y développent encore dans les tourbières des pentes et des plateaux. De là l’origine de la houille et de l’anthracite. Je ne puis nPétendre plus longuement sur cet important su- jet, qui exigerait une étude toute spéciale. Quelquesobservations sont présentées par MM. deMortillet et de Billy sur la tranformation en tourbières des petits lacs de Fltalie et de la Suisse. Séance du 24 mai 1869. PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS. M. Louis Lartet, secrétaire, donne lecture du procès-ver- bal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part du Comité de la Paléontologie française, Ter- rain jurassique , 15° livraison. — Zoophytes , par MM. de Fro- mentel et de Ferry ; texte, f. 13 à 15 ; atlas, pl. 49 à 60. De la part de M. Charles Des Moulins, Note additionnelle. DONS FAITS A LA SOCIÏTK. 901 — Réponse à une lettre de M. Alexis Jordan ; in-8, 7 p. Bor- deaux, 1869; chez Lafargue. De la part de M. Hébert, Classification of the upper cretaceous period ; 1 p.in-4°; (Extr. du Geological magazine , vol. VI, n° 5, mars 1869). De la part de M. Z. Laduron, Distribution d'tau dans le bas- sin de Charleroi; in-4°, 74 p., 1 carte. Bruxelles, 1869; chez E. Guyot. De la part de MM. Éd. Lartet et H. Christy, Reliquiæ aquita- nicœ ; in-4°, pp. 95-102 et 97-112, et pl. A. XXI-XXIV; B. XV et XVI. Paris, 1869 ; chez J.-B. Baillière et fils. De la part de M. E. de Mojsisovics, Ueber die Gliederung der oberen Triasbildungen der ôst lichen Alpen ; in-4°, 60 p., 3 pl. Vienne, 1869. De la part de M. G. Montagna, Nouvelle théorie du méta- morphisme des roches ; in-4°, 127 p. Naples, 1869; chez B# Dura. Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. le Dr Re- nard, invitant la Société géologique de France à prendre part au jubilé semi-séculaire du doctorat de M. Eichwald. La date de ce jubilé, fixée au 30 mai, ne permettant pas qu’aucun membre de la Société géologique s’y rende, on décide que le Président écrira à M. Renard, pour lui faire connaître la part que la Société prend à cette fête. M. Éd. Lartet lit la lettre suivante de M. l’abbé Bour- geois : Pont-Levoy, 20 mai 1869. « Cher monsieur, « L’action de l’homme sur mes silex des dépôts miocènes de Thenay a été reconnue par toutes les personnes compé- tentes qui les ont sérieusement examinés. Mais la question du gisement pouvait présenter de l’incertitude aux géologues, qui n’ont pas le temps d’étudier minutieusement la constitution stratigraphique du sol. * Dans le but d'arriver à une solution plus prompte et plus 902 SÉANCE DU 24 MAI 1869. claire, j’ai entrepris le forage d’un puits vers le sommet de la colline. « C’est au fond de ce puits que fai trouvé la vérité , et la vérité la plus incontestable. « Après avoir traversé la terre végétale, j’ai rencontré : « 1° Le fa! un avec coquilles et ossements roulés; « (Ici manquent les sables de l’Orléanais, qui n'existent qu’à l’état de lambeaux). a 2° Le calcaire de Beauce compacte perforé à la surface par les Pholades ( Pholas dimidiata, Dujardin); a 3° Six assises du même calcaire de Beauce, à l’état mar- neux ; « 4° Les petites couches marneuses ou argileuses à silex taillés, parfaitement identiques, sous tous rapports, avec celles qui affleurent plus bas sur les bords du ruisseau. a C’est dans ces conditions de gisement que j’ai recueilli moi-même, à 6 mètres de profondeur, divers instruments bien caractérisés, parmi lesquels on peut voir un marteau présen- tant des marques de percussion très-évidentes. « Les silex craquelés par le feu s’y trouvent comme dans les autres localités que j’ai signalées précédemment. cc Les géologues désireux d’élucider une si grave question devront s’empresser de visiter Thenay pendant que ie puits reste ouvert. « Veuillez donc prévenir ceux de vos amis qui, ne se laissant pas arrêter par des opinions systématiques et des idées pré- conçues, cherchent sincèrement la vérité. Le vrai peut quel- quefois n’être pas vraisemblable. On devrait, du reste, ne ja- mais oublier ces paroles de l’illustre Arago : En dehors des mathématiques pures , celui qui prononce le mot impossible est un imprudent. « Puissent vos occupations vous permettre de faire le voyage de Pont-Levoy; vous savez combien je serai heureux de vous recevoir. « Recevez, cher monsieur, l’expression de mes meilleurs sentiments. L. Bourgeois. » M. de Verneuil présente la note suivante de M. Ponzi: ■ NOTE DE M. PONZI. 903 Le Volcanisme romain . — Remarques de M. Ponzi sur les Observations géologiques faites en Italie par M. Gosselet. Quelque grand que soit le savoir d’un naturaliste, il ne pourra jamais justement apprécier, pour ainsi dire, d’un coup d’œil, la constitution géologique d’une contrée qu’il n’a fait que tra- verser rapidement, et il sera facilement induit en erreur en voulant émettre une opinion différente de celle des savants du lieu qui, par un séjour continu et par une longue étude, se sont depuis longtemps familiarisés avec la physionomie du sol de leur pays natal. C’est une vérité, je crois, qu’il suffit d’énoncer pour qu’elle soit universellement reconnue, et dans laquelle je me suis trouvé confirmé encore davantage par la lecture d’un mémoire récemment publié à Lille, intitulé : Observations géologiques faites en Italie par M. Gosselet, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Lille, et dont l’auteur a eu l’obligeance de me faire présent. C’est la relation d’un voyage qu’il a fait l’année dernière en Italie, dans le but d’étudier le volcanisme de ce pays, en en visitant les cratères, tant éteints qu’actuel- lement en activité. L’ouvrage est divisé en quatre parties et accompagné de quatre planches, dont la première est relative au Vésuve, les deux suivantes aux champs Phlégréens et à l’Etna, la dernière au Latium. Je ne me hasarderai pas à exprimer une opinion sur les trois premières parties, qui ne regardent pas ma province, et qui d’ailleurs ont fourni le champ aux vastes observations et aux études des géologues les plus éminents. Mais je ne peux m’im- poser le même silence sur la dernière, car elle concerne des observations faites dans un pays qui forme, depuis plus de quarante ans, le sujet de mes études, dans lesquelles j’ai passé, pour ainsi dire, toute ma vie, à l’effet d’arriver à composer, par des déductions certaines, l’histoire physique de l’Italie centrale. En lisant ce que M. Gosselet dit relativement au Latium, j’y ai remarqué plusieurs inexactitudes et défauts d’observation qui ne me permettent pas d’accepter ses déductions. Le res- pect que je professe pour toutes les opinions, même pour celles qui sont le plus opposées aux miennes, n’a pu m’em- 904 SÉANCE DU 24 MAI 1869. pêcher de noter que bien des observations contenues dans le mémoire précité ont été mal faites ou mal dirigées, de sorte que les hypothèses qu’on en a déduites frisent de trop près le fantastique, et peuvent apporter un grand dommage à la science, en amenant les géologues étrangers à se former une idée erronée de la constitution du sol de notre pays. C’est pourquoi j’ai dû, à mon grand regret, prendre sur moi de rec- tifier, par une analyse raisonnée, les idées contenues dans ce mémoire et d’en corriger les erreurs. Ce sont des observations mal interprétées, des faits mal envisagés qui réclament d’être mieux éclairés, et dont, je m’empresse de le répéter, l’éminent savant de Lille et mon illustre collègue n’a pu se rendre exac- tement compte, faute d’avoir suffisamment séjourné sur les lieux; d’autant plus que les faits qu’il venait étudier parmi nous sont de ceux qui, naturellement, lui doivent être le moins familiers dans son pays. Aussi j’espère que, dans l’intérêt de la science, il voudra bien m’excuser de ma franchise, et qu’il me permettra de répéter l’ancien mot, qui devrait être la devise des savants aussi bien que des sages : Amiens Ploto , sed mogis arnica veritas . Dans la partie relative au Latium, le savant professeur com- mence par nous raconter la visite faite par lui, sous la direction de M. Michel de Rossi, à ces monts dont il nous trace la des- cription, les comparant à ceux de la Somma et du Vésuve, l’analogie entre ces deux systèmes volcaniques ayant déjà été déterminée et mise en évidence depuis longtemps. Cependant, dans l’énumération des cratères, il en omet beaucoup d’un grand intérêt, qu’il n’a pas vus, ou dont il n’a pas entendu parler, tels que le mont Pila , situé sur le bord du cratère central du camp d’Annibal, ceux de la Mo/ara, avec tous ces cônes moindres du côté occidental qui se trouvent dans l’inté- rieur de la forêt de Faqgiola ; de même il ne parle pas des cra- tères de Frascati, de Valle Marciana , de Pantano secco , de Prata- porci , de Gabino et de Giulianelloy qui ont tous des dimensions remarquables. Seulement il suppose que le château de Mon - dragone est bâti sur un courant de lave sorti d’un cratère situé au sud de Tusculum et qui aurait coulé jusqu’à Frascati. Il semble vouloir attribuer à ce même cratère l’autre courant de Capo di Bove , dont on voit par là qu’il ne connaît pas la source, située dans un endroit tout différent, à laquelle on peut très- bien remonter en suivant la voie Appienne vers le moderne Albano jusqu’aux Frattocchief où le courant se cache sous les NOTE DE M. PONZI. 905 pépérins, pour apparaître de nouveau au delà; de ce point, en remontant toujours le cours de ce courant, on arrive à en découvrir l’origine, située dans le camp d’Annibal, aux pieds du mont Pila , dont le cratère a peut-être cessé le dernier d’agir dans le Latium. L’éminent professeur de Lille est d’accord avec nous en re- connaissant dans la vie éruptive de ces volcans trois périodes distinctes d’activité et de repos, d’où naquirent les trois sys- tèmes qui composent tout le groupe des monts du Latium, c’est-à-dire : 1° Celui de VArtemisio , auquel se rapporte toute l’enceinte extérieure formant la crête tronquée du grand cône Latial; 2° Du mont Cavi, entièrement compris dans la grande cavité du pourtour; 3° celui représenté parl’épanouissement des pépérins, qui se formèrent lors de la nouvelle période d’acti- vité postérieure du cratère d ’Albano. L’auteur, d’après une idée qu’on lui a suggérée, serait fortement tenté de classer le pré- tendu cratère de Tusculum sous la deuxième époque. Mais cela ne peut être admis aucunement, tant à cause de la position du lieu, qu’à cause des matières vomies, comme nous le ver- rons ensuite. Ayant ainsi admis l’âge relatif des différentes parties qui composent le groupe Latial, l’auteur passe à en rechercher l’âge absolu ; et dans ce but il se met à interroger les auteurs anciens, aussi bien que les vases albans trouvés sous le pépérino ; mais de tout cela il ne déduit aucune opinion bien arrêtée. Ici il n’est pas hors de propos de dire qu’en argumentant d’après ces mêmes fouilles, j’ai été amené à conclure que les dernières éruptions Latiales ont cessé peu avant la fondation de Rome(l). Quant aux laves coulées des volcans du Latium, notre auteur les voudrait distinguer en trois variétés, dont la première serait la lave sperone^ la seconde le leucitophyre , la troisième le pépé- rino. Ayant observé que la lave sperone se manifeste en diffé- rentes localités, il nous dit que cette lave forme la masse prin- cipale des monts Albans. Évidemment il n’a pas remarqué que les manifestations de cette espèce de lave ont lieu partout sur les parois intérieures du cratère, et qu’elles montrent une alté- ration, par les émanations chloriques, des parties saillantes des filons qui y serpentent, semblables à ceux de la Somma dans VAtrio del Cavallo. Cette même lave sperone s’efface à mesure (1) SulV età délia necropoli albana ( Bollèttino delV Istituto di corris- pondenza archeoloyica. Roma, 1869). 906 SÉANCE DU 24 MAI 1869. qu’on s’éloigne des centres d’éruption, et les mêmes courants à une certaine distance reprennent le caractère de la lave ordi- naire. Le chlore reconnu dans l’analyse de la lave sperone con- firme aussi cette opinion. Notre auteur, en parlant des laves, ignorait la distinction qui en avait déjà été faite d’après les caractères minéralogiques des différents volcans de l’Italie centrale. Nos volcans ont tous produit des amphigènes et des pyroxènes , à l’exception de ceux des Erniques, dont les déjections ne recèlent point d’amphi- gène, comme il a été remarqué déjà par Brocchi, bien qu’ils se trouvent situés au milieu entre les volcans du Latium et ceux de Rocca Monfina , qui en ont produit en quantité prodigieuse. Ces minéraux sont propres aussi aux volcans des Cimini : mais dans ces derniers s’ajoutent les feldspaths et les ponces comme caractères particuliers, Ainsi, sous ce rapport, les volcans de l’Italie centrale sont classés de la manière suivante : 1° Volcans Cimini — amphigène, pyroxène et feldspath; 2° Volcans Laziali — amphigène et pyroxène; 3° Volcans des Ernici - — pyroxène. Mais cela n’est pas tout, car pour le Latium nous avons aussi un autre critérium pour nous conduire à une distinction chronologique. Bien que les minéraux indiqués soient com- muns à tous les trois systèmes, cependant dans celui plus ancien et plus grand de V Artemisio on observe une plus grande abondance de pyroxènes, de sorte que les laves sont presque toujours augitophyres , clair-semées d’amphigène, tandis que dans le système de Monte- Cam on voit toujours les leucito- phyres entremêlés de pyroxènes, ce qui montre une modi- fication survenue dans le travail du grand laboratoire de la nature. Toutes ces choses ont déjà été développées par moi dans un Mémoire sur l'histoire physique du Latium , lu à Y Accademia Tibe - rina le 21 février 1859 (1). Par cette raison, et à cause de la situation de Tusculum, je suis d’avis que les laves dont il a été question plus haut doivent être classées sous le premier système, plutôt que sous le second, comme on l’a cru. Je ne puis me persuader qu’on veuille aussi comprendre parmi les laves le pépérino , qui n’est autre chose qu’un con- (l) Voirie Giornale Ârcadieo , t. CLVIII. NOTE DE M. PONZI. 907 glomérat de beaucoup de matières très-différentes, non pas ci- mentées, mais simplement liées ensemble par un empâtement de cendre fait à froid par l’eau. Ce procédé a été observé de visu par Breislak, dans l’éruption du Vésuve de l’an 1794, et décrit par lui dans son ouvrage intitulé : Topogrufia de la Campania (p. 157), où je prie notre auteur de le lire. Il en déduira cette conséquence que, bien que* les pépérins aient coulé à la manière des laves, néanmoins ils n’ont pas été autre chose que des courants boueux épanouis sur les penchants du cône du cratère Alban. Après cela, notre savant collègue, descendu des monts du Latium, s’avance dans la plaine, où il s’arrête aux bords du Tibre pour embrasser d’un coup d’œil les environs de Rome. On doit vivement regretter qu’un savant d’un si grand mérite n’ait pas séjourné plus longtemps parmi nous, car il aurait a ors mieux reconnu la grande importance du volcanisme dans l’Ita- lie centrale et quelle immense superficie, en a été recouverte par les déjections volcaniques. Ainsi il ne se serait pas borné à considérer tout notre volcanisme dans le bassin de Rome seulement, dont il but un chaos et une sorte de mare tmebrosum. D’abord il s’applique trop à détailler les tufs volcaniques en créant pour chaque espèce une origine différente, et pas assez à distinguer les conglomérats de cailloux, qu’il rassemble tous pêle-mêle sous la dénomination de diluvium , comme il le fait, par exemple, pour les travertins en les supposant contempo- rains des tufs, sans avoir égard à leur gisement. En parlant de la campagne de Rome, le savant géologue de Lille note premièrement la faille tibérine tracée par le cours du Tibre, ainsi que la différence de niveau des couches qui en forment les deux rives, sans toutefois en indiquer la cause, qui est aussi relative au volcanisme du pays. — A la vérité, la classification faite parBrocchi des conglomérats volcaniques de la campagne romaine , les distinguant en lithoïdes, granuleux , terreux et remaniés, n’a pas réussi dans la pratique; mais celle que notre auteur voudrait y substit uer ne vaut pas mieux. Voici sa classification de nos tufs : 1° Tuf lithoïde ; 2° Tuf homogène; 3° Tuf ponceux ; 4° Tuf amphigénique. Les deux premiers, observés par lui dans les carrières de Monte-Verde et de Sainte-Agnès, ne sont pas autre chose qu’une 903 SÉANCE DU 24 MAI 1869. variété des autres, à grains plus ou moins gros, et où il n’a reconnu aucune trace de stratification. Des observations ulté- rieures faites sur une plus grande échelle lui eussent certaine- ment montré que ces tufs, tout aussi bien que les autres, ont été stratifiés par les eaux marines et qu’ils forment de larges et profondes couches rectilignes, ou largement ondulées. Pour ce qui est des rapports géognostiques de ces couches avec le diluvium , il est vrai que lesdits conglomérats, dans les locali- tés observées par lui aussi bien qu’en d’autres, se présentent superposées en stratifications horizontales; mais une observa- tion plus complète n’eût pas manqué de lui faire remarquer qu’ils se trouvent entièrement compris dans la vallée d’un grand fleuve quaternaire, et qu’au dehors il n’y en a pas la moindre trace; de même il eût noté la différente manière de se déposer desdits conglomérats, car il y aurait vu des bancs d’une faible étendue superposés et imbriqués qui alternent sans aucun ordre avec les cailloux et les sables, indiquant les crûes et les basses eaux des courants fluviatiles. Je crois que ces observa- tions lui eussent fait exclure toute idée de contemporanéité, dan§ le même endroit, des dépôts marins avec ceux fluviatiles, comme il a conclu. Notre auteur passe ensuite au diluvium , et d’après la des- cription qu’il en donne on voit clairement qu’il ignore la dis- tinction des cailloux de l’Italie centrale en deux espèces très- dilférentes l’une de l’autre par l’âge et le gisement, aussi bien que par leurs éléments constituants, leur mode de déposition et les fossiles qui y sont renfermés. S’il avait eu le temps de répéter plusieurs fois ses excursions, même dans le bassin de Rome, il se serait aperçu que sous les tufs il y a un substratum de cailloux plus anciens, dont le gisement est partout parfai- tement uniforme, ce qui les montre déposés par la même mer, dans lesquels on ne trouve point de matières volcaniques (ce qui indique qu’ils sont antérieurs à l’apparition des vol- cans), ni de débris fossiles. On voit que ces cailloux diffèrent essentiellement de ceux examinés par lui, postérieurement dé- posés par les eaux fluviatiles de la façon que nous venons de voir, et tous remplis de matières volcaniques ainsi que de fossiles d’eau douce. G est là la cause de son erreur en considérant les tufs volca- niques comme intercalés dans les cailloux. Notre travertin ne renferme point de silex, et il est directe- ment en relation avec les cailloux diluviens; aussi il ne se NOTE DE fa. PONZI. 9Ô9 trouve jamais intercalé dans les roches plus anciennes d’ori- gine maritime; au contraire, on le trouve, dans les grands lits quaternaires, adossé auxdites roches, marquant ainsi le niveau des grands courants, comme on le voit aux monts Parioli et au mont Aventin, visités par notre auteur, où le niveau quater- naire se trouve élevé d’environ 30 mètres sur le niveau moyen des eaux actuelles. D’après ces faits on peut comprendre combien il est peu ra- tionel de supposer un déversement des eaux, par la faille, sur le Janicule et le Vatican; nous critiquerons encore plus l’hypo- thèse d’un cratère, en plein forum, là où l’avait déjà placé Breislak, par la seule raison que les anciens historiens y font mention du gouffre de Q. Curtius, changé en Spurius par M. Gosselet. — A son avis, le cratère Capitolin, après avoir déposé les tufs lithoïdes, se serait éteint, et alors les torrents coulant en tous sens sur nos plaines auraient achevé le reste. Plus singulière encore est l’idée de notre auteur, de consi- dérer le tuf leucitique comme une formation distincte qu’il voudrait faire croire supérieure à celle du tuf lithoïde* tandis qu’il est impossible de ne pas reconnaître que les amphigènes et les pyroxènes sont communs à toutes les variétés 'de nos iufs sous-marins. Cette idée, qu’a inspirée à notre auteur l’as- pect d’une coupe du chemin de fer hors de la porte Saint-Paul, l’a amené à distinguer aussi le tuf ponceux et à lui attribuer, de même qu’il l’avait fait pour le tuflithoïde, une origine dif- férente. Or, comme toute la superficie de son volcanisme était bornée à la campagne romaine, avec la ville de Rome au centre, tous les points de partance devaient s’y trouver com- pris, et alors voilà notre auteur à la recherche de l’origine des ponces, qu’il voudrait attribuer au bassin du lac Sabatino , sau- tant de là aux Trois- Fontaines, près de Saint-Paul, pour y créer un nouveau cratère qui puisse avoir fourni les leucites et la pouzzolane. — Cependant aucune de ces deux localités n’a été une bouche de volcan, et aucun visiteur diligent ne voudra ja- mais leur attribuer, surtout à celle des Trois-Fontaines, un pou- voir d’éruption. • De fait, le lac de Bracciano, ou Sabatino, ne se trouve point dans un cratère d’éruption, qui serait par trop étendu, mais bien dans un bassin d’effondrement; et les quatorze cratères situés sur le sommet du grand cône sabatin se trouvent grou- pés, comme ceux des champs Phlégréens, h l’est du lac. On y voit empreints tous les caractères de véritables bouches d’érup- 910 SÉANCE DU 24 MAI 1869. tioii sous-marines, dont quelques-unes semblent être apparues au jour, comme des îles volcaniques au milieu de la mer. Toutes ces bouches sont composées de conglomérats lithoïdes, homogènes, leucitiques, pyroxéniques, ponceux, et d’autant d’autres que notre auteur en pourrait désirer; de plus, on y voit partout à l’entour des courants de laves pyroxéniques, amphigéniques et feldspath! ques. Je crois que, si mon savant collègue avait observé sur place avec le môme esprit qui l’a porté à faire tant de subdivisions, 11 aurait augmenté encore davantage le nombre des tufs. Quant à la vallée des Trois-Fontaines, on n’y voit rien de ce qu’il indique, car les conditions y sont les mêmes que par- tout ailleurs dans la campagne romaine, c’est-à-dire qu’elle est tout simplement une vallée d’érosion fluviatile; là pas de res- saut montrant le caractère d’un cône volcanique, aucun indice de cratère, aucune apparence d’enceinte circulaire, aucune trace de courants de lave. Pour ce qui est des eaux Salvie , qui y ont leur source et dont la température est plus élevée que celle de l’air extérieur, ce phénomène n’a rien d’extraordinaire, et on le rencontre même dans des régions autres que les régions volcaniques. Cependant il est bon d’ajouter que non loin de cet endroit, dans la localité dite Cecchignola, en 1851, on a reconnu et décrit un petit cratère ayant donné origine à un courant de lave qui a poussé jusqu’à une petite distance des Trois-Fontaines. Mais cette lave n’a pas de rapport avec les matières amphigéniques, car elle est postérieure et relative au système atmosphérique du Latium. Ce petit cratère, en outre, semble avoir eu une courte existence et avoir été éteint et ensevelipar une masse de cendres qui le recouvrent. Partant, on ne saurait jamais ad- mettre que les amphigènes et les pyroxènes, ainsi que toutes les autres matières observées par l’auteur dans les deux car- rières de Pouzzolane visitées par lui, aient tiré leur origine de ce volcan. Enfin, si l’éminent géologue de Lille nous avait honorés pen- dant un plus long temps de sa présence, je-ne doute pas que ses idées ne se lussent insensiblement rectifiées. Nous aurions pu lui montrer sur les caries géologiques de ITtalie centrale, pour lesquelles on m’a décerné une médaille d’argent à l’Ex- position universelle de 1807, le véritable état des choses; et nous sommes persuadé qu’après les avoir examinées il eût réduit à deux seulement les six systèmes volcaniques qu’il NOTE DE M. PONZI. 911 a établis parmi nous comme conclusion de son travail. Le premier de ces deux systèmes est celui des Cimini , le plus vaste de l’Italie et entièrement sous -marin. Il occupe avec son étendue rien moins que les provinces de Viterbo et de Co- marca en entier, et en grande partie celle de Frosinone , c’est- à-dire une zone de presque 150 kilomètres de long sur 50 kilo- mètres de large. Toute cette étendue se trouve jalonnée par une quantité de bouches éruptives qui se suivent en s’alignant comme les anneaux d’une chaîne se groupant de préférence sur les sommets des trois immenses cônes Vulsimo , Cimino et Sabatino. C’est de ces cônes que sont sorties ces énormes quantités de matières remaniées et délayées par les vagues sur toute la superficie occupée jadis par la mer, en laissant ainsi sur le sol une couche de conglomérats très-variés, ou tufs, qu’on ne peut pas subdiviser sur l’échelle des stratifica- tions, car tons ensemble ils constituent un seul membre, cor- respondant à la période glaciaire, comme je l’ai déjà démon- tré dans un mémoire publié à Milan par les Atti délia Società geologica italiana (i). Le second système est celui du Latium , postérieur au précé- dent, et qui s’est produit après le retrait des eaux de la mer, se trouvant ainsi renfermé dans un emplacement circulaire, au centre duquel sont les cratères, et où les matières vomies se trouvent distribuées selon leur poids et superposées aux tufs sous-marins. L’histoire de ce système se compose, comme je l’ai dit plus haut, de trois périodes alternées d’activité et de repos; chacune desquelles se distingue des autres tant par la production de différents minéraux que par la formation de differents reliefs sur le sol, tandis que toutes ensemble elles constituent un système unique. La vie active de ces volcans remplit tout l’es- pace de temps écoulé depuis le retrait des eaux jusqu’à bien avant dans l’époque de noire histoire, car les derniers feux se sont éteints pendant la période des rois de Rome. Toutefois ils ne s’éteignirent pas complètement, car les monts du Latium sont toujours le centre de tremblements de terre, même encore à notre époque. M. de Verneuil donne quelques détails sur la dernière (t) Sopra un nuovo ordinamento geologieo dei terreni subappennini (31 maggio 1868, vol. 11). 912 SÉANCE Î)U 24 MA! 1869. excursion qu’il a faite au Vésuve. Il annonce, en outre, que la plupart des planches de M. de Rayneval, représentant les fossiles du Monte-Mario, ont été heureusement retrouvées et qu'elles vont être publiées prochainement, avec des ad- ditions et rectifications, par MM. Mantovani et Ponzi. M. Tardy fait la communication suivante : Note sur le Vivarais ; par M. Tardy. Grâce à l’hospitalité bienveillante que j’ai reçue chezM. Ber- thon, j’ai pu visiter le nord du département du Gard et y re- connaître : qu’entre les couches à Avicula contorta si bien étudiées par M. Dieulafait (séance du 11 janvier 1869) et les terrains houillers , on voit à Robiac un banc de grès grossier friable. M. de Lavernède, qui a eu la bonté de me faire visiter quel- ques points de la contrée, m’a fait remarquer sur la route de Salles de Gagnères à Saint-Paul des alluvions cimentées et durcies, que M. Émiiien Dumas a classées dans le trias. Ces couches sont recouvertes par le système à Avicules. En allant de Chavagnac à Villefort j’ai reconnu ces grès de- venus d’un grain plus fin à Bordezac et en plusieurs autres points. Auprès de Villefort on les trouve couronnant les mon- tagnes et s’élevant insensiblement vers le plateau de la Lozère. Si quelques sommets dépassent leur niveau, c’est qu'alors sur ces grès reposent des assises jurassiques. Ces chapeaux de grès de quelques mètres d’épaisseur sont fins et solides, et constituent la seule pierre d’appareil qui existe dans cetle région. Aussi ils disparaissent rapidement soit par l’exploitation, soit par l’éboulement des schistes qui les supportent. Sous ces grès on voit en quelques points des marnes qui manquent sous les grès de Villefort. Ces deux assises grès et marnes inférieures à V Avicula con- torta doivent être le trias, modifié dans son aspect par sa position littorale autour des massifs anciens du plateau cen- tral. Dans cette région les schistes micacés s’inclinent régulière- ment et uniformément vers le sud-est; ils renferment des lits NOTE DE M. TAfcDV. 913 subordonnés de graphite , des minerais de fer, du grès, des schistes verts analogues à ceux de Cabrières. Enfin M. Jaubert, ingénieur du chemin de fer, m’y a montré des empreintes peut- être végétales. Ces schistes ne représenteraient-ils pas le silu- rien et le dévonien? Ces dépôts schisteux ont été soulevés et ont formé à Malbosc, une falaise, au pied de laquelle se sont déposés le terrain houiller et ses poudingues. Ceux-ci sont durs compactes avec éléments schisteux de plus en plus volumineux à mesure qu’on s’ap- proche de la falaise, contre laquelle ils butent, simulant ainsi une faille. Après cette époque et avant le trias, le sol de cette région a subi des bouleversements. Depuis l’apparition des mers triasiques, ce nouveau sol res* tant toujours parallèle à ce qu’il est aujourd’hui, s’est, sur une bande étroite à l’est de Villefort, immergé graduellement, de telle façon que chaque assise triasique dépasse vers l’ouest celle qui l’a précédée. Le jurassique inférieur a dû aussi re- couvrir et dépasser le trias, à en juger par le lambeau si étudié de Balmelle, qui a environ 40 mètres d’épaisseur. Ensuite l’émersion graduelle a fait reculer de plus en plus vers l’est la limite des dépôts jurassiques supérieurs et néoco- miens. Séance du 7 juin 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE BJLLY. M. de Lapparent, secrétaire, donne lecture dit procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Canovas, professeur d’histoire naturelle, à Lorca (Es- pagne); présenté par MM. de Verneuil etDelanoüe. Riedel (Charles), ingénieur des mines à Carthagène (Es- pagne) ; présenté par MM. de Verneuil et Delanoüe. D’Uxeloupde Rosemont, rue de Jarente, 11, à Lyon (Rhône); présenté par MM. Dumortier et Lory. Soc. (jèoL, 2* série, tome XXVI. 58 914 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. Le Président annonce ensuite quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Cazalis de Fondouce, Congrès scientifique de France . — Session de Montpellier . — Compte rendu ; in -8, 8 p. De la part de M. Daubrée : 1° Note sur le kaolin de la Lizolle et d' Échassières, département de l'Ailier , et sur l’existence de minerai dJ étain qui y a été ex- ploité à une époque extrêmement reculée’ in -4°, 5 p. Paris, 1869. 2° Notice sur P. Berthier ; in-8, 64 p. Paris, 1869 ; chez Dunod. De la part de M. Th. Davidson : 1° On continental geology ; lre et 2e parties, in-8, pp. 1-4 et 1-6. Londres, 1869. 2° Notes on some recent mediterranean species of brachiopoda, in-8, 3 p. Londres, 1869. De la part de MM. Delesse et de Lapparent, Extraits de géologie ( Extr . des Ann, des Mines , t. XIV, 1868, pp. 483-639). De la part de MM. Ch. Des Moulins, Quelques réflexions sur la doctrine scientifique du Darwinisme ; in-8, 16 p. Bordeaux, 1869 ; chez Coderc, Degréteau et Poujol. De la part de M. P. Merian, Ueber die Grenze zwischen Jura- und Kr eide formation; in-8, 15 p. Bâle, 1868; chez Hugo Richter. De la part de MM. Michel Lévy et J. Choulette, Mémoire sur les filons de Przibram et de Mies ; ii>8, 76 p., 5 pi. Paris, 1869 ; chez Dunod. De la part de M. V. de Moeller, Carte géologique du versant occidental de l’Oural ; 1 feuille grand aigle 1869. De la part de M. A. Jaccard, Matériaux pour la carte géolo- gique de ta Suisse. — 6e livraison. — Jura vaudois et neuchâte - lois; in-4, 340 p., 2 cartes et 8 pl. Berne, 1869; chez J. Dalp. M. Daubrée offre à la Société deux brochures. (V. la Liste des dons) ; NOTE DE M. DAUBRÉE. 915 11 signale particulièrement à l'attention de ses confrères quelques anciens gisements d'étain qui paraissent avoir été exploités par les Gaulois. Le même membre fait ensuite la communication sui« vante : Note sur V existence de gisements de bauxite dans les départements de l’Hérault et de VAriége , par M. Daubrée. On sait que l’hydrate d’alumine, désigné sous le nom de bauxite, découvert par Berlhier dans un minerai de fer pisoli- thique du Sénégal, puis dans celui des Baux, département des Bouches-du-Rhône, a été plus tard reconnu dans d’autres ré- gions du sud est de la France, et qu’on l’a aussi rencontré en Calabre, dans l’île d’Égine, en Irlande et en Styrie. J’ai eu également l’occasion de reconnaître, dans une ex- cursion faite en 1866, qu’il existe des gisements de bauxite dans le département de l’Hérault. Non loin de Frontignan, près de Balaruc, à la montagne de la Gardéole, on a exploré récemment un d< pôt de minerai de fer pisolithique qui pénètre, sous forme d’amas irréguliers, dans des calcaires gris qui appartiennent à l’étage oxfordien. Ce minerai présente des variétés à gangues quarizeuses, et rappelle celles qu’on connaît à Aumetz ei à Saint-Pancré (Mo- selle). De la goethite, sous la forme cubique qui caractérise la pyrite de fer, se montre dans le calcaire bréchii'orme qui avoi- sine le minerai, ainsi qu’on peut le reconnaître surtout par des fragments épars à la surface du sol. Entre Balaruc et la source d’Amblyas, c’est-à-dire à plus de 1200 mètres de l’amas de Gardéole, il est facile de reconnaître sur la plage de nombreux affleurements de dépôts ferrugineux analogues à ce dernier. La substance peu cohérente qui forme la gangue du minerai ne consiste pas seulement en argile; il s’y trouve aussi une substance rougie par l’oxyde de fer, que les caractères extérieurs m’ont fait supposer être de la bauxite. Cette supposition a été confirmée par l’examen chimique. Le minerai contient du vanadium en quantité notable, comme ce- lui de la Provence; il est mélangé, en outre, de carbonate de chaux et de silice. Certains globules sont assez durs pour rayer 916 SEANCE DU 1 JUIN 1869. le quartz. Cette bauxite est particulièrement caractérisée à l’ex- trémité méridionale de la montagne de la Gardéole, dans la commune d’Avize (1). J’ai reconnu l'existence d’une autre série de gisements de bauxite dans le département de l’Ariége. La route de Foix à Saint-Girons présente au lieu nommé Col del Bouich une entaille où le granité se montre intercalé au milieu d’un calcaire caractérisé par des rudisles du genre Requienia , que Dufrénoy avait nommé calcaire àDicérates, et qui appartient au terrain crétacé, probablement au terrain néucomien, d’après M. Hébert. Sur la limite de ce terrain et du granité, il existe un amas argileux, d’une apparence rouge très- vif, parsemé de pisolithes ferrugineux, qui affleure avec lm.S0 d’épaisseur. Le granité auquel il est superposé n’est nullement rubéfié; quant au calcaire qui en forme le toit, il est traversé par de nombreuses surfaces frottées. Parmi les grains disséminés dans la gangue ferrugineuse, il en est de rouges qui présentent dans leur cassure un éclat ré- sineux analogue à celui de certaines opales ; d’autres sont pâles et presque blancs, et, parmi ces derniers, il en est qui rayent sensiblement le quartz. D’après l’examen qu’en a fait M. Stanislas Meunier, les glo- bules durs abandonnent un grande quantilé d’alumine à une lessive tiède de potasse; la dissolution donne alors nettement la réaction du vanadium ; ces globules ne contiennent qu’une quantité très-faible de silice. De même que les globules, la pâte rouge, au lieu d’être une argile ordinaire , renferme la bauxite en proportion considé- rable. M. Mussy, ingénieur des mines, et M. Garrigou ont signalé dans l’Ariége l’existence de dépôts ferrugineux qui se mon- trent avec une constance remarquable sur la limite d'un cal- caire dolomitique qui appartient au terrain jurassique, et que M. Mussy rapporte au lias, et du calcaire à Requienia apparte- nant au terrain crétacé. (1) D’après le procès-verbal de la Réunion de la Société géologique à Montpellier, qui vient de paraître (août 1869), la bauxite a été retrouvée en d’autres points du département de l’Hérault, particulièr ment à Ville- veyrat, dans le terrain oxtordien et à proximité du terrain tertiaire, ainsi qu'à Bédarrieu (B. S. G. F., 2* sie t. XXV, pp. 934-935), et Compte rendu de M. de Rouville, p. 57. NOTE DE M. DAUBRÉE. 917 D’après des observations faites par M. Mussy, tout en se montrant très-fréquemment à ce niveau, ces dépôts sont d’une épaisseur très-inégale ; quelquefois réduits à quelques centi- mètres, ils ont souvent 2 à 10 mètres d’épaisseur, et plus rare- ment atteignent 30 à 40 mètres; ils s’étendent parfois sur 40, 50 et 100 mètres en direction. Leur composition est elle-même va- riable; la substance friable et argiloïde qui en forme la partie principale est quelquefois incolore ou jaunâtre, mais plus or- dinairement colorée en rouge, d’une manière assez intense pour qu’on la reconnaisse au loin. Dans quelques localités, elle renferme des pisolithes, parfois très-ferrugineux , dont on a cherché à tirer parti comme minerai. Les points les plus remarquables de l’Ariége où affleurent ces amas ferrugineux avec pisolithes sont, d’après M. Mussy, sur la rive droite de PAriége : Pereille, Pancou, Roquefixade, le Pech de Foix, le Pech Saint-Sauveur, près Foix; entre l’Ariége et le Salat : Coumetorte, Terrefort, Çadarcet, Coumeloup, Unjat, Suzan, Aillières, la Canalé du Mas-el-Azil, Laquere de Durban, les Baydous, Carrère de Clermont, Capes de la Soueix de la Barthe, Loubersenac, Touron et Saint-Jean de Lescure, Tauri- gnan. Des échantillons de plusieurs de ces gîtes, qui m’ont été re- mis, ont été examinés chimiquement et reconnus être égale- ment de la bauxite. Ces amas pénètrent plus ou moins irrégulièrement en fond de bateau dans les calcaires dolomitiques du terrain jurassique, et parfois se ramifient profondément en veines irrégulières. Au contraire, ils n’empiètent jamais sur les couches calcaires du terrain crétacé qui leur sont superposées; ces dernières re- couvrent indistinctement et avec une grande régularité, soit les amas ferrugineux, soit les dolomies jurassiques. Les amas ferrugineux paraissent être formés postérieure- ment au terrain jurassique qui était alors émergé et antérieu- rement au terrain crétacé qui les recouvre. Il résulte de ce qui précède, que la bauxite, déjà reconnue dans le sud-est en un assez grand nombre de gisements, sui- vant une bande s’étendant d’Antibes à Tarascon, et sur une longueur de plus de 150 mètres, se montre aussi en abondance dans le sud-ouest de la France. Il est remarquable que dans ces différents gisements la bauxite se montre sous les mêmes caractères physiques, soit dans des globules à cassure luisante et d’une dureté considéra- 918 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. ble, soit dans la pâte d’aspect argileux, rougie par l’oligiste, dans laquelle sont disséminés ces globules. Tout en étant en général associés aux terrains stratifiés, les gîtes de bauxite manifestent leur relation avec les émanations profondes par la présence du peroxyde de fer anhydre ou oli- giste qui les colore généralement, et par les ramifications qui pénètrent dans les couches sous-jacentes, à la manière de celles qu’on obtient dans les minerais de fer en grains (Villeveyrat, Balaruc), et d’une manière plus caractérisée encore, au Col del Bouich, par la juxtaposition au granité. L’émeri, principalement formé d’un mélange de corindon et d’oxyde de fer magnétique, malgré son aspect si différent de celui de la bauxite, est d’une composition assez analogue et peut avoir été produit dans des circonstances semblables à ce dernier minéral, sauf l’intervention de certaines actions calori- fiques. En reconnaissant que la bauxite est très-fréquente, on serait porté à croire que les gîtes de corindon et d’émeri, jus- qu'à présent connus et exploités dans un assez petit nombre de contrées, sont eux-mémes peut-être moins rares qu’on ne le suppose; de même que la bauxite a été confondue habituel- lement avec une substance argileuse , le corindon , surtout à l’état confusément cristallisé, comme celui de Mozzo, dans les Alpes du Piémont, se méconnaît très-facilement et peut être confondu, si l’on n’est attentif, avec du feldspath. M. de Mortillet demande âM. Daubrée si Ton n’a pas ob- servé des traces d’exploitations anciennes dans le gîte cu- prifère des environs de Saarlouis, ajoutant qu’il se trouve au Musée de Saint-Germain une statuette de cuivre qui pro- vient de cette localité. M. Daubrée répond que le carbonate de cuivre des envi- rons de Saarlouis a pu servir de matière colorante, mais que, pour en extraire le métal, il eût fallu user de produits chimiques que les anciens n’avaient pas à leur disposition. Sur d’autres points, les Gaulois ont exploité des minerais de cuivre et d’argent, et l’on a découvert dans le voisinage d’une de ces mines un de leurs ateliers monétaires. M. Gervais rappelle à ce propos qu’on a trouvé des traces d’anciens travaux de recherche près du gîte de cuivre de Cabrières, dans l’Hérault. NOTE DE M. MARCOU. 919 M. de Verneuil présente au nom de M. Valérius de Mol- ler, ingénieur des mines russes, une Carte géologique du ver- sant oriental de V Oural (V. la Liste des dons). 11 accompagne cette présentation de quelques remarques sur les nouveaux éléments de classification que Fauteur a introduits dans la légende. M. Marcou fait, à la même occasion , la communication suivante : Les derniers travaux sur le Dyas et Trias de Russie , parM. Jules Marcou, La présentation à la Société géologique, par M. de Verneuil, de la Carte géologique du versant occidental de l'Oural , par M. Va- lérien de Môller, 1869 , en Faccornpagnant d’explications sur les principales modifications que cette carte apporte à la carte géologique générale de la Russie de MM. Murchison , de Ver- neuil et de Keyserling, me fournit l’occasion d’appeler l’aiten- tion de la Société sur les dernières découvertes et les travaux qui ont eu pour objet le nouveau grès rouge ou le dyas et le trias des auteurs allemands. Chacun connaît les discussions auxquelles ont donné lieu la publication de mon mémoire intitulé dyas et trias , point de départ de nombreuses recherches qui, en Russie, viennent d’aboutir à une modification profonde dans la distribution des couleurs sur la carte géologique, aussi bien que dans l’échelle des terrains stratifiés. Je ne reviendrai pas sur ces discussions, les faits étant venus me donner raison bien plus rapidement et bien plus compté* tement. que je n'aurais osé l’espérer, en 1859, au début de la question. Dans sa carte géologique de l’Oural, M. de Môller, qui a é-té un de mes adversaires, et dont M. de Verneuil s’était servi dans la séance de la Société géologique du 5 juin 1865 , pour l’op- poser à mes remarques et à mes conclusions , ainsi qu’aux études sur le terrain de M. Ludwig, M. de Môller, dis-je, ad- met d’abord qu’il y a par-dessus le zechstein une immense for* mation triasique qui recouvre de vastes surfaces de la Russie; puis il reconnaît qu’il n'y a pas récurrence entre les calcaires et les grès et conglomérats cuivreux, ainsi que l’avaient admis 920 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. MM. Murchison, de Yerneuil et de Keyserling; et enfin M. de Môller divise la formation permienne telle qu’il la limite, c’est- à-dire sans le trias, en deux parties, et il tire sur la légende ex- plicative des couleurs une ligne diagonale exprimant sa ma- nière de voir sur la contemporanéité de ces deux grandes divi- sions. En un mot, pour M. de Môller, la formation permienne de Russie est un dyas. Cette justification de l’emploi de l’expression de dyas , ve- nant d’nn ancien adversaire, ou plutôt d’une personne dont M. de Verneuil avait invoqué l’appui pour démontrer que « le « mot dyas ne signifiait rien et n’était propre qu’à induire en «c erreur si l’on s’en servait dans la terminologie des terrains « en Russie (voir Bull, de la Suc géol vol. XXII, p. 519), » est une revendication de la valeur réelle de ce mot que j’ai été le premier à introduire dans la classification des roches strati- fiées de l’Allemagne, de la Russie , de l’Angleterre , de l’Inde et de l’Amérique du Nord. Je n’ai pas à m’expliquer sur la valeur du caractère de con- temporanéité que M. de Môller donne aux deux étages du dyas russe. M. Ludwig, dans ses recherches sur l’Oural et dans sa carte intitulée Die dyas in Russland, est d’un avis différent; pour lui, le dyas russe se divise en deux étages superposés qu’il rapporte au rothliegende et au zechstein. Mais ceci est une question de superposition qui doit se vider sur les lieux mêmes. Toutefois, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que la carte géologique de M. de Môller semble indiquer que les grès et conglomérats rouges reposent sur les calcaires carbonifères supérieurs, et qu’ils sont recouverts à leur tour par les cal- caires à Productus Cancrini , à l’exception d’une petite bande qui s’étend des environs de la ville de Perm dans la direction de Roungour, et où les grès cuivreux sont recouverts directement par la formation triasique. En passant, faisons remarquer que la ville de Perm est bâtie elle-même sur le trias et non sur le permien, et que le gouvernement ou ancien royaume de Per- mie ne présente qu’un développement assez maigre de terrain permien, tandis que le gouvernement d’Orenbourg offre sur de vastes surfaces le dyas russe, qui doit être pris pour type dans ce pays, ainsi que l’a dit depuis longtemps M, d’Eich- wald. La carte géologique de M. de Môller n’est pas le seul docu- ment qui soit venu donner raison à ma manière de voir sur le dyas et le trias; en Russie même un autre savant, M. N. Bar- NOTE DE M. MARCO U. 921 bot de Marny, a publié l’année dernière un mémoire impor- tant intitulé Geognostische Reise in den nordlichen gouvernements in Europaischen Russlands, Saint-Pétersbourg, dans les « Ver - handlungen der Raiserlich-Russisschen minera logischen Gesell - schoft zu St-Petersburg. » Dans ce mémoire , M. Barbot de Marny rend compte d’un voyage géologique qu’il a fait pen- dant l’année 1864 dans les gouvernements ou provinces de Nowgorod, Olonetz, Wologda et d’Arkangel. Pour lui aussi, le terrain permien russe se divise en deux étages, qu’il rapporte au zechstein et au rothliegende, et il appuie surtout sur le grand développement du terrain triasique en Russie, qui, d’a- près lui, est une des formations les plus importantes, puis- qu’elle recouvre la surface la plus considérable de la Russie d’Europe. D’après M. Barbot de Marny, le trias russe atteint une épaisseur de 700 pieds, c'est-à-dire une puissance supé- rieure à celle du dyas qui ne dépasse guère 600 pieds (1). Pour établir l’existence du trias, il s'appuie : 1° Sur la position géognostique des assises entre le dyas et le terrain jurassique ; 2° Sur le caractère lithologique de ces assises, qui est iden- tique avec les roches des couches du grès bigarré et des marnes du keuper de l’Europe occidentale; 3° Sur la discordance de stratification entre le dyas et les couches triasiques; 4° Enfin, le caractère paléontologique indique aussi une autre formation, quoiqu’il n’y ait reconnu jusqu’à présent, parmi des débris de plantes fossiles, que le Calamites arenaeeus. D’ailleurs, il n’est pas très étonnant que jusqu’à présent on n’ait trouvé dans ce trias russe que le Calamites arenaeeus, si l’on veut bien faire attention que tout le pays recouvert par le trias a été très-peu exploré ou étudié avec quelque soin par les géologues, et aussi si l’on fait attention que jusqu’à aujour- d’hui on n’a exécuté aucune espèce de travaux d’art dans ces vastes steppes stériles et incultes. Il n’est pas douteux pour (1) Je ne puis m’empêcher de faire remarquer que ce trias russe de 700 pieds d’épaisseur était réuni par sir Roderick Murchison et ses collabo- rateurs au type perm en qu’ils avaient proposé pour classer les roches du rothliegende et du zechstein d’Allemagne, et qu'ils regardaient ce trias comme une grande et copieuse [great and copious) couverture du système permien (Voir Geology ofRussiu, p. 182, vol. I), couverture qui d’après ees auteurs faisait aussi partie du système permien. 922 SÉANCE DU 7 JUIN 1869, moi que l’on trouvera dans le trias russe des fossiles caracté- ristiques de ce terrain, comme on en a trouvé dans toute l’Eu- rope occidentale ; seulement, il ne faut pas oublier que les fossiles sont toujours rares dans ce terrain, qui est bien, comme Ta d’abord défini notre savant et vénérable maître M. d’Oma- lius d’Halloy, une formation pauvre (pénéen). M. Barbot de Marny, dans son mémoire et dans une lettre imprimée dans le Neues Jahrbuch für Géologie de Leonbard et Geinitz, année 1868, p. 724, rend du reste pleine justice aux études et aux vues que j’ai été le premier à émettre, et qui avaient été soutenues avec tant de talent par MM. Ludwig et Geinitz. Dans la Revue de géologie pour l'année 1861, par MM. Delesse et Laugel, on lit, page 192 : « Si M. Marcou en était resté là « (proposition du mot dyas pour désigner le rothliegende et « le zechstein), il aurait eu la satisfaction de voir M. Geinitz se « ranger de son côté; car le nom et la délimitation du dyas « ont été adoptés parle géologue de la Saxe dans l’important « ouvrage qu’il vient de consacrer au terrain permien. Mais « tandis que M. Marcou retirait le dyas de la série des terrains « paléozoïques, M. Geinitz était conduit par l'étude appro- « fondie de sa faune à l’y maintenir D’après l’ensemble de « ses observations, M. Geinitz n’hésite pas à rattacher son dyas « à la période paléozoïque. Il se sépare ainsi bien nettement « de M. Marcou, tout en adoptant le nom que celui-ci a pro- « posé, et en retranchant comme lui du groupe nouveau la « partie inférieure du grès bigarré. » En étudiant les questions du permien et du trias, j’ai dû aller au fond des choses et ne négliger aucune partie de tout ce qui s’y rapportait. Après des recherches nombreuses, j’ai été conduit à adopter l’ancienne opinion de M. d’Omalius d’Halloy, qui , le premier, a réuni le trias et le dyas sous le nom de terrain du nouveau grès rouge. En môme temps , j’ai pu rétablir les droits de priorité de M. d’Omalius dans l’établissement de la formation pénéenne , droits qui avaient fini par être mis entièrement de côté par sir Roderick Murchison dans ses diverses éditions de Siluria et dans d’autres mémoires. Tout en regrettant de n’avoir pu con- vertir M. Geinitz à ma manière de voir sur la réunion du dyas et du trias dans un grand terrain , sous la dénomination de nouveau grès rouge , je n’en ai pas moins persisté dans cette opi- nion (1); et aujourd’hui, en outre de M. d’Omalius, qui est re- (1) La confusion de MM. Murchison, de Yerneuil et de Keyserling, qui NOTE DE M. MARCOU. 923 venu à sa première impression après l’avoir un instant aban- donnée, j’ai à signaler l’approbation de deux savants anglais, qui, guidés entièrement par la paléontologie, sont conduits à unir le dyas et le trias dans une même grande formation : c’est de MM. Huxley et Carruthers dont je veux parler. Dans le dernier numéro du Quarterly Journal of the geological Society , vol. XXV, mai, 1869, on lit, à la page 138 et suivantes, que M. le professeur Huxley regarde le permien et le trias comme formant une grande époque, qui comprend tous les terrains désignés autrefois par Conybeare sous le nom de Poiküitic , et qui correspondaient au New red sandstone de M. d’Omalius. Dans son mémoire intitulé On Hyperodapedon , M. Huxley, président de la Société géologique de Londres, ap- puie surtout sur les analogies présentées par tous les animaux vertébrés connus jusqu’à présent dans le trias et le dyas; il passe en revue toutes les découvertes faites en Allemagne, en Angleterre, en Écosse, à Karoo, dans l’Afrique méridionale, à Maledi et dans d’autres localités des Indes orientales, et il n'hésite pas à réunir toute la faune terrestre de ces deux pé- riodes sous le nom unique de faune des temps poïkilitiques. Il va même plus loin, et faisant ressortir les ressemblances de caractères de la faune existant aujourd’hui à la Nouvelle-Zé- lande, tels que 1 eSphenodon, reptile si voisin de V Hyperodapedon, l’oiseau géant Dinornis avec des pattes faisant des empreintes qui ressemblent si bien au Brontozoum du nouveau grès rouge du Connecticut en Amérique, M. Huxley pense que la faune néo-zélandaise, aujourd’hui si isolée et si différente de toutes les autres faunes actuelles, pourrait bien être un reste de la vie à l’époque du nouveau grès rouge. Séparée par une cause violente quelconque, la faune néo-zélandaise de la fin de la pé- riode triasique se sera maintenue , tout en variant , sans ce- pendant sortir du cercle des formes spéciales aux animaux du trias. L’Australie, de son côté, a conservé dans sa faune actuelle les plus grandes analogies de formes avec les êtres, animaux et plantes de l’époque jurassique. ont regardé tout le trias russe comme du terrain permien, est une des plus grandes preuves que l’on puisse invoquer pour unir le trias avec le dyas, et montre clairement qu’il doit y avoir entre ces deux terrains de bien grandes analogies, pour que des géologues aussi expérimentés aient pu être ainsi induits en erreur, erreur qui s’est reproduite en Bolivie, aux Etats-Unis et dans l’inde. 924 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. M. Huxley ne se fait pas d’illusion sur les nombreuses ob- jections que l’on peut opposer à sa manière de voir; cepen- dant il y a là certainement des faits qui peuvent maintenant ne nous paraître qu’à l’état d’indications probables, de véritables embryons, mais qui plus tard pourront conduire à de grandes et larges vues sur l’histoire encore si obscure de notre planète. M. Carruthers, de son côté, fait remarquer que la végétation du dyas offre de nombreuses affinités avec les plantes secon- daires, et que c’est dans le dyas que commencent véritable- ment les flores des terrains mésozoïques ou secondaires. En terminant, j’ajouterai que MM. Geinitz et Suess viennent de trouver le dyas dans le val Trompia , au sud des Alpes, dans le Tyrol italien, ce qui laisse espérer que l’on pourrait bien le trouver aussi un jour dans ces couches si épaisses et si peu connues que l’on a rapportées jusqu’ici au terrain carbonifère dans les Alpes de la Savoie et du Dauphiné. M. Delesse présente en son nom et en celui deM. de Lap- parent, le nouveau volume de la Revue de Géologie (Y. la Liste des dons). M. Tardy fait la communication suivante : Notes sur quelques éboulements , par M. Tardy. La tranchée du boulevard Puebla à Paris-Charonne est ou- verte dans les marnes supérieures au gypse et offre la coupe ci-contre : Légende des fig. 1 à 7 ci-contre : v . Terre végétale, 0m50 environ. ». Marnes mêlées de remblai, 2 mètres, m. Assise flnente des marnes vertes, 4 mètres. q. Assise des marnes dures et compactes, 0m50, qui ne se distinguent que dans la coupe fig. b. ck. Assise puissante des marnes jaunâtres flexibles mais non fluente que que l’on peut diviser en supérieure c et inférieure â, d’une épais- seur totale de 6 mètres environ. ag. A la base, n’apparaît qu’en quelques points une couche argileuse bleuâtre en bas et un peu noire en haut, soit a , partie supérieure, et g , partie inférieure. NOTE DE M, TaRD Y, 926 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. Ces couches sont fortement ondulées, fig. 3 et 5, et celles q9 c, kt présentent un grand nombre de petites failles à rejet, sans doute produites par des effondrements dans les galeries d’ex- ploitation du gypse. Dans les endroits où la route a enlevé le milieu d’un fond de bateau formé par les couches, celles-ci, après les pluies, se sont effondrées sur la chaussée. Ainsi, dans la fig. 1 les glai- ses m ayant perdu leur appui sont tombées, et n et v sont ar- rivées au plus bas. Dans les fig. 2 et 3 les glaises m ont coulé sur la chaussée, laissant en arrière les débris de n et de v. Dans l’éboulement fig. 4 et 5 les argiles a g ont reflué sur la chaussée, et deux coins de terrain supérieur, l’un c k, l’autre v nm les ont pénétrées, formant ainsi deux petites failles qui ne continuent pas dans la profondeur. Dans la fig. 6 la pression des couches supérieures a chassé q avec un peu de m au dehors. Je ferai remarquer que dans tous ces éboulements la couche végétales éboulée a sa nouvelle déclivité tournée vers la terre ferme, et très-rarement vers le vide de'la tranchée. La fig. 7 est la coupe d’un éboulement que j’ai relevé à Chau- mont-en-Vexin. En faisant une tranchée de chemin de fer, on avait coupé la partie supérieure des argiles tertiaires infé- rieures ; celles-ci ont alors cédé à la pression d’un talus de 40 mètres de haut et ont reflué dans la tranchée, tandis que le talus, formé des assises friables du calcaire grossier, s’est ef- fondré en produisant un grand nombre de failles verticales et d’aiguilles. M. Levallois ajoute quelques observations qui confirment, en leur donnant plus de précision, les rapprochements in- diques par M. Tardy. NOTE DE M. ÉBRAY. 927 Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ébray. Assimilation de la protogine des Alpes au porphyre granitoïde du Beaujolais , par M. Ébray. Nous avons fait remarquer qu’avant d’aborder l’étude des Alpes, il est nécessaire d’étudier à fond les contrées voisines au milieu desquelles affleurent des massifs ne présentant pas les difficultés qui déroulent l’observateur dans ces montagnes si profondément bouleversées ; autrement, il est impossible de se rendre un compte exact des relations d’âge et de superpo- sition. On sait que mes opinions diffèrent de celles de M. Lory sur certains points de la géologie alpine; ainsi, je crois que les couches jurassiques s’affaissent vers l’arête principale des Alpes dauphinoises, et je viens d’appuyer mes opinions sur des preu- ves spéciales, car on pouvait se méprendre sur la nature des fissures en attribuant au clivage ce qui est stratification; je crois encore que, contrairement à l’avis deM. Lory, les roches franchement cristallines qui occupent les sommités de c< tte chaîne, sont éruptives. Le présent travail a pour but d’élucider cette dernière ques- tion. Je suivrai ici ma méthode invariable qui consiste à aller du connu à l’inconnu, du simple au composé. Admettant que 1rs phénomènesde sédimenlationetd’éruption ont présenté dans leur ensemble et«à une même période, des caractères très-semblables entre eux, je ne comprends pas la nécessité d’une géologie alpine spéciale; les couches sont dans ci s mo tagnes plus bouleversées qu’ailieurs, les étag s sont moins fossilifères que dans le centre de la France, les couches présentent quelques différences minéralogiques; mais ces faits sont des faits i ormaux et naturels ; les difficultés o’ob- servation sont l lus grandes et c’est là le seul caractère spécial. On ne trouvera donc pis mauvais que je fasse précéder l’é- tude des roches éruptives anciennes des Alpes occidentales, par un résumé des phénomènes de même nature que j’ai con- statés dans le Beaujolais; ces montagnes sont, comme on le sait, à deux pas des Alpes. 928 SÉANCE DU 1 JUIN 1869. Avant tout, je me permettrai d’adresser un petit reproche aux géologues alpins : ils n’ont pas assez étudié la géologie des contrées qui entourent leurs montagnes, ni les livres qui traient de ces contrées. J’ai été passablement surpris en cau- sant avec certains de ces géologues de voir qu’ils confondaient le carbonifère avec le terrain houiller, celui-ci avec le terrain anthracifère; ils paraissent aussi ignorer les travaux qui éta- blissent les différences profondes existant entre ces systèmes de couches, de même que la diversité des roches éruptives qui les traversent et qui peuvent, par leurs caractères, jusqu’à un certain point, remplacer les fossiles des terrains sédimentaires récents pour déterminer l’âge des formations. Des roches éruptives anciennes du Beaujolais . Je puis sur bien des points renvoyer le lecteur à l’ouvrage de M. Gruner, Description géologique du département de la Loire . J’ai eu l’occasion de critiquer et de remanier la classification des terrains jurassiques de cet auteur qui, faute de données paléonlologiques suffisantes, s’est laissé entraîner à des inter- prétations erronées; toutefois, il faut reconnaître que ses éludes sur les terrains anciens et sur les roches éruptives qui les traversent, formeront pendant longtemps encore le travail le plus complet et le plus consciencieux qui existe sur celte matière; c’est là que les géologues pourront trouver un point de départ utile et même i. dispensable pour leurs études. Mais comme les montagnes du Beaujolais sont plus rappro- chées de celles des Ali es, comme j’ai pu personnellement les étudier pendant plusieurs années, il me semble que cette étude sommaire ne sera pas dépourvue d’intérêt; je tiendrai compte d’ailleurs de ce que notre savant et regretté confrère Fournet a fait connaître sur ces montagnes. Les couches sédimentaires qui les composent ne sont pas variées; à la partie inférieure, on reconnaît un puissant sys- tème de schistes. Leur faciès est très-variable ; ils sont tantôt noirs, argilo- calcaires, verts, rouges, quartzifères, souvent micacés , traver- sés par des veines de petro-silex, passant à des minettes, à des porcellanites, des mélaphyres et autres roches pseudo- éruptives. NOTE DE M. EBRAY. 929 M. Gruner veut diviser ces couches en deux parties : la par- tie inférieure appartiendrait à un étage cambrien, la supérieure à l’étage carbonifère. Comme il est difficile de séparer ces deux systèmes, et comme la partie supérieure est évidemment car- bonifère, je préfère pour le moment ne pas établir une distinc- tion qui d’ailleurs ne s’appliquerait point aux Alpes. Vers les parties supérieures des schistes carbonifères, se dé- veloppent des calcaires en général foncés ; ils forment une vaste lentille, dont la plus grande épaisseur est vers Regny; l’extrémité de cette lentille, du côté de l’Est, se trouve à 4 ki- lomètres de Tarare où ces couches se terminent en un biseau très-aigu. Au-dessus de ces calcaires, enclavés dans les parties supé- rieures des schistes, se trouvent des poudingues et des grau- wackes. Les poudingues se composent de gneiss, de fragments de cal- caire carbonifère, de fragments de quartzite. Leur épaisseur maxima est de 20 à 25 mètres ; ils passent à des grauwackes , puis à des grès anthracifères occupant en général les sommi- tés de la chaîne beaujolaise. Les grès anthracifères sont de véritables arkoses dont les élé- ments sont quelquefois si peu altérés, qu’il devient difficile de les distinguer des porphyres quartzifères. Les parties supérieures du terrain houiller paraissent af- fleurer à l’Arbresle, Sainte-Paul, Sainte-Foy; mais ces forma- tions jouent un rôle tout à fait secondaire dans l’orographie de la chaîne. Dans leur ensemble, ces couches ne sont pas entièrement dé- pourvues de fossiles; un notaire de Regny, M. Rriilot, a con- staté le premier que les calcaires contenaient des fossiles; ces fossiles ont été plus tard déterminés par M. de Verneuil comme étant carbonifères; les schistes et les grauwackes contien- nent, par place, beaucoup de végétaux que j’ai décrits et que j’ai trouvés identiques à ceux que M. Schimper a signalés comme provenant du carbonifère des Vosges; les grès anthra- cifères contiennent des couches de houille avec des végétaux qui indiquent la base du véritable terrain houiller. Ces systèmes de couches sont traversés par des roches érup- tives distinctes qui, nous l’avons déjà dit, ont pour la déter- mination de l’âge des couches encaissantes la même valeur qu’un fossile caractéristique. Les schistes inférieurs et les calcaires sont traversés par le Soc . géoL, 2e série, tome XXVI. 59 930 SÉANCE DU JUIN 1869. porphyre granitoïdc; les poudingues et les grès anthracifères par le porphyre quartzifère. M. Gruner et notre regretté confrère Fournet ne s’étaient pas entendu sur l’âge du gros filon de roche granitique qui traverse le département du Rhône, de RomanècheàMontrotier, on sait que M. Fournet y voyait une syénite moins ancienne que le granité du Forez. M. Gruner n’attachant pas à la pré- sence de l’amphibole l’importance que lui attribuait Fournet, ne la distinguait pas de cette dernière roche. J’ai repris la question et j’ai montré que la syénite de Fournet devait être assimilée au porphyre granitoïde de M. Gruner. Le porphyre granitoïde , dit M. Gruner, est, comme le granité ordinaire , une roche éruptive composée de feldspath , de quartz et de mica ; dans l’une et l’autre roche, les trois éléments sont de la même façon, très-irrégulièrement associés. M. Fournet croit avec raison que le porphyre granitoïde contient deux feld- spaths différents.Undecesfeldspathsestl’orthose, le deuxième appartient au sixième système. D’après M. Gruner, ce deuxième feldspath appartiendrait à l’albite, d’après M. Delesse, il devrait être assimilé à l’oligocîase. Le mica est abondant , généralement terne et tirant sur le vert olive. Les fissures et fentes qui traversent le porphyre granitoïde sont tapissées de pellicules stéatileuses , tendres, savonneuses, d’un vert pomme clair. M. Gruner assimile cette roche à une roche dioritique compacte; car, dit-il, on y re- marque des mouchetures vertes qui pourraient bien être de l’amphibole. En général, la direction des filons estapproxima- tivement vers le nord, celui de Billard est N. 30° O. Le porphyre quartzifère traverse les pou lingues , les grau- wackes, les grès anthracifères et bien entendu les formations inférieures. Il se compose, dit M. Gruner, d’une pâte plus ou moins com- pacte, cristalline ou terreuse au milieu de laquelle se dessinent des cristaux de feldspath, de quartz et de mica. Il contient surtout de l’orthose et se distingue du porphyre granitoïde par la pauvreté de l’albiie. La direction dominante est aussi vers le nord ; en général, elle est N. 18° O. Les roches éruptives produisent sur les roches encaissantes des métamorphismes importants et fort curieux que j’ai dé- crits dans ma notice sur la minette du Rhône et dans mon Mé- moire sur le granité syénitique du Beaujolais; j’en dirai ici NOTE DE M. ÉBRÀY. 93 J quelques mots, parce que ces mêmes phénomènes se repro- duisent dans les Alpes, comme nous le verrons plus loin. L’action métamorphique la plus apparenté et la plus déve- loppée, est la production du mica noir, presque toujours orienté parallèlement aux salbandes du filon éruptif. Ce genre de métamorphisme s’étend à des distances très -variables et dépend de la largeur du filon ; aux abords du gros filon des Arnas, les schistes sont devenus micacés sur un kilomètre en- viron de largeur; aux abords des petits filons, il s’étend à 1 mètre des salbandes. Le développement du mica dans le sens du filon engendre un clivage qu’il faut distinguer de là strati- fication. Quelquefois on rencontre au milieu d’un filon une lame schisteuse entièrement métamorphique que l’on serait tenté de prendre pour un filon de minette; mais la disposition du mica, jointe à d’autres caractères locaux, vous préserve de cette erreur. Les grès anthracifères se modifient aussi aux abords des filons de porphyre quartzifère par le développement du mica; dans ce cas, ce minéral apparaît sous forme de belles tables hexagonales. Les systèmes de roches éruptives dont nous venons de par- ler ne constituent pas des systèmes spéciaux applicables seule- ment au département de la Loire et du Rhône. On constate les mêmes phénomènes dans les Vosges et dans le Morvan. Et même, tout dernièrement, en dressant le profil géologique des chemins de fer de la Haute-Loire, j’ai observé que l’on ren- contrait, en remontant le cours de l’Alîier jusqu’à sa source* un porphyre granitoïde traversant les schistes anciens et un granulite plus récent correspondant au porphyre quartzi- fère. Examen et discussion des opinions émises par MM, Favre et Lomji L’énumération de tout ce qui a été écrit sur laprotogine des Alpes, nous conduirait trop loin. Constatons cependant que dans ces derniers temps encore, on a voulu voir dans cette roche le produit d’éruptions récentes. M. Leyinerie dit dans ses Éléments de minéralogie et de géologie (1866), p. 776 : Ainsi la protogine du mont Blanc pénètre au voisinage de cette montagne dans le flysch qu’elle transforme même , par métamorphisme , en un 932 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. schiste plus ou moins cristallin , état de choses qui ferait remonter l'âge de cette roche jusqu’ après la période éocène. La cause de ce rajeunissement de la protogine a été mise en lumière parles travaux de MM. Favre et Lory; ces géologues ont démontré, en effet, que les dislocations (contournements pour M. Favre, failles pour M. Lory) ont fait arriver au jour la protogine déjà formée, et qu’elle se trouve en contact avec les terrains récents comme le terrain houilier est en contact avec le crétacé, c’est-à-dire par suite de failles. Cette juxtaposition des roches cristallines anciennes et des étages sédimentaires récents, n’est pas particulière aux Alpes; j’ai décrit il y a longtemps le massif porphyrique de St-Saulge (Nièvre), qui simule un dyke traversant les terrains jurassiques et qui résulte de l’influence de deux failles. Cependant si MM. Favre et Lory ont repoussé avec beaucoup de raison le rajeunissement de la protogine, ils ne se sont pas rendu compte de la nature intime de cette roche, lorsqu’ils ont prétendu qu’elle ne représentait qu’un état spécial des schistes anciens; cette idée nous surprend d’autant plus que la plus grande partie des faits allégués par ces géologues con- duisent à un résultat tout contraire. M. Lory donne la définition de la protogine du Dauphiné , p. 60, de son travail sur cette région. Il classe cette roche dans les roches granitiques massives qu’il distingue de celles qui sont élevées. M. Lory annonce, p. 63 de son ouvrage : Que les protogines , proprement dites , comme les vrais granités , ne sont pas stratifiées; elles sont cependant en général divisées assez ré- gulièrement en tranches par des plans à peu près verticaux dans le sens de la longueur des chaînes ; mais il dit aussi, p. 232 de ses Observations sur diverses notes de M. Ebray : Qu il ne saurait voir dans laqjrotogine de Coin quune protogine porphyroïde , mais stratifiée . Ainsi, en 1860, M. Lory dit que les protogines ne sont pas stratifiées; en 1867, il dit qu’elles le sont. Nous démontrerons tout à l’heure, qu’en 1860, M. Lory disait plus vrai qu’en 1867. D’après ce géologue, la protogine se compose d’orthose, d’o- ligoclase, de mica et de talc ; mais notre confrère ajoute, p. 61, que le mica de la protogine a été pris pendant longtemps pour une variété de talc. Ce dernier ne serait pas un minéral con- stant et essentiel, et la protogine aurait pour caractère réel la nature exceptionnelle du mica qu’elle contient. NOTE DE M. ÉBRAY. 933 M. Favre reproduit dans son ouvrage ( Recherches géologiques dans les parties de la Savoie , voisines du mont Blanc) les essais chimiques exécutés sur laprotogine parM. Delesse. Ce savant arrive à la conclusion que la protogine ne diffère des granités ordinaires qu’en ce qu’elle contient 1 à 2 centièmes d’oxyde de fer et de magnésie. Cette différence équivaut à une identité 9 puisqu’il y a plus de différence entre les espèces extrêmes de granités qu’entre ceux-ci et la protogine . En comparant la composition de la protogine et ses miné- raux essentiels à celle du porphyre granitoïde, on ne tarde pas à reconnaître l’analogie qui existe entre ces deux roches. En effet, le porphyre granitoïde est, comme le granité ordinaire, un composé de feldspath, de quartz et de mica; mais il con- tient en outre un feldspath du sixième système; son mica est comme celui de la protogine, du mica ferro-magnésien en cris- taux peu nets, généralement ternes et d’une nuance vert-olive ; il contient aussi, comme laprotogine, 71 p. 100 de silice. Reste le talc. Mais comme d’après M. Lory et d’après mes propres obser- vations, le talc n’est pas un minéral essentiel de la protogine, comme souvent même il manque, je ne puis lui attribuer un rôle plus important qu’à l’amphibole dans la syénite du Beau- jolais ou dans le porphyre granitoïde de la Loire et du Rhône. Nous savons, en effet, que l’amphibole existe quelquefois dans ce porphyre, ce qui a porté M. Fournet à le désigner sous le nom de syénite, mais le plus souvent il manque tout à fait. Si nous comparons en outre la composition du talc à celle de certains minéraux du groupe des amphiboles, nous voyons que ceux-ci ne diffèrent des talcs que par la présence du silicate de chaux ou même seulement du fer, ainsi qu’il arrive pour l’hypersthène. Or si l’on consulte le travail de M. Delesse sur la protogine, on remarque, tout en regrettant que ce savant n’ait pas pu faire une analyse plus détaillée de ce soi-disant minéral, que le talc de la protogine diffère du talc ordinaire, notamment par la présence du fer, présence indiquée d’ail- leurs par la couleur quelquefois foncée du talc; ce fait le rap- proche de certains minéraux de la classe des amphiboles et donne à l’analogie que nous cherchons à établir une nouvelle probabilité. Nous verrons d’ailleurs plus loin que M. Lory a rencontré sur le prolongement des affleurements protoginiques des ro- 934 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. ches qu’il désigne par diorites granitpïdes et qui ne sont autre chose que desprotogines où l’amphibole reparaît dans sa forme habituelle. Enfin, on n’a pas encore eu l’occasion de détermi- ner la forme primitive du talc, et l’on se demande en présence de ce fait si le talc est réellement une espèce minérale. M. Lory ne paraît pas admettre dans son travail sur le Dau- phiné la protogine comme une roche éruptive; cependant il admet dans les Alpes des granités éruptifs, car il dit, p. 131 : Avant les bouleversements qui ont rompu et redressé les couches de gneiss, ces granités étaient situés très-profondément au-dessous du sol, maintenus par conséquent sous une pression considérable et à la température élevée qui règne dans ces profondeurs de plusieurs milliers de mètres. On comprend dès lors que ces roches pouvaient être imparfaitement consolidées et dans un état de mollesse pâteuse, jusqu'à l'époque ou elles ont été poussées au dehors et ont surgi en formant les cimes colossales du mont Blanc et du Pelvoux. Des roches poussées au dehors dans un état çle mollesse et qui forment des cimes telles que le mont Blanc, ne sont-ce pas des roches éruptives? Mais le môme savant ajoute : Que certaines parties de la pâte granitique plus molles et plus fortement pressées que le reste, ont pu alors s'insinuer dans des crevasses ; ce sont là les filons çle granité plus spécialement éruptifs, et p. 199 on lit les lignes suivantes : En face , l'escarpement qui règne en dessous de la mine de la Gar - dette , montre à sa base, au niveaii de la plaine, une belle protogine que l'on a exploitée comme pierre de taille pour le pont du Bourg - d'Oisans ; elle semble former un gros filon dans le gneiss, et elle pousse des ramifications de protogine très-quartzeuses. Or il me semble qu’une roche qui pousse des ramifications ne peut-être qu’éruptive. Mais laissons de côté ces contradictions. D’après la p. 131, M. Lory donne à croire que les protogines déjà formées se seraient ramollies et se seraient insinuées dans les ruptures du gneiss. Qu’on me permette de mettre en doute cette complication e protogine réchauffée ; il serait beaucoup plus simple d’ad- mettre sans préambule la protogine comme une roche érup- tive. M. Lory se serait ainsi débarrassé d’une hypothèse im- probable, de plus, il n’aurait pas été obligé d’imaginer une ex- plication absolument inadmissible pour justifier la présence de cette roche su? les sommets des Alpes dauphinoises. Nous devons, dans l’intérêt de cette étude, reproduire ici le croquis 935 NOTE DE M. ÉBHAY. que donne M. Lory de la coupe théorique de la structure en éventail delà grande chaîne du canton d’Allevard; elle se trouve dans l’ouvrage précité, p. 181 ; elle a déjà été repro- duite par M. Favre. Évidemment ce géologue ne s’est pas de- mandé si le mécanisme, capable de former cette figure, était possible ou non. Pour comprendre cette structure, prétend M. Lory, p. 180, il faut supposer que, refoulées par des pressions très-énergiques, les couches des terrains cristallins ont formé un pli très- saillant et ont été rompues par l'excès de la courbure, comme nous le repré- sentons ci-dessous. De cette manière , le granité Y qui était situé dans les profondeurs de la terre , au-dessous des schistes talqueux ÿ’ et des gneiss g , se montre dans le centre de la rupture. Quant à moi, je ne puis admettre que des couches fort épaisses refoulées sur une échelle aussi considérable, soient venues s’appliquer comme par enchantement les unes contre les autres avec la régularité représentée sur le croquis de M. Lory, régularité qui existe en effet, dans la nature. M. Lory n’aurait-il pas évité cette explication des plus laborieuses en admettant que la protogine formait un filon au centre; que cette protogine avait métamorphosé les schistes en gneiss par le développement du mica? Le phénomène se remarque à chaque pas dans le Beaujolais. Quant à la disposition en éventail qui doit exister dans tous les massifs montagneux, elle s’explique par la raison très-sim- ple (fig. 12 de M. Lory), que les filons des roches éruptives 936 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. s’élargissent en profondeur; nous l’avons vérifié clans les grands tunnels que nous avons exécutés. L’étranglement momentané d’un filon, son expansion vers les parties supérieures, peut s’expliquer par un serrement plus fort dans la profondeur qu’à la surface. Ici nous admettons la comparaison que fait M. Lory des couches en question avec une gerbe, mais nous l’admettons telle quelle et sans la sup- position inadmissible de la rupture par excès de courbure. Cette explication de la structure en éventail avait déjà été donnée d’une manière plus simple par l’illustre de Saussure, qui comparaît ces couches à une ardoise plantée verticalement en terre dont les feuillets s’écartaient vers le haut. Cette com- paraison vaut une explication. M. Favre ne croit pas que les protogines soient éruptives, parce qu’on ne rencontre nulle part dans les Alpes des traces de coulées. Si le savant géologue de Genève était venu dans le Beaujolais, dans le Morvan, il aurait vu que tous les filons de roches éruptives se terminent à la surface du sol sans traces de coulées; j’ai dit il y a fort longtemps que ce phénomène s’expliquait facilement par les dénudations qui, d’après mes calculs, sont de 1000 mètres au moins dans les Alpes. M. Favre les admet d'ailleurs comme moi. Ce géologue donne encore (page 47) une coupe où le n° 7 est ainsi décrit : N° 7. Protogine? formant un grand filon qui s’élève au som- met de la montagne. Pour tout géologue, une roche capable de former des filons est une roche éruptive. D’un autre côté, M. Favre parle (page 11, t. III) de fragments empâtés dans la protogine? Ces empâtements que nous avons nous-mêmes constatés nous semblent une preuve en faveur de la nature éruptive de la roche. Enfin, M. Favre constate qu’en quelques endroits les gneiss sont plissés au contact de la pro- togine; ces plissements, selon nous, indiquent bien que la roche, en s’introduisant dans les fentes, a exercé des frotte- ments sur ia roche encaissante. J’arrive à un fait souvent très-mal interprété; je veux parler de la pseudo- stratification des granités. Pour MM. Favre et Lory, cette stratification est un fait im- portant qui prouve contre la nature éruptive des roches ; pour moi, c’est un fait sans grande signification. M. Lory dit, en effet, dans sa note du 16 novembre 1867 NOTE DE M. ÉP.RÀY. 937 (page 232) : Je ne saurais y voir qu?une protogine stratifiée , tandis que M. Favre, de son côté, cite comme caractère distinctif du vrai granité et de la protogine une stratification mieux marquée pour cette dernière (t. III, p. 299). Le savant professeur de Grenoble a peut-être parcouru les vastes plateaux basaltiques du département de la Haute-Loire; dans ce cas il a pu constater l’existence, sur une vaste échelle, d’un basalte qui simule à s’y méprendre une roche sédimen- taire divisée en strates à peu près horizontales de 0m,20 à 0m,50 d’épaisseur. Du reste M. Lory aurait eu des renseigne- ments certains sur ce basalte stratifié en consultant les ouvrages qui traitent de ces roches; M. Burat les désigne par basaltes tabulaires. Ce ne sont pas seulement les basaltes volcaniques qui se stratifient par le refroidissement, il en est de même pour les roches éruptives anciennes, et j’ai pu vérifier ce phénomène à d’assez grandes profondeurs. Le tunnel de Sauvage traverse près de Tarare le faîte qui sépare les deux bassins hydrogra- phiques; la montagne qui forme ce faîte est entièrement de grès anthracifères traversés par des filons de porphyre quartzi- fère, le plus gros de ces filons occupe le faîte, il a 60 mètres de largeur. Les formations qui composent le massif étant en général imperméables, la Compagnie du chemin de fer espérait ne pas y rencontrer beaucoup d’eau, prévision qui s’est en effet réalisée pour l’ensemble du tunnel, mais il en a été tout autrement pour le fonçage du puits n° 3 qui a été entrepris sur le gros filon porphyrique. A 30 mètres il y avait 20 mètres cubes d’eau, à 50 mètres 70 mètres cubes, à 100 mètres 230 mètres cubes, à 130 mètres 400 mètres cubes, à 150 mètres 500 mètres cubes, enfin on est arrivé à 200 mètres avec 700 mètres cubes dans les 24 heures, mais il était temps d’arriver, La présence de cette grande quantité d’eau sur un filon occu- pant le point culminant du faîte tandis que les autres parties de la montagne en étaient dépourvues, s’explique uniquement par la pseudo-stratification du porphyre que j’ai rencontré jus- qu’au fond du puits divisé en deux systèmes de fentes •* 1° Fentes fort régulières presque verticales parallèles aux sal- bandes; 2° Fentes voisines de l’horizontale parallèles à l’af- fleurement. C’est, en effet, dans ces deux sens que le refroidissement a dû opérer le retrait. Quant aux eaux, on comprend que le clivage vertical trans- 938 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. formait le vaste filon (30 kilom. de longueur) en un grand en- tonnoir (Voir note sur la nécessité d’étudier les filons dans la con- struction des chemins de fer; Acad, de Lyon, 1865). La stratification est donc un caractère tout à fait nul lorsqu’il s’agit de décider si une roche est éruptive ou non; mais ii m’a été très-utile pour déterminer l’inclinaison des filons dans Je cas où les salbandes étaient invisibles. Nous avons déjà dit avoir constaté, comme M. Lory, que les protogines se chargeaient quelquefois de cristaux d’amphibole; ce géologue remarque (page 134), que les diorites se fondent sur leurs limites avec les protogines; il reconnaît aussi un fait que nous avons également reconnu maintes fois, c’est que l’on rencontre de la chlorite dans les fentes de la protogine, qu’au contact de cette roche le gneiss se charge d’amphibole, et qu’enfin cette roche devient à petits grains sur les sommets. Toutes ces observations de détail s’appliquent avec une exac- titude remarquable au porphyre granitoïde. Je m’étendrai un peu plus sur le dernier fait qui s’explique fort bien dans le cas où l’on admet que la protogine est une roche éruptive. Rozet avait déjà constaté que la syénite des Vosges était mieux cristallisée au centre des massifs que vers les bords. M. Delesse a repris cette question et est arrivé au même résul- tat; mais à notre avis ce savant n’a pas su déterminer le point où finissait la roche éruptive et où commençait la roche méta- morphique; en effet ce n’est pas là une question de labora- toire. L’état plus cristallin des roches éruptives au centre des mas- sifs s’explique, car le refroidissement a élé plus lent au centre et il a dû favoriser la production des cristaux. En suivant les filons porphyriques depuis les bas-fonds à l'altitude de 350 mètres jusqu’aux sommets à l’altitude 1000 mètres, j’ai pu étudier les changements qui s’opèrent dans l’état cristallin des roches suivant la verticale, c’est-à-dire sui- vant une différence en hauteur de près de 700 mètres, et j’ai constaté que les phénomènes déjà observés par Rozet, suivant la largeur, se vérifiaient suivant la verticale; presque tous les filons de porphyre du Beaujolais sont à gros grains dans le bas et à petits grains ou grains moyens à de grandes altitudes. La même cause peut ici expliquer le même effet, car le re- froidissement a été d’autant plus rapide pour les parties d’un même filon qu’elles étaient plus éloignées du centre éruptif. Si maintenant nous résumons tous les faits que MM. Lory NOTE DE M. ÉBRAY. 939 1 et Favre ont fait connaître, nous arriverons, malgré eux, aux conclusions suivantes : 1° La protogine est une roche éruptive; 2° Elle présente la même composition que le porphyre gra- nitoïde ; 3° Les deux roches ont traversé les mêmes terrains; 4° Elles se ressemblent même dans les accidents minéralo- giques qui les accompagnent et qui caractérisent les roches encaissantes métamorphiques. Le nom de porphyre étant plus ancien que celui de proto- gine, nous proposerions la suppression de ce dernier, comme on a proposé la suppression du terme Arkose et de celui de Trapp, si nous ne savions pas que la suppression d’un mot, même mauvais, mais consacré par l’usage, est chose à peu près impossible. Après nous être appuyé sur les faits et énoncés de nos savants confrères pour établir les véritables relations de la protogine, nous allons voir si au moyen de nos propres observations nous arriverons aux mêmes résultats. » Etude spéciale du porphyre granitoïde entre Beau fort et la Romanche. Nous avons étudié la chaîne d’Allevard dans le mois de sep- tembre 1866, nous avons traversé Bellachat en août 1867, époque à laquelle nous avons examiné pour la première fois les roches de Gevin, nous avons revu ces roches et celles du Grand-Mont en septembre 1868, enfin nous avons exécuté tout dernièrement, dans le mois de mai, une série de courses aux environs de Beaufort; quoique les neiges nous aient empêché d’explorer les régions au-dessus de l’altitude 1,500, les obser- vations que le temps nous a permis de faire ont été très-suf- fisantes pour nous amener à des résultats semblables à ceux de nos recherches autour du Grand-Mont. En remontant en amont de Beaufort le cours du Doron, on arrive sur la rive droite à une première petite carrière qui montre le porphyre granitoïde en contact avec les schistes an- ciens fortement modifiés. La ligne de séparation ou la salbande du filon est facile à reconnaître; d’un côté on constate la pré- sence du porphyre avec ses cristaux d’orthose, ses quelques cristaux d’oîigoclase, son mica ferro- magnésien. De l’autre côté, les schistes normaux légèrement micacés qui affleurent 940 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. depuis Albertville à Beaufort se chargent d’une grande quan- tité de paillettes de mica noir, en général disposées parallèle- ment au filon porphyrique, et font passer la roche à un véritable gneiss et parfois à une minette. Le premier filon paraît avoir une vingtaine de mètres de largeur, il est suivi de nouveaux schistes modifiés et d’autres liions de porphyre; je n’ài pas cherché. à relever le nombre de ces alternances, c’est un long travail à cause des éboulements, mais ces alternances sont assez nombreuses. Après avoir traversé le torrent sur un petit pont, on ne tarde pas à rencontrer sur la rive gauche une carrière activement exploitée. Elle est taillée dans les schistes métamorphiques, simulant presque une minette comme dans le Beaujolais; les tailleurs de pierres ont su mettre en œuvre ces matériaux de construction; aussi bons que ceux provenant delà protogine, ils sont beaucoup plus faciles à travailler. A la suite de cette carrière le porphyre se développe de nouveau jusqu’au grand cirque de Fontannes. Dans un endroit que les gens du pays désignent par Portetes et où le sentier passait autrefois au-dessus d’un escarpement on voit un por- phyre pseudo-stratifié à grands cristaux d’orthose. La carte de M. Favre indique entre Beaufort et les Fon- tannes une grande masse de roches qui d’après la légende se- rait comme les roches de Gevin (et quoique M. Lory prétende qu’elles ont toujours été décrites sous le nom de gneiss por- phyroïde) des granités et des porphyres ; mais la disposition que donne notre collègue de Genève est contraire à la réalité. Comme nous venons de le voir cette masse est de gneiss tra- versée par des liions de porphyre, mais elle ne s’arrête pas brusquement sur la rive droite comme l’indique la carte. Il est vrai que les escarpements qui bordent cette rive ne sont pas facilement accessibles, cependant on peut visiter, comme nous 1 avons fait, et sans grande peine, les sommités situées entre le Doron et Arèche. L’examen de ces sommités prouve que les filons de porphyre que nous venons de décrire dans la gorge du Doron se conti- nuent sans interruption jusqu’au commencement du terrain houiller d’Arèche, que là ils s’arrêtent et ne pénètrent pas dans ce dernier terrain. Des blocs épars de calcaire cristallin, de poudingue houiller et triasique sont parsemés sur les crêtes et prouvent que le terrain houiller et peut-être le trias ont jadis dû couvrir ces sommités. NOTE DE M. EBRAY. 941 Le terrain houilier d’Arèche, comme tout le terrain houiller des Alpes, est décrit parM. Favre comme terrain carbonifère. Cette dénomination est inexacte et très-dangereuse; l’inconvé- nient eût été moins grand si M. Favre avait admis le terme de d’Orbigny « étage carboniférien »; nous savons que ce géologue a compris sous cette dénomination générale et désormais inap- plicable à des études de détails, une série de systèmes de couches aujourd’hui bien mieux connus ; la dénomination de terrain carbonifère régulièrement introduite dans la science par les travaux de M. Gruner et autres désigne des couches très- inférieures au terrain houiller, couches d’ailleurs séparées de celui-ci par tout le terrain antliracifère, tandis que la flore des Alpes démontre que le terrain qui nous occupe appartient au véritable terrain houiller; le combustible est devenu anthra- citeux par suite de circonstances spéciales, telles que frotte- ments dûs aux failles, lavage par les eaux, etc. Le faisceau de filons de Beaufort après avoir passé sous le terrain houiller d’Arèche reparaît en aval de Saint-Guérin avec les mêmes caractères; le grain de la roche est plus petit. Ce faisceau se prolonge jusqu’au Gros-Mont. En approchant de ce point élevé on voit le grain de la roche diminuer encore, les gros cristaux d’Orthose se raréfient et le porphyre granitoïde prend un peu les caractères généraux du faciès du porphyre quartzifère. Il est facile de voir que les affleurements de Gevin sont le prolongement des filons du Grand-Mont et de Beaufort ; dans la vallée de l’Isère le faciès porphyroïde reparaît. M. Lory parle dans son mémoire, sur diverses notes de M. Êbray , d’une faille qui, à Gevin, aurait fait apparaître la roche porphyroïde en lui donnant l’apparence d’un dyke; cette faille aurait été la cause du singulier pâté Basique que l’on con- state dans la vallée de l’Isère. Sans nier positivement l’existence d’une faille en cet endroit, nous croyons que le pâté Basique résulte d’un vaste éboulement et tout en admettant avec M. Lory l’existence de nombreuses failles dans la Tarentaise évitons de tout expliquer au moyen de ce remède à tous les maux. D’ailleurs, comme le dit M. Gruner et comme je l’ai constaté moi-même; les filons, les dykes correspondent quel- quefois à de grandes failles. J’ai visité de nouveau l’année dernière les environs de Gevin; un examen détaillé des parois des deux rives de l’Isère m’a prouvé, qu’il y avait non pas un dyke mais plusieurs séparés, 942 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. comme à Beaufort, par des lames de schistes transformées en gneiss. Je n’ai pas suivi le chemin, il est vrai aujourd’hui très- viable, qui conduit aux ardoisières de Cevin parce que le faisceau des filons de porphyre granitoïde passe entre les ar- doisières et le Pas de la Louza, et le petit filon isolé dont parle M. Lory, doit être, suivant son expression, une ramification de protogine poussée par les filons principaux. Nous avons traversé l’Isère sur un pont situé en aval de Cevin et nous avons constaté que les filons reparaissaient sur la rive gauche. En remontant les torrents qui descendent des hauteurs de Bellaehat, on remarque dans leur lit une énorme quantité de blocs roulés de protogine ; c’est en examinant ces blocs que j’ai rencontré plusieurs empâtements de schistes qui montrent toutes les dégradations métamorphiques si bien dé- crites par Fournetà propos des empâtements des carrières de Bel-Air, près Tarare ; les empâtements démontrent à eux seuls que la roche protoginique est éruptive. Nous avons traversé, en 1867 de la vallée de l’Arc dans celle de l’Isère par Bellaehat; les parois escarpées des hauteurs ne permettent pas d’étudier les filons aussi commodément qu’ailleurs, mais le porphyre de Bellaehat est évidemment le prolongement de celui qui affleure dans la vallée de l’Isère; jusqu’à Epierre les torrents charrient la protogine et en re- montant ces torrents on constate à plusieurs reprises l’exis- tence de salbandes et de gneiss métamorphique. Nous avons suivi la piste de ces filons par le pic du Frêne aux Sept-Laux; mais nous renvoyons aux coupes de M. Lory; elles montrent que le centre des Alpes dauphinoises est occupé par les roches que nous décrivons. Nous acceptons les coupes de notre confrère avec deux modifications : 1° Suppression de la courbure supposée, de la rupture de la voûte et admission défilons éruptifs; 2° A la place d’un gros filon, il convient d’en faire figurer plusieurs, séparés par du gneiss métamorphique. Nous remarquons cependant que sur les hauteurs la sépara- tion du gneiss métamorphique de la roche éruptive est un peu moins facile à observer que dans les vallées par suite de l’ab- sence d’un faciès porphyroïde prononcé ; car, comme le dit M. Lory, la roche est à petits grains sur ces hauteurs. Nous avons examiné attentivement les porphyres des Sept- Laux; rien dans l’allure de ces filons n’annonce leur dispari- tion prochaine et nous pensons qu’ils se prolongent vers le NOTE DE M. ÉBRAY. 943 sud. Il y a tout lieu de croire que les filons de diorite grani- toïde massive que M. Lory a constatés, entre le col delà Cloche et la gorge de la Romanche forment le prolongement des fi- lons que nous avons suivis jusqu’aux Sept-Laux. Cette diorite contient comme la protogine de roligoclase ; l’amphibole vient s’ajouter au cortège ordinaire des minéraux essentiels, mais nous savons que dans la syénite du Beaujolais l’amphibole est très-irrégulièrement distribué et manque même très-souvent. Quant aux schistes anciens des Alpes nous leur voyons su- bordonnés des schistes noirs entièrement semblables à ceux des ardoisières de Cevin; nous les voyons traversés par la roche éruptive qui caractérise le terrain carbonifère du Beau- jolais; que M. Lory me permette ici d’être en partie de l’avis de M. Scipion Gras; nous préférons ranger ces schistes en par- tie dans le carbonifère plutôt que de les appeler, comme le fait M. Lory, schistes cristallins. Nous répétons ici que, pour nous le terrain carbonifère est un étage spécial inférieur au terrain anthracifère, lui-même inférieur au terrain houiller; nous admettons aussi avec M. Gruner, que les parties infé- rieures de ce terrain, surtout celles qui sont traversées par des noyaux de quartz, pourraient bien appartenir à un système encore plus ancien. En résumé les conclusions de notre étude spéciale sont les mêmes que celles où conduisent les faits puisés dans les ou- vrages de MM. Lory et Favre. La protogine qui affleure entre Beaufort et la Romanche est une roche éruptive : 1° Parce qu’elle a des allures filoniennes; 2° Parce qu’elle contient des empâtements; 3° Parce qu’il y a métamorphisme au contact. La protogine peut être assimilée au porphyre granitoïde. 1° Parce que la composition de ces roches est la même ; 2° Parce que les phénomènes secondaires qui les accompa- gnent sont identiques; 3° Parce qu’elles traversent toutes les deux les schistes an- ciens. On peut se demander quels rapports existent entre la roche dont nous venons de nous occuper et la protogine du mont Blanc et du mont Pelvoux. N:ayant pas visité les lieux nous ne pouvons qu’émettre une hypothèse, mais cette hypothèse paraît assez régulièrement 944 SÉANCE DU 7 JUIN 1869. découler et de notre étude et de ce qui a été dit sur ces roches par d’autres auteurs. La carte de M. Favre indique un affleurement de granité sur la rive droite de l’Arve dans la vallée de Chamounix; cet af- fleurement prolonge exactement les filons Eeaufort-Sept-Laux et il doit appartenir à ce système. D’un autre côté, en joignant le centre du massif protoginique du mont Blanc au centre protoginique du Pelvoux, on obtient une ligne qui ne diffère pas beaucoup d’une parallèle aux filons Beaufort-Sept-Laux. Nous ne croyons pas pour toute l’étendue du globe au pa- rallélisme de la sortie des roches éruptives d’une même époque; mais l’observation prouve que dans une région res- treinte ce parallélisme existe souvent; nous supposerons donc jusqu’à preuve du contraire que la protogine du mont Blanc et celle du Pelvoux forment deux affleurements d’une même roche éruptive qui doit exister dans les régions relativement en plaine de la Maurienne et de la Tarentaise, sous les ter- rains qui se sont déposés postérieurement à la sortie de cette roche. M. Delesse fait remarquer, au sujetdecette note, combien il serait dangereux d’établir Fidentité de deux roches en se fondant seulement sur leur composition chimique. En suivant cette méthode, on se trouverait conduit à identifier le granité avec certains trachytes. Quand à la syénite des Vosges, M.. Delesse n’ignorait pas qu’il avait été depuis longtemps constaté que cette roche possédait une texture plus cristalline dans le centre des massifs que sur leurs bords. M. Delesse a ajouté à ce fait du changement de tex- ture celui des variations de composition, sensibles seule- ment à l’analyse, que présente la syénite des Vosges. Ces variations consistent principalement dans la concentration de la silice et des alcalis vers le milieu des massifs et l’abon- dance plus grande de la chaux, dipferet de la magnésie sur leur périphérie. M. Delesse n’a point confondu, ainsi qu’on l’en accuse, les roches éruptives avec les terrains métamorphiques qui les entourent ; il a seulement insisté sur le passage insensible NOTE DE M. ÉBRAY, 945 de la roche granitique, formant le centre du ballon, avec les roches cristallines qui constituent les flancs. M. Lory, prenant à son tour la parole au sujet de la même communication, ne croit pas nécessaire de discuter l'assi- milation, formulée par M. Ébray, de la protogine à un por- phyre; il ne connaît même aucun exemple de passage de la protogine à la structure porphyrique. Il ne s’est jamais re- fusé à considérer comme éruptif le granité de Cernix, à l’est de Beaufort (Voir Bull. , t. XXV, p. 234); mais la des- cription même de M. Ëbray montre qu'il est très-différent de la protogine; il contient beaucoup de mica noir, du sphène, etc. ; c’est un granité. L'origine éruptive des roches granitoïdes en amont d’Arèche paraît déjà bien plus dou- teuse ; et, tout en admettant, comme autrefois, qu'il y ait des exemples de protogine en filons , dont l'importance est toujours très-restreinte, M. Lory pense qu'il en est tout au- trement et de la roche de Cernix qui n'est qu’un gneiss porphyroïde, et de toutes les grandes masses de protogine de la chaîne des Alpes occidentales, du Mont Blanc, de l'Oisans, qui sont concordantes avec le gneiss et y passent insensiblement. M. Jannettaz s’étonne de voir M. Ébray contester au talc son individualité spécifique, et il croit à peine nécessaire de rappeler que cette substance, ayant une forme cristal- line parfaitement définie, est une véritable espèce mi- nérale. Séance du 21 juin 1869. PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY. M. Louis Lartet, secrétaire, donne lecture du procès- verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : Soc. Géol., 2e série, t. XXVI. 60 946 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. MM. Aronne Bedarida, naturaliste, à Vercelli (Italie); présenté par MM. l’abbé Stoppani et G. de Mortillet. j Bertrand (Émile), ingénieur civil, rue Gay-Lussac, 32, à | Paris; présenté par MM. Levallois et Daubrée. 1 Marche (Pabbé), directeur du collège ecclésiastique, à Saint-Dizier (Haute-Marne) ; présenté par MM. Monnerot et Collomb. | Puxty, Principal of the commercial school, à Maldon (Essex), Angleterre; présenté par MM. de Verneuil et Collomb. DONS FAITS A EA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. W. J. Henwood, Address delivered at the I spring meeting of the Royal Institution of Cornwall ; on the 18th of may, 1869; in-8, 21 p. Penzance, 1869 ; chez M. Cornish. De la part de M. Éd. Lartet et H. Christy, Beliquiœ Aquita- nico ?;p. 103-124 et 113-120, pl. A, XXV-XXVI1I, in-i°. Paris/ 1869; chez J. -B. Baillière et fils. De la part de M. Leymerie, Sur la non-existence du terrain houiller dans les Pyrénées françaises , entre les gîtes extrêmes des Corbièreset de la Rhune ; in-4°, 3 p. Paris, 1869. De la part de MM. P. de Loriol et V. Gilliéron, Monographie palèontologique et stratigraphique de l’étage urgonien inférieur du Landeron {canton de Neuchâtel) ; in-4° , 123 p.,8 pl. Bâle et Ge- nève, 1869; chez Georg. De la part de M. J. Marco u, Le Muséum dJ histoire naturelle ou Jardin des plantes {De la science en France, 3e fascicule) ; in-8, pp. 209-324. Paris, 1869 ; chez C. Reinwald. De la part de M. G. Omboni, Nuovi elementi di storia natu- rale proposti per Vistruzione superiore; in-8, 8 p., 3 pl. Milan, 1869; chez Y. Maisner et C°. De la part de M. Aristides Rojas : 1° El Rei de los volcanes ; in-8, 42 p. Caracas, 1869. 2° El lagode asphaltoen la islade Trinidad; in-8, 15 p. Cara- cas, 1869. NOTE DE JIM. TERQUEM ET JOURDY. 947 De la part de MM. de Yerneoil et Collomb, 1° Carte géologigue de l’Espagne et du Portugal , 2e édition ; 1 feuille grand-aigle, Paris, 1868 ; chez F. Savy. 2° Explication som- maire de la Carte géologique de V Espagne; in-8, 29 p. Paris, 1869; chez F. Savy. De la part de M. K. Zittel, Bemerkungen über Phylloceras tatricum, Pusch, sp., und einige andere Phylloceras. Arten ; in-8, 10 p., 1 pl. Vienne, 1869. De la part de M. A. M. de Castilho, Première étude sur les colonies ou monuments commémoratifs des découvertes portugaises en Afrique ; in-8, 62 p. Lisbonne, 1869. M. de Verneuil présente, en son nom et en celui de M. Collomb, la nouvelle édition de la Carte géologique de PEspagne (Voir la Liste des dons). Il appelle Pattention de ses confrères sur les changements qui ont été introduits dans ce travail depuis la première édition, changements qui portent principalement sur la construction géognostique de PAndalousie. Le Président annonce le décès de M. Van der Maelen, fondateur de l’Institut géographique de Bruxelles et mem- bre de la Société. Il communique ensuite les décisions qui viennent d’être prises par le Conseil, au sujet de la réunion du Puy. M. Jourdy fait la communication suivante sur le Fuller’s earth de la Moselle : Note sur le terrain bathonien de la Moselle et de la Meuse , par MM. O. Terquem et E. Jourdy. La note que nous présentons est à peu près le résumé des observations développées dans un travail beaucoup plus dé- taillé que la Société a bien voulu admettre dans ses Mémoires. Quoique l’étude de la faune n’ait pour objet la description des fossiles du bathonien que dans la Moselle seulement, cepen- dant, l’intelligence complète du terrain décrit, a nécessité un cadre un peu plus étendu; et, vu l’importance de la question, pour qu’aucune objection ne résulte d’une délimitation trop 948 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. bornée, nous n’avons pas hésité à suivre les couches Datho- niennes dans la Meuse jusqu’à ce que nous rencontrions l’ox- fordien. Notre travail était déjà commencé, surtout pour la partie pa- léontologique, quand a paru le texte de la carte géologique (1) du département. L’apparition de ce Mémoire, loin de nous contenter, nous a montré la nécessité pressante d’entreprendre en détail l’étude de la région du département, située à l’ouest de la Moselle. Le point de départ des travaux stratigraphiques pour nous, comme pour le texte de la carte géologique, résulte des notes que MM. Barré et Dargnies ont recueillies sur la base du ba- tbonien. Les matériaux pour les travaux paléontolçgiques étaient depuis longtemps recueillis par M.Terquem, qui atten- dait le moment de les publier. Il y a à peine deux années, on croyait que le bathonien supé- rieur appelé Bradford -cia y et Cornbrash suivant la mode d’alors, commençait à 10 kilomètres à l’ouest de Metz, c’est-à-dire un peu en arrière de la crête de ce plan incliné qui, des collines messines, se prolonge jusqu’au pied des coteaux en avant de Verdun; on croyait aussi que l’oxfordien commençait un peu plus à l’ouest de celte crête. Les recherches de M. Terquem sur les foraminifères et l’exa- men rapide de la faune du plateau, conduisirent ce paléonto- logiste à supposer que la limite du bathonien supérieur et sur- tout celle de l’oxfordien se trouveraient beaucoup plus loin. C’est dans le but de vérifier cette assertion que M. Barré, le premier, entreprit des courses qui fournirent à peu près le texte de l’explication de la carte géologique, et qui, pour la pre- mière fois, fournirent Y Ammonites Quercinus et quelques autres fossiles du bathonien supérieur. Mais le défaut de renseigne- ments stratigraphiques et de documents paléontologiques, ne put donner, dans le travail de M. Jacquot, que des résultats d’une valeur nulle sur la position réelle des terrains de la limite du département. C’est pour faire connaître complètement toutes ces couches que nous avons entrepris ce travail dont les conclusions repo- sent surdes faits stratigraphiques nouveaux et sur l’étuded’une faune qui comprend environ370 espèces dont 120 nouvelles. (1) Description géologique et minéralogique du département de la Mo- selle, par M. Jacquot avec la coopération de MM. Terquem et Barré. NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDT. 949 Nousavons adopté pour toute la série des couches comprises entre le bajocien et l’oxfordien, le mot bathonien tant de fois discuté et qui serait à créer pour nous s’il n’était pas adopté aujourd’hui par des gens qui connaissent à fond les terrains jurassiques. Les modifications curieuses de la faune aux différents ni- veaux, la persistance d’un grand nombre d’espèces qui se trou- vent à toutes les hauteurs, le peu de foi qu’on doit ajouter au caractère oolithique ou terreux des roches, montrent bien que ces 150 mètres de marne et de calcaire ont été déposés dans des régimes différents des mers, mais dans une même période paléontologique. La difficulté consiste plutôt, on peut le dire, à donner des divisions générales dans ce terrain, qu’à réunir toutes les cou- ches ensemble. Cependant, nous avons remarqué, malgré l’analogie persis- tante de la faune, deux divisions assez bien caractérisées, mais qui ne répondent en rien aux aspirations des géologues qui voudraient retrouver les niveaux connus de l’Angleterre. Nous aurons ainsi le bathonien inférieur et le bathonien su- périeur. Le bathonien inférieur est de beaucoup le plus varié dans ses roches et le plus riche dans sa faune; son épaisseur est à peu près la même que pour le bathonien supérieur qui présente, sauf à sommet, une grande monotonie dans ses roches, et une stérilité de fossiles des plus grandes, sauf à sa base. Le bathonien inférieur commence immédiatement au-dessus du calcaire à polypiers (1). Le bathonien supérieur finit dès qu’apparaissent des mar- nes noires sans fossiles à la base, mais qui renferment un peu plus haut une Trigonia (groupe de clavellata) très-abondante. L’objet de nos études étant ainsi bien délimité dans la clas- sification générale , passons à notre classification particulière. Le bathonien inférieur présente deux niveaux distincts au point de vue de ses roches et de sa faune : 1° Zone à Ammonites subfurcatus (2). 2° Zone à Ammonites Parkinsoni. Le bathonien supérieur présente également deux niveaux. Le premier sera la 3e zone, zone h Ammonites Qnercinus ; le second qui formera la 4e zone, quoique bien distinct, est trop pauvre (1) Bajocien supérieur. (2) Ammonites Niortensis , d’Orb. 950 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. en fossiles pour recevoir jusqu’ici une dénomination paléonto- logique. TABLEAU DES COUCHES QUE COMPREND LE BATHONIEN, Marnes noires feuilletées à Tria onia clavellata. Marnes noires feuilletées sans fossiles. Base de l’Oxfordien. 30m j Calcaire oolrthique miliaire ou calcaire d’Étain. 4* ZONE 15 Calcaires terreux bruns de Rou- ( ^°Pe ^i"Peu vr6s» # fossiliiere. IQ l Marnes noires très-argileuses à J Ostrea Knorrii de Rouvres. Marnes brunes, sableuses ou ar- 40 J güeuses, avec calcaires terreux gris, parfaitement oolithiques, ou marnes de Conflans. •{ Marnes noires très-argileuses à Ostrea Knorrii de Friauville. J Calcaires terreux gris quelque- 25 fois oolithiques et marnes bru- f nés sableuses du Jarnisy. (Calcaire oolithique miliaire du Grand-Failly. Synchronique avec calcaire ooli- thique cannabin de Gravelotte. Calcaire à points ocreux de Ver- néville. 20 | Marnes de Gravelotte. 2q I Calcaire oolithique miliaire de ( Jaumont. 5 | Marnes de Longwy. Bathonien supérieur de 75 à lOOm 3 e ZONE Zone à A. Quercinus. Terebralula lagenalis, Rhynchonella qu'idrip icata, , Ostrea Walto- nensis. }Avicula inor- nata. 2” ZONE. Zone à A. Parkinsoni . , Clypeus Plotil Pleur omyaJuA rassi , Ceri-j thium gra- nulato costa-\ Bathonien tum. ) inférieur de 110 à 80m ir* ZONE Zone à A. subfurcatus. Mytilus gib- bosus. Belemnites Jacquoti. / Bathonien de 180m. Ostrea Knorrii, O. acuminata Calcaire à polypiers. Sommet du bajocien. La note que nous présentons, n’ayant pour but que de faire connaître le îésumé de nos observations, nous insisterons peu sui le détail des laits descriptifs, nous nous bornerons à indi- quer les traits les plus saillants et les plus caractéristiques. note de mm. terquem et jourdy. 951 I. — Bathonien inférieur. La première partie du terrain se compose de couches mar- neuses alternant avec des couches calcaires. Les marnes sont en général peu argileuses, quelquefois sableuses. Les calcaires sont très-oolithiques dans la partie inférieure et moyenne du groupe, généralement terreux au sommet. Dans tous les cas, les oolithes sont fines, de la grosseur d’un grain de millet et au plus d’un grain de chanvre, serrées les unes contre les autres. § 1er. Zone à Ammonites subfurcatus . Cette zone se compose de deux couches : l’inférieure est marneuse et la supérieure est calcaire; mais le passage de l’une à l’autre s’effectue par des pénétrations nombreuses de petits bancs de chacune d’elles qui alternent à leur contact; aussi est-il difficile de les séparer, et les avons-nous réunies, quoique la couche supérieure ne nous fournisse pas de fos- siles. 1° Marnes de Longwy. — Quelle que soit la manière dont fi- nisse le calcaire à polypiers, le bajocien dans la Moselle est surmonté d’une couche marneuse constante, mais bien diffi- cile à voir; ce n’est guère que sur les glacis de Longwy qu’on peut l’étudier. Les marnes de Longwy renferment pour la première fois VOstrea acuminata ; ce fossile qui apparaît aux premières cou- ches du bathonien, remonte dans la Moselle et la Meuse presque jusqu’aux dernières couches; aussi avons-nous rejeté le nom de Marnes à Ostrea acuminata, par lequel M. Jacquot les avait caractérisées dans le texte de la carte géologique. Ces marnes argileuses ou sableuses, d’une teinte jaune ou bleue assez foncée, ont, dans la Moselle, environ 8 mètres de puissance. Cette couche renferme les fossiles qui ont servi à la descrip- tion paléontologique de la zone. 2° Calcaire oolithique miliaire de Jaumont. — Ces calcaires of- frent dans la Moselle une grande importance ; ils sont exploités à Jaumont, à Amauvilliers, etc., et fournissent la seule pierre de taille du département. On les voit occuper les sommets des collines qui dominent la vallée de la Moselle par-dessus le calcaire à polypiers, dans 95 * SÉANCE DU 21 JUIN 1869. une situation topographique qui les fait reconnaître de loin; au nord du département, ils reposent encore sur le bajocien jusqu’au delà de Longwy. Ces calcaires sont le plus souvent jaunes; quelques localités les offrent blancs. Les oolithes y sont en général excessivement fines ; cepen- dant on peut les trouver parfois un peu grossières; elles sont le plus souvent mélangées à d’énormes quantités de coquilles brisées, parmi lesquelles on peut reconnaître 1 ’Osirea acuminata , le Pecten lens. Un de leurs caractères les plus essentiels, est de présenter des strates obliques avec plans de séparation des bancs. Cette particularité, indiquée par M. Jacquot, lui paraît une raison pour supposer que l’oolithe de Jaumont doit être l’analogue de la grande oolitbe de Balh; il est inutile de dire combien nous sommes loin de cette manière de voir. Cette couche calcaire, dont les bancs atteignent parfois une grande épaisseur, a une puissance totale qu’on peut évaluer à environ 20 mètres. FAUNE DE LA ZONE A AMMONITES SUBFURCATUS. at Espèces provenant du Bajocien 46 \ 6, — propres à la lre zone 39 / y, — montant à la 2e zone 100 f Slir 147 espèces. o, — montant à la 3e zone 30 J Liste de quelques-unes de ces espèces qui sont ou les plus répandues ou les plus connues. oc 1 Belemnites giganteus , Scbl. Ammonites Blagdeni, Sow. Pleurotomaria mutabilis, Desl. Pholadomya Murchisoni, Sow. Homomya gibbosa, Sow. Gresslya lunulata, A g. Trigonia costata, Lamk. Cucullœa oblonga, Sow. Lima sulcata , Mü. — proboscidea , Sow . K Belemnites Jacquoti, Terq. et Jourd. Ammonites subfurratus , d’Orb. Pholadomya nymphacea , Ag. Psammobia spatula, Tq. et J. Cardium Stritklandi, Mor. et Lyc. Avicula tegulata , Goldf. Pecten articulatus , Schl. — lens , Sow. Ostrea sandalina, Goldl. — gregana, Sow. — Marshii , Ziet. Rhynchonella varions , Schl. Terebratula maxillata , Sow. Berenicea diluviana , Lamk . Hyboclypus depressus , Ag. Trigonia striata , Ag. Avicula transversa , Tq. et J. Pecten anguliferus , Tq. et J. Pedina gigas , A g. NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 953 y» Belemnites canaliculatus , Schl, Turbo Davoustii, d’Orb . Pholadomya costellata, Ag. Pleuromya marginata , Ag. Gresslya ericina, Ag. — zonata , Ag. Opis similis } Sow Astarte squamosa, Tq. et J. Isocardia gibbosa , Mü. Belemnites canaliculatus , Schl. Gresslya lunulata, A g. Thracia ooli.thica, Tq. et J. Cucullœa subdecussata , Mü. Limea duplicata , Mü. Cucullœa subdecussata , Mü. Mytilus Lonsdalei, Mor. et Lyc. — gibbosus, Sow. Lima duplicata , Sow. Avicula cosiata , Sow. Pecten spatulaius, Roem. — annulatus, Sow. Ostrea acuminata, Sow. — Knorrii, Pict. — obscura , Sow. Rhynchonella concinnoides , d’Orb. Terebratula ormthocephala, Sow. Ostrea acuminata . — Knorrii. Rhynchonella concinnoides . Hyboclypus depressus. 2. Zone à Ammonites Parkinsoni. Cette zone est remarquable par l’unité de sa faune, malgré l’épaisseur des couches fossilifères et surtout les différences dans leur pétrographie ; cependant, cette unité n’exclut pas certaines particularités différentielles des couches; quand on entre dans le détail de la distribution de leurs fossiles, on aperçoit alors des faits paléontologiques bien curieux et sur lesquels nous reviendrons plus tard. C’est dans cette zone que se trouvent les plus grosses ooli- thes du bathonien, oolithes qui sont alors de la grosseur d’un grain de chanvre, peu régulières et très-allongées. On y trouve aussi des calcaires et des marnes de toutes sortes ; c’est la partie du bathonien qui contient les éléments les plus hétérogènes. 1° Marnes de Gravelotte. — Dans une môme localité, ces mar- nes sont colorées de nuances toujours assez foncées, surtout quand le bleu s’y montre. Elles renferment constamment une grande quantité de grosses oolithes ferrugineuses dont la forme rappelle celle d’un grain de froment. Ces marnes comprennent en quantité très-variable un cer- tain nombre de bancs calcaires jaunes avec oolithes miliaires, 954 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. ainsi que des rognons très-durs renfermant les mêmes oolitbes que les marnes. M. Jacquot donne à cette couche le nom de couche à Osirea costata ; mais YOstreae n question se trouve très-abondamment à plusieurs niveaux bathoniens et n’est pas le véritable O. costata , mais bieq l’0. Gibriaci , Mart. Les marnes de Gravelotte sont très-fossilifères dans la Mo- selle; ce sont elles qui nous ont donné les trois quarts des échan- tillons recueillis dans le bathonien. A Gravelotte, les fossiles sont nombreux, mais assez mal conservés, vu la quantité de fer que renferme la courbe. Aux Glapes, les fossiles très-abon- dants se trouvent dans un état de conservation admirable et telle, que cette localité est digne de figurer parmi les plus beaux gisements des terrains jurassiques. 2 La couche supérieure aux marnes de Gravelotte se compose de plusieurs assises dont l’épaisseur est variable d’un point à l’autre du département. La première assise seule n’est pas oolitbique; c’est un cal- caire gris à cassure écailleuse et parsemé de petits points rouges. M. Dargnies, qui l’a signalée le premier, l’a appeléepour cette raison Calcaire à points ocreux. Cette assise n’est pas con- stante dans le département; elle ne se trouve guère qu’aux environs de Vernéville. La deuxième assise, beaucoup plus importante, n’est pas non plus très-constante; elle disparaît vers le nord du dépar- tement; dans la Meurthe, on ne la retrouve plus (M. Dargnies). C’est un calcaire formé presque exclusivement d’ooüthes Cannabines qui sont tantôt soudées de manière à former une pierre a moellons, tantôt incomplètement agglutinées de ma- nière à permettre la séparation des fossiles, tantôt enfin com- plètement désagrégées/ de telle sorte que les fossiles sont libres dans la roche. Cette assise renferme beaucoup de fossiles à sa base et a son sommet. Nous l’avons appelée Calcaire à oolithes Cannabines de Gravelotte , parce que c’est dans cette localité au- dessus des marnes de Gravelotte qu’on peut le mieux la suivre dans tout son développement. La troisième assise est un calcaire oolithique miliaire blanc éclatant ou jaune clair , qui se délite facilement; cette assise parait ne pas renfermer de fossiles; les bancs en sont parfois séparés par des lits très-minces de marnes contenant des concrétions colorées très-fortement en rouge ou en jaune. Lette assise est l’inverse de la précédente; elle la remplace NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 955 * quand l’autre manque; ainsi auprès de Longuyon ou àVillers- Saint-Etienne, les calcaires à oolithes cannabines manquent et sont remplacés par les calcaires à oolithes miliaires; aux envi- rons de Jarny, ces deux couches se pénètrent, ce qui démontre bien leur synchronisme. Cette assise a été appelée Calcaire à oolithes du Grand-Failly. 3° Calcaires terreux gris et marnes grises du Jarnisy. — Cette couche est généralement calcaire à sa base et même vers son milieu, tandis qu’elle est marneuse à son sommet. Les calcaires sont terreux, d’un gris terne, relevé parfois de taches bleues, à cassure grenue, d’une texture tendre; ils s’elfeuillent facile- ment à l’air et ne peuvent servir qu’à l’empierrement des routes. Vers le milieu de la couche, des bancs oolithiques ap- paraissent et forment ce que M. Barré appelle la Pierre de Friauville (Géologie de la Moselle). Ces oolithes sont intermé- diaires entre les deux formes que nous avons déjà décrites, et d’autant plus petites qu’elles sont plus serrées; ces bancs sont peu constants; en en suivant un dans son développement, on voit les oolithes devenir de plus en plus rares et même finir par être disséminées dans la roche et entourées d’une gangue jaune tranchant sur la couleur terne des calcaires ambiants. Aussi ces bancs oolithiques sont-ils bien ditférents de tous ceux qui se trouvent au-dessous. Les marnes de cette couche sont grises, peu argileuses. La pétrographie de cette couche est tellement différente de celles des autres couches de la 2e zone, et tellement identique avec celle de presque tout le bathonien supérieur, que nous avons hésité longtempsà accepter le mode de groupement que nous donnons. C’est par une étude approfondie des carac- tères de sa faune, que nous avons été conduits à lui donner sa vraie place. Ce mode de classification est, du reste, celui que donne M. Jacquot; ce géologue va encore plus loin que nous, car il mentionne à peine ces calcaires terreux et les considère comme une simple modification des calcaires inférieurs (1). Il fait, du reste, une observation excellente que nous avons vérifiée; c’est que, aux environs de Conflans, les dalles du calcaire de Friau- ville sont parsemées d’une croûte sableuse sur laquelle on trouve (1) Tandis que nous, pour la pétrographie et la faune, nous faisons de cette couche et de la suivante une transition entre les deux parties du ba- thonien, tout en la classant dans le bathon-.en inférieur. 9o6 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. des tiges amorphes qu’il attribue à des trouées d’acéphales. Il est possible que ces tiges amorphes soient les restes d’anciens végétaux aussi bien que les traînées remplies ultérieurement de certains acéphales. De plus, on peut ajouter que non-seulement les dalles de Friauville portent ces tiges, mais bien mieux des bancs de calcaire terreux encore plus supérieurs en renferment de nom- breuses. Ce fait est très-important au point de vue de la clas- sification générale; car, comme nous aurons à constater l’ab- sence d’une partie notable de la faune bathonienne, nous sa- vons à quel moment le fond de la mer est devenu rivage comme le prouve soit la présence des fucus, soit celle des acéphales voyageurs (1); seulement, ajoutons qu’un fort mouvement du sol nous paraît peu probable, car les marnes supérieures aux dalles en question reposent sur elles avec une concordance parfaite de stratification et renferment identiquement les mêmes fossiles. 4° Marnes noires à OstreaKnorrii de Friauville. — Cette couche des premières marnes noires à Ostrea Knorrii, ne renferme guère que le fossile en question, et Y Ostrea acuminata ; elle est constituée par des marnes noires très-argileuses ; aussi, la re- connaît-on facilement aux environs de Conflans par la ligne de prés humides placés entre des couches un peu calcaires et assez sableuses au-dessus et au-dessous. Aux environs de Jarny, unecoupe montre Y Ostrea Knorrii, commençant son apparition dans la couche inférieure avec les fossiles de cette couche et finissant par rester seule quand les marnes deviennent argi- leuses. Ce passage nous fait relier la couche des marnes noires à la 2e zone. FAüNE DE LA 2e ZONE. «2 Espèces provenant du bajocien. G2 — provenant de la lrB zone 72 — propres à la 2e zone. . . 3 2 — montant à la 3 e zone.. «2 Les espèces bajociennes qui montent dans la lre zone montent aussi dans a 2e, à deux ou trois près. g2 Ces espèces sont celles qui, apparaissant dans la lre zone se retrouvent aussi dans la seconde, non compris celles du groupe sur 308 espèces, (1) Ce fait se continue encore dans quelques bancs à la base de la 3e zone. NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 957 7 2 Ammonites Parkinsoni , Sow. Melania normaniana, d’Orb. Natica Bojociensis , d’Orb. — Lorieri, d'Orb. Trochus angulatus , Mii. — acasta , d’Orb. Turbo Davoustii, d’Orb. Alaria hamus, Desl. Cerithium granulato-costatumy Mü. Lima notata , Goldf. Lima tenuistriata, Mü. Rhynchonella acuticostata , Hehn. Heteropora Terquemi, J . Haime. Thamnastrœa Defranciana,J, Haime. <*2 Les espèces du groupe <î2 sont en général celles qui proviennent du ba- jocien ou de la lre zone, et traversent la 2e zone pour finir dans la 3e; ce- pendant il y a quelques espèces qui proviennent directement de la 2e zone ; elles sont au nombre de sept; ce qu’il y a de remarquable, c’est que toutes ces espèces qui naissent dans la 2e zone, commencent aux calcaires du Jarnisy. Nucula venusta , Tq. et Jdy. Avicula digitata. Desl. Pecten vagam , Sow. Ostrea Sou)erbyi} Mor. et Ly. Nous finissons ici le bathonien inférieur. C’est également à ce point que la carte géologique du département termine l’oolithe inférieure ; les couches supérieures sont classées dans l’oxford ien. Puisqu’il est question de la carte géologique, nous en profi- tons pour faire connaître notre manière de voir sur la partie qui traite du bathonien. Le texte et la carte sont du reste, en complet désaccord, et on concevra facilement ce fait quand on songe que l’adminis- tration du département a voulu absolument utiliser les notes de M. Reverchon, ingénieur des mines, décédé. Or, ces notes consistaient en une carte manuscrite qui dormait depuis vingt- cinq ans dans les cartons, à la mort de son auteur. Aussi, est-on peu surpris d’y trouver la science d’un autre âge, celle qui était de mode, même avant que M. Elie de Beaumont ne produisît sa carte. Hemithyris costata, d’Orb. Montlivaltia trochoides, J. Haime. Pholadomya ovulum, Ag. Pleuromya Jurassi , Ag. — (5 espèces nouvelles) . As tarte elegans , Sow. — (7 espèces nouvelles. Lucina, (8 espèces nouvelles). Trigonia cluthrata , Ag. Leda lacryma , Sow. Mytilus asper , Sow. Pecten Germaniœ, Goldf. Pecten fibrosus , Sow. Terebratula subresupinata, d’Orb. Pygurus Michelini . 958 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. La classification de cette œuvre posthume suffit pour démon- trer combien elle est en arrière de ce qui se fait aujourd’hui; nous mettons en regard notre classification. 0 — Oxford-clay,Kellowa,y-Rock ... I4 — Cornbrash-Forest marble Oolithes difformes I3 — Bradford-Clay Grande oolithe. . Oolithe jaune, Fuller’s earth pier- reux I2 — Fuller’s earth marneux E — Éboulements dans l’oolithe infre. 1 — Oolithe inférieure | Marnes de Conflans (3e zone), | Calcaires du Jarnisy. j 1 Calcaire du Gd Failly. > 2e zone. < Calcaire de Gravelotte.l I Marnes de Gravelotte. ] {Calcaire de Jaumont. / . rn > lr6 zone. Marnes de Longwy. ) | ?.... | Bajocien. Nous laissons de côté la division O sur laquelle nous revien- drons à propos dubathonien supérieur. La division I nous paraît assez peu claire; car si elle ne représente que les calcaires du Jarnisy, comment se fait-il qu’elle ne figure pas au-dessus des coteaux qui de Conflans à la ferme de Caulre couronnent les collines du plateau? Si elle représente l’ensemble des calcaires du Jarnisy et des calcaires du Grand-Failly, pourquoi n’est-elle pas visible sur la rive droite de l’Yron? La division de M. Reverchon fût-elle admis- sible, la coloration serait fausse sur ce point. La division I comprend un peu tout ce que l’on veut, entre autres choses, le calcaire de Jaumont. Or, selon nous, se trouve ici une des erreurs les plus graves de toute la carte. Si, peur dresser une carte géologique, on est quelquefois forcé de passer sous silence une couche très-mince dont la faune a quelque importance, on doit, autant que possible, mettre en relief une couche qui, par son épaisseur, sa constance, sa pé- trographie, et surtout son utilité pratique forme le trait le plus caractéristique de la géologie du département. Le cal- caire de Jaumont est dans ce cas ; et cependant, sur la carte sa couleur est la même que celle de beaucoup d’autres cou- ches marneuses et calcaires qui varient d’un point à l’autre, dont la pétrographie change et qui ne sont pas exploitées, tan- dis qu’une couleur spéciale est consacrée aux éboulements du calcaire ferrugineux (bajocien inférieur), idée d’autant plus sin- gulière que toute la berge gauche de la vallée de la Moselle est NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 959 couverte par les éboulements ou les glissements des grès et des calcaires par dessus les marnes du lias, comme le mont Saint-Quentin en est un exemple frappant. Dans le texte de la carte géologique. M. Jacquot repousse toute communauté d’idées avec M. Reverchon et essaye de s’appuyer sur les affinités paléontologiques pour mieux com- prendre la géologie. Nous avons vu le sort des Marnes à Ostrea acuminata et Marnes à Ostrea costata et les erreurs portant sur la constatation des calcaires du Jarnisy. Il divise son bathonien (notre bathonien inférieur) en deux groupes qui sont précisé- ment nos deux zones; là, nous sommes d’accord. Mais il dé- clare qu’au fond de sa pensée le calcaire de Jaumont est la grande oolithe de Bath et les marnes de Gravelotte sont le Bradford-clay, idée en retard de vingt années ; aussi le texte et la carte sont-ils plus d’accord qu’ils ne le paraissent. L’oolithe inférieure (correspondant au Lower oolithe) est di- visée en trois groupes: le premier comprend l’assise inférieure au calcaire ferrugineux et l’assise supérieure au calcaire à po- lypiers; le second (notre première zone) comprend l’assise in- férieure (marnes de Longwy) et l’assise supérieure (calcaire de Jaumont) ; le troisième (notre deuxième zone) comprend l’as- sise inférieure (marnes de Gravelotte) et l’assise supérieure (série des calcaires de la deuxième zone) (1). Le premier groupe n’est autre chose que le bajocien; le se- cond et le troisième correspondent très-bien à nos deux pre- mières zones mais avec une nuance qu’il est impossible de laisser passer. Pour nous, ces deux zones ont tellement de points communs (quant à la faune) que nous avons dû les réunir pour former une division d’importance égale à une des divisions du bajocien. Pour M. Jacquot, au contraire, le troi- sième groupe (deuxième zone) est « aussi distinct par sa pétro- graphie, que par sa faune, des deux précédents (page 260). » C’est admettre que ces trois groupes étant séparés par des différences égales, chacun des deux derniers est équivalent au premier, ce qui est absolument contraire aux faits paléontoîo- giques; car les deux zones renferment à elles deux plus de 350 espèces dont 47 seulement sont bajoeiennes, et cependant la faune du bajocien est extrêmement riche et renferme une faune bien aussi riche que celle du groupe des deux zones. Pendant qu’il y a à peine le Ij7 d’espèces communes, entre le (1) Géologie de la Moselle } pp. 251 à 263. 960 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. bajocien et le groupe des deux zones, la faune de chacune de ces deux zones est reliée à l’autre par des espèces plus nom- breuses que les espèces spéciales à la première zone etformant le quart des espèces spéciales à la deuxième zone qui possède un gisement exceptionnel. Ce qui démontre bien qu’après le premier groupe eut lieu un renouvellement de la faune in- comparablement plus considérable qu’après le second. Enfin, pour séparer plus nettement le deuxième groupe du troisième, M. Jacquot donne cette raison que les marnes de Gravelotte assistent à l’apparition de fossiles nouveaux, no- tamment le Clypeus patella (il aurait pu ajouter l’Ammonites Parkinsoni non moins caractéristique). « De là une différence de même ordre que celle qui résulte de l’apparition de l’Ostrea acuminata dans le second groupe, et qui justifie l’établisse- ment de cette division. » Or, les deux apparitions ne sont pas du même ordre, car la présence de l’Ostrea acuminata tant que la faune ne su oit que des variations secondaires et jusqu’à ce que la faune se modifie plus profondément est un caractère d’étage , landisque la présence du Clypeus patella , qui se constate tant que la faune ne subit aucune modification et qui cesse dès que cette faune change quelque peu est un caractère de zone. Nous n’insisterons pas davantage sur ces erreurs qui, mal- gré leur caractère peu important, nuisent à l’intelligence des rapports naturels des couches; nous les avons seulement mon- trées pour faire voir combien il était nécessaire de prendre une nouvelle direction dans la description de couches qui ont une grande importance par leur étendue et leurs caractères. C’est dans ce but que nous avons entrepris ce travail prélimi- naire de l’étude paléontologique, en envisageant la question au point de vue multiple des roches, de la faune et de la relation de notre terrain avec ceux du même horizon. Nous avons vu enfin le peu d’attention prêtée aux calcaires du Jarnisy, qui sont dignes comme étude de figurer dans les annales les plus intéressantes de la géologie jurassique, ce qui sera démontré plus loin. En somme, les dissidences avec M. Jacquot porteront plutôt sur 1 oxfordien dont nous parlerons un peu plus loin. Reprenons 1 exposition de notre stratigraphie. Jusqu’ici, nous avons trouvé des travaux antérieurs au nôtre; mais main- tenant les terrains en question n’ont pas été étudiés; situés dans un pays ou les communications sont difficiles, coupé par des failles qui déroutent facilement le géologue, couvert de NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 961 bois et de cultures, dépourvu de coupes, c’est à peine s’ils ont été explorés par trois ou quatre voyageur? dont les notes étaient insuffisantes pour donner une coupe complète. En soumettant nos recherches, nous ne sommes pas même certain d’avoir tout vu ; mais nous croyons que la succession des roches est aussi exacte que possible. II. — BATHONIEN SUPÉRIEUR. La deuxième partie du terrain que nous étudions offre une constance remarquable dans sa pétrographie; c’est à peine si le sommet offre une masse de calcaires différents de ceux du reste du groupe, et encore la transition entre ces deux sortes de calcaires montre bien qu’ils ne sont pas tellement diffé- rents. Et même, les caractères minéralogiques de ce groupe tout entier sont à très-peu près identiques à ceux du sommet de notre deuxième zone; au point qu’il serait impossible de distinguer les roches de ces deux groupes dans le cabinet. C’est pour cela que nous avons appelé l’attention sur les cal- caires bruns du Jarnisy, qui renferment la faune du bathonien inférieur et les roches du bathonien supérieur. Si la constance des caractères pétrographiques rend impos- sible une division du bathonien supérieur, qui a cependant une grande épaisseur, il faut avouer que la faune présente une mo- notonie à peu près égale. Cependant, en ayant égard à cer- taines conditions de groupement des fossiles, on peut y voir deux parties dont l’inférieure, zone à Ammonites quercinus (notre troisième zone) renferme des espèces peu variées mais très-abondantes qui s’éteignent à un certain niveau; à partir de là, on a bien de la peine à trouver quelques échantillons, et c’est cette partie du terrain si pauvre, surtout quand on la com- pare aux autres, que nous avons appelée la quatrième zone. § 1 . — Zone à Ammonites quercinus. 1° Marnes de Conflans. — Par-dessus les marnes noires à Ostrea Knorrii de Friauville, on voit reparaître un massif de marnes brunes, un peu sableuses, quelquefois noires et un peu argileuses, renfermant quelques bancs mal stratifiés, à demi délités, d’un calcaire brun avec taches bleues ; les marnes et les calcaires sont identiques aux marnes et aux calcaires du Soc. gèol.j 2° série, t. XXYI. 61 962 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. Jarnîsy. Les bancs calcaires sont très- désagrégés à la base de la zone, mais vers le milieu et non loin du sommet ils forment des bancs réguliers bien stratifiés, même mieux stratifiés que les calcaires du Jarnisy; ils ont de plus une couleur un peu plus claire (Béchamp-Moselle) (1). Les fossiles sont très-communs à la base, ce qui contraste nettement avec la couche à Ostrea Knorrii, qui est très-pauvre, à part son fossile caractéristique. Mais plus on s’avance, plus ils deviennent rares et finissent même par s’éteindre à une certaine hauteur; c’est à peine si quelques débris d’huîtres se rencontrent vers le sommet de la zone (Suxe, ferme de Neu- yron). Les particularités de cette distribution seront traitées plus loin. 2° Marnes noires , argileuses , à Ostrea Knorrii, de Rouvres. — fies marnes ressemblent complètement aux marnes à 0. Knorrii de Friauville qui couronnent le Bathonien inférieur, sinon qu’elles sont plus épaisses et plus argileuses; c’est la première couche du Bathonien, qui se trouve tout entière dans la Meuse; cependant il est probable qu’elle doit se rencontrer encore dans la Moselle, dans les bois de Suxe, derrière Dom- pierre. Elle acquiert dans la Meuse une certaine importance; elle occupe un bas-fond marécageux très-large devant Rouvres et se poursuivant jusqu’au près de Spaincourt, bas-fond qui donne de nombreux étangs, le lit du ruisseau du Haut-Pont et celui de l’Ohain, qui va se jeter dans la Chiers au delà de Longwy. Ces marnes couronnent la troisième zone, exactement comme celles de Friauville couronnaient la deuxième zone ; ces deux couches tellement identiques sont éloignées de plus d’une lieue. On est bien certain que ces deux couches mar- neuses sont à des horizons différents, car les marnes de Rou- vres sur la limite de la Moselle couronnent des collines dont la base renferme PA. quercinus, tandis que les marnes de Friau- ville sont surmontées par les couches qui renferment ce fossile; oi, cette partie de la Lorraine ne peut renfermer aucun ren- tl) Certains bancs calcaires présentent la par icularité que nous avons si- gnalée dans le bancs supérieurs de la 2e zone (pierre de Friauville). Ils deviennent oolithiques et plus du s (Suxe, Bécharnp), ce qui d nne parfois à 1 Orne des berges un peu. roides au lieu des pentes douces formées par les calcaires très-marneux. NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 963 versement; les failles y sont nombreuses, mais tellement faibles qu’il est impossible la plupart du temps de déterminer leur direction» Cette zone est la partie la plus supérieure du terrain juras- sique qui se trouve dans la Moselle. M. Reverchon, dans Sa carte, bavait à peu près reconnue en l’exagérant beaucoup et en y comprenant certaines parties des calcaires de Jarnisy. M. Jacquot, dans le texte, a très-bien séparé les deux parties grâce aux indications de la faune. Mais il a eu le tort de ne pas repousser l'assimilation de ce terrain à l’oxfordien, malgré les nombreuses restrictions de son collaborateur, M. Barré, qui a fourni les notes de cette partie du texte de la carte. M. Jacquot a admis l’oxfordien en se basant sur une liste de fossiles incom- plète et ne comprenant que des indications de genres. Il a vu surtout dans la présence de l’Ammonite d’abord déterminée par nous, A. Backeriœ, la preuve que ce terrain était bien l’oxford-clay; VA. Backeriœ est citée par plusieurs auteurs dans le bathonien supérieur aussi bien que dans l’ox- fordien; d’Orbigny lui-même y cite VA. sub backeriœ comme espèce voisine. 11 est vrai que, d’après un avis que nous par- tageons, on pense aujourd’hui que le véritable A. Backeriœ est un fossile exclusivement oxfordien, et que les espèces batho- niennes qui en approchent doivent être de nouveau étudiées; mais tout cela est un sujet d’études nouveau qui rentre dans un programme de révision de la plupart des espèces du ter- rain jurassique qui offrent un désordre semblable, comme on peut s’en faire une idée à la vue des listes de fosiles. Et voilà comment le département de la Moselle se trouve (sur la carte) enrichi d’oxfordien ! Quant à l’Ammonite en litige, nous l’avons reconnue très-différente de toutes les espèces figurées, et nous la décrirons sous le nom de À. quercinus (Terq. et Jourd.). Un incident orographique^sur lequel M. Jacquot insiste beau- coup, paraît à ce géologue une preuve de sa manière de voir; c’est que, aux environs de Confiants, les premières marnes de notre troisième zone forment des turnuli qui se détachent net- tement des calcaires et des marnes de la deuxième zone. Entre lechemin de ContlansàFriauvil!eetl’Yron(ruisseau), ces sortes de huiles sont assez nettement isolées du terrain inférieur dont les pentes sont bien distinctes. Les marnes de Friauville se relient très-bien aux calcaires du Jarnisy par des pentes douces; ces marnes très-argileuses déterminent à la limite des deux zones, toujours un peu sableuses, une ligne bien visible 964 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. de prairies, par-dessus laquelle les mamelons du bathonien supérieur se trouvent superposés (1). Cette observation est très juste et nous est aussi personnelle qu’à M. Jacquot (ou plutôt à M. Barré); mais son importance est bien faible, vu son peu de généralité. Ainsi ce fait n’est plus visible quand de l’Yron on passe au Longereau, ni dans la vallée de Thumerville. La raison en est qu’entre Conflans et Friauville, les calcaires de Jarnisy (comme à Jarny) se lient très-bien à leur sommet aux marnes de Friauville par leur faune et leurs marnes un peu argileuses, tandis que les marnes de Conflans, plus calcaires, ont des pentes très-différentes; mais au delà de Friauville, les marnes de Conflans sont argi- leuses à 0m,50 plus haut que les marnes de Friauville, ce qui devient insuffisant pour constituer des différences de pentes que l’œil puisse saisir. Quoi qu’il en soit, cette idée malheureuse de voir l’oxfordien à Conflans, loin d’étre un progrès pour la science, met cette partie de la carte au-dessous de celle de la France, dont elle devrait être le complément; malgré les notes que lui com- muniqua M. Reverchon, M. Élie de Beaumont, qui avait pu observer souvent la base de l’oxfordien, se refusa à le faire passer non-seulement à Conflans, mais même à Étain, ce qui est un peu exagéré, mais suffisant pour l’échelle de la carte de France. FAUNE DE LA ZONE A AMMONITES QüERCINUS. «3 Espèces provenant du bajocien. . . . S — de la lr0 zone 17 ( *> o — - delà 2e zone _ ) sur 54 espèces. , S ,ln.ua us PelIvent subir une sélection, tandis que ,;„n es â co|e, restent constants. Dans tout ceci, il n’est ques- ,^ue de variétés, car autrement on sorliraitdes faits. de Mm I€a-i Tryarea noiJS a paru la même que celle du bajoeien deTf!2’ de 'Gordien et du corallien de certains pays. baiocVnT Z°b°SCidm Ct loule la ?érie des au»res acéphales du resi„ (,e ‘ tzqui passent dans le bathonien, nous ont paru iusmf-a, ?U6S avec ei,x-mêmfis> quand ils n’arrivaient pas varL/ ,Ca C91re? du Jarnlsy» où se remarquent surtout les variétés piteressantes. ma^f^1?101?0/!68 D0US offreqt un charaP d’études très-vaste, travail ° Û dlfflcu^é nous force à nous remettre encore au conîme on aurait pu le prévoir, les calcaires du < y offrent une série magnifique de variations : la Tendra - i a omithocephala y prend peu à peu les caractères de la T. ^UI ada base de la 3e zone. M. Davidson pense qui est impossible de tracer une limite distincte entre ces uei|x espèces. D autres ■ faits relatifs aux Terebratula maxillata et intermedia, lym ione aconcinna, variam , concinnoides , quadripliçata, por- fera, eut sur des faits plus graves que les modifications de sim- m.’A Var'e.lé,S' Mais J élude des brachiopodes est si difficile, sa vanifoi* conj!erP°l>r caose ac«s doutes, l’inexpérience des savants et non la variabilité des espèces. Quoi qu’il en soit, entre Darwin et Cuvier, il y a de la place r« mb.T- deS tne0ries et surtout p°ur bien des faits. Puissent les matériaux que nous produisons, être le point de départ de (1) Certains individus du bathonien supérieur présentent un dédouble- ment de quelques cotes; il est probable que c’est le premier terme d’une série aboutissant à 1 Ostrea costata. NOTE DE MM. TER QU RM ET JOURDY. 971 recherches que M. Agassiz réclame si instamment clans son beau livre de l’Espèce ! Oxfordien. — Ayant ainsi critiqué l’empressement des au- teurs à faire descendre l’oxfordien jusqu’au sein des couches les plus évidemment bathoniennes, nous avons voulu voir par nous-mêmes quelle était la véritable limite. Nous ne l’avons pas vue en ce sens que nous n’avons pas tou- ché le contact, et nous regrettons que celte constatation soit impossible; mais à quelques mètres au-dessus des calcaires d’Etainetde Warcq, nous avons vu des marnes feuilletées noires, sans fossiles et même sans foraminifères, aussi azoïques que les marnes irisées, renfermant de petits cristaux de sulfate de chaux et de petites concrétions calcaires fortement colorées en blanc par du carbonate de chaux. On en voit une bonne coupe à Buzy, sur la rive droite de l’Orne. Au moulin de Bloucq, près d’Étain, des marnes que nous supposons supérieures à ces dernières, renferment une grande quantité de Trigonia clavçllata ; l’aspect minéralogique est le même. Les étangs commencent, vers cet horizon, à être nombreux, surtout au sud où la région marneuse est plus étendue. Quand on cherche à reconnaître la série des couches oxfor- diennes en s’avançant entre Etain et Verdun , on voyage dans un pays monotone, très-plat; les quelques petits plis de ter- rains qui le traversent sont occupés par des ruisseaux où l’eau est assez abondante; de distance en distance, des étangs. La terre végétale d’une couleur noirâtre, ne donne aucune tran- chée; c’est à peine si dans quelques fondrières on peut se ren- dre compte du sous-sol; alors on voit une espèce de gravier calcaire dont les éléments ont la grosseur d’une noisette. Ce gravier qui couvre une grande surface de cette partie de la Meuse, se trouvait déjà dans la Moselle, aux environs de Jarny, sur le sommet des collines les plus élevées, au fond de la val- lée de l’Orne, de Conflans à Étain, et de distance en distance sur quelques coteaux; il atteint partout une épaisseur assez considérable. Il contient des fossiles roulés qui appartiennent au ba- thonien, à l’oxfordien et probablement au corallien. Cette alluvion est pour nous une énigme dont nous n’avons rien trouvé dans le texte de M. Jacquot, mais qui est indiquée dans une coupe des environs de Conflans, donnée parM. Barré. 972 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. Synchronismes, Nous pensons que les deux premières zones représentent à peu près le Fuller’s earth d’Angleterre, avec cette différence que la distribution des fossiles n’est pas identiquement la môme. De plus, la couche des calcaires du Jarnisy, qui fait, réellement partie de la deuxième zone, n’a rien d’analogue en Angleterre; c’est probablement une particularité locale tenant à l’absence d’un grand nombre de couches formant ordinaire- ment la partie moyenne du bathonien. Beaucoup de géologues appellent encore Fuller’s earth la base du bathonien; c’est un nom assez commode parce qu’il est mal défini, mais dangereux précisément par le vague qu’il laisse dans l’esprit. II n’y a certainement pas un géologue an- glomane qui sache ce que c’est que le Fuller’s earth qu’on prend volontiers pour une couche type. Depuis longtemps M. Marcou a attaqué ce système bizarre, qui consiste à carac- tériser par un nom anglais des couches mieux déterminées en France qu’en Angleterre; et la raison qu’il en donne est que la formation jurassique anglaise a été tout entière formée dans un golfe très-allongé, soumis continuellement aux influences perturbatrices du continent, comme le prouvent et la présence de grès, de plantes terrestres intercalées dans les couches, et l’apparition intermittente de faunes d’eau douce. Pour le Ful- ler’s earth, la difficulté de définir quoi que ce soit est des plus saillantes. L’histoire des progrès de la géologie montre bien que M. d’Archiac lui-même n’a pu trouver de caractéristique pour cette couche à laquelle il a rapporté tant bien que mal le bathonien inférieur partout où il le trouvait. Mais, sans recourir à une époque où la paléontologie était encore dans les limbes, il suffit d’ouvrir le Catalogue du musée de géologie pratique par H. Huxley et B. Etheridge, pour voir que le Fuller’s earth est le rendez-vous de toutes les espèces nomades com- prises entre le lias et 1 oxfordien; et cependant les détermina- tions de M. Etheridge sont en général assez estimées par les connaisseurs; bien plus, M. Murchison, dans la préface de ce catalogue, déclare qu’on doit attacher une confiance entière aux déterminations. Nous ne sommes pas allés en Angle- terre vérifier les faits, mais M. Ralph Tate a bien voulu nous adresser une étude du Fuller’s earth de sa patrie. L’opinion de ce savant est que beaucoup de déterminations sont fausses, ce NOTE DE MM. TERQUEM ET JOURDY. 973 qui s’explique par leur date; de plus, il pense que bien des couches, qu’on croyait du Fuller’s earth, sont réellement de Yinferior oolite ou du great oolite. Il cite l’opinion du pro- fesseur Ramsay qui doit renverser les idées des anglomanes; d’après ce savant, le Fuller’s earth n’est qu’une zone de la grande oolilhe qui n’a pas de caractères spéciaux, ni par l’é- tendue, ni par la faune, et qui n’a pas même le mérite d’être une zone de transition entre l’inferior oolite et le great oolite, car, dit-il, les espèces de l’inférior oolite qui passent dans le Fuller’s earth passent aussi plus haut. M. Tate ne par- tage pas cet avis, mais, par la raison que la plupart des espèces intéressantes, et elles sont nombreuses, ne sont pas encore décrites, et que leur distribution n’est pas connue. Voilà donc ce terrain dont on fait un type! il n’est pas connu. Aussi ne trouvera-t-on pas illogique que nous ayons refusé complètement de prendre pour base de notre classifica- tion des données aussi incertaines. Dans notre mémoire, nous suivons le synchronisme du bathonien depuis les Ardennes jus- qu’au Jura; nous montrons le bathonien inférieur atrophié au pied des Ardennes, tandis que le bathonien moyen y est riche- ment développé. Sur le revers occidental des Vosges, l’inverse se produit et le bathonien supérieur commence son apparition, ayant dans sa faune un grand nombre des espèces de la base du bathonien. Quand on arrive au Jura, on voit que les trois sous- étages du bathonien ont tous trois un développement normal. Ce travail de synchronisme est basé sur les listes de fossiles des auteurs qui ont traité de ce terrain. Sa conclusion est : l°Que le bassin de Paris, pas plus que l’Angleterre, ne peut servir de type au bathonien; 2° Qu’il faut prendre le Jura; 3° Qu’une même province zoologique embrasse le bassin de Paris et le Jura, les caractères étant typiques dans ce dernier, tandis qu’ils s’atrophient dans le premier; 4° Que l’Angleterre est dans une région zoologique différente, et par conséquent toute comparaison immédiate est nécessairement fausse. Quelques observations sont présentées sur cette commu- nication par MM. Belgrand, Hébert et Levallois. M. Tournouër fait les communications suivantes au sujet des terrains miocènes des environs de Paris et du sud-ouest de la France. 974 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. Sur des Nummulites et une nouvelle espèce d'Echinide trouvées dans le « miocène inférieur » ou « oligocène moyen » des environs de Paris, par M. R. Tournouër. J’ai l’honneur de mettre sous les yeux de la Société géolo- gique des Nummulites trouvées dans les couëhes à Natica cras - satina de Jeures et d’Etrechy, près d'Etampes, c'est-à-dire dans les couches fossilifères, bien connues des géologues pari- siens, qui s’observent à la base des sables de Fontainebleau. Les nummulites n’avaientpasencoreété signalées dans le bassinter- tiaire de Paris à un niveau supérieur à celui des « sables moyens de Beauchamp » où abonde dans quelques localités la N .vario- laria Lk. Leur découverte dans les «sables de Fontainebleau », où elles avaient échappé jusqu’à présent à toutes les recher- ches dont cet étage a été l’objet, est due aux précieuses inves- tigations de notre confrère M. Bezançon, qui en a recueilli une quantité assez notable, en triant le sable contenu dans l’in- térieur des grosses Natica crassatina. Sans pouvoir pour le moment préciser, comme je le vou- drais, l’espèce à laquelle cette nummulite doit appartenir (mais l’attribution générique , qui est ici la plus importante, est hors de toute contestation), je puis dire qu’elle fait partie du groupe nombreux des N. striata de MM. Haime et d’Archiac. De moitié plus petite et moins épaisse que la N. striata, Brug. de Faudon, elle est à peu près de la taille et de l’épaisseur de la N. planulata , Lk,, des sables suessoniens de Cuise, dont elle se rapproche par sa forme amincie sur les bords et légère- ment renflée au milieu, par les filets légèrement ondulés qui rayonnent du sommet sur la surface, et par sa structure inté- rieuie qui montre à la section 5 tours de loges seulement, en- roulés autour d une lame spirale assez mince et divisés par de nombreuses cloisons légèrement arquées. Elle me paraît même plus près du type de la N. planulata de Cuise que la nummulite de Gaas queM. d’Archiac en considère comme une simple variété, et qui est plus petite et plus globuleuse. Si elle devait cependant, après un examen plus détaillé, former une espèce nouvelle, le nom de Nummulites Bezançoni lui revien- drait de droit. Je me suis chargé volontiers, pour M. Bezançon, du soin de porter sa découverte à la connaissance de la Société géologi- que, paice que cette communication me donne l’occsision de NOTE DE M, TOURNOUER. 975 rappeler et de compléter celle que j’ai faite moi-même, il y a quelques années, « sur la présence des Nummulites dans l’étage à Natica crassatina du bassin de l’Àdour, » [Bull., 2e sé- rie, t. xx, p. 649, 1863). Aujourd'hui, et à ma connaissance, les Nummulites qui appartiennent à cet étage dans le S. O. de la France, sont les suivantes : ' * Nummulites intermedia , d'Archiac. — Lucasana, Defr. — Rouaulti , d’Arch. — variolaria , Lamk, var, — Garansiana, Joly-Leym. ( Garansensis , d’Arch.). — planulata , Lamk., var. Sous le rapport de leur distribution stratigraphique et géographique : La N. planulata , var. se trouve à Gaas (Landes), à la base de laformation, dans la marnière inférieure de Lesbarritz ouEspi- bos; et exactement comme à Jeurre, c’est dans l’intérieur des grosses coquilles (Natica crassatina , Strombus auricularis , etc,), qu’on la recueille facilement, avec quantité d’autres foramini- fères et bryozoaires très-variés. La N. Garansensis se trouve à Gaas également, et à un niveau à peu près semblable ou un peu plus élevé, dans la carrière de Garanx; elle est également abondante dans les carrières de Lahosse et de Lourquen près de Montfort (Landes), en associa- tion avec les mêmes fossiles, et particulièrement avec VEchi- nocyamus piriformis. Elle se trouve aussi, mais rarement, au Tue du Saumon, avec la N. intermedia. Les A. Lucasana et N. Rouaulti sont citées de Gaas par MM. Haime et d’Archiac; sans que je puisse dire au juste à quel niveau elles appartiennent. La N. intermedia , espèce caractéristique des couches à Eus- patangus ornatus de la falaise de Biarritz, est la nummuiite la plus répandue dans l’étage du « calcaire à Astéries », et elle y occupe une situation que je crois très-constante à la partie supérieure de la formation. Dans le bassin del’Adour d'abord, elle se trouve avec une extrême abondance au Tue du Saumon (commune de Lherlé), dont j’ai donné la coupe (loc. cit .), à plusieurs mètres au-dessus des calcaires coquilliers à Natica crassatina, et sur une étendue de près de 2 kilomètres. A Gaas, je n’avais pas pu, lors de ma communication, à cause de l’état des lieux, constater bien précisément son gisement; mais de- 976 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. puis, j’ai eu l’occasion de le vérifier plusieurs fois: il se trouve à la partie supérieure de la marnière de Lesbarritz où l’on peut ramasser les nummulites par poignées dans le sentier au-dessus de la marne à grosses natices, et dans la petite mar- nière voisine de Larrat, également dans une couche de marne jaune qui surmonte les marnes grises à Delphinula scobina. Enfin elle se trouve aussi, mais rarement, dans la carrière de Garanx. — Je n’avais pas pu non plus à cette époque consta- ter de nummulites dans la grande formation du calcaire à astéries du bassin de la Garonne, et j’avais même signalé la singularité de ce fait; mais postérieurement à cette note, je les ai retrouvées en abondance aux environs de Meilhan (Lot et Garonne), sur la limite méridionale du dépôt, où elles forment, particulièrement sur la rive droite de Lisos, un véritable banc, arénacé, jaune, intercalé dans des calcaires riches en emprein- tes de Cerithium calculosum , Bast. ? Cerühium diaboli , Brgt., etc., et appartenant par conséquent, à ce que je crois, à la partie supérieure du calcaire à astéries. Parmi ces nummulites, dont l’immense majorité appartient à la N. intermedia , M. d’Archiac a reconnu aussi la N. variolaria , Sow. var. ce qui est intéres- sant. (V. Comptes rend. Ac. sc. 31 juillet 1865). Ce gisement de nummulites du bassin de la Garonne se relie pour moi à ceux du bassin de l’Adour, dont j’ai parlé plus haut, par le gisement intermédiaire de N. intermedia de Roquefort dans les Landes, découvert par M. Raulin, et que j’ai rapporté à l’étage du calcaire à astéries, à cause de l’association de ces nummu- lites avec une petite huître ( Ostrea radicula*? Raul. Delb), qui se trouve précisément en abondance dans le môme étage à Beau- puy en face de Meilhan et ailleurs. Ainsi la présence des nummulites et même d’espèces va- riées, toutes de petite taille, est parfaitement constatée main- tenant dans toute la grande formation du S. O. de la France qui est connue sous le nom de « calcaire à astéries » et qui par sa position slratigraphique , incontestablement supérieure dans la Gironde aux formations paléothériennes, doit être ran- gée dans le même groupe de terrains marins dont les sables de Fontainebleau forment auprès de Paris la partie supé- rieure (1). (1) Des nummulites avaient été aussi signalées dans les lambeaux ter- tiaires de Saint-Jacques et de la Chausserie, près de Rennes en Bretagne, que j’ai reconnu appartenir à l’étage des sables de Fontainebleau (Bull., NOTE DE M. TOURNOUER. 977 En dehors de la France, en Italie, dans les couches ligu- riennes de la Bormida, qui sont tout au plus du même âge que le calcaire à Astéries, les Nummulites ont été également citées depuis très-longtemps; et leur abondance dans ces ter- rains a même motivé pour eux la dénomination de «nummu- litique supérieur » qui n’a pas servi à rendre leur classement plus facile. M. Michelotti ( Miocène inférieur. Harlem, 1861) cite de cet étage, outre deux espèces très-intéressantes d’Or- bitoïdes , quatre espèces de Nummulites, savoir : N. intermedia , d’Arch . . ) A. Biarritzensis , d’Arch. . ) N . striata , d’Orb et A. perforata, d’Orb deux espèces de la falaise de Biarritz. Espèce de Faudon dans les Hautes- Alpes françaises. Grosse espèce, caractéristique, dans le bassin de l’Adour, des terrains num- mulitiques proprement dits à Serpul spirulœa et associée dans ce bassin aux N. intermedia et N. Biarrit- zenzis . Dans le Vicentin, les couches du groupe de Gastel-Gomberto, que j’ai proposé le premier en France de séparer des couches plus anciennes de Roncà et de rapporter à l’horizon du cal- caire à astéries, contiennent aussi plusieurs espèces de nummu- lites, parmi lesquelles même, d’après ma collection, se trou- verait la grande iV. complanata? qui m’a été envoyée de monte Carlotto, avec la Natica angustata , Grat. Y Hemicardium carina- tum, Bronn, etc. Mais je ne puis pas certifier autrement cette provenance. Enfin, dans le « nummulitique supérieur » des Alpes fran- çaises et du Valais (Faudon, les Diablerets, etc.), que je per- siste à regarder comme faisant partie du même système, à cause de la prédominance dans cette faune des éléments ca- ractéristiques de Castel-Gomherto et du calcaire à astéries, on trouve également, en très-grande abondance, deux espèces de nummulites : N. striata , Brug. sp., et N. contorta, Desh. En résumé, dans toute la zone méridionale de ces terrains t. XXV, p. 367). Mais ces prétendues Nummulites soumises à l’examen de M. d’Archiac ont été déterminées par lui comme étant des Cyclolina et constituant une nouvelle espèce de ce petit genre, à laquelle il a imposé le nom de Cyclolina Armorica [Ibid., note). Soc. géol ., 2e série, t. XXVI. 62 978 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. qualifiés tantôt de miocène inférieur, tantôt de nummulitique supérieur, et qui appartiennent pour moi, quoique à différents niveaux sans doute, à un môme groupe, à un même grand en- semble, la présence des nummulites est la règle. Au con- traire, dans les couches que, dans une zone plus septentrio- nale, on regarde généralement maintenant comme apparte- nant à la môme époque géologique (sables de Fontainebleau, à Paris; tongrien, en Belgique; oligocène moyen, en Alle- magne), les nummulites étaient absentes jusqu’à présent. Les voici constatées à Paris : ce n’est pas là, d’après ce que nous venons de dire, un fait inattendu ou embarrassant; c’est au contraire un fait confirmatif des synchronismes proposés, et un lien paléontologique de plus entre deux groupes dont les faunes présentent de très-grandes différences, des différences telles, que, dans l’hypothèse de leur parfaite contemporanéité, elles ne peuvent s’expliquer que par la supposition d’une bar- rière, d’une terre ferme séparant presque complètement deux bassins opposés. En soi-même, la présence des nummulites dans un terrain, est un lait, je l’ai déjà dit, dont l’importance ne doit pas être exagérée, mais dont la valeur ne doit pas être non plus com- plètement méconnue. Les nummulites jouent un trop grand rôle dans la caractérisation des terrains tertiaires, pour que la détermination de l’horizon où elles disparaissent n’ait pas son intérêt, comme pour tout autre genre important de fossile, de quelque classe et de quelque terrain qu’il soit. Jusqu’à présent cet horizon est supérieur à celui des sables de Fontainebleau et des couches synchroniques, où les nummulites sont encore abondamment répandues, et probablement inférieur au mio- cène proprement dit, aux faluns, dans lesquels ce genre pa- raît être éteint ou à peu près; et par ce fait, joint à beaucoup d’autres de l’ordre paléontologique et de l’ordre stratigra- phique, dont il ne faut pas le séparer, je suis porté à croire que cet ensemble de couches (couches de Fontainebleau et autres) se relie en définitive de plus près au grand groupe des terrains tertiaires inférieurs qu’à celui des terrains supérieurs ou néo- gènes. J’avais été frappé en 1863, trop frappé sans doute de ces considérations, en étudiant le bassin de l’Adour. Mon ami M. Malheron s’est élevé « avec énergie » dans sa note sur les dépôts tertiaires du Médoc (Bull. t. xxiv, p. 222, etc.) contre ma manière de voir, et j’ai reconnu alors (ibid., p. 837.), et je reconnais encore aujourd’hui bien volontiers que j’avais été NOTE DE M. TOURNOI' ER. 979 trop loin sans doute à cette époque, non pas en rangeant Gaas dans le grand groupe des terrains tertiaires inférieurs par oppo- sition au groupe supérieur des vrais faluns, ce que je maintien- drais encore si l’on voulait n’admettre que deux grandes divi- sions dans l’époque tertiaire, mais en rapprochant sous la même accolade, comme sous-divisions d’un même groupe, les faluns de Gaas et les couches de Biarritz à Nummul. intermedia. Mais voici que les derniers travaux de M. le professeur Suess sur les dépôts tertiaires du Yicentin, publiés dans le Bulletin de l'Aca- démie impériale de Vienne , juill. 1868, concluent à prouver par des observations stratigraphiques directes, que les couches de Priabona, c’est-à-dire les couches qui sont le gisement principal de la Serpula spirulœa , des Orbitoïdes, du Schizaster rimosus , etc., (qu’on avait justement parallélisées avec celles de Biarritz) sont superposées à celles de S.Giovanni-Ilarione, à celles du tuf de Roncà, du grand calcaire à nummulites de Roncà et du dépôt d’eau douce qui le termine ! et que consé- quemment « on a beaucoup exagéré jusqu’à présent l’ancien- neté géologique de ces couches de Biarritz » dont une partie au moins serait supérieure au ((calcaire grossier,» et pro- bablement égale aux « sables moyens » du bassin de Paris , si j’ai bien compris la portée de ces observations nouvelles. Si ces observations ne sont pas détruites, si les faits avancés par M. Suess ne sont pas renversés, il en résultera sans doute que le rapprochement que j’avais proposé entre Gaas et les der- nières couches de Biarritz , quoique exagéré, n’est pas aussi extraordinaire, ni l’abîme qui sépare ces deux groupes aussi profond qu’ils pouvaient le paraître. La différence qui les sé- pare, quoique encore très- réelle, semble en effet devoir se réduire à celle qui sépare dans le bassin de Paris les « sables moyens » des premières couches marines « supérieures au gypse» ; et pour ma part, et en tenant compte des nouvelles recherches faites depuis plusieurs années dans les gypses mêmes de Paris, je ne vois rien que de très-admissible à ce que plusieurs fossiles et en particulier quelques espèces d’ani- maux d’une classe très-inférieure comme les nummulites, se retrouvent à la fois dans l’un et dans l’autre des deux groupes marins et persistent jusque dans le groupe supérieur. Dans celui-ci, ces représentants des faunes éoeènes proprement dites se trouvent associés à des types nouveaux, caractéristi- ques au contraire des faunes plus récentes; ainsi, pour s’en tenir aux foraminifères, les nummulites sont associées à Gaas 980 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. à des types miocènes, si je ne me trompe, d 'Operculina, Hete- rostegina , Globigerina , Quinqueloculina , etc. Mais ce mélange de types anciens et de types nouveaux qui n’est pas spécial aux Rhizopodes, ni même à la classe des Invertébrés, est précisé- ment le caractère de ce groupe transitoire de terrains que les géologues allemands ont désigné pour cela sous le nom d’ Oli- gocène; classification qui ne me paraît ni plus ni moins artifi- cielle qu’une autre, et expression dont je me sers volontiers pour ma part comme représentant à l’esprit un certain en- semble qui se saisit assez bien, dans la grande série des ter- rains tertiaires. Des mêmes terrains du miocène inférieur des environs de Paris, et de la même collection de M. Bezançon, j’ai encore à signaler et je mets sous les yeux de la Société un autre fossile intéressant: c’est une sorte de petite et élégante Scutelle qui a été trouvée dans les marnes à Ostrea longirostris de Massy près de Paris, sur la ligne d’Orsay. Au point de vue zoologique, cette Échinide est intéressante : car non-seulement elle doit constituer une espèce nouvelle, mais elle présente même, sous le rapport générique , des carac- tères particuliers qui rendent assez difficile son attribution à l’un des genres existants. La position tout à fait supère de l’anus fait d’abord penser à la ranger parmi les Scutellina. Mais elle s’en éloigne et se rapproche au contraire des vraies Scutella par tous les autres caractères extérieurs et intérieurs, autant que j’ai pu m’en assurer. C’est en effet une véritable Scutelle en miniature, par sa forme générale d’abord, plate, sub-circu- laire et à contours sinueux, qui rappelle, en l’exagérant, la forme de la Scutella striatula du S. O. du même horizon par ses petales ambulacraires bien formés et dont les pores sont conjugués par des petits sillons visibles sur quelques in- dividus bien .conservés — par l’existence de sillons ambula- craires Lien maïqués et anostomosés sur la face inférieure — • enfin, par la structure intérieure qui ne présente pas de cloi- sons rayonnantes comme dans les Scutellines, mais une cavité centrale avec des bords caverneux à piliers massifs , comme dans les Scutelles proprement dites. C’est donc une vraie Scu- telle à anus supère ; et ce dernier caractère étant souvent pris en grande considération surtout pour la ^nomenclature des Lchinides fossiles, et étant tout à fait anormal dans le type Scutelle, je me crois autorisé à faire de cette petite espèce le » NOTE DE 31. TOURNOUER. 981 type d’un sous-genre de la tribu des Scutelliens, auquel je donnerais le nom de Scutulum , pour rappeler ses très-grandes affinités avec le type ScuteUa dont je le détacherais. Ladiagnose de ce nouveau type, que j’établis sur l’observation d’un assez grand nombre d’individus, une dizaine de différents âges, des collections de MM. Bezançon et Lelorrain, qui proviennent tous de la même localité et qui offrent tous des caractères constants* serait la suivante : Scutulum parisiense. Fig. 2. Fig. i. Petite espèce, plate, suborbiculaire et très-largement sinueuse dans le jeune âge, subpentagonale à l’état adulte et alors un peu plus large que longue, étroite et sinueuse en avant; dilatée, profondément sinueuse e tronquée en arrière. Face supérieure légèrement renflée au milieu. Face in- férieure plane et même légèrement concave et sans sillons apparents dans le jeune âge ; plus tard, inégale, et marquée de cinq sillons ambulacraires distincts et ramifiés. Sommet un peu excentrique en arrière; plaque ma- dréporiforme saillante; quatre pores génitaux. Étoile ambulacraire com- posée de cinq pétales larges, presque fermés, occupant la moitié de l’espace compris entre le sommet et l’ambitus ; zones porifères égales à l’espace qui les sépare; pores conjugués. Périprocte supère, assez grand, sensiblement éloigné du bord. Péristome grand, un peu excentrique en arrière. Test cou- vert de petits tubercules égaux sur les deux faces, et qui se répandent éga- lement sur les zones porifères et interporifères des ambulacres. Diamètre transversal, maximum. 33 millim. — antéro-postérieur, — 31 — Loc. Massy, près Paris. Étage : miocène inférieur (oligocène moyen), dans les marnes à Ostrea longirosiris . j A un autre point de vue que le point de vue zoologique, cette espèce est également intéressante à signaler. C est eu m SÉANCE DU 2! JUIN 1869. effet la première espèce d’Échinide à ma connaissance qui soit bien constatée dans l’étape du miocène inférieur du bassin de Paris. On trouve, il est vrai, l’indication de la Scutella striatula , Marcel de Serres, « à Belleville près de Paris, » dans le pro- drome de d Orbigny , falunien A ou tcngrien, n° 298. La Sc. striatula étant une espèce caractéristique du calcaire à astéries de Bordeaux, sa mention au même niveau aux environs de Paris est très-intéressante; malheureusement, je n’ai pas pu retrouver dans les collections la trace de cette Scutelle de e evi e, et il faut attendre que de nouvelles découvertes viennent confirmer cette indication (1). Les couches synchroniques de l’oligocène allemand ne sont guere plus riches; et cette pauvreté, qui se retrouve aussi pour les Polypiers, fait contraste avec la richesse relative de ces deux c uses dans la zone méridionale du même étage et don- nerait lieu à des considérations analogues à celles que nous ve- nons de présenter à l’occasion des nummuiites. Étant occupé dans ce moment-ci même, d’une révision de tous les Échino- dermes du calcaire à astéries, j’attendrai la tin de ce travail pour en exposer les résultats à la Société géologique. (1) Des renseignements tout récents, que je dois à M. Desmoulins, me permettent d éclaircir ce point de bibliographie. Ce n’est point Belleville « près de Paris » qu’il lant lire; mais Belleville « près de Bordeaux, » quartier de Bordeaux, comme Terre-Nègre, cité également par MM. Agamis et Desor (Catal. rais.), qui tenaient de M. Desrooulins lui-même, sans doute, cette indication, qui n'a pas été textuellement reproduite par d’Or- bigny, mais laussement interprétée par lui. — Je tiens aussi de M. Raulin qu U a trouvé, il y a tort longtemps, une petite Scutelle dans les marnes à O. iongirostns de Longjumeau; je ne l'ai point vue, mais il y a bien à pré- suuigf que g est notre espèce de Massy. Enfin et tout récemment, M. Bezançon vient de me montrer un échan- tulon parfaitement conservé de Seat, parisiens* qu'il avait recueilli dans les ables d Ormoy, près d'Etampes. L’espèce est donc maintenant constatée A la tos à la base et au sommet de la formation de nos sables de Fontaine- { Note ajoutée pendant V impression). NOTE DE M. TOURNOUER. 983 Sur r âge géologique des « mollasses de VAgenais , » à propos de la découverte de nouveaux débris cPElolherium magnum et de di- vers autres mammifères dans les terrains tertiaires d'eau douce du département de Lot-et-Garonne ; par M. R. Tour nouer. J’ai eu l’honneur de communiquer à la Société, il y a trois ans, ( Bull 2e série, t. xxiii, p. 763, 1866), divers débris intéressants de mammifères trouvés par M. Combes, à Ville— bramar (Lot-et-Garonne), dans des mollasses dépendant, selon moi, du miocène inférieur du bassin du S. 0. J’ai à l’entrete- nir aujourd’hui de plusieurs autres débris recueillis depuis cette époque dans la môme commune, les uns par M. Combes, les autres par M. de Bona!, à qui l’on est déjà redevable de la découverte du Palœotherium girundicum dans les gypses de Sainte-Sabine dont j’ai parlé incidemment dans 1 eRulL, t. xxrv, p. 385. Les premiers débris recueillis par M. Combes, à Villebra- mar, dans la carrière Bordes, située sur le flanc gauche d’un petit affluent du Tolzac, à une altitude estimée 80 à 90 mètres, et que j’ai présentés à la Société, étaient les suivants : Une prémolaire de Rhinocéros , de taille moyenne; Une dernière molaire supérieure droite, mesurant 20 mill. de longueur, d’un petit Anthracotherium; Et un fragment de maxillaire droit, avec les trois dernières molaires en place d’un Paloplotherium ( Paiopl . annectens?). Postérieurement, j’ai reçu une nouvelle communication im- portante de M. Combes du même lieu et contenant ; De nombreux et beaux fragments de cinquième et sixième molaire supérieure, droite et gauche, de Rhinocéros de taille moyenne, remarquables par un bourrelet continu et très- saillant; Une arrière-molaire inférieure droite de Paloplotherium an- nectens ? Deux molaires supérieures, non entières, la dernière et l’avant- dernière? d’un Paléothérien de taille intermédiaire entre le Paloploth. année te ns et le Palœotherium medium ou crassum; pièces à étudier; Et plusieurs belles pièces dé Anthracotherium magnum , sa- voir : 1° Une dernière molaire supérieure droite, eu très-bel état, 984 SÉANCE DU 21 JUIN 4869. mesurant 45 rnill. dans le sens antéro-postérieur, et 48 milL dans le sens tranversal sur la face postérieure; 2° Une prémolaire inférieure gauche? très-usée; 3° Deux canines inférieures très-usées, comprimées mais non carénées, mesurant avec la racine 13 et 15 centimètres- Enfin, une grosse canine supérieure, très-obtuse, que ie rapporte au même animal. M. Combes a rappelé lui-même ces découvertes dans une note publiée dans les actes de la Société d’agric. sc et arts d’Agen, t. if, S* série, 1868, dans laquelle il mentionne, en outre , avoir recueilli également à Villebramar « des restes d’un grand Palœotherium » que je n’ai pas vus : indica- tion dont je ne puis pas par conséquent prendre la rêsponsa- bilité. r Plus récemment enfin, j’ai reçu communication par M. de Bon al de diverses pièces fort intéressantes qu’il avait recueil- lies de son côté, dans la même commune de Villebramar mais dans une autre carrière située à deux kilomètres à l’O.’ u village sur la route de Boisverdun, sous un banc de 2 mè- tres environ de tuf calcaire exploité, et à 30 ou 35 mètres du tond de la vallée; à un niveau par conséquent un peu plus élevé que celui de la carrière Bordes, mais toujours dans la même mollasse, et que j’estime être à 100 ou 420 mètres d’al- titude absolue, le confluent des eaux en aval, au-dessous de Tombebœuf, étant coté à 70 mètres environ sur la carte de 1 état-major ;' ces pièces nouvelles sont : Plusieurs dents de Rhinocéros de moyenne taille , savoir • Une dernière molaire supérieure droite, avec un bourrelet très-marqué, qui monte très-haut sur la face interne ; Une troisième prémolaire supérieure gauche de la même espece; Une dermere molaire inférieure gauche, qui paraît iden- tique a une dent du calcaire à astéries de Monségur (Gironde) que M. Uartet a rapportée au Badactherium latidens , Croizet ( ull. , t. XXIII. p. 591), et mesurant 55 mill. de longueur; Une dernière molaire inférieure droite de petit Rhinocéros présentant les mêmes caractères que la précédente, mais ne mesurant que 30 millim. au plus ; Deux dernières molaires supérieures et une dernière mo- laire inferieure de ce Paloplotherium déjà trouvé par M Com- bes et sensiblement plus grand que le Palopl. annectens; Une dernière molaire supérieure droite, parfaitement con- NOTE DE M. TOURNOUER. 985 servée, de petit Anihracotherium type, mesurant 28 millim. de diamètre antéro-postérieur, sur 29-30 de diamètre transversal, et qui semble exactement conforme pour la taille et pour les détails, à une dent similaire opposée d ’Anthrac. alsaticum, Cuv. de Lobsann qui existe dans les galeries de géologie du Muséum de Paris; L’autre plus petite arrière-molaire supérieure de petit An- thracotherium , citée plus haut et trouvée antérieurement par M. Combes, semble également se rapporter très-bien à une autre petite dent d'Anthr. alsaticum, de Lobsann, de la même galerie ; Enfin, plusieurs dents., et ce sont les plus intéressantes, appartenant incontestablement à Y Elotherium magnum , Po- mel. L 'Elotherium, type rare et intéressant de grand Pachyderme suillien, qui se retrouve en France dans les calcaires de Ron- zon, près du Puy-en-Velay, sous le nom d ’Entelodon, Aymard, et dans l’Amérique du Nord, dans les « mauvaises terres de la Nebraska, » probablement sous le nom d ’Archœolherium, Leidy, a été décrit par M. Pomel (Bull., Soc. géol. , 2e série, t. iv, p. 1083; 21 juin 1847), d’après une pièce provenant « du bassin de la Gironde » sans aucune autre indication de gise- ment. Plus tard, comme on peut le lire dans M. Noulet (Ré- partit. stratig. des foss. dans le miocène du S. O. de la France, Toulouse, 1861, p. 31), M. Ed, Lartet a retrouvé à Agen, dans les collections de la Société d’agriculture de cette ville, et sous l’étiquette fautive de Mastodonte , une portion de mâchoire inférieure, avec plusieurs dents, appartenant à Y Elotherium magnum , qui avait été recueillie dans la mollasse fluviatile du Mas d5Agenais, sur la rive gauche de la Garonne. Cette pièce se voit maintenant au Muséum de Paris, dans la galerie tde géologie; et on peut s’assurer, si je ne me trompe, en con- frontant avec ce fossile la description détaillée de M. Pomel citée plus haut, que c’est à cette pièce même du Mas d’Age- naisquese rapporte sa description. Quoiqu’il en soit, c’étaient là les seuls débris d'Elotherium du bassin de la Garonne qui existâssent jusqu’à présent dans les collections; ceux qui viennent d’être trouvés à Villebramar par M. de Ronal n’en ont que plus d’intérêt. Ils consistent en plusieurs dents isolées, aucunement usées, étayant évidemment appartenu à un même animal jeune, mais adulte. Ce sont : 1° La deuxième arrière-molaire supérieure du côté droit, 986 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. trapézoide, mesurant 135 millim. environ de circonférence à la hauteur du bourrelet; un peu plus large que longue : 40mill. de diamètre antéro-postérieur, sur 42 de diamètre transversal, à la hauteur du bourrelet et du côté antérieur; et sur 22 environ seulement du côté postérieur. Cette dent est parfaitement conservée : les deux collines sont divisées cha- cune en trois mamelons coniques, obtus; la vallée qui les sé- pare est profonde. Comparée à la dent opposée de la mandi- bule gauche du Puy-en-Velay qui existe au Muséum de Paris, la dent de Villebramar est plus forte; le vallon est plus pro- fond, et moins évasé, plus étroit. 2° La deuxième arrière-molaire inférieure gauche, mesu- rant 45 millim. de diamètre antéro-postérieur. Cette dent non usée reproduit deux dents connues du Mas d’Agenais, mais elle paraît être de dimension un peu plus forte. Elle est égale- ment plus forte, plus épaisse et plus haute qu’une dent simi- laire de PEntelodon du Puy que j’ai vue au Muséum; 3° La quatrième prémolaire inférieure gauche, mesurant 48 millim. de diamètre antéro-postérieur. Mômes observations que pour la dent précédente; 4° La première prémolaire inférieure droite, usée à 13 mil- lim. au-dessus du collet; 3° Une canine inférieure gauche? usée presque jusqu’au col- let (ces deux dernières dents, la dernière surtout, n’étant pas d’une attribution certaine). En somme, ces diverses dents, les trois premières du moins, appartiennent incontestablement à YElotherium magnum , Po- mel, et semblent constituer une espèce distincte de P Ente- lodon magnus , Aymard ( Elotherium Aymardi, Pomel), du Puy- en-Velay. En iésume, et en réunissant les résultats des découvertes faites jusqu’à présent dans les deux carrières de Villebramar, on constate dans ce gisement : Rhinocéros ou Acerotherium. Une espèce de moyenne taille ( Badactherium latidens ?) constatée par de nombreuses molaires, Et une espèce petite, constatée par une seule dent (Rhin, minutus?) Paloplotherium . Une espèce qu’on peut rapporter au P. annectens; et une autre appartenant à une espèce plus grande, indéterminée, con- statée par des dents assez nombreuses. Anthracotherium magnum (plusieurs dents b — alsaticum (2 dents). Elotherium magnum (plusieurs dents). NOTE DE M. TOURNOUER. 987 Le gisement de Villebramar prouve ainsi l'association du type Elotherium ou Entelodon au type Rhinocéros et au type P a- lœotherium , comme à Ronzon et comme dans la Nebraska, dont l’analogie avec Ronzon a été déjà signalée par M. Gervais (Zooî. et Paléont.. 2e édit., page 334 en note, et page 360), et au type Anthracotherium , mieux qu’à Ronzon, où ce type n’est repré- senté que par le sous-genre Bothriodon : ici, au contraire, il est associé à deux espèces d’Anthraeotheriums parfaits, Y A. magnum etl’A. Alsaticum , qui se trouve, du même coup, confirmé sans doute comme espèce distincte, et signalé dans un bassin éloi- gné de celui de sa première provenance. Le rapprochement synchronique proposé par M. Lartet entre le micocène infé- rieur du S. O. et le calcaire lacustre de Ronzon, à l’occasion des vertébrés recueillis dans le calcaire à astéries de Mon- ségur (Gironde), (Bull., Soc. géol. , t. XXIII, pages 592 et 593.) se voit donc singulièrement appuyé par les fossiles de Ville- bramar ; en même temps que le gisement de Y Elotherium ma- gnum dans le bassin de la Garonne est parfaitement éclairci. J"ai dit en effet, en 1866, que le niveau de Villebramar était celui du calcaire de Brie ou de la base même du miocène inférieur dans le bassin de Paris; ce qui peut se prouver par les trois proposilions suivantes : 1° Les mollasses de Villebramar sont supérieures au niveau des grands Paléotheriums du Lot-et-Garonne, de la Gironde et du Tarn; 2° Elles sont stratigraphiquement égales au niveau du « cal- caire à astéries » de la Gironde; 3° Elles sont inférieures au niveau du calcaire lacustre à Hélix Ramondi , etc. Et je crois pouvoir donner de ces propositions une démons- tration stratigraphique assez précise, à l’aide de trois coupes prises dans les terrains tertiaires du département de Lot-et- Garonne. 988 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. MONTPLANÇUIN • MAUVEZIfl • BAUPUr B®MARMANDE •9 HAUTES V} CNE^^I 0| Zj ^ LL MAS D’AGENAIS T0NNEIN5 UF •AIGUILLON LO TA ET Maronna tournon Fig. 2. De Penne à Fumel ( rive droite du Lot), le Lot (40). Ladignac. LÉGENDE DES FIGURES i, 2. 3. CRAil T.JubassT 6. Calcaire lacustre de l’Armagnac. 5. Calcaire lacustre gris de l’Agenais. 4. Calcaire lacustre Liane de l’Agenais. 3’. Calcaire siliceux de MonbaLus. 3. Calcaire (marin) à Astéries.)) 2. Calcaire lacustre de Mauvezin. 1. Calcaire lacustre de Ladignac. f. Sable des Landes. e, d. Mollasses (fluvio-marines à Ostrea cris- pa ta. c\ c. Mollasses de l’Agenais. b. Tuf de Gontaud (mollasse du Fronsadais part.). a. Argiles ferrifères de la Lémance», MWEAU.' DE la mer NOTE DE M. TOURNOUER 989 ki Ôq Kl 25 Du Mas d’Agenais à Montflanquin ( Bamn du Tolzac) 0. S. 990 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. lü Les mollasses de Villebramar sont supérieures au calcaire à Palœothenum des Ondes, près de Ladignac, sur les bords du Lot. C’est ce calcaire dans lequel M. Combes a, le premier, recueilli des dents de grand Palœothenum (P. magnum?) que j’ai présentées à la Société en 1866, en même temps que les premiers fossiles de Villebramar. Depuis, de nouvelles décou- vertes faites dans ce même calcaire donnent encore plus de précision à son niveau géologique. M. de Bonal y a recueilli en effet et m’a communiqué plusieurs pièces se rapportant aux types suivants : Palœothenum girundicum? Une prémolaire supérieure,* et une troisième ou quatrième prémolaire inférieure droite. P. medium? Une incisive, plus petite cependant que la dent similaire du type, et la racine d’une canine. Paloplotherium minus. Un très-bon fragment de mandibule droite avec les trois dernières molaires en place, parfaitement caractérisées; une der- nière arrière-molaire inférieure; une molaire supérieure gauche; une in- cisive. Pterodon dasyuroides ? Blainv. Belle portion postérieure d’un maxillaire inférieur gauche, engagée dans la pierre du côté interne , et montrant la quatrième molaire (ou dernière prémolaire} et la septième ou dernière molaire très-bien conservée : on ne voit plus que les racines biradiculées de la cinquième et de la sixième. L espace occupé par ces quatre dents, mesuré aux couronnes, est de fî2 millimètres. La mandibule est presque droite inférieurement, comme dans une pièce analogue du Muséum, provenant du gypse de Paris, et ne devait pas se relever à 1 arrière comme dans la figure du Pterodon de la Débruge, donnée par M. Gervais (Paléont. franc.); elle mesure, au-dessous de la couronne de la septième molaire, 38 millim. de hauteur et 10 millim. d épaisseur. La septième molaire mesure 19-20 millim. à la couronne; elle est haute et profondément bilobée; malgré l’usure de l’émail qui s’étend jusque sur le talon postérieur, elle mesure encore 15 millim. pour le lobe poslérieur. La quatrième molaire est usée également. Les quatre dents sont dé- chaussées. Je remarque sur 1 os de la mandibule l’absence de trous nourriciers bien marqués, et la faiblesse de l’impression musculaire postérieure. Le Pter. dasyuroides a été cité, il n’y a pas longtemps, par M. Noulet, des calcaires à Palœotheriums du Mas Saintes-Puelles, près de Castelnaudary. C’est donc la deuxième fois seulement qu il est indiqué dans le S. O. de la France. Crocodilus. Quatre dents d’une espèce indéterminée. Trionyx. Diverses plaques. NOTE DE M. TOURNOUER. 991 Avec ces débris de vertébrés et dans la même roche, étaient associées diverses espèces de coquilles : Hélix, sp? Assez petite, lisse, subglobuleuse, à spire assez élevée, imper- forée. Cydostoma formosum > Boub. Plusieurs moules ou empreintes incontestables, mesurant 35 millim. de longueur. Limnœa orelongo , Boub. Planorbis, sp? Petite espece indéterminée. Melanopsis mansiana , Noulet? vel Castremis, Noul.? et plusieurs petites espèces indéterminables. Cette association de fossiles, vertébrés et invertébrés, est très-satisfaisante : le calcaire des Ondes ou de Ladignaê, le plus bas, le plus inférieur de tous les calcaires d’eau douce du Lot-et-Garonne, est parfaitement correspondant, en paléon- tologie, aux calcaires à Palœotherium et à Cyclosioma formosum de l’Aude et du Tarn (le Mas Saintes-Puelles, Castres, etc.), qui occupent également dans ce dernier bassin la partie infé- rieure de la formation d’eau douce, dont les calcaires d’Albi à Melania Albigensis , puis les calcaires de Cordes à Cydostoma ca- durcense, constituent les parties moyenne et supérieure. Or, ce calcaire des Ondes, qui est situé à 80 mètres environ d’altitude absolue sur le bord relevé du bassin tertiaire et qui n’est séparé de la craie de Furnel que par le dépôt des sables rouges et des argiles ferrifères (a) qui caractérisent tout le pourtour du bassin, fait partie d’un système compliqué de calcaires, de mollasses et de marnes calcaires généralement rosées, qni est évidemment inférieur, en vertu du plongement régulier des couches vers le centre de la vallée, aux mollasses qui ren- ferment assez loin de là en aval le gisement de Villebramar. Je crois même maintenant, contrairement à ce que j’avais dit en 1866, que ce calcaire des Ondes est plus qu’un faciès et qu’un accident local dans ce système inférieur. Je crois, con- formément aux observations encore inédites de M. Lacroix, ingénieur en chef du département de Lot-et-Garonne, qui pré- pare un grand travail de stratigraphie hydrologique sur cette région, et avec qui je suis en accord sur tous les points prin- cipaux, que ce calcaire des Ondes peut être détaché, comme assise indépendante, des assises supérieures et beaucoup plus développées du calcaire de Gondesaygues (Gosselet), ou de Ladignac (Chaubard), ou de Mauvezin dans son extrême pro- longement vers le N. O. Je compterai donc deux assises de 992 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. calcaire lacustre au-dessous des mollasses de Villebramar et du Mas d’Agenais : une première (n° 2), venant de Mauvezin sous la forme amincie de marnes rosées et montant dans la vallée du Lot jusqu’à Gondesaygues à l’étal de calcaires plus francs, et sur laquelle reposent directement les mollasses de Villebramar, et une deuxième (n° 1), séparée de la première par des « tufs » et des mollasses (7?), et qui ne se voit quJen amont dans le fond de la vallée du Lot i c’est le calcaire à Cyclostoma formosum et à Palœotherium du rocher des Ondes. Cette proposition se démontre par une coupe (fi g. 1 et 2), dirigée, suivant une ligne brisée, du Mas d’Agenais sur le bord de la Garonne, à Fumel sur le Lot, en passant par Vil- lebramar : il n’y a pas beaucoup de détails à donner, et un piofîl graphique, relevé d après des observations faites en sui- vant pied à pied les assises sur le terrain, en dit plus que des descriptions. La première section de cette coupe (fig. 1 du Mas d’Agenais a Montflanquin), prend au pied du Mas d’Agenais la petite as- sise de marne calcaire rosée (n° 2) (prolongement du calcaire de Mauvezin, comme nous le verrons plus loin) qui, là est presque au niveau du canal latéral à la Garonne; et la suit vers l’est en remontant le petit vallon du Tolzac, pour passer au pied de Villebramar, et atteindre au delà de ce petit bassin le pied de la butte élevée de Montflanquin, où cette assise se piésente sous la forme d un calcaire épais de plusieurs mètres, à 1 altitude de 120 mètres environ. Sur tout ce trajet, rien à noter, si ce n est que, en aval, Fassise réduite à des argiles ou a es marnes calcaires est indiquée par des exploitations assez nombreuses de tuileries ou de fours à chaux; et que, à Peries en amont, près de Moulinet, j’y ai trouvé des bancs de cal- caire gris, assez tendre, fossilifère ( Limnœa Albigensis, Noul Planorbis cornu, Var., planatus, Noul., Bythinia, sp.?), nui pourraient offrir quelques indications paléontologues aux géologues. Dans cette première section de la coupe, on trouve partout, au-dessous de l’assise n° 2, des mollasses ou « tufs » qui, en aval, sont assez compactes pour être exploités comme pierre à bâtir. Mais la coupe se perd en amont, faute de tran- chées naturelles assez profondes dans les terrains Il faut reprendre la coupe (2- section) au même point où nous 1 avons laissée au pied de Montflanquin et à la même altitude de «XM20 mètres, dans la tranchée beaucoup S profonde et plus instructive du lit du Lot, entre Port de- NOTE DE M. TOURNOUER. 993 Penne et Libos, près de Fumel (fig. 2). Dans cette coupe, la masse géologique du pays est formée par la mollasse couronnée sur les points culminants par un calcaire supérieur (n° 4?); mais en remontant la rive droite du Lot, à partir de Pécoulon et surtout de Trentel, on voit un niveau de basses collines, formées par un calcaire blanc (n° 2), exploité en fours à chaux, que Pon peut suivre sans interruption dans son relève- ment insensible vers le bord crétacé du bassin jusqu'à Con- desaygues, à l’altitude de 126 mètres. Je n’ai d’ailleurs trouvé encore aucun fossile dans toute cette étendue. Plus bas et au- dessous, dans les berges du Lot, on observe un système assez confus de tufs, de mollasses argileuses ou sableuses, et de cal- caires argileux tantôt roses et tantôt gris, quelquefois très-bien stratifiés, comme à Lustrac, dans lequel on trouve enfin, en amont de Ladignac, le calcaire dur du rocher des Ondes (n° 1), qui est séparé du calcaire précédent (n° 2) par une épaisseur de mollasses dures de 20 à 30 mètres, et qui repose lui-même sur les mollasses et les argiles ferrifères de la Lemance, base du terrain tertiaire en contact avec la craie ou avec le terrain jurassique, et qui semble même se modeler sur ces terrains tertiaires par transgressivité et en stratification discordante avec les couches tertiaires beaucoup plus horizontales. Cette • indépendance apparente du terrain ferrifère avait déjà frappé un très-bon observateur, M. Drouot, dès 1838 [Annal, des Mines , t. XIII). 2° Les mollasses de Villebramar sont stratigraphiquement au même niveau que les mollasses marines et que le calcaire à Astéries ou à Natica crassatina du bassin de la Garonne , dans lequel M. Delfor- trie a retrouvé, aux environs de Monségur (Gironde), une partie de nos grands animaux de la mollasse d’eau douce, mêlés aux in- vertébrés et aux vertébrés marins de la formation. J’ai fait part de ce double résultat, stratigraphique et paléontologique, dans une note (Compt. rend,, Acad, des sc., 31 juillet 1865), où j’ai cité plusieurs de ces mammifères terrestres trouvés parM. Del- fortrie. Quelques-unes de ces mêmes pièces, et d’autres nou- velles, parmi lesquelles la plus intéressante était une dent de Paloplotherium , ont été mises ensuite sous les yeux de la Société par M. Ed. Lartet (Bull., t. XXIII, page 592, 28 mai 1866), qui a fait remarquer que ces faits conduisaient à supposer des relations de synchronisme, que je crois en effet parfaitement établies, entre la formation marine du bassin inférieur de la Garonne et les dépôts d’eau douce de la Haute-Loire, et par là Soc . gèol., 2 e série, tome XXVI. 63 994 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. avec d’autres gisements encore de la Suisse et de l’île de Wight. M, Delfortrie a lui-même résumé le résultat de ses recherches dans les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux (t. XXVI, 1er août 1866. Notice géol. sur le canton de Monségur) (1). De son côté, M. de Bonal m’a communiqué plusieurs belles mo- laires supérieures de rhinocéros ( Badactherium latidens ?), et une très-belle dernière molaire supérieure gauche d ’Anthra- cotherium magnum , ainsi qu’une canine usée du même animal? provenant du calcaire à Astéries des environs de Meilhan et de la Réole. En résumé, on a déjà retrouvé, à ma connaissance, dans ce dépôt marin littoral : Rhinocéros ( Badactherium ) latidens. — autre espèce indéterminée. Paloplotherium. Anthracotherium magnum. Hyopotamus leptorhynchus { — H. hovinus ?) Dremotherium ? Testudo} Trionyxf Ophidiens . Je ne puis pas oublier non plus de rappeler ici, comme un fait qui se rapporte parfaitement à ceux-ci, que M. Gervais (Zool. et Paléont. franç., page 190) a signalé une très-belle mâchoire supérieure d’ Anthracoth. magnum , trouvée dans les dépôts marins d’Ufhofen, dans l’Allemagne du Nord, qui sont de l’âge de ceux d’Alzey et par conséquent de celui du calcaire à Astéries. La proposition que le calcaire marin à Astéries et les mollasses d’eau douce de Villebramar, qui contiennent ainsi la même grande faune caractéristique, sont au même niveau stratigra- phique, se démontre par la coupe (fig. 3) des coteaux de la rive droite de la Garonne, entre Port-Sainte-Marie, près d’Agen et Marmande, où l’on voit le tuf ou calcaire d’eau douce qui sup- porte les mollasses de Villebramar passer à Baupuy et à Mau- vezin sous le calcaire à Astéries. En effet, en descendant le vallon du Tolzac (fig. 1), depuis (1) Cette notice de M. Delfortrie contient, dans la liste des vertébrés ci- tés, quelques confusions synonymiques. Elle semble aussi établir une dis- tinction que je n’admets pas, entre le calcaire à astéries proprement dit et les assises sableuses ou « mollasse marine coquillicre » qui le recouvrent. Tout cela n’est pour moi, géologiquement parlant, que du calcaire à As- téries, NOTE DE M. TOURNQUER. 995 Villebramar jusqu’à son débouché, en face du Mas d’Agenais, dans la grande vallée de la Garonne, on suit toujours dans le fond du vallon, à la base des coteaux de mollasse, les affleure- ments de cette assise de calcaire argileux rosé (n° 2), surmon- tant un « tuf » de construction, que nous avons suivie en amont dans la précédente coupe; le tuf est exploité notamment en carrière à Yarrès, à 40 mètres environ d’altitude, sous l’assise de calcaire argileux; et c’est directement au-dessus de ce point que se trouve, en haut du coteau de Hautes-Vignes, le gise- ment du petit Anthracotheriim minimum de Cuvier ( Oss . foss ., t. III et t. Y.), dont M. Pictet a fait un Chœromorus ( Traité de Paléontol ., t. I, page 328), et qui avaient été recueillis par M. Chausenque, avec des débris de Crocodilus et de Trionyx. D’après les renseignements que j’ai reçus de la bouche même de M. Chaosenque, lorsque j’ai visité Hautes-Vignes, il y a plu- sieurs années, les os ont été recueillis par lui, dans une couche pleine de cailloux roulés, à la partie tout à fait supérieure du coteau et près du village, mais au-dessous du calcaire pulvéru- lent blanc (n° 4) qui porte l’église et qui est coté 146 mètres sur la carte de l’état-major, par conséquent à 130 mètres environ d’altitude absolue, d’après mon estimation. Le Chœromorus ? minimus a été retrouvé et signalé depuis par M. Noulet ( Répart . stratigr.) dans le bassin de la Garonne, mais plus en amont, à Dieupentale à 120 mètres d’altitude, et près de Beaumont- de-Lomagne, à 130 mètres, dans le voisinage et un peu au- dessus, paraît-il, de V Hélix Ramondi. En tournant à droite dans la vallée de la Garonne, au débou- ché du Tolzac, on suit toujours, vers le bas des coteaux de mollasse, les mêmes affleurements de calcaire argileux rosé (n° 2) surmontant un tuf solide et exploité, à Bos-de-Cambes, à Gontaud, Sainte-Abondance, Virazeil, etc., et on ne les perd pas de vue, si l’on s’impose la tâche fastidieuse de suivre pied à pied cette piste dans tous ces coteaux monotones, jusqu’à Beaupuy au nord de Marmande (coteau signalé déjà, mais mal compris, par Dufrénoy), où l’on voit enfin cette formalion d’eau douce passant sous les mollasses marines et sous le cal- caire à astéries, exploité, et riche en moules de grosses Na- tices ( Natica crassatina , N. angustata), et Cérites ( Cerit . Char - pentieri ), etc. Un peu en arrière de Beaupuy, à Mauvezin, dans le vallon de la Gupie, j’ai trouvé le même calcaire lacustre beau- coup mieux caractérisé, fossilifère, et perforé par les mollus- ques de la mollasse marine à Ostrea rudiculo TlJ « § 5. Recettes di- •verses. § 6. Solde de 1867 NATURE DES RECETTES. 113 14 i 16 17 18 Droit d’entrée et de diplôme { de Patin, courante Cotisations j des années précéd ( anticipées. . . . Colisations une fois payées. . Bulletin Table des vingt lers vol., 2e sér Mémoires Histoire des progrès de la géol Arrérages de rentes 3 %• • • Arrérages d’obiigitions. . . . Allocation du Ministre de Pin struction publique pour les pnblicalions de la Sociélé. S uscriptiou du Ministre aux Mémoires Recette extraordinaire relative au Bulletin Recette extraordinaire relative aux Mémoires. . Lover de la Sociélé météorolog Recettes imprévues Total de la recette. . . . Reliquat au 31 décembre 1867. Total de la recette prévue pour 1868 RECETTES prévues au budget de 1868. RECETTES effectuées en 1868. AUGMENTA- TION. DIMINUTION. 600 » 680 » 80 » » » 8.500 » 8,945 D 445 » D )) 2,000 » 2.680 » 680 » > » 300 » 255 » » » 45 » 900 > 1,800 y> 900 )) » )) 1,200 » 1,064 » » » 136 )> 100 > 132 » 32 » )) » 800 » 582 60 » » 217 40 100 )) 231 70 131 70 » )) 1,870 j> 1,870 n > )) » » 585 » 585 » » » » )) 1,000 » 1,000 > D » » M 1,200 » 1,200 » » S D » 100 » 150 > » » J) » > » 11 » » » D » 400 » 400 » )) D 800 » 600 J) » D 200 » 20,455 694 » 65 22, 175 694 30 65 2, 268 70 598 40 21,149 65 22, 869 95 COMPARAISON. La’recette présumée était de 21,149 65 La recette effectuée est de 22,869 95 11 y a augmentation de recette de 1,720 30 1034 SÉANCE Dü M JUIN 1869. DÉPENSE DÉPENSES prévues au budget de 1868. DÉPENSES effectuées eu 1868. AUGMENTA- TION. 1,800 0 1,800 » » y> 300 » 300 » » » 400 » 400 » » y> 1/000 > 1,062 50 62 50 2, 850 » 2, 866 05 16 05 800 » 600 » » » 500 » 462 95 y> 9 250 5 233 15 » » 2Ô0 » 288 30 38 30 100 '» 91 50 » » 20 » 13 95 » » 175 » 155 » » » 375 1 582 70 207 70 9, 000 » 9,543 25 543 25 700 > 609 » )) J> 2,000 » 1,949 85 > » * » 900 » 900 b * * » » » » 200 i 200 » » y> 20,720 » 22,058 20 1,767 80 DESIGNATION des chapitres de la dépense. CO O 1 9 § 1. Personnel. . ^ 3 § 2, Frais de lo- i 5 gement. . . . . < g } 7 t 8 § 3. Frais de bu- 1 9 reau. ••••«• iq § 4. Magasin, . . § 5. Publications.! r 6. Placement de ( J7 capitaux ) NATURE DES DÉPENSES. ■ Agent traitement -é -, travaux extraordinaires indemnité de logement . et gratification. . . . Garçon de bureau, ses gages et gratification Loyer, contributions, assuranc. Loyer, rueBonaparte, 1867, 1868 Chauffage et éclairage Dépenses diverses. Ports de lettres. . ’ ! Impression d’avis et circulaires! Change et retour des mandats. Mobilier , . . . , Bibliothèque. — Reliure,’ port! Bulletin. j p“Pression’ Planch. Mémoires.— Impression, papier et planches ■ Placement de cotisations à Vie! Dépenses imprévues Pension à l’anc. garçon de bur. DIMINUTION » » » » » » » 3) » > 200 3) 87 05 16 85 9 9 8 59 6 05 20 » » 91 » » 1 » » 50 15 » » » » » » 429 60 COMPARAISON. La dépense présumée était de. . . . La dépense effectuée est de , . . Il y a augmentation de dépense de. , 20,720 » 22,058 20 1,338 20 RÉSULTAT GÉNÉRAL ET SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1868. La recette totale était de. . 22,869 95 Et la dépense totale étant de 22,058 20 Il reste en caisse audit jour. ...... 811 75 RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ, 1035 MOUVEMENT DES COTISATIONS UNE FOIS PAYEES ET DES PLACEMENTS DE CAPITAUX, EXERCICE 1868. NOMBRE DE COTISATIONS VALEURS Recette ! antérieurement au 1er janvier 1868. . 180 53,908 55* / pendant l’année 1868. . . . . . 6 1 ,800 )) Totaux 186 55, 708 55 Legs Roberton 12,000 » Donation de M. Dollfus-Ausseî 10 ,000 » Total des capitaux encaissés. . . • • • 77,708 55 PLACEMENT. fr. 0. fr. c. 1,870 » Rentes 3 0/0 et frais de mutation 4 1/2 en 3 0/0 47,669 25 585 » Intérêts de 39 obligations de che- mins de fer, achetées antérieure- ment au 1er, janvier 1868. . . 00 CO 75 45 » Achat en 18 68 de 3 obligations de chemins de fer 900 )J 375 » Achat en 1868 de 25 obligations Ouest avec portion des 10,000 fr. donnés par M. Dollfus-Ausset. . 8 ,186 24 24 2, S 7 5 » — Excédant de la recette sur la dépense. 9, 604 31 MOUVEMENT DES ENTREES ET DES SORTIES DES MEMBRES AU 31 DÉCEMBRE 1868. Au 31 décembre 1807, le nombre des membres inscrits sur les listes olficielles s’élevait à 528, dont : 393 membres payant cotisation annuelle. . . • ! 35 membres à vie 'f Les réceptions du 1er janvier au 31 décembre 1868 ont été de Total. * . r . . . A déduire pour cause de décès, démissions et radiations . . Le nombre des membres inscrits sur les registres, au 31 dé- cembre 1868, s’élève à 528 44 572 13 559 Savoir : 419 membres payant cotisation annuelle, 140 membres à vie. 1030 SÉANCE DU 21 JUIN 1869. Le Secrétaire donne lecture au nom de M. le marquis de Roys du rapport de la Commission de comptabilité sur la gestion du trésorier pendant l'exercice 1868. Rapport de la Commission de comptabilité sur les comptes du Tré- sorier pour r exercice 1868; par M. le marquis de Roys, rapporteur. Messieurs, Dans le rapport que nous avions eu l’honneur de vous pré- senter sur les comptes de l’exercice 1867, nous avions eu le regret d avoir à vous signaler de fâcheuses diminutions dans les recettes, et si les dépenses paraissaient offrir des diminu- tions considérables et maintenaient ainsi un excédant notable de recette, cela tenait à ce que des dépenses n’avaient pu être réglées, et devaient former une charge pour l'exercice suivant. Nous avons aujourd hui le bonheur de vous annoncer que grâces, en grande partie, au zèle et à l’activité de notre tréso- rier, cette situation inquiétante ne nous menace plus et que notre situation financière est en voie de prospérité. Nous n arrêterons point votre attention sur les recettes et dépenses fixes, si ce n’est pour signaler une augmentation dans les dépenses pour une pension de 200 francs votée par la Société pour notre ancien garçon de bureau, Prosper, pen- sion qui était bien due à ses longs services. Nous devons aussi vous signaler le loyer de la salle ou nous nous réunissons, loyer qui n’est point une charge de plus pour la Société, puis- qu’il est compensé par le revenu annuel du don si généreux de 10,000 francs que nous devons à notre excellent collègue M. Dollfus-Ausset. Ce placement, dont les arrérages figureront dans les comptes de l'exercice 1869, compensera le défaut d emploi des cotisations une fois payées qui, depuis quatre ans, ont dû servir à solder l’accroissement de nos dépenses Nous en exprimions le regret dans le rapport sur l’exercice 4867. Ajoutons que cependant le nombre des cotisations uni- ques ayant été doublé cette année, notre trésorier s’est hâté de placer 900 francs, dont les revenus augmenteront à l’avenir le chiffre de nos recettes fixes. RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 1037 I. — Recettes et dépenses peu importantes par leur chiffre. Les recettes de cette nature sont en quelque sorte acciden- telles et ne peuvent être l’objet d’un contrôle. Quant aux dé- penses portées dans les comptes sous les nÜS 9, 10, 11 et 12, elles sont demeurées, cette année, au-dessous des prévisions du budget de la somme de 7 fr. 05, et il a fallu une stricte économie et une grande surveillance pour obtenir ce résultat, car les chiffres du budget avaient été abaissés autant que pos- sible. Longtemps on avait compris le mobilier et la bibliothèque dans cette division. Les mesures adoptées pour la bibliothèque ont nécessité une dépense de 582 fr. 70, savoir, une augmen- tation de 207 fr. 70, bien peu atténuée par une diminution de 20 francs sur le mobilier. Il est bien à désirer que la Société puisse affecter, à l’avenir, une somme plus considérable à son importante bibliothèque. II. — Recettes principales. Nous nous affligions, l’année dernière, de la diminution con- sidérable que nous avions subie, surtout en considérant que le nombre des membres nouveaux s’était notablement accru et que les droits d’entrée et de diplôme prévus pour 500 francs en avaient produit 720. Toutes les autres recettes étaient demeu- rées fort au-dessous des évaluations du budget. Ainsi le nom- bre des membres payant la cotisation annuelle étant de 367 au 1er janvier, ils auraient dû verser 11,010 francs, et ils n’en ont acquitté que 7,423 fr. 75. Malgré ce chiffre, notre trésorier n’a pas craint d’augmenter la prévision du budget précédent et de la porter à 8,500 francs au lieu de 8,350. L’événement, lui a donné raison. Il a été reçu 8,945 francs, plus de 1,500 francs au-dessus de la recette de l’année précédente. Les cotisations arriérées ont produit 2,680 francs, excédant de 680 francs la prévision du budget et de 930 francs la recette de l’année pré- cédente. Il y a bien eu une diminution de 45 francs sur les co- tisations anticipées, mais les droits d’entrée ont encore pro- duit 680 francs, et les cotisations une fois payées ont doublé la prévision de 900 francs, ce qui a permis d’augmenter nos 1038 SÉANCE DU 21 JUIN 1869 placements, La vente du Bulletin, prévue pour 1 ,200 francs, n’a produit que 1,064 francs, mais ce déficit a été plus que compensé par une recette extraordinaire de 150 francs et la vente de la table des matières des vingt premiers volumes, qui a produit 132 francs. -Mais les augmentations les plus notables ont eu lieu pour la vente des mémoires, prévue pour 800, qui s’est élevée à 1,782 fr. 60. La vente de V Histoire des progrès de la géologie a aussi plus que doublé et a produit 231 fr. 70 au lieu des 100 francs prévus. Aussi, grâce à une recette impré- vue de 600 francs, la totalité des recettes qui, d’après les pré- visions du budget, devait s’élever à 21,149 fr. 65, s’est élevée en réalité à 22,175 fr. 30; augmentation : 1,025 fr. 65. III. — Dépenses principales. Une assez grande partie des dépenses du Bulletin avait dû êtreajournée en 1867 sur l’exercice suivant ; aussi notre trésorier avait-il cru devoir porter au budget une somme de 9,000 francs. Cette prévision s’est encore trouvée insufisante. La dépense s’est élevée à 9,543 fr. 25; augmentation loin d’être compensée par 91 francs de diminution sur les frais de port. Nous nous féliciterons toujours de voir le Bulletin prendre plus de déve- loppement, car c’est là véritablement la vie de la Société, et malgré laproxilité de queIquescommunications,dontles auteurs auraient dû prendre le temps d’être plus courts, il est généra- lement d’un grand intérêt. Les mémoires pour lesquels le bud- get avait prévu 2j000;fr. en ont coûté l,949jfr. 85. Ainsi la totalité des dépenses que les prévisions du budget portaient à 20,720 francs, s’est élevée en réalité à 22,058 fr. 20, avec une augmentation de 1,338 fp. 20, dont, 900 francs, comme nous l’avons dit, sont entrés dans les capitaux de la Société. Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit l’année der- nière sur les tristes circonstances qui ont empêché nos tréso- riers depuis quatre ans, de placer les cotisations à vie. Nous savons aussi combien notre trésorier a fait de démarches, en- voyé de circulaires pour faire rentrer les cotisations arriérées, et quoique cet arriéré s’élève à plus de 8,000 francs, nous regardons comme un grand succès d’avoir pu faire rentrer 2,680 francs. Espérons que parmi les membres qui négligent le payement annuel de leur cotisation, il s’en trouvera desor* RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 1039 mais un plus grand nombre qui comprendront enfin qu’il y a là réellement un manque de probité. IV. — Résumé et conclusions. La recette de l’exercice 1868 a été de .22,175 30 Le reliquat en caisse au 31 décembre 1867 était de 694 65 Total de la recette 22,869 95 La dépense de l’exercice 1868 étant de 22,058 20 Il reste en caisse au 31 décembre 1868 811 75 Depuis assez longtemps nous n’avions point vu un exercice se solder dans des conditions aussi favorables. Nous vous pro- poserons donc, messieurs, d’approuver les comptes du tréso- rier et de lui voter des remercîments. t Marquis de Roys, rapporteur. J. Marcou. Edm. Pellat. A la suite de ce rapport, des remercîments sont votés par acclamation au Trésorier. REUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY-EN-VELAY (haute-loire) , (Du 12 au 18 septembre 1869). Les membres delà Société géologique répondant aveo empressement à l’aimable appel de leurs confrères de la Société académique du Puy, se sont assemblés en réunion extraordinaire au chef-lieu delà Haute-Loire. Étaient présents : MM. MM. Berthon (l’abbé). Marion. Billy (de). Meugy. Collomb. Moreau. Damour. Morel de Glasville. Danglure. Morière. Delauoüe. Munier (Achille). Fabre, Rames. Fréminville (de). Sa porta (comte de). Gaudry. Sauvage. Grüner. Serre (comte de) . Guyerdet. Tardy. Larévellière-Lépeaux, Tournai. Lartet (Louis). Tournouër. Laurent. Uxeloup de Rosemond. Lecoq. Vallet (l’abbé). Levallois. Vinay, maire du Puy. Lory. Un nombre considérable de personnes étrangères à la Société ont assisté aux réunions et ont accompagné les membres durant leurs excursions. Soc. géol ., 2e série, t. XXVi. 66 1042 SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1869. Nous citerons : - MM. Aymard, vice-président de la Société académique du Puy. Boissonnade (l'abbé), professeur au petit séminaire de Chirac (Lozère). Brive (de), président de la Société académique du Puy. Chassaing, juge au Puy. Chateauneuf (de) . Lafayette (de). Giard, élève de l’École normale su- périeure. Gillet-Paris, ingénieur civil. Giron (Aimé), avocat au Puy. Grellet (Félix). Hedde. MM. Jacotin. Jungfleiscb, professeur agrégé à l’É- cole supérieure de pharmacie de Paris. Langlois (Dr). Laval (F.). Le Blanc (Paul). Ludon-Vigé. Mac-Pherson. Nicolas. Robert (Félix), conservateur du mu- sée. Tournaire , ingénieur en chef des mines. Villaguet (Dr). SÉANCE D’OUVERTURE DIMANCHE 12 SSEPTEMBRE. Les membres présents au Puy se sont réunis à 2 heures dans une des salles du musée Crozatier, élégamment parée et mise gracieusement à la disposition de la Société. M. le Président de Billy, assisté de MM. Collomb et Louis Lartet, déclare la session extraordinaire ouverte et prend la parole pour remercier vivement, au nom de tous les membres présents, la Commission du Puy, dont l’aimable accueil a profondément touché les géologues réunis en cette ville. Il prie M. le maire Vinay d’accepter particuliè- ment l’expression de cette reconnaissance envers lui et en- vers la ville dont il est le représentant. On procède à l’élection du bureau définitif pour la durée de la session. Sont nommés : Président , à l’unanimité, M. Vinay, maire du Puy. Vice-présidents : MM. Lecoq et Lory. Secrétaires : MM. Rames et Marion. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1043 M. de Billy, avant de quitter le fauteuil de la présidence, regrette que les membres de la Société n’aient pu appeler au bureau un plus grand nombre de géologues résidants. Les règlements s’opposent malheureusement à cette dé- marche ; du moins est-il possible de prier MM. de Brive, Aymard, Félix Robert, Chassaing et Aimé Giron, de venir prendre place auprès des membres titulaires. Le nouveau bureau étant définitivement constitué, M. Vinay, président de la réunion extraordinaire, remercie ses collègues qui ont voulu, dit-il, honorer en lui la ville qui leur offre une si gracieuse hospitalité.- M. le Président soumet à l’approbation le programme des excursions projetées pour les sept premières journées. Ce programme, après acceptation, sera imprimé et dis- tribué à tous les membres. Le bureau restera chargé, s’il y a lieu, de la détermination plus exacte des courses subsé- quentes. BASSINS DU PUY ET DE LA LOIRE. DIMANCHE, 12 SEPTEMBRE. Après la séance d’ouverture, visite à trois heures du soir des dykes volca- niques de Saint-Michel et de Corneille. A huit heures et demie du soir, Séance publique au Musée. LUNDI, 13 SEPTEMBRE. Départ à pied, à sept heures du matin, de la place du Breuil. Visite à Ronzon (calcaires marneux, fossiles miocènes), au Riou-Pezouliou (gemmes), à Ceyssac (dyke). A dix heures et demie, déjeuner dans les grottes de Ceyssac. Visite à Cormaü (marnes gypseuses), à Denise (cratère, brèches, fentes à ossements de mammifères, gisement de l’homme fossile), à la Croix de la Paille (coulée à colonnade basaltique, dite les orgues d’Espaly), à Saint- Marcel (collection de M. Pichot-Dumazel). Rentrée au Puy à cinq heures. A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée. MARDI, 14 SEPTEMBRE. Départ en voiture à sept heures du matin de la place du Breuil. Montredon (brèches boueuses, sables), La Chartreuse (grès), Corsac (collection de M. Vinay). 1044 SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1869. A dix heures, déjeuner offert par M. Vinay, maire du Puy, président de la session extraordinaire de 1869. Brive (grès, marnes bigarrées, brèches, filons basaltiques), Fay-la-Triol- leyre (argiles), Blavozy (grès), Mercœur (trachytes), La Voûte-sur- Loire, Saint-Simon, Peyredeyre (granité rose à grains fins). — A six heures, re- tour au Puy. A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée. MERCREDI, 15 SEPTEMBRE. Départ en voiture à sept heures du matin de la place du Breuil. La Ma - louteyre (brèches volcaniques à ossements de mammifères), Polignac (brè- ches volcaniques), Roche-Limagne (brèches volcaniques à géodes d’arago- nite), Cussac (marnes bigarrées, alluvions volcaniques et ossements de mammifères). A dix heures et demie, déjeuner. Sdtihac (grands cerfs), Violette (mastodontes), Ceyssaguet (bœufs, che- vaux, chiens). Au retour : Cheyrac (cratère de brèches à géodes d’arago- nite. — A six heures, rentrée au Puy. A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée. JEUDI, 16 SEPTEMBRE. Départ en voiture, à septheures du matin, de la placedu Breuil. Vallée de la Gagne , la Roche-Rouge (dike), Couteaux et YHerm (terrain de transport à galets, renfermant des coquilles marines de l’étage oolithique), plateau du Mont. A onze heures, déjeuner au Monastier. Sucs de Breysse (cratères à scories et pouzzolanes). A Freycenet-la-Cuche, renvoi des voitures et ascension aux Edables (débris de calcaire à gryphées arquées dont le gisement est à rechercher). Coucher dans ce village et à la, maison forestière du Mezenc. VENDREDI, 17 SEPTEMBRE. A trois heures du matin, lever et ascension du Mezenc (phonolithes, tra chytes). Déjeuner à dix heures. Descente au lac de Saint-Front et à la Chalm-du-Pin où l’on retrouve! a les voitures. A Bouisoulet , chaîne du Mégal (phonolithes et trachytes), la Pradette (trachytes), Peylenc (tuf et basaltes, grottes et silex taillés). Retour au Puy. A huit heures et demie du soir, séance publique au Musée. Le reste de la journée étant consacré à la visite du mont Saint-Michel et du rocher Corneille, la séance est levée à trois heures. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AC PUT. 1045 PREMIÈRE SÉANCE DIMANCHE 12 SEPTEMBRE ; t La séance s'ouvre à sept heures et demie du soir, dans la salle du musée Crozatier. Le procès-verbal de la séance d'ouverture est lu et adopté. M. le président Vinay prie M. Aymard de rendre compte de la visite qui vient d'être faite aux rochers Saint-Michel et Corneille. Cette première promenade inaugure d’une manière char- mante les courses proposées à la Société. Les membres ont parcouru les abords de la ville du Puy, sous la direction du sa- vant M. Aymard, qui maintes fois a bien voulu, dans d’impor- tantes digressions, exposer les intéressantes particularités ar- chéologiques aitachées aux localités qu’il connaît si bien. Du reste, M. Aymard s’est longuement occupé de l’étude scientifique des rochers Saint-Michel et Corneille au point de vue spécial de leur formation et de leur disposition actuelle. Ces dykesy si remarquables sous plusieurs rapports et dont l’aspect singulier imprime à la ville du Puy un caractère des plus pittoresques , avaient été diversement interprétés par les géologues anciens. Dès le début, M. Aymard s’est trouvé en face d’une théorie consistant à considérer ces roches basaltiques comme s’étant déposées au fond d’un lac, hypothèse que le savant géologue du Puy croit devoir écarter. Les membres de la Société géologique ont pu facilement constater les diverses particularités de structure qui semblent suffisantes pour certifier la nature purement éruptive de ce s roches. Jamais aucun fossile n’a été rencontré dans leur sein , tandis que toutes les lignes de retrait semblent dénoter une poussée verticale suivant laquelle se seraient disposées les di- verses matières qui constituent ces dykes. Tous ces caractères ne se retrouvent pas dans les formations plus récentes à élé- léments volcaniques, et dans lesquelles les fossiles ne font plus défaut. M. Aymard croit reconnaître, en ces points, les restes de 1046 SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1869. deux cheminées d’éruption qu’il serait inexact de croire iso- lées et indépendantes, car elles se rattachent, d’après lui, à diverses autres éruptions locales ayant donné naissance aux dykes de Roche-Arnaud et Polignac. Il est encore digne de remarque que ces diverses pointes (1) soient orientées suivant une direction rectiligne qui semble représenter une ancienne ligne de fracture dont le rôle n’au- rait pas été sans importance dans la production de ce phéno- mène. M. Aymard, au pied du rocher de Saint-Michel, a décrit et démontré les brèches basaltiques qui en constituent la masse. Ces brèches renferment à profusion des fragments divers à arêtes vives , dont les uns proviennent des granités et des gneiss qui constituent la hase de toutes les formations du bas- sin, et les autres de la matière basaltique elle-même. Il si- gnale, en outre, la présence au sein de ces brèches de plu- sieurs filons de basalte signifiant la seconde phase purement ignée de J éruption, sans qu’il soit possible cependant de con- sidérer les deux phénomènes comme non synchroniques, au point de vue géologique. En se rendant de Saint-Michel à Corneille, M. Aymard a attiré 1 attention des membres de la Société sur les marnes gypseuses tertiaires qui entourent ces deux dykes, et qui ont été sou- vent mises à jour par les constructions et même exploitées. L ascension de Corneille a donné à M. Aymard l’occasion d exposer de nouveaux arguments en faveur de l’opinion qu’il a émise depuis longtemps, et que Faujas de Saint-Fond avait laissé entrevoir. Divers membres, tout en constatant la direc- tion verticale des fentes dans la masse basaltique, ont insisté sur une sorte de stratification visible vers le sommet; le géo- logue du Puy reconnaît là une disposition normale que les masses en fusion ne pouvaient manquer de prendre en s’épan- chant en dehors de leur point de sortie. Du haut du rocher de Corneille, il a été possible de suivre ies précieuses indications de M. Aymard, qui a expliqué d’une manière scientifique le magnifique paysage qui se déroulait tout autour. Enfin, notre savant confrère expose les raisons qui l’ont dé- terminé à admettre que ces roches plutoniques se sont fait jour à travers les diverses couches lacustres éocènes et mio- (1) Roche-Arnaud, Corneille, Saint-Michel, Polignac. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1047 cènes, à une époque où le bassin du Puy ne présentait pas en- core le relief actuel, c’est-à-dire avant le creusement des vallées. M. le Président engage les membres de la Société à pré- senter les observations qu’ils jugent convenables. * M. Delanoüe se réserve d’exposer à la prochaine occa- sion les objections qu’il croit devoir adresser à la théorie deM. Aymard. A son tour, M. Lory, tout en reconnaissant qu’il est à peu près d’accord avecM. Aymard relativement aux faits précé- demment décrits par lui, fait remarquer que le mot dyke est ici employé d’une manière inaccoutumée pour désigner ces divers rochers que la Société a visités. Il serait peut-être rationnel de reconnaître dans ces for- mations deux phases assez bien distinctes caractérisées par l’arrivée des brèches à l’état boueux et par celle des ba- saltes. M. Lory insiste de nouveau sur ce fait que les produits se sont épanchés de manière à simuler en quelques points une stratification confuse. Il serait prudent, dans tous les cas, de renvoyer à une prochaine séance la discussion plus complète de ces ques- tions, alors que les excursions projetées pourront facile- ment conduire à une solution certaine. M. Aymard compte sur l’examen prochain de la Roche- Rouge pour faire partager ses opinions. La suite de la discussion est ajournée. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Pichot- Dumazel, qui invite les membres de la Société à visiter sa remarquable collection paléontologique. M. Pichot retenu chez lui par une indisposition, regrette de ne pouvoir assister aux séances. M. le Président remercie M. Pichot au nom de la Société, et rappelle aux membres présents l’ordre du jour du lende- main 13 septembre. La séance est levée à neuf heures et demie. 1048 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 18G9. DEUXIÈME SÉANCE. LUNDI 13 SEPTEMBRE. La séance est ouverte à huit heures et demie du soir dans la salle du musée Crozatier, sous la présidence de M. Vinay. Le Secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est mise aux voix et adoptée. M. Lecoq, vice-président, prend la parole pour remercier ses collègues de l’honneur qu’il lui ont fait en le nommant à la vice-présidence malgré son absence. Il en attribue la pensée à un sentiment de bienveillance envers l’Auvergne dont il est le représentant. Il rappelle tous les liens d’ami- tié et d’intérêt scientifique qui unissent toujours le Velay et l’Auvergne. Sur l’invitation de M. le Président, M. Louis Lartet rend compte en ces termes des explorations faites par la Société dans la journée : Compte rendu de la course du lundi 13 septembre faite par les membres de la Société géologique à Ronzon , à Ceyssac , à la De- nise, à Espalg et à Saint-Marcel; par M. Louis Lartet. Réunis à sept heures du matin sur la place du Breuil , les membres de la Société se sont dirigés d’abord vers le plateau de Ronzon en prenant la route des Capucins. En montant la colline, on ne cessait d’admirer le paysage ac* cidenté et pittoresque de la vallée de la Borne, dont chaque pas élargissait le cadre. Du plateau de Ronzon, la vue était si complète et si intéressante, que l’on a fait halte, d’un commun accord, autant pour en jouir qu’afin d’attendre les retarda- taires. Les membres de la Société se sont alors groupés autour de M. Félix Robert, qui, par des explications fort instructives, a fait ressortir les caractères principaux de cette vue d’ensemble que le croquis suivant reproduit dans ses traits essentiels. RÉUNION EYTRAORDINAIRE AU PUT. 1049 Vue de la vallée de la borne, prise des hauteurs de ronzon. A l’Ouest, se montrait d’abord la montagne de Denise avec son cratère égueulé, flanqué des deux côtés, vers le Collet et vers la Malouleyre, de brèches anciennes. En avant du cratère, une coulée basaltique et prismée descendait comme un pro- montoire rocheux vers le fond de la vallée. Au premier plan et près du point où cette coulée atteint la Borne, se montrait une butte de brèches anciennes, aux formes anguleuses et dé- chiquetées ; c’était le rocher d’Espaly, célèbre à la fois par les souvenirs historiques qui s’y rattachent et par les zircons que l’on recueille dans son voisinage. Directement au-dessus de cette butte, on aperçoit au loin le rocher de Polignac, pareillement constitué par les brèches anciennes, et le fond du tableau était occupé par des mon- tagnes granitiques. Un peu à droite du château de Polignac et derrière la col- line qui court en s’abaissant de la Denise au Puy, apparais- saient les brèches de Cheyrac., dont la forjne générale simule un cratère et se prête admirablement aux idées de M. Robert, qui en fait le centre d’émission des coulées boueuses auxquelles seraient dues les brèches anciennes du voisinage. Enfin, à l’est, le tableau se complétait heureusement par la vue de cet obélisque de brèche ancienne sur le sommet duquel est per- chée l’église de Saint-Michel, et par celle du rocher de même nature qui sert de piédestal à la statue colossale de Notre- î 050 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 18R9. Dame-de-France, et au pied duquel s’étage la ville du Puyavec sa magnifique basilique. Le fond du tableau était encore, de ce côté, rempli par des collines de terrains lacustres et par les montagnes granitiques qui séparent le bassin du Puy de celui de l’Emblavès. M. Robert a profité de la vue de ce beau panorama pour dé- montrer le creusement graduel de la vallée du Puy. Les dé- couvertes qu il a faites de galets roulés de phonolite et de ba- salte sur les rochers de Polignac et de Corneille, tendraient à prouver qu’à l’époque où coulaient les cours d’eau qui les ont charriés , les rochers qne nous venons de mentionner étaient enchâssés jusqu’à leur sommet dans les calcaires (1). Depuis le dépôt de ces brèches, la vallée de la Borne aurait été soumise à des érosions qui en aurait abaissé le thalweg, sans toutefois atteindre d abord son fond actuel. C’est ce que prouve une coulée de lave qui se dirige, à mi-coteau, delà Denise à Mont- Redon. Enfin, à l’époque où le volcan de Denise a vomi ses déjections , la vallée devait être presque aussi complètement excavée que de nos jours, à en juger au moins par la coulée de basalte de la Croix-de-Paille dont l’extrémité inférieure at- teint le niveau de la Borne. De telle sorte que le cratère de De- nise se rapporterait aux derniers phénomènes volcaniques dont le Velay a été le théâtre. Après cette halte , la Société s’est ralliée à son prési- dent, qui lui a fait examiner les calcaires et marnes d’eau douce de Ronzon, célébrés par leur faune si curieuse de mammifères dont on doit principalement la connaissance à M. Aymard. Les trouvailles de la Société se sont bornées à quelques empreintes de cypris , de limnées et de planorbes qui auraient d ailleurs suffi à établir le caractère lacustre de cette formation. Il faut, en effet, des recherches persévérantes et multipliées, comme celles des géologues du Puy, pour rassem- bler les éléments d’une faune aussi complète que celle de Ronzon. Cette faune, dontM. Aymard a donné une description détaillée (2), semblé marquer l’aurore de d’époque miocène. (1) Cette opinion est contraire à celle de Bertrand de Doue qui considé- rait les brèches anciennes de Ceyssac, Espaly, Polignac, Cheyrac, etc. comme des lambeaux d’un même dépôt aqueux déposé à diverses hauteurs1 2 alors que les vallées étaient aussi profondément creusées que de nos jours. (2) Session du Congrès scientifique tenue au Puy en 1855. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1051 En jetant les yeux sur les coupes qui accompagnent l’ou- vrage de Bertrand de Doue sur la géologie du Velay, ouvrage qui fut l’un des premiers et des meilleurs jalons de la géologie positive en France, on voit en effet que les dépôts lacustres de Ronzon reposent sur des marnes et des argiles gypsifères à Palœotherium , ainsi que cela s’observe notamment à Cormail, au pied de la Denise, dans le voisinage des carrières que la So- ciété a eu l’occasion de visiter dans cette journée. Ces argiles gypsifères semblent, par leur faune autant que par leurs analo- gies minéralogiques, devoir se placer sur l’horizon des couches à Palœotherium de Paris, d’Aix, d’Alais, de Villeneuve-la-Com- tal, de Lautrec, de Sabarat, de La Grasse et du Fronsadais, et correspondre exactement à l’éocène supérieur, époque pen- dant laquelle se trouvaient éparpillés dans nos principaux bas- sins une assez grande quantité de lacs qui laissaient déposer du gypse et dont les bords étaient hantés par les Palœotherium . A ce lac de la fin de l’époque éocène, aurait ainsi succédé dans le bassin du Puy, presque sans interruption, le lac au fond duquel se sont déposés les calcaires et les marnes de Ronzon. Ces dépôts d’eau douce sont, en effet , caractérisés par la faune miocène la plus ancienne que l’on connaisse et pourraient correspondre, à ce titre, au calcaire à Astéries de la Gironde, avec lequel ils offrent trois ou quatre espèces communes. La faune de Ronzon contient, d’après M. Aymard, de nom- breux restes de mammifères, d’oiseaux, de reptiles, et, ce qui est assez singulier, une seule espèce de poisson. Les animaux invertébrés y sont représentés par quelques insectes, des crus- tacés, des mollusques fluvatiles et lacustres ; enfin, on y trouve des empreintes végétales et notamment des Chara. Cette faune se retrouve d’ailleurs en d’autres points que Ronzon, tels que Mathias, près Fay-le-Froid, Saint-Pierre-Aynac, etc. Ce sont surtout les mammifères qui lui donnent de l’impor- tance. Les insectivores, les rongeurs, les pachydermes et les ruminants s’y trouvent représentés : ces derniers par le Gelocus Aym.,qui paraît être l’un des premiers ruminants dans l’ordre d’apparition. Les pachydermes à doigts pairs s’y montrent sous la forme des Elotherium Pomel ( Entelodon Aymard) et des Bothriodon Aymard (sous-genre des Anthracotherium) . R y a aussi des Rhinocéros ( Rhonzotherium Aym.) et des paleothe- riens différents des véritables Palœotheriums , et se rapportant au genre Paloplotherium , qui remonte, comme on le sait, dans 1032 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1809, le miocène inférieur. Enfin, 1 ’Hyœnodon et le Peratherium , dont M. Aymard a cru devoir faire un didelphe, achèvent de donner à cette faune un caractère particulier qui ne permet pas de la paralléliser avec celle du calcaire de Beauce et lui as- signerait plutôt une position intermédiaire comme celle que remplit par exemple, dans le bassin de Paris, la faune lacustre des calcaires de Brie. Mais c’est seulement avec le calcaire à Astéries de la Gironde, ainsi qu’avec les dépôts du Nebraska, qui appartiennent au miocène le plus inférieur, que les cal- caires de Ronzon offrent des analogies de faune bien marquées. f quittant les marnes et les calcaires de Ronzon, la Société s est dirigée vers Geyssac, coupant en ligne droite le plateau basaltique au centre duquel s’élève le volcan du Groustet. On est ainsi arrivé sur les bords du Riou-Pezzouliou , après avoir constaté la position de certains lits de cailloux roulés qui sé- parent le calcaire lacustre du basalte dont il est recouvert. Le Riou-Pezzouliou est un ruisseau bien connu des minéralo- gistes : c’est dans son lit que les enfants du village d’Espaly vont, depuis bien des années, recueillir les zircons qu’ils ven- dent à quelques marchands de minéraux, et qui vont alimen- ter les collections de minéralogie ainsi que les laboratoires de chimie (1). Avec les zircons, les enfants d’Espaly, pour qui 1 arrivée de la Société est une bonne fortune , viennent offrir dans leuis sebiles des saphirs, des corindons, des grenats et autres gemmes constamment associées dans les gisements de cette nature. Pris d’une noble émulation , nos confrères veulent, à leur tour, trouver des zircons, et les voilà, Président en tête, qui remontent le lit du Riou-Pezzouliou en lavant les sables dans les rares flaques d’eau que l’on y rencontre. On eût assurément pris la Société, en ce moment-là, pour une bande e chercheurs d’or remontant un des ruisseaux de la Sierra - Nevada ! Les enfants qui nous accompagnaient finirent, moyennant une légère prime et après quelques petites supercheries, par nous faire découvrir des zircons en place dans le basalte. (Juan nous disons en place , il est bien entendu que nous ne prétendons nullement que le basalte soit le gisement primitif e ces gemmes. Tout, au contraire, tend à faire croire qu’elles (1) Ce gisement paraît s’épuiser un peu aujourd’hui; d’ailleurs, M. Ber- trandde Loin a découvert dans la Haute-Loire d’autres gisements analogues <1ont le plus riche se trouve sur le versant méridional du volcan du Coupet. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PÜY. 1053 ont été enlevées à des roches plus anciennes. Les fragments de granité englobés dans les laves ainsi que dans les scories en renferment fréquemment. D’ailleurs ces cristaux présentent parfois des phénomènes de boursouflement et d’altération comme les autres matières entraînées par la lave ; enfin on en retrouve dans les brèches anciennes. Aussi MM. Bertrand de Doue, Aymard, Bertrand de Lom, n’ont-ils pas hésité à consi- dérer toutes ces gemmes comme des cristaux arrachés à des formations anciennes, notamment aux roches granitiques. En achevant l’ascension du plateau, on a pu constater l’ori- gine basaltique de la terre végétale qui le recouvre ; c’est au milieu de ces débris volcaniques plus ou moins désagrégés et décomposés, que les eaux atmosphériques prennent les sables gemmifères qu’elles amènent au Riou-Pezzouliou. Parvenus au faîte, nous apercevions déjà le rocher pitto- resque de Ceyssac qui surgit au fond du vallon du même nom, dont il s’isole par des abruptes presque verticaux au pied des- quels nous fûmes bientôt parvenus. En gravissant les pentes qui conduisent au sommet de ce ro- cher, on a pu constater que les brèches anciennes qui le con- stituent offraient des traces manifestes de stratification. C’est ce qu’avait déjà très-positivement indiqué Bertrand de Doue(l). Ce fait a frappé tous les membres de la Société, et il en est ré- sulté une discussion au sujet de l’origine directement éruptive que les géologues du Puy attribuent à ces brèches, contraire ment à l’origine de Bertrand de Doue, quiles regardait comme des lambeaux d’un dépôt lacustre, et à celles de quelques-uns de nos confrères qui n’y voient qu’un dépôt sub-atmosphé- rique de déjections volcaniques plus ou moins incohérentes. Quelques membres de la Société se sont alors rendus, sous la direction de MM. Tournaire et de Saporta, sur les bords du ruisseau qui passe à Ceyssac et, remontant de quelques cen- taines de pas ce cours d’eau, sont arrivés en face d’escarpe- ments formés par des marnes feuilletées qui ont conservé de nombreuses empreintes végétales. Ce dépôt paraît postérieur à l’époque miocène, et M. de Saporta, qui en a étudié la flore, voudra bien, je l’espère, nous édifier sur son âge ainsi que sur ses véritables caractères. Revenus au sommet du rocher de Ceyssac, nous y trouvons un déjeuner organisé par nos hôtes du Puy dans une des an- (i) Deur, yéogn. des environs du Puy-en-VeJay , p. ISO. 1054 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869. ciennes grottes creusées dans le roc , et sur lesquelles M. Ay- mard veut bien nous fournir de précieux renseignements archéologiques. On comprendra que je doive glisser rapide- ment sur cette partie de la journée qui n’a cependant été ni la moins animée ni la moins agréable ; mais ce que je ne sau- rais oublier, à moins d’être ingrat, c’est de me faire ici l’écho de mes confrères, et d’offrir à MM. Vinay, Ghassaing et Giron nos remercîments les plus vifs pour l’empressement et la grâce parfaite qu’ils mettent à pratiquer envers nous les vertus hospitalières de leur beau pays. En descendant du rocher de Ceyssac, les membres de la So- ciété se sont dirigés vers la Borne qu’ils ont traversée, et ont été visiter les carrières de Cormail où l’on exploite le gypse et où se montrent, au-dessus des marnes sans fossile, les assises gypseuses à Palœotherium , ainsi que les calcaires miocènes qui les recouvrent. Cormail est au pied de la montagne de Denise, dont on a fait bientôt après l’ascension. Parvenue à la route de Brioude au Puy, la Société s’est trou- vée en face d’escarpements de brèches anciennes , assez sem- blables à celles de Ceyssac, où quelques personnes ont de nouveau remarqué des indices de stratification. M. Aymard, soutenant que ces brèches provenaient de cou- lées boueuses, a cherché un appui dans le passage insensible qu’offrirait près de là, avec elles , un filon de basalte qui les traverse. Nous avons dû, à cet égard, nous séparer d’avis avec notre savant confrère du Puy , ne pouvant admettre, pas plus pour les filons de la Denise que pour ceux du rocher Saint- Michel, qu’il y eut véritable passage entre la roche basaltique d’intrusion et les brèches qui les encaissent. M. Delanoüe a in- sisté à son tour sur le caractère stratifié des dépôts de brèches anciennes, et l’on est convenu, d’un commun accord, d’ajour- ner la solution de cette question jusqu’à ce que la Société en ait pu examiner tous les éléments. Ces brèches constituent dans le voisinage des rochers très-pittoresques que l’on ne manque pas de remarquer près du Collet, en se rendant de Brioude au Puy, et qui portent la trace de longues dégrada- tions. Le croquis suivant, que nous en avions pris dans un voyage précédent, peut en donner l’idée. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1055 ROCHERS DE BRÈCHES ANCIENNES AU COLLET, SUR LES FLANCS DE LA DENISE. Elles fournissent une pierre de construction estimée que l’on exploite sous le nom de pierre de Denise. Quittant alors les brèches anciennes, la Société s’est rendue sur l’emplacement où eut lieu, en 1844, la découverte d’osse- ments humains dont l’antiquité paraît remonter au delà des dernières éruptions volcaniques du Yelay. Les couches de tufs au milieu desquelles ces ossements furent trouvés, paraissent recouverts par des brèches que Bertrand de Doue a considé- rées comme formant un lambeau déplacé de sa position pri- mitive. D’après les géologues du Puy, ces tufs se seraient dé- posés à divers niveaux sur les flancs de la montagne et descendraient, comme la coulée de la Croix-de-Paille, presque jusqu’au niveau actuel de la Borne dont la vallée était, par conséquent, à peu près aussi excavée que de nos jours. Ce fait rajeunirait les tufs à nodules de limonite et à ossements hu- mains de la Denise , et tendrait à les reporter à l’époque à la- quelle se sont déposées les alluvions quaternaires à Elephas primigenius des berges de la Borne. Après avoir quitté le gisement de l’homme fossile de Denise, la Société est allée visiter les colonnades basaltiques de la Croix-de-Paille , bien connues sous le nom d’Orgues-d’Espaly. Peu de colonnades sont aussi régulières que celles de la Croix- de-Paille, et l’on peut dire que toute la coulée , jusqu'à la 1056 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869, Borne, a subi le retrait prismatique. Les prismes y sont géné- ralement verticaux; en un certain point, cependant, ils sont notablement inclinés et forment l’éventail. C’est de cet endroit que la vallée de la Borne, avec ses rochers abruptes de brèches anciennes, présente ses effets les plus bizarres et les plus sai- sissants. VüE DE LA VALLÉE DE LA BORNE, PRISE DES ORGUES DE LA CROIX DE PAILLE. De la carrière, où les prismes sont verticaux et exploités comme pierres de borne , on aperçoit le cratère de la Denise avec ses contreforts de brèches anciennes, et ses pentes roides couvertes de scories, de bombes et de Iapillis. La Société devant terminer son excursion par la visite de la collection de M. Pichot-Dumazel , force lui fut de s’arracher à ces spectacles attachants pour descendre au hameau de Saint- Marcel. La collection de M. Pichot, sur laquelle M. Aymard a publié il y quelques années un fort intéressant rapport, comprend, outre de nombreux spécimens de roches et de minéraux du pays, un très-grand nombre de fossiles tertiaires, parmi les- quels on remarque surtout des ossements de mammifères. Les calcaires de Ronzon s’y trouvent représentés par les dé- bris d oiseaux, de reptiles, de poissons, de batraciens, etc. Le gisement de Vialelte , qui paraît représenter le pliocène inférieur, a fourni à M. Pichot de beaux restes de mastodontes RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1057 (Mastodon Borsoni et Mastodon Arvernensis , Croiz., déterminé par Falconer, Syn, M. brevirostris , Gervais), celui de Sainzelle, des ossements de Rhinocéros (R. Etruscus) (1) , enfin les gîtes de Saint-Privat, de Solhilhac, ainsi que les alluvions quaternaires de la Borne, ont aussi fourni leur contingent de fossiles se rap- portant principalement aux éléphants, aux rhinocéros, aux cerfs, aux bœufs, etc. Mais les pièces les plus curieuses de cette intéressante col- lection sont, sans contredit, les ossements humains provenant du gisement récemment exploré par la Société. Ces pièces sont au nombre de deux : La première, dont personne n’a nié l’authenticité et qui fut découverte avant toute autre, consiste en un frontal humain portant des traces vagues d’incision et incrusté à l’intérieur de minces couches de limonite superposées les unes aux autres sur une épaisseur totale assez considérable. Ces concrétions de limonite sont de même nature que celles qu’on avait pu observer en place dans les tufs de la Denise. FRONTAL HUMAIN TROUVÉ DANS LES TUFS VOLCANIQUES DE LA DENISE. La seconde pièce, sur l’authenticité de laquelle son con- sciencieux propriétaire conserve des doutes, consiste en un (1) Déterminé par Falconer, le même que le R. mesotropus , Aym. Soc. géol,y 2e série, tome XXVI, 67 1058 SÉA.NCE DU 13 SEPTEMBRE 1869. bloc de tufs renfermant divers débris humains qui gardent, pour la plupart , les relations articulaires du squelette, ce qui semblerait devoir exclure toute idée de fraude, à moins d’ad- mettre qu’elle vînt d’un anatomiste assez habile. C’est le pen- dant du bloc du Musée, sur l’authenticité duquel on a tant dis- cuté à l’époque où le congrès scientifique de France a tenu sa session au Puy. C’est par la trouvaille du frontal que débutèrent ces dé- couvertes. Le sieur Àdscienard , qui l’avait trouvé dans sa vigne, exécuta bientôt après des fouilles en présence de M. Pichot ; mais ce ne fut qu’après le départ de ce savant, qu’il prétendit avoir découvert les ossements humains qui figurent dans le bloc du Musée, que l’on ne tarda pas à croire contrefait. Ce fut avec un courage bien méritoire que les sa- vants du Puy soutinrent la réalité de la découverte, à une époque où l’idée de la haute antiquité de l’homme n’était pas en faveur ; mais leur persévérance leur valut l’avantage de con- vaincre la plupart de leurs premiers contradicteurs. Les hom- mes de science se succédèrent au Puy dans cet intervalle, et presque tous admirent la réalité du fait. Aujourd’hui, par un singulier hasard , il ne reste plus guère que M. Pichot, auquel on doit d’avoir donné l’éveil sur cette découverte, qui conteste l’authenticité de ces débris; mais en- core met-il hors de cause le frontal dont nous avons parlé. C’est donc à cette pièce que l’on devrait s’attacher, et dans la visite que la Société a faite à la collection de M. Pichot, il nous a paru que le sentiment général des membres était favorable à son authenticité. Cela prouve donc, un peu tard il est vrai, que la cause des géologues du Puy, qui ont des premiers osé affirmer l’ancien- neté reculée de l’espèce humaine, est aujourd’hui définitive- ment gagnée, et que l’apparition de l’homme a précédé l’extinc- tion complète des phénomènes volcaniques dont le Velay a été le théâtre. M. le Président prie M. Gaudry de rendre compte des ob- servations faites le môme jour, par quelques-uns des mem- bres, sur les bords de la Borne. M. Aymard a fait en effet remarquer en ce point quelques particularités importantes, et principalement un talus attaqué par les eaux de la rivière, et dont les couches, à éléments vol- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUV. «1059 caniques remaniés, semblent être une dépendance des assises précédemment étudiées sur les flancs de la Denise. Ces alluvions des bords de la Borne se rapportent manifestement à l’époque quaternaire. M. Aymard y a recueilli des restes bien certains ( VUrsus spelœus. Sous sa conduite, quelques-uns de nos con- frères ont pu même y récolter des os d’Éléphant, de Che- val, etc. — Du reste, il a été possible de voir dans les collec- tions deM. Pichot une molaire d 'EL primigenius provenant de la même localité. A ce propos, M. Gaudry, rendant hommage aux belles études des savants géologues du Puy et à leurs pa- tientes recherches, expose la succession des diverses faunes tertiaires dont la connaissance est due aux travaux de nos con- frères du Velay. M. le comte G. de Saporta attire de nouveau l’attention sur les divers horizons du bassin tertiaire du Puy. Les couches que l’on y rencontre ont fourni les restes de trois flores d’âges bien différents, dont l’une, celle dite des arkoses , représente le terme le plus ancien. Les calcaires marneux de Ronzon ren- ferment de même divers végétaux fossiles très-intéressants. Mais c’est surtout dans les environs de Céyssac que se trouvent les restes végétaux les plus curieux. — Le terrain qui les ren- ’ ferme représente, dans les environs du Puy, les couches dites pliocènes, et se rapproche à une époque à peine un peu plus récente que celle des tufs de Meximieux. Grâce aux soins de plusieurs géologues de la Haute-Loire, plusieurs espèces ont pu être réunies. La collection de M. Aymard renferme, prove- nant de cette localité, diverses espèces se rapportant aux genres Cratœgus , Alnus , Quercus , Populus, Vaccinium , Potamo- geton , etc. Mais l’étude de ces plantes mérite un examen at- tentif que M. Aymard a bien voulu faciliter, et dont les résul- tats présenteront sans doute un intérêt réel. M. Marion présente quelques remarques sur les végétaux fossiles des calcaires marneux .de Ronzon. La formation géologique dont il est ici question peut être sûrement déterminée comme se rapportant à cette époque cu- rieuse, dite oligocène ou tongrienne, établissant une transition remarquable entre les temps éocènes et ceux miocènes. Les calcaires exploités dans les environs du Puy, à Ronzon, se trouvent donc sur un horizon géologique peu distant de 1060 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1860. celui des grès de Fontainebleau. Les végétaux dont se parait à cette époque le sol européen ne sont encore que très-peu connus. A peine trouve-t-on en France, dans le midi, quelques couches des environs d ’Apt et de Saint-Zacharie fertiles en plantes fossiles, dont l’étude a fourni à M. de Saporta les élé- ments d’une étude importante. Il sera donc intéressant de pou- voir examiner avec soin les diverses plantes fossiles que MM. Aymard et Vinay ont patiemment recueillies. Les espèces semblent peu nombreuses; à peine peut-on signaler, outre le Quercus elœna , le Laurus primigenia , le Typha latissima, le Spar- ganium stygium, dont les restes ont été rencontrés dans les di- vers dépôts de même âge et plus anciens, dix espèces nou- velles, spéciales au Velay jusqu A ce jour; ce sont : Equisetum ronzonense (m.). Centrolepis (Podostachys) Bureauana (m.). Quercus velacina (m.). Celtis latior(m.)> Litsœa microphylla (m.). Echitonium comans (m.). Bumelia minuta (m.). Myrsine embeliœformis (m.). Mimosa Aymardi ( m.). Ronzocarpon hians (m.). Enfin, il est intéressant de signaler, à côté de ces espèces à faciès franchement exotique et tropical, et qui seront décrites avec détails, une espèce actuelle habitant encore le pourtour de la Méditerranée. Il existe en effet dans la collection de M. Aymard et dans celle de M. Vinay de nombreuses folioles qu’il est impossible de distinguer de celles du Pistacia len- tiscus actuel. Cette identité, à laquelle conduit l’étude minu- tieuse de tous les caractères, revêt une importance particu- lière à la suite de celles récemment proposées par M. Heer pour des espèces miocènes qqe le savant professeur n’a pu dis- tinguer de celles encore en vigueur. Le Pistacia lentiscus est du reste une espèce actuellement en voie de retrait, et à laquelle une température assez élevée est nécessaire. L’examen comparatif des plantes fossiles de Ronzon rend facilement manifestes les affinités habituelles avec les flores actuelles africaines et asiatiques. La température moyenne, qu’a dû exiger autrefois le développement de ces végétaux, ne peut être fixée au-dessous de 23u c. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. 1061 M. Tournouër communique la note suivante : Sur les coquilles fossiles des calcaires d'eau douce des environs du Puy-en-Velay ; par M. Tournouër. Les calcaires lacustres des environs du Puy, qui sont si ri- ches en débris de vertébrés, renferment aussi des traces nom- breuses de Mollusques dont j’ai cherché à me rendre compte. Malheureusement, la conservation insuffisante de ces fossiles qui ne se présentent dans les calcaires qu’à l’état de moules intérieurs ou d’empreintes, et dans les marnes plus friables qu’avec le test écrasé, s’oppose souvent à leur détermination rigoureuse ; et malgré la complaisance avec laquelle M. Ay- mard m’a permis de consulter cette partie de ses précieuses collections, malgré l’obligeance avec laquelle M. Vinay m’a également communiqué ce qu’il possédait, je ne suis pas ar- rivé à cet égard à la précision que j’aurais désirée. Quel qu’il soit, je ne crois pas inutile cependant de donner ici le résultat de l’étude que j’ai faite de ces fossiles, dont personne ne s’est encore occupé jusqu’à présent. D’après les renseignements que je dois à M. Aymard, il n’y au- rait pas lieu de distinguer, pour ce qui est des Mollusques, entre la faune des « marnes gypseuses » et celle des « calcaires marneux » du Puy. Je n’ai pas pu faire d’observations person- nelles assez distinctes à cet égard; l’attention doit être cepen- dant appelée sur ce point; et dans la liste qui suit, j’ai noté, autant que je l’ai pu, les divers gisements entre lesquels cette petite faune se distribue, et qui sont : les calcaires marneux jaunâtres inférieurs d’Espaly (au lieu dit le Paradis) ; les cal- caires des fours à chaux de Ronzon; les couches de calcaire marneux alternant à la partie supérieure avec des lits char- bonneux, qui forment la petite falaise des Farges, où, je crois, aucun mammifère n’a été encore signalé; et le calcaire sili- ceux isolé des environs de Fay-le-Froid. Hélix Corduensis, Noulet? ( ’vel . H. Ramondi, junior?) L’Hélice en assez mauvais état que j’ai vue dans la collection de M. Ay- mard, et que je rapporte avec quelque doute à l’if. Corduensis , a été trouvée à Mathias, près de Fay-le-Froid, dans un calcaire siliceux qui n’a pas offert d’autres fossiles à M. Aymard, et qui est indépendant des cal- caires de Ronzon, peut être supérieur à ces calcaires. 1062 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869. Aucune coquille terrestre n’a encore été trouvée à Ronzon. VH. Corduensis appartient dans le S. O. de la France à la faune des calcaires de Cordes (Tarn) et de Cieurac (Lut), que je mets sur l’horizon du calcaire de Brie approximativement et peut-être au-dessus. VH. Ramondi , Brongn., qui dérive du même type (les moules d’une certaine taille des deux espèces sont fort difficiles à distinguer) lui succède immédiatement. Limnæa longiscata, Brong., et variétés. L. pyramidalis , Brard. Les moules et empreintes de Limnées que je rapporte à ces types de Saint-Ouen et à leurs variétés sont très-communs dans le bassin du Puy. dans les calcaires marneux d’Espaly, de Ronzon et aux Farges, où l’on trouve aussi quelques tests écrasés. L’assimilation que je fais ne me laisse pour ainsi dire aucun doute, et est aussi certaine pour moi qu’elle peut 1 être en 1 absence des coquilles elles-mêmes. Elle comprend diverses for- mes qui me paiaissent rentrer toutes dans les variétés de ce type poly- morphe, depuis les formes les plus aiguës et les plus turriculées, à dernier tour très-petit, jusqu aux formes plus courtes et plus ovalaires, à dernier tour aussi grand ou un peu plus grand que la spire. Ces L. longiscata du Puy sont pour moi bien plus certaines que les prétendues longiscata, sou- vent citées des calcaires d Aurillac (Cantal), d’après ce que j’ai vu du moins de ces derniers calcaires. J ai vu cependant dans la collection Aymard une Limnée mesurant plus 45 mill., et qui s’éloigne du type longiscata par son dernier tour deux fois plus grand que la spire et tendant à se dilater comme dans les types plus modernes. Limnæa Briarensis, Desh . ? junior, L. symetrica, Brard ? Avec les Limnées du type précédent, on trouve dans les couches grises friables du dépôt des Farges de très-petites formes qui certainement ne sont pas les jeunes des autres, et qui se rapprochent des petits types que je cite ici et peut-être des types fabulum ? junior ou même eylindrica ? Mal- reusement, 1 état d écrasement de ces petites coquilles ne me permet pas de me prononcer à leur égard avec quelque certitude. Planorbis cornu, Brongn., var. PI. planatus, Noulet ohm. vel P. solidus , Thomæ. Les Planorbes que je rapporte à ce type sont communs surtout dans les couches des Farges. Quelques échantillons atteignent 25 mill. et plus de diamètre, et par leur face supérieure légèrement aplatie et leurs autres ca- ractères, ne diffèrent pas des grands PI. planatus, Noul., des calcaires du miocène inférieur ou de l’éocène supérieur du département du Tarn ; et pas davantage de certains PI. sohdus , Thomæ, des calcaires miocènes de l’Allemagne, d'Orléans et du S. O. de la France. 1063 RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. PL. ANNULATUS, Bouillet. Je crois pouvoir rapporter, au contraire, au Fl. annulatus, Bouill. (ca- tal. des coq. foss. de l'Auvergne), espèce des calcaires marneux de Corent, de Cournon, etc. , qui n’a pas été figurée, une forme qui se rapproche da- vantage du PI. roiundatus de Saint-Ouen par le développement plus égal et l’étroitesse de ses tours, mais dont le plus grand diamètre ne dépasse pas 12-14 millimètres. Quelques Planorbes, plus petits encore, de la taille tout au plus du PI. Prevostinus des meulières de Montmorency, mais qui s’en distinguent par leurs tours plus serrés et plus ronds, ne sont peut-être que des jeunes de V annulatus ? Pl. planulatus, Desh. PI. Bouilleti 3 nov. sp. [Pl. nitidus , Bouillet, non Muller). Ces petits Planorbes, de la section des Segmentina , ne sont pas rares, le second du moins, dans les calcaires à Limnœa longiscata d’Espaly ou de Ronzon, et dans les couches friables des Farges. Quoique je n’aie vue que des empreintes ou des échantillons écrasés de ces Planorbes, je crois pou- voir affü mer la présence ici du Pl planulatus , qui est également associé à Paris à la Limnœa longiscata , J’en détache, au contraire, le petit Planorbe aplati, le plus commun dans les calcaires du Puy et aux Farges, et qui est celui que Bouillet [loc. cit .) a eu en vue, et qu’il a cité expressément du Puy et de la base de la mon- tagne de Gergovia, sous le nom de Pl. nitidus , comme semblable à l’espèce vivante d’Europe ainsi dénommée. Mais cette assimilation est inexacte : le petit Planorbe fossile du Puy se rapproche, il est vrai, de l’espèce vivante de Müller par la petitesse de son ombilic, mais il en diffère par sa taille plus grande, par une légère carène qui termine le dernier tour et par sa face inférieure bombée au lieu d’être plane; je me crois donc autorisé à lui donner le nom nouveau de Planorhis Bouilleti. Le Pl. Bouilleti se dis- tingue à son tour du PL planulatus , Desh., par cette convexité inférieure du dernier tour et par son ombilic beaucoup plus étroit. Je crois le re- trouver dans les calcaires de Brunstatt en Alsace, qui sont probablement à un niveau très-voisin de celui des calcaires du Puy, et dans les calcaires marneux à Limnœa strigosa de Pantin et de Ville-Parisis, près de Paris. Je crois en effet que le petit Planorbe que M. Deshayes a cité de ces marnes de Pantin (t. II, suppl., pag. 753) sous le nom de planulatus , avec doute, parce qu’il n’en connaissait pas la face inférieure, peut être rapproché plus sûrement de celui du Puy et de l’Auvergne; il est, comme ce dernier, con- vexe en dessous et étroitement ombiliqué, à en juger par quelques échan- tillons que j’ai observés dans les calcaires de Ville-Parisis (du même ni- veau que les marnes blanches de Pantin), où l’espèce est associé à Limnœa strigosa , Bythinia plicata , Melanopsis , indét., etc. Pl. spiruloidgs, Desh.?? J’inscris sous ce nom, uniquement pour donner une idée approximative 1064 SÉANCE DU 43 SEPTEMBRE 1869, éteata„fe™'; “ Pf t$ P'an0rbeS dont les débris- mais “ Enfin r/ raresdans les couches des Farges notamment. et belle esnèce ri E.°ter *ci un baf?ment de la partie inférieure d’une grande très-g and e h v “J ‘eCtl°n Aymard’ à °mbilic lr^üt> à dernier tour Wight. J gr0upe peut'étre du S^d «• dtanude l'île de Vivipaba,... indét. la.Suê^pMprts^ria^S0” Aymard) du bernent des Farges; de Dlus maiQ f Paludtna aspersa , Michaud , BS millimètres et grands vivinarn°rme+m°mS ramassée> Plus ovale> a «pire plus haute. Les ne nuis ni I 80 T®?* d’une sP^ification tellement difficile que je une de'psnè-o n„S à ,a Pariïe supérieure et feuil- lüdet Bo nirn a- l™Sùcata et à Cyproides qui coupent le neux de Ronzon. XpaUy ®‘ qm forment ,a base du système mar- . b aspect de ces plaquettes couvertes d’empreintes de Bythinies (et de XV7ZU7X!Cilla‘Um raPPeUe d’ab”d CekÜ des P'iettel lll rinT/ d Arch’> deFresnes. près de Paris (niveau de la Limn. stngosa). Cependant ces empreintes écrasées me paraissent dénoter une espèce diffé- rnntôj généralement plus grande et ulns fnrfo a t nomhrp na *7 , 8 6 et plus forte* a tours Moins ronds, au ombre de 5-7, généralement aussi entière et non tronquée, et qui se rap- proche peut-etre davantage, sauf ce dernier trait, du Byth. microstoma éo- cene e suis porté à croire qu’elles constituent une espèce nouvelle 9 la quelle ;e donnerais le nom de Bytkinio. AymnrM, s, de meilleurs ex ^ , res me confirment dans cette appréciation. exemptai- Spiiærium, . . . indét. Très-petite espèce, rare, des mêmes calcaires et des mêmes couches, que je ne puis detei miner que génériquement. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1065 Telle est la courte liste que je puis donner des fossiles que j’ai étudiés. Quelle en est la signification? Les calcaires de Ronzon ont été classés généralement dans le miocène inférieur par les géologues français qui, selon la classification la plus accréditée , font commencer le système du miocène au-dessus des gypses à Paléothériums de Mont- martre et plus précisément : au niveau des marnes feuilletées à Ceritium plicatum et Cyrena conmxa du bassin de Paris. Cette classification d’un bassin d’eau douce tout à fait isolé a été déduite de l’appréciation des vertébrés, à cause de la prédo- minance des types Rhinocéros, Anthracothériens, Cervidés, etc., qui se développent à partir seulement de cette époque, et mal- gré la présence de quelques représentants du type plus an- cien des Paléothériums, qui du reste ont été retrouvés depuis dans le S. O. en association semblable. Les coquilles d’eau douce, associées à ces divers vertébrés dans les mêmes calcaires, contredisent-elles cette classifica- tion? Je ne le crois pas ; mais il est besoin pour cela de quel- ques explications. Il est vrai que la Limnœa longiscata , qui jouerait ici le même rôle que les Paléothériums dans la classe des vertébrés, est considérée généralement dans le bassin de Paris comme ca- ractérisant exclusivement et ne dépassant pas les calcaires de Saint-Ouen inférieurs aux gypses à Paléothériums ; puisque la Limnée des a marnes blanches de Pantin, » supérieures à ces mêmes gypses, a été érigée comme espèce à part, sous le nom de L. strigosa , Brongn. Mais, outre que cette espèce est vrai- ment peu déterminable en l’état où on l’a trouvée jusqu’ici et qu’il est difficile d’affirmer qu’elle constitue autre chose qu’une des nombreuses variétés des L. pyramidalis , longiscata , acuminata , etc., je dirai que j’ai trouvé moi-même à la butte de Sannois, près de Paris, à un niveau supérieur au précé- dent, intercalé dans les « marnes vertes, a à 3 mètres environ au-dessus des « marnes à Gyrènes » un banc de calcaire mar- neux verdâtre, renfermant de très-grands moules (40 millim. au moins) d’une Limnée à spire allongée et relativement étroite, qu’il m’est bien difficile de ne pas rapporter égale- ment au type de la L. pyramidalis ou longiscata. J’admets donc, quant à moi, que ce type s’est perpétué , dans le bassin de Paris lui-même, jusque dans les premières couches du mio- cène inférieur ou tongrien (et même plus haut, sous la forme L. Brongniarti, Desh., dans les meulières qui surmontent les 1086 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1889. sables de Fontainebleau), tout en avouant que l’abondance du type vrai et de ses variétés principales dans les calcaires de Ronzon est frappante et remarquable. Quant au type des Planorbis cornu , planatus, solidus , c’est autre chose : dans le bassin de Paris , le type du PL cornu a été établi par Brongniart pour un Planorbe des meulières de Montmorency et üu calcaire de Beauce; c’est aussi le niveau que lui assigne M. Deshayes, qui en a détaché comme reve- nant au PI. solidus, Thomæ, des formes plus grandes, abon- dantes dans les calcaires à Hélices de l’Orléanais , qu’il est peut-être difficile de ne pas relier au type par les intermé- diaires qu’on trouve dans les meulières elles-mêmes (PL ro - tundatus, Brongn. ? non Desh.). C’est ce second type, espèce ou forte variété, qui pullule dans les calcaires aquitaniens du S. O. (PI. subpyrenaicus, Noul. olim), dans le Wurtemberg, etc. Ce type jouerait donc à son tour dans la faune des coquilles de Ronzon le même rôle que le type Rhinocéros, par exemple, y joue dans celle des vertébrés; et y représenterait des formes particulières au miocène moyen. Mais dans le bassin de Paris même, M. Hébert a cité [Bull., t. XVII, pag. 800) le Plan, cornu du calcaire inférieur de Château-Landon , qu’il met au niveau du calcaire de Brie, c’est-à-dire approximativement au niveau de Ronzon. En dehors du bassin de Paris, il est hors de doute que ce type remonte à une époque beaucoup plus ancienne que celle des meulières de Montmorency, et dans le S. O. de la France notamment, il abonde dans les calcaires la- custres du Tarn (Cordes) et du Lot (Cieurac), qui sont infé- rieurs ou tout au plus subordonnés aux mollasses de l’Agenais. Ce fait est d’autant plus intéressant à rappeler ici que la partie inférieure de ces mollasses contient précisément les gisements de vertébrés qui offrent le plus d’analogie avec le gisement de Ronzon par l’association des mêmes types Pthinoceros, An- thracotherium, Elotherium ou Entelodon, Cenotherium et Pa- léothérium, etc., comme je l’ai établi dans une note récente. Ce Planorbe de Cordes et de Cieurac, qu’il est quelquefois ex- trêmement difficile de distinguer du PI. solidus ou subpyrenai- cus de Saucats (Gironde), est celui que M. Noulet avait appelé en 1854 (mém. sur les coq. foss. du S. O.) Planorbis planatus , et il descend beaucoup plus bas encore, presque dans les cou- ches paléothériennes les mieux caractérisées des environs de Castelnaudary, où M. Deshayes l’a distingué sous le nom de Pl. Vialai (Suppl., t. II, pag. 753, 1864), sans tenir compte de RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU fUY. 1067 la dénomination antérieure de M. Noulet. Depuis, M. Noulet lui-même (mém. s. coq. foss. du S. O., 1868), revenant sur ses précédentes appréciations , s’est décidé, pour sortir des difficultés qui s’opposent à une bonne caractérisation spécifi- que de toutes ces formes si voisines, étagées depuis l’époque paléothérienne jusqu’en plein miocène, à les réunir toutes et en masse (sauf néanmoins le Planorbis crassus de Castelnau- dary, etc., qui n’est cependant peut-être, lui aussi, qu’une autre variété du même type) sous le vocable le plus ancien, celui de Planorbis cornu de Brongniart (1). Dans la série lacustre provençale, c’est cette même forme de PL planat-us , si je ne me trompe, qui se retrouve en abondance dans les calcaires de la Trécarèse inférieurs au gypse et aux cycîades du bassin d’Aix, étage N. de M. Matheron, corres- pondant par conséquent aux marnes blanches de Pantin et au gypse de Montmartre. C’est aussi ce Planorbe qui abonde dans les calcaires de Sommières (Gard); et c’est lui que j’ai signalé déjà dans les calcaires de la Côte-d’Or (à Belleneuve et àVes- vrottes), associé, comme au Puy, à la Limnœa longiscata et à de grosses Paludines. En somme, c’est un type qui partout ailleurs que dans le bassin de Paris est loin d’être caractéristique de l’époque mio- cène. Le Plan, annulatus appartient à un autre type, à dernier tour moins enveloppant, auquel appartient aussi le Planorbe caractéristique des calcaires de Saint-Ouen, connu générale- 0) C’est peut-être dépasser le but et réagir contre une analyse excessive par une synthèse trop compréhensive à son tour, et j’avoue que, tout en ap- plaudissant à un principe qui rentre dans ma manière de concevoir l’évo- lution des formes et la succession des espèces, je ne crois pas utile à la science qui cherche à établir l’histoire de ces filiations de confondre sous une seule et unique dénomination toutes ces variétés paléontologiques qui correspondent à autant de niveaux et d’échelons dans la marche du temps; et je voudrais réserver, au moins à titre de noms de variétés , les anciens noms spécifiques qne fon croirait devoir rattacher à un type dominant. Je dirais donc : Planorbis cornu , Brongn., var. crassus — var. planatus — var. solidus — var. Mantelli — var. subyyrenaicus , s’il y a lieu, etc. De même pour l’autre type de grand Planorbe tertiaire : PI. Buxvillerensis , Brard. var. Leymcriei — var. Pacyensis , s’il y a lieu, — var. Castrensis , Noul. — var. conlerraneus , Noul. — var. rotundatus , etc. De même pour les Limnées : L. pyramidali >, Brard. vr, longiscata — var. arenularia — - var. fusiformùy etc., etc. 1068 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869. ment, et par suite d’un usage accepté par M. Deshayes (Suppl,, • 11? Pag- 742), sous le nom de PL rotundatus, Brongn. , qui ne s appliquait dans la pensée de Brongniart qu’à une variété du cornu des meulières (rentrant probablement dans le solidus ou dans le Mantelli), et qui est d’ailleurs un ancien nom donné antérieurement par Poiret (1801) à une petite espèce vivante d Europe {PL leucostoma , Millet, 1813), pour laquelle il est re- pris maintenant par beaucoup de malacoiogistes. Quoi qu’il en soit de cette question embrouillée de synonymie, le Pla- norae fossile de Saint-Ouen, auquel se rattache Vannulatus de oui, et, appai tient à un grand type polygyré répandu dans les terrains tertiaires inférieurs. De même, les PI. planulatm et Pl. Bouilleti appartiennent ou se relient à de s types répandus dans les calcaires de Saint- uen ou dans les « sables moyens » supérieurs des environs de Paris. Enfin, les Bythinia écrasées d’Espaly donnent lieu à une observation semblable. Quelles qu’elles soient, elles me pa- raissent appartenir à ce groupe particulier qui commence dans eocene moyen par le Byth. microstoma du calcaire grossier, reparaît ensuite dans les marnes blanches de Pantin, et paraît s éteindre au niveau du calcaire de Brie et dans le tongrien de Belgique {Byth. plicata , d’Arch. ; Byth . truncata , Brard (Du- chasteh , Wyst) (1). v En résumé, les coquilles d’eau douce des calcaires du Puy indiqueraient au moins autant d’attache avec les types précé- ents ou éocènes (au sens français ordinaire de ce terme pa- léontologique et en y comprenant l’époque paléothérienne) que de tendance vers les types miocènes postérieurs; ce sont des types qui sont à cheval sur les deux époques, et dont le caractère correspond bien à celui de cette période intermé- diaire que les auteurs allemands ont appelée oligocène. Je se- rais d ailleurs embarrassé, je l’avoue, pour tracer une ligne de démarcation bien précise , surtout au point de vue des (1) J ai rappelé dans le Journal de conchyliologie (vol XVII pa°- 90) que ces espèces remarquables par l’obliquité et le bourrelet marginal de 1 ouverture et par la troncature habituelle de la spire qui leur donne quel- que ressemblance avec les truncatella, pourraient être l’objet d’une coupe qui a été proposée par M. Wyst sous le nom de Forbesia. M. Frauenfeld (in 1 a lu dîna, p. 41) a fait remarquer que ca nom générique avait été déjà employé. J ai donc proposé d’y substituer celui de Wystia. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1069 faunes terrestres ou d’eau douce, entre l’éocène supérieur et le miocène inférieur, ou, en d'autres termes, entre l'oligocène inférieur des allemands et l’oligocène moyen. Et, pour ce qui est des calcaires de Ronzon, je me contente de dire que, d’a- près toutes les considérations paléontologiques, ils appartien- nent à ce groupe de terrain qui, à Paris, s’étend depuis, et y compris, les marnes à Limnœa strigosa jusqu’au calcaire sili- ceux de la Brie; et je suis disposé à les classer, par l’examen des coquilles, plutôt à la partie inférieure de ce groupe qu’à sa partie supérieure; c'est-à-dire à les mettre au niveau des marnes vertes ou des marnes à Gyrènes, si ce n’est môme des marnes à Limnœa strigosa , plutôt qu’au niveau du calcaire de Brie qui termine cette petite série , et dans lequel les types précédents de Limnées et de Planorbes sont remplacés par des types tout à fait différents et plus voisins de ceux des meu- lières supérieures. A un autre point de vue, l’étude de ces fossiles m’a amené aussi à reconnaître que le niveau des calcaires de Ronzon se retrouve très-probablement dans le bassin de Brioude et dans celui de Clermont (à Corent, à Gournon, à la base de la mon- tagne de Gergovia, etc.) dans les calcaires marneux à Planor- bis annulatus et Limnœa ampullaria de Bouillet. Je regrette de n’avoir pas pu poursuivre sur le terrain ce rapprochement qui est conforme aux indications fournies par les vertébrés re- cueillis à Bournoncle Saint-Pierre et ailleurs. M. Sauvage fait la communication suivante : Note sur les poissons du calcaire de Ronzon, près le Puy-en-Velay ; par M. H. E. Sauvage. Dans sa liste des animaux du calcaire de Ronzon, liste don- née lors de la session des Sociétés savantes du Puy-en-Velay, M. Aymard inscrit sous le nom de Pachystetus gregatus les pois- sons découverts par lui dans cette localité si célèbre. Pour le savant paléontologiste que nous venons de citer, l’ichlhyolite de Ronzon se rapporte à un genre nouveau, le genre Pachystetus (poitrine épaisse); ce genre n’a été ni décrit, ni figuré. Nous étant trouvés au Puy, nous avons pu étudier la faune ichthyologique de Ronzon, grâce à l’extrême obligeance 1070 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1869. de MM. Aymard et Vinay qui ont mis leurs riches collections à notre disposition. L’exemplaire sur lequel M. Aymard avait créé son genre est altéré par la fossilisation. Lorsqu’on a des exemplaires bien conservés, on voit que ce genre ne peut se séparer des Lebias par aucun caractère, et que l’espèce que nous étudions vient se placer entre le L. ce - phaloles d’Aix et le L. Meyeri de Francfort. Il est digne de remarque que la classe des poissons ne compte qu’une seule espèce à Ronzon, alors que toutes les autres classes du règne animal y sont si largement représentées. Ce poisson appartient d’ailleurs au groupe (celui des Cyprins et des Cyprinodontes) le plus abondant dans tous les cours d’eau de l’époque actuelle; comme aujourd'hui, dès l’époque ter- tiaire il formait la principale masse de la population des lacs (Agassiz). Les Lebias de Ronzon sont de très-petite taille; comme leurs analogues de nos jours, ils devaient vivre en troupes serrées et se nourrir de matières organiques en décomposition, de petits insectes, de vers, de substances végétales que leurs dents ak gués pouvaient déchirer. Élancés, à nageoires caudale et anale longues, ils étaient parfaitement disposés pour nager rapide- ment. C’est ce que va nous démontrer l’étude de leur sque- lette. n* i Lebias Ay mardi Sauvage. [Pachystetus gregatus Aymard.) Formes générales. — Poisson de très-petite taille, élancé, plus épais au niveau de la nageoire anale, près de 5 fois plus long que haut. Longueur moyenne du corps. . . . Hauteur maximum du corps .... Hauteur de la tête ... Longueur de la tête Distance entre la tête et la dorsale 31mm . 5,5. 5,5. kk 10. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. d07i Largeur de la dorsale 4. Distance entre cette nageoire et la caudale. . . 5,5. Largeur de la pectorale à sa base 1,5. Longueur de la pectorale 2,5. Distance entre la base de la pectorale et la ■ventrale 4,5. Largeur de la ventrale •. . . 1,9 . Longueur de cette nageoire 2,5 . Distance de la ventrale à l’anale 2,5. Largeur de l’anale 4,5 . Longueur de cette nageoire 4,5. Distance de l’anale à la caudale 5,5 . Largeur de la caudale à sa base 3,5 . Longueur de la caudale 5,0. Tête. — Tête un peu plus longue que haute, contenue 4 fois dans la longueur totale du poisson, assez grosse. Ligne du front peu inclinée, un peu bombée, se continuant avec la ligne générale du corps. Frontal principal large. Œil assez grand, arrondi, situé en avant de la moitié anté- rieure de la longueur de la tête, situé bas, au niveau de la bouche. Sous-orbitaires grands. Bouche peu fendue, la mâchoire inférieure devant débor- der très-légèrement la supérieure. Dents fortes, pointues (fig. 5 sont représentées deux dents grossies). Mâchoire inférieure aplatie horizontalement. Opercule grand, allongé. Sous-opercule grand, de forme lozangique. Pré-opercule grand, coudé presque à angle droit. Interopercule étroit et allongé. Toutes les pièces operculaires sont lisses. Elles sont représentées grossies fig. U. Rayons branchiostéges forts, paraissant être au nombre de 5; le quatrième est le plus fort. Colonne vertébrale et côtes. — Colonne vertébrale assez forte, très-relevée dans la région abdominale, si on la compare à celle des L. Meycri et cephalotes. Les vertèbres, un peu plus longues que hautes, sont au nombre de 32, dont 20 caudales et 2,10 abdominales; 10 vertèbres sont en arrière de la dorsale, 4 entre la ventrale et l’anale. Les côtes fortes, faiblement arquées en avant, sont au nom- bre de 10 paires; elles arrivent jusqu’au bord de la cavité tho- racique. Celle-ci, comme dans le Lebias cephalotes, est remplie par une matière noirâtre, reste du foie qui, comme chez tous 1072 SÉANCE DU \ 3 SEPTEMBRE 1869. les Cyprinodontes d’ailleurs, devait être volumineux et très- Nchargé de matière pigmentaire. Les hœmapophyses de la région caudale sont grêles; leur partie vertébrale est cependant beaucoup plus forte et élargie; elles sont surtout très-dirigées en arrière dans la partie posté- rieure du corps. Les neurapophyses de la région abdominale sont plus grêles encore ; les premières sont très-courtes et presque verti- cales; les autres sont fortement dirigées en arrière. Les neu- rapophyses de la région caudale sont de même force que les hœmapophyses correspondantes et, comme elles, présentent une partie vertébrale élargie. Celles qui sont sous la nageoire dorsale et les deux ou trois qui précèdent cette nageoire sont presque verticales. Dans la partie postérieure du corps elles présentent la même disposition que les apophyses inférieures. On ne voit pas de traces des arêtes musculaires. Nageoires paires. — La pectorale est composée de 1U rayons très-grêles dont les inférieurs sont un peu plus longs, cette nageoire étalée arrive jusqu’au niveau de la cinquième côte ; cette nageoire a une forme sensiblement quadrangulaire, étant presque coupée carrément à son extrémité. La ventrale située très-sensiblement à une longueur de tête du bord postérieur de l’opercule n’est composée que d’un pe- tit nombre de rayons, 5 à 6, un peu plus forts que ceux de la pectorale; étalée, cette nageoire devait aller très-près du pre- mier rayon de l’anale. Nageoires impaires . — La nageoire dorsale est située au- dessus de 5 vertèbres dont les apophyses épineuses sont, avons- nous dit, presque verticales, à ce niveau. Les osselets porte-na- geoires, en même nombre que les rayons, sont grêles, oblique- ment dirigés en avant, élargis à leur extrémité supérieure. Les rayons de la nageoire sont assez grêles, au nombre de 10, subdi- visés à leur extrémité. Cette na- geoire est un peu plus haute que la distance qui en sépare la base de la colonne vertébrale en ce point. Elle est placée en arrière de la moitié de la longueur totale du corps, la caudale comprise ; sa terminaison est de l’o- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. 1073 rigine de la caudale à une distance sensiblement égale à la hau- teur de la tête. Les derniers rayons sont un peu plus longs que les premiers, de sorte que la nageoire est coupée oblique- ment. La nageoire anale est très-développée , et peut servir à caractériser l’espèce que nous décrivons. Elle est située en face de la dorsale , qu’elle déborde cependant en avant , étant située au-dessous de 7 vertèbres. Sa base est égale à la hauteur de la tête; la hauteur de la nageoire est presque égale à sa longueur. Nous avons indiqué plus haut la direction des hœmapophyses à son niveau. Les osselets porte-nageoires sont plus longs et plus forts que ceux de la dorsale: ils sont assez élargis à leur extrémité inférieure, moins cependant que l’extrémité supérieure des rayons qui leur correspondent; cette extrémité est arrondie. Les rayons de la nageoire sont un peu plus forts que ceux de la dor- sale et commencent à se subdiviser vers le milieu de leur longueur. Le premier rayon est plus court que le second. Char que rayon est ensuite un peu plus court que celui qui le pré- cède, de sorte que la nageoire a une forme arrondie. Les deux derniers rayons sont de beaucoup les plus courts. (Fig. 6 est celle nageoire grossie.) La dernière vertèbre supporte un os relativement large, trian- gulaire, arrondi à son extrémité postérieure, très-légèrement échancré à ses bords, os qui soutient la caudale. Cette nageoire est vigoureuse, un peu plus longue que la distance qui en sé- pare la base de la terminaison de la dorsale. La caudale du L . cephalotes est légèrement échancrée, celle du L. Meyeri , tron- quée, celle de l’espèce de Ronzon, arrondie légèrement. Elle a pour formule 6 J; 8,8 ; I 6. Les quatre premiers petits rayons sont très-courts et très-grêles. Les gros rayons se divisent vers leur tiers inférieur et se subdivisent vers les deux tiers infé- rieurs. Écailles . — Les écailles, qui ne sont que très-rarement con- servées, sont grandes, ovales, ornées de lignes allant $|||j|Len rayonnant du centre; ces lignes paraissent être au ' xüIÇÇ' nombre de 16 pour les écailles de la région ventrale. Rapports et différences. — On sait combien est diifieile la dis- tinction des espèces de Cyprins vivants, aussi dans l’étude des fossiles ne doit-on négliger aucun détail, si minutieuse que puisse sembler la description. Des cinq espèces de Lebias fossiles décrits, l’espèce de Ronzon n’a de rapports qu’avec les Soc . géol.j 2e série, tome XXVI. 68 1074 SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1870. L. cephalotes et Meyeri. La première de ces espèces est d’Aix en Provence, la seconde des argiles plastiques à Gypris de Franc- fort. Par un ensemble de caractères, le Lebias de Ronzon s’en sépare nettement comme on peut le voir par l’examen des fig. 1, 2 et 3. Les deux premières, copiées de l’ouvrage d’Agassiz (1), re- présentent fig. 1 le L. cephalotes et fig. 2 le L . Meyeri ; le L , Ay- mardi est figuré sous le n° 3. Les différences apparaîtront en- core plus nettement par le tableau suivant où ces trois espèces sont mises en parallèle : Lebias Ay mardi . Tête comprise 4 fois dans la longueur totale du corps. 20 vertèbres caudales. 2,12 v. abdominales. Apophyses épineuses fortes à leur base, puis très- grêles . Côtes fortes. Anale située à une longueur de tête de la pectorale. A. 12. Anale arrondie. Anale située sous sept vertèbres . D. 10. Dorsale en arrière du milieu de la longueur du corps. Dorsale placée au-des- sus de 5 vertèbres. P. 14. C. 61; 8, 8; 16. Caudale légèrement arrondie. ( Lebias Meyeri . Tête comprise plus de 4 fois. 18 caudales. 3,10 abdominales. Apophyses épineuses fortes, surtout à la par- tie postérieure du tronc. Côtes très-vigoureu- ses. Anale plus reculée. A. 18. Anale coupée plus carrément. Anale située sous 7 à 8 vertèbres. D. au moins 9. Dorsale très en ar- rière. Dorsale au-dessus de 5 vertèbres. P. au moins 12. C. 51; 8,9; 15. Caudale coupée car- rément. Lebias cephalotes. Tête contenue un peu moins de 4 fois. 22 caudales. 2,10 abdominales. Apophyses épineuses très-grêles . Côtes très-grêles. Anale située à une longueur de tête de la pectorale. A. 14. Anale coupée plus carrément et plus courte que dans les deux au- tres espèces. Anale située sous 7 vertèbres . D. 10. Dorsale un peu en avant du milieu . Dorsale au-dessus de 6 vertèbres. P. 14. C 31; 8,9 ; 13. Caudale légèrement échancrée. (1) Poissons fossiles, t. V, p. 48, 50, pl. XLI, fig. 1, 2, 9, 10 et 7, 8. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1075 On voit que l'espèce des environs du Puy se distingue nette- ment des deux autres. Le genre Pachystetus ne pouvant être conservé, nous proposons de donner au Lebias que nous ve- nons d’étudier le nom de Lebias Aymardi , le dédiant au savant paléontologiste qui a si bien fait connaître le riche ossuaire de Ronzon. M. le Président invite les membres à présenter les obser- vations qu'ils ont à faire sur les communications précé- dentes. M. Aymard aurait quelques remarques à faire à propos de la question des brèches basaltiques ; mais il se réserve de les présenter après l’examen delà Roche-Rouge. M. Lecoq prend la parole pour faire ressortir l’importance de la découverte des restes humains de la Denise, à l’appui de la haute ancienneté de l'homme. Après avoir fait rapi- dement l'historique de cette curieuse découverte, le savant professeur expose les divers faits qui ont conduit les pa- læothnologistes à établir plusieurs âges de l’humanité an- térieurs à toutes les traditions historiques. La séance est levée à dix heures. TROISIÈME SÉANCE. MARDI 14 SEPTEMBRE. PRÉSIDENCE DE M. VINAY. La séance est ouverte à huit heures et demie dans une des salles du musée Crozatier. Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. Sont présentés pour faire partie de la Société : MM. Tournaire, ingénieur en chef des mines à Châlons-sur- Saône. Vicaire, ingénieur des mines, professeur à l'École des mines de Saint-Étienne. Malard, ingénieur des mines, professeur à l'École des 1076 SÉANCE DU 14 SEPTEMBRE 1869. mines de Saint-Étienne; présentés par MM. Levallois et de Billy. M. Mac-Pherson, présenté par MM. Delanoue et Collomb. M. Maxime Roux, présenté par MM. Tournouër et Sau- vage. M. Ganze, présenté par MM. Vinay et de Billy . Sur leur demande, sont admis à faire de nouveau partie de la Société : MM. Aymard et Félix Robert. M. Lecoq, vice-président, rend compte de la course de la journée. Partis en voiture à sept heures du matin, les membres de la Société ont débuté par l’étude des formations de la butte de Montredon. Sur les flancs de la tranchée du chemin de fer, on observe un ensemble de couches à éléments volcaniques, sur le compte desquelles les membres de la Société ne sont point d’accord. Il est facile de constater que de nombreuses couches argilo- sableuses et caillouteuses, nettement stratifiées, viennent butter contre le massif dit de brèche boueuse. Ces couches sableuses plongent assez rapidement pour se relever en certains points, de manière à présenter à la plupart des membres l’aspect des dépôts alluviens sur les pentes. Ces sables à éléments volcani- ques remaniés auraient été déposés par les eaux de l’époque pliocène pour lesquelles le massif de brèche boueuse devait constituer un barrage dont les effets sont demeurés très-appré- ciables. Telle n’est pas l’opinion de M. le président Vinay, qui pré- fère admettre un soulèvement de ces sables par les brèches boueuses elles-mêmes, dont l’apparition serait dans ce cas pos- térieure au dépôt des couches sableuses pliocènes. M. Lory ne partage point cette manière de voir. Il se peut que des mouvements de dislocation et de soulèvement soient venus augmenter l’inclinaison des couches sableuses, après leur formation; toutefois les brèches boueuses contre lesquelles elles s’appuient ne paraissent pas s’être fait jour sur place. Les couches pliocènes inclinées s’étendent assez loin. A la montée dite de Tire-Bœuf, leur caractère minéralogique est RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU BUY. 1077 un peu différent, mais elles contiennnent de nombreuses em- preintes végétales dont l’examen permet de rapporter cette formation aune époque pliocène peut-être un peu plus récente que l’âge des dépôts de Ceyssac. En quittant la tranchée du chemin de fer, les membres ont pu reconnaître, dans l’enclos des Fous, que ces mêmes couches pliocènes sont recouvertes par un ensemble de cailloux roulés souvent encore anguleux, en discordance avec les dépôts sous- jacents. M. Aymard déclare avoir recueilli au milieu de ces cailloux des restes de Rhinocéros de l’époque quaternaire ancienne. Enfin ces cailloux quaternaires supportent eux-mêmes une remarquable coulée basaltique au contact de laquelle les cail- loux roulés ont été éprouvés. 11 est donc permis d’affirmer que les phénomènes volcaniques du Velay se manifestaient encore avec énergie vers le milieu de la période quaternaire. M. Rames déclare avoir fréquemment observé dans le Can- tal des phénomènes géologiques analogues. Ce sont là des ar- guments importants, suffisants pour prouver que l’homme an- téhistorique a pu assister aux dernières éruptions volcaniques du centre de la France. Enfin, il a été possible de reconnaître au-dessus des basaltes compactes une dernière formation caillouteuse, à ossements de chevaux, se rapportant à cette époque quaternaire récente. Cailloux anguleux à osse- ments de chevaux. Basalte compacte. Cailloux roulés quater- — naires à ossements de Rhinocéros. ~ Sables pliocènes. La fin de la matinée a été employée à la visite de la pré- cieuse collection de M. le Président, à Corsac, où tous ; les membres présents ont reçu une cordiale et généreuse hospi- talité dont ils se souviendront longtemps. De Corsac, la Société s’est rendue à Brive pour examiner en place les grès sableux, dits arkoses, riches en végétaux fossiles dont la collection de M. le président Vinay possède de nom- breux exemplaires. Ces grès arkoses, dont les éléments ont été empruntés aux roches primitives, représentent dans le bassin 1078 SÉANCE DU 14 SEPTEMBRE 1869. du Puy les premiers dépôts éocènes, si Ton en juge par les vé- gétaux fossiles qu’ils contiennent. Il était important d’étudier spécialement cette formation dont l’âge demeurait très-con- troversé. En se dirigeant ensuite vers Peyredeyre, on a observé d’abord une masse basaltique isolée couronnant les marnes bigarrées éocènes, et en second lieu le grand dyke phonolitique de Mer- cœur. La Société s’est engagée dans le pittoresque défilé de Peyre- deyre, dont les falaises sont constituées par un granit à gros grains se divisant en grands prismes. M. Lecoq reconnaît que la Loire n’a dû pouvoir se creuser un lit au milieu de ces roches qu’à une époque très-ancienne et ou le volume de ses eaux devait être considérable. Au milieu de ces gorges, la Société a été vivement intéres- sée par les nombreux blocs de gneiss empâtés dans le granité. Elle a remarqué enfin un curieux filon de granité à grains fins, traversant nettement le granité ordinaire à gros éléments. Les diverses particularités des roches cristallines dans cette curieuse localité avaient été signalées depuis longtemps par le savant M. Aymard. Les filons que l’on vient de citer prouvent certainement l’existence de plusieurs époques d’émission. En- fin, les fragments de gneiss ont dû probablement être arrachés à des terrains préexistants et empâtés dans la roche cristalline en voie de formation. Sur la demande de M. le Président, M. le comte G. de Sa- porta expose quelques remarques sur la flore des grès dits arkoses, de la Chartreuse, de Brive, etc. Les empreintes végétales fréquentes dans ces couches ne présentent d’ordinaire, malheureusement, qu’un degré de conservation peu favorable à l’étude. Pourtant il est possible de reconnaître en elles, d’une manière générale, un faciès bien caractéristique les rapprochant des flores anciennes des terrains éocènes. La collection de M. Aymard renferme, provenant de ces lo- calités, deux frondes de palmiers très-remarquables. L’une appartient au genre Flabellaria , l’autre, voisine du genre Phœ- nicites , est accompagnée de son inflorescence. A ce propos, M. de Saporta entre dans quelques détails relatifs aux diverses espèces fossiles et actuelles du groupe des palmiers. M. le Président Yinay possède enfin de nombreuses em- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. 1079 preintes des arkoses, parmi lesquelles on reconnaît de belles myricées et protéacées dont la présence Nient fournir de nou- veaux arguments importants. Aussi les arkoses , longtemps considérées comme triasiques ou secondaires, devront être re- portées presque vers la base des terrains tertiaires. M. Gaudry énumère rapidement les richesses paléontolo- giques des collections publiques et privées de la ville du Puy. Il parle d’abord des collections remarquables du Musée, à la perfection desquelles le conservateur, M. Félix Robert, a puissamment contribué. Les ossements humains de la Denise, les mammifères de Robilhac et de Solilkae y attireront tou- jours l’attention des paléontologues. La collection de M. Pichot Dumazel est remarquable à plu- sieurs titres. Elle contient, entre autres fossiles curieux, de nombreux restes de mastodontes et plusieurs ossements hu- mains des couches de Denise, dont une étude attentive est as- surément désirable. La célèbre collection de M. Aymard ne peut être aussi rapi- dement analysée. M. Gaudry signale quelques-uns des mam- mifères curieux à la connaissance desquels le nom de M. Ay- mard restera lié, et dont P Entelodon^ le Botriodon et le Ge- locus sont les types les plus curieux. # Enfin, M. Gaudry signale de nouveau dans la collection de M. Yinay des richesses paléontologiques analogues et princi- palement les divers fossiles de Ronzon, les restes de plusieurs grands chevaux, une dent de Machairodus et les nombreux os- sements de mastodonte à dents de Tapir. M. le Président donne lecture de Tordre du jour du mer- credi 15 septembre. La séance est levée à dix heures. QUATRIÈME SÉANCE. MERCREDI 15 SEPTEMBRE. La séance est ouverte à huit heures et demie dans une des salles du musée Crozatier, sous la présidence de M. Vi- nay. 1080 SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869. Par suite des présentations faites dans la séance précé- dente, le Président proclame l’admission de MM. Tournaire, Vicaire, Malard, Mac-Pherson, Maxime Roux et Ganze. Il annonce ensuite la présentation de : MM. Isidore Hedde, ancien délégué du gouvernement français en Chine, présenté par MM. Lecoq et de Billy. Gillet-Paris, ingénieur des mines, présenté par MM. Bau- dinot et Vinay. Victor Fouiliioux, minéralogiste à Clermont, présenté par MM. Lecoq et Damour. A propos d’une rectification au procès-verbal, demandée par M. Lecoq, M. Laval signale des restes de l’époque gla- ciaire dans la Haute-Loire, à Ronzon et à Ceyssac. M. Aymard déclare qu’il serait intéressant de rechercher des traces analogues lors de l’excursion au Mezenc, sans trop s’associer cependant à la remarque précédente. Le procès-verbal de la séance précédente est mis aux voix*et adopté. M. Lory rend compte de l’excursion faite pendant la jour- née du mercredi 15 septembre. Compte rendu de la course du mercredi 1 5 septembre ; par M. Lory. La Société s’est rendue en voilure à Polignac. Les ruines du château de ce nom se trouvent établies sur une roche isolée, escarpée de tous côtés et formée d’un conglomérat volcanique semblable à ceux des rochers de Corneille, Saint-Michel et Ceyssac, précédemment visités. On n’y observe pas de stratifi- cation proprement dite, mais une disposition grossière, et ce- pendant bien visible, des matières par nappes successives; disposition plus distincte qu’à Corneille, moins qu’à Ceyssac, et, comme dans cette dernière roche, voisine de l’horizontalité. En descendant de Polignac, M. Tournaire a fait remarquer que l’on marchait sur une ancienne alluvion sableuse et caiî- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1081 loutetrse, formée de débris venant du bassin de la Loire et in- diquant un ancien passage de la rivière par cet endroit avant qu’elle prît son écoulement, comme aujourd’hui, par la gorge de Peyredeyre. Cette alluvion, plaquée contre le rocher de Polignac, indique la manière dont a été corrodée et taillée en escarpement cette face du rocher, et il en est de même de l’autre face correspondant à un autre vallon» On s’est ensuite rendu à Rochelimagne, où l’on a pu observer des brèches volcaniques et les restes d’un ancien cratère. Les brèches renferment des géodes à cristaux. Ce sont des marnes tertiaires bigarrées qui supportent ces amas de débris volca- niques. A Cussae, la Société a vu des alluvions volcaniques dans les- quelles ont été trouvés de nombreux ossements de mammifères. On est arrivé bientôt après chez M. Robert et bon a visité sa collection, après avoir profité de sa gracieuse hospitalité. La Société s’est ensuite dirigée de Cussae vers Yialette, où elle a étudié les tufs volcaniques, qui ont fourni de nombreux osse- ments de mastodontes; elle est ensuite allée à Ceyssaguet. On s’est rendu de là à Cheyrac, montagne cratériforme, composée de conglomérats semblables à ceux des gisements précédents et semblables aussi, pour la structure et la disposition des matières, à ceux des roches isolées de Polignac, Geyssac, Cor- neille, etc. On y observe une disposition très-nette en nappes à double pente , d’une part faiblement inclinées vers l’extérieur, sous un angle variable de 20 à 25° au plus, et bien moins là où les matières sont fines ; d’autre part plus confuses et plus for- tement inclinées vers l’intérieur, sous un angle d’environ 35°. En résumé, l’intérêt de cette excursion a été surtout d’éta- blir, par les restes variés de mammifères qu’elles renferment, les époques diverses des nombreuses éjections volcaniques boueuses disposées soit en alluvions à peu près horizontales, soit en nappes grossièrement stratifiées et plus ou moins in- clinées, accumulées autour des anciennes bouches d’éruption. Nous remontons ainsi des éruptions toutes modernes des der- niers volcans du Velay, tels que Denise, etc., aux éruptions des temps quaternaires et tertiaires caractérisés par les di- verses faunes ci-dessus mentionnées. Quant aux conglomérats formant les roches isolées de Polignac, Geyssac, Corneille, Saint-Michel et Espaly, entièrement dépourvus de fossiles, ils paraissent bien clairement antérieurs à toutes ces nappes boueuses épanchées autour d eux. 10B2 SÉANCE UU 15 SEPTEMBRE 1809. M. Lory ajoute à ce compte rendu les considérations sui- vantes : La Société géologique me permettra de rappeler, au sujet des conglomérats volcaniques du Velay, quelques analogies qui ont été remarquées par plusieurs de nos confrères, et des- quelles il me semble que l’on peut tirer des conséquences assez nettes relativement au mode de formation de ces con- glomérats. Et d’abord ils sont composés entièrement de débris volca- niques, cendres, lapilli, scories, en fragments de toute gros- seur; en un mot, de matières rejetées par les volcans à l’état solide et agglomérées par le simple tassement et ^intervention uc 1 eau, soit des eaux pluviales seulement, soit d’eaux torren- tielles. Les conglomérats plus solides des roches de Polignac, de Corneille, etc., ne font pas exception : ce sont des types bien connus de peperino analogues à ceux des environs de Rome et de Naples. La seule différence importante, au point de vue du gisement, c est que ces lambeaux isolés de conglomé- rats volcaniques anciens, de la période tertiaire, ne se ratta- chent plus visiblement à un appareil volcanique, à un cratère d’éruption plus ou moins bien conservé, comme cela a lieu pour les conglomérats plus récents dans le bassin même du Puy, et comme cela se voit bien mieux encore dans l’Auver- gne et dans les localités classiques du Latium et de la Cam- panie. Mais ici l’identité de structure et de composition me parait impliquer l’identité de formation, et je crois que l’on doit considérer ces roches de conglomérats anciens du bassin du Puy comme des témoins , des restes très-incomplets d’an- ciens volcans déblayés en très-grande partie par les érosions considérables qui ont eu lieu dans ce bassin. Je ne saurais admettre l’expression de dyke appliquée à ces roches isolées de Corneille, de Polignac, etc., par nos savants confrères du Puy; en d’autres termes, je ne saurais admettre que chacune d’elles représente le remplissage d’une cheminée ouverte dans le terrain tertiaire et comblée d’un seul jet par une matière éruptive qui s’y serait consolidée. Il existe sans doute dans le Velay de véritables dykes, et je suis loin de contester l’exemple classique de la Roche-Rouge que la Société doit voir prochai- nement; mais je crois que nous y reconnaîtrons une tout au- tre structure et un mode de formation tout différent. I RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1083 Quant aux roches de peperino ancien qui sont ici en ques- tion, je ne saurais y voir que des accumulations de matières incohérentes rejetées par une bouche volcanique et agglomé- rées par voie humide. — L’eau a dû intervenir, et même en grande quantité, dans la formation des parties supérieures du conglomérat de Ceyssac, qui sont disposées en nappes à peu près horizontales : ce sont des restes de coulées boueuses su- perposées. La partie inférieure du même conglomérat, ainsi que celui de Polignac, dans lesquelles il n’y a plus que des in- dices peu marqués d’une disposition par nappes, représen- tent des restes de coulées boueuses plus épaisses, dans les- quelles il y avait beaucoup plus de matières solides que d’eau, comme celles que l’on voit encore descendre fréquemment des volcans, ou même comme celles des torrents boueux des Alpes. Pour les roches d’Ëspaly, de Corneille et de Saint-Mi- chel, où les indices de stratification sont nuis ou fortement inclinés, je serais porté à les considérer comme des lambeaux de conglomérats volcaniques formés plus près d’une bouche d’éruption; en d’autres termes, comme des restes de parois d’un ou plusieurs cratères complètement démantelés, et dont il ne subsiste plus que ces pans de murailles, pour ainsi dire, qui sont sans liaison apparente entre eux. La disposition plus ou moins distincte en nappes fortement inclinées, à double pente, vers l’extérieur et vers l’intérieur, est un fait bien connu de la structure des cratères volcaniques, et elle est d’autant plus marquée que l’eau est intervenue pour une plus grande part dans l’arrangement des matières proje- tées par la bouche d’éruption. C’est la disposition que la So- ciété a constatée aujourd’hui dans le cratère bien conservé de Cheyrac, et qui se voit aussi, plus nettement encore, dans les cratères classiques des champs Phlégréens, comme je m’en suis assuré moi-même en 1853. Dans le Monte-Nuovo même, malgré la rapidité avec la- quelle ce cône a été formé par la projection d’une grande quantité de cendres, de scories et de blocs trachytiques, cette structure est très-visible dans tous les petits ravins qui enta- ment, à l’extérieur et à l’intérieur, les parois de ce cratère. Cette disposition caractéristique des matières projetées par le volcan contraste avec celle des couches du tuf ancien, au milieu desquelles la bouche d’éruption du Monte-Nuovo me paraît s’être ouverte par effondrement et non par soulèvement ; car on voit ces couches de tuf, sur plusieurs points, s’enfoncer 1084 SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869. très-visiblement sous le cône volcanique formé par l’éruption de 1538. L’ensemble des observations que j’ai notées sur les lieux en 1853 donne le profil suivant. T. Tuf des champs Phlégréens, nettement stratifié, s’enfonçant par suite d’effondrement local, sous le Monte-Nuovo. S. Scories et blocs du Monte-Nuovo, éruption de 1538. Cet arrangement en nappes à double pente est également visible à la Solfatare et dans les ravins du grand cratère d’As- troni. Mais on peut surtout bien l’étudier au point de vue de l’application que je désire en faire aux roches du Puy, dans le cratère plus démantelé du Monte-Barbaro, voisin du Monte- Nuovo. Cet ancien volcan, dont la formation remonte à une époque non déterminée, est un grand cône tout formé de conglomérat ponceux et tracbytique, sans laves ni coulées. Ces conglomé- rats ou tufs sont régulièrement inclinés vers l’extérieur du cratère, comme on le voit nettement en montant au monas- tère de San Angelo; mais, en descendant de ce couvent vers l’intérieur, on les voit non moins nettement avec une stratifi- cation moins régulière et plus inclinée, sous un angle de 30° environ ou même un peu pins, plonger vers le centre du cra- tère. Celui-ci est comblé par les alluvions séculaires des ruisseaux descendus de ses flancs , et il présente une vaste plaine cultivée. Mais à l’autre bout du diamètre partant de San Angelo, il y a un ruz ouvert dans le tuf, par lequel on sort de cette enceinte. Là on voit encore nettement la double pente des nappes de ce conglomérat, inclinées fortement vers l’intérieur du cratère, et plus faiblement, plus régulièrement, sur sa pente extérieure. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1085 CRATÈRE DU MONTE-BARBARO. S. Àngelo. Je serais porté à considérer chacun des divers lambeaux de conglomérats volcaniques anciens des environs du Puy comme ayant fait partie des parois intérieures ou des pentes exté- rieures d’un cratère de ce genre. Le rocher Corneille, qui montre, surtout dans le haut, un arrangement en nappes mo- dérément inclinées vers le' midi, vers la ville du Puy, repré- senterait un lambeau des matières accumulées sur le bord ex- térieur d’un cratère, par-dessus le terrain tertiaire, au milieu duquel ce cratère s’était ouvert. L’aiguille Saint-Michel, com- posée de débris plus confusément entassés, sans indices de stratification ou ne montrant que des traces peu nettes de nappes fortement inclinées, représenterait un reste de l’inté- rieur du même cratère ; et cela d’autant mieux que le con- glomérat n’y paraît pas reposer sur un rebord de terrain ter- tiaire, qu’il descend, au-dessous du sol actuel de la vallée, à une profondeur inconnue, et qu’il paraît traversé à peu près verticalement par des filons de basalte comparables aux filons de lave de la Somma, etc. Le petit rocher du château d’Espaly, dont la structure est également confuse, aurait une origine analogue et indiquerait une partie de l’emplacement d’un cratère très-voisin du pré- cédent; tandis que les roches de Polignac et de Geyssac nous sembleraient être des lambeaux des pentes extérieures d’au- tres volcans, assez distantes des bouches d’éruption. 11 est évident que le bassin du Puy a subi des érosions énor- mes depuis la formation de ces conglomérats; et ces érosions ont dû entraîner la majeure partie des accumulations volcani- ques anciennes avant de corroder le terrain tertiaire même. Ce n’est que par suite de circonstances protectrices spéciales et toutes locales que des lambeaux de ces anciens conglomé- rats ont été conservés. L’emplacement des bouches d’érup- tion qui en ont fourni les matériaux a été déterminé par des 1086 SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869. déchirures profondes, des failles dans le terrain tertiaire, que M. 1 ingénieur Tournaire nous a signalées sur sa carte géolo- gique ; ces mêmes failles ont déterminé la position des vallées d érosion creusées depuis; et c’est ce qui explique la posi- tion singulière de ces conglomérats dans les vallées mêmes et pourquoi il n’en reste que des lambeaux extrêmement incom- plets et épars. M. Lecoq présente quelques observations : Les opinions que M. Lory vient d’exposer d’une manière si heureuse se rapprochent beaucoup de celles que profes- sait Bertrand de Doue. Cependant M. Lecoq, d’après les phénomènes observés loin des environs du Puy, admet vo- lontiers que les filons de basalte et les brèches de la Haute- Loire sont sortis sur place d’une manière indépendante. Il pense qu après 1 examen de la Roche-Rouge, cette opinion sera partagée par ses confrères. M. Lory croit que les deux opinions peuvent s’allier en admettant de nombreux points d’émission, ainsi qu’il Ta exposé lui-même. Il existe en effet plusieurs masses qui semblent solitaires et qu’il est impossible de rattacher à d’autres masses voi- sines; mais ce n’est pas le cas de Saint-Michel auquel la dé- nomination de dyke ne peut guère être appliquée. M. Lecoq rend compte de l’excursion qu’il a faite au lac du Bouchet avec M. le professeur Morière, de Caen. Le Lac du Bouchet , par M. Lecoq. A peine a-t-on quitté la ville du Puy que l’on monte par la route de Pradelles, et bientôt on abandonne tout à fait le ter- rain tertiaire pour entrer sur le sol volcanique que Ton ne quitte plus jusqu’au lac du Bouchet. On rencontre évidemment d’anciens basaltes, mais la plu- part des laves sur lesquelles on marche proviennent de nom- breux cônes de scories qui sont alignés ou dispersés sur le RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1087 vaste plateau de Costaros. Presque tohs ces cônes, dont les uns sont nus et d’autres couverts de pins, ont produit des coulées qui se sont déversées sur les deux pentes du sol et qui sou- vent se sont mêlées ou superposées de telle sorte qu’il est par- fois difficile de rendre à chacun de ces points éruptifs les pro- duits qui lui appartiennent. Le lac du Bouchet est à 14 ou 15 kilom. du Puy; on y ar- rive soit par Costaros, soit par Cayres. Son altitude est de 1197 mètres. Il occupe un vaste cratère dont le diamètre , au niveau de l’eau, est de 900 mètres. Il a donc près de 3 kilomètres de cir- conférence. Sa profondeur paraît être de 27 mètres. On peut en faire le tour sur le bord de l’eau, au moyen d’un joli chemin récemment tracé au même niveau. On remarque alors que les vagues roulent sur le bord une multitude de petits fragments de laves et de scories. La dépression qui contient l’eau est entourée de pentes adoucies et non abruptes comme celles du lac Pavin. On aper- çoit sous l’eau la continuation de ce plan peu incliné, puis tout à coup le terrain manque et le gouffre commence, comme cela se présente, avec des caractères moins marqués au lac Pavin. Le vaste cratère du Bouchet a ses bords couverts de pelouse gracieusement émaillée par les fleurs des œillets, des gentia- nes, des euphraises, des pédiculaires et de toutes ces jolies plantes des montagnes qui descendent jusque sur ses rives. Sur plusieurs points du contour, la pelouse est déchirée et l’on voit partout des roches qui font saillie et qui sont princi- palement composées de fragments de lave et de scories agglu- tinées. Ailleurs, ce sont seulement des pouzzolanes, mais tout est volcanique, tout est brûlé, scoriacé, et il ne reste aucun doute sur la présence de l’un de ces grands cratères d’explo- sion que l’on observe sur divers points du plateau central. Si ce cratère était complètement rempli d’eau, le lac aurait au moins 2 kilomètres de diamètre. Il s’en faut de beaucoup, comme nous l’avons vu, qu’il en soit ainsi; mais, chose re- marquable, la surface du lac reste constamment au même ni- veau, et c’est à peine s’il existe une différence de 30 à 40 cen- timètres entre la plus grande et la plus petite élévation des eaux. Le 15 septembre 1869, jour où nous l’avons visité, les eaux étaient un peu au-dessous du niveau moyen, à cause de la sé- 1088 SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1869. cheresse prolongée que subissait alors cette partie de la France. Un autre phénomène assez curieux que présente ce lac, c’est que nulle part ou n’y voit pénétrer le moindre filet d’eau, et nulle part, on n’aperçoit la moindre trace d’écoulement. On conçoit en effet que le trop plein puisse s’infiltrer à travers les bords scoriacés du cratère; mais il faut admettre des sources intérieures et abondantes au-dessous de la surface de l’eau. Cette eau est pure et bleue, à surface ridée, miroitante ou à lames clapotantes sous l’impulsion du vent; elle se renouvelle nécessairement. On y voit submergées des renoncules aquati- ques qui fleurissent sous l’eau, et dont chaque fleur contient, avant l’épanouissement, une bulle d’air sécrétée par elle. On y voit des truites qui s’y développent très-bien, et notamment la grande truite des lacs, propagée par un établissement de pis- ciculture élégamment construit, mais qui laisse beaucoup à désirer au point de vue pratique. Il est curieux que les mêmes superstitions qui s’appliquent au lac Pavin se retrouvent au lac du Bouchet. Avant que le petit bateau de la pisciculture se soit aventuré sur le lac, on était bien persuadé qu’un tourbillon situé au milieu entraîne- rait l’imprudent qui oserait tenter ce périlleux voyage , et qu’une pierre lancée dans ce gouffre en soulèverait l’orage et la tempête. Le lac du Bouchet n’en est pas moins une charmante pro- menade. Il faut du Puy deux heures pour l’atteindre, soit comme nous l’avons dit, par Costaros ou par Gayres. Nous recommandons cette dernière voie comme plus fa- cile; elle permet du reste d’arriver en voiture jusqu’à l’établis- sement de pisciculture qui touche le bord de l’eau. M. le Président donne lecture de l’ordre du jour du jeudi et du vendredi. La séance est levée à dix heures, et demie. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1089 CINQUIÈME SÉANCE. VENDREDI 17 SEPTEMBRE. Ÿ La séance est ouverte dans une des salles du musée Cro- zatier, à 9 heures du soir, sous la présidence de M. Yinay. Le procès-verbal de la séance précédente est mis aux voix et adopté. M. le Président proclame l'admission de MM. Isidore Hedde, Giliet-Paris, Fouilhoux. M. Lory expose les travaux delà Société, durant les deux journées de l'excursion au Mezenc. Courses des 16 et 17 septembre ; par M. Lory. La Société s’est rendue en voiture à la Roche-Rouge , exemple célèbre et incontestable d’un vrai dyke ; (voir pour la descrip- tion Poulett Scrope , trad. Vimont , p. 186) dont l’épaisseur moyenne est de 10 mètres et qui constitue une saillie au mi- lieu du granité désagrégé , (mais non altéré par le contact de la roche éruptive) surgissant ainsi sur une hauteur d’environ 20 mètres. C'est le renflement local d’un filon basaltique qu'on peut suivre de part et d’autre, encaissé dans le granité et cou- rant N. O., S. E. (?). Le basalte est compacte et montre une division en prismes horizontaux, dans le milieu du filon; plus près des parois, le basalte devient celluleux, et renferme des vacuoles remplies de zéolithes; enfin aux salbandes, il est en fragments broyés et réagglutinés constituant une brèche de frois- sement bien caractérisée. Cette structure de brèche n’a aucune analogie avec celle des conglomérats de Corneille, Saint-Mi- chel, etc. De la Roche-Rouge la Société s’est portée à l’Herm, où elle avait à observer un terrain de transport argilo-sableux, et plus ou moins bariolé de nuances ferrugineuses jaunes ou rouges, avec de gros galets dont beaucoup sont calcaires et étrangers à tous les terrains connusjusqu’ici en place dans la Haute-Loire. Dans ces galets, M. Vinay a trouvé des fossiles qui démontrent qu’ils proviennent du terrain jurassique. Guidés par lui, les Soc. géol.} 2e série, ^ome XXVI. 69 1090 SÉANCE DU 17 SEPTEMBRE 1 869. membres de la Société ont pu, en peu de temps, en recueillir d’assez nombreux échantillons. Ces fossiles : Am. Parkinsoni, A. oolithicus , etc. ; Belemnites, Posidonomya, etc., appartiennent à l’oolite inférieure, et se forment dans un calcaire jaunâtre, siliceux, ou dans de véritables chailles. Par leurs caractères pétrographiques et par les fossiles nom- breux qu’ils renferment, ces galets jurassiques rappellent l’oo- lite inférieure du Lyonnais plutôt que celle de l’Ardèche ou de la Lozère. M. Grüner a fait remarquer immédiatement, sur les lieux, l’analogie de ces dépôts d’argiles, de sables et de galets avec l’étage supérieur du terrain tertiaire de la Loire, aux environs de Feurs et de Roanne, lequel se lie directement aux argiles et sables supérieurs de l’Ailier, du Cher et de la Solo- gne (1). Tous ces dépôts paraissent devoir être attribués à une extension de la mer des faluns de la Touraine dans les bassins actuels de la Loire et de ses affluents, à la suite d’un affaisse- ment très-étendu de cette région. Les faits constatés mainte- nant dans ces points élevés de la Haute-Loire conduisent à étendre de beaucoup l’amplitude de cet affaissement. Cepen- dant il nous semble probable que la mer des faluns n’a pas at- teint la ligne de séparation actuelle de la Loire et du Rhône. Le lambeau miocène supérieur ou falunien de l’Herm marque- rait l’extrémité méridionale d’un golfe qui communiquait au nord-ouest avec la mer des faluns de Touraine et non pas au sud-est avec la mer de la Mollasse. Dans le Forez, les dépôts correspondants ont le caractère de cordons littoraux , et les gros galets qu’ils renferment pro- viennent de roches peu éloignées (Grüner). Il a dû en être ainsi pour les gros galets jurassiques de l’Herm, et il est à supposer qu’ils proviennent de quelque lambeau de terrain jurassique qui subsistait encore dans cette région, et qui aurait été complètement détruit par l’érosion. Cependant, il n’est pas impossible qu’on en retrouve encore quelques restes en place, et nous devons applaudir aux recherches que nos confrères du Puy ont fait et se proposent de faire encore pour constater ce fait si intéressant de l’ancienne ex- tension de la mer falunienne , et peut-être aussi de la mer ju- rassique sur ces points, où l’on avait jusqu’ici été porté à croire qu’elles n’avaient pas pénétré, et dont l’altitude atteste (1) Grüner, Desc. gèol. du département de la Loire , p. 619-G23. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1091 les changements énormes survenus dans le relief du pays de- puis la période miocène. La Société est ensuite montée sur le plateau du Mont et a été déjeuner au village du Monastier, d’où elle s’est dirigée en- suite vers le Mezenc. On a d'abord rencontré les Sucs de Breysse, vastes cratères à scories et pouzzolanes, très-bien conservés, La Société a abordé ensuite à Freycenet-la-Cuche, le grand massif phonolithique deMézenc, 1 epays des phonolithes { Forbes). Nulle part, en effet, ce genre de roches ne présente plus de variétés de structure. Ce sont des phonolithes avec grands cris- taux de feldspath vitreux ; des phonolithes à grains cristallins; des phonolithes mouchetés , etc. Le Mézenc et les autres som- mets phonolithiques semblent des lambeaux découpés d’une même grande coulée reposant sur le granité. (Voir Pouleti Scrope.) Sur quelques points, on remarque, à la base, des roches sco- riacées marquées sur la carte géologique de M. Tournaire et signalées par lui à la Société, dans le trajet, en passant au pied du mont Tourte. Ce n’est qu’à la tombée de la nuit que la Société est par- venue au village les Esiables (1,356 mètres) établi sur un pla- teau granitique très-élevé, supportant les masses phonolithi- ques ; le granité restant caché généralement sous une épaisse végétation de bruyère; le phonolithe surgissant en masses à peu près dénudées de végétation. On trouve dans tes murs du cime- tière des Estables des pierres jurassiques taillées , contenant des Gryphées arquées, et d’une provenance inconnue (1). Le village des Estables est au pied du Mézenc, dont on de- vait faire l’ascension le lendemain matin au point du jour. Par les soins de M. Vinay, la Société a pu trouver l’hospitalité la plus empressée dans la maison forestière du Mézenc, où l’on est parvenu très-tard. Le lendemain, la Société a fait l’ascension du Mézenc, de manière à assister au lever du soleil, du sommet de cette mon- tagne. Elle a été récompensée de ses peines par la vue d’un (l) En passant, on a recueilli le renseignement que le village avait été bâti en grande partie avec les matériaux de la Chartreuse de Bonnefoy, si- tuée à peu de distance, sur le versant de l’Ardèche; il me paraît probable que ces pierres jurassiques doivent en venir, et que les Chartreux les avaient tirées de l’Ardèche et non de la Haute-Loire. 1092 SÉANCE DU 17 SEPTEMBRE 1869. splendide panorama des Alpes; le plus beau coup d’œil d’en- semble sur les Alpes, depuis le mont Blanc jusqu'au mont Yiso. La descente s’est ensuite effectuée vers le lac de Saint-Front, où l’on a été rejoint par une partie des membres qui avaient, sous la conduite de M. Robert, été visiter un terrain de trans- port probablement analogue à celui de l’Herm. La Société a regagné ensuite le Puy en voiture, en traver- sant la chaîne du Mégal, à Boussoulet et passant à côté des trachytes de la Pradette. M. Morière fait la communication suivante : Parmi les faits signalés par les géologues du Puy aux mem- bres de la Société géologique de France, il faut citer, comme un des plus remarquables, l’existence dans la vallée de l’Herm de galets calcaréo-siliceux, contenant des fossiles marins. La présence de débris marins n’avait pas encore été signalée dans le bassin du Puy, et c’est à M. Vinay, aussi perspicace géologue qu’administrateur habile, que l’on doit cette découverte. Dans l’excursion que nous avons faite hier matin, M. Vinay nous a montré une grande quantité de ces galets disséminés à la surface du sol, dans des champs de terre labourée; puis il nous les a fait apercevoir dans plusieurs tranchées de cette argile bigarrée si commune dans le département, et qui est presque toujours mélangée avec des terrains sableux tertiaires. Tantôt ces galets sont disposés d’une manière très-irrégulière dans la masse argilo-sableuse, tantôt ils forment des cordons à diverses hauteurs. — Évidemment les eaux qui ont entraîné ces galets ont en même temps charrié l’argile et les sables. Selon toute probabilité, ces argiles qui se retrouvent en Au- vergne proviennent de la décomposition et du lavage des ter- rains primitifs, et leur mélange avec les sables tertiaires indi- que l’époque où ces lavages ont eu lieu. Quant aux galets calcaréo-siliceux contenant des débris ma- rins, ils offrent deux problèmes à résoudre. On doit se deman- der : 1° Quelle est leur origine; 2° Déterminer ensuite l’âge de la roche dont ils faisaient partie. Ces galets peuvent avoir été détachés de terrains qui sont encore en place aujourd’hui, ou bien provenir de lambeaux de terrains marins qui ont complètement disparu, entraînés qu’ils ont été parles eaux qui charriaient les argiles des terrains pri- mitifs. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1093 En consultant la carte géologique de la France, on voit que la bande jurassique la plus rapprochée du Puy est celle du dé- partement de l’Ardèche, et les galets que nous avons été à même d’examiner offriraient une forme plus arrondie s’ils pro- venaient d’un point si éloigné. — - 11 nous paraît plus naturel de supposer que sur des hauteurs plus rapprochées, sur celles qui se trouvent aux environs de Mézenc, par exemple, se trou- vaient quelques fragments de terrain marin que les eaux au- ront fait disparaître en les entraînant dans le lit qu’elles ont parcouru. Ceux de nos confrères qui, plus heureux et plus cou- rageux que nous ont fait l’ascension du Mézenc, ont peut-être pu suivre cette traînée de galets et remonter jusqu’à leur ori- gine. Quant à l’âge du terrain dont ces galets faisaient partie, nous aurions eu besoin pour nous prononcer à cet égard d’une manière certaine, de réunir des éléments qui nous ont man- qué, de visiter surtout les échantillons que renferme l’intéres- sante collection de M. le maire du Puy. Nous devons dire tou- tefois que l’ensemble des fossiles qui ont été trouvés dans l’ex- cursion, soit par nos collègues, soit par nous, paraît dénoter une couche appartenant à la partie supérieure du lias ou à la partie inférieure de Voolite inférieure. Un de nos savants confrères, notre honorable vice-président M. Lory, qui connaît parfaitement la géologie de l’Ardèche et qui vient de faire l’ascension du Mézenc, sera certainement à même de compléter les renseignements trop sommaires que je viens d’avoir l’honneur de vous présenter. Quoi qu’il en soit de l’origine et de l’âge des galets de la val- lée de FHerm, la découverte de M. Vinay est certainement des plus curieuses, et elle vient s’ajouter aux preuves nombreuses que nous a données M. le maire pendant cette si agréable ses- sion, de ses profondes connaissances en géologie, qui ont été toujours accompagnées d’une complaisance inépuisable pour ses collègues. A propos des couches à Chailles des environs de l’Herm, signalées par M. le Président Vinay, et que les membres de la Société ont pu étudier naguère, M. Grimer présente les observations suivantes : Dans le programme des courses, les divers terrains lacustres des environs du Puy ont été divisés de la manière suivante : 1094 SÉANCE DU 17 SEPTEMBRE 1869. 1° Grès et arkoses à empreintes végétales; 2° Marnes et argiles bigarrées; 3° Marnes gypseuses; 4° Calcaires marneux de Ronzon. Lorsqu’on rapproche cette division des étages géologiques ordinaires, tout le monde admet, d’après les fossiles, que les trois premiers numéros sont éocènes, et le quatrième miocène inférieur ( Tongrien ). Cela ressort des travaux de MM. Pomel et d’Archiac (1). Or, ces mêmes étages se retrouvent dans les plaines du Forez et de Roanne (vallée de la Loire), et aussi dans la Limagne. Le calcaire de Ronzon s’y retrouve avec les mêmes fossiles et les mêmes caractères; et au-dessous viennent surtout les argiles bigarrées , trouvées dans le trou de sonde de Roanne, sur une épaisseur de plus de 200 mètres. Les gypses y manquent cepen- dant, et les grès arkoses n’ont pas été atteints, parce qu’on n est pas arrivé, dans ce trou de sonde, à la base du terrain tertiaire. Ces mêmes argiles bigarrées ont été trouvées aussi, sur 223 mètres, dans le trou de sonde de Lempdes, entre Rrioude et Brassac (. Description du bassin houiller de Brassac , par M. Baudin, p. 74). Mais, dans la Loire et dans la Limagne, il existe, au-dessus du calcaire Tongrien , un dernier étage ter- tiaire qui se rattache directement aux sables de la Sologne , classés par MM. d Arcbiac, Pomel et Lecoq, dans le Falunien ou miocène supérieur (2). Cet étage supérieur est partout argilo-sableux et souvent cail- louteux. Dans la Loire, il ne renferme pas de fossiles, mais il est toujours superposé au calcaire lacustre et déborde ce dernier, de façon à recouvrir souvent directement, sur les bords du bassin tertiaire, les terrains primaires et secondaires. On le poursuit, tout le long du plateau central, au travers des dépar- tements du Cher, de l’Indre, de la Vienne, etc. Il s’élève, dans la Loire, à 100 mètres plus haut que le terrain calcaire lacustre, et, dans la Vienne, à 50 mètres. Or, ce terrain existe aussi dans la Haute-Loire, mais on l’a confondu, je crois, avec l’étage des argiles bigarrées, dont il diffère pourtant essentiellement. C’est ce terrain que nous avons (1) Bulletin de la Société géologique, tome I et III; Histoire de la Géo- logie, tome II, p. 656 à 658. (2) Histoire de la Géologie , tome II, p. 517; Bulletin de la Société géo- logique, tome I, p. 595, et tome III, p. 364. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PU Y. 1095 vu à l’Herm et sur plusieurs autres points dans notre course au Mezenc. Il se compose de sables argilo-caillouteux, rouges, blancs, jaunes ou verts, mais surtout rouges, et il est cou- ronné par une assise caillouteuse, dont les éléments sont d’au- tant plus gros et moins roulés que le dépôt est plus voisin des bords du bassin. C’est le cas de ces galets jurassiques, à demi- roulés, que nous avons rencontrés à l’Herm et ailleurs. Ce sont des débris d’un terrain jurassique remanié et disloqué sur place. Or, comme le prouvent les exemples que je vais citer, c’est précisément aussi le cas dans le département de la Loire. Auparavant, je dois seulement vous faire remarquer que ces sables rouges m’ont que la couleur de commun avec les argiles bigarrées inférieures. Ces dernières sont des argiles proprement dites, alternant avec des marnes et surmontées par le calcaire de Ronzon; tandis que le terrain supérieur se com- pose de sables caillouteux , où l’on ne rencontre ni calcaire, ni marne, et qui s’étend toujours au delà et bien au-dessus du niveau du calcaire lacustre. C’est une formation indépendante postérieure , mais qui a pourtant précédé la période pliocène des trachytes et des basaltes. Sa puissance, dans la Loire, est de 20 à 25 mètres. J’ai discuté longuement toutes ces questions dans ma description géologique de la Loire. Maintenant je vais citer quelques coupes : Voici celle des carrières à chaux hydraulique de Sury, dans le Forez, calcaires qui correspondent à ceux de Ronzon (p. 639 de mon ouvrage). Aubigny. La mare R. Carrière Ouest. de Sury. Est. 4. Sables rouges supérieurs, 10 à 12 mètres. 3. Calcaire siliceux, 0m,55. 2. Argiles vertes et blanches, 4 à 5 mètres. 1. Calcaire exploité, 2m à 2«»,50. 0. Argile sableuse verdâtre. Au dessous, un trou de sonde de 40 mètres montre des alter- nances de calcaire, argiles et marnes. 1096 SÉANCE MJ 17 SEPTEMBRE 1869 Les sables supérieurs débordent le calcaire et reposent di- rectement sur le granité (p. 643). Ainsi, à la côte de Barin, près Marcilly (Forez), on voit la coupe suivante : Ouest. Est. J’ajouterai encore la coupe suivante, observée à Urbize, dans la plaine de Roanne (p. 658). Ouest. Bois de Ragache, 340 mètr. Est. Sables avec galets quar- 1 tzeux. I Et. supr Sables argileux blancs l 20 mètr. et verts. 1 Argiles vertes. \ Cale, expi., 1.50 à 2 m. ( JJ1, (50 metr. Argiles vertes. / Enfin, sur la rive opposée de la Loire (droite), entre Roanne et Charlieu, on trouve partout le terrain tertiaire supérieur, formé par le remaniement de l’ooiithe inférieure, le calcaire et les argiles à jaspes ou Chailles; et alors on rencontre, dans le dépôt tertiaire, comme à l’Herm, de nombreux et très-gros blocs moulés ou émoussés de Chailles. 5. Sable tertiaire avec chailles. 4. Argile à chailles, en place. 3. Marnes supra-liasiques. 2. Lias moyen, 1. Porphyre qaartzifére. En rapprochant ces exemples, et beaucoup d’autres pareils, observés dans la Loire, l’Ailier, le Cher, l’Indre et la Vienne, de ce que nous avons vu à l’Herm, j’ai dû conclure que ce dépôt de l’Herm appartient au même étage et que les Chailles proviennent d’un lambeau jurassique (oolithe inférieure), dis- loqué et remanié sur place. Et, en terminant, j'observerai encore que ce manteau juras- sique ne doit pas étonner, car j’ai prouvé précisément aussi que le plateau central s’est affaissé jusqu’à la fin de la période des argiles et calcaires à Chailles, pour se relever ensuite, de sorte que l’oolithe inférieure déborde partout, sur le pourtour • du plateau central, soit les marnes supra-liasiques, soit le reste du terrain oolithique ( Description géologique de la Loire , p. 566, 568). Ainsi, au-dessus du calcaire de Ronzon, il y a comme ail- leurs, autour du plateau central, un dépôt supérieur grave- leux, antérieur aux trachytes, et formé en partie aux dépens de l’oolithe inférieure; dépôt tertiaire qui paraît coïncider avec le falunien de d’Orbigny, mais de nature lacustre. Les lacs ont dû se vider précisément sous l’action du soulèvement général qui a précédé et accompagné la première arrivée au jour des tra- chytes et des basaltes du plateau central. M. Aynmrd demande la parole. Il rend hommage à Fim- partialité avec laquelle M. Lory vient de reconnaître le •SVKf. . 1098 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. mode de formation de la Roche-Rouge. Pour M. Aymard, le même phénomène a présidé à la formation des roches basaltiques de Saint-Michel et de Corneille. Peut-être trou- vera-t-on enfin une explication définitive en poussant une galerie au pied de Corneille. La séance est terminée à 11 heures par divers chœurs exécutés avec beaucoup d’entrain par l’orphéon de la ville du Puy, et après la lecture d’une remarquable pièce de poésie adressée par M. Aimé Giron aux membres de la So- ciété géologique. SIXIÈME SÉANCE. SAMEDI 18 SEPTEMBRE. La séance est ouverte à huit heures et demie sous la pré- sidence de M. Vinay. En 1 absence de M. Lecoq, le doyen d’âge des géologues présents est prié d’occuper le fauteuil de la vice-prési- dence. Le procès-verbal de la séance précédente est mis aux voix et adopté. M. le Président annonce la présentation de : « MM. A. Jacotin, présenté par MM. de Billv et Vinay. L abbé Boissonnade, professeur au petit séminaire de Chirat (Lozère), présenté par MM. de Fréminville et Fabre M. Delanoüe demande la parole et lit la note suivante : De la formation de certaines roches volcaniques du Puy-en - Velay ; par M. J. Delanoüe. On m’a fait l’honneur de me demander mon opinion sur certaines théories volcaniques et particulièrement sur les ro- ches isolées de Corneille, Saint-Michel, Ceyssac, Polignac, et la Roche-Rouge. Je vais tâcher de répondre de mon mieux. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1099 Il existe en géologie une excellente méthode qui consiste à rechercher dans les faits et les causes actuelles l’explication des phénomènes géologiques anciens. Ainsi, par exemple, si les glaciers n’eussent pas existé, de nos jours, MM. de Char- pentier, Agassiz, Collomb, etc., n’auraient jamais pu, malgré toute leur perspicacité, deviner à quelle cause sont dus les blocs erratiques, les anciennes moraines, les roches polies et striées. Il en est à peu près de même des formations volca- niques que nous avons sous les yeux. Il serait impossible de les comprendre, si nous n’avions pas encore aujourd’hui des contrées où les cratères sont restés en activité. C’est donc à ces volcans vivants qu’il faut aller demander les secrets des volcans éteints. C’est l’émission seule des gaz et des vapeurs qui a com- mencé vers l’époque miocène la formation des véritables cra- tères. C’est leur éruption, plus ou moins soudaine, qui, de nos jours encore, produit de formidables explosions et projette dans les airs une immense quantité de roches et de cendres de toute grosseur, depuis la poussière ta plus fine jusqu’aux blocs les plus volumineux. Cendres, lapilli, roches rejetées, etc., s’é- tendent au loin, mais s’accumulent surtout autour de l’orifice pour y former les cônes des cratères. Des courants de lave, de véritables fleuves de feu, précèdent ou suivent ces pluies de feu. Us s’épanchent plus souvent du pied que du sommet des cratères; ils vont, dans tous les cas, remplir soit les vallées» soit les fentes produites par les ébranlements du sol. Si la roche encaissée est, comme à la Roche-Rouge , un granité altérable, la coulée volcanique inaltérée forme saillie à la longue et con- stitue un véritable dycke. Sur ce point, nous sommes tous d’ac- cord. Les produits pulvérulents des cratères anciens et modernes, sont donc tous dus exclusivement à des formations atmosphé- riques, c’est-à-dire à ces éruptions gazeuses qui n’ont apparu qu’avec la période volcanique proprement dite et se sont con- tinués jusqu’à nos jours. C’est ainsi que j’ai eu la faveur de voir au Vésuve la magnifique éruption gazeuze du 1er avril 1835, qui m’a laissé d’ineffaçables souvenirs. Elle a brusquement débuté à sept heures du soir par d’épouvantables détonations accompagnées chaque fois de projections de matières en igni- tion. Ces explosions, de plus en plus fortes et plus fré- quentes, ont alors formé une gerbe éblouissante et continue, d’où retombait tout autour, en pluie de feu, un déluge de U 00 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. lapilli et de blocs incandescents. Par-dessus, bien haut, flot- tait un gigantesque panache blanc qui retombait en nuée sombre sur Gaprée et bien au delà. C’était une pluie de cendres noires, dont je garde encore un échantillon. On fuyait alors de Résina, dePortici, de Torre-del-greco. Mais bientôt tout danger avait cessé; au bout d’une heure et demie le feu d’artifice était éteint; le gazomètre de Vulcain était vidé. Des explosions lumineuses et de plus en plus rares interrompirent de temps en temps encore, le silence et l'obscurité ; puis tout fut fini. Deux jours après, nous allions, L. Pilla et moi, contempler, du haut du cratère, l’immense quantité de matières qu’il avait vomies, et il y en avait assez, je vous assure, pour ensevelir la ville du Puy. Ces produits incohérents, se soudent souvent entre eux, soit immédiatement, parce qu’ils sont encore à demi fondus, soit à la longue par une infiltration ultérieure de calcaire, d’aragonite et surtout de silicates alcalins. C’est ce qu’on voit bien clairement en Italie, comme dans le Yelay. Prenons pour exemple les produits d’une autre éruption ga- zeuze, celle de l’an 79 de J. C., la plus formidable dont l’his- toire ait gardé le souvenir, et que Pline le jeune nous a si admirablement dépeinte dans ses deux lettres à Tacite (1). On savait bien, à cette époque, que plusieurs grandes érup- tions avaient déjà eu lieu au Vésuve-Somma, car Pluton y était adoré sous le nom de Vesuvius et de Summanus exsuper antissi- mus; mais depuis la dernière éruption (un siècle, dit-on, avant la fondation de Rome), la mystérieuse montagne sommeillait et 1 on ne s en méfiait plus. Elle avait même attiré et enrichi par la fertilité de ses cendres une heureuse population, qui fouimillait tout autour, dans de belles campagnes et d’opu- lentes cités. Herculanum et Pompéia étaient venues impru- demment s’asseoir à ses pieds, sur des coulées de lave (2). De temps à autre, il est vrai, de violents tremblements de terre secouaient la Campanie. La plupart des édifices de Pompéia furent ainsi disloqués ou renversés, le 5 février 63 de J. C., au moment même ou Néron chantait sur le théâtre de Naples sans pour cela s’interrompre. Mais ce fut seulement le 23 novembre 79 qu’une épouvan- table éruption gazeuze vomit dans les airs, pendant trois jours, avec d’épouvantables mugissements, cette prodigieuse quan- (1) Livre VI, épitres 6 et 20. (2) Lave amphigénique (leucitophyre) . RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1101 tité de lapilli et de cendres brûlantes qui ensevelirent sous un funèbre et lourd linceul Pompeia, Herculanum, Retina, Stabia, Oplonte, Tegianum, Taurania, Yeseris et une partie de la Cam- panie. Il n’y eut nulle part de coulée de lave, mais partout un épais et uniforme manteau de cendres et de lapilli de toute gros- seur, fort mal stratifiés. Ce dépôt est restéjusqu’àce jour meuble et incohérent à Pompéia ; tandis que des infiltrations posté- rieures Pont aggloméré et durci à Herculanum. Si ces deux . villes fossiles avaient été exposées à de grandes érosions, le dépôt pulvérulent de Pompéia aurait disparu, tandis que le conglomérat durci d’Hereulanum serait resté intact, isolé au milieu de la dénudation générale, comme le sont les rochers de Corneille, de Saint-Michel, de Ceyssac et de Polignac. Ces roches volcaniques du Puy et d’Herculanum ont la même composition minéralogique. Ils offrent l’une et l’autre des mélanges irréguliers, durcis et mal stratifiés de cendres, lapilli et roches rejetées de toute grosseur. Nous avons tous constaté la présence de véritable lave intercalée dans le con- glomérai de Saint-Michel, sans pouvoir concilier ce fait avec les hypothèses proposées d’éjaculation boueuse, de brèche, de dycke , etc. Cette alternance de lave et de cendres ou lapilli est, au contraire, le fait ordinaire et général; il n’y a pas autre chose dans tous les volcans. Quant à la stratification si inclinée, si anormale de cette lave à Saint-Michel (ou Cor- neille), elle est probablement due à l’inclinaison ultérieure qu’a dû prendre ce pic, sans appui dans la vallée, et sans racine sur un terrain peu solide. Quiconque a vu les tufs volcaniques de Rome et de Naples, ces masses gigantesques de conglomérats, anciens et moder- nes, tantôt durs, intacts, et tantôt meubles et ravinés, ne peut admettre aucun doute sur leur complète analogie avec les roches isolées du Puy. Ces roches de Saint-Michel, Corneille, Ceyssac et Polignac ne sont donc que les parties les plus so- lides, les restes, les témoins d’une seule et même grande for- mation atmosphérique cinériforme enlevée par les eaux. Quant à la Roche-Rouge , nos confrères du Puy l’ont toujours regardée comme un dycke basaltique et, sur ce point, tout le monde est d’accord avec eux. Je me permettrai, en terminant, de soumettre une observa- tion aux naturalistes de la localité. Les cheminées volcaniques peuvent être assimilées à des trous de sonde naurels par les- quels les éruptions gazeuzes nous envoient des échantillons de im SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. toutes les roches traversées. On l’a bien compris à Naples, où l’on a formé, depuis longues années, une collection complète et immense de tous les minéraux et roches rejetés par les cra- tères des environs. Il serait fort important qu’une étude analogue fût entreprise par nos savants confrères du Puy qui ont déjà fait preuve de tant de zèle et de sagacité dans l’art de colliger. C’est ainsi qu’ils pourront nous donner la série complète de leurs ter- rains supra-granitiques et surtout infra-graniques, s’il y en a. M. Aymard présente quelques observations en réponse à la note de M. J. Delanoüe. M. Aymard ne pense pas que les phénomènes actuels puis- sent expliquer toutes les formations volcaniques anciennes. Il rappelle que le mode d’apparition des trachytes demeure en dehors de tous les faits observés de nos jours. Il ne croit pas enfin à l’existence des brèches analogues à celles des environs du Puy dans les volcans en activité. Après avoir rappelé la constitution des conglomérats et des laves de l’Italie, il insiste sur ce fait que la brèche de Corneille s’enfonce dans le sous-sol. II persiste donc, jusqu’à plus exactes observations, à la con- sidérer comme s’étant fait jour sur place. Il pense qu’il suffi- rait d’une galerie creusée au pied de Corneille pour décider la question. M. Grüner demande la parole. Après avoir défini le mot brèche, M. Grüner déclare que ce terme ne lui semble pas pouvoir s’appliquer à Corneille. M. Grüner a pu distinctement reconnaître des traces de strati- fication. Corneille serait sans doute plus exactement défini par le terme de tuf basaltique. La masse de la Roche-Rouge est constituée par un basalte compacte dont les bords empâtent de nombreux fragments brisés (conglomérat de frottement). Mais on ne peut certaine- ment pas considérer Corneille et la Roche-Rouge comme de même nature et de même formation. Corneille présente un ca- racteie franchement sédimentairej on ne peut comprendre autrement la stratification de sa masse. M. Aymard pense qu’une galerie poussée au pied de Corneille pourrait résoudre RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PU Y. 1103 la question. M. Grüner regrette de ne pas partager l’avis du sa- vant géologue du Puy. Il se peut fort bien que la roche soit renversée par une faille et qu’elle s’enfonce profondément dans le sous-sol. C’est même là une hypothèse très-plausible. En résumé, M. Grüner pense que les divers dykesdes abords du Puy sont de véritables tufs basaltiques, et que leur iso- lement est dû à des failles d'abord, à l’érosion ensuite. M. de Rozemond pense que tout le monde est à peu près d’accord pour reconnaître que Saint-Michel et Corneille sont de formation ancienne. D’un autre côté, l’érosion qui a creusé la vallée est récente. Il faut donc que ces roches se soient fait jour à travers les couches enlevées par la dénudation. Si ces roches s’étaient formées à la manière des tufs provenant d’élé- ments projetés, ces tufs auraient dû au contraire protéger les couches qui ont été attaquées par l’érosion. 11 se peut que le Velayait été le théâtre de phénomènes particuliers différents de ceux qui se passent de nos jours. M. Aymard a déjà eu l’occasion d’exposer son opinion sur les dykes des environs du Puy, il croit cependant devoir, en réponse à M. Grüner, rappeler rapidement les faits sur les- quels il s’est appuyé pour admettre la nature purement érup- tive de ces roches. Elles contiennent des fragments de granité et de calcaire profondément altérés ; jamais aucun fossile, tandis que les conglomérats plus récents renferment des restes nombreux d’animaux et de végétaux. L’orientation même de ces dykes, qui rappelle celle de la plupart des pays du centre de la France, vient encore appuyer cette opinion. Il y a incli- naison des couches autour de Corneille, et cette inclinaison ne correspond qu’à la dislocation nécessaire à une éruption. On a insisté beaucoup sur la stratification confuse de certaines de ces roches. C’est surtout à Ceyssac que ce phénomène est manifesté. Il se peut que la brèche se soit trouvée en ce point au milieu de circonstances facilitant sa stratification à la sortie de la cheminée d’éruption. A Saint-Michel, où la brèche ne s’est pas épanchée, on ne trouve aucune trace de stratification; toutes les lignes de fis- sure sont perpendiculaires. Enfin, M. Aymard déclare qu’il a voulu, en employant le mot brèche, donner la préférence au terme dont s’étaient servi les géologues anglais dans 1 étude de ces mêmes roches. 1104 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. M. Tournaire ne pense pas que les phénomènes actuels puissent expliquer tous les phénomènes anciens. S’il n’y avait dans les environs du Puy que des conglomérats analogues à ceux des plateaux du Collet et de Denise, les expli- cations par voie aérienne seraient plus satisfaisantes que celles par éruptions boueuses. Les deux explications pourraient peut- être s’appliquer au Collet. Mais quant aux conglomérats sur le flanc de la vallée de Po- lignac, quant à ces nappes partant des masses basaltiques et s’étendant dans la vallée, ce sont là de véritables coulées. Corneille présente enfin une particularité nouvelle. Les remarques que M. de Rozemond vient de présenteront une véritable importance. Si ces tufs avaient été projetés dans la vallée, comment admettre qu’il n'en serait pas resté des masses sur les flancs de la vallée où ils auraient été mieux placées pour résister à la dénudation. L’opinion de M. Grü- ner qui admet que ces roches doivent leurs dispositions à des failles , ne peut guère résister à cette particularité que les couches du terrain à gypse se correspondent exac- tement des deux côtés de la vallée. Comment admettre du reste qu’un mouvement de bascule soit venu planter de telles roches aussi profondément dans les couches lacus très. Aussi M. Tournaire admet-il l’opinion de M. Àymard à propos de Saint-Michel. M. de Rozemond ne pense pas que les failles aient joué le rôle de causes. Il est bien plus probable que la formation et l’arrivée des roches volcaniques aient occasionné certaines dislocations profitables aux dénudations postérieures. M. Lory présente les observations suivantes : Je crois qu’on ne saurait trop insister sur l’importance con- sidérable des érosions qui ont eu lieu dans le bassin du Puy, à diverses reprises, pendant les périodes pliocène et quater- naire. En raison de la nature peu résistante des couches ter- tiaires, des failles qui les ont fracturées et à travers lesquelles se sont faites les éruptions, ce bassin et les diverses forma- tions volcaniques qui s’y sont succédées ont été bien plus pro- fondément corrodées que d’autres parties du plateau central formées de roches plus solides. A part quelques exceptions qui ne comprennent guère que les volcans modernes, comme RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1105 Denise et quelques volcans plus anciens, comme Cheyrac, les formations volcaniques du Yelay ne sont plus, on peut le dire, que des ruines; on ne peut, je crois, s’en rendre compte que par un procédé semblable à celui de l’archéologue qui étudie les restes épars d’une ancienne cité ; c’est-à-dire en cherchant les analogies de ces ruines avec telles ou telles parties d’appa- reils volcaniques complets, comme il en subsiste de si beaux exemples dans l’Auvergne, dans le Vivarais, etc. C’est d’après cette méthode que j’ai essayé d’expliquer, l’autre jour, l’ori- gine des conglomérats anciens du Puy, etc. Je me rapproche de l’opinion de nos savants confrères du Puy en ce sens que je crois que les matériaux de ces conglomérats ne sont pas venus de loin, et que ces roches de Corneille et de Saint-Michel, d’Espaly, de Ceyssac, de Polignac, ont fait partie de plusieurs anciens volcans dont il ne reste que ces lambeaux. Mais je ne saurais admettre une analogie de structure et de formation entre ces conglomérats d 'entassement et le vrai dyke éruptif de la Roche-Rouge; et je crois qu’on ne saurait appliquer à ces roches le nom de dyke sans le détourner considérablement du sens qui lui est généralement attribué. M. Yinay expose qu’il est possible de reconnaître deux sortes de phénomènes volcaniques dans les environs du Puy. Les opinions de M. Delanoüe semblent justifiés par les for- mations volcaniques récentes, tandis que les opinions des géo- logues du Puy s’appliquent peut-être plus exactement à l’ex- plication des phénomènes anciens. On ne trouve pas de cra- tères à proximité des dykes. R est vrai que l’opinion de M. Lory explique leur absence. M. de Pozemond signale à l’attention delà Société un disque peicé de basalte, d’une époque antéhistorique, et recueill i par lui dans le bassin de Chaudeyroles. Rien que ce sujet s’é- loigne un peu des préoccupations ordinaires de la Société, il a cru trouver en lui un intérêt suffisant pour justifier cette mention. M. Aymard insiste sur l’intérêt de cette communication. Il expose à ce propos quelques curieuses considérations sur les patines des objets antéhistoriques de l’époque de la pierre polie, trouvés dans les environs du Puy, comparés à celles des cailloux basaltiques eux-mêmes. Soc . géoh$ 2e série, tome XXYI. 70 1106 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. M. Tournaire, après avoir présenté à la Société la carte géologique de la Haute-Loire qu'il vient d'exécuter, lit la note suivante : Note sur la constitution géologique du département de la Haute - Loire et sur les révolutions dont ce pays a été le théâtre ; par M. Tournaire. Pi. VIII. Dès que la géologie est devenue l’objet d’études positives, l’attention des savants et des hommes qu’intéresse l’histoire du globe, s’est portée sur les montagnes de l’Auvergne, du Velay et du Vivarais, qui présentent de vastes formations d'origine volcanique, les unes identiques aux cratères et aux laves de nos jours, les autres, en différant par leur aspect ou par la nature des roches, mais ayant avec les produits des émissions actuelles une évidente parenté et dont les analogues ou les similaires sont associées de même aux volcans encore en feu. Le Velay a rencontré en Bertrand de Doue un observateur éminent et un écrivain distingué. Sa très-remarquable des- cription des environs du Puy, quoiqu’elle soit déjà ancienne, eu égard à la récente création et aux développements rapides de la géologie, est restée pleine d’intérêt par la vérité de ses tableaux, l’exactitude des détails qui y sont mentionnés et le grand nombre d’idées justes qu’elle exprime. Les publications postérieures ont sur divers points ajouté à la connaissance des terrains et rectifié, selon les progrès de la science, une partie des vues théoriques. Celle de Poulett Scrope notamment est précieuse par ses belles planches aux vues panoramatique§ et géologiquement coloriées, qui donnent aux yeux une excellente représentation de la structure et du relief du pays. Mais ce sont surtout les découvertes paléontologiques qui ont été abon- dantes et fructueuses, grâce au zèle et à la sagacité des sa- vants qui habitent le Puy. Les terrains tertiaires, comme les terrains volcaniques, ont contribué aux richesses de leurs in- structives collections. Le champ des spéculations et des études auxquelles le Ve- lay et les contrées voisines peuvent donner lieu, est cependant bien loin d’être épuisé. Ayant été chargé de tracer à grande va. poime pitÜex^ ^W7’7/.àC Moii-tfaii-Cy \Q?nj& ssepoéaixx 0 v£o*ÿ om bt- oSf'&es^mA Roffùtxx-^ btJ'JVJ L/rqle^s 9 S.Jtfarrij/y^ '•-. \ ô "- ,*■#/: V O x Y\ '"'tyy&fazX, ♦ " -x i ^ULe-ypcia mBoitfi eT’d.p 'Chjmlet J\LÏ fr Arhjn^ cftte Abut&eàa £ HAUTE. Fi nu ,l->u,e iiût;. I-rriji-Becqicet Paj-'is 1106 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. M. Tournaire, après avoir présenté à la Société la carte géologique de la Haute-Loire qu'il vient d'exécuter, lit la note suivante : Note sur la constitution géologique du département de la Haute- Loire et sur les révolutions dont ce pays a été le thèôire ; par M. Tournaire. Pi. VIII. Dès que la géologie est devenue l’objet d’études positives, l’attention des savants et des hommes qu’intéresse l’histoire du globe, s’est portée sur les montagnes de l’Auvergne, du Yeîay et du Vivarais, qui présentent de vastes formations d'origine volcanique, les unes identiques aux cratères et aux laves de nos jours, les autres, en différant par leur aspect ou par la nature des roches, mais ayant avec les produits des émissions actuelles une évidente parenté et dont les analogues ou les similaires sont associées de même aux volcans encore en feu. Le Velay a rencontré en Bertrand de Doue un observateur éminent et un écrivain distingué. Sa très-remarquable des- cription des environs du Puy, quoiqu’elle soit déjà ancienne, eu égard à la récente création et aux développements rapides de la géologie, est restée pleine d’intérêt par la vérité de ses tableaux, l’exactitude des détails qui y sont mentionnés et le grand nombre d’idées justes qu’elle exprime. Les publications postérieures ont sur divers points ajouté à la connaissance des terrains et rectifié, selon les progrès de la science, une partie des vues théoriques. Celle de Poulett Scrope notamment est précieuse par ses belles planches aux vues panoramatique^ et géologiquement coloriées, qui donnent aux yeux une excellente représentation de la structure et du relief du pays. Mais ce sont surtout les découvertes paléontologiques qui ont été abon- dantes et fructueuses, grâce au zèle et à la sagacité des sa- vants qui habitent le Puy. Les terrains tertiaires, comme les terrains volcaniques, ont contribué aux richesses de leurs in- structives collections. Le champ des spéculations et des études auxquelles le Ve- lay et les contrées voisines peuvent donner lieu, est cependant bien loin d’être épuisé. Ayant été chargé de tracer à grande Bull., le la Joe . G-éoL de. France. Note de M'.‘ TOURNA IKK 2^sm*jcxr7_n_ mLfa^_ ine. Terrain houlllei BUiJM Conglomérai quartxetêe de L uyene ++/ M M Grès bigarrée vr^-rjA Cher arhnse 3 Argiles et mannes tertiaire.? r^X~l Gisements de calcaire^ rm Gisements de gypse "N Fbonoh'the ’ et traekyte^ i I Basalte LanesfeldspalAispie.? associées anse bastilles anciens >u.em Conglomérais basaltiques f'9—j Cratères des éruptions basaltiques + + Filons de porphyre, S Serpentine et asbeste Films de, dîner So nature , O Çuxirte B Baryte sulfater^ CéFl. (SviieseJ'lusjlée,, A ni Antimoine, sul/iirc P Galène Are MispicÂel ^ $CJ l//7 d' /? 7 Imjp . B cri/ Lcet Pclt'Ïs RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1107 échelle la carte géologique du département de la Haute-Loire, j’ai forcément acquis une connaissance détaillée des forma- tions qu’on y trouve, et j’ai eu souvent sujet de réfléchir sur les causes qui avaient pu les faire naître, puis les dégrader, et qui, après de longues vicissitudes, ont imprimé à cette partie de la France l’aspect qu’elle a de nos jours. Je me propose dans cette note d’indiquer aussi rapidement que possible les principaux résultats de mon travail, en négli- geant toutefois diverses questions qui n’ont pas occupé la So- ciété géologique dans sa dernière session extraordinaire, ou n’en parlant que d’une façon incidente. Cette contrée, qui fait partie du massif montagneux de la France centrale, est d’une altitude élevée, dont la moyenne, en prenant pour zéro le niveau des mers, est d’environ 900 mètres. La seule vallée un peu large qu’on y trouve est celle de Brioude, extrémité du vaste bassin de la Limagne d’Auvergne. Les autres, sur leur plus grande longueur, ne sont que d’étroits ravins, en général creusés profondément. Au-dessus des sillons la surface du sol est mollement ondulée ou s’étale en larges plateaux dominés par les cônes et les pro- tubérances volcaniques. Les eaux ont partout un cours rapide, et quand elles sont gonflées par les pluies, elles acquièrent une force torrentielle, qui leur permet de rouler de grosses pierres avec les galets. Les érosions exercent donc un travail très-actif, et les modifications qu’elles font éprouver au relief du pays, si elles sont presque insensibles pour une vie hu- maine et même pour une suite de plusieurs générations, sont rapides en regard de la durée qu’on est obligé d’imputer à la plupart des faits géologiques. La Loire et l’Ailier, à leur sortie du département, dont ils emportent presque toutes les eaux, avec une partie de celles des montagnes voisines, sont à l’alti- tude d’environ 400 mètres, et ont encore, par conséquent, beaucoup à descendre pour atteindre leurs basses vallées. Terrains 'primordiaux . Les roches primordiales, c’est-à-dire le granité, le gneiss et le micaschiste occupent à peu près les sept dixièmes.du sol de la Haute-Loire. Ailleurs, sauf sous les terrains houillers de Brassac et de Langeac, dont l’étendue n’est pas très-grande, elles ne sont pas profondément enfouies ; car elles apparaissent 1108 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. dans une multitude de ravins jusqu'au centre des régions cou- vertes par la formation tertiaire, les nappes de basalte et les montagnes de phonolithe. En outre, dans les restes des cratè- res et des conglomérats volcaniques, on trouve beaucoup de débris des terrains cristallins traversés par les bouches érup- tives, qui ont été projetés avec les scories. L’aspect de la région primordiale résulte de ce qui vient d’être dit sur la configuration des vallées. Elle est entaillée par des gorges abruptes; mais, si on les pouvait combler, l’œil ne verrait plus guère que des collines émoussées et des pentes douces. Les bords des bassins qui ont reçu les couches ter- tiaires et qui ont été dénudés dans les époques géologiques ré- centes par l'entraînement de leurs argiles meubles feraient à peu près seuls exception à cette physionomie générale. On au- rait donc l’image d’une terre rocheuse fortement usée et dont les aspérités auraient, pour la plupart, disparu par l’action ex- trêmement prolongée des agents atmosphériques. Cette image, nettement empreinte dans le haut pays, correspond certaine- ment à un ancien état de choses différent du régime actuel. De longs siècles ont dû se passer pendant lesquels les roches cristallines du Velay et de l’Auvergne surgissaient beaucoup moins qu’elles ne le font de nos jours au-dessus des grandes plaines. Les rivières et les ruisseaux qui les traversaient, n’ayant alors que d’assez faibles déclivités, ne se creusaient pas des lits profonds. Dans la période actuelle, au contraire, le sol surhaussé se laisse entamer vivement, etl’œuvre de destruction, dont les attaques s’étaient émoussées jadis, a repris une grande énergie. J’aurai à mentionner dans le cours de cette note d’autres observations qui conduisent aux mêmes consé- quences. Les éminences des terrains primordiaux s’orientent pour la plupart suivant quelques directions, dont le nombre n’est pas considérable et, soudées les unes aux autres, forment ainsi, au-dessus des hautes plaines ou des longs valions ondulés, de longs dos arrondis. On sait que ces directions des montagnes se répètent tou- jours en un certain nombre de lignes parallèles, qu’on les re- trouve dans les cours des rivières et dans les concavités ou les bassins compris entre les côtes saillantes. Voici les principales lignes qu’on peut observer dans les masses cristallines de la Haute-Loire : 1° La longue et étroite chaîne de la Margeride court moyen- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 4109 nement au nord 29 degrés ouest. Même orientation dans une bonne partie des côtes qui bordent le bassin tertiaire de Brioude, dans la vallée de l’Ailier, en amont de Langeac. 2° Deux autres parties de cette vallée, en aval de Brioude comme en aval de Langeac, affectent une direction différente, mais cependant bien distincte de la précédente, qui est le nord 18 degrés ouest. On la trouve aussi dans plusieurs des monta- gnes et des hauts vallons du nord de la Margeride et dans le bassin de Brioude. 3° Des directions nord 34 degrés est ou fort voisines, se peu- vent remarquer en diverses parties du sillon de la Loire et dans le cours moyen de ce fleuve, en aval de Retournac, dans la plaine de Bas, dans la vallée de la Sénouire, au sud de la Chaise- Dieu et dans les côtes qui la bordent, dans l’extrémité méri- dionale du bassin houiller de Langeac, dans quelques ravins du nord de la Margeride, dans une partie du cours de l’Al- lagnon. 4° Les lignes nord-sud ou très-voisines de la méridienne, jouent un grand rôle dans l’orographie de la contrée. On peut citer les côtes qui encaissent la Dore et le Doulon, et celles qui réunissent les montagnes de la Chaise-Dieu et de Craponne au massif du Forez, le cours de la Loire depuis Arlempdes jusqu’à Vorey, celui de l’Ailier au-dessous de la Voute-Chilhac et au- près de Brassac, une grande partie de celui de l’Allagnon, les dépressions qui contiennent les deux formations houillères de Brassac et de Langeac. 5° Une étroite et haute côte granitique orientée au nord-ouest et passant à l’est du Puy, divise en deux bassins les dépôts ter- tiaires du Velay. Cet alignement règne sur une grande étendue, non toutefois sans interruption; car, en le prolongeant vers le sud-est, on trouve qu’il passe sur les sommets granitiques de l’Ardèche et sur toute la longueur des montagnes basaltiques des Coirons. 6° Bon nombre de directions importantes, mais qui ne se ré- duisent pas à un parallélisme aussi exact, sont comprises dans un secteur d’environ 18 degrés, entre l’ouest, 38 degrés nord et l’ouest, 20 degrés nord. Telles sont celles des collines qui li- mitent au nord le bassin houiller de Brassac, d’une partie des côtes qui s’élèvent à l’est d’Auzon, entre Brioude et Blesle, au nord-ouest d’Allègre, au nord-ouest de Langogne, d’une partie des ravins du Lignon. Nous retrouverons les mêmes orientations dans les assises 1110 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 186!). stratifiées et dans les alignements des masses phonolithiques et des buttes de scories. Cependant la succession des formations géologiques pré- sente dans la Haute-Loire de si immenses lacunes, qu’elle ne peut fournir des indices précis sur les époques où ont pris naissance les principales éminences et les grandes dépressions es montagnes primordiales. Ce qui est certain , c’est qu’avant a formation miocène elles existaient à peu près aux mêmes emplacements que de nos jours; car non-seulemeutles couches de cette époque se trouvent encore dans les bassins qu’enca- drent les hauts massifs de granité et de gneiss ; mais leur hori- zontalité ou leur déclivité très-faible, montrent que depuis leur dépôt la croûte terrestre n’a subi ni plissements, ni redres- sements considérables. D’autre part, sauf une exception qui apparaît dans le bassin de Brioude et dont il sera ultérieure- ment parle, les failles assez nombreuses qu’on y observe n’ont donné heu qu a des rejets de très-petite amplitude, de sorte que les assises qui se sont faites aux âges récents n’ont pu avoir pour résultat de faire naître des dénivellations bien générales e len intenses. Beaucoup de changements se sont au con- traire produits dans les formations primordiales depuis l’épo- que houillère ; car les assises houillères, contournées et rele- vées suivant des inclinaisons ordinairement très-fortes, se ren- contrent renfermées dans des cavités profondes sur lesquelles se moulent leurs bancs inférieurs. Détruites sur des espaces a "dm eber0UP plusiarSes 6ue ceux qu’elles occupent aujourd hui, elles ne nous montrent leurs anciens bords qu’en un pe î nombre d’endroits, et ce qui en reste ne nous a été conserv que parce qu’il a été enfoui postérieurement au dépôt et mis a 1 abri des érosions dans les plissements des roches en- caissantes. Les alignements ci-dessus signalés, excepté celui u nord-ouest, se peuvent observer soit dans leurs limites, soit etTe LaUn*eacreCtl0DS’ ^ envil’°ns de Brassac> de Lavaudieu Il n est pas étonnant qu’on retrouve dans les cours des eaux, quand on fait abstraction des coudes et des sinuosités qui s’é- car en Peu e eurs lignes générales, des orientations sem- a les a celles des lignes de faîte et des grands bassins : c’est, P ”,S î°U'ent’ 11 n .e^et naturel de la configuration première du sol. Quelques rivières, toutefois, ont quitté de larges vallées anciennes et des fonds composés de couches meubles, de des- truction tres-facile, pour des passages escarpés à travers des RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1111 côtes élevées et des roches dures , qui n’ont pu être creusés parles seules actions érosives. L’Allier nous offre un bel exemple des sillons de cette es- pèce. En amont du bassin de Brioude, est un autre bassin dont la ville de Paulhaguet occupe à peu près le centre et qui s’étend jusqu’aux environs de Langeac. Il a reçu aussi des dépôts stra- tifiés, et dans les temps tertiaires il était en communication avec les basses plaines par une vallée assez large, qui est restée marquée d’une manière très-nette : son encaissement est su- périeur au lit actuel de la rivière de Sénouire, qui le coupe obliquement. La masse principale des eaux qui descendaient de la haute région, ne pouvait alors que traverser ce bassin et que déboucher à l’extrémité de la Limagne par cette vallée. Postérieurement, l’Ailier s’est engagé entre les hauteurs de la Youte-Cbilbac et de Saint-Ilpize. Je montrerai aussi plus loin qu’autrefois la Loire, au lieu de passer dans le ravin granitique de Peyredeyre, a longtemps erré auprès du Puy et de Polignac. Les tremblements de terre qui ont été sans doute très-nom- breux et très-intenses durant les périodes volcaniques, ont dû produire beaucoup de fentes et de crevasses et rouvrir des fentes préexistantes, phénomènes dont les habitants des con- trées voisines des Andes ont été plusieurs fois témoins. Des is- sues nouvelles ont par là été offertes aux eaux; puis l’érosion et l’usure du temps ont fait le reste, Il est à remarquer que les deux portions de vallées que je viens de citer vont du sud au nord, avec un certain nombre d’inflexions normales à la direc- tion dominante, c’est-à-dire allant de l’est à l’ouest. Les limites des granités et des masses cristallines rubannées ou schisteuses sont parfois nettes et susceptibles d’être tracées avec une grande précision. Souvent aussi elles sont confuses , parce que les roches de l’une et de l’autre espèce s’entremêlent de mille manières, ou parce qu’on en rencontre qui sont de transition et d’apparence mixte. Les granités dominent de beaucoup. Dans presque tout le Yelay, ils constituent ou l’assiette des terrains qui sont venus combler les anciennes vallées ou le terrain extérieur lui- même. Ils forment les parties du département qui dépendaient autrefois du Forez et du Gévaudan. On peut cependant obser- ver que ceux du Velay et du Gévaudan sont séparés, jusqu’aux confins du département de la Lozère, par une bande gneissi- que orientée du nord au sud. 1112 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. u sud-ouest de la Chaise-Dieu, sur les flancs occidentaux de la haute vallée de la Sénouire, une très-remarquable bande de granité, affectant la troisième des directions plus haut si- gnalées, fait une longue pointe à travers les gneiss et les mi-, caschites. Elle s’appuie à une ligne de faîte qui l'accompagne exactement, mais qu’elle n’atteint qu’en un seul point. En son mi heu, elle éprouvé un brusque déplacement vers l’est, égal à sa largeur, soit de 1800 mètres environ, dans un sens normal à sa direction, appartenant par conséquent aux alignements de a sixième catégorie, et dont le prolongement coïncide avec un étroit va Ion qui descend sur la Sénouire des environs d’Allè- gre. La ligne de faîte ne quitte pas la lisière du granité et se transporte dune manière semblable, parallèlement à elle- meme. A la jonction des deux moitiés de la bande, un faisceau e filons barytiques montre que de nombreuses cassures ont existé en ce endroit. Il serait difficile de ne pas voir dans un {aille6.11 faitS ^ manifestalion d’une très-grande snlfh df la.Haute-Loire ont tous l’orthose pour feld- spath. L espece la plus commune est à cristaux d’orthose de roséTiTmi T 6’ 6 TleUr Mancbâ,re ou jaunâtre, rarement no,lr ou brun- mê|é en petite proportion de mica argentin, elle est en général d’une ténacité médiocre. mesurer CnSîaUX blancs d’°rthose, dont les arêtes fort atondanl c>T.U .nt P'Usieurs cenlimètres, est aussi vaudarTc|d qui en est formé. ;, g os blocs arrondis, qui ont échappé à la destruction W sur le sol, dissémines en grand nombre. On en rencontre oui l«. uns sus autres, et quel, m- Une troisième espèce est un granité tenace, à grains fins et seirés, dont le mica est ordinairement argentin eUe feldsualli quelquefois un peu rosé. On le rencontre en beaucï de oonXet Monistro! TT f 1 ïu®nt entr® Yssengeaux, Monffau- Monistrol, ou il est exploité pour la taille en de nom- V. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. MIS breuses carrières. Je suis porté à le regarder comme étant par rapport aux précédents de formation en général postérieure. On le voit en effet dans la gorge de la Loire, entre le Puy et la Voûte, constituer des filons au milieu du granité commun : le plus remarquable de ces filons a été montré à la Société géo- logique, et n’a pas moins d’une quinzaine de mètres de lar- geur. Au pied du plus haut sommet de la Margeride, et préci- sément sur la lisière du terrain gneissique surgit une butte de cette roche en forme de cône très-régulier, qu’entoure le gra- nité à grands cristaux. Son isolement et sa figure, différente de celles des montagnes voisines rappellent certains cônes de porphyre et même de traehyte et donnent l’idée d’une masse qui serait venue au jour par un effort souterrain à travers des roches plus anciennes. Deux autres variétés méritent d’être signalées. De beaux gra- nités très-durs, à mica noir, à cristaux d’orthose translucides, d’assez grandes dimensions et souvent mâclés, très-aptes à faire des pavés et des socles monumentaux : entre autres lieux, on en trouve beaucoup aux environs de Tence.Un granité blanc d’assez gros grains, où le mica n’est pas très-abondant, qui est cependant grossièrement rubanné, et par là, présente un pas- sage à la structure gneissique; il est très-répandu aux environs de la Chaise-Dieu. Dans la gorge du Lignon, non loin d’Yssengeaux, on voit une carrière où l’on exploite une roche presque exclusivement composée de mica noir, à grandes lames, orientées en tous sens. Parmi les granités communs, comme parmi les granités à grands cristaux, on trouve en beaucoup de lieux des lambeaux et noyaux de gneiss ou de micaschiste englobés, ce qui prouve bien la préexistence de grandes formations de ces dernières roches. Point de régularité dans les dimensions et l’orienta- tion des fragments, qui paraissent avoir été saisis et empâtés par une masse de consistance molle, dont les diverses parties subissaient des mouvements inégaux et fort complexes. On peut citer comme offrant des exemples faciles à observer de ces empâtements, les environs d’Yssengeaux, les côtes que gravit l’ancienne route du Puy à Saugues, à l’ouest de.Monis-' trol-d’Allier, le ravin de la Loire en amont de la Voûte, exami- né parla Société géologique. D’autres fois, ce ne sont plus des fragments, mais des îles plus ou moins vastes de gneiss qui se rencontrent au milieu des régions granitiques. Telle est une 1114 SÉANCE du 18 SEPTEMBRE 1869. côte allongée à l’ouest de Montfaucon, et tel est le sommet ar- rondi d’une montagne de la Margeride, dont les pieds sont de granité et qui est située un peu au sud de la butte conique dont j’ai parlé. Lorsque des tranchées d’une certaine étendue permettent d’étudier en détail la structure des massifs granitiques, on re- marque presque toujours qu’ils ont subi, postérieurement à leur formation première, quantité de perturbations intenses. Les fractures sont très-nombreuses, et les rejets qui les ac- compagnent juxtaposent souvent des roches qui n’ont pas sem- blable texture. Celles qui ont laissé un certain intervalle entre leurs parois ont été remplies par des fiions, qui pour la plu- part sont eux-mêmes granitiques. J’en ai mentionné qui sont formés de l’espèce à grains serrés, traversant l’espèce com- mune. Mais ordinairement la composition minéralogique de ces filons ne diffère de celle de la masse encaissante que par la proportion des éléments et la prédominance du feldspath, qui leur donne plus de solidité et de cohésion ; car c’est ce minéral qui fait surtout office de ciment. Les granités de la Haute-Loire contiennent assez souvent d’autres substances que le feldspath, le quartz et le mica. On y rencontre la tourmaline noire, en cristaux prismatiques ou en petites masses radiées, fréquente dans le Gévaudan ; l’am- phibole hornblende, en lames noires, qui se substitue parfois à la totalité du mica; la pinite. Les gneiss et les micaschites occupent presque toutes les montagnes des environs de Brioude, font, comme je l’ai dit, une bande entre les granités du Gévaudan et du Yelay et se trouvent encore en assez grandes masses vers les confins du département, au-dessus de Firminy, auprès de Saint-Bonnet- le-F roid et au-dessus de Langogne. Ailleurs ils n’existent qu’en lambeaux de surface très-restreinte. Il n’y a point entre ces roches d’autres distinctions essen- tielles que la plus grande abondance du mica et les feuillets plus minces, par suite de la dureté moindre de celle de la se- conde sorte. Presque partout elles alternent et se mêlent. Dans la partie nord de la Margeride, dans les montagnes qui sont entre Massiac et la Voute-Chilhac, les micaschistes sont les plus fréquents : ailleurs ce sont plutôt les gneiss qui do- minent. Le talc est très-souvent associé au mica des schistes des en virons de Pinols. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1115 L’amphibole est plus commune parmi les gneiss qu’elle ne l’est parmi les granités et y forme d’assez nombreuses bandes syénitiques. On les rencontre principalement dans le groupe de montagnes qui est situé entre Brioude, la Voute-Chilhac et Paulhaguet, dans celui que traverse la rivière de Doulon. Les roches schisteuses sont mélangées de granités en une foule de points. Ce caractère est très-ordinaire vers les bords des grandes masses granitiques et s’observe aussi en plusieurs régions assez étendues qui sont en dehors de ces confins. Telle est par exemple la constitution des montagnes que ravine la rivière de Cronce au sud de la Voute-Chilhac. J’ai parlé des lambeaux de gneiss empâtés dans les granités. Ce n’est pas la manière d’être la plus commune à ces formations mixtes. Le plus souvent, le granité paraît pénétrer en rocs anguleux ou en coins très-réguliers, obtus ou aigus, au milieu des gneiss ou des schistes, ou il les traverse en filons de toute épaisseur, ce qui témoigne de sa venue subséquente. Les côtes au sud de Lempdes sont une des régions où ces filons sont le mieux mar- qués. Quelquefois il forme des assises ou des bancs intercalés dans le gneiss à stratification concordante, et alors on ne peut douter que les deux roches ne soient contemporaines. On le voit en cet état sur les rives de l’Ailier, en amont de Vieille- Brioude. Les masses cristallines schisteuses ne sont pas moins brisées et disloquées que celles de granités, et leurs feuillets contour- - nés et froissés rendent même encore ces dérangements plus apparents. Je crois qu’on ne parviendrait pas à y démêler une succession d’assises nettement déterminée. Cependant, en chaque région, les feuillets, malgré des anomalies de détail, ont une tendance très-prononcée à suivre certaines orienta- tions. Ainsi celles qu’on observe des deux côtés du bassin de Brioude rentrent pour la plupart dans les directions de la sixième catégorie signalée plus haut. A l’ouest de Blesle, les directions générales se rapprochent plus de l’est-ouest, au sud de Brioude, du nord-ouest. Au nord de Paulhaguet, en remon- tant la vallée de la Doulon, on trouve qu’elles vont d’abord à peu près du nord au sud, puis à peu près au nord-est. Les porphyres n’existent pas en grandes masses dans la Haute-Loire, mais ils forment au milieu des roches primor- diales des filons, quelquefois remarquables parleur continuité et se maintenant sur plusieurs kilomètres. Ils sont d’une pâte jaunâtre ou blanchâtre? avec cristaux d’orthose un peu plus 1116 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. blancs; les cassures qui ont été longtemps exposées à Pair ont pris habituellement une légère teinte rosée. Ils contien- nent presque toujours des grains de quartz, souvent quelques paillettes de mica. Parfois les cristaux disparaissent comme le quartz, et la roche passe à une eurite. Les plus beaux filons de porphyre que j’aie observés se trouvent sur la rive droite du Lignon, à l’est d’Yssengeaux, où ils composent un long faisceau, moyennement orienté à l’ouest, 22 degrés nord, et sur l’une des montagnes de la Margeride, où ils s’orientent au nord, 29 degrés est, en accompagnant de fort près la lisière des gra- nités et des gneiss. On en voit encore un groupe nombreux à l’est d’ Allègre et du centre de Bar, avec direction nord-sud, et plusieurs épars sur les confins de la Lozère, au sud de Sau- gues, pour la plupart aussi à peu près nord-sud. La postériorité des porphyres par rapport aux masses qu’ils traversent, ne saurait être mise en doute. On sait d’ailleurs que les roches de cette espèce se montrent jusque dans les ter- rains secondaires, et que dans les terrains paléozoïques on les trouve non-seulement en filons, mais quelquefois interstrati- fiés parmi les couches. Le bassin houiller de Brassac présente en sa partie nord un très-remarquable exemple de cette der- nière disposition, dont M. Baudin, dans son ouvrage sur les gisements de ce bassin, a donné une description très-exacte. Au sommet de la côte du Pin, ce porphyre en couche des en- virons de Brassac a exactement l’apparence ordinaire des por- phyres quartzifères, tandis qu’ailleurs il est beaucoup moins compacte et passe par toute transition au grès houiller. Des serpentines d’un vert foncé, irrégulièrement veinées de vert plus clair et présentant quelquefois des lames de diallage, se rencontrent en plusieurs endroits. Elles paraissent avoir pénétré au milieu des gneiss ou des granités, comme l’ont fait souvent les granités eux-mêmes. Les gîtes les plus remar- quables se voient à Salzuit et à Saint-Prejet, localités voisines de Paulhaguet, à la Roche, hameau situé entre la Chaise-Dieu et Allègre, où on a exploité la serpentine pour l’empierrement des routes, et dans la Margeride sur la limite du département du Cantal, au-dessus du ravin du Pavillon. Les deux derniers consistent en gros rochers régulièrement alignés ; ce qui por- terait à les regarder comme des filons très-puissants, A Saint-Prejet et au-dessus de Monistrol-d’Allier, sur la nouvelle route de Saugues, on trouve de l’asbeste fibreuse et légèrement flexible, à côté de la serpentine, qui lui semble RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PU Y. 1117 intimement associée et qui passe quelquefois à l’état fibreux. Les filons à gangue de quartz, soit seule, soit accompagnée d’autres minéraux, toujours fréquents dans les terrains primor- diaux, abondent particulièrement dans ceux de la Haute-Loire. Les plus nombreux sont entièrement quartzeux. Leur quartz est le plus ordinairement compacte et d’un blanc laiteux, un peu translucide, avec quelques géodes que garnissent des cristaux à pointements hexagonaux; quelquefois il est légère- ment rosé. Dans les cristaux, outre la variété hyaline, qui est la plus commune, on trouve les variétés enfumée et améthyste. C’est auprès de Chassignoles, au sud d’Arlempdes, sur les côtes qui bordent la rivière delaMéjeanne, et surtout dans les granités du Gévaudan, que j’ai vu les plus remarquables filons de quartz. En cette dernière région ils ont le plus souvent des directions à peu près parallèles à la chaîne de la Margeride; plusieurs aussi vont du nord au sud. L’un d’eux, qui passe contre la ville de Saugues, mérite d’être tout spécialement désigné. On le suit durant 5 ou 6 kilomètres, aligné sur le nord 16 degrés ouest. En un point il s’épanouit en une grosse butte de forme conique. Sur le sommet la roche est en place; sur les pentes, je n’en ai vu que des débris. Cette butte se pourrait expliquer soit par un épanchement et une accumu- lation extérieurs, soit par l’existence, sur une partie limitée de la fente que la matière silicieuse a remplie, d’une cheminée très-élargie, dont le temps aurait dévasté les parois. Un gisement quartzeux plus intéressant encore n’apparaît pas dans le filon qui a dû lui donner issue, mais repose en partie sur des couches de l’époque houillère, en partie sur le gneiss, à l’extrémité orientale du bassin de Brioude. L’étude en est fort instructive ; car elle montre que de grandes masses de quartz se sont formées dans les terrains primordiaux pos- térieurement à cette époque; et que leur mode de production a dû être analogue à celui des travertins et des incrustations que les eaux minérales déposent autour des orifices des fis- sures par lesquelles elles viennent au jour et dans ces fissures mêmes. Le terrain houiiler des environs de Brioude se termine au hameau de Lugeac, commune de Lavaudieu , par une butte allongée, ressemblant à un grand tumulus, qui est orientée suivant une méridienne et dont la ligne de faîte des- cend très-légèrement vers le sud. ‘Elle a pour pieds, à l’ouest des schistes houillers, alternant avec quelques bancs de grès, 1418 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 4869. a 1 est de gneiss et du micaschiste. Son sommet est composé d’un conglomérat quartzeux contenant des parties fort diver- ses. On y tiouve du quartz blanchâtre et grisâtre, à cassure esquilleuse et à cassure un peu grenue, du grès dur formé de petits fragments anguleux de quartz et de feldspath, qui ne sont pas configus, mais qui sont saisis dans un ciment quartzeux, du grès compacte de couleur grisâtre, avec veines d un ton plus clair, qui renferme des fragments chcLvbonneux et des empreintes de végétaux houillers, enfin des morceaux de granité et de gneiss dont le feldspath a généralement passé à l’état de Kaolin. Le quartz est l’espèce dominante. Il a em- pâté, soudé et silicifié par pénétration les autres matériaux. Lorsqu on descend de la butte du côté de l’ouest et du nord, on voit le conglomérat devenir moins siliceux, puis lui succéder un poudingue grossier avec intercalation de lits de schistes et de grès. Le croquis ci-joint représente la succession telle qu’elle existe sur la pente nord-ouest. q • Quartz et conglomérat quartzeux. c. Conglomérat. p. Poudingue. s. Schistes et grès avec veines charbonneuses. Ce dépôt siliceux se continue, en conservant les mômes caractères, mais en diminuant d’épaisseur et se rétrécissant jusqu’à la Sénouire. Sur la rive gauche de cette rivière et dans la même direction nord-sud prolongée, on en trouve encore un lambeau, qui repose uniquement sur les gneiss. Là, le quartz blanc opaque, semblable à celui des montagnes, est plus abondant; mais une variété grisâtre y est encore mêlée et il englobe en certaines parties des petits fragments dé feldspath et d’un quartz différent, qui lui donnent l’aspect porphyroïde, ^ On sait d’ailleurs que des roches et pierres quartzeuses, soit compactes, soit géodiques'ou cariées, se peuvent rencontrer parmi les bancs stratifiés de toutes les époques géologiques, ■ RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1119 et les terrains tertiaires de la Haute-Loire en présentent plu- sieurs exemples. Mais les gisements de cette nature ont beau- coup moins de parenté avec ceux des terrains primordiaux que celui de Lugeac. Après le quartz, la baryte sulfatée, en masses cristallines blanches et tabulaires ou en cristaux distincts, est la substance lapins répandue dans les filons du pays et forme quelquefois des veines puissantes. Elle abonde dans l’arrondissement de Brioude, mais se rencontre aussi fort souvent dans les granités du Velay ou de la partie du département qui confine au Forez. Elle est aujourd’hui l’objet d’une importante exploitation au- près deMazeyrat-Aurouze et de la Voute-Chilhac, après avoir été longtemps exploitée au-dessus de Salzuit et, plus ancienne- ment, dans les côtes de Saint-Hilaire sur Auzon et de Véze- zoux. Il semble résulter des travaux de certaines carrières que les veines de baryte ont tendance à s’appauvrir dans les pro- fondeurs, la gangue quartzeuse les envahissant. La très-grande majorité des filons de cette espèce suit, comme le montre la carte, des directions qui appartiennent à la sixième catégorie. Il en est qui se rapprochent un peu plus du nord-Ouest. D’autres, en assez grand nombre, vont à peu près de l’est à l’ouest : tel est un faisceau dont j’ai parlé plus haut et dont la position coïncide avec la rupture de la bande granitique qui est entre la Chaise-Dieu et Paulhaguet. Quelques uns, dont le nombre est très-restreint, s’écartent cependant tout à fait de la ligne moyenne et affectent des directions voisines du nord-est. La chaux fluatée, en cristaux cubiques translucides etgéné- ralement colorés d’une légère nuance verte ou violette, quoi- que beaucoup moins commune, se rencontre en plusieurs veines, associée à la baryte. On voit un beau filon de cette espèce, entre Allègre et Saint-Paulien , qui a l’orientation moyenne des gisements bary tiques. Les montagnes micaschisteuses et gneissiques qui s’étendent depuis les pentes septentrionales de la Margeride jusqu’à un parallèle que l’on mènerait par la latitude de Blesle contien- nent fréquemment l’antimoine sulfuré, dans des filons dont le quartz est à peu près la seule gangue. Le minerai s’y trouve en veines massives présentant de belles lames cristallines plus souvent peut-être qu’à l’état de dissémination. Ces veines sont parfois épaisses, mais fort sujettes aux interruptions et aux irrégularités. Elles donnent lieu, depuis fort longtemps, soit 1120 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. dans cette partie de la Haute-Loire, soit dans les montagnes limitrophes du Cantal, à de petites exploitations, qui se sont souvent transportées d’un gîte à un autre et dont quelques-unes ont été lucratives. Les directions les plus communes des filons antimonieux sont voisines du nord-nord-est : on peut, entre autres, citer comme exemple ceux qui courent tout le long de la montagne de Mercœur et dont le groupe se retrouve auprès de Ghazelles, dans le ravin du ruisseau de Celoux. Les directions comprises entre le nord-est et l’est-est-nord et celles qui vont à peu près de l’ouest à l’est sont nombreuses aussi. La galène n’est pas, comme le sulfure d’antimoine, particu- lière à une seule région du département; il n’est guère de filon contenant avec le quartz de la baryte ou de la chaux fluatée, dans lequel on ne trouve de petites plaques et de petits cristaux de cette substance, si on y creuse des galeries de quelque étendue. Ceux qui sont assez riches pour qu’on en puisse extraire avantageusement le minerai de plomb ne sont certainement pas en grand nombre : il est néanmoins très- probable que plusieurs exploitations abandonnées auraient réussi ou se seraient continuées si elles avaient été dirigées avec plus d’expérience et dans un esprit de stricte économie. Les principaux gisements connus sont dans les ravins de la rivière de Desge; au sud du bassin houiller de Langeac, à Monistrol-d’Allier, où une mine est en activité, proche Versil- hac, village situé à l’est d’Yssengeaux, où des travaux ont été plusieurs fois entrepris et délaissés, enfin un peu au sud de Monistrol-sur-Loire et au Nord-Ouest deDunière, où subsitent d’assez considérables vestiges d’extractions remontant au siècle dernier. La plupart de ces filons marchent, comme ceux de baryte, sur des alignements qui seraient compris entre l’ouest 10 degrés nord et le nord-ouest : cependant celui de Versilhac, plusieurs de ceux de la Desge, quelques-uns qui ont été fouilles dans la vallée de la Semène suivent diverses directions entre le nord et l’est. L’argent n’est allié au plomb qu’en faible proportion dans les gîtes que je viens de citer. Les échantillons de galène qu’on a recueillis dans les carrières de baryte de l’arrondissement de Brioude sont au contraire très-argentifères, et parmi ceux qui proviennent d’Aurouze, quelques-uns ont rendu à l’essai jusqu’à plus de 800 grammes d’argent pour un kilogramme de plomb. La blende, la pyrite cuivreuse, la pyrite de fer sont des compagnes très-habituelles de la galène, et le premier de ces RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1121 minéraux se peut recueillir abondamment dans les débris qu’ont laissés les anciens extracteurs de la région voisine du Forez Stéphanois. Pour terminer ce qui a rapport à ces gisements métalliques, je mentionnerai encore un gros filon de mispickel, dirigé presque sur la méridienne, qui se montre au nord de St-Hilaire- sur-Auzon. De nombreuses fontaines d’eau minérale sourdent du terrain primordial. Elles sont toutes froides, de faible débit et de propriétés semblables, étant très-chargées d’acide carbonique et contenant une petite quantité de sels alcalins, principale- ment de bi-carbonate de soude; elles appartiennent par consé- quent à la catégorie des eaux de table. Trois de ces sources qui coulent près de la lisière orientale du bassin de Brioude et celle d’Aurouze sont à peu près alignées parallèment à la chaîne de la Margeride. On n’aperçoit pas que la distribution des autres obéisse à une loi bien manifeste, si ce n’est qu’elles se sont fait jour de préférence dans les fonds des ravins, parce- que les fentes qui y aboutissent leur offraient en général les voies les plus courtes. Dans un petit vallon au nord de St-Didier, un très-mince filet de bitume se peut voir sur une fissure du granité. Quoi- que ce gisement soit en lui-même sans importance, il m’a paru intéressant de le noter ; car il montre bien qu’il ne faut pas attribuer la formation de tous les bitumes à des décomposi- tions de matières animales ou végétales. Quelques observations sur les terrains houillers . Je n’ai pas l’intention de m’étendre sur les terrains houillers qu’on trouve, les premiers, reposant sur les roches primordiales dans les limites de la Haute-Loire. Gela m’entraînerait dans d’assez longs détails, et la Société géologique n’a pas eu sujet de diriger sur eux son examen. D’ailleurs la description du plus important de ces terrains, celui de Brassac, a été publiée en 1843, et les galeries souterraines qui ont été exécutées depuis lors n’ont pas apporté des modifications essentielles aux résultats des études de M. Baudin. Je me bornerai donc à ajouter les très-succinctes remarques qui vont suivre à celles que j’ai exposées incidemment plus haut. Il n’y a nulle apparence de formation houillère dans le Soc. géol 2e sér., t. XXY1. 7i 1122 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. bassin hydrographique qui environne la ville du Puy et dans le Velay proprement dit, ni chance d’en découvrir, puisque l’assiette granitique se montre à nu non-seulement dans les montagnes et les collines d’une grande partie du pays, mais dans les fonds de beaucoup de vallées coupées par les plateaux de basalte, et que là où elle est tout à fait masquée sur de larges surfaces les projections volcaniques nous ont produit des échantillons des roches dures sous-jacentes. Ainsi, auprès de Langeac, le conglomérat de la colline de Saint-Roch renferme des fragments de grès houiller avec ceux de gneiss; ce qui serait arrivé ailleurs si d’autres émissions de cendres et de scories en avaient traversé. A part une minime portion de la lisière occidentale de la formation stéphanoise, qui pénétre quelque peu sur le sol départemental, les dépôts de l’époque houillère sont donc tous contenus dans la grande dépression des roches primordiales qui a constitué le bassin de Brioude et dans l’encaissement moins vaste qui forme une profonde vallée au sud de Langeac. Le contact des grès et des schistes avec les gneiss se voit au nord, à l’est et à l’ouest aux environs de Brassac; mais au sud leurs couches disparaissent sous les argiles tertiaires et s’enfonçent très-brusquement , comme des travaux de re- cherches l’ont montré. Cependant ces recherches et la dé- couverte d’un petit affleurement dans un ravin ne permettent pas de douter qu’elles aient une longue continuation. D’autre part, à Test de Brioude, au delà de l’Ailier, la même formation ressurgit de dessous les argiles et se montre auprès de Lamo- the en lisière très-mince. L’intervalle entre les constatations extrêmes qui ont été faites des deux côtés, est de onze kilo- mètres, ce qui est moindre que la longueur totale reconnue et une fois et demie environ la largeur du voile tertiaire. On peut donc regarder comme probable que les deux dépôts se ré- unissent souterrainement et constituent ensemble une longue bande, qui, orientée d’abord du nord au sud, s’inclinerait ensuite vers le sud-est. Le bassin de Langeac offre en son extrémité nord l’exemple d’une mine dont les puits sont foncés sur le granité et le gneiss et atteignent, au-dessous, le terrain houiller et la houille. Ces cas de renversement ne sont pas rares dans les formations très-anciennes; mais on n’en pourrait guère citer de plus frappant. Le recouvrement par les roches cristallines existe sur une assez grande surface, sans avoir beaucoup d’épaisseur RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1123 et les couches enfouies gardent leur pendage normal jusqu’à une faible distance du chapeau qui les cache, de sorte que le phénomène ne semble pas devoir être expliqué par un plisse- ment général des strates et des masses cristallines encaissantes, mais plutôt par une chute partielle de celles-ci. Terrain de grès bigarré. La vallée de Brioude contient, à mi-distance de cette ville et d’Auzon, sur la rive droite de l’Ailier, un dépôt d’aspect particulier, qu’on a jusqu’ici figuré sur les cartes géologiques comme terrain houiller, qui en diffère pourtant d’une façon assez tranchée pour qu’il me semble hors de doute qu’il ap- partient à une époque moins ancienne. Il consiste essentielle- ment en une série de bancs de grès, pour la plupart rougeâtres, d’autres blancs ou gris, à grains quartzeux et feldspathiques, avec un peu de mica, et de schistes arénacés et micacés de mêmes couleurs, souvent un peu argileux. La teinte qui do- mine a fait donnera la localité le nom de Côte-Rouge. Ils sont fortement inclinés, se superposent très-régulièrement, et l’affleurement de chacun d’eux dessine un fer à cheval dont la concavité est tournée vers l’ouest; ce qui est aussi le sens de la ligne d’inclinaison médiane. A la hase de cette formation, sur les bords d’un petit ruisseau qui la traverse,* on voit inters- tratifiées quelques couches d’argiles rouges, et parmi les pre- mières assises qu’on rencontre lorsqu’on arrive en descendant l’Ailier on trouve aussi quelques minces bancs calcaires ba- riolés de gris, de blanc et de rouge. Le contact du terrain rouge et du gneiss est de ce côté marqué par un lit d’argile noirâtre qui renferme de petits nodules de cuivre carbonaté vert et bleu. Il m’a été envoyé des fragments de même pro- venance qui étaient des menus branchages fossiles, dont la matière ligneuse avait été remplacée par les cuivres sulfuré et carbonaté. A défaut de détermination précise fondée sur des observa- tions paléontologiques, l’ensemble de ces caractères me paraît bien concorder avec ceux qu’on assigne aux grès bigarrés. Le trias aurait donc dans l’Auvergne sa représentation, très-peu développée, il est vrai. Le lambeau qui nous occupe n’y serait cependant pas l’unique témoin des dépôts de cet âge : car à Saint-Sauves, sur la route de Clermont à Mauriac, il existe un 1124 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. autre reste de grès rouges, qu’ou ne peut s’empêcher de lui assimiler et qui est de même situé à proximité d’une bande houillère. Terrain d'arkoses. Les plus vieux dépôts qu’on ait observés dans le Yelay sur le fond primordial appartiennent déjà aux époques tertiaires. Nous verrons pourtant bientôt que certains débris remaniés semblent témoigner de l’ancienne existence de bancs jurassi- ques sur les confins méridionaux de cette région. Le bassin de Brioude, comme le reste de l’Auvergne, n’a présenté non plus aucune couche qu’on puisse rapporter aux époques jurassique et crétacée. Cette proposition énoncée jusqu’ici par tous les géologues que, pendant la plus longue partie des temps secondaires, nos roches cristallines de la France centrale formaient un grand massif émergé, reste donc l’expression ex- trêmement probable de la vérité. Des assises d’arkoses, disséminées en plusieurs lambeaux de faible épaisseur et remarquables par leur uniformité, com- mençent la série tertiaire. Ce sont des grès blancs, à grains de quartz et de feldspath en général assez gros, mêlés d’un peu de mica. Les éléments feldspathiques ont conservé leurs angles et leurs faces de clivage, ce qui prouve qu’ils n’ont pas subi de très-longs transports, et que la roche s’est formée aux dépens des granités voisins. Tantôt un ciment siliceux constitue des bancs très-résistants et très-solides, qu’on exploite pour pierres de taille en de nombreuses et importantes carrières; tantôt le ciment est un peu argileux et la pierre est sujette à s’égrener. Assez souvent, elle est percée de petites géodes ou anfrac- tuosités. Assez souvent aussi, elle contient de la pyrite de fer, soit dans les géodes, soit disséminée. On y trouve des em- preintes végétales, provenant de roseaux et de tiges de plantes monocotylédones. L’examen que M. de Saporta en a fait pen- dant la session extraordinaire de la Société géologique a classé définitivement parmi les dépôts inférieurs de la période éocène les arkoses de la Haute-Loire, dont l’âge était resté jusque-là douteux. On compte trois ou quatre lambeaux de ce terrain dans le bassin du Puy (voir la carte qui accompagne ce mémoire). Le principal est celui de Blavoisy, qui forme une bande allongée sur la côte primordiale par laquelle les vallées convergeant RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1125 vers le Puy sont séparées de celles de l’Emblavès. Plus au midi, sur la même côte et dans la même direction prolongée, est celui d’Anteyrac. Le troisième, est traversé par la Loire sous le village de Brives. Leurs bancs pendent au sud-ouest avec une douce inclinaison ; excepté sur la rive gauche de la Loire où le pendage est contraire. Gomme ces lambeaux sont assez voisins et très-semblables d’allures, on est porté à croire qu’ils ne faisaient originairement qu’un même dépôt, dont le fond se trouvait vers le confluent de la Borne et du fleuve. Deux autres restes de la même formation se rencontrent plus au nord dans la vallée de la Loire, proche de Retournac et proche de Bas. Si les arkoses ne se montrent pas aux environs de Brioude, elles ont beaucoup d’importance dans la Limagne d’Auvergne, et il en existe des bancs étendus auprès de Coudes et sur les côtes voisines de Clermont. Toutes ces localités sont situées dans les grandes dépres- sions qui ont reçu l’ensemble des couches tertiaires. Mais l’exis- tence des arkoses à la base de la série, loin d’être générale, est exceptionnelle. Leurs gisements, beaucoup plus étroitement circonscrits, occupent sur les fonds des bassins des positions assez excentriques et ont subi bien des morcellements et des dénudations avant que les assises subséquentes soient venues s’y appuyer. Le défaut de concordance, quê ces considérations suffisent à établir, se manifeste d’une manière plus saillante encore dans le vallon de Condros, qui limite au nord-est le lambeaudeBla- vosy. L’un de ses flancs, comme le montre la coupe ci-jointe est un escarpement rectiligne taillé dans les bancs d’arkoses ; tandis qu’au fond et sur le fleuve opposé les strates sont formés d’argiles sableuses et marneuses. Suc de Condros. Mont Freysselier. Garde. G. Granité. A. Arkoses. M. Argiles marneuses et sableuses, tertiaires. 1126 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1860. S. Sables un peu argileux, tertiaires. T. Cône trachytique . B. Suc basaltique reposant sur le piédestal sableux S, lequel ne couvre qu’une petite partie des arkoses. Le creusement de ce vallon, probablement déterminé par une cassure, s’est donc effectué entre le dépôt des grès inférieurs et ceux des argiles et des sables. Ainsi il y a eu scission et long intervalle entre les deux for- mations, et lorsque la première se constituait, les bassins ter- tiaires, bien que déjà dessinés, n’avaient ni l’étendue, ni les contours qu’ils ont pris ultérieurement. Terrain des argiles et des marnes tertiaires. La formation qui a succédé et qui, d’après les études que les paléontologistes ont faites de ses restes fossiles se rapporte à la période miocène et probablement aussi à la fin de la pé- riode eocène, est au contraire tres-puissante et présente dans le série de ses couches tous les caractères de la continuité. Elle a rempli deux vastes dépressions qui se sont conservées dans le relief du sol plus ancien. Composée presque entièrement d’argiles sableuses et de marnes, elle offre une proie facile aux eaux toutes les fois que ses pentes sont dénudées. Il s’en est donc fait une immense destruction. Cependant les nappes volcaniques, qui ont com- mencé a ^e répandre dès l’origine des temps pliocènes et peut- être antéi ieurement, en ont couverte! protégé de très-grandes masses, qui, sans ce bouclier, auraient été vouées à une ruine infaillible. Grâce à cette circonstance, particulière àl’Auvergne et au Veîay, nous pouvons juger de l'extension très-considé- rable qu’ont eue ces assises jusqu’au sein des régions qui cons- tituent le groupe des montagnes de la France centrale. Et pour- tant l’action de la mer ne semble pas y être intervenue, car les faunes tertiaires se sont jusqu’ici montrées exclusivement la- custres ou terrestres. L un des deux bassins qui les ont reçues renfermait tout le milieu de cette région que l’œil aperçoit des hauteurs voisines du Puy, en outre l’Embîavès, quelques vallées accessoires remontant aux confins du Yivarais, et s’étendait jus- qu’aux environs d’Aurec et de Graponne, au-dessus des sillons où coulent la Loire et l’Ance. Les sédiments tertiaires y for- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1127 ment aujourd’hui deux dépôts très-importants, de part et d’autre de la côte granitique de Chaspinhac et de Peyredeyre ; le premier, au centre duquel est à peu près la ville du Puy, le second qui a couvert le pays appelé Emblavés et une grande zone au delà, par dessous les montagnes de phonolithe situées au nord-ouest du Meygal. Ils s’y trouvent aussi en beaucoup de petits lambeaux disjoints. Tout cela constituait autrefois un même ensemble. Pour s’en convaincre, il suffît de remarquer combien sont étroits les intervalles de séparation et de consi- dérer que sur ces intervalles, les îlots de sédiments sauvés par les basaltes atteignent le plus souvent des niveaux plus élevés que le granité voisin. Peut-être la côte de Chaspinbac surgis- sait-elle en long promontoire au-dessus des terrains stratifiés ; mais à coup sûr elle ne les divisait pas entièrement. Sous les phonolithes et sous quelques basaltes très-anciens, leurs alti- tudes surpassent en bien des lieux 1,100, quelquefois!, 100 mè- tres. Leurs couches cependant, sauf quelques exceptions rares et très-circonscrites, sont horizontales ou faiblement inclinées. On peut observer que deux fois la Loire, dans le creusement de sa vallée, a quitté les fonds argileux pour s’engager dans les défilés granitiques, entre le confluent de la Borne et la petite plaine de Saint-Vincent, entre cette localité et Chamalières. L’autre dépression où des sédiments de même époque se sont accumulés est celle de la vallée de Brioude qui forme au- jourd’hui le fond et n’est que l’extrémité méridionale du bassin bien plus vaste de la Limagne d’Auvergne. Là aussi, à côté du gisement principal, des fragments épars témoignent d’une an- tique extension beaucoup plus grande et nous apprennent que les gneiss des montagnes de Blesle, comme ceux des collines situées entre ce bourg et Brioude, étaient autrefois sous des strates tertiaires. L’encaissement, plus haut signalé, dans les montagnes gneis- siques et qui enclôt autour de la ville de Paulhaguet une plaine d'une certaine étendue, renferme encore un assez large lambeau d’argiles, qui se rattachait probablement sans discontinuité aux dépôts brivadois. Les couches tertiaires n’arrivaient pas sur les versants de l’Ailier à la même hauteur que dans le Velay. Si, par exemple, on en compare les altitudes des deux côtés du dos des monta- gnes de Fix, ce qui est rationnel, parce que les émissions de basaltes qui se sont faites de part et d’autre sont très-similaires et ont dû embrasser la même période des temps géologiques, 1128 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. on trouve, à l’est, le maximum de 900 mètres auprès de Liman- dre, à l’ouest, celui de 625 mètres seulement au-dessus de Paulhaguet. Disons pourtant, pour qu’on ne soit pas conduit à tirer de cette différence des conséquences outrées, que les pié- destaux de marnes et d’argiles qui portent certaines tables ba- saltiques des environs de Clermont montent à 700 mètres en - viron. Et même, à l’ouest de Blesle, sous le volcan d’Antrac, il y a des marnes miocènes à plus de 900 mètres ; mais ce der- nier point se rapproche de la montagne de Cézalier, vers la- quelle se relèvent toutes les nappes basaltiques environnantes et qui paraît avoir été un centre d’exhaussement. En somme, soit que l’on considère des chiffres moyens, soit qu’on s’attache de préférence aux chiffres maximum, on reconnaîtra que les assises recouvertes par les plus anciennes coulées de basalte sont notablement plus élevées dans le Yelay que dans la Li- magne. La raison en est facile à comprendre. Les lacs, les marais et les vallées tertiaires du Yelay étaient suspendus au-dessus des mers et des plaines dans une enceinte de roches primordiales, et leurs eaux pour se déverser dans le bassin du Forez ne de- vaient trouver écoulement que par une gorge à forte pente. La Limagne au contraire, entourée de montagnes à tous les autres aspects, était comme aujourd’hui ouverte au nord. Ses sédi- ments miocènes se rattachent par de vastes étendues et sans interruption à ceux du Bourbonnais, du Nivernais, et par delà a ceux de la France occidentale et septentrionale. De ce côté, nulle ligne de montagnes ou même de collines quelque peu hautes. Les seules barrières qui aient pu exister entre les nap- pes d’eau douce qui s’étalaient jusqu’aux bords des mers de Paris et de la Basse-Loire étaient des éminences à peine sail- lantes soit de la formation tertiaire elle-même, soit des forma- tions jurassique et crétacée du Nivernais, dont les positions ont dû souvent changer par les lentes oscillations de l’écorce terrestre et par les apports alluvionnels. Cette continuité des dépôts miocènes depuis les anciennes mers jusqu’au centre de l’Auvergne, dont les variations locales de composition minéralogique et de faune ne détruisent pas l’évidence, confirme les conséquences qui ont été ci-dessus de la seule structure de la région primordiale. Les lacs et les fonds où ils se constituaient ne pouvaient être que fort peu élevés au-dessus de l’Océan. Je viens de signaler les niveaux qu’ils atteignent actuellement dans la Limagne. Il y a donc eu RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1129 dans les époques géologiques récentes un soulèvement général de la contrée. Des argiles sableuses et des argiles marneuses forment, comme je l’ai dit, la plus grande partie des sédiments ter- tiaires. Les grains de sable, qui même dans celles-ci existent le plus souvent en assez grande abondance, sont quartzeux et feldspathiques, empruntés évidemment aux roches primor- diales encaissantes. Ils sont anguleux ou peu arrondis, ce qui indique qu’ils n’ont pas été transportés de très-loin, parfois assez gros. Le lessivage prolongé des eaux pluviales, qui dé- layent et entraînent l’argile ou la marne, a condensé le sable à la surface sur toutes les pentes de ces terrains et leur a sou- vent ainsi donné beaucoup de ressemblance avec les sols de granité désagrégé, ce qui a fait méconnaître la véritable ex- tension de la formation tertiaire. Mais dans tous les escarpe- ments et dans tous les ravins de quelque profondeur, leur stra- tification est évidente. Un autre caractère qui ne laisse point place à la confusion est qu’ils contiennent fréquemment des pierres calcaires en rognons disséminés ou en minces couches de surface irrégulière et qu’en certaines localités moins nom- breuses ils contiennent des silex. Les argiles présentent de notables diversités dans la propor- tion de leurs éléments et dans leurs nuances, non-seulement entre les assises qui se sont superposées, mais entre des assises contemporaines quand on change de région. Les couches d’au- tre composition, calcaires, gypseuses, ou siliceuses, sont su- jettes à s’amoindrir ou à se dénaturer. Les enseignements tirés des fossiles font d’autre part défaut pour étendre à l’universa- lité de la formation des subdivisions stagiaires ; car si la faune s’bst montrée nombreuse et variée auprès du Puy, où les osse- ments, ramenés au jour par les travaux des carrières, ont été soigneusement recueillis et étudiés, on n’a découvert que fort peu de débris organisés dans les dépôts de la même période hors des environs de cette ville. Il est donc très-difficile de marquer avec certitude des horizons généraux. J’essayerai ce- pendant de suivre les traces des importants bancs de calcaire qu’on exploite entre le Puy et Espaly. C’est en ce lieu, centre d’un des deux grands dépôts ter- tiaires du Yelay, que la formation est la plus riche en succes- sion de bancs caractérisés par des éléments minéralogiques différents et en débris d’animaux disparus. C’est donc là qu’il convient de l’étudier d’abord. La description des sédiments mis 1130 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. à nu par les vallées de la Borne et de la Dolaison a été don- née en détail par Bertrand de Doue, et la tâche de rendre compte des faunes qu'ils renferment appartient à de plus au- torisés que moi. Je me bornerai à en rappeler très^sommaire- ment la nature et la superposition. A la base, sont des argiles un peu marneuses, grises et rou- geâtres, dépourvues de fossiles. On les voit très-bien vers le confluent des deux rivières et en amont d’Espaly et de Cor- mail. Elles ont une grande puissance. Viennent ensuite des bancs intercalés de gypse ordinaire- ment fibreux et de marnes bleuâtres et jaunâtres, formant un ensemble peu épais. Ces gisements gypseux, qui sont l’objet d’exploitations dont l’importance va diminuant parce qu’ils s’épuisent, sont très -circonscrits. On les connaît en trois points : sur les pentes occidentales du mont Anis (qui porte la plus grande partie des constructions du Puy) ; en face, sur la rive opposée de la Borne , à Cormail, proche Espaîy. Ils dis- paraissent sous la vallée, plongeant doucement les deux pre- miers à l’ouest, le troisième en sens contraire, et il est pro- bable qu’ils se joignent souterrainement : leur étendue dans cette hypothèse serait d’environ 3 kilomètres. Hors de là, ils n existent pas. Les restes des mammifères qu’on y a découverts les font regarder comme contemporains des gypses de Mont- martre, quoiqu’il n’y ait pas identité des espèces. Ils appar- tiendraient donc aux temps les moins anciens de la période éocène. Au système gypseux succèdent des couches alternantes de calcaires tendres et de marnes grises et blanches, dont l’en- semble présente au moins une centaine de mètres. Trois bancs calcaires, épais d’un à deux mètres, y sont exploités active- ment. Outre les coquilles de limnées et de planorbes qu’on trouve en abondance et quelques débris d’insectes, il en a été retiré beaucoup d’ossemenis de mammifères, d'oiseaux, de reptiles, dont plusieurs caractérisent des espèces particuliè- res. Les paléontologistes sont unanimes pour rapporter cette faune au terrain miocène inférieur. Autour de la ville même, et notamment sur les flancs de la colline de Ronzon dans lesquels ont été creusées les carrières, les calcaires et leurs marnes apparaissent comme les assises les plus hautes de la formation; cependant, à l’ouest de Ronzon, dans un petit ravin menant vers Geyssac, on observe à un ni- veau un peu plus élevé des marnes grises et bleues, exemptes 1131 RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. de lits calcaires. Quelques bancs calcaires minces qu’on voit auprès du rocher de Ceyssac ; au Collet, dans le val de Poli- gnac, sous les plateaux de Chambeyrac et de l’Oulette, et même vers Soddes et Coujac proche Saint-Paulien, sont assez mani- festement le prolongement amoindri ou partiel du système de Ronzon à l’ouest et au nord. Si on remonte plus à l’ouest la Borne et les ruisseaux affluents, ou si on examine les fonds et les pentes occidentales des vallons de Blanzac et de Saint-Pau- lien, on se retrouve dans les argiles et les marnes inférieures, qui deviennent en général sableuses ou granuleuses sur les confins granitiques, et dont les strates ont le plus ordinaire- ment une légère inclinaison vers l’est et le sud-est. Parfois on y rencontre des rognons ou de minces lits concrétionnés de calcaire, particularité que les couches correspondantes pré- sentent aussi à côté du Puy. Sur la rive droite de la Loire, à Fay-la-Triouleyre et à Mon- teil, les mômes argiles ont leurs assises inférieures rouges et très-sableuses, et l’agglutination du sable y constitue en quel- ques endroits des bancs de grès tendre. Elles sont au con- traire surmontées par des marnes blanches ou un peu grises (elles olfrent surtout cette dernière teinte lorsqu’elles sont fraîchement entaillées), nettement et régulièrement stratifiées en lits nombreux, qui inclinent très-doucement à l’ouest et qui forment la partie supérieure des piédestaux des montagnes basaltiques de Doue, de Brunelet et de la Chaux-de-Fay. Je considère ces marnes blanches comme les représentants des calcaires et marnes de Ronzon. C’est en allant au sud-est que l’on peut suivre le plus au loin et avec le plus de certitude le prolongement des bancs calcai- res. On les a un peu exploités au-dessous de Taulhac. Ils sont très-visibles et très-réguliers sur un grand escarpement qu’a taillé l’érosion de la Loire, vers le hameau des Forges. Sur la rive droite du fleuve ils occupent le large fond de la vallée de Magnore, une partie des pentes des montagnes de Saint-Mau- rice, de Rochaubert, des Bouiroux, sont très- apparents sous le plateau basaltique de Couteaux, et par delà s’étendent dans la vallée de Lautriac. Ceux qu’on trouve autour des buttes ba- saltiques de Peylanc et de Peynastre appartiennent probable- ment encore au même horizon. Sur les montagnes de Saint- Maurice, de Rochaubert et de Bouzols on voit fort bien que cette série d’assises n’a pas été la dernière de la formation ; car 1132 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. entre elle et les basaltes des sommets sont d’autres argiles marneuses et sableuses assez épaisses. Au sud de ces localités, jusqu’au Monastier et à Laussonne, la partie inférieure du terrain tertiaire ne consiste plus qu’en une masse puissante d’argiles sableuses. La plupart de leurs assises sont blanchâtres ; quelques-unes sont colorées en rouge vif par de l’oxyde de fer. Outre les graviers quartzeux et felds- pathiques, elles contiennent des chailles siliceuses, qui sont très-abondantes en certains points de la surface, d’où les eaux ont emporté les matériaux les plus ténus. Beaucoup de ces chailles sont assez grosses, et l’usure des frottements n’a pas été jusqu’à leur faire prendre la forme sphéroïdale, mais a seu- lement arrondi leurs angles. Leur structure est un peu grenue et leur dureté n’est pas des plus grandes. M. Vinay a récem- ment constaté qu’elles contiennent des empreintes évidentes et nombreuses de posidonies et d’ammonites, et l’examen de ces fossiles démontre qu’elles appartenaient primitivement à des bancs de l’étage oolithique inférieur. Où étaient situés les bancs jurassiques dont on n’a jusqu’ici retrouvé dans la Haute-Loire que ces débris déplacés? Je doute qu’on arrive à en découvrir aux environs du Monastier et du Mézenc, où quantité de ravins ont permis d’observer à vif le contact du granité avec les argiles ou les basaltes. Pourtant les chailles ne semblent pas avoir été charriées de loin. Quel- que portion des couches où elles étaient engagées est-elle res- tée ensevelie sous les vastes nappes volcaniques des hauts pla- teaux? Ou, ont-elles entièrement disparu, comme il est arrivé dans le Mâconnais des couches de la craie, dont l’ancienne existence ne se manifeste plus que par des silex répandus dans des dépôts alluvionnels? On sait qu’aux environs de Privas, le terrain jurassique est très-développé et atteint une grande alti- tude : il serait intéressant, pour éclairer la question qui nous occupe, d’en relever exactement les limites sur les montagnes qui s’approchent du Mézenc. Les terrains de la même formation qui ont rempli les fonds de l’Emhlavès, qui supportent une grande partie des mon- tagnes phonolitiques situées au nord du Mézenc et des basaltes voisins, ou qu’on observe dans le bassin de Bas et de Monistrol- sur-Loire, sont, dans leur généralité, d’une structure très- monotone, quoiqu’en certains points leur épaisseur atteigne 300 mètres. Des argiles sableuses et marneuses, mais surtout sableuses, ordinairement blanchâtres, quelquefois grises, quel- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 113g quefois aussi teintées de rouge dans leurs assises inférieures, stratifiées horizontalement ou avec fort peu d’inclinaison, en constituent la masse entière. Elles contiennent en différents niveaux des concrétions de carbonate de chaux très-inégale- ment répandues et englobant souvent des grains quartzeux. L’un de ces niveaux se fait remarquer par une plus grande constance de l’élément calcaire et par des lits qui, en quelques endroits, sont assez épais pour avoir motivé des constructions de fours à chaux, aujourd’hui d’ailleurs tous abandonnés. Il règne autour de la montagne de la Madeleine, à la base de son vaste piédestal argileux (là étaient les exploitations de Sain- tignac et de Jussac, qui ont eu assez longue durée), sur les flancs oriental et septentrional du massif des montagnes de Malataverne et du Gerbizon, de l’autre côté de la Loire auprès d’Artias. Dans l’Emblavès, il se manifeste par des marnes assez épaisses, mêlées de calcaire, qui entourent les pitons basal- tiques de Geneuil, de Malleys, de Gourniol, des Sucs-R.ouges? le plateau de la Plaine. Les analogies de nature minéralogique et de position m’inclinent à le regarder comme un représen- tant fort amoindri du système de Ronzon. Sur la pente sud de la montagne de Glavenas, les calcaires deviennent très-siliceux et affectent, dans plusieurs de leurs lits, une structure rubannée : ils passent même à de véritables silex de couleur blanche ou jaunâtre, parfois nuancée de gris. Des lits semblables se voient à l’entour des buttes basaltiques d’Alibert, de Chauvains et de Jalet. Des silex plus foncés, qu’on trouve sous la plaine de Ferrières, auprès d’Araules, de Fay- le-Froid, appartiennent probablement au même horizon. A l’est de Saint-Pierre-Eynac, la formation tertiaire présente, sur un espace très-circonscrit, des caractères tout particuliers, qui, cependant, se rattachent à ceux des couches siliceuses et marneuses dont il vient d’être parlé. Gomme Bertrand de Doue a fort habilement observé les assises de cette localité et les a décrites dans son ouvrage avec détails et exactitude, je ne ferai qu’en rappeler brièvement la succession. On trouve, reposant sur le granité et sur quelques bancs d’un grès ressemblant aux arkoses, un conglomérat grossier, à ciment argileux d’assez grande dureté, qui englobe des fragments de granité, de gneiss, de quartz et de marne, ces derniers un peu bulleux, et qui a une grande épaisseur. Au premier aspect on l’assimilerait volontiers aux conglomérats basaltiques qui abondent dans le Velay; mais il est complètement dépourvu de fragments d’ori- 1 1 34 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. gine volcanique. Cette roche est recouverte par une couche plus ou moins dégradée de grosses pierres siliceuses, dont la teinte varie du brun foncé au blanc. Au-dessus, se superposent des lits nombreux de marnes feuilletées grisâtres et blanches, en partie silicifiées, entremêlées de quelques minces lits de tufs à petits fragments. Bertrand de Doue y signale des em- preintes de végétaux et notamment de feuilles de plantes dico- tylédones. Je croirais que ce singulier dépôt s’est formé sous l’influence de puissantes sources minérales et thermales. Le conglomérat s’expliquerait par l’agitation tumultueuse qu’elles communiquaient pendant la première période de leur émission à l’eau du bassin dans lequel elles se répandaient, ensuite elles auraient produit la couche entièrement siliceuse et la silice qui a imprégné diverses couches de marnes. Dès qu’on a dé- passé un plateau à l’est de Saint-Pierre-Eynac, on retombe dans les argiles et les marnes ordinaires. Des pierres de quartz résinite éparses marquent seulement la trace prolongée du gros banc siliceux. Dans les tranchées naturelles des escarpements et des ra« vins, on peut observer quelques cassures ou rejets qui ont coupé et déplacé les assises tertiaires. Ils n’ont qu’une faible amplitude et n’ont pas dérangé notablement l’allure de la stra- tification. En parlant ainsi, j’omets toutefois certains boule- versements dont il sera question plus tard, qui paraissent des phénomènes étroitement localisés, sans influence marquée sur l’ensemble des sédiments, et qui, je pense, ont été un efîet des convulsions volcaniques. J’ai montré plus haut combien ont été vastes les dépôts de cette période que les granités du Yelay ont enfermés. Faut-il supposer qu’un lac les recouvrait en entier? Je ne le crois nul- lement nécessaire. D’abord, les eaux ont pu subir bien des déplacements graduels durant les longs siècles des temps éocène et miocène. En second lieu, les argiles sableuses, à part les situations qu’elles occupent, et à part les rognons et les concrétions calcaires, dues probablement à des sources minérales disséminées, sont fort analogues aux terres fortes que les actions atmosphériques amassent de nos jours sur les faibles pentes des montagnes primordiales ou sur les lisières des plaines qu’elles bordent. Elles ont donc pu avoir en grande partie cette origine, et leurs gisements ne nous indiquent, d’une manière sûre, que l’étendue des antiques bassins et des antiques vallées. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1135 Les sédiments tertiaires de l’arrondissement de Brioude ont une grande similitude avec ceux des environs du Puy, quoi- qu’il y ait toujours eu complète séparation entre les uns et les autres. Des argiles compactes, un peu sableuses, jaunâtres ou bariolées de blanc, de jaune et de rouge lie de vin, à stra- tification peu apparente, en forment la plus grande masse. Elles contiennent çà et là des rognons calcaires, dont l’inté- rieur représente souvent des géodes tapissées de cristaux. En deux ou trois endroits, on y peut aussi récolter des cailloux de silex aux taches noires ou blanches. Un système de couches calcaires règne sur une assez grande étendue an nord-ouest ou à l’ouest de Brioude. Auprès de Bard et de Barlière, lieu où il a le plus de puissance, il consiste en plusieurs bancs exploités, qui donnent une chaux un peu hydraulique, alternant avec des marnes et des grès tendres ou mollasses. Mêmes alternances auprès de Paulhac, où sont aussi des exploitations. A peu de distance des carrières de Bard, sur les côtes de la Roche et de Lauriat, le calcaire devient com- pacte et parfaitement exempt d’éléments argileux, mais con- tient souvent des grains de quartz. A Beaumont, la mollasse devient la roche principale. Des assises de sables, mêlées de grès friables, qui affleurent plus au nord vers Oliandre, sont probablement encore la suite des mêmes assises. On trouve dans ce calcaire des Limnées et des Planorbes, et dans les couches qui lui sont subordonnées, M. Bravard a découvert auprès de Bournoncie-Saint-Pierre des ossements de mammi- fères et de reptiles de l’époque miocène. Ce système incline très-légèrement vers l’est. Il forme la partie supérieure des terrains de la plaine brivadaise, de même que celui de Ronzon domine les strates des vallées du Puy, et il est impossible de ne pas les regarder comme synchroniques. L’horizon calcaire, plus ou moins développé, se voit encore sur beaucoup d’autres points éloignés de ceux que je viens d’indiquer, près de Côte- Rouge, sur la rive droite de l’Ailier, à Zorlange, à Cbambezon, au-dessus de Grenier-Montgon et de Biesle, et plus haut sur la pente de la montagne d’Autrac. A Chambezon, il est recouvert d’une grande épaisseur d’ar- giles sableuses et de sables, avec quelques bancs de mollasses, qu’un plateau basaltique a préservés, ce qui montre, comme nous l’avons déjà vu dans le Velay, qu’il n’a pas constitué les derniers dépôts de l’âge miocène. En quelques endroits de cette formation, des bancs argileux 1136 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1860. ou sableux sont très-imprégnés d'oxyde de fer hydraté. Ainsi, à l’ouest de Brioude, au-dessus de la route de Saint-Flour, on voit un grès dont cette substance est le ciment. Des boulets de minerai de fer, à surface mamelonnée, et parsemés de grains quartzeux dans leur intérieur, qu’on trouve disséminés en assez grand nombre sur la côte gneissique qui s’élève au sud de Lempdes ont même origine : ce sont des débris des sédi- ments détruits par les érosions qui, en vertu de leur pesanteur, sont restés sur place. Une faille, beaucoup plus considérable qu’aucune des autres que j’aie observées traversant les terrains de même nature, a‘ marqué profondément son empreinte dans la grande vallée de Brioude. Elle borde la côte calcaire qui se continue de Beau- mont à Bournoncle, le long d’un escarpement orienté au nord 25 degrés ouest, c’est-à-dire à peu près parallèle à la chaîne de la Margeride, et elle a déterminé le creusement d’une vallée que suit le chemin de fer et dont la ligne de thalweg présente deux pentes inverses, aboutissant à une sorte de col. Les bancs calcaires qu’elle a tranchés ont presque entièrement disparu du côté de l’ouest où le terrain a été soulevé : il n’en est resté qu’un témoin qui couronne une hutte conique et qui a été exhaussé de 70 ou 80 mètres. La coupe ci-jointe représente ce mouvement du sol, ainsi que la composition des couches. Chemin Lauriat. Pouget. Mt Lousou, de fer. c. Calcaire blanc compacte. g. Grès à ciment calcaire, ar. Argile rouge. ag. Argile grise avec veines marneuses. Gn. Gneiss. /. Faille. Sur la ligne de la faille, mais dans une direction qui oblique sur elle de 15 degrés vers l’ouest, surgit, un peu au nord de la RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUÏ. 113v section représentée, un très-beau et large dyke de basalte, sur lequel était bâti le château féodal de la Roche. Quant aux dépôts du bassin de Paulhaguet, ils appartiennent au système des assises inférieures et consistent presque exclu- sivement en argiles bariolées fort compactes, à stratification imparfaite et ne contenant pas beaucoup de grains sableux. Je n’y ai trouvé de concrétions calcaires qu’auprès du village de Gbassagnes. Les dépôts situés entre la rive droite de l’Ailier et Javangaes, qui occupaient le golfe où venaient déboucher les eaux de ce bassin, présentent aussi le même caractère, et quelques-unes de leurs argiles, riches en oxyde de fer, ont une dureté qui peut se comparer à celle des grès tendres ou des calcaires marneux. Un certain nombre des fissures des roches primordiales qui sont en communication avec les laboratoires souterrains, où s’engendrent les eaux minérales et les émanations d’acide car- bonique, se sont trouvées recouvertes par les argiles tertiaires. Aux Estreys, village situé dans la vallée de la Borne, six kilo- mètres en amont du Puy, la source, dont le volume est assez abondant, s’est fait jour à travers ces couches et à travers le sable d’alluvion, ainsi qu’il est arrivé en beaucoup de localités de l’Auvergne. Aux environs de Vergongheon et de Frugère, dans le bassin de Brioude, la couverture, trop épaisse, trop compacte et trop peu fracturée, a emprisonné les eaux et les gaz, ou en ralentit l’émission au point qu’elle est inappré- ciable; mais les bancs et les poches auxquels une plus grande proportion de sable donne une certaine perméabilité se sont remplis d’acide carbonique, qui s’y est accumulé à une haute pression. B en résulte une cause particulière de péril dans les travaux de foncement. Des puits creusés pour la re- cherche de la houille ont été arrêtés dans les assises tertiaires par de véritables explosions gazeuses, qui les inondaient brus- quement d’air irrespirable, ainsi que leurs abords, et qui en même temps soulevaient des mottes d’argile et démolissaient en partie les parois maçonnées ; ces accidents ont été deux fois funestes aux ouvriers. Terrain des phonolithes et des trachytes. Tous les sédiments miocènes s’étaient constitués lorsque on commencé les éruptions volcaniques intermittentes, qui se sont continuées jusqu’aux âges modernes et qui ont couver Soc. géol., 2e sér., t. XXVI. 72 1138 SÉANCE DH 18 SEPTEMBRE 1869. de leurs produits une vaste partie de la contrée. Ces phéno- mènes se sont manifestés dans la Haute-Loire par deux for- mations que différencient d’une manière fort tranchée, malgré des transitions locales et des laves intermédiaires, la compo- sition minéralogique aussi bien que l’aspect des masses, et qui correspondent dans l’ordre des temps à deux périodes succes- sives. Les roches d’abord émises par les foyers souterrains ont été, comme en Auvergne, des trachytes et des phonolithes; mais tandis qu’en Auvergne les premiers dominent de beaucoup et les phonolithes n’occupent que des espaces relativement res- treints, l’abondance de ceux-ci a caractérisé partout l’âge vol- canique le plus ancien du Yelay, et les trachytes qui leur sont intimement associés semblent n’être que le résultat d’un autre mode d’agrégation physique des mêmes éléments minéraux. Les uns et les autres sont formés d’une pâte feldspathique, qui habituellement englobe des cristaux de feldspath. Ces cris- taux, en général de petite dimension, sont le plus souvent allongés, fréquemment translucides, striés de sillons parallèles, et de cette variété qu’on appelle feldspath vitreux et dont la base alcaline est en partie la soude. Dans les phonolithes, la pâte présente une structure com- pacte et demi-vitreuse, une cassure cireuse ou esquilleuse, une certaine translucidité sur les angles des fragments qui se sont séparés en minces éclats, une couleur grise plus ou moins foncée, quelquefois tirant un peu sur le rose, quelquefois tigrée ou mouchetée par des taches de nuance plus sombre. Elle est cassante et très-souvent vibrante et sonore sous le choc. Outre les petits cristaux de feldspath lamellaire ou strié, on n’y trouve guère d’autre minéral cristallisé que des lames d’amphibole noire, dont la présence n’est d’ailleurs pas très-commune, et de très-petits grains de fer oxydulé que l’œil aperçoit à peine, mais qui communiquent à certains échantillons une action magnétique énergique. La structure des trachytes est grenue, rugueuse au contact. Celles de ces roches qui ont de la dureté et sont, par suite, susceptibles d’être exploitées pour la taille, sont d’une teinte grise-claire ou grise-bleuâtre, sur laquelle les cristaux feldspa- thiques se dessinent en blanc; car elles sont pour la plupart porphyroïdes. Plus ordinairement, les trachytes du Yelay sont d’une couleur blanchâtre ou grisâtre et d’un aspect demi-ter- reux; très-souvent, leur pâte paraît composée d’une multitude RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1139 de petites écailles assez fortement soudées entre elles et douées d’un léger éclat nacré, particularité de structure qui s’observe rarement dans ceux de l’Auvergne. L’amphibole noire, en cris- taux prismatiques et allongés, est fréquente et ne manque presque jamais dans les variétés porphyroïdes. On rencontre aussi, mais bien moins abondamment, le mica, le titane, rare- ment des zéolithes. Les scories fragmentaires ou agglutinées, qui se voient en grandes masses au milieu des trachytes du Mont-Dore et du Cantal, et qui témoignent d’une manière si claire de leur pa- renté avec les laves plus récentes, n’existent pas dans les tra- chytes du Velay, du moins dans ceux qui appartiennent à la formation phonolithique; car nous verrons plus loin qu’aux plus anciens basaltes sont associées certaines laves feldspa- thiques dont les caractères sont tout autres ; en un petit nombre de points seulement la roche porphyroïde est un peu bulleuse et percillée. On n’y trouve pas non plus de conglomérats pro- prement dits. Les masses de phonolithes et de trachytes sont découpées par de nombreuses fractures en grosses colonnes irrégulière- ment prismatiques, dont les sections sont au moins aussi sou- vent quadrangulaires qu’hexagonales ou pentagonales. Des plans de division transversaux, perpendiculaires ou obliques aux principales arêtes, partagent les prismes en blocs polyé- driques ou en dalles. Les phonolithes présentent aussi très- fréquemment de nombreux plans parallèles de division ou de clivage, qui leur donnent, s’ils sont fort rapprochés, une struc- ture feuilletée et demi-schisteuse ; ils se débitent alors en pla- ques ou en grosses lames. Quand ces lames ont des faces planes et régulières, et que leur épaisseur ne dépasse pas trois ou quatre centimètres, on les emploie dans le pays, sous le nom de lauzes , pour la couverture des maisons. Les fractures, qui offrent partout aux eaux un passage fa- cile, ont sans aucun doute fortement contribué à la destruction d’une grande partie des montagnes de cette formation, même de celles dont la pierre est la plus dure, d’autant que beaucoup d’entre elles ont des bases très-peu résistantes, soit d’argile sableuse, soit de granité désagrégé. L’action atmosphérique très-prolongée attaque, à la surface, les phonolithes et les trachytes compactes, et les recouvre d’une croûte blanche et terreuse, qui a quelquefois un centi- mètre d’épaisseur et qui d’ailleurs s’use et disparaît aisément 1140 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. à mesure qu'elle augmente. L’altération des roches tendres ou poreuses est évidemment beaucoup plus rapide et pénètre beaucoup plus profondément. Ainsi s’est produite une terre détritique abondante et de nature particulière, fine et un peu onctueuse au toucher, tenace et résistante à la charrue, sans être liante et délayable comme l’argile, d’une couleur légère- ment rosée. Cette terre, dans laquelle les blocs anguleux sont inégalement répandus, entoure au loin chaque éminence, en voile les abords et les pentes, dont souvent on ne parvient à reconnaître la nature que par une exploration attentive et mi- nutieuse. Les variétés de roches ci-dessus décrites, qui passent les unes aux autres par toutes transitions, n’occupent pas des gi- sements qu’on puisse délimiter entre eux d’une manière pré- cise, mais composent essentiellement un même ensemble. On peut pourtant noter que les trachytes gris porphyroïdes ou ho- mogènes d’où l’on tire des pierres de taille se rencontrent dans des buttes de dimensions moyennes plutôt que dans les plus grandes masses. Quant aux trachytes tendres et blanchâtres, ils forment la partie inférieure d’un grand nombre de monta- gnes dont les sommets sont phonolithiques. La Société géolo- gique en a vu un remarquable exemple au pic de Saint- André. Ces divergences de structure me paraissent avoir été principa- lement déterminées par des causes inhérentes à la composition chimique, analogues à celles dont dépend l’apparence des sub- stances vitrifiables qui ont subi la fusion, c’est-à-dire par une fluidité originelle plus ou moins imparfaite des matières sor- ties du sein de la terre, par un refroidissement lent et calme ou relativement rapide. Il se peut fort bien, comme l’a fait re- marquer Bertrand de Doue, que l’on ne trouve aujourd’hui, sur les sommets, que les variétés les plus tenaces, parce que ceux qui étaient composés de roches tendres ont été emportés par le temps. Toute cette formation, qui commence dans l’Ardèche aux environs de Sainte-Eulalie et finit un peu au delà de la Loire, serait comprise dans une bande de médiocre largeur, dont la direction moyenne irait à peu près du sud-sud-est au nord- nord-ouest (voir la carte). Mais si on examine plus en détail le groupement de ces montagnes , on reconnaît qu’il se répartit plutôt en une série d’alignements sud-nord, qui se déplacent par plusieurs transports vers l’ouest à mesure qu’ils se rapprochent de la Loire. Tels sont ceux que présentent, RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1141 dans l’Ardèche, les pics du Ligneux, du Gerbier de Jonc, de Sara et de Touron; dans la Haute-Loire, les cimes du Mézenc, de Roffiac, de Lizieux et de Batezard; les massifs du Megal et de Marine ; les aiguilles de Dragy, avec les monts Raud et Ar- temère; les puits de Loségal, de Jaurence et de Glavenas; enfin ceux de Jalore, d’Eymoran et de Gerbizon. D’autres groupes moins nombreux affectent des orientations sud-est nord-ouest, parallèles à la côte de granité plus haut signalée qui sépare l’Emblavès et la région phonolitique du bassin du Puy. Ainsi s’alignent les sommets d’Eyme, d’Orcber et de Gerbizon; le massif du Pertuis, entre Loségal et le Raud; les sommets de Chéron, de Pidgier et de la Huche-Pointue, ainsi que l’énorme dyke qui constitue cette dernière montagne. Une interruption apparente d’assez grande largeur, qui n’est en réalité qu’un voile déchiré en quelques points, divise le massif du Megal des phonolithes qui avoisinent le Mézenc. De ceux-ci on ne voit que les éminences, car, dès l’origine de la période basaltique, d’immenses et nombreuses laves ont inondé le pays, et après avoir couvert les vallons, les plaines et les basses collines, ont constitué un grand plateau qui, mal- gré son élévation, ne s’est jusqu’ici bien profondément sil- lonné que sur les bords. Là où quelque partie du sol plus an- cien perce le basalte, on voit tantôt le granité, tantôt le pho- nolithe. Le Megal et les montagnes situées plus au nord ont été, au contraire, pour la plupart déchaussées au-dessous du roc volcanique. Le démantèlement a encore été plus grand pour celles de FArdèche, qu’environnent d’énormes précipi- ces. Les nappes basaltiques du Mézenc se prolongeaient pour- tant autour des pics du midi, moins épaisses il est vrai, comme on le voit par d’étroits lambeaux qui sont restés suspendus entre les ravins et qui couronnent d’étroites crêtes, remarqua- bles par l’égalité de leurs niveaux. Rien de plus varié et de plus pittoresque, souvent de plus bizarre que les formes des montagnes phonolithiques. Le Mézenc, Alambre, Tourte sont de vastes buttes allongées, res- semblant à des tumulus gigantesques. Autour d’eux Signon, Gheyrou et plusieurs autres sont des buttes à peu près coni- ques : cette forme se manifeste d’une manière plus saillante encore dans les montagnes de Pidgier et de Freysselier, qui sont situées dans l’Emblavès ; elle est très-commune dans des rochers de moindre volume qui escortent lesgrandes masses, en se tenant à quelque distance de leurs flancs ou sur leurs pentes 1142 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. mêmes. Les phonolithes du Megal et des montagnes du Nord figurent ordinairement degrosses bosses irrégulières, des dômes aplatis, oudestables rocheuses, terminées par des escarpements abruptes et analogues à celles que présentent les basaltes, mais pour la plupart beaucoup plus épaisses. Plusieurs som- mets isolés, Jalore, Eyme, Glavenas, Artemère, enfin ceux de la Madeleine, qui est la montagne la plus septentrionale, sont des débris de pareilles tables, réduites à d’étroites surfaces. Des rochers s’élancent en pics ou en dents aigües, que de loin on croirait inaccessibles : ils sont nombreux entre Yssengeaux et Araubes ; dans l’Ardèche, aux environs de Borée et auprès des sources de la Loire : telles sont encore deux sortes d’obé- lisques qui, à 1 Est de Saint-Julien Chapteuil, servent à l’en- trée du cirque de Monedeyre. La Huche-Pointue et Monac ont 1 aspect d énormes pans de murailles alignés au cordeau. Presque toutes ces masses constituent des montagnes domi- nant à la fois le sol granitique ou le sol tertiaire qui le supporte et les basaltes qui les entourent. Il y a cependant de rares exceptions. Les petits rochers de Chamblas, dans l’Emblavès, de Costètes, près Saint-Julien-Chapteuil, sont tout au fond des vallées. Certains phonolithes, au sud du Mézenc, qui se dressent en cimes aigües, plongent d’autre part au milieu du granité découpé par les ravins : on voit par là qu’ils ont sur place leurs filons ouleurs cheminées d’émission. M. Robert a montré à la Société géologique, au pied du mont Saint-André, le con- tact du terrain tertiaire et du trachyte blanc, qui se fait sur une surface à peu près verticale. Une bande, qui traverse un vallon argileux au-dessus de Saint-Hostien , semble être de même une racine du mont Pidgier. Les roches de cette espèce n’ont pas toutes dans la Haute- Loire le granité pour pied, comme on l’a cru à tort. Il s’en faut de beaucoup ; car celles de l’Emblavès et la plupart des mon- tagnes qui sont au nord du Pertuis et d’Araules sont assises sur une base d argile tertiaire. La difficulté d’observer les con- tacts sur les pentes encombrées de ruines explique cette er- reur, que toutes les cartes publiées reproduisent, mais qui disparaît, sans laisser place au doute, dès qu’on scrute le ter- rain avec une suffisante attention. Le rang chronologique de la formation établi par Bertrand de Doue, entre les sédiments miocènes du pays et l’appari- tion des basaltes, ne saurait être contesté j car nulle part les couches d argile sableuse ne la recouvrent, et les mon- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1143 tagnes ou les roches dont je viens de parler ne passent pas sur des laves basaltiques. On peut, au contraire, observer en plu- sieurs lieux, d’une manière manifeste, la superposition de ces dernières, par exemple, aux environs de Fay-le-Froid , de Champclause et de Montusclat, entre Yssengeaux et la monta- gne de Marine. Gomme on n’a d’ailleurs jusqu’ici trouvé dans ce terrain aucun vestige d’êtres organisés, on ne peut rien af- firmer de plus précis sur la durée et le synchronisme de la pé- riode qu’il embrasse. La nature minéralogique ambigüe de certaines nappes et de certains rochers, qui tiennent à la fois du basalte et du pho- nolithe, les laves feldspathiques associées sur les plateaux du Mézenc aux basaltes anciens ne permettent pas de supposer qu’il y ait eu entre les émissions des deux espèces une scission complète, marquée par un repos prolongé des actions volca- niques. Et cependant le temps qui s’est écoulé entre l’appari- tion des phonolithes qui constituent les grosses montagnes et celle de presque tous les basaltes qui les entourent doit être réputé très-considérable, même à mesurer le temps comme ont l’habitude de le faire les géologues : car non-seulement les différences de niveau sont grandes, mais les ceintures de basaltes arrivent très-souvent très-près des escarpements, de sorte que la dégradation des montagnes était déjà fort avancée et qu’elles présentaient une figure de celle qu’elles nous mon- trent encore aujourd’hui lorsque les émissions de la seconde époque sont venues. L’origine des masses trachytiques ou phonolithiques est, comme l’on sait, restée une question fort obscure, bien qu’on les rencontre en presque toutes les régions où les phénomè- nes volcaniques se sont manifestés avec énergie. Quelques nappes dans la Haute-Loire, comme celles de la Madeleine, si semblables d’allures à des nappes de basalte, ont sans doute coulé à la façon des laves. L’hypothèse la plus satisfaisante pour expliquer les tables extrêmement épaisses, les bosses, les dômes, même les buttes coniques, est encore celle qui les regarde comme ayant été produites par des masses sorties du sein de la terre dans un état de très-imparfaite fluidité et qui pour cette raison n’ont pu s’étaler. Quant aux dents et aux murailles, je suppose que ce sont les restes des cheminées et des filons qui ont donné issue aux phonolithes. Mais quels gigantesques dykes que Monac et la Huche-Poin- tue! Combien ils dépassent en puissance les plus gros filons 1144 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. de basalte et meme les filons de trachyte, si abondants dans e Cantal et le mont Dore! Si les matières dont le refroidis- sement a formé les phonolithes étaient peu fluides, on com- prend que des réactions d’autant plus violentes des foyers sou- terrains contre l’écorce extérieure aient été nécessaires pour les amener au jour et qu’il en soit résulté d’aussi larges frac- tures. Monac, la Huche, Costaroz, Saint-André et d’autres pics ont d ailleurs certainement leurs pieds à un niveau beaucoup p us bas que celui qui correspondait au sol extérieurà l’époque des phonolithes : on le voit par l’altitude des basaltes voisins et par celle ou atteignent les sédiments tertiaires. Les parties in éneures de ces montagnes étaient donc autrefois enfouies au milieu des couches argilo-sableuses. Il faut en dire autant des petits et peu saillants rochers de Charabias, de Costètes et de quelques autres. Peut-être ces derniers n’ont-ils pu percer ,e t®r,rain stratifié et ne nous sont-ils devenus visibles que par les dénudations? H F éla'fiîrff0116 de ®ertrand de Doue (adoptée parPoulett-Scrope), éta 1 sd f h Tyait.qoe tout ce terrain «vait été dans un • , u ane e tiu'dité, depuis ses parties les plus basses . • aux f us evées, et les figures variées des rochers n’é- taient à ses yeux que des effets de ruine. hypothèse d une sorte de lave unique, aussi prodigieu- pIIp f*1 u f11 U6’ ou're qu on ne vo*t guère quelle explication acilite, est tout à fait contraire à ce que nous apprend bservation non-seulement des volcans à cratères actifs ou ein s , mais e tous les terrains réputés d’origine ignée. Elle ne s accorde pas non plus avec les faits que je viens exposer, notamment avecles hauteurs très-inégales des bases n nt°° es’ avec 1 existence des laves de caractère mixte. très p aUX ,des‘ructions, on ne peut nier que leur rôle ait été t mtë TSldérab ® ; 6 65 ne rendent cePendant pas raison de eciPni ? aPi;;U'en,Ce,S' Au mi,ieu des fo™es diverses qu’af- fectent les phonolithes; il est quelques types, par exemple bu tes coSnf "tS °U °béliSqUeS à SeCti0n ci"culaire’ °elui des butte, coniques, qui sont trop multipliés pour que leur répé- gine le^aT Pf d“? ^ Une circonstance de formation ori- f’adanter rf’ e-de 3 r°Cbe n® Paraissant Pa« d’ailleurs s adapter d une maniéré particulière à ces types, l’œuvre de ruine que consomme le temps n’aurait pas à elle seule occasionne de pareilles coïncidences. Avant de quitter ces montagnes, je reparlerai des débris qui RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY, 1145 les environnent presque toutes, parce que le phénomène a des proportions imposantes et qu’il est un des traits saillants de la région des phonolithes. Le plus communément, ce sont des mélanges de fine terre détritique et de gros blocs anguleux, qui çà et là font saillie ou gisent détachés sur le sol. En beau- coup d’endroits la terre a été emportée par les eaux pluviales : alors les blocs sont restés à nu et pressés les uns contre les autres ou accumulés couvrant toute la surface. Les étalements ne montrent aucune préférence pourune direction déterminée, mais sont assez également distribués autour des sommets et des roches escarpées. Ils ne vont pas au delà des pentes na- turelles ; mais ils les occupent tout entières, même lorsqu’elles sont vastes et qu’elles n’ont au pied des hauteurs qu’une très- faible inclinaison; je ne pourrais guère citer qu’un seul ravin qu’ils franchissent, c’est-à-dire qui ait été creusé postérieure- ment, celui qui sert d’issue au cirque de Ghaudeyroles près du Mézenc. Dans plusieurs vallées l'entassement des blocs est véritablement majestueux : telles sont notamment celles qui séparent les monts Eymerau et Jalore, les massifs du Megal et de Lizieux, celle du Lignon sous le plateau de Roffiac. • D’ailleurs point de rocs polis ou régulièrement striés, rien qui ressemble aux moraines glacières. Le phénomène n’est pas non plus spécial à tel ou tel groupe, ni en relation avec l’alti- tude : il est au moins aussi marqué auprès des gorges de la Loire que vers le Mézenc. L’entraînement des bases fragiles des montagnes par les eaux qui cheminent dans les nombreuses fentes des phono- lithes ou destrachytes en a été la principale cause : une partie des tables rocheuses des sommets ainsi minée s'est abaissée au niveau des plaines en se brisant et n’offre plus qu’un aspect de chaos. Il faut toutefois remarquer qu’il ne s’est pas seule- ment produit des chutes et des brisements sur place, mais encore des entraînements horizontaux à d’assez grandes dis- tances; car beaucoup de ces débris ont couvert les laves qui se sont épanchées sous les escarpements : de vastes nappes de basalte sont ainsi masquées au pied du Mézenc, du Megal, de Lizieux, de Loségal, au point qu’il est devenu très-difficile d’en reconnaître la véritable étendue. Des pierres descendant même d’une grande hauteur ne voyageraient pas aussi loin de leur propre impulsion. Mais j’ai dit que les blocs sont or- dinairement mêlés à des détritus réduits à une grande ténuité : il s’y joint souvent des matières sableuses et argiles pro- 1146 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. venant de la désagrégation des couches tertiaires ou de granité, L’ensemble constitue un terrain meuble, et là où l’on ne trouve plus aujourd’hui que des fragments anguleux il est très-naturel d’admettre que le même mélangea existé jadis. Or, un pareil terrain, quand il est détrempé par les pluies, est susceptible d’éprouver de lents et de graduels déplacements même sur des déclivités très-douces. Le phénomène doit s’être arrêté dans le voisinage du Mézenc, où toute la surface, à l’exception des pentes abruptes, estgazonnée; ou du moins son effet doit se réduire à accroître les talus déboulement ordinaires. Mais je crois volontiers qu’il se continue dans son intégrité sur les pentes labourées et à sous-sol argileux des montagnes du Nord . La formation qui vient de nous occuper n’est pas d’ailleurs seule à l’offrir : on en peut citer en divers pas d’assez beaux exemples autour de certains basaltes et autour de rochers de toute autre espèce. Mais il accompagne avec plus de généra- lité et de grandeur les massifs phonolithiques du Velay. Terrain basaltique. La seconde période volcanique, dont l’immense durée n’a cessé qu’après l’apparition de l’homme, a produit des basaltes et des conglomérats et scories qui leur sont associés. Les basaltes de la Haute-Loire et ceux des contrées voisines, quoiqu’on y puisse distinguer de nombreuses variétés, ont pour la plupart toutes les apparences qu’on regarde comme caractérisant de la manière la plus nette les roches de cette espèce, c’est-à-dire qu’ils sont formés de deux éléments finement mélangés, mais habituellement discernables au mi- croscope ou à la vue, l’un feldspatbique, l’autre pyroxénique, qu’ils ont une grande pesanteur spécifique, une grande dureté quand ils n’ont subi aucune altération, une couleur sombre variant du gris-bleuâtre au noir. Leur structure, ordinaire- ment compacte, est souvent aussi bulleuse. Divers minéraux, ou cristaux, grains ou nodules, sont très-généralement en- globés dans leur pâte. Les plus communs sont le péridot ou olivine, dont les petits grains cristallins, jaunes d’ambre ou verdâtres, sont tantôt disséminés, tantôt réunis en noyaux dont la grosseur dépasse parfois celle du poing; les cristaux d’au- gite, à faces miroitantes ; le fer titane, en petits grains à cas- sures conchoïdes et brillantes ; le fer oxydulé. C’est sans doute à ces deux derniers qu’est due la propriété magnétique très- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1147 ordinaire aux pierres de basalte. On y voit souvent aussi des grains de quartz et de feldspath, de l’aragonite, des zéolithes, notamment la chabasie et la mésotype : ces dernières espèces, ainsi que l’aragonite, se rencontrent principalement dans les cavités et les géodes. Enfin les basaltes contiennent quelques gemmes, surtout des zircons et des corindons : ces pierres sont rares et difficiles à observer dans Ja roche intacte; on les trouve plus aisément dans les débris graveleux et surtout dans les sables de quelques ruisseaux. Les masses basaltiques se montrent le plus souvent en nappes horizontales ou légèrement inclinées, dont les surfaces sont planes, tandis que leurs faces inférieures se sont moulées sur les accidents des roches qui les supportent, et dont les bords sont taillés à pic au-dessus des vallées qu’elles dominent. Elles ont constitué de vastes plateaux lorsque les courants de laves qui leur ont donné naissance se sont répandus dans des plaines ou sur un terrain déjà presque nivelé : telles ont été les con- ditions qu’elles ont, pour la plupart, rencontrées dansle Velay, dont le sol n’était pas encore profondément raviné. Quand elles ont trouvé des vallées plus étroites, elles ont pris la forme de bandes allongées, aujourd’hui plus ou moins démantelées ou divisées en lambeaux. Si, avant de se consolider par le re- froidissement, elles sont arrivées sur des déclivités rapides, elles n’y ont laissé que de minces traînées, dont un assez grand nombre subsistent, malgré les causes de destruction auxquelles sont exposées des laves de cette nature. Très-fré- quemment, plusieurs coulées, qui se sont épanchées à dif- férentes époques, se superposent; c’est ainsi que certains escarpements basaltiques ont une très-grande hauteur. D’autres roches affectent l’aspect de buttes plus ou moins arrondies, d’éminences coniques ou de pitons isolés. Ce sont, selon les cas, de simples débris des nappes détruites par le temps, ou les restes des culots qui se sont produits dans les cratères et dans les cônes de scories par la pénétration et l’épanche- ment des laves : des scories ou des conglomérats qui y sont mêlés ou adhérents témoignent souvent de cette dernière origine. Enfin le basalte existe en filons plus ou moins épais, traversant les terrains préexistants de toute nature, et les fentes qu’ils remplissent sont manifestement les issues par où la roche en fusion s’est extravasée des profondeurs ; quoique la plupart de ces filons nous restent cachés, on en peut ob- server un assez grand nombre. 1148 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. La Haute-Loire présente de très-beaux exemples des di- verses structures habituelles aux masses basaltiques. La division prismatique est très-fréquente et a formé d’élégantes colonnades qui décorent les escarpements des vallées. Les prismes sont à six ou à cinq pans et ont presque toujours une grande longueur par rapport à leur épaisseur, qui n’est com- munément que de quelques décimètres. Ils s’orientent en général dans un sens perpendiculaire à la surface ou aux parois de la lave. Ils ne régnent d’ordinaire que dans la moitié in- férieure des nappes horizontales, et les colonnades, ou les orgues comme on les appelle, sont surmontées d’un épais cha- piteau à fragments polyédriques. Cette disposition s’explique par les circonstances qui ont présidé à la consolidation de la lave. La partie supérieure, qui a immédiatement subi les in- fluences atmosphériques, s’est refroidie d’une manière rapide et inégale, et les fractures causées par le retrait se sont faites en toute sorte de sens : pour la partie de la lave qui a perdu très-lentement sa haute température, le retrait s’est opéré avec une régularité géométrique parfois presque absolue. La structure tabulaire, très-ordinaire aussi, a été produite par des plans de fissure parallèles. Elle coexiste souvent avec l’état columnaire et les prismes coupés transversalement se composent alors de dalles polygonales empilées. On observe encore la structure feuilletée et schisteuse, qui est une variété ou une exagération de la précédente; la struc- ture sphéroïdale, qui paraît due à de lentes actions molécu- laires et qui est une des formes de la désagrégation. Les boules sont toujours composées de minces couches concentriques, et dans les intervalles qui séparent ces boules la solidité de la roche est moindre, l’altération plus grande. Ce travail de destruction, qui s’attaque aux pierres les plus dures, se dénote sur la plupart des masses de basalte par une cassure à petits grains polyédriques plus fréquente que la cassure nette et compacte. Là où il est plus avancé, les grains se sont disjoints et il ne reste que du gravier. Enfin, quand il est arrivé à sa dernière limite, les pierres se sont réduites en un fin et fertile terreau, noir ou rougeâtre. La résistance pres- que absolue en apparence de certains bancs aux forces érosives est donc loin d’être une propriété commune à tout l’ensemble de ce terrain; mais les nappes présentent toujours sur leurs bords escarpés un basaltevifet solide, parce que ladestruction ne s’est arrêtée que lorsqu’elle a rencontré une pareille roche. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AUPUY. 1149 Les projections de scories, de cendres et de lapilli n’ont pas accompagné en moindre abondance les laves basaltiques de divers âges que les laves des volcans contemporains. Elles constituent dans la Haute-Loire un très-grand nombre d’émi- nences coniques, qui sont les restes plus ou moins oblitérés des cratères. Les scories se rencontrent aussi en beaucoup d’endroits sur les plateaux : elles s’entremêlent aux nappes, et souvent étalées en minces lits, les séparent les unes des autres ou des terrains sous-jacents. Leur composition minéra- logique ne diffère pas de celle des basaltes et elles contiennent les mêmes éléments; mais elles sont criblées de bulles et de vides, et souvent les parois de leurs cavités sont recouvertes d’une espèce de vernis provenant d’un commencement de vi- trification. Ordinairement elles sont détachées les unes des autres, et les montagnes qui en sont formées ne sont qu’un assemblage de matériaux incohérents. D’autres fois elles se sont soudées entre elles, comme si elles avaient conservé une certaine viscosité au moment où elles retombaient sur le sol. De nombreux morceaux des granités et des gneiss traversés par les cheminées volcaniques ont été lancés avec les scories et se rencontrent au milieu de leurs amas. Souvent ils ont été enve- loppés par la matière visqueuse, et c’est ainsi que beaucoup de ces pierres en forme d’amandes et à pores étirés qu’on ap- pelle larmes ou bombes volcaniques contiennent des noyaux de granité. Les fissures des cristaux de feldspath et des no- dules de quartz, la diminution de cohésion des éléments, quel- quefois une légère coloration rouge donnent à ces débris étrangers l’aspect fritté que prennent des matériaux de même nature lorsqu’on les soumet à l’action du feu et à un refroidis- sement un peu rapide. Les conglomérats et les tufs forment une classe de roches très-variées, ayant cependant ce caractère commun qu’elles sont composées de fragments plus ou moins lâches ou serrés et soudés entre eux par un ciment d’aspect terreux. Les frag- ments sont en général petits; quelquefois, ils atteignent les dimensions de grosses pierres. Dans certains conglomérats, ils sont uniquement basaltiques et scoriacés; mais presque toujours à ces éléments, s’en mêlent d’autres qui entrent dans la roche en forte proportion: ils sont empruntés au granité, au gneiss, aux marnes, aux argiles ou aux sables, ou encore à la formation houillère, selon la nature des terrains dans lesquels les volcans se sont ouverts. Sauf les lapilli basaltiques et les petits grains 1150 SÉANCE BU 18 SEPTEMBRE 1809. de scories, qui sont ordinairement arrondis, ils sont anguleux ou seulement émoussés sur leurs arêtes. Les parties marneuses ont en général subi une altération qui les a durcies et rendues moins attaquables par les acides et qui est sans doute un effet de la chaleur. La solidité et l’abondance du ciment sont fort inégales. Plusieurs de ces roches sont assez résistantes pour donner de belles pierres de taille et se soutenir en escar- pements abruptes : les autres sont sableuses et friables, ou argileuses et molles. Parmi ces dernières, les nodules ou les veines d’balloysite, à cassure brillante et lustrée, sont assez fréquentes. Ordinairement les conglomérats sont stratifiés en minces assises, qui sont d’ailleurs sujettes à beaucoup d’irrégu- larités et qui souvent présentent des inclinaisons très-notables. Leurs gisements, considérés dans l’ensemble, ont beaucoup de rapports avec ceux des basaltes et des masses scoriacées. Ainsi que les premiers, ils forment des nappes épaisses qui couvrent des plateaux. D’autres fois ils revêtent, comme d’une sorte de manteau, les flancs des vallées et des collines. On en trouvé très-fréquemment au milieu des coulées de basaltes, soit en amas irrégulièrement englobés, soit en couches inter- stratifiées. Ils s’associent aux scories meubles dans beaucoup de buttes coniques. Ils affectent en outre parfois des formes qui leur sont tout a fait particulières ou dont les analogues ne se trouveraient que parmi les phonolitbes. Telles sont ces dents aiguës, ces roches à pic et ces murailles droites qui donnent tant de singularité aux environs du Puy. C’est dans les terrains de cette nature qu’ont été presque exclusivement découverts les très-intéressants restes fossiles de la période basaltique, que les savants du pays ont recueillis avec tant de persévérance et avec tant de profifrpour la science. Ces débris ont principalement consisté en ossements de mam- mifères et se rapportent aux faunes des époques pliocène et qua- ternaire. Je doislaisser à de plus compétents que moi le soin d’é- numérer et de oécrire les animaux qui habitaient la contrée pendant que les volcans étaient en feu. L’existence successive de très-nombreuses espèces de mastodontes et de diverses espèces d’éléphants a été démontrée : avec eux vivaient des rhinocéros, des ours, des carnivores, des cerfs; enfin les ossements de 1 homme lui-même ont ete trouvés sur l’un des flancs du volcan delà Denise. La période que nous considérons a donc embrassé un espace de temps extrêmement long. Il y a d’ailleurs concordance parfaite entre les inductions qu’on peut 1151 RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. tirer quant aux âges relatifs des masses de conglomérats, soit de la situation qu’elles occupent, soit de l’étude paléonto- logique. Celles qui couvrent les hauts plateaux et qui* sont antérieures au creusement des vallées renferment les espèces les plus anciennes : les animaux qui ont précédé de plus près l’apparition de l’homme ou qui ont été contemporains des premières tribus humaines n’ont été rencontrés que dans celles qui se sont étalées sur les pentes lorsque le relief du sol ne différait pas beaucoup de ce qu’il est de nos jours. L’origine et le mode de formation des conglomérats et des tufs que nos anciens volcans de la France ont produits en si grande abondance est encore un sujet de contestations. Pour Bertrand de Doue, ils ont été formés sous les eaux et remaniés par elles : leur stratification habituelle et leurs alternances avec des lits de sable et de cailloux roulés en étaient à ses yeux la preuve. Obéissant à l’esprit d’unification qui caractérise les théories anciennes, il a vu dans les nombreux lambeaux de ce terrain aux environs duPuy les restes d’un seul et puissant dépôt qui a comblé le fond d’un grand lac. Les positions très-différentes où l’on trouve les conglomérats et la succes- sion des faunes contredisent d’une manière absolue cette généralisation; et, d’autre part, la forme anguleuse de beaucoup de fragments et le mélange très-ordinaire de débris de toutes dimensions et de toute densité dans les mêmes lits ne permet- tent pas d’admettre qu’ils aient subi des remaniements bien considérables. Les géologues du Puy et de Clermont les regardent comme provenant d’éruptions boueuses. Cette der- nière opinion a été combattue avec beaucoup de force par plusieurs membres de la Société géologique, qui ont cité les terrains semblables formés dans les temps historiques ou dans les temps actuels autour du Vésuve ou de l’Etna. Les conglo- mérats, selon eux, doivent leur origine à des projections vol- caniques, dans lesquelles les fragments de pierres et de scories étaient mêlés à la cendre pulvérulente. Ces dépôts, dont les éléments étaient d’abord meubles et disjoints, se sont cimentés par un commencement d’altération chimique et par une péné- tration générale et intime des parties fines et terreuses, qui sont aussi les plus susceptibles d’être décomposées. Les in- fluences atmosphériques et surtout les pluies ont été les prin- cipaux agents du changement d’état d’où est résultée la conso- lidation du terrain. S’il existait des nappes d’eau au sein desquelles les débris sont venus tomber, cette circonstance a 1152 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. pu le faciliter et contribuer à rendre la stratification plus régulière. On ne peut nier la valeur d’une théorie qui s’appuie sur le témoignage irréfutable de l’observation directe des phé- nomènes. Si l’on excepte les roches abruptes et isolées de la campagne du Puy, dont l’histoire fort difficile à élucider a suscité beauconp de controverses pendant la session de la Société géologique et dont je reparlerai plus loin, elle rend fort bien compte de la position et de la manière d’être de la plupart des conglomérats. Au contraire, des éruptions de boues n’expliqueraient pas les larges manteaux étendus sur les fortes déclivités de plusieurs vallées ; car des masses semi-fluides ne s’y seraient pas étalées et n’y auraient marqué leurs passages que par d’étroits lambeaux à surface bosselée et rugueuse. Je crois pourtant qu’on risquerait de dépasser la vérité en affir- mant qu’aucune éruption de cette sorte n’a eu lieu dans la Haute-Loire. Des phénomènes semblables ont été vus et constatés dans des pays volcaniques, et certains gisements de tufs et de conglomérats de la Limagne-d’Auvergne, où do- minent les éléments terreux et marneux et qui ont marché sur les pentes à la façon des coulées, ne semblent pas pouvoir être expliqués autrement. Pour donner une idée exacte de la formation basaltique de la Haute-Loire, il est nécessaire de sortir des généralités qui précèdent et d’examiner rapidement les principaux groupes de ce terrain. Les vastes plateaux qui noient les bases des montagnes du Mézenc, qui, limités au sud par les précipices de l’Ardèche, s’étendent à l’ouest jusqu’auprès du Monastier et de Laussonne, au nord jusqu’aux montagnes du Megal et de Lizieux, séparées par un de leurs prolongements, appartiennent aux plus anciens basaltes; car leur altitude moyenne est d’environ 1250 et les vallées qui échancrent leurs bords s’approfondissent promptement dans le granité. A peine existe-t-il aux confins de cette région quelques traces de terrain volcanique d’époque relativement récente. La roche vive, qui apparaît surtout dans les escarpements des vallées, est le plus souvent compacte. Les nuances varient du gris-noir à un gris assez clair. Le péridot et les minéraux cristallisés n’y entrent pas d’ordinaire en grande proportion. Pourtant certains basaltes se font re- marquer par l’extrême abondance et les belles dimensions des cristaux ti’augite, qu’accompagnent de nombreux grains de RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 4153 péridot. A la surface des plaines, la roche s’est réduite en terreau noir, quelquefois en gravier. En plusieurs points, no- tamment sur les contours des montagnes de phonolithe ou de granité, tout en devenant terreuse, elle a conservé les marques de sa primitive structure : les parties ainsi décomposées son souvent un peu caverneuses et alors contiennent des cristaux dezéolithes. C’est à tort qu’on a cru que les scories et les conglomérats n’ont été produits qu’en petite quantité avec les laves très- anciennes. L’altération du terrain superficiel les rend seule- ment plus difficiles à discerner, et il en a été fait une plus grande destruction dans les endroits où ils étaient à découvert. Mais si on veut se convaincre de l’abondance des conglomérats parmi les nappes de basaltes qui entourent le Mézenc, on n’a qu’à examiner l’immense escarpement de Cuzet au sud de cette montagne ou à remonter le lit du Lignon depuis Fay-le-Froid jusqu’à son origine. L’observation attentive des autres coupures qui ont mis à vif le terrain inaltéré fournit la même dé- monstration. Les cratères de cette contrée, quoique énormément oblitérés, ont aussi laissé d’importants vestiges. On voit une grande masse de scories rouges à la Croix des Boutières, à 4 ,500 mètres d’al- titude, et il en existe d’autres amas épars dans le cirque qu’en- ferment, en amont du village des Estables, les hauteurs d’A- lambre, de la Croix de la Plouge, du Mézenc, de Choulot. Le cirque de Chaudeyroles a beaucoup plus nettement conservé la forme d’un cratère. C’est une dépression circulaire de 1,700 mètres environ de diamètre, dominée au nord-est par la montagne conique de Signon, à l’opposé par une autre butte de phonolithe. Des graviers et des sables de diverses grosseurs, dont les éléments sont empruntés au basalte et au granité, avec des pierres de granité détachées, occupent une grande partie du revers oriental. Le centre est une plaine tourbeuse : il est incontestable qu’un lac y était autrefois contenu; mais les eaux qui en sortaient ont creusé un ravin par lequel leur niveau était graduellement abaissé, tandis que les débris en- traînés et la tourbe comblaient et exhaussaient le fond. Le lac de Saint-Front, situé non loin de là, remplit une cavité qui est aussi exactement circulaire, mais dont le diamètre n’est que la moitié de celui de la précédente. Elle est creusée dans les plateaux, excepté à l’est où elle rase la montagne phonolitbique de Bofiiac, et elle ne présente pas de rebords saillants. L’en- Soc. gêol.f 2e sér., t. XXVI. 73 4154 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 4869. ceinte du côté du nord est en partie formée de terres rouges, que je crois être des scories décomposées. La nappe d’eau n’a pas aujourd’hui plus d’une dizaine de mètres de profondeur, parce que les débris des pentes voisines tendent à la remplir. Quelques buttes très-émoussées et de forme arrondie, qui entre les montagnes de Roffiac et de Lisieux rompent un peu la mo- notonie des plaines, semblent marquer d’autres points d’émis- sion des antiques coulées de laves. Dans celle de la Cbapeluc, au pied de laquelle passe la route de Fay-le-Froid, la roche rouge devenue terreuse montre encore des traces de la struc- ture caverneuse et scoriacée. Aux basaltes de cette partie supérieure du Yelay qui contient les sommités phonolithiques sont associées des laves d'un autre caractère et qui, à les considérer au seul point de vue minéralogique, se rapporteraient plutôt aux trachytes. Elles sont grises et ordinairement bulleuses , rugueuses au tou- cher, assez souvent lamelleuses ou écailleuses. Le felds- path domine dans leur composition, aux dépens du pyroxène qui fait quelquefois presque entièrement défaut. Elles sont d’ailleurs susceptibles de passer au franc basalte par toute transition, et ces changements d’aspect se peuvent manifester dans une même masse. La similitude de gisement et les inter- calations des nappes établissent avec évidence que les deux espèces de roche ont été de formation contemporaine. On trouve encore de ces anciennes laves feldspatbiques sur le flanc ouest de la montagne de Lisieux, et il en existe quelques ro- chers auprès du village de Queyrières. Il est très-digne de remarquer qu’elles sont toujours dans le voisinage des phono- lithes et que le plus souvent même elles leur font bordure. Je suppose qu’elles doivent leur origine à une modification qu’a éprouvée la roche en fusion, lorsque, dans les canaux ou les réservoirs souterrains, elle a été en contact avec des masses phonolithiques. Un ravin, d’où sort la rivière de Lignon, entre les dents du Mézenc et la Croix de la Plouge, montre plusieurs filons de basalte traversant les nappes superposées. Dans un carrefour, qui est situé au sud du village de Chaudeyroles, et qui en est distant d’un kilomètre environ, on voit un gros filon d’un tra- chyte gris et terne, non sans ressemblance avec certains pho- nolithes, faire saillie au-dessus du basalte terreux et scoriacé. Il a une vingtaine de mètres de puissance et court du nord au sud, en présentant sur ses deux faces une inclinaison marquée RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. 1135 vers Test. Je crois qu’il faut géologiquement le rattacher aux laves feldspathiques dont il vient d’être question. Un trait caractéristique de la région qui nous occupe est la rupture brusque des plateaux à l’est et au sud du Mézenc. Aux surfaces unies ou doucement inclinées qu’on parcourt lors- qu’on arrive vers cette montagne en venant du Puy ou du Monastier, succède subitement un pays tout déchiré de ravins. La différence si tranchée des deux aspects est surtout frappante au col des Boutièrqs et sur les roches de Cuzet. Ces roches et celles qui, de l’autre côté du col, portent le Mézenc, forment un arc concave assez régulier, embrassant à peu près un tiers de circonférence et dont la corde aurait deux kilomètres et demi de longueur. Elles dominent notablement les crêtes cou- ronnées de basaltes qui séparent les vallées supérieures du Yivarais. On ne parviendrait pas à expliquer par le seul effet des érosions les circonstances orographiques que je viens de signaler. Il faut qu’il y ait eu en ce lieu de grandes cassures, qui n’ont pas entamé, d’une manière sensible, la partie occi- dentale du plateau, tandis qu’elles en ont brisé, en diverses directions, la partie orientale; des efforts de soulèvement, dont l’action s’est exercée avec plus de puissance du côté de l’ouest, les ont accompagnées ou suivies. L’arc de Cuzet et des Bou- tières est le reste d’un cirque, dont on pourrait voir un autre vestige dans la gorge que traverse le ruisseau de Saliouze, à l’opposé du grand escarpement. Les roches qui, dans son en- ceinte, formaient, avant qu’il fût creusé, la surface du sol, ont dû s’affaisser par effondrement ou disparaître par projection. La comparaison se pose d’elle-même dans l’esprit entre ce cirque ouvert au-dessous du Mézenc et ceux que contiennent à leurs centres les massifs également volcaniques du Cantal et du mont Dore. Mais autour de ces derniers les nappes de tra- chytes et de basaltes se relèvent plus fortement, et les vallées, affectant dans leur ensemble une disposition étoilée, divergent de toutes parts, tandis qu’auprès du Mézenc, une moitié du grand manteau basaltique est restée presque intacte. Les roches et les lambeaux de basaltes qu’on trouve, non plus contigus, mais disséminés en grand nombre à l’ouest du Megal, autour des montagnes phonolithiques situées plus au nord, dans le haut Emblavés et sur les terrains granitiques de l’arrondissement d’Yssengeaux, sont presque tous aussi d’é- poque très-reculée et présentent les mêmes variétés minéra- logiques que les précédents. On observe encore très-souvent 1156 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. avec eux des conglomérats et quelquefois des scories. Plusieurs de ces masses, de forme conique, et mêlées de matières sco- riacées, qui sont habituellement sondées de manière à consti- tuer des conglomérats, sont sans doute des cratères ruinés. Sur les dépôts argileux et sableux de l’Emblavès, la nature meuble et friable des couches sous-jacentes a favorisé les des- tructions, et la plupart des coulées qui s’y sont étalées autre- fois ne sont plus représentées que par des chapiteaux de faible surface, aux contours plus ou moins arrondis, qui d’ailleurs recouvrent et protègent quantité d’éminences et dont quelques- uns sont fort épais. Parmi ces roches, celles de Mézère se font remarquer par leur extraordinaire richesse en cristaux de pyroxène. Beaucoup de bandes de basalte, aux formes si- nueuses, sont attachées aux flancs des masses de phonolithe : la masse tabulaire de Glavenas en a ainsi une ceinture com- plète. L’un des derniers lambeaux qu’on rencontre en allant au nord, plus grand que les autres, forme, entre Saint-André-de- Chalançon et Saint-Julien-d’Auce, une plaine assise d’un côté sur l’argile tertiaire, de l’autre sur le granité. Il domine au loin le granité environnant et montre combien a été puissante, depuis le temps où il s’est répandu, l'œuvre de la dénudation. Une bosse en partie scoriacée, qui fait saillie sur la plaine, indique encore clairement son foyer d’émission. La pittoresque roche d’Artias, dont le pied baigne dans la Loire, entre Chamalières et Retournac, et quelques autres font exception à ce que j’ai dit de l’antiquité, des basaltes de cette région. Entre les profondes vallées de l’Ailier et de la Loire, depuis la latitude d Allègre jusque vers celle de Pradelles, s’étendent des plateaux basaltiques plus vastes encore que ceux qui con- duisent au Mézenc. Les phénomènes volcaniques ont eu dans cette région une durée beaucoup plus longue, de sorte qu’avec des coulées très-anciennes elle offre des laves qu’en langage géologique il est presque permis de qualifier de modernes. C’est d’après les positions occupées par les nappes et non d’a- près des variations minéralogiques que s’établissent les diffé- rences d’âge; car tous ces basaltes ont dans leur ensemble une grande similitude de structure. Ils contiennent très habi- tuellement du péridot et de petits grains de fer titané, assez souvent de petits cristaux de pyroxène. Leur teinte, plus ou moins foncée, est le gris-bleuâtre ou le gris-noir. Très-fréquem- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1157 ment, ils sont scoriacés ou bulleux. Beaucoup de leurs escar- pements présentent des colonnades prismatiques. Une foule de cônes, de scories, restes des cratères, s’élèvent sur ces pla- teaux, ou sur les terrains granitiques ou tertiaires qui les environnent. On y voit encore des dépôts de scories horizon- talement stratifiés, et il est très-ordinaire d’observer des lits de cette nature entre les nappes qui se superposent ou entre le basalte et le terrain sous-jacent. Une longue et étroite chaîne d’éminences, orientée sur le nord 26 degrés ouest, par conséquent parallèle h la vallée de l’Ailier, qui n’en est distante que de 6 à 8 kilomètres, et à la chaîne de la Margeride, dont elle atteint presque la hauteur, commence au lac du Bouchet pour finir auprès de Yergézac, et divise en deux bandes de largeur très-inégale la partie mé- diane des hautes plaines. Elle est composée de scories rouges et noires, assez fortement soudées entre elles pour donner un sol résistant et mêlées de quelques roches de basalte. C’est le reste d’un imposant ensemble de bouches volcaniques très- anciennes et très-rapprochées les unes des autres, qui ne s’est maintenu, en dépit des efforts du temps, que grâce à l'agglo- mération des fragments. Des deux côtés, les surfaces vont s’é- levant par des pentes douces jusqu’au pied de cette arête culminante. La série des cratères des monts Dômes présentera un aspect très-semblable lorsque les dégradations auront altéré davantage les détails de ses formes premières. L’alignement de la chaîne du Devez (on peut ainsi l’appeler du nom de la montagne la plus élevée) a dû, comme les alignements du groupe du Puy-de-Dôme, être déterminé par une grande frac- ture qui préexistait dans les granités. La différence de niveaux qu’on observe entre la plaine de Saint-Jean-Lachalm, située a l’ouest, et celle de Sénenjols, située au levant, qui est d’environ 150 mètres, correspond sans doute à un ressaut de la roche primordiale et fournit une autre démonstration de la faille. Plus au nord, les bassins hydrographiques qui se déversent dans la Loire et dans l’Ailier sont séparés par les pitons de la Durande et de la Durandelle, également formés de scories rouges agglutinées, et qui, avec les pays de Saint-Bérain, con- stituent un second groupe d’antiques bouches de projection, ouvert sur une fracture nord-sud. Cette montagne de la Du- rande, beaucoup plus pittoresque que les précédentes, a sous ses pieds trois cratères très-vastes et bien dessinés, dont l’é- poque, selon toute apparence, est moins reculée. Les bourre- H58 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. lets qui les bordent sont médiocrement saillants par rapport à leurs diamètres. L’un d’eux, dont les eaux s’écoulent au nord, a pour fond le marais elliptique de Limagne, qui a été un lac; et ses parois, comme celle du second dont l’ouverture regarde le levant, sont presque entièrement formées de sco- ries-meubles ou mal agglutinées. Le fond et l’enceinte du troi- sième sont, en plus grande partie, occupés par des conglomé- rats, qui, avec les fragments volcaniques, contiennent beaucoup de pierres et jusqu’à de très-gros blocs de granité à grands cristaux. Au sud du Devez, le lac circulaire du Bouchet est aussi en- fermé dans un large cratère, dont les bords assez élevés sont presque entièrement composés de scories. Il n’a pas d’issue ap- parente; mais de belles fontaines, qui sourdent sur l’un des revers extérieurs à un niveau notablement plus bas, indiquent sans doute un écoulement par des voies souterraines. Des vestiges non équivoques d’anciens lacs, également enclos dans des cirques, se voient, plus au midi, aux environs de la Sauvetat et de Landos. Le cirque de la Sauvetat, qui est le mieux con- servé, est tout entier en creux, saps relèvement du contour : en parcourant ses talus intérieurs, on marche tantôt sur le basalte, tantôt sur des scories. Parmi les nombreux cônes de déjection, très-semblables entre eux de figure et de composition minéralogique, très- divers de dimensions, qui surgissent dans le pays dont je parle (on en compterait plus de cent cinquante), beaucoup ont gardé des empreintes encore assez nettes des cavités cratéri- forrnes, beaucoup ne sont plus que de simples buttes de con- tour à peu près circulaire. On peut citer comme particulière- ment remarquable par leur grandeur le mont Briançon, situé au-dessus des villages de Saint-Eble et de Yissac, au sommet duquel il est facile de récolter de gros boulets de péridot, tout dégagés de leur gangue et les deux montagnes autrefois réunies qui renferment le village de Fix-Villeneuve. Le très-grand intervalle de temps que la période basaltique a embrassé est bien manifeste pour l’observateur qui examine la vallée de l’Ailier. Cette gorge à pentes abruptes est creuse de 550 mètres au-dessous des plaines de Saint-Jean Lachalm et de Saint-Bérain. Auprès de l’une et de l’autre de ces loca- lités, de longues et horizontales lignes de basalte , qu’aucune discontinuité n’interrompt, en couronnent les sommets, tandis qu’au-dessous, le gneiss et le granité sont à nu sur de vastes RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. ' 1159 espaces. Cependant, d’autres laves issues des hauteurs se sont précipitées sur les déclivités et y ont laissé des lambeaux de forte inclinaison, pour s’étaler plus bas et former des plateaux inférieurs. Des cratères placés sur les flancs de la vallée ont aussi versé leurs coulées dans les fonds. A l’exception d’un très-petit nombre de rochers , l’Ailier a partout aujourd’hui tranché les laves qui ont , à diverses reprises , obstrué son cours, mais plusieurs d’entre elles ont leur base peu élevée au- dessus des eaux; d’autres ont un piédestal plus épais; quel- ques-uns se tiennent à des hauteurs intermédiaires entre les nappes de fonds et celles des sommets. Les volcans qui ont fait éruption ont donc trouvé la vallée dans des états d’appro- fondissement très-divers. Les environs de Monistrol d’AUier et de Saint- Julien-des-Chazes offrent un spectacle aussi gran- diose que convaincant de ces phénomènes. Plus au nord, dans les communes de Liangues , de Vissac, de Saint-Arcous, une dépression assez large, aboutissant à la rivière, existait dans le terrain primordial. Les laves y ont af- flué et s’y sont superposées sur des épaisseurs de plus de 400 mètres. Une nappe basaltique assez large, qui, au sud du village de Fix-Saint-Geneys, couvre, à l’altitude de 4450 mètres, le som- met de la chaîne montagneuse que traverse la route de Brioude au Puy, se peut mentionner comme une de celles dont l’anti- quité est évidente. Les roches de gneiss qui l’ont contenue jadis se sont dégradées, de sorte que la vallée primitive est maintenant un dos de montagne qui domine fort au loin la contrée. Les environs du Puy présentent, comme la vallée de l’Ai- lier, mais sur une moindre profondeur , parce que les ravine- ments y ont été moins considérables, des plateaux basaltiques étagés. Ceux de mont Redon et de Chadrac , qui se font face de part et dJautre de la Borne , près du lieu où elle se jette dans la Loire, ont leur base, ou plutôt celle d’un dépôt de con- glomérat sur lequel ils reposent, presque au niveau des deux rivières, quoique la bouche volcanique qui leur a donné nais- sance semble avoir disparu. Deux cônes d’époque récente s’élèvent sur les flancs de la vallée inférieure de la Borne, celui de Saint-\idal et celui de la Denise. Ils sont remarquables par la fraîcheur des scories ; mais leurs formes se sont déjà fort altérées, parce que leur situation, jointe à l’incohérence des matériaux, les ^posait 1160 SEANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. d’une manière toute particulière aux entraînements. La lave du premier a barré la rivière, qui maintenant la franchit dans une espèce de porte taillée à pic. Une des laves du second, qui s’est également précipitée sur la Borne, est renommée par la belle colonnade d’Espaly. Ce cratère de la Denise s’est fait jour à travers une masse épaisse de conglomérats anciens, re- couvrant le plateau étroit du Collet, qui a été presque vertica- lement tranchée par l’explosion : c’est ce que montre une coupe vive du terrain produite par de vastes carrières de pierres de taille et de pouzzolanes. À. Conglomérats anciens, d’une teinte brune foncée, principalement formés de scories et de cendres forte- ment agglutinées, en lits horizontaux, qu’on exploite pour pierres de taille. B. Banc mince de conglomérats blanchâtres, moins ag- glutinés et d’époque plus récente. Sc. Scories noires. Les célèbres fossiles humains qui ont été trouvés sur le flanc méridional de cette montagne étaient contenus dans un conglomérat assez terreux, situé presque au contact des sco- ries, qui est probablement de même formation que le banc B et contemporain comme lui des dernières éruptions. De l’observation qui précède et de tout l’ensemble des faits dont témoigné 1 examen des volcans éteints ou encore en feu on doit conclure que le premier acte des forces souterraines qui engendrent un cratère est de produire une cavité profonde, à parois escarpées : les scories et autres matériaux projetés viennent la remplir ensuite. Le plus souvent, leur amoncelle- ment dépasse la contenance du cirque et une butte conique s’élève; d’autres fois, la cavité reste empreinte dans le sol, soit que les déjections n’aient pas été abondantes, soit plutôt que les scories aient été englouties et pour ainsi dire résorbées dans les réservoirs qui les avaient fournies. Dans le pays qui entoure la ville du Puy, la formation vol- canique se distingue par l’extrême abondance de conglomé- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 116 rats et surtout par les roches d’aspect bizarre que certaines de leurs masses constituent. Ceux qui sont étalés en nappes se peuvent classer en deux catégories, qui appartiennent à des époques séparées par un long intervalle. Les uns occupent une grande partie des plateaux de la Malouteyre, du Collet, de Sainte-Anne, de Tressac, ou sont intercalés dans les basaltes dont les coulées arrivent au-dessus de Vais. Je range encore parmi eux le majestueux rocher de Polignac, dont le contour circulaire n’offre que des escarpements à pic, mais dont la surface est plate, et que je crois être un fragment détaché des nappes voisines. Les autres, moulés sur les pentes des vallées jusqu’au fond desquelles ils descendent en plusieurs points, couvrent les marnes et les argiles tertiaires d’un voile ordinai- rement peu épais. Ceux-ci doivent manifestement leur origine aux éruptions les plus récentes, et les ossements fossiles qu’on en a retirés se rapportent à la faune quaternaire. Au point de vue minéralogique, ils diffèrent des précédents par une plus grande abondance de l’élément marneux, ce qui leur donne une couleur blanchâtre par une moindre cohésion. Mais à quelles causes attribuer l’aiguille pyramidale de Saint-Michel, la muraille verticale du mont Anis ou mont Cor- neille, les roches escarpées d’Espaly, de Ceyssac et celle de même espèce qu’on voit entre Polignac et Bilhac? Les longues discussions dont elles ont été l’objet pendant les séances qui ont été tenues au Puy n’ont évidemment pas rallié les mem- bres de la Société géologique à une opinion commune. Je vais de mon côté dire rapidement ce qui me paraît démontré dans la question et, pour ce qui reste hypothétique, exposer l’hy- pothèse la plus probable à mes yeux. L’étroite parenté de ces roches étranges avec les conglomérats du Collet et de la Ma- louteyre, malgré des gisements tout autres, est chose évidente; car, minéralogiquement, la composition est identique; aussi ne peut-on se refuser d’admettre que ce soient des effets, à la vé- rité différents, d’un même phénomène. Cependant la stratifi- cation est en général beaucoup moins marquée. A Saint-Mi- chel, elle fait même tout à fait défaut; tout au plus parvient-on à distinguer dans la structure de la masse quelques bandes à peu près verticales. Au mont Corneille, les strates ne sont vi- sibles que vers le sommet. L’un et l’autre présentent à leur base des filons de basalte. Tous ces pics surgissent du milieu des vaUées, et ceux de Saint-Michel et d’Espaly baignent leur pied dans la Borne. M 62 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. Dans l’esprit de Bertrand de Doue, la considération de la similitude minéralogique l’a emporté. Il admet que les nappes des plateaux et les pics se sont formés dans des conditions exactement pareilles. Il en conclut logiquement qu’à une épo- que ancienne de la période volcanique le bassin du Puy était déjà creusé autant qu’il l’est de nos jours et à peu près dans les mêmes vallons. Les conglomérats auraient comblé les pre- miers sillons; puis l’érosion aurait refait son œuvre. De fortes objections réfutent cette théorie. D’abord l’examen des plaines basaltiques voisines, qu’on voit reposer sur le terrain tertiaire à des hauteurs correspondantes à l’altitude de leur surface, et dont une partie n’est certainement pas aussi ancienne que les premiers conglomérats, est tout à fait contradictoire avec l’idée d’un profond ravinement antérieur. En second lieu, comment comprendre que ces masses, qu’on suppose avoir envahi les vallées , n’y aient laissé de témoins de leur existence qu’en leur milieu, et là précisément où les eaux avaient le plus de puissance pour les faire disparaître? Ne devrait-on pas bien plutôt les retrouver en terrasses adossées aux flancs des col- lines encaissantes, comme il est toujours arrivé lorsque des rivières ou des ruisseaux se sont frayé leur chemin à travers des coulées qu’elles ont coupées? L’idée émise devant la Société qu’elles étaient d’abord en lieu plus élevé, puis, qu’elles sont tombées ou sont descendues par la destruction de leurs piédestaux, me paraît beaucoup moins admissible encore. Des masses de pareilles dimensions ne se déplacent pas d’un seul bloc et sans se briser en frag- ments : on en peut voir la preuve autour des montagnes de phcnolithe et de certaines montagnes de basalte, où des phé- nomènes de ce genre se sont produits. Puis, quels prodiges d’équilibre le hasard se serait plu à répéter en plaçant debout, et sur une base aussi fragile que des marnes tertiaires, un obélisque élancé comme Saint-Michel, un mur comme Cor- neille ! Il faut donc reconnaître que les roches dont il s’agit, tout au moins à leurs bases, se sont constituées au-dessous des sur- faces qui formaient jadis le sol du Velay, et dans le sein des assises tertiaires qui en doivent encore renfermer les racines. La théorie suivante, que je propose, a l’avantage de n’être pas en désaccord avec celle, si satisfaisante d’ailleurs, qui ex- plique les conglomérats des plateaux par des projections de lapilli, de scories et de cendres et une cimentation de ces ma- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUT. H63 tériaux. Les projections supposent d’anciens cratères. Quel- ques monticules de conglomérats fort émoussés, qu’on voit à 1 ouest de Bilhac, en représentent peut-être encore un empla- cement. A part ces faibles et douteux vestiges, on ne trouve plus en cette région de cônes dont les fragments soient con- solidés. Ils ont donc été enlevés, soit par érosion, soit par des explosions subséquentes sorties des mêmes orifices. Mais au- dessous des accumulations extérieures étaient les cavités ou- vertes dans le sol tertiaire et les cheminées en communication avec le foyer souterrain. Elles ont dû se remplir également de morceaux brisés de scories et de laves, mêlés à des cendres et aux débris des roches traversées. Des consolidations ont dû s’y opérer, aussi bien que dans les dépôts qui se sont étendus sur le sol, et plus facilement peut-être, à cause de la chaleur et des vapeurs acides qui sont un agent puissant de décomposi- tion chimique. Les mouvements tumultueux, qui se produi- sent nécessairement dans les bouches volcaniques, en ont sou- vent empêché la stratification ou l’ont rendue confuse. Des filons de basalte, tels qu’on en voit dans presque tous les cônes de scories, les ont aisément pénétrés. Lorsque ensuite les cra- tères ont été ruinés, que le terrain même qui les portait et les contenait a été entraîné par les eaux, les roches les plus dures ont seules résisté et sont restées saillantes au milieu des dé- nudations qui se sont opérées autour d’elles. J’abrégerai ce qui me reste à dire des autres régions où se sont épanchés les basaltes, parce que les mêmes causes y ont engendré des effets analogues, et que les descriptions répétées seraient dénuées d’intérêt. Les plateaux de Saint-Martin de Fugères, d’Alleyrac et de Crésailles établissent une jonction entre les basaltes de la rive gauche de la Loire et ceux du Mézenc. Là s’élèvent les deux grands cratères de Breysse, qui sont de l’âge le plus récent et d’une très-belle conservation. Tous les deux sont égueulés, de sorte que leurs rebords figurent de vastes hémicycles, de l’en- ceinte desquels les laves sont sorties. Ces laves sont très-bul- leuses dans la première partie de leurs cours, et, seules dans la Haute-Loire, présentent à leur surface des cheires ou monti- cules de pierres brisées et scoriacées,* semblables à ceux qui sont si communs aux pieds des monts Dômes. Quoiqu’un pro- fond ravin granitique longe les deux cônes, elles ne s’y sont pas jetées et ont cheminé sur le plateau. L’une ne semble pas avoir franchi une bien grande distance. Mais l’autre est des- im SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. cendue jusqu’à la Loire, en parcourant environ 8 kil. Après s’être largement étalée sur les douces pentes des environs d’AUeyrac, elle s’est engagée dans l’étroit ravin de l’Holme,où une suite de petits rochers permet d’en suivre la trace; elle expire à Goudet, presque au niveau de l’eau du fleuve, en for- mant une mince terrasse de roche compacte assise sur le gra- vier de la plage. Plus au sud, les pittoresques rochers qui bordent la Loire, dans la commune de Lafarre, fort au-dessous des lignes des grands plateaux, proviennent d’un cône situé auprès du lac d’Issarlès. Un autre cratère très-récent, de peu d’élévation, mais re- marquable par la couleur ardente de ses scories et ses cavités en forme d’entonnoirs, est celui de la Terrasse, contre lequel passe la route du Monastier au Puy. La lave a parcouru le val- lon tertiaire du ruisseau de Laussonne. Le cratère de Bar, près Allègre, n’a dans le département que ceux de Breyne qui lui soient comparables. Bertrand de Doue et M. Grellet en ont donné des descriptions fort exactes, auxquelles je ne puis mieux faire que de renvoyer le lecteur que les détails intéresseront. C’est un tronc de cône de régu- larité parfaite, dont la grande base a 1,500 mètres de diamètre, et dont la hauteur est de 150 à 200 mètres; son sommet est entièrement occupé par une cavité tronçonique. Comme il est situé sur un sol granitique très-élevé lui-même, il est d’un grand effet et attire de loin les yeux, à l’instar d’un signal. Le basalte qui est sorti de son pied, après avoir d’abord coulé sur une forte pente, n’a pas tardé à s’étendre dans une plaine et sépare les deux ruisseaux de la Borne orientale et de la Borne occidentale. Les terrains à sous-sol gneissique de Saint-George d’Aurac et de Gouteuze, qui sont la partie supérieure du bassin de Paulhaguet, ont reçu les laves du volcan de Fix -Villeneuve et de ses voisins, et celles qui ont eu leurs points d’émission sur d’autres confins du même bassin. Dans les plaines de cette ré- gion on remarque plusieurs dépressions circulaires, peu pro- fondes, au fond plat et aux bords doucement inclinés, dont la forme se peut par conséquent très- exactement comparer à celle d’une grande assiette. Elles contenaient, il n’y a pas un grand nombre d’années, des étangs poissonneux, les uns naturels, les autres artificiels, qu’on pouvait assécher ou laisser remplir à volonté au moyen de vannes et de rases, mais dont on a succès- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1165 sivement ordonné la suppression pour des raisons de salubrité. Ce phénomène se voit sur d’autres nappes de basalte ; mais les circonstances qui sont nécessaires à sa production se sont prin- cipalement rencontrées aux environs de Saint-George d’Au- rac. Je l’attribue à un affaissement qu’a subi la surface déjà refroidie et consolidée de la coulée , lorsqu’une partie encore fluide de la masse intérieure a trouvé écoulement par quelque fissure. Sur les côtes qui enferment à l’ouest les plaines de Paulha- guet sont deux cratères d’âge intermédiaire, dont les parois ne sont pas entièrement formées de déjections volcaniques, mais sont en partie creusées dans la roche primordiale, et qui par là rappellent le gour de Tazenat dans le Puy-de-Dôme, et le lac d’Issarlès dans l’Ardèche : ce sont ceux d’Alleret et de Sénèze. Le premier est à moitié composé de scories détachées ou légèrement cimentées : cette moitié seule fait bourrelet. De ce côté est l’issue de l’enceinte et l’origine de la lave. Le se- cond est de gneiss sur les deux tiers de son pourtour, assez dé- gradé, mais parfaitement reconnaissable encore ; le reste est un mélange de conglomérats et de scories. La lave s’est fait jour non dans l’enceinte, mais à l’extérieur du bourrelet sco- riacé. L’étroite vallée de l’Allagnon et celles plus profondes encore qui environnent Blesle sont dominées par des tables de ba- salte qui, pour la plupart, sont les extrémités de coulées des- cendues des montagnes du Gézalier. Un cône de scories, pas- sablement conservé malgré son antiquité certaine, est sur ces hauteurs, près d’Autrac, et à la limite de la Haute-Loire et du Cantal. Dans une région voisine, la coulée de la Fage et de Lu- bilhac se doit compter au nombre de celles qui donnent une mesure des énormes dévastations opérées par le temps sur les roches primordiales de la France centrale. Elle est longue, étroite et peu épaisse : sur une bonne partie de sa longueur, elle a gardé l’image du fond de vallée où elle s’est épanchée ; car les profils transversaux de sa surface sont des courbes un peu concaves. Mais, depuis une bien grande série de siècles, cette vallée et les collines qui devaient l’entourer n’existent plus : la bande basaltique est maintenant une crête culmi- nante, excédant de beaucoup les hauteurs des montagnes voi- sines ; et il faut descendre, de chaque côté, d’âpres ravins pour trouver les lits des ruisseaux. Une roche très-bulleuse, située 1160 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. à F extrémité et au sommet de la bande, en paraît encore mar- quer Torigine. J’ai cité plus haut les filons de basalte des environs du Mé- zenc, qui coupent des nappes volcaniques. Parmi ceux qui ap- paraissent dans les roches primordiales, le beau dyke de la Roche-Rouge, situé non loin du Puy, dans le ravin delà Gagne, est devenu célèbre après les minutieuses descriptions de Fau- jas, de Saint-Front et de Bertrand de JJoue. On peut mention- ner comme puissants et remarquables un filon qui se montre au moulin d’Alibert, proche Artias et dans la vallée de la Loire, ainsi que deux autres qui sont visibles au-dessous de la montagne scoriacée de Courtange, dans le ravin de Celoux. Le dyke de la Roche-Bournoncle, situé entre Lempdes et Brioude, dont il a été déjà question, est un magnifique exemple de filon basalti- que traversant les assises tertiaires : il forme un gros et long mur à parois verticales, sur lequel un château féodal avait été édifié. Dans le Velay, les rochettes de la plaine de Saint-Ger- main Laprade, le roc de Chambouroux, de la vallée de Ma- gnore, qui font à peine saillie au-dessus du sol argileux, ob- servés avec sagacité par Bertrand de Doue, sont une miniature du même phénomène. En terminant la partie de cette note qui concerne les ter- rains volcaniques, je suis conduit à parler de certains cirques qu’on observe au milieu des roches primordiales et qui sont tout à fait exempts de scories et de laves, mais dont les formes ont une grande analogie avec celles des cratères dépourvus de bourrelet. Il est difficile d’échapper à la pensée qu’il y a aussi analogie dans les causes, quoiqu’aucune émission de roches fondues n’ait accompagné les premiers : on y est d’autant plus porté qu’il existe des cratères d’espèce mixte, comme Alleret et Sénèze, le gour de Tazenat, le lac d’issarlès, mentionnés un peu plus haut. Il convient d’ailleurs d’être fort prudent dans ces déductions; car le travail des érosions sur les granités et les gneiss, qui dépend non-seulement de la pente et du régime des eaux, mais encore de la dureté très-inégale de la roche, peut produire des effets en apparence capricieux et de fausses ressemblances. Je ne citerai donc qu’un cirque dont les parois ont bien conservé leur régularité et dont la constitution est très-curieuse. Il est sur la rive gauche de la Loire, tout près de la station de Gonfolens. On l’aperçoit cependant à peine du che- min de fer, tandis qu on le voit fort bien des hauteurs que gravit sur l’autre rive la route de Saint-Etienne au Puy. Le RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1167 croquis ci-joint en représente une vue prise du sommet du bord occidental. v. Vallée de la Loire. W. Vallée du Lignon. aa. Parois circulaires. * 6. Cône central. ce. Bande plate intermédiaire. L’enceinte dessine à peu près les deux tiers d’une circonfé- rence de 400 ou 500 mètres de rayon, la continuité des parois ayant été interrompue à l’est par l’érosion de la Loire. Au cen- tre, surgit, presque à la hauteur du contour, une butte conique qui est aussi de roche granitique, mais plutôt brisée qu’en place, et dont la surface arrondie ne présente point d’angles saillants : entre le cône et les parois est une bande de terrain plat que les débris entraînés ont produite. Il semble que ce cirque soit résulté de deux effets dynamiques consécutifs et contraires : d’abord, un effondrement qui a déterminé la frac- ture circulaire et son entonnoir; en second lieu, une réaction de la pression souterraine, qui a fait reparaître au jour une portion de la roche abîmée. Terrains de grès et schistes 'pliocènes. La formation des t^rains par voie de sédiments aqueux n’a pas cessé d’une manière absolue sur la surface du département avec la période miocène ; mais dès lors elle ne s’est plus opérée que sur des espaces très-circonscrits. Au-dessous des plaines basaltiques qui s’étendent à l’ouest d’Alambre et du Mézenc, apparaissent en deux étroites vallées 1168 SÉANCE DU 48 SEPTEMBRE 1868. des bancs de grès, dont quelques-uns sont cimentés de fer hy- droxydé, avec lesquels alternent des schistes, des tufs fins en partie formés de débris volcaniques, et des lits charbonneux. Le principal gisement, situé vers le moulin de l’Aubépin, sur la lisière des communes de Moudeyres et de Saint-Front, con- tient des couches de lignite de pureté fort médiocre, qui ont donné lieu à quelques exploitations délaissées maintenant. Il repose sur le granité; mais dans le ravin de Gazeille , entre les hameaux de la Yacheresse et de Thioulet, un mince dépôt de nature semblable, qu’on a exploré dans l’espoir de trouver du lignite, est intercalé entre les basaltes. Des bancs de calcaire siliceux, avec schistes bitumineux et lits de grès chargés de pyrite, fortement inclinés du côté du nord, qu’on peut observer en face de l’ancienne abbaye de Bellecombe, proche Araules, appartiennent très-probablement à la même classe de terrains. Il y faut ranger sans aucun doute un lambeau de schistes charbonneux, visible sur la rouie de Saint-Agrève, aux confins de l’Ardèche, des schistes siliceux blancs, finement feuilletés et friables, stratifiés en lits hori- zontaux et contenant quelques empreintes végétales , que la Société géologique a examinés au-dessus de Ceyssac. Ces trois derniers gisements sont, comme les précédents, subordonnés à des nappes de basalte. La flore du schiste de Ceyssac a été reconnue parM. de Saporta être d’époque pliocène. Alluvions anciennes. On trouve dans la Haute-Loire, à des niveaux plus élevés que les plages actuelles, beaucoup d’alluvions anciennes, qui sont les plus irrécusables témoins des modifications qu’a éprouvées le relief du sol et qui nous font pour ainsi dire as- sister au creusement successif des vallées. Elles sont formées soit de bancs sableux, soit de graviers et de galets, et tout à fait semblables à celles que les rivières et les ruisseaux conti- nuent à déposer. Les unes ont subsisté, malgré les érosions, à la surface des terrains qui les ont reçues<ç les autres, en plus grand nombre, ont été conservées par les coulées de basalte qui les ont couvertes. Les environs du Puy en fournissent de très-beaux exemples. Sur les pentes de Vais, de Taulhac, des Forges, d’épaisses as- sises de sable, mêlées de lits de galets, séparent les marnes RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1169 tertiaires des basaltes ou des conglomérats ou les nappes vol- caniques entre elles. On observe même derrière la butte ou garde de Taulhac, un petit lambeau de sable à nu qui est à 200 mètres au-dessus de la Loire. La plus grande partie du sable est à grains fins, et principalement composée, comme sur les bords du fleuve, de quartz et de mica, parce que ce sont les éléments qui résistent le mieux à la trituration et à la décomposition chimique : il est souvent coloré d’une légère teinte ocreuse par l’oxyde de fer, souvent aussi limoneux par un mélange d’argile, en quelques points chargé d’un peu de matière charbonneuse. Les galets, qui sont d’assez petites di- mensions, proviennent pour la plupart des roches de basalte, beaucoup du granité, beaucoup aussi du phonolithe. Ce der- nier point est important à noter; car les pierres de phonolithe n’ont pu descendre que du groupe des montagnes du Mézenc et du Gerbier des Joncs, où la Loire a sa source et reçoit ses premiers affluents. On retrouve pareils dépôts vers Ours-Mons et sous la plaine de Ghambeyrac, et du sable limoneux sous le rocher de Polignac, du côté du nord. Auprès de Polignac et sur le flanc occidental de la vallée où ce village est situé, jus- qu’à Bilhac, on rencontre encore des galets phonolithiques épars sur le sol. Tous ces faits nous racontent l’histoire de la Loire; il nous apprennent qu’elle a longtemps erré sur les terres où s’est pos- térieurement creusé le bassin du Puy, qui, avant la venue des basaltes, devait former une assez large plaine de faible décli- vité. A une époque relativement récente, le fleuve a détourné son cours pour s’engager dans l’étroite vallée de Coubon et dans les défilés de Peyredeyre. Ce déplacement a eu pour causes l’obstruction des anciens lits parles masses de basalte, et sans doute aussi quelques fissures déterminées par les vio- lentes secousses qui ont accompagné les explosions des volcans. La rivière de la Borne, autour du village qui porte son nom, et à la Roche-Lambert, a laissé des arènes limoneuses, sem- blables à celles de la Loire, sauf l’absence de toute pierre phonolithique, et protégées de même par des basaltes. A Gouteuze et au Vialard, un grand dépôt de sable, apparent sous les laves de la plaine de Saint-George d’Aurac , témoigne du passage d’un cours d’eau considérable. G’était probable- ment l’Ailier, lorsque celte rivière traversait le bassin de Paul- haguet, et avant qu’elle se fût jetée dans le sillon de la Youte et de Saint-Ilpize. Soc. yèol 2e sér., t. XXVI, 74 U 70 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 4869. Plus en aval, P Allier, en approfondissant son lit, a laissé des deux côtés de la plaine de Brioude de grands débris de ses anciennes plages de galets, qui couvrent des terrasses et les sommets de quelques coteaux tertiaires. Les pierres de basalte y dominent, excepté dans les endroits où les apports sont ve- nus visiblement des ruisseaux affluents. Elles sont beaucoup moins abondantes dans la basse plaine inondable. Maintenant, en effet, la haute rivière coule dans le gneiss et le granité. A une époque géologique un peu antérieure, elle se frayait un chemin à travers les masses de basalte qui ont inondé de longues parties de sa vallée. Ces pierres que les eaux charriaient autrefois n’étaient ni plus grosses, ni plus lourdes que celles que nous les voyons, à chaque crue, rouler dans leur lit : c’est même très-ordinaire- ment au niveau le plus bas que s’observent les plus volumi- neuses. L’ancien régime des eaux n’était donc pas plus violent et plus torrentiel que le régime actuel. Très-probablement il était au contraire plus calme, parce que les pentes étaient plus douces. L’observation des alluvions anciennes nous ramène ainsi à cette conclusion, dès l’abord indiquée, puis reproduite dans la présente note , que l’Auvergne et le Velay étaient, à l’époque des premiers basaltes, moins montagneux qu aujour- d'hui et moins élevés au-dessus des mers. J’ai dit un peu plus haut que le dépôt pliocène de Belle- combe est à stratification fortement inclinée. La Société géo- logique a vu aux environs du Puy deux exemples de couches d’époque plus récente qui ont subi aussi des dérangements considérables. Ce sont d’une part des sables, avec lits de galets, coupés par le chemin de fer, derrière le petit plateau de Mont- Redon; de l’autre, des assises de semblable nature, avec des conglomérats sur lesquels elles reposent et deux minces bancs de basalte qui y sont intercalés, sur la rive de la Borne, en face d’Espaly. Dans ces deux dernières localités, une cassure franche sépare les strates inclinés de ceux qui ont gardé la position normale et qui ne sont pas d’ailleurs de même for- mation que les sables. Ce qui rend ces observations fort re- marquables, c’est qu’elles sont en désaccord avec l’allure gé- nérale des terrains ; car, à l’entour, les marnes miocènes mon- trent sur les flancs des collines les rubans presque horizon- taux de leurs couches, et les plateaux étagés de basalte se maintiennent sans pente sensible. On n’observe pas non plus que dans le bassin du Puy, la continuité et la concordance de RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1171 1 ensemble des bancs tertiaires ou des nappes volcaniques soient rompues par de grandes failles. Je ne pense donc pas qu’on puisse voir dans les faits dont il s’agit autre chose que des accidents locaux, n’affectant que des espaces très-res- treints. Les secousses volcaniques ont dû donner naissance à. des gouffres, à des entonnoirs : de là, des chutes et des dislo- cations partielles. M. Hedde annonce une monographie du territoire de Ronzon qu’il a étudié avec soin, et lit la note suivante sur les brèches éruptives du bassin du Puy. Notice sur la brèche éruptive et sur les dykes du bassin du Puy-en- Velay ; par M. Isidore Hedde. Les géologues qui ont assisté au congrès de- Puy-en- Velay ont différé souvent d’opinions; ceux du pays, adop- tant unanimement les théories émises par les naturalistes modernes, qui sont d’avis que les roches principales du bassin du Puy, telles que Corneille (ait. 761 m.), Saint- Michel (ait. 694 m.), Polignac (ait. 806 m.), Espaly (ait. m. 674), Ceyssac (ait. 743 m.), et autres moins importantes, sont de véritables dykes bréchoïdes, éruptifs, de même origine que la Poche-Rouge (ait. 736 m.), tous ayant percé, par une force centrifuge, les couches plus anciennes, pour s’échapper du sein d’un foyer incandescent. Les géologues étrangers, pré- sents au congrès, et jugeant probablement à première vue, ont émis les opinions les plus divergentes. Les uns, comme M. Delanoüe, ne voient dans les brèches que des amas de la- pillis, de scories agglutinées et soudées ensemble, formant des espèces de conglomérats et de stratifications, au moyen d’émis- sions aériennes ou atmosphériques; d’autres, comme M. Grü- ner, n’y trouvent qu’une espèce de tuf, plus ou moins ana- logue à ce que l’on voit dans l’Ardèche et dans d’autres contrées volcaniques; d’après l’éminent directeur de l’École des mines de Paris, nos roches, essentiellement Plutoniennes , ne seraient que de vulgaires produits Neptuniens. Mais quel est donc le prince de la science qui ait été à l’abri de l’erreur? Linnée, Cuvier, Léopold de Buch? Élie de Beaumont, Ch. Lyell, eux-mêmes, en ont-ils été exempts? Errare humanum est! 4172 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. D’autres, enfin, dont les noms m’échappent, ne voient dans les brèches éruptives, si singulièrement posées, que des espèces d'aérolithes, de ramponeaux , si j'ose m’exprimer ainsi, lancés par les bouches volcaniques, et qui se seraient enfouies dans le sol par leur propre poids. M. Aymard a fort bien répon u que, s’il en était ainsi, que si les cônes étaient isolés, il s en- suivrait que, depuis des siècles, des milliers, que dis-je. des millions de siècles, peut-être, que les érosions ont eu lieu, tout alentour, on apercevrait des cavités, des continuités; sous eux, des terrains plus anciens, ainsi qu’on peut le voir partout sous les plateaux basaltiques et sous toutes les roches provenant de coulées, de simples émissions volcaniques. J a- jouterai que les produits aériens ne se présentent pas en forme de ramponeau , mais affectent particulièrement celle de bombe , de larme , etc., ainsi que nous le voyons autour de nos prin- cipaux cratères. Il en est même, comme M. Lory, qui ne trouvent dans nos brèches éruptives que des amas de stratifications, que des conglomérats, plus ou moins désagrégés, désamalgamés, que des ruines , enfin, car il faut bien dire le mot, répété, à plu- sieurs reprises : Avouons que si les roches de Saint-Michel et de Corneille ne sont que des ruines , ce sont de magnifiques ruines, et cette expression n’empêchera pas, j espère, les géo- logues futurs de se rendre de toutes les parties du globe pour venir les admirer! Quant à M. Aymard, quia soutenu, malgré sa santé afiaifilie, avec l’énergie et la conviction que donne le sentiment de ce qu’il croit la vérité, les théories des princes de la science mo- derne, théories qu’il a vérifiées par plus de quarante années d’études, de travaux, d’observations, d’écrits et de recherches de toute nature, sur les différents points en discussion, il admet certainement des stratifications, mais infiniment légères, à la suite et comme conséquence des éruptions mêmes, des con- glomérats avec soudures, par l’effet de 1 accumulation et du tassement des diverses matières ignées, entassées les unes sur les autres, et solidifiées à des intervalles différents, au fur et à mesure de l’éruption et de refroidissement, comme on peut le remarquer sur nos roches diverses d ebrèchet mais encore sur nos différentes roches basaltiques et laviques, comme à Ronzon (ait. 710m.), Chayrac (ait. 632 m.), Montaudon (ait. 662m.), Rome (ait. 683 m.), etc. Il admet, comme moi, que les brèches éruptives duVelay ont des caractères distinctifs, particuliers au pays, que RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1173 ces carctères sont, d’après Faujas de Saint-Fond, Bertrand de Doue, Ch. Lyell et autres éminents géologues, tant anciens que modernes; couleur grise, jaunâtre, ou vert-olive , d’autant plus foncée que la roche a plus de solidité; cimentation de laves ba- saltiques, de scories finement poreuses , à angles un peu arrondis ou du moins finement émoussés , avec fragments accidentels de gneiss , de granité , de feldspath , de quartz roulé , de pêridot , de marnes , de calcaire d’eau douce , quelquefois d’amphibole en grains ou en cris- taux, meme de zircons , plus souvent de spath calcaire et d’arago- nite; ces dernières substances, produites par voie d’infiltration. Réunion de matières agglutinées et liées par une paie assez abondante, formée par un mélange de cendres volcaniques , de détritus de lave et d’argile ferrugineuse. Ces brèches sont tantôt dures , tantôt tendres ; il y en a de rubannées, de massives , de stratifiées et de non stra- tifiées, de cimentées et de non cimentées, de scorifiées par le feu et d’agglutinéespar l’eau; il y en a de tur réformes, de lanciformes,d’ar- giloides et de boueuses, ces dernières quelquefois osseuses, c’est-à-dire où se trouvent des fossiles d’animaux et mêmes d’hommes; il y en a enfin de toutes les formes et de toutes les natures ; mais il n’y a par- tout qu’une seule origine : c’est le feu, à travers les terrains anciens et l’eau. M. Aymard admet, comme moi, les tufs volcaniques, tels que ceux de l 'Hermitage (ait. 750 m.), de Guitard{p\i. 737 m.), de Tarayre (ait. 840 m.), etc., soit à l’état scoriforme, poreux, terreux, soit à texture cimenteuse, et comme produits secon- daires de matières ignées et aqueuses; mais je ne suis plus d’accord avec M. Aymard, ni avec la presque généralité des géologues, présents au congrès, qui admettent une grande faille, ouverture ou crevasse, à travers le terrain tertiaire, d’où seraient sortis les cônes ou dykes bréchoïdes du bassin du Puy. M. Aymard prétend que l’axe principal de cette émission serait dans la direction de Roche- Arnaud (ait. 785 m.), à Polignac (ait. 806 m.), c’est-à-dire du sud-ouest au nord-ouest. Cette théorie, je ne puis l’admettre, par la raison que si tous les dykes du bassin du Puy eussent été reliés par un même axe, la force d’éruption en eût été d’autant plus diminuée que la faille eût été longue et les dykes nombreux. L’idée d’un réceptacle com- mun ne peut être admise pour les brèches éruptives qui se font remarquer de Roche-Arnaud à Polignac, puisque nous pouvons observer des roches de même nature, tant à Espaly (ali 674 m.), et à Ceyssac (ait. 743 m.), que sur d’autres lignes divergentes, telles que Ronzade{ ait. 794 m.), Croustet (ait. 896m.), Les Combes 1174 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. (ait. 690 m.), Denise (ait. 888 m.), Sainte-Anne ( ait. 891 m.), Cheyrac (ait. 814 m.), Brunelet (ait. 844 m.), Doue (ait. 839 m.), et autres élévations, où la brèche se manifeste sous toutes les formes de coupole, cône, crête, tour, cheminée, etc. Vaine- ment voudrait-on assimiler cette théorie de la formation des brèches coniques ou dykes à la théorie des soulèvements, pro- fessée par M. Éiie de Beaumont, pour l’explication de la for- mation de nos grandes chaînes de montagnes; à mon avis, le parallélisme et la divergence des éruptions bréchoïdes et dykales ne peuvent s’appliquer à la grande loi des soulève- ments. Je crois donc fermement que tous nos dykes , tous nos ro- chers de formes diverses et de brèches éruptives, se sont, for- més de la même manière que la Roche-Rouge (ait. 736 m.); je crois que chacun d’eux possède des racines traçantes, et ce qui le prouverait, fait sur lequel les géologues présents au con- grès n’ont pas assez porté leur attention, c’est que la plupart de nos dykes ont des satellites, qui semblent avoir été le dernier effort expirant de la matière éruptive. A mon avis, Saint-Michel serait le satellite de Corneille, Flajac celui de Polignac , L’Ar- housset celui d ’Espaly, etc. La théorie d’une grande faille ou réservoir, présentée par M. Aymard, et à laquelle se sont ralliés MM. Tournaire, d’Uxe- loup de Rozemont et autres savants géologues, ne me paraît pas admissible. Vainement M. Aymard a-t-il invoqué ses fouilles, dans la rue Rochetaillade ( Rupes Scissa ), au Puy, rue tracée sur la brèche. A cette allégation je réponds que c’est le fait de la continuité du dyke de Corneille, jusque dans le sein de la terre, mais nullement la preuve de sa soudure avec d’autres dykes du bassin du Puy. Amiens Cato , sed magis arnica veritas. Je ne crois pas non plus qu’un dyke soit un mur, comme l’a prétendu M. Lory. Le mot dyke , dérivé du saxon, est un terme anglais qui signifie Digue, falaise, dans le genre du mot hol- landais Polders. C’est un terme qui a été appliqué avec justesse, particulièrement à nos roches bréchoïdes, par MM. Ch. Lyell, Poulett^Scrope et autres savants géologues, pour désigner un filon éruptif, de formation ignée, poussée de bas en haut , remplissant l'intervalle entre les parois d'une cheminée volcanique et s’élevant , en masse solidifiée et formes diverses, au-dessus de la surface du sol. RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1175 Je crois être parfaitement d’accord avecM. Aymard,en avan- çant que les conglomérats de nos plateaux volcaniques, que les tufs sortis de nos différents cratères, ne sont pas plus de la brèche que ne le sont les basaltes et les laves; je crois qu’il pense, comme moi, que la brèche singulière de nos dykes est surtout particulière à notre bassin du Puy, que si cette brèche renferme des parcelles de roches primitives et des matières diverses; c’est qu’elle les a saisies et entraînées à son passage, de son foyer intérieur, à travers les couches des terrains divers. Je crois, de plus, que nos dykes ont été formés, non pas tout à fait comme des champignons, pourvus de chapeaux, mais plutôt par une certaine force d’impulsion, comme celle produite par l’eau, dans le siphon d’un puits artésien, on pourrait en faire l’expérience par le jet artificiel d’une matière gélatineuse qui se solidifierait immédiatement après sa sortie de l’appareil. Quant à moi qui ai beaucoup vu, beaucoup étudié, beaucoup observé, beaucoup écouté, mais qui n’ai pas l’usage de la pa- role, ce qui me prive du plaisir de la discussion, je me borne- rai à dire, par écrit, que j’ai eu l’occasion de visiter bien des contrées volcaniques, que j’ai assisté à bien des éruptions ignées, mais j’avoue que je n’ai rien vu de semblable à ce qui se présente devant mes yeux dans ce pays si curieux du Velay, ce qui me fait supposer, à tort ou à raison, que les volcans mo- dernes ne peuvent pas expliquer les éruptions anciennes. La nature a mille formes et mille moyens pour se manifester; elle est infinie, tant pour le présent qu’elle l’a été dans le passé, qu’elle le sera dans l’avenir. Au piton de Fournaise , à Bourbon, la lave coulait d’un cra- tère, elevé de 2,200 mètres, et tombait en bouillonnant dans la mer, formant un large fleuve de 6 kilomètres au moins de longueur. Je pus suivre, pendant plusieurs jours, la marche du fluide incandescent et même tracer sur la surface, légère- ment refroidie, avec le bout de ma canne ferrée, les noms chers de la patrie absente (1). Le volcan en éruption, en 1844, était situé, à l’est, dans le quartier Sainte-Rose, vers le 21e — 40, lat. N. et 53° — 28’, long. E. de Paris. La coulée lavique, s’éten- dait, à travers le pays du Grand Brûlé , sur une étendue d’en- (l) Voir dans les Comptes rendus de la Société impériale d'agriculture , sciences et arts de Lyon, année 1868, la description que j’ai faite de la phy- sionomie géologique de l’archipel des Mascareignes , à propos d’un oiseau fossile déterminé par M. Alphonse Milne-Ed\vards fils. H 76 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. viron9 kilomètres. Le piton de Fournaise, espèce de dyke co- nique est éloignée d’au moins 20 kilomètres du piton des Nei- ges (ait. 3,154 mètres), autre espèce de dyke, en forme de crête allongée, dans le genre de ce que nous remarquons à la Roche- Arnaud, près de Puy-en-Velay. Ce piton couvert de neiges, pendant six mois de l’année, est situé au-dessus du quartier de Salazie (altitude de 629 à 900 mètres), où se trouvaient les planta- tions de mûriers pour l’élève des vers à soie; c’est là que je résidais, principalement pendant mon séjour à Bourbon. Le quartier de Sainte-Rose est le territoire des volcans mo- dernes ou contemporains. On y remarque les pitons, dits : rouge , du Bois Blanc , des Cascades, du Crac de Fourche , d’Ango, de la mare d’Azule , de la Basse-Vallée , Vert, Saint-Joseph , Berth , etc. ; les cratères dits : Haury , du Cirque , Chisny, Hu- bert, Dupetit-Thouars, etc.; puis, au nord-ouest du piton de Fournaise, dans les plaines de Cilaos et des Cafres , on peut observer les pitons dits : des feux à Manza-c, Guichard , des Treize Cantons, de la Grande Montée, de Villers , Desmenil , De- jean , Hyacinthe, etc. Les éruptions les plus anciennes dont on se souvienne sont celles de 1775, de 1800, de 1812, de 1824 et de 1844, cette der- nière, celle à laquelle j’ai assisté. Mais il est à noter que les détonations ont toujours été peu sensibles, même au plus fort des éruptions. Les soulèvements, les bouleversements du sol ont eu lieu, sans grand bruit, ni grandes commotions, c’est ce qui expliquerait peut-être le peu d’analogie qui existe entre les roches volcaniques modernes et celles plus anciennes; par exemple, celles de Bourbon et celles du Velay. Néanmoins, M. Deville (1) trouve une grande analogie de formes entre le groupe des montagnes volcaniques de Bourbon et ceux de la Guadeloupe et du Cantal ; pourquoi alors n’explique-t-il pas la ressemblance qui peut exister, la similarité entre les roches an- ciennes et les modernes? Je trouve bien des scories, des lapil- lis, des laves, des basaltes, des tufs même, mais des tracbytes, des phonolithes de la brèche surtout, cette roche spéciale du bassin du Puy-en-Velay, point, pas plus à Bourbon qu’à Téné- riffe (ait. 3,710 mètres), cette dernière montagne conique, en forme de garde , c’est-à-dire en dôme, composée de scories, de lapillis, de laves basaltiques, de tufs, mais de brèches point, pas plus qu’au mont Gedé (ait. 3,245 mètres), à Java, de même (1) Comptes rendus de l’Académie des sciences , t. XXXVII, p. 48 . RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. il 77 formation que ia plupart des volcans encore en activité, des innombrables îles de l’Archipel indien, qui vomissent en- core, quelquefois, de la fumée et des cendres, mais qui n’ont plus d éruptions de matières ignées et liquides; à part, cepen- dant le mont Ophir (ait. 3,950 mètres), à Sumatra, qui, comme le Vésuve, a un centre d’activité permanent, et qui éclaire de ses feux grandioses une partie du détroit de Malaca. J’ignore s il y existe des roches dans le genre de celle du Velay, par la raison que je n’ai vu le volcan que de loin, et que mes rensei- gnements ne m'ont fourni aucune donnée précise à cet égard. Je serais néanmoins porté à croire que c’est au Japon, terre classique des volcans anciens et modernes, le foyer incessant des émissions, des éruptions, des coulées, des volcans, des bouleversements de toute nature; c’est à la soufrière de Xim- bara (ait. 2,100 mètres), dans l’île de Kieou-Léou, au piton du Fouzyamma (ait. 4,000 mètres) , sur Niphon, intermittent comme • Ténériffe et Gedé ; c’est à Sikost et Yéso , c’est dans les milliers d’îles de l'Archipel japonais, toutes déchiquetées par l’effet des causes plutoniennes, toutes pourvues de cratères éteints et de bouches volcaniques en activité qu’il faut aller étudier la grande question des roches plutoniennes anciennes et mo- dernes. Jusque-là, tant que la science n'aura pas reconnu la différence qui existe entre les bouleversements de temps an- ciens et ceux qui se produisent de nos jours, ainsi que les causes qui les ont amenés, je dirai que le Velay est le pays des tra- chytes et des phonolites types, et que le bassin du Puy est la seule patrie de ia brèche volcanique par excellence. Avant de déclarer close la session extraordinaire, M. le Président Vinav exprime à ses collègues la vive gratitude des habitants de la ville du Puy qui ont pu s’associer aux travaux de la Société durant les séances publiques. Il espère que les relations qui se sont ainsi établies ne seront pas éphémères. La séance de clôture a été levée à 11 heures. 1178 SÉANCE DU 18 SEPTEMBRE 1869. NOTES ADDITIONNELLES PAR M. TARDY. Dans la dernière séance, j’avais annoncé l’intention de re- chercher l’origine des chailles de l’herm et du Monastier. N’ayant pu, par suite du mauvais temps, mettre ce projet à exécution, je vais, néanmoins, donner quelques renseigne- ments sur cette question. On m’a affirmé que les roches calcaires employées au vil- lage des Estables, au Mézenc, venaient des pâturages du Grand-Borne, situés au sud-est de cette montagne. Dans une direction presque sud-ouest, parallèle à tous les grands accidents de ce pays, on voit sur la rive droite de l’Al- lier, en face du Luc, des assises de roches stratifiées qui but- tent contre les roches granitoïdes de la chaîne de Mercoire prolongée. Ces roches sont, de loin, identiques aux calcaires juras- siques que M. Fabre, garde général des forêts à Mende- Lozère, a bien voulu avoir la bonté de me montrer près de Saint-Frézal-d’Albuge. Dans l’alignement de ces témoins de roches secondaires, se trouvent les pâturages de la commune de Usclades, où la Loire prend sa source. Or M. Vinay a ramassé des térébra- tules dans cette rivière. Il n’y a donc rien de hasardé à penser que probablement une bande, presque continue, de terrain jurassique s’étend de BagnoIs-les-Bains, jusque au delà du Mézenc; elle doit se ca- cher dans une rive du terrain primitif. Note sur les glaciers du Velay ; par M. Tardy. En allant à la réunion du Puy par le chemin vininal de Lan- geac au Puy, j’ai vu au sortir de Langeac, près de Bavat, des blocs striés. Après la session, j’ai reconnu sur l’autre versant des chaînes qui séparent l’Ailier de la Loire, des lambeaux de moraines situés en amont d’Espaly dans la vallée de la Borne. Je crois, a cette occasion, devoir faire remarquer que la plu- part des grandes routes du Velay ne suivent pas les rivières, parce que celles-ci sont en général d’autant plus encaissées dans des gorges profondes, que leurs sources sont plus au centre des plateaux. Or, c’est à l’intérieur de ces vallées d’é- RÉUNION EXTRAORDINAIRE AU PUY. 1 1 79 coulement principal que doivent se trouver les plus beaux vestiges de moraines. La vallée de la Borne nous en montre un exemple. Cette absence de grandes routes, dans les vallées principales situées en amont des gorges de Peyredeyre, est sans doute la cause qui a empêché la Société de pouvoir constater, pendant son excursion dans le Velay, la présence de vestiges morai- niques. C’est ce qui m’engage à appeler l’attention sur la présence, très-probable, de moraines le long de la Loire en amont de Brives-Charenzac. TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME Le frère Indes. — Sur la formation des tufs et sur une caverne à osse- ments des environs de Rome. . 11 Mussy. — - Roches ophitiques du département de l’Ariége 28 J. Marcou. — Sur une météorite tombée le 11 juillet 1868, à Lavaux, près Ornans (Doubs) 92 Daubrée. — Observations sur la météorite d’Ornans et sur l’imitation artificielle de sa structure globulaire ou cbondritique. ... 96 H. CoQUAND. — Sur les assises qui, dans les Bouches-du-Rhône, sont placées entre l’oxfordien supérieur et l’étage valangien (base du terrain crétacé) 100 Éd. Hébert. — Sur les couches comprises, dans le Midi de la France, entre les calcaires oxfordiens et le néocomien marneux à Belem- nites dilatatus , en réponse à M. Coquand 131 L. Dieülafait. — Sur les calcaires blancs néocomiens des environs de Toulon 139 H. Coquand. — Description géologique de la formation crétacée de la province de Teruel (ancien royaume d’Arragon) 144 Collenot. — Existence de blocs erratiques d’origine glaciaire au pied du Morvan 173 J. Beaudoin. — Sur le Neritopsis Deslonchampsii 182 H. Coquand. — Sur la formation crétacée de la montagne de la Clape, près de Narbonne (Aude) 187 Éd. Hébert. — Classification des assises néocomiennes. Réponse aux critiques de M. H. Coquand 214 Tabariès de Grandsaignes. — De quelques terrains cristallins, sédimen- taires et glaciaires de la Corse 266 G. Cotteau. — Observations sur la monographie des couches de l’étage valangien des carrières d’Arzier , Jura vaudois , par M. de - Loriol 274 Le même. — Observations sur l’Échinologie de MM. Desor et de Loriol. 276 A. Leymerie. — Mémoire pour servir à la connaissance de la division inférieure du terrain crétacé pyrénéen. . 277 A. Caillaux. — Résumé des diverses publications de M. Luigi Bom- bicci, sur la théorie des associations polygéniques , appliquée à l’étude et la classification des minéraux 336 G. Fabre. — Sur la base de l’oolithe inférieure dans les environs de Nancy 253 Fàlsan et Chantre. — Sur le tracé d’une carte géologique du terrain TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. erratique et sur la conservation des blocs erratiques de la partie moyenne du bassin du Rhône De Roys. — Sur les formations d'eau douce supérieures aux sables de Fontainebleau ^ q Commission de comptabilité. — Rapport sur les comptes du trésorier pour l’exercice 1867 386 La Société.— Nomination des Commissions du Bulletin, des Mémoires, de Comptabilité et des Archives; Nomination du Bureau et du Conseil, pour 1869 200 Th. Êbray. — Recherches sur l’inclinaison des couches jurassique*s à l’ouest des Alpes dauphinoises t 393 L. Dieulafait. — Zone à Avicula conforta et infra-lias dans le Midi de la France, à 1 ouest du Rhône (Ardèche, Lozère, Aveyron Hé- raut) ' . 398 Ed. Hébert. — Sur les couches inférieures de l’infra-lias du Midi de la _,A France 447 D Archiac. — Note sur le genre Fabularia , Defrance 454 La Société. — Décision fixant la séance annuelle de 1869, au Dr avril, 1 ouverture des séances^ordinaires à 8 heures très-précises, et celle de la Bibliothèque tous les jeudis soirs de 8 h. à 11 h 459 La même. - Décision portant qu’il ne sera accordé à chaque membre que deux feuilles d’impression au plus pour chacune de ses com- munications, et quatre feuilles pour la totalité de ses communi- cations de l’année. Une indemnité proportionnelle à l’excédant sera prélevée sur chaque membre dont les communications ne rentreraient pas dans ces limites 43^ F. Garr.god et H Duportal. - Ages de l’Ours, du Eeûne, de la pierre polie et des dolmens dans le département du Lot. . 461 Meugy. - Sur le lias du N.-E. de la France ' * 434 Jacquot. — Observations sur le même sujet ’ 513 Alph. Peron. — Sur les terrains jurassiques supérieurs en Algérie.* ’ 517 G. Cotteau. — Note sur les Echinides du terrain jurassique supérieur de 1 Algérie. 529 Le meme — Sur les Echinides fossiles recueillis par M. L. Lartet* en Syrie et en Idumée 533 H. Coquand — Composition géologique et origine de la Crau (Bouches- du-lihone) G. de Mortillet. - Classification chronologique des cavernes de l’époque t e la pierre simplement éclatée, et observations sur le diluvium a cailloux brisés Éd. Hebert. Observations sur les caractères de la faune de Strâmberg 583 et en général sur l’âge des couches comprises sous la désigna- tion d Etage tithonique . . ô A. Leymer,e. - Récit d’une exploration géologique de la vallée d'e Ü 688 Chaper. -- Observations au sujet de la communication de M Éd iC t ™ ^ert sur les caractères de la faune de Stramberg, etc.. * 668 J. Marcou. - Eote sur l’origine de l’étage tithonique. . . 669 Ed. Hebert. - Réponse à MM. Marcou et Chaper, à propos de ia dis^ cussion sur l’age des calcaires à Terebratula diphya de la Porte de h rance Desor. - Lettre de M. Whitney annonçant la découverte de restes W TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. 1183 mains et de traces du travail de l’homme dans des roches ter- tiaires de Californie 676 Ch. Grad. — Formation et constitution des lacs des Vosges 677 Le même. — Observations sur les glaciers du Grindelwald. .... 687 Levallois. — Notice sur la vie et les travaux de Ch. Ëd. Thirria. . . 693 Éd. Hébert. — Notice nécrologique sur M. Hœrnes. . . ... 714 Alb. de Lapparent. — Discours sur les progrès de la Géologie. . . . 716 Tchihatcheff (de). — Carte géologique de l’Asie mineure 737 Daubrée. — Observations sur le travail de M. de Tchihatcheff sur l’Asie Mineure 740 E. Dufour. — Sur le pseudomorphisme des roches feldspathiques. . . 744 Le même. -- Sur un singe probablement subfossile 746 V. Raulin. — Carte géologique de l’île de Crète 747 Le même. — De l’opinion de M. Cordier sur les Ophites des Pyrénées. . 747 Saporta (de). — Études sur la végétation du S. E. de la France à l’é- poque tertiaire 751 Le même. — Sur l’existence de plusieurs espèces actuelles observées dans la flore pliocène de Meximieux (Ain) 752 R. Tournouer. — Observations sur la faune des coquilles fossiles des tufs de Meximieux (Ain) 774 P. Gervais. — Restes fossiles du Glouton recueillis en France. . . . 777 Bourassin. — Sur les blocs granitiques qui se trouvent aux environs de Concarneau et de Tréguier 779 P. Matheron. — Sur les reptiles fossiles des dépôts fluvio-lacustres cré- tacés du bassin à lignite de Fuveau 781 R. Toucas. — Description géologique et paléontologique du canton de Beausset (Var) et de ses environs 796 F. Garrigou. — Sur le niveau des Cavernes. 825 La Société. — Décision portant qu’à l’avenir ne seront admis à faire de nouvean partie de la Société les anciens membres non démis- sionnaires, qu’après qu'ils auront acquitté les cotisations se rapportant aux années pendant lesquelles ils auront continué à recevoir le Bulletin. — L’envoi du Bulletin cessera au 1er juil- let pour les membres qui n’auront pas fait parvenir avant cette époque la cotisation de l'année courante. Cette mesure ne sera applicable qu’à partir du 1er juillet 1870 833 H. Coquand et Boutin. — Sur les relations qui existent entre la formation jurassique et la formation crétacée des cantons de Ganges (Hé- rault), de Saint-Hippolyte et de Samène (Gard) 834 H. Coquand. — Comparaison des terrains de Ganges (Hérault) avec d’autres terrains analogues, et constatation des étages kimmé- ridgien et portlandien fossilifères dans la Provence 854 Belgrând. — L’âge des tourbes dans la vallée de la Seine 879 Ponzi. — Le Volcanisme romain. — Remarques sur les observations géo- logiques faites en Italie par M. Gosselet 903 L’abbé Bourgeois. — Sur des silex taillés trouvés dans des dépôts mio- cènes à Thenay (Loir-et-Cher) • 904 Tardy. — Notes sur le Vivarais 912 Daubrée. — Sur l’existence de gisements de bauxite dans les départe- ments de l’Hérault et de l’Ariége 915 Le même. — Sur l’exploitation de minerais de cuivre par les anciens. . 918 J. Marcou. — Les derniers travaux sur le Dyas et Trias de Russie. . . 919 ^84 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES. Tard y. — Sur quelques éboulements. . . 924 Th. Ébray. Assimilation de la protog’ine des Alpes au porphyre gra- nitoïde du Beaujolais ^ 927 O. Terquem et E. Joürdy. — Sur le terrain bathonien de la Moselle et de la Meuse 947 R. Tournouer. — Sur des Nummulites et une nouvelle espèce d’Échi- nide trouvées dans le « miocène inférieur » ou « oligocène moyen » des environs de Paris 974 Le même. — Sur l’âge géologique des « molasses de l’Agenais » à propos de la découverte de nouveaux débris d’ Elotherium magnum et de divers autres mammifères dans les terrains tertiaires d’eau douce du département de Lot-et-Garonne 983 Gruner. - Sur un vieux bois d’étai de la mine de Littry (Calvados).' .* 1023 Delesse. Lithologie des mers de l’ancien monde 1025 A irlet d Aoust. — Découverte de traces microscopiques de végétaux dans des roches considérées comme éruptives 1030 Th. Ébray. — Sujet d’études dans le département de la Haute-Loire. . 1031 Commission de comptabilité. - Rapport sur la gestion du trésorier pen- dant l’année 1868 1033 Rames et Marion. - Procès-verbal de la réunion extraordinaire de là Société au Puy-en-Velay, en septembre 1869 1041 R. Tournouer. — Sur les coquilles fossiles des calcaires d’eau douce des environs de Puy-en-Velay 1061 H. E. Sauvage. — Sur les poissons du calcaire de Ronzon, près le Puv- en-Velay L J 1Q Tournaire. — Sur la constitution géologique du département de la rp . aute-Loire et sur les révolutions dont ce pays a été le théâtre. 1106 I ardy. — Sur les glaciers du Velay fin de la table générale des articles. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE. TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS POUR LE VINGT-SIXIÈME VOLUME (deuxième série) Année 1868 à 1869 A Algérie. Sur les terrains jurassiques su- périeurs en — , par M. Alph. Pe- ron, p. 517. = Echinides du même terrain, par M. G. Cotteau, p. 529. Alpes. Recherches sur l’inclinaison des couches jurassiques à VO. des Alpes dauphinoises, par M. Th. E. Bray, p. 393. Archiâc (d’). Sur le genre ¥ Maria Defrance, p. 454. A riége. Roches ophitiques du départe- ment de 1’ —, par M. Mussy, p. 28. = Sur l’existence de gisements de bauxite dans T —, par M. Daubrée, p. 915. Asie. Carte géologique de Y — Mi- neure, par M. de Tchihatcheff. Ob- servations de M. Daubrée, p. 737. Aude (département de 1’ — ). Sur la formation crétacée de la montagne de la Clape, près de Narbonne , par M. H. Goquaud, p. 187. B Bauxite. Sur l’existence de gisements de — dans les departements de 1 Hé- rault et de l’Ariege , par M. Dau- brée, p. 915. Beaudouin (J.)- Sur le Neritopsis Des- long champ su, p- 182. Beausset (Var). Description géologique et paléontologique du canton de — et ue ses environs, par M. R. Tou- cas, comprenant l’etude des terrains tertiaire, crétacé, jurassique et tria- sique (pl. VI), p. 796. Belgrand. L’âge des tourbes dans la vallée de la Seine (pl. VII). Obser- vations de M. Lesquereux, p. 879. Bibliographie , p. 5, 265, 271, 352, 392, 458, 460, 481, 667, 735, 780, 832, 900, 913, 946. Soc. géol., 2° série, tome XXVI. Bibliothèque de la Société. Ouverture les jeudis soir de 8 à 11 h., p. 459. Blocs erratiques. Existence de — d’ori- gine glaciaire au pied du Morvan, par M. Cotlenot. Observations de MM. Belgrand et Hébert, p. 173. == — de grauite dans les environs de Concar- neau (Finistère), par M. Bourassin, p. 779. Bois. Sur un vieux — d’étai de la mine de Littry (Calvados), transformé en substance voisine des liguites ou des houilles sèches à longues flammes , par M. Gruner, p. 1023. Bouches-du-Rhône. Sur les assises qui, dans les — , sont placées entre l’ox- fordien supérieur et le valenginien, par M. H. Coquand, p. 100. =Com- 75 1186 TABLE DES MATIÈRES position géologique et origine de la Grau, par le même, p. 541. = Sau rien fossile d'un genre nouveau , re- cueilli par M. Matheron dans les li- gnites de la Nerthe, par M. P. Gér- ais, p. 777. = Sur les reptiles fos- siles des dépôts fluvio-lacustres cré- tacés du bassin à lignite de Fuveau par M. Philippe Matheron, p. 781. ? Bourassin. Blocs erratiques de granité dans les environs de Concarneau (Finistère), p. 778. Bourgeois (l’abbé). Sur des silex tail- lés trouvés dans des dépôts miocènes à Thenay (Loir-et-Cher), p. 901. Boutin et Coquand. Sur les relations qui existent entre la formation ju- rassique et la formation crétacée des cantons de Ganges (Hérault) , de Saint-Hippolyte et de Sumène (Gard ), p. 834. Budget présenté par le trésorier pour 1869, p. 483. Bulletin. Chaque membre n’a droit qu’à deux feuilles d’impression au plus pour chacune de ses communica- tions et quatre pour la totalité de l’année, p. 461. Bureau. Nomination du — pour 1869. C Caillaux (A.). Résumé des diverses publications de M. Luigi Bombicci sur la théorie des associations poly- géniques, appliquée à l’étude et à la classification des minéraux, p. 336. Californie. Lettre de M. Whitney, com- muniquée par M. Desor, annonçant la découverte de restes humains et de traces du travail de l’homme dans les roches tertiaires de la — ,p. 676. Carte géologique de l’Asie Mineure, par M. de Tchichatcheff. Observations M. Daubrée, p. 737. = — de File de Crète, par M. Y. Ranlin p. 747. Caverne. Sur une — à ossements des environs de Rome, par le frère Indes, p. 11. = Sur des cavernes à osse- ments de différents âges dans le dé- partement du Lot, par MM. F. Gar- rigou et H. Duportal. Observations de M. L. Lartet, p. 461. = Classifi- cation chronologique des cavernes de l’époque de la pierre simplement éclatée, par M. G. de Mortillet. Ob- servations de MM. Ed. Lartet et de Vibraye, p. 583. = Sur le niveau de cavernes, par M. F. Garrigou. Ob- servations de M. Ed. Lartet, p. 825. Chantre et Falsan. Sur le tracé d’une carte géologique du terrain er- ratique et sur la conservation des blocs erratiques de la partie moyenne du bassin du Rhône. Observations de MM. Belgrand et Michal, p. 360. Chaper. Observations au sujet de la communication de M. Ed. Hébert sur les caractères de la faune de Stramberg, etc., p. 668. Collenot. Existence de blocs errati- ques d’origine glaciaire au pied du Morvan. Observations de MM. Bel- grand et Hébert, p. 173.J Commission de comptabilité. Rapport sur la gestion du trésorier pendant l’an- née 1868, p. 1033. Commissions. Nomination des — du Bulletin, des mémoires, de comptabi- lité et des archives pour 1869, p. 390. Concarneau (Finistère). Blocs errati- ques de granité dans les environs de —, par M. Bourassin, p. 778. Conseil. Nomination du — pour 1869 p. 390. Coquand (H.). Sur les assises qui, dans les Bouches-du-Rhône , sont placées entre l’oxfordien supérieur et l’étage valenginien, p. 100.= Sur la formation crétacée de la province de Teruel (ancien royaume d’Ara- gon) (pi. I), p. 144. = Sur la même formation de la montagne de la Clape, près de Narbonne (Aude), p. 187.= Composition géologique et origine de la Crau ( Bouches-du- Rhône ), p. 541. = Comparaison des terrains de Ganges ( Hérault ) avec d’autres terrains analogues, et cons- tation des étages kimméridgien et portlandien fossilifères dans la Pro- vence. Observations de MM. Hébert et Parran, p. 854. Coquand et Boutin. Sur les relations qui existent entre la formation ju- rassique et la formation crétacée des cantons de Ganges ( Hérault ), de Saint-Hippolyte et de Sumène (Gard), p. 834. v h Corse. De quelques terrains cristallins sedimentaires et glaciaires de la — ' ’ par M. Tabariès de Grandsaignes^ p. 266. Cotteau (Gust,). Observations sur la monographie des couches de l’étage valangien des carrières d’Arzier , ET DES AUTEURS. 1187 Jura vaudois, par M. de Loriol, p. 274. = Idem sur l’échinologie hel- vétique de MM. Desor et de Loriol. Remarque de M. Deshayes , p. 276. — Echinides du terrain jurassique supérieur de l’Algérie , p. 529. = Echinides fossiles recueillis par M. L. Lartet en Syrie et en Idumée,p.533. Crête. Carte géologique de l’ile de — , par M. V. Raulin, p. 747. Cuivre. Sur l’exploitation des minerais de — par les anciens, par M. Dau- brée. Observations de MM. de Mor- lillet et P. Gervais, p. 918. D Daubrée. Observations sur la météo- rite d’Ornans et sur l’imitation arti- ficielle de sa structure globulaire ou chondritique, p. 95. = Observations sur un travail de M. de TchihatchefF sur l’Asie Mineure , p. 740. = Sur l’existence de gisements de bauxite dans les départements de l’Hérauit et de i’Ariége, p. 915. = Sur l’ex- ploitation des minerais de cuivre par les anciens. Observations de MM. de Mortillet et P. Gervais, p. 918. Delesse. Lithologie des mers de l’an- cien monde, p. 1025. Desor. Lettre de M. Whitney annon- çant la découverte de restes humains et de traces du travail de l’homme dans les roches tertiaires de Califor- nie, p. 676. Dieulafait (L.). Sur les calcaires blancs néocomiens des environs de Toulon, p. 139. = Zone à Avicula contorta et infra-lias dans le midi de la France, à l’ouest du Rhône (Ar- dèche , Lozère, Aveyron , Hérault). Observations deM. Paran etdeM. Ed. Hébert (pl. IY), p. 398. Dufour (E.). Sur le pseudomorphisme des roches feldspathiques , p. 744.= Sur un singe probablement subfos- sile, p. 746. Duportal (H.) et F. Garrigou. Ages de l’ours, du renne, de la pierre po- lie et des dolmens dans le départe- ment du Lot. Observations de M. L. Lartet, 461. Dyas. Voir Terrain permien. E Ebray (Th.). Recherches sur l’incli- naison des couches jurassiques à l’O. des Alpes dauphinoises, p. 393. =As- similation de îa protogine des Alpes au porphyre granito'ide du Beaujo- lais. Observations de MM. Delesse, Lory et Jannetaz, p. 927. = Sujets d’étude dans le département de la Haute-Loire. Diluvium séparant deux périodes d’éruptions basaltiques. Ro- ches éruptives anciennes, p. 1031. Echinides. Observations de M. G. Got- teau sur l’échinologie helvétique de MM. Desor et de Loriol. Remarque de M. Deshayes, p. 276. = — du terrain jurassique supérieur de l’Al- gérie, par M. G. Cotteau, p. 529.= — fossiles recueillis par M. L. Lartet en Syrie et en Idumée, par le même, p. 533. Espagne. Formation crétacée de la pro- vince de Teruel (ancien royaume d’A- ragon) , par M. Coquand ( pl. I ) , p. 144. F Fabre (G.). Sur la base de l’oolithe inférieure dans les environs de Nancy p. 353. Eabularia, Defrance. Sur le genre —, par M. d’Archiac, p. 454. Falsan et Chantre. Sur le tracé d’une carte géologique du terrain errati- que et sur la conservation des blocs erratiques de la partie moyenne du bassin du Rhône. Observations de MM. Belgrand et Michal, p. 360. Fossiles. Observations de M. Tombeck sur des — néocomiens ayant l’aspect corallien, p. 540. = Observations par M. R. Tournouër sur la faune des coquilles fossiles des tufs de Meximieux (Ain), p. 774. = Sur les coquilles fossiles des calcaires d’eau douce des environs du Puy-en-Ve- lay, par le même, p. 1061. France. Sur les couches comprises dans le midi de la — entre les calcaires 1188 TABLE DES MATIERES oxfordiens et le néocomien marneux à Belemnites dilatatus , en réponse à M. Coquand , par M. Ed. Hébert , p. 181.= Zone à A vicula contorta et infra lias dans le midi de la — , à FO. du Rhône (Ardèche , Lozère, Avey- ron, Hérault), par M. L. Dieulafait. Observations de M. Paran (pl. IV), p. 898. = Sur les couches inférieu- res de l 'infra-lias du midi de la — , par M. Ed. Hebert. Observations de Garrigou (F.). Sur le niveau des ca- vernes. Observations de M. Ed. Lar- tet, p. 825. Garrïgoü (F.) et H. Duportal. Ages de l’ours, du renne, de la pierre po- lie et des dolmens dans le départe- ment du Lot. Observations de M. L. Lartet, p. 461. Géologie. Discours sur les récents pro- grès de la —, par M. Alb. de Lap- parent, p. 716. = Constitution géo- logique de la Haute-Loire , par M. Tournaire. Voir à ce nom. Gervais (Paul). Restes fossiles du glou- ton recueillis en France avec quel- ques débris de Ganis et d’un animal voisin du Chacal. = Grand humérus d’oiseau et maxillaire inférieur d’Ha- litherium recueillis parM. Delfortrie à Léoguan. = Saurien fossile d’un Hébert ^Ed.). Sur les couches com- prises , dans le midi de la France , entre les calcaires oxfordiens et le néocornien marneux à Belemnites di- latatus, en réponse à M. Coquand , p. 131. = Classilication des assises néocomiennes. Réponse aux critiques de M. Coquand, p. 214. = Sur les couches inférieures de l 'infra-lias du midi de la France. Observations de M. L. Dieulafait , p. 447. = Obser- vations sur les caractères de la faune de Stramberg et en général sur l’age des couches comprises sous la dési- gnation d’étage tithonique, p. 588. — Observations de M. Chaper sur la communication precedente, p. 668. = Réponse à MM. Chaper et Mar- cou , à propos de la discussion sur l’âge des calcaires à Terebratula di- phyu de la Porte-de-France, p. 671. = Notice nécrologique sur M. Hœr- nes, p. 714. M. L. Dieulafait, p. 447. = Sur le lias du N. E. de la — , par M. Meu- gy, p. 484.=Observatious de M. Jac- quot sur le même sujet, p. 518. = 3e partie des études sur la végétation du S. E. de la — à l’époque tertiaire, par M. de Saporta, p. 751 . = Res- tes fossiles de glouton recueillis en — , avec quelques débris de Cauis et d’un animal voisin du Chacal, par M. P. Gervais, p. 777. genre nouveau trouvé par M. Ma- theron dans les lignites de la Nerthe, p. 777. Glaciers. Sur les — du Grindelwald , par M. Ch. Grad, p. 687. = Sur les — du Velay, par M. Tardy, p. 1178. Grad (Ch.). Formation et constitution des lacs des Vosges, p. 677.=Sur les glaciers du Grindelwald, p. 687. Grenoble ( Isère). Réponse de M. Ed. Hé- bert à MM. Marcou et Chaper, à propos de la discussion sur l’âge des calcaires à Terebratula diphya de la Porte-de-France, p. 671. Gruner. Sur un vieux bois d’étai de la mine de Littry (Calvados), Iransformé en une substance voisine des lignites ou des houilles sèches à longues flammes, p. 1023. Hérault (département de F). Sur les re- lations qui existent entre la forma- tion jurassique et la formation cré- tacée des cantons de Ganges, de Saint-Hippolyte et de Sumène , ces deux derniers du Var, par MM. H. Coquand et Boutin, p. 834.= Com- paraison des terrains de Ganges avec d’autres terrains analogues, par M. H. Coquand. Observations de MM. Hé- bert et Parran, p. 854. = Sur l’exis- tence de gisements de bauxite dans le — , par M. Daubrée, p. 915. Hoernes. Notice nécrologique sur — , par M. Ed. Hébert, p. 714. Homme. Lettre de M. Whituey commu- niquée par Desor, annonçant la de- couverte de restes humains et de traces du travail de P — dans les ro- ches tertiaires de Californie, p. 676. ET DES AUTEURS. 1189 Indes (frère). Sur la formation des tufs et sur une caverne à ossements des environs de Rome, p. 11. Italie. Le volcanisme romain.— Remar- Jacquot. Observations sur le lias du N. E. de la France, à la suite d’une note de M. Meugy sur le même su- jet, p. 513. J aubert. Formations jurassiques re- couvrant le N. du mont Lozère, p. 216. Jourdy (E.) et O. Terquem, sur le ter- Lacs. Formation et constitution des — des Vosges, par M. Ch. Grad,p. 677. Lapparent (Alb. de). Discours sur les récents progrès de la géologie, p. 7 1 6 . Lavaux, près Ornans (Doubs). Sur une météorite tombée le 11 juillet 1868 i: — , par M. J. Marcou, p. 92.=Ob- servations sur la même météorite et sur l’imitation artificielle de sa struc- ture globulaire ou chondritique, par M. Daubrée, p. 95. Léognan (Gironde). Grand humérus d’oiseau et maxillaire inférieur à'Ha- litherium recueillis par M. Delfortrie à — , par M. P. Gervais, p. 777. Leyallois. Notice sur la vie et les travaux de Ch. Ed. Thirria, p. 693. Leymerie (A ). Mémoire pour servir à la connaissance de la division in- férieure du terrain crétacé pyrénéen (pl. II et III). Observations de MM. Ed. Hébert et Parran, p. 277. = Exploration géologique de la vallée de la Sègre (Espagne) (pl. V), p. 604. Lias. Zone à A vicula contorta et infra- lias dans le midi de la France, à l’ouest du Rhône (Ardèche, Lozère, Aveyron, Hérault), par M. L. Dieu- lafait. Observations de M. Paran (pl. IV), p. 398. = Sur les couches inférieures de Vinfra-lias du midi de la France, par M. Ed. Hébert. Ob- ques de M. Ponzi sur les observa- tions géologiques faites en — par M. Gosselet, p. 903. J rain bathonien de la Moselle et de la Meuse, p. 947. Jura. Observations de M. G. Cotteau sur la monographie des couches de l’étage valangien des carrières d’Ar- zier, Jura vaudois, de M. de Loriol, p. 274. servationsdeM.L. Dieulafait, p. 447. = Sur le — du N. E. de la France, par M. Meugy, p. 484. = Observa- tions de M. Jacquot sur le même su- jet, p. 513. = Sur le — du canton de Beausset (Var) et de ses environs, par M. R. Toucas, p. 796. Loire (Haute-) (département de la). Su- jet d’études dans le — . Diluvium sé- parant deux périodes d’éruptions ba- saltiques. Roches éruptives anciennes, par M. Th. Ebray, p. 1031.=Consti- tution géologique du — et révolu- tions dont ce pays a été le théâtre, par M. Tournaire. Voir à ce nom. Lot (département du). Ages de Fours, du renne, de la pierre polie et des dolmens dans le —, par MM. Fr. Garrigou et H. Duportal. Observa- tions de M. L. Lartet, p. 461. Lot-et-Garonne (département de). Sur l’âge géologique des « molasses de l’Agenais, » à propos de la décou- verte de nouveaux débris A'Elotlie- rium magnum et de divers autres mam- mifères dans les terrains tertiaires d’eau douce du — , par M. R. Tour nouër. Observations de MM. Ed. Lar- tet et P. Gervais, p. 983. Lozère (département de la). Formations jurassiques recouvrant le nord du mont Lozère, par M. Jaubert, p. 216. Mammifères fossiles. Restes d’un glou- i quelques débris de Caniset d’un ani- ton fossile recueillis en France avec I mal voisin du Chacal. == Maxillaire 78. 1190 table de inférieur d ’Halitherium recueilli par M. Delfortrie à Léognay , par M. P. Gervais, p. 777. Marcou (J.). Sur une météorite tom- bée le 11 juillet 1868 , à Lavaux près Ornans (Doubs), p. 92. = Sur l'origine de l'étage tithonique, p. 669. — Les derniers travaux sur le dyas et trias de Russie, p. 919. Marion et Rames. Procès-verbal de la réunion extraordinaire de la Société en septembre 1369, au Puy-en-Ve- lay. Voir à ce nom. Matheron (Philippe). Sur des repti- les des dépôts fluvio-lacustres créta- cés du bassin à lignite de Fuveau p. 781. ' Mers. Lithologie des — de l’ancien monde, par M. Delesse, p. 1025. Météorite . Sur une — tombée le 11 juil- let 1868, à Lavaux, près Ornans (Doubs), parM. J. Marcou, p. 92.= Observations sur la même — et sur l’imitation artificielle de sa structure globulaire ou chondritique, par M. Daubrée, p. 95. Meügy. Sur le lias du N. E. de la France. Observations de M. Jacquot, p. 484. ^ ’ Meuse. Sur le terrain bathonien de la Nancy (Meurthe). Sur la base de l’ooli the inférieure dans les environs de —, par M. G. Fabre, p. 353. nécrologie. Notice sur la vie et les tra- vaux de Ch. Ed. Thirria, par M. Le- 1 MATIÈRES —, par MM. O. Terquem etE. Jour- dy, p. 947. Mexirnieux (Ain). Sur l'existence de plusieurs espèces actuelles observées dans la flore pliocène de — , par M. de Saporta , p. 752. = Observa- tions de M. R. Tournouër sur la faune des coquilles fossiles des tufs de —, p. 774. Minéraux. Résumé par M. A. Cailiaux des diverses publications de M. Luigi Rombicci, sur la théorie des associa- tions polygéniques , appliquée à l'étude et à la classification des — , p. 336. Mortillet (G. de). Classification chro- nologique des cavernes de l’époque de la pierre simplement éclatée, et observations sur le diluvium à cail- loux brisés. Observations de MM. Ed. Lartet et de Vibraye, p. 583. Morvan. Existence de blocs erratiques d’origine glaciaire au pied du —, par M. Gollenot. Observations de MM. Ëelgrand et Hébert, par 173. Moselle. Sur le terrain bathonien de la — , par MM. O. Terquem et E. Jour- dy, p. 947. Mussy. Roches ophitiques du départe- ment de l’Ariége, p. 28. vallois, p. 693. = Notice sur M. Hœr- nes, par M. Ed. Hébert, p 714. Neritopsis Deslongchampsis , par M. J. Beaudoin, p. 182. O Oiseaux fossiles. Grand humérus d’oi- seau recueilli par M. Delfortrie à Leognan, par M. P. Gervais, p. 177. Optate. Roches ophitiques du départe- ment de l'Ariége, par M. Mussy, p. 28. = De l'opinion de L. Gordier sur les ophites des Pyrénées, par M. V. Raulin, 747. P Paris. Sur des nummulites et une noi velle espèce d’échinide trouvées dar le « miocène inférieur » ou « olige cene » des environs de —, par M f Tournouër, p. 974. = Sur Pérou (Alph.). Sur les terrains jurassi ques supérieurs en Algérie, p. 51ri Poissons. Sur les — du calcaire d Ronzon, près le Puy-en-Velay, pa M. H. E. Souvage, p. 1069. Pois zi. Le volcanisme romain. Remar ques sur les observations géologiques faites en Italie par M. Gosselet p. 903. ’ Porphyre graniloide du Beaujolais. Assi- milation de ce dernier à la prfltogine des Alpes, parM. Th. Ebray. Obser- vations de MM. Delesse, Lory et Jan- netaz, p. 927. Procès-verbal de la réunion extraordi- naire de la Société au Puy-en-Ve- lay. (Voir ci-après à ce nom.) ET DES AUTEURS. 1191 Protogine des Alpes. Assimilation de cette dernière au porphyre granitoï- de du Beaujolais, par M. Th. Ebray. Observations de MM. Delesse, Lory et Jannetaz, p. 927. Provence. Constatation des étages kim- méridgien et portladdien fossilifères dans la — , par M. H. Coquand. Ob- servations de M. Hébert, p. 854. Puy-en-Velay. Procès-verbal de la réunion extraordinaire de la So- ciété en septembre 1869, au Puy-en- Velay, par MM. Rames et Marion. La Société a étudié les terrains qua- ternaire, tertiaire , primaire et les Rames et Marion. Procès-verbal de la réunion extraordinaire de la Société en septembre 1869, au Puy-en-Ve- lay. Voir à ce nom. Raulin (V.). Carte géologique de File de Crête. — De l’opinion de L. Cor- dier sur les ophites des Pyrénées, p. 747. Reptiles fossiles. Saurien fossile d’un genre nouveau recueilli par M. Ma- theron dans les lignites de la Nerthe, par M. Paul Gervais, p. 777. = Sur les — des dépôts fluvio-lacustres cré- tacés du bassin à lignite deFuveau, par M. Philippe Matheron , p. 781. Rhône. Sur le tracé d’une carte géolo- gique du terrain erratique et sur la conservation des blocs erratiques de la partie moyenne du bassin du — , par MM. Faisan et Chantre. Obser- vations de MM. Belgrand et Michal, formations volcaniques des environs, p. 1041. = Coquilles fossiles des cal- caires d’eau douce de la même con- trée, par M. R. Tournouër, p.1061. = Poissons du calcaire de Ronzon, par M. H. Sauvage, p. 1069. = Gla- ciers du Velay, par M. Tardy, p. 1178. Pyrénées (les). Division inférieure du terrain crétacé pyrénéen, par M. A. Leymerie ( pl. Il et III ). Observa- tions de MM. Ed. Hébert et Parran, p. 277. = De l’opinion de L. Cor- dier sur les ophites des Pyrénées, par M. V. Raulin, p. 747. p. 860. = Erosion du lit du — , par M. Tardy. Observations de M. de Mortillet, p. 541. Roches éruptives. Découverte de traces microscopiques de végétaux dans des — , par MM. Virlet d’Aoust. Obser- vations de M. Delesse, p. 1080 = Sur des — de la Haute-Loire, par M. Th. Ebray, p. 1081. Roches feldspathiques. Sur leur pseudo- morphisme, parM. E. Dufour, p. 744. Rome. Sur la formation des tufs et sur une caverne à ossements des envi- rons de —, par le frère Indes, p. 11. Roys (de). Sur les formations d'eau douce supérieures aux sables de Fon- tainebleau, p. 376. Russie. Les derniers travaux sur le dyas et le trias de — , par M. J. Marcou, p. 919. Saporta (de). 3e partie des études sur la végétation du S. E. de la France à l’époque tertiaire, p. 751. = Sur l’existence de plusieurs espèces ac- tuelles observées dans la flore plio- cène de Meximieux (Ain), p. 752. Sauvage (H. E.). Sur les poissons du calcaire de Ronzon, près le Puy-en- Velay, p. 1069. Séance annuelle de 1869, fixée au 1er avril, p. 459. Séances ordinaires de la Société ; ouver- ture à huit heures précises du soir, p. 459. Sègre (vallée de la) (Espagne). Exploi- tation géologique de la —, parM. A. Leymerie (pl. V), p. 604. Seine. L’âge des tout bes dans la vallée S de la —, par M. Belgrand (pl. VII). Observations de M. Lesquereux , p. 879. Silex. Sur des — taillés trouvés dans des dépôts miocènes à Thenay (Loir- et-Cher), par M. l’abbé Bourgeois, p. 901. Singe. Sur un — probablement sub- fossile, par M. E. Dufour, p. 746. Société ( la ). Nomination des commis- sions du Bulletin, des mémoires, de comptabilité et des archives, du bu- reau et du conseil pour 1869, p. 390. = Fixation de la séance annuelle de 3869 , au 1er avril; ouverture des séances ordinaires à huit heures très- précises et de la bibliothèque tous les jeudis soir de huit à onze heu- 1192 TABLE DES MATIÈRES res, p. 4 59. = 2 feuilles seulement d’impression au plus accordées à cha- que membre pour chacune de ses pu- blications et 4 pour la totalité de celles de l’année , p. 461. = Ne se- ront admis à l’avenir à faire de nou- veau partie de la Société les anciens membres non démissionnaires qu’a- près qu’ils auront acquitté les co- tisations se rapportant aux années pendant lesquelles ils ont continué à recevoir le Bulletin. = L’envoi du Bulletin cessera dès le 1er juillet aux I membres qui n’auraient pas fait par- venir, avant cette époque, la cotisa- tion de l’année courante. Cette me- sure ne sera applicable qu’au 1er juil- let 1870, p. 883. Strumberg ( Moravie). Observations sur les caractères de la faune des calcai- res de — , et en général sur l’âge des couches comprises sous la désigna- tion d’étage tithonique , par M. Ed. Hébert, p. 588. Suisse. Sur les glaciers du Grindelwald, par M. Ch. Grard, p. 687. T Tabariès de Grandsaignes. De quelques terrains cristallins, sédi- ment aires et glaciaires de la Corse, p. 266. Tardy. Erosion du lit du Rhône. Ob- servations de M. de Mortillet, p. 541 . = Sur le trias du Vivarais, p. 912. = Sur quelques éboulements, p. 924. = Sur les glaciers du Velay, p. 1178. Tchihatcheff (de). Carte géologique de l’Asie Mineure. Observations de M. Daubrée, p. 737. ïerquem (O.) et E. Jourdy. Sur le ter- rain bathonien de la Moselle et de la Meuse, p. 947. Terrain cristallin. D’un — de la Corse, par M Tabariès de Grandsaignes, p. 266. Terrain crétacé. Sur les calcaires blancs néocomiens des environs de Toulon, par M. L. Dieulafait , p. 139. = — de la province de Teruel ( ancien royaume d’Aragon), par M. H. Co- quand (pl. I), p. 144.= — de la mon- tagne de la Clape, près de Narbonne (Aude), par le même. = Classifica- tion des assises néocomiennes. Ré- ponse aux critiques de M. H. Go- quand , par M. Ed. Hébert, p. 214. == Observations de M. G. Cotteau sur la monographie des couches de l’étage valangien des carrières d’Ar- zier, Jura vaudois, de M. de Loriol, p. 274. == Division inférieure du — pyrénéen, parM. A. Leymerie (pl. II et III). Observations de MM. Ed. Hé- bert et Parran, p. 277.= Observa- tions de M. Ed. Hébert sur les ca- ractères de la faune de Stramberg et en général sur l’étage des couches comprises sous la désignation d’étage tithonique , p. 588. = Observations de M. Chaper sur la communication précédente, p. 668. = Sur l’origine de l’étage tithonique, par M. J. Mar- cou, p. 669. = Réponse de M. Ed. Hébert à MM. Marcou et Chaper, à propos de la discussion sur l’âge des calcaires à Terebratula diphya de la Porte-de-France, p. 671 . = Sur le — du canton de Beausset (Var) et de ses environs, par M. R. Toucas , p. 796. = Sur les relations qui existent entre la formation jurassi- que et la formation crétacée des can- tons de Ganges (Hérault), de Saint- Hippolyte et de Sumène (Gard), par MM. Coquand et Boulin, p. 834. Terrain erratique. Sur le tracé d’une carte géologique du — et sur la con- servation des blocs erratiques de la partie moyenne du bassin du Rhône, par MM. Faisan et Chantre. Obser- vations de MM. Belgrand et Michal, p. 360. Terrain glaciaire. D’un — de la Corse, par M. Tabariès de Grandsaignes, p. 266. Terrain jurassique. Sur les assises qui , dans les Bouches-du-Rhône, sont placées entre l’oxfordien supérieur et l’étage valenginien , par M. H. Co- quand, p. 100. = Sur les couches comprises, dans le midi de la France, entre les calcaires oxfordiens et le néocomien marneux, à Belemnites di- latatus , en réponse à M. Coquand , par M. Ed. Hébert, p. 131. = For- mations jurassiques recouvrant le nord du mont Lozère, par M. Jau- bert, p. 216.= Sur la base de l’oo- lithe inférieure dans les environs de Nancy, par M. G. Fabre, p. 353. = Recherches sur l’inclinaison des cou- ches jurassiques à l’O. des Alpes dauphinoises, par M. Th. Ebray, p. 393. = Sur le — supérieur en Algérie, par M. Alph. Peron, p. 517. ET DES AUTEURS. 1193 = Sur le — du canton de Beausset (Var) et de ses environs, par M. R. Toucas, p. 796. = Sur les relations qui existent entre la formation juras- sique et la formation crétacée des cantons de Ganges(Hérault),de Saint- Hippolyte et de Sumène (Gard), par MM. H. Coquand et Boutin, p. 884. = Constatation des étages kimmérid- gien et portlandien fossilifères dans la Provence, par M. H. Coquand. Observations de M. Hébert, p. 854. = Sur le terrain bathonien de la Mo- selle et de la Meuse, par MM. O. Ter* quem et E. Jourdy, p. 947. Terrain ‘permien. Les derniers travaux sur le dyas et trias de Russie, par M. J. Marcou, p. 919. Terrain quaternaire. Observations sur le diluvium à cailloux brisés, par M. G. de Mortillet, p. 583. = Diluvium sé- parant deux périodes d’éruptions ba- saltiques dans la Haute-Loire, par M. Th. Ebray, p. 1031* Terrain tertiaire. Sur les formations d’eau douce supérieures aux sables de Fontainebleau , par M. de Roys, . 376.= Sur le — du canton de eausset (Var) et de ses environs , par M. R. Toucas, p. 796. = Sui- des nummulites ou une nouvelle es- pèce d’echinide trouvées dans le « miocène inférieur » ou « oligocène » des environs de Paris , par M. R, Tournouër, p. 974. = Sur l’âge géo- logique des « mollasses de l’Age- nais, » à propos de la découverte de nouveanx débris d ’Elotherium mag- num et de divers autres mammifères dans les terrains tertiaires d’eau douce du département de Lot-et-Ga- ronne, par le même. Observations de MM. Ed. Larlet et P. Gervais, p. 983. Terrain triasique. Sur le — du canton de Beausset (Yar) et de ses environs, par M. R. Toucas, p. 796. = Sur le — du Yivarais, par M. Tardy, p. 912. = Les derniers travaux sur le dyas et trias de Russie , par M. J. Marcou, p. 919. Thenuy (Loire-et-Cher). Sur des silex Var (département du). Sur les rela- tions qui existent entre la formation jurassique et la formation crétacée des cantons de Gangcs (Hérault), de taillés trouvés à — , dans des dépôts miocènes , par l’abbé Bourgeois , p. 901. Thirria (Ch. Ed.). JVotice sur sa vie et ses travaux, parM. Levallois, p. 693. Tombeck. Observations sur dès fossiles néocomiens ayant l’aspect corallien, p. 540. Toucas (R.). Description géologique et paléontologique du canton de Beaus- set (Var) et de ses environs, com- prenant les terrains tertiaire, cré- tacé, jurassique et triasique (pl.YI), p. 796. Toulon. Sur les calcaires néocomiens des environs de — , par M. L. Dieu- lafait, p. 139. Tourbes. L’âge des — dans la vallée de la Seine, par M. Belgrand (pl. Vil). Observations de M. Lesquereux , p. 879. Tournaire. Sur la constitution géolo- gique du département de la Haute- Loire et sur les révolutions dont ce pays a été le théâtre. Ce travail com- prend l’étude des terrains primaire, houiller, triasique, tertiaire, des for- mations volcaniques et des alluvions anciennes (pl. VIII), p. 1106. Tournouër (R.). Observations sur la faune des coquilles fossiles des tufs deMeximieux (Ain), p. 774. = Sur des nummulites et une nouvelle es- pèce d’échinide trouvées dans le « miocène inférieur » ou « oligo- cène » des environs de Paris, p. 974. = Sur l’âge géologique des « mol- lasses de l’Agenais, » à propos de la découverte de nouveaux débris d\E- lollierium magnum et de divers autres mammifères dans les terrains ter- tiaires d’eau douce du département de Lot-et-Garonne. Observations de MM. Ed. Lartet et P. Gervais , p. 983. = Sur les coquilles fossiles des calcaires d’eau douce des envi- rons du Puy-en-Velay, p. 1061. Trésorier. Présentation du budget pour 1869, p. 483. Tufs. Sur la formation des — des en- virons de Rome, par le frère Indes, p. H. Saint-Hippoiyle et de Sumène, par MM. Coquand et Boutin, p. 834. Végétaux fossiles. 3e partie des études sur la végétation du S. E. de la 1194 TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS. France à l'époque tertiaire, par M. ce Saporta, p. 751.= Sur l’existence oe plusieurs espèces actuelles obser- vées dans la flore pliocène de Mexi- mieux (Ain), par le même, p. 752. irlet d Aoüst. Sur des traces mi- croscopiques de végétaux découvertes dans des roches prétendues éruptives. Observations de M. Delesse, p. 1030. Vivarais. Sur le terrain triasique du — par M. Tardy, p. 912. Volcans. Le volcanisme romain Re- marques de M. Ponzi sur les obser- vations géologiques faites en Italie par M. Gosselet, p. 903. Vosges. Formation et constitution des —, par M. Cb. Grad, p. 677. FUS DE la TABLE, LISTE DES PLANCHES. 1195 Liste des planches. I, p. 144. H. Coquand. — Fig. 1 à 12, Coupes de la formation crétacée de la province de Teruel (Aragon). II, p. 277. A. Leymerie. — Fig. 1, Profil géognostique de la vallée de la Garonne (côté droit) entre Orc et Bazest et du chaînon de Gour- dan; fig. 2, Coupe de la contrée de Siradan; fig. 3, Coupe du grès vert pyrénéen, entre Saint-Gaudens et Girosp; fig. 4, Coupe du même dans la contrée de Bèze-Nistos; fig. 5, Coupe brisée entre Roquefort-de-Sault et Quillan. III, p. 277. Le même. — Terebratules et Rhynconelles du grès vert pyré- néen. IY, p. 398. L. Dieulafait. — Zone à Avicula conforta dans le midi de la France : I, Coupe d’Aubenas à Lodève; II, Coupe des Yans à Milhau; III, Coupes rapportées au niveau géologique commun de V Ammonites planorbis . V, p. 604. A. Leymerie. — Fig. 1, Coupe de la vallée de la Sègre entre Puycerda et Oliana; fig. 2, Coupe au travers du bassin de Cer- dagne, passant par Puycerda; fig. 3, Coupe transversale du bassin de Cerdagne montrant la position du gîte lignitifère sous Sanavastre. VI, p. 796. R. Toücas. — Carte géologique du canton de Beausset (Var) et de ses environs. VII p. 879. Belgrand. — Coupe en travers de la vallée de la Vanne. VIII, p. 1106. Tournaire. — Carte géologique de la Haute-Loire. PARIS. ÉDOUARD ELOT, IMPRIMEUR, RUE BLEUE, 7. r t . ?! .f-5 ; . 1 ( ■ ■ ■ •• • > • i': ' -*» • . • . • • . •. ■ ' ■ v ' H . 'yï- s< . . ■ l ;