Natural History Muséum Library

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SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE

DE FRANCE,

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ARIS. EDOUARD «LOT, IMPRIMEUR. RUE BLEUE, 7

BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE

DE FRANCE.

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‘etta-ie/ne àeiie.

1870 à 1871

PARIS

AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ Bue des Grands-Augustins, 7.

1871

SOCIETE GEOLOGIQUE

DE FRANCE

Séance du 7 novembre 1870.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Hébert demande que la Société, à cause de la situa¬ tion grave et douloureuse dans laquelle se trouve Paris, suspende ses séances.

Après une discussion à laquelle prennent part MM. P. Gervais, Chaper, etc., cette proposition n'est pas adoptée.

Le Président annonce ensuite la présentation de M. de Laurencel, ancien officier de marine, rue des Écoles, 18, présenté par MM. P. Gervais et Jannetaz.

Cette présentation devait être faite à la réunion extraor¬ dinaire de Nice; cette réunion n'ayant pu avoir lieu, le Président propose à la Société de voter l'admission immé¬ diate de M. de Laurencel. Cette proposition est adoptée.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de M. Pierre Desguin, Étude sur le Maroc , ac¬ compagnée de deux cartes et de sept figures dans le texte; in-8°, 55 p., Anvers, 1870, chez J. -E. Buschmann.

De la part de M. Michel Mourlon, Esquisse géologique sur le Maroc , in- 8°, 18 p., 1870.

De la part de M. Eugène Robert, Physionomie de nos contrées et particulièrement du bassin de Paris avant et pendant la pre¬ mière apparition de l’homme , in-8°, 19 p., 1870.

De la part de M. Ad. Watelet, le Bassin de Paris . Recueil de mémoires relatifs au bassin tertiaire de cette région et à V époque

6

SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1870.

quaternaire. Catalogue des mollusques des sables inférieurs ; in-8°, 24 p., Paris, 1870, chez F. Savy.

De la part de M. Joachim Barrande, Défense des Colonies ; iv. Une carte et des profils; in-8°, 186 p., Paris, 1870, chez Fauteur.

De la part de M. P. Gazalis de Fondouce, Compte rendu de la 4e session du Congrès international d’ anthropologie et d’archéo¬ logie préhistoriques ( Copenhague ), suivi de visites dans les musées de Copenhague , Christiania , Stockholm et Lund , in-8°, 116 p., 1869-1870.

De la part de M. Ch. Des Moulins, Rapport à l’Académie de Bordeaux sur deux mémoires de MM. Linder et le comte Alexis de Chasteigner, et Réplique aux observations critiques de M. Raulin sur ce rapport , suivie d’une note additionnelle relative à deux fossiles du sud-ouest , in-8°, 41 p., 1870, Bordeaux, chez Gou- nouilhou.

De la part du Comité de la paléontologie française : Zoophytes du terrain crétacé , par M. de Fromentel, liv. 25 du t. VIII, texte, feuilles 22 à 24, atlas, pl. 85 et 96; juin 1870, in-8°, Paris, chez Masson.

Collection de M. E . Roger. Curiosités et Bibliothèque [h Cirey, près Bar-sur-Aube (Haute-Marne), in-8°, 13 p. , 1870.

De la part de M. Eug. Charlier :

Observation d’un poulet pygomèle présentant une nouvelle variété de ce genre de monstruosité , in-8°, 23 p., 1868, Liège, «hezJ. Desoer.

Observation d’un enfant vivant double inférieurement à par¬ tir du bassin, ou monstre double iléadelphe , in-8°, 18 p., ibidem.

De la part de M. A. Le Touzé de Longuemar, Introduction aux Etudes géologiques et agronomiques sur le département de la Vienne , in-8°, 13 p., 1870, Poitiers, chez A. Dupré.

De la part de M. F. Bayan, Études faites dans la collection de l'Ecole des Mines sur des fossiles nouveaux ou mal connus , pre¬ mier fascicule, in-/i0, 81 p. ,19 planches,

1870, Paris, chez F. Savy.

De la part de M. William H. Carmalt, Report for the inves -

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

7

tigation of abortion in Cows, in-8°, 20 p., 1870, Albany, chez Ch. Van Benthuysen et Sons.

De la part du Geological survey of the State of New Jersey :

1 0 Geology of New Jersey, par George H. Cook, un vol. in-8°, 1868, Newark;

21° Map s of the Azoic and Paleozoic formations , of the triassic formation , of the Cretaceous formation , of the ter - tiary and recent formations , 5 0 of a group of Iron mines in Morris County , of the Ringicood Iron mines , of the Oxford Furnace Iron Ore Veins , of the Zinc mines of Sussex country.

De la part de M. Antonio d’Achiardi, Sopra alcuni miner ali e rocce del Peru. Lettera di A. d’Achiardi à Carlo Regnoli , in-8®, 23 p., 1870, Pisa, chez Pieraccini.

De la part de M. G. Giuseppe Bianconi, Osservazioni sur femore e sulla tibia di Aepyornis recentemente scoperti dal sig. Alfredo Grandidier , in-4°, 24 p., 4 pl., Bologna, 1870, chez Gamberini etParmeggiani.

De la part de M. G. Antonio Bianconi, Il Sahara e gli antichi ghiacciai , in-4°, 24 p., 1870, chez les mêmes.

De la part de M. A. E. Reuss :

Uber ter tiare Rryozoen von Kischenew in Ressarabien , in-8°, 9 p. et 2 pl., 1869.

Palàontologischen studien über die àlteren teriiàrschichten der Alpen. 2e Abtheilung , Die fossilen Anthozoen und Rryo¬ zoen der schichtengruppe von Crosara , in-4°, 86 p., 20 pl., 1869, Vienne.

Recueil des travaux de la Société libre d} agriculture, sciences , arts et belles-lettres de l'Eure (me série), t. IX, années 1864-68, Evreux, 1870.

Rulletin de la Société des sciences naturelles de Strasbourg, in-8% 2e année, 1869.

Annales des Mines , 6e série, t. XVII, 1870, in-8®.

Gazette médicale d’Orient publiée par la Société impériale de médecine de Constantinople. (Des fossiles du calcaire dévonien du Bosphore, par le docteur Abdullah Bey)> in-4°, juin 1870.

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SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1870.

Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou , an¬ née 1869, 1 à 4, Moscou.

Mémoires de V Académie impériale des sciences de Saint-Péters¬ bourg , vu* série, t. XIV, 1869.

Bulletin de V Académie impériale des sciences de Saint-Péters¬ bourg, t. XIV, 1869.

Le Président donne lecture d'une circulaire récemment envoyée, et par laquelle les membres sont invités à payer leur cotisation de 1870 et même par anticipation celle de 1871. Cette mesure est nécessitée parles dépenses qu’a en¬ traînées l’installation de la Société dans le local elle est aujourd’hui réunie.

A cette occasion, le Président exprime à M. Danglure toute la reconnaissance de la Société pour les peines qu’il s’est données pour cette installation, et pour l’obligeance avec laquelle il offre de remplir les fonctions d’agent pen¬ dant cet hiver. Ces paroles sont accueillies par d’unanimes applaudissements.

Le secrétaire donne lecture de la note suivante de M. de Roys :

Je demanderai la permission de répondre en quelques mots à l’accusation de M. Fabre, dans la séance du 16 mai dernier, d’avoir voulu ranger dans la formation d’eau douce supérieure aux sables de Fontainebleau, un poudingue quartzeux manga- nésifère. L’assise dont j’ai parlé, formant le sous-sol des étangs d’Hoilande et, malheureusement pour les propriétaires, de la plaine de Corbet contiguë à la forêt de Rambouillet, d’une sté¬ rilité déplorable, est une assise calcaire renfermant une quan¬ tité considérable de pisolites de fer hydraté, dont la poussière assez noire m’a fait présumer la présence du manganèse. Je le répète, la roche est calcaire, nullement quartzeuse. Son faciès et sa cassure m’ont paru devoir la faire regarder comme un calcaire d’eau douce, et, en la faisant dissoudre dans l’acide acétique, je n’y ai point trouvé de silice. L’assise est continue, atteignant quelquefois jusqu’à 50 centimètres de puissance, plus ordinairement 30, et n’est point en fragments épars. De plus, je n’ai point trouvé sur ce plateau ces cailloux de quartz

NOTE DE M. DE ROYS» 9

laiteux, communs dans la plaine de Trappes, à un niveau très- inférieur. Je crois donc être pleinement justifié à cet égard.

La présence du manganèse n’est pas exclusivement dans le diluvium des environs de Paris. Depuis très-longtemps, le duc de Luynes avait signalé à Orsay des grès colorés par du fer manganésifère et cobal tifère, et il y a une trentaine d’années que j’ai présenté à la Société des rognons de la même sub¬ stance, provenant d’une assise d’argile qui recouvre immédia¬ tement les grès de Fontainebleau à la montagne de Train, près Moret.

Les critiques de M. Munier-Chalmas, auxquelles M. Fabre fait allusion, portaient sur la distinction des deux assises de cal¬ caires d’eau douce supérieures aux sables de Fontainebleau, séparées par une assise de marnes vertes et jaunes, dans les buttes de Rumont, Bromeilles, etc., à l’ouest de Nemours. Cette distinction a été reconnue en 1837 par Constant Prévost, dans une course il était accompagné par M. Lajoye et moi. 11 en a consigné le résultat dans une coupe théorique insérée au Bulletin , tome VIII, l,e série, page 288. L’assise supérieure aux marnes, véritable calcaire de Beauce, est caractérisée par une assez grande abondance d’hélices; l’inférieure n’en pré¬ sente point. Les faunes sont donc très-différentes. J’ai proposé pour ce dernier calcaire le nom de calcaire du Gatinais. J’ai habité vingt ans celte province dont il couronne tous les pla¬ teaux, et, malgré toutes mes recherches, je n’y ai jamais ren¬ contré une hélice, non plus que dans la carrière de Fontaine¬ bleau, sur la route de Paris. Je n’affirme pas qu’il ne puisse s’y en trouver, mais elles y sont certainement très-rares, puis¬ que je n’en ai jamais rencontré pendant vingt ans de recherches assidues.

M. Paul Gervais met sous les yeux de la Société treize planches inédites de Poissons fossiles laissées par feu M. Victor Thiollière, et fait à ce sujet la communication suivante :

10

SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1870.

Sur les Poissons fossiles observés par M. V. Thiolliere dans les gisements coralliens du Bugey ; par M. Paul Gervais.

Le principal gisement de fossiles coralliens (1), appartenant à l’embranchement des vertébrés, que l’on connaisse en France, est celui des calcaires lithographiques de Cirin, localité située dans le Bugey (département de l’Ain). Les fossiles qu’on y re¬ cueille méritent une attention particulière, et M. Victor Thiol- lière, qui avait si bien compris l’intérêt que leur étude peut offrir à la science, en avait réuni une collection considérable qu’il a léguée au Musée de Lyon (2). La comparaison de ces fos¬ siles rentrant tous, jusqu’ici, dans la classe des Reptiles ou dans celle des Poissons, avec ceux que l’on trouve en Bavière dans les dépôts de la même époque géologique, particulière¬ ment à Solenhofen, à Papenheim, à Kelheim, etc., peut en ef¬ fet conduire à des conclusions importantes; et, d’ailleurs, si beaucoup des espèces qu'on y reconnaît sont communes aux deux pays, il en existe quelques-unes à Cirin qu’on n’a point observées dans les autres localités.

En attendant que le Muséum de Paris ait réuni des fossiles de Cirin dignes dJêtre placés sous les yeux du public, je crois utile de rappeler ici les noms des espèces que M. Thiolliere a signalées dans cette riche localité et le titre des publications qu’il leur a consacrées.

En 1854, ce savant a fait paraître la première livraison du bel ouvrage consacré par lui aux animaux dont il s’agit (3). Il avait précédemment publié deux Mémoires sur le même sujet (4) et, plus récemment, il a inséré, dans les Bulletins de la Société géo-

(1) Quelques géologues attribuent au kimmeridien le gisement dont il s’agit ; M. le professeur Lory, de la faculté de Grenoble, est de ce nombre.

(2) Cette collection s’est enrichie, par les soins de M. le professeur Jour¬ dan, d’un nombre considérable de pièces, et elle ne le cède point aujour¬ d’hui à celle des fossiles analogues, découverts en Bavière, qui sont réunis au Musée de Munich.

(3) Description des poissons fossiles provenant des gisements coralliens du Jura dans le Bugey . Paris et Lyon, in-fol., avec 10 pl.

(4) Première notice sur un nouveau gisement de Poissons fossiles dans le Jura du département de l’Ain. [Annales de la Soc. nat. d'agriculture, histoire naturelle et arts utiles de Lyon, 2esérie, t. 1, p. 43 à 66; 1849.) Seconde notice sur le gisement et sur les corps organisés fossiles des cal¬ caires lithographiques dans le Jura du département de V Ain, comprenant la

NOTE DE M. P. GEEVAIS

il

logique , une dernière Note (1) relative au même objet. Elle a paru dans le Compte rendu de la Session extraordinaire tenue par cette Société à Nevers en septembre 1858.

L’auteur discute, dans cette dernière Note, la possibilité d’appliquer la méthode ichthyologique de Cuvier à la classifi¬ cation des fossiles dont l’examen avait attiré son attention. Il y annonce en même temps la publication prochaine d’une se¬ conde livraison de la Description des espèces fossiles du Bugey commencée par lui en 1854. Douze planches exécutées sous ses yeux, dans le même format et avec le même soin que celles parues à cette date, furent alors présentées par lui en épreuves à la Société. Malheureusement, ces planches n’ont pu être li¬ vrées à la publicité avant la mort de M. Thiollière, et il y avait tout lieu de craindre qu’elles n’eussent été détruites depuis lors. La science n’aura pas à regretter cette perte. Le tirage entier des planches nouvelles de M. Thiollière était resté dans une pièce obscure du logement qu’avait occupé ce savant, et avec ce tirage il a été trouvé une treizième planche, proba¬ blement lithographiée après les autres Elle sera jointe au fas¬ cicule que l’auteur se proposait de faire paraître. Espérons que les circonstances permettront de livrer bientôt cet atlas au public.

En m’occupant de ce travail, dont la famille de M. Thiollière a bien voulu me confier l’exécution h la demande de nos col¬ lègues MM. Dumortier, Faisan et Chantre, j’ai été conduit à dresser préalablement la liste complète des espèces signalées par M. Thiollière à Cirin. Je donne aujourd’hui cette liste en y joignant les nouvelles indications qu’elle comporte sous le double rapport de la bibliographie et de la synonymie.

Voici cette liste (2) :

description de deux Reptiles inédits provenant de ces couches, par M. Her¬ mann de Meyer. (Lyon, 1851, in-4° de 80 pages, avec 2 pl.)

(1) Notice sur les Poissons fossiles du Bugey et sur l'application de la méthode de Cuvier à leur classement (Bull, de la Soc. géol. de France , Réunion extraordinaire à Nevers, 1858.)

(2) L’indication lre Notice renvoie à la première Notice publiée en 1848; le qui suit cette indication est celui sous lequel il est parlé de l’espèce dont il s agit. L’indication 2e Not. indique le renvoi à la deuxième Notice publiée en 1851; le de l’espèce y est également indiqué. 1 telivr. reporte le lecteur à la lre livraison de la Description des Poissons fossiles du Bugey (1858), et 2e livr. à la 2e livraison, restée inédite, du même ou- vrage, qui a motivé la présente note.

SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1870.

12

1. GANOIDES CYCLIFÈRES.

Leptolepis sprattiformis , A g. (lre Notice, 6 et 2e Not,, 29). Leptolepis, espèce indéterminée (lre Not., n* 7).

Thrissops salmoneus , A g., ou Th, mesogaster, id. (lre Not., 5 et 2e Not., 26).

Thrissops formosus , Ag. (2e Not., 27).

cephalus, Ag. (2eNot.,n° 28).

Heckeli, Thioll. (lre livr., pl. 10, fig. 1).

Regleyi , Thioll. (lrelivr., pl. 10, fig. 2).

Megalurus idanicus, Thioll. (2e Not., 25).

Dainoni, Egerton (1) (2e livr., pl. 13).

, esp. indét.'? (2e livr., pl. 8, fig. 1).

2. GANOIDES CÉLACANTHES.

Undina striolaris , Ag. (lre Not., 10; 2e Not., 6).

cirinensis , Thioll. (lre livr., p. 10).

3. GANOIDES RHOMBIFÈRES.

Belonostomus sphyrenoides? Ag. (lre Not., 8).

tenuirostris , Ag. (2e Not., 31).

Munsteri , Ag. (2e Not., 32).

Notagogus Imirnontis, Thioll. (2) (2e Not.; 2e livr., pl. 6, fig. 3 et 4).

Margaritœ, Thioll. (3) (2e livr., pl. 6, fig. 1).

Pleuropholis (2e livr., pl. 6, fig. 5).

(2e livr., pl. 6, fig. 6).

Lepidotus notopterus , Ag. (2e Not.,n° 11; 2e livr., pl. 4),

Itisri, Thioll. (2e livr., pl. 3).

(2e Not., 12).

Histionotus Fulsani, Thioll. (4) (2e livr., pl. 5, fig. 1).

Ophiopsis Guigardij Thioll. (5) (2e livr., pl. 7, fig. 1).

macrodus , Thioll. (2e Not., 22).

attenuata (6), Wagn. (2e livr., pl. 8, fig. 2).

Cullopterus (7) ( Hyporachiurus ) Agassizi , Thioll. (2e livr., pl. 9).

(1) Le même que le Megalurus affinis) A. Wagn., Musée de Munich.

(2) A. Wagner ne séparait pas cette espèce du Notagogus denticulatus} Ag.. M. Zittel partage cet avis.

(3) Soc. géol, , Réunion extr. à Nevers, 1858, p 119.

(4) Histionotus angularis , Philip Egerton. (Thioll., Soc. géol,, Réunion extr. à Nevers, 1858, p. 119.)

(5) M. Zittel me communique qu’il a retrouvé cette espèce en Bavière, dans le gisement de Kelheim.

(6) Ne diffère pas des échantillons provenant de Kelheim.

(7) En signalant ce genre pour la première fois (Soc, géol., Réunion ex-

NOTE DE M. P. G ER VAIS.

13

Pholidophorus macronyx? A g. (lre Not., 1. 2e Not., 13).

(2e Not., 14).

(2e Not., 15).

Caturus furcatus, A g. (lr® Not., 2 ; livr., pl. 12, fig. 1).

elongatus? Ag. (tre Not., 3; 1er livr., pl. 12, fig. 2).

latus, Munst. (2e Not., 16; 2e livr., pl. 12, fig. 3).

velifer , Thioll. (1). Cat. segusianus (2e Not.. 19 ; 2e livr., pl.10,

fig. 1,2).

Driani , Thioll. (2e Not., 20).

(lre Not., 4).

Attakeopsis Desori, Thioll. (2) (2e livr., pl. 11).

Amblysemius bellicianus, Thioll. (2e Not., n°21).

Disticholepis Dumortieri , Thioll.; D . Gervaisii , Dumortier? (2e livr., pl. 6, fig. 1).

Fourneti, Thioll. (2® Not., 9; lre livr., pl. 8).

Macrosemius rostratus , Ag. (lr® Not., 9; Not., 7; 2e livr., pl. 5, fig. 2).

traord. à Nevers, 1858, p. 120), M. Thiollière le définit ainsi: « Rentre dans la famille des Chondrorachidés ou Hémichondriens, si nombreux dans les terrains secondaires et paléozoïques; mais se distingue de tous les autres genres en ce que la colonne vertébrale, fortement relevée à son extré¬ mité, présente une extrême inégalité de développement des arcs inférieurs par rapport aux arcs supérieurs des vertèbres caudales. » « C’est, ajoute-t- il, le type le mieux caractérisé de l’hetérocercie de l’axe vertébral, quoique la caudale soit à peu près équilobe . La peau est nue, sauf au-dessus et au- dessous de la queue, de petites écailles ganoïdiques garnissent la base de deux rangées de gros piquants qui précèdent la nageoire caudale. » Ce genre de Poissons n’a pas encore été observé en Bavière.

(1) Également de Bavière, gisement de Solenhofen.

(2) M. Thiollière (Soc. gèol ., Réunion extraord. à Nevers, 1858, p. 120), dit de ce genre qu’il se rapproche des Megalurus et des Oligopleurus , en ce que son squelette est complètement ossifié et que ses écailles sont cycloïdes, mais que la forme de la tête offre la plus grande ressemblance avec celle des Salmonoïdes. M. Zittel me fait remarquer que ce poisson paraît être congénère de celui que M. A. Wagner a nommé de son côté Macrorhipis dans sa Monographie des poissons fossiles des calcaires lithographiques de la Bavière (Acad, de Munich , 1863, p. 113), et dont ce savant a décrit deux espèces, le M. Munsteri et le M. striatissima , déjà signalé par Munster sous le nom de Pachycormus striatissimus.

La comparaison des figures exécutées par M. Thiollière avec celle que donne A. Wagner de la première des deux espèces décrites par lui, ne me paraît laisser aucun doute sur l’identité des Attakeopsis et Macrorhipis, qui devront conserver le nom donné par M. Thiollière, puisqu’il est le plus an¬ cien. Quant à l’espèce trouvée à Cirin, il est encore difficile de décider si elle diffère réellement du M. Munsteri.

14

SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 1870.

Helenœ, Thioll. (lre Not., 8).

Eugnathus prœlongus, Thioll. (2e Not., 23),

Pycnodus Sauvanausi , Thioll. (2e Not., 4; lre livr., p. 15, pl. 4),

Bernardi, Thioll. (lre livr., p. 17, pl. 5).

Itieri, Thioll. (2e Not., 5 ; lre livr., p. 22, pl. 6).

Wagneri , Thioll. (lre livr., p. 23, pl. 7, fig. 1).

Egertoni , Thioll. (lrelivr., p. 24, pl. 7, fig. 2).

Gyrodus macrophthalmus'l A g. (lte livr., p. 25).

Microdon elegans , Ag. (lre Not., 11 et 2e Not., 2).

hexagonus? Ag. (lre Not., 12 et 2e Not., 2?).

comosus, Thioll. (1) (Soc. géol.. Réunion à Nevers, 1858, p. 119.

2e livr., pl. 2, fig. 2).

gibbosus , Wagn. (Soc. géol., Réunion à Nevers, 1858, p. 119). Mesodon gibbosus , Wagn. (Soc. géol.} Réunion à Nevers, 1858, p. 119).

4. PLACOIDES RAJIDÉS.

Spathobates bugesiacus , Thioll. (2) (lre Not., 18; 2e Not., 1, pl. 2 ; lre livr., p . 7, pl. 1 et 2).

Belemnobates Sismondœ, Thioll. (lre livr., p. 8, pl. 8, fig. 1).

Rhinobates? (2e livr., pl. 1, fig. 2).

Phorcynis catulina3 Thioll. (lre livr., p, 9, pl. 3, fig. 2).

Séance du 21 novembre 1870.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

M. Paul Gervais expose les résultats de trois Mémoires qu'il vient de publier dans les Nouvelles archives du Muséum d’histoire naturelle , au sujet des formes cérébrales propres aux mammifères marsupiaux, édentés et carnivores. La comparaison de plusieurs genres éteints, appartenant à ces différents groupes, avec ceux qui ont encore des représen¬ tants, l'a conduit à leur égard à des remarques qui per¬ mettront de mieux en apprécier les affinités zoologiques.

(1) Cette espèce ne paraît pas avoir encore été trouvée en Bavière.

(2) Ainsi que l’avait signalé M. Thiollière, cette espèce semble avoir beau¬ coup d’analogie avec Y Asterodermus platypterus , Ag., et l’on peut se de¬ mander si elle en diffère réellement.

NOTE DE M. PARRÀN.

15

Ces observations ont particulièrement trait au Thylacoleo , fossile en Australie, au Mégathérium , au Mylodon , au Scelido - therium et au Glyptodon, propres à l’Amérique méridionale, ainsi qu’à Y Hyœnodon et à YArctocyon qui ont vécu en Eu¬ rope. En ce qui concerne ces derniers, l’auteur établit que si Y Hyœnodon doit être classé parmi les monodelphes, comme il l’avait précédemment admis, c’est au contraire parmi les marsupiaux qu’il faudra probablement placer YArctocyon, qui est le plus ancien carnassier observé dans les terrains tertiaires.

Ces Mémoires de M. Paul Gervais sont accompagnés de planches; ils seront suivis de plusieurs autres consacrés au reste des animaux de la même classe.

M. de Lapparent expose quelques-uns des résultats des courses qu’il a faites cet été dans le nord du bassin de Paris.

Séance du 5 décembre 1870.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

M. Parran met sous les yeux de la Société deux photo¬ graphies des eaux d’Hamman-Meskoutin (cercle de Guelma) et communique la note suivante :

Aperçu géologique du bassin de Belmez [Andalousie) ; par M. Parran.

Chargé, il y a quatre ans, d’études industrielles dans une partie de l’Andalousie, et notamment dans le bassin houiller de Belmez, j’ai consacré une semaine à l’étude générale de ce bassin, dont la constitution géologique n’avait fait, à ma con¬ naissance, l’objet d’aucune publication suffisante pour faire apprécier nettement les différents étages qui le composent.

Je n’ai pu, dans un temps si limité, suivre les assises et les

16

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1870.

limites des étages dans tous leurs détails ; j’ai me borner aux caractères généraux. C’est donc une simple esquisse que je présente ici, destinée à donner quelques points de repère pré¬ cis, et à indiquer comment j’ai décomposé le terrain houiller de Belmez, que le manque de travaux suivis, la rareté des affleurements et des coupes masqués par un manteau détri¬ tique, rendaient assez confus de prime abord.

Le bassin carbonifère de Belmez forme une bande allongée dans son ensemble du N. 60° O. à S. 60° E., sur une longueur de 60 kilomètres environ, depuis Fuente Obejuna à l’ouest jusqu’au delà de Villaharta à l’est.

Le plan le plus complet que nous ayons vu, en 1866, sur l’ensemble du bassin, est un plan inédit au dix-millième, dressé sous la direction de M. Meliton Martin, ingénieur, et sur le¬ quel sont "tracés les limites du terrain houiller, les îlots de calcaire carbonifère et la plupart des puits de recherche. Tou¬ tefois, ce plan ne renferme pas les extrémités est et ouest du bassin; il s’arrête avant Villaharta d’une part, et au ravin de la Parilla d’autre part. Les ingénieurs des mines espagnols tra¬ vaillaient, de leur côté, à dresser un plan de toutes les parties concédées, et à y placer les Pertenences officiellement recon¬ nues. Ce travail important fixera d’une manière définitive le cadastre minier du bassin de Belmez.

La largeur moyenne de la bande houillère est d’environ 3 ki¬ lomètres ; elle se réduit à quelques centaines de mètres à Espiel et vers les extrémités du bassin ; elle atteint son maximum de 5 kilomètres environ, vers le milieu du même bassin, à la hau¬ teur de Villanueva del Rey.

La formation qui nous occupe paraît actuellement isolée et encaissée de toutes parts dans les schistes et quartzites silu¬ riens, mais il n’en a certainement pas toujours été ainsi; elle devait, à l’origine, se rattacher aux roches carbonifères de Le- rena, des environs de Séville et de Cordoue. L’examen de la carte de M. de Verneuil suggère naturellement cette opinion, confirmée sur place par des îlots carbonifères échelonnés entre les masses principales figurées sur la carte. Un de ces îlots les plus remarquables est celui sur lequel s’élève le Castillo del Vacar , entre Espiel et Cordoue, dont nous évaluons approxi¬ mativement l’altitude à 800 mètres, tandis que l’altitude moyenne du bassin houiller de Belmez est d’environ 500 mè¬ tres.

NOTE DE M. PARRAN,

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L’orographie du bassin houiller de Belmez est remarquable par sa simplicité. Les diverses assises présentent une direction constante N. 60° O. à S. 60° E., avec une plongée uniforme vers le sud. Un cours d’eau principal, le Guadiato, coulant de l’ouest à l’est, suit, à peu de chose près, et sauf une inflexion locale dans le territoire de Villanueva, la limite sud de la formation carbonifère, tandis qu’un assez grand nombre d’arroyos, ra¬ vins desséchés et peu profonds, suivant une direction moyenne de N. 20° O., forment quelques tranchées naturelles à travers bancs qui permettent au géologue de reconnaître la succession des couches, masquée ailleurs presque partout par une épais¬ seur de plusieurs mètres de terrain de transport ou par la vé¬ gétation.

Un des traits les plus saillants de la localité, c’est l’existence de deux séries parallèles d'îlots de calcaire carbonifère qui surgissent brusquement et contrastent par leur profil hardi avec les légères ondulations du sol houiller.

La première série de ces îlots commence à la mine San Ra¬ fael, sur le ravin de la Parilla, et se poursuit jusqu’au delà de Belmez, à la mine del Trajano , sur une longueur d'environ

10 kilomètres. Le plus remarquable est le piton conique sur lequel se dresse Je Castillo de Belmez, qui domine tout le pays et atteint l’altitude de 630 mètres environ.

La deuxième série, orientée comme la première et comme l’ensemble du bassin, se trouve à 1 kilomètre environ au sud de la première ; mais au lieu de disparaître comme elle, aux environs de Belmez, elle règne sur toute la longueur de la bande houillère, jusqu’au delà de Villaharta, elle est re¬ coupée par la nouvelle route d’Almaden à Cordoue. La Sierra Palacios, au sud-est de Belmez, le Cerro de la Calera, au sud d’Espiel, et la crête du Cerro Cabello, au sud-ouest de Vil¬ laharta, appartiennent à cette série. Nous estimons au moins à 700 mètres l’altitude de ces crêtes calcaires qui présentent une plongée générale vers le sud. Quant au calcaire lui-même,

11 est dur, d’un gris plus ou moins foncé, avec veines spa- tbiques blanches, souvent ferrugineux; il renferme de nom¬ breuses tiges d’encrines, des Producius et autres fossiles carac¬ téristiques; je signalerai comme une des localités les plus fossilifères celle dite Piedras Calizas entre Belmez et Espiel.

Le bassin qui nous occupe repose au nord sur des chaînes siluriennes dérivant de la Sierra Morena, et au sud sur celles qui forment la Sierra de los Santos. Je me bornerai à citer, Soc , géol.9 2e série, t. XXVIII. 2

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SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1870.

dans cette dernière Sierra, les mines de fer et de cuivre qui se trouvent à 15 kilomètres environ au sud de Belmez. Les por¬ phyres rouges et verts qui constituent dans cette partie la Sierra de los Santos, présentent une apparence de stratifica¬ tion, et plusieurs bancs sont imprégnés de fer oligiste en noyaux écailleux et radiés. Ces bancs sont recoupés en même temps par des filons de quartz, de baryte sulfatée et de cuivre pyri- teux, dirigés 75 degrés à l’est du nord magnétique. La forme des cristaux de sulfate de baryte est moulée dans le quartz, et dans les filons on voit que la première de ces deux substances se trouve intercalée entre deux bandes de la seconde. Ces filons ont été exploités à une époque très-reculée, car on y a trouvé des outils en pierre, sortes de marteaux ou de haches qui pouvaient servir à tailler le bois ou à casser les morceaux de minerai. La mine de la Philippine, à laquelle se rapportent les faits ci-dessus, présente un très-remarquable filon de quartz cristallisé violet, formant des géodes avec de très-beaux pointements.

C’est dans cette dépression allongée et comprise entre la Sierra Morena et cejle de los Santos, que s’est déposé d’abord, au moins en partie, le calcaire carbonifère, suivant les reliefs duquel s’est ensuite moulé le terrain houiller. Enfin l’ensemble des dépôts carbonifères a été affecté par des mouvements communs qui ont eu pour résultat le redressement et le plisse¬ ment des couches, ainsi que l’ablation d’une partie considéra¬ ble de dépôts dans les régions les moins résistantes, et parti¬ culièrement dans l’ouest du bassin.

Nous avons distingué dans la composition du terrain houil¬ ler de Belmez et indépendamment du calcaire carbonifère ci-dessus mentionné, les divisions suivantes en allant de bas en haut:

Poudingues et conglomérats de la base (n° 1).

Faisceau charbonneux de la Terrible (n° 2).

Faisceau charbonneux de la Cabezza de Yacca (n° 3).

Faisceau charbonneux du Guadiato et de la Baliesta (n° 4).

Ces quatre divisions ou sous-étages se montrent et se recou¬ vrent successivement quand on marche du nord au sud; mais, par suite du pendage uniforme et général de toutes les assises vers le sud, il n’y a pas de relèvement vers le sud, de sorte qu’au nord c’est le 1 qui repose sur les schistes siluriens en con¬ cordance apparente, et au sud c’est le n°4 qui vient buter con¬ tre des schistes de la formation silurienne. La séparation du

NOTE DE M. PARRAN.

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4 et des schistes siluriens peut être bien observée vers l’ex¬ trémité est du bassin, dans les déblais de la nouvelle route d’Almadenk Gordoue. Les schistes houillers sont brusquement redressés et plissés au contact. C’est une disposition qu’on re¬ trouve dans un assez grand nombre de bassins houillers; con¬ cordance apparente avec les terrains inférieurs sur l’un des bords; discordance très-nette et failles sur le bord opposé (Gard, Loire, Hérault).

Examinons maintenant chacune des divisions ou sous-étages ci-dessus.

Poudingues et conglomérats de la base. La lisière nord du bassin est bordée par une bande continue de poudingues à frag¬ ments siliceux arrondis, souvent très-volumineux, composés exclusivement de schistes, quartzites, . . . mais n’ayant jamais offert à mes recherches des galets calcaires. Les poudingues présentent une plus grande extension aux affleurements, entre Belmez et Penarroya, que dans les autres localités. Ils sont, dans leurs parties inférieures, vigoureusement colorés en rouge lie de vin. On les observe parfaitement dans la partie haute des ravins de la Hontanilla de San Gregorio, ils ont plus de 100 mètres d’épaisseur. A Espiel, ils passent à une véritable brèche à fragments anguleux, sur laquelle est bâtie une partie du village.

Je ne saurais affirmer que la totalité de ces poudingues est postérieure au calcaire carbonifère. La relation directe est im¬ possible à observer dans les environs de Belmez; l’absence des éléments calcaires dans les poudingues, et l’existence con¬ statée par nous, d’autre part, à 2 kilomètres au nord de Viila- franca (station de la ligne de Gordoue, bassin du Guadalqui- vir), d’un poudingue ferrugineux directement recouvert par le calcaire carbonifère, nous autorisent à poser quelque ré¬ serve sur ce point.

Faisceau charbonneux de la Terrible. Ce faisceau est im¬ médiatement superposé au précédent; il prend naissance à l’ouest du ravin de la Parilla, dans lequel on aperçoit très- bien les bancs de grès, de schistes et de charbon qui constitue ledit faisceau. Dans ce ravin, des porphyres roses quartzifères ont métamorphosé le combustible qui a été durci etprismatisé et certains bancs de grès de la base qui ont pris une apparence de porphyre ; quelques petits bancs intercalés nous ont même paru être un porphyre véritable, ou du moins un mimophyre. Les charbons sont secs, durs et sales dans la région de la Pa-

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SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1870.

rilla; il n’y a que la couche supérieure, dite de San Rafael, qui jusqu’ici ait été reconnue exploitable, quoique donnant du charbon sec.

Les mêmes affleurements se retrouvent en avançant vers l’est, dans le ruisseau de la Hontanilla, ils prennent déjà, au point de vue industriel, une plus grande importance. Delà jusqu’au ravin de San Gregorio, le faisceau acquiert son plus grand développement, les couches de combustible atteignent leur maximum de puissance et fournissent des charbons d’ex¬ cellente qualité. C’est que se trouvent les exploitations et les beaux gisements de la Terrible et de la Santa Elisa.

En poursuivant toujours vers l’est, on suit assez bien, en se repérant à chaque ravin, les affleurements et les traces de ce faisceau dans les concessions Carbonifera , Florinda , Los Renie- dios , it Paseo , Iris dans le ruisseau d ’Albartado , Soledad , Çu- lebra , Maravilla , Bujadillo , Carmen dans le ruisseau de la Ju- liana .

Les concessions del Valle et del Trajo , dans le ruisseau de la Lozana , montrent déjà les affleurements très-alfaiblis; le faisceau a perdu toute son importance bien avant Espiel, et vient se terminer en pointe un peu à l’est de ce village.

Dans la région ouest, dans la partie riche du faisceau, entre la Parilla et Belmez, les schistes dominent, les grès ne présen¬ tent pas une grande résistance; aussi une partie considérable a-t-elle été décapée et remplacée par une épaisseur de 3 à 4 mètres de terrain détritique avec galets siliceux roulés, en sorte que les roches houillères ne sont pas visibles à la surface. A l’est de Belmez, les grès deviennent plus durs, se rappro¬ chent, passent même au poudingue, tandis que les schistes et la houille diminuent; aussi le terrain a-t-il mieux résisté aux érosions, mais il n’a plus de valeur industrielle.

La puissance normale de ce faisceau, aux environs de la Terrible et de la Santa Elisa, ne saurait être estimée à moins de 500 mètres; il se compose de la manière suivante, en allant de haut en bas :

1. Grès, schistes et couche supérieure (de 3 à 6 mètres, San Rafael, la Morena, Esperanza, San Juan).

2. Grès, schistes et couche de houille non exploitée encore.

3. Grès exploités comme pierre de taille, schistes et couche (le houille dite la Terrible, d’une puissance moyenne de 42 à 45 mètres, reconnue sur 1 kilomètre et demi environ avec cette puissance.

NOTE DE M. PARRAN. 21

4. Grès; schistes et couche inférieure peu connue, à laquelle on attribue 1 mètre de puissance.

5. Poudingues et conglomérats rouges de la base.

Ces derniers poudingues forment la limite nord du faisceau de la Terrible; quant à sa limite sud, elle est nettement tracée par la ligne calcaire représentée par une série de pointements alignés entre la butte San Rafael et le Castillo de Belmez.

Dans les concessions de la Terrible et de la Santa Elisa, sont exclusivement concentrés, pour le moment, les travaux d’exploitation de la couche Terrible, le combustible est de qualité supérieure, assez dur, quoique ne tenant que 4 à 5 p. 100 de cendres, peu pyriteux, rendant 65 p. 100 de coke ex¬ cellent.

Des quatre couches dont l’existence est constatée dans le faisceau qui nous occupe, il n’y a, outre la couche Terrible, que la couche supérieure qui ait été ou qui soit encore un peu exploitée dans les concessions deSan Juan, Esperanza, Morena (Santa Rosa) et San Rafael. Les travaux actuels se trouvent, pour Santa Rosa, sur la rive gauche de la Hontanilla, et à San Rafael, sur la rive droite de la Parilla. Dans la première de ces localités, on trouve du charbon maigre, associé avec du charbon gras ou mi-gras, nerveux et pyriteux; mais, à San Rafael, le charbon est extrêmement sec.

Le caractère, sans contredit, le plus saillant de ce faisceau est la série de plis que forme la couche Terrible, dans la con¬ cession de ce nom : la couche, avant de sortir au jour, s’apla¬ nit et s’ondule sur un espace de 40 mètres environ, et à une très-faible profondeur (13 mètres au-dessous du sol), de sorte qu’il a suffi d’enlever les 3 ou 4 mètres de terrain détri¬ tique, et d’entailler sur une large découverte les grès et les schistes du toit, pour préparer l’exploitation à ciel ouvert de toute la partie horizontale et plissée. C’est M. de R,eydellet qui a préparé, il ya cinq ans, cet aménagement.

L’accollement des replis de la couche a conduit parfois à at¬ tribuer à ce gisement une épaisseur de 30 à 40 mètres ; mais en tenant compte de cet accollement et évitant de faire double emploi, nous avons mesuré dans plusieurs galeries une épais¬ seur normale de 15 mètres.

L’inclinaison des couches de ce faisceau est ordinairement de 60 degrés environ au sud, comme pour toutes les couches réglées du bassin de Belmez ; mais, en certains points, l’incli¬ naison se rapproche de la verticale (San Rafael, la Terrible).

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Faisceau charbonneux de la Cabezza de Vacca . Ce fais¬ ceau s’est déposé dans le sillon de calcaire carbonifère qui existe entre la série des pointements calcaires ci-dessus men¬ tionnés de San Rafael, Hernan Cortez, Belmez, qui se prolongent jusqu’à 500 mètres à l’est de Belmez, et la série des pointe¬ ments de même nature et parallèles qui prennent naissance à l’ouest du ravin de la Parilla, et s’alignent jusqu’au delà d’Es- piel. Cette deuxième série calcaire a beaucoup plus d’impor¬ tance orograpbique que la précédente; car, tandis que celle-ci dépasse à peine Belmez et ne présente de saillie importante que le piton surmonté par le Castillo de Belmez, celle-là dé¬ passe Espiel, et forme les escarpements si remarquables de la Sierra Palacios et du Cerro de la Calera, s’élevant à 200 mè¬ tres au moins au-dessus du niveau moyen de la formation houillère.

Le caractère dominant de ce faisceau bouiller, qui occupe une bande de 500 mètres de largeur moyenne, et dont la puis¬ sance normale nous a paru être de 3 à 400 mètres, consiste dans une série de bancs de poudingues à gros éléments sili¬ ceux, parfois calcaires (au pied de la Sierra Palacios, bords du Guadiato, rive gauche), très-régulièrement alignés, et for¬ mant sur le terrain des crêtes saillantes. Ces bancs de pou¬ dingues sont séparés par des intervalles schisteux, dans les¬ quels abondent de petites concrétions blanches calcaires (Santa Rosalia), et des rognons de sidérose.

Dans la partie ouest du bassin , et jusque dans le ravin de San Gregorio, près de Belmez, l’on peut faire une bonne coupe de ce faisceau, il n’a présenté aucune couche de houille utilement exploitable ; c’est seulement à l’est de Belmez, dans les concessions de la Cabezza , de la Torre et de Santa Rosa¬ lia, que les couches inférieures du faisceau prennent une véri¬ table importance.

La couche de la Cabezza , reposant sur un banc de poudin¬ gues, présente, dans la mine de ce nom, une disposition en chapelets dont l’épaisseur maximum est de llm, 50. Le char¬ bon a un aspect bitumineux caractéristique; il se brise en fragments anguleux sans donner de poussière , et se retrouve avec les mêmes caractères dans la concession de Santa Rosa¬ lia, au puits San Julio, l’on exploite le prolongement est de la couche. Son aspect est le même que celui de Bézenet (Allier).

A 100 mètres environ au toit de cette couche, se trouve celle

NOTE DE M. PARRAN.

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de la Torre , présentant, avec une allure en chapelets, une épaisseur de 6 mètres de charbon, et dont le prolongement est est aussi exploité par le puits Lavaux dans la concession de Santa Rosalia.

Dans cette derrière concession , les deux couches sont un peu plus resserrées, probablement à cause du rapprochement du calcaire de la Sierra Palacios; l’épaisseur des couches est également réduite à 3 mètres pour celle de la Cabezza, et à !m,50 pour celle de la Torre. D’une manière générale d’ail¬ leurs, la puissance des couches varie beaucoup dans l’étendue du bassin. Il existe, à peu près au milieu de l’intervalle schis¬ teux qui sépare les deux couches, un filet charbonneux inter¬ médiaire qui a 1 mètre d’épaisseur dans la concession de la Torre, et 0m, 50 dans celle de Santa Rosalia.

Ce groupe de la Cabezza et de Santa Rosalia est le second en importance dans le bassin de Belmez, mais il le cède de beaucoup à celui de la Terrible comme richesse et qualité de charbon.

Les deux couches principales dont nous venons de parler se poursuivent d’une manière assez nette jusqu’au delà d’Espiel, fréquemment serrées de près par la traînée de pointements calcaires qui jalonnent l’intervalle entre la Sierra Palacios et le Cerro de la Calera. On les observe dans les concessions de Piedras Calizas , lmpertinencia , Contrabandistas , Major. Dans cette dernière concession, les affleurements se présen¬ tent avec une assez belle apparence sur la rive droite du Guadiato.

Enfin, au sud d’Espiel, les mêmes couches présentent assez de suite pour donner lieu à quelques exploitations actuellement languissantes par suite du manque de débouchés, mais qui pourront se développer utilement plus tard. C’est le troisième centre d’exploitation et le moins important ( Confianza , Luz , Restauration, San Antonio).

A quelques centaines de mètres à l’est d’Espiel , ces cou¬ ches viennent mourir sur les poudingues de la base, et en con¬ tinuant à marcher vers l’est, on recoupe le faisceau supérieur qui règne seul dans toute l’extrémité est du bassin.

Faisceau charbonneux supérieur du Guadiato et de la Ba- liesta . Depuis le point de départ de nos observations, à l’ouest, au ruisseau de la Parilla, jusqu’à la concession ci-des- sus mentionnée de la Major, le quatrième faisceau est nette¬ ment séparé du troisième par la ligne des pointements cal-

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SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1870.

caires; mais à partir de, là, la séparation n’est plus aussi nette: néanmoins, dans l’ensemble, on reconnaît assez facilement que ce faisceau supérieur vient buter contre le massif calcaire du Cerro de la Calera qu’il contourne au sud, et qu’il reparaît à l’est dans la région de Baliestaet de Villaharta. Dans cette région, il est séparé en deux branches par une protubérance de terrain silurien couronnée d’une crête calcaire, qui paraît corres¬ pondre à celle de la Calera, et qu’on recoupe, ainsi que les schistes siluriens, en suivant la nouvelle route de Cordoue.

Ce faisceau est remarquable par une assez grande épaisseur de schistes gris ou jaunâtres, friables, stériles, qu’on observe aux environs de Belmez, sur les bords et dans le lit du Gua- diato. Ils se trouvent à la base du faisceau, et sont recouverts par une série assez puissante de poudingues, de schistes et d’af¬ fleurements charbonneux, qui se développent principalement aux environs du confluent de l’Albartado et du Guadiato, et do¬ minent à partir de jusqu’à l’extrémité est du bassin.

Sauf quelques indices dans les concessions de Mazeppa et de Zozobrana, le quatrième faisceau est stérile dans la partie ouest du bassin. Ce n’est qu’à partir du territoire de Villanueva del Bey que les affleurements charbonneux, intercalés entre les bancs de poudingues supérieurs , deviennent plus nom¬ breux et plus importants, sans qu’ils paraissent toutefois avoir acquis, jusqu’à la Baliesta, une valeur sérieuse. On distingue quatre affleurements principaux qui ont donné lieu à des re¬ cherches, aujourd’hui abandonnées, dans les concessions de Constancia , Rosario , Caridad, San Alvaro , Utiera , San-Quintin , la Riqueza , la Sorpresa. Ce sont ces couches qui, d’après nous, reparaissent à la Baliesta, et sont exploitées ou recon¬ nues dans les concessions de San Juan , el Triunfo , Trapi - zonda , San Rafael , los Puer r os, Descuidada , Marianita, Ca - pitana.

Ce groupe de la Baliesta est le quatrième du bassin en acti¬ vité; son rapprochement relatif de Cordoue et de Linarès, ainsi que le voisinage de la nouvelle route de Cordoue, doit contribuer à son développement.

On n’exploitait, en 1866, que la couche inférieure, qui a, dans la concession de Trapizonda, lm,20 à lm,30 de puissance, inclinant au sud de 30 degrés, et donnant du coke d’excellente qualité. Si les couches supérieures à celle-ci, qui existent dans les concessions del Triunfo et de San Rafael, donnent d’aussi bons résultats, l’exploitation pourra devenir plus active dans

NOTE DE M. P. GERVAIS.

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cette partie du bassin dès que l’écoulement des produits sera assuré.

L’épaisseur normale du quatrième faisceau est assez va¬ riable ; nous l’estimons, en moyenne, à 400 mètres.

Il n’est pas dans notre sujet de parler des travaux entre¬ pris ou continués par diverses compagnies industrielles de¬ puis 1866. Le bassin de Belmez est actuellement relié à la ligne de Badajoz; il pourra être mis ultérieurement 'en com¬ munication rapide avec Cordoue et le littoral du sud de l’Es¬ pagne, et devenir une source féconde d’activité et de produit pour ce pays, obligé jusqu’à ce jour de recourir aux charbons anglais.

M. de Roys rappelle que dans le bassin houiller du Gard il n'existe pas de terrain carbonifère.

M. Gervais fait la communication suivante :

Note sur la Baleine dont on a trouvé des ossements dans Paris ; par M. Paul Gervais.

On sait que Lamanon a signalé en 1781, par une note insé¬ rée au Journal de Physique , la découverte qui avait été faite dans Paris même, deux ans auparavant (rue Dauphine, à l’en¬ trée de la rue d’Anjou, actuellement rue de Nesle), d’une por¬ tion considérable de crâne indiquant une grande espèce de la famille des baleines. G. Cuvier a confirmé cette détermination scientifique en comparant aux baleines, alors conservées au cabinet d’anatomie, un dessin de la pièce en question, la¬ quelle est aujourd’hui au Musée de Teyler, à Harlem, ainsi que le modèle en terre cuite de cette pièce réduit au dixième de la grandeur naturelle, qu’avait fait exécuter Lamanon lui-même. Voici les conclusions de Cuvier :

« On pourrait être tenté de croire que ces pièces osseuses (1) trouvées dans Paris étaient simplement des fragments de baleine franche, et même qu’elles auraient été autrefois ap-

(4) Ce sont l’apophyse zygomatique du temporal et une portion de la boîte crânienne encore articulées ensemble. Cuvier les dit du côté droit; mais la comparaison du modèle laissé par Lamanon montre qu’elles appartiennent au côté gauche.

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SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE 1870.

portées par des hommes; mais indépendamment de l’état du sol elles furent déterrées, je ne les trouve pas aussi semblables <t la baleine du Groenland par le détail des formes, que par la grandeur et par l’ensemble des proportions. Le temporal de la baleine franche est beaucoup plus oblique; la face articulaire pour la mandibule s’y étend davantage, l’angle saillant de son bord extérieur a au-dessus de lui un arc rentrant très-marqué dont il ne reste rien ici, etc.

« Il y a donc la plus grande apparence que c’est encore ici un fragment de cétacé d’une espèce jusqu’à présent inconnue, même parmi les fossiles; car on n’aura pas l’idée de la rap¬ procher du rorqual de Cortesi, le temporal des rorquals étant encore plus large et d’une tout autre forme. »

Par un nouvel examen du modèle laissé par Lamanon et par la comparaison que j’ai pu faire de cette pièce avec la partie correspondante des crânes de baleines provenant des deux hémisphères, de rorquals proprement dits, soit ptéroba¬ leines, soit kyphobaleines ou mégaptères, actuellement au Muséum, et dont plusieurs ne nous sont venus que postérieure¬ ment à Cuvier, j’ai confirmé de tout point les conclusions du célèbre anatomiste relativement aux caractères par lesquels la baleine de Lamanon peut être différenciée des baleines franches ainsi que des rorquals.

Je trouve une démonstration nouvelle de ce fait dans un os également de balénidé, qui a été déterré au même endroit, c’est-à-dire rue Dauphine, à une époque plus récente (1859). C’est un palatin du côté droit, presque entier, se rapprochant plus de celui de la baleine franche que de celui des rorquals, des baleines australes et même des baleines de la Nouvelle- Zélande, et cependant assez sensiblement différent du même os envisagé dans notre squelette de baleine du Groenland, pour que l’on puisse assurer qu’il ne provient pas de Lune de nos espèces du genre baleine et encore moins de celles qui rentrent dans les deux genres ptérobaleine et kyphobaleine.

Quelques particularités secondaires le distinguent, en effet, du même os pris chez la baleine. Ainsi il n’a ni les mêmes accidents de surface, ni exactement les mêmes contours. Quant aux ptérobaleines et aux kyphobaleines, il en diffère autant que le fait le palatin des véritables baleines. Sa longueur est d’ailleurs moindre d’un tiers que chez la baleine du Nord. Avec ce palatin, on a retiré du même endroit une vertèbre qui pouvait être la dixième ou la onzième dorsale, et une partie

NOTE DE M. P. GERVÀIS.

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terminale de côte répondant à peu près au même segment squelettique. Les apophyses de la vertèbre ont été brisées et n’ont pas été conservées, mais le corps de cet os est entier.

Comparé aux vertèbres de la baleine franche, cette pièce semble , contrairement au palatin décrit plus haut, indiquer un animal de taille au moins égale au squelette que nous pos¬ sédons de cette dernière, ou du moins plus robuste et plus trapu. Son mode de conservation n’est pas non plus tout à fait le même que celui du palatin, et quoique la vertèbre dont il s’agit n’indique pas plus que ce palatin lui-même, un animal réellement fossile, du moins dans le sens ordinaire de ce mot, elle est un peu plus altérée, ce qui s’explique d’ailleurs par le caractère plus spongieux des vertèbres. Une extrémité de côte déterrée en même temps montre une forme plus cylindrique que cela n’est ordinaire aux baleines citées plus haut.

Je doute, ainsi que je l’ai exprimé ailleurs, qu’il s’agisse ici d’un animal d’espèce éteinte, et j’en reviens volontiers à l’idée que Cuvier a émise, sans s’y arrêter, que ces pièces osseuses ont été autrefois apportées par les hommes dans l’endroit si éloigné de la mer nous les trouvons enfouies. Cuvier, il est vrai, ne s’est pas arrêté à cette manière de voir, parce qu’il a trouvé des différences spécifiques entre la portion de crâne de la baleine de Lamanon étudiée par lui et la baleine franche, et que la comparaison de cet ossement avec la partie correspondante des autres balénidés alors observés, montre qu’il ne provient d’au¬ cune de ces espèces. Mais nous ne possédons pas encore en nature le squelette de la baleine des Basques (Balœna biscayen- sis)\ il ne faut donc rien conclure de définitif avant d’avoir comparé aux baleines de cette espèce les pièces trouvées rue Dauphine. D’ailleurs , avons-nous une notion suffisamment complète des Mysticètes actuellement existants?

Ajoutons aussi qu’il est douteux que le terrain dans lequel sont enfouis les prétendus fossiles dont nous parlons soit bien d’origine diluvienne; tout porte même à penser le contraire. C’est évidemment un sol remanié, et l’emplacement lui-même est peu éloigné de la Seine. Pendant longtemps il est resté sans constructions, et les crues de la rivière ou d’autres causes ont pu contribuer à l’enfouissement des os qu’on y trouve, si ceux-ci ont été apportés au même endroit par l’homme, ce que nous croyons très-probable.

On ne saurait par conséquent invoquer le gisement de la baleine de Lamanon en faveur de l’idée émise par quelques

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SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1870.

auteurs, que les eaux de la mer sont intervenues dans la for¬ mation du diluvium de nos environs.

Il est bien probable qu’il s’agit ici d’un cétacé pêché à peu de distance de nos côtes et apporté à Paris comme objet de curiosité ou d’utilité. J’ai montré ailleurs (1) qu’il en était ainsi pour plusieurs autres animaux marins cités par différents géologues à l’appui de cette manière de voir.

L ' Odobenotherium lartetianum décrit par M. Gratiolet dans ce recueil (2), me paraît en particulier dans ce cas; sa description repose sur un fragment de crâne de morse qu’on ne peut pas non plus regarder comme fossile. En outre, j’ai cité comme ayant été trouvé, il y a quelques années, dans les berges de la Seine, à Marly près Paris, un crâne de Globiocephalus mêlas dont l’enfouissement était également récent et avait sans doute été opéré par quelque marinier. Je rappellerai aussi que plu¬ sieurs fois on m’a apporté des fragments de Rorquals retirés de la Seine au-dessus de Paris, avec le sable qu’on exploite dans cet endroit, en me faisant remarquer qu’ils provenaient de parties de squelettes d’animaux de ce genre, également abandonnés par la navigation et qui étaient destinés à une fabiique de noir animal qui a fonctionné pendant un certain temps auprès de Choisy-le-Roi.

M. de Roys rappelle qu’en 1811, un marsouin a remonté la Seine jusqu’à Paris.

Séance du 19 décembre 1870.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

A propos du procès-verbal, M. Hébert présente quelques considérations sur la composition et les limites respectives du terrain houiller et du terrain permien dans l’Hérault et l’Aveyron.

(1) Zoologie et Paléontologie gènèrales} p. 89.

(2) Bull . Soc . géoh, 2e série, t. XV, p. 260, pl. 5.

NOTE DE M. PARRAN,

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M. Parran rappelle qu’il existe une couche de calcaire enclavée dans la houille à Graissessac.

M. de Chancourtois signale un fait identique à Villé (Bas-Rhin).

MM. Hébert, Parran, Gaudry, de Chancourtois, Gervais échangent ensuite quelques observations sur l’existence et l’étendue du terrain permien dans les environs de Muse et dans le bassin de Sarrebruck.

M. Parran fait la communication suivante :

Sur les divers niveaux de matières combustibles et bitumineuses dans le département du Gard; par M. Parran.

(Extrait) .

Les niveaux des matières combustibles et bitumineuses sont nombreux et nettement indiqués dans les étages qui consti¬ tuent les terrains du Gard ; nous allons les énumérer dans leur ordre naturel et stratigraphique en commençant par les plus récents, et en négligeant ceux qui ne présentent que des filets trop minces ou trop impurs pour être utilisés.

1. Miocène lacustre.

Bancs de lignites avec débris à’ Anthracotherium ; Montolieu près de Ganges et Gélasprès Alais. Epaisseur du combustible, lm,50,

2. Èocène lacustre A,

Marnes et calcaires marneux blancs, gypse, soufre, magnésite et lignites avec débris de Palœotherium ; Saint-Jean et Barjac. Epaisseur du combus¬ tible, 2 mètres.

3. Èocène lacustre B.

Calcaires compactes ou crayeux, avec Gyclades et Mélanopsides, impré¬ gnés d’asphalte ; Servas, l’Olivier, les Fumades, Saint-Jean. Épaisseur du minerai asphaltique, 2 à 3 mètres.

4. Èocène lacustre inférieur ou Craie supérieure.

(Classification réservée jusqu’à plus ample connaissance des faunes.)

Schistes bitumineux, avec ossements et carapaces de reptiles indétermi¬ nés : Champcrébat près Barjac. lm,50.

Lignites : Sagriès, même localité; Labaume et Montaren près Uzès. lm,50 à 2 mètres de combustible.

Lignites : Yénéjan près Bagnols et Piolenc (Vaucluse). lm,50 à 2 mètres de combustible.

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SÉANCE PU 19 DÉCEMBRE 1870.

Ces derniers ont été indiqués par d’Orbigny, puis par M. Coquand, comme appartenant à la craie supérieure.

Tous ces bancs de lignites dans 'lesquels l'étude ultérieure des fossiles pourra laire distinguer plusieurs niveaux, sont intercalés entre les calcaires lacustres éocènes inférieurs ou les assises rougeâtres qui les supportent, et le calcaire à Hippurites qui forme partout le mur de ces gisements.

5. Étage des grès d'Uchaux.

Bancs ligniteux de 0m,40 à 0m,50, très-chargés de pyrites décomposées en soufre aux affleurements; Labaume près Uzès, Chantemerle près Bagnols.

6. Cénomanien.

Lignites ; étage lagunéen, intercalé entre les assises à Ostrea columba formant le toit, et les sables jaunes ferrugineux formant le mur ( Craie de Rouen). Nombreuses Huîtres, Ampullaires, Potamides; 3 mètres de com¬ bustible en plusieurs bancs avec rognons de succin. Mézerat, Carsan, Saint- Alexandre près Saint-Esprit; Le Pin, Conneaux, Pougnadoresse, Cavillar- guesprès Bagnols, et Mondragon (Vaucluse).

7. Oolithe.

Plusieurs petits bancs de houille stipite mi-grasse, dont l’inférieur seul est exploité; 0m,50. Lanuéjols, Causse Noir, Causse Bégon, Saint-Sulpice près Trêves, Les Moulinets et Gardies (vallée de la Dourbie), La Cavalerie, Causse du Larzac (Aveyron).

Ces bancs constituent la partie inférieure d’un calcaire madréporique qui se développe à partir du Vigan vers l’ouest. Ils ont pour mur le calcaire à Entroques, dolomitisé, et pour toit une puissante assise de dolomie (Vallées du Trévezel et de la Dourbie), qui supporte directement les calcaires oxfor- diens à Amm. picatilis.

8. Trias } grès bigarré.

Petit banc de houille sèche inexploitable, dans les grès et schistes de la base du trias; Saint-Jean du Gard, Molières près Saint- Ambroix. (Pour mémoire.)

TERRAIN HOUILLER.

9. Faisceau supérieur.

Mazel (Ardèche), Les Salles, Molières, Les Brousses, Saint-Jean de Vale- riscle; treize couches de houille; épaisseur maxima de combustible, 12 m.

10. Faisceau moyen.

Champclauson,Comberedonde, Sainte-Barbe, Grand'Combe, Portes, Pal- mesalade, Trélys et Bessèges supérieurs, Lalle. Nombreux rognons de si¬ dérose; onze couches; épaisseur maxima de combustible, 18 mètres.

11. Faisceau inférieur.

Grand’ Combe, Levade, La Vernarède, Cornac, Bessèges et Trélys infé-

OBSERVATIONS DE M. DE CHANCOURTOIS. 31

rieurs, Pigère (Ardèche); six couches de houille; épaisseur maxima de combustible, 18 mètres.

12. Conglomérat de la base .

Une couche maigre de 1 mètre. Olympie, la Boudène, Martrimas (Ar¬ dèche).

A la suite de cette communication, M. de Chancourtois présente les observations suivantes :

Les faits exposés par M. Parran ont à mes yeux une grande importance pour le progrès de diverses considérations, à la fois théoriques et pratiques, que je m’efforce de développer et de préciser dans le cours de l’École des mines, et sur les¬ quelles je demande la permission d’appeler l’attention de la Société.

La présence ordinaire du fer carbonaté et de la pyrite dans les gîtes charbonneux démontre que la formation de ces gîtes est liée à des phénomènes d’émanation ; et, en partant de ce rapprochement incontestable, on est conduit à considérer l’ac¬ cumulation du combustible lui-même comme due en partie à une prédominance locale tant des émanations d’acide carbo¬ nique, inséparables de l’épanchement des eaux chargées de carbonate de fer, que des émanations de carbures d’hydrogène qui pouvaient accompagner les eaux pyritifères.

De tous les produits d’émanation concentrés en amas excep¬ tionnels, les dépôts charbonneux sont assurément ceux qui offrent l’expansion horizontale la plus grande, puisque la ma¬ jeure partie, sinon la totalité de leur carbone, a subir la diffusion atmosphérique, avant d’être fixée par l’intermédiaire de la végétation; mais leur emplacement n’en dépend pas moins des points de dégagement, et, par suite, on doit s’at¬ tendre, d’une part, à les rencontrer alignés en gros suivant certains systèmes de fissures de l’écorce terrestre, d’autre part, à les trouver reproduits à diverses époques, dans le même lieu, par la réouverture des mêmes fissures, absolument comme on voit les concentrations de minerais de fer superposées à divers étages de la série sédimentaire ; par exemple, à La- voulte, dans le Yorksbire, etc.

Les dégagements successifs , dans le même point du globe, des émanations oxy- carboniques ou hydrocarburées, ne pro¬ viennent sans doute pas tous directement du magma fluide

32 SÉANCE DU 19 DÉCEMBRE 1870.

interne. Les plus récents ont pu résulter souvent d’une sorte de remaniement, d’une action physique exercée sur les dépôts charbonneux anciens; mais, dans tous les cas, leurs apparitions se rattachent aux phénomènes de ridement, et, par suite, la distribution des gîtes de combustible doit se trouver subor¬ donnée aux principes de régularité que met en lumière la théo¬ rie des soulèvements.

Il suffît de considérer la partie de la carte géologique de la France qui renferme les Cévennes et les Maures, pour com¬ prendre que les dépôts de combustibles minéraux marqués dans les terrains secondaires et tertiaires du Languedoc et de la Provence , résultent de la persistance et de la localisation progressive des causes qui ont produit les formations houil¬ lères, dont on ne voit probablement que les extrémités ap¬ puyées en affleurement sur les deux massifs montagneux.

Les conditions géographiques propres à la végétation palu¬ déenne figurent certainement parmi ces causes, mais les déga¬ gements d’émanations alimentaires étaient tout aussi indispen¬ sables. Les deux groupes de causes qui, au premier abord, peuvent sembler tout à fait indépendants, ont d’ailleurs ici une origine commune; car les régions se sont placées finalement les embouchures des grands fleuves étaient prépa¬ rées à cette fonction géographique parle croisement de systèmes de fissures importants. J’ai eu occasion d’en donner beaucoup de preuves dans les notes que j’ai présentées à l’Académie des sciences, sur V Application du réseau pentagonal à la coordination des Sources de pétrole , des Dépôts bitumineux et des Gîtes minéraux en général. ( Comptes rendus , 1863.)

Les nombreuses récurrences de formations charbonneuses signalées par M, Parran dans la série sédimentaire du Langue¬ doc ne peuvent manquer de fournir à l’observation des coïn¬ cidences verticales et des alignements de nature à confirmer ma manière de voir. Il e^t à peine nécessaire d’insister sur la portée pratique qu’aurait, pour la direction des travaux d’exploitations et de recherches, la discussion et la vérification détaillée de ces aperçus, qui, dans l’étude des gisements de combustible , ajoutent à la prise en considération de la coor¬ donnée géologique verticale celle des deux coordonnées hori¬ zontales déterminées par les alignements.

[note de m. de rots.

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Séanee du 9 janvier 1871.

PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY,

Membre du Conseil.

En Pabsence de M, Paul Gervais, président, et des vice- présidents, M. de Billy, membre du Conseil et ancien prési¬ dent, prend le fauteuil de la présidence.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Le secrétaire donne lecture de la note suivante de M. de Roys :

Note sur la présence d'ossements de cétacés dans le diluvium de la Seine ; par M. le marquis de Roys.

A la suite de la communication de notre savant président sur des os de dauphin trouvés, dans le diluvium quaternaire de la Seine, à Paris, et il annonçait devoir s’assurer s’ils étaient fossilisés, j’ai fait observer que, dans ma jeunesse, je crois me souvenir que c’était en 1811, sans cependant en être bien sûr, un marsouin avait remonté la Seine jusqu’au-dessus de Paris. On ne l’a point vu revenir. Ce fait, parfaitement certain et qui a laissé des traces dans le langage vulgaire des Parisiens, a se répéter plusieurs fois à des époques la navigation de la Seine était moins active. Il n’y aurait donc rien d’extraordi¬ naire dans la présence d’ossements de dauphins dans le dilu¬ vium. On aurait tort, par conséquent, d’en conclure, parce que les cétacés sont essentiellement marins, que la mer ait fait irruption dans ce bassin. Quant aux ossements de rorqual trouvés aux environs du Pont-Neuf, et qu’on avait nommés Baleine de Lamanon , quoique le Rorqual soit une des plus petites espèces de baleine et atteigne rarement 24 à 25 mètres de longueur, et bien que la chose paraisse plus extraordinaire, elle ne serait pas non plus impossible, même dans notre épo¬ que. End 740, les eaux de la Seine se sont élevées à 8 mètres 50 au-dessus de l’étiage, et nous les avons souvent vues s’élever jusqu’à 6 et 7 mètres et y persister plusieurs jours de suite. Cette hauteur serait plus que suffisante pour permettre le passage d’un rorqual et même de baleines de plus fortes di¬ mensions. A l’époque de la fonte des glaciers, cette hauteur Soc. geai., %e série, tome XXVIII. 3

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SÉANCE DU 9 JANVIER 1871.

d’eau devait se reproduire souvent, et une baleine lancée à la poursuite de poissons pouvait s’échouer sur les rivages et ses ossements être, à la longue, enfouis dans le gravier diluvien, sans que ce fait pût prouver la présence de la mer.

On aurait tort de regarder comme impossible le fait de ba¬ leines remontant les fleuves. Il fut une époque la chair des baleines , qui aujourd’hui paraît bonne tout au plus pour des Esquimaux, était mieux appréciée. Sous Henri VII et jusqu’au règne d’Élisabeth, en Angleterre, il n’y avait pas de grand festin l’on ne servît des plats copieux de chair de baleine. Les baleines qui échouaient alors sur les côtes étaient regar¬ dées comme épaves royales. On en cite plusieurs comme ayant alors échoué dans la Tamise. Le lord-maire de Londres en réclama la propriété, et elle lui fut assurée par une loi.

Ce fait ne me semble pas plus extraodinaire que celui de poissons et coquilles d’eau douce dans des dépôts marins. En 1840, le 2 novembre, le Rhône rompit ses digues au-dessous de Beaucaire; ses eaux se précipitèrent sur Ja surface de tout son delta, au moins 25,000 hectares, et allèrent se jeter dans les étangs de Repausset et du Roi , à Aigues-Mortes. Faisons observer, en passant, que ce dernier étang tire son nom de l’embarquement de saint Louis pour la croisade, car, malgré l’accord unanime de tous les historiens, Aigues-Mortes n’a jamais été au bord de la mer. Les étangs sont séparés de la mer par un large cordon littoral de galets tout à fait analogues à ceux du diluvium alpin, et communiquent avec elle par des canaux qui le coupent et portent le nom de Graux. Ce fut par un grau, qui en a gardé le nom de Grau du Roi , que la flotte de saint Louis, embarquée dans l’étang du Roi , entra dans la Méditerranée.

Lorsqu’en 1840, les eaux du Rhône rentrèrent dans leur lit, les pêcheurs des étangs trouvèrent beaucoup de poissons d’eau douce mêlés avec les poissons de mer habituels, et les bords étaient jonchés de ces énormes anodontes si communes dans le fleuve (1),

J’ai déjà dit, dans le Bulletin , que le limon déposé dans cette inondation, sur ces 25,000 hectares, s’élevait, en moyenne, au

(1) M. Eugène Robert avait signalé, en 1835, dans les carrières ouvertes dans le c lcaire grossier à Passy, vers le milieu de leur hauteur, une mince couche de sable avec des fossiles d’eau douce. Dans une course faite, en 1836. avec les élèves de l’École des Mines, sous la direction de M. Elie de Beau-

NOTE DE M. DE ROYS.

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moins à un décimètre de puissance. Sur quelques points, son épaisseur atteignait 60 centimètres et même un mètre. Ce fait tendrait à prouver que les périodes géologiques pourraient bien avoir eu des durées très-inférieures à celles qu’on leur attribue généralement. Nous citerons notamment un marais appelé la Valunette . Inondé pendant l’hiver, desséché pendant l’été et alors couvert d’efflorescences salines qui le rendaient absolument improductif, il a été couvert d’une épaisseur de 80 à 90 centimètres de limon qui l’a changé en terres de première classe, affermées 150 fr. l’hectare.

On ne peut donc s’étonner de trouver dans le diluvium de la Seine des débris de mammifères marins, et leurs ossements, fussent-ils fossilisés, ne prouveraient nullement une invasion de la mer.

M. de Billy rappelle que Ton a pêché des baleines dans le golfe de Gascogne.

M. Gaudry fait observer que, d’après la théorie de M. Beîgrand, le volume des eaux de la Seine était, à l’épo¬ que se déposait le diluvium, beaucoup plus considérable que maintenant; il n'y aurait donc rien d’étonnant qu’à ce moment, de gros animaux marins eussent pu remonter la Seine.

M. Bioche annonce la mort de M. Charles Laurent, mem¬ bre du Conseil et ancien secrétaire de la Société. Cette triste nouvelle est accueillie par d’unanimes regrets.

M. Paul Gervais, qui arrive en retard, au moment la séance va être levée, s’excuse sur le travail que lui a donné, ce jour même, le soin de la conservation des collections d’anatomie comparée, le bombardement de Paris par les Prussiens s’étant étendu au quartier du Muséum d’ Histoire naturelle. Il ajoute que la petite maison qu’il habite, auprès de ce grand établissement, a reçu cette nuit même un obus.

Il est bien persuadé, dit-il, que nos collègues allemands ne s’associeront pas à ces rigueurs barbares, et il ne peut

mont, nous avons reconn u l’existence de cette petite assise d’environ 3 cen¬ timètres de puissance, et j’y ai recueilli un planorbe et quelques lymnées complètement silicifiées.

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SÉANCE DU 16 JANVIER 1871.

supposer qu’ils aient oublié, comme les généraux de l’ar¬ mée ennemie et les princes à leur suite, les services que la France a rendus à la science et le bon accueil qu’elle a toujours fait aux savants de tous les états de l’Allemagne.

Sur la proposition du Conseil, la Société décide que les élections, qui devaient avoir lieu dans cette séance, sont ajournées jusqu’au jour les communications entre Paris et la province seront rétablies.

Séance du 16 janvier 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

Journal des Savants , 1870.

Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 22e vol., 1868.

Sur la proposition du Conseil, la Société décide que le nom de M. Dollfus-Ausset sera inscrit à perpétuité sur la liste des membres, en reconnaissance du don de 10,000 fr. que notre regretté confrère lui a fait, il y a quelques années.

M. Bayan donne lecture de la note suivante :

Dans la dernière séance , notre honorable président nous a entretenus des dégâts commis par les obus ennemis sur les serres du Jardin des Plantes.

Nous croyons devoir aujourd’hui signaler de même à la So¬ ciété un nouvel exploit de ceux qui nous environnent.

Déjà, dans ce bombardement qu’ils ont commencé, il y a dix jours, sans s’être conformés aux règles du droit des gens, presque tous nos établissements scientifiques avaient été at¬ teints. L’École Normale, la Bibliothèque Sainte -Geneviève, l’École Polytechnique, la Sorbonne, le Musée de Cluny, l’É-

LETTRE DE M. DE CHANCOURTOIS. 37

cole de Médecine, le Muséum avaient tour à tour reçu des projectiles.

De même, dans la journée du 12, deux obus incendiaires sont venus s'abattre sur l’École des Mines. Le premier a causé dans la galerie de paléontologie, des ravages qui eussent été irréparables si une partie des riches collections de l’École n’avait été à temps transportée en lieu sûr.

Inutile de faire remarquer (cela n’étonnerait plus personne aujourd’hui) qu’il y a, dans l’École, une ambulance renfer¬ mant de nombreux malades.

Nous avons pensé qu’il n’était pas sans intérêt de conserver cette date dans nos archives. On sera peut-être étonné un jour d’apprendre qu’une armée envahissante a pris pour cible un établissement, hospitalier s’il en est, qui tous les ans ouvre gratuitement ses amphithéâtres à de nombreux élèves étran¬ gers, et dont on avait toujours été heureux de faire les hon¬ neurs à des savants d’autres pays. Pour nous, nous n’oublie¬ rons point cet incident, et si quelquefois, par suite d’un défaut commun dans notre pays, nous étions porté à placer trop haut des travaux allemands, nous songerons à nos collections dé¬ vastées, et nous nous dirons que c’est vainement qu’ils se pi¬ quent d’aimer la science, ceux qui se complaisent à détruire méthodiquement les musées et les collections publiques et privées.

M. de Ghancourtois communique la lettre suivante qu’il a adressée à M. Élie de Beaumont, au sujet du bombarde¬ ment :

Lettre à M. Élie de Beaumont; par M. de Ghancourtois.

Monsieur,

16 janvier 1871.

Je viens appeler votre attention sur deux coïncidences qui vous paraîtront peut-être assez curieuses pour mériter d’être signalées, à propos du bombardement de Paris.

M. Léopold de Buch, dans son dernier passage à Paris, en 1852, l’année qui a précédé sa mort, vous montra le désir d’examiner quelques échantillons à l’École des Mines; j’eus la bonne fortune d’être mis par vous à la disposition de l’illustre

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SÉANCE DU 16 JANVIER 1871.

géologue, qui était alors, je crois, président de l’Académie des Sciences de Berlin. M. de Buch désirait voir des gryphées ar¬ quées, envoyées récemment du Chili par notre camarade Do- meyko, gryphées dont la spécification affirmait l’existence du terrain jurassique en Amérique, contrairement à l’opinion émise un peu arbitrairement par le chef Prussien des géologues allemands.

Mon camarade Bayle, chargé de la paléontologie, ne se trou¬ vant pas à l’École au moment de la visite, je dus faire les hon¬ neurs de ses tiroirs à M. de Buch, qui voulut bien m’expliquer assez longuement les raisons pour lesquelles ces gryphées ar¬ quées devaient être des gryphées de la période crétacée. Après quoi, il me quitta pour vous rejoindre à l’Institut, me laissant convaincu seulement de sa vaste érudition et de sa profonde connaissance de toutes les finesses de la langue française, mais très-flatté d’avoir entendu une dissertation spéciale de l’un des doyens de la géologie les plus hautement considérés.

C’est exactement à la place M. de Buch examinait les fos¬ siles, dans la collection de paléontologie, qu’est venu éclater, dans le toit mansardé, le premier obus qui a frappé l’École des Mines, dans la nuit du 11 au 12, à 4 h. 45 du matin. Les collec¬ tions les plus précieuses étaient heureusement mises à l’abri depuis longtemps.

Le second obus, tombé dans la nuit du 12 au 13, à 9 h. du soir, a pénétré dans le cabinet de M. Dauhrée, professeur de minéralogie, en traversant le mur en pierre de taille, de 0m,60, qui forme le jambage de la fenêtre , et est venu se poser sans éclater, debout comme une bouteille, juste sous la table du professeur, à 2m,50 de l’ouverture de pénétration.

On sait, depuis longtemps, que les aérolithes sont princi¬ palement formés de fer; on y a reconnu ensuite quelques au¬ tres métaux, puis du soufre, du carbone, etc. ; leur composi¬ tion a donc beaucoup d’analogie avec celle des obus. N’est-il pas frappant de voir un de ces bolides artificiels arriver juste¬ ment au siège du savant minéralogiste qui, dans ces derniers temps , s’était fait une sorte de spécialité de l’étude des bo¬ lides naturels ?

Je dois cette remarque à M. Boutan, élève ingénieur des mines, qui nous seconde en ce moment dans nos travaux.

M. Dupont, inspecteur de l’École, présent au moment des deux chutes, me donne les indications suivantes sur les di¬ mensions des projectiles :

NOTE DE M. DE CHANCOURTOIS.

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1, diamètre de la fonte au culot, 0“,145.

2, de la chape de plomb, 0m,149; longueur,

0m,31.

Sur la proposition du Conseil, la Société décide que MM. Benoit et de Chancourtois seront, jusqu'à ce que les communications entre Paris et la province soient réta¬ blies, appelés au Conseil avec voix délibérative.

Séance du 23 janvier 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

DON FAIT A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de M. J.-L. Combes, Études sur la Géologie , la Paléontologie et V Ancienneté de l'homme dans le département de Lot-et-Garonne, 1 vol. in 8°, 112 p., 1870, Villeneuve-sur-Lot, chez Duteis.

M. Tournouër offre, de la part de M. Combes, des Études sur la géologie, la paléontologie et l'ancienneté de l'homme dans le département du LoUet- Garonne. (Voir la Liste des dons.)

M. de Chancourtois fait la communication suivante :

Rapports de la Géologie et de l' Ethnologie ; par M. de Chancourtois.

Personne n’étant disposé à faire une communication, je de¬ mande, impromptu, la permission de soumettre à la Société quelques considérations qui, bien que dépassant les limites de la géologie pure, ne seront peut-être pas jugées déplacées dans les circonstances actuelles.

M. Élie de Beaumont a ordinairement consacré la leçon d’ouverture du cours de l’École des Mines à montrer comment la géologie se lie aux autres sciences et aux différents arts. Lorsque j’ai été chargé, pour la première fois, de faire cette

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SÉANCE DU 23 JANVIER 1871.

leçon d’ouverture, en 1863, je me suis conformé à l’usage éta¬ bli par le professeur titulaire que je remplaçais progressive¬ ment depuis dix ans, et dans le désir de rendre aussi complet qu’il dépendait de moi le tableau du domaine de la géologie, je n’ai pas craint d’aborder l’indication des rapports qui exis¬ tent nécessairement entre la constitution du sol et celle de la population, rapports signalés d’ailleurs depuis longtemps par Cuvier, et qui ont conduit notre vénérable et illustre confrère, M. d’Omalius d’Halloy, à compléter, par des études d’ethno¬ graphie et de géographie administrative, les résultats de sa belle carrière géologique.

J’ai cru rendre très-sensibles les rapports de la géologie et de l’ethnologie en disant qu’il y a des peuples éruptifs et des peuples sédimentaires, comme il y a des terrains éruptifs et des terrains sédimentaires, en donnant comme exemples les Français et les Anglais, et en montrant que le sol des deux capitales de la France et de l’Angleterre , qui sont d’ailleurs comme les deux foyers du bassin quasi-elliptique occupé par les terrains tertiaires les plus réguliers, offre par sa composi¬ tion de véritables symboles des caractères des deux peuples.

La solidité proverbiale du peuple anglais et son expansion colonisatrice ne sont-elles pas, en effet, représentées par la nature uniformément argileuse et foncièrement sédimentaire du terrain tertiaire de Londres? tandis que la mobilité loca¬ lisée des Français répond à la nature variée des produits d’é¬ manation qui composent le terrain parisien, produits parmi lesquels le soufre figure d’une manière si particulière.

S’il y a des peuples éruptifs et des peuples sédimentaires, il y a également des peuples volcaniques et des peuples dilu¬ viens. Les révolutions continuelles de l’Amérique tropicale ne sont-elles pas comme le reflet de la volcanicité des Andes, et aujourd’hui, l’invasion des populations des plaines Baltiques n’a-t-elle pas un caractère diluvien comme celui du sol sur lequel ces populations se multipliaient silencieusement?

Je n’ai pas besoin d’insister sur les nombreux rapproche¬ ments de détail que l’on peut faire dans nos différentes pro¬ vinces entre les propriétés du sol et le caractère des habitants.

Les Français, bien loin d’offrir le développement d’une race dominante, constituent un peuple, un peuple dans le sens moderne du mot, résultant de l’association d’une infinité de races; et, soit que ces diverses races aient surtout persisté chacune sur le sol qui convenait à son caractère, soit que Tac-

NOTE DE M. DE CHANCOURTOIS.

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climatation ait modifié diversement dans les divers lieux les caractères originaires communs que tendait à répandre chaque invasion, il est certain que Ton retrouve dans la population de la France des nuances correspondantes à toutes celles que l’on observe dans le sol et le climat de son territoire excep¬ tionnellement varié. C’est de cette variété que le peuple français tient le génie multiple qui en a fait pour ainsi dire le ferment de l’humanité.

Mais d’où vient la soudure intime de tous ces éléments di¬ vers dans une nationalité commune? Encore de l’influence du sol, dont les accidents principaux circonscrivent un territoire les populations ont forcément des intérêts communs , le territoire de l’ancienne Gaule.

Quels que soient les bouleversements politiques opérés mo¬ mentanément par les invasions, l’histoire nous montre claire¬ ment que les droits de la terre ne manquent pas de reprendre le dessus dans les groupements gouvernementaux qu’on ap¬ pelle nationalités, et que ces groupements tendent toujours à se conformer aux circonscriptions naturelles.

C’est ainsi que l’Italie vient de se reconstituer dans les limites marquées par les crêtes des Alpes.

Notre territoire n’est malheureusement pas aussi rigoureu¬ sement circonscrit; de les oscillations qu’a subies du côté nord-est la délimitation de la nationalité Française. Mais le terme fixe vers lequel tendent ces oscillations n’est pas dou¬ teux. A part les crêtes de montagnes infranchissables, aucune limite naturelle n’est plus nettement marquée en Europe que le cours du Rhin, du lac de Constance aux Pays-Bas.

Je sortirais tout à fait du cadre de la géologie en indiquant par quelles évolutions politiques on peut déjà augurer que s’effectuera l’association gouvernementale de toutes les popu¬ lations fixées à l’ouest du Rhin, association qui seule peut ouvrir une ère de paix durable pour l’Europe. Mais je demande à ajouter quelques mots sur la valeur naturelle de la frontière fournie par ce fleuve entre Bâle et Laulerbourg.

Remarquons d’abord que s’il fallait considérer la plaine du Rhin comme une région politiquement indivisible, cette région se rattacherait plus naturellement à la France qu’à la Germanie.

En effet, les Vosges n’offrent aucune crête infranchissable, même dans les régions montagneuses des Ballons, et se rédui¬ sent, vers le nord, à un plateau peu élevé, bordé de gradins très-facilement accessibles, tandis que la chaîne de la Forêt-

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SÉANCE DU 23 JANVIER 187 J.

Noire offre une ligne de démarcation aussi nette que continue dans toute la longueur du pays de Bade.

Mais cette dernière ligne elle-même ne peut être considérée comme une limite naturelle de premier ordre, car elle n’est, pour ainsi dire, que le bord du plateau du Wurtemberg, dont les sommités de la Forêt-Noire dominent à peine les parties les plus élevées.

Le Rhin, dans le parcours correspondant, constitue assuré¬ ment par sa largeur exceptionnelle et aussi par sa direction nord-sud, une limite d'une importance bien plus grande. On le reconnaît à la seule inspection des cartes, même des cartes dressées par les Prussiens.

Il sépare d’ailleurs des régions qui, sous une sorte de symé¬ trie géographique , offrent des conditions géologiques fort différentes.

La syénite des Ballons manque dans la Forêt-Noire. Les mar¬ nes irisées et les calcaires jurassiques, très-développés en Alsace, sont à peine représentés dans le pays de Bade; enfin, les terrains d’alluvion diffèrent notablement.

En un mot, l’Alsace est un pays d’une richesse variée, tandis que le pays de Bade est relativement d’une pauvreté monotone.

Nous revenons, par ces dernières observations, à l’ordre de considérations j’ai pris mon point de départ.

De cette opposition des conditions naturelles sur les deux rives du Rhin est toujours résulté une modification complète dans les sentiments des peuplades germaniques qui ont défini¬ tivement franchi le fleuve.

A la suite des anciennes invasions barbares , il s’était formé dans le bassin du Rhin, au-dessus de Cologne, une confédéra¬ tion de peuplades d’origines diverses, dont le nom gothique ail man , qui signifie tous les hommes, se trouve avoir fourni à la langue française la dénomination d’allemands , étendue par nous à l’ensemble des nations germaniques.

Mais la moitié de cette confédération établie sur la rive gauche ne tardait pas à se séparer, soit en Suisse, elle devait plus tard coopérer à la formation d’une nationalité républicaine, soit en Alsace, elle se fusionnait avec les éléments gaulois, romains, goths et francs, pour former un peuple de haute valeur qui, après s’être toujours montré l’un des promoteurs et des plus fermes soutiens de la civilisation occidentale, a fini par se souder complètement à la nationalité française.

NOTE DE AI. DE CHANCOURTOIS.

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La moitié de la confédération allemanique établie sur la rive droite se rattachait au contraire à la nationalité de la Souabe , se perpétuaient, avec une barbarie relative , les mœurs féodales dont nous voyons encore aujourd’hui des traces malheureusement trop évidentes chez toutes les races purement germaniques.

L’antagonisme subsistera et s’accroîtra même sans doute si, abattus par surprise, nous ne pouvons reprendre immédia¬ tement la force nécessaire pour délivrer l’Alsace. Il est même permis d’espérer que la captivité momentanée de nos braves concitoyens contribuera puissamment à déterminer l’associa¬ tion de tous les peuples qui vivent à l’ouest du Rhin, de même que les conquêtes éphémères de la France à l’est du fleuve ont préparé la formation de l’empire Teuton ou Germanique.

Je dis exprès empire Teuton ou Germanique, et non empire d’Allemagne, car cette dernière qualification ne convient pas à l’œuvre de la Prusse.

Le mot Allemagne, dont je rappelais tout à l’heure l’origine, ne se retrouve en aucune façon dans la langue que nous nom¬ mons allemande, mais qui est, à proprement parler, saxonne, et que nous devrions appeler teutonne ou tudesque , puisque les Saxons s’effacent, comme les Souabes, sous les Teutons. C’est un mot entièrement français et dont l’application devrait être réservée à raison même de son étymologie, qui implique une idée de fraternité tout à fait contraire au principe exclusi- viste et oppressif de l’entreprise prussienne.

Séance du 6 février 1871.

PRÉSIDENCE DE M. DE BILLY,

Membre du Conseil.

En l’absence de M. Gervais, président, et des vice- prési¬ dents, M. de Billy, membre du conseil et ancien président, prend le fauteuil de la présidence.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Le Secrétaire communique une lettre par laquelle M. P. Gervais s’excuse de ne pouvoir assister à la séance, pour cause de santé.

M. le Trésorier donne quelques détails sur l’état de la

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SÉANCE DU 20 FÉVRIER 1871.

caisse et divers points de sa gestion. Il demande qu'un ou deux membres de la Société soient adjoints à M. de Roys, le seul membre de la Commission de comptabilité présent à Paris, pour examiner et vérifier les comptes de 1870.

En réponse à cette demande, la Société décide que, en l'absence de MM. Pellat et Marcou, M. Danglure sera adjoint à M. de Roys, pour procéder à ce travail.

Séance du 20 février 1871.

PRÉSIDENCE DE M. T0URN0UER, VICE- PRÉSIDENT.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Le Secrétaire communique une lettre par laquelle M. P. Gervais s'excuse de ne pouvoir, pour cause de santé, assis¬ ter à la séance.

Il donne ensuite lecture, au nom de M.le marquis de Roys, du rapport de la Commission de comptabilité sur la gestion du trésorier pendant l'exercice 1870.

Rapport de la Commission de comptabilité sur les comptes de F exercice 1870 ; par M. le marquis de Roys, rapporteur .

Messieurs ,

Les circonstances désastreuses qui ont pesé sur la France, et le siège de Paris ont exercer leur influence sur les re¬ cettes de la Société, et , par une coïncidence fatale, elle s’est trouvée engagée, par des arrangements bien antérieurs à ces tristes événements , dans des dépenses extraordinaires. Le local qu’elle occupait, 29, rue de Fleurus, était tellement in¬ commode qu’il était devenu impossible d’y tenir les séances. Un don généreux de dix mille francs, par M. Dollfus-Ausset, lui avait permis de les transférer dans le local de la Société d’encouragement, depuis trois ans déjà. Cet état de choses ne pouvait se prolonger longtemps, et, avant nos désastres, le Conseil avait négocié la résiliation du bail avec le propriétaire

RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ.

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de l’immeuble de la rue de Fleurus et loué rue des Grands- Augustins, 7, un local parfaitement convenable, la Société trouve une belle salle de séances et une bibliothèque servant de salle de conseil, notre précieuse et déjà très- nombreuse réunion de volumes peut se loger et recevoir les agrandissements qui en feront de plus en plus une collection des plus importantes. Le Conseil, avec l’approbation de la Société , n’avait donc pas hésiter , et le marché s’était conclu avant la guerre.

On comprend que, dans cette situation, notre trésorier s’est trouvé chargé d’un travail tout à fait extraordinaire, et de dé¬ penses qui n’avaient pas été prévues au budget. Il a demandé la convocation de la commission de comptabilité. Deux des membres de cette commission, MM. Pellat et Marcou, étaient absents de Paris; le Gonseil a désigné M. DaDgiure, archiviste, qui, depuis près de six mois, a bien voulu se charger gratui¬ tement des fonctions de l’agent, devenues vacantes par la dé¬ mission de M. Laudy, pour procéder avec M. de Roys, seul membre présent, à la vérification des comptes. C’est ce travail que nous avons l’honneur de soumettre à la Société. On com¬ prendra que nous ne pouvons nous astreindre à suivre les divisions habituelles de ces rapports, et que nous devons nous borner à suivre les divisions du budget et à constater les nombreux déficits de nos recettes, les accroissements de nos dépenses.

I. Recettes.

L’article important des recettes et du revenu de la Société est celui des cotisations de ses membres. Les droits d’entrée et de diplôme, prévus pour 600 fr., se sont élevés à 720, ac¬ quittés par trente-six membres nouveaux, dont le dernier a payé ce droit le 3 août, ce qui pouvait faire espérer une augmentation plus considérable. Eli e est néanmoins encore de 120 fr. Les cotisations de l’année courante, prévues au budget pour 9,000 fr., et le nombre des membres qui les doi¬ vent, pouvait faire trouver ce chiffre très-modéré, n’ont pro¬ duit que 6,320 fr. Les recettes faites jusqu’au 1er août pouvaient garantir une augmentation considérable , mais depuis le 1er septembre, il n’a été reçu que 570 fr. Le déficit sur ce point capital est donc de 2,680 fr.! Sur les cotisations arriérées pré¬ vues pour 1,600 fr., le déficit n’est que de 20 fr, Les 1,580 fr.

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SÉANCE DU 20 FÉVRIER 1871.

avaient été payés avant le 1er août. Les cotisations anticipées ne se sont élevées qu’à 90 fr. au lieu de 250. C’est ordinaire¬ ment au mois de décembre que cette recette est la plus forte. Les cotisations une fois payées ont atteint exactement le chiffre prévu. Le chiffre de ces recettes s’est donc élevé pour l’année à 10,210 fr. au lieu de 12,450, et le déficit est de 2,240 fr.

La vente du Bulletin , prévue pour 1,200 fr., ne s’est élevée qu:à 1,068 fr. 20 c. ; mais ce déficit est plus que compensé par les recettes extraordinaires soldées parles membres dont les communications excédaient l’étendue fixée par la Société. La recette totale a donc été de 1,576 fr. 20 c. ; augmentation : 376 fr. 20 c. Nous ne savons si la Société doit s’en féliciter, car l’allongement des mémoires , qui d’ailleurs nuit générale¬ ment à leur intérêt, malgré la part de dépense mise à la charge des auteurs, coûte plus qu’il ne rapporte.

Les Mémoires n’ont rapporté que 275 fr. 60 c. au lieu de 500 fr.; V Histoire des progrès de la géologie a produit 52 fr. 50 c.; la vente de la Table des vingt premiers volumes , 49 fr. 60 c. Les allocations ministérielles portées au budget pour 2,100 fr. se sont réduites à 1,850. Seuls, les arrérages des rentes et des obligations de chemins de fer n’ont pas varié.

En résumé, le chiffre total des recettes prévues fr> Ct

au budget pour . . . . . 22,501 16

S’est élevé seulement à . 17,227 38

Le déficit est donc de cinq mille deux cent soixante-treize francs soixante-dix-huit cent. 5,273 78

IL Dépenses.

Si nous avons à déplorer un déficit considérable à la fin d’un exercice qui, dans les six premiers mois, s’était annoncé d’une manière qui devait nous faire concevoir de justes espé¬ rances, les dépenses se sont accrues, comme nous l’avons déjà annoncé en commençant, d’une manière désastreuse. Dans notre rapport sur l’exercice précédent, nous avions déjà annoncé que, si l’année se terminait avec un reste apparent dans notre caisse, il y avait en réalité un déficit considérable, puisque nous étions en arrière d'environ 6,000 fr. envers notre imprimeur, M. Blot, qui n’avait point encore présenté ses factures. Nous avons pu en acquitter quelques-unes, mais en contractant envers lui une nouvelle dette, pour l’impression

RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 47

du tome suivant du bulletin, et nous avons à y ajouter les dé¬ penses imprévues au moment le budget avait été voté, du déménagement, des frais indispensables d’installation dans le nouveau local. Mais reprenons l’ordre du budget.

Les trois premiers articles du budget sont relatifs à l’agent. Lorsque M. Laudy fut nommé, il devait recevoir seulement 1,800 fr. Depuis, on lui accorda 300 fr. de travaux extraordi¬ naires, votés pour la première fois en 1855, pour l’Exposition universelle, et 400 fr. d'indemnité de logement, qui ne lui avaient point été promis. Il y avait encore cinq mois à courir sur l’année 1870, lorsque sa santé l’obligea à donner sa démis¬ sion. Le Conseil lui a maintenu ses trois traitements jusqu’à la fin de l’année. La dépense a été faite régulièrement , et comme comptabilité, nous n’avons aucune observation à faire à cet égard.

Cependant, comme nous avons le droit et même le devoir d’émettre des vœux pour l’avenir, nous pensons devoir, en signalant l’économie qui résultera, pour les premiers mois de 1871, de l’offre de M. Danglure de remplir gratuitement les fonctions d’agent, demander que ces fonctions soient désor¬ mais données non pas à un homme de science, mais à des employés pour lesquels un supplément de 1,000 à 1,200 fr. sera fort agréable. Lorsque les secrétaires, trésorier et archi¬ viste voudront bien remplir leurs fonctions avec le zèle et le soin qu’y apportent les titulaires actuels, le travail réel de l’agent se réduira singulièrement, et trois jours de présence, de onze heures à cinq heures par semaine, y suffiront ample¬ ment, outre son assistance aux séances.

Nous n’aurions aucune observation à faire sur les gages du garçon, si nous ne pensions que le budget aurait ne pas comprendre les gratifications dans les attributions de gages, ce qui rend leur acquittement à peu près indispensable. Elles devraient être comprises dans les dépenses diverses. Ces quatre articles s’élèvent ensemble à 3,500 fr.

Le double loyer pendant quelques mois a élevé à 3,104 fr. 55 c., ce qui a été soldé sur cet article, outre une indemnité de 4,400 fr. payée au propriétaire de la maison de la rue de Fleu- rus; en totalité 4,504 fr. 55 c., au lieu de 2,870 fr. qui avaient été votés. L’augmentation déjà acquittée est donc de 1,634 fr. 35 c., non compris 1,100 fr. encore dus rue de Fleurus et qui devaient être payés par annuités et 3,000 fr. que nous devions payer par anticipation au nouveau propriétaire. La

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SÉANCE DU 20 FÉVRIER 1871,

Société de Météorologie devra entrer pour une petite part dans cet accroissement de dépenses. Il sera peut-être possible, dans des temps plus heureux, de louer notre belle salle de séances pour d’autres sociétés savantes.

Il n’a encore été payé sur le chauffage et éclairage que 495 fr. 60 c. sur 550 fr. votés. Nous devons espérer quelques réductions sur cet objet, grâce à nos nouveaux appareils de chauffage dont l’établissement est encore dû.

Sur les quatre articles de dépenses, ports de lettres, impres¬ sions d’avis et change, qui forment ensemble 755 fr. au budget, il a été payé 649 fr. 50 c. ; boni, 105 fr. 50 c.

Sur le mobilier, au lieu de 800 fr., il a été payé 693 fr. 90 c., et sur la bibliothèque, portée pour 300, 142 fr. 65 c. ; boni, 157 fr. 35 c. ; mais nous devons tous les mémoires du me¬ nuisier et du peintre pour notre nouvel établissement.

Sur l’impression et le port du Bulletin, prévus ensemble pour 9,500 fr., il a été payé seulement 6,191 fr. 35 c.; mais nous devons environ 7,000 fr. à l'imprimeur. Nous avons aussi acquitté une somme de 300 fr. en menus frais sur les mé¬ moires et 43 fr. en menues dépenses imprévues.

On comprend que, dans notre triste situation, nous n’ayons pu placer les 1,500 fr. soldés pour cotisations une fois payées. Nous avons eu aussi une augmentation de 50 fr. sur la pension de l’ancien garçon de bureau pour son déménagement.

III. Résumé et conclusions.

En résumé, la totalité des dépenses acquittées au 31 dé¬ cembre dernier s’est élevée à la somme totale de 16,474 fr. 05 c.

Les recettes étaient de. . . . 17,227 fr. 38c.

Les dépenses de . 16,474 05

Il restait en caisse au 1er janv. . 753 33

Ce compte ne serait point complet si nous ne présentions un aperçu des sommes que nous devons acquitter dans un délai peut-être prochain, car elles sont toutes exigibles. Nous devons donc :

RAPPORT DE LA COMMISSION DE COMPTABILITÉ. 49

A l’imprimeur Blot, environ . 7,000fr.

Au propriétaire, rue des Grands-Augustins. . 3,000

Au propriétaire, rue de Fleurus . 1,100

Au lithographe Becquet . 600

Loyer de la Société d’encouragement . 300

Au menuisier. . .t . 400

Au peintre . 300

Au brocheur . 300

Au serrurier . . ... 200

10° A Roy pour charbon . 150

11° A Grandjean pour le déménagement . 150

Total treize mille cinq cents francs. 13,500

Dans une situation aussi fâcheuse, nous espérons que tous nos collègues qui ont laissé arriérer leurs cotisations, voudront bien se hâter de les acquitter ainsi que leurs cotisations cou¬ rantes.

En terminant, nous demanderons à la Société de vouloir bien approuver les comptes présentés par son trésorier et lui voter des remerciements pour le zèle et l’intelligence qu’il a dé¬ ployés dans ses fonctions, que les circonstances actuelles ont rendues si difficiles et si pénibles.

Mis de Roys, E. Danglure.

Rapporteur.

Après quelques observations présentées par MM. Chaper, Jannetaz, Gaudry, etc., sur divers points de ce rapport, notamment sur les conditions à exiger d’un agent, et sur la part contributive des membres dans les frais d’impres¬ sion de leurs mémoires, les conclusions du rapport sont adoptées.

Séance du 6 mars 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Le Président annonce ensuite une présentation.

Soc. géol.9 série, t. XX.VÜL. 4

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SÉANCE DU 20 MARS 1871.

Le Secrétaire communique une lettre dans laquelle M. de Roirville lui annonce la douloureuse perte que la science et la Société ont faite, il y a quelques semaines, en la per¬ sonne de M. Émilien Dumas, l'un des doyens des géologues du Midi. Cette triste nouvelle est accyeillie par d'unanimes regrets, et le Secrétaire est chargé de prier M. de Rouville de vouloir bien rédiger une Notice nécrologique sur notre savant et regretté confrère.

M. Marcou annonce que Sir Roderick I. Murchison a été frappé, il y a quelque temps, d'une hémiplégie, mais que son état de santé s'améliore. M. le Président et le Secré¬ taire écriront une lettre de sympathie à Fillustre Directeur du Geological Survey d'Angleterre.

Séance du 20 mars 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Par suite delà présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société :

M. Émile Demeules, licencié ès sciences naturelles, interne en médecine à l'hôpital de la Charité, à Paris, présenté par MM. Danglure et Collomb.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de M. de Helmersen :

Uber Meeresmucheln aus der Nôrdlich vom Syr-Darja lie- genden Sandwüste Kara-kum , in-8°, 4 p., 1868;

Notiz uber die Berge Ak-tau und Aara-tau aufder Halbinsel Mangyschlaki ara Ostuferdes Kaspischen Meeres , in *8°, 10 p., 4870;

liber die Braunkohlenlager bei Smela im Gouvernement Kjew und bei Jelisawetgrad im Gouvernement Cher son, in- 8°, 40 p.,

1870.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

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Le Président annonce la mort de M. Éd. Lartet, ancien président de la Société. Cette douloureuse nouvelle est accueillie par d’unanimes regrets.

Le Président communique une lettre par laquelle Sir R. I. Murchison remercie le Conseil et la Société de la sympathie qu’ils lui ont témoignée.

Séance du 19 juin 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Le Président annonce ensuite une présentation.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de M. Delanoue , 1 0 Bu rôle des corps gazeux dans les 'phénomènes volcaniques ; Mode de formation de quelques roches volcaniques aux environs du Puy en Velay , in-8°, 10 p., Paris, 1870.

De la part de M. Ernest Favre, Étude sur la géologie des Alpes : Le massif du Moléson et les montagnes environnantes dans le canton de Fribourg , in-8°, 48 p., 2 pl. ; Genève, 1870, chez Georg.

De la part de M. Ch. Grad, Observations sur les recherches de M. Payer sur les glaciers du Groenland , in -8°, 22 p.; Genève, 1871.

De la part de M. H. Le Hon, Préliminaires d’un mémoire sur les Poissons tertiaires de Belgique, in-8°, 16 p.; Bruxelles, 1871, chez H. Merzbach.

Bulletin de la Société de géographie, année 1870.

Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , t. XL, 1870.

Mémoires de la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève , t. XX, 2e partie, 1870.

Atti délia Societa ltaliana di scimze naturali , t. XII, année 1869; Milan.

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SÉANCE DU 19 JUIN 1871.

Le Président annonce la mort de M. le Chevalier de Hai- dinger. M. Danbrée accepte de rédiger une Notice nécrolo¬ gique sur ce savant distingué.

L’ordre du jour appelle l’examen et le vote des proposi¬ tions suivantes, soumises par le Conseil à l’approbation de la Société :

« La Société continuera à tenir ses séances pendant les deux mois de juillet et d’août.

« La séance générale de 1871 est fixée au lundi 4 sep¬ tembre, à 8 heures du soir.

« Cette séance tiendra également lieu de réunion ex¬ traordinaire pour 1871. Des courses auront lieu aux envi¬ rons de Paris, pendant la semaine du 5 au 10 septembre. »

Après un exposé, fait par M. le Président, des motifs qui ont inspiré ces propositions au Conseil, et quelques obser¬ vations de MM. de Billy, Daubrée, Benoît, Chaper, etc., ces résolutions sont adoptées. Une circulaire les portera à la connaissance des membres de la Société.

M. Demeules communique un mémoire sur Y âge du cal - caire de Château- Landon.

Au sujet de cette communication, M. Douvillé fait observer que la superposition des sables de Fontainebleau au calcaire de Château-Landon est démontrée depuis 1844. On trouve en effet dans Y Essai d'une description géologique du département de Seine-et-Marne , par M. de Sénarmont , publié à cette époque, une coupe très-exacte d’une des carrières de Château- Landon (p. 206); dans cette coupe se trouve mentionnée, au- dessus du calcaire d’eau douce exploité, une couche de cal¬ caire grossier, sableux, blanchâtre, à coquilles marines, dont le niveau géologique est nettement indiqué un peu plus loin dans le texte : « Ges couches à coquilles marines représentent la partie basse de l’assise des sables supérieurs. » Sur la carte géologique du même département, publiée par H. de Sénar¬ mont, le calcaire de Château-Landon est teinté comme faisant partie du groupe lacustre inférieur. La légende annexée à la carte indique que ce groupe comprend le travertin de la Brie, les marnes vertes et le travertin inférieur avec gypse en amas.

OBSERVATIONS DE M. DOUVILLÉ.

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M. Douvillé ajoute ensuite quelques mots pour préciser la position de ce calcaire, telle qu’elle vient d’être établie par les ingénieurs attachés au service de la Carte géologique détail¬ lée de la France.

Aux environs de Fontainebleau, la succession des couches est très-nette : à la base, sur les bords de la Seine, on exploite un calcaire bréchiforme que l’on peut suivre, d’un côté, jus¬ qu’à Paris (calcaire de Champigny), et de l’autre, jusqu’à Mon- tereau; près de cette ville, on rencontre quelquefois, à la base de ce calcaire, des indices de fossiles marins, et au-dessous, des lambeaux de marne avec les fossiles d’eau douce du cal¬ caire de Saint-Ouen. Comme à Champigny (1), ce calcaire est bien ici l’équivalent du gypse.

Au-dessus se développe un système marneux assez impor¬ tant, composé de trois termes : des marnes, probablement d’eau douce, représentant le prolongement des marnes à ciment de Pantin; des marnes et glaises vertes offrant quelquefois (Héricy) une couche mince intercalée de calcaire oolitique (calcaire à ossements de tortue de Villejuif); la formation marneuse de la Brie. Ce dernier étage est loin d’être ici exclusivement marneux, il renferme en outre des calcaires rosés avec empreintes de Cyclostome strié, des silex cacho- longs et un calcaire bleu ou gris foncé, rempli de fossiles d’eau douce, remarquable par son odeur fétide.

L’étage de la Brie est recouvert par le système des sables de Fontainebleau. La base de cette formation est ordinaire¬ ment cachée par les éboulis des sables et par suite rarement visible; on peut y remarquer en quelques points, notamment à la ferme d’Oseille, près Dormelles, un calcaire marin rempli de milliolites, très-analogue au calcaire cité au même niveau, par M. Hébert, à Juvisy (2), et des marnes ou calcaires plus ou moins sableux, caractérisés par l’abondance de YOstrea cyathula. C’est le prolongement de ces couches qui a été in¬ diqué à Château-Landon par H. de Sénarmont.

La route qui monte au nord de Champagne (rive droite de la Seine, près le confluent du Loing) donne une bonne coupe des couches inférieures aux sables de Fontainebleau : le cal¬ caire fétide y est développé et très-fossilifère. En face, à Moret, on retrouve la même succession de couches : le calcaire de

(1) Hébert, Bull. Soc. géol 2e série, t. XVII, p. 800, 1860.

(2) Bull. Soc. géol., 2e série, t, XIII, p. 604, 1856.

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SÉANCE DU 19 JUIN 1871.

Champigny est très-largement exploité sur les bords de la Seine et du Loing, les marnes vertes se montrent en plusieurs points dans les tranchées du chemin de fer, et, un peu au- dessus, les fouilles exécutées pour les travaux de dérivation des eaux de la Dhuys ont mis à découvert le calcaire fétide. Si de on remonte la vallée du Loing, on voit que les marnes vertes disparaissent rapidement; le système de la Brie prend de la cohésion, les marnes sont remplacées par des calcaires, tandis que le calcaire de Champigny, toujours bien reconnais¬ sable à sa structure noduleuse, devient de plus en plus inco¬ hérent, et finit par disparaître au sud de Nemours. Déjà ici l’étage de la Brie se présente sous forme d’un calcaire dur, compacte, pouvant donner de la pierre de taille : il est en général de couleur rosée, mais on y rencontre par places des parties noires et fétides. A mesure que l’on s’avance vers le sud, cette couche prend de plus en plus d’importance, elle repose immédiatement sur la formation de l’argile plastique, et on peut la suivre sans interruption jusqu’au delà de Château-Land on.

La description minéralogique du marbre de Château- Landon a été donnée avec une grande exactitude dans la Description géologique des environs de Paris , par Cuvier et Brongniart (3e édition, 1835, p. 504) : il y est fait mention de la couleur brunâtre et même noirâtre qu’il présente dans quelques-unes de ses parties, ainsi que de la plus grande richesse en fossiles d’eau douce des parties noires et un peu argilo-bitumineuses. Ce sont bien les caractères qui viennent d’être signalés dans l’étage de la Brie depuis Champagne.

Ce niveau, ainsi nettement caractérisé par sa couleur plus ou moins noire, son odeur fétide et sa richesse en fossiles d’eau douce (malheureusement peu déterminables) (1), se retrouve dans toute la région comprise entre le Loing et la Seine ; il a été suivi jusqu’à Montereau, et même jusqu’à Provins. Dans tous les points les marnes vertes sont visibles, il est supé¬ rieur à ces marnes. On s’est trouvé ainsi conduit à préciser davantage la position attribuée par H. de Sénarmont au cai- caire de Château-Landon et à le placer au niveau du travertin de la Brie.

(1) Postérieurement à la date de cette communication, j’ai vu que M. Hébert, dans le mémoire déjà cité ( Bull série, t. XVII, p. 800), indique au niveau du calcaire de Brie, et comme provenant de Château- Landon, le Planorbis cornu et la Limnea cornea.

NOTE DE M. MEUGY. 55

Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Meugy :

Réplique à la note de M. Piette sur le Lias (1); par M. Meugy.

Je ne puis me dispenser de répondre quelques mots à la note que M. Piette a fait insérer au Bulletin (t. XXVI , p. 602, séance du 2 mai 1870), pour combattre les considérations que j’ai exposées sur la formation du Lias.

Quand on n’envisage pas les faits au même point de vue, il n’est guère possible de s’entendre. M. Piette admet des zônes fossilifères qui peuvent exister réellement quand on embrasse à la fois un certain nombre de couches se rapportant à un même terrain ou à une même époque géologique, mais qui peuvent n’être qu’illusoires quand on veut restreindre ces zônes dans des limites trop resserrées. De mon côté, j’appuie ma manière de voir sur le caractère géométrique, c’est-à-dire sur les faits de superposition et de continuité. De là, le désac¬ cord entre nous.

Je ferai abstraction de toute espèce d’amour-propre devant les attaques dirigées par notre collègue contre mon mémoire et, en cela, je ne fais que justifier le but commun que nous poursuivons : la recherche de la vérité. Si j’ai commis des erreurs, je ne demande pas mieux que de les reconnaître et je n’aurai pas à les regretter, en ce sens qu’elles auront au moins servi à mettre plus en lumière les solutions proposées jusqu’ici par les savants paléontologistes, MM. Terquem et Piette. Mais jusqu’à ce que ces erreurs soient bien démon¬ trées, je prie mon honorable contradicteur de suspendre en ma faveur ce que son jugement peut avoir de trop absolu. Car les sciences d’observation ne me semblent pas comporter des idées trop exclusives, et ce qui paraît erroné aujourd’hui peut devenir vrai demain. Le temps exerce ici une grande part d’influence, puisque avec lui, les faits s’observent toujours plus nombreux et acquièrent de plus en plus de valeur, en rai¬ son des conditions nouvelles dans lesquelles ils peuvent être constatés.

M. Piette m’accuse de méconnaître un principe élémentaire

(1) Les circonstances de guerre expliquent le retard apporté dans l’in¬ sertion de cette réplique. M.

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SÉANCE DU 19 JUIN 1871.

consistant en ce qu’à toutes les époques, les mers ont pré¬ senté, comme de nos jours, des fonds de nature variée. À Pieu ne plaise que je conteste un tel fait. Mais à côté de ce principe, il y a celui des assises régulières et celui de la con¬ tinuité, c’est-à-dire que, quand un dépôt compris entre deux plans de stratification se poursuit sans interruption sur une grande surface, toutes les parties de ce dépôt, qu’elles soient partout minéralogiquement identiques ou qu’elles diffèrent plus ou moins entre elles à certaines distances, sont certaine¬ ment contemporaines. De plus, quand il y a des variations dans le caractère minéralogique, ces variations ne s’opèrent pas ordinairement d’une manière brusque, mais bien par de¬ grés, de manière à laisser voir le passage d’une roche à l’au¬ tre. J’ajouterai que les fonds vaseux admettent, la plupart du temps, des animaux d’espèces différentes, suivant leur na¬ ture, quand, par exemple, le calcaire y est ou non prédo¬ minant. De sorte qu’en suivant le même niveau géologique, il peut arriver qu’on rencontre en un point des fossiles qui n’existaient pas dans un autre. La faune fossile d’une même couche peut donc varier avec la composition du mi¬ lieu, comme elle varie avec la profondeur des mers et avec la latitude.

Ce sont certainement des principes qui ne sont pas moins vrais que celui rappelé par M. Piette. Et je pourrais lui dire, à mon tour, que peut-être (car je ne serai pas aussi affirmatif vis-à-vis de lui qu’il l’a été vis-à-vis de moi), que peut-être il a pu se tromper en accordant trop d’importance au caractère paléontologique.

Le diagramme inséré à la page 613 de sa note, me donne bien le droit, je pense, d’émettre un doute au sujet des con¬ clusions de notre collègue, car on y voit le même dépôt con¬ tinu traversé par des zones coquillères différentes. Ainsi , par exemple, celui figurent sous les nos 4, 5 et 7, les marnes d’Helmsingen, de Jamoigne, de Warcq et de Strassen, com¬ prend à la fois trois zones superposées horizontalement l’une à l’autre, et qui sont de bas en haut : la zone à Ammonites pla - norbis , celle à Am. angulatus , et celle à Am. bisulcatus. N’est-ce pas comme si l’on disait qu’une même couche est carac¬ térisée à sa partie supérieure par Y Am. bisulcatus , à sa partie moyenne par VAm. angulatus, et à sa partie inférieure par Y Am. planorbis ? Si cette conséquence ne résulte pas immédia¬ tement de la figure, je ne sais pas ce que celle-ci signifie, à

NOTE DE M. MEUGY.

S7

moins qu’on ne prétende soutenir que les dépôts ne se for¬ ment pas parallèlement aux plans de stratification. Or, en envisageant les choses de cette manière, je suis d’accord avec M. Piette, en ce sens qu’une même assise peut renfermer des fossiles différents. Mais alors il ne faudrait pas parler de zônes qui n’ont rien à faire avec la stratification et qui, comme le montre le diagramme auquel je renvoie, peuvent s’appliquer à plusieurs couches successives. Pour rendre plus clairement ma pensée, je suppose que des fossiles A, B, C, soient répan¬ dus à divers niveaux dans deux couches superposées l’une à l’autre :

fera-t-on une zône A, une zone B, une zône C? En agissant ainsi, on raccorderait entre elles des couches ou plutôt des parties de couches qui n’ont évidemment aucun rapport et qui sont d’époques différentes.

Je neveux pas dire que M. Piette soit tombé dans cette erreur, et j’aime mieux croire que son diagramme a mal rendu sa pensée. Mais enfin, ce diagramme, tel qu’il est, semble conduire à des conclusions qui sont tout à fait en opposition avec celles qui résulteraient de la stratigraphie.

Que si notre collègue entend qu’à chaque époque, il y a eu, d’un côté, un dépôt de marnes, et, de l’autre, un dépôt de grès synchroniques, qu’il veuille bien indiquer les points de jonction des deux roches dans une même zône. Et s’il se fonde uniquement sur la faune pour rapprocher ces dépôts, je lui dirai que cette faculté peut lui être contestée, non-seu¬ lement en raison de la continuité qu’affectent les couches de marnes ou de grès, mais aussi parce qu’il ne peut se flatter de connaître d’une manière complète tous les fossiles de chaque terrain. Et en vérité, il paraîtrait bien singulier qu’au passage

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SÉANCE DU 19 JUIN 1871.

de deux époques fossilifères consécutives, les dépôts de marnes et de grès pussent se raccorder entre eux de manière à pré¬ senter par leur ensemble l’aspect de véritables couches con¬ stituées, soit par l’une, soit par l’autre roche.

M. Piette affirme (p. 612 de sa note) n’avoir jamais dit que la marne à gryphées arquées de Strassen se réunit à celle de Jamoigne pour séparer le grès de Luxembourg des calcaires sableux et en faire deux massifs distincts. Cependant la marne de Strassen est bien indiquée sur la légende du diagramme (p. 613) sous le 7, avec la marne de Jamoigne et celle de Warcq. Or, si la marne de Strassen se trouve réellement dans le prolongement de celle de Warcq, celle-ci étant inférieure aux calcaires sableux, tandis que celle-là est supérieure au contraire au grès de Luxembourg, il est bien clair que dans cette hypothèse les grès calcaires de l’est et de l’ouest seraient séparés l’un de l’autre par la couche marneuse.

Continuons l’examen du même diagramme. On y voit encore indiquées sous le 9 les marnes de Strassen et de Warcq dans la zone à Belemnites brevis. Or, je me demande comment il peut se faire que ces marnes, portées sous le même numéro et considérées par suite comme appartenant au même horizon géologique, malgré les altitudes si différentes des deux loca¬ lités, puissent se trouver d’un côté inférieures et, de l’autre côté, supérieures au même banc de grès, comme l’indique la figure.

Autre remarque. Les n0B 1, 2, 3, 4, etc., se rapportant à la série des couches successives classées par ordre d’ancienneté, la marne à Belemnites brevis (n° 9) devrait être recouverte par le grès que caractérise le même fossile (n° 10), tandis que dans la coupe d’Arîon à Habay ( Bull ., t. XIX, pl. VIII, fig. 1), c’est la marne au contraire (n° 7) qui recouvre le grès (n° 6).

Enfin, si la zône à Ammonites planorbis n’a jamais contenu d 'Ostrea arcuata , comme l’affirme M. Piette (p. 607), comment se fait-il que ces deux fossiles se trouvent précisément réunis dans les calcaires marneux de la colline d’Helmsingen? (Bull. , t. XIX , pe 348).

Serait-ce le résultat d’un classement basé exclusivement sur les fossiles ? Je serais disposé à le croire, quand j’entends M. Piette faire appel à ma logique (p. 612) pour reconnaître qu’à l’époque du Lias inférieur, des marnes et des grès ont pu se former synchroniquement. Mais le motif sur lequel notre honorable collègue s’appuie pour m’adresser cet appel ne me

NOTE DE M. MEUGY.

59

paraît pas fondé, car il n’y a pas absence de relation minéra¬ logique, comme il parait le croire, entre le calcaire sableux moyen des Ardennes et les marnes à Ostrea cymbium de la Moselle, et je crois avoir déjà fait remarquer dans ma note que ce calcaire sableux à gryphées cymbium devient très- marneux vers sa partie supérieure, comme on peut l’observer à Villette, près de Sédan.

Je n’irai pas plus loin dans cette réplique, et je répéterai ici qu’en ce qui concerne le raccordement des couches basi¬ ques du Luxembourg avec celles des Ardennes, la question la plus grave qui reste en suspens est celle du prolongement de la marne à gryphées arquées de Strassen vers l’ouest. Se soude-t-elle à celle de Jamoigne, ou bien se perd-t-elle aux environs d’Arlon? D’après la grande coupe d’Arlon à Habay, (Bull., t. XIX, p. 344), elle est indiquée sous le 5, elle existerait encore et paraîtrait môme assez développée entre Heinsch et Stokem ; mais les auteurs n’ayant donné que la succession des assises sans faire connaître leurs épaisseurs, on reste indécis sur le point de savoir si cette marne, dont la puissance est de 5 à 10 mètres seulement aux environs de Luxembourg, tend à s’amincir vers l’ouest, du côté de Sto¬ kem, tout en se tenant à distance des marnes de Jamoigne, qui affleurent sur la rive droite de la Semois. J’ai adopté cette dernière opinion qui est celle de M. Dewalque, et qui est aussi conforme aux indications portées sur la carte géologique de la Belgique, par A. Dumont, bien que je reconnaisse qu’elle aurait besoin d’être appuyée par quelques nouvelles obser¬ vations.

Le secrétaire communique un travail de M. Ch. Grad sur Y Histoire de la géologie stratigraghique . Ce travail est renvoyé à l’examen de la Commission du Bulletin.

M. Marcou signale l’existence de traces incontestables de glaciers (stries) près de Salins, sur la route de Pontarlier, à l’altitude d’environ 340 mètres, et à Passenans, près Lons- le-Saulnier, vers la côte, 280 mètres.

M. Gervais se charge de rédiger une notice nécrologique sur M. Ëd. Lartet.

60

SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

Séance du 10 juillet 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAlS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société :

M. Eug. Berson, à Meulan (Seine-et-Oise), présenté par MM. P. Gervais et Jannetaz.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de MM. Delesseet de Lapparent, Revue de géologie pour les années 1867 et 1868 (t. VII), in-8°; Paris, 4871, chez Dunod.

De la part de M. P. Cazalis de Fondouce, Documents sur la période préhistorique fournis par la région du département de l'Hérault, in-8°, 36 p.; Montpellier, 1870, chez J. Martel aîné.

De la part de M. Th. Davidson :

British fossil Brachiopoda. Silurian , part. VII, 4 ; p. 249- 397, pl. 38-50, in-4°; Londres, 1871.

On ltalian tertiary Brachiopoda , lre et 2e parties, in-8°, 28 p., 5 pl.; Londres, 1870, chez Trübner and G0.

De la part de M. A. d’Achiardi, Alla memoria di Paolo Savi , in-8°, 58 p.; Pise, 1871, chez Nistri frères.

Comptes rendus de la Société scientifique et littéraire d'Alais , tomes I et II, 1869 et 1870.

Bulletin de la Société des sciences naturelles de Strasbourg , lre année, 1868.

Mémoires de la Société des sciences naturelles de Strasbourg ,

t. VI, 1866-1870.

Bolletino del Real Comitato geologico d'ïtalia , lre année, 1870.

M, Parran présente de la part de la Société scientifique et littéraire qui vient de se fonder à Alais, les deux premiers

NOTE DE MM. DELESSE ET DE LAPPARENT.

61

volumes des comptes rendus de cette Société. (V. la Liste des dons). Il demande que la Société géologique veuille bien échanger son Bulletin contre les publications de la Société d’Alais. Cette demande est renvoyée à l’examen du Conseil.

M. Delesse fait hommage à la Société, tant en son nom qu’au nom de son collaborateur, M. de Lapparent, du tome VII de la Revue de Géologie (Y. la liste des dons).

Cet ouvrage était terminé depuis plus de neuf mois, mais les sièges successifs de Paris ont retardé sa publication jusqu’à cette époque.

Comme les années précédentes, la Revue de Géologie cherche à donner une analyse succincte et méthodique des nombreux travaux qui contribuent à enrichir la science. La classification qu’elle a adoptée est à peu près celle de M. J.-D. Dana, et comprend cinq parties :

Préliminaires et géologie physiographique . Orographie et traits principaux de la surface du globe.

Géologie lithologique. Étude des roches et de leur gise¬ ment. Roches proprement dites et roches métallifères.

Géologie historique. Étude des terrains au point de vue stratigraphique et paléontologique. Lois du développement des végétaux et des animaux qui vivaient pendant la formation de ces terrains.

Géologie géographique. Examen des cartes et des des¬ criptions publiées sur les différentes régions géologiques.

Géologie dynamique . Étude des agents et des forces qui ont produit des changements géologiques, ainsi que de leur mode d’action. Systèmes de montagnes. Métamorphisme. Cosmogonie.

M. Delesse a spécialement traité la deuxième partie, com¬ prenant les roches ou la géologie lithologique; il s’est occupé également de ce qui est relatif aux phénomènes actuels et au métamorphisme.

M. de Lapparent s’est chargé de la troisième partie, com¬ prenant les terrains ou la géologie historique; il s’est chargé en outre des systèmes de montagnes.

M. Gruner fait la communication suivante :

62

SÉANCE DU 10 JUILLET 1871,

Note sur les Nodules phosphatés de la Perte du Rhône ; par M. L. Grimer.

On sait, depuis longtemps, par les travaux du Dr Fitton et de M. Àusten en Angleterre, de MM. Berthier, Élie de Beau¬ mont, Delanoue, Meugy, etc. en France, que les étages infé¬ rieurs du terrain crétacé, et, parmi eux, particulièrement le Gault , sont riches en nodules phosphatés. On a cru longtemps que ces nodules étaient de véritables coprolithes , pareils à ceux que le Dr Buckland avait fait connaître, dès 1829, dans le lias de Lyme-Regis. Mais, ainsi que le remarque M. Élie de Beau¬ mont, dans son beau travail sur l’utilité agricole du phosphore, les nodules du Gault semblent être plutôt des concrétions que de véritables coprolithes. Le Dr Fitton n’y a découvert ni frag¬ ment d’os, ni écailles de poissons. Il y constata des débris de coquilles, réunis et cimentés par une masse terreuse, de cou¬ leur foncée, essentiellement formée de phosphate et de carbo¬ nate de chaux, masse teintée en brun par une matière orga¬ nique de nature bitumineuse ou animale.

M. Daubrée^ dans son rapport sur les phosphorites de l’Expo¬ sition de 1867, paraît aussi considérer les dépôts phosphatés du Gault, comme de simples nodules , formés par voie de con¬ crétion, et déclare qu’on leur donne, à tort, dans le commerce, le nom de coprolithes.

En examinant, en effet, les nombreux échantillons de no¬ dules phosphatés, déposés à l’École des Mines par M. de Mo- lon, on y reconnaît aisément de véritables concrétions. Des fragments de coquilles ont été réagglutinés par une masse terreuse, plus ou moins brunie par une matière organique. Ces nodules proviennent surtout des Ardennes, de la Meuse, de la Sarthe et de l’Yonne.

Ayant eu récemment occasion de visiter plusieurs fois les environs de la Perte du Rhône, j’en ai profité pour étudier la composition et la manière d’être des phosphates que l’on vient de découvrir aussi sur ce point dans le terrain du Gault. Je tenais à constater surtout la véritable nature de ces prétendus coprolithes.

Tout le monde connaît les terrains de la Perte du Rhône. MM. de Saussure, Necker, Hier, Y. Pîctet, A. Favre, s’en sont successivement occupés, et M. Renevier en a publié, en 1853, une description détaillée, fort exacte, avec carte géologique à

NOTE DE M. GRUNER.

63

l’appui. Le savant professeur de Lausanne a étudié, couche par couche, et déterminé avec beaucoup de soin les nombreux fossiles de chacun des bancs. Or il n’y mentionne ni nodules, ni coprolithes, et ne parle pas de la présence des phospates, dont on ne soupçonnait pas alors l’existence. En effet, on ne voit là, ni dans le Gault, ni dans les étages supérieurs ou infé¬ rieurs, aucun nodule d’apparence coprolithique et même au¬ cune concrétion proprement dite, rien qui ressemble à un ag¬ glomérat formé de fragments de coquilles ressoudés en nodules par un ciment terreux; et cependant il s’y trouve de nombreux fossiles riches en phosphates. Ce sont, comme je vais le mon¬ trer, les moules eux-mêmes des coquilles fossiles, qui sont for¬ més d’un mélange, ou d’un composé intime, de phosphate et de carbonate de chaux. Les moules sont d’ailleurs presque tous entiers, la plupart munis de leur test, et, en tous cas, non cimentés les uns aux autres en nodules irréguliers. Si, parmi eux, il y a de véritables coprolithes, ils doivent être extrême¬ ment rares.

Voici la coupe du terrain, d’après M. Renevier :

Au-dessous du diluvium et de la molasse tertiaire viennent . d’abord les marnes et sables supérieurs du Gault , dont la puis¬ sance, en amont de la Perte et le long du Rhône, atteint 75 mètres. Ailleurs, cependant, cette épaisseur est plus faible; les eaux agitées, qui ont déposé la molasse coquillière, ont remanier ces assises meubles, car, sur plusieurs points, le grès tertiaire repose presque directement sur le Gault propre¬ ment dit. Les marnes et les sables supérieurs ne renferment d’ailleurs ni fossiles ni phosphates.

Sous ces sables on rencontre le Gault (l’Albien de d’Orbi- gny); sa puissance ordinaire est, sur ce point, de 6 à 7 mètres. Or, vers le milieu de cette masse argilo-sableuse , riche en glauconie, se trouvent trois bancs, remplis de fossiles, dont les deux premiers reposent directement l’un sur l’autre :

Le supérieur , désigné sous la lettre a par M. Renevier, est un grès jaunâtre, tendre, de 0m,80;

Le moyen , marqué à, est un sable bleu verdâtre, légèrement argileux, de 0m,60.

L’ inférieur, séparé du banc moyen par 1 à 2 mètres de sable verdâtre marneux, se compose surtout d’un assemblage confus de coquilles friables parmi du sable vert : c’est le banc c de M. Renevier, à la base même du Gault; son épaisseur utile est de Om,40.

64

SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

Ce sont les moules des nombreux fossiles de ces trois bancs qui se composent surtout de phosphate de chaux. La puissance du banc phosphaté est, par suite, de !m,80.

Les fossiles les plus nombreux de ces trois bancs sont , d’après M. Renevier :

Pour le banc supérieur a : Ammonites Beudanti , Brug. ; Am. varicosus , Sow.; Am. Mayorianus , d’Orb.; Avellana subincrassata, d’Orb.; Solarium cirroïde , d’Orb.; Sol. conoïdeum , Sow .;Inocera- mus sulcatus, Park.; Jn. concentricus , Park. ; Holaster lœvis, A g.

Pour le banc moyen b : Ammonites Beudanti , Brug. ; Am. mamillatus, Schl.; Am. varicosus , Sow.; Avellana subincrassata, d’Orb.; Rostellaria Orbignyana , Pict. etRx.; Nucula pectinata, Sow. ; Nue. ocata, Mant. ; Inoceramus concentricus, Park. ; He- miaster minimus , Des.

Pour le banc inférieur c : Ammonites mamillatus , Schl.; Am. tardefurcatus, Leym.; Am. Milletianus , d’Orb.; Avellana jubin- crassata, d’Orb.; Astarte Dupiniana, d’Orb.; Inoceramus sulca ¬ tus, Park.

Au-dessous du Gaulton rencontre V Aptien supérieur de 5m,50 et Y Aptien inférieur de 15 mètres.

Le premier commence par une assise de 0al,75, formée de grès dur, plus ou moins calcaire, à grains verts : couche d de M. Renevier. Elle est criblée de fossiles, à test généralement épais, mais ni ces fossiles, ni ceux des assises inférieures, ne renferment des proportions appréciables de phosphate de chaux.

Entrons maintenant dans quelques détails sur la composi¬ tion spéciale de la couche à phosphates et la nature chimique des fossiles, en nous bornant toutefois aux deux bancs supé¬ rieurs, les seuls entamés par les travaux lors de notre visite des lieux.

Quoique les deux bancs a et b de M. Renevier se rencontrent plus ou moins identiques, dans tous les environs de la Perte du Rhône, ils n’ont pourtant pas constamment la môme puis¬ sance ni le même aspect.

A la Perte même, dans les bords escarpés de la rive droite, on trouve, sous un toit argilo-sableux rouge assez solide, un

banc fossilifère jaune ocreux (couche a) . 0m,35

Un grès vert tendre argilo-sableux (couche b) avec des fossiles vers la base, les Oursins semblent pré¬ dominer . 0m,6o

Total . d^OG

NOTE DE M. GRUNER.

63

En abattant une tranche d’égale épaisseur sur toute la hau¬ teur, et lavant avec soin la masse abatiue, on obtient 20 p. 100 de moules ou fossiles phosphatés. Le sable entraîné se com¬ pose surtout d’un mélange de grains verts [glauconie), de sable quartzeux hyalin et d’argile plus ou moins marneuse. Vers le haut du banc b se rencontre une veine de grès calcaire de 0m, 10 à 0m,15.

A trois kilomètres au nord de la Perte, au village de Lan- crans, sur la rive gauche de la Yalserine, au fond d’une courte galerie, la couche phosphatée mesure im,00 à lm,20.

Vers le haut, un banc jaune ocreux (cou¬ che a) . 0m, 40 à 0m,50

Au-dessous un banc stérile, contenant une

faible veine de grès blanc dur. . 0 , 30 0 , 30

Vers la base, la couche b riche en fossiles, parmi lesquels beaucoup d’Oursins; le sable argileux encaissant est ici jaune ou rouge. . . 0 , 30 à 0 , 40

Total . îm,00 à !m,20

Une tranche d’épaisseur uniforme, prise sur toute la hau¬ teur, a fourni au lavage 27,7 p. 100 de coquilles phosphatées.

En descendant la vallée du Rhône, jusqu’à la distance de 2 à 3 kilomètres en aval de la Perte, on retrouve partout l’affleu¬ rement de la couche du Gault, à l’ouest du chemin de fer, le long des nombreux ravins qui. se rendent au Rhône.

Au village d’Arlod, dans une tranchée, j’ai relevé la coupe suivante :

Toit de la couche, sable vert durci : m

Sable vert riche en fossiles (couche a) . 0,6 0

Grès calcaire dur stérile . . 0,20

Sable à fossiles . \ . 0,10

Sable vert tendre pauvre en fossiles > (couche b) . 0,30

Banc vert riche en oursins. * . » J . . . . 0,20

Total. . 1,40

Une tranche de la couche a fourni au lavage 20 p. 100 de co¬ quilles lavées. Sur ce point, le sable est d’un vert foncé, et la glauconie extrêmement abondante. Les fossiles eux-mêmes ont une couleur verte, à cause du sable adhérent que l’on a quelque peine à enlever complètement.

Enfin, entre Arlod et Bellegarde, dans les communaux de Vouvray, j’ai constaté les bancs suivants :

Soc. Géol ., 2e série, t. XXVIII.

5

66

SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

m

Banc coquillier jaune (couche a) . 0,50

Banc sableux bleu verdâtre peu riche . 0,50

Grès stérile dur . 0.15

Banc argilo-sableux riche en oursins (couche b). ..... 0.15

Total . 1.30

La proportion de fossiles n’a pas été fixée ici par un essa direct; mais, par comparaison, on peut l’évaluer à environ 20 p. 100 du poids de la masse.

Les fossiles lavés, dont je viens de parler, sont généralement entiers et assez bien conservés. On les rencontre surtout en fort bon état dans la couche inférieure; le test y est parfois nacré.

Les moules sont plus durs et plus denses que ceux des fos¬ siles ordinaires dans les autres formations. L’aspect et la tex¬ ture de ces moules varient cependant avec la taille et le genre du fossile. Lorsque l’orifice, par lequel le vide intérieur com¬ munique avec le dehors, est étroit, comme dans les petits our¬ sins et les chambres intérieures des céphalopodes, le moule se compose d’une masse homogène, dense et compacte, à cas¬ sure esquilleuse, presque exclusivement formée d’un mélange intime de phosphate et de carbonate de chaux, le premier l’emporte de beaucoup sur le second. La nuance est alors d’un blond clair, ou bien jaune, brun, plus rarement noir, selon la proportion de matière organique animale mêlée au phosphate.

Par contre, lorsque la communication est plus facile entre le dehors et l’intérieur de la coquille, le noyau phosphato-cal- caire est plus ou moins criblé de grains sableux blancs et verts; c’est le cas des grandes chambres extérieures des céphalo¬ podes, de la plupart des gastéropodes et des coquilles bivalves. La teneur en phosphate se trouve alors plus ou moins abaissée. Il en est de même, bien entendu, lorsque le test calcaire de la coquille est relativement épais, ou lorsque le dehors du fossile n’a pas été suffisamment nettoyé de tout sable adhérent. Ces circonstances expliquent les teneurs assez variées qu’accusent les analyses.

Voici d’abord la composition d’un petit oursin, provenant de la partie inférieure de la couche de Lancrans, et celle d’un fragment de Nautile, pris dans une fouille ouverte aux envi¬ rons du village de Mussel, entre Arlod et Bellegarde (I).

(1) Toutes les analyses ont été faites dans le laboratoire de mon frère,

NOTE DE M. GRUNER.

67

PHOSPHATE

CARBONATE

SABLE

DE CHAUX.

DE CHAUX.

VERT.

Oursin de Lancrans .

70,6

17,4

42,0

Nautile de Mussel. . . .

65,8

29,6

Le Nautile est riche en calcaire, à cause de la plus forte épaisseur du test de la coquille. Je dois ajouter que, dans la plupart des analyses, le carbonate de chaux, dosé par diffé¬ rence, comprend 2 à 3 p. 100 de matière organique et d’eau.

Je citerai, en second lieu, trois analyses de moules plus ou moins criblés de grains sableux visibles à l’œil nu.

PHOSPHATE

DE CHAUX.

CARBONATE

DE CHAUX.

SABLE

VERT.

Gryphée de Mussel .

52,00

24,25

23,75

Fragment d’une grosse am¬ monite de Lancrans. . . .

46,20

22,80

31,00

Inocérame de Lancrans. . .

38.25

1

83,55

28,20

Après avoir déterminé la composition d’un certain nombre de coquilles isolées, j’ai désiré connaître la teneur moyenne des coquilles fournies par les essais de lavage ci-dessus men¬ tionnés.

A cet effet, j’ai divisé les coquilles iavées, par triage et ta¬ misage, en trois lots distincts, qui ont fourni à l’analyse les résultats suivants :

1. Les fossiles delarive droite du Rhône , à la Perte même, ont donné :

ngénieur à Genève, en avril et mai 1871, quelques-unes par moi-même, la plupart par mon frère. Lorsque l’attaque accusait une proportion sen¬ sible de fer, on l’isolait avec l’alumine par l’acétate de soude. Mais le plus souvent on a négligé l’oxyde de fer, à cause de sa faible proportion. On n’a pas cherché le fluor, mais il est possible que là, comme en Angleterre, le phosphate de chaux soit en partie associé à du fluorure de calcium.

SÉANCE DU 10 JUILLET 1871

FOSSILES TRIÉS en trois lots.

PROPORTIONS relat. par 100.

PHOSPHATE de chaux.

CARBONATE - de chaux.

SABLE

vert.

Gros riche .

29,4

60,5

13,0

26,5

Gros ordinaire .

54,8

57,0

16,4

26,6

Menu séparé au tamis .

15,8

55,1

14,6

30,3

Composition moyenne.

100,00

57,74

15,10

27,16

(Note). Les phosphates sont très-peu ferrugineux.

2 . Les coquilles de Lancravs ont fourni :

FOSSILES TRIÉS en trois lots.

PROPORTIONS

relat. par L 00.

PHOSPHATE de chaux.

CARBONATE de chaux.

SABLE

vert.

Gros riche .

24,4

52,8

23,7

23,5

Gros ordinaire .

52,2

46,2

22,7

31,1

Menu séparé au tamis.

23,4

33,4

25,1

41,5

Composition moyenne.

100,00

44,81

23,51

31,68

(Note). Les phosphates sont légèrement ferrugineux.

*

3. Les fossiles d’Arlod, ont donné :

FOSSILES TRIÉS en trois lots.

PROPORTIONS

relat. par 100.

PHOSPHATE

de chaux.

CARBONATE

de chaux.

SABLE

vert.

Gros riche . . .

22,5

57,3

18,3

24,4

Gros ordinaire .

52,9

43,0

22,3

34,7

Menu séparé au tamis .

24,6

31,4

27,4

41,2

Composition moyenne.

100,00

43,37

22,65

33,98

(Note). Les phosphates sont très-peu ferrugineux.

NOTE DE M. GRUNER.

69

Ces analyses montrent que tous les fossiles ont, dans leur ensemble, une teneur élevée en phosphate de chaux lorsqu’ils sont convenablement isolés du sable encaissant.

Il restait à examiner ce sable lui-même, ainsi que la masse en¬ tière de la couche, avant son enrichissement par voie de lavage.

Voici les résultats quant au sable qui couvre ou entoure le banc à fossiles :

PHOSPHATE

de chaux.

CARBONATE de chaux.

SABLE

argileux

vert.

OXYDE de fer.

EAD.

Sable vert de la cou¬ che à fossiles phos¬ phatés .

5. B 6

16,08

74,00

0,46

4,10

Sable rouge du toit du gîte à la Perte même (rive droite).

3,92

16,85

77,68

traces.

J

1.55

On voit, par ces chiffres, qu’en dehors des fossiles propre¬ ment dits, le sable encaissant renferme peu de phosphates. Il doit même paraître assez probable que les 4 à 5 p. 100 de phosphate contenu proviennent en réalité de très-petits fos¬ siles, ou de menus fragments de coquilles plus grandes. Ce qui semblerait le prouver est l’analyse suivante.

La masse entière de la couche de la rive droite à la Perte même, c’est-à-dire le mélange de fossiles et de sable, tel qu’il fut fourni par la tranche d’égale épaisseur, prise sur toute la hauteur de la couche, m’a donné les résultats suivants :

PHOSPHATE de chaux.

CARBONATE

de chaux.

SABLE

argileux

vert.

oxyde de fer et alumine.

EAU

et bitume.

Composition moyenne de la couche de la Perte même (rive dr.)

11,91

25,36

57,64

4,29

0,80

Or, on a vu que cette masse a fourni, lors du lavage, 20 p. 100 de fossiles, lesquels, d’après l’analyse ci-dessus rapportée sous le 1, renferment en moyenne 57,8 p. 100 de phosphate de

70

SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

chaux, ce qui donnerait pour la masse entière, en supposant le sable lui-même tout à fait stérile, 57,8x0,20—11,56 p. 100 de phosphate calcaire, chiffre peu inférieur aux 11,91 p. 100 cndessus trouvés.

Nous avons aussi analysé le mince banc de grès calcaire dur qui figure dans toutes les coupes de la couche à phosphates, entre les deux bancs a et b de M. Renevier. L’échantillon vient de la fouille du village de Mussel.

Voici sa composition :

PHOSPHATE

de chaux.

CARBONATE

de chaui.

SABLE

argileux

vert.

oxyde de fer et alumine.

EAU.

Grès calcaire dur for¬ mant Une veine en¬ tre les bancs a et b.

traces.

69,69

20,12

5,84

1,85

Il suit de que le calcaire, pas plus que le sable, ne ren¬ ferme du phosphate de chaux, et que ce dernier est réelle¬ ment concentré, à peu près exclusivement, dans l’intérieur des coquilles fossiles.

Depuis ma visite des lieux, en avril et mai, on a aussi atta¬ qué la couche c. Sa puissance utile varie entre 0m,30 et 0m,50, et la masse des coquilles renferme, en moyenne, 40 p. 400 de phosphate de chaux.

J’ajouterai encore que nous avons examiné de même les moules de la couche d , de 0m,75, par laquelle se termine l’Ap¬ tien supérieur au-dessous du Gault. Iis renferment à peine des traces de phosphate. Le phosphore semble donc, à la Perte du Rhône, spécialement caractériser le Gault. Dans le nord de la France et en Angleterre, on trouve aussi des phosphates dans la craie chloritée et le grès vert inférieur; mais on sait, d’après les recherches de M. de Molon, que dans le Gault seul le phos¬ phate est abondant.

Mais d’où vient cette accumulation de phosphate de chaux dans l’intérieur des fossiles du Gault? Il est bien évident que l’animal, qui a vécu dans la coquille même, n’a pu fournir au¬ tant de phosphore. Le phosphate a venir du dehors , comme ailleurs, dans certains fossiles, la silice cristallisée, la pyrite

NOTE DE M. GRUNER.

71

de fer, la baryte sulfatée, la galène, etc.; et ce phosphate n’a pu y arriver qu’à l’état de dissolution , et non sous forme de pâte molle , par l’orilice même de la coquille, puisqu’alors on y trouverait constamment des grains verts du sable encaissant, ce qui n’a lieu, comme je l’ai déjà dit, que pour les coquilles plus ou moins ouvertes. La dissolution est encore prouvée par ce fait que, dans certaines localités (la Meuse et les Ardennes, par exemple), on trouve parfois, au milieu des fossiles ou des nodules phosphatés, des fragments de bois fossile également transformés en phosphate calcaire. Quant au dissolvant, il est plus que probable, comme le supposent MM. Élie de Beau¬ mont et Daubrée, que c’est l’eau elle-même, chargée d’acide carbonique, qui a maintenu le phosphate en dissolution. Mais, encore une fois, d’où vient, pendant cette période du Gault, cette énorme accumulation de phosphate calcaire? Je dis énorme , parce que non-seulement on trouve dans le district de la Perte du Rhône, par mètre carré, 6 à 800 kilos de fossiles phosphatés, tenant 300 à 400 kilos de phosphate pur, mais en¬ core le Gault semble être également, partout ailleurs, caracté¬ risé par la présence des phosphates. C’est le cas en Angle¬ terre et en France, et cela aussi bien au centre des bassins crétacés, à Paris par exemple, le puits de Grenelle les a rencontrés à la profondeur de 500 mètres, que vers les bords, ou du moins sur les points le Gault affleure aujourd’hui, tels que les Ardennes, la Meuse, l’Yonne, la Sarthe, etc.

Il en est de même dans les Alpes suisses. Le Dr Picard, pro¬ fesseur à Bâle, a constaté 36 à 43 p. 100 de phosphate calcaire dans les nodules du Gault à Yberg (Schwyz), au Sentis (Ap- penzell), au Glàrnisch (Glaris), au lac de Lungern (Unierwal- den), etc. (1). Or, dans tous ces lieux, le phosphate calcaire est accompagné de matière organique, et M. Renevier fait remarquer que la faune du Gault, à la Perte du Rhône, est essentiellement littorale. J’ajouterai que la bonne conservation des coquilles prouve non-seulement un dépôt littoral, mais en¬ core l’existence d’une lagune , d’un bas-fond protégé par un cordon littoral, ni la marée, ni les vagues n’ont eu de prise sur les êtres vivant, en ces lieux. 11 se pourrait donc que le phosphaté calcaire fût principalement à l’accumulation pro¬ longée de débris d’animaux qui auraient vécu et qui seraient morls sur ces points pendant la période du Gault. C’est l’hy-

(1) Brochure parue à Zurich en 1866.

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SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

pothèse du Dr Fitton. Et à l’appui de cette hypothèse, on peut citer les accumulations d’ossements, de dents et de coprolithes dans le bone-bed de l’Infra-lias et le crag supérieur du Suffolk.

Si, dans le Gault, on ne trouve en général , ni ossements, ni coprolithes, ne se pourrait-il pas que ces coprolithes et ces débris phosphatés de sauriens, de poissons et d’animaux ma¬ rins divers, eussent été dissous par l’acide carbonique, qui, à son tour, aurait cédé lentement, par voie de concrétion, aux coquilles déjà enfouies dans la vase du fond de la lagune, le mélange intime de phosphate et de carbonate de chaux?

Cette explication n’exclut pas, au reste, une autre hypothèse, selon laquelle le phosphate calcaire serait venu des profon¬ deurs du sol, comme les sources thermales des filons concré- tionnés. Il faut bien que le phosphate des os soit pris, en der¬ nière analyse, aux eaux ou aux roches de notre globe, et l’on peut admettre, jusqu’à un certain point, que le développement des êtres vivants, au sein des eaux, a être favorisé par la présence des phosphates dissous. Mais à l’apparition de fortes sources phosphatées, pendant la période même du Gault , je me permettrai cependant de faire une objection. On connaît des filons de phosphates calcaires, alumineux, ferreux et autres, dans les terrains primaires et paléozoïques; mais je ne sache pas que l’on ait jamais trouvé un filon phosphaté dans le ter¬ rain jurassique; et, cependant, pour que le Gault ait pu être envahi par des sources phosphatées, il eût fallu que ces sources se fissent jour au travers du sous-sol jurassique et néocomien. Jusqu’à ce que ces filons aient pu être constatés, l’origine thermale directe du phosphate calcaire, pendant la période du Gault, me semble donc assez problématique, et je crois devoir adopter plutôt l’hypothèse du Dr Fitton.

A la suite de cette communication, MM. Hébert, Delanoue, Daubrée, Delesse et Chaper présentent quelques observa¬ tions.

Observations de M. Daubrée.

Les faits que M. Gruner vient d’exposer, concordent tout à fait avec ceux que M. Lory a fait connaître dans le Dauphiné (1).

(1) Bulletin de la Société de statistique et des sciences naturelles de l’Isère , 2e série, t. IV, 1858-1860.

OBSERVATIONS DE M. DAUBRÉE.

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En un assez grand nombre de localités des départements de l’Isère, de la Drôme, de la Savoie, l’étage du Gault présente en effet une couche phosphatée assez mince, mais à peu près con¬ tinue, dont l’aspect est caractéristique. C’est un grès grossier formé par l’agglomération de sable et de gravier. Sur quelques points, le phosphate de chaux constitue les moules intérieurs de fossiles qui abondent dans cette couche. Le phosphate de chaux se trouve également dans les parties la couche ne renferme pas de moules de fossiles bien conservés; il y est alors sous la forme de petits galets arrondis qui ne paraissent eux-mêmes autres que des moules de fossiles roulés et devenus méconnaissables par l’usure.

Chaque jour, les phosphates se révèlent avec plus d’abon¬ dance dans les terrains stratifiés, à mesure qu’on les étudie d’une manière plus attentive à ce point de vue. Ainsi, dans le terrain crétacé, ce n’est plus seulement en France et en Angleterre qu’on les rencontre, mais aussi en Bohême, dans les Alpes de la Bavière, dans la Russie méridionale, ils forment le ciment de la pierre connue aux environs de Roursk sous le nom de Samarode , et d’autre part, jusqu’en Espagne et en Portugal. Le terrain jurassique, le terrain houiller, on les exploite maintenant en Westphalie , le terrain silurien du Canada, dans ses couches inférieures, présentent d’autres exemples de la présence des phosphates dans d’autres grou¬ pes (1).

Quand même une partie de ces phosphates aurait passé par l’organisme de certains animaux, avant d’être enfouie dans ces couches, il y a lieu de se demander comment le phosphore a été apporté avec une telle abondance dans les anciennes mers.

L’eau de l’océan actuel ne renferme l’acide phosphorique que par traces, et rien n’autorise à supposer que la mer en ait primitivement renfermé en dissolution en assez grande quan¬ tité, pour l’abandonner successivement et tout particulièrement dans certaines périodes.

L’écorce granitique ne renferme des phosphates qu'en quan¬ tité très-faible et accidentellement.

Au contraire, dans des régions plus profondes du globe, il se trouve des quantités considérables de phosphore, à en juger

(1) Découverte et mise en exploitation de nouveaux gisements de chau phosphatée. Annales des Mines 9 6* série, t. XIII, p. 67, 1868,

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SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

par les roches éruptives basiques, laves, dolérites ou basaltes, qui nous en sont arrivées. C’est de ces régions que le phosphore a été apporté à la surface, dans la pâte même des roches érup¬ tives, dont des décompositions l’ont séparé pour le mettre en circulation à l’état de combinaisons diverses. Dans d’autres cas, ce même corps a fait son ascension par d’aütres procédés, dans l’intérieur des filons métalliques et autres analogues, dont l’apatite fait partie. Enfin, il a pu s’élever par de simples failles, sous forme de sources thermales, telles que nous en connaissons encore aujourd’hui, et qui débouchaient dans la mer.

Ainsi, l’arrivée du phosphore est tout à fait comparable à celle du fer, auquel il est si souvent associé dans les dépôts en couches, par exemple, dans les argiles schisteuses noires du bassin de la Ruhr, la chaux phosphatée qu’on y exploite est mélangée à de la pyrite ou à du carbonate de fer.

Observations de M. Delesse.

M. Delesse fait observer que les nodules de phosphate se trouvent non-seulement dans le Gault, mais encore à différents niveaux dans le terrain crétacé et même dans les terrains plus récents ou plus anciens.

L’origine première du phosphate de chaux est vraisem¬ blablement l’intérieur de la terre, puisqu’on le rencontre dans les liions et dans les roches éruptives; toutefois, relativement au phosphate de chaux qui forme des nodules dans le Gault, il convient d’observer qu’il a été certainement à l’état de dis¬ solution. Car, non-seulement il a rempli des cavités, mais il a aussi pseudomorphosé des fossiles. C’est particulièrement ce que l’on constate pour les bois qui, dans l’est de la France et en Russie, se trouvent dans les gisements on exploite le phosphate. Si l’on observe, en outre, que le phosphate de chaux se dissout facilement dans l’eau chargée d’acide carbo¬ nique, on sera conduit à penser que les nodules de phosphate du Gault peuvent provenir de la dissolution par l’acide carbo¬ nique de couches déposées d’abord à l’état de bone-bed et for¬ mées de restes de poissons, de coprolithes et de divers débris phosphatés qui se seraient accumulés dans la mer si peuplée du Gault. Dans cette hypothèse, les animaux habitant cette mer auraient d’abord opéré la précipitation du phosphate de

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NOTE DE M. GERYAIS.

chaux qu’ils se seraient assimilé, de même que les mollusques de toutes les époques séparent le carbonate de chaux des eaux de la mer.

Observations de M. Chaper.

L’examen des concrétions de phosphate de chaux et de fer (de même que celui des silex de la craie) indique que la matière s’y est fixée pendant le dépôt des couches et alors qu’elles étaient encore molles. Les concrétions ont une forme arrondie; les parties qui forment saillie ressemblent à des boursouflures qui auraient refoulé le sable (ou la craie) envi¬ ronnant, sans s'y mélanger. De cés faits et de la présence constante de traces d’êtres organisés dans les nodules, on peut conclure que la fixation de la matière phosphatée (ou siliceuse) est intimement liée à la présence de matières organiques en décomposition.

M. P.Gervais dit qu’il a été mis, par la lecture d’une note de notre confrère M. Sauvage, insérée dans le Bulletin de la Société, t. XXVÏ, p. 1069 (. Réunion extraordinaire du Puy ), à même de rectifier une erreur qui lui est échappée dans son ouvrage intitulé Zoologie et Paléontologie françaises, à propos du Lebias , fossile à Ronzon, près le Puy en Velay, que M. Aymard a nommé Pachystetes gregatus. Par suite d’une confusion typographique, ce poisson est attribué au Perça minuta , au lieu d’être rapporté au genre de Malacoptéry- giens auquel il appartient. En lisant le travail de M. Sau¬ vage, M. Gervais a recouru à l’ouvrage cité plus haut, croyant y trouver déjà inscrite l’indication synonymique donnée par ce naturaliste, et il a alors reconnu l’erreur typographique qui lui fait donner, à tort, dans la note 1 de la page 530, l’espèce en question comme ne différant pas des petits Acanthoptérygiens dénommés par de Blainville Perça minuta , dont on n’a pas, du reste^ constaté jusqu’à ce jour la présence au Puy.

M. Gervais demande l’insertion au Procès-verbal de sa rectification, qui ne diminue en rien, ajoute-t-il, le mérite de la note de M. Sauvage.

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SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Dieulafait :

fe

Extension , en Provence , de la grande oolite et de sa partie supérieure en particulier ; par M. Louis Dieulafait.

J’ai montré dans mes publications antérieures (1) que les différentes formations géologiques présentaient en Provence de grandes différences, suivant qu’on les observait dans l’un ou l’autre des deux bassins naturels que comprend actuelle¬ ment cette province, celui de la Durance au nord et celui de la Méditerranée au sud. J’ai surtout examiné le trias, le lias, i’oolite inférieure, l’oxfordien et l’étage tithonique. Aujour¬ d’hui, je veux montrer les différences que présente à ce point de vue la grande oolite.

Bassin de la Durance . Dans le bassin du nord, la grande oolite est essentiellement marneuse et renferme un grand nombre de fossiles qu’on a, bien à tort, rapportés jusqu’ici à l’oolite inférieure. Je ne citerai pas ces fossiles, d’abord parce qu’un certain nombre sont certainement à nommer, et ensuite parce qu’il faudrait s’engager dans une discussion paléonto- logique, ce que je veux toujours éviter; mais je n’en puis pas moins préciser les choses telles que je les admets. Il y a, dans tout le bassin de la Durance, un niveau fossilifère caractérisé par de magnifiques Ammonites, parmi lesquelles domine sur¬ tout un type rapporté jusqu’ici à l’ Ammonites Parkinsoni. Or, dans les montagnes des Basses-Alpes mêmes, VAmm. Parkin¬ soni se rencontre toujours bien au-dessous de Pborizon pré¬ cédent, à la place qu’on lui connaît ailleurs et avec les fossiles qui l’accompagnent partout. Il y a donc, bien au-dessus de l’horizon classique de VAmm. Parkinsoni , un autre horizon caractérisé par une faune différente de la précédente, et qui renferme encore VAmm» Parkinsoni , ou du moins une espèce bien voisine. Je dis que ce niveau le plus élevé appartient à la grande oolite. En effet, les Ammonites qui accompagnent VAmm. Parkinsoni supérieure se retrouvent, dans le bassin de

(1) Voir en particulier : Bull. Soc. géol., 2* série, t. XXIII, p. 809 ; t. XXIV, p. 601; t. XXVII, pages 649 et 655; Comptes rendus de l’Aca¬ démie des Sciences , t. LXXI; Annales des Sciences géologiques, t. I.

NOTE DE M. DIEULAFAIT.

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la Méditerranée, au milieu des bancs calcaires qui supportent les dépôts si fossilifères et si bien caractérisés de Ranville; et cela, exactement comme dans le bassin du nord, bien au- dessus de l’horizon ordinaire de 1 ’Amm. Parkinsoni , très- commune dans l’ouest du bassin méditerranéen. Je dois même faire observer ici que certains dépôts de la Normandie, no¬ tamment ceux de Port-en-Bessin, rapportés à l’oolite infé¬ rieure et au fuller’s-earth, renferment 1 ’Amm. Parkinsoni su¬ périeure et les Ammonites qui l’accompagnent dans la Pro¬ vence. Il y a, par conséquent, lieu de revenir sur la classification du système oolitique dans la région, cependant si explorée et si classique, que je viens de citer.

Bassin de la Méditerranée . Dans le bassin de la Méditer¬ ranée, la grande oolite se présente avec des caractères géné¬ raux bien différents de ceux qu’elle montre dans le bassin du nord, et, en outre, elle se divise même en deux parties abso¬ lument dissemblables, de part et d’autre d’une ligne moyenne correspondant à peu près au méridien de Lorgues (Yar).

Dans la partie ouest du bassin méditerranéen, la grande oolite est constituée par des dépôts d’abord très-marneux, mais qui deviennent de plus en plus calcaires à mesure qu’on s'élève. Ils se terminent par des bancs très-résistants, alternant avec des marnes grumeleuses tout à fait différentes des marnes inférieures. Ce dernier système correspond exactement à l’ho¬ rizon de Ranville, dont il renferme toute la faune.

Partout ce niveau est visible dans l’ouest du bassin de la Méditerranée, il se montre avec une faune et des caractères identiques à ceux de Ranville. On voit là, en effet, la même roche, les mêmes Brachiop'odes, les mêmes Oursins, et sur¬ tout la même légion de Bryozoaires, que dans la célèbre loca¬ lité du Calvados. Mais, quand on arrive vers le méridien de Lorgues (Yar), les choses changent. A la mer coralligène et sans marnes la partie supérieure) de l’ouest succède une mer dans laquelle les dépôts marneux deviennent de plus en plus prépondérants à mesure qu’on s’avance vers l’est. Au changement dans les sédiments correspond un changement dans la faune. Les Coraux, les Oursins, les Bryozoaires dispa¬ raissent, et ils sont presque exclusivement remplacés par un nombre considérable de grosses coquilles bivalves et par des Huîtres généralement de très-petite taille.

Quand on suit ces modifications pas à pas, on les voit se produire d’une façon lente et continue ; mais, quand on fait

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SÉANCE DU 10 JUILLET 1871.

des coupes dans l’est et dans l’ouest de la Provence, on ne trouve plus rien de commun. Aussi, qu’est-il arrivé? C’est que des géologues de la plus grande valeur ont cru reconnaître, dans les dépôts qui nous occupent, VOstrea virgula du kimmé- ridgien et les bivalves si communes à ce niveau dans le Jura. Complètement trompés par les apparences, ils ont proclamé comme un fait de premier ordre (il le serait en effet) l’exis¬ tence du kimméridgien clans le midi de la Provence, alors qu’ils se trouvaient simplement en présence du niveau de Ran- ville, mais n’offrant plus, ni par ses sédiments, ni par ses fos¬ siles, le moindre rapport avec le niveau du Calvados, ni avec celui de l’ouest de la Provence.

Le niveau de Ranville, avec sa faune et son faciès classiques, se montre dans tout l’ouest du Yar : au nord de Bandol, à l’ouest de Saint-Nazaire, au nord du Cap gros, au nord du Faron, à l’est du Goudon et dans toute la chaîne qui s’étend de Toulon jusqu’au Luc. On le retrouve, toujours avec les mêmes caractères, à Signes et dans toute la région méridio¬ nale de Tarrondissement de Brignoies. Plus au nord, il passe au type marneux.

Il est déjà très-modifié , bien que facilement reconnais¬ sable, entre le Luc et Draguignan ; mais, plus à l’est, il prend tout à fait le faciès vaseux. A Draguignan, il se montre au- dessus du Peyra; très-développé à Montferrat, il apparaît sur¬ tout au nord de Notre-Dame. Rejeté subitement au nord à partir de Favas, il occupe la partie moyenne des escarpements, va passer entre Mons et Fayence, revient au sud en se rappro¬ chant beaucoup de Callian, se montre très-visible sur les deux rives de la Siagnes, surtout sur la rive droite il plonge fortement au nord, passe à Saint-Cézaire, suit les par¬ ties élevées de la chaîne, et atteint le méridien de Cabris en faisant un coude brusque vers le nord ; mais, à 700 ou 800 mè¬ tres de ce village, il reprend la direction de l’est, en contour¬ nant les ravins que suit l’ancienne route de Castellane, et vient, sans s’être interrompu, s’étendre au-dessus de la ville de Grasse d’une façon parfaitement régulière. Là, son épais¬ seur est considérable. Les calcaires marneux qu’on exploite pour chaux hydraulique sur une assez grande échelle, au- dessus de Roquevignon, sont exclusivement empruntés à ce niveau. Au delà de Roquevignon, cet horizon se prolonge à l’est, va contourner à une assez grande hauteur la vallée du Bar, passe au-dessus du village, et finit brusquement à la pro-

NOTE DE M. DIEULAFAIT.

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fonde fracture du Loup ? mais il reparaît immédiatement de l’autre côté. Recouvert dans la région de Tourrettes et de Vence, il revient bientôt au jour au nord de cette dernière ville, et remonte jusqu’à l’Estéron, parallèlement à la vallée du Yar. Je le reprendrai là, plus tard, pour le suivre dans le nord de la Provence et le sud du Dauphiné.

On retrouve ce niveau, toujours avec les mêmes fossiles et les mêmes caractères, dans le massif constituant le polygone irrégulier dont Grasse, Cannes, Antibes et Vence marquent les angles. On le voit très-bien, en particulier, entre la Bégude et Yalbonne, sur la route de Vallauris , en approchant de ce village, et au point culminant de la route de Mougins à Antibes, un peu à l’est de l’embranchement de la route de Vallauris.

Les différences présentées par la faune et la constitution pé- trographique de la partie supérieure de la grande oolite sont aussi radicales quand on compare l’ensemble de cet étage dans l’est et dans l’ouest du bassin méditerranéen de la Pro¬ vence. Dans l’ouest, il est formé par un calcaire bleu, essen¬ tiellement marneux, qui devient seulement compacte et même cristallin au voisinage du niveau de Banville. Dans l’est, au contraire, il est constitué par des calcaires compactes, très- siliceux.

Au-dessus du niveau de Ranville, il en est tout autrement. Entre ce niveau et la base de l’oxfordien, on rencontre un en¬ semble de bancs calcaires mesurant en moyenne 15 à 20 mè¬ tres. Dans la Description scientifique du Var , j’ai été conduit à appeler cette division grande oolite supérieure. Ces calcaires, dont la couleur varie du bleuâtre au rougeâtre, sont extrême¬ ment remarquables à cause de la profusion de débris organi¬ ques qu’ils renferment, et parmi lesquels dominent surtout les Bryozoaires, les Encrines et les pointes d’Oursins de très- petite taille. En apparence, la roche est essentiellement ooli- tique; mais elle ne renferme presque pas d:oolites propre¬ ment dites : ce sont les sections des débris organiques dont il vient d’être question qui lui donnent cet aspect. Cette divi¬ sion, contrairement à ce qui a lieu pour la grande oolite, se maintient toujours identique à elle-même dans tout le bassin méditerranéen de la Provence, elle constitue un horizon géologique aussi constant que facile à retrouver.

Elle pénètre, avec tous ses caractères, dans la partie sud du bassin de la Durance. On la retrouve, en effet, dans la plus grande partie du département du Yar et dans la partie sud de

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SÉANCE DU 40 JUILLET 1871.

celui des Bouches-du-Rhône ; mais, quand on entre dans les Basses- Alpes, on voit qu’elle est complètement remplacée par des dépôts essentiellement marneux.

Au sujet de cette communication, M. Hébert présente les observations suivantes :

M. Hébert fait remarquer que M. Goquand (Bull. , tome XXVII, p. 499) a annoncé, le 21 mars 1870, à la Société qu’il avait dé¬ couvert, dans le Var et les Alpes-Maritimes, trois stations fos¬ silifères dans lesquelles il avait recueilli treize espèces kimmé- ridgiennes, parmi lesquelles VOstrea virgula.

A la suite de cette annonce, M. Hébert avait admis la réa¬ lité de cette découverte, tout en faisant observer qu’il s’agissait maintenant de régions autres que celles pour lesquelles il avait combattu M. Coquand.

Or, voici que M. Dieulafait déclare que l’étage kimméridgien n’existe ni dans le Yar, ni dans les Alpes-Maritimes.

Pour qu’on soit complètement édifié sur ce point, qui a de l’importance, il devient nécessaire que M. Coquand fasse con¬ naître d’une manière précise les localités il a rencontré VOstrea virgula , dans le Var et les Alpes-Maritimes, afin que le débat puisse avoir lieu contradictoirement, et aboutisse à une prompte solution.

Le Secrétaire communique la note suivante de M. Dieu¬ lafait :

Note sur la Rhynchonella peregrina (d’Orb.), et Observations sur les Calcaires à Chaîna et le Jura supérieur dans le midi de la France; par M. Louis Dieulafait.

L’une des questions qui ont le plus occupé un groupe con¬ sidérable des géologues réunis à Montpellier en 1868, a été la détermination de l’âge qu’il fallait attribuer aux calcaires blancs, très-développés dans la région de Montpellier, dont les calcaires de la Valette, visités par la Société, peuvent être considérés comme le type.

M. Coquand, en son nom et au nom de plusieurs de nos confrères, les a rapportés aux calcaires lithographiques supé¬ rieurs à l’oxfordien, et en a fait l’équivalent du kimméridgien

NOra DE M. DIEULÀFÂIÏ.

si

et du portlandîen. Je ne partageai nullement la manière de voir de M. Coquand, et, prenant la parole après lui, j’exposai les raisons qui me portaient à considérer ces calcaires comme appartenant à l’horizon des calcaires à Charria de la Provence. Ces raisons étaient loin d’être complètement démonstratives, et je m’empressai de le bien constater.

Aujourd’hui, j’ai recueilli de nouveaux documents qui me permettent de faire faire un pas considérable à cette question.

Les calcaires de Montpellier renferment, entre autres restes organiques, un fossile extrêmement remarquable, connu pen¬ dant longtemps seulement dans les montagnes de la Drôme : c’est la Rhynchonella peregrina (d’Orb.). L’indécision l’on se trouvait, en 1868, sur la place occupée par ce fossile, ne me permit pas d’en tirer tout le parti possible; mais, depuis lors, j’ai visité deux fois la Drôme, et, grâce aux indications pré¬ cises de M. Hébert, j ’ai pu, dans mon second voyage, reconnaître la Rh. 'peregrina en place à Rottier. Plus tard, d’après les ren¬ seignements qu’avait bien voulu me donner M. Raspail, j’ai retrouvé cette magnifique Rhynchonelle àGigondas et à Saint- Paul-Trois-Cbâteaux. Or, cette espèce est parfaitement can¬ tonnée; elle occupe la partie moyenne des calcaires à Ancylo- ceras , si connus et si développés à Barrême. Les calcaires de la Valette appartiennent donc à cet horizon. D’un autre côté, je dirai que mes observations en Provence m’ont conduit à revenir à l’opinion de d’Orbigny, et à admettre avec lui que les calcaires à Chama et les calcaires à Ancyloceras sont du même âge, les conditions qui ont présidé à leur dépôt ayant seulement été très-différentes. R résulte de que les calcaires de la Valette appartiennent bien à l’horizon des calcaires à Chama. La contemporanéité des calcaires à Chama et des cal¬ caires à céphalopodes déroulés de Barrême sera établie dans un prochain travail ; mais il faut bien remarquer que je dé¬ montre aujourd’hui le parallélisme des calcaires de la Valette et des assises à Ancyloceras des Basses-Alpes et de la Drôme, abstraction faite de toute idée sur l’âge absolu des calcaires à Chama.

Au delà des calcaires compactes de la Valette, la Société a vu des dépôts de calcaires bleus, très-marneux. M. de Rouville y a rencontré plusieurs fossiles, entre autres V Ammonites cryp - toceras , ce qui lui a permis de les rapporter à l’horizon du néoeomien inférieur, tel qu’on l’entendait il y a quelques années. Les relations de ces calcaires marneux avec les cal- Soc. géol.y 2e sérient. XXVIII.

6

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SÉANCE DU 40 JUILLET 1871.

caires compactes sont très-difficiles à saisir; mais, s’ils appar¬ tiennent réellement à l’horizon du Toxaster complanatus , iis sont évidemment inférieurs aux calcaires compactes. Si enfin, dans la région de Montpellier, on trouve les fossiles de Rougon et de Ganges, ils n’appartiennent certainement pas aux cal¬ caires à Rh. peregrina de la Valette; ils sont dans des calcaires inférieurs aux marnes précédentes, et, à plus forte raison, aux calcaires à Rh. peregrina.

Le lien que je viens d’établir entre la Provence et le Lan¬ guedoc, fournissant aux géologues des deux provinces un point de départ commun, leur permettra désormais de s’en¬ tendre facilement.

Pour compléter ce que je viens d’établir, et pour ne laisser aucune incertitude dans mes travaux, je dois revenir ici sur le mémoire de M. Goquand (Bull., t. XXVI, p. 854), et sur le compte rendu de la Réunion extraordinaire de Montpellier (Bull., t. XXV, p. 909).

Dans son mémoire ( loc . cit., p. 858, en note), M. Coquand écrit :

« Or, comme M. Dieulafait a reconnu avec moi à Mont¬ pellier, à l’occasion d’une communication que j’ai faite sur les calcaires blancs du Var et des Bouches-du-Rhône, que ceux- ci, ainsi que je V avais écrit depuis longtemps , doivent être scindés en deux, les uns appartenant au terrain à Chama , et les autres au jurassique supérieur, et que justement les environs de Tou¬ lon présentent ces deux étages dans une même coupe... »

Or, M. Goquand n’a pas parlé à Montpellier des Bouches- du-Rhône et du Var , mais bien des Bouches-du-Rhône et des Basses-Alpes , ce qui n’est pas du tout la même chose. Le nom même du Var n’a pas été prononcé par M. Coquand (Compte rendu, Bull., t. XXV, p. 909).

Je demanderai à M. Coquand il a écrit, depuis long¬ temps, que les calcaires blancs des environs de Toulon de¬ vaient être scindés en deux, les uns appartenant au terrain à Chama.

M. Coquand a si peu écrit quelque chose d’analogue, que mon mémoire de 1865 (Bull., t. XXIII, p. 463) était exclusi¬ vement destiné à montrer, contrairement à l’opinion de M. Co¬ quand , l’extension dans le Var des calcaires à Chama des Bou¬ ches-du-Rhône. Ensuite, cyest moi , et non M. Coquand, qui ai établi, dans ce même mémoire de 1865, que les calcaires blancs du Var et des Bouches-du-Rhône « doivent être scindés

NOTE DE M. DIEDLAFAIT,

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en deux , les mis appartenant au terrain à Chama. » Dans ma coupe (p. 469), la division supérieure correspond à la lettre P, et la division inférieure à la lettre O. J’ai même indiqué dans le texte (toujours en 1865), (p. 471) que ces deux horizons étaient séparés par un petit niveau marneux fossilifère. C’est précisément à ce niveau que M. Coquand avait trouvé , à Saint-Hubert, les Ammonites plicatilis et Amm. tortisulcatus , ce qui ne m’a pas empêché de retrouver plus tard (Bull., t. XXVI, p. 140) à Saint-Hubert, au point même exploré par M. Coquand , les fossiles du néocomien inférieur. M. Coquand ne songe nullement à contester aujourd’hui l’exactitude de ce fait si important.

Pour éviter de nouveaux malentendus, je dois revenir ici sur les communications faites à la Réunion générale de Mont¬ pellier.

A la première séance, M. Coquand donna une coupe de la montagne des Dourbes, et annonça, dans cette région, l’exis¬ tence du jura supérieur.

A ce sujet, je dis ceci :

M. Coquand vient de nous signaler aux Dourbes l’existence des ammonites qui caractérisent l’étage tithonique d’Oppel. Il y a quatre ans que j’ai découvert, et aux Dourbes mêmes , les ammonites en question. Depuis lors, elles n’ont pas quitté Marseille, M. Coquand a pu les examiner tout à son aise. 11 est donc bien évident que j’admets, dans les Basses-Alpes, la présence des dépôts formant l’étage tithonique d’Oppel, et s’il vient a être établi que cette division correspond au jura supérieur, le jura supérieur existe dans les Alpes méri¬ dionales. Quant aux autres fossiles cités par M. Coquand, et en particulier à VHemicidaris Purbeckensis et à VH. crenularis , non-seulement je ne les ai jamais vus aux Dourbes, mais je n’y ai jamais rencontré un seul fossile qui pût se rapporter aux horizons connus de ces deux oursins.

Voilà ce que j’ai dit.

Le compte rendu n’a pas reproduit ma pensée (p. 910). Ce¬ pendant, j’avais été si explicite que le Secrétaire, M. Lartet, le relisant plusieurs mois après, pour donner, à Paris, le bon à tirer, fut tellement frappé de ce qu’on me faisait dire, qu’il m’écrivit pour me demander si j’avais changé d’opinion de¬ puis la Réunion de Montpellier. Je m’empressai d’écrire à M. Lartet pour le remercier, et je lui envoyai une note recti¬ ficative. Mais, bien qu’elle fût très-courte, son introduction

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SÉANCE â4 JUILLET 1871*

nécessitait un remaniement complet, entraînant un retard dans la publication et une dépense notable pour la Société. M. Lartet me demanda de laisser passer les choses, ce que je m’empressai de faire.

Dans ces grandes réunions de la Société géologique, tant d’idées sont remuées, il est bien évident que le Président et et le Secrétaire, malgré ieur activité et leur dévouement (et pour MM. de Rouvilîe et Gazalis ces termes sont à peine l’expression de la vérité) laissent toujours échapper quelque chose. Je comprends tellement qu’il doit en être ainsi, que je n’avais pas eu tout d’abord l’intention de réclamer. Mais puisque mon silence n’aurait d’autre résultat que de me faire attribuer des opinions que je tiens pour erronées, il devient indispensable de rétablir les faits.

M. Parran fait observer que si M. Coquand a, lors de la réunion de Montpellier (V. Bull. , 2e série, t. XXV, p. 9 J 0) rattaché, avec doute , au terrain portlandien, les couches a Serpules de la Valette, il a depuis, dans le mémoire publié par lui, conjointement avec M. Boutin, sur les terrains ju¬ rassique et crétacé des environs de Ganges (1), placé ces couches dans le terrain néocomien (V. loc. cit ., p. 850).

M. Bayan annonce avoir reconnu le Planorbis cornu parmi des fossiles rapportés par M. Michel Lévy des parties noires du calcaire de Château-Landon. Ce fossile se trouve donc à la fois dans le calcaire Beauce et dans le calcaire de Brie .

Séanee du 24 juillet 1871

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

(1) Bull. Soc. , 2e série, t. XXVI, p. 834.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

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DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De ia part de M. Boisse, Esquisse géologique du département de V Aveyron , in-8°, 410 p., 1 carte avec coupes; Paris, 1870.

De la part de M. Dumortier, Sur quelques gisements de Pox- fordien inférieur de P Ardèche, avec la Description des Êchinides par G. Cotteau, in-8°, 86 p., 6 pl . ; 1871, Paris, chez F. Savy, Lyon, chez Josserand.

De la part de M. Bonissent, Essai géologique sur le départe¬ ment de la Manche (Fin), in-8°, 60 p.; Cherbourg, 1871, chez Bedelfontaine et Syffert.

De la part de MM. J. Ortlier et E. Chellonneix, Étude géo¬ logique des collines tertiaires du département du Nord , comparées avec celles de la Belgique , in-8°, 228 p., 7 pl. ; Lille, 1870, chez Quarré et chez Castiaux.

De la part de M. d’Omalius d’Halloy, Note sur la formation des limons , suivie d Analyses par MM. A. Jaumain et À. Da- mour, in-8°, 12 p.; Bruxelles, 1871, chez Hayez.

De la part de M. G. A. Bianconi, Il mare Mediterraneo è 'VEpoca glaciale , in-4°, 54 p. ; Bologne, 1871, chez Gamberini et Parmeggiani.

De la part de M. G. G. Bianconi, Esperienze intorno alla flessibilita del ghiaccio , in-4°, 14 p., 2 pl . ; Bologne, 1871, chez les mêmes.

De la part de M. B. Studer , Zür Géologie des Ralligergebirgesy in-8°, 10 p., 1 pl. ; Berne, 1871.

Athenœum , année 1870, 2e semestre, Londres.

Atti délia Societa ltaliana di Scienze naturali , t. XIII, Milan, 1870.

M. Caillaux présente deux notes de MM. Bianconi (V. la Liste des dons).

M. Delesse présente, de la part de M. Ad. Boisse, membre de l’Assemblée nationale, un ouvrage qu’il vient de publier sur la géologie du département de l’Aveyron (Y. la liste des Ions).

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SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

Sous le titre modeste d ’Esquisse géologique , M. Boisse résume les données principales relatives à la géographie physique et à la géologie de ce département. On trouvera dans son ouvrage des recherches sur l'hydrographie souterraine et sur les nappes d’eau qui alimentent les puits. Les terres végé¬ tales ont aussi été étudiées, et des essais chimiques font con¬ naître la composition de leurs principales variétés. M. Boisse s’est également occupé des dislocations subies par les terrains, de leur métamorphisme, ainsi que des liions métallifères. Une carte géologique accompagne son ouvrage, qui est le fruit de longues et consciencieuses études faites dans un département dont la géologie est des plus variées.

Une lettre de remerciement sera envoyée au savant do¬ nateur.

Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Dausse, accompagnant l’envoi au nom de M. D. Colladon, de Ge¬ nève, de deux Photographies d’une fouille faite dans la cam¬ pagne Brolliet, à Contamines, près Genève, pour des Études sur les Alluvions d’ anciennes terrasses lacustres.

« Ces photographies, écrit M. Dausse, confirment ce que j’ai publié dans notre Bulletin sur d’anciens niveaux du lac de Genève.

« Obligé de m’absenter de nouveau, je me réserve de donner, à mon retour, quelques explications à leur sujet. »

Le Président dépose sur le bureau les feuilles 66 à 75 du tome XXVI, 1869 (Réunion extraordinaire au Puy et Tables) et la feuille 45 du tome XXVII, 1870 (Tables). Il annonce que ces deux livraisons seront envoyées aux membres dans le courant de la semaine.

Le Secrétaire communique une lettre de M.Terquem, de laquelle il résulte que l’impression du Mémoire de MM. Ter- quem et Jourdy, intitulé Monographie de l’étage Bathonien dans le département de la Moselle , est complètement terminée. Le secrétaire et le trésorier s’entendront avec M. Terquem pour la livraison des exemplaires.

NOTE DE M. LE HIR.

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Le Secrétaire annonce ensuite que les trois premières feuilles du tome XXVIII (1871) sont imprimées; elles seront prochainement envoyées aux membres.

Il donne lecture d’une circulaire par laquelle M. J. Goz- zadini, président du Congrès international d' Anthropologie et d’ Archéologie préhistoriques , et M. J. Capellini, secrétaire du Comité d’organisation, annoncent que le Congrès tiendra sa cinquième session (1871) à Bologne (Italie), du 1er au 8 octobre prochain, et communiquent le programme de cette réunion.

Les questions suivantes seront examinées dans cette session :

L’âge de la pierre en Italie.

Les cavernes des bords de la Méditerranée, en particu¬ lier de la Toscane, comparées aux grottes du midi de la France.

Les habitations lacustres et les tourbières du nord de l’Italie.

Analogies entre les Terramares et les Kjœkkenmœddmg.

Chronologie de la première substitution du bronze par le fer.

Questions cranioîogiques relatives aux différentes races qui ont peuplé les diverses parties de l’Italie.

Le Secrétaire annonce la mort de MM. Godefrin (de Lille) et Nicole! (Je la Chaux de Fonds).

Il donne ensuite lecture de la note suivante de M. Le Hir :

Sur l’âge des roches fossilifères du nord du Finistère , dans les arrondissements de Morlaix, Brest et Chateaulin ; par le doc¬ teur Le Hir.

Le Scolithus linearis est le seul fossile que renferment les grès de Berrien (Ménez Molvé), Saint-Michel en Braspartz, Cro- zon, Roc’h Rérézen en Plougastel, Plouézoc’h, du Roc’hou à Calamarant, et les grès à poudingues de Plouézoc’h.

Les autres grès à fossiles sont presque tous de l’âge du grès de May ou mieux dévoniens.

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SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

Les localités on les trouve sont : à Morlaix, la chaîne de rochers du Merdy, Goarem-ar-roc’h de Penanrû; à St-Martin- des-Champs, Cosquer-Keramprat etKerolzec; à Pleiber-Ghrist, Penquer-Coatconval , Keravézen, Lesquiffiou; à Locmélard, Liorzou et Goarem-Névez , au-dessus du bourg; à Dirinon, Stang-doûn de Poulescadec; à Pencran, Goarem-Kerséoc’h; à Lopérec, Quiliou; à Rosnoën, le Lannec; à Saint-Éloy, Litiez; au Faou, près Térénez, Ménez-Kergau; à Plougastel, Kernézur, Kerdivès huela et izela et Kerthomas; à Plouigneau, près Morlaix, Toulgoat.

Partout, dans ces localités, les roches bleues phylladiennes alternent avec les grès, et donner l’âge des grès c’est donner l’âge des roches qui alternent avec eux. Les grès renferment, de plus, dans leurs grands amas, des schistes blancs, verts, gris, jaunes, plus ou moins mélangés de quartz et de mica, qui alternent par strates avec eux et qui quelquefois sont fossi¬ lifères comme eux.

L’âge de tous ces grès est le même. Tous contiennent :

Des avicules, les mêmes partout, excepté le Merdy on ne trouve que 1 ’Avicula pterynea, et Kerolzec qui n’en a pas;

Des cystidées (plaques d’encrines de M. Rouault), excepté Toulgoat et Kerolzec;

Des Tentaculites ornatus , excepté Toulgoat et Kerolzec ;

Des spirifèresà cinq ou sept plis longitudinaux de chaque côté du sinus, excepté Toulgoat, Kerolzec, le Merdy;

Des fucoïdes traversant la roche en tous sens, quelquefois ramifiés, de grosseur différente, pouvant aller jusqu’à la gros¬ seur du petit doigt, souvent courbes, paraissant naître d’une espèce de bulbe, lisses ou à stries transversales ou obliques, ou bien comme chagrinés à la surface;

Des orthocères, partout et innombrables, surtout à Diri¬ non et à Kerolzec, ils ont le siphon central ou subcentral; innombrables encore au Merdy, le siphon est central; nom¬ breux à Quimerc’h et à Keravézen; moins nombreux dans les autres localités; indéterminables partout.

De plus, tous ces grès renferment des Orthis , mais différents suivant les localités. Cependant V Orthis orbicularis existe à Plougastel, Lannec, Ménez-Kergau, Lopérec, Locmélard; Ke- ramprat en a un différent. Kerolzec, Toulgoat, le Merdy n’en ont pas. Dirinon en a très~peu.

Lesquiffiou n’a d’autre fossile qu’un Favosites indétermi¬ nable.

NOTE DE M. LE H1R.

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Le Cardiomorpha elata ( Pleurophorus lamellosus) existe à Diri- non, à Pencran, à Plougastel, à Keramprat. Des espèces diffé¬ rentes se voient à Locmélard, à Keramprat, à Penquer et â Toulgoat.

Le Grammysia a deux espèces à Locmélard, à Keramprat, à Penquer, à Litiez, à Plougastel.

Le Murchisonia paraît le même à Dirinon, à Kerolzec, à Ke- ravézen, à Plougastel, à Toulgoat.

Le Sertolites est le même au Merdy, à Plougastel, à Dirinon.

L’Euomphalus? le même à Dirinon, à Kerolzec, probable¬ ment différent à Toulgoat.

Les Rhynchonella , qui ont vécu en familles si nombreuses au Merdy, se trouvent les mêmes, mais rares, à Landerneau et Locmélard. Une petite rhynchonelle a vécu à Plougastel, à Lopérec, à Ménez-Kergau, à Keramprat, à Keravezen.

Les encrines, si nombreuses à Plougastel, au Merdy, à Loc¬ mélard, moins nombreuses à Keramprat, à Keravézen et à Di¬ rinon, ne se montrent ni à Kerolzec, ni à Toulgoat. La coupe perpendiculaire des bras est pentagonale à Kernézur et Kerdi- vès de Plougastel, à Locmélard, à Dirinon et au Lannec de Kernoën.

Parmi les trilobites, YHomalonotus qu’on a cru P JT. Bron- gniarti , mais qui ne l’est pas, si commun à Dirinon et à Pen- cran, se voit encore à Kerthomas de Plougastel, à Keravézen, à Kerolzec. Un autre trilobite, à glabelle lisse et plus large, à yeux saillants, se trouve le même à Lopérec, à Ménez Kergau, à Keramprat, au Penquer, à Dirinon, à Locmélard, au Merdy.

Un Phacops se trouve le même à Plougastel, Lopérec, Loc¬ mélard.

Un Dalmanites à Keramprat, Quiliou, Locmélard, Litiez, Plougastel.

Un grand Orthis existe en abondance à Plougastel, et aussi à Kerrain de Ploudiry, à Locmélard et à Penquer-Coatconval.

Le petit Spirifer , si commun dans presque tous ces grès, se voit dans le grès de Gahard qu’on dit à tort contemporain de celui de May.

M. de Verneuil, si expert en ces matières, ayant eu la bonté de parcourir une boîte d’échantillons, venant surtout de Ke¬ ramprat, et envoyée par moi, déclara que ces grès blancs sont ou dévoniens ou siluriens de Vâge des grès de May. Ce sont les propres expressions de sa lettre.

Mais quelques raisons assez solides porteraient aussi à ran-

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SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

ger ces grès dans le terrain dévonien. D’abord on ne les trouve qu’autour du terrain dévonien, excepté à Litiez et à Lander¬ neau. A Godibin de Plougastel, ils alternent avec le dévonien, et un peu plus haut, vers Plougastel, avec une roche jaunâtre ayant les mêmes avicules et paraissant dévonienne. A Penna- nec’h, les grès bruns dévoniens ont un Orthis commun avec ces grès. Le Pleurodyctium problematicnm de Godibin, dévonien, se trouve le même dans le grès blanc de Kerdivès huela.

Le Tentaculites ornatus , dévonien, du Faou et de Plougastel , se trouve le même dans tous ces grès, comme nous Pavons dit.

L’avicule des grès paraît la même dans le dévonien du Faou et de Locmélard.

Le Dalmanites , à pointe au pygidium, caractéristique, sui¬ vant M. Barrande, du dévonien, se trouve à Keramprat et à Quiliou.

De plus, le Phacops de nos grès ressemble à celui du dévo¬ nien d’izé; il est vrai que le front est plus haut et moins large qu’à Izé.

Le petit Spirifer des grès paraît se trouver dans le dévonien de Locmélard izela, et les coupes pentagonales des bras des encrines du Faou se retrouvent aussi dans plusieurs grès. Les cystidées du dévonien de Brasparlz se trouvent les mêmes à Dirinon et à Plougastel.

La direction des grès n’apporte pas grand élément à la solu¬ tion de la question de l’âge; car, dans la même localité, au Faou comme à Locmélard et à Plougastel, leplongement des roches passe du nord au midi, quelquefois à quatre pas de dis¬ tance, et, de plus, les carrières y sont peu nombreuses.

TERRAIN DÉVONIEN.

Le terrain dévonien inférieur existe à Locmélard, au niveau de Pont-ar-Virit en Liorzou et Locmélard izéla.

La Rhynchonella subwilsoni ( Orbignyana , de Vern.), le Pleuro¬ dyctium problematicnm , le Leptœna reticularis , le Spirigerina reticnlaris , le Turbinolopsis ( Cyathophyllum ) celtica, deux Fenes- trella , ne peuvent laisser aucun doute sur l’âge de ce terrain, qui est situé entre deux bancs de grès à nombreuses avicules. On trouve même, dans le schiste bleu, une avicule et un spi- rifère qui paraissent les mêmes que ceux des grès,

A Boscornou, un schiste bleuâtre, qui paraît plutôt du grès que de la grauwache, contient la Riiynchonella Orbignyana.

Le dévonien de Locmélard izéla a en abondance un grand

NOTE DE M. LE HIR.

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Orthis , un grand Spirifer à large sinus sans stries intérieures, une Redonia, une cyclorine? un orthocère et des encrines; mais je n’y ai pas trouvé de trilobites.

Le dévonien du Faon (1 kil. 500 mètr., route de Quimerc’h) contient en abondance la Rhynchonella Orbignyana , VAthyris concentrica , le Spirifer Rousseau , le Spirifer macropterus , un Spi¬ rifer à un pli longitudinal au sinus, des Chonetes Boulengeri , M. Rouault, une avicule qui paraît la même que celle des grès, le Pleurodyctium problematicum peu abondant, le Tentacu- lites ornatus , un autre Tentaculites , des encrines dont la coupe est pentagonale. Je n’y ai pas trouvé de trilobites.

A Larvor, Godibin et Pennanec’h de Plougastel, le dévonien a du calcaire. Dans le schiste, on trouve la Rhynchonella Orbi¬ gnyana , le Spirifer Rousseau , le Spirifer macropterus , de grands Orthis , le Chonetes Boulengeri , des avicoles différentes de celles des grès, des Fenestrella; dans le calcaire, un Spirifer à trois plis au sinus, ainsi que VAthyris concentrica et l 'Orthis hippa- rionix. Nulle part à Plougastel je n’ai vu de trilobites. J’ai trouvé à Godibin, dans le dévonien, un Pleurodyctium proble¬ maticum tout à fait semblable à un échantillon trouvé près de là, à Kerdivès huela, dans le grès.

Dans le dévonien de Braspartz, à 2 kilomètres, route de Morlaix, on voit un trilobite non encore déterminé, le Spiri- gerina reticularis , le Leptœna reticularis , deux Productus , un Or- thiSy une cyclorine? deux Fenestrella , un Pentremites , une cys- tidéeà six segments, avec les mêmes dessins que beaucoup de celles des grès de Diriaon et Plougastel.

Le terrain compris entre les rivières de Dourduffet de Mor¬ laix et ceint de tous côtés par des grès, excepté au nord-ouest il vient heurter contre les granités, parait appartenir au dé¬ vonien. On trouve l’encrine à tige intérieure des bras penta¬ gonale, à Plouézoeh et au gazomètre de Saint-Martin-des- Ghamps. Cela ne suffirait pas pour déterminer l’âge; mais minéralogiquement plusieurs de ces roches ressemblent aux grauwaches du dévonien de Braspartz, et, de plus, il est évi¬ dent, dans les tranchées de Kergavarrec et du Roudour en Morlaix, que la grauwache, plongeant au nord comme le grès du Merdy, est supérieure au grès; mais cela n’en dit pas l’âge d’une manière certaine.

Les autres endroits l’on trouve l’encrine dans ce terrain sont : la voie d'accès de Morlaix, près de la fontaine Colober; la scierie et le gazomètre, en Saint-Martin-des-Champs; Lanni-

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SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

gou, en Taulé, près de la venelle des Reliques; Keranroux et Coatser’ho, entrée de la route de Lannion, et Kerantour, en Ploujean; et Plouezoc’h, de Dourduff-en-Terre à Roc’h Kery- voalen. C’est dans ce dernier endroit que le comte de la Tru- glaye trouva, il y a trente-cinq ans, Tencrine dans de petits amas amygdaloïdes de calcaire.

Le Secrétaire communique la note suivante de M. Coî- lomb :

Sur le diluvium de la vallée du Tarn ; par M. E. Coilomb.

La plaine entre le cours du Tarn, rive droite, et les collines qui la bordent, a 5 ou 6 kilomètres de largeur; elle a sa sur¬ face nivelée, dressée, et paraît à l’œil rigoureusement hori¬ zontale, sans accidents ou mouvements du sol, sauf une petite terrasse, une marche d’escalier, de quelques mètres de hau¬ teur, à peu près parallèle au cours du Tarn.

A. Terre végétale et Lœss. Ce dépôt, de quelques mètres d’épaisseur, couvre d’un manteau continu toute la plaine; il se poursuit sur les collines, comme s’il était indépendant du gravier sous-jacent. Le lœss est difficile à distinguer de la terre végétale; il y a passage insensible de Lun à l’autre. 11 ne ressemble pas au lœss du Rhin ; il est parfois rouge, argi¬ leux, lourd ; sur quelques points il est un peu sableux. Il est activement exploité pour briques et poteries grossières. La terre végétale, qui doit son origine à ce lœss, peut être rangée dans les terres de première classe; elle est couverte des cultures les plus riches en vignes et céréales.

B. Lit de graviers et de blocs . Composé en grande partie de cailloux roulés de quartz, de quartzite, de roche verte, de diorite, d’amphibolite, de gneiss, de granité (rare), de grès rouge; absence ou du moins très- grande rareté de cailloux calcaires. Les plus abondants sont les cailloux de quartz blanc et gris. Exploité pour macadam. Un premier lit, de quelques mètres d’épaisseur, formant dans la plaine une nappe continue, vient mourir au pied des collines; puis on trouve un nouveau dépôt de cailloux roulés et de sable, évidemment diluvien , sur le sommet des collines les plus élevées de la contrée; ce dernier dépôt paraît indépen¬ dant du précédent; il est sous forme de poches de 7 à 8 mètres d’épais¬ seur, les cailloux en sont de même nature quartzeuse, entremêlés de beaucoup de sable également quartzeux. Tous ces matériaux proviennent des montagnes du plateau central. Dans le diluvium de la plaine on a trouvé YElephas primigenius , mais dans le diluvium des collines on n’a rien trouvé; ce dernier n’est peut-être pas du même âge, il est proba¬ blement plus ancien : il pouvait exister avant le creusement définitif de la vallée principale.

G. Grès mollasse , grès marneux, marnes calcaires, marnes argileuses , sables

Coupe transversale de la vallée du Tarn , rive droite , dans les environs de Ga'llac.

NOTE DE M. COLLÔMB,

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94 SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

avec lits de galets ; à la partie supérieure , calcaire d'eau douce avec Hé¬ lices, Planorbes , Ly muées, Cyclostomes (rares). C’est dans la partie in¬ férieure de ce dépôt que M. Ph. Thomas a trouvé le Rhinocéros du Tarn (Acerotherium, Rhinocéros minutus , Cuvier). Suivant cet auteur (Bull. Soc. géol., 2e série, t. XXIV, p. 235, 1867), ce terrain appartient à l’éo- cène supérieur, et le calcaire d’eau douce qui couronne le tout serait du miocène inférieur. Dans ce même éocène, M. Noulet a trouvé, dans les vallées voisines, les Lophiodon Lautricense , L. Isselense, L. tapirothe- rium, L. occitanicum, Palœotherium magnum , P. minus , P. Isselanum .

Les trois dépôts, A, B, C, sont parfois entamés par des bar- rancosy petites vallées, vallées en miniature, ou ravins à forte pente, avec végétation luxuriante, de 10 à 15 mètres de pro¬ fondeur, au fond desquels coule un petit ruisseau qui se jette dans le Tarn.

Un niveau d’eau se trouve à 5 ou 8 mètres de profondeur, entre la couche B et la couche C. Cette nappe d’eau inépuisable alimente les puits des environs et contribue puissamment à la fertilité du sol.

Coupe de détail .

A. 3m, terre végétale et lœss.

B. 2“, gravier, sabie, cailloux

roulés et blocs. Niveau d’eau.

G. Marnes argileuses, sableu¬ ses, calcaires.

Molasse, grès, etc.

Terrain paléothérien.

Si nous passons maintenant des dépôts de la plaine du gazo¬ mètre de Gaillac à ceux des collines qui bordent la vallée, nous trouvons les coupes suivantes :

NOTE DE M. COLLOMB

Coupe du signal de Broze (296m, carte de l’État-Major) .

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SÉANCE 24 JUILLET 1871.

Le signal de Broze est à 8 kilomètres au nord de Gaillac, sur ta route d’Aurillac. De ce point élevé partent plusieurs vallées : l’une, dans la direction du nord-ouest, va se joindre à la vallée de la Yère, après un parcours de 4 kilomètres; une autre, dans la direction opposée, celle du sud-est, va se fondre dans la grande vallée du Tarn, à Barreau; une troisième vallée, qui se dirige au sud-ouest, puis à l’ouest, prend naissance au signal de Broze et se poursuit jusqu’à Montauban, à 46 kilomètres de distance; au fond coule la rivière Tescou, qui se jette dans le Tarn à Montauban.

Ce signal est donc un point culminant qui domine toute la contrée environnante; plusieurs vallées en rayonnent dans toutes les directions. Le dépôt de diluvium, de 7 à 8 mètres d’épaisseur, qui s’y trouve n’est pas un fait isolé; il se repro¬ duit sur toutes les collines qui limitent la vallée du Tarn, à différents niveaux, autour de la côte 296 mètres, qui est une des plus élevées. Il suffit de parcourir ces collines pour y retrouver un diluvium pareil. Est-il contemporain de celui de la plaine? Il serait plus naturel de penser, quoique les maté¬ riaux qui le composent soient de même nature minéralogique et originaires du plateau central, qu’il lui est antérieur; la vallée du Tarn n’était probablement pas encore complètement façonnée et creusée, lorsque ces sables et ces cailloux se sont déposés sur ce point. Ils remontent peut-être à l’époque pliocène. Ils paraissent avoir été apportés par des courants d’une certaine violence* comme on peut le voir par la coupe suivante :

Coupe du diluvium du signal de Broze,

Terre végétale et lœss. Sable quartzeux.

Gravier.

Cailloux.

Sable.

Cailloux.

Sable.

Cailloux.

Etc.

Grès mollasse.

Ce diluvium est stratifié confusément; ce sont des lits alter¬ natifs, des amandes de cailloux roulés de même nature miné-

NOTE DE M. COLLOMB.

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ralogique que ceux de la plaine, et de sable quarizeux; on y voit le mouvement des eaux, comme s’ils eussent été apportés par un grand courant. Cette coupe a la plus grande analogie avec celles du diluvium de la rue du Chevaleret ou de Gre¬ nelle à Paris, ou de Saint-Acheul à Amiens; elle n’a aucun rapport avec un dépôt glaciaire ni avec une ancienne moraine.

Jusqu’à présent, on n’y a trouvé aucun fossile, tandis que dans le diluvium de la plaine du Tarn, on a récolté 1 ’Elephas 'primigenius.

Les dépôts quaternaires, sur quelque point de l’Europe qu’on les examine, que ce soit au Nord ou au Midi, ont des caractères communs qui les distinguent de tous les terrains précédents. Ainsi, la coupe du diluvium de Sanlsidro à Madrid (1), celles de la vallée du Rhin entre Bâle et Strasbourg (2), celles delà vallée de la Seine à Levalîois et à Grenelle, celles de la vallée de la Somme (3), de la vallée du Tarn, du diluvium de l’Angleterre (4), etc., sont, pour ainsi dire, presque identiques; elles font toutes apparaître un mouvement consi¬ dérable des eaux, soit liquides, soit solides, qui ont entraîné avec elles des matériaux, des boues, des sables, des galets, des cailloux et des blocs, arrachés aux terrains préexistants et transportés à une grande distance de leur point d’origine. Le diluvium ne forme, pour ainsi dire, qu’un seul manteau qui couvre toute la terre, manteau troué sur quelques points par quelques massifs montagneux.

Ces phénomènes, par leur mode de formation, se détachent d’une façon assez nette de tous ceux qui les ont précédés. Les sédiments tertiaires, crétacés, jurassiques, triasiques, etc., n’ont pas ce caractère constant sur tous les points du globe; leur nature minéralogique varie suivant les pays, ils seront tantôt calcaires, tantôt argileux ou siliceux; tantôt marins, fluviatiles ou lacustres : la craie supérieure, par exemple, sera ici blanche et friable, ailleurs noire, dure, compacte; tel dépôt, tel étage d’un terrain sera représenté sur un point par du sable

(1) De Verneuil et L. Lartet, Diluvium de Madrid (Bull, Soc. géol., 2e série, t. XX, p. 698).

(2) E. Collomb, Diluvium du Rhin ( Bull., série, t. Yï, p. 479).

(3) Buteux, Diluvium d’ Abbeville (Bull., 2e série, t. XVII, p. 72).

(4) Ch. Lyell, Diluvium de Norfolk (Ancienneté de l’homme, traduction Chaper, 1864, p. 111 et 272).

Soc. géol., série, tome XXYIII.

7

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SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

siliceux, ailleurs par de l’argile. Il est bien reconnu, depuis longtemps, que les caractères minéralogiques sont impuissants pour déterminer l’âge d’un terrain; de l’importance acquise à la paléontologie pratique.

Il n’en est pas de même, lorsqu’on se livre à l’étude du ter¬ rain quaternaire. Quel que soit le point du globe on l’ob¬ serve, on lui reconnaît des caractères stratigraphiques iden¬ tiques, comme de certaines roches caractéristiques, le granit, le gneiss, le porphyre quartzifère, etc., qui sont partout pa¬ reilles à elles-mêmes, dans l’ancien comme dans le nouveau monde.

Ne pourrait-on pas conclure de que la cause qui a produit un phénomène aussi général dans le temps et dans l’espace, n’a pas une origine terrestre, n’est pas le résultat d’une révo¬ lution du globe, comme on le comprend généralement, le sou¬ lèvement des montagnes ou des continents étant insuffisant pour l’explication d’un fait qui embrasse les deux hémisphères, et l’action des mers est restée peut-être étrangère, puisque ce sont les eaux douces qui y ont joué le rôle principal, par les rivières, les fleuves et les glaciers arrivés dans ce temps à un développement prodigieux, surtout les glaciers?

Il me semble donc naturel de penser qu’il faut en chercher l’origine dans des causes cosmiques ou astronomiques, ainsi que plusieurs auteurs (1) ont essayé de le faire, soit dans la précession des équinoxes, soit dans la variation de l’excen¬ tricité de l’orbite de la terre, soit dans la variation de l’obli¬ quité de l’écliptique, mouvements à très-longue échéance, qui placent la terre vis-à-vis du soleil, à une époque donnée, dans une position bien différente de ce qu’elle est dans les temps présents. Le problème est posé, il n’est pas encore résolu.

Le Secrétaire analyse la note suivante de M. Goquand :

Sur les Bauxites de la chaîne des Alpines [Bouches-du-Rhône) et leur âge géologique , par M. H. Goquand.

A la célébrité historique qui a rendu fameuse la ville ruinée des Baux, s’est ajoutée, dans ces dernières années, une célé-

(1) H. Lecoq, Des glaciers et des climats , ou des causes atmosphériques en géologie. Recherches sur les forces diluviennes,, indépendantes de la

NOTE DE M. COQUAND.

99

brité d’un autre genre, basée sur l’existence, dans son terri¬ toire et dans celui des communes limitrophes, d’une sub¬ stance minérale connue sous le nom de Bauxite. La grande quantité d’alumine et de fer que cette substance renferme et qui la rend propre à la fabrication du fer, de l’aluminium et des sels d’alumine, lui a valu l’attention des industriels ainsi que des savants.

On a admis jusqu’ici que la Bauxite était contemporaine du terrain néocomien; c’est une erreur que l’étude que nous rédigeons aura pour objet de redresser : mais, avant de nous occuper de son âge, indiquons en peu de mots les variétés principales sous lesquelles elle se montre le plus habituelle¬ ment.

On peut reconnaître deux classes de Bauxite, celle qui com¬ prend les variétés ferrugineuses et celle qui comprend les va¬ riétés alumineuses.

A. Bauxites ferrugineuses.

Bauxite compacte. Substance pierreuse, rouge de foie, susceptible de se diviser en fragments polyédriques par suite d’un clivage au retrait de la matière au moment de sa consolidation.

Bauxite terreuse . Variété de la précédente; se réduisant, au moindre choc, en fragments de très-petite dimension, et se montrant, à la surface du sol , sous la forme d'une terre inco¬ hérente, mais dépourvue de toute plasticité.

Bauxite pisolitique. C’est la variété la plus commune. Elle est formée de pisolites de calibre variable, noyées au milieu d’une pâte de Bauxite compacte, et dont la grosseur varie de celle d’un grain de millet à celle d’une grosse che¬ vrotine, ou bien de pisolites contiguës les unes aux autres, à peine reliées par un ciment de même nature, ou, ce qui se reproduit le plus ordinairement, implantées dans un car¬ bonate de chaux laminaire, blanc ou verdâtre, présentant un clivage très -miroitant. Lorsque les pisolites dépassent la grosseur d’une chevrotine , on remarque , en les cassant.

chaleur centrale, sur les phénomènes glaciaire et erratique, in-8°; Paris, 1847.

H. Le Hon, Influence des lois cosmiques sur la climatologie et la géo~ logie, in-8°; Paris, 1868.

100

SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

qu’elles sont formées de la réunion de pisolites plus petites qui sont emprisonnées dans une enveloppe commune , à surface tuberculeuse. On dirait des paquets de balles dont on se sert pour les canons chargés à mitraille. A part la cou¬ leur et la nature de leur composition, les Bauxites pisiformes ne diffèrent en rien, pour la structure, des minerais de fer en grains de la Franche-Comté et du Berry. Les diverses tuniques concentriques dont est formée chaque pisolite, se distinguent les unes des autres par une différence de teinte, mais la cas¬ sure est toujours cireuse et jamais fibreuse : c’est en cela que leur structure suffit à les faire distinguer, à la simple vue, de certaines pyromérides rouges de l’Estérel, auxquelles elles ressemblent extérieurement.

Ces trois variétés constituent les minerais de fer que l’on a essayé, à plusieurs reprises, de traiter dans les hauts-four¬ neaux; mais leur grande teneur en alumine rend la nature des laitiers tellement réfractaire qu’on a renoncer à les em¬ ployer. On les utilise seulement comme addition aujourd’hui, pour servir de correctif à des minerais à gangue calcaire pré¬ dominante. Leur richesse en sesquioxyde de fer varie de 25 à 60 pour cent.

Voici d’ailleurs quelle est la composition du minerai exploité au Nas de Gilles, dans la commune du Paradou, qui confine

avec celle des Baux.

Silice . 4

Alumine et titane . 18

Sesquioxyde de fer . 60

Eau et calcaire . . . 18

100

Fonte obtenue, 42 pour 100.

B. Bauxites alumineuses .

Bauxite blanchâtre. Masses compactes , à cassure ci¬ reuse, onctueuses, se laissant couper avec la plus grande faci¬ lité au couteau en petits copeaux fragiles, qui ne jouissent d’aucune plasticité. Lorsqu’elles sont exposées aux injures atmosphériques, elles se délitent à la manière des fragments de chaux vive qu’on laisse fuser à l’air libre. Cette variété est assez rare.

Bauxite rose ou violâtre. ■— Masses imitant la marbrure de certains savons et offrant les mélanges les plus variés du

NOTE DE M. COQUÀND.

101

rose et du violet , soit que ces couleurs soient distinctes sur un même échantillon, soit qu’elles soient fondues ensemble, de manière à imiter les bariolures de certaines étoffes à tons criards, destinées aux habitants des campagnes.

Bauxite alumineuse pisolitique. Cette variété établit le passage des Bauxites pierreuses proprement dites aux Bauxites ferrugineuses. Les pisolites sont ordinairement très-clair¬ semées dans la pâte et constituent des roches d’un grand effet.

Les analyses suivantes, que nous empruntons à M. H. Sainte- Claire Deville (1), donneront une idée assez complète de la composition du minerai de la Bauxite qui, comme toutes les matières non cristallisées, est assez mal définie.

I. II. III. IV. Y.

Silice . 21,7 2,8 4,8 » 2,0

Titane . 8,2 3,1 8.2 » 1,6

Sesquioxyde de fer. . 3,8 25,3 24,8 34,9 48,8

Alumine . 58,1 57,6 55,4 30,3 33,2

Carbonate de chaux. traces, 0,4 0,2 12,7 5, 8 (corindon)

Eau . 14,2 10,8 11,8 22,1 8,6

100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

I. Argile du communal des Baux, type des matières les plus siliceuses; matière sans plasticité, composée de deux parties distinctes et superposées, l’une blanche qui a été analysée, l’autre rouge plus riche en fer.

II. Matière compacte, dense, rouge foncé presque brun, considérée comme un minerai de fer.

III. Même aspect : matière compacte, composée de grains ronds de Bauxite empâtés dans la même substance, aggluti¬ nés, toujours pisiformes ; d’Allauch près de Marseille.

IV. Minerai à pâte calcaire , très-dur, très-compacte , et qui constitue des gisements puissants dans la commune des Baux.

V. Bauxite des Calabres.

Bertbier (2), qui a, le premier, analysé le minerai des Baux, indique la composition suivante :

(1) H. Sainte-Glaire Deville, De la 'présence du vanadium dans un minerai alumineux du midi de la France. [Ann. de Chimie et de Physique, 3* série, 1861, t. LXI, p. 309.)

(2) Berthier, Annales des Mines, t. VI, p. 531.

102 SÉANCE DU 24 JUILLET 4871.

OXYGÈNE. RAPPORTS.

0,278 » ))

0,520 0,2422 4

0,202 0,1818 8

1,000

Dufrénoy (1) l’a rapproché de la Gibsite. M. H. Sainte-Claire Deville le considère plutôt comme une variété de Diaspore. Ce rapprochement est douteux.

Quelques échantillons peuvent contenir 60 q 65 p. 100 d’a¬ lumine. C’est le minerai d’alumine le plus riche que l’on puisse trouver.

Outre les éléments ci-dessus mentionnés, M. Deville a re¬ connu la présence du Vanadium, qui , pour le minerai du Re~ vest, près Toulon, s’élève à une quantité de 0,0009, et pour celui de la Calabre, à 0,0006.

La Bauxite est employée en quantité très-considérable dans l’usine de Salindres, ainsi qu’en Allemagne, pour la prépara¬ tion de l’aluminium et de l’alumine.

Nous voici renseignés d’une manière suffisante sur la com¬ position de la substance; pour être bien fixés sur la place qu’elle occupe dans la série stratigraphique, il convient de passer rapidement en revue les divers termes du terrain secondaire qui se succèdent entre les couches les plus infé¬ rieures du terrain tertiaire et la base de la craie supérieure, puisque nous aurons à démontrer que c’est dans les masses minérales qui se montrent entre ces deux niveaux, que gît la Bauxite. Cet aperçu est d’autant plus nécessaire qu’entre les assises santoniennes à Mîcraster coranguinum et Spondylus truncatus , et le falunien à Ostrea crassissima , les terrains qui se développent dans les Bouches-du-Rhône, avec une épaisseur énorme, sont tous d’origine lacustre, et que, pour établir leur synchronisme avec les terrains marins du reste de la France, les géologues du Midi, qui se sont occupés de cette tâche ingrate et ardue , ont eu autant de temps à dépenser pour aboutir à des résultats pratiques que pour défendre leurs opinions contre des oppositions systématiques et mai fondées.

Ces divergences ont le grand inconvénient d’enrayer les progrès de la science; car, pendant que les géologues du Midi

Peroxyde de fer,

Alumine .

Eau .

(1) Dufrénoy, Traité de Minéralogie , t. Il, p. 347.

NOTE DE COQUAND.

4 03

placent au sommet de la formation crétacée 1,800 mètres de couches lacustres qui contiennent des faunes qu’on ne doit rencontrer nulle part ailleurs, parce que, ailleurs, jusqu’à présent du moins, on ne leur connaît comme équivalente qu’une craie d’origine marine, les autres, dans les classifica¬ tions qu’ils donnent des terrains, traitent ces 4,800 mètres comme s’ils n’existaient pas, et les bannissent à la fois de la craie et du terrain tertiaire : ce qui est un moyen plus commode que scientifique de trancher le nœud gordien de la question.

Quoi qu’il en soit, dans notre Provence littorale, au-dessus des bancs à Hippurites organisans, on observe un étage ligni- tifère que j’ai décrit (1) et qui est d’origine marine à sa base et fluvio-lacustre dans ses bancs supérieurs. C’est mon étage santonien. tl se retrouve à Gosau en Autriche, et au moulin de Titfau dans l’Aude.

Dans deux publications récentes, M. Malheron (2) reconnaît au-dessus de mon santonien et range dans la craie supérieure : les lignites de Fuveau et les calcaires à Lychnus de Rognac, qu’il assimile aux assises supérieures de Maëstricht, et les calcaires duCengle et les argiles rouges de Vitrolles, qui appar¬ tiennent au terrain garumnien de M. Leymerie. Le garumnien est surmonté, dans la vallée de l’Arc, par les calcaires du Mon- taiguet et de Cuques, dans lesquels ce géologue voit les équi¬ valents plus ou moins complets de toute la série tertiaire éo- cène, telle qu’elle existe dans le bassin parisien.

Or, c’est à la base du calcaire de Rognac, c’est-à-dire immé¬ diatement au-dessus des couches lignitifères de Fuveau, que gisent les Bauxites dans les Alpines, soit que l’on veuille voir dans ce calcaire la base de l’éiage garumnien, soit que, d’ac¬ cord avec M. Matberon, on le considère comme parallèle aux couches les plus élevées de la craie supérieure du nord de l’Europe (étage dordonien).

La station de Saint-Martin-de-Grau s’élève en plein désert pierreux, entre Arles et Miramas. Quand de ce point on veut se rendre à Saint-Remy, c’est-à-dire couper la chaîne des Alpines perpendiculairement à sa direction, la route que l’on suit et qui relie ces deux points abandonne, près du Mas de

- (1) Coquand, Description géologique du bassin de la Sainte^Beaume, 1864.

(2) Matheron, Bull., t. XXI, p. 56, et Note sur les calcaires lacustres à Strophostoma lapicida ( Bull t. XXV, p. 762).

104

SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

la Fourbine, le plateau caillouteux de la Crau, et descend par une pente ménagée jusqu’à l’étang des Baux, en recoupant successivement les brèches du Tholonet (étage garumnien), le Klippenkalk corallifère du jurassique supérieur, les dolomies suprà-oxfordiennes qui le supportent et l’oxfordien supérieur avec Ammonites plicatilis. Ce même système jurassique reparaît sur le bord opposé de l’étang, et constitue le premier saillant montagneux, l’avant-garde des Alpines. Entre ce bourrelet et le village deMaussane, s’étale une très-belle plaine qui a pour sous-sol le terrain à Lyehnus. A \ ,500 mètres environ au nord de Maussane, et en suivant la route des Baux, on franchit un torrent sur le pont du château de Manville, et on s’engage dans un défilé que dominent, de chaque côté, des montagnes cal¬ caires, couronnées par des pics à formes bizarres.

L’œil aperçoit sur la gauche, dans le quartier dit des Méjeans. de grandes traînées, couleur rouge de sang, parallèles à la di¬ rection des crêtes, et qui contrastent par leur teinte rutilante avec le ton gris des calcaires encaissants. Ceux-ci font partie du terrain à Caprotina ammonia , et sur le sentier qui longe la berge orientale du torrent des Baux, on les voit reposer sur les assises à Spatangus retusus.

La combe des Méjeans, que dessert un chemin charretier, est encaissée entre deux remparts de calcaire urgonien, A, A' (fig. 1). Ce calcaire est blanc, disposé en couches épaisses, sans aucun banc de marnes subordonné. Au nord, la bande A' supporte :

Un dépôt de Bauxite, B, d’une puissance de 12 à 15 mètres environ, et dans lequel les Bauxites pierreuses l’emportent en quantité sur les Bauxites ferrugineuses. Vers les parties supé¬ rieures, les couleurs vives tendent à s’effacer, et on entre dans des masses le violet, le rose, le jaune et le blanc se marient ensemble, et marbrent la roche d’une façon capricieuse.

On recoupe ensuite :

Des argiles grisâtres calcarifères, C, 0m,40;

Un deuxième banc de Bauxite, B, rouge, pisolitique, 0m,25 ;

Un premier banc de calcaire gris-noirâtre, E, donnant à la percussion l’odeur particulière des calcaires lacustres, lm,50;

Un banc, D, entièrement formé de pisoiites calcaires de gnm i tiension, dont quelques-unes dépassent la grosseur u’uuc pomme. Dans les parties exposées à l’air, ces pisoiites se désagrègent et recouvrent les pentes d’un dépôt meuble que

Quartiei des Méjeans. Communal des Baux. Nord.

NOTE DE M. COQUAND.

105

O 3 üàbù

l’on croirait composé, au premier coup d’œil, de cailloux roulés. Mais, en les cassant, on voit qu’el¬ les sont formées de cou¬ ches concentriques très- serrées, et que quelques- unes renferment à leur centre une Melanopsis ou bien un noyau de Bauxite rouge; on observe, de plus, des orbes qui, de distance en distance, sont colorées en rouge par le sesquioxyde de fer ; et le ciment qui unit les piso- lites est souvent un mé¬ lange rubigineux de cal¬ caire et de Bauxite; lm, 50;

Deuxième banc de calcaire gris-noirâtre, E, analogue à celui du 4, lm,30 ;

Grès jaunâtre , F, friable , grossier, avec traînées de quartz roulé, 4 mètres;

Bauxite, B"77, alumi¬ neuse, blanc-rosée, 0m, 10.

Le système lacustre vient buter par faille con¬ tre le mur urgonien, À, dont la paroi est recou¬ verte de miroirs dus au frottement.

La stratification de la Bauxite et des divers bancs qui la recouvrent ou qui alternent avec elle, est très-nettement marquée : seulement, en se rapprochant de la

106 SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

faille, les couches se montrent légèrement renversées sur elles-mêmes.

Je me suis assuré par de nombreuses vérifications que la Bauxite n’est nullement subordonnée au calcaire à Caprotina ammonia. Vers les surfaces de contact, celui-ci est carié, et les creux ont été occupés par les aluminates, mais c’est un simple remplissage postérieur à leur formation. L’origine aqueuse des Bauxites est aussi bien indiquée par leur structure que par leur stratification et leur alternance avec des grès, des calcaires et des argiles. Il est évident que la sédimentation de ce terme élevé de la craie supérieure débuta au fond du lac par des éléments sidérolitiques, alumineux et calcaires, que durent amener des sources minérales, et qu’un certain mouvement dans les eaux façonna en pisolites. La nature spéciale de ces produits ne peut laisser subsister aucun doute à cet égard ; en effet, si, pour la formation du carbonate de chaux au sein des mers, on peut recourir à la décomposition des carbonates de soude et de potasse par les chlorures de sodium ou de potas¬ sium, cette explication est complètement inadmissible pour les calcaires d’origine lacustre, puisque les eaux douces sont précisément privées des chlorures qui sont indispensables pour opérer les réactions invoquées. L’apport des matières minérales par des sources qui en tenaient les principes en dissolution, est donc un fait qui me paraît solidement établi et placé en dehors de toute contestation sérieuse. L’intérêt de la question, au. surplus, est de pouvoir fixer l’âge précis des Bauxites et la place qu’elles occupent dans la série stratigraphique. Les con¬ ditions du premier gisement que nous venons de décrire donnent la solution exacte du double problème, et, au point de vue chimique, elles assignent à ces aluminates une origine ana¬ logue, à part quelques différences de composition, à celle des minerais de fer oolitique et en grains que l’on trouve à divers niveaux des formations tertiaires et secondaires.

La barre urgonienne, À', qui domine la combe des Méjeans vers le nord, est un pied-droit d’une voûte qui est fermée dans le centre de la montagne, et dont le pied-droit opposé se trouve, avec une inclinaison contraire, plus rapproché des Baux. Le terrain lacustre à Bauxite obéit à ce mouvement, et vient former une deuxième ligne d’affleurements parallèle à la pre¬ mière, et que l’on peut suivre, sans discontinuité, depuis le Mont Pahon à l’ouest, jusqu’à la base des crêtes des Paulettes à l’est, c’est-à-dire dans tout la bassin lacustre fermé de la

NOTE DE M. COQUAND.

107

commune des Baux. Les sorties des couches sont jalonnées, dans tout leur parcours, par de nombreuses fouilles, d’où l’on retire les minerais alumineux.

Un second point qui se prête admirablement à l’étude, est celui que l’on rencontre, sur la gauche de la route des Baux, précisément à l’angle du parc de Manville. On y voit (fig. 1) les Bauxites B', B", B"', alterner à plusieurs reprises avec des argiles G', G", et les calcaires pisolitiques B', qui forment la base du terrain à Lychnus , en présentant une stratification nette et les passages les mieux ménagés d’une couche à une autre. Le cal¬ caire urgonien, qui sert de base à l’édifice, est rempli de poches irrégulières dans lesquelles la Bauxite a pénétré.

Les crêtes des gisements de Bauxite traversent en écharpe, de l’est à l’ouest, le communal des Baux, et présentent les mêmes accidents que le point que nous venons de signaler, et dont, en réalité, elles ne sont que la suite. Les Bauxites ferru¬ gineuses s’y montrent peu développées; les masses sont plutôt composées de Eiaspores onctueux au toucher, teintés de rose ou de violet, au milieu desquels la variété pisiforme est engagée en traînées irrégulières. Avant d’arriver à la route des Baux au Paradou, on trouve le sol jonché de rognons de silex à surface tuberculeuse, mais d’une légèreté remarquable, et offrant, quand ils sont brisés, une couleur blanche irréprochable. Ce sont de véritables silex nectiques, provenant de l’épuisement de ménilites, et qui, lorsqu’ils sont immergés dans Peau, laissent dégager, avec un pétillement général, une série de bulles qui se suivent les unes les autres avec la continuité d’un feu de file.

En face du Mas de Guerre, au pied même des escarpements de mollasse marine, les Diaspores proprement dits dispa¬ raissent pour faire place aux minerais plus spécialement fer¬ rugineux, et ces allures ne changent plus jusqu’au-dessous du pic du Mont-Pahon, se trouve la dernière mine exploitée. Aussi est-ce à cette région que l’on réclame surtout les appro¬ visionnements des hauts-fourneaux, et de cette région que pro¬ viennent les variétés de Bauxite pisiforme, dont les globules, très-bien calibrés, sont engagés dans un carbonate de chaux limpide et laminaire.

Les fouilles pratiquées en face du Mas ruiné du Pigeonnier, et surtout celles que l’on a ouvertes sous le pic désigné par le nom de Nas de Gilles (fig. 2), sont les plus importantes. Elles entament des masses pures de tout mélange, B, de plus de

108

SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

7 mètres de puissance, entièrement composées de pisolites agglutinées, et que recouvre un chapeau de Bauxite, C, rosée,

Fig. 2.

Sud, Nas de Gilles. Nord.

dans lequel les pisolites se montrent clair-semées. La masse est surmontée par un calcaire jaunâtre, D, de 0m,10 de puis¬ sance, auquel succèdent les calcaires, E, et les argiles, F, qui sont les éléments constituants du terrain d’eau douce des val¬ lons des Baux et d’Arige.

Au-dessus du Pigeonnier, ainsi qu’aux Baux d’ailleurs, le terrain à Lychnus est recouvert, en discordance de strati¬ fication, par de puissants îlots de mollasse marine, et au Nas de Gilles et aux alentours, la Bauxite, au lieu de s’appuyer sur le calcaire à Caprotina , comme nous l’avons observé jusqu’ici, repose directement sur le calcaire à Spatangus retusus , par con¬ séquent sur l’étage néocomien proprement dit. Comme celui-ci est composé de couches qui se débitent en petites plaquettes, il n’est pas susceptible de se crevasser; aussi ne présente-t-il point ces poches irrégulières que nous avons déjà signalées dans le calcaire urgonien, et que la Bauxite a remplies.

Après avoir examiné la partie occidentale du bassin des Baux, il me restait à en étudier la partie orientale, et, pour cela, à venir retrouver, au pont de Manville, le prolongement du gisement du quartier des Méjeans. Il ne me fut pas difficile de le rencontrer à l’angle même du rocher que la route de Maussane aux Baux a entamé. Seulement sur ce point il a perdu beaucoup de son importance : le minerai alumineux est réduit à une épaisseur de 0m,40, il s’appuye sur le terrain néoco¬ mien et il est recouvert par les mêmes calcaires pisolitiques,

NOTE DE M. COQUAND.

109

les mêmes grès et les mêmes argiles qui nous sont déjà connus. Nous recoupions ce système sur la route de Maussane à Saint- Remy, et, en face, nous prenions un sentier de montagne qui aboutit au Vallon-Rouge (fig. 3), la formation lacustre, avec Bauxite à la base, est pincée dans un pli du terrain urgonien A. A 1,500 mètres environ de cette station, nous traversions le

contre-fort des Alpines à

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angle droit , c’est-à-dire qu’au lieu de marcher de l’ouest à l’est, nous mar¬ chions du sud au nord, et nous tombions sur des gisements remarquables de Bauxite, qui sont le prolongement de ceux du communal des Baux. Ici encore le Diaspore pré¬ domine sur les minerais ferrugineux, et la Bauxite pisiforme forme quelques amas irréguliers noyés au milieu d’aluminates peu riches en sesquioxyde de fer. Les calcaires à grosses pisolites y prennent un développement prodi¬ gieux; quelques-unes at¬ teignent les dimensions du poing, d’autres revê¬ tent la forme de cylindres de 5 à 6 pouces de lon¬ gueur. Au-dessus se dé¬ veloppent les calcaires bleuâtres, alternant avec des argiles grises, qui viennent expirer sur les lianes du terrain néoco¬ mien, qui circonscrit en¬ tièrement le bassin lacus¬ tre des Baux.

Au delà des crêtes des Paulettes, qui établissent la sépara¬ tion des communes des Baux et de Mouriès, on pénètre dans

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SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

un autre terrain lacustre, que divise en deux branches étroites une arête néocomienne intermédiaire. L’une de ces branches, la septentrionale, descend sur Aureiîîe en passant par le plan de Lautier et Saint-Jean, et l’autre, la méridionale, forme au- dessus de Mouriès un bassin étranglé qui vient se relier à la première à 1 kilomètre environ du village d’Âureille. Les gise¬ ments de Bauxite de Mouriès ont fourni les mêmes produits que ceux des Baux et du Paradou ; ses caractères géologiques sont identiques.

Nous voyons, en résumé, que le terrain à Lychnus constitue, sur le versant méridional des Alpines, deux bassins séparés Fun de l’autre, celui de Maussane et des Baux, dont l’empla¬ cement est relativement assez considérable, et celui de Mouriès etd’Aureille, qui n’était autrefois qu’un lac très-étroit, découpé en deux fiords par une langue de terre néocomienne.

Le versant septentrional des Alpines est également bordé, depuis Saint-Remy jusqu’à Orgon, par une bande très-étendue de calcaire à Lychnus. Gomme sur le versant opposé, c’est par des Bauxites qu’il débute. Elles se trahissent au jour sur un grand nombre de points, notamment dans le voisinage des antiquités romaines de Saint-Remy et dans la commune d’Eyga- lières, elles ont été exploitées pour les hauts-fourneaux d’Alais. Les calcaires qui les surmontent et avec lesquels elles alternent à leur base, contiennent les Lychnus ellipticus , Math., L. Urgonensis, Math., Pupa antiqm , Math., P. Glanicensis , Coq., sp. n., Bulimus terehra , Math., Auricula Requieni , Math., Cyclostoma solarium , Math., C. Lunelii , Math., Paludina Beaumontiana, Math., etc. Ces fossiles se retrouvent aux Baux, et indiquent clairement leur contemporanéité avec ceux de Rognac.

Gomme les coupes et les détails que nous pourrions réclamer aux communes de Saint-Remy et d’Eygalières, reproduiraient servilement ceux que contient notre description du bassin des Baux, et que notre intention est moins de fournir une mono¬ graphie que de préciser exactement l’âge et la position strati- graphique des Bauxites, nous nous abstiendrons d’entrer dans des développements plus étendus.

Nous croyons avoir démontré, d’une manière sûre, que les Bauxites, dans la région provençale que nous venons d’étudier, occupent une position normale à la base du terrain à Lychnus , puisqu’elles alternent avec des calcaires et des argiles de la même formation, et qu’elles ne représentent point des produits

NOTE DE M, COQUAND.

ill

étrangers empruntés à des terrains pins anciens et remaniés ensuite. Pour les gisements des Baux et d’Aureiile, cette expli¬ cation serait d’autant plus inadmissible que ces bassins, com¬ plètement fermés et de très-petite étendue, sont enclavés au milieu de la formation néocomienne, et que celle-ci ne pos¬ sède aucun dépôt de Bauxite auquel les eaux lacustres auraient pu faire des emprunts. D’ailleurs, la structure pisoîitique des aluminates ainsi que des calcaires encaissants, jointe à leur empâtement par le carbonate de chaux laminaire qui leur sert de ciment, exclut toute idée de remaniement. Ce sont donc- positivement des couches déposées sur les places mêmes on les observe aujourd’hui, et portant la date de la formation dont elles font partie intégrante et constituante.

Quant à leur origine, elle ne saurait être douteuse. Elle se rattache incontestablement à l’intervention de sources miné¬ rales qui, à l’époque vivaient les Lychnus , ont apporté, soit dans les lacs, soit à la surface des sols émergés, les aluminates de fer et les Diaspores qui constituent les minerais de Bauxite. La structure pisiforme, indépendamment des circonstances géologiques relatées ci-dessus, vient encore corroborer cette opinion.

La production des Bauxites paraît avoir été un fait général pendant Fépoque géologique dont nous venons de préciser la date. Ainsi, à Villeveyrac, dans l’Hérault (1), le fer aluminaté à l’état pisoîitique se trouve empâté dans une argile de même nature, et il constitue, au-dessus de l’oxfordien, un vaste dépôt, recouvert par des calcaires qui contiennent les Physa doliolum , Math., Cyclostoma Lunelii , Math., C. bulimoïdes , Math., etc., et qui, évidemment, sont du meme âge que les calcaires deRognac, des Baux et de Saint-Remy. La position et l’origine de ces Bauxites sur ce point ont été l’objet d’interprétations différentes. On fut porté à admettre que l’argile ferrugineuse avait été reprise par les eaux qui avaient déposé les sédiments lacustres, stratifiée à l’égal de ces derniers, et incluse ainsi dans les couches de la formation à Lychnus. On recourait donc à la théorie d’un remaniement. Je pense que leur contemporanéité avec celle-ci et avec les Bauxites des Baux ne saurait être sérieusement contestée aujourd’hui. Leur origine se rattache à l'existence des sources minérales. Quand ces sources ont éclaté au milieu des lacs ou des mers en travail de sédimentation, leurs pro-

(1) Bull*, t. XXV, p. 934.

SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

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doits se sont mélangés aux autres produits tenus en suspen¬ sion et en dissolution dans ces lacs ou dans ces mers, d’où leur alternance, leur mélange et une date commune. Quand, au contraire, les canaux souterrains que suivaient ces sources ont débouché dans des terrains émergés, les éléments ferrugineux ont formé, au-dessus des points d’émergement, des champi¬ gnons plus ou moins étendus, qui n’ont pu être recouverts et constituent les dépôts isolés que l’on observe, soit dans' la for¬ mation jurassique, comme dans les environs de Solliès (Yar), soit dans les calcaires urgoniens (Revest, près de Toulon), soit dans les calcaires provenciens (Alîauch, près de Marseille; la Lare, près d’Auriol ; Rougiers-Vieux, Massifde la Sainte-Baume). Mais, nous le répétons, tous ces dépôts sont de la même époque, et cette époque est celle des calcaires lacustres à Lychnus , donc, de la craie supérieure. Ils ont inauguré le règne des étages rubiens ou rutilants, dont la livrée, comme on le sait, est, dans les départements des Bouches-du-Rhône et de l’Hé¬ rault, le rouge amarante vif.

Parmi les gisements les plus importants après celui des Baux, et que l’on serait tenté d’attribuer, comme on l’a fait d’ailleurs à tort jusqu’ici, à la catégorie de ceux qui se sont formés à travers des terrains émergés, on doit citer, en pre¬ mière ligne, les masses que l’on exploite dans les communes de Gabasse et de Sainte-Marie-du-Thoronet, au nord du Luc, dans le Yar.

La distance du Luc à Gabasse est de 12 kilomètres environ, et, à partir du grès bigarré qui forme la base des terrains visibles, jusqu’au cornbrash qui en forme le couronnement, on recoupe successivement le muschelkalk, le keuper, les assises à Avicula contorta , l’infra-lias, le lias inférieur, moyen et supé¬ rieur, et l’oolite inférieure. Le cornbrash se dresse, au nord de Gabasse, sous forme d’une corniche imposante de calcaire compacte, que la rivière de rissole coupe dans une cluse de grand effet. C’est au delà du pont qui est à une petite distance du domaine Girard, que sont ouvertes, dans le cornbrash même, les carrières qui fournissent des pierres d’appareil fort estimées pour les constructions.

Entre ce domaine et le pont, un chemin charretier, qui traverse d’abord le muschelkalk à Terehratula vulgaris , aboutit dans une vigne au milieu de laquelle sont ouverts plusieurs chantiers de Bauxite, que trahit de loin la couleur rouge des tailles. Le premier chantier a attaqué un dépôt qui mesure

NOTE DE M. COQUAND.

143

une vingtaine de mètres de puissance et qui est entièrement composé de Bauxite rouge, pisolitique, offrant à peu près les mêmes variétés de structure que celle des Baux. ïl n’est pas rare de rencontrer çà et quelques nids de Diaspore blan¬ châtre, cireux dans la cassure, servant d’enveloppe à des ro¬ gnons de minerai ferrugineux et remarquables par l’onctuosité et le poli des surfaces: on dirait d’une espèce de savon; on re¬ marque, de plus, que les grains pisolitiques sont engagés au milieu d’une pâte composée de petites oolites miliaires lui¬ santes à la manière de la poudre de Berne. Enfin, nous devons mentionner dans un très-grand nombre de pisolites la présence du manganèse peroxydé, qui remplace, en certaine proportion et quelquefois en totalité, le peroxyde rouge de fer, ou bien alterne avec lui. Ce même manganèse s’est fréquemment in¬ sinué dans les fissures dues au retrait de la masse, de sorte que les fragments en lesquels celle-ci se débite sont enduits d’une patine noirâtre.

Le chantier que l’on a ouvert à 1 kilomètre environ à l’est du premier, a pour but d’exploiter la continuation du gîte; mais, sur ce point, on a négligé les variétés ferrugineuses pour s’attacher aux Bauxites pâles, lesquelles consistent ordinaire¬ ment en une substance pierreuse grisâtre, olivâtre, violâtre ou rosée, à pâte homogène, à cassure conchoïde, onctueuse au toucher et remplie de nombreuses cavités irrégulières, qui rappellent la structure cariée de certains calcaires traver- tineux, ou bien en une roche jaunâtre sale, finement ooli- tique, dans laquelle sont éparses çà et des pisolites rouges, de la taille d’un gros pois, comme des étoiles de premier ordre au milieu de la voie lactée.

Ce magnifique amas de Bauxite, que l’on peut suivre sur ses affleurements et. sur un parcours de plusieurs kilomètres, est dirigé sensiblement de l’est à l’ouest, et semble subordonné au calcaire du cornbrash, dont on le croirait contemporain à première vue. Mais, en examinant les choses de plus près,-on s’aperçoit bien vite de son indépendance, et on voit qu’il s’ap¬ puie simplement sur ce terme de la formation jurassique, et qu’après en avoir comblé les crevasses qui, comme on le sait, se montrent si fréquentes dans les calcaires compactes, il a débordé au-dessus d’elles en se répandant dans le voisinage, en un mot, qu’il se comporte, dans cette région du Var, exac¬ tement comme dans la commune des Baux.

Mais il y a plus : le chemin qui relie les deux chantiers que Soc. gèol., 2e série, tome XXVIII. 8

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SÉANCE DU 24 JUILLET 1871.

nous venons de mentionner, est tracé dans des sabies blan¬ châtres argileux et dans des grès quartzeux, micacifères, grisâtres ou rougeâtres, qui recouvrent la Bauxite sur les pen- dages méridionaux et indiquent clairement leur origine sédi— mentaire. J’ai recueilli parmi les éléments de ces grès, des cailloux de quartz roulés, du diamètre d’une pièce de 5 francs; on rencontre également de grandes sphères d’un grès très- solide, riche en mica, dont quelques-unes dépassent le volume de la tête d’un homme, et qui représentent les portions qui, cimentées plus solidement, ont résisté à la désagrégation géné¬ rale de la roche.

En somme, on a sous les yeux, dans la commune de Cahasse, la base de l’étage de Rognac, réduite à ses Bauxites, à ses grès et à ses argiles, moins les calcaires supérieurs fossilifères; mais, un peu plus vers le nord, dans les territoires de Saîernes et de Sillans, les argiles rubiennes et les grès concomitants acquièrent un très -grand développement, les calcaires se montrent comme dans les Bouches-du-Rhône, et ont fourni à M. Henry, zélé naturaliste du Luc, un Bulime de grande taille, identique à celui que j’ai eu l’occasion de découvrir dans les gisements à Lychnus et à Bauxites des environs de Saint-Remy.

C’est dans des conditions analogues que se présentent les gisements de Bauxite que contient le bois de Peygros et qui sont distants de ceux de Cabasse de 6 kilomètres environ. On peut, à la rigueur, les considérer comme une dépendance et le prolongement les uns des autres; ils ont la même direction et ils reposent également sur le cornbrash; encore, ils rem¬ plissent les poches ouvertes dans le calcaire, et on voit même des blocs de ce calcaire complètement détachés et encastrés au milieu de la Bauxite même, avec une enveloppe de man¬ ganèse peroxydé. Ils sont également accolés au muschelkalk et à ses dolomies subordonnées, contre lesquels ils viennent buter par faille.

On suit le muschelkalk jusqu’à l’ancienne abbaye du Tho- ronet, et, dans la cour même du couvent, on aperçoit une puissante couche de Bauxite rouge qui la traverse dans toute sa longueur, et que l’on peut suivre, en dehors, sur plus d’un kilomètre, sur la route de l’Abbaye à Sainte-Marie- du- Thoronet. A droite, la Bauxite s’appuie sur le terrain tria- sique, à gauche, sur le calcaire du cornbrash auquel suc¬ cèdent les calcaires marneux grisâtres de l’oolite inférieure à Ammonites Parkinsoni. Ce gisement est dirigé du nord-ouest

NOTE DE M. DE MERCEY.

115

au sud-est, et ce changement est à une de ces dénivellations qui se manifestent à chaque pas dans les montagnes acciden¬ tées de la Provence et rendent l’interprétation géologique de ces contrées presque impossible à l’aide de cartes à l’échelle de celles de Cassini et de l’État-major.

Les Bauxites reparaissent au sud de Sainte-Marie-du-Tho- ronet, un peu au-dessus du hameau des Cadoux, dans le sentier de montagne qui met en communication cette commune avec celle du Luc. Sur ce point encore, les dolomies triasiques viennent buter contre de superbes escarpements du cornbrash, qui sont le prolongement de ceux de Gabasse; mais les cou¬ ches sont renversées, jusques et y compris le muschelkalk, qui, par suite du renversement, termine la série au lieu de la com¬ mencer. Aussi, en suivant la vallée de Yallongue, quoique par le fait on remonte constamment la série ascendante des couches, on ne descend pas moins, géologiquement parlant, la série normale des terrains ; mais, à cause même de ce ren¬ versement, qui dépasse seulement la verticale de quelques degrés, il est permis de saisir tous les caractères de la série jurassique et triasique, les épaisseurs des bancs, et de recueillir les fossiles dans leurs véritables gisements.

On voit, en résumé, que les gisements de Bauxite de Cabasse et de Sainte-Marie-du-Thoronet font partie de l’histoire de ceux des Baux et du même chapitre, et que, dans le midi de la France, les Bauxites, qu’elles soient stratifiées, ou qu’elles se montrent en dépôts indépendants et isolés au milieu de ter¬ rains plus anciens que le terrain garumnien, sont toutes de même date et se rangent sous la bannière des gîtes irréguliers auxquels on reconnaît une origine geysérienne.

M. N. de Mercey annonce avoir reconnu que le Muschel¬ kalk de la colline des Oiseaux, à Hyères (Var), contient, dans sa partie supérieure, un lit discontinu et fort mince, re¬ marquable par l’abondance des coquilles, à l’état de moules, qui le composent presque entièrement et dont voici la liste :

Turbonilla\scalata , Br.;

Myophoria vulgaris , Br. ;

Myophoria Goldfussi , Alb.;

Myacites elongatus, Schl. ;

Pecten discites , Br. ;

Acicula . .. .

116

SÉANCE DU 7 AOUT 1871.

Séance du 7 août 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

M. Hébert annonce la mort de M. Féry.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de M. Delesse, Carte géologique du département de la Seine , 2 f.; Paris, 1865.

De la part de M. P. Gervais, Remarques sur V anatomie des Cétacés de la division des Balénidés , Urées de V examen des pièces relatives à ces animaux qui sont conservées au Muséum d’histoire naturelle , in-4°, 10 p. ; Paris, 1871 .

De la part de M. Mussy, Carte géologique et minéralurgique du département de ÏAriêge, 1 vol. de Texte explicatif , in -8°, 276 p., et \ vol. de Planches , in-4° oblong, 6 pi. de coupes; Foix, 1870, chez Pomiès.

De la part de M. H. E. Sauvage, De la présence P un reptile du type Mosasaurien dans les formations jurassiques supérieures de Boulogne-sur-Mer , in-4°, 2 p.; Paris, 1871.

De la part de M. G. Guiscardi, Soprà un Teschio fossile di Foca , in-4°, 10 p., 2-pl.; Naples, 1871, chez Fibreno.

Comptes rendus des séances de l’Académie des Sciences ,

t. LXX1, (second semestre 1870.)

Répertoire des travaux de la Société de Statistique de Marseille ,

tomes XXXI et XXXII, 1870 et 1871.

Notizia storica dei lavori fatti délia Classe di Scienze fisiche e matematiche délia R. Accademia delle Scienze di Torino , negli anni 1864 et 1865, par le professeur À. Sobrero, secrétaire adjoint de la classe, ÿi-8°, 152 p. ; Turin, 1869.

Appendice al volume IV degli Atti délia R. Accademia delle Scienze di Torino Turin, 1869.

NOTE DE M. P. GERVAIS.

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Le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Mussy an¬ nonçant renvoi de son Explication de la carte géologique et minèralur gigue du département de VAriége . (V. la Liste des dons.)

M. l'Archiviste annonce que M. Delessea bien voulu don¬ ner à la Société un nouvel exemplaire de sa belle Carte géologique du département de la Seine, au pour être placé

dans la salle des séances.

M. le Président exprime à M. Delesse tous les remercie¬ ments de la Société.

M. P. Gervais fait la communication suivante :

M. Paul Gervais, à l’occasion d’un mémoire de M. Marsh, re¬ latif à de nouvelles espèces de mammifères découvertes dans les riches gisements des Etats-Unis, connus sous le nom de Mauvaises terres du Nebraska , mémoire inséré dans le de juillet de l’ American Journal of Science and Arts, que la Société a reçu dans la séance de ce jour, fait remarquer combien ces découvertes offrent d’intérêt, qu’on les envisage dans leurs rapports avec la géologie stratigraphique, ou au point de vue de la théorie de la filiation des êtres, M. Marsh ajoute dans le travail dont il est fait mention seize espèces à celles que l’on connaissait déjà, dans les mêmes dépôts, par le bel ouvrage de M. Leidy (1) et par les publications plus récentes du même auteur. Elles donnent une idée plus compté: e de ce curieux ensemble d’animaux, les uns comparables par leurs caractères génériques à ceux qui sont enfouis dans les gypses des envi¬ rons de Paris et dans les dépôts de l’Europe centrale qui en ont été contemporains , et rentrant également dans la tribu des Paléothériums ou dans celle des Chéropctames ; les autres du groupe des Rhinocéros, dont nos gisements les plus an¬ ciens, actuellement connus, sont les marnes de Ronzon , indi¬ quées sous ce rapport par M. Aymard, et les calcaires de i’Agenais, M. Tournouër signale en effet un mélange de ces grands animaux avec ceux de la faune paléothérienne proprement dite. Il y a, en outre, aux Mauvaises terres, des Anchitériums peu différents de VA. a.urelianense , qui est une espèce franchement miocène. M. Marsh y signale, de

(1) The ancient fiauna of Nebraska, in-4°; Washington, 4852.

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SÉANCE DU 7 AOUT 1871.

plus , des Lophiodons non encore décrits (L. Bairdianus , affinis , nanus et pumilus ); ce qui établirait pour l’Amérique septentrionale, si tous ces mammifères appartiennent bien à la même époque géologique et proviennent bien de dépôts toujours contemporains les uns des autres, un mélange des genres particuliers aux différents étages de la série éocène étudiés dans le bassin de Paris, et en même temps leur asso¬ ciation à certaines formes généralement considérées comme ne remontant pas au delà du miocène; mais de nouveaux détails stratigraphiques sont à désirer sous ce rapport.

Parmi les genres de mammifères qui appartiennent exclu¬ sivement, du moins à en juger par l’état présent de la science, aux dépôts tertiaires du Nébraska, un des plus remarquables est, sans contredit, celui auquel M. Leidy a donné le nom d ’Oreodon. et dont on lui doit la description détaillée. L’Oréo- don tient à différents égards des Lamas (genre Auchenia ), qui sont aujourd’hui les représentants américains de la famille des Camélidés ; mais, si la forme de ses molaires n’est pas, à la rigueur, très-différente de celle que l’on observe chez ces animaux, sa formule dentaire est tout autre, puisqu’il a, comme la plupart des bisulques intermédiaires aux rumi¬ nants et aux porcins, dont les métacarpiens et métatarsiens principaux ne se soudent pas pour former des canons, trois paires d’incisives, une paire de canines et sept paires de mo¬ laires à chaque mâchoire. M. Leidy lui attribue toutefois quatre paires d’incisives inférieures au lieu de trois, et six paires de molaires seulement, à la même mâchoire, au lieu de sept; mais M. P. Gervais fait remarquer qu’il semble préférable de regarder la prétendue quatrième incisive inférieure de l’Oréodon comme étant une canine incisiforme comparable à celle des ruminants, et d’assimiler la dent caniniforme qui la suit à une fausse molaire en crochet, comme on en voit une chez les Camélidés. On peut, ajoute-t-il, alléguer, à l’appui de cette manière de voir, que la dent saillante et caniniforme dont il s’agit, croise la canine supérieure en arrière, au lieu de la croiser en avant, ce qui ne manquerait pas d’avoir lieu si elle était réellement une canine et non la première fausse molaire.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

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Séance du 21 août 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Il dépose ensuite sur le bureau le premier fascicule du tome XX VIII du Bulletin (séances du 7 novembre 1870 au 20 février 1871).

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ;

La Société reçoit :

De la part de M. Goschler, Traité pratique de V entretien et. de V exploitation des chemins de fer , 2e édition, t. I, in-8°, XXV II 1-7 04 p.; Paris, 1871, chez J. Baudry.

De la part de M. Th. Davidson, Sketch of the scientific life of Thomas Davidson , F. R. S ., in-8°, 8 p., 1 portrait; Londres, 1871.

De la part du Département des Travaux publics du gou¬ vernement lTnde, General report on the Punjab Oil lands , par B. S. Lynian, in-4°, 46-IV p., 11 pl. de cartes et coupes; Lahore, 1870.

De la part de M. Justus Perthes, Die ersie deutsche Nordpo- lar-Expèdition imJahre 1868, par K. Koldevey, avec ünë pré¬ face par A. Petermann, in-4°, X-56 p.; Gotha, 1871, chez Justus Perthes.

Bulletin de la Société d' Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, 2e série, t. XI (XXe de la collection), 1870; le Mans.

The American Journal of Science and Arts, par B. Sillimân et J. Dana , 2e série, t. L (G de la collection), 1870 ; New- Haven.

De la part de la Société ït. des Sciences de Bohême :

A bhandlungen, 6e série, t. III, 1869;

Sitzungsberichte , année 1869;

Repertorium sammtlicher Schriften der K. B. Gesellschaft der W vom Jahre 1769 bis 1868, par le docteur G. R. Wei- tenweber, in-8°, VIII-120 p.; 1869.

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

De la part de la Société des Naturalistes de Senckenberg, à Francfort sur le Mein :

Abhandlungen , t. VII, lre et 2e parties, 1869;

Bericht über die Gesellschaft von Juni 1868 bis Juni 1869, in-12; 1869.

De la part de la Société Hollandaise des Sciences de Haarlem :

Die Osteologie und Myologie von Sciurus vulgaris, Z., ver - g lichen mit der Anatomie der Lemuriden und des Chiromys , und über die Stellung des letzteren im natürlichen système , par C. R. Hoffmann et H. Weyenbergh, in-4°, IY-136 p., 4 pl.; Haar¬ lem, 1870, chez Loosjes;

Algœ Japonicœ Musei botanici Lugduno-Batavi , par W. F. R. Suringar, in-4°, 40-VIII p., 25 pl.; Haarlem, 1870, chez le même.

De la part de la Société des Arts et Sciences de Batavia :

Verhandelingen , t. XXXIII, 1868;

Tijdschrift voor Indische Taal -, Land-en - Volkenkunde , par MM. W. Stortenbeker et J. J. van Limburg Brouwer, 5e sér., t. II et III (XVI et XVII de la collection), 1866-67, 1868-69;

Notulen van de Algemeene en Beestuurs-Vergaderingen , t. IV, V et VI, 1866, 1867 et 1868;

Katalogus der Ethnologische Afdeeling van het Muséum van het B. Genootschap van K . en W ., in-8°, 134 p.; Batavia, 1868, chez Lange et Cie ;

Catalogus der Numismatische Afdeeling van het Muséum , etc ., in-8°, 48 p.; Batavia, 1869, chez le même.

Natuurkundig Tijdschrift voor Nederlandsch- Indië , uitge- geven door de K. Natuurkundig e Vereeniging in Nederlansch- Indië , 6e sér., t. IV, nos 5 et 6, t. V, nos 1 et 2, et 7e sér., t. I (t. XXIX, XXX et XXXI de la coll.) ; Batavia, 1867 ei 1869-70.

Le Secrétaire donne lecture d'une lettre annonçant la mort de M. Charles Cave, professeur au lycée de Dijon, membre de la Société.

M. Cave a été tué dans les rangs de la garde nationale sédentaire , le 30 octobre 1870, lors de Ventrée des Prussiens à Dijon.

NOTE DE M. GRAD,

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M. Collomb annonce la mort de M. H. Lecoq.

Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ch. Grad.

Note sur les Glaciers de l'ouest des États-Unis ; par M. Ch. Grad.

C’est seulement depuis quelques années que les géologues occupés à l’exploration des territoires de l’ouest des États- Unis ont porté leur attention sur les parties élevées des Mon- tagnes-Rocheuses et de la Sierra-Nevada. Ces hautes régions restent peu inférieures pour l’altitude aux Alpes de l’Europe centrale. A une élévation de 3,000 mètres, on y trouve par¬ tout des traces d’anciens glaciers. Des blocs erratiques, de puissantes moraines, des roches moutonnées, des polis et des stries se montrent dans tous les massifs importants, avec une étonnante fraîcheur. En suivant ces vestiges, on croit marcher dans le lit d’un glacier disparu depuis hier seulement. Toute¬ fois, hormis quelques amas de glaces rudimentaires, et à l’ex¬ ception des masses de neiges persistantes semblables aux névés de nos hautes montagnes, les premiers explorateurs n’ont pas trouvé de glacier en activité. Aies entendre, les traces d’une époque glaciaire se manifestent dans le nord et l’ouest de l’Amérique septentrionale avec la même netteté que nous lui connaissons en Europe, mais il ne doit plus y avoir de glacier actuel. Les massifs du Colorado présentent encore moins de neige que les Sierras: les amas de névés y sont plus faibles et se fondent plus rapidement pendant la saison sèche. Dans les massifs de Wind-River, deWahsatch, de Uintah, malgré une élévation supérieure à la chaîne de Laramée dans le Colorado, les neiges sont encore plus rares. Le climat des montagnes au nord du 36° de latitude, est assez rigoureux, assez froid pour fournir le développement de grands glaciers; mais les chutes de neige sont trop peu abondantes, par suite de la sécheresse de l’air. Toute cette contrée, située à 15 ou 20 de¬ grés des côtes occidentales, est presque constamment touchée par des vents d’ouest, dont les couches inférieures perdent leur humidité sous l’influence des courants chauds qui s’élèvent des vallées, tandis que les sommets supérieurs, malgré leur expo¬ sition à des courants' moins secs, reçoivent néanmoins trop peu de neige pour provoquer la formation de puissantes accu-

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

mulations de névé. De l’absence des glaciers dans ces ré¬ gions, et la tendance des zones de végétation et de la limite des neiges persistantes à s'élever plus haut. Pour favoriser la for¬ mation des glaciers, quelques grands sommets isolés ne suffi¬ sent pas : la neige a besoin de s’accumuler dans des cirques étendus et élevés* sans subir de fusion trop rapide.

Ainsi les montagnes de l’ouest de l’Amérique septentrio¬ nale étaient réputées n’avoir point de glaciers. Cependant, dans le courant de septembre 1870, les naturalistes chargés du levé topographique et géologique de ces territoires découvri¬ rent de vrais glaciers, assez étendus, dans différentes parties de la chaîne des Cascades qui forme le prolongement de la Sierra Nevada de la Californie. Ces glaciers se trouvent dans les mas¬ sifs des monts Sharta, Rainier, Hood, situés à faible distance de la côte occidentale, entre 42° et 47° de latitude, dans les États de Washington, de l’Orégon et de la Californie. Les géo¬ logues qui les ont trouvés, vers la fm du dernier automne, en ont fait l’objet de plusieurs communications publiées dans V American Journal of Science and Arts (mai 1871), dont nous donnerons une analyse dans la présente notice.

Au commencement de septembre, M. ClarenceRing alla visiter le mont Sharta avec une section de la commission d’explora¬ tion du 47° parallèle; afin de relever les champs de laves qui descendent à l’est de ce sommet jusqu’aux formations ba¬ saltiques du désert de Nevada, Dans la gorge qui sépare le sommet de Sharta d’un cratère latéral, les géologues de la commission aperçurent un beau glacier venant de la crête principale. Son étendue n’a pas moins de 5 kilomètres en lon¬ gueur sur une largeur de 4,2UO mètres. Sa surface était dé¬ chirée sur plusieurs points par des crevasses et des aiguilles tombant en cascades, avec tous les accidents caractéristiques des glaciers des autres contrées. La moraine terminale était plus large que celles observées généralement dans les Alpes. Les cônes de déjection, au bord du glacier, indiquaient une puissance autrefois beaucoup plus grande de la glace. Le prin¬ cipal sommet du Sharta atteint une élévation de 4,335 mètres. En suivant la crête d’un promontoire dirigé vers le nord, M. Ring aperçut un autre groupe de trois grands glaciers, dont le plus considérable mesure environ 7 kilomètres de longueur, avec une largeur de 3 à 4 kilomètres. Sur le versant méridio¬ nal de la crête, la neige était beaucoup* moins abondante. Une ligne suivant cette crête de l’ouest à l’est sépare le massif en

NOTE DE M, GRAD.

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deux moitiés, dont l’une renferme des glaciers, tandis que l’autre en est dépourvue. Lors des ascensions antérieures de ce groupe volcanique, on ne s’était élevé que sur le versant méridional, ce qui explique l’assertion du professeur AVhitney, qu’il n’y aurait pas de glaciers dans cette région.

Avant et après l’ascension du mont Sharta, la commission d'exploration consacra une semaine entière à l’examen du ver¬ sant méridional du massif. Depuis la première occupation des vallées de Strawberry et de Sharta par les immigrants, il n’y a pas eu de fusion des neiges comparable à celle de l’année dernière. Cette circonstance facilita beaucoup les recherches de M. King et de ses compagnons. Ils explorèrent un à un tous les canons , c’est-à-dire les gorges plus ou moins profondes creusées dans la lave autour du cône principal. Sur les flancs du piton qui se dresse à côté de ce massif, il n’y avait que des amas peu considérables de neige et de glace, dans les gorges bien abritées. Ces petits glaciers, de 1,000 à 2,000 pieds de longueur, ont une constitution analogue à celle des grands courants de glace. Ils présentent des indices de stratification, et sont peut-être les restes des glaciers beaucoup plus puis¬ sants qui descendaient autrefois du massif de Sharta. Sur le versant oriental, M. King trouva dans un canon profond un autre courant de glace, issu d’un amas de névé montant pres¬ que jusqu’au sommet de la montagne. L’inclinaison moyenne de ce glacier atteignait au moins 28°. Formé d’une succession de cascades, tout le front de la glace est déchiré de crevasses. Près de son extrémité inférieure, un mamelon de laves le sé¬ pare en deux courants, dont l’un se termine par une paroi fort raide, légèrement arrondie, de 275 mètres de hauteur ; l’autre branche descend à 2 kilomètres plus bas dans la gorge, pres¬ que entièrement recouverte d’amas de pierres qui tombent sans cesse des escarpements supérieurs. En réalité, on ne voit la glace à découvert, sur une étendue d’un mille, que dans les parties de son cours les décombres de la surface tombent à Fintérieur de la masse par les crevasses. Un torrent considé¬ rable sort de la caverne à l’extrémité du glacier. La boue en suspension dans les eaux du torrent leur donne un aspect lai¬ teux.

Après avoir contourné le pied oriental du Sharta, M. King et ses compagnons virent les neiges persistantes en contact immédiat avec la limite supérieure des forêts. Ils découvrirent deux nouveaux glaciers sur les versants du nord-est et du nord.

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

Ce dernier présenta surtout un grand intérêt. Toutes les neiges du versant septentrional de la montagne concourent à sa for¬ mation, constituant un champ de glace de 5 à 6 kilomètres de largeur sur les flancs du massif, descendant dans le lit des ca¬ rions sur une longueur de 6 à 8 kilomètres, en plusieurs bran¬ ches séparées, dont chacune s’écoule par un lit distinct, ce qui n’arriverait pas sans doute si les couloirs ou les cavités dans lesquels se meuvent les glaciers étaient creusés par la glace. L’ensemble de la masse de glace est assez large pour prendre part à la convexité du cône sur lequel elle s’est moulée. Sa puissance, à en juger par la profondeur des canons ou des gorges, paraît mesurer au moins de 600 à 700 mètres. Elle est déchirée par une multitude d’énormes crevasses, dont quel¬ ques-unes atteignent une longueur de 600 mètres sur 10 à 45 de largeur. Sur un ou deux points , toute la surface se montre coupée par un système de fentes concentriques, traversées elles-mêmes par une série de crevasses radiales, de telle sorte que la glace se décompose en un chaos de blocs et d’aiguilles gigantesques. Seuls, les ponts de neige, allant d’une masse à l’autre, permettent de franchir les crevasses, mais non sans danger. Vers l’extrémité des courants de glace, toute la surface disparaît sous des amas de blocs à arêtes vives, comme au bord inférieur du glacier de Zmutt, en Suisse. On peut dire que le versant nord de la montagne tout entier supporte une seule masse de glace, interrompue seulement par une série d’arêtes d’origine volcanique qui s’élèvent au-dessus du niveau général et forment la séparation entre les diverses coulées. Veines de glace bleue et plans de stratification étaient nettement indi¬ qués dans la masse, à la surface de laquelle des courants d’eau considérables prenaient naissance pendant les journées chaudes.

Plus bas, l’ancienne extension des glaciers était marquée par de puissantes moraines. Toute la partie inférieure du massif présentait dans sa topographie des modifications dues au dépôt de débris charriés par les glaciers. Sur le revers mé¬ ridional, maintenant dépourvu de neige, il y a, vers 2,400 mè¬ tres d’altitude, une terrasse étendue en forme de plateau, large de 800 à 900 mètres, qui entoure une moitié du mont Sharla et se compose entièrement de débris morainiques. En outre, ajoute M. Ring, des moraines médianes , soit rectilignes , soit légèrement courbées, se détachent de la montagne dans toutes les directions, pour descendre encore à plusieurs kilomètres

NOTE DE M. GRAD.

12o

dans les vallées. La commission géologique employa plus de six semaines à l’exploration de cette région. Elle étudia les coulées de laves, dressa la carte des différentes formations vi¬ sibles sur les.parties libres du massif, acheva le relevé aussi complet que possible de ses détails de structure, de ses vallées et de ses glaciers. Bref, les résultats de l’exploration seront présentés sur une carte topographique à l’échelle de ^77^7 avec courbes équidistantes de 60 à 60 mètres d’élévation ver¬ ticale. M. King a été assisté dans ses recherches par MM. Em- mons, Sisson, F. A. et A. B. Clark.

A la même époque , MM. Arnold Hague et A. D. Wilson étaient occupés de l’étude géologique et topographique du mont Hood, tandis que MM. S, F. Emmons et Wilson se por¬ taient vers le mont Rainier, qui forme également un massif volcanique isolé, pourvu de glaciers actuels, sur le prolonge¬ ment de la Sierra-Nevada. Le mont Rainier ou Tachoma, selon un rapport de M. Emmons, alimente les quatre principales ri¬ vières du territoire de Washington, à savoir : le Cowlitz, qui débouche dans la Coiumbia, le Nisqually, le Puyallup et le White-River, qui débouchent dans le golfe de Puget. Formé de trois pointes, le sommet du mont Rainier atteint sa plus grande hauteur du côté de l’est. Cette pointe orientale parait avoir constitué à l’origine le centre du massif. C’est un cratère circulaire très-régulier, de 400 mètres environ de diamètre. De¬ puis le bord supérieur, ses flancs sont nus sur une hauteur de 20 mètres; mais, plus bas, ils disparaissent sous un manteau de névé, avec une inclinaison de 28 à 31°. Ce névé s’étend sur les flancs des trois pointes, sur une étendue de plusieurs kilo¬ mètres, pour descendre à 600 mètres de hauteur verticale au-dessous du bord du cratère, sous l’aspect d’une immense surface d’une blancheur éblouissante, formée de glace gre¬ nue, interrompue seulement par des fissures transversales, dont l’une a une longueur de 2 à 3 kilomètres. Aux points le versant de la montagne se partage en plusieurs arêtes sail¬ lantes, le champ de névé se décompose en plusieurs courants de glace tombant en cascades à une profondeur de 1,000 mè¬ tres. La pente des cascades est énorme. Les amas de glace se reforment à leurs pieds en glaciers dont l’inclinaison devient plus douce, et qui alimentent les sources des rivières Nisqually, Cowlitz et White, non sans recevoir les eaux de petits glaciers secondaires ou latéraux, dont quelques-uns rejoignent et s’u¬ nissent aux glaciers principaux.

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SÉANCE DU 21 AOUT 1891.

Le glacier du Nisqually, le moins large des trois glaciers principaux, se fait remarquer par l’irrégularité, les chan¬ gements soudains et fréquents de son cours, dont la direction générale oscille entre le sud et le sud-ouest. La plupart de ses affluents lui viennent du promontoire à l’est du principal som¬ met. Sa pente, en aval des cascades, demeure assez régulière. Sa surface, vue d’une hauteur considérable, montre quelques traces de bandes sales. Son extrémité inférieure présente de nombreuses crevasses, tant dans le sens de la largeur que dans celui de la longueur, sous l’influence de résistance d’une masse de syénite qui perce à travers les couches volcaniques dans lesquelles est creusé le lit du glacier. On peut estimer à 150 mètres l’élévation de la pente terminale à l’extrémité du courant de glace. Quant aux parois de lave entre lesquelles passe le glacier, elles dominent sa surface, sur les deux rives, par des escarpements souvent très-raides, de 300 à 400 mè¬ tres de hauteur et même plus.

Dans sa direction moyenne, le glacier du Cowlitz est à peu près parallèle à celui du Nisqually. Toutefois, les courbes décrites par le Cowlitz sont moins prononcées; puis, tandis que les cascades, au pied desquelles les deux glaciers se refor¬ ment pour prendre un cours plus régulier, sont seulement sé¬ parées par un roc noir, formé de couches de laves et de brèches, large de 300 mètres, la langue terminale du second glacier est à 5 kilomètres de distance transversale de l’extrémité du premier. D’énormes glaçons, pareils à des stalactites, de 20 à 30 mètres de longueur, sont suspendus à la paroi en surplomb de l’escarpement. La pente du glacier, moins égale que celle de son voisin, présente de nouvelles cascades, moins fortes, il est vrai, que les premières, dans la partie inférieure de son cours. Le courant de glace pénètre d’ailleurs dans la forêt. Les rochers de ses deux rives sont couronnés par le pin des montagnes ( Picea nobilis ), et une autre espèce de conifère, le Pinus flexilis , monte au moins à 600 mètres au-dessus de l’al¬ titude de la langue terminale du glacier. La direction générale de celui-ci va du nord au sud; mais l’extrémité s’incline vers l’est, probablement déviée par une roche de formation plus ancienne, plus résistante que la lave. Par suite de cette dévia¬ tion, les crevasses longitudinales dominent, en ce point, sur les crevasses transversales. Une énorme moraine s’est aussi formée sur la rive occidentale, et s’élève à près de 100 mètres au-dessus de la surface. Cette moraine réunit les caractères

NOTE DE M. GRAD.

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des moraines terminales et latérales. Elle s’unit, tout près de son bord inférieur, avec la principale moraine médiane, la¬ quelle est composée de débris d’une lave poreuse qui ne se trouve que dans le haut de la montagne, dans le voisinage du cratère. A en juger par la position de cette moraine médiane, la moitié au moins du glacier paraît provenir du promontoire oriental du mont Ramier.

Ce promontoire sépare le bassin du Cowlitz du glacier du White-River, et il a la forme d’un triangle dont le sommet forme une aiguille gigantesque. La stratification de l’aiguille rocheuse, élevée maintenant de 1,000 mètres au-dessus des glaciers qui l’entourent à sa base, montre que ce piton déchi¬ queté faisait autrefois partie d’une arête beaucoup plus éten¬ due. Son escarpement est tel, que ni la neige ni la glace ne res¬ tent attachées à ses flancs. Sur les pentes du promontoire exposées à l’est, on remarque, entre les grands glaciers, de petites coulées de glace, d’une longueur moindre que leur lar¬ geur, se dressant, avec des parois verticales, au-dessus de l’am¬ phithéâtre de rochers les petits affluents du Cowlitz pren¬ nent leurs sources. Quand on le considère d’en bas, cet amphithéâtre apparaît comme un mur en hémicycle, composé de rochers à nu, de 600 mètres de hauteur, couronnés par une corniche de glace de 150 mètres de puissance, d’où des cou¬ rants d’eau tombent en cascades argentées sur les gazons ver¬ doyants de la base.

Une chaîne de pitons déchiquetés réunit ce sommet à la masse principale des monts Cascades, à l’orient; elle forme la ligne de séparation des eaux entre les deux bassins du White- River et du Cowlitz. Du haut du bief de séparation, on aper¬ çoit six glaciers dans la direction du nord, allant du côté du White-River. Les quatre premiers de ces glaciers viennent du promontoire triangulaire décrit plus haut, et sont relativement peu considérables. Deux d’entre eux, remarquables par leur structure veinée , proviennent d’un bassin à forme plus ou moins elliptique. Les veines, vues d’un point élevé, figurent des lignes concentriques, à peu près parallèles aux bords du bassin. Leur direction reste perpendiculaire à celle de la pres¬ sion. Le principal glacier du White-River, le plus grandiose de tous, descend du bord du cratère du Rainier droit au nord- est, et s’avance plus dans le bas de la vallée que les autres. Sa plus grande largeur, sur les pentes rapides de la montagne , doit mesurer de 6 à 8 kilomètres ; mais il se rétrécit progrès-

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

sivement, de manière à ne pas dépasser 2 kilomètres vers l’ex¬ trémité. Quant à sa longueur, elle est de 16 kilomètres au moins, soit la moitié de celle du glacier d’Aletsch, le plus con¬ sidérable des Alpes.

Selon M. Emmons, le grand glacier du White-River aurait profondément entamé les couches de laves sur lesquelles il se meut, mais il faut penser que cette force d’érosion est de beau¬ coup exagérée, en l’évaluant à une profondeur d’un mille an¬ glais ou 1600 mètres environ, A en juger par nos propres obser- 4 vations dans les Alpes européennes et dans les Vosges, la force d’érosion des glaciers est beaucoup moins active que celle des cours d’eau. Les glaciers exercent sur leur fond un frottement purement superficiel, et ne l’entament pas comme les cours d’eau et les agents atmosphériques, ils frottent et polissent les parois de leurs bassins; ils remplissent et s’écoulent à travers des vallées préexistantes, mais ils n’ont pas creusé leur lit, ou n’ont du moins contribué à son creusement que dans une pro¬ portion minime. Les mamelons rocheux très-escarpés, striés et polis à leur sommet et sur leurs flancs, qui s’élèvent à une hauteur de 50 à 100 mètres au milieu de la vallée de la Thur, en Alsace, n’existeraient pas si le grand glacier, dont cette vallée présente tant de vestiges incontestables, si bien décrits par M. Édouard Collomb, avait réellement creusé son lit. D’ail¬ leurs, les fjords du Groenland, dont plusieurs géologues émi¬ nents ont voulu attribuer le creusement à des glaciers, ne sont non plus, d’après les judicieuses observations du lieutenant Payer et des membres de l’expédition scientifique qui a exploré ces parages de 1869 à 1870, que d’immenses fissures les glaciers actuels ont trouvé, lors de leur formation, un lit déjà creusé.

Deux moraines médianes principales se trouvent à la surface du glacier du White-River, elles forment des amas de dé¬ combres de 20 à 30 mètres d’élévation. L’origine de ces mo¬ raines se trouve dans les rochers qui émergent, comme des taches noires, au-dessus des névés du versant escarpé de la zone supérieure. Entre ces rochers, il y a de grandes cascades, et à leur pied, de larges crevasses transversales. L’eau produite par la fusion forme de gros ruisseaux dans la partie inférieure du glacier, dont la surface est moins tourmentée. Quand une crevasse se présente, les ruisseaux y creusent des puits circu¬ laires ils s’engouffrent en chutes bruyantes. Gomme les pierres jetées au fond de ces puits ne rendent pas de son, leur

NOTE DE M. GRAD.

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profondeur doit être fort grande. Non loin des escarpements de la région moyenne, le glacier se partage en deux branches, dont Tune, dirigée vers le nord, alimente une rivière impor¬ tante qui rejoint de nouveau le courant principal à 25 ou 30 kilomètres plus bas. Sur le dos du monticule qui sépare les deux branches du grand glacier, un petit glacier secon¬ daire occupe une sorte de bassin^ mais il n’atteint aucune des branches du courant principal. M. Emmons aperçut encore, du haut des cimes du montRainier, plusieurs autres glaciers dans la direction de l’occident, mais dont la masse principale était cachée par les arêtes et les sommités intermédiaires. En somme, les environs de ce massif présentent au moins dix grands gla¬ ciers dont l’étude détaillée offrirait beaucoup d’intérêt.

Chargé de l’exploration des volcans maintenant éteints du mont Hood, M. Arnold Hague a également découvert des gla¬ ciers sur le versant méridional de ce massif. La partie supé¬ rieure du mont Hood présente, du côté de l’est, du nord, du nord-ouest, une paroi escarpée, déchiquetée, qui forme le bord extérieur d’un ancien cratère, qu’elle entourait d’aiileurs sur les trois cinquièmes de sa circonférence ; sur les deux autres cinquièmes , la paroi a disparu , et la montagne s’abaisse de ce côté en pente douce vers les parties boi¬ sées. Le diamètre du cratère , de l’est à l’ouest , mesure 800 mètres. A l’intérieur, la paroi s’élève à 440 mètres environ au-dessus de la neige et de la glace qui remplissent le bassin, tandis qu’à l’extérieur, elle s’abaisse brusquement de 600 mè¬ tres. Le bord du cratère est fort étroit, son arête ne dépassant pas deux pieds sur nombre de points. Plusieurs glaciers, ali¬ mentant les rivières Blanche, Sandy et Little-Sandy, ont leur point de départ dans la bouche de l’ancien volcan. Le glacier de la rivière Blanche ( White-River ), qu’il ne faut pas con¬ fondre avec le cours d’eau du même nom qui sort du mont Rainier, vient du côté est du cratère pour descendre vers le sud-est. Il a 3 kilomètres de long sur 400 mètres de large à son origine, et descend à 150 mètres plus bas que la limite supé¬ rieure des forêts. Une large crevasse transversale coupe tout le glacier, tout près du bord du cratère, montrant des couches de neige fraîche en surplomb au-dessus des parois béantes de la glace. M. Hague n’a pu franchir cette crevasse que sur un seul point, au moyen d’un pont de neige. Dans la partie infé¬ rieure, il y a également beaucoup de crevasses; l’une d’elles indique une profondeur de 60 mètres. Les moraines latérales Soc. géol.y 2e série, t. XXVIII. 9

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

et terminales sont fort étendues. H y a aussi des blocs erra¬ tiques et des stries glaciaires bien caractérisées.

Une arête nue, élevée, se dressant fièrement au-dessus de la glace et partageant le cratère en deux, sépare le glacier du White-River de celui du Sandy. Le bassin d’alimentation de ce dernier est plus étendu que celui du premier, mais le cou¬ rant qui en sort ne dépasse pas en longueur celui du White- River. L’eau de la rivière est fortement chargée de sable traehy- tique, fin, de nuance grise, provenant des débris transportés par le glacier. Un trachyte poreux, très-friable, que le glacier entame facilement, lui sert de lit. Des bancs de sable très- étendus, accumulés à l’embouchure de la rivière Columbia qui reçoit le Sandy-River, proviennent en majeure partie de cette dernière. Le Little-Sandy se réunit au Sandy-River à quelques kilomètres de sa sortie du troisième glacier, qui naît sur le ver¬ sant occidental, et se trouve séparé de celui du sud-ouest par une crête trachy tique. La partie supérieure du glacier du Little- Sandy est fortement inclinée, par conséquent déchirée par de larges et profondes crevasses. Le courant de glace s’écoule par une gorge étroite et profonde. Quanta l’ancienne extension des glaciers du mont Hood, elle est nettement marquée dans les bassins des vallées formées dans les coulées de laves trachy- tiques de l’ancien volcan. Tout le réseau des grandes glaces anciennes se rattachait à deux courants principaux, qui occu¬ paient les bassins des rivières Hood et Sandy.

En somme, l’exploration des volcans éteints des territoires de l’ouest par les géologues américains, en faisant connaître la topographie et la géologie de cette intéressante région, ont amené la découverte de plusieurs groupes de glaciers assez étendus, avec des preuves certaines d'un développement anté¬ rieur beaucoup plus considérable, au milieu des montagnes qui s’étendent au nord de la Sierra Nevada de la Californie. Sans aucun doute, l’étude attentive des massifs des monts Baker, Adams, Sant-Helens, donnera des résultats non moins im¬ portants que celle des groupes de Hood, de Shastaetde Rainier.

Une seconde note de M. Grad, Sur les petits glaciers tempo¬ raires des Vosges , est renvoyée à l'examen de la Commission du Bulletin (1).

(1) Cette note a paru dans les Comptes rendus de V Académie des Sciences , séance du 7 août 1871, t. LXXIII, p. 390.

NOTE DE M. MARTINS. 131

Le Secrétaire donne lecture de la note suivante de M. Ch. Martin s.

Observations sur l’origine glaciaire des tourbières du Jura Neuchâtelois , par M. Ch. Martins.

Lorsque je vis pour la première fois, eu 1859, la végétation de la grande tourbière qui occupe le fond de la vallée des Ponts, à 1000 mètres au-dessus de la mer, dans le Jura Neuchâ- telois, je crus avoir de nouveau sous les yeux l’aspect des paysages de la Laponie, que j’avais visitée vingt ans auparavant. Non-seulement les espèces, mais les variétés mêmes étaient identiques à celles du Nord. Plusieurs séjours successifs dans le chalet hospitalier de mon ami le professeur Desor, à Combe- Yarin, situé près de l’extrémité méridionale de la tourbière, me permirent de confirmer ce premier aperçu, que je com¬ plétai en étudiant les tourbières de Noiraigues dans le Yal Travers, et de la Brévine dans la vallée du même nom. La pre¬ mière est élevée de 720, la seconde de 1030 mètres au-dessus de la Méditerranée. Comme terme de comparaison, je visitai ensuite les tourbières des environs de Gaiss, dans le canton d'Appenzell, élevées également de 900 à 1000 mèires au-dessus de la mer, et dernièrement les fonds tourbeux de la montagne de Saulmail, dans les Cévennes, dont les altitudes varient de 950 à 675 mètres, qui est celle du village de la Salvetat, sur les limites des départements du Tarn et de l’Hérault. Ces études me permirent de constater la parfaite exactitude de tous les faits et de tous les résultats contenus dans l’ouvrage publié en 1844, sur les Marais tourbeux , par M. Léo Lesquereux. je n’aurais même pas pris la plume si l’auteur s’était mis au point de vue de l’origine géologique et phylologique de ces tour¬ bières. Mais, à l’époque il écrivait, ces questions n’étaient pas encore à l’ordre du jour, et il eût été fort en avant de son temps s’il les avait même pressenties. Je m’attacherai donc à ce point de vue, renvoyant pour tout le reste à l’ouvrage que je viens de citer.

Origine glaciaire des tourbières.

Un sol imperméable que les eaux pluviales ne puissent tra^ verser, telle est la condition première de la formation d’une tourbière. La contiguration du sol ne joue qu’un rôle secon*

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

daire. Ainsi, on observe des tourbières sur des terrains plats, ceux des bords de la Somme, de l’Ems, du Weser (1), du Schleswig-Holstein et de la Hollande, comme dans les vallées des Vosges, du Jura et des montagnes de l’Écosse. Quelquefois même, elles s’établissent dans les légères dépressions de pentes très-inclinées. Si le sol est imperméable, si l’écoulement des eaux n’est pas facile, la tourbière se forme. Une autre con¬ dition, c’est que les pluies ne soient pas trop rares, l’air habi¬ tuellement humide, la chaleur des étés modérée. Aussi, en Europe, les tourbières s’étendent-elles du Spitzberg jusqu’aux Pyrénées et la haute Italie, mais ne dépassent pas ces limites vers le sud ; cependant même le climat du pied septentrional des Pyrénées est encore assez humide, assez pluvieux et assez tempéré pour favoriser l’établissement de tourbières exploi¬ tables; mon amiM. Émilien Frossard m’apprend qu’il en existe une sur le plateau d’Ossun, près de Lourdes, une autre sur le plateau de Lannemezan, non loin de Labarthe de Nestes, arron¬ dissement de Bagnères; toutes deux fournissent du combus¬ tible aux environs.

Les vallées longitudinales, en lorme de berceau, de la chaîne du Jura, se prêtent singulièrement à l’établissement des tour¬ bières : en effet, presque toutes se terminent comme celle des Ponts, par deux cols qui, étant plus élevés que le fond de la vallée, s’opposent à l’écoulement des eaux. Sur les bords lon¬ gitudinaux les assises relevées en forme de crêts se sont rompues, ces eaux s’échappent entre les couches calcaires disloquées, et forment ces cavités coniques régulières, connues dans le pays sous le nom d emposieux (2). Ces cavités sont ana¬ logues aux chasmata des Grecs anciens, catavothra des mo¬ dernes, bétoires de la Normandie, schlotten en Thuringe, shallow holes en Angleterre, dolines ou jamen sur le plateau de Rarst, entre Trieste et Adelsberg, en Garniole. Les eaux d’infiltration forment les sources abondantes des vallées inférieures du Jura, celle de Noiraigues dans le Val Travers, celle de l’Areuse, celle de l’Orbe dans le Jura vaudois, du Muehlbach près de Bienne, de la Birse, etc. Néanmoins le fond de la vallée reste toujours humide, une partie des eaux pluviales ne s’écoule pas, mais

(1) Voir Grisebach, Ueber die Bildung des Torfsin den Emsmooren (Goet- tinger Studien, 1845).

(2) Voir sur les emposieux de la vallée des Ponts, Magasin pittoresque} 1865, p. 236.

NOTE DE M. MARTINS.

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s’étend en nappe souterraine au-dessous du banc de tourbe, et alimente la végétation des Sphagnum et des autres végétaux qui entrent dans la composition de ce terrain.

est l’obstacle qui s’oppose à l’infiltration de ces eaux à travers les fissures des couches calcaires formant le thalweg de la vallée des Ponts? Cet obstacle, c’est une couche d’argile siliceuse qui, semblable à un enduit imperméable, recouvre toute la partie horizontale occupée par la tourbière. D’où pro¬ vient cette couche d’argile siliceuse? elle ne saurait être due à la décomposition des roches qui sont toutes calcaires; c’est un produit de la trituration de roches feldspathiques, alumi¬ neuses et siliceuses, de roches dites primitives : c’est de la boue glaciaire. A l’époque de la grande extension des glaciers alpins, tout le Jura fut envahi par eux. Il était compris dans le domaine du glacier du Rhône : malgré une exploitation trop active , les blocs erratiques qu’il y a déposés sont encore innombrables. La plupart appartiennent aux roches anciennes, protogines, gneiss, schistes métamorphiques, poudingues à cailloux quart- zeux, etc.; ces blocs sont épars sur le crêt de Travers qui borne au sud la vallée des Ponts. Dans celle de Travers même, ils forment la puissante moraine de Noiraigues, dont les blocs ont été utilisés, en majeure partie, pour la construction de têtes de tunnels du chemin de fer, de clochers d’églises, d’esca¬ liers et de montants de portes et de cheminées. Cette moraine est précisément en aval de la tourbière de Noiraigues, et les blocs se retrouvent dans tout le Val Travers jusqu’au Chasseron. Les tourbière-s jurassiques ont donc une origine glaciaire, même lorsqu’elles ne sont pas barrées par une moraine qui? s’opposant à l’écoulement des eaux, détermine la formation de lacs, de marais ou de tourbières, comme on en connaît tant d’exemples dans les Alpes, le Jura, les Vosges, les Pyrénées et même dans les montagnes de la Lozère (1).

Les tourbières des environs de Gaiss, dans le canton d’Ap- penzell, sont une confirmation de ce qui se voit dans le Jura. La roche dominante est la nagelflue polygéniquey poudingue mo- lassique composé d’éléments variés, mais dominent les cail¬ loux calcaires impressionnés. Si l’on parcourt la tourbière qui longe la route de Gaiss à Appenzell, on remarque qu’elle est coupée par plusieurs ruisseaux qui se jettent dans le Rothbach.

(1) Voir une note sur l’ancien glacier de la vallée de Palhères. (< Comptes rendus de V Académie des Sciences , 9 nov. 1868.)

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

Ces ruisseaux sont creusés dans une argile grise très-plastique et très-pure. Cette argile, qui fait à peine effervescence avec les acides, recouvre sur plusieurs points le véritable terrain gla¬ ciaire formé de cailloux anguleux. La plupart ne sont pas cal¬ caires, non plus que les blocs erratiques gisant 4 la surface du sol : ce sont des cailloux et des blocs apportés par l’ancien glacier du Rhin qui les a déversés dans les environs de Gaiss, par-dessus le col d ’Am Stoss , ils deviennent fort nombreux, et reposent sur une moraine, dont la tranchée de la route, qui conduit à Alstaetten, permet d’apprécier la puissance. La partie horizontale du col est elle-même occupée par une petite tour¬ bière exploitée, à fond également argileux. Mais ce qui est encore plus démonstratif, ce sont de petits îlots marécageux qu’on Ôbserve sur les pentes de toutes les montagnes voisines : ils correspondent à de légères dépressions du sol, et on les reconnaît de loin à leur végétation qui est tout à fait différente de celle des prairies au milieu desquelles ils sont enclavés. Tandis que les pâturages, d’un vert admirable, se composent uniquement de plantes fourragères, ces îlots se distinguent de loin par une teinte jaune, due à la présence du Cirisum palustre qui domine les cyperacées et les joncs, témoins comme lui de l’existence d’un sol humide et spongieux. Aussi, tandis que les pâturages servent à la dépaissance des vaches laitières, ces îlots sont fauchés, et les herbes employées uniquement comme litière dans les étables. Le mode de formation de ces îlots est le même que celui des tourbières. La boue argileuse de l’ancien glacier s’étant déposée dans les moindres dépressions du ter¬ rain et arrêtant l’écoulement des eaux, le sol reste humide, devient spongieux, et la végétation du pâturage est remplacée par celle des marais et des tourbières. Un drainage intelligent suffit pour faire disparaître la végétation aquatique, remplacée bientôt par celle des plantes sociales du pâturage alpin.

La formation des tourbières alpines ou jurassiques se rat¬ tache donc à l’époque glaciaire. Supprimez les moraines comme barrage dans un grand nombre d’entre elles, supprimez la boue glaciaire qui rend le terrain imperméable, et la tourbière ne se formera pas (1). Les moraines et la boue glaciaire jouent

(1) Dans les montagnes jurassiques les terrains sont naturellement très- perméables, comme le prouvent les grandes sources vauclusiennes qui ca¬ ractérisent toutes ces chaînes. Les Gévennes calcaires et les montagnes du midi de la France ne font pas exception à cette règle. Exemples : la Sorgue

NOTE DE M. MARTINS.

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même un grand rôle dans la formation des tourbières qui se trouvent en dehors des chaînes de montagnes, mais dans le do¬ maine des anciens glaciers qui jadis sortaient des vallées pour s’épanouir dans les plaines. Telles sont toutes celles du versant septentrional et du versant méridional des Alpes : en Piémont, les grandes tourbières de San Martino et San Giovanni près d’Ivrée, d’Avigliana sur la route de Suze à Turin (1), de Mercu- rago et d’Angera, près d’Arona, sur le lac Majeur. Dans les environs de Novare, beaucoup de marais tourbeux ont été transformés en rizières. En Lombardie, des tourbières existent aux environs de Gôme, de Varese, de Golico et de Commabio. Toutes ces tourbières sont dans le domaine de l’ancienne extension des glaciers alpins, et la boue glaciaire, en rendant le sol imperméable, a autant contribué à leur formation, que l’obstacle mécanique apporté par la digue morainique à la cir¬ culation des eaux courantes. Mon %mi et ancien collaborateur,

à Vaucluse, le Groseau près deMalaucène, au pied du Ventoux, la Vis au- dessus de Ganges, le Lez près de Montpellier, les fontaines de Nîmes, de Sauve, du Vigan dans le Gard, de Sassenage près de Grenoble. Ces sources sont tout à fait analogues à celles de Noiraigues, de la Birse, de l’Orbe, de l’Areuse, du Muehlbach, qui surgissent à un niveau fort inférieur aux vallées jurassiques, souvent tourbeuses, les eaux pluviales s’accumulent et se conservent l. Seulement, dans les Gévennes et les autres montagnes calcaires du midi de la France, ce sont des plateaux appelés causses , et non des vallées qui reçoivent et tamisent les eaux pluviales. Ces observations s’appliquent également au plateau de Karst, entre Trieste et Adelsberg, en Carniole. Ce plateau est, à proprement parler, percillé d’emposieux ou do¬ nnes coniques, de toutes les dimensions, depuis 2 mètres jusqu’à 500 mè¬ tres de diamètre; elles absorbent toutes les eaux qui tombent sur le plateau. Une de ces dolines est la source de la Reka, près de Nobitsch. Le cours de cette rivière est entièrement souterrain, elle se jette dans la mer à Miramar, près de Trieste, et une machine à vapeur puise l’eau douce au milieu de l’eau salée. Mais le plus bel exemple d’hydrographie souterraine en Car¬ niole est celui de la rivière Poïk, qui entre à Adelsberg dans la grotte du même nom, et va ressortir à 40 kilomètres plus loin, sous le nom de Lay- bach, qui est celui de la ville la plus rapprochée. Je me résume et je con¬ clus que, si les tourbières contribuent quelquefois à l’alimentation des sources vauclusiennes, celles-ci surgissent souvent aussi au pied de mon¬ tagnes et de plateaux calcaires, sur lesquels on ne voit pas la moindre trace de dépôts tourbeux.

(1) Voir Ch. Martins et B. Gastaldi, Essai sur les terrains superficiels de la vallée du Pô. in- 4°, p. 5 et 19.

1 Voir sur ce sujet, E. Desor; La source du Jura. ( Revue Suisse , 1858.)

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

le professeur B. Gastaldi, de Turin, distingue même (1) des tourbières de premier ordre, situées dans la plaine, au pied de la moraine, et des tourbières de second ordre, placées dans les dépressions de la moraine elle-même. Les mêmes faits se repré¬ sentent dans le nord de la Suisse, dont les marais tourbeux sont compris dans le domaine de l’ancien glacier du Rhin.

D’après les observations de MM. Chantre et Faisan, tous les marais, toutes les tourbières, tous les petits lacs de la Bresse et des environs de Belley (Ain), doivent leur origine à la boue glaciaire de la moraine profonde de l’ancien glacier du Rhône. Le sol sous-jacent est formé des terrains les plus variés, mais la moraine terminale de ce grand glacier forme la limite de la Dombe ou de la Bresse à étangs ; au delà de cette limite on ne voit plus de boue glaciaire : les étangs, les tourbières dispa¬ raissent avec elle, quoique le sol géologique soit toujours le même.

Je n’oserais encore affirmer qu’à l’époque glaciaire , les Cé- vennes granitiques du département de l’Hérault, dont les hau¬ teurs ne dépassent pas 1100 mètres au-dessus de la mer, aient eu des glaciers permanents ; et cependant je me suis assuré que les nombreux fonds tourbeux de la montagne de Sautmail et de l’Espinouse, compris entre 600 à 900 mètres, sont formés par une couche d’argile aussi imperméable aux eaux que la boue glaciaire. La puissance de la tourbe n’atteint pas un mètre ; elle n’est pas exploitée comme combustible, mais seulement comme plaques gazonnées pour recouvrir les étables. La roche sous- jacente est un gneiss feuilleté, se réduisant facilement ensable fin. Cette argile de tourbières est-elle due à la décomposition de ce sable que les cours d’eau entraînent constamment vers les parties les plus déclives, ou bien est-elle aussi d’origine glaciaire? c’est ce que je ne saurais affirmer en ce moment, me réservant de faire connaître les tourbières cévennoles, qui, jus¬ qu’ici, n’ont point encore attiré l’attention des géologues, ni celle des botanistes.

J’ai été très-heureux de constater que mes opinions sur l’âge et l’origine des tourbières jurassiques étaient tout à fait sem¬ blables à celles que M. Belgrand a émises sur l’âge et l’origine de celles de la Seine (2). La botanique confirme pleinement, à

(1) B. Gastaldi : Nuovi cenni sugli oggetti di alta antichita trovati nelle torbiere et nelle marniere dell Italia , p. 77.

(2) Bull . Soc. géol., 2e série, t. XXYI, p. 879.

NOTE DE M. HÉBERT.

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cet égard, les inductions tirées de la géologie. Ainsi, je dé¬ montre dans un autre mémoire, inséré parmi ceux de V Aca¬ démie des Sciences de Montpellier pour 1871, que sur 179 plantes observées par MM. Lesquereux, Godet et moi, dans les tour¬ bières du Jura neuchâtelois, il y en a 73 qui appartiennent en¬ core actuellement à la flore arctique, et vivent, par conséquent, en pleine période glaciaire. Les 106 qui restent, une seule, la Swertia perennis, exceptée, sont toutes des plantes Scandinaves, et presque toutes s’avancent jusqu’au nord de la Péninsule. La végétation date donc, comme la tourbière elle-même, de l’é¬ poque glaciaire, et l’identité de la flore.de toutes les tourbières européennes, constatée depuis longtemps par les botanistes, n’est qu’une conséquence de leur identité d’origine.

M. de Billy fait observer que la théorie de M. Martins ne peut s’appliquer aux tourbières des Vosges.

M. Hébert communique le mémoire suivant :

Le Néocomien inférieur dans le midi de la France {Drôme et Basses-Alpes ), par M. Hébert.

Dans un travail publié en 1867 (1), j’ai exposé les raisons pour lesquelles je comprenais, sous la désignation d’étage néocomien, l’ensemble des assises dont la limite supérieure est le gault, et la limite inférieure l’étage wealdien, ou, à son défaut, le terrain jurassique.

C’est sans doute un étage bien vaste, et dont l’ampleur est hors de proportion avec l’étendue verticale des étages jurassi¬ ques, sauf peut-être le lias tel que je le comprends. On pourrait donc, avec quelque raison, songer à élever un pareil groupe au rang de terrain. A mon avis, cela ne se peut pas, à cause du gault qui lie les couches néocomiennes supérieures aux cou¬ ches inférieures de la craie beaucoup plus que le terrain ter¬ tiaire n’est lié au terrain crétacé, ou celui-ci au terrain juras¬ sique, ou même le terrain jurassique au trias.

Je divise le grand étage néocomien en trois groupes que je considère, en raison de leur importance, comme des sous-étages.

(1) Bull., série, t. XXIV, p. 323.

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

Le sous-étage inférieur, le seul dont je m’occupe dans ce travail, comprendra l’ensemble des couches plus anciennes que les calcaires à Réquienies {R. ammonia et R. Lonsdalii ), c’est- à-dire plus anciennes que l’étage urgonien de d’Orbigny.

Je ne reviendrai pas sur les raisons qui me font adopter cette classification, jeles ai suffisamment exposées dans mon mémoire sur le terrain crétacé des Pyrénées cité ci-dessus; mais je veux maintenant justifier, par des observations détaillées, les faits que j’ai annoncés dans ce mémoire (p. 376) de l’intercalation des calcaires à spatangues au milieu des couches à céphalopodes. En même temps j’essaierai de donner une idée un peu plus com¬ plète de la constitution du néocomien inférieur tout entier, en montrant, plus en détail que je ne l’ai fait jusqu’ici, qu’il existe au-dessous des marnes àpetites ammonites ferrugineuses, consi¬ dérées, avant mes observations de 1866, comme la base du néo¬ comien, une sériepuissantedecalcairesdont la faune est encore néocomienne. Jusqu’alors ces calcaires avaient été considérés comme jurassiques et oxfordiens.

Bien des faits, que j’aurai ainsi à exposer, sont certainement déjà à la connaissance d’un grand nombre de géologues, dont ces riches gisements reçoivent annuellement la visite; mais on me pardonnera, je l’espère, de revenir avec détail sur des don¬ nées qu’on a semblé oublier, puisqu’on est allé jusqu’à mettre en doute que ces couches à céphalopodes du midi de la France dussent faire partie de l’étage néocomien, tel qu’il a été établi par les géologues suisses.

La constitution géologique d’une partie des régions dont je vais m’occuper est connue dans ses éléments principaux, grâce à M. Lory. Dans la belle description du Dauphiné, on voit que le néocomien inférieur présente deux types.

Au nord de Grenoble et en Savoie, est un ensemble de cal¬ caires que M. Lory divise en quatre parties, mais dont les fos¬ siles principaux varient peu; car Ostrea Couloni,Deh\ , Janira atava , d’Orb., Pholadomya elongata, Münst., Terebratula prœ- longa , Sow., T. tamarindus , Sow., se rencontrent dès les couches les plus basses (assise 1, calcaire de F ontanil), et l’on sait que ce sont des fossiles caractéristiques des cal¬ caires à spatangues .

Le Pygurus rostratus se trouve dans la deuxième assise, en sui¬ vant la série ascendante, avec une partie des fossiles précédents, qui reparaissent encore dans la troisième, abonde le Toxaster complanatus ( Echinospatagus cordiformis). Dans cette troisième

NOTE DE M. HÉBERT.

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assise se rencontrent aussi Belemnites pistilliformis , Ammonites cryptoceras , etc. Il est à remarquer que cette troisième assise est souvent marneuse et glauconieuse.

Enfin l’assise supérieure, ou la quatrième, est le calcaire jaune de Neuchâtel.

Tel est le type septentrional; c’est celui qu’on retrouve, d’après M. Lory, dans tout le Jura; aussi lui donne-t-il le nom de type jurassien.

Partout on peut voir la roche sous-jacente dans le Dau¬ phiné ou même en Savoie, on reconnaît, dit M. Lory (p. 292), que ces couches néocomiennes reposent sur le calcaire de PÉchaillon ou sur le coral-rag.

En allant au sud, la constitution change. Aux environs de Grenoble, l’assise 1 du type jurassien, que M. Lory désigne sous le nom de calcaire de Fontanil , et qu’il considère comme le représentant dans le Dauphiné de l’ étage valanginien des géologues suisses, n’est plus le commencement de la série néocomienne.

Dès 1857, M. Lory ( BulL Soc. géol. de Fr., 2e série, t. XY, p. 32) montrait qu’au-dessous de ce calcaire se développe une assise de marnes avec Belemnites latus , Bl. ; Ammonites semisul- calus , d’Orh. ; A. Tethys , d’Orb. ; A. neocomiensis , d’Orb., etc. Ces marnes reposent sur des calcaires argileux à ciment hy¬ draulique, d’une puissance variable , qui auraient jusqu’à 500 mètres à Lemenc, près de Chambéry, et dont la faune a été étudiée par M. Pictet (1). Cette faune, l’on rencontre IM. subfimbriatus , d’Orb., et P A. Astierianus, d’Orb., est recon¬ nue aujourd’hui par tous comme franchement néocomienne.

M. Pictet a constaté que la faune du calcaire à ciment de Gre¬ noble et de Chambéry était la môme que celle des calcaires néocomiens inférieurs aux marnes à bélemnites plates , de Berrias, calcaires placés depuis longtemps (2), pour l’Ardèche et le Gard, à leur véritable niveau géologique par M. Émilien Dumas.

Les calcaires à ciment reposent sur des calcaires lithogra¬ phiques, plus développés à Aizy, et aussi plus riches en fos¬ siles. La base de ces calcaires consiste en un gros banc compacte , se trouve , avec une certaine abondance , la Terebratula janitor; Pictet, désignée autrefois par tous les au¬ teurs sous le nom de Ter. diphya.

(1) Etude provisoire des fossiles de la porte de France, etc. Genève, 1868,

(2) Bull. Soc. géol. de Fr., 2e série, t. III, p. 680 et 658, 1846.

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

La faune de cette nouvelle assise a, avec la précédente, un certain nombre d’espèces communes. M. Pictet y a reconnu sans hésitation, en effet, les espèces suivantes :

Ammonites Calisto} d’Orb.,

Privasensis, Pictet, Calypso , d’Orb., Belemnites latus , Bl.,

minaret , Raspail.

qui se rencontrent, soit dans les marnes à ciment de Grenoble ou de Lemenc, soit à Berrias, dans les calcaires néocomiens à Terebratula diphyoïdes.

A ces espèces, reconnues néocomiennes, j’ajouterai les sui¬ vantes, sur lesquelles on est moins d’accord, mais dont l’exa¬ men sera fait ultérieurement :

A. Stas&ycii , Zejszner, très-voisine de VA. Grasianus , et qui se trouve, avec cette dernière, dans les marnes néocomien¬ nes à ammonites ferrugineuses ;

A. ptychoicus , Qu., qui, pour moi, est identique avec VA. semisulcatus , d’Orb., et à laquelle on a attribué des carac¬ tères distinctifs qui ne sont nullement constants;;

A. Liebigi , Oppel, qui se rencontre aussi dans les calcaires à spatangues du midi de la France.

La présence d’espèces néocomiennes aussi nombreuses dans les assises lithographiques d’Aizy et dans les couches sous-ja¬ centes, caractérisées les unes et les autres par la Terebratulajanitor Pictet, et l’absence de toute espèce bien positivement jurassique, donne un caractère de très-grande probabilité à l’opinion que je soutiens depuis plus de cinq ans (t), que cette assise doit être également rapportée au grand étage néocomien.

Cette probabilité augmente encore quand on étudie le riche gisement de Stramberg, en Moravie, dont les céphalopodes ont été décrits par M. Zittel.

Tout le monde s’accorde pour placer Stramberg sur l’ho¬ rizon des calcaires à Terebratula janitor du Dauphiné. Or, j’ai montré que Stramberg renferme déjà dix-sept espèces néoco¬ miennes (2). L’identité entre Stramberg et les calcaires à Tere-

(1) BulL, 2e série, t. XXIII, p. 521, 28 avril 1866a

(2) Bail., V série, t. XXVI, p. 588, 1869.

NOTE DE M. HÉBERT. 141

bratula janitor de France est remarquable , car voici les espèces communes aux deux contrées :

Aptychus punctatus, Yoltz,

Ammonites ptychoicus , Qu.,

Silesiacus , Opp.,

Liebigi , Opp.,

elimatus , Opp.,

CalistOj d’Orb.,

transitorius , Opp.,

Moravicus, Opp.,

senex, Opp.

Sauf trois ou quatre espèces, c’est la presque totalité des céphalopodes connus à ce niveau en France.

Cela posé, il en résulte que notre assise néocomienne infé¬ rieure, que nous désignons sous le nom de zone à Ter . janitor , se trouve caractérisée par une faune très-riche, que nous font en partie connaître les mémoires de M. Zittel sur Stramberg, et de M. Pictet sur les environs de Grenoble et de Chambéry.

La deuxième assise sera le calcaire-ciment , dont la faune est connue par le travail de M. Pictet sur Berrias , et qu’on peut provisoirement désigner sous le nom de zone de Berrias. Elle a fourni à M. Pictet cinquante-six espèces.

Ces deux assises ont une partie de leurs faunes commune, surtout quand on les compare sur des points éloignés. Ce qui les distingue, c’est, pour la première, la présence de la Tere- bratula janitor , et, pour la seconde, d’après M. Pictet, celle de la Terebratula diphyoïdes que l’on retrouve beaucoup plus haut, aussi bien qu’un certain nombre d’espèces, vingt et une, communes avec les marnes à petites ammonites qui recou¬ vrent le calcaire-ciment .

Les Ammonites Berriacensis , Pict.; A.Euthymi , Pict .;A.Malbosi, Pict.; 4. Æoissim', Pict.; A.occitanicus, Pict.; A.rarefurcatusy Pict.9 sont jusqu’ici caractéristiques de cette deuxième zone, que M. Pictet désigne sous le nom de zone à Ter. diphyoïdes , qui y serait très-abondante.

La troisième assise, celle des marnes à petites ammonites ferrugineuses, est bien connue. M. Lory ne cite que Belemnites latus , et Ammonites se misulcatus, A. Tethys, A. neocomiensis, etc., rares et mal conservées.

La quatrième assise, est le calcaire, de Fontanil , base du type jurassien ; elle repose sur la précédente ; elle est recou¬ verte par les calcaires à Pygurus rostratus (2e assise du type

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

jurassien), que nous considérerons, pour simplifier, comme n’en constituant que la partie supérieure.

La cinquième assise, qui devrait correspondre aux calcaires à spatangues , devient plus complexe et se divise en trois parties :

A la partie inférieure , une couche glauconieuse peu épaisse, avec Belemnites binervius , B. dilatatus , B . polygona- lis , B . subfusiformis , d’Qrb., Nautilus pseudo-elegans, Ammonites cryptoceras , A. Leopoldinus , A. As^manws, A. Grasianus , A. w- certus , A. ligatus , A. cassida , A. difficilis , A. radiatus , A. Castel- lannensisy Aptychus Didayi ,

A la partie moyenne, calcaires marneux à Crioceras Du- valii , Ammonites Rouyanus , et plusieurs des espèces précéden¬ tes, et aussi des gastéropodes et bivalves des calcaires à spa¬ tangues ;

A la partie supérieure, les marnes à spatangues. Le Toxas- ter complanatus ou Echinospatagus cordiformis, n’a étérencon- tré qu’à ce niveau dans le Dauphiné; il y est accompagné de sa faune habituelle, et aussi de quelques ammonites de l’assise précédente.

Le calcaire de Neuchâtel manque, et les marnes à spatan¬ gues sont immédiatement recouvertes par les calcaires à Re- quienia ammonia.

L’épaisseur totale des assises néocomiennes supérieures au calcaire à ciment est de 500 mètres au moins , et ce dernier ayant, d’après M. Pillet, 5 à 600 mètres dans les environs de Chambéry, on voit quelle énorme puissance atteint le néoco¬ mien dans le voisinage des Alpes françaises.

M. Lory fait remarquer qu’en s'éloignant de Grenoble, vers la basse Savoie et le Jura, les couches marneuses, riches en céphalopodes, disparaissent progressivement, tandis qu’elles se développent de plus en plus quand on s’avance vers le sud, les calcaires à faciès jurassien disparaissent à leur tour.

Grenoble est donc un type mixte, entre le type jurassien et le type méridional, que M. Lory appelle type provençal.

Ce type provençal, très-développé dans une foule de loca¬ lités et notamment dans les suivantes : Saint-Julien-en-Beau- chêne,Montclus près Serres, Châtilion-en-Diois, la Motte -Cha- lançon, Remuzat, les Pilles près Nyons, j’ai eu occasion de les étudier, se compose seulement, pour M. Lory, de deux assises : les marnes inférieures à Bel. latus , les calcaires à Criocères ; mais ceux-ci sont formés à la base de calcaires

NOTE DE M. HÉBERT.

143

marneux terminés par les marnes à Bel. dilatatus , qui se trou¬ vent à la partie inférieure de la cinquième assise du type mixte des environs de Grenoble, de telle sorte que le calcaire de Fontanil s’est transformé en calcaires marneux , la faune est presque la même que celle des marnes néocomiennes à Bel . latus.

C’est au-dessus de ce niveau à Bel. dilatatus que se développe la série des calcaires à criocères, caractérisés, surtout à leur partie supérieure, par le Scaphites Yvanii , Puzos.

Tel est le résumé des notions que nous donne, sur ce sujet, l’excellente Description du Dauphiné .

Je vais actuellement exposer les observations que j’ai faites sur le même terrain, en 1861, dans la Drôme et les Basses- Alpes. Je voulais, avant de les publier, les compléter, et voilà pourquoi j’ai tant tardé; mais telles qu’elles sont, elles pour¬ ront peut-être servir à d’autres explorateurs. J’ai d’ailleurs, par mes conseils et mes indications, poussé vers ces études plusieurs de nos jeunes confrères, dont les recherches com¬ pléteront les miennes.

Pendant le mois de septembre 1861, j’ai eu le plaisir de voyager dans ces régions en compagnie de mon ami, l’éminent géologue de Berne, M. Studer.

Nous avions visité ensemble bien des gisements néocomiens : Saint-Julien - en - Beauchêne , Châtillon-en-Diois, Crest, nous attendaient nos confrères, l’abbé Vallet, de Chambéry, si connu aujourd’hui par ses belles découvertes dans l’infrà- lias des Alpes, et l’abbé Soulier, curé deVesc, qui devait nous guider dans cette région qu’il connaît si bien ; les Pilles près Nyons , Eyrolles près Saturne , Rottier et la Charce près la Motte-Chalançon; et malgré la richesse de nos récoltes, soit dans les couches néocomiennes, soit dans celles des cal¬ caires et argiles oxfordiens, malgré le nombre et le détail infini de nos observations, nous n’avions pu saisir la limite exacte entre l’oxford-clay et le néocomien. Cependant j’avais pu me convaincre, à Châtiilon, à Saint-Julien et à Eyrolles, qu’entre les marnes néocomiennes à petites ammonites ferrugineuses et les calcaires compactes à Ammonites plicatilis et A. tortisul- catus de l’oxford-clay supérieur, il y avait une assise de cal¬ caires marneux , alternant avec des marnes , dépassant quelquefois plus de 100 mètres d’épaisseur, et qui par ses fos¬ siles appartenait incontestablement à l’étage néocomien. Mais ces calcaires néocomiens inférieurs et ceux de l’oxford-ciay

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SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

supérieur ont une nature minéralogique tellement semblable, leur stratification est tellement concordante, ils sont si pauvres en fossiles, qu’il était extrêmement difficile de dire finis¬ saient les uns et commençaient les autres.

Resté seul, au milieu de cette incertitude, mon bon et savant compagnon de route se trouvant rappelé chez lui, je cherchai à déterminer ce point de contact si peu apparent.

Coupe de Montclus. Le village de Montclus, près de Serres, à la limite des Hautes- Alpes et de la Drôme, montre une fort belle coupe des étages oxfordien et néocomien. M. Lory a cité cette localité. J’ai relevé cette coupe avec l’attention la plus minutieuse ; la voici, en partant du sommet du coteau qui domine Montclus à l’ouest, et en allant de haut en bas :

Calcaires en lits minces séparés par de très-petits lits de

marnes . 20m »

Calcaires et marnes, en lits irréguliers . . 8 »

Calcaires marneux, en partie feuilletés, avec lits minces de marnes, Aptychus Seranonis, Coq., commun à la base, Belem-

nites subfusiformis , Crioceras Duvalii , etc. (2e niveau de bé-

lemnites de M. Lory) . 8 »

Bancs siliceux, gris, homogènes, calcaire pénétré de silice, ou nodules calcaires empâtés dans le silex . 7 »

Marnes bleues en couches de 0m. 50 en moyenne, alternant avec des lits minces de calcaire très-marneux,feuilletés,de 0m.20 à 0m.25 d’épaisseur. Les calcaires vont en augmentant d’épais¬ seur vers le haut, sur une dizaine de mètres. Ils renferment alors YAmm. Astierianus. Cette assise est d’ailleurs peu fossilifère.

Epaisseur totale . 50 à 60 »

Marnes bleues avec calcaires marneux subordonnés, Ba - culites neocomiensis ,c. , Aptychus Seranonis , c., ammonites, etc., dans la partie supérieure; petites ammonites ferrugineuses ( A. Astierianus, Juilleti , Grasianus , etc.), dans la partie

moyenne . 28 »

Calcaires très-marneux avec Ammonites macilentus, d’Orb., alternant avec des argiles assez épaisses, nombreuses ammonites ferrugineuses ( A . neocomiensis , diphytlus , Astierianus , Gra¬ sianus }quadrisulcatus3 etc.) àla partie supérieure, et beaucoup de bélemnites (. B . dilatatus , r., B. Emerici, r., B. bipartitus , c.,

B. latus, r., B. binervius , c., B. subquadratus, r . ,B . subfusi¬ formis } c.; ce sont les marnes inférieures ouïe premier niveau de bélemnites de M. Lory (1) . . . 60 »

(1) Les abréviations, r.,c., a. r., a. c., signifient rare, commun, assez rare, assez commun.

NOTE DE M. HÉBERT.

145

Calcaires marneux en bancs réguliers, ayant une tendance à se diviser en boules; fossiles assez rares, disséminés ( Ammo¬ nites quadrisulcatus, A. neocomiensis , A. macilentus), ordinai¬ rement à l’état de moules calcaires . 56 »

Calcaires en bancs réguliers de 0m.30 à 0m.60 d’épais¬ seur, compactes, à structure lithographique dans l’intérieur, mais marneux sur les surfaces, de teinte bleuâtre et surtout mou¬ chetés de lignes noirâtres, et séparés par des lits d’argile schis¬ teuse de 0m . 10 à 0m . 50 d’épaisseur. Fossiles assez nombreux, surtout à la base (il. neocomiensis , A. semisulcatus, var. ptychoicus, d’Orb., il . Roubaudianus, A . diphyllus?, Crioceras , Terebratulajanitor, Pict. (1), mais en mauvais état de conser¬ vation. Petit lit de grès de 0m. 05 à 16 ou 18 mètres de la

base; écailles de poissons. Épaisseur totale . 56 »

10° Lit très-mince de marne terreuse jaune orangé . . 0 04

Total . 3C3m.04

11° Calcaire compacte, lithographique, en bancs réguliers, sans inter¬ position d’argiles, à surface parfaitement plane, très-semblable aux cal¬ caires néocomiens 9, mais sans fossiles, se liant d’ailleurs de la façon la plus intime avec les calcaires qui sont au-dessous, et que, pour cette raison, j’ai rattacher à l’Oxford-clay, auquel d’ailleurs ils sont rap¬ portés par M . Lory, qui peut-être leur avait associé une partie des couches néocomiennes que j’en détache (2).

Dans cette coupe, les n08 6 et 7 représentent les marnes à petites ammonites ferrugineuses, qu'ils renferment en grande quantité, ainsi que les bélemnites et les aptychus. L’épaisseur de cette assise n’a pas moins de 88 mètres. Outre les espèces précédemment citées, j’y ai recueilli Aptychus Didayi , Coq., et A. Mortilleti , Pict. et Lor. (3).

A 70 mètres au-dessous, le Belemnites subfusiformis et YAp-

(1) La détermination de cette espèce doit être acceptée en toute sécurité. L’échantillon a été communiqué par moi à M. Pictet, avec l’exemplaire cité de Saint- Julien-en-Beauchêne ( Tèrébratules du groupe de la T. diphya , p. 164), et tous deux sont étiquetés par le savant paléontologiste comme Ter . diphorosj Zejszner, dénomination qui plus tard a fait place à Ttr. janitor, Pictet.

(2) D’après de nouvelles observations dues à M. Velain, une assez grande épaisseur de ces calcaires 11 contiendrait encore Terebratula janitor , et la limite devrait être descendue plus bas que je ne l’avais fait en 186f. {Note ajoutée pendant l'impression.)

(3) Cette dernière espèce, dont je possède une nombreuse série, ne me paraît être qu’une variété de VA. Seranonis , Coq,

Soc. Gtol,, 2e série, t. XXVIII.

iO

146

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

tyckus Seranonis reparaissent avec le Crioceras Duvalii , et une assise de 112 mètres de calcaires, marneux en haut, compactes et lithographiques en bas, sépare les marnes à petites ammo¬ nites ferrugineuses des calcaires oxfordiens. La faune de cette assise inférieure (A. quadrisulcatus , A.neocomiensis , A. Roubaudia- nus,A.macilentus , A. difficilis , C>mcmis),quiseretrouve jusqu’à la base de la série avec la Ter . janitor et qui disparaît dans les cal¬ caires oxfordiens, montre qu’il y a un terme nouveau à ajouter à la série telle que l’a donnée M. Lory.

Comme je l’ai dit plus haut, ce terme inférieur se retrouve à Châtillon, à Saint-Julien et à Eyrolles. Il y est même beaucoup plus riche en fossiles, mais le temps m’a manqué pour en relever la coupe avec autant de détails. Je puis cependant ajouter les renseignements suivants :

Châtillon-en-Diois. En partant du pont de Châtillon et re¬ montant le ravin, on rencontre successivement de bas en haut :

Calcaire très-marneux, avec Ammonites macilentus.

Calcaire marneux bleuâtre à cassure conchoïdale avec Ammonites Astierianus , et bélemnites.

Calcaire noduleux avec Belemnites Orbignyanus.

Calcaires marneux alternant avec des marnes schisteuses noires.

C’est au-dessus de ces couches, dont l’ensemble a certaine¬ ment au moins 100 mètres de puissance, que viennent, en haut du ravin, les marnes à petites ammonites ferrugineuses. J’y ai. recueilli :

Belemnites conicus , Bl., a. c.

bipartïtus, Bl., a. r.

Orbignyanus , Du val-Jouve, a. c.

Ammonites radiatus , Brug., r.

Astierianus , d’Orb., c.

Grasianus , d’Orb., c.

neocomiensis , d’Orb., c.

Thetys} d’Orb., c.

asperrimus, d’Orb., a. c.

Juilleti , d’Orb., r.

- quadrisulcatus , d’Orb., a. r.

semisulcatus, d’Orb., c.

diphyllus , d’Orb., a. r. (1).

(1) M. Pictet considère A. diphyllus et A. Morelianus comme un peu

NOTE DE M. HÉBERT.

147

Ammonites Morelianus , d’Orb . , c.

Roubaudianus, d’Orb. (1), a. c.

Calypso , d’Orb., a. c.

Baculites neocomiensis , d’Orb., r.

Saint-Julien . A Saint-Julien-en-Beauchêne, bien que les calcaires inférieurs soient peut-être moins puissants, ils ont cependant une certaine importance. J’ai constaté que le tor¬ rent de Saint-Julien est creusé dans ces calcaires et non point dans l’oxford-clay. J’y ai recueilli en place , Ammonites semisul- catuSy d’Orb., var. ptychoicus, A. occitanicus , Pict., A. Boissieri , Pict. , Metaporhinus transversus ? , et une Terebratula janiior, Pictet, que nous avons déjà vue se montrer à Montclus, en bas de la série néocomienne.

Dans les marnes à petites ammonites ferrugineuses, j’ai re¬ cueilli les espèces suivantes :

Beiemnites conicus , Bl. , c.

bipartitus, Bl., r.

- bicanaliculat.us , Bl., c.

latus, Bl., r.

Orbignyanus, Duval, a. c.

subfusiformis, d’Orb., c.

Ammonites Astierianus , d’Orb., c.

Grasianus, d’Orb., c.

neocomiensis , d’Orb., r.

Thetys , d’Orb., c.

asperrimus d’Orb., c.

Juilleti, d’Orb., c.

■— quadrisulcatus , d’Orb., c.

semisulcatus } d’Orb., c.

Morelianus , d’Orb., r.

zonarius , Opp. (2), r.

Coupe d’Eyrolles. La localité d’Eyrolles, auprès de Sahune (Drôme), offre beaucoup d’intérêt, soit comme coupe, soit comme gisement.

douteuses. Ces espèces me paraissent, après en avoir examiné un très- grand nombre d-’ exemplaires, devoir être conservées.

(1) Celle-ci pourrait bien n’être qu’une variété de TA. neocomiensis .

(2) Zittel, Palœontologische Studien.,... Cephalopoden des Stramberger Kalkes, 1868, p. 88, pl. 15, fig. 4, 5, 6. L’exemplaire que j’ai recueilli à Saint-Julien ne présente aucune différence de caractères avec celui qui a été figuré par M. Zittel.

148

SÉANCE DU 2! AOUT 1871.

On ne saurait trop en recommander l’étude.

Voici, en attendant mieux, un diagramme qui pourra en donner une idée générale :

Coupe de Sahune à la forêt d' Eyrolles .

Fig. I.

S. E. Sahune, Aygues R. Forêt d’Eyroiles. N. O.

Ox. m. Marnes oxfordiennes h Ammonites Lamberti (oxford moyen).

Ox.cal. Calcaires oxfordiens à Ammonites plicatilis, A. iortisul - catus, etc. (oxford supérieur).

N. Calcaires marneux néocomiens, épaisseur environ 100m.

n. Marnes néocorniennes à petites ammonites ferrugineuses, avec lits calcaires subordonnés. Ces lits calcaires renferment beaucoup de grandes ammonites et pas de petites; réciproque¬ ment les marnes ne renferment que de petites ammonites fer¬ rugineuses et pas de grandes; l’épaisseur de ce petit système de couches n’est que de 3m.

J’y ai recueilli les espèces suivantes :

Belemnites Emerici , Raspail, c.

conicuSj Bl., c.

bipartituSj Bl., c.

Orbignyanus , Duval, c.

subfusiformis, c.

Ammonites Astierianus, d’Orb,, c.

Grasianus , d’Orb., c.

neocomiensis , d’Orb., c.

Thetys , d’Orb., c.

asperrimus , d’Orb., r.

verrucosus, d’Orb., a. r.

Juilieti , d’Orb., c.

quadrisulcatus , d’Orb., r.

semisulcatuSf d’Orb., r.

NOTE DE M. HÉBERT.

149

Ammonites diphyllus , d’Orb., c.

Morelianus , d’Orb., c.

Terverii, d’Orb., a. r.

Baculites neocomiensis , d’Orb., a. c.

Aptychus Seranonis , Coq., c.

Mortilleti, Pict. et Lor., a. c.

Tous ces fossiles, toujours associés d'une manière si con¬ stante, se rencontrent dans cette épaisseur de 3 mètres ; mais on peut constater que les aptychus et les bélemnites sont beau¬ coup plus abondants à la partie supérieure et les ammonites à la partie inférieure de cette couche de 3 mètres. On peut aussi s’assurer que ces fossiles se rencontrent en dessus et en dessous de leur gisement principal, mais en moindre quantité, et d’ail¬ leurs à des distances de quelques mètres seulement.

La couche fossilifère, qui s’étend sur plusieurs kilomètres, entre Eyrolles et Villeperdrix, et qui, par la manière dont elle est exposée à l’action des pluies, fournira en tout temps une riche moisson aux explorateurs, se distingue de loin à la vue, en ce qu’elle est plus épaisse que les autres couches de marnes et d’une couleur plus claire.

N'. Calcaire marneux alternant avec des lits de marne, renfermant des ammonites, criocères, etc., au moins 150 m.

Vallée de la Charce.— La série néocomienne de la vallée de la Charce est plus difficile à suivre dans tous ses détails ; il fau¬ drait pour cela y rester plus de temps que nous n’avons pu le faire.

Fig. î.

Pont de la Motte. Rottier. Petit pont.

Je n'ai donc que bien peu de chose à ajouter à l’intéressante coupe que M. Lory a donnée (1) de cette localité.

(1) Bull. 3 V série, t. XI, 1854, et Desc. géol . du Dauphiné , p. 291, pl. III, fig. 6, 1861.

150

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

En se dirigeant de la Motte à Rottier, on reste dans Y Oxford- clay pendant 3 kilomètres à partir du pont. Le néocomien commence à 1 kilom. environ avant le village de Rottier ; il présente de nombreuses dislocations qui gênent l’étude. Les marnesàpetitesammonites ferrugineuses, w(f,2), signalées dans cetle localité par M. Lory, semblent reposer directement sur l’Oxford-clay, mais la disposition relative des couches montre qu’il y a une faille. On y recueille abondamment le Belemnites subfusiformis comme à Eyrolles, plus rarement les B. binermus et B. latus. Les aptychus sont aussi très-communs, mais ce sont des espèces différentes de celles d’Eyrolles. L’A. Didayi , Coq., y est abondant; VA. angulicostatus, Pict. et Lor ,pîus rare. Les ammonites n’y sont pas communes, ce qui tient probablement à ce que la partie inférieure de ces marnes est cachée par des éboulements.

Au-dessus viennent les calcaires marneux N\ de la coupe d’Eÿrolles, dont l’étude peut se faire beaucoup plus commo¬ dément ici. J’y ai constaté d’abord, en a , la présence d’ammo¬ nites assez variées, de 1 ' Ancyloceras Emerici? \ puis de nou¬ veau, en 6, j’ai rencontré V Aptychus Didayi , et enfin des calcaires, c, gris, blancs ou bleuâtres, qui sont le principal gisement des céphalopodes de cette localité. Ce sont surtout A. Astierianus , d’Orb., A. Bouyanus , d’Orb., A. inbertus , d’Orb., Crioceras Duvalii, Léveillé, etc. Ces fossiles abondent dans les ravins qui précèdent le village de Rottier.

Des calcaires marneux et compactes, d, très-peu fossilifères, 'recouvrent les calcaires à céphalopodes ; j’y ai rencontré, en e, une Terebratula diphgoides, dans le ravin qui est après le mon¬ ticule de Rottier.

Le monticule suivant, qui est précisément à 5 kilom. du pont de la Motte, est traversé dans son milieu par un banc de calcaire très-dur (g), rempli de Rhynchonella peregrina , qui forme l’arête saillante du monticule et se suit d’une manière continue du haut en bas. Ce banc se trouve environ à 10 mètres au-dessus de calcaires marneux (f) à Crioceras Duvalii et Ammonites Rouyanus , répétition des calcaires c. Il est recouvert par de gros bancs de calcaires marneux (à), alternant avec des marnes, dans lesquels j’ai constaté la présence de la Terebra¬ tula triangulus , Lamk., en i9 un peu avant un petit pont.

Viennent ensuite des calcaires marneux alternant avec des marnes, recouverts par des calcaires marneux en gros bancs

NOTE DE M. HÉBERT. 151

j’ai bien aperçu des fossiles, mais que je n’ai point eu le temps de détailler.

M. Lory m’avait dit de chercher à préciser la position du banc à Rhynchonella peregrina qu’il n’avait donnée qu’approxi- mativement; on voit qu’il appartient bien, comme notre sa¬ vant collègue l’avait dit, à la série des calcaires à criocères ( Cr . Duvalii, Léveillé), mais qu’il occupe plutôt la partie su¬ périeure de cette série. J’y ai recueilli, outre la Rh. peregrina , un fragment bien caractérisé de V Ammonites recticostatus , d’Orb., et deux Chemnitzia , dont l’une est très-abondante, une Venus, une Capsa , et quelques autres bivalves indétermi¬ nables.

La coupe précédente prise sur le chemin de la Motte à la Charce, est du N. O. au S. E. ; celle que M. Lory a donnée va du N. au S., par la Charce. Je l’ai vérifiée sur place. Là, entre les calcaires oxfordiens et les marnes néocomiennes infé¬ rieures, il n’y a point de faille, mais il m’a paru qu’entre les calcaires noduleux ou compactes de I’Oxford-clay supérieur et ces marnes, il y avait une assise de calcaires plus ou moins marneux, ou alternant avec de minces lits de marne, qui peut- être seraient néocomiens. C’est un doute que je soumets aux futurs explorateurs de cette région.

La partie supérieure des calcaires néocomiens présente un fait intéressant. La petite rivière de la Charce coule sur les calcaires à Crioceras Duvalii, calcaires extrêmement riches en fossiles (4. Rouyanus , ligatus , Astierianus , incertus,e te.). Si l’on suit cette vallée à l’E., vers Sainte-Marie, on reste sur cette assise, et on trouve, à 2kilom. delà Charce, un ravin qui est le gisement le plus extraordinaire qu’on puisse voir pour l’abon¬ dance et la beauté des fossiles. Si , au lieu de marcher dans cette direction qui est celle des couches, on va du N. au S., dans la direction de Pomairol, on traverse la petite rivière qui coule au pied de la Charce, et on rencontre le long du ravin qui conduit à Pomairol, la succession des assises supérieures aux couches néocomiennes, telle que la donne la coupe déjà citée de M. Lory. J’ai remarqué que les calcaires à criocères sur lesquels repose le village de la Charce se retrouvent à la base du premier monticule, et qu’ils sont recouverts par un banc composé de blocs et nodules de calcaire compacte bleu, évidemment roulés, et enveloppés d’une argile peu abondante. La simple vue de cette couche me fit noter qu’il y avait l’indication précise d’une interruption dans la sédimentation-

152

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

et il se trouve que l’un des fossiles les plus abondants des cal¬ caires marneux qui viennent au-dessus est V Ammonites Mathe- roni , d’Orb., qui accompagne à la Bédoule Y Ancy laceras Ma- theronianus et YOstrea aquila , dans des assises calcaires qui forment, dans cette riche localité, la base du sous-étage néo¬ comien supérieur ou aptien, et reposent directement sur les calcaires blancs à Requienia. Ces calcaires à Amm. Ma - theroni marquent donc à la Charce, aussi bien qu’à la Bé¬ doule, le commencement du sous-étage aptien et la ligne de démarcation se trouve ici très-nettement indiquée. Je n’ai point vu dans l’endroit que je décris les petites orbitolites que M. Lory a signalées à peu de distance. Ces calcaires sont re¬ couverts par la série des marnes noires aptiennes alternant en bas et en haut avec des grès verdâtres ; au-dessus vient la craie.

Les observations qui précèdent montrent quelle est com¬ position détaillée du néocomien inférieur dans le Dauphiné méridional. On y reconnaît que les marnes à petites ammo¬ nites ferrugineuses constituent un horizon constant, bien ca¬ ractérisé par ses nombreuses espèces, non-seulement d’Ammo- nites, mais de Bélemnites et d’Aptychus, et enclavé entre deux puissants massifs de calcaires marneux, riches en Céphalo¬ podes.

Le massif inférieur nous fournit plusieurs espèces que nous avons également recueillies dans les marnes à petites ammo¬ nites, bien que l’une d’elles, VA. macilentus , soit rare à ce der¬ nier niveau. Mais j’y ai trouvé aussi des espèces comme :

Ammonites difficilis (Montclus),

Astierianus (Châtillon) ,

qui étaient considérées comme caractéristiques des calcaires à criocères supérieurs aux marnes à petites ammonites.

Ces rapprochements serontcertainement bien plus nombreux, lorsque l’on aura soumis ces calcaires inférieurs du Dauphiné à des recherches plus suivies. Jusqu’ici, en présence de la richesse des marnes qui les recouvrent, on les a trop négligés. Dans notre rapide exploration, nous n’avons pu y recueillir que dix espèces.

Les calcaires à Criocères, caractérisés surtout par les Ammo¬ nites Rouyanus et incertusy sont liés aux marnes à petites ammo-

NOTE DE M. HÉBERT.

153

nites non-seulement par VA. Astierianus qui descend jusqu’au bas de la série, mais par le Crioceras Duvalii lui-même (Mont- clus) . Le banc à Rhynchonella peregrina y est sim plemen t intercalé ; la faune reste la même au-dessus comme au-dessous. Il est à remarquer qu’on rencontre à Montclus des silex à la base de ces calcaires à criocères.

Suivons maintenant les assises néocomiennes vers le Sud.

Barrême. Le néocomien de Barrême offre les mê¬ mes caractères que celui des localités précédentes. Il se présente sous une épaisseur considérable sur le chemin de Chaudon. La coupe que j’ai donnée (. Bull ., 2e série, t. XIX, p. 114, 1861) montre qu’il repose en stratification concor¬ dante sur les calcaires compactes de Foxford-clay supérieur.

La crête qui sépare Chaudon de Barrême et de Saint-Jacques [loc.cit., fig. 7) est formée par les calcaires oxfordiens qui tantôt plongent à l’Est, ce qui est la direction normale, tantôt à l’Ouest, par suite d’un renversement local. En descendant vers Barrême, on parcourt successivement toute la série néoco¬ mienne.

Les calcaires marneux peu fossilifères de l’assise infé¬ rieure ;

Les marnes néocomiennes, gisement des petites ammo¬ nites ferrugineuses ;

Les calcaires à Crioceras Duvalii;

Des calcaires marneux peu fossilifères ;

Des calcaires remplis d’Ammonites(A. Rouyanus, A. diffi- cilis ), j’ai recueilli également Terebratula dijphyoïdes , etc.

Cette dernière assise est recouverte par les marnes ap¬ tiennes (1).

Castellanne. Les environs de Castellanne, en même temps qu’ils confirment la formule générale de la succession que nous avons constatée depuis le nord de la Drôme et des Hautes- Alpes, vont nous donner de nouveaux et très-intéressants ren¬ seignements.

Si l’on sort de la ville par la route de Grasse, on rencontre

(1) M. Reynès dit qu’on y a recueilli YAncyloceras Matheronianus ; on m’a remis également un Amm. Matheroni provenant de Barrême : ces deux indications montrent que l’assise calcaire, base du sous-étage aptien, existe dans cette localité.

154

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

immédiatement des calcaires compactes, J (fig. 3), je n’ai recueilli aucun fossile. Ces calcaires forment de grands escar¬ pements dont l’un supporte les ruines de la vieille ville et la chapelle du Roc. Ils plongent à l’Est. A la suite vieunent, en se dirigeant vers le lieu dit La Lagne, à 2 kilom. de la ville :

Les calcaires marneux inférieurs, ni, peu fossilifères, do rit la puissance dépasse 100 mètres, et qui ont ici les memes caractères que dans les gise¬ ments précédents. Les fossiles y sont assez rares et mal conservés. J’ai cependant recueilli une ammonite que je crois être VA . neocomiensis , d’Orb . ;

Marnes noires et bleuâtres peu épaisses, n2 , sans fossiles;

Calcaires et marnes, nZ9 alternant ensemble, avec fossiles nombreux, dont les plus abondants sont les suivants :

Echinospatagus cordiformis (Tox. complanatus), r.

Ricordeanus, Cotteau, c.

Collyrites subelongata, a. c.

Pholndomya elongata , c.

Ammonites Leopoldinus , c.

radiatus, c.

incertus , a. r..

ligatus , r.

Astierianus.

Crioceras. ,

Trigonia caudata.

Terebratula tamarindus .

Grès vert,w4, très-glauconieux, contenant à peu près la même faune, notamment A . Leopoldinus, A. radiatus , et en outre, quoique en petite quantité, Belemnites dilatatus et B . subfusiformis , A. Castel lannensis , A. Astierianus , A, incertus , Toxoceras elegans.

Couches plus marneuses, n5 , remplies de B. subfusiformis , quelques Belemnites dilatatus , polygonalis et bipartitus . quelques Toxaster écrasés, quelques Crioceras et beaucoup de fossiles du 3 ( Pholadomya elongata , Trigonia caudata , Terebratula tamarindus ). Les lits calcaires sont quel¬ quefois pétris de petites ammonites (i. Grasianus , etc.) non ferrugineuses,

NOTE DE M. HÉBERT. 155

mais il y a cependant un certain nombre de concrétions ferrugineuses à ce niveau.

Calcaires à Crioceras, n6.

Cette coupe montre que la faune si caractérisée du Toxaster complanatus occupe, dans la série néocomienne du Midi, une place bien déterminée. Elle est inférieure aux calcaires si riches en Crioceras Duvalii à la Charce, fossile constamment associé à Y Ammonites Bouyanus; elle est même inférieure au gi¬ sement des Bélemnites plates; elle est supérieure à une assise puissante de calcaires à Ammonites néocomiennes. Enfin elle est associée avec des céphalopodes (. Ammonites incertus , liga - tus , Grasianus , Castellannensis , Astierianus , Toxoceras elegans , Belemnites dilatatus , subfusifonnis , polyqonalis,bipartitus , etc.), dont plusieurs parcourent presque toute la série que nous dé¬ crivons. On peut dire qu’elle occupe exactement la position des marnes à petites Ammonites ferrugineuses. Par consé¬ quent, ce serait un niveau inférieur à celui des calcaires à spa- tangues de l’Isère qui reposent sur les calcaires A Crioceras Du¬ valii (1).

Continuons nos observations en marchant vers le Sud.

Route d'Escragnolles. Les calcaires néocomiens se mon¬ trent en plusieurs points sur la route d’Escragnolles.

A. A l’auberge du Logis Dupin et près le pont de la Doire , à l’embranchement des routes de Grasse et de Draguignan (au kilomètre 7), des calcaires compactes remplis de Bélemnites, des bancs glauconieux avec Toxaster , Ammonites, Toxoceras et Bélemnites, montrent que l’on a affaire à une portion de la série néocomienne deCastellanne.

B. Un peu au delà du Logis de Seranon (12e kilomètre).

C. A trois kil. de ce dernier point sont, en bancs verticaux, des calcaires jaunes, contenant les fossiles suivants :

Belemnites minaret ? Raspail, r.

Ammonites ligatus, d’Orb., a. c.

Dumasianus. d’Orb., r.

Ostrea rectangularis , Rœm., r.

Terebratu/a prœlonga , c.

tamarindus, c.

Echinospatagus cordiformis , r.

Ricordeanus, c.

(1) M. Reynès (Études sur les terrains crétacés du sud-est de la France , 1861, p. 74) fait sur ce sujet des remarques fort justes.

156

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

D. 2 kilomètres au delà (kilom. 17), les calcaires précédents [calcaires à Spatangues) sont surmontés, commeà Castellanne, par les calcaires glauconieux, abondent les Bélemnites, Ammonites, Toxoceras , etc., et se rencontrent aussi des Spatangues; leur épaisseur est de 2 m.

Viennent ensuite successivement de bas en haut :

Calcaires marneux avec petites Ammonites très-nom¬ breuses ( A.Grasianus , etc.), 2 m.

Calcaires sableux et très-glauconieux, 1 m.

Calcaires jaunes, sableux, avec Trigonia caudata , 3 m.

Ces trois couches, d’une épaisseur totale de 6 m., correspon¬ dent à l’assise n5 de Castellanne. Dans les deux localités, les deux assises ns et ne, très-semblables entre elles par les caractères minéralogiques et par la faune, qui est celle du cal¬ caire à spatangues du Nord, comprennent entre elles la glau¬ conie, cette faune vient se mélanger avec les grands cépha¬ lopodes du Midi.

Enfin, des calcaires blancs très-durs, épais de 10 mètres, renfermant à leur partie supérieure des lits marneux et glau¬ conieux ou sableux, semblent occuper la place des calcaires à criocères.

Il est à remarquer que ces assises qui, à Castellanne, plon¬ geaient à l’Est, au Logis Dupin plongent au Sud , d’abord de 20°, puis de 80°. Au Logis de Seranon, le plongement est S. -O., puis les couches deviennent verticales, et à la borne kilométrique 17, on les retrouve plongeant au S.-E., pour se replier presque immédiatement, de manière à plonger sensi¬ blement au N. et reprendre ensuite leur plongement S.-E., re¬ devenir verticales, etc.

C’est à cette nombreuse série de plissements qu’on doit la fréquente réapparition des mêmes couches.

Clars. On arrive ainsi à la belle coupe du ravin de Clars, à 3 kil. au N. -O. d’Escragnolles (borne kilom. 19). Le grand ravin, qui descend du hameau de Clars à Escragnolles, est paral¬ lèle à la direction des couches; mais un petit ravin qui va de la route au hameau les coupe perpendiculairement, et c’est ce ravin qui m’a donné la coupe suivante, que je prends de bas en haut, c’est-à-dire à partir du fond du ravin.

A l’ouest du ravin, un calcaire compacte jurassique est cou¬ vert par une forêt qui cache le contact avec les premières assises néocomiennes; mais la partie invisible ne peut être que très-peu épaisse.

NOTE DE M. HÉBERT. 157

La première assise visible consiste en marnes grises remplies des fos¬ siles suivants :

Echinospatagus cordiformis, a. r.

Ricordeanus, c.

Collyrites subelongata , a. c.

ovulum, a. r.

Panopœa curta ( Myopsis , kg.).

Pholadomya elongata , Münst., c.

Lavignon rhomboidalis (Leym. sp.), d’Orb., c.

Astarte disparilis, d’Orb., r.

Cyprina bernensis , d’Orb., a. c.

Sphœra corrugata, Sow., a. c.

Trigonia caudata , A g., r.

Lima Carteroniana , d’Orb., a. c.

Janira atava (Rœm. sp.), d’Orb., r.

Terebratula tamarindus , c.

C’est bien la faune des calcaires à spatangues, c’en est aussi

la roche. L’épaisseur de cette couche est de 10m.

Coucha remplie de nodules ferrugineux. .. . de 0m,50 à 1m.50 Marnes glauconieuses avec Belemnites subfusiformis , c.

minaret y a.r . 1 »

Calcaire avec A mmonites Leopoidinus . 3 »

Calcaire jaune avec Echinospatagus cordiformis , Ammo¬ nites Leopoidinus et radiatusy Nautilus pseudoelegans, nombreuses

Belemnites subfusiformis ? . 3 »

Glaucome . 4 »

Marnes avec bélemnites (B. binervius et biparti tus) . 4 »

Glauconie sableuse avec lits noduleux, semblable à celle ùe

Castellanne, avec Ammonites Aslierianus . 8 »

Marnes à bélemnites. . . . B »

10° Calcaire bleuâtre à Ancyloceras Emerici} A. Tabarelli. A. PuzosianuSj Ptychoceras Puzosianus , Nautilus neocomiensisy Am¬ monites cryptocerus , A . Thetys . 20 »

11° Calcaire glauconieux avec

Belemnites dilatatus. r.

Nautilus varusensis, a. c.

Ammonites Feraudianus , c.

clypeiformiSy c.

DumasianuSj a. c.

Ancyloceras Emerici, c.

Toxoceras obliquatus, r.

Cette dernière couche, mieux visible au ravin Saint-Martin, y présente une épaisseur de . . . 3 »

Total

75m. 50

158

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

Au ravin Saint-Martin, quoique les couches se séparent moins bien les unes des autres dans le détail, en raison de leur sec¬ tion verticale, et qu’elles soient moins épaisses, on distingue très bien dans l’ordre ascendant:

Marnes grises à spatangues . 3m

Marnes et calcaires jaunes terreux à spatangues et Amm. Leopol- dinus, radiatus, clypeiformis , Nautilus } etc. (nos 4 et 5 de la coupe

précédente) . 6

Marnes à bélemnites (nos 7, 8 et 9 de la coupe précédente) . 10

Calcaire à Ancyloceras Emerici . . 20

Glauconie supérieure avec Ammonites Feraudianus, Nautilus neocomiensis , etc . 3

Total . 42“

Ici, les marnes grises à Echiriospatagus cordiformis reposent directement sur les calcaires jurassiques.

A Escragnolles, les calcaires à Terebratula janitor et ceux de Berrias manquent, comme ils manquent dans le nord de l’Isère et dans le Jura. Dès cette époque de la T. janitor il .y avait, dans la région d’ Escragnolles comme dans le Jura, une partie sail¬ lante s’élevant au-dessus des eaux de la mer et constituée préci¬ sément par les assises supérieures du terrain jurassique du midi de la France. La partie intermédiaire, c’est-à-dire la Drôme et le nord des Basses-Alpes, était un bassin dont le fond était formé par les calcaires oxfordiens. Les saillies littorales n’ont pu être recouvertes que postérieurement par des couches néoco¬ miennes plus récentes. Le diagramme suivant représente cette disposition :

Fig. 4.

B

ABC. Limite du terrain jurassique et du terrain crétacé.

1.1.1. Calcaires oxfordiens supérieurs à Amm. iphicerus, tenuilobatus } trachynotus , etc.

2.2. Calcaire à Terebratula moravica.

3. Calcaire à Terebratula janitor.

4 . Calcaire de Berrias, ciment.

5 . Marnes à petites ammonites ferrugineuses et calcaire à spatangues.

NOTE DE M. HÉBERT.

159

Mais, réciproquement, cette partie centrale , 1, manquent les couches jurassiques supérieures, devait probablement former, à la fin de l’époque des calcaires à Ammonites iphicerus , une saillie émergée entre deux bassins, 2, 2, immergés tous deux, au moins pendant l’époque des calcaires à Terebratula mo- ravica , conformément à la disposition suivante :

Fig. 5.

Cette saillie du Dauphiné méridional, qui n>a pas été recou¬ verte par les eaux se sont déposés les calcaires de l’Échail- lon, qui a séparé à cette époque, au moins en partie, le golfe méditerranéen du golfe jurassien, ou qui formait un promon¬ toire dans ce golfe, est devenue, par un plissement inverse, représenté par la fig. 4, la première région envahie par les eaux au commencement de la période crétacée, et c’est ainsi qu’on y rencontre, à l’exclusion de beaucoup d’autres régions voisines, les dépôts néocomiens les plus anciens (1).

On remarquera que la disposition stratigrapbique des cou¬ ches jurassiques et crétacées, indiquée par la figure 4, mon¬ tre que les eaux, qui ont déposé les couches supérieures au gisement principal de la Terebratula janitor , ont pu battre des rivages formés par les calcaires de l’Échaillon, et qu’elles ont pu former des brèches analogues à celle d’Aizy, sans qu’il doive en résulter que ces brèches, quelque soit le nombre, encore bien restreint toutefois, des espèces jurassiques qu’on y rencontre, soient contemporaines des calcaires de l’Échaillon à Terebratula moravica. Cette manière de voir, que j’ai déjà exposée dans plusieurs circonstances (2), n’a pas été jusqu’ici rendue inacceptable. Aucune observation n’en a démontré l’impossibilité.

(1) On pourrait aussi admettre que les calcaires à Terebratula moravica Ae, la fig. 4, ont été ravinés de manière à présenter un bassin se sont dépo¬ sés les calcaires à Terebratula janitor. Alors les deux plissements successifs deviendraient inutiles et seraient remplacés, d’abord par un exhaussement du sol, puis par un vaste phénomène de dénudation. Peut-être cette dernière hypothèse rendrait-elle mieux compte de la présence constante de brèches à la base du calcaire à Ter . janitor.

(2) Geological Magazine , vol. YI, 7, july 1869 ; Bull. Soc. géol. de France , t. XXVII, p. 111, nov. 1869 ; Verhandl. der K. K. geol. Reichsanstult , 7, 1870.

160

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

APPENDICE.

Le calcaire à spatangues est le faciès littoral du néocomien inférieur .

J’ai fait voir dans la note précédente que la faune des cal¬ caires à spatangues se trouve, dans la Drôme et les Basses-Alpes, au milieu des calcaires à céphalopodes; en d’autres termes, que le faciès jurassien et le faciès provençal se trouvent tous deux dans une même série de couches et dans le même lieu. Ce que M. Lory désignait sous le nom de faciès provençal, M. Reynès, qui habite la partie de la Provence les calcaires à céphalo¬ podes ne sont pas représentés, et qui a vu d’ailleurs que c’est dans le nord de la Provence, mais surtout dans le Dauphiné méridional (Drôme), que ces calcaires sonttrès-développés, se sert de l’expression de faciès alpin , et se contente de donner le nom de faciès ordinaire au calcaire à spatangues.

M. Reyn.ès fait avec raison remarquer que d’Orbigny, en considérant les oursins comme indiquant des dépôts de haute mer, et l'abondance des céphalopodes comme annonçant les anciens rivages , est en contradiction avec les faits actuels. La manière de voir de d’Orbigny est également en opposition avec les indications fournies par la stratigraphie. Si on envisage, en effet, les dépôts néocomiens dans leur ensemble, on voit que lorsqu’on approche des points ces dépôts viennent s’at¬ ténuer, puis disparaître devant un terrain plus ancien, qui évidemment a été le rivage de cette époque, c’est alors que la faune des calcaires à spatangues apparaît; Y Echinospatagus cor- diformis ou YE. Ricordeanus s’y trouve toujours, accompagné de nombreux acéphales et de gastéropodes. Il en est ainsi tout le long des Gévennes, dans le Vivarais et dans le Gard. J’ai vérifié ce fait à la montagne de Rousson , les calcaires à Echino¬ spatagus cordiformis,dL\ec Pholadomya elongata et Ostrea Couloni , sont intercalés entre des calcaires marneux pétris d’ammonites (A. Castellannensis, A. subfimbriatus, A. cryptoceras , A. difficilis , A. Astierianus , A. Grasianus , A. Neocomiensis, etc.), et les cal¬ caires à Requienia qui forment la partie supérieure de la mon¬ tagne (1).

(1) Une coupe tout à tait identique a été donnée en 1842 (Bull. Soc . géol ., 1re série, t. XIII, p. 508) par M. Rénaux. Elle s’applique au Serre

NOTE DE M. HÉBERT.

161

La constitution du néocomien reste la même lorsqu’on con¬ tinue à longer les Cévennes par Saint-Hippolyte et le Mas-de- Londres jusque dans l’Hérault.

Il forme le mont Hortus et la plaine de Yalflaunès, au pied du pic Saint-Loup. Il vient s’appliquer en couches sensible¬ ment horizontales contre les strates redressées des calcaires oxfordiens qui forment la crête du Pic : c’était bien un point du rivage; puis il plonge au sud sous le terrain tertiaire, en affleurant çà et là, en beaucoup de points, jusqu’à la rencontre du delta du Rhône. L ’Echinospatagus cordiformis , YOstrea Cou- loni continuent à abonder dans les calcaires marneux infé¬ rieurs, se trouve V Ammonites Astierianus.

Dans mon mémoire de 1867 sur le terrain néocomien des Pyrénées, j’ai fait continuer le rivage, que je viens de suivre, directement au sud, n’ayant rien vu à l’ouest de cette ligne qui pût être rapporté au néocomien inférieur. Je considère comme probable qu’un large canal, correspondant à la vallée actuelle du Rhône, faisait communiquer le golfe néocomien du midi de la France avec la mer Méditerranée de cette époque.

De l’autre côté de cette vallée, on ne tarde pas à rencontrer les premiers contre-forts des Alpes, formés, en général, dans leur centre, par le terrain jurassique. Alors encore la faune des calcaires à spatangues reparaît. On la rencontre surtout aux environs de Marseille, à la Nerthe, à Allauch, à Aubagne et dans beaucoup d’autres points. Nul doute que, depuis Mar¬ seille jusqu’à Nice, il n’y eût à cette époque le rivage septen¬ trional d’une terre qui, embrassant non-seulement les régions montagneuses des Maures et de l’Estérel, mais une large bande triasique et jurassique au nord, pouvait, en s’étendant au sud, occuper une partie de l’emplacement actuel de la Méditerra¬ née. Cette terre comprenait certainement la Corse et peut-être la Sardaigne tout entière.

Chose remarquable , sur ce rivage méridional du golfe la faune redevient, malgré la distance, identique à celle du Jura

de Bouquet (Gard). Là, les calcaires à spatangues sont intercalés entre les marnes à bélemnites cylindriques qui les recouvrent, et les marnes et cal¬ caires à bélemnites plates et à céphalopodes . De même, dans les environs de Saint-Hippolyte, d’après MM. Coquand et Boutin [Bull. Soc. géol t. XXVI, p. 851), le calcaire à spatangues repose sur les marnes à bélem¬ nites plates et à ammonites ferrugineuses.

Soc. géol.} 2e série, t. XXVIII. 11

162 SÉANCE 21 AOUT 1871.

et du bassin de Paris : on en pourra juger en examinant la faune d’Allauch.

La coupe de cette localité, qui n’a jamais, je crois, été pu¬ bliée en détail, est la suivante :

Calcaire jurassique.

2“ Marnes et calcaires marneux remplis de fossiles, surtout à la base, savoir :

Nautilus pseudo-elegans , d’Orb.

Ammonites Leopoldinus, d’Orb.

Astierianus, d’Orb.

Liebigi (l), Zittel.

Natica Allaudiensis , Math.

pseudo-ampullaria , Math.

Pterocera pelagi, Brong.

Sphœra corrugata , Sow.

Cyprina bernensis, d’Orb.

Avicula Carteroni , d’Orb. [A. Allaudiensis 3 Math.?)

Perna Ricordeana, d’Orb.

Pecten crassitesta , Rœmer.

Hinnites A (n. sp.).

Ostrea Couloni, Defr.

rectangularis , Rœm.

Echinospatagus Ricordeanus , Cott.

Tl faut ajouter à ces espèces, que j’ai recueillies moi-même à Allauch, dans une excursion que j’ai eu le plaisir de faire en compagnie de M. Coquand , celles que citent MM. Mathe- ron (2) et Reynès (3). Je détache de leurs listes les espèces suivantes :

Pholadomya elongata , Goldf.

Hinnites Leymerii , Desh.

Lima Leymerii , d’Orb.

Toutes ces espèces, sauf Ammonites Astierianus , A. Liebigi et les deux natices, peuvent être comptées parmi les plus carac¬ téristiques du bassin de Paris.

(1) Cette espèce, que je considère comme une variété de l’A. subfim- briatus , est représentée ici par un gros exemplaire, complètement identique par sa forme générale et sa section avec ceux qui ont été figurés par M. Zittel ( Ceph . der Stramb. schichten , pl. 9, 10 et 11).

(2) Catalogue des fossiles des Bouches-du-Rhône, 1842.

(3) Loc. cit ., p. 31.

NOTE DE M. HÉBERT. 163

L'épaisseur de ce système est d'environ 30 mètres ; on y re¬ marque des lits de spatangues jusqu’à la partie supérieure.

Ces calcaires sont surmontés de cale aires à silex dont l’épais¬ seur est ici de 10 à 15 mètres, et qui, par leur nature et leur position, rappellent tout à fait le calcaire jaune à silex de Neuchâtel.

J’ai dit plus haut que l’on retrouvait les calcaires à spatan¬ gues près d’Aubagne. Leur gisement est à peu près à moitié chemin d’Aubagne à la Bédoule, au-dessous des calcaires à Requienia .

Il ne sera pas inutile de montrer les relations stratigraphi- ques des calcaires à spatangues avec les marnes aptiennes de la Bédoule. Voici cette coupe :

Coupe de la Bédoule à Aubagne.

Fig. 6.

Vallon de Carnous Carrière. La Bédoule.

(Pont). (Route).

La superposition immédiate des calcaires à plicatules et à Ostrea aquila , sur les assises à Requienia Lonsdalii , se voit entre les carrières de calcaire à ciment hydraulique et celles de pierre de taille (urgonien). En se dirigeant vers le Nord, on traverse successivement de haut en bas :

Calcaires marneux exploités, à Ancyloceras Matheronianus , qui, au nord de la station de Cassis, en bas du ravin de la Bédoule, se montrent

dans tout leur développement (1), c’est-à-dire sur . 15 à 13m

Calcaire plus terreux, avec

(1) Mais les Ancyloceras remontent dans les marnes jusqu’à une grande hauteur.

m

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

Ammonites Matheronianus, d’Orb. Plicatula placunœa , Lamk.

Ostrea aquila , d’Orb. Rhynchonella lata , d’Orb.

Cette couche est la base du néocomien supérieur.

Calcaire blanc compacte à cassure conchoïdale, avec Requienia ; lit de petites nérinées en haut. Il est exploité à divers niveaux, mais

surtout à la partie supérieure . . 50

Calcaire plus gris, à cassure moins conchoïdale, plusieurs lits

de fossiles . . . . 60

Le même, Rudistes . . 100

Le même, petits Rudistes . 50

Calcaire à stratification peu distincte, couleur de chair, litho¬ graphique, très-dur, se divisant en dalles verticalement, ce qui

ferait croire à une stratification verticale, sans fossiles . 100

Invisible (Pont de Carnous) . . . 6

Calcaire gris, compacte, devenant marneux, jaune et schis¬ teux en haut . . . . . 14

10° Calcaire avec silex blonds , schisteux à la base, gris ou jaune. 8

11° Calcaire marneux, gris jaunâtre, schistoïde, avec des lits de marne jaune :

Ostrea Couloni , d’Orb., c.

Terebratula prœlonga, Sow., c.

Echinospatagus Ricordeanus , Cotteau, a. c.

Rhynchonella multiformis , Rœm., a. r.

Nucula Cornueliana , d’Orb., r.

10

12® Calcaire compacte, gris jaunâtre, peu de fossiles apparents, passant au précédent . . 4 à 8

Dans cette coupe, les n°‘ 1 et 2 constituent la base du sous- étage supérieur ou aptien; les n06 3 à 7 appartiennent au cal¬ caire à Requienia ou au néocomien moyen, dont l’épaisseur, estimée ici par une évaluation tout à fait approximative, serait de 360 mètres (1); enfin, les nos 8 à 12, sur une épaisseur de 40 à 50 mètres, appartiendraient au néocomien inférieur (2). Mais

(1) Bien entendu, je ne donne ce chiffre que sous toutes réserves.

(2) M. Matheron avait déjà signalé la présence du Spatangus retusus sur la route de la Rédoule à Aubagne (Bull. Soc. géol.y lre série, t. XIII, p. 510, 1842).

NOTE DE M. HÉBERT. 165

ici, comme à Allauch, il y a lieu de distinguer les calcaires à spatangues des calcaires à silex qui les surmontent.

La position à Aubagne des calcaires à silex montre qu’ils sont inférieurs aux calcaires urgoniens, et qu’ils constituent une dépendance du néocomien inférieur.

A Allauch, au contraire, dans la localité dont je viens de parler, au-dessus de ces calcaires à silex, il y a une immense lacune. Rien, en effet, n’y représente le néocomien moyen et supérieur, le gaultni môme la craie de Rouen. Il était difficile, d’après cette seule localité, de préciser les véritables relations des calcaires à silex.

Ainsi donc, nous voyons cette faune des calcaires à spatan¬ gues se maintenir constamment dans le voisinage des anciens rivages de la mer néocomienne; elle présente éminemment un caractère littoral ou d’eaux peu profondes.

Les calcaires à céphalopodes, au contraire, qui, bien que se trouvant quelquefois dans les mêmes lieux que les calcaires à spatangues, occupent seuls le centre du golfe, semblent indi¬ quer des dépôts au sein d’eaux profondes; ils méritent le nom de faciès pélagique .

Composés en général de sédiments fins, ils se sont déposés lentement à l’état de vase calcaire. Les coquilles des ammo¬ nites et autres animaux nageurs ont été remplies par cette vase, et leur dépôt s’est fait en même temps. Pour que des couches à céphalopodes indiquent un dépôt lit¬ toral, il faut que les coquilles aient été rejetées à la côte, pêle- mêle avec les écbinides, les myaires, etc., qui habitaient le rivage, comme cela a lieu pour certains lits à Castellanne et à Escragnolles.

L’extrême régularité des calcaires à céphalopodes sur de grandes distances, et l’absence de tout fragment remanié , dès qu’on dépasse la partie inférieure, indiquent des eaux extrê¬ mement tranquilles. Cela tient à ce que ces eaux ne faisaient pas partie d’une grande mer, mais constituaient une petite mer intérieure, comprise entre les Cévennes à l’ouest, les Alpes à l’est, et la région émergée dont les Maures et l’Esterel formaient le centre au sud. Cette petite Méditerranée devait communiquer avec les mers de cette époque par trois dé¬ troits : l’un au sud , entre Marseille et Montpellier; l’autre à l’est., vers Nice ; le troisième au nord, par la vallée du Rhône, entre Valence et la limite occidentale du département des Hautes-Alpes.

466

SÉANCE DU 21 AOUT 1871.

Pour qu’on puisse mieux juger de l’énorme différence que présentent les faunes correspondant aux deux faciès que j’ai caractérisés ci-dessus, je joins ici la liste générale, par locali¬ tés, des fossiles que j’ai recueillis dans les régions qui ont été l’objet de l’étude précédente. Dans un certain nombre de loca¬ lités, tous les dépôts appartiennent au même faciès; mais dans deux d’entre elles, Gastellanne et Escragnolles, comme dans la plupart des régions qui avoisinent les Cévennes, les deux faciès se sont succédé; ce qui indique que les eaux ont été tantôt profondes, tantôt basses; car je ne prétends pas que le long des rivages les dépôts aient affecter constamment les caractères du calcaire à spatangues. Si, pour moi, ces der¬ niers caractères indiquent nécessairement ou un rivage ou des eaux basses , la réciproque n’est pas vraie, et les calcaires à céphalopodes n’indiquent pas nécessairement la haute mer ou l’éloignement du rivage, mais seulement des eaux profondes. Néanmoins, je conserve l’expression de faciès pélagique par opposition à celle de faciès littoral.

En publiant les renseignements qui précèdent, je n’ai pas eu la prétention de donner un travail complet. Ces renseigne¬ ments, réunis aux matériaux amassés par les observateurs qui m’ont précédé dans ces contrées, pourraient peut-être servir de base à une description détaillée des couches néocomiennes dans le midi de la France. Ces couches sont si nombreuses, si variées, si riches en débris organiques, que leur étude appro¬ fondie produirait sans aucun doute des résultats du plus haut intérêt; mais, en appelant de tous mes vœux ces investigations nouvelles, il est de mon devoir de rendre, en terminant, hom¬ mage à ceux qui nous ont ouvert la voie, et parmi lesquels je citerai principalement MM. Scipion Gras(l). Duval-Jouve (2) et d’Archiac (3).

(1) Statistique minéralogique du département de la Drôme (1835), des Basses-Alpes (1840).

(2) Béhmnites du terrain crétacé inférieur des environs de Castel - lanne (1841).

(3) Histoire des progrès de la géologie , t. IV, 1851.

NOTE DE M. HEBERT.

167

LISTE GÉNÉRALE DES FOSSILES RECUEILLIS PAR M. HÉBERT DANS LES LOCALITÉS DÉCRITES DANS CE MÉMOIRE.

Premier tableau. Céphalopodes.

FACIÈS PÉLAGIQUE

FAC.

LITTOR

1

MONTCLUS.

EYR0LLES. i

SAINT-JUL1EN-

EN-B.

LA MOTTE. 1

LA CHARCE. j

z .

O en

2

H 3 <1 1 « Z « H

U 3

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►-3

2

m

BARRÊME. j

1

CASTELLANNE.

ESCRAGNOLLES

(CLARS).

O

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3

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1

2

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M

CÉPHALOPODES.

Aptychus Eidayi, Coq .

r

C

angulicostalus , Pict. et

kor. •••»».•*»••

c

Seranonis, Coq .

c

C

tïoriilleti, Pict. et Lor.

( n’est probablement

qu’une variété de l’A.

Seranonis.) . . .

r

a.c

Rp] ûffiftwîtPQ dil n tnlv.Q TU- _ _ _

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r

. .

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Emerici, Raspai! .

r

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conicus , Bi .

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bipartites, Bl sp .

c

c

r

r

a.r

a.c

r

_ _ _ bicanaliculatus , Bl. ...

c

latus, Bl .

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r

r

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9

fl biner vins, Bl .

c

a.c

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r

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c

r

Orbignyams, Duval . . .

c

a.c

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a.c

(IrnsinmiRj TInval .

r

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a.r

sub[usiformis, d’Orb. . .

c

c

c

c

c

c

c

c

a.r

" _ minaret, Rasp . .

a.r

r

r

rugosus, Rasp .

r

Nautilus varusensis, d’Orb, .

_ neocomiensis, d’Orb. ....

a.c

_ pseudoelegans, d’Orb. ...

c

c

Ammonites Leopoldinus , d’Orb. ...

T

*

a.c

a.c

c

cryptoceras, d'Orb. . . .

r

a.r

T

_ . .

_ CastellannensiSj à.' Ovb.. .

c

a.c

rndin.t.vs , Rmg .

?

r

T

c

a.c

Astierianus , d’Orb. . . .

dx

c

c

c

(*

r

a.c

i.nc.p.rtii.s , d’Orb .

T

c

a.c

r

intermedius, d’Orb. - . ,

9

suhp.mhri i tus , d’Orb .

d.r

Liebigi, Zittel .

r

occitanicus , Pict. ....

r

r p.c. tien status ^ d’Orb, . .

inœqualicostatus, d’Orb.

r

|. ..

a.r

168

SÉANCE DU M AOUT 1871.

Premier tableau. Céphalopodes. (Suite et fin.)

FACIÈS PÉLAGIQUE FAC, LITTOR.

Ammonites Honoratianus, d’Orb. . .

r

5

_

striatisulcalus, d’Orb.. .

c

_

B .

r

liqatus, d’Orb .

a.c

. .

c

r

_

a.c

_

marilentus, d’Orb.. . .«g.

r

.

difficile, d’Orb. . . .

T

c

c

c

r

pulchellus * ( Dumasia-

nus), d’Orb .

a.c

r

\

__

c

_

Grasianus, d’Orb .

c

c

c

r

c

.

r

C :

a.r

_

Charrierianus ? d'Orb. .

c

Feraudianus, d’Orb. . . .

c

neocomiensis, d’Orb.. . ,

c

c

r

c

_

Tethys, d’Orb. ......

c

c

c

c

r

asperrimus, d’Orb. . . .

a.r

r

c

. . .

a.c

verra co ^us ? d’Orb. . . .

r

a.r

Juillet ti, d’Oib .

ar

c

c

r

r

quadrisulcatus , d’Orb. .

a.r

r

c

r

a.r

. . .

r

semisulcatus , d’Orb. . . .

r

r

c

c

r

_

C . , .

c

_

diphyllus, d’Orb. ....

c

c

a.r

Morel/anus, d’Orb .

r

c

r

c

Gevrilianus ? d’Orb. . . .

. . .

r

Terveni , d’Orb .

a.r

zonurius, 0 p .

r

_

D (voisin du Tethys)..

c

Roubau iianua, d’O b. . .

r .

a.c

_ _ _

C alu van. ri’Orh .

a.c

Crioceras Duvalii, Léveiilé .

c

a.c

Ancvloceras Emerici . d’Orh .

r

.

c

_

Tabareili, Astier. . . .

r

_

Puzosia'ius , d’Orb. . .

r

furcalus, d’O b. . . .

_

simnlfi.r.? d’Orh ....

r

c

To.ror,eras oblinuat.ua. ri’O h .

r

Duvalianus, d’Orb. . . .

r

_ .

p.lp.naua. rt Orh . .

a.c

Hamulina A at.ieriann. d’Orh .

a.r

_

cincta , d’Oib .

. .

,

. .

a.r

A

subundulata? d’Orb. . .

P

r

R

subcy lindrica ? d’Orb.. .

P

a.r

C

-

a.r

D

r

Ptuchoceras Puzn.amnus _ d’Orh. .

c

r

Baculitea

neocomiensis , d’Orb. . . .

c

c

r

r

r

A

a.r

ESCRAGNOLLES

(CLARS).

NOTE DE M. HÉBERT

169

Deuxième tableau.

Gastéropodes. Acéphales. Bracbiopodes. Écbinides.

faciès pélagique fag. littor.

GASTÉROPODES.

Chemnitzia A .

B .

C . .

Turbo? .

Natica .

Satica pseudo-ampullaria, Math, (confondue par d Orbigny avec N. Huqardiana, qui est une espèce distincte.)

bulimoideSj d’Orb. .

Pleurotomaria .

Pterocera ( Chenopus ] Couloni, Lo-

riol .

pelagi, Brongu .

ACÉPHALES.

Panopœa ( Myops>s ) curta, Ag.. . .

rostrata Mai h., sp.,. . .

Pholadomya elongata, Münst .

Anatina A .

B. c .

C . . .

rhomboi dalis (Leym sp.)

dOrb .

Cap s a .

Venus Cornue liana ? d’Orb .

Venus? .

Astarte disparilis, d’Orb .

A .

Cyprina? A .

bemensis, d’Orb .

B . .

Sphæra corrugata, Sow. ( Cardium

galloprorinciule. Math . .

Lucina Dupiniana ? d’Orb .

Cucullœa cor, Math, ... . .

Nucula Cornueliana, d’Orb .

Trigonia longa, Ag .

caudata , A g .

Pinna Robinuldina , d’Orb .

A .

Lima Garteroniana, d’Orb .

A .

undata. Desh .

AviculaÇarteroni, d’Orb. [Av. allau-

diensis , Math.) .

Sowerbyana, Mai h .

Perna Ricordeana, d’Orb .

Pecten crassitesta, Rœmer. ....

AÜBAGNE,

170

SÉANCE DU 21 AOUT 1871

Deuxième tableau. (Suite et fin.)

FACIÈS PÉLAGIQUE FAC. LITTOR.

MONTCLUS.

EYROLLES.

SAINT-JULIEN- 1

EN-B. {

LA MOTTE.

LA CHARCE. /

CHaTILLON-EN- 1

DIOIS. \

LES PILLES. >

BÀRRÈME.

CASTELLANNE.

ESCRAGNOLLES

(CLARS).

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ALLAUCH.

1

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Ostrea rectangularis, Rœm. ( 0 . ma- cr opter a, Sow«). ......

r.niifom fïftfr .

Anomia . ........ ...... ..

BRACHIOPODES.

Rhynchonella Guerini, d’Orb. . . .

a.c

a c

_ mu.lt> formis , Rocuji.. .

Terebratula t>imarindus, Suw. . . .

c

prœlonga, Sow .

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a.c

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c

r

c

= diphyoides ........

r

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. hippopus. ........

janitor, Pict. ......

r

. .

r

ÉCHINIDES.

Collyrites subelouyata , d’Orb. ...

ovuluni, Detor sp .

Hol aster A .

.

a.r

Echinospalagus gibbus, d’Orb. . . .

Ricordeanus, Cot-

toau .

c

r

r

subcylindricus,

d'Oib .

cordiformis, Breyn.

Epiaster ou Hemiaster .

A la suite de cette communication, M. Parran présente quelques observations.

Il rappelle que les couches à Terebratula diphyoides qui recouvrent, aux environs de Ganges (Hérault), les calcaires blancs à Terebratula moramca , Glocker ( Coral-rag d’Émilien Dumas), n’ont aucune liaison avec ces derniers, et qu’il y a une lacune incontestable, reconnue il y a plus de trente ans par Ém. Dumas, et confirmée dans le mémoire récent de MM. Coquand et Boutin.

De Ganges à Berrias (Ardèche), le néocomien inférieur à

NOTE DE M. T. GERVAIS.

174

Terebralula diphyoides (Rousson, entre Alais et Saint-Àmbroix) repose directement, mais en discordance encore plus mar¬ quée, sur les calcaires massifs et ruiniformes, inférieurs aux calcaires blancs de Ganges et supérieurs aux calcaires litho¬ graphiques stratifiés, décrits comme oxfordiens par Ém. Du¬ mas. Ces derniers calcaires sont certainement les équivalents de ceux de Crussol, de la Youlte et du Pouzin, auxquels ils se relient d’une manière à peu près continue et en conservant leurs caractères lithographiques et zoologiques. Ils ont été considérés comme oxfordiens purs par Fournet, Émilien Du¬ mas, Lory, etc. Oppel a, le premier, en 1865 (1), séparé les calcaires lithographiques stratifiés de Crussol en deux zones : la zone inférieure à Ammonites bimammatus , qu’il a laissée dans l’oxfordien, et la zone supérieure à Ammonites tenuilobatus , qu’il a rangée dans le kimméridien. II classe aussi dans le kimméridien les calcaires supérieurs ruiniformes , dont MM. Coquand et Boutin ont fait récemment du coral-rag, et qu’Em. Dumas n’avait pas séparés de l’oxfordien, à cause de l’incertitude des limites, tout en faisant cependant remarquer qu’ils pourraient déjà appartenir à un étage supérieur.

L’étude des environs de Berrias, soit dans les berges du Chassézac, soit sur la nouvelle route des Vans, qui coupe le bois de Païolive, peut être recommandée comme devant four¬ nir des données stratigraphiques et paléontoiogiques essen¬ tielles sur les calcaires compris entre la zone à Ammonites te¬ nuilobatus et la zone à Terebratula diphyoides. Ces calcaires ont, aux environs de Berrias, 70 mètres d’épaisseur.

M. Paul Gervais donne quelques détails au sujet des Reptiles provenant des calcaires lithographiques de Cirin , dans le Bugey) qui sont conservés au Musée de Lyon , et il met sous les yeux de la Société les modèles en plâtre de plusieurs de ces reptiles.

Les espèces dont il s’agit appartiennent à différents groupes. Ce sont :

Plusieurs chéloniens, particulièrement les Chelonomys de M. Jourdan, genre qu’il ne paraît pas possible de séparer des Hydropelta d’Hermann de Meyer, établis sur un fossile du même gisement, actuellement conservé au Muséum.

(i) Mittheilungen , p. S 05, 1865.

172

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

Un crocodilien de la division des Téléosaures, appelé par M. Jourdan Crocodileimus robustus.

Des animaux comparables aux sauriens actuels par leurs faibles dimensions, mais qui ressemblent aux crocodiliens par la forme allongée des deux principaux os de leur carpe. Us paraissent devoir constituer une famille à part comprenant les trois genres Atoposaurus , H. de M., Alligatorium , Jourdan, et Alligator ellus, Jourdan, qui ont tous lestroisdes représentants à Girin.

Des sauriens de la famille des Homéosauridés , tels que le genre Stelliosaurus , Jourdan, fort voisin de celui des Romeo- saurus , sinon identique avec lui ; le genre Saphœosaurus, H. de M.; celui des Sauranodon, Jourdan, qu’on nepeut encore distin¬ guer avec certitude du précédent, et celui des Saurophidium , Jourdan, évidemment synonyme des Anguisaurus , Munst., provenant des calcaires lithographiques de la Bavière.

Le genre Euposaurus de M. Jourdan, appartenant comme les précédents à l’ordre des sauriens.

Un Ptérodactyle , d’espèce indéterminée.

M. P. Gervais fait remarquer que l’on n’a jusqu’ici recueilli à Cirin aucun débris susceptible d’être attribué au Compsogna- thus longipes d’A. Wagner, singulier reptile découvert à Solen- hofen , qui constitue une famille bien distincte dans cette classe d’animaux. Le genre Compsognathus n’est connu jusqu’à ce jour que par un seul exemplaire, conservé au musée de Munich, et dont le Muséum de Paris a reçu un modèle en plâtre.

Séance du 4 septembre 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Le Président donne ensuite lecture de l’allocution sui¬ vante :

Messieurs et chers collègues,

Permettez-moi de vous remercier, au nom du Bureau tout entier, de l’empressement que vous avez mis à répondre à son

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT.

4 73

appel. Si difficiles qu’aient été les circonstances que nous avons traversées, la Société n’a pas suspendu ses travaux, et nous nous retrouvons, aujourd’hui, définitivement et plus com¬ modément installés que nous ne l’étions précédemment, dans le local qu’elle s’est choisi au commencement de 1870. Notre nouvel aménagement, comme vous le voyez, s’est continué sans trop d’obstacles, et s’il est dès à présent à peu près ter¬ miné, nous en sommes surtout redevables à notre excellent archiviste et collègue, M. Danglure, qui s’est acquis par de nouveaux droits à votre sympathie et à votre reconnaissance. Son zèle a tout prévu , et la bibliothèque est déjà bien mieux classée qu’elle ne l’était dans l’ancien local. La publication du Bulletin n’a pas été interrompue, et il va paraître un fascicule des Mémoires , qui est relatif au département de la Moselle.

La Société géologique peut se flatter d’avoir, cette année encore, rendu des services à la science et au pays. Son action eût été certainement plus efficace si les études relatives à l’histoire naturelle étaient plus encouragées en France, et si on avait su réserver dans nos programmes officiels de l’enseignement secondaire la place qui leur est due. Il n’y a pas de sciences inutiles, et celles qui, comme la géologie, ont pour but les grands phénomènes terrestres, le seraient moins en¬ core que les autres, puisqu’en nous faisant connaître le sol sur lequel nous vivons, les accidents de sa surface, ses richesses de toute sorte, les matériaux divers dont il est formé, ainsi que les autres détails de sa conformation et l’ordre suivant lequel les êtres vivants se sont succédé sur notre planète, elle nous montre le parti que nous pouvons tirer des découvertes qu’elle s’est chargée d’enregistrer et de propager.

On l’a dit bien souvent et depuis bien longtemps : l’homme doit apprendre à se connaître lui-même, au physique ainsi qu’au moral ; car plus il s’étudie , mieux il sait domi¬ ner ses passions et soustraire sa frêle organisation aux dangers qui la menacent incessamment; de même il faut nous appli¬ quer à réunir des notions exactes sur notre propre pays, envi¬ sagé au point de vue de la géologie , et à répandre ces notions parmi nos compatriotes, car elles sont pour nous un gage de sécurité. Les données de cette science ne peuvent-elles pas à l’occasion aider à la défense de la patrie, et toute bonne stra¬ tégie ne comporte-t-elle pas de semblables connaissances re¬ lativement au pays dans lequel doit se passer l’action? J’en appelle, en ce qui touche la défense nationale, aux savantes

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remarques que la campagne de 1814 a inspirées à M. Élie de Beaumont. Vous les avez tous lues. et il n’est, j’en suis certain, au¬ cun d’entre vous qui me contredira, si j’ajoute qu’à une date encore peu éloignée ces remarquables appréciations et les études de géologie locale qui ont été publiées depuis certain nombre d’années auraient pu fournir de bien pré¬ cieuses indications. Mais l’enseignement de notre science n’est pas assez répandu, et l’on n’a pas suffisamment cherché à en propager le goût; aussi en est-il résulté que beaucoup des ap¬ plications qu’on aurait pu en tirer sont restées sans effet. L’enseignement ordinaire de la géographie ne s’en préoc¬ cupe même pas.

Reprenons donc nos travaux avec une nouvelle ardeur, et efforçons-nous de préparer à la science que nous aimons tous de nouveaux adeptes qui assurent ses progrès et rendent plus fructueuses les applications dont elle est susceptible.

Malheureusement le concours de quelques-uns de nos plus éminents collègues va nous faire défaut, alors qu’il nous serait le plus nécessaire. MM. Édouard Lartet et Émilien Dumas ne seront plus pour nous éclairer de leurs lumières et faire profiter la Société géologique de leurs savantes études; d’au¬ tres ont succombé comme eux, qui laisseront aussi parmi nous des vides bien regrettables.

Un des plus jeunes, et par conséquent l’un de ceux de qui l’on pouvait le plus attendre, est M. Cave , ancien élève de l’École normale, agrégé des sciences physiques et professeur au lycée de Dijon. Il aspirait à entrer dans une Faculté des sciences pour s’adonner tout entier aux recherches qui le préoccupaient. M. Cave a été tué à l’ennemi, dans un combat soutenu glorieusement contre les Prussiens par la ville de Dijon.

M. Laurent , ingénieur civil, bien connu par ses travaux re¬ latifs au percement des puits artésiens, et à qui l’Algérie doit des forages importants, a également succombé. Il n’a pu sur¬ monter les fatigues du siège de Paris. Confrère bienveillant, esprit cultivé, également versé dans la connaissance de la géo¬ logie et de l’entomologie, M. Laurent était aimé et estimé de tous les membres de la Société.

Nous avons encore perdu M. Dollfus-Ausset , l’un de nos plus généreux bienfaiteurs. Que son nom reste inscrit sur nos listes avec l’indication des dons qui lui assurent notre recon¬ naissance.

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT.

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Si nous savons tous le nom de la petite ville de Sommières, située entre Nîmes et Montpellier, c’est à M. Émilien Dumas que cette localité en est redevable. 11 y avait fondé des collec¬ tions importantes de géologie, de minéralogie, de zoologie, d’archéologie, etc. Ami de Requien, d’Avignon, de Dunal et de M. de Rouville, de Montpellier, M. Dumas comprit de bonne heure l’utilité de la géologie, et en même temps qu’il trouvait dans cette branche de l’histoire naturelle une occupation agréable, il savait tirer parti de ses recherches pour mieux faire connaître aux savants la région qu’il habitait. Collecteur intelligent, il ne craignait ni la fatigue ni la dépense, et son ca¬ binet était devenu pour les savants du Midi un centre de réu¬ nion l’on trouvait pour la solution d’un grand nombre de questions plus de ressources que n’en offrent, hélas! la plu¬ part de nos établissements officiels. Une riche bibliothèque complétait ce séjour du savant géologue de Sommières. Ce¬ pendant, disons-le sans détour et pour exprimer un regret que sa fin prématurée ne justifie que trop, si M. Émilien Du¬ mas avait toutes les bonnes qualités de l’homme de science, il ne s’en était pas donné toute la puissance. Malgré les repro¬ ches qu’on lui en faisait chaque jour, reproches auxquels votre Président s’est bien des fois associé, il restreignait trop le cercle de son action ; tandis que d’autres publient peut-être trop, il ne publiait pas assez; aussi, bien des découvertes qui lui sont dues figurent-elles dans la science sans que son nom y soitattaché, et d’autres mourront avec lui, parce qu’il ne les a pas enregistrées dans nos publications. Cependant il a eu une influence considérable sur le progrès de la géologie dans nos départements méditerranéens, et il laisse dans la double carte géologique et agronomique du Gard qu’il a dressée, un travail considérable, fruit de longues et patientes recherches, qui suf¬ firait à lui donner un rang parmi les premiers géologues de notre époque. C’est à M. Dumas, alors collaborateur de Jules de Christol et de M. Tournai, que sont dues les premières ob¬ servations relatives à l’ancienneté de l’homme, qui ont conduit les naturalistes à abandonner l’opinion de Cuvier. Elles se rap¬ portent aux cavernes de Pondres dans le Gard, et de Bize dans l’Aude.

Une autre perte, dont l’importance a été sentie de vous tous, est celle de M. Édouard Lartet , mort au commencement de cette année, loin de Paris, dans le département du Gers, té¬ moin de ses plus belles découvertes.

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

M. de Rouville vous redira bientôt , ainsi qu’il nous l’a promis, tous les mérites de M. Emilien Dumas, et toute l’im¬ portance des services rendus à la géologie par cet excellent observateur. J’aurais voulu pouvoir, dès à présent, vous expo¬ ser en détail les nombreux travaux deM.Lartet; mais une pareille tâche comporte des recherches qu’il m’a, jusqu’à ce jour, été impossible de terminer, la biographie complète de ce savant méritant d’être traitée d’une manière spéciale. Je me borne¬ rai donc à vous rappeler les principaux titres de notre re¬ gretté collègue à la reconnaissance du pays.

Vers 1838, M. Lartet commença des fouilles à Sansan, riche gisement de mammifères miocènes, voisin de la localité qu’il habitait, et ces fouilles lui donnèrent bientôt des résultats ines¬ pérés. Une série nombreuse de mammifères et des débris ap¬ partenant aux autres classes de l’embranchement des verté¬ brés, montrèrent qu’il y avait les restes d’une faune éteinte, non moins curieuse que celle de Montmartre, dont l’examen avait tant concouru à étendre la réputation de Cuvier, mais différente par ses espèces, et plus semblable, soit à celle des terrains lacustres de la Limagne, au sujet de laquelle Geoffroy- Saint-Hilaire et d’autres anatomistes avaient déjà réuni quel¬ ques rares documents, soit à celle du dépôt célèbre d’Eppel- sheim, dans la Hesse, que M. Kaup venait de décrire. A des proboscidiens du genre des mastodontes, se trouvaient asso¬ ciés des Rhinocéros de plusieurs espèces, le faux Paléothérium d’Orléans, dont on a fait le genre Anchithérium, des Chalico- thériums ou Anisodons, des Cerfs d’un sous-genre particulier, sous-genre Dicrocère de M. Lartet, des Hyémoschus, animaux intermédiaires aux Ruminants et aux Pachydermes, des Anti¬ lopes, des Suidés, le Listriodon, qui est un genre de porcins à molaires tapiroïdes, différents carnassiers , dont un, de taille gigantesque, fut appelé Amphicyon par M. Lartet, des Insecti¬ vores, des Rongeurs, et un grand Edenté, dont Cuvier n’avait connu qu’une seule phalange. M. Lartet, qui venait de trouver plusieurs parties du squelette de ce mammifère, reconnut ai¬ sément qu’il fallait en faire un genre à part, auquel il donna le nom de Macrothérium. A toutes ces découvertes s’en ajou¬ tait une plus inattendue encore. Il y avait à Sansan des débris d’un singe, et ce singe, aujourd’hui appelé par les naturalistes Pliopithecus antiquus , a appartenu à la série des espèces dites anthropomorphes.

On comprend l’intérêt qu’inspirèrent ces premiers travaux

ALLOCUTION DU PRÉSIDENT.

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de notre confrère. L’Académie des sciences les recueillit dans ses Comptes rendus, et de Blainville, chargé au Muséum de l’étude des ossements fossiles, en sa qualité de successeur de Cuvier dans la chaire d'anatomie comparée, en fit l’objet de plusieurs rapports très-flatteurs. Le ministre de l’instruction publique, M.deSalvandy, consulta l’Académie et le Muséum sur l’opportunité qu’il y aurait à acquérir tous ces débris des an¬ ciens âges et à les déposer dans les galeries publiques de notre grand établissement. Les fossiles découverts par M. Lartet fu¬ rent en effet achetés par l’État, et les géologues, ainsi que les anatomistes, ont pu les examiner depuis lors dans nos galeries publiques.

M. Lartet n’a pas cessé, pendant tout le reste de sa carrière scientifique, de se préoccuper des animaux de la faune mio¬ cène dont on recueille les débris dans les départements sous- pyrénéens. Il a exploré Simorre, localité située, comme San- san, dans le Gers; Saint-Gaudens, dans la Haute-Garonne, lui a fourni des débris d’un singe différent du Pliopithèque et d’une organisation plus élevée encore , qu’il a nommé Dryopi- thecus , en rappelant par l’épithète de Fontani le nom du doc¬ teur Fontan, à qui il en devait la communication. D’autres no¬ tices de lui, sur des fossiles découverts dans la même région, ont fait connaître un nouveau genre de sirénidés (le Rytiodus), un grand palmipède voisin des fous (le Pelagornis ), et d’autres formes éteintes également intéressantes.

En même temps, le nom de notre collègue était associé à plusieurs des découvertes paléontologiques faites aux environs de Paris ou ailleurs. C’est ainsi qu’il a été conduit à s’occuper du Gastornis , grand oiseau du conglomérat de Meudon; qu’il a décrit plus récemment le squelette d’un rongeur voisin des Tbéridomys , recueilli par M. le docteur Bonduelle, dans les marnes gypsifères de Pantin, et qu’il a rédigé, avec M. Gau- dry, une note sur les fossiles de l’Attique.

Mais l’étude de la faune post-tertiaire est, après Sansan, le point qui a le plus occupé M. Lartet, et son nom se trouve largement associé aux principales découvertes dont cette faune a été l’objet. Il en a examiné avec soin les Éléphants, ce qui l’a conduit à rédiger, sur la comparaison des animaux éteints de ce genre et de ceux des genres Mastodonte et Dinothérium, un travail qui prend rang dans la science àeôté de celui de Falconer sur le même sujet. Il a particulièrement fait connaître les ani - maux que l’on trouve associés au Renne dans les stations de Soc. g-iol., 2e série, t. XXVIII. 12

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l’âge paléolithique , et réuni des détails sur plusieurs de ces stations. C’est également lui qui a signalé la découverte de débris de l’Ovibos en France , dans le diluvium de Précy (Oise), et dans le Périgord, et les fouilles qu’il a fait conti¬ nuer, de concert avec son ami, feu M. Christy,aux Eyzies, sont l’origine de cette belle publication intitulée : Reliquiœ Aquita- nibæ, qui sera l’un des plus intéressants monuments de ce que j’appellerais notre histoire préhistorique,?], ces deux mots n’im¬ pliquaient contradiction.

Rappelons aussi que M. Lartet a cherché, sans sortir de l’observation, à élucider plusieurs questions qui se rattachent, soit à l’origine réelle des espèces et à leur première apparition dans nos contrées, soit à leur disparition. C’est à ce dernier ordre de travaux que se rapporte son mémoire sur les migra¬ tions anciennes de certains mammifères encore existants de nos jours, ainsi que sa note « sur quelques cas de progression orga¬ nique vérifiables dans la succession des temps géologiques sur des mammifères de même famille et de même genre. »

Toutes ces recherches touchaient de très-près au grand pro¬ blème de l’ancienneté de l’homme, et M. Lartet a traité cette difficile question dans plusieurs de ses mémoires. Il a concouru à la formation du musée de Saint-Germain, et il est peu de personnes possédant des ossements fossiles, plus spécialement des ossements de mammifères , qui n’aient eu recours à sa complaisance et à son talent pour la détermination de ces ob¬ jets. C’est ainsi qu’il a été conduit à enrichir notre Bulletin de plusieurs communications dont vous avez tous pu apprécier l’intérêt scientifique.

Le fils de M. Lartet restera parmi nous le continuateur de ces honorables et savantes traditions.

Liste des membres décédés dans le courant de Vannée 1870. MM.

Bosc.

Charles Cave, tué à Fennemi, le 30 octobre 1870, dans le combat de Dijon.

Decaix.

Dollfus-Ausset, vice-président.

Émilien Dumas.

Édouard Lartet, ancien président.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. 179

Charles Laurent, ancien secrétaire, membre du ConseiL Lecaisne-Lemaire.

Mary.

De Saint-Marceaux.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de M. A. Cialdi, les Ports-Chenaux et Port-Saai , in-8°, 118 p., 2 pl.; 1870, Paris, chez Baudry; Rome, chez A. Blanc.

De la part de M. Ch. Grad, Examen de la théorie des Sys¬ tèmes de montagnes dans ses rapports avec les progrès de la stra¬ tigraphie, in-8°, 58 p., 2 pl.; 1871, Paris, chez Martinet.

De la part de M. W. J. Henwood, Observations on Metallife- rous deposits , and on Subterranean température , 2 vol. in-8°; 1871, Penzance, chez W. Cornish.

De la part de M. l’abbé E. Lambert, le Déluge mosaïque , r Histoire et la Géologie , in-8°, xxvm-524 p.; 1871, Paris, chez Palmé et chez Savy.

De la part de M. E. Sauvage, Synopsis des poissons tertiaires de Licata (Sicile), gr. in-8°, 26 p.; oct. 1870, Paris.

De la part de M. A. PeacocL, Changes of the earth’s physical geography , and conséquent changes of climate , in-8°, 24 p. ; 1871 , Londres, chez E. et F. N. Spon.

De la part de M. Alexis Perrey :

Sur les Tremblements de terre et les Eruptions volcaniques dans l'archipel Hawaïen, en 1868, in-8°, 64 p.; 1870, Paris, chez F. Savy;

Note sur les Tremblements de terre en 1868, avec suppléments pour les années antérieures, de 1843 à 1867 (xxvie relevé annuel), in*8°, 116 p,; 1870, Bruxelles, chez Hayez.

Annales des Mines , 6e série, t. XVIII, 1870.

Bulletin de la Société d} histoire naturelle de Colmar , 11e année, 1870.

Proceedings of the R. Society of Edinburgh , t.VII, 1869-1870. Transactions of the Edinburgh geological Society , t. I, 1868- 1870.

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

Mittheilungen ans Justus Perthes’ Geographischer Anstalt über wichtige neue Erforschungen auf dem Gesammtgebiete der Geo- graphie, par le Dr A. Petermann, t.XVI, 1870.

Le Secrétaire donne lecture d’une lettre deM. W. J. Hen- wood annonçant renvoi de son ouvrage sm les dépôts métal¬ lifères et la température souterraine. (V. la Liste des dons.)

M. A. Gau dry dépose sur le bureau, de la part de M. E. Sauvage, un Synopsis des poissons tertiaires de Licata (Sicile) (Y. la Liste des dons), et donne, à ce sujet, lecture de la note suivante :

Note sur le gisement à poissons de Licata (Sicile), par M. E. Sauvage.

M. K. Alhy, vice-consul de France à Licata, ayant adressé au laboratoire de paléontologie du Muséum une très-nom¬ breuse suite de poissons recueillis par lui dans les montagnes qui entourent Licata, nous avons pu étudier avec soin la faune ichthyologique la plus complète du terrain tertiaire supé¬ rieur.

Le mont de Licata (l’Ecnome des anciens) est, d’après M. Alby, composé, de haut en bas, de trois étages :

Une masse de calcaire dur, tantôt compacte, tantôt po¬ reux ou caverneux, avec épanchements de gypse.

De nombreuses couches de marnes schisteuses, blanches, douces, s'emparant de l’eau avec grande avidité, faisant forte¬ ment effervescence avec les acides (niveau à poissons);

Marnes argileuses avec gros rognons siliceux.

Ces terrains ont été, en 1848, classés dans le Pliocène par M. Provana (1). Essayons de préciser encore davantage.

M. Seguenza a proposé le nom de Zancléen (Bull. Soc. géol. de Fr., 2e série, t. XXV) pour des couches qui, aux environs de Messine, sont intercalées entre le Tortonien et le Plaisan- cien ou YAstien. Ces couches consistent en marnes sableuses, très-riches en Brachiopodes et surtout en Foraminifères, alter¬ nant avec des bancs calcaires; elles correspondraient à celles

(1) Elementi di Geologia, Tarin, 1848.

NOTE DE M. SAUVAGE.

181

de Licata. Il est vrai qu’à Messine M. Seguenza ne cite comme poissons que deux Squales, les Carcharodon productus et Odon- taspis dubia, que nous ne connaissons pas à Licata, et que dans cette dernière localité n’ont pas été trouvés les polypiers et les brachiopodes si nombreux à Messine. Mais M. Alby nous a écrit qu’il avait recueilli une dent de Squale et diverses coquilles à Licata; il serait dès lors possible de rapporter nos couches à poissons au Zanclêen , et cela, avec d’autant plus de raison, qu’ellescontiennent en abondance des débris de foraminifères. VOrbulina universa se retrouve dans les marnes des deux lo¬ calités; plus de la moitié de la roche est formée de débris de rhizopodes siliceux, presque tous rapportables à un Coscino- discus voisin du radiatus.

Ce dernier fossile rapproche les marnes de Licata des mar¬ nes à poissons d’Oran;les deux localités renferment d’ailleurs la même Clupe, VAlosa elongata.

Le niveau à poissons existerait en d’autres points de la côte sud de la Sicile. M. A. Gaudry y a observé, en effet, avec des marnes bleuâtres renfermant Natica fnsea, C or bula gibba,Nassa semistriata , des marnes blanchâtres à foraminifères avec débris de poissons : ces marnes sont tout à fait les analogues de celles de Licata.

Le niveau à poissons du Zanclêen aurait donc une assez large extension; il occuperait une partie du littoral sud de la Sicile et s’étendrait jusqu’en Algérie.

La faune ichthyologique de Licata, tout en étant, par beaucoup de ses espèces, l’analogue de celle qui vit aujourd’hui dans la Méditerranée, présente quelques formes chaudes qui ne per¬ mettent pas de la considérer comme plus récente que le plio¬ cène inférieur. M. A. Milne-Edwards a de même signalé à Oran un crabe, le Cancer Deshayesi, dont l’analogue, le C. Edwardsi , vit sur les côtes du Chili.

Les poissons de beaucoup les plus nombreux à Licata sont des Syngnathes. Avec ceux-ci sont des poissons essentielle¬ ment marins, tels que des Gymnodontes , des Scombrides, des Scopélides, etc. Cependant nous avons des Cyprinides parfaite¬ ment caractérisés, des genres voisins des Leuciscus : l’examen de la structure des écailles et l’étude attentive du squelette ne nous laissent pas le moindre doute à cet égard ; et cependant bon nombre des exemplaires de ces Leucisques renferment des rhizopodes siliceux caractérisant les dépôts d’eau salée. IL est dès lors probable que le gisement de Licata était un estuaire

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

où, par une cause qui nous est inconnue, ont été entraînés des poissons d’eau douce, qui se sont mélangés aux espèces ma¬ rines. Faisons remarquer que ces poissons d’eau douce sont assez nombreux à Licata.

Dans les mêmes gisements ont été trouvés quelques débris de bois et des fragments de plantes marines, trop frustes pour être sûrement déterminés.

L ’Alosa elongata était la seule espèce décrite, toutes les autres sont nouvelles. Nous pouvons en dresser la liste sui¬ vante :

I. Lophobranches : Syngnathus Albyi.

II. Plectognathes : Famille des Gymnodontes ; Diodon acan- thodes.

III. Pleuronectes : Rhombus abropteryx.

IV. Acanthoptérygiens : Fam. Trichiuridœ ; Lepidopus Al¬ byi , L. anguis;

Fam. Scombridœ ; Thynnus angustus , T. proximus; Z eus Li¬ catœ;

Fam. Carangidœ ; Argyreiosus minutus ;

Fam. Xiphïdœ ; Xiphias acutirostris.

Fam. Tnghdæ; Trigla Licatœ .

V. Malacoptérygiens : Fam. Cyprinidœ; Leuciscus dorsalis , L. Larteu , L. Dumerilii , L. Licatœ ; Aspius vexillifer, A . Ecno- mi; Rhodeus Edwardsi.

Fam. Halecoïdœ ; Osmerus Larteti, 0. propterygius , 0. Albyiy O. stilpnos ; Clupea Ecnomi , C. microsoma , C. saulos ; Sardinella caudata .

Fam. Scopehdœ ; Scopelus lacertosus.

A cette famille appartient un genre nouveau, le genre Ty - deus. Il est voisin des Scopèles , dont il se distingue par la posi¬ tion reculée de la dorsale, la forme allongée du corps, la den¬ tition, etc. Il comprend quatre espèces : T. sphekodes , T . Albyi , T , elongatus et T. megistosoma .

# ke genre Acanthonotos (A. armatus , A. alatus , A. Licatœ ), tient à la fois aux Triglidœ , aux Scombridœ , aux Cirritidœ. Sa diagnose est : poissons oblongs, réguliers; dorsales contiguës; dorsale épineuse commençant immédiatement après la nuque, aussi étendue que la dorsale molle ; anale presque aussi dé¬ veloppée que la portion molle de la dorsale et commençant par 3.4 rayons épineux ; fausses pinnules en arrière de la dor¬ sale et de l’anale, s’étendant jusqu’à la caudale; ventrales ab¬ dominales, mais cependant avancées; dents fortes, coniques.

NOTE DE M. LEVALLOIS. 185

pointues; pièces operculaires non dentelées: écailles très-min¬ ces et petites.

Nous n’avons pu, dans cette courte note, que donner une idée de la faune de Licata. Nous renvoyons au Synopsis que nous avons publié dans les Annales des Sciences naturelles (oc¬ tobre 1870), et à la Monographie dont nous allons commencer la publication.

M. Levallois communique le mémoire suivant :

Note sur le minerai de fer en grains ou minerai pisiforme (Bohnerz des Allemands) (1), par M. Levallois.

Il existe, abondamment répandus sur la surface de la France, comme de l’Allemagne, de la Suisse et d’autres contrées, des gîtes ferrifères dont le minerai est connu sous le nom de mi¬ nerai de fer en grains ou d’alluvion, On l’a spécifié davantage par le nom de minerai pisiforme , tiré de ce que les grains qui le constituent sont le plus ordinairement de la forme et de la grosseur d’un pois ; et le mot Bohnerz , des Allemands, répond à peu près à cette dernière appellation.

Qu’un nom plus ou moins univoque, tiré des propriétés physiques d’une substance minérale, suffise à la définir com¬ plètement, cela n’est guère à espérer; mais au moins ne peut- il pas donner d’idées fausses et n’est-il pas exposé non plus à être contredit par le progrès de la science. Mais tel n’est pas le sort des noms qui sont tirés de considérations géogéniques ; ceux-là partagent toutes les vicissitudes de la théorie, suscep¬ tible, comme cela a eu lieu de nos jours, de varier dans une mesure non moindre que celle qui sépare l’eau du feu, et ils courent l’aventure de n’exprimer plus, au bout d’un certain temps, qu’un contre-sens. C’est ce qui est arrivé au nom de minerai d’alluvion, longtemps employé et encore aujourd’hui dans le langage de la loi comme synonyme de minerai en grains ou pisiforme.

(1) Cette note ne prétend à rien de plus qu’à épargner à d’autres les longues recherches que j’ai faire à l’occasion de ma notice sur les tra¬ vaux de M. Thirria, qui s’était lui -même beaucoup occupé du minerai de fer en grains. Ce n’est qu’une Revue de la question, d’après les publication dues à un grand nombre d’observateurs.

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

m

Et d’abord, que faut-il entendre par gîtes d'alluvion? Dans l’acception courante de ce mot, et qui fut la seule à l’origine, ce sont des gîtes situés très-près de la surface du sol, jamais recouverts par des roches solides, mais seulement, tout au plus, par un mince manteau de terrain meuble, de l’époque quaternaire , de ce terrain de transport si universellement ré¬ pandu, consistant en un limon jaunâtre avec du sable et des cailloux roulés, et que l’on appelle indifféremment terrain diluvien ou d'alluvion ancienne { 1). La forme granulaire du minerai et son mélange, sur beaucoup de points, avec les éléments du terrain diluvien, sont les causes qui lui firent attribuer la même origine qu’à celui-ci et lui valurent par suite le nom de minerai d’alluvion.

Quant au nom de minerai en grains , qui répond bien, en effet, à son état le plus habituel en grains isolés, indépendants les uns des autres, au milieu de l’argile, et comparables pour la forme et la grosseur à des pois , ce nom ne doit cependant pas être pris au pied de la lettre; car le minerai d’alluvion se présente en même temps à l’état de rognons, de tubercules ou de nodules de toute forme et de toute grosseur, pouvant atteindre jusqu’à plus de 100 mètres cubes (comme nous l’a¬ vons vu dans les minières d’Aumetz , département de la Moselle), mais où, de même que dans les grains, la structure intérieure en couches concentriques est toujours bien accusée par la cassure fibreuse, rayonnée, propre aux hématites. Aussi Walchner décrivant, en 1832, un de ces gîtes situé à Gandern, dans le Brisgau, en définissait-il le minerai sous le double nom de pisiforme et réniforme (2). Cette structure par couches concentriques n’avait point échappé, d’ailleurs, aux anciens minéralogistes, non plus que la présence fréquente, au centre du grain, du granule de sable ou d’argile qui est lui-même le centre de l’attraction sphéroïdale, par se décèle si bien le jeu d’affinités qui a déterminé cette forme.

Ce que l’on doit conclure de là, c’est, d’une part, que la forme granulaire des minerais dits d’alluvion n’implique en rien qu’ils aient été charriés et roulés; c’est, d’autre part, que ces minerais ont pour caractère essentiel de former des dépôts

(1) Nous employons ici l’expression de terrain quaternaire dans le sens que lui a donné d’Archiac, comme synonyme de terrain diluvien ( Hist . des progrès de la Géologie , t. II, p. 3).

(2) Mém. Soc. d’Hist. natur. de Strasbourg , t. Ier, 2e livr.

NOTE DE M. LEVALLOIS.

185

concrétionnés, tout aussi bien que les filons métallifères ordi¬ naires a qu’on peut désigner (dit M. Élie de Beaumont dans « son remarquable travail sur les émanations volcaniques et « métallifères) sous le nom de filons concrétionnés (1). »

Or n’y a-t-il pas lieu de s’étonner de ce qu’au temps régnait la théorie Wernérienne, qui consistait, on le sait, à considé¬ rer les filons métallifères comme des fentes de l’écorce ter¬ restre remplies de haut en bas par l’effet, des eaux qui en bai¬ gnaient la surface, comme des dépôts chimiques faits dans des dissolutions superincombantes (suivant l’expression employée par M. Élie de Beaumont (2), on n’ait pas appliqué la môme théorie aux minerais de fer, intercalés aussi dans les déchirures de cette écorce, et que pour ce métal, tout exceptionnellement, on ait imaginé d’attribuer le remplissage à une action de transport? Et quelle aurait donc été, d’ailleurs, l’origine première de ces minerais ainsi transportés?

Nous avons dit que, dans l’acception originaire du mot , les gîtes d’alluvion étaient des dépôts non recouverts; mais il s’y attachait de plus l’idée de gîtes superficiels , dans le sens gram¬ matical de cet adjectif, c’est-à-dire satisfaisant à la double condition : d'affleurer très-près de la surface du sol et de ne pénétrer qu’à une petite profondeur au-dessous de cette sur¬ face.

Telle est bien, en effet, la manière d’être des minerais d’al¬ luvion sur les plateaux ils gisent le plus habituellement, lorsque la roche qui les supporte, de quelque nature qu’elle soit d’ailleurs, présente une surface à peu près plate. Mais lorsque celle-ci, au contraire, est accidentée par des déchi¬ rures, fentes ou dépressions de toute forme, on voit les gîtes se poursuivre dans ces dépressions et ces fentes , quelquefois jusqu’à de très-grandes profondeurs. Or, ce ne sont plus des gîtes superficiels; et, comme il n’y a pourtant pas de discon¬ tinuité entre ces parties profondes et les affleurements, on a encore été conduit à cette conséquence : que les minerais dits d’alluvion ne sont pas exclusivement superficiels, comme il avait apparu d’abord.

Les principaux gîtes connus de ces minerais occupent des plateaux de calcaire jurassique; et cette roche étant, de sa nature, plus susceptible que d’autres d’être corrodée, dégra-

(1) Bull. Soc. géol., 2e série, t. IV, p. 1262.

(2) Loco cit.f p. 1284.

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

dée et détruite par les actions endogènes et exogènes, il arrive que c’est dans les terrains de cet ordre que les gîtes de mine¬ rais pisiformes se poursuivent souterrainement de la manière la plus marquée. Ainsi, on voit déjà de ces gîtes descendre jusqu’à 20 mètres dans le département du Cher, puis jusqu’à 35 et 40 mètres dans la Dordogne et la Moselle, jusqu’à 100 mètres dans le département du Haut-Rhin, et jusqu’à 250 dans la Carniole. Et ils présentent d’ailleurs, tant dans le sens vertical que dans le sens horizontal, les dispositions les plus variées, les plus capricieuses : en fentes étroites comme les filons, en poches, en puits, en chambres s’étendant parfois parallèlement aux couches calcaires, de manière à produire l’illusion d’un gîte contemporain alternant avec lesdites cou¬ ches. Le Journal des Mines de l’an VI (1) donne la vue d’une excavation servant à l’exploitation d’une minière à Poissons (Haute-Marne). Elle a de 20 à 30 mètres en longueur et en largeur et 50 mètres de profondeur. Les parois sont taillées à pic dans du calcaire (portlandien) à couches horizontales; et, du milieu de l’excavation on voit s’élever une colonne ou ai¬ guille, formée de ce même calcaire, qui a 2 mètres de diamètre au sommet, 3 à 4 au niveau du fond de la minière, et mesure 40 mètres de hauteur. Le minerai occupait tout l’espace com¬ pris entre les parois de l’excavation et ce pilier, jouant le rôle de ces petits massifs réservés dans les travaux de terras¬ sements sous le nom de témoins, et qui témoigne, en effet, de l’énorme travail de destruction qui s’est accomplie entre l’é¬ poque portlandienne et celle s’est formé le dépôt du mi¬ nerai de fer.

La continuité remarquée tout à l’heure entre les gîtes d’af¬ fleurement et les gîtes souterrains n’est pas, d’ailleurs, un fait qui doive faire écarter à priori l’idée d'attribuer le dépôt de ces minerais à une action diluvienne. Le terrain diluvien, formé le dernier, ne devait-il pas se mouler sur le terrain plus ancien, et en général fortement accidenté, qu’il venait recouvrir? mince ou épais, selon que celui-ci lui présentait une surface plate ou des déchirures plus ou moins profondes. Et n’est-ce pas ainsi qu’on comprend la formation des brèches osseuses (parfois aussi ferrugineuses en même temps) dans des fentes de rochers, comme on en connaît dans le midi de la France et

(H T. VIII, p. 52i.

NOTE DE M. LEVALLOIS. 187

ailleurs, aussi bien que le remplissage plus ou moins complet des cavernes ?

Alexandre Brongniart avait été frappé de cette analogie ; et si elle est telle, en effet, que certains gîtes de minerais en poches aient avoir été formés, comme les brèches osseuses, par voie de charriage, il ne s'ensuit pas que ce mode de for¬ mation ait être exclusif ni même le plus général. Encore faut-il, pour justifier cette assimilation d’origine dans un cas donné, que le minerai de fer soit mélangé de matériaux mani¬ festement charriés (1) ou d’ossements appartenant à des ani¬ maux quaternaires, comme ceux qui entrent dans la composi¬ tion des brèches osseuses.

Dans tous les cas, cette observation montre qu’il y avait lieu de distinguer, dans les gîtes dits d’alluvion, entre ces minerais remaniés , auxquels seuls doit être réservé le nom de minerais d'alluvion, et ceux qui sont dans leur place originaire. Cette distinction avait été établie par Thirria dès 1828 (2), à propos des gîtes de la Haute-Saône ; elle fut faite également par Walchner en 1832, relativement aux minerais de fer pisiformes et réniformes de Candern dont nous avons parlé tout à l’heure, et elle a été maintenue dans la science, bien que la part faite par ces auteurs au remaniement nous paraisse avoir été trop grande. Thirria rapportait alors à la partie tout à fait supé¬ rieure du calcaire jurassique le minerai en place, dont le rang dans la série géologique se trouvait ainsi ballotté, suivant les opinions, depuis le terrain quaternaire jusqu’au terrain juras¬ sique.

Ce qui maintint si longtemps les esprits en suspens au sujet de l’âge des minerais dits d’alluvion, c’est l’idée qu’on s'était d'abord formée et qui s’attachait même à leur nom, comme

(1) Gela n’impliqu^ pas que le charriage ait eu nécessairement un long parcours, ni par conséquent qu’il ait nécessité une action aussi puissante et aussi générale que celle que l’on attribue aux eaux diluviennes.

J’ai fait connaître dans les Annales des Mines (4e série, t. XVI, p. 241) un gîte de minerai de fer en plaquettes, situé près de Florange (Moselle), à 800 mètres au plus du pied d’une colline, laquelle contient ce même minerai en veines h ématiteuses interstratifiées dans le grès soperliasique. Que le minerai de Florange ait été arraché à la colline et transporté dans la plaine sous l’action d’un flux d’eau, cela ne saurait être mis en doute; mais ce dépôt n’a pourtant que le caractère d’une alluvion locale, bien que produite pendant l’époque dite quaternaire ou diluvienne.

(2) Ann . des Mines , 2e série, t. V, p. 5 (note).

18S

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

je l'ai fait remarquer plus haut , que ces minerais ne sont jamais recouverts. Or, si général que parût être ce fait, ce n’était toujours qu’un fait négatif, susceptible d'être infirmé par une seule observation , tandis qu’on avait semblé lui donner comme la valeur d'un principe. C’est seulement ainsi qu’on peut s’expliquer le peu de confiance qu’avaient inspirée les observations personnelles d'hommes tels que Mérian et Voltz : le premier, annonçant dès 1821 (1) que le minerai pisiforme d’Aarau est immédiatement recouvert par un grès et par un schiste lignitiforme, l'on distingue des planorbes et d’autres coquillages d’eau douce; le second, indiquant, quelques années après, de la manière la plus explicite, une exploitation de gypse au-dessus d’un banc de bobnerz, dans un terrain tertiaire près de Gundershoffen (2).

Alexandre Brongniart connaissait ces observations (puisqu’il les cite) lorsqu’il publia en 1828 son important mémoire sur les minerais de fer en grains (3), il émit, le premier, l’idée de regarder ces minerais « comme un précipité d’oxyde de fer fourni par des eaux minérales ferrugineuses qui sortaient par des fissures ouvertes dans les calcaires compactes, jurassiques ou autres, » de même que se forment journellement des piso- lithes calcaires dans les bassins sortent les sources ther¬ males de Carlsbad. En proposant cette théorie de la produc¬ tion per ascensum des minerais pisiformes ou réniformes, qui est aujourd’hui généralement adoptée , Brongniart n’appor¬ tait-il donc pas en même temps l’argument le plus plausible en faveur de la formation in situ de ces minerais, concentrés dans les crevasses du sol ou étalés à sa surface! Et cependant, telle était la puissance du préjugé dont nous parlions tout à l’heure, que ce savant maître n’en inclinait pas moins, dans ce même mémoire, pour la formation par voie de transport, admettant que la grande catastrophe diluvienne est venue ba¬ layer le minerai en grains déposé à la surface du globe, en re¬ jetant ce minerai dans les fissures et les cavernes jurassiques d'ou il sortait , pour remplir les vides que ces cavités pouvaient encore présenter (p. 432). Dans son ouvrage, publié un peu plus tard, en 1829, Tableau des terrains qui composent V écorce

(1) Mérian, Beitrage zur Geognosie. Bâle, 1821, t. Ier, p. 150, etc. ~

(2) Yoltz, Géognosie des deux départements du Rhin , Strasbourg, 1828, p. SO.

(3) Ann. Sciences natur., t. XIV, p. 431.

NOTE DE M. LEVALLOïS.

189

du globe, Alexandre Brongniart affirmait explicitement cette manière de voir en classant le Fer pisiforme ou pisolithique dans ses terrains clysmiens, qu’il définit ainsi : par transport ou alluvion (1); en insistant toujours sur l’identité de ces gîtes avec ceux des brèches osseuses et ferrugineuses, et nommé¬ ment, parmi ces dernières, des brèches des environs de Lucel (Haut-Rhin), de Bâle, de Délemontet du canton d’Aarau (2), et complétant d’ailleurs la définition du fer pisiforme par cette phrase : « toujours superficiel ou tout au plus recouvert soit par des terrains alluviens, soit par des roches également clys- miennes (3). »

La pensée dominante écrite dans cette phrase, c’est bien, comme je le disais tout à Theure, que les gîtes de minerai pi¬ siforme n’ont pas de superstratum ; mais ce n’est là, comme je le disais en même temps, qu'un caractère négatif, et qui devait bientôt perdre toute sa valeur.

En effet, l’ingénieur des mines Malinvaud, dans un mémoire écrit à la fin de 1831 (4), montra que les minerais de fer en grains de la vallée de TAubois (département du Cher) sont re¬ couverts en beaucoup de points par un calcaire incrusté lui- même de ces grains, et présentant la plus complète ressem¬ blance avec le calcaire d’eau douce qui forme le plateau de la Beauce, et qui, par-dessous les sables de la Sologne, se con¬ tinue dans une notable partie du département du Cher. Bans ce mémoire, qui n’a pas été assez remarqué à son époque, Malinvaud montrait aussi que les argiles, renfermant le minerai de fer pisiforme, reposent sur la surface précédemment dégradée du calcaire jurassique; et, répondant d’ailleurs directement tout à la fois aux arguments de ceux qui soutenaient que le dépôt de ce minerai a suivi immédiatement l’époque jurassique et de ceux qui le faisaient contemporain de l’époque dilu¬ vienne ou quaternaire, il en fixait ainsi la place (en tant du moins qu’il s’agissait du minerai du val de l’Aubois) dans le terrain tertiaire. Néanmoins, à défaut de fossiles, l’assimilation du calcaire recouvrant et empâtant le minerai en grains de l’Aubois avec le calcaire de Beauce (partie moyenne de l’étage miocène) ne reposait que sur une induction, et c’est sans doute

(1) Page 27 (tableau général, I et IV), pages 66 et 120.

(2) Page 115.

(3) Ann. des Mines , p. 121.

(4) Ibid., 3e série, t. IV, p. 247, 252, 256 à 262.

190 SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

pour cela que l’opinion de Malinvaud ne prit pas plus d’au¬ torité (1).

Mais elle fut bien fortement corroborée, lorsqu’à la réunion extraordinaire de la Société géologique à Strasbourg, le 8 sep¬ tembre 1834, Thirria fit connaître que, sur les territoires de Nommay et de Charmont, situés dans le département du Doubs, entre Belfort et Montbéliard, le minerai pisiforme est recouvert par un dépôt tertiaire consistant en marnes avec lignite et fossiles d’eau douce : Melania , Neritina , Paludina , Planorbis , lequel dépôt, dans la seconde des localités citées, n’atteint pas moins de 27 mètres d’épaisseur (2). Et si l’on se reporte à ce que nous avons dit plus haut, on reconnaîtra que l’observation faite dans les deux points du Jura français qui viennent d’être nommés , est identique à celle qui avait été faite treize ans auparavant par M. Mérian dans le Jura suisse.

Quoi qu’il en soit, un fait était désormais acquis à la science : la formation du minerai de fer pisiforme n’est pas dépour¬ vue de superstratum ; et, dans le Jura comme dans le Berry, elle est recouverte par des couches miocènes.

Mais cela ne suffisait pas pour déterminer l’âge de cette for¬ mation, puisqu’on ne l’avait jamais observée que reposant sur les calcaires jurassiques, et qu’il restait ainsi bien des places à lui assigner dans la série géologique avant d’atteindre à la partie moyenne de l’étage miocène. Or, si l’on avait renon¬ cer à la considérer comme jurassique elle-même, après la re¬ marque faite qu’elle repose indilféremment sur les calcaires des trois étages , toujours très-profondément dégradés , les esprits n’en étaient pas moins fort partagés. Car, tandis que Thirria, Thurmann, Walchner, Gressly, Marcou et d’autres considéraient le minerai en grains comme appartenant à la formation du grès vert ou green-sand des Anglais, Malinvaud s’appuyant (comme nous l’avons déjà dit) sur l’intrusion des grains de minerai dans le calcaire tertiaire qui forme le super - stratum des gîtes ferrifèresdu Berry, et Dufrénoy(3),aprèslui,

(1) Walchner avait aussi, en 1832, dans le mémoire déjà cité, donné un profil du terrain d’une mine de fer pisiforme dans le Grand-Duché de Bade; ce profil montre le minerai recouvert par une couche de sable mollasse ; mais ici également les fossiles faisaient défaut.

(2) Bull. Soc . géol.} t. VI, p. 32.

(3) Mémoire sur les terrains secondaires du bassin du midi de la France, Ann . des Mines , 3e série, t. VII, p. 326, etc.

NOTE DE M. LEVALLOIS.

191

en ce qui concerne les gîtes qui reposent sur les plateaux se¬ condaires de la France centrale, concluaient à rapporter la formation du fer en grains à l’époque tertiaire.

Mais la question fit un pas décisif lorsque, en!1838,Rozet (1), d’une part, et Thirria (2), de l’autre, eurent observé, aux mi¬ nières de Beire-le-Châtel et de Magny-Saint-Médard, situées à l’ouest de Mirebeau (Côte-d'Or), des couches de fer pisiforme enclavées entre deux couches de calcaire d’eau douce avec lymnées, planorbes et paludines ; car le gisement de ce mine¬ rai se trouvait dès lors enserré entre un superstratum et un substratum également tertiaires; et son âge était par cela même déterminé comme tertiaire. Mais , quelque important que fut ce fait, il ne pouvait pas être généralisé ; car, comme le faisaient remarquer Yoltz et M. d’Omalius d’HalIoy, le boh- nerz n’étant probablement qu’un produit d’eaux minérales ferrugineuses, un accident minéralogique de cette sorte a pu évidemment se reproduire à tous les âges géologiques, aussi bien avant que pendant la période tertiaire, et même à l’é¬ poque quaternaire, puisqu’il s’en forme encore aujourd’hui sous nos yeux dans l’Eifel , d’après les observations com¬ muniquées à la Société géologique, en 1834, par M. Nœg- gerath (3).

Néanmoins, à partir de 1838, l’attribution de la formation des minerais pisiformes à la période tertiaire s’établissait de plus en plus dans l’opinion, comme on le voit par une note de Thirria, écrite en 1839 (4). Et plus tard, en 1851 (5), ce même observateur était tellement frappé de la similitude des gise¬ ments des minerais de fer du Berry et de ceux de la Franche- Comté, qu’il n’hésite plus à rapporter ceux-ci au terrain ter¬ tiaire, bien que, dans le département de la Haute-Saône au moins, ces minerais ne soient jamais recouverts.

En tout cas, des observations précises, publiées en 1855 par le docteurGreppin (6), nous ont appris que le terrain du minerai

G) Bull. Soc . géol.j lre série, t. IX, p. 148 et 152, et t. X, p. 64.

(2) Id., t. IX, p. 375, et Ann. des Mines , 3e série, t. XV, p. 12.

(3) Bull. Soc. géol ., lre série, t. VI, p. 37. Voir aussi le mémoire de M. Daubrée, Ann. des Mines , 1846, 4e série, t. X, p. 37.

(4) Ann. des Mines , 3e série, t. XV, p. 12.

(5) Ibid ., 4e série, t. XIX, p. 49.

(6) Notes géologiques sur les terrains du Jura bernois, et en particulier du Val de Délemont.

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

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de fer pisiforme ( sidérolithique des géologues suisses) renferme, dans le val de Délemont, des ossements reconnus par M. Pictet pour appartenir au Palœothnium crassum (Cuv.), propre aux gypses de Montmartre, ce qui ne permei pas de lui assigner un âge antérieur à celui de ces gypses ; pendant que, d’un autre côté, ce minerai est recouvert par des marnes marines renfermant les mêmes fossiles que celles du sommet de Mont¬ martre, et qui, formant la base des sables marins de Fontai¬ nebleau, n’en peuvent être séparées et appartiennent ainsi à la partie inférieure du terrain miocène. Délimité d’une façon aussi étroite par le haut comme par le bas, le minerai pisiforme du Yal de Délemont se trouve rigoureusement classé, suivant la conclusion de M. Greppin, dans la partie tout à fait supé¬ rieure du terrain éocène, au niveau des gypses parisiens.

M. Benoît est arrivé à une conclusion pareille, comme il était rationnel de s’y attendre, relativement aux minerais pisi¬ formes des environs de Montbéliard, localité voisine de Déle¬ mont, de ce côté-ci du mont Terrible; et c’est aussi celle de M. Kœchlin-Schlumberger pour les gîtes du département du Haut-Rhin, qui ont donné lieu pendant si longtemps à d’im¬ portantes exploitations : Roppe, Châtenois, etc.

M. Tournouër a étudié plus tard (1) les calcaires lacustres indiqués par Rozet et Thirria aux environs de Beire-le-Châtel (Côte-d?Or), et sont enclavés les minerais de fer exploités à Vesvrottes. De l’examen des Lymnées et des Planorbes qu’il y a rencontrés, il conclut à ranger ces calcaires « dans la divi- « sion tertiaire inférieure certainement, dans l’étage gypseux « peut-être » : ce qui classe le minerai pisiforme dont il s’agit au même niveau que les dépôts sidérolithiques de la Suisse.

Mais cette conclusion n’est pas à généraliser, comme quel¬ ques géologues l’ont pensé, pour toutes les mines en grains si abondamment répandues dans le Nord-Est de la France ; car, quand M. Tournouër passe de la Côte-d’Or dans la Haute- Saône, il y observe de bas en haut : d’abord le terrain éocène, consistant en calcaire lacustre caractérisé par les mêmes fos¬ siles que dans le département voisin ; puis un calcaire mar¬ neux avec plaques de silex, que ses fossiles assimilent au terrain miocène inférieur ; enfin , s’étendant transgressivement par-dessus ce dernier terrain et bien au delà des limites du

(1) Bull. Soc. géol T série, t. XNIÏI, p. 782; 1866.

NOTE DE M. LEVALLOÏS.

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bassin lacustre il s’est déposé, un nouveau dépôt consis¬ tant en argiles avec minerais de fer en grains et ossements de Mastodontes, et qui, dans de pareilles conditions, ne peut être rapporté qu’au terrain pliocène. Cette opinion, comme le fait remarquer M. Tournouër, avait déjà été émise par M. Co- quand.

D’ailleurs, et toujours d’après le même observateur, les mêmes Mastodontes (Arvernensis , Borsoni ) se trouvent aussi dans le département de la Côte-d’Or au-dessus du terrain mio¬ cène , et ils accompagnent certains dépôts de minerai de fer épars dans la plaine tertiaire; en sorte que le département de la Côte-d’Or posséderait deux terrains sidérolithiques , pendant que la Haute-Saône n’en posséderait qu’un, celui qui est de l’âge pliocène (1) : conclusion qui montre, à elle seule, toute l’impropriété de cette expression de terrain sidérolithique , qu’il faudrait bien se hâter d’abandonner.

M. Tournouër, qui a fait aussi une étude approfondie des terrains tertiaires du sud-ouest de la France, a également montré que les minerais pisiformes ou réniformes du Périgord et des contrées environnantes, lesquels reposent sur la craie, sont recouverts : sur les bords de l’Allemance (Lot-et-Ga¬ ronne), par un calcaire lacustre éocène il a signalé la faune paléotbérienne, et surmonté par toute la série des dépôts d’eau douce de l’Agénais (2) ; à Beaumont (Dordogne), par du gypse avec ossements de Paléothérium , recouvert lui-même par la mollasse miocène (3). Ces minerais appartiennent donc, comme ceux du Jura suisse étudiés par M. Greppin, à l’étage éocène, sans doute aussi comme eux à la partie supérieure de cet étage. M. Tournouër n’a fait d’ailleurs que confirmer ainsi le classement proposé par MM. Delbos, Raulin, Matberon, s’é¬ cartant un peu de celui proposé par Dufrénoy, qui les plaçait dans la partie inférieure de l’étage miocène, mais beaucoup de celui de M. Coquand, qui les a considérés comme pliocènes,

(1) M. le professeur Jordan a déjà établi, par des considérations paléon- tologiques, dans une note présentée, en 1861, à l’Académie des sciences, l’existence, dans le bassin du Rhône, de quatre niveaux sidérolithiques diffé¬ rents, compris dans la période tertiaire.

(2) et (8) Bull. Soc. gêol.9 t. XXVI, p. 288, fig. 2, et p. 1017. M. l’ingénieur des mines Drouot avait établi, dès 1838, comme le remarque M. Tournouër, les relations stratigraphiques de ces dépôts ferrifères (Ann. des Mines , 3e série, t. XIII, pl. I, fig. 3 et 4).

Soc. géol ., 2e série, t. XXVIII.

13

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

à l’instar de ceux que l’on exploite dans les sables des Landes. Il est vrai que ce savant admettait que les gîtes de minerais de fer du groupe dit du Périgord, qu’il étudiait, ne sont pas re¬ couverts; en sorte que la question d’âge, directement résolue pour les localités ci-dessus dénommées, conformément aux coupes fournies par M. Tournouër(l), pourrait être considérée, à la rigueur, comme toujours pendante pour les nombreux gîtes qui ne sont pas recouverts. Néanmoins l’induction conduit assurément bien plutôt à assimiler ceux-ci aux premiers qu’à les mettre en parallèle avec les minerais des sables des Landes, ceux-là bien reconnus comme pliocènes.

D’ailleurs, en m’arrêtant particulièrement sur ces deux ré¬ gions ainsi que sur le Berry, je n’ai eu d’autre objet que de citer des exemples, et je ne me suis nullement proposé de ca¬ ractériser les différents gîtes de fer en grains qui peuvent s’y trouver; encore moins ceux qui peuvent se trouver dans les autres parties de la France. Il faudrait pour cela des observa¬ tions de détail qui n’ont pas encore été faites partout très-pro¬ bablement (2). Mais au moins l’ensemble des faits connus montre-t-il que nos gîtes de minerais pisiformes, pour la plus grande part et pour les plus importants, correspondent à la partie supérieure de l’étage éocène ou à la partie inférieure de l’étage miocène : deux divisions entre lesquelles il y a d’ail¬ leurs assez de rapports pour que plusieurs savants géologues, tout en partant de points de vue différents, s’accordent pour trouver plus de raisons de les sous-grouper ensemble, que de les réunir à ce qui les précède ou à ce qui les suit dans la série stratigraphique.

Les observations à faire devraient avoir particulièrement pour objet d’établir la distinction , qui n’est pas toujours facile, entre les gîtes remaniés et les gîtes en place. Les premiers ont pour caractère, comme on l’a vu, de renfermer des minerais brisés et d’autres à surface lisse, avec mélange de cailloux roulés et souvent aussi d’ossements d’animaux quaternaires. Mais quand il arrive que ces dépôts remaniés se trouvent im¬ médiatement appliqués sur des gîtes en place, la ligne de dé¬ marcation est malaisée à saisir, et cela explique comment beau-

(1) Voir aussi la coupe du même auteur, Bull., t. XXIX, p. 886.

(2) On doit à M. l’ingénieur en chef des mines Jacquot un travail complet sur les gîtes ferrifères du département de la Moselle.

NOTE DE M. LEVALLOIS.

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coup de gîtes in situ peuvent avoir été méconnus et être rangés encore aujourd’hui parmi les gîtes d’alluvion. La confusion se¬ rait encore plus grande pour le cas, que l’on peut bien aussi supposer, les matériaux caractéristiques de ces derniers auraient été entraînés dans des poches de minerai in situt in¬ complètement remplies.

Ces dépôts remaniés sont donc, comme nous l’avons dit, les seuls auxquels on puisse appliquer justement le nom de mi¬ nerais d’alluvion. Mais quoique dans la présente note, qui a pour sujet le minerai en grains ou bohnerz , nous ayons eu particuliè¬ rement en vue les minerais d’alluvion formés aux dépens des bohnerz tertiaires, et qui sont en même temps de beaucoup les plus nombreux, il va sans dire (1) que l’action de remaniement a pu aussi bien s’exercer, dans certaines circonstances, sur les couches ferrifères intercalées dans les terrains secondaires. De des dépôts plus ou moins déplacés, qui appartiennent, comme les autres, à la catégorie des gîtes d’alluvion, bien que les éléments dont ils sont formés ne répondent plus à la défini¬ tion du minerai en grains.

Tel serait l’important gîte de Poissons (Haute-Marne) dont nous avons parlé plus haut, formé, suivant Thirria et M. Cor- nuel, aux dépens des couches déminerai du terrain néoco¬ mien. On est bien autorisé, en effet, à considérer la minière de Poissons comme une poche remplie per descensum , comme un gîte diluvien, puisqu’on y a rencontré, et « à toutes les profon¬ deurs, » dit M. Cornuel (2), des ossements de mammifères de l’époque diluvienne : Bos primigenius, Elephas primigenius. Quant aux matériaux qui ont rempli la poche, on y reconnaît entremêlées et sans ordre les deux sortes de minerais qui consti¬ tuent des niveaux bien connus dans le terrain néocomien (3), et dont les lambeaux les plus rapprochés de Poissons en sont distants de 8 kilomètres à l’ouest. Le minerai inférieur en pla¬ quettes géodiques y domine de beaucoup, et il s’y trouve en blocs fragmentaires qui renferment, admirablement conservés, les fossiles propres à la couche in situ (4). Thirria assimile au gîte de Poissons ceux qu’on exploite par puits dans six autres

(1) Voir ante , p. 187, la note est citée la minière de Florange.

(2) Mém. Soc. géol., lre série, t. IV, p. 273.

(3) Ann. des Mines , 3e série, t. XV> p. 38.

(4) M. Tombeck a vu de ces blocs fossilifères extraits des minières de Poissons, chez le garde-mine de Joinville.

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minières situées à l’entour dans un rayon de six kilomètres; et il les distingue soigneusement de quelques autres gîtes dilu¬ viens situés près de Bourmont, dans la partie Basique du dépar¬ tement et consistant bien, ceux-là, en minerais en grains d’o¬ rigine tertiaire.

Pour terminer, résumons les observations qui précèdent.

i.es minerais dits d ’alluvion ou en grains ne sont pas exclu¬ sivement des minerais de transport ( clysmiens de Brongniart), comme le présupposait leur nom. —La plus grande partie con¬ stitue des gîtes en place; et les gîtes formés par transport ou re¬ maniement, les gîtes remaniés , n’y figurent que pour la moindre part.

Les minerais d ’alluvion, qu’ils soient en place ou rema¬ niés, ne gisent pas non plus exclusivement à fleur de sol, comme le faisait aussi présupposer leur nom. Ils constituent souvent des gîtes très-profonds à travers les anfractuosités des roches calcaires.

Les gîtes de minerais en grains en place ne sont pas tou¬ jours non recouverts , comme on l’avait supposé pendant long¬ temps. Les roches reconnues jusqu’à présent pour leur ser¬ vir de superstratum appartiennent tantôt à la partie moyenne ou inférieure de l’étage miocène, tantôt à la partie supérieure de l’étage éocène, ce qui ne permet pas de faire remonter ces gîtes jusqu’à la période quaternaire ou diluvienne, et leur donne au minimum l’âge miocène. Les roches reconnues jusqu’ici pour leur servir de substratum avec stratification con¬ cordante, bien entendu, appartiennent également à l’étage éo¬ cène supérieur, et fixent leur âge maximum à ce niveau, celui, à peu près, des gypses parisiens à Palœotherium.

Quant aux gîtes non recouverts, leur âge minimum reste in¬ déterminé, et leur âge maximum seul peut être fixé par celui de leur substratum quand on parvient à l’observer; ou, à défaut de ce terme de comparaison, par l’âge des ossements fossiles que l’on peut rencontrer dans les minerais. Or, la rencontre signalée en divers points d’ossements de Palœotherium , carac¬ téristiques de l’étage tertiaire inférieur, conduit à admettre, par analogie, que les dépôts de minerai pisiforme ne sont pas antérieurs à l’époque paléothérienne, au-dessus de laquelle d’ailleurs ils peuvent occuper des horizons très-divers sans que rien s’oppose à ce qu’ils remontent jusque dans l’époque qua¬ ternaire.

Néanmoins il résulte de l’ensemble des faits connus, que

OBSERVATIONS DE M. JANNETTAZ.

197

c’est à la partie supérieure de l’étage éocène ou à la partie in¬ férieure de l’étage miocène qu’il convient de rapporter la plus grande partie de nos gîtes de fer en grains.

Les gîtes remaniés sont les seuls auxquels on soit fondé à conserver le nom de minerais d 'alluvion, ou plutôt de dilu - vion, suivant le nom créé par M. d’Omalius d’Halloy.

A la suite de cette communication, MM. Jannettaz, Cot- teau, Grimer, Raulin, Gervais, Oustalet, Benoît et de Billy, échangent diverses observations sur Rage et les gisements des couches sidérolithiques.

Observations de M. Ed. Jannettaz.

(Note sur les minerais de \fer pisolithique des environs de Paris.)

Comme suite à la communication de M. Levallois, je crois utile de signaler quelques observations que j’ai faites à plu¬ sieurs reprises sur différentes variétés de fer pisolithique des environs de Paris. J*ai vu, il y a plusieurs années, chez un tuilier d’Angervilliers, près de Limours, un échantillon de limonite pisolithique, en globules formés par des couches concentriques; cet échantillon m’ayant frappé à cause de sa structure, je fus assez surpris que son possesseur m’assurât l’avoir trouvé à la partie inférieure du calcaire qui couronne la côte de Chaumusson, au-dessus de Limours. Quelques jours après, j’avais occasion d’aller à Limours; j’observai bien le calcaire de la Beauce auprès de la station même et sur le plateau qui domine la voie de fer; je gravis les sables de Fon¬ tainebleau, qui forment aux environs de véritables abîmes d’une hauteur imposante ; mais j’eus beau m’élever avec beaucoup de peine jusqu’au contact des sables et du calcaire, je ne trouvai rien. J’ai tenu note cependant de l’affirmation du tuilier; car à la base du calcaire de la Beauce, à Meudon, et dans plusieurs localités qui nous avoisinent, il y a, comme on sait, un petit lit d’un calcaire siliceux très-ferrugineux.

Gomme observation faite par moi-même, je citerai les minerais de fer de l’argile plastique de Rochefort, localité située entre Dourdan, Rambouillet et Limours. Cette petite région, à surface ondulée, offre des collines, ou plutôt des

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

buttes successives, entrecoupées par des vallées peu profondes. Ces buttes sont toutes invariablement formées par les sables de Fontainebleau ; mais au fond des vallées coulent quelques petits ruisseaux, la Remarde, la Rabette. Les vallées, à fond assez plat, sont constituées par un dépôt diluvien, qui re¬ couvre en général un conglomérat analogue au poudingue de Nemours, immédiatement superposé à la craie. En allant de Rochefort vers Limours, à la Bâte, au Gué d’Aune en particu¬ lier, l’on rencontre des exploitations d’argile plastique. Ce que cette argile renferme de plus remarquable est un pou¬ dingue siliceux noirâtre, à ciment très-tenace. En allant au contraire de Rochefort vers Longvilliers ou vers Bandeville, on voit assez fréquemment des puits de marnières abandonnées, quelquefois des trous énormes, les restes d’anciennes exploi¬ tations à ciel ouvert, mais peu importantes au point de vue industriel, qui permettent de se rendre compte de la consti¬ tution géologique de cette localité. Au fond des puits, c’est la craie blanche avec plusieurs de ses fossiles caractéristiques. Des nodules de silex en hérissent les parois à leur base; un grand nombre de ces nodules sont creux, et renferment une poussière blanche, un magma de craie, de silice friable et de débris organisés siliceux.

Au-dessus de la craie, qui devient dans sa partie supérieure grasse et argileuse, l’on n’aperçoit généralement qu’un amas de fragments de silex, d’assez grandes dimensions, de forme très- irrégulière, mêlés à une argile assez friable et à des petits nodules de silex très-ferrugineux, ou d’ocre jaune très-silici- fère, lesquels sont souvent ronds comme des billes, et sont creux ou pleins, et analogues à beaucoup de minerais de fer pisolithique. Ils sont très-siliceux, et trop disséminés pour donner de véritables bénéfices à ceux qui tenteraient de les exploiter. Il est pourtant de tradition parmi les ouvriers du pays qu’il y a eu autrefois des carrières. Il y a, au dire des glaisiers, d’anciennes galeries romaines sous la glaise de la Bâte, et dans les bois d’alentour on aperçoit souvent sur le sol des morceaux de mâchefer.

Je mentionnerai encore ici une étude que j’ai faite, il y a quelques années, des minerais de fer des argiles dJIssy et de Vanves. Ce sont des globules pisolithiques de fer carbonaté, disséminés dans les argiles. Auprès de la porte de Versailles, en¬ tre une couche supérieure d’argile noire et une de sable argileux,

OBSERVATIONS DE M. COTTEAU.

199

on aperçoit çà et un banc d’argile rempli de grains oolithiques. Lorsqu’on isole ces grains par des lavages, on leur trouve une compositionassez complexe. Chauffés dans des petits matras,sur une lampe à alcool, ils perdent une quantité d’eau assez notable* Ils sontextérieurement solubles avec effervescence dans les aci¬ des, même dans l’acide acétique, et donnent lieu à de l’acétate de fer. Le noyau central, une fois l’effervescence terminée, est de fer oligiste, qui apparaît avec un certain éclat sous le mi¬ croscope, et dont la poussière est d’un rouge violacé très-net. Ils ne sont aucunement attirables au barreau aimanté. Un tube rempli de ces grains n’a pas non plus d’action sensible sur l’aiguille. Ce sont donc évidemment des grains de fer oligiste, dont la surface extérieure a été, après coup, trans¬ formée, par épigénie, en limonite et en fer carbonatô terreux soluble dans les acides.

Observations de M. Cotteau.

M. Cotteau présente quelques observations sur certains dépôts ferrugineux du département de l’Yonne, qui lui parais¬ sent avoir une même origine que les terrains sidérolithiques signalés par M. Levallois. Renfermés dans des fissures ou des poches plus ou moins profondes, ces dépôts ferrugineux se montrent principalement sur les plateaux de l’étage corallien inférieur et paraissent appartenir à l’époque tertiaire, sans qu’il soit possible cependant de préciser leur âge d’une ma¬ nière bien positive. Plus ou moins riches en minerai de fer oolitbique, ces dépôts présentent, sur certains points et notam¬ ment aux environs de Châtel-Censoir, une quantité considé¬ rable de radioles et de fragments d’oursins, de débris d’asté¬ ries, d’apiocrinites et de pentacrinites. Parmi les oursins se rencontrent les Cidaris Drogiaca , Cotteau , C. florigemma , Phill., C. Blumenbachi , Goldf., C. cervicalis , Ag., le Dipioci- daris gigantea , Des., YHemicidaris crenularis, Ag., VAcrocidaris nobilis , Ag., le Glypticus hieroglyphicus , Ag., le Stomechinus lineatus , Des. Ces espèces sont les mêmes que l’on rencontre dans la roche corallienne encaissante, et ne sont nullement roulées, bien que les argiles sablonneuses qui les renferment présentent tous les caractères d’un dépôt de transport.

200

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 4 871 .

Observations de M. Grimer.

Les minerais de fer en grains n’appartiennent pas, en effet, à une périodegéologique unique, ne caractérisent pas exclusive¬ ment un étage déterminé des terrains tertiaires; et pourtant je me permettrai de combattre la suppression du terme de terrain sidêrolithique ou pisolithique que réclame M. Levallois.

S’il y a eu des sources ferrugineuses à toutes les époques et des dépôts de minerais de fer à tous les niveaux, chacun de ces dépôts revêt cependant un ensemble de caractères spéciaux qui ne permettent pas de confondre les minerais de fer d’une époque avec ceux d’une époque antérieure ou postérieure.

Les terrains anciens ont leurs minerais spéculaires, oxydu- lés et spathiques ; les terrains paléozoïques, les fers oxydés rouges, compactes ou granulaires; les terrains secondaires, les minerais en roche ou oolithiques, plus ou moins hydratés; les terrains tertiaires, les hydroxydes concrétionnés, en grains ou en rognons; enfin, l’époque quaternaire, les minerais anté¬ rieurs, tertiaires ou secondaires, plus ou moins remaniés.

Mais les terrains tertiaires ne sont pas, à tous les niveaux, également riches en minerais pisiformes; s’il en existe çà et dans le miocène supérieur et jusque dans le pliocène, ils abon¬ dent surtout dans l’éocène supérieur et ne dépassent guère milieu de Pétage tongrien. Le minerai éocène diffère, d’ailleurs, à bien des égards, de celui des étages supérieurs, et c’est ce minerai surtout que les géologues Suisses désignent, à la suite de Thurmann, sous le nom de terrain sidêrolithique. Ce dépôt est caractérisé, tout à la fois, par sa faune ou son âge , sa ma¬ nière d’être et les substances minérales diverses qui l’accom¬ pagnent.

Sa faune ou son âge. Dans le Jura franco-suisse, ainsi que vient de le rappeler M. Levallois, MM. le Dr Greppin et Hébert ont montré que non-seulement le minerai de Delé- mont, mais encore ceux de Delle, de Montbéliard, etc., sont antérieurs aux dépôts marins ou lacustres de l’âge du terrain d’Alzey, appartenant à l’élage tongrien (1). On les rencontre partout, dans le Jura, au-dessous de la mollasse marine ou la¬ custre de l’époque miocène.

(1) Mémoires du Dr Greppin sur le Jura Bernois. Voir aussi une note de M. Benoit, dans le Bull . Soc. géol.t 2e série, t. XII, p. 1025.

OBSERVATIONS DE M. GRUNER.

201

Vers la môme époque, M. Gressly en 1847, M. le Dr Fraas en 1851, et MM. Delaharpe, Gaudin, Chavannes et Morlot, de Lausanne, en 1852 et 1853, ont découvert, dans ce même mi¬ nerai, la faune des gypses de Montmartre. Le Dr Fraas a trouvé des ossements d e Palœotherium et d Anoplotherium dans le mi¬ nerai des hauts plateaux de FAlbc (Jura allemand) (1) ; M. Gressly, les mêmes ossements à Oberbuchsitten, près de Soleure (2); et les savants Vaudois, des restes identiques, non roulés ni usés, dans le minerai en grains, remplissant les fentes du calcaire- à Caprotina ammonia , du Moremont, au pied du Jura. Or ce minerai se prolonge au nord en couches régulières le long du Jura et passe, à Orbe, sous la mollasse miocène (3).

L’âge du minerai pisolitbique est le même dans le centre de la France. Non-seulement dans la vallée de l’Aubois, comme l’a constaté M. Malinvaud, mais encore dans les autres par¬ ties du département du Cher (4), ainsi que dans ceux de l’Indre et de la Vienne, on voit partout le minerai en grains former un dépôt, plus ou moins continu, sous le grès ou le calcaire tertiaire de l’étage tongrien. Et lorsqu’on poursuit ces dépôts le long du plateau central, dans la Charente et la Dordogne, on constate que aussi les gites principaux des minerais hydratés, en grains ou en rognons, appartiennent, à peu près tous, à la période de l’éocène supérieur.

Il en est ainsi, non-seulement des quelques gîtes de la Côte- d’Or, cités par M. Levallois, mais encore de certains dépôts du sud-ouest de la France et même du Jura allemand. D’a¬ près une communication privée de M. le Dr Fraas, plusieurs gîtes du Wurtemberg (Mosskirch, Salmendingen, etc.) renfer¬ meraient des ossements d e Dinothérium, Mastodon angustidens , Rhinocéros incisivus , etc., sans parler, bien entendu, des dépôts remaniés , caractérisés par les ossements de l’époque quater¬ naire. Mais ce sont pourtant des cas relativement rares, et l’on peut bien dire que les minerais pisiformes se sont sur¬ tout déposés pendant les derniers temps de la période éocène, ainsi qu’à l’origine de la période miocène.

(1) Bull. Soc. géol 2e série, t. IX, p. 2G6 et Comptes rendus de V Aca¬ démie des Sciences , 1853, p. 213.

(2) B. Studer, Géologie de la Suisse.

(3) Bull. Soc. Vaudoise des sc. naturelles , années 1852 et 1853 et Pa¬ léontologie suisse de M. Pictet, 1er cahier.

(4) Bert^ra et Boulanger, Statistique minéralogique du Cher.

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

Sa manière d’être. Le minerai pisolithique se rencontre surtout à la surface ou dans l’intérieur des masses calcaires des terrains jurassiques et crétacés, tandis qu’il est rare ou man¬ que même absolument, au moins sous la forme pisolithique , à la surface des terrains anciens et des formations arénacées paléo¬ zoïques ou modernes. Ainsi, il abonde dans le Jura propre¬ ment dit, et apparaît constamment dans les dépressions juras¬ siques ou crétacées de la Moselle, de la Haute-Saône, du Doubs, de la Haute-Marne, de la Côte-d’Or, du Cher, de l’Indre, de la Vienne, etc., et, par contre, fait défaut dans les concavités du plateau central, de la Bretagne et de la Vendée, et cela, même sur les points les terrains anciens sont couverts de dépôts tertiaires (bassins du Puy, du Forez, de la Lima- gne, etc.).

Les minerais pisolithiques s’arrêtent à la limite des forma¬ tions calcaires de l’époque secondaire, et n’envahissent même pas les dépôts tertiaires inférieurs de Paris et de Londres.

Vers la région nord des Vosges, les minerais en grains de la Moselle débordent pourtant les assises jurassiques; on les rencontre aussi à la surface du trias, mais ces dépôts sont peu importants et couvrent surtout le Muschelkalk , ainsi que le remarque M. Daubrée dans sa Description géologique du Bas- Rhin ; et ce fait avait déjà été constaté antérieurement par MM. de Dechen et Oeynhausen (i).

L’influence du calcaire se fait donc également sentir ici comme ailleurs.

Maintenant, dans ces masses calcaires, les minerais pisi¬ formes affectent toujours un double mode de gisement. Ce sont ou bien des boyaux sinueux, des puits perdus et des ca¬ vités superficielles remplis de minerais et d’argiles bariolées, ou bien de vasles lentilles, et même des couches plus ou moins régulières, s’étendant au loin, à droite et à gauche des cavités en question, et couvrant alors, soit à la surface du sol, soit sous un manteau tertiaire miocène, des espaces souvent fort considérables. Dans le Jura proprement dit, ces dépôts occu¬ pent les vallées, dans les plaines de la France, les plateaux cal¬ caires des terrains secondaires. Mais, dans les plaines, comme dans le Jura, les dépôts superficiels, aussi bien que les puits perdus, sont toujours alignés suivant des fentes ou des failles dont les parois sont fortement corrodées et çà et profondé-

(1) Explication de la Carte géologique de la France, t. II, p. 35.

OBSERVATIONS DE M. GRUNER.

203

ment excavées. En France, la direction dominante me paraît être celle du méridien. On y reconnaît, comme le signalait déjà Al. Brongniart , Faction corrosive de sources ther¬ males, amenant le fer à la surface du sol, à l’état de bicarbo¬ nate, selon toutes les probabilités. Or, c’est précisément cette origine éruptive ou filonienne qui imprime au dépôt sidéroli- tbique un cachet spécial. Ce n’est pas un dépôt sédimentaire ordinaire, c’est un précipité chimique, qui a été entraîné à la surface du sol, pêle-mêle avec d’autres matières pulvérulentes insolubles. Mais doit-on, par ce motif, l’exclure de l’échelle des terrains, et ne le considérer que comme un accident qui a pu se reproduire à divers niveaux? Je ne le pense pas, car il caractérise, par son abondance et sa généralité, une époque bien déterminée, celle qui s’est écoulée depuis la période éo- cène paléothérienne jusque vers le milieu de celle de l’étage tongrien. Cette conclusion me paraît encore appuyée par la présence si constante de certaines substances minérales, qui ne se rencontrent nullement dans les minerais en roche d’un autre âge.

Substances étrangères associées au minerai en grains. Habituellement les grains concrétionnés d’hydroxyde de fer sont enveloppés par une masse argileuse bariolée, jaune, rouge ou blanche. Mais cette gangue est loin d’être constante; elle varie avec la nature du sous-sol, avec les roches au travers desquelles furent creusés les puits perdus, les boyaux si¬ nueux ou les cavités superficielles servant de réceptacles au minerai. Voici quelques faits observés, il y a vingt ans, dans mes courses géologiques de l’Indre, de la Vienne et des départe¬ ments voisins. le sous-sol est calcaire sur une grande profondeur, comme dans les parties nord de l’Indre et de la Vienne, on rencontre souvent, au lieu d’argile, une poudre fa¬ rineuse, blanc de neige, sorte de craie parfaitement pure. Ce carbonate de chaux pulvérulent forme des veines ondulées verticales au travers de la masse de minerai. Ailleurs, la poudre blanche est argilo-calcaire, et alterne aussi avec le minerai sous forme de veines plus ou moins verticales. Cette manière d’être se voit, en particulier, aux environs de Mézières- en-Brenne, dans les cavités de la craie tufau.

Vers le sud des mêmes départements, sur la lisière du pla¬ teau central, les assises jurassiques sont peu épaisses et de nature argileuse, le minerai de fer est, par contre, surtout alu¬ mineux. Il est associé à de l’hydrate d’alumine, à des argiles

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

réfractaires, à de véritables halloysites. Ailleurs encore, au voisinage des grès infraliasiques, le rainerai alterne avec du sable quartzeux, parfaitement pur, que l’on exploite pour les verreries.

Et maintenant, tandis que dans le nord de l’Indre et de la Vienne en voit, comme dans le Cher, le minerai passer sous la masse du calcaire siliceux de la Beauce et même alterner avec ses premiers bancs, on peut partout, vers le sud, au voisi¬ nage du plateau central, constater ce même minerai sous une couverte de grès blanc, alumineux, éminemment réfractaire, le^nsorcdu plateau de Montmorillon. Or, làaussi, lespisolithe s de ferpénètrent dans les premières assises de ce grès tertiaire, qui se rattache d’ailleurs sans interruption et par passages insensibles au calcaire siliceux de l’étage tongrien.

Les sources ferrugineuses se sont donc affaiblies graduelle¬ ment vers les premiers temps de la période tongrienne. Mais il semble que la silice et surtout l’acide carbonique aient con¬ tinué à jaillir. Ce dernier a dissout le calcaire, sur son par¬ cours, pour le redéposer sous forme de calcaire lacustre sili¬ ceux; ou lorsqu’il n’a rencontré sur son chemin que des argiles et des schistes anciens, il a du moins attaqué les bases fortes, blanchi les roches ferrugineuses et entraîné à la surface du kaolin, de l’hydrate d’alumine et des argiles réfractaires. Quant au bicarbonate de fer, qui a précédé l’acide carbonique pur, il s’est surtout décomposé au contact du calcaire. Le car¬ bonate de chaux a été corrodé, et le fer précipité s’est peu à peu concrétionné à l’état d’hydroxyde. De les pisolitbes dans les puits perdus et les cavités des calcaires secondaires.

Or, les faits que je viens de relater ne sont pas particu¬ liers au centre de la France; ils sont connus, depuis long¬ temps, dans le Jura suisse (1); ils ont été signalés par M. Sauvage dans les Ardennes (2), par M. Jacquot dans ta Moselle (3), par M. Favre aux environs de Genève, par MM. S. Gras et Lory dans le Dauphiné (4), etc. ,

Partout, le terrain sidérolithique est caractérisé par des ma¬ tières minérales, corrosives ou incrustantes nues de l’intérieur sous forme de sources, et amenant avec elles des matières in-

(1) B. Studer, Géologie de la Suisse.

(2) Description géologique des Ardennes .

(.3) Annales des Mines, 4e série, t. XVI, p. 446.

(4) Lory, Description géologique du Dauphiné , t. I, p. 388,

NOTE DE M. GRUNER.

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solubles, alumine, argiles ou sables, enlevées aux parois des conduits souterrains. Et partout aussi, à côté du minerai et des argiles bariolées, on exploite des argiles réfractaires, des sables pour verreries et, parfois même, de la chaux sulfatée.

Il y a un ensemble de phénomènes et de substances qui rappelle les arkoses ; mais, tandis que les grès silici fiés se ren¬ contrent à des niveaux très-divers et se montrent partout les grès reposent directement sur le granité, le terrain sidéro - lithique , du à des causes analogues, est beaucoup plus circon¬ scrit dans le temps. Son dépôt commence avec la faune paléo- thérienne de l’éocène supérieur, et ne remonte guère au delà du milieu de l’étage tongrien. Le terme de terrain sidêroli- thique correspond, par suite, à un ensemble de phénomènes nettement définis, et me semble, par ce motif, devoir être con¬ servé pour désigner ce dépôt si spécial de minerais et d'argiles bariolées, que l’on rencontre si souvent, le long des lignes de dislocation, entre les bancs calcaires secondaires et les terrains tertiaires du miocène inférieur.

M. Gruner fait la communication suivante :

Note sur les traces d'anciens glaciers au Mont-Bore ( Auvergne ) ,

par M. L. Gruner.

M. Delanoue, le 17 février 1868(1), et M, Marcou, le 10 jan¬ vier 1870 (2), ont fait connaître à la Société géologique des traces de l’époque glaciaire dans le massif du Mont-Dore en Auvergne. M. Delanoue mentionne une moraine, au Salon de Mirabeau, sur la rive gauche de la Dordogne, entre les bains du Mont-Dore et ceux de la Bourboule, et M. Marcou signale une seconde moraine, formée de blocs granitiques, du volume de 4 à 6 mètres cubes, entre Tauves et Bort, et reconnaît de la boue glaciaire (glaise) sur le plateau de la commune de La- nobre, avec des cailloux basaltiques striés. Il y constate spé¬ cialement l’absence de roches volcaniques proprement dites, et ajoute qu’entre le Mont-Dore et Clermont, il n’y a pas trace

(1) Bull., W série, t. XXV, p. 402.

(2) Bull., 2e série, t. XXVII, p. 361.

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 187l.

d'anciens glaciers dans le district des volcans modernes, d'où il conclut naturellement que les volcans sont postérieurs à la période glaciaire. M. Marcou ajoute que dans la vallée même des Bains du Mont-Dore il n’a pu retrouver de véritables moraines, mais qu’il n’y est pas resté assez longtemps pour pouvoir se prononcer à cet égard d’une façon positive.

Ayant été obligé de passer trois semaines au Mont-Dore, en juillet 4870, la question des glaciers a nécessairement me préoccuper aussi.

La vallée du Mont-Dore, partant du pied même du Sancv, point le plus élevé de la contrée, a être envahie plus que toute autre par les glaces, si réellement des glaciers ont jadis couvert certaines parties du plateau central, et cette conclusion est d’autant plus naturelle que l’altitude moyenne de la vallée est de plus de 1,000 mètres, et qu’aujourd’bui encore, on re¬ trouve chaque année, même en juillet, des plaques de vieille neige à l'origine de la vallée, dans la gorge d’Enfer, au pied nord du Sancy.

J’ai donc parcouru la vallée dans tous les sens et exploré ses abords. Or les flancs de la vallée sont partout abrupts, les es¬ carpements trachytiques et basaltiques fréquents; les moraines, s’il y a réellement eu un glacier dans cette vallée, n’ont pu se maintenir lors de son retrait. Au moment de la fusion des glaces, les moraines latérales ont glisser au fond de la vallée, et les éléments dont elles se composaient s'y confondre avec les débris roulés du torrent grossi de la Dordogne. Cette circonstance explique le résultat négatif des recherches de M. Marcou.

Un point cependant offrait des circonstances plus favorables pour la conservation des moraines, et sur ce point je crois pouvoir en signaler quelques restes d’une façon positive.

Le vallon du Mont-Dore se dirige d’abord du sud au nord depuis son origine, le pied du Sancy, jusqu’à 2 ou 3 kilomètres en aval des Bains. il rencontre, à angle droit, une vallée est-ouest dont les bords sont moins abrupts. Dès lors, la Dor¬ dogne coule à l’ouest, vers les bains de la Bourboule, tandis que la branche opposée du même vallon remonte à l’est par la cascade du Quéreuilh, vers le Puy-Corde, au-dessus du lac de Guéry, et les pics phonolithiques des roches Tuillière et Sanadoire. Or, dans l’angle formé par les deux vallons, les glaciers du Sancy et du Puy-Corde devaient se rencontrer et les moraines latérales se réunir en moraine médiane, en lais-

NOTE DE M. GRUNER.

207

sant toutefois, à leur point de jonction, de nombreux débris dont on retrouve encore les derniers témoins sur le promon¬ toire saillant qui sépare les deux vallées.

La route directe du Mont-Dore à Clermont passe par là, et a entamé la moraine dans l’angle en question; le chemin monte d’abord, depuis le bourg, le long du flanc droit de la vallée nord-sud, puis tourne à Test, dans la direction de la cascade du Quéreuilh, et c’est au tournant même de la route, sur le promontoire, que l’on peut constater les restes de la jonction des deux moraines latérales, dont l’une est venue du Sancyau sud, et l’autre du Puy-Corde à l’est. La moraine a été entamée par la route sur une centaine de mètres de longueur. C’est un amas confus de sable argileux, contenant de gros blocs, imparfaitement arrondis, de trachyte et de basalte.

Ce n’est pas l’eau qui a pu charrier cet amas sur ce point, car il est situé à l’extrémité d’un promontoire étroit, à 140 mè¬ tres au-dessus du fond des deux vallées et sur un talus dont l’inclinaison atteint 40 degrés. Il n’y a d’ailleurs aucune ana¬ logie entre cet amas confus, d’apparence morainique, et les bancs de galets roulés par les eaux. Ce n’est pas davantage un simple éboulis. Le flanc de la vallée est couronné, dans toute son étendue, par une coulée trachytique colonnaire de 30 à 40 mètres d’épaisseur. Cette coulée forme l’escarpement par¬ dessus lequel se jette la Grande Cascade de la Dogne, bien con¬ nue de tous les touristes et baigneurs qui visitent le Mont-Dore. Au-dessous vient un tuf blanc, trachytique, fin, de 50 mètres de puissance, puis une coulée de basalte, dont l’épaisseurvarie de 2 à 10 mètres; au-dessous enfin, un nouveau tuf pareil au premier. Or, le dépôt morainique dont je parle est au-dessus de la coulée basaltique. Celle-ci est coupée en écharpe par la route avant d’arriver au promontoire sur lequel se voit l’amas sableux, à fragments de basalte et de trachyte. Les blocs ba¬ saltiques ne sauraient provenir, par voie d’éboulement, de la coulée située au-dessous. De plus, en montant de ce dépôt vers le pied de l’escarpement trachytique, on atteint presque aussitôt un épais éboulis de fragments trachytiques, tous an¬ guleux, et dont plusieurs couvrent le haut du dépôt morai¬ nique. Cet éboulis diffère, à tous égards, du dépôt sous-jacent, et ne renferme surtout ni sable argileux, ni blocs de basalte.

L’amas inférieur d’apparence morainique ne s’explique réel¬ lement que par la présence d’un double glacier, remplissant les deux vallées nord-sud et est-ouest dont j’ai parlé. D’après

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

l’altitude comparée du fond de ces deux vallées et du promontoire qui supporte la moraine, l’épaisseur du glacier a atteindre 140 à 150 mètres. Une pareille masse sur ce point, non loin de l’origine des deux branches, n’aurait au reste rien d’ex¬ traordinaire, si le glacier s’est étendu, en effet, en aval, le long de la Dordogne, jusqu’auprès de Bort, ainsi que l’a constaté M. Marcou.

Quant à l’âge relatif des volcans modernes et des glaciers, mes observations s’accordent entièrement avec celles de M. Marcou. La moraine que je viens de faire connaître ne renferme ni laves, ni bombes volcaniques, ni lapillis d’aucune sorte, et cela est d’autant plus frappant que des bombes et des lapillis existent sur divers points de la vallée du Mont- Dore. On en voit sur le flanc droit du vallon nord-sud, entre la Grande-Cascade et le Sancy.Les lapillis scoriacés couvrent le haut du flanc de la vallée, auprès d’un grand ébouîement qui part de l’arête supérieure du plateau trachytique. Ces lapillis, placés bien au-dessus du niveau du glacier, auraient, en par¬ tie, roulé jusque sur la moraine, si leur éjection avait précédé la période glaciaire. Les mêmes lapillis, mêlés de grandes bombes volcaniques, se voient aussi au delà du promontoire se trouve l’amas morainique dont j’ai parlé. En poursui¬ vant la route de Clermont, au delà de ce promontoire, on voit, à moins de mille mètres et presque en face de la cascade du Quéreuilh, le flanc de la vallée tout couvert par des lapillis incohérents, que les tranchées de la route ont plus ou moins entamés. Rien de plus frappant que le contraste entre ces deux tranchées voisines, l'une pratiquée dans un dépôt morainique, l’autre dans une simple nappe de lapillis déversés par éjection souterraine sur le flanc raide de la vallée.

Le Secrétaire analyse la note suivante de M. Coquand :

Sur le Klippenkalk des départements du Varet des Alpes-Maritimes ,

par M. H. Coquand.

J’ai constamment soutenu l’opinion que la Provence possé¬ dait un ou plusieurs des termes du jurassique supérieur dans les 200 mètres de dolomies et de calcaires blancs à Diceras qui se développent au-dessus des assises argoviennes à Ammonites

NOTE DE M. COQUAND.

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tenuilobatus , et que recouvre directement la formation néoco¬ mienne, que celle-ci débute soit par les couches de Berrias, comme à Berrias et dans les environs de Ganges, soit par les couches à Natica Leviathan , comme dans les environs de Nice et de Marseille, soit enfin par le néocomien de Hauterive, comme à Coursegoules, à la base de la chaîne du Cheiron, dans les Alpes-Maritimes.

« M. Coquand, est-il écrit dans le Bulletin (2me série , tome XX1Y, p. 371), ôtait complètement dans l’erreur, lorsqu’il rapportait aux étages corallien, kimméridgien et portlandien les calcaires blancs que ses prédécesseurs avaient raison de rattacher à l’horizon de la Chama ammonia. »

Il s’agissait précisément des calcaires à Diceras Luci , du val¬ lon de la Cloche, près de Marseille, que l’auteur du passage cité est forcé de reconnaître aujourd’hui comme inférieurs au valenginien, et de paralléliser, comme je l’ai toujours professé, avec ceux du Mont-Saleve, de la Séranne (Hérault) et de Rou- gon (Basses-Alpes) : ce qui entraîne forcément le déclassement des calcaires blancs de Rians, d’Escragnolles, des environs de Grasse, d’Antibes et de Nice, proclamés à leur tour urgoniens, tandis qu’ils ne sont autre chose que la continuation non-inter¬ rompue du Klippenkalk du Gard et des Bouches-du-Rhône, et, par conséquent, des coralliens d’Oyonnax, du Mont-Salève et de Wimmis, ainsi que cela va être établi.

Si je rappelle, en ce lieu, les réclamations que la position assignée aux calcaires blancs à Diceras a soulevées contre mon interprétation, ce n’est nullement dans le but de préconiser mes propres idées au détriment des idées contraires, mais bien pour poser la question sur son véritable terrain, et ne point laisser s’accréditer l’opinion que, parce que dans un calcaire et dans des dolomies incontestablement supérieurs au juras¬ sique moyen, les fossiles font défaut, ou qu’on a pu se tromper sur la signification de ceux qu’on est parvenu à y recueillir, on doit se refuser à trouver dans ces masses l’équivalent du juras¬ sique supérieur, et que, par voie de conséquence, il faut ad¬ mettre que les terrains jurassiques étaient émergés en Pro¬ vence, à l’époque se déposait ailleurs l’étage kimméridgien. Les données stratigraphiques étaient pour donner un dé¬ menti péremptoire à cette conclusion.

La question a marché depuis, et ce n’est pas sans une grande satisfaction que je vois mon contradicteur, le plus constant et le^plus autorisé ( Bull ., tome XXVI, p. 588), reconnaître, avec Soc. géol.3 série, t. XXVIII. j 4

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

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moi, que les calcaires blancs du bois de Mounier, de Ganges et de Rougon, qu’il ne connaît que par les fossiles qui lui en ont été communiqués, et il aurait ajouter, les calcaires blancs du vallon de la Cloche qu’il a étudiés sur place et qui contiennent les mêmes fossiles et occupent la même position, que ces divers calcaires doivent être rangés sur la même ligne que les calcaires coralliens du Mont-Salève, les calcaires à Diceras d’Inwald et de Wimmis. Il ne s’agira plus, par consé¬ quent, que de s’occuper du niveau que tous ces calcaires oc¬ cupent dansl’échelle de la série jurassique, et c’est justement l’objet spécial de cette étude.

Dans notre mémoire sur les environs de Ganges, M. Boutin et moi nous nous sommes occupés de la place tenue par le Klippenkalk, et en présence du Cardium corallinum et d’autres fossiles communs, nous avons admis qu’il correspondait au corallien séquanien d’Angoulins près la Rochelle, et à celui de Tonnerre. On nous avait bien présenté, il est vrai, l’Ammo- nites Lallierianus , recueillie par des cantonniers, mais nous n’avons point osé tirer de la présence de cette espèce des con¬ séquences immédiates, dans la crainte de nous tromper et de préjuger la question. Quant aux Ammonites que MM. Gauthier et Le Mesle ont rapportées des calcaires lithographiques d’Es- cragnolles, et parmi lesquelles figure une espèce globuleuse que MM. Pictet, de Mercey et d’autres géologues qui ont eu l’occasion de l’examiner, n’ont pu distinguer de Y Am. Grave - sanus , il convient de dire qu’il reste des doutes sur la place précise qu’elle occupe, car, dans une course récente que je viens de faire entre Coursegoules et la mer, c’est-à-dire dans le prolongement même des montagnes d’Escragnolles, je n’ai observé des calcaires lithographiques qu’au-dessous des dolo¬ mies qui supportent les calcaires blancs à Diceras par lesquels la formation jurassique se termine, en s’enfonçant au-dessous du terrain néocomien.

Il était donc indispensable d’être renseigné d’une manière plus positive avant de formuler un jugement définitif, car le procès intéressait non-seulement la géologie provençale, mais encore la géologie générale, et entraînait la question du Mont- Salève, de Wimmis, d’Inwald, ainsi que celle du Stramberg. J’ai compris que je n’avais qu’à prendre pour avocat le terrain lui-même, et je me suis remis franchement à l’étude du Klip¬ penkalk, non plus dans les alentours de Marseille, je n’avais plus d’archives à consulter, mais bien dans les départements

NOTE DE M. COQUAND. 211

du Var et des Alpes-Maritimes, c’est-à-dire dans les montagnes qui s’étendent de Toulon jusqu’au delà de Menton.

J’étais poussé vers ces régions par la dénonciation d’une faune virgulienne, qui, d’après d’Orbigny, se trouvait représen¬ tée entre Grasse et Yalbonne. Nous relevons en effet dans le Prodrôme , Pholadomya rugosa,Ceromya excentrica, Rhynchonella inconstant , avec la mention, comme gisement, de Valbonne. La quatrième indication porte sur YOstrea virgula, que l’auteur a recueillie entre Brignol les et Guers.

Mes études sur les calcaires blancs m’avaient amené, à plu¬ sieurs reprises, dans la région littorale du Yar et des Alpes- Maritimes. Je désirais m'assurer si les calcaires blancs qui prennent une si formidable extension entreCastellanne etMln- ton, au pied de la chaîne néocomienne du Gheiron, faisaient réellement partie de l’urgonien, ainsi que cela avait été si opiniâtrement affirmé, et, dans tous les cas, de quelle manière ils se comportaient par rapport au terrain crétacé. J’avais sur¬ tout à cœur d’éclaircir la question stratigraphique entre deux points extrêmes se montraient les calcaires blancs, et dont l’un se fermait dans les Grandes-Alpes au-dessus de Men¬ ton, et l’autre dans le massif des Cévennes. Je trouvais, en outre, l’occasion de contrôler mes propres observations sur l’équivalence du calcaire à Requienia ammonia et des assises à Scaphites Ivanii. Or, comme suivant l’opinion des géologues qui font urgoniens les calcaires blancs, les environs de Nice posséderaient à la fois, et superposés l’un à l’autre, l’urgonien et le barrémien; le lieu était bien choisi pour saisir leur super¬ position relative, si le fait avancé était vrai.

Je n’ai pas besoin de rappeler que, suivant moi, les calcaires à Scaphites Ivanii (faciès barrémien), les calcaires à Requienia ammonia (faciès urgonien), et les argiles ostréennes (faciès argi¬ leux) sont trois types d’un même étage, donc synchroniques. Je ne sache pas que, jusqu’ici, on soit parvenu à constater la superposition de l’urgonien au barrémien et celle du barré¬ mien aux argiles ostréennes. Or, cette exclusion serait vraiment inexplicable, si ces trois faciès se référaient à trois étages suc¬ cessifs, lorsque, en Europe et en Afrique, le terrain crétacé inférieur se montre au complet, on voit le néocomien d’Haute- rive recouvert directement soit par l’urgonien, soit par le bar¬ rémien, soit par les argiles ostréennes, mais de telle manière que la présence de l’un de ces trois faciès sur un point est tou¬ jours la proscription des deux autres sur ce même point

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

Les géologues qui considèrent les argiles ostréennes, le bar- rémien et l’urgonien comme trois étages superposés, sont for¬ cés d’admettre que, pendant que les argiles ostréennes se -déposaient dans l’Yonne et dans l’Aube, le terrain néocomien était émergé en Provence; que, pendant que le barrémien se déposait dans les Basses- Alpes, le terrain néocomien était émergé dans l’Yonne, dans l’Aube et dans les Bouches-du- Rhône ; entin, que, pendant que l’urgonien se déposait dans les Bouches-du-Rhône, le terrain néocomien était émergé dans les Basses-Alpes.

Disons tout de suite, pour ne plus y revenir, que les calcaires blancs d’Escragnolles, de Grasse, d’Antibes, de Nice et de Menton, qualifiés d’urgoniens, sont tout simplement les cal¬ caires jurassiques à Diceras Luci; que le barrémien à céphalo¬ podes à tours déroulés des environs de Nice, formé d’un cal¬ caire glauconieux, repose directement sur le terrain néocomien à Ammonites Astierianus , formé d’un calcaire oolithique fer¬ rugineux, sans qu’on puisse observer entre eux aucun passage minéralogique ni aucun mélange de fossiles. Les marnes d’Hau- terive s’appuient, à leur tour, sur les calcaires à Natica Levia¬ than, que l’identité du grain peut faire confondre avec le cal¬ caire jurassique à Diceras , qui lui est inférieur.

Au-dessus du barrémien se montre l’aptien supérieur, mais jamais le calcaire à Requienia ammonia , ce qui doit être, puisque ces deux termes, étant contemporains l’un de l’autre, s’excluent mutuellement. Aussi M. Gény, qui connaît si bien sa géologie niçarde, tout en inscrivant, à l’exemple de d’Orbigny ( Géolog . Mag ., 1869, vol. Vî), le barrémien sous la rubrique d’urgonien, se garde bien d’y signaler la présence des Requienia , et sa col¬ lection n’en possède pas le moindre vestige. Par contre, les Ancy laceras y foisonnent.

Je dois ajouter que j’ai procédé à nouveau à l’exploration des communes du Revest et de Solliès-Toucas, pour y vérifier la position des calcaires blancs au-dessus des dolomies de Saint Hubert. J’étais accompagné dans cette excursion par un de mes anciens disciples, M. Salles, qui s’occupe exclusivement de stratigraphie. Or, je puis affirmer que, à partir de l’ermitage ruiné de Saint-Hubert jusqu’au delà du Revest et dans le ter¬ ritoire d’Ollioules, en passant par la Mort-de-Garnier, la Pou- raque, les carrières de Tourris, le quartier des Oliviers, on ne quitte pas un seul instant les calcaires jurassiques à Diceras ou les dolomies qui leur servent de piédestal. Au Revest, on

N OTE DE M. COQUAND.

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peut s’assurer, de la manière la moins équivoque, en escaladant les abruptes qui constituent le revêtement oriental du cap Gros, que les calcaires à Requienia ammonia qui forment le sommet, mais seulement le sommet de la montagne, sont séparés des calcaires blancs jurassiques qui en forment la base et auxquels appartiennent les calcaires des divers gisements que je viens de nommer, par l’épaisseur du terrain néocomien, exactement comme dans le vallon de la Cloche, dans le massif de la Sainte- Baume, dans l’Hérault et dans l’Ardèche. Cela saute aux yeux.

Si le sommet de la montagne de Coudon est formé par les calcaires à Requienia ammonia , sa base se rattache incontesta¬ blement aux calcaires jurassiques de Tourris, de la Pouraque et de la Mort-de Garnier, dont elle n’est, en réalité, que la suite non interrompue. Le sommet de Coudon est la sentinelle la plus orientale de l’urgonien, que je connaisse dans la Basse- Provence ; il ne m’a pas été possible d’en découvrir des repré¬ sentants entre Toulon et Menton. J’avais donc raison, dans un autre travail, d’avancer qu’il convenait d’attribuer à la formation jurassique les quatre cinquièmes, au moins, des calcaires que l’on avait attribués, à tort, au terrain à Requienia ammonia.

Revenons à notre sujet principal, dont les détails qui pré¬ cèdent feront mieux ressortir l’importance. Biot est distant de six kilomètres d’Antibes. La route qui de ce bourg conduit à Grasse s’affranchit, un peu au delà de la chapelle de Notre- Dame, de la formation nummulitique, et on pose le pied sur des calcaires blancs qu’au premier coup d’œil on serait tenté de prendre pour du calcaire à Requienia. On remarque sur les surfaces frustes quelques traces de fossiles, dont on ne peut que déterminer les genres ( Diceras , Nérinées, Acrocidaris , Po¬ lypiers). Ces calcaires vous conduisent, sans solution de con¬ tinuité, soit dans les montagnes qui dominent Grasse, c’est- à-dire sous Escragnolles, soit au-dessus de Menton, et partout on les voit passer sous la formation néocomienne, sans hésita¬ tion et sans la moindre liaison. Ainsi, dans la partie des Alpes- Maritimes que nous étudions, pas plus que dans le Var et dans les Bouches-du-Rhône, on ne saurait confondre ces calcaires blancs, quelque date qu’on leur assigne, avec le calcaire à Requienia.

De l’oratoire de Notre-Dame au quartier des Soullières, la distance est de trois kilomètres environ, et la route qui y con¬ duit présente une pente assez raide. Aussi ne tarde-t-elle pas à entamer la base sur laquelle sont assis les calcaires à Diceras ;

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or, cette base consiste en des dolomies grisâtres, vacuolaires, très-cristallines et friables, et reproduisant exactement les ca¬ ractères de celles de Saint-Hubert, leurs contemporaines d’ail¬ leurs. Elles occupent tout le fond du vallon, au centre duquel est bâtie la campagne Cavasse, et ce n’est qu’en remontant les coteaux montagneux qui se dressent au-dessus, dans les quar¬ tiers de Puymontard, du bois de la Garde, du Clos, du Colom¬ bier, que l’on retrouve les calcaires blancs.

Les dolomies sont donc réellement inférieures à ces der¬ niers, et vers les points de contact, on remarque de fréquents passages d’une roche à l’autre. Dans les environs de Nice et de Saint-Paul, et entre Vence et Goursegoules, les deux étages sont liés par des alternances ou par des remplacements réci¬ proques, de sorte que leur séparation devient difficile à opérer. Le fait de prédominance d’un des deux éléments n’a d’ail¬ leurs qu’une importance secondaire dans la question qui nous occupe.

Entre la campagne Cavasse et la ferme des Lamberts, sur le chemin même, les dolomies se montrent fossilifères et four¬ nissent un assez bon contingent de Rhynchonella inconstans et d ’Apiocrinus Munsterianus ou Roissy anus.

A s’en rapporter aux indications purement stratigraphiques, on voit que, si on admet, avec nous, que les calcaires blancs sont au niveau du corallien d’Angoulins, près la Rochelle, les dolomies représenteraient quelque chose d’un peu plus infé¬ rieur, le corallien des Anglais ou le terrain à chailles de Besan¬ çon, puisque, dans les Bouches-du-Rhône et dans l’Hérault, nous voyons un argovien fossilifère se développer au-dessous de ces mêmes dolomies.

Un petit vallon, étranglé et sans eau, connu sous le nom de Vallon des Seuves, débouche du vallon des Soullières dans la rivière de la Brague, et ne tarde pas à s’affranchir des dolomies pour entamer un système de roches composées d’un calcaire grisâtre compacte, dont certains bancs barrent le lit sous forme de gradins étagés. Sous un de ces gradins on observe un paquet de calcaires marneux, avec un banc d’argile subordonné, et dans lequel on recueille des Pinnigena de grande taille, des Ceromya , des Pholadomya , des Rhynchonella , des Terebratula , des Lima , des Pecten , en un mot, des coquilles qui, par les genres auxquels elles appartiennent et parleur formegénérale, rappellent le virgulien du Jura. Sur le point que nous citons, le champ des recherches est fort limité, à cause de la verticalité

NOTE DE M. COQUAND.

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des berges au fond desquelles affleure la couche fossilifère. Les sentiers que l’on est obligé de prendre pour sortir de cette espèce de prison vous ramènent au milieu des dolomies, sans qu’il soit possible d’examiner à nu les roches intermédiaires.

Mais une station plus abordable et la plus riche en fossiles est, sans contredit, celle que Ton rencontre entre Yalbonne et Biot, à quatre kilomètres de ce dernier bourg, précisément sur la rive droite de la Brague, en face du barrage de la cam¬ pagne de Marcellin Lambert, dans le quartier du Grand Devens. Sur ce point, les assises marneuses se montrent à découvert sur une assez grande surface, et on peut y faire une ample moisson de fossiles, surtout d ’Ostrea et de Ceromya. Un peu au-dessous des bancs fossilifères, et presque au niveau de la rivière, il existe une veine de charbon, de vingt centimètres de puissance, dans laquelle on a pratiqué une fouille. Les assises argileuses prennent un développement très-considérable dans le quartier de la Clausonne de Valbonne, elles sont l’objet d'une active exploitation pour la fabrication de poteries très- estimées. On y retrouve la veine de charbon de la Brague, ainsi que la Pholadomya et la Ceromya rapportées par d’Orbigny, la première à la P. rugosa et la seconde à la C. excentrica. Les dolomies reparaissent au-dessus des carrières.

C’est à la suite d’une première excursion dans la commune de Valbonne et de la découverte des Pinnigena , des Pholado¬ mya et des Ceromya , que je fis part à la Société de l’existence du kimméridgien virgulien dans les environs d’Antibes, sans me préoccuper de l’échec que recevait mon opinion si fran¬ chement formulée sur la date des calcaires à Diceras. En effet, si les argiles de Valbonne et de Biot étaient virguliennes, comme elles sont incontestablement placées au-dessous des calcaires blancs, ceux-ci ne pouvaient plus être assimilés aux coralliens d'Angoulins ou de Tonnerre, et, dans ce cas, il con¬ venait de leur chercher un équivalent dans un des divers ni¬ veaux coraliifères que M. Contejean a signalés dans le virgu¬ lien et même au-dessus du virgulien, dans les environs de Montbéliard; mais, comme d’un autre côté, les calcaires argi¬ leux que M. Hébert avait rapportés au kellovien, occupaient, au-dessous des dolomies de Saint-Hubert, la même position et renfermaient les mêmes Pholadomyes et les mêmes Céro- myes que dans les environs d’Antibes, la question devenait grosse de complications, comme on le voit.

M. Er. Favre, à son tour (Rn\ des Trav. relatifs à la GéoL et

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871

à la Pal. de la Suisse , 1869), reproduisait, postérieurement à ma première excursion à Biot, la coupe de Wimmis, où, au- dessous du calcaire blanc à Nerinea Staszycii, N. Moreana , N. Bruntrutana , N. nodosa , N. Sequana , TV. Salevensis , Cardium corallinum , etc., il mentionnait des calcaires schisteux noirs avec Pholadomya Protêt, Ceromya excentrica , 6\ obovata , Mytilus subpectinatus , M. Jurensis , M. subœquiplicatus , Hinnites inœqui- striatus ,Rhynchonella trüobata , espèces toutes kimméridgiennes, à l’exception de la dernière, que d’Orbigny considère comme oxfordienne. Si la détermination de cette faune est exacte, une aune virgulienne se trouverait logée, à Wimmis, au-dessous des calcaires coralliens à Diceras. Mais telle n’est pas l’opinion de M. Renevier, qui pense que ceux-ci ne sont pas plus récents que la base du jurassique supérieur, et, en ce point, il est du même sentiment que moi pour le Klippenkalk du midi de la France; il proclame que le soi-disant kimméridgien des Alpes Vaudoises n’appartient pas au jurassique supérieur, mais bien au groupe oxford ien, si même le calcaire foncé à Mytilus n’est pas encore plus ancien.

En présence de ces divergences d’opinions et du langage corallo-séquanien tenu si nettement par la faune du Klippen¬ kalk partout il a été signalé, il devenait important d’exa¬ miner les choses de plus près, et j’ai pris la résolution de retourner à Biot, où, pendant onze jours consécutifs, je me suis livré à la recherche des fossiles et des faits stratigra- phiques qui pouvaient éclairer la question. Cette nouvelle étude ne m’a rien appris de nouveau sur la succession des masses ; seulement elle m’a mis en possession de maté¬ riaux plus nombreux, mais dont la détermination rigoureuse est fort délicate, les couches qui contiennent les fossiles étant de nature argileuse, et ces derniers appartenant aux mômes genres que ceux que l’on recueille dans la grande oolilhe, l’ox- fordien et le kimméridgien, lorsque ces étages possèdent le faciès marneux. Nous devons, en conséquence, nous livrer à un examen comparatif des espèces qui peuvent donner lieu à des confusions et dont l’interprétation inexacte serait de nature à entraîner une classification erronée du terrain.

1. Pinnigena. J’en possède deux exemplaires de grande taille, dont les ornements de la surface des valves ne sont point visibles, lis peuvent être rapportés ou à la P. Saussurei , ou au Trichites nodosus , Lyc. et Morr., de l’étage bathonien. Biot, a Brague, en fragments à Saint-Hubert.

NOTE DE M. COQUAND.

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2. Ceromya. Exemplaire conforme à la variété jeune de la C. plicata, Lyc. et Morr., pl. X, fig. 2, avec stries fines, plis- sées en forme de V vers le sinus de la région anale. Étage bathonien en Angleterre, Saint-Hubert, Biot, la Brague.

3. Ceromya. Exemplaire ressemblant à la C. Symondsi , Lyc, et Morr., pl. X, fig. 4, mais un peu moins renflée. La Brague.

4. Ceromya . Espèce nouvelle, renflée, courte, à stries oblongues, divergentes, partant du sommet et aboutissant à la périphérie. MM. Terquem et Jourdy indiquent dans le batho¬ nien supérieur de la Meuse une C. inversa qui ne nous est pas connue. Saint-Hubert.

5. Ceromya. Exemplaires qui ont beaucoup de ressem¬ blance avec certaines variétés de la C. excentrica figurées par Agassiz. Faudrait-il y voir des variétés de la C. plicata , avec stries plus fines? MM. Terquem et Jourdy citent une C. parai - lela dans le bathonien de la Meuse. Valbonne, Pont de la Siagne, la Brague.

6. Ceromya. Individu de Saint-Hubert qui ne peut être distingué de la C. excentrica .

7. Pholadomya. Voisine de la P. rugosa , mais plus renflée. D’Orbigny cite cette espèce à Valbonne; mais les exemplaires que nous y avons recueillis se rapprochent de la P. Varusensist espèce bathonienne de Roquevignon, près de Grasse. Les indi¬ vidus jeunes de cette dernière espèce se rapprochent beaucoup de la P. rugosa. La Brague, Valbonne, Pont de la Siagne, Ro¬ quevignon.

8. Pholadomya. M. Hébert cite à Saint-Hubert la P. cari¬ nata, Goldf., et c’est d’après l’autorité de ce fossile seul qu’il range dans le kellovien les calcaires marneux placés entre les couches à Terebratula flabellum et les dolomies de Saint-Hubert*

J’ai recueilli à Saint-Hubert un nombre assez considérable de Pholadomyes qui se répartissent en deux espèces distinctes, mais dont aucune ne correspond aux types de la P. carinata donnés par Goldfuss et Agassiz.

La première espèce, que je désignerai par la lettre A, est courte, triangulaire, coupée verticalement sur la région antérieure ; elle possède huit côtes tuberculeuses, dont les sept premières sont contiguës et la dernière un peu plus distante; la première côte est tranchante et donne à la coquille la forme carénée. La P. carinata ne possède que six côtes très-espacées; elle estallongée et n’est pas coupée carrément. La Pholadomya A

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

existe, à Saint-Hubert, à la fois dans les calcaires à Terebratula flabellum et dans les calcaires marneux inférieurs aux dolomies.

9. Pholadomya . La deuxième espèce, que nous indique¬ rons par B, est de grande taille, de forme triangulaire, courte, coupée carrément sur le côté antérieur; elle possède six côtes, dont la première est rugueuse et les cinq autres aiguës et tranchantes; les quatre premières sont contiguës, la dernière est écartée. Les exemplaires déformés rappellent la P . Protei. La Brague.

Si les individus recueillis parM. Hébert appartiennent réel¬ lement à la P. carinata , ce dont je doute, je ferai remarquer que cette espèce est citée dans le kellovien et dans le jurassique inférieur.

M. IVlatheron est d’accord avec moi pour la distinction com¬ plète de ces Pholadomyes.

10. Ostrea. Ressemblant à PO. obscura , mais de taille un peu plus grande. La Brague, Soullières, Saint-Hubert avec la Pholadomya A.

11. Ostrea. Espèce voisine de .PO. multiformis , Kocb. La Brague.

12. Ostrea. Identique à PO. subrugulosa , Lyc. et Morr., mais de taille plus petite. La Brague.

13. Ostrea. Se rapportant exactement à PO. rugosa, Goldf., que Lycett et Morris font batbonienne. La Brague, Soullières.

14. Ostrea. Offrant la plus grande ressemblance avec PO. sandalina , à laquelle nous l’attribuerions sans hésiter, si la question n’était pas si délicate. Exemplaires très-abondants, libres ou formant lumachelîe. La Brague, Soullières.

15. Ostrea. Nombreux exemplaires se rapportant à la fig. 5, pl. I, de Lycett et Morris, désignée par le nom d’O.

1 costata , variété. La Brague.

16. Ostrea. Exemplaires identiques à la fig. 2, pl. I, de Lycett et Morris, désignée par le nom d’O. gregaria.

17. Exogyra. Espèce voisine de Yauriformis , telle qu’elle est figurée dans Goldfuss et dans Lycett et Morris. Cette espèce est considérée comme bathonienne, oxfordienne et kimmérid- gienne.

18. Exogyra. Individus déformés et portant des stries sur la valve inférieure, comme PO. virgula; se rapporteraient-ils à de jeunes individus de PO. subrugulosa , Lycett et Morris, qui

orte également des stries? La Brague.

NOTE DE Al. COQUAND. 219

19. Ostrea. Identique à l’O. costata de la pl. XXXIV, fig. 3, Lycett et Morris. La Brague.

20. Ostrea Wiltonensis , Lycett. A la partie supérieure des calcaires à Terebratula flabellum , donc à la base des calcaires marneux à Ceromya. Saint-Hubert.

21. Pecten Michielensis , Buvig. (Lyc. et Morr., pl. XXXIII, fig. 3.) La Brague.

22. Pecten retiferus , Lyc. et Morr., pl. I, fig. 15. Cette espèce me paraît être la même que le P. Coquandanus , d’Orb., recueilli par moi (1830) entre Antibes et Valbonne, et rapporté à tort au terrain néocomien.

23. Lima cardiiformis , Lyc. et Morr. La Brague, Soul- lières.

24. Lima impressa , Lyc. et Morr. La Brague, Soullières.

25. Mytilus. Espèce qu’il est aussi facile de rapporter au M. subpectinatus du kimméridgien qu’au M . asper ou furcatus du batbonien. La Brague.

26. Terebratula. Ressemblant beaucoup à la T. subsella jeune, mais plus plate et à sillons terminaux moins prononcés. De cette forme à celle de certaines variétés de térébratules lisses, telles que T. maxillata et intermedia , il n’y a pas loin. La Brague.

27. Rhynchonella Morrieri, Davidson. La Brague.

28. Rhynchonella concinna. La Brague.

29. Anabatia orbulites, d’Orb. Identique en tous points avec les exemplaires recueillis dans le bathonien de Bandol avec la Terebratula coarctata. Saint-Hubert, dans les calcaires marneux à Pholadomyes. M. Matheron la considère comme une espèce nouvelle.

Prise et considérée dans son ensemble, cette faune est batho- nienne.

J’ai expliqué comment, lors de mon premier voyage à Biot, la présence de Céromyes, de Pholadomyes et de Pinnigènes voisines, sinon presque identiques, avec des espèces kimmérid- giennes, m’avait engagé à voir dans le banc marneux qui les contenait, le représentant du virgulien. On sait, d’un autre côté, que le groupe de la grande oolithe ne se termine pas par le Bradford-Clay, et qu’au-dessus des bancs à Terebratula flabel¬ lum et digona , se développe le Cornbrash, auquel M. Matheron et moi nous attribuons aujourd’hui les calcaires marneux de Saint-Hubert, qui sont immédiatement superposés aux bancs à T. flabellum , et qui, comme ces derniers, possèdent la Phola -

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

domya A et YAnabatia orbulites . Je ne reconnais dans ces calcaires ni le kellovien des environs de Marseille qui est riche en Ammonites (Am. macrocephalus, Am. anceps ), ni celui plus rapproché d’Escragnolles et de Ccursegoules, qui est lithogra¬ phique et qui contient également Y Am. anceps. Le seul fossile qui les a fait rapporter au kellovien, est la Pholadomya carinata , espèce incertaine, considérée comme kellovienne à Chauffour et oolithique ailleurs. La présence à ce niveau de la Ceromya plicata, de YAnabatia orbulites , deux fossiles bathoniens, donnent du poids à cette opinion, vers laquelle nous nous sentons d’au¬ tant plus entraîné, que nous voyons ( Bull ., tome XXVI, p. 965) MM. Terquem et Jourdy mentionner, dans le bathonien de la Moselle et juste au-dessus de leur série à Ceromya parallela , C. inversa, Ostrea Wiltonensis , Rhynchonella concinna , une zone peu fossilifère, que les auteurs sont disposés à confondre avec la précédente, et dans laquelle reparaissent les Ceromya.

J’avoue que je n’attache aucun intérêt à faire rentrer les cal¬ caires marneux de Saint-Hubert dans le bathonien plutôt que dans le kellovien. Je discute seulement les deux hypothèses que semblent autoriser leur position et leurs fossiles. Si on les fait kelloviens, il est évident que le cornbrash proprement dit fait défaut dans la coupe; si on les fait cornbrash, la série batho- nienne est au contraire complète ; mais on voit la paléontologie appuyer cette dernière classification, puisque, sur quatre fos¬ siles déterminés de cette localité, non compris les Céromyes, trois se retrouvent dans le cornbrash.

Quant aux calcaires marneux de Soullières, de la Brague et de Valbonne, dans lesquels abondent également les Céro¬ myes, la découverte récente des Rhynchonella Morrieri et Ostrea costata me porte aujourd’hui à les considérer comme une dé¬ pendance de la grande oolithe, dont ils formeraient le couron¬ nement, c’est-à-dire comme du cornbrash.

Il faudrait donc renoncer, jusqu’à plus ample informé, à l’existence bien authentique, dans les environs d’Antibes, d’une faune virgulienne, comme l’avait annoncé d’Orbigny, et comme je l’ai cru un instant moi-même. On comprend de suite les con¬ séquences qui découlent, au point de vue systématique, de l’adoption ou du rejet de cette opinion. Si les calcaires mar¬ neux inférieurs aux dolomies sont virguliens, les calcaires blancs à Diceras qui les surmontent ne peuvent plus être les représentants du groupe corallien ; et on se heurte alors contre une difficulté paléontologique plus grande encore, puisque la

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faune de ces calcaires, auxquels il faut ajouter ceux de Wim- mis, du Salève, de l’Échaillon, de Rougon, de Marseille, du bois de Mounier, de Palerme, trahit une date séquanienne, donc plus ancienne que celle des assises virguliennes.

A des faits bien élablis, il devient obligatoire de sacrifier des présomptions, quelque bien fondées qu’elles paraissent au pre¬ mier coup d’œil. Comme les calcaires marneux de Saint -Hubert, de Soullières, de Biot et de Yalbonne, sont recouverts direc¬ tement par les dolomies, on voit, s’ils sont réellement batho- niens, qu’il ne resterait aucune place pour un oxfordien nor¬ mal; mais, quand on constate le développement prodigieux qu’acquièrent les dolomies dans les communes de Solliès- Toucas et de Belgentier, leur amoindrissement graduel, leur insignifiance relative, entre Escragnolles et Coursegoules, où, au-dessus du bathonien, apparaissent le kellovien et I’ox- fordien fossilifères, on doit admettre le remplacement par ces dolomies de tout ou partie de ces étages, car il faut bien, de toute nécessité, que les dolomies, quoique dépourvues de fos¬ siles, représentent quelque chose d’équivalent à des horizons fossilifères ailleurs. Ce fait, au surplus, se reproduit commu¬ nément dans le Midi, car, à Sumène, nous voyons l’oxfordien normal emboîté entre deux étages dolomitiques, dont l’un re¬ présente le jurassique inférieur, et dont l’autre, supérieur à l’argovien, sert de base aux calcaires à Diceras. Les environs de Mourèze (Hérault) offrent l’exemple d’un envahissement bien plus formidable encore de dolomies, puisque, entre le lias supérieur et les calcaires que M. de Rouviîle rapporte à l’ox- fordien supérieur, il n’existe que des dolomies grenues qui tiennent la place de l’oolilbe inférieure tout entière.

En définitive, les difficultés que l’on éprouve pour obtenir la filiation des étages dans le Midi tiennent aux changements pétrographiques que ces éiages sont susceptibles d’éprouver à une certaine distance les uns des autres. Ainsi, la grande oohthe, qui est calcaréo-marneuse et très-ammonitifère à Mar¬ seille, revêt le faciès corallien de Ranville à Bandol ; elle devient complètement argileuse à Biot et à Yalbonne, et ne contient plus alors que des coquilles, qui, telles que les Pboladomyes et les Céromyes, se plaisent dans des milieux vaseux. Il faut, dans ces cas, un temps très-long avant de voir clair à travers toutes ces modifications extérieures.

La veine de charbon, dont on a constaté l’existence dans les communes de Biot et de Yalbonne, se continue à Nice et au

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

delà de Nice, dans la Turbie, elle est l’objet de recherches industrielles. Elle rappelle les combustibles qui existent, au même niveau, dans le Yorkshire, à Scarborough et Cayton- Bay, et que Philipps a désignés sous le nom de formation ooli- thique et carbonifère.

On peut encore recouper le Bradford-Glav marneux entre Yallauris et Antibes, sur le point la route de Grasse entame le revers occidental du massif jurassique de Biot, et j’ai recueilli le Pecten Coquandanus. C’est également au terrain ju¬ rassique, et non point à la formation crétacée, que l’on doit rapporter la presqu’île d’Antibes, et, par ^conséquent, les dolo¬ mies qui sur ce point, comme à Saint-Hospice près Nice, et à Cette, contiennent les brèches osseuses.

J’ai eu l’occasion d’étudier à plusieurs reprises, et récemment encore, les alentours de Nice, et d’avoir pour guides dans mes recherches les indications et les riches collections de M. Geny. Ce géologue, dans la classification qu’il vient de donner des terrains des Alpes-Maritimes, place dans l’étage corallien les dolomies ainsi que les calcaires blancs dont il est bien difficile de les séparer, car, dans le col de Yillefranche, au Mont- Yinaigrier, entre Monaco et la Turbie, ces deux roches alternent réellement, se pénètrent ou se remplacent mutuellement. Les dolomies s’y montrent cristallines et souvent aussi blanches que le marbre de Carrare ; quand elles se désagrègent, elles fournissent un sable propre à la fabrication du mortier. M. Geny a retiré de ces dolomies sableuses un exemplaire admirable¬ ment conservé de l’Acrocidaris nobilis. Le calcaire blanc lui a fourni des polypiers, la Nerinea Mosœ , des moules de Diceras qu’il rapporte à la D. arietina et qui lui ressemblent très-bien. J’ai observé, de plus, sur un échantillon plusieurs valves d’Os- trea denticulala, Rœm., ou O.Bruntrutana. M. Geny voit dans les calcaires compactes supérieurs aux dolomies l’équivalent ciu portlandien.

C'est au-dessus de ces calcaires que se développe le valen- ginien caractérisé par la Natica Leviathan ; or, la roche dans laquelle ce gigantesque gastéropode se trouve engagé à Notre- Dame de Bon-Voyage est tellement semblable au Klippenkalk à Diceras , sur lequel elle repose, que le caractère pétrogra- phique est insuffisant pour en opérer la distinction ; de sorte que le géologue qui prendrait pour drapeau la Natica Levia¬ than ou la Diceras Luci , serait entraîné à. considérer la mon-

NOTE DE M. COQUAND. 223

tagne entière ou comme exclusivement crétacée ou comme exclusivement jurassique.

Ces détails sont plus que suffisants pour démontrer que, depuis les Cévennes jusqu’aux Grandes Alpes de Menton, les calcaires blancs à Diceras n’ont rien de commun avec les cal¬ caires à Requienia , bien que, dans les écrits de tous les au¬ teurs, ils soient attribués à la série crétacée. Mais il n’est jamais superflu, quand il s’agit d’un terrain de position con¬ testée, d’accumuler les arguments pour triompher des der¬ nières résistances. Afin d’atteindre ce but, je me suis replacé sur le Bradford-Clay de Biot, et un travers-banc, poussé per¬ pendiculairement à la direction des couches, m’a amené jus¬ qu’à Goursegoules, à la base même du Cheiron, et m’a démon¬ tré que les calcaires à Diceras, qui, sur les bords de la Cagne, constituent un véritable Klippenkalk à parois surplombantes, s’enfoncent sous le terrain néocomien à Belemnites subfusifor - mis.

Une mine de charbon avait été exploitée entre Saint-Bar- nabé et l’Escagne, sur les bords de la Cagne. Je croyais y re¬ trouver la veine de charbon du bathonien de la Brague : mais le combustible, qui mesure lm,10 aux affleurements, appar¬ tient aux marnes irisées, comme celui que j’ai eu l’occasion de décrire dans les environs de Montferrat. Sur ce point, il se trouvait également subordonné aux gypses keupériens, et il avait pour toit les cargneules par lesquelles se termine ordi¬ nairement le keuper dans le midi de la France. Ce n’est qu’au- dessus d’elles que je signalais la présence de la lumachelle à Avicula contorta. C’est dans des conditions identiques que se présentent, plus rapprochées de la rivière du Var, les mines de charbon de Carros, qui ne sont, en réalité, que la conti¬ nuation de celles de Coursegoules.

Après avoir constaté les relations du calcaire à Diceras sur les deux rives du Var, je me suis transporté plus vers l’ouest, dans le but de poursuivre le Klippenkalk au delà d’Escra- gnolles et de Rougon, et de relier ainsi les Klippenkalks des Alpes-Maritimes et du Var à ceux des Basses-Alpes, des Bou¬ ches-du-Rhône et de l’Hérault.

Quand du hameau du Colombier (commune de Roquefort) on suit la route de Grasse, on voit les dolomies jurassiques se prolonger dans les plateaux, bien au delà de l’église de Ro¬ quefort; mais, à mesure que l’on gravit la côte montagneuse qui sépare la vallée du Loup de celle de la Meine, on constate

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

qu’au-dessous des dolomies, il se développe des calcaires compactes, jaunes, d’une puissance considérable, sans bancs marneux subordonnés. Quelques Ammonites Humphriesianus dévoilent, à la base de ces calcaires, l’existence de l’oolithe inférieure ; puis vient la série complète du lias, avec ses dolo¬ mies grises à la base, le rhétien avec Avicula contorta , et enfin, au lieu dit le Pas-de-l'Aï, les gypses keupériens avec leur cor¬ tège habituel de cargneules.

Le terrain du Keuper vous escorte jusqu'au bourg du Bar, et se prolonge de jusqu’à l’ermitage de Saint-Arnoux, le Loup est dominé par des montagnes calcaires surplombantes, et d’où se détache un promontoire, formé de calcaire à Dice - ras , qui supporte le village de Gourdon. Ce promontoire con¬ stitue, vers l’ouest, un vaste plateau pierreux, hérissé de roches tellement crevassées et déchiquetées qu’il devient impossible de le traverser. Au-dessous se montrent les dolomies, puis les calcaires jaunes à Céromyes, exactement comme sur les berges de la Brague.Ce système persiste jusqu’à Escragnolles et au delà.

Du Bar à Tourrettes, on traverse les mêmes terrains que sur la rive droite du Loup. A Tourrettes, on met le pied dans le miocène à Clypéastres, qui, au nord, au-dessous du Caire, supporte les marnes tortoniennes. En continuant l’ascension des crêtes, on retrouve les argiles keupériennes avec veines de charbon, qui dépassent le château ruiné de Saint-Raphaël et occupent le fond du vallon encaissé du Mal - vans. Le Baou de Vence, composé de calcaires à Diceras , forme un couronnement de grand effet. Les calcaires lithographiques jaunes, inférieurs aux dolomies, contiennent, suivant les ni¬ veaux on les recoupe, les Ammonites anceps , Am. Achilles et Am. plicatihs ; mais il est à remarquer que les dolomies s’y montrent peu épaisses, alternent et se confondent avec les calcaires blancs auxquels elles semblent avoir cédé la place. Toutefois les montagnes rapprochées du Cheiron indiquent clairement que les dolomies sont supérieures à l'oxfordien et se lient aux calcaires à Diceras. Or, si ceux-ci sont une dépen¬ dance des assises coralliennes, les choses se passeraient en Pro¬ vence comme dans le Jura des environs de Saint-Claude.

En descendant de Saint-Raphaël sur Notre-Dame de Crot- ton, on abandonne la région alpestre pour pénétrer dans celle des oliviers. Ces deux régions sont séparées l’une de l'autre par une grande faille, dirigée de l’est à l’ouest, et qui, vers le

NOTE DE M. COQUAND.

Gm

sud, a laissé presque en place le terrain jurassique supérieur, tandis que, vers le nord, ce même terrain atteint presque subitement des altitudes de 600 à 1,000 mètres.

Le chemin de Notre-Dame de Crotton à la Colle nous fit pas¬ ser par les fameuses carrières de la Sine, qui fournissent, comme leurs contemporaines de Turris, des pierres d’appareil très-estimées. Elles sont ouvertes dans le calcaire à Diceras. Le seul représentant du terrain crétacé que nous ayons remar¬ qué entre le Cheiron et la mer, consiste en un lambeau de l’étage carentonien avec Ostrea columba , que l’on traverse à deux pas de Yence, sur la route de Cagnes.

Tl est donc bien démontré, à nos yeux, que les calcaires blancs, depuis Toulon jusqu’au delà de Menton, classés comme urgoniens, sont de l’époque jurassique. Nous considérerions notre tâche comme incomplète si nous négligions d’appuyer notre opinion de quelques preuves nouvelles et de chercher à établir, par l’étude comparative d’autres contrées, que nos calcaires à Diceras représentent, non point un étage nouveau, mais bien un des groupes de l’étage corallien, que ce groupe corresponde au jurassique moyen, ou bien qu’il fasse partie, comme celui d’Angoulins, du séquanien, et ait sa place à la base de l’étage kimméridgien.

Je pense que tous les géologues sont d’accord aujourd’hui pour paralléliser les dépôts d’Inwald, de Wimmis, de i’Echail- lon, du Mont-Salève, de la Sérane, de Ganges, du Bois de Mounier, de Montpellier, du Vallon de la Cloche, de Rougon et de Palerme. Ils contiennent tous les mêmes fossiles et ils occupent la même position.

M. Zittel m’écrit qu’à Wimmis le Klippenkalk est supérieur à des bancs renfermant le Pterocera Oceani . Ces bancs sont ceux qui sont considérés par les uns comme virguliens, et comme cxfordiens ou plus anciens encore par M. Rene- vier. Ils occupent, en tous cas, la même position que les cal¬ caires marneux de la Brague et de Biot, dont les fossiles, quoique ressemblant à ceux du virgulien, sont néanmoins bathoniens. Il n’est pas hors de propos de faire remarquer, à ce sujet, qu’il existe dans le bathonien de Minchinhampton un ptérocère (P. Wrighti) qui se rapproche tellement du P. Oceani qu’il devient très-difficile de les distinguer l’un de l’au¬ tre. Nous avons vu toute la peine que nous avons éprouvée et que nous éprouvons encore aujourd’hui pour séparer les co¬ quilles des calcaires argileux du cornbrash de Biot des co- Soc. géol série, t. XXV Ht* { 5

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

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quilles du kimméridgien marneux. La prudence conseille donc d’attendre de nouveaux documents pour être fixé sur la date des calcaires contestés, inférieurs aux calcaires blancs de Wimmis.

Des travaux importants ont été publiés sur la faune du Klip- penkalk. Nous sommes redevables à MM. Peters, Zeuscbner, Zittel, de Lorioî et Gemmellaro, de monographies qui per¬ mettent d’apprécier la valeur de cette faune, ainsi que les con¬ clusions qu’on est en droit d’en déduire. Sans prétendre que toutes les déterminations soient irréprochables et qu’il n’y ait pas quelques rectifications à opérer dans les catalogues qui ont été dressés, rectifications qui auraient pour résultat de créer des espèces nouvelles ou de changer certains noms, nous pensons qu’il resterait toujours un assez grand nombre d’espèces dont il faudrait respecter les déterminations, et qui devraient être prises pour juges, dans le cas l’on voudrait donner le pas à la paléontologie sur la stratigraphie.

Je n’ai pas besoin de reproduire une remarque qui a été déjà faite, à savoir que les couches qui ont été décrites comme coralliennes n’appartiennent pas toutes au coral-rag propre¬ ment dit, et que quelques-unes d’entre elles, telles que celles d’Angoulins et de la Charente, sont en plein kimméridgien. MM. Contejean et Tburmann ont augmenté encore le nombre de ces divers niveaux coralliens, pour les environs de Mont¬ béliard et de Porrentruy, l’on voit les neuf ou dix groupes établis par eux dans le kimméridgien devenir alternativement marneux et coralliens, et les mêmes fossiles, tels que Nerinea Gosœ. N. speciosa , N. Bruntrutana , Cardium corallinum , Mytilus subpectinatus , Pterocera Oceani , logés dans plusieurs de ces grou¬ pes à la fois. L’histoire-des assises coralliennes n’a donc pas reçu encore, au point de vue de leur indépendance comme étages, toute la précision désirable, et la récurrence de certains fossiles et leur dissémination dans toute l’épaisseur d’un étage n’offrent rien de plus extraordinaire que la présence de YOstrea aquila dans les divers membres du terrain urgo-aptien.

Si donc, par l’analogie des faunes, nous parvenons à dé¬ montrer que les calcaires blancs à Diceras du midi de la France, du Mont-Salève, d’Inwald, de Wimmis, de Palerme,se rattachent à un des horizons corallifères du corallien supé¬ rieur ou à un des horizons corallifères du kimméridgien (An- goulins), la conséquence de cette démonstration nous amè¬ nera à voir en eux une subdivision de cet étage, et non point

NOTE DE M. CO QUAND. 227

un étage distinct, indépendant ou postportîandien, comme le propose l’école allemande.

Pour atteindre plus sûrement ce but, établissons préalable¬ ment l’analogie des coralliens de Tonnerre, d’Angoulins, de Valfin (Saint-Claude), d’Oyonnax, et montrons ensuite que le Kîippenkalk possède un grand nombre de fossiles de ces di¬ vers gisements.

Etallon, dans sa description géologique des Monts-Jura, cite à Valfin les espèces suivantes :

Chemnitzia Calypso , d’Qrb. Valfin, Oyonnax.

Clio , d’Orb. Valfin, Oyonnax (espèce kimméridgienne).

Cornalia, d’Orb. Valfin, Oyonnax, Tonnerre.

Nerinea Bernardina , d’Orb. Valfin, Oyonnax.

Cabanetiana, d’Orb. Valfin, Oyonnax.

Defrancei , d’Orb. Valfin, Oyonnax (kimm. dans le Jura).

Desvoidyi , d’Orb. Valfin, Oyonnax.

Mandelslohi , Bronn Valfin, Oyonnax, Tonnerre, Angoulins.

Moreauiana , d’Orb. Valfin, Tonnerre.

MoscBj Desb. Valfin, Oyonnax (kimm. dans le Jura).

Nantuacensis , d’Orb. Valfin, Oyonnax.

sexcostata , d’Orb. Valfin, Angoulins.

umbilicata, d’Orb. Valfin, Oyonnax, Angoulins.

Visurgis, Rœm. Valfin, Oyonnax, Montbéliard.

Acteonina acuta , d’Orb. Valfin, Oyonnax.

Darmoisiana, d’Orb. Valfin, Oyonnax, Tonnerre.

Trochostoma Ratieriana , Étal. Valfin, Tonnerre, Angoulins.

Pterocera aranea, d’Orb. Valfin, Oyonnax, Tonnerre, Angoulins.

tetracera , d’Orb. Valfin, Oyonnax, Tonnerre, Angoulins Cyprina corallina , d’Orb. Valfin, Angoulins.

Bernardina, d’Orb. Valfin, Oyonnax.

Trigonia corallina , d’Orb. Valfin, Angoulins, Tonnerre.

Corbis elegans, Buvign. Valfin, Oyonnax.

decussata, Buvign. Valfin, Oyonnax.

Cardium corallinum , Leym. Valfin, Oyonnax, Angoulins, Tonnerre, Jura, Mont-Salève, Marseille, Ganges.

Mitylus subpectinatus, d’Orb. Valfin, Angoulins.

Pinnigena Saussurei, d’Orb. Valfin, Angoulins (kimm. dans le Jura).

rugosa , d’Orb. Valfin, Angoulins.

Hinnites ostreifortnis , d’Orb. Valfin, Angoulins.

inœquistriatus , d’Orb. Valfin, Angoulins.

Diceras Luci, Defr. Valfin, Mont-Salève, Marseille, Ganges.

Bernardina, d’Orb.— - Valfin, Oyonnax.

Munsteri , d’Orb. Valfin, Tonnerre, Oyonnax.

Ostrea solitaria , Sow. Valfin, Tonnerre, Oyonnax, Angoulins*

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

Terebratula Repeliana, à.' Orb. -— Échaillon, Oyonnax, Marseille, Rougon, Ganges, Tonnerre.

Terebratula equestris, d’Orb. Yalfm, Angoulins.

Acrocidaris nobilis, A'Ovh. Yalfm, Angoulins, Marseille, Coursegoules, Nice.

Cidaris ovifera, Desor Valfin, Angoulins.

Et une foule de polypiers que nous nous dispensons d’énumérer.

Nous avons voulu indiquer, en citant ces espèces, dont nous aurions pu rendre la liste plus longue encore, qu’au point de vue paléontologique, comme à celui de la position, il serait bien difficile de ne pas reconnaître dans le corallien de Val- fin l’équivalent des coralliens de Tonnerre et d’Angoulins, et, d’un autre côté, pourrait-on nier la contemporanéité des coralliens de Valfin et d’Oyonnax? Or, si ce dernier possède un grand nombre d’espèces communes avec les coralliens du Mont-Salève, de l’Echaillon, de Wimmis, d’Inwald, de Mar¬ seille et de l’Hérault (et comme fossile caractéristique, je ne citerai que la Terebratula Repeliana, commune à tous ces gise¬ ments), je ne vois plus de motifs sérieux qui, paléontologique- ment, puissent être opposés au classement de tous ces coral¬ liens sur le même niveau.

Pour l’âge d’Angoulins, le doute ne saurait être permis, puisque l’on trouve les assises coralliennes (séquanien) re¬ couvertes par les marnes virguliennes. Etallon nous montre le Dicératien de Valfin recouvert, à Préneval et aux ftevillottes, par les calcaires à Pterocera Oceani , Ceromya excentrica , etc. En Algérie, le Cidaris glandifera se trouve associé aux Cidaris ovi¬ fera , Ostrea solitaria , Hinnites inœquistrialus . D’un autre côté, je possède, provenant des assises à Cidaris glandifera d’Aïn-ay- Madi en Syrie, un exemplaire, de conservation parfaite, de la Natica Marcousana , qu’on croirait avoir servi de modèle à la figure qu’en â donnée M. de Loriol, et orné des stries su¬ perficielles, très-fines, que ce savant signale chez les individus à fleur de test.

On voit donc que les gisements à Cidaris glandifera , que le Klippenkalk des Alpes suisses et provençales et du Langue¬ doc, ne sauraient, ni stratigrapbiquement ni paléontologique- rnent, être englobés dans le terrain de craie, puisque, à Ber- rias, à Rougon, à Marseille, à Ganges, ils sont surmontés, sans fossiles communs, par le valenginien. Paléontologie et strati¬ graphie se trouvent donc d’accord pour proclamer ce résultat.

NOTE DE M. COQUAND. 229

Je suis très-heureux de voir, sur ce point, mon opinion parta¬ gée par MM. Pictet et de Loriol.

Mais allons plus loin, et réclamons des arguments de con¬ trôle à un Rlippenkalk que M. Gemellaro vient de nous faire connaître. Ce savant a publié tout récemment les gastéro¬ podes du corallien des environs de Palerme, et il est difficile de ne pas y reconnaître les coralliens du Mont-Salève, d’In- wald, de Wirnmis et des environs de Marseille.

Pour faire ressortir plus vivement cette équivalence, nous donnons l’énumération des espèces du Klippenkalk de la Sicile communes avec les coralliens de l’Europe continen¬ tale :

Chemnitzia columna , d’Orb. Tonnerre.

Cepha, d’Orb. Ardennes.

Ncrinea ( Itieria ) Cabanetiana, d’Orb. Oyonnax.

Bruntrutana.

Clymene, d’Orb. - Tonnerre.

fusiformis , d’Orb. Tonnerre.

Moreauiana, d’Orb. Tonnerre.

Erato, d’Orb. Kimm. dans le Jura.

cylindrica , Yoltz Portl. dans la Haute-Saône,

sub cylindrica, d’Orb. ~~ Saint-Mihiel.

Santonensis , d’Orb. Kimm.. Jura.

Goodhallii, Sow. Kimm., Charente.

gradata , d’Orb. Tonnerre.

suprajurensis, Yoltz Kimm., Jura.

subpyramidalis , d’Orb. Portl., Ain.

pyramidaliSj Munst. Portl.

umbilicata , d’Orb. Oyonnax, Angoulins.

Gosœ, Rœm. Kimm. , Jura,

Desvoidyi , d’Orb. Saint-Mihiel, Oyonnax.

Cecilia, d’Orb. Saint-Mihiel, Chàtel-Censoir.

Mariœ, d’Orb.-— Tonnerre.

ornata , d’Orb. Ghâtel-Gensoir.

tuberculosa , Rœm. Corallien.

Calliope, d’Orb. Ghâtel-Gensoir.

Mandelslohi, Bronn Angoulins, Oyonnax, Tonnerre.

dilatata, d’Orb. Meuse, Garpathes, Salève.

Phasianella Buvignieri , d’Orb. Saint-Mihiel.

Purpura Moreausia , Buvign. Saint-Mihiel.

Lapierrea} Buvign. Saint-Mihiel.

Cerithium Moreanum, Buvign. Meuse.

Ncrita sulcatina, Buvign. Meus*.

2*30 SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

Natiçq Rupellensis , d’Orb. Angoulins.

hemisphœrica,y d’Orb. Angoulins, Oyonnax.

Doris , d’Orb. Angoulins.

atkleta, d’Orb. Portl., Jura.

Marcousana, d’Orb. Angoulins, Syrie.

Plerocera Oceani, Delà Bêche - Kimm., Europe.

Cerithium septemplicatum, Rœm. Saint-Mihiel.

Cryptoplocus dgpressus, Gemel, Inwald.

Si à ces espèces on ajoute le Cardium corallinum et le Ca- lamophylha simplex , fossiles si abondants à Oyonnax, à Cbâteî- Gensoir, à l’Echaillon et à Ganges, on aura, à mon sentiment du moins, un arsenal fourni d’assez bons arguments en faveur du certificat d’origine jurassique à assigner au corallien de la Sicile, lors même que l’on exercerait un large droit de récusa¬ tion, pour cause de suspicion légitime de détermination, à rencontre de plusieurs des témoins appelés dans l’enquête ; et si nous remarquons que ces divers calcaires à faciès coral¬ liens se trouvent recouverts, sur un grand nombre de points, par le virgulien, nous nous demanderons si ce fait, bien éta¬ bli, n’entraîne pas tous les autres qui le sont un peu moins, et s’il est possible, logiquement parlant, d’admettre que le Klippenkalk de la Provence et, par conséquent, celui de la Sicile et de la Suisse doivent constituer un étage indépendant et postportîandien, quand leur position et leurs fossiles les ramènent au niveau des assises coralliennes, soit du corallien supérieur de Valfin, soit du séquanien d’Angouîins et de l’Al¬ gérie.

D’après les descriptions de MM. Peters et Zeuschner, le corallien d’Inwald contient : Diceras arietina , Z). Lucii , Neri- nea Bruntrutana, N. Moreauiana , N. Santonensis , N. pyramidalis , N. depressa , N. Mandelslohi , Cerithium nodoso-striatum , Car¬ dium corallinum, et se range conséquemment sous la bannière des coralliens de la France.

Finissons par une dernière citation. M. de Loriol signale dans le corallien du Mont-Salève, Nerinea depressa , N. Defran- cei, N. dilatata , N. Moreauiana , Chemnitzia Calypso , C. Clio , Cerithium nodoso-striatum , Natica Dejanira , d’Orb., Cardium corallinum , Diceras Lucii , Pinnigena Saussurei , Lima comatula , Buvign., Pecten subspinosus , Schl., Pecten globuius , Qu., Terebra - tula Bieskidensis, Zeuschn., T. formosa, Suess, T. insignis , Py- gurus Blumenbachi , Desor ella Icaunensis , Cidaris carinifera , etc.

NOTE DE M. COQUAND. 231

Gomme on le voit, c’est encore sur les coralliens de Tonnerre ou d’Angouîins que la faune du Mont-Salève nous rejette.

Si le Klippenkalk formait véritablement un étage postport- landien, il me semble que l’on aurait dû, en premier lieu, déterminer sa position au-dessus du portlandien, et n’interro¬ ger la faune qu’après cette constatation. Cette considération et celles que nous avons déjà exposées nous laissent dans la conviction que les choses, envisagées d’une manière générale et en faisant la part des différences locales que deux dépôts contemporains, mais situés à de grandes distances l’un de l’autre, peuvent et doivent présenter, que les choses, disons- nous, ont se passer dans les Carpathes comme dans les autres contrées, et que leur Klippenkalk se confondra avec un de nos groupes coralliens ou kimméridgiens, dont il possède la faune.

En face des arguments de premier ordre fournis par la stra¬ tigraphie, et qui s’imposent à tout géologue qui veut lire dans le livre des montagnes, il me semble superflu et au-dessous du sujet, de tenter d’étouffer le grand côté de la question sous des considérations de détail, et de réclamer la solution du problème au développement plus ou moins grand que peut prendre le rostre d’une térébratule, ou à la présence d’un tu¬ bercule de plus dans un échinide.

Je m’applaudis beaucoup d’avoir résisté aux attaques que ma persistance dans mon opinion m’a attirées de la part de ceux qui ont trouvé plus commode de chercher le mot de l’énigme dans leurs études de cabinet que de l’arracher aux lieux qui le gardent, puisque leur opposition aura, je l’espère, pour résultat de clore l’ère des proscriptions injustes pour les Alpes provençales.

Je reconnais volontiers que la séparation des périodes géo¬ logiques désignées sous les noms de formation jurassique et de formation crétacée, n’exige nullement des fonctions d’un ordre supérieur à celles dont on se sert pour séparer les divers étages les uns des autres, et que le plus ancien étage crétacé a dû, dans le plus grand nombre des cas, succéder régulièrement et dans les mêmes mers à l’étage jurassique le plus récent. Mais cette succession sans secousse n’implique en aucune façon la confusion ou la pénétration d’un de ces étages dans l’autre. L’avenir nous apprendra ce qu’il convien¬ dra de retenir ou de retrancher dans ce prétendu mélange d’es¬ pèces du terrain jurassique et d’espèces du terrain crétacé

232

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1874 e

dans les mêmes bancs du fameux calcaire de Stramberg, mé¬ lange qui établirait un passage, un trait d’union entre ces deux grandes périodes secondaires. C’est une question délicate et dans laquelle je ne veux m’engager qu’en passant.

Si ce calcaire, qui, au point de vue stratigrapbique, n’a pas dit encore son dernier mot, présente des difficultés sérieuses pour son classement, à cause de la nature uniforme de la roche; et sL en attendant que la lumière se fasse d’une manière plus claire, on admet qu’il contient des fossiles du Elippenkalk proprement dit et du Berriasien, donc deux fau¬ nes distinctes, nous ferons observer que, dans nos contrées, ces deux faunes se trouvent constamment superposées et jamais mélangées; qu’elles conservent une indépendance qui correspond à un changement complet dans le caractère pétro- graphique, et, comme nous l’avons constaté à Marseille et à Coursegoules, à une véritable transgressivité. On peut donc prévoir, pour un temps plus ou moins éloigné, la solution de ces difficultés qui n’existent nullement pour la Provence. La ressemblance entre les calcaires de deux formations différentes est très-souvent un piège tendu aux géologues étrangers aux contrées qu’ils ne connaissent qu’en passant, et elle ne saurait être invoquée sans danger. Dans ce cas, l’examen comparatif des faunes et le relèvement exact de la position occupée par chaque fossile au sein de la masse peuvent seuls fournir des arguments présentables et acceptables. Pour notre compte, nous n’avons pas hésité, dans un de nos précédents écrits, à reconnaître comme étant de l’horizon de Berrias la portion du calcaire de Stramberg qui contient les Terebratula hippopus [aliéna, Oppel), et Belemnites latus, comme nous n’hésitons pas à reconnaître comme étant contemporaine de nos coralliens jurassiques français la portion de ces mêmes calcaires qui contient le Cardium corallinum , la Terebratula Repeliana ( Mora - vica, Glocker), et le Cerithium nodoso -striatum,

À toutes ces difficultés déjà très-grandes, s’en ajoute une autre, plus dangereuse peut-être , mais que le temps finit par dissiper, c’est-à-dire, comme le dit fort judicieuse¬ ment M. Pictet, l’empire de quelques données générales et théoriques , qui font entrevoir un but à atteindre et une route à suivre , influence à laquelle bien peu de gens échappent. En effet, j’en appelle ici à tous ceux qui, se croyant dans la bonne voie, se trouvent cependant à côté, les besoins de la cause les poussent irrésistiblement à exagé-

NOTE DE M. COQUAND.

233

rer les différences ou les ressemblances des fossiles appelés à témoigner. Tout en concédant à la paléontologie la part large et légitime qui lui revient pour le meilleur arrangement des étages sédimentaires, elle ne doit jamais être séparée de la stratigraphie dont on semble, en général, ne pas tenir aujour¬ d’hui un compte suffisant.

Si les considérations consignées dans ce travail m’engagent à reléguer notre Klippenkalk à la base de l’étage kimmérid- gien, le Diphyakalk , qui constitue le piédestal de l’étage tithonique, devra, à plus forte raison, occuper une position plus inférieure encore, en admettant que le Diphyakalk se trouve réellement placé au-dessous du corallien à Nerinea , à Terebratula Repeliana et à Cardium corallinum. Pour moi, je n’hésite pas à considérer comme argovienne la térébratule trouée que j’ai recueillie à Batna, en Algérie, dans des cal¬ caires lithographiques qui n’ont rien de commun avec les assises de Berrias, et qui renferment à profusion V Ammonites plicatüis. L’étude des térébratules du groupe des diphya a amené M. Pictet à établir plusieurs espèces dans ce groupe : or, celle que je possède de Batna n’a aucun rapport avec la T.janitor , que MM. Péron et Le Mesle ont récemment recueillie dans le berriasien de la subdivision de Sétif. Ce n’est non plus ni la diphya ni la dilatata. Il restera à établir aussi, par des comparaisons mieux faites, si la térébratule percée, que j’ai trouvée moi-même dans le barrémien à Scaphites Ivanii , est bien identique à la T. diphyoides du berriasien. Ainsi qu’on le voit, la présence d’une térébratule percée, dans une assise de date indéterminée, est insuffisante pour en fixer l’âge d’une manière précise.

Gomme nouvel exemple des difficultés que soulève la posi¬ tion exacte de l’étage tithonique, je citerai, au besoin , le magnifique travail que M. Zittel vient de publier sur les Cé¬ phalopodes du tithonique ancien , qui constate l’existence des Ammonites Zignodianus , d’Ocb., Kochi, Oppel , tortisulcatus , d’Orb., iphicerus, Oppel, caractéristiques de l’argovien, et qui contient la citation d’autres espèces que l’on ne peut distin¬ guer des Am. Heberleini , Holbeini , tenuilobatus , Altonensis , qui font partie de la même zone. Je ne pense pas qu’on puisse expliquer ce mélange de faunes par l’hypothèse d’un simple passage de fossiles. La solution du problème tient, à coup sûr, à des difficultés non encore surmontées, dont il faut tenir compte, et que dans l’intérêt de la science chaque géologue

234

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871,

doit, dans la mesure de ses moyens, s’efforcer de vaincre.

Nous dirons en nous résumant :

Les calcaires blancs à Diceras des départements du Yar et des Alpes-Maritimes, placés au-dessous du terrain néoco¬ mien, et correspondant au Rlippenkalk d’Inwald et de Wim- mis, n’appartiennent pas au calcaire à Chama ammonia , mais bien à une des assises coralliennes du corallien supérieur (Valfin) ou du kimméridgien inférieur (Angoulins).

Ils font incontestablement partie des calcaires coralliens des départements du Gard, de l’Hérault, des Bouches-du- Rhône et des Basses-Alpes, déjà décrits dans un autre travail, ainsi que du corallien du Mont-Salève.

Tous ces Klippenkalks, y compris celui de la Sicile, ne sauraient, par conséquent, constituer un étage nouveau, un étage postportlandien, puisqu’on les trouve recouverts par les assises à Ostrea virgula.

Le Secrétaire communique le Mémoire suivant de M. Jouray :

Explication de la Carte géologique du Jura dôlois,

par E, Jourdy (Pl. I).

Les montagnes du Jura ont été visitées par un si grand nombre de savants qu’il semblerait que leur géologie est au¬ jourd’hui complètement fixée, et qu’elle ne recèle plus aucun point obscur. Il n’en est malheureusement pas ainsi; aussi ai-je cru devoir joindre à ma carte quelques pages d’explications, qui ne constituent pas un vrai mémoire, pas même un cahier de notes, mais bien un recueil de souvenirs sur de longues et anciennes études.

Ces notes étaient destinées à former un travail étendu, com¬ plété par des observations faites dans les montagnes du Jura français et du Jura suisse; mais la plupart des matériaux de ce travail ont été égarés pendant la guerre. Pour lui donner toute l’extension projetée, il aurait fallu recommencer une série de courses sur le terrain ; les malheurs de l’invasion alle¬ mande m’empêchent de réaliser mon désir.

L Le Jura dolois.

Depuis Saint-Rambert jusqu’au delà de Salins, la lisière occi¬ dentale des Monts Jura est nettement dessinée par l’élévation

Xole de M? E . JOI RDY

2? Série . T. XXVW. PL 1. Paye

Gravé chez. /fnril f'Y' et H'a/uet R .Catf -f.us.tac- 52 Paris

Parts, frnp . Brt'tjuet .

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CARTE GEOLOGIQUE

DU

JURA DGLOIS

Echelle de 80,000

Artji/e bressane <n cailloux locaux, t etrantjev.w .

fi ta (je fiéocomien.

fi.. 1 _ Kimméridaù

fi. _ Artjooieh .

fi _ Bajocien

Ouo'iu'v

NOTE DE M. JOURDY,

235

brusque de leurs derniers contre-forts au-dessus de la plaine bressane que traversent la Saône, l’Ognon, le Doubs, le Rhône et leurs affluents. Cette ligne de démarcation est parfaitement sensible à l’œil du voyageur; elle est aussi très-visible sur la carte géologique de la France.

Si l’on suit sur cette carte la limite du terrain jurassique, on voit qu’elle se trouve interrompue vers Salins, et que les allu- vions anciennes de la Bresse pénètrent dans une entaille du Jura; cette espèce de golfe, sont entassés les cailloux bres¬ sans, est recouverte par la forêt de Chaux, qui s’étend jusqu’au¬ près de Besançon; depuis son extrémité la plus avancée jusqu’à Dole, elle vient buter contre la falaise rocheuse du terrain jurassique qui, à partir de Dole jusqu’aux environs de Gray, est côtoyée par les argiles et les cailloux bressans.

De cette disposition relative du dépôt bressan et du terrain jurassique, il résulte que les montagnes de Franche-Comté se prolongent, de Besançon à Dole, en une sorte de presqu’île qui s’avance dans les ailuvions anciennes. C’est cette presqu’île qui est le Jura dôlois.

Quoique le Jura dôlois ne soit en rien, sur une carte, séparé du Jura bisontin et du Jura grayloîs, il en diffère cependant par plusieurs particularités qui font l’objet de cette notice.

II. - Roches antérieures au terrain jurassique.

§ 1. Roches cristallines.

La particularité la plus importante du Jura dôlois consiste dans la présence d’un massif cristallin entouré de toutes parts par le terrain jurassique; ce massif, désigné sous le nom de la Serre , constitue la charpente primordiale des couches stra¬ tifiées et de l’orographie des contrées environnantes.

II est connu depuis longtemps; MM. Pidancet et Coquand en ont fait une étude spéciale; M. Résal, dit-on, se propose d’en donner une monographie.

La Serre est formée de gneiss et de micaschistes, contre les¬ quels se trouve plaqué un gros filon d’eurite ; la surface de con¬ tact de ces roches cristallines ne peut être étudiée, car elle est recouverte par une couche d’arkose.

§ 2. Terrain permien .

Le terrain permien n’apparaît que sur le flanc nord-ouest de la Serre; il est visible au pied de l’eurite et des micaschistes.

236 SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

11 a été l’objet d’une étude attentive de la part de MM. Goquand et Pidancet (1).

On doit à ces géologues la découverte d’une mâchoire de saurien dans les poudingues d’un rouge lie de vin, qui, avec des arkoses gneissiques, constituent les couches permiennes.

Ces couches ont une grande épaisseur, comme on l’a con¬ staté àMoissey, en faisant des sondages pour trouver la houille.

§ 3. Arkose.

Entre le trias et le terrain permien, on observe une arkose quartzeuse qui se sépare nettement des couches inférieures par la discordance de stratification, par le défaut de coloration rouge, et enfin par l’absence de cailloux gneissiques et euri- tiques; le quartz forme presque toute sa roche et se trouve parfois assez fin et assez agglutiné pour faire un grès capable d’être exploité pour la confection des meules.

L’arkose recouvre une partie du terrain permien, mais occupe aussi une position stratigraphique bien différente; dans ce cas elle recouvre, sur une épaisseur de 10 mètres environ, la crête même de la Serre, reposant alors directement sur la roche cristalline.

Quoique l’arkose soit probablement assimilable au grès vos- gien, c’est-à-dire différente du trias, elle porte sur la carte géo¬ logique la couleur du terrain qui repose sur elle; mais elle s’en distingue par une lettre spéciale (Ta).

§ 4. Trias.

Le grès bigarré ne se rencontre guère qu’à Offlange et au val Saint-Jean; plusieurs de ses couches forment un grès tel¬ lement grossier, qu’il est difficile à distinguer de l’arkose infé¬ rieure (grès vosgien); c’est, du reste, ce qui s’observe également dans la Lorraine allemande. Son épaisseur peut être d’une vingtaine de mètres.

Le muschelkalk n’a pas une grande puissance; on sait d’ailleurs que cette roche, très-épaisse au pied des Vosges, va

(1) Sur l’existence du terrain permien et du représentant du grès vosgien dans le département de Saône-et-Loire et dans les montagnes de la Serre; Mémoires de la Société d’ Émulation du Doubs et Bull. Soc. gèol. de Fr ., série, t. XIV, p. 13, 1856.

NOTE DE M. JOURDY.

237

en s’amincissant vers le sud-ouest jusqu’à ce qu’elle dispa¬ raisse au pied du plateau central. On peut en observer des lambeaux, d’abord sur le revers ouest de la Serre, à Offlange, puis sur le contre-fort triasique qui se trouve dans le prolon¬ gement de la pointe sud de la Serre, à Gredisans, à Menotev, à Jouhe. On ne peut estimer qu’approximativement son épais¬ seur, 30 mètres peut-être.

Les marnes irisées sont bien loin d’avoir l’importance qu’elles ont en Lorraine ou dans le Jura de Salins et d’Arbois; on n’y découvre aucun dépôt salifère ni gypseux. Leur épais¬ seur est trop difficile à estimer pour qu’on puisse hasarder un chiffre; elle ne doit pas dépasser 30 mètres.

§ 5. Lias.

Étage rhœtien . Aucune trace de ces intéressants dé¬ pôts n’a encore été constatée dans le Jura dôlois ; la raison en est probablement due aux glissements qui se sont produits au voisinage de la Serre dans les points cet étage affleure.

Etage sinémurien . C’est à peine si l’on peut, dans les éboulis calcaires du terrain jurassique, retrouver quelques bancs de calcaires à gryphées arquées. On en observe des lam¬ beaux tout le long du bord ouest du contre-fort triasique, au Mont Frérit, à Raynans, à Menotey; d’autres parcelles sont également visibles sur le revers ouest de la Serre, à la Grande- Haie, à Moissey, à Brans. C’est un calcaire stratifié en bancs minces, tachés de bleu foncé, remplis d’Ostrea arcuata et de Pentacrinites basaltiformis , alternant avec des marnes noirâtres renfermant quelques Ammonites bisulcatus.

Étage liasien . - Il n’est guère visible qu’à Moissey, au pied du mont Guérin, on trouve la Plicatula spinosa et diffé¬ rentes Belemnites .

Étage toarcien. - Cet étage est le seul dont on puisse apercevoir quelques couches.

Au point de vue de sa distribution, on le rencontre dans deux situations différentes, soit que, aux abords de la Serre, il apparaisse disloqué sous les escarpements des rochers ba- jociens, soit que, au contact du Jura bisontin, il se raccorde avec les zones des différents étages successivement imbriquées et qui vont, en se relevant, de Dôle jusqu’à Besançon.

p. Autour de la Serre, on peut l’observer parfois quand les éboulis bajociens n’ont pas recouvert les collines marneuses surmontées par les escarpements calcaires.

238

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871

A l’inverse des étages précédents, on l’observe sur le flanc nord-est de la Serre. A Serre-les- Meulières, il sépare le bajo- cien du gneiss, cachant sous lui les étages inférieurs qui ont disparu dans la faille énorme qui suit le gneiss tout le long du flanc est de la Serre. Entre Serre-les-Meulières et Saligney, forme une petite combe surmontée par les rochers jurassiques.

NOTE DE M. JOURDY.

239

Dans cette combe, on le trouve sous la forme d’une marne feuilletée bleue ou grise, très-micacée, traversée par des lits très-minces de calcaires feuilletés également micacés. On y constate les Ammonites Thouarcensis , A. insigms , Troçhus subdu- plicatus , Pectenpumilus.

Entre Saligney et Ougney, le col du Bermont, par passe la route, est une combe toarcienne soutenant les roches bajo- ciennes et s’appuyant sur une arkose permienne. La disposition et la nature des couches est la môme. Cependant, au-dessous des marnes grises, on en voit d’autres d’un bleu foncé, mais également micacées.

Sur l’autre versant de la Serre, le Toarcien s’observe par lambeaux sous les éboulis du Jura inférieur, à Moissey, à Me- notey, à Raynans.

«. Entre Marnay et Besançon, vers Fouilley, dans le Jura bisontin, le groupe du Jura inférieur entoure un îlot de sinému- rien, sur lequel les couches du groupe basique viennent suc¬ cessivement s’imbriquer jusque dans le Jura dôlois.

A cinq kilomètres de Gendrey, à lahauteur d’Antorpe, on ob¬ serve déjà les premières couches de l’étage toarcien, les schistes bitumineux qui renferment Y Ammonites H olandrei, des écailles de poisson, des plantes, des plaques de bitume et des nodules de sulfure de fer. A mesure qu’on approche de Dole, les strates du lias vont en plongeant et disparaissent sous des couches plus récentes. Aux environs de Gendrey et de Ser- mange, les marnes du lias occupent le fond des vallées et la base des collines. Au-dessus des couches à Trochus , on voit la dernière couche du lias; ce sont des marnes d’un bleu terne, fortement micacées; on y trouve quelques pholadomyes à côtes saillantes, de grandes bélenmites et un grand nombre de débris de gros végétaux.

Ce sont, selon toutes probabilités, les analogues du grès su- praliasique du Jura salin ois et des marnes à Trigonm navis de la Lorraine.

III. Le terrain jurassique.

Les principes de la classification adoptée dans cette note devant être l’objet d’un travail spécial, il n’y a pas lieu de donner ici des explications détaillées à ce sujet.

240

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

§ 1 . Groupe du Jura inférieur.

La première partie du terrain jurassique, de même que le groupe basique, s’observe, soit sur le bord de la Serre (di¬ vision p), soit sur le prolongement du Jura bisontin (division a).

Etage bajocien.

Aux environs d’Ougney, le Bajocien offre une série de coupes très-intéressantes; malheureusement la perte de mes notes et de mes fossiles me force à citer de mémoire, et par conséquent à n’indiquer que des faits généraux.

Les trois couches du Jura salinois sont ici parfaitement re¬ connaissables, et même plus facilement visibles et bien plus développées.

A. Couches à minerais et à fucoïdes. La base de ces cou¬ ches est peu calcaire, un peu sableuse, plus ou moins colorée en rouge ou en gris. Fossiles : Rhynchonella cynocephala , Pecten subpumilus, nombreux débris de végétaux. Épaisseur : 2 mètres.

Couche ferrugineuse par excellence, mais variable. A Qugney , la couche est un vrai minerai oolithique qui ali¬ mente les hauts fourneaux de Fraizans, du Creuzot, etc. Traces d’ammonites. A Gendrey, elle se présente sous l’aspect d’un calcaire marneux, rouge, mal stratifié, en rognons dont les vides sont comblés par une sorte de sable roux. Épaisseur : 3 mètres.

Calcaire rouge-jaune, stratifié en bancs obliques, irrégu¬ liers, qui se détachent en dalles, sur lesquelles on observe des débris végétaux.- Épaisseur : 4 mètres.

B. Calcaire lédonien. La base offre quelques couches à stratification tourmentée et à rares débris végétaux; mais les bancs ne tardent pas à devenir réguliers; ils sont toujours co¬ lorés en rouge ou en jaune-rouge et renferment par taches des lumachelles de coquilles et d’entroques. Épaiss. : 10 mètres.

Le véritable calcaire à entroques est constitué par une lumachelle d’articles nacrés de ces zoophytes, séparés par des taches ocreuses; il s’enlève souvent en larges dalles sur les¬ quelles on peut recueillir des piquants et des articles d’our¬ sins, des bryozoaires et de petites huîtres. Cette faunule peut être réunie plus commodément dans les petits bancs

NOTE DE M. JOURDY.

241

marneux qui sont au sommet de cette couche. Épaisseur : 10 mètres.

Par-dessus, quelques bancs oolithiques : 5 mètres.

C. Calcaires à chailles et à polypiers. Dans le prolongement des couches du Jura bisontin, entre le Doubs et la Serre (division a), la partie supérieure du Bajocien ressemble beau¬ coup à ce qu’on observe en Franche-Comté et en Lorraine; elle consiste en couches tantôt calcaires, tantôt sableuses, ren¬ fermant beaucoup de polypiers de la famille des Astrées ainsi que d’autres fossiles communs dans les stations coralligènes ( Nerinea , Pectenàe la famille des articulati , Rhynchonella , Ostrea voisines de VO. gregarea, etc.) La base de cette assise est souvent difficile à trouver; on y observe généralement un cal¬ caire oolithique miliaire coloré en bleu-rose qui appartient aux couches B ou aux couches C. A l’extrémité du Jura bisontin, au-dessus de la mine d’Ougney, les couches C ont une grande épaisseur (4Qm environ) ; elles renferment quelques horizons marneux à Melania striata; ce, sont des calcaires à cassure con- chuïde, blancs et durs. Dans le Jura dôlois proprement dit, leur épaisseur n’est plus que de quelques mètres; elles sont marneuses et souvent sableuses, comme à Malange, Amange, Jouhe.

A la pointe nord de la Serre (division /3), entre Ougney et Saligney et jusqu’à Gendrey, la base de ces couches renferme de vraies chailles fossilifères ; et même la silice est en outre répandue par taches avec profusion et a imprégné des Isastreay des Pecten.

Sur le flanc ouest de la Serre, à Frasnes, les polypiers ont à peu près disparu, et il ne reste plus que des chailles dissémi¬ nées au milieu d’un calcaire oolithique.

Ce sujet demanderait, pour être traité à fond, des observa¬ tions plus complètes que je n’ai pu les faire.

Étage bathonien.

A. Bathonien irisé. La base du bathonien est restée pour moi longtemps obscure ; ce n’est qu’après avoir étudié cet ho¬ rizon en Lorraine, de Metz à Longwy, et après mes courses avec M. Michelot, qui l’a observé à Nancy et à Besançon, que je suis parvenu à en réunir les différents faciès.

Le bathonien irisé se présente, en effet, dans le Jura dôlois sous des aspects très - différents et difficilement reconnais- Soc. géol.j série, t. XXYI1I. 16

24 2

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

sablespour un observateur qui n’est pas prévenu. Ce qu’on peut dire de plus général sur ces couches variées, c’est qu’elles sont reconnaissables par des colorations fort vives qui frappent dès le premier coup d’œil.

I. La division « comprend la partie qui prolonge le Jura bisontin et longe le pied est de la Serre jusqu’au Doubs.

La base en est formée par un calcaire rose ou jaune, dont les oolithes, au lieu d’être miliaires comme celles du calcaire lédonien et du calcaire à chailles, sont cannabines, irrégu¬ lières, quelquefois peu serrées; on y trouve généralement des lumachelles de petites coquilles, de bryozoaires et d’articu¬ lations d’encrines qui en font quelquefois un véritable calcaire à entroques. Son épaisseur est environ de 6 mètres,,

La couche moyenne est des plus curieuses ; c’est une marne ou un calcaire blanc, avec de rares taches bleues, con¬ stitué presque entièrement par des concrétions peu dures, de la grosseur d’une noisette, sorte de grosses oolithes dont le centre est généralement formé d’un débris de coquille. Cette couche renferme des céphalopodes, notamment de très-gros nautiles et V Ammonites subfurcatus (Parkinsoni) , des acéphales, tels que la Pholadomya Murchisonœ , une vraie lumachelle de brachiopodes, des échinides, tels que YHolectypus depres- sus , le Pygasier Gress/yi. Épaisseur : 5 mètres.

La couche supérieure est une alternance de bancs cal¬ caires avec oolithes cannabines, bleus, et de marnes de mêmes caractères. Les fossiles les plus communs y sont : Ostrea acu- minata , Ammonites subfurcatus , Pholadomya Murchisonœ , P h. Vezelayi, Épaisseur : 7 mètres.

Tel est le type qu’on peut observer à Orchamps, à Lavans, à Romange, Wriange et Malange.

II. Division p. Cependant, au bord de la Serre, vers Sermange , la division 1 (la division inférieure) est souvent colorée en rouge. Au mont Wassange, en face de la pointe nord de la Serre , la couche 2 ne renferme plus de concrétions oolithiques et est constituée par une marne blanche alternant avec un calcaire blanc, plus de petits bancs à fines oolithes. A Serre-les-Meulières, au-dessus du crêt bajocien (voir la coupe fig. i), il y a une petite combe formée par la couche 2, qui est alors une marne d’un blanc éclatant se divisant en tablettes.

Ces modifications n’altèrent en rien d’essentiel le faciès de

NOTE DE M. JOURDY,

243

la division oc. Mais sur le flanc ouest de la Serre la succession n’offre plus les mêmes caractères, comme on peut l’obseryer aux environs de Frasnes, à la Grande-Haie et au Mont-Guérin, ainsi qu’à Montmirey-le-Château.

Au-dessus du calcaire à chailles, on voit encore alterner différentes couches minces, vivement colorées; ce sont des cal¬ caires marneux rouges, avec pinnigènes et débris d’entroques, puis des argiles jaunes avec céphalopodes et bryozoaires; le tout formant 1 mètre ou 2; par-dessus, un banc grisâtre, avec tacbes rouges, d’un calcaire à oolithes cannabines, de même épaisseur; enfin, une alternance de calcaires oolithiques (can- nabins), avec débris d’entroques, et de marnes argileuses ou sableuses , avec une grande quantité de petits spongiaires , de bryozoaires et de brachiopodes ; les calcaires sont plus ou moins colorés, les marnes sont d’un rouge de sang.

Suivant toute probabilité, ces couches, épaisses de 7 ou 8 mètres, sont les analogues du i de la division a; mais ici la coloration ferrugineuse est très-intense, et on trouve des céphalopodes et surtout beaucoup de spongiaires.

Ces couches sont surmontées d’alternances de petits lits de calcaires cannabins et de marnes cannabines, vivement colo¬ rés en jaune , en bleu et en rose, qui paraissent être identi¬ ques au 3 de la division a. La couche 2 de cette division ne serait pas représentée.

III. Division y. Â la pointe sud de la Serre, on trouve d’autres faciès dont l’étude complétera ce qui a déjà été dit.

Les carrières de Sampans exploitent, à la base, un cal¬ caire rose dont les oolithes sont cannabines, irrégulières, peu serrées; bon nombre de bancs sont quelque peu jaunâtres; mais les plus remarquables sont à la partie inférieure : ce sont les bancs d’un rouge de sang qui ont été exploités pour les co¬ lonnes posées au Nouvel Opéra de Paris. Ces couches, épaisses de plus de 15 mètres, sont évidemment l’analogue des couches rouges de la Grande-Haie. On y rencontre des bryozoaires , beaucoup de petits spongiaires, des encrines, des oursins, entre autres YAcrosalenia hemicidaroïdes , qu’ on est étonné de trouver à un niveau aussi inférieur.

Sur les dalles supérieures du calcaire de Sampans, on peut observer des traces de perforation et d’usure, des huîtres plates fixées sur la roche. En effet, la couche 2 manque.

La couche 3 est, au contraire, très-bien développée ; elle se compose d’alternances de minces lits de calcaire et de

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1811.

marne, tous oolithiques et vivement colorés en jaune, en rose, en bleu et en blanc.

Les fossiles y sont très-abondants ; les plus communs sont :

Ammonites subfurcatus, Pholadomy a Murchisonœ , Ph. Vezelayi , Ostrea acuminata, Pernostrea, Pecten , Lima (ces trois genres sont très-nombreux), Clypeus Ploti ( patella ), Stomechinus socia - lis, St. Vacheyi , Holectypus depressus, H. hemisphœricus , Pseudo- diadema subcomplanatum , Acrosalenia spinosa,A. hemicidaroïdes, Galeropygus Nodoti , brachiopodes nombreux. Cette couche s’observe à Biarne, à Sampans, à Landon, au mont Chatain, à Jouhe.

A Amange, au-dessus de calcaires légèrement colorés, sem¬ blables au 1 de la division a, on trouve des couches mar¬ neuses, les unes blanches, les autres jaunâtres, qui paraissent établir un passage entre le 2 de la division a et les couches à Clypeus Ploti de la division y ( couche 3 de cette di¬ vision).

Tableau des différents faciès du Balhonien irisé.

DIVISION a.

division p (Lisière de la Serre)

DIVISION y

(Prolongement du Jura bisontin)

(Prolongement de la pointe sud de la Serre).

Flanc N.-E.

Flanc S.-O.

Couche 3. . {

1

C. Alternance de bancs cal¬ caires et mar- j neux à oolitnes f cannabines.

C.

C.

C.

Couche 2. .

B. Marne à con¬ crétions sub- oolitbiques.

B.

(Pas de concré¬ tions).

A!. Alternance de lits marneux et calcaires colo¬ rés en rouge de sang et en jaune vif.

A'. Calcaire de Sampans.

Couche n* 1 . .

A. Calcaires can- nabins.

A.

s

^ / N ^

Région située à l’E. de Région située à PO. et

la Serre. au S. de la Serre.

B. Balhonien blanc . Cette division du bathonien est remar¬ quable par la persistance de ses caractères, non-seulement

NOTE DE M. JOIJRDY. 245

aux environs de Dôle, mais encore dans toute la Franche- Comté.

Calcaires cannabins. Calcaires d’un blanc gris, durs, avec quelques oolithes cannabines irrégulièrement dissémi¬ nées. Peu de fossiles. Il est exploité à Sampans (carrières su¬ périeures). Épaisseur : 5 mètres.

Oolithe sub-crayeuse. Cette couche est en général d’un blanc très-net; mais quelquefois elle est d’un blanc pâle et même colorée en bleu pâle par taches rares. L’oolithe est presque toujours miliaire, très- fine et très-serrée; mais on observe fréquemment des lits de petits fossiles roulés et mé¬ langés à des oolithes plus grossières, comme sous l’influence de courants. Elle se désagrégé presque toujours à l’air.

Cette couche est caractérisée parla présence fréquente d’oo- lithes très-fines d’un blanc éclatant.

Les fossiles n’y sont pas rares ; malheureusement quand ils existent, c’est par nids, et la plupart sont usés, surtout les spon¬ giaires et les nérinées. J’ai eu l’occasion d’en voir de bien con¬ servés dans la collection de M. Perron, à Gray, il y a des gisements fossilifères remarquables; j’y ai vu des Nerinea , Acteonina , Trigonia , qui m’ont bien paru être parfaitement identiques aux espèces de MM. Morris etLycett (great-oolithe) . Épaisseur : 20 mètres.

Calcaire ruiniforme. Calcaire d’un blanc un peu terne, très-dur, à cassure conchoïde; grâce à une particularité oro¬ graphique, il forme de nombreux escarpements qui consti¬ tuent les accidents les plus pittoresques de la Bourgogne et du Bas-Jura; ses rochers sont souvent troués et déchiquetés de manière à simuler des ruines.

La partie inférieure est moins compacte ; elle montre parfois une tendance à se diviser en petits lits dont l’usure irrégulière par les agents atmosphériques produit l’effet d’une sorte de mosaïque; c’est le calcaire en tablettes. La partie supérieure est très-compacte, à stratification confuse; sous les efforts dyna¬ miques qui ont mis à nu le bathonien blanc, dans le soulève¬ ment post-bathonien, elle est souvent fendillée, et la disposition des lignes de stratification donne à son aspect ruiniforme des contours plus élancés; c’est le calcaire en colonnes .

On y trouve peu de fossiles, quelques nérinées et quel¬ ques polypiers difficiles à extraire de la roche. Épaisseur : 50 mètres.

G. Bathonien jaune. La base de cette assise est ordi-

24G

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

nairement bien stratifiée, en bancs épais, de couleur un peu pâle avec veines roses. Par intervalles on aperçoit des petits lits marneux avec de larges huîtres fixées sur la paroi supé¬ rieure du calcaire ; d’autres fois , ce sont des lumachelles de Nerinea, Natica , etc.

Fossiles principaux : Ammonites subbackeriœ , E chinobrissus clunicularis (très-nombreux, variété major et variété minor ), Hemicidaris luciensis , Pecten annulatus , Terebratuia digona. Épaisseur : 45 mètres.

Argile à Terebratuia coarctata. Cette petite couche, qui se retrouve très-constante, même dans le Jura graylois, est une argile jaune ou blanche, renfermant beaucoup de bryo¬ zoaires et de spongiaires.

Fossiles principaux: Avicula decorata , Osirea Marshii , 0. acu- minata , O. Sowerbyi, O. costata , O. gregarea, Terebratuia digona, T. coarctata ; Heteropora reticulata, Pecten annulatus. Épaisseur : de 0m,10 à 2 mètres.

Couches à silex rubanés . Ces couches sont générale¬ ment d’un jaune foncé ; elles sont divisées en dalles très- minces par des fissures obliques à la stratification, ce qui leur avait fait donner par Thurmann le nom de dalle nacrée ; mais ce caractère se retrouve dans ies couches 1 du Ba- thonien jaune , et ne peut servir à désigner les couches supé¬ rieures; de plus, il n’est pas stratigraphique , mais bien orographique, car il est occasionné par les actions mé¬ caniques qui ont agi sur les couches bathoniennes immédia¬ tement après leur dépôt.

Ce qui peut, au contraire, les différencier de toutes les au¬ tres roches du terrain jurassique, c’est la présence de lits stra¬ tifiés de silex blanc, traversé par de minces et réguliers filets de nuances différentes.

Il arrive souvent que le calcaire se décompose à l’air pour former l’humus, mais les silex restent intacts dans la terre végétale; remués par la charrue ou la pioche, ils permettent de reconnaître le niveau géologique d’une façon infaillible.

Fossiles : Hemicidaris luciensis, Acrosalenia spinosa , Echino- brissus conicus. Épaisseur : 20 mètres.

§ 2. Groupe du Jura supérieur.

Après l’étage bathonien , il y a eu , sur tout le pourtour des Vosges et au loin dans la nier jufâssiquë* un mouvement con-

NOTE DE M. JOURDY.

247

sidérable qui fit émerger une partie du bathonien; en général, le rivage est formé par le bathonien jaune, dont quelques témoins demeurent à leur position stratigraphique normale , tandis que la plus grande partie est tombée au pied des escar¬ pements formés par le calcaire ruiniforme.

Dans le Jura dôlois, le mouvement s’est prolongé long¬ temps ; les dépôts marneux se sont logés dans les anses des contre-forts bathoniens, en disposition transgressive tant que dura le mouvement d’affaissement lent, c’est-à-dire jusqu’à l’étage corallien, et en disposition imbriquée quand le mou¬ vement d’exhaussement lent reprit son cours régulier.

Étage oxfordien.

A. Couches calcaires à minerai. Les couches les plus infé¬ rieures qui soient à nu dans le Jura dôlois sont les couches à Ammonites Lamberti , qui sont de l’oxfordien moyen. C’est à tort que M. Résal annonce la découverte du callovien; il aura été induit en erreur par la présence d’une ammonite voisine de VA. Jason , mais qui est identique à une espèce anglaise d’un niveau supérieur.

Les anfractuosités qui limitent le bathonien jaune sont, dans les coupes du chemin de fer, tapissées par un vrai minerai, très-peu épais ; peu à peu les courbes décrites par les pre¬ miers dépôts s’affaiblissent, et les derniers lits de cette petite couche sont plus rectilignes; ces lits sont des calcaires jaunes à Ammonites Arduennensis , A. cordatus , Belemnites hastatus. Les marnes contiennent les mêmes fossiles, plus le Collyrites ovalis et VOstrea dilatata. Épaisseur : 3 mètres.

B. Les véritables marnes oxfordiennes, d’un bleu foncé, avec fossiles pyriteux et nodules calcaires, renferment la faune or¬ dinaire de la zone à Ammonites cordatus. Épaisseur : 20 mètres.

Étage argovien.

On m’a tellement reproché de fois, dans mes excursions géologiques, ce mot d Argovien > que je tiens à en parler lon¬ guement ici. J’ai précisément le bonheur de retrouver les notes d’un projet demonographie de cet étage, et jepuis m’expliquer à l’aise.

Les Allemands, avec leurs prétentions habituelles, ont re¬ poussé l’idée si nette que M. Alarcou avait dégagée de ses études à Zurich. Ils ont imaginé des Scyphiakalk, des Birmens-

248

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

dorferschichten , etc...; aujourd’hui, les géologues suisses re¬ connaissent que, grâce aux travaux allemands, la question est tellement embrouillée qu’ils n’y comprennent plus rien.

L’étage argovien commence à l’apparition des grandes am¬ monites de la famille des biplex , d’un autre groupe plus caractéristique, voisin des armati, mais plus voisin encore d’es¬ pèces portlandiennes, et cesse à l’apparition du Pygaster um- brella ; il comprend les zones à A. canaliculatus , A. transver sarius , et d’autres encore. Il y a de tout dans cet étage : des calcaires à entroques, des calcaires à chaux hydraulique , des nappes de spongiaires, des récifs de coraux, des stations d’échino- dermes.Ce n’est ni le calcaire à chailles, ni le calcaire à scy- phies, ni quelque particularité quelconque; il s’y trouve parfois des chailles, des polypiers, mais il y en a également dans le coral¬ lien, dans lebajocien. C’est l’étage argovien et pas autre chose. Mais, dira-t-on, pourquoi est-il si mal défini? En général, cela est vrai, on le définit mal, plus mal que beaucoup d’autres; je le reconnais et je l’explique. Voici comment :

Après cette note, j’en présenterai une autre qui traitera am¬ plement du soulèvement post-bathonien. Le résultat de ce sou¬ lèvement est quele fond de la mer jurassique a formé, sur l’em¬ placement des monts Jura, un archipel qui a subi encore de nom¬ breuses oscillations et un affaissement régulier pendant la pre¬ mière partie du dépôt descouchesdu Jura supérieur. Quant aux dépôts ferrugineux auxquels se mêlaient ces milliards de cé¬ phalopodes amenés de la pleine mer, succéda le régime des courants littoraux caractérisé par les stations de zoophyles et la fréquence de la silice, il est clair qu’il régna pendant une certaine période un régime de transition entre ces deux états si essentiellement différents. Si à cela on ajoute les varia¬ tions de mille courants traversant en tous sens l’archipel dont le sous-sol était le bathonien jaune , on concevra facilement que la durée des zones, des dépôts, des stations animales, a subir une infinité de variations locales, que les changements ne se sont pas effectués simultanément et de la même manière. Ce n’est que plus tard, lorsque le calme est revenu, lorsque l’ancienne loi d’émersion du Jura a repris son cours normal et lent, que les modifications dans le régime des mers se recon¬ naissent avec des caractères identiques sur tout le bassin du Jura. Nous ne sommes plus ici à l’époque du lias, les zones se prolongent avec monotonie sur d’immenses surfaces, la couche bitumineuse des schistes de Boll se retrouve telle quelle

NOtE DE M. JOURDY. 249

à Metz, à Nancy, à Besançon , à Poligny, en Suisse, dans le Wurtemberg.

Si Ton ne tient pas compte de ces conditions , on ne com¬ prendra rien à la géologie des dépôts post-bathoniens. Et c’est en effet ce qui arrive. Ici (Dole, les Brenets), il manque tout le callovien, ailleurs (les Brenets), une partie du corallien : ici, on discute pour savoir si le callovien doit ou non exister, là, s’il doit être rangé dans le Jura inférieur ou dans le Jura su¬ périeur. Le corallien existe-t-il? Et puis encore, suivant la méthode d’Etallon, on divise l’argovien en deux sous-étages, ce qui évite l’inconvénient de prononcer ce mot fatal; on dit alors le Pholadomyen et le Spongitien; mais le second, le fameux calcaire à scyphies, est au-dessous du premier dans le Jura suisse, et c’est le contraire dans le Jura français. Enfin il y a deux calcaires à scyphies. De des discussions et des brouilles, et cependant ils ont tous raison, je viens de le leur prouver. Prenez mon ours, adoptez l’argovien, et la géologie des monts Jura deviendra alors intelligible.

La meilleure manière de montrer comment l’adoption de l’argovien est indispensable à la clarté de cette partie de la géologie, c’est de donner la description de cet étage dans le Jura dôlois.

Division «. Dans les pages précédentes , cette division comprend le faciès du Jura dôlois au voisinage du Jura bison¬ tin; ici elle comprendra le Jura bisontin lui-même, sur lequel il est nécessaire d’insister un peu, en l’absence totale de tra¬ vaux descriptifs sur la géologie de Besançon.

Sur la rive gauche du Doubs, de Fraizans à Salans (en face de Saint-Vit), on peut observer Fargovien bien à découvert.

A. Au-dessus de marnes noirâtres, renfermant YOstrea dila- tata et Y Ammonites cordatus , on voit une marne blanche, quelquefois bleuâtre, souvent feuilletée, renfermant des bancs calcaires de même couleur, assez durs, se séparant en gros rognons.

On y trouve beaucoup de pholadomyes sans côtes, d’ar¬ ches, etc. C’est un vrai pholadomyen.

C’est le niveau de cette grosse ammonite non décrite, de la famille des armati, mais plus ombiliquée et plus épaisse que la plupart de ses congénères. Je la désignerai par la lettre A.

Les marnes sont peu épaisses, 5 à 6 mètres à peine.

B. Au-dessus, on observe un calcaire marneux, d’un gris sale, exploité comme chaux hydraulique (carrière de Fraizans,

250

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

cimetière de Salans); il est stratifié en bancs minces, séparés par des couches de marne feuilletée, de même couleur. Dans le calcaire, on rencontre parfois des nodules à peine sili¬ ceux ; ce sont évidemment de fausses chailles. Ce niveau est bien celui du calcaire à chailles de Besançon.

On y trouve le Collyrites ovalis , et un grand nombre de pholadomyes décrites parAgassiz; c’est également un niveau à pholadomyes. Épaisseur : 5 mètres.

b. La partie supérieure du calcaire est terreuse, avec des cou¬ ches sableuses; on y recueille des'encrines, des polypiers, des spongiaires souvent siliceux, la Terebratula subcoarctata. Épais¬ seur : 5 mètres.

Cette couche se retrouve à Salans, mais n’existe pas à Fraizans.

C. Argile grisâtre et grossière, renfermant des nappes de larges spongiaires souvent cupuliformes; à la partie supé¬ rieure, les bancs sont moins compactes. Les spongiaires sont généralement brisés et encroûtés par cette argile calcaire, mais ils ne sont pas roulés. Mêmes fossiles que la couche b , mêmes caractères de distribution. Épaisseur : 5 mètres.

Au-dessus se rencontre le calcaire corallien à fossiles sili¬ ceux : Pedina sublœms , Glypticus hieroglyphicus, Pygasler um- b relia.

i 2°. Division a'. La vallée du Doubs occupe justement l’emplacement de l’argovien qui a été ou bien enlevé par l’é¬ rosion, ou bien recouvert par les cailloux bressans ; de Frai¬ zans à Rochefort, la berge gauche du Doubs n'est plus juras¬ sique, et la berge droite est formée par les escarpements du bathonien blanc parfois flanqués de couches disloquées du bathohien jaune. Mais, àpartirde Rochefort, l’oxfordien, recou¬ vert en partie par Fàrgovien, suit le bord ouest du rivage bathonien dans unë anse duquel il s’enfonce (environs d’Aihânge), sorte de couloir qui s’avance jusqu’à Serre-les- Meulières. on ne voit rien de pareil à la couche A.

Mais la couche B est reconnaissable , quoiqu’avec d’autres caractères. Les rognons calcaires y sont plus petits ; ceux de la partie supérieure sont couverts de serpules et de trous de pholades.

La couche b y est pétrie de fossiles silicifiés parmi lesquels on peut citer : Megerlea peclunculus , Cidaris Blumenbachn , Collyrites ovalis * et un petit spongiaire extrêmement répandu , Monothela perforata.

NOTE DE M. JOÜRDY.

251

C. Ici, plus de spongiaires, plus de silice; on-a, au contraire, une marne d'un blanc éclatant, avec de grosses pholadomyes, de grosses huîtres de la famille des dilatatœ , de grands Chem - nitzia. Ce n’est plus un spongitien comme la couche G de la division», mais un vrai pholadomyen. On voit que si les géologues suisses admettent deux niveaux de spongiaires, ce qui fait deux spongitiens, il faut ici admettre deux pholado- myens. Ne vaut-il pas mieux reconnaître qu’il y a un étage, l 'étage argovien , dont les dépôts littoraux offrent des varia¬ tions?

A Authurne, palier argovien, qui butte contre le rivage bathonien du bois des Ruppes, montre la couche B formée d’une marne jaunâtre, dans laquelle sont disséminés de petits nodules calcaires, ovoïdes, dont la dureté augmente de la cir¬ conférence au centre, mais qui ne renferment pas de silice ; ce sont depeti tes chailles calcaires et régulières qu’on peut appeler fausses chailles. La couche G de la division a', c’est-à-dire la marne blanche, y est bien développée; elle renferme une mul¬ titude de grandes huîtres dont j’ai pu recueillir Une série in¬ téressante. A Archelangë, elle est surmontée par iin calcaire corallien mal stratifié, contenant le Glypticus hieroglyphicus , VHemicidans creiaularis , etc.

Au-dessus de la faille , qui, auprès de Dole, met Fargovien en contact avec le séquânien , on trouve quelques tares chailles siliceuses et une mince coüche avec Megerlea pectùncu- lus , tantôt calcaire, tantôt siliceux.

Division a". Le palier argovien de Dôle montre une autre variété du faciès littoral de l’étage argovien. Ce faciès peut s’observer de la base sommet : 1“ dans la tranchée du chemin de fer contre la gare de Dôle; dans les Grandes- Carrières.

Sur les marnes à Amrdonites cordatüs , on voit d’abord une couche marneuse, d’un rougë vif, de quelques centimètres d’é¬ paisseur; pas de fossiles. Puis une couché calcaire de 10 mètres environ, dont les caractères ne sont pas stables. Dans la tranchée chemin de fer, les premiers bancs qui surmontent la marne rouge sont d’un jaune vif, compactes, à cassure plane, montrant des paillettes spathiques. On y trouvé des ammonites de la famille des biplex , un grand nombre d’individus d’une certaine espèce de perne, de grosses phola¬ domyes, etc. En remontant la série, les calcaires deviennent moins colorés ; iis sont stratifiés en bancs plus minces et për-

25*

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

dent leurs feuillets spathiques; plus haut encore, contre la gare, ils revêtent unetexture oolithique, deviennent blanchâtres et alternent avec des couches marneuses.

Aux Grandes-Carrières, l’équivalent des couches A et B, offre la coupe suivante :

Calcaire d’un blanc mat, renfermant une grande quantité d’ar¬ ticulations d’encrines très-grêles, d’un blanc éclatant. ... lm50 Calcaire renfermant des articulations d’encrines moins abon¬ dantes, mélangées avec des oolithes, gris-b’eu ou gris à la

cassure, mais devenant à l’air d’un blanc sale . B »

Calcaire oolithique miliaire blanc ou bleu clair . 4 »

Calcaire irrégulièrement oolithique, d’un blanc sub-cra^eux, avec de rares rognons de silice blanche, désagrégée, tachant les doigts . 15 »

Total . 23m50

Tels sont, dans la division a", les analogues des couches A et B des divisions « et a. On voit que malgré la proximité de la distance il y a d’énormes différences.

G. Marnes de Dole . La couche que j’appelle ainsi est précisément la même que la couche C de la division «' (palier d’Amange) et n’a pas de rapports avec la couche supérieure du Jura bisontin (argile à spongiaires de Salans). Il est inutile d’en retracer les caractères. Ajoutons seulement qu’on y trouve des couches d’un calcaire feuilleté, quelquefois en tablettes ou même en dalles. On y recueille des ammonites de la famille des canaliculati. Épaisseur : 10 mètres.

La hase et le sommet se séparent un peu delà masse par la tendance des couches calcaires à se présenter en rognons ; la base est dépourvue de fossiles, le sommet renferme une faune dont plusieurs espèces passent dans l’étage corallien, mais dans sa partie inférieure seulement.

Dans la division la base est exploitée comme pierre de taille, le sommet, pour la chaux hydraulique; dans la divi¬ sion «, c’est la base qui fournit la chaux hydraulique; nous allons voir que dans la division |3, tout l’étage présente ce ca¬ ractère.

Division p. Ici , plus de traces de spongiaires ; de la base au sommet, il n’y a que des stations de pholadomyes; le faciès n’est plus littoral, mais subpélagique. Il s’observe au sud et sur le flanc ouest de la Serre.

NOTE DE M. JOURDY.

253

Au sud de la Serre, il prolonge l’argovien du palier de Dole, de Champvans à Saint-Ylie. Sur le flanc ouest de la Serre, il entoure les pitons bathoniens en formant des ceintures ou des selles.

A. La base est un calcaire marneux, se fusant à l’air, d’un bleu pâle.

B. Les bancs supérieurs sont blancs avec taches ocreu- ses ; on y trouve la perne des calcaires inférieurs de la divi¬ sion a", et l’ammonite de la famille des armati signalée plus haut sous la lettre A, dans la couche A de la division a. Tout au sommet, le calcaire devient moins marneux; il contient plusieurs espèces d’ammonites voisines de la précédente. Épaisseur : 20 mètres.

G. Marnes de Dole. Marnes blanches, avec bancs de cal¬ caires marneux intercalés ; les uns sont très-terreux et ren¬ ferment ia perne déjà citée, et un grand nombre d’huîtres dont il a été également parié. On y trouve, comme dans la zone inférieure, des fossiles dont le test est remplacé par une mince couche ocreuse (Area, Pholadomya , Cardium). Les bancs supérieurs sont plus durs et plus minces, et renferment beaucoup de petits acéphales, ainsi que quelques fossiles qui sont très-communs dans le corallien. Cette couche peut s’ob¬ server très-bien au mont de Champvans , à Plumont , au-des¬ sus de la prise d’eau.

Voilà donc un étage qui, sur un espace de quelques lieues, a quatre faciès principaux différents, qui renferme des nappes de spongiaires, des chailles calcaréo-siliceuses,des marnes, des calcaires terreux, oolithiques, à entroques même. N’est-il pas naturel de supposer que, dans toute l’étendue des mers du Jura, les variations ont présenté des caractères bien autrement graves ? Parce qu’il sera calcaire, ce n’est pas une raison pour en faire de l’oxfordien; parce qu’il sera siliceux, à chailles, avec des nappes de spongiaires ou des récifs de coraux, ce n’est pas une raison pour en faire du corallien.

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

Tableau du synchronisme des couches argoviennes.

FACIÈS LITTORAUX.

FACIÈS PÉLAGIQUE.

JURA BISONTIN.

(Division a)

JURA DOLOIS.

(Division fH)

COULOIR D’aMANGE

et palier d’Authiîme. (Division a)

PALIER DE DOLE.

(Division a")

Extrémité sud et ouest

du Jura dôlois.

Couche à Spongiaires.

(G)

Marnes de Dole.

(G)

Marnes de Dole.

Marnes de Dole.

(G)

A canaliculatus.

Couche à Megerka pectunciilus.

W

Couche à Mef/erlea pectunculus.

m

(G)

A. canaliculatus.

Cale, rognonné avec fausses chailles.

(B)

Fausses chailles.

(B)

Calcaires à entroques.

oolithiques.

terreux. Calcaires à lamelles

spathiques, repré¬ sentant (B) et (A)

Marnes bleues à

Ammonites A.

Marnes bleues à Am¬ monites A.

(A)

Inconnu.

?

(B) et (A).

Marnes à A .cordatus.

Marnes à A . cordatus

Pour finir, j’ajouterai une observation utile aux savants qui se préoccupent du tithonique. U Ammonites A ne se rapproche que des espèces portlandiennes. Aux Grandes-Carrières on trouve en assez grande quantité Y E chinobrissus avellana qui n’a jamais été recueilli plus bas que le kimméridgien.

Je suis intimement convaincu qu’une étude attentive de l’argovien dans le Jura dôlois donnerait d’autres observations du même genre, et qu’on pourra en conclure que les divisions du Jura supérieur, que l’on appelle des étages , ne sont va¬ lables que dans la région littorale ou subpélagique régnait un régime très-compliqué de courants, mais qu’à la pleine mer elles doivent disparaître.

L’étude de l’étage argovien montre que les stations littorales à zoopbytes nous donnent quatre couches différentes, tandis que le faciès subpélagique n’en donne qu’une.

D’après ces idées, l’étage argovien n’existerait que jusqu’à

NOTE DE M. JOURDY.

255

une certaine distance du rivage, distance que des travaux ul¬ térieurs pourront déterminer exactement, mais qui a s’é¬ carter assez peu de la pointe sud de la Serre, tandis qu’elle s’éloigne beaucoup du rivage, en face du golfe alsatique (Gressly).

Étage corallien.

D’après les particularités précédentes sur les stations des faunes argoviennes , on peut conclure que la partie du Jura dôlois qui touche au Jura bisontin offre le caractère d’une région littorale, tandis que la partie de cette contrée qui s’é¬ tend au sud de la Serre tend de plus en plus à revêtir le carac¬ tère pélagique; les paliers argoviens de Dôle et d’Authume présentent un mélange des deux faciès; mais si l’on s’éloigne de la Serre, on constate une uniformité de la roche et de la faune qui contraste avec les variations nombreuses que l’une et l’autre présentent le long du rivage bathonien.

Le mouvement général d’affaissement qui a suivi le soulève¬ ment post-bathonien se termine au dépôt des marnes de Dôle; en même temps se produisaient des mouvements parti¬ culiers qui achevaient de donner au rivage l’aspect définitif qui ne devait cesser qu’avec les terrains jurassiques, C’est sur ces couches, venant de recevoir leur dernier modelé, que se sont déposées les assises coralliennes. La configuration du bassin qui entourait alors le Jura dôlois peut se déterminer par l’observation des faunes qui ont succédé à la faune argo- vienne.

I. Division a. De même que pour Pargovien, nous irons chercher ce faciès dans le Jura bisontin, de Fraizans à Saîans. Là, les couches argoviennes sont surmontées de vrais récifs fossiles de zoophytes. L’étude de ces récifs serait d’un haut intérêt, car leur distribution est des plus variables.

Ici (Salans), les polypiers largement étalés sont nombreux et entourés de leur colonie habituelle d’échinides,de peignes, etc.; les fossiles sont irrégulièrement siliceux. (Fraizans), les encrines remplissent la roche du milieu de laquelle leurs racines énormes se détachent par l’aspect chatoyant de leurs nacre blanche, rose ou noire; les tiges paraissent être en place ou légèrement couchées, les calices, les bras sont bien conservés: tous les fossiles sont calcaires.

II. Division /3. Le palier d’Authume est surmonté de quel-

SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

256

ques couches coralliennes qui sont siliceuses par taches ; mais l’ensemble de la zone corallienne qui borde les deux paliers argoviens de Dole et d’Authume offre un aspect tout différent du faciès a (1).

(1) Il serait trop long d’expliquer complètement ici ce qu’on entend par ces mots : paliers argoviens. Ce sujet rentre dans la partie de mes études qui traite de l’orographie. Pour le moment, il suffit de savoir que, au pied des escarpements formés par le hathonien blanc, les couches supérieures de l’argovien sont fortement inclinées et sont étalées sur les couches tombées du hathonien jaune ; mais, à quelque distance de la lisière bathonienne, les couches argoviennes reposent sur une voûte surbaissée du hathonien dont elles sont séparées par l’oxfordien, de manière à former une partie relative¬ ment plate qui a reçu ici le nom de palier. On peut constater un palier à Dole et un à Authume. Les mouvements particuliers du rivage qui eurent lieu à la faveur de l’affaissement général depuis le callovien jusqu’au co¬ rallien, donnèrent à ces paliers une configuration de plus en plus marquée; la partie plate resta un haut-fond pendant l’argovien, comme le démontrent les variations de faune et de roche dont le caractère est éminemment littoral, tandis que le pied de ces paliers s'enfonça graduellement de manière à don¬ ner un bas-fond, comme on est forcé de le constater par l’aspect pélagique des dépôts coralliens de Dole et par la coupe bizarre qu’une faille gigan¬ tesque et incompréhensible serait seule capable d’expliquer. Contre le bas de ce palier, les roches coralliennes et séquaniennes viennent heurter le bassin argovien.

Fig. 2. Coupe du palier argovien de Dôle.

Chainon I. Bois de

280“ sapins. 225m

Palier.

< - >

Grandes- Gare de

Carrières. Dôle. Dôle. Doubs, R.

Bb. Bathonien blanc. Bj„ ■— Bathonien jaune, C\ Callovien (?).

O. Oxfordien.

A. Argovien.

C. Corallien.

S. Séquanien.

Br. Cailloux bressans.

NOTE DE SI. JÜURDY.

257

Les couches inférieures de l’étage corallien y sont composées d’un calcaire marneux mal stratifié, s’enlevant en plaquettes irrégulières. Les oursins sont nombreux et bien conservés; mais les polypiers sont usés et irrégulièrement enveloppés d’une gangue calcaire très-adhérente. On ne saurait voir dans cette couche que des lits mal agglutinés par l’effet du mouve¬ ment des vagues, au milieu desquels se rencontrent des fos¬ siles dont les uns sont en bon état, les autres plus ou moins charriés. Ce n’est pas, il est vrai, un parfait faciès de transport; mais les polypiers n’y vivaient évidemment pas sur place comme dans les récifs de Fraizans. La silice est rare dans ces couches, dont l’épaisseur est de 4 ou 5 mètres.

Les fossiles les plus répandus sont : Pygaster umbreila , Glyp- ticus hieroglyphicus , Cidaris Blumenbachii , Hemicidaris crenula- ris , etc., des Pecten , des Lima, des Terebratula , des Rhyncho- nella.

Au-dessus de ces couches calcaréo-marneuses, on observe un calcaire compacte,gris, sans oolithes, à cassure bréchiforme ; les couches inférieures contiennent des polypiers dont les ca¬ lices ne sont pas déterminables, des baguettes de Cidaris , des térébratules et des rhynchonelles; les couches supérieures ne contiennent plus que des brachiopodes. On a une bonne coupe de cette assise dans les rochers de Saint-Ylie; sa puissance est de 15 mètres environ.

La troisième assise est un calcaire oolithique dont les oolithes sont peu serrées, irrégulières ; le calcaire est gris et gris-bleu, très-compacte. Les fossiles y adhèrent au point qu’on ne peut les obtenir que sur la surface de séparation des lits; ce sont des nérinées, des Diceras , parmi lesquels j’ai pu reconnaître le Diceras arietinum. Puissance : 15 mètres.

La dernière assise est un calcaire compacte, à cassure con- choïdale, d’un blanc plus ou moins pur, et renfermant quelques petites nérinées; quelques couches marneuses, sans fossiles, terminent l'étage corallien. Puissance : 10 mètres.

III. Division y. Si l’on comprend dans cette division la zone corallienne qui s’étend sur la lisière occidentale de la Serre, on peut constater que là, à l’inverse de ce qui avait lieu pour les étages inférieurs, tout se passe comme à Dole sur le bord des paliers.

A Raynans, l’argovien est visible : ce sont les marnes de Dôle; le corallien offre quelques traces de silice et de polypiers en place comme sur le palier d’Authume. A Menotey, î’argovien Soc. g'ol., r série, t. XXVIII. 17

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

et le corallien sont les mêmes qu’à Saint-Ylie; de même à Chevigney , à Brans. Cette uniformité de roches et de faunes implique nécessairement l’identité de conformation des régions ; il faut donc admettre que le pied occidental de la Serre était le rivage d’une mer profonde, ou assez voisine d’une mer profonde soumise au régime sub-pélagique.

C’est, en effet, ce qui existe.

M. E. Perron, dans ses études géologiques dans la Haute- Saône, a indiqué très-nettement la conformation du golfe vé- sulien au moment commença la série des couches coral¬ liennes. Il a rédigé, il y a une dizaine d’années, un mémoire encore manuscrit que M. de Fromentel a mis à contribution pour son Introduction à la description des polypiers coralliens de Champliüe (, Société linnéenne de Normandie) ; grâce à l’obli¬ geance de l’auteur, j’ai ce mémoire sous les yeux, et je suis heureux de faire connaître le travail de celui qui a conseillé et encouragé mes premières études géologiques.

D’après M. Perron, le golfe vésulien communiquait, à l’é¬ poque corallienne, avec le bassin de Paris par le détroit vosgien non encore fermé , et avec le bassin du Jura par la région qui s’étend au pied des contre-forts bathoniens qui prolongent la pointe méridionale de la Serre. Après les dépôts argileux de l’oxfordien, les dépôts argilo-calcaires de l’oxfordien supé¬ rieur (argovien) consolidèrent quelque peu les vases du golfe; les nappes des spongiaires purent s’étaler sur les hauts-fonds comme une sorte de dallage propre à l’établissement des poly¬ piers coralliens, qui se développèrent alors avec une richesse remarquable, mais d’une façon différente suivant la confor¬ mation du rivage. Sur la rive droite de la Saône, c’est-à-dire sur les hauts-fonds à pente douce qui s’étalaient au pied sud et sud-ouest des Vosges, les polypiers s’accumulaient en cou¬ ches successives qu’on retrouve aujourd’hui en parfait état de conservation; les calices de ces zoophytes sont parfaitement bien conservés. Ghamplitte est, du reste, une localité renom¬ mée pour le nombre et la beauté de ses polypiers. Mais contre le rivage qui s’étendait au pied du môle vosgien (bande de jurassique inférieur qui reliait la Serre aux Vosges), les couches inférieures du corallien ne renferment que des coquilles bri¬ sées, des polypiers usés; on y trouve à la fois les caractères d’un dépôt de transport et d’une mer profonde. Le seul fossile qu’on y rencontre entier est le Trichites giganteus. Ce faciès peut s’observer à Gharcenne, tout contre le Jura bisontin.

NOTE DE M. JOURDY.

259

Il résulte de que les pentes douces, favorables aux récifs, qui prolongeaient le pied des Vosges, s’enfonçaient brusque¬ ment vers le milieu du golfe pour se continuer par un bas- fonds; les courants paisibles qui favorisaient sur la côte le développement de ces masses de polypiers siliceux, devenaient, au large, soumis à un régime d’agitation.

C’est exactement ce que nous enseigne l’étude des couches coralliennes de Dole. D’après cela, il est évident que la divi¬ sion /3 et Indivision y n’en font qu’une. Si elles ont été séparées dans la description, c’est pour rendre plus facile au lecteur cette idée que le flanc nord-ouest de la Serre, si différent des environs de Dôie pendant les étages du jurassique inférieur, se trouvait, dès l’époque corallienne, en parfaite conformité avec eux. Ce fait prouve bien l’importance du soulèvement post- bathonien et des mouvements moins étendus qui l’ont suivi.

Dans le Jura graylois, comme dans le Jura dôlois, comme dans le Jura bisontin, les dépôts coralliens peuvent se classer en deux parties distinctes.

La partie inférieure est toujours riche en polypiers, accom¬ pagnés d’une grande quantité d’oursins; les polypiers appar¬ tiennent à des espèces larges et plates à la base de l’étage, globuleuses un peu plus haut(!Vl. E. Perron). La roche est mar¬ neuse ou calcaréo-marneuse, imprégnée de silice dans les sta¬ tions littorales.

La partie supérieure contient encore des polypiers apparte¬ nant à des espèces de forme élancée; les gros gastéropodes y abondent ( Nermea , Chemnitzia , Turbo , Trochus , Pleurotoma- ria, etc.). La roche est calcaire, compacte, oolithique; son faciès se rapproche beaucoup de celui des roches des étages supérieurs du terrain jurassique.

Les patientes recherches et les vues originales de Gressly ont jeté sur l’étude du corallien un jour tout nouveau; mais une telle matière est loin d’être épuisée, et plusieurs années se passeront avant qu’on soit fixé sur le rôle de cet étage dans la classification jurassique. Cependant on doit reconnaître qu’on a fait des progrès depuis l’époque l’on appelait coral-rag un ensemble de couches renfermant des polypiers ; l’introduction des étages argovien et séquanien, due à M. Marcou, a été un premier pas dans l’éclaircissement des difficultés. M. Greppin {Essai géologique sur le Jura Suisse) a proposé, avec raison, l’abandon du mot corallien qui représente pour les géologues de pays différents des idées aussi opposées entre elles; il pro-

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

pose d’appeler étage rauracien ce qui reste de l’ancien coral¬ lien qu’on a depuis simplifié et délimité plus nettement. Dans mon Essai sur une nouvelle classification des terrains jurassiques (1) je suis allé plus loin, en reléguant l’étage corallien proprement dit au rang d’un sous-étage; je n’ai pas voulu introduire la dénomination excellente due à M. Greppin pour ne pas trop choquer les notions habituelles de la géologie française; je reconnais cependant qu’il y aurait tout avantage à le faire.

Etage séquanien.

Dans une note sur le séquanien aux environs de Dole (Bull. Soc. Géol. , 2e série, t. XXIII, p. 155), j’ai donné la série des cou¬ ches de cet étage. A ce propos, je ferai remarquer que la figure 3 (p. 159) est inexacte, et qu’aucune différence de stra¬ tification ne peut s'observer à la limite des étages séquanien et corallien.

C’est à M. Perron que je dois le point de départ de cette étude. Dans un envoi de fossiles que je lui avais fait pour obte¬ nir des déterminations, ce géologue fut frappé de la faune de Damparis et deSaint-Ylie,et y reconnut l’étage séquanien qu’il avait depuis longtemps étudié aux environs de Gray. Plus tard, je vis le séquanien dans le Jura graylois, et je retrouvai exacte¬ ment les couches de Damparis, Brevans, Crissey ; la ressem¬ blance était parfaite, à quelques exceptions près, parmi les¬ quelles on peut citer la présence des astartes dans les couches nférieures du séquanien graylois.

A Dole, ce genre d’acéphales est très-rare, et ne forme plus ces lumachelles qui ont fait donner à cet étage le nom d’as- lartien9 sous lequel il est encore connu dans le Jura français et dans le Jura suisse.

Depuis l’époque (1865) j’ai publié ma note, l’étage séqua¬ nien, alors fort discuté, est universellement admis; il suffit de regarderies feuilles delà carte de Suisse pour juger de l’im¬ portance qu’on lui accorde aujourd’hui. En dehors du Jura, M. Cotteau, cédant un peu aux instances de M. Michelot, s’est occupé des assises à Terebratula humeralis , eta reconnu com¬ bien elles sont différentes de ce qu’on appelait à tort le coral- rag. A Boulogne, à Trouville, on trouve des couches plus ou moins épaisses caractérisées par une petite faune d’astartes,

(1) Voir iu/rù, séanc du 7 septembre 1871.

NOTE DE M. JOIJRDY.

261

d’huîtres, de térébratuîes, de gastéropodes, qui est parfai¬ tement séquanienne, tout aussi bien que celle de Damparis. M. Michelot, qui a visité un grand nombre de localités dans le bassin de Paris et dans le Jura, est convaincu de ce fait, et les coupes qu’il m’a montrées ne permettent pas d’hésita¬ tions.

Dans la note dont j’ai parlé, je ne m’étais proposé que la description des couches, sans pouvoir les grouper. Quand je reprendrai une étude sur le terrain, j’achèverai cette partie de ma tâche; dès à présent, en rappelant mes souvenirs, je crois pouvoir caractériser ici le séquanien de Franche-Comté de la façon suivante :

Au-dessus des calcaires compactes blancs, avec quelques nérinées, du corallien supérieur, on rencontre une couche va¬ riable dans son épaisseur et ses éléments. En général cette cou¬ che est de 15 mètres ; elle se compose de calcaires jaunes à ooli- thes miliaires; quelques bancs sont blancs et offrent l’aspect du great oolithe de France et d’Angleterre. De nombreux lits de calcaire schisteux sont intercalés. A la partie supérieure, on rencontre une assise de calcaire gris-bleu, à cassure pail¬ letée, s’enlevant en dalles, dont les supérieures portent des traces d’usure par les vagues.

Les fossiles de la partie inférieure sont roulés; ce sont gé¬ néralement des nérinées coralliennes, des serpules en pa¬ quets, des polypiers sur lesquels sont fixés des mollusques perforants; un peu plus haut, ces fossiles roulés sont mélangés de petits fossiles bien intacts. Quant aux calcaires schisteux, ils renferment une grande quantité d’acéphales généralement sans test et beaucoup d’autres fossiles. Cet ensemble de calcai¬ res forme une assise qu’on peut appeler la partie inférieure du séquanien, car ses dernières couches portent la trace de l’ac¬ tion des vagues et semblent ainsi se séparer de celles qui les surmontent.

Celles-ci comprennent un massif marneux au milieu du¬ quel est intercalé le banc épais des calcaires exploités entre Saint- Ylie et Damparis. La faune des couches marneuses res¬ semble beaucoup à celle du séquanien inférieur; mais la pré¬ sence de céromyes, d’huîtres et de pholadomyes, voisines des espèces kimméridgiennes, conduisent le géologue à y recon¬ naître un sous-étage différent de celui des calcaires inférieurs.

Les calcaires compris dans ces marnes forment à Damparis un banc très-épais qui fournit le marbre de Saint-Ylie; mais

SÉANCE DU h SEPTEMBRE 1871.

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dans les environs de Gray, ils sont mal stratifiés, fissiles, et ne peuvent être exploités que pour l’entretien des routes. La faune de cette assise calcaire se compose surtout de nérinées qui sont encore peu étudiées, mais qui paraissent bien diffé¬ rentes des nérinées coralliennes.

Dans le Jura dôiois, il n’est pas possible de délimiter en haut l’étage séquanien; mais tout porte à croire que les der¬ nières couches séquaniennes qu’on peut y observer ne sont pas celles sur lesquelles repose l’étage suivant.

Etage kimmèridgien.

Aux environs de Raynans, au milieu de roches bouleversées, on peut observer, au-dessus de calcaires sans fossiles, une couche marneuse contenant des Oslrea virgula roulées.

Ces roches sont-elles kimméridgiennes ou portlandiennes? G;est une question difficile à résoudre. Les étages du terrain jurassique supérieur ont été, dans cet endroit, comprimés par la chute d’une voûte gigantesque formée par le lias et le ter¬ rain jurassique inférieur, qui, en s’arc-boutant sur les roches su¬ périeures, ont produit des accidents orographiques singuliers, au milieu desquels la stratigraphie est très-pénible. Un peu en dehors du Jura dôiois, à Pesmes, M. Perron assimile des cal¬ caires compactes, perforés, aux calcaires portlandiens.

Le long de l’escarpement qui surplombe la rive gauche de l’Ognon, entre Pesmes et Montrambert, on observe un massif de calcaire dans lequel on peut bien reconnaître diverses as¬ sises, mais qui est dépourvu de fossiles. M. Michelot y voit le séquanien supérieur, le kimmèridgien et le porilandien infé¬ rieur.

IV. Dépôts postérieurs au terrain jurassique.

Terrain crétacé.

Etage néocomien. M. Perron a découvert, aux environs de Brans, une vigne dans laquelle on trouve le Spatangus retusus et VOstrea Couloni en grande abondance. M. Michelot, qui m’a montré ce gisement, a remarqué que la terre rougeâtre, qui renferme ces fossiles, est encadrée dans une terre blanche con¬ tenant VOstrea virgula , et comprend, à son centre, un espace de quelques mètres carrés dans lequel on trouve des fossiles à test sulfuré qu’il considère comme des espèces du gault.

NOTE DE M. JOTJRDY.

263

Le néocomien et le gault ont élé retrouvés par M. Perron et par M. Pidancet aux environs de Vitreux (au delà d’Ougney).

Dépôt Bressan.

Dans les anfractuosités du Jura dôlois et tout autour du massifpéninsulaire formé par les roches jurassiques, on trouve une argile rougeâtre, souvent ferrugineuse, renfermant un nombre variable de cailloux roulés appartenant à des roches siliceuses étrangères aux Monts-Jura. L’origine de ces roches est encore problématique; leur détermination est cependant un problème facile, que je me propose d’aborder dès que le temps me le permettra. La forêt de Chaux est tout entière sur ces cailloux, sur les sables et les argiles qui en dépendent, et constitue un vaste espace boisé qui s’étend dans le golfe com¬ pris entre le Jura dôlois, le Jura bisontin et le Jura salinois.

Suivant les probabilités minéralogiques, ces roches, dans lesquelles le quartz et les quartzites entrent pour une notable fraction, doivent provenir des Vosges; et cependant elles ne se rencontrent pas ou très-peu sur le versant du Jura dôlois qui regarde ces montagnes, tandis qu’elles couvrent sur une épais¬ seur de 20 à 30 mètres le revers opposé. Cette anomalie peut s’expliquer par des mouvements de glaciers; la forme et l’a¬ gencement de ces cailloux roulés sont, du reste, des preuves de l’origine glaciaire de ce dépôt; cependant la présence du fer qui y forme un véritable minerai ne paraît pas pouvoir ré¬ sulter exclusivement de l’action des glaces.

Entre Mont - sur- Vaudrey et Poligny, on peut observer la superposition des débris des moraines quaternaires au dépôt bressan, ce qui conduit à considérer ce dernier comme anté¬ rieur à la grande débâcle qui précipita les glaciers jurassiens dans la vallée du Rhône. Mais ces cailloux bressans sont-ils bien tertiaires comme le supposent les quelques auteurs qui y ont fait allusion? C’esi ce qu’il n’est pas encore permis d’af¬ firmer.

Dépôts quaternaires.

Ici, les difficultés sont encore plus grandes. Il est difficile de supposer que la Serre avait des glaciers, car tout porte à croire que l’orographie quaternaire du Jura dôlois différait peu de l’orographie actuelle.

Mais il est hors de doute que la fusion des glaciers du Haut- Jura fût une source d’inondations gigantesques qui parcouru-

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SÉANCE DU 4 SEPTEMBRE 1871.

rent violemment le pied occidental des Monts-Jura. Le fait qui a été longtemps nié est parfaitement acquis par des observa¬ tions qui ne sauraient trouver place dans une note succincte.

Dôle est trop éloigné du parcours des masses glaciaires en mouvement pour que l’action oblatrice ait été considérable; aussi le phénomène gigantesque de la débâcle jurassienne n’est-il manifesté dans le Jura dôlois que par des dépôts super¬ ficiels qui, aux environs de la Serre, ont remanié les roches siliceuses de cette montagne, pêle-mêle avec les silex ruban- nés du bathonien jaune et quelques cailloux calcaires. Les coupes des derniers dépôts sont celles qui résulteraient de re¬ mous, de remaniements opérés seulement en des points peu nombreux.

Cette question est certainement du plus haut intérêt, mais ne peut être résolue que par l’étude de la dislocation des moraines dont quelques débris encore peuvent être observés au-dessus de Poligny et de Salins.

M. Belgrand, ne pouvant de quelques jours s'absenter de Paris, la Société décide que la course projetée à la Pa- dole est renvoyée au jour notre savant confrère pourra nous conduire lui-même sur le lieu de ses intéressantes découvertes.

Le Président annonce que le Règlement révisé par le Conseil, dans ses séances des 11 et 14 avril, 9 et 23 mai 1870, et qui n’a pu être discuté par la Société dans sa séance du 27 juin 1870, par suite de l'insuffisance du nombre des membres présents ce jour-là (article 12 du Règlement) (Voir Bull., t. XXVII, p. 696), sera soumis à l’examen et au vote de la Société, dans la seconde séance de novembre 1871, soit le 20 novembre 1871.

La Société décide ensuite, sur la proposition du Secré¬ taire, qu’elle tiendra une séance supplémentaire le jeudi 7 septembre, à huit heures du soir.

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Bull. delà. Soc. &éol. de France.

2eSérie.TXXVIII.BL.2.p. 265 .

doDn&cviÿc.

Os dit alither remportant des traces dmcision

NOTE DE M. FARGE.

265

Séance du 7 septembre 1871.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GERVAIS.

M. Bioche, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit :

De la part de M. Rames, La Création d’après la Géologie et la Philosophie naturelle , 2e fascicule, Paris, 1871, chez F. Savy.

De la part de M. Terquem, Troisième mémoire sur les Fora- minifères du système oolithique , comprenant les genres Frondicu- laria, Flabellina, Nodosaria, Dentalina, etc., de la zone à Ammonites Parkinsoni, de Fontoy {Moselle] (2e série), in-8°, p. 197 à 278, pl. XXII à XXIX, Metz, 1870, chez Lorette.

De la part de M. Tournai, Compte rendu des Courses géolo¬ giques de V Audeiannée 1871), in-8°, 8 p., Bagnères-de-Bigorre, 1871 , chez J. Cazenave.

The Journal of the Royal Dublin Society , t. V, 1870.

M. A. Gaudry dépose sur le bureau, de la part de M. J. B. Rames, le 2e fascicule de la Création d'agrès la Géolo¬ gie et la Philosophie naturelle .

Il met ensuite sous les yeux de la Société, au nom de M. Farge, un fragment d'avant-bras d ’Halitherium , trouvé à Chavagnes (Maine-et-Loire), et communique à ce sujet la note suivante :

Sur un fragment d’os d’ H alitherium portant des traces d’incisions ;

par M. Farge (PL II).

J’ai l’honneur de faire présenter à la Société un fragment d’os d ’Halitherium, radius et cubitus (M. Albert Gaudry a eu l’obligeance de vérifier cette détermination), qui paraît porter de nombreuses traces d’incisions.

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

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Cet os a été remis àM. du Landreau, avec plusieurs frag¬ ments de côtes, parles journaliers qu’il emploie pendant l’hi¬ ver à tirer de la mollasse coquillière destinée aux fours à chaux, et des faluns meubles utilisés comme amendement des terres. La localité est Chavagnes-les-Eaux, petit bourg de Maine-et- Loire, à 10 kilomètres de Doué-Ia-Fontaine, Renou avait recueilli un grand nombre de coquilles tertiaires décrites par Lamarck, et quelques-uns des os ou dents rapportés par Cu¬ vier à son Hippopotamus médius f et plus tard au Lamantin d’An¬ gers.

On paraît généralement d’accord pour placer ce terrain dans le miocène moyen, le falunien de d’Orbigny; il renferme en abondance les dents du Carcharodon megalodon, la plupart des coquilles des faluns de Touraine, avec lesquels il se relie au nord du département, et M. l’abbé Bardin vient d’y signaler plus de cent espèces de gastéropodes communes au bassin de Vienne et à l’Anjou, d’après les déterminations d’Hœrnes lui- même.

Les bancs sont tantôt compactes sur toute leur épaisseur, comme à Doué, ils ont une puissance connue de plus de 10 mètres, tantôt compactes à la surface seulement pendant 3à4 mètres, au-dessous desquels se trouve une couche meuble plus épaisse; les uns et les autres sont formés presque exclusi¬ vement de débris de coquilles et de bryozoaires souvent réduits en poussière, et d’un peu de sable avec petits cailloux roulés; ceux-ci ne sont point en lits distincts, mais partout mélangés à la pâte.

C’est de la couche compacte que provient le fragment que je présente.

Les stries ou traces d’incision y sont nombreuses; on en compterait bien une vingtaine; elles ont toutes les mêmes di¬ rections, mais en général elles sont très-obliques par rapport à la longueur de l’os; la plupart sont superficielles, quelques- unes étroites et fines, d’autres plus larges et comme si un lam¬ beau de quelques millimètres eût été détaché. Elles occu¬ pent toutes les faces de l’os, plus spécialement l’antérieure et l’externe. Enfin elles ne sont point récentes; la gangue pé¬ nètre dans quelques-unes, et les bords sur plusieurs sont mous¬ ses et même légèrement frottés.

L’origine de ces entailles me laisse, je l’avoue, plus d’un doute, et, si nettes qu’elles soient, elles ne ressemblent pas à celles que j’ai vues sur les os de la période quaternaire.

NOTE DE M. FARGE.

267

Il est difficile de se rendre compte du but dans lequel elles auraient été faites. Ce but aurait être la fragmentation deTos, soit pour l’extraction de la moelle, soit pour la préparation d’un instrument, ou bien encore le grattage. Ces différentes intentions déterminent dans les incisions des caractères que je crois assez constants. Tout d’abord il faut écarter la recher¬ che de la moelle, puisque les os des mammifères aquatiques n’en contiennent pas. Mais la fragmentation, même pour un but ignoré, a encore, qu’on nous permette de le dire, ses règles et ses procédés. Si maladroits que soient les coups, si nombreuses que soient les tentatives de l’instrument tranchant, ses traces sont toujours très-rapprochées, tendant au même point, bornées le plus souvent à une face ou au plus à des surfaces opposées symétriquement, enfin elles ont une direc¬ tion d’ensemble qui les fait concourir à peu près au même point. Celles de l’os que j’étudie sont disséminées partout, sur tous les points, sur toutes les faces, dans toutes les direc¬ tions.

Reste le grattage. Les traces sont généralement plus super¬ ficielles que celles que nous voyons ici, le plus souvent paral¬ lèles entre elles, occupant les points d’adhérence des chairs, et suivant la longueur de l’os, telles, en un mot, à la finesse près, que les font les anatomistes novices dans la préparation des os avant ou après macération. Dans notre pièce, l’os n’est pas gratté, il est incisé.

Cependant ces incisions sont beaucoup moins profondes que celles qu’a montrées M. l’abbé Delaunay sur des côtes d’un animal du même genre et du même étage géologique, mais d’une localité distante d’environ 80 kilomètres (Saint-Michel-de- Ghaine, près Pouancé, Maine-et-Loire). Celles-ci entament l’os sur plusieurs lignes d’épaisseur, et attaquent la partie que M. Delaunay considère comme silicifiée.

Dans l’os de Chavagnes, il existe deux couches, l’extérieure jaune-clair, plus tendre et nettement calcaire, bornée à 3 ou 4 millimètres de profondeur; l’intérieure, brune, beaucoup plus résistante, correspondant à ce qu’on a considéré comme sili- cifié, mais ne renfermant, d’après les analyses de mon collè¬ gue et ami, M. l’ingénieur Brossard deCorbigny, que du phos¬ phate de chaux. Toutes les incisions sont ici dans la couche tendre et superficielle, aucune n’atteint la partie dure et pro¬ fonde.

D’autres hypothèses ont été émises pour expliquer ces

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

stries et coupures. Deux entre autres : le frottement de silex aigus dans un tassement. Mais, outre qu’il y aurait une direction moyenne presque nécessaire, je dois dire qu’en cherchant maintes fois et avec soin des silex taillés dans nos faluns, je n’y ai jamais trouvé même des fragments aigus; tous sont mousses et très-roulés ; de silex taillés ou éclatés, il n’y a nulle trace; les fragments aigus ou tranchants sont des débris d’Ostrea ou de Pecten , moins résistants eux-mêmes que l’os à entamer.

Suivant une note insérée dans le Bulletin , M. Delfortrie a attribué les incisions des os tertiaires à la dent des poissons. Je dois dire que des dents aiguës et très-dures d’Oxyrhina , de Carcharodon et de Lamna sont extrêmement nombreuses dans notre miocène, les enfants et les paysans les ramassent et les nomment, comme au moyen âge, langues de serpents.

Bien que les'incisions de la pièce de Chavagnes ne présen¬ tent pas, d’une manière absolue, le parallélisme et l’opposition que la forme des mâchoires semble devoir produire, l’hypo¬ thèse qu’elles ont été faites par les dents des poissons est encore celle contre laquelle s’élèvent les moins fortes objec¬ tions.

Ainsi je serais porté à résoudre par la négative la question de l’intervention humaine dans les incisions de l’os de Chava¬ gnes; mais dans cette grave et difficile question de l’homme tertiaire, je crois que nous sommes encore à la période tout notre zèle doit tendre à multiplier et préciser les faits, et toute notre prudence à réserver les explications.

A la suite de cette communication, M. Belgrand annonce avoir trouvé dans la forêt de Fontainebleau un très-grand nombre de côtes d Halitherium. Beaucoup d’entre elles por¬ taient des stries.

M. Delesse présente la note suivante de M. Gorceix :

NOTE DE 31. GORCEIX,

269

Sur les bassins lacustres de l'Achaïe et de la Corinthie, par M. Gor- ceix , agrégé de l’Université , détaché à l’École française d’Athènes.

D’après les auteurs de l’expédition scientifique de Morée, les roches du Péloponèse appartiennent presque entièrement aux époques secondaire et tertiaire.

Les actions métamorphiques considérables auxquelles ont été soumises une grande partie des couches secondaires, les nombreux soulèvements qui les ont disloquées, en rendent l’étude d’autant plus difficile que les fossiles sont souvent peu abondants et très-mal conservés. Aux calcaires siliceux du Taygète et de la chaîne de Monembasie ne renfermant pas trace de corps organisés, succèdent les calcaires bleus et noi¬ râtres de la Laconie et de la Haute-Arcadie avec nummulites et hippurites. Quelques empreintes de ces derniers fossiles se voyent encore dans les premiers grès verts, au-dessus desquels se trouvent des formations arénacées avec bancs de poudingues atteignant en Messénie plus de 500 mètres d’é¬ paisseur; ces formations alternent avec des marnes et des grès verts et se terminent par une série d’assises de calcaires blancs compactes.

La période tertiaire présente une bien moins grande va¬ riété dans la nature des terrains, et son étude est bien plus facile.

Sur toute la côte nord, en Achaïe, on rencontre, reposant sur le terrain secondaire, sans aucune liaison de stratifica¬ tion, des amas considérables de poudingues à pâte siliceuse, dépourvus de fossiles, alternant avec des marnes et des ar¬ giles. Ces poudingues, comparés aux gompholithes ou nagel- flue de la Suisse, ont été placés dans l’étage inférieur des terrains tertiaires, dont l’époque supérieure est représentée par des marnes sableuses dont les couches horizontales vien¬ nent s’appuyer sur la formation précédente , avec laquelle elles sont en stratification discordante. De Patras à Corinthe, ces marnes subapennines se présentent toujours avec les mêmes caractères; sur l’isthme qui unit le Péloponèse à la Grèce continentale, les couches sont plus nombreuses et quelques-unes d’entre elles remarquables par la quantité et le bon état de conservation des fossiles qu’elles renferment.

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

Dans la Mégaride, ces mêmes couches se continuent, mais avec adjonction de formations lacustres très-considérables étudiées par M. Gaudry.

En Gorinthie, en Achaïe, en Messénie, existent des bassins d’eau douce analogues, dont l’un, celui de l’Alphée, à deux lieues de Karithène, a déjà été signalé par M. Virlet.

En Achaïe, aux environs d’OEgium et du village d’Akrata, j’ai observé deux autres de ces formations lacustres.

A OEgium, les gompnolithes arrivent jusqu’au bord de la mer ; les marnes subapennines n’apparaissent qu’à quelque distance à l’est et à l’ouest de cette ville, et les falaises assez escarpées forment un défilé de peu d’étendue.

De profonds ravins sont creusés dans les gompbolithes, au milieu desquellespercent des calcaires gris secondaires et des marnes argileuses, grisâtres, rougeâtres, très-compactes.

G’eSt en suivant l’un de ces ravins, au fond duquel coule le Méganitis , à l’ouest de la ville, que l’on arrive, après trois heures de marche environ, au gisement du lignite. Ce gisement s’étend, au pied du village de Grecka, dans un bassin presque circulaire dont les parois sont formées par les gompholithes et des calcaires gris à grains cristallins.

Les couches de lignite alternent avec des assises d’argile plastique , et c’est par suite d’un glissement sur une des couches d’argile, suivi d’un éboulement, qu’on a découvert le lignite.

En ce point, à la partie supérieure d’un ravin coule un ruisseau affluent du Méganitis, on rencontre les couches sui¬ vantes :

A la base, calcaire gris secondaire ;

Au-dessus, couches d’argile et de lignite, de quelques dé¬ cimètres d’épaisseur, dont l’alternance continue jusqu’à la partie supérieure, mais avec des épaisseurs plus considé¬ rables. L’une de ces couches atteint même une puissance dé¬ passant 1 mètre.

Le lignite est de très-mauvaise qualité à la partie supé¬ rieure, il ressemble à de la tourbe ; mais à mesure que l’on descend, sa densité augmente ainsi que sa pureté, et il se rapproche beaucoup des lignites miocènes de Koumi.

Les couches d’argile en contact avec le lignite renferment une grande quantité de débris de coquilles, parmi lesquelles on distingue des planorbes et des limnées dans un assez bon état de conservation.

NOTE DE M. GORCEIX.

271

Tout ce bassin a été relevé de quelques degrés, à peu près de l’est à l’ouest; il repose directement sur les gompholithes auxquelles il est postérieur ; comme pour la formation d’eau douce de Messénie, je crois qu’on doit le considérer comme contemporain des marnes subapennines.

Les eaux du Méganitis formaient alors un lac; à la suite des soulèvements qui firent émerger les marnes, une fracture permit aux eaux de s’écouler et le lac se dessécha.

En suivant le torrent, jusqu’au point il se jette dans la mer, on se rend très-bien compte de cette fracture, en voyant la gorge de quelques mètres de largeur à travers laquelle il débouche sur la plage.

Bassin lacustre cTAkrata . Le deuxième bassin d’eau douce que j’ai rencontré sur cette même côte est situé à peu près à 40 kilomètres de celui-ci, aux environs du village d’Akrata.

Son étendue est plus considérable; il paraît être limité par les deux torrents de Vlogokitika et de Zakkoli, tout autour de l’ancienne ville d’QEgine.

Les marnes subapennines ont dans cette région une puis¬ sance considérable, et on les rencontre à 2 ou 3 lieues de la côte, en suivant la partie supérieure du ravin, au fond du¬ quel coule le torrent d’Akrata, dont le Styx des anciens est un affluent.

C’est encore à un éboulement qu’a été due la découverte des lignites dans le ravin de Vlogokitika, qui présente en ce point les couches suivantes en allant de haut en bas :

Marnes blanchâtres . . 2m »

Sables grossiers agglomérés . 3 »

Calcaire argileux . 3 50

Argile plastique mêlée de graviers. . . 3 »

Sables tins compactes . 2 »

Argile . 0 40

Lignites et argiles . 0 30

Marnes sableuses .

Les couches de lignite sont plus nombreuses dans un ravin perpendiculaire à celui-ci; mais partout le combustible est de très-mauvaise qualité, se divisant en feuillets minces ; les dé¬ bris végétaux sont à peine carbonisés. Mes premières re¬ cherches ne m’ont pas fait découvrir de fossiles dans aucune des couches de cette coupe; les marnes et les sables pour¬ raient donc être des dépôts marins.

272

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

Toutes les couches sont relevées de 10 ou 12 degrés vers l’est, et semblent bien appartenir à une même formation. On les suit très-facilement, jusqu’auprès du village de Ylovoka, et l’analogie qu’elles présentent avec celles de Grecka doit les faire considérer comme appartenant à la même époque.

Bassin de la Corinthie. Le bassin d’eau douce, situé dans la Corinthie, s’étend derrière le village de Kalamaki jusqu’aux ravins de Sousaki, il est limité par un beau gisement cle serpentine.

M. Gaudry a déjà signalé cette formation dans son ouvrage sur la Géologie de l’Attique. Il a, dans ce travail, donné la coupe suivante des collines au pied desquelles est situé Kala¬ maki :

Formation lacustre .

1 . Marnes crayeuses.

2 . Sables grossiers.

3 . Marnes crayeuses.

4 . Sables grossiers avec petits bancs de marnes.

5 . Calcaire crayeux avec melanopsis .

Formation marine.

6. Calcaire blanc avec nombreux fossiles marins.

7 . Poudingues et calcaires sableux.

Dans les marnes crayeuses de la base, j’ai rencontré d’assez nombreux échantillons mal conservés et très-friables de Neri- tina, qui présentent des ornements se rapprochant beaucoup de la Neritina micans.

En ce point, les formations lacustres ont été recouvertes par des couches marines.

Plus à l’est, avant d’arriver à Sousaki, dans un ravin coule un petit ruisseau, le bassin d’eau douce se présente avec des caractères différents. On voit apparaître des couches de lignite alternant avec de l’argile plastique, comme à Grécka et à Akrata.

NOTE DE M. GORGEIX

273

1 . Sables. . .

tn

••

2. Lignites .

0 15

3. Sables et graviers.

3 »

4 . Argile avec fossiles

1 »

5. Lignite .

0 30

6. Argile .

1 »

7. Gravier . .

7 »

8. Argile .

0 50

9. Lignite .

0m25

10. Argile .

0 40

11. Gravier .

8 »

12. Lignite .

0 20

13. Gravier .

3 »

14. Calcaire sableux. .

1 »

15. Gravier .

4 »

Les couches de lignite semblent être lenticulaires ; sur les parois latérales du ravin, à gauche et à droite , on les voit diminuer d’épaisseur et disparaître.

En suivant le ravin , on voit les formations sableuses aug¬ menter de puissance, constituer les parois tout entières, et à l’extrémité apparaissent, au-dessus, les conglomérats et les calcaires pliocènes de formation marine.

Les couches d’argile renferment de nombreux débris de coquilles.

Ce bassin d’eau douce appartient au même horizon géolo¬ gique que ceux de Grecka et d’Akrala, que nous plaçons dans Soc. géol,, 2e série, t. XXVIII. 18

274

SÉANCE DU 7 septembre 1871.

la période tertiaire supérieure. On doit donc lui assigner le même âge, bien qu’il se trouve au-dessous de formations ma¬ rines pliocènes. C’est d’ailleurs la position qui lui a été don¬ née par M. Gaudry, qui range dans la formation tertiaire supé¬ rieure les couches lacustres de la Corinthie et de la Mégaride, tandis que celles de l’Attique sont considérées par lui comme miocènes.

Ces trois bassins d’eau douce, signalés au milieu des forma¬ tions pliocènes du Péloponèse, ne sont peut-être pas les seuls existants dans cette contrée; mais la présence du lignite qui les accompagne a attiré sur eux l’attention.

Dans un pays aussi pauvre en combustible que la Grèce , et l’industrie métallurgique semble devoir prendre bientôt une assez grande extension , ces ligniles pourront peut-être avoir quelque utilité.

A l’époque pliocène, il existait donc un certain nombre de lacs au milieu desquels, lors des basses eaux, se dévelop¬ paient de nombreuses plantes qui se transformaient en tour¬ bières.

Des argiles, des sables, entraînés par les torrents, recou¬ vraient ces débris végétaux, et sur ce nouveau sol se produi¬ sait une nouvelle végétation, recouverte ensuite comme les précédentes.

Les mêmes torrents qui traversent maintenant ces bassins alimentaient ces lacs, et le régime de leurs eaux n’a guère varié, comme on peut le voir par l’examen des deltas formés à leur embouchure ; ruisseaux en été, ils ont en hiver un dé¬ bit assez considérable pour rendre difficile l’établissement de ponts.

C’est sans doute à la suite des soulèvements qui firent émer¬ ger l’isthme de Corinthe, que des fractures, produites dans les barrières qui retenaient les eaux de ces lacs, amenèrent leur dessèchement.

Des phénomènes analogues se produisent encore de nos jours dans cette même région, soumise à de fréquents trem¬ blements de terre. De nombreux lacs sont disséminés sur la côte et dans l’intérieur du pays ; des premiers, les uns, comme dans le golfe de Livadostro, ne sont séparés de la mer que par une barre insuffisante pour empêcher les flots d’y pénétrer, et leurs eaux sont saumâtres; les autres, alimentés par les sources qui filtrent à travers les gompholithes, renferment de l’eau douce; une abondante végétation s’y développe et se

NOTE DE M. JOURDT.

275

transforme en tourbe et en lignite. Les phénomènes de l’é¬ poque pliocène paraissent se continuer de nos jours sur toute cetle côte, et je crois qu’il est assez difficile, en certains points, de tracer une ligne de démarcation entre les formations de cette époque et celles de l’époque actuelle.

Le Secrétaire analyse ensuite le Mémoire suivant de M. Jourdv :

Sur une nouvelle classification des terrains jurassiques des Monts- Jura, par M. E. Jourdy.

I. Zone et étage. - Principes d’une classification

RATIONNELLE.

Quand on examine de haut la succession des êtres organisés, on admet volontiers que la série des faunes est continue, que l’extinction et la disparition des êtres ne se sont pas produites brusquement, qu’il y a eu de nombreux enchevêtrements dans toute cette multiplicité de formes organisées.

Mais quand on étudie la science de plus près, qu’on se trouve chaque jour en contact avec des difficultés portant sur les rap¬ prochements, les analogies, les synchronismes, on se voit forcé de distinguer d’une façon nette les différents horizons qui pa¬ raissent le mieux tranchés.

Pour le paléontologiste, pour l’homme de cabinet, la ques¬ tion de 1 * étage paraît tout à fait secondaire; ce qu’il lui faut, c’est un point de repère, qui lui permette seulement de carac¬ tériser un horizon d’une façon commode pour le classement de la série des faunes. Il ne s’inquiète pas du groupement des ni¬ veaux fossilifères; pour lui , ce n’est qu’une question d’acco¬ lades dans un tableau dont il repousse la complication. Ce qui lui importe, c’est de distinguer un niveau bien dessiné par un ou plusieurs fossiles caractéristiques, c’est-à-dire de déter¬ miner la zone, qu’il saura, dès lors, différencier des niveaux qui la précèdent ou la suivent.

Le problème, pour lui, est assez simple.

Son but, en effet, est de rechercher une espèce remarquable spéciale à un niveau fossilifère; pour y parvenir, il suffira que l’espèce choisie soit intimement liée à la faune qu’il veut

27o

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

définir, c’est-à-dire qu’elle indique exactement la distribution de cette faune dans P espace et dans le temps.

Cette espèce devra être répandue, exister tant que régnera la faune ou au moins une partie de la faune; elle devra s’é¬ teindre avec la totalité ou la majorité de la faune. Voilà pour le temps. Pour l’espace, elle devra avoir une distribution géo¬ graphique telle que son existence soit indépendante des varia¬ tions accidentelles de la faune, mais elle devra être liée à cette dernière d’une façon assez intime pour disparaître avec elle.

Il faut, en un mot , que la distribution dans le temps et la distribution dans l’espace soient exprimées par la même for¬ mule, qui est la caractéristique de la zone.

C’est qu’est l’inconnue du problème.

La distribution des espèces ne donne pas toujours lieu à une conformité parfaite dans les deux conditions à réaliser. Cepen¬ dant on peut dire que les paléontologistes ont les moyens de les satisfaire.

D’après une observation de E. Forbes, « l’étendue de la dis¬ tribution d’une espèce dans le sens vertical ou dans la profon¬ deur correspond à sa distribution géographique ou horizontale. » Il est clair, d’après cette loi, que de faibles changements dans le régime des mers influent beaucoup moins sur les conditions d’existence des espèces largement répandues dans l’espace, et que de telles espèces auront plus de chances d’être également répandues dans le temps, c’est-à-dire qu’il y a plus de chances pour que les deux conditions du problème soient rigoureuse¬ ment réalisées.

Les recherches d’une espèce répondant à ces deux condi¬ tions sont limitées par une autre observation faite par MM. de Verneuil et d’Archiac : « Si l’on considère le développement de l’organisme dans le sens horizontal, géographiquement ou dans l’espace, on reconnaît que les espèces qui se trouvent à la fois sur un grand nombre de points et dans des pays très- éloignés les uns des autres, sont toujours celles qui ont vécu pendant la formation de plusieurs systèmes successifs. » D’a¬ près cette loi, les espèces qui sont tellement répandues que leur existence se trouve affranchie du milieu convenable à une faune, sont aussi des espèces qui franchissent, dans la série des temps, les limites d’extinction de cette faune (1).

(1) Il est incontestable que ces observations cadrent très-bien avec les dées de M. Darwin; mais ce n’est pas à moi à traiter cette question.

NOTE DE M. JOURDY. 277

On aura donc soin de repousser de telles espèces dans le choix de la caractéristique.

Ainsi, le problème est bien loin d’être insoluble en théorie ; il est, du reste, souvent résolu en pratique d’une façon assez satisfaisante.

Le paléontologiste qui voudra caractériser une zone , c’est- à-dire un horizon naturel correspondant au développement d’une faune particulière, aura plus ou moins de facilités pour faire choix d’une espèce répondant aux deux conditions du temps et de l 'espace.

Ce qu’il doit examiner, dans ce choix, ce sont les exigences suivantes :

L’espèce doit être d’un ordre supérieur. On admettra, en effet, que, pour les êtres moins inférieurs, la séparation des fonctions vitales rend la distribution géographique plus con¬ nexe du milieu dans lequel ils vivent, c’est-à-dire plus en re¬ lation avec le régime des mers et la totalité des espèces qui vivent avec eux; leur diffusion sera plus énergique pendant la constance des conditions vitales, leur destruction sera plus as¬ surée par les variations du milieu.

L’espèce doit être libre d’attaches avec le sol. Dans le cas contraire, celui d’une espèce adhérente, la dispersion est soumise au hasard des courants et peut se trouver alors fort limitée.

L’espèce doit appartenir à une famille ou à une classe dont l’apparition et la disparition n’embrassent pas une pé¬ riode trop considérable. —La période limitée de son existence prouve alors que son organisation ne peut supporter des chan¬ gements trop brusques dans la faune et le milieu ambiants.

L’espèce doit appartenir à un genre très -répandu. - Comme l’a fait observer M. Darwin, «les grands genres ont un nombre d’espèces dominantes très-commun et très-répandu, supérieur à celui des petits genres de la même contrée. »

Pour les terrains jurassiques, les céphalopodes en général réalisent très-bien les deux premières conditions, tandis que les ammonites en particulier réalisent très-bien les deux dernières.

Ainsi, pour le paléontologiste, la question de la zone ne sau¬ rait donner lieu à des difficultés essentielles; elle sera traitée avec plus ou moins de certitude, suivant l’abondance des ma¬ tériaux ; mais après quelques essais infructueux, on pourra tou-

273

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871,

jours présenter dans une collection ou dans un cours la série des êtres d’une façon logique.

Le géologue se trouve, au contraire, en présence de grandes difficultés. Dans son enseignement, pour ses travaux de compa¬ raison, pour ses courses sur le terrain, et surtout pour l’exécu¬ tion des cartes, il a besoin de se préoccuper des révolutions du globe, des variations des dépôts et des faunes suivant les va¬ riations du sol. La série des zones devient pour lui un cata¬ logue monotone, sans points de repère, c’est-à-dire inutile. Ce qu’il lui faut, c’est un groupement de roches et de faunes ca¬ pable de peindre aux yeux et de faire pénétrer dans les livres les problèmes complexes de toutes les variations qui frappent l’observateur sur le terrain, et que doit connaître celui qui veut étudier. Ce qu’il lui faut, c’est une division plus ou moins com¬ pliquée (souvent trop compliquée), dont la base soit Vêlage , c’est-à-dire une section naturelle comprenant un ensemble de roches et de faunes ayant entre elles plus d’analogie qu’avec les autres.

Mais ce qu’on ne doit pas perdre de vue, pour l’étage comme pour la zone, plus encore que pour la zone, car c’est une divi¬ sion plus naturelle, c/est que Tunité dans le temps doit cor¬ respondre à l’unité dans l’espace. De même que l’idée d’étage dans laquelle on conçoit le groupement de diverses couches superposées, admet implicitement que les divers dépôts et les diverses faunes sont unis par de véritables affinités, de même ce groupement devra être le reflet d’une certaine unité dans les conditions physiques et animales de toute une contrée. En d’autres termes, la notion d’étage doit embrasser dans une même définition la distribution dans le temps et la distribution dans l’espace.

C’est à cette condition seule qu’on peut espérer que les di¬ visions géologiques répondront à un fait naturel ; c’est à cette condition seule que les dépôts d’une même région pourront être synchronisés dans toute cette région, et être comparés ensuite avec les dépôts de bassins différents.

Si l’on veut connaître et relier ensemble les différentes cou¬ ches et les différentes faunes d’une région tout entière, il faudra se préoccuper de tracer les limites de cette région, d’en chercher les traits principaux, les caractères différentiels; on pourra seulement alors apprécier à leur juste valeur les varia¬ tions accidentelles dans les roches et dans les faunes, et leur

NOTE DE M. JOURDY. 279

donner, dans la création de l’étage, une place proportionnée à leur importance.

On saurait tout ce qui est relatif à une région naturelle et à ses variations si on connaissait les mouvements du sol qui ont précédé l’époque que l’on veut étudier, et de plus le régime des mers de la région à cette époque.

Or, ces inconnues sont souvent difficiles à découvrir. Ce¬ pendant, pour les terrains jurassiques, on sait déjà suffisam¬ ment de choses pour juger des relations de la terre et du ri¬ vage , des déplacements partiels dans les faunes, dans les couches.

Une étude de ce genre a été faite pour le terrain tertiaire du bassin de Paris, l’on a appris depuis longtemps à tracer les limites et la durée des dépôts à lignite, du gypse, etc. On est certain que les divisions géologiques qu’on peut y faire, retraceront tout ce qui est relatif à l’histoire du grand golfe, comme ses relations avec les eaux douces et les eaux sa¬ lées, etc.

Pour le terrain jurassique, une telle étude est encore à faire; elle est le but de cette note.

II. Classification des terrains jurassiques.

Quand nous avons essayé, en France, de nous rendre compte de la distribution des roches et de la faune du terrain juras¬ sique, nous avons d’abord adopté les termes de la classifica¬ tion anglaise, sans rechercher si les deux régions étaient com¬ parables. Ce système est encore loin d’être abandonné; toutefois beaucoup de géologues l’ont délaissé pour celui de d’Orbigny, qui est différent mais tout aussi exclusif.

Depuis, les systèmes n’ont pas manqué; il y en a une di¬ zaine de M. Marcou, beaucoup plus d’autres; il suffît pour s’en convaincre de regarder les tableaux des livres et les lé¬ gendes des cartes. Un géologue jurassien vient de mourir en laissant un seul travail, une classification naturellement, et encore est-elle inachevée.

Chacun, dans son coin, poursuit son idée et essaie, en l’ab¬ sence de principes rationnels, de traduire la nature comme il l’a entrevue. Quand, pour la rédaction de son œuvre, il s’a¬ perçoit qu’il manque de faits pour creuser son idée, il a recours à l’imagination. On va loin avec un tel guide.

M. Marcou a proposé une classification internationale avec

280

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

des termes français, anglais et allemands, panachée de noms de hameaux connus des indigènes seuls. Thurmann conserve le français, mais à la condition d’y introduire des préfixes grecs.

A cette époque (il y a quelque vingt ans), on ignorait beau¬ coup de choses sur les allures du terrain jurassique. Gressly avait commencé ses travaux divinatoires sur les séparations lo¬ cales des faunes suivant la proximité du rivage; on doit à son élève, M. Greppin, et à M. Oswald Heer d’avoir beaucoup étendu le cadre d’études aussi instructives. On peut dire au¬ jourd’hui que la géologie des monts Jura n’est plus un cata¬ logue aride composé d’un mélange de noms de cailloux et de noms latins ; elle est devenue une chose compréhensible, une véritable histoire du monde ancien que la puissance de la science fait revivre devant nos yeux.

C’est en profitant de ces travaux descriptifs ou comparatifs, ainsi que de mes propres observations, que j’ai cru pos¬ sible d’utiliser ces matériaux pour réédifier l’édifice de notre classification.

J’ai tout d’abord admis que le lias était un groupe de quatre étages, distincts du terrain jurassique. Il est vrai que le genre trigonie fait son apparition dans les derniers dépôts ba¬ siques, souvent difficiles à distinguer de la base du bajocien; cette raison n’est pas concluante en présence de ce grand fait des transitions à toutes les périodes suffisamment étudiées.

Le lias, par ses grès puissants, par ses calcaires marneux bleuâtres, par ses marnes persistantes malgré les changements de faunes, me paraît avoir autant d’analogies pétrographiques avec le trias qu’avec le terrain jurassique dont les calcaires sont souvent épais, blancs et presque toujours oolithiques.

La faune du lias, par la présence de ses Spirifers, par l’absence de polypiers et de spongiaires, s’éloigne de la faune des néri- nées, des trigonies, des immenses récifs de zoophytes et des gros gastéropodes. Les ammonites sont nombreuses, du reste, dans le trias, les dépôts salifères et gypseux n’ont pas ré¬ gné.

La faune de l’étage rhœtien confirme cette opinion.

De plus, la distribution dans le temps donne lieu à l’observa¬ tion suivante : les espèces sont étroitement cantonnées dans leurs zones, quoique celles-ci soient souvent fort minces, ce qui arrive trop rarement dans le terrain jurassique.

Enfin, la distribution dans Yespace est bien différente de

NOTE DE M. JOURDY.

281

celle du terrain jurassique. On voit, en effet, le calcaire à gryphées régner avec ses caractères pétrographiques et pa- léontologiques tout le long des Vosges, de Longwy à Salins, h Zurich; on voit cette couche dite des schistes bitumineux s’é¬ taler sur d’immenses surfaces en Angleterre, en France et en Allemagne, conservant ses mêmes fossiles, ses végétaux, son bitume, ne variant que d’épaisseur. Quelle différence avec ces oolithes jurassiques si souvent variables dans la même localité et méconnaissables dans des bassins différents ! avec ces co¬ lonies de zoophytes si capricieusement étalées sur le rivage 1 Les différences qui se manifestent dès le bajocien, entre le terrain jurassique du bassin de Paris, de la Franche-Comté et de la Suisse, vont sans cesse en augmentant avec la série des étages ; dans le lias, au contraire, les variations portent surtout à la base elles se relient à certaines variations du trias.

Occupons-nous maintenant du terrain jurassique propre¬ ment dit. Quand j’ai cherché à me faire quelque idée sur le régime des eaux dans le Jura de Franche-Comté et de Suisse, au milieu du nombre immense des variations pétrographiques et paléontologiques, j’ai vu se dégager un fait qui m’a paru essentiel et qui fait la base de ma classification. Je veux par¬ ler de l’antagonisme de deux sortes de dépôts ayant chacun leur faune spéciale : l’un de ces dépôts est ferrugineux, avec abondance de céphalopodes ; l’autre est siliceux , avec abon¬ dance de zoophytes (polypiers et spongiaires) ; ces deux dépôts alternent ensemble plusieurs fois et chacune de leurs combi¬ naisons forme un étage particulier.

Le retour de chacune de ces alternances forme une période nouvelle retraçant dans la roche et la faune la même phase ; c’est la répétition d’un même fait dans le temps ; ce caractère peut donc servir à dépeindre la double évolution des courants qui, après avoir amené les céphalopodes avec le fer, étaient fa¬ vorables au développement des coraux auxquels ils mêlaient la silice.

Aussi loin que j’aie conduit mes observations, j’ai retrouvé ce fait reproduit fidèlement en dehors des mille variations locales ; il m’a donc semblé que cette évolution occupait dans Y espace toute la région naturelle qui s’étale au pied des Vosges et qui formait le rivage jusqu’au loin dans la mer jurassique.

Pour se convaincre du rôle fidèle et répété de cette alter¬ nance pendant une grande partie de la série jurassique, exa¬ minons ce qui se passe dans ies différentes couches.

282

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

Etage bajocien.

Les premières couches de l'étage bajocien, celles l’abon¬ dance des débris végétaux témoigne de la longue agitation postérieure à la révolution basique, renferment des lits ferrugineux constituant la plupart du temps un vrai mine¬ rai ; c’est ce qu’on observe à Dole, à Salins, à Lons-le-Saunier, à Soleure. Ces couches contiennent, en général, une assez grande quantité d’ammonites qui sont réparties en trois zones caractérisées par les A. Murchisonœ , Sowerbyi, Humphriesianus. La constance de ce double fait paléontologique et pétrogra- phique est même loin d’être circonscrite aux Monts-Jura; elle s’observe presque partout en France, en Angleterre et en Al¬ lemagne. Il y a donc tout lieu de croire que la région natu¬ relle qui s’étendait au pied des Vosges a conservé un caractère de généralité semblable à celui qui régnait pendant la pé¬ riode basique, et que la séparation s’est opérée graduellement, mais un peu plus tard.

Le fer et les céphalopodes disparaissent à peu près en¬ semble, ces derniers brusquement. La coloration des couches supérieures est bien loin de reproduire les amas de fer qui accompagnaient les céphalopodes ; il y a pour le métal une sorte de transition qui s’opère dans les calcaires oolithiques dans lesquels abondent les encrines. Les bancs de zoophytes sont variables suivant les localités.

Mais ce qui est plus constant, c’est l’apparition de calcaires dans lesquels le fer et les céphalopodes font défaut; ces cal¬ caires sont blancs, rarement colorés, quelquefois terreux, et se font remarquer par un développement de polypiers sou¬ vent considérable. Il est rare de ne pas y trouver des chailies siliceuses. C’est ce qu’on peut observer à Dole, à Salins, à Besançon, à Poligny et dans les chaînes du Jura qui dominent Neuchâtel. A Gray, la silice paraît manquer ; de Longwy à Metz, elle fait partout défaut, les calcaires à polypiers et à en- troques sont mélangés, mais forment toujours une assise con¬ sidérable.

Etage bathonien .

L’étage bathonien débute de même par des couches forte¬ ment colorées par le fer ; deux ammonites y sont parquées sur une zone minpe ; les zoophytes (encrines, spongiaires) et les bryozoaires s? trouvent mêlés aux couches ferrugineuses, mais

NOTE DE M. JOURDY.

283

sont rares dans les couches à céphalopodes. La diversité des couleurs de ces dépôts dans le Jura dôiois m’a amené à les désigner sous le nom de bathonien irisé . Les spongiaires se montrent dans quelques localités, à la partie supérieure. Les deux ou trois espèces d’ammonites caractérisant le bathonien irisé sont spéciales à ce niveau. Ces couches ont été jusqu’ici trop peu étudiées pour qu’on puisse généraliser ; à Metz (marnes de Gravelotte), le fer est disséminé par grains dans les marnes à Ammonites Parkinsoni.

A Dole, une épaisse série de couches calcaires oolithiques, blanches en général, sans céphalopodes, avec polypiers et spongiaires, forme le bathonien blanc; la base du bathonien jaune est également composée de calcaires avec débris d’encrines et d’échinides; quelques couches marneuses y renferment une espèce de céphalopode dont le niveau est instable.

Mais bientôt, dans la partie supérieure du bathonien jaune, les spongiaires réapparaissent avec toutes sortes dezoophytes; la silice est étalée sous la forme de petits bancs stratifiés ca¬ ractéristiques de cet horizon.

A Besançon, à Gray, les couches qu’on se plaît à désigner sous le nom de cornbrash renferment des fossiles siliceux.

Au-dessus de Neuchâtel, les fossiles de la dalle nacrée sont souvent siliceux; ce sont généralement de petits spongiaires et des fragments d’échinides, de polypiers, d’encrines.

A Soleure, l’horizon supérieur du bathonien, le calcaire roux sableux , renferme souvent des géodes siliceuses.

Dans la Suisse allemande, V Obérer rogenstein présente quel¬ quefois le même caractère.

C’est, en somme, la répétition de Dévolution bajocienne dans le fait principal.

Les différences portent sur la diminution des faciès ferru¬ gineux avec céphalopodes et sur l’augmentation du règne des zoophytes. Mais aussi la différenciation des bassins s’ac¬ centue et devient même la source de grandes lacunes dans les dépôts.

Ainsi, au pied des Ardennes (d’Hirson à Longuyon), le ba¬ thonien supérieur fait défaut ; dans le prolongement du Hunds- rück (d’Etain à Toul), c’est le bathonien moyen ; en face du golfe alsatique (Delémont et Soleure), c’est le bathonien infé¬ rieur.

Dans le Wurtemberg, à Bayeux, le passage du bajocien au bathonien est difficile à saisir; ailleurs (Meuse, Soleure),

284

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

celui du bathonien au callovien se fait par des transitions impossibles à délimiter.

Dans toute la hauteur de l’étage, la faune est soumise à des enchevêtrements explicables par les changements dans le régime des eaux qui ont causé les lacunes. Il est impossible dans cet étage de trouver des fossiles caractéristiques pour une vaste région ; tel fossile qui ne se trouve ici qu’à la base, ne se présentera qu’au sommet un peu plus loin, et se trouvera ailleurs dans toutes les couches de l’étage ; citons Y Ammonites Parkinsoni , YOstrea acuminata9 V Hemicidaris luciensis , VAcro- salenia hemicidaroïdes , etc.

La présence des spongiaires au contact même des couches ferrugineuses, leur multitude dans les couches siliceuses, montrent que les faunes ont subi une foule de déplacements partiels qui ne sont pas encore bien étudiés, mais qui fourni¬ ront des renseignements sur la tendance à la séparation en ré¬ gions différentes des mers qui étaient si uniformes pendant la période liasique.

Dans le Jura neuchâtelois, M. Jaccard fait à propos des cou¬ ches à ciment et à chaux hydraulique de Noiraigue (marne à discoïdées inférieure à la dalle nacrée) la réflexion suivante : « Nous trouvons ici une véritable répétition de la faune et du faciès de l’oxfordien calcaire (argovien), les genres étant pour la plupart les mêmes, les espèces offrant seules des caractères distincts (1) » .

Si l’on se reporte à ce qui a été dit à propos de l’argovien dans une Note précédente, on verra que cette analogie des faunes coïncide avec une autre analogie relative aux stations de spon¬ giaires qui n’ont cessé de régner avec de nombreuses intermit¬ tences et de nombreuses variations dès la fin des dépôts ferrugi¬ neux jusque dans les dépôts siliceux.

Dans les deux étages, l’enchevêtrement des faunes a débuté dès qu’a cessé un régime des mers favorable aux dépôts de fer et de céphalopodes, et s’est continué avec un grand nombre de combinaisons diverses. Ce fait signifie que, dans chacun de ces étages, le changement de régime qui devait aboutir à la séparation des bassins a donné lieu à un grand nombre de com¬ binaisons de courants, qui ont empêché que la séparation des faunes ne se fît d’une façon aussi nette que pendant la période liasique.

(1) Matériaux pour la Géologie de la Suisse , 6e livraison, p. 218.

NOTE DE M. J'OURDY.

285

Étage oxfordien .

Si l’on se représente sur une plus grande échelle les phéno¬ mènes qui se sont produits pendant l’étage bathonien, on s’ex¬ pliquera alors les bizarreries des étages supérieurs.

Les dépôts ferrugineux (minerai, couches ocreuses, marnes bleues avec pyrites et rognons) ont une épaisseur plus grande que dans les deux premiers étages; mais le fait, quoique exa¬ géré, est le même. Les céphalopodes s’y montrentpar milliards; les zones caractérisées par plusieurs espèces d’ammonites se distinguent avec une netteté encore plus grande.

Ce sont ces dépôts qu’on a improprement classés en deux étages distincts (callovien et oxfordien) ; cette illusion était per¬ mise dans les pays ils sont extraordinairement développés; mais, dans le Jura, ils ne possèdent pas une aussi grande puis¬ sance. La plupart des dépôts inférieurs manquent dans les loca¬ lités le soulèvement post-bathonien a persisté avec quelque énergie après son développement principal (Dole, les Brenets).

De même que pour le bathonien , la dernière zone ferrugi¬ neuse (zone à A. cordatus) ne présente pas de fixité; les spon¬ giaires ne tardent pas à faire leur apparition, suivie à courte dis¬ tance de celle de la silice qui se trouve soit dans les fossiles qui en sont imprégnés au milieu des argiles, soit dans les chailles et même les fausses chailles.

Il y a là, plus encore que pour l’étage inférieur, des enche¬ vêtrements de faunes très-différents suivant les localités; les discussions paléontologiques soulevées par Oppel à propos des zones h. A. transver sarius, canaliculatus , etc., sontbien loin d’être terminées. Chaque géologue voulant classer tout l’univers sui¬ vant le modèle delà carrière il trouve des fossiles, de telles discussions ne peuvent jamais amener à des vues d’ensemble.

Si l’on reconnaît, au contraire, dans Vargovien un sous-étage qui marque une transition dans le régime des mers, on arrivera peut-être à s’entendre et à étudier de près ces modifications si intéressantes des faunes.

La silice règne surtout dans les couches à polypiers et à échi- nides du corallien, les récifs étaient si nombreux, et disparaît peu à peu des dépôts supérieurs qui présentent par leurs gros¬ ses oolithes et leurs fossiles roulés des indices de charriage. Les fossiles des couches à nérinées et à dicéras qui terminent le corallien appartiennent tous aux genres qui aiment les stations

2c6

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

coralligènes ; ils constituent la dernière expression de la phase des zoophytes, antagoniste de la phase des céphalopodes. Si la silice disparaît souvent de ces bancs épais de calcaires, leur cou¬ leur d’un blanc éclatant contraste tout à fait avec celle des dé¬ pôts ferrugineux. Dans l’évolution complète, comprenantl’alter- nance des deux sortes de dépôts, on doit voir, de même que pour les étages bajocien etbathonien, un troisième fait de l’histoire des mers jurassiques, celui delà séparation des régions natu¬ relles. Cette séparation qui se prononçait déjà nettement pendant l’étage bathonien avait été interrompuepar le soulèvement post- bathonien auquel succéda la répétition des faits précédents ; elle devient complète dès lors, et, dès l’étage séquanien, le bassin anglais, le bassin de Paris, le bassin du Jura, le bassin wurtembergeois diffèrent totalement. Ce résultat a été produit par les nombreuses convulsions qui nous ont donné les alter¬ nances que nous venons d’étudier et qui ont causé, lors des mouvements lents, les déplacements continuels des faunes qui rendent si difficiles les synchronismes de .détail à de petites dis¬ tances.

Ce sont ces alternances qui nous ont fourni le caractère de l’étage, parce que chacune d’elles produit dans le temps une période déterminée, pendant laquelle la région des mers du Jura tend de plus en plus à prendre des caractères spéciaux.

La lutte entre ces deux conditions différentes du régime des mers implique, par la nature des faunes, la lutte entre deux sortes de courants :

Ceux qui, régnant après une secousse violente, amenaient de la pleine mer contre le rivage et surtout dans les anses d’immenses quantités de céphalopodes; certaines localités privilégiées font songer à un véritable cimetière de ces animaux pélagiques ;

Ceux qui, reprenant leur puissance ancienne qui tendait à s’accroître lentement et qui avait été détruite violemment, favorisaient tout le long des côtes l’épanouissement de cette vigoureuse végétation animale, charriaient ses débris, se dépla¬ çant sous l’influence des causes lentes qui assuraient déplus en plus leur prédominance au préjudice de leurs antagonistes.

Cet antagonisme me paraît correspondre dans l 'espace à une phase importante de l’histoire des mers jurassiques, en ce qui concerne seulement ce riche tapis de zoophytes qui s’est étalé si longtemps sur le pied méridional des Vosges et contre les îles qui étaient à quelque distance du rivage.

NOTE DE M. JOURDV.

287

Le tableau suivant résumera le parallélisme des couches com¬ prenant les trois étages :

ÉTAGE BAJOCIEN. 2# ETAGE BATHONIEN.

Bajocien supérieur.

Calcaire à polypiers (si- lice) i

Bajocien moyen. ï

Calcaire oolithique(spon- ! giaires, encrines, bryo-/ a‘ zoaires, échinides)

Couches légèrement

ruarineuses.

L\

Bajocien inférieur. Minerai à céphalopodes.

A.

Batlionien jaune.

Couches oolithiqu.es à spongiaires et échini¬ des (silice).

Couches oolithiques à échinides.

Bathonien blanc.

Calcaires d’un blanc pur.

Calcaire à oolithes sub¬ crayeux (spongiaires).

Bathonien irisé.

Couches ferrugineuses à 1 spongiaires.

Couches ferrugineuses à céphalopodes.

ETAGE OXFORPIEN.

Sous-étage corallien.

Cale, compactes blancs. Cale, oolithiques blancs (espèces coralligènes). . Polypiers et échinides (silice). |

Sous-étage argovien. .

Spongiaires avec silice. Spongiaires avec calcaire. Zoophytes avec céphalo¬ podes.

Sous-étage oxfordien.

Marne bleue avec cépha¬ lopodes pyriteux. Calcaires marneux.

Sous-étage callovien.

Marne à céphalopodes. Minerai à céphalopodes.

A. Couches à minerai et à céphalopodes.

B. Couches à silex et à zoophytes.

a. Présence du fer parmi les zoophytes.

b. Absence de la silice parmi les zoophytes

Ce rapprochement entre les trois groupes précédents, qui m’a conduit à en faire trois divisions de même ordre, trois étages, est tellement contraire au langage ordinaire des géolo¬ gues, qu’il nécessite une étude plus approfondie. Les conclu¬ sions précédentes sont tirées de la nature des roches ; exami¬ nons si l’étude des faunes ne conduit pas au même résultat.

Nous avons dit plus haut, en parlant des zones , que la vraie caractéristique d’une zone, dans le terrain jurassique, devait être tirée du genre ammonite. D’après cela, ce serait aux dépôts à céphalopodes inaugurant chaque étage qu’appar¬ tiendrait le rôle de caractéristique de l'étage, à l’exclusion des dépôts qui leur ont succédé.

M. d’Archiac a fait, dans ses études comparatives des cou¬ ches jurassiques de toute la terre, l’observation suivante : « Le plus constant des quatre termes de la série jurassique est l’étage

283

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

de l’oxford-clay (sous-étages callovien et oxfordien, et même argovien); puis viendraient le lias, puis le groupe oolithique inférieur (bajocien et bathonien), et enfin le groupe supérieur, le plus restreint de tous, qui ne paraît pas s’étendre au delà de l’Europe.

Si l’on fait abstraction du lias, qui, dans notre classification, ne fait plus partie du terrain jurassique, on voit que, dans les mers de cette époque, c’est aux couches à céphalopodes qu’ap¬ partient la prédominance. Depuis le nord de la Russie jusqu’à l’Himalaya, les ammonites sont partout abondantes et souvent gigantesques; les trigonies et les nérinées s’associent souvent aux céphalopodes pour distinguer ce terrain des dépôts à ru- distes, qui sont aussi ammonitifères.

La persistance de l’oxford-clay se comprend d’après ce qui a été dit sur les rapports de durée du 3e étage et des deux au¬ tres. L’observation de M. d’Archiac a été confirmée par les études des géologues suisses sur les Alpes du Mont-Blanc.

Les riches stations de zoophytes, si abondantes dans le bassin de Paris et le bassin du Jura (grâce aux courants qui ont probablement transformé ces régions en pays comparables à la Floride, au Japon, aux îles océaniques), sont spéciales à certaines contrées favorisées, elles ont pu, à trois reprises différentes, l’emporter sur le régime normal des mers juras¬ siques.

Mais ces stations elles-mêmes se posent en antagonistes des stations de céphalopodes , exactement comme les dépôts sili¬ ceux étaient les antagonistes des couches à minerai.

Au lieu de reproduire la fixité des zones à céphalopodes, les stations de zoophytes ont été soumises à des déplacements in¬ cessants, connus de tous les collectionneurs; déplacements qu’on a jusqu’ici trop peu étudiés, et sur lesquels il est bon de donner des explications.

Je n’ai pas reçu une éducation paléontologique assez com¬ plète pour traiter cette question avec la certitude d’un maître; mais j’ai manié déjà beaucoup de fossiles jurassiques, et dans mes courses sur le terrain, je me suis souvent trouvé embar¬ rassé sur l’horizon réel des couches coralligènes, au point de douter de mes coupes. J’ai vu fréquemment, en effet, dans ces couches, des fossiles argoviens et coralliens ressembler à s’y méprendre aux fossiles du bajocien et du bathonien supérieurs. Quoique l’observation n’ait jamais été, à ma connaissance, sou¬ mise à la discussion des savants, je puis affirmer que je ne

NOTE DE M. JOURDY.

289

suis pas le seul qui aie subi cette tentation. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur les listes des auteurs; je puis citer entre autres M. Buvignier. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est une liste que donne M. Résal ( Statistique du Doubs). Les fossiles de cette liste sont, je crois, ceux du mu¬ sée de Besançon ; ils ont été classés par MM. Goquand et Pi- dancet. Dans le corallien inférieur (corallien et argovien), nous avons constaté le plus d’instabilité de la faune des zoo- pbytes, je copie les espèces suivantes :

Pecten lens , Sow . Route de Beurre, Ornans.

subspinosus } Scbl . . . LaVèze.

subfibrosus , d'Orb . Chalazeule.

subarticulatus , d’Orb . Mont Brégille, Ornans, la Vèze.

Lima proboscidea , Sow . Brégille.

substriata , Mil . ld.

Terebratula subcoarctata , Coq. et Pid.. La Yèze.

Fleuriausi , d’Orb . Sombacour.

lagenalis , Dav . Plateau du Lizon.

Ces espèces de Poxfordien siliceux ressemblent singulière¬ ment à celles du calcaire à polypiers (bajocien siliceux) ou du batbonien jaune (batbonien siliceux).

Certains auteurs mettent partout le correctif sub ; d’autres, moins timorés, identifient les deux espèces.

Quel que soit le parti qu’on prenne, on doit conclure que ces espèces, toutes coralligènes, ont une bien grande ressem¬ blance avec celles des deux autres étages.

On expliquera le fait ou par les colonies , ce qui réjouira M. Barrande, ou par le transformisme , ce qui fera les délices de l’école de Darwin; si les darwinistes sont consciencieux, ils trouveront dans nos montagnes du Bas-Jura le plus beau su¬ jet d’études qu’ils aient jamais occasion de rencontrer. Six mois de recherches sur place, quelques mois d’études de ca¬ binet, peuvent avancer la question beaucoup plus que les notes ampoulées de mademoiselle Clémence Royer ou les plaisan¬ teries de M. Yogt.

Il y a des darwinistes à la Société; les voilà prévenus.

11 ne m’est pas permis de trancher la question; je ne ferai ressortir de ce fait intéressant que ce qui touche ma théorie, c’est-à-dire que les stations de zoophytes étaient peuplées d’es¬ pèces coralligènes qui ont reproduit, à chaque apparition de la silice, des caractères analogues, sinon identiques.

Soc. géol ., 2e série, t. XXYIJI.

19

2‘JO

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

Il est bien probable que c’est vraiment la même faune qui, chassée par l’irruption des céphalopodes lors d’une révolution géologique, a reparu modifiée ou non. Ce qu’il faut étudier, c’est la manière dont on doit entendre la chose. Il y a donc un véritable antagonisme entre ces deux genres de faunes , anta¬ gonisme qui se traduit par des allures parfaitement opposées des formes vitales dans chacun des deux cas.

C’est ce double antagonisme de la vie et des sédiments qui m’a conduit à voir dans son accomplissement un grand fait de l’histoire jurassique, fait qui, répété par trois fois avec les mêmes caractères , donne trois phases différentes de la pé¬ riode.

Ce rapprochement entre chacun de ces trois faits est-il exact? L’avenir le démontrera. Mais au moins accordera-t-on qu’il est légitime, parce que l’analogie repose ici sur des con¬ sidérations logiques , sur celles qui traitent du temps et de Y espace.

Etage tithonique.

Si on admet que le triomphe des zoophytes sur les cépha¬ lopodes est l’indice d’une nouvelle division des bassins, il est bon, dès que les couches à minerai ont disparu, de limiter ses conclusions à une région spéciale.

Quoiqu’on ait cru longtemps que le bassin de Paris avait été isolé de celui des Monts-Jura lors du soulèvement post- bathonien, il n’en est pas moins prouvé aujourd’hui que la communication a subsisté jusque pendant le sous-étage séqua- nien au moins. Aussi les couches du bassin de Paris ont-elles une certaine analogie avec celles des Monts-Jura, analogie qui est assez grande pour avoir conduit la plupart des géologues à admettre comme essentielles des divisions qui n’ont qu’une extension géographique restreinte. Ces divisions, jusqu’ici ap¬ pelées étages, je les appellerai sous-étages. Les hautes chaînes des Monts-Jura montrent des couches épaisses de calcaires durs, qui, sur une carte géologique, occupent une extension considérable, mais qui diminuent sensiblement en s’éloignant du rivage; citons l’exemple des Yoirons, celui du Mont-Salève, celui de la Provence, de l’Ardèche, etc.

Si on fait un jour une carte géologique un peu détaillée de la France, on sera embarrassé de ne plus retrouver dans la pleine mer les nombreux étages que l’épaisseur des couches

NOTE DE M. JOURDY.

291

et la variété des faunes a fait établir dans les régions sublitto¬ rales. Sans contester Futilité de ces subdivisions, nous en fe¬ rons des sous-étages, membres différents et variables d’un seul étage, l’étage tithonique.

Alors on ne sera plus étonné de ce fait que les régions péla¬ giques contiennent toutes les couches caractéristiques (moins celles à zoophytes) des étages 1, 2 et 3, sans renfermer celles des subdivisions élevées à tort au rang d’étage dans les cou¬ ches supérieures du Jura. On ne sera plus étonné de l’absence locale d’une de ces subdivisions, pas plus que de celle des subdivisions (sous-étages) du bathonien dans les chaînes du Jura, l’on constate un vrai bathonien sans pouvoir y faire cadrer les subdivisions du Jura dôlois; pas plus que de con¬ stater ici l’absence du sous-étage callovien, du sous-étage oxfordien, dans beaucoup de localités le 3e étage existe avec des allures un peu variées ; on observera l’étage titho¬ nique diversement subdivisé; ici, le séquanien sera peu abon¬ dant (Boulogne), le corallien (Trouville), ailleurs le portlan- dien (Bâle). Dans les Monts-Jura, tous les sous-étages du 4e étage sont représentés par d’épais dépôts dont la puissance varie de 50 à 200 mètres (sauf le dernier qui n’a que quelques mètres). Chacun d’eux a diverses faunes entre lesquelles on observe sou¬ vent beaucoup de passages; ces faunes sont complètes : ce sont des faunes à coraux, à grands gastéropodes, avec de nombreux acéphales, peu de céphalopodes, des galets, des végétaux et des tortues au fur et à mesure qu’on s’approche du sommet, les produits terrestres régnent alors exclusivement.

Chacun de ces sous-étages est une phase du mouvement gé¬ néral d’exhaussement qui s’est fait sentir sur tout le périmètre des Vosges, phase comparable aux antagonismes de courants qui, lors des étages précédents, marquait une partie distincte de la période jurassique.

Les sous-étages (étages du terrain jurassique supérieur, moins le corallien) des Monts-Jura sont encore peu étudiés; ce n’est que lors de ces dernières années qu’on est parvenu à opérer des groupements dans ces immenses masses de cal¬ caires. Les faunes en sont encore peu connues; il faut attendre la fin des travaux de M. de Loriol pour bien les comprendre.

Jusque-là, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de citer l’auteur qui a eu les idées générales les plus nettes à ce su¬ jet, M. le docteur Greppin, l’élève de Thurmann et de Gre^sly.

1er sous-étage : Séquanien. Ce sous-étage a jusqu’à 140 mè-

292

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

très dans le canton de Neuchâtel. On y trouve : « des bas-fonds sableux, vaseux, peu profonds, semblables à ceux de nos lagu¬ nes, et servant d’asiles à une faune petite, fragile , mais riche en espèces et en individus; des régions avec une flore marine, remarquable par ses fucoïdes à tiges épaisses; des bancs de coraux hébergeant de nombreux litbodomes, d’innombrables échinides, des colonies d’ostracées, de mytilacées, de myacées et de gastéropodes; bref, nous y retrouvons des faciès côtier, subpélagique et pélagique avec tous leurs accidents, et l’en¬ semble fréquemment visité par de grands poissons et d’é¬ normes reptiles courant après leur proie. » (Jura suisse, page 81.)

2e sous-étage : Kimméridgien. Il varie de 50 mètres à 150. Il semble manquer en Allemagne, au nord du Jura (contrée déjà émergée).

« La première organisation de cet âge géologique semble s’être manifestée par l’apparition de plantes marines. Des tiges de fucoïdes empâtées dans une roche calcaire formant plu¬ sieurs bancs assez puissants nous donnent une idée de cette luxuriante végétation marine. De grandes ammonites, des nau¬ tiles géants, des tortues énormes, viennent bientôt interrompre cette monotonie végétale, en fondant de véritables colonies. Apparaissent ensuite des madrépores, avec une quantité con¬ sidérable d’écbinides ; enfin toute cette série de reptiles et de mollusques, etc. » (Jura suisse, p. 88 et 89.)

3e sous-étage : Portlandien . Varie de|50 mètres à 120.

« La mer nourrissait des tortues, des reptiles, des crustacés, des céphalopodes, des polypiers.

«Gomme le kimméridgien, le portlandien nous révèle encore un mouvement grandiose et long, qui a eu lieu lentement, du moins sans de trop grandes perturbations, pendant les der¬ nières phases de la série jurassique. Déjà, pendant l’étage kimméridgien, le Jura septentrional semble s’élever lente¬ ment, devenir une terre ferme stérile, jusqu’à ce qu’enfin la mer jurassique se transforme en une mer différente, etc. » (Jura suisse, p. 94.)

4e sous-étage : Purbeckien. Puisque la classification entre¬ prise ici ne concerne que la région naturelle qui s’étalait au pied méridional des Vosges, il est clair qu’une division im¬ portante, qui sera ici un sous-étage , est nécessaire pour clas¬ ser le dépôt d’eau douce qui, malgré son peu d’épaisseur, s’é-

NOTE DE M. JOURDY. 293

tend sans discontinuité dans toute l’étendue des Monts-Jura , au pied des dépôts portlandiens émergés.

Les dépôts supérieurs du portlandien (couches à poissons et à tortues) montraient des dolomies; le purbeckien contient du gypse.

Le sous-étage purbeckien ne renferme que des coquilles d’eau saumâtre et d’eau douce.

Le soulèvement lent du bassin jurassique de Franche-Comté et de Suisse a dès lors atteint toute son amplitude; les cou¬ rants marins qui luttaient entre eux après la période basique sont maintenant rejetés au loin dans les Alpes.

RÉSUMÉ DE LA CLASSIFICATION.

SOULÈVEMENT POST-BATHONIEN.

GROUPE DU JURA INFÉRIEUR.

GROUPE DU JURA SUPÉRIEUR.

1 er ÉTAGE.

Étage bajocien.

, 2e ÉTAGE..

Étage bathonien.

3e ÉTAGE.

Étage oxfordien.

, 4e ÉTAGE.

Étage tithonique.

3e S.-étage. Couches à chailles et à po¬ lypiers.

2* S. -étage. Calcaire lédonien.

1er S. -étage. Couches à minerai et à cé¬ phalopodes.

3e S.-étage. Bathon. jaune.

2e S. -étage. Bathon. blanc.

1er S.-étage. Bathon. irisé.

4e S.-ét. Corallien.

3e S.-ét. Argovien.

2e S.-ét. Oxfordien.

1er S.-ét. Callovien.

4e S.-ét. Purbeckien

3e S.-ét. Portlandien.

2e S.-ét. Kimmérid- gien.

1er s.-ét. Séquanien.

Cette classification permet, dans une carte géologique, d’em¬ brasser tous les cas en marquant d’une couleur déterminée un étage dont les subdivisions porteront des teintes variées sui- vant les différentes régions.

Elle tranche la question de savoir si l’on doit représenter par une ou deux couleurs le bajocienet le bathonien (carte de M. Résal) ; dans les régions un de leurs sous-étages aura un grand développement, on pourra lui affecter une teinte spé¬ ciale (bathonien inférieur de la Moselle, bathonien moyen des Ardennes), de môme que les sous-étages du titbonique seront distingués d’une façon particulière dans les Monts-Jura et nul¬ lement dans les Alpes.

Elle résout la question du tithonique. Le titbonique figu¬ rera comme étage dans les dépôts pélagiques aucune subdi-

294

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

vision n’est possible ; tandis qu’il sera représenté par 2, 3 ou 4 de ses sous-étages sur les rivages le littoral a présenté des particularités.

J’espère que cette classification adoucira un peu l’âcreté des querelles entre savants. Si on doit un jour faire une carte géologique unique pour toute la France, il faudra bien réunir une commission pour arrêter les teintes, et par suite la clas¬ sification qu’on doit employer pour le terrain jurassique. Il est inutile de dire qu’aujourd’hui pareille entente est impossible. On me reprochera peut-être d’avoir manqué de foi en présen¬ tant une carte géologique dont le coloriage est contraire à mes idées. J’ai en effet exécuté ma carte d’après ce qui est admis jusqu’ici; je n’ai pas voulu qu’on m’accuse d’être un rénovateur systématique.

Ma note sur une classification plus rationnelle des terrains jurassiques a eu moins pour but de créer une doctrine nou¬ velle que d’appeler l’attention de mes collègues sur la néces¬ sité d’adopter des idées d’ensemble. Si on trouve que j’ai tort, je fais volontiers le sacrifice de mes idées. Que chacun en fasse autant.

ITI. Le soulèvement post-bathonien. Son influence.

Nous avons vu que la période jurassique, tout le long du rivage vosgien, c’est-à-dire dans les montagnes tout entières du Jura, avait été soumise à un grand nombre de petites révo¬ lutions dont le résultat avait été de changer, d’une façon con¬ tinue, le régime des mers. Nous avons vu aussi que ces mou¬ vements locaux n’avaient modifié en rien la succession des deux sortes de dépôts et de faunes dont l’importance seule a changé. Nous avons reconnu que l’étage bathonien notam¬ ment a subi des mouvements assez importants , sans que l’antagonisme des dépôts à minerai et des dépôts à silice se soit modifié d’une façon radicale ; il s’est produit , dans les localités soumises à ces mouvements, certaines modifications dans les faunes. Nous avons vu ainsi voyager un céphalopode {Ammonites Parkinsom) plus que cela n’a lieu d’ordinaire pour cet ordre de mollusques, tandis que dans les régions tran¬ quilles aucune anomalie ne s’est produite à cet égard. Nous avons constaté aussi les migrations incessantes des stations de spongiaires, d’encrines et d’échinides. Mais nous n’avons pas rencontré de difficulté réelle pour constituer l’étage dont

NOTE DE M. JOURDY.

295

la notion ressort clairement de cette foule de variations parti¬ culières. Ces bouleversements plus nombreux que considé¬ rables n’étaient que les précurseurs d’un soulèvement plus in¬ tense, et que j’appellerai le soulèvement post-bathomen.

Dans le Jura dôlois, le bathonien blanc forme généralement le sommet escarpé des pâturages, tandis que les pentes infé¬ rieures qui sont argoviennes sont couvertes de vignes et s’é¬ talent depuis la base des collines jusqu’à mi-côte. Le bathonien jaune s’observe par taches au pied même de l’escarpement formé par le calcaire ruiniforme, et l’argovien recouvre, dans ce cas, les lits inclinés et fissurés de Foolithe jaune qu’on ap¬ pelle souvent la dalle nacrée . Ce fait s’observe dans une grande partie de la Franche-Comté l’on aperçoit debout la roche en place du calcaire ruiniforme , dont les escarpements sont souvent très-pittoresques, tandis que le bathonien jaune se trouve rejeté de sa place naturelle et occupe le fond de la val¬ lée ; c’est ce que, dans un mémoire relatif à l’orographie du Jura dôlois, j’appelle la chute du bathonien jaune.

Sur les pentes ou dans les plis formés à la base du calcaire ruiniforme par le bathonien blanc, on aperçoit les couches toujours tourmentées du bathonien jaune; sur les dalles ou dans les anses que l’érosion a produites dans ces lits fendil¬ lés, on trouve en stratification transgressive l’argovien, puis l’oxfordien dont les couches les plus inférieures suivent le fond corrodé de l’ancien rivage.

Coupe de la jonction de la ligne de Dôle à Dijon et de la ligne de Dôle à C hâlon-sur- Saône .

B. Couche à minerai (A. Lamberti).

Uw c* Couche calcaire ferrugineuse (A. cordatus).

tÉKËSft D. Marne bleue (.4. cordatus).

296

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

Il résulte de cette coupe qu’une action mécanique a opéré la chute du bathonien jaune dont les couches se sont fissurées en dalles sous les pressions qu’elles subissaient ; qu’ensuite une action corrosive des vagues en mouvement a déterminé sur la •surface des dalles une sorte de moutonnage («aa) sur lequel se sont moulées les premières couches qui ont pu se déposer; peu à peu ces inflexions des couches ont disparu par l’effet d’un affaissement général du rivage, grâce auquel les sédi¬ ments ont de plus en plus recouvert les anfractuosités causées par l’érosion.

Un autre effet du soulèvement est visible près de Landon, tout le long de l’escarpement du bathonien blanc contre le¬ quel viennent s’arrêter les couches argoviennes des vignobles de Dôle.

Coupe du Mont des Bruyères {en face de Dôle).

Carrière. Maisonnette.

G. Corallien. O. Oxfordien.

A/. Argovien sup. (marne de Dôle). Bj. Bathonien jaune.

A. Argovien infér. (calcaires à en- p. Poudingue bathonien. troques). Bb. Bathonien blanc.

A l’endroit cesse le vignoble (maisonnette de la coupe), le rocher présente un escarpement qui a 2 kilomètres de long et en moyenne 2 mètres de hauteur. A l’inverse de la roche du calcaire ruiniforme, la paroi de l’escarpement est lisse et arrondi, formant une sorte de moutonnage vertical (p). En l’observant dans les crevasses on reconnaît que c’est une sorte de placage dont le marteau révèle la structure. C’est un vrai

NOTE DE M. JOURDY.

297

poudingue, dont les cailloux appartiennent au bathonien blanc et au bathonien jaune, et dont la pâte est une argile durcie, mais jaune et telle qu’on la trouve dans les couches supé¬ rieures du bathonien jaune. Ce placage peut donc être consi¬ déré comme la surface de glissement du bathonien jaune au moment il était dérangé de sa position stratigraphique dont on voit encore des traces, des témoins sur le sommet du Mont-Roland.

On retrouve un poudingue à peu près semblable dans la tranchée qui nous a fourni la première de ces deux coupes.

Le bathonien jaune, comme le montre cette coupe, est fis¬ suré par un grand nombre de failles, et est également séparé du bathonien blanc par d’autres failles. Les parois de ces der¬ nières contiennent des 'poches d’un mètre carré de section, dans lesquelles on observe l’argile jaune du poudingue ; mais ici l’argile est à peine durcie. La partie du bathonien jaune qui est au contact de ces poches est tellement disloquée, que toute trace de stratification a disparu pour faire place à une sorte de structure informe, composée de cailloux disjoints, parmi les¬ quels on retrouve des fragments de calcaire ruiniforme pro¬ venant de l’autre paroi de la poche. Cette sorte de poudingue est généralement fixée aux deux parois de la poche; quand il y a un décollement du côté de la paroi formée par le batho¬ nien blanc, on peut observer un véritable burinage sur la sur¬ face du calcaire ruiniforme.

J’ai observé une dizaine de faits de ce genre au pied des es¬ carpements du bathonien blanc contre lesquels vient butter l’argovien.

On peut en conclure que jamais soulèvement n’a été plus catégoriquement prouvé, puisque, outre la discordance, on peut constater la manière dont les roches ont été fendillées en dalles, coupées par les failles, puisqu’on peut constater enfin les surfaces sur lesquelles ces roches ont glissé. C’est saisir la nature sur le fait.

Ce soulèvement a été reconnu à Dijon par M. Martin, à Gray par M. Perron, à Besançon par M. Vézian, qui a saisi cette occasion pour enrichir encore le réseau pentagonal , dans le Haut-Jura par M. Etallon, dans les chaînes centrales par M. Jaccard, par M. Hébert sur tout le pourtour du bassin de Paris.

Il a donc régné tout le long du rivage vosgien.

Quelle a été son influence?

298

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

D’après ce qui a été dit sur l’antagonisme des premiers dé¬ pôts jurassiques, on peut en conclure que, mettant fin au ré¬ gime des courants qui favorisaient l’apport de la silice et le développement des zoophytes, ce soulèvement a eu pour effet de ramener le régime des courants pélagiques qui , pendant longtemps, amenèrent les céphalopodes.

Nous avons vu par la transgressivité des dépôts que le ri¬ vage s’était enfoncé pendant la plus grande partie de l’étage oxfordien (jusqu’au sous-étage argovien ou corallien selon les localités) , c’est-à-dire que l’œuvre lente du soulèvement qui se manifestait pendant la fin du bajocien et du bathonien, fut de nouveau interrompue, et que le régime des mers tendit à re¬ devenir ce qu’il était au début du bajocien.

Quoique, dans certaines localités (Bâle), ce soulèvement ait été peu sensible, il n’est pas moins vrai qu’il a embrassé une grande étendue; de plus, sa force étant assez grande pour dé¬ placer violemment les roches bathoniennes à peine consoli¬ dées, le littoral vosgien des mers jurassiques dut être relevé en un assez grand nombre de points et former beaucoup de hauts-fonds. L’influence de ces hauts-fonds se fait sentir au commencement des dépôts oxfordiens ( observations de MM. Greppin et Etallon sur les faunes calloviennes et oxfor- diennes du Haut- Jura); elle disparaît, il est vrai, plus ou moins lors du maximum d’affaissement. Mais quand le sou¬ lèvement du littoral reprit son cours progressif et séculaire, les hauts-fonds donnèrent des îles; la mer vosgienne de l’é¬ poque jurassique dut alors posséder un véritable archipel au milieu duquel les méandres multipliés des courants littoraux devaient favoriser l’établissement et la reproduction indéfinie des stations de zoophytes , ainsi que la formation de puissants sédiments qui s’accumulaient dans un golfe fermé par de lon¬ gues chaînes d’îlots.

Le soulèvement post-batbonien a donc eu pour résultat d’exagérer la durée et la vie de l’étage jurassique qui l’a suivi; la durée de la période d’affaissement succédant à ce mouve¬ ment énergique a favorisé la durée de la faune à céphalo¬ podes, et la multiplicité des îles nées des efforts dynamiques celle de la faune à zoophytes.

Voilà pourquoi l’étage oxfordien a quelquefois 200 mètres, tandis que l’étage bajocien n’en a que 50; voilà aussi pour¬ quoi cet étage est celui qui caractérise le mieux l’époque juras¬ sique dont il accentue toutes les phases.

NOTE DE M. P. GERVAIS.

299

Lors de l’étage tithonique, à mesure que le littoral conti¬ nuait son mouvement d’exhaussement, l’archipel prenait les proportions d’un bassin plus favorable à l’accumulation des dépôts, au développement et à la migration des zoophytes. C’est pour cela que les subdivisions de cet étage présentent autant d’importance.

En résumé, cette disproportion entre les quatre étages (bajocien, bathonien, oxfordien et tithonique) est un fait par¬ ticulier au rivage vosgien des mers jurassiques. Si les derniers dépôts présentent plus d’épaisseur que les premiers étages, ils ne correspondent nullement au même fait; cette puis¬ sance purement accidentelle ne doit pas marquer les phases réelles de l’histoire jurassique; c’est leur restituer leur vraie valeur que de les reléguer au rang de sous-étages, en con¬ servant le nom d’étage à la division qui représente un fait important, non-seulement dans le temps , mais aussi dans Yes- pace .

Sur la proposition de M. Belgrand , la Société fixe la course de la Padole au mercredi 13 septembre. Le départ aura lieu de la gare d’Orléans par le train de 7 h. 35 du matin.

M. Paul Gervais fait la communication suivante :

Note sur la collection des mammifères fossiles conservés au Musée Saint-Pierre , à Lyon , par M. Paul Gervais.

Lorsque je me suis rendu dernièrement à Lyon pour y étu¬ dier la belle collection de reptiles et de poissons, des calcaires lithographiques de Cirin, que le musée Saint-Pierre doit à MM. Thiollière et Jourdan, j’ai été frappé de la bonne in¬ stallation et de l’excellent classement des nombreux ossements fossiles de mammifères que possède le même musée.

Ces pièces, pour la plupart remarquables, sont aussi en grande partie le fruit des recherches de M. Jourdan, et plu¬ sieurs d’entre elles sont mentionnées dans les publications de ce savant naturaliste. Grâce au zèle du directeur actuel du mu¬ sée, M. le professeur Lortei, et au concours à la fois intelligent et actif que lui prête M. Chantre, il est dès à présent possible

300

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

de se rendre compte de l’importance de ce bel ensemble, et de juger des caractères que présentent les différentes faunes mammalogiques qui se sont succédé dans le bassin du Rhône. 11 y a, en effet, dans la salle spécialement réservée aux mam¬ mifères, des ossements de cette classe d’animaux recueillis dans les principaux dépôts postérieurs à la craie.

Je signalerai d’abord, parmi les fossiles post-tertiaires, des débris de renne travaillés, qui proviennent du curieux os¬ suaire de Solutré, près Mâcon, si bien exploré par MM. de Ferry, Arcelin et Ducrost. L’homme est associé dans cette lo¬ calité à l’éléphant, au grand bœuf, au cheval, au grand ours, à l’hyène, etc.

Un crâne de sanglier, trouvé dans le Mont-d’Or lyonnais, pourra être utilement comparé à ceux de race actuelle , ainsi qu’aux animaux du même genre que l’on a découverts à Lu- nel-Viel, près Montpellier, au Yal d’Arno, près Florence, à Pi- kermi, près Athènes, etc. Ce crâne est celui dont de Blainville a parlé dans son Ostéographie du genre Sus (1). Comparé au crâne du sanglier de nos forêts, le moule en plâtre que MM. Lortet et Chantre ont bien voulu m’en remettre montre quelques différences qui devront être examinées avec soin.

Avec le sanglier de Saint-Didier se trouvaient des ossements d’éléphant, de grand ours, etc. M. Jourdan a parlé de ce gi¬ sement dans une note qu’il a insérée dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences.

Des débris indiquant la marmotte ( Arctomys primigenia) (-) proviennent de Poleymieux, ils sont associés à ceux de VUr- sus spelœus, de VHyœna spelœa,t du Canis vulpes , ainsi qu’à des ossements de cheval et de grand bœuf.

Le dépôt de Chagny doit être joint à la liste de ceux qui ont fourni des restes du Castor , de VUrsus spelœus , de Rhinocéros , peut-être du Rh. Merckii , et, ce qui est plus rare, de Machai- rodus , probablement du Mach. latidens. que j’ai déjà mentionné en France, au Puy-en-Velay, d’après une pièce recueillie par

(1) Page 20S.

(2) Aux gisements de cette espèce que j’ai précédemment signalés en France, il faut ajouter ceux de Feugueroiles, près Caen (Calvados), de La- trecey (Haute-Marne), de Toul (Meurthe) et des Eyzies (Dordogne). Il a aussi été trouvé des ossements d Arctomys primigenia dans les cavernes de l’Italie, soit sur la frontière de France, du côté de Menton (M. Rivière), soit auprès de Pise (M. Regnoli).

NOTE DE M. P. GERVÀIS.

301

M. Aymard , et à La Baume, près Lons-le-Saunier (Jura), M. Benoît en a trouvé deux dents.

Je ne cite que pour mémoire les pièces , fort intéressantes cependant, sur l’examen desquelles M. Jourdan a établi son Ormenalurus (1) [O. gracilis ), qui est une grande espèce de la tribu des Félins. Je me borne également à rappeler que c’est au musée de Lyon que sont actuellement déposés les fossiles découverts en Auvergne, que j’ai décrits et figurés dans ma Zoologie et Paléontologie françaises, sous le nom de Palœo - chœrus typus (2!) (p. 183, pl. 33, fig. 1-2), et d ’ffyopotamus bor- bonicus (p. 192, pl. 31, fig. 9).

Des fragments indiquant le Mastodonte à longue symphyse , espèce commune dans les dépôts d’Eppelsheim et de Sansan, ont été trouvés dans le miocène lacustre de la Croix-Rousse, à Lyon. Il y a parmi eux une portion très-caractéristique de maxillaire inférieur.

Le musée possède encore d’autres espèces de mammifères également découvertes dans l’intérieur de Lyon.

Mais les tufs à indusies de Saint-Gérand-le-Puy (Allier) et des localités avoisinantes (Langy, etc.), ainsi que les marnes de Curcy, qui en sont peu éloignées, ont fourni au musée de Lyon une riche série de fossiles, pour la plupart fort in¬ téressants : les uns de la classe des mammifères, les autres de celles des oiseaux ou des reptile?. C’est de ces dépôts que proviennent les genres Cynélos et Céphalogale de M. Jour¬ dan (3).

Le Cynelos ( Amphicyon graçilis , Pomel; A. elaverensis , P. Gerv.) m’était déjà connu par les fragments que j'en avais vus à Cusset, chez M. Feignoux, et par ceux formant les pièces- types du genre, qui sont conservés au musée de Lyon (4), et je n’en parle ici que pour rappeler que ce canidé a seulement sept molaires inférieures , comme la plupart des autres ani¬ maux de la même famille, tandis que les Amphicyons véritables (. Amphicyon major) en ont huit, par suite de la présence à cette mâchoire d'une troisième paire d’arrière-molaires tubercu¬ leuses.

Quant au Cêphalogale [Cephalogale Geoffroyi , Jourdan), il ré-

(1) Bulletin Acad, sciences , belles-lettres et arts de Lyon ; 1866,

(2) Synonyme d 'Hyotherium Sœmmeringii , H. de Meyer.

(3) Revue des Sociétés savantes , t. I, p. 130; 1862.

(4) Zool. et Pal. franc., p. 215.

302

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871

pond en partie à l’espèce signalée précédemment par moi sous le nom d ’Amphicyon zibethoides (1). Chacune de ses mâchoires avait sept paires de dents molaires.

Voici donc de nouvelles formules dentaires à ajouter à celles qu’on a déjà observées sous le rapport du nombre des dents molaires, chez les canidés ( Canis , Cuon , Icticyon , Oto - cyon , etc.) (2).

Une boîte crânienne de Céphalogale , appartenant au musée de Lyon, m’a permis de faire exécuter un moulage de l’inté¬ rieur du crâne de cette espèce , et d’en obtenir la forme céré¬ brale dont je publierai une figure (3).

(1) Zool . et Pal . franç ., p. 216.

(2) On ne sait pas encore quelle est exactement la formule dentaire du genre éteint de Canidés que M. Lartet ( Notice sur Sansan , p. 16) indique sous le nom d ’Hemicyon, et dont il dit qu’il est plus grand que le loup, mais plus voisin de ce dernier que l’Amphicyon ; ajoutant qu’il semble se rapprocher, par quelques détails de ses dents caractéristiques, de certaines espèces de la famille des martes, particulièrement du glouton . Cette dernière remarque semblerait indiquer qu’il existe de l’analogie entre l’Hémicyon de M. Lartet et l’animal de Pikermi décrit par A. Wagner en 1857 sous le nom de Pseudocyon robustus (Acad, de Munich} p. 15, pl. 6, fig. 13) ; mais celui-ci est de moindre taille que le loup, et sa formule dentaire, ainsi que la forme de plusieurs de ses dents permettent de le distinguer aisément de ce dernier carnivore. Le Pseudocyon robustus , à l’espèce duquel appartient évidemment l’animal du même gisement dont M. Gaudry a fait son genre Metarctos , et dont il a décrit une mâchoire inférieure complète (Anim. foss. de VAttique , p. 37, pl. 6, fig. 1-2), a deux paires de tuberculeuses supé¬ rieures, peu différentes de celles des Canidés, mais il n’a qu’une seule tu¬ berculeuse inférieure . Il n’est d'ailleurs pas certain que ce soit véritable¬ ment un animal de cette famille.

M. l’abbé Bourgeois a cité le Pseudocyon parmi les fossiles dont il a con¬ staté la présence dans les sables de l’Orléanais . Une molaire supérieure de forme tuberculeuse, provenant de ces dépôts, qu’il m’a montrée dernière¬ ment, m’a paru être la première tuberculeuse supérieure gauche du Pseu¬ docyon robustus.

Quant au genre Pseudocyon de M . Lartet, signalé par ce naturaliste, à la page 16 de sa Notice sur Sansan, et qu’il dit supérieur en dimensions à YHemicyon sansaniensis, qui lui-même dépasse le loup, il paraît bien cer¬ tain qu’il n’est pas identique avec celui établi par Wagner sous le même nom. Le Pseudocyon de Wagner devra prendre la dénomination de Simo - cyon que Wagner lui-même a proposée pour sortir de cette confusion.

La formule du Pseudocyon sansaniensis n’est pas encore connue.

(3) Voir Journal de Zooloyie , 2.

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Tnote de m. p. gervais.

Les dépôts sidérolithiques accumulés dans les fentes du calcaire bajocien de la Grive, près Bourgoin (Isère), renfer¬ ment dans certains cas des ossements de mammifères, d’oi¬ seaux et de reptiles, qui appartiennent à des espèces en partie identiques avec celles que l’on trouve dans les couches régu¬ lières de Sansan et de Simorre. Ces fossiles, auxquels M. Jour¬ dan a également consacré une notice particulière, viennent aussi d’être classés dans les vitrines du musée de Lyon.

Une des espèces les plus curieuses auxquelles ils se rappor¬ tent est celle queM. Jourdan a nommée Dinocyon Thenardi. C’est un grand carnivore de la famille des canidés, qui prend rang à côté des amphicyons. Il est supérieur en dimension à 1 ’Am- phicyon major , et paraît être le même animal que le chien gi¬ gantesque signalé par Cuvier dans le miocène d’Avaray (Loir- et-Cher), et qui a été retrouvé à Chevilly (Loiret). Il porte dans les catalogues méthodiques le nom d 'Amphicyon giganteus que lui a imposé Laurillard. Une des pièces conservées au musée de Lyon montre que le dinocyon n’avait probablement que sept molaires à la mâchoire inférieure, comme les chiens, et qu'il ne possédait à cette mâchoire que deux paires de tuber¬ culeuses de chaque côté au lieu de trois, contrairement à ce qui a lieu pour YAmphicyon major.

Un grand félidé de la Grive rentre dans le genre Machairodus ( Drepanodon , Nesti ; Megantereon , Bravard.) Il constituait une espèce à peu près de même dimension que le Machairodus leo- ninus signalé par Wagner, à Pikermi. M. Jourdan cite aussi à la Grive un félis véritable, comparable à la panthère pour sa taille, et il indique au même lieu d’autres carnivores, dont plu¬ sieurs devront, suivant lui, former des genres nouveaux.

Les proboscidiens sont représentés dans le même gisement par le genre Dinothérium; les jumentés par un Rhinocéros et par Y Anchitherium aurelianense ; les porcins par différents genres, au nombre desquels nous citerons ceux des Hyothe- rium et des Listriodon. M. Jourdan y mentionne aussi le genre Chalichotherium de Raup ( Anisodon , Lartet), et il y a plusieurs ruminants : Antilope , Dicrocère , Dorcatherium ou Amphitragu- lusy etc.

On trouve encore dans le gisement de la Grive, comme dans celui de Sansan, de petites espèces de mammifères, et, dans certains cas, ces espèces sont peu différentes de celles de la faune post-tertiaire.

Enfin il y a des oiseaux et des reptiles.

304

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

Pendant une course que nous avons faite dans cette loca¬ lité avec M. Chantre, nous y avons trouvé un maxillaire infé¬ rieur indiquant un saurien comparable aux Varans et aux Sau¬ vegardes.

Espérons que M. Lortet ne tardera pas à publier de nou¬ veaux renseignements sur les fossiles de la Grive.

Divers autres gisements riches en ossements de mammifères sont également très-bien représentés dans le musée de Lyon, et pourront donner lieu à de nouvelles publications. Je citerai, parmi eux, celui de la Debruge, près Apt (Vaucluse), sur le¬ quel j’ai moi-même appelé autrefois l’attention des naturalistes.

11 existe à la Debruge, dans un dépôt ligniteux, et sur la montagne de Perréal ou Sainte-Radegonde , dans des marnes calcaires, une quantité considérable d’ossements de mammi¬ fères appartenant aux espèces enfouies dans les gypses pa¬ risiens : paléotbériums, paloplothériums, anoplothériums, chéropotamesjxiphodons, adapis, hyénodons, ptérodons, péra- tbériums, etc. Tous ces genres sont très-bien représentés au musée de Lyon, et l’on voit aussi dans ce musée quelques débris du Dichobune leporinum quip reviennent de la Debruge, gise¬ ment dans lequel la présence de cette espèce n’avait point encore été signalée.

Ces courtes indications suffiront pour montrer aux géo¬ logues les services que peut rendre à la science le classement du musée Saint-Pierre dont MM. Lortet et Chantre s’occupent avec tant de zèle.

A la suite de cette communication , M. Delesse rappelle que MM. Faisan et Locard ont publié dans leur Monogra¬ phie géologique du Mont-d'Or Lyonnais (1866), la Classification des terrains tertiaires et quaternaires , adoptée par M. le profes¬ seur Jourdan, classification dans laquelle chaque époque est caractérisée par Inexistence dJun certain nombre de grands mammifères.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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Des terrains stratifiés , considérés au point de vue de l' origine des substances qui les constituent et du tribut que leur ont apporté les parties internes du globe\ par M. Dâubrée.

(Communiqué à la séance du 7 août 1871.)

Les débris d’animaux et de végétaux que les sédiments des anciennes mers renferment, avec tant d’abondance, ont attiré tout particulièrement l’attention des géologues, surtout depuis un demi-siècle. L’étude des fossiles a porté, non-seulement sur leur nature même, leurs formes et leur constitution, mais aussi sur leur répartition dans la série des couches et leur succession dans le temps. On est ainsi parvenu à établir une série chronologique des assises, et à faire des rapproche¬ ments entre des divisions, étages et sous-étages, qui paraissent avoir été déposés simultanément dans les pays les plus distants.

À un tout autre point de vue, les terrains stratifiés ont aussi révélé des faits d’une importance capitale. Les dérangements considérables qu’ils ont subis, depuis qu’ils ont perdu l’hori¬ zontalité sous laquelle ils avaient été originairement formés, c’est-à-dire les ploiements et redressements de leurs strates, ont fait ressortir, en effet, d’une manière palpable, le carac¬ tère, l’énergie et les directions des actions mécaniques dont la croûte terrestre présente, de toutes parts, l’empreinte sai¬ sissante.

Il est un troisième ordre de questions que fait naître l’étude des roches de cette grande catégorie : ce sont celles qui con¬ cernent leur mode même de formation, c’est-à-dire leur his¬ toire physique et chimique.

Ce qui se passe aujourd’hui dans la mer, c’est-à-dire les ac¬ tions par lesquelles des matériaux de nature variée y sont étalés au loin et nivelés par la nappe liquide, puis se super¬ posent graduellement les uns aux autres, fournit des termes de comparaison instructifs sur la formation des roches stra¬ tifiées .

Mais au delà de cette mise en œuvre par les eaux de sur¬ face, marines ou lacustres, se présente une question primor¬ diale. Avant que ces puissants remblais, d’un volume si consi¬ dérable, eussent été étendus comme nous les voyons, étaient les différents corps qui y sont aujourd’hui, combinés et ac¬ cumulés? la mer a-t-elle trouvé à s’emparer d’une telle Soc. géol. , 2e série, t. XXVIII. 20

SÉANCE DU 1 SEPTEMBRE 1871.

308

quantité de matériaux? Quelle est, en un mot, l’origine des substances qui constituent les terrains stratifiés?

On sait comment Werner, dans un système qui avait géné¬ ralement cours à la fin du siècle dernier, faisait dériver de la mer primitive la totalité des matériaux qui composent les ter¬ rains stratifiés; il n’en exceptait même pas les masses cristal¬ lines qui leur servent de support.

Pendant le premier quart de ce siècle, bien des observations démontrèrent que beaucoup de masses ont été intercalées, de bas en haut, dans l’intérieur des terrains sédimentaires, et que les filons métallifères ont également été remplis par des exha¬ laisons émanant des régions profondes du globe. Dès lors, on fut amené à soupçonner une origine analogue pour certaines substances qui entrent dans la constitution même des terrains stratifiés. Cette supposition se trouvait appuyée par cet autre fait, que l’on arriva à constater, que les sources thermales et gazeuses sont aussi en relation avec les dislocations profon¬ des, même dans des régions qui ne sont pas traversées par des roches éruptives.

D’ailleurs, des exemples à l’appui de ce dernier procédé de formation étaient fournis parles couches tertiaires du bassin de Paris, qui, déjà à cette époque, avaient été étudiées d’une ma ¬ nière approfondie. Dès 1812, M. d’Omalius constatait une res¬ semblance des calcaires d’eau douce de la France et de divers autres pays avec les dépôts formés récemment, aux environs de Rome, par les sources minérales incrustantes; on était donc autorisé à considérer les premiers comme formés dans des conditions semblables, c’est-à-dire comme étant d’anciens travertins (1). Cette opinion fut bientôt adoptée et confirmée par Alex. Brongniart (1822) (2).

La manière d’être d’autres substances, moins abondantes que le calcaire, faisait aussi soupçonner une intervention des agents de la profondeur dans la formation des terrains stratifiés. L’ac¬ tion de vapeurs magnésiennes , à laquelle Léopold de Buch croyait devoir recourir pour expliquer la formation des dolo¬ mies du Tyrol, dans le mémoire célèbre qu’il publia en 1822, le conduisait à supposer que des actions du même genre avaient

(1) Journal des Mines, tome XXXII, page 402.

(2) Description géologique des environs de Paris , édition de 1822, p. 312 , 3e édition, 1835, p. 556.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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contribué â la formation de certains dépôts de gypse autour du Hartz (1824). Il est juste de rappeler que, dès 1821, M. Bec¬ querel avait frayé une autre voie tendant au même but, en si¬ gnalant, dans l’argile plastique des environs de Paris, de la blende et de la strontiane sulfatée. L’arrivée de cette dernière substance fut bientôt rattachée par Brongniart aux failles, ta¬ pissées d’élégants cristaux, que présente la môme contrée (1).

Comme contre-partie expérimentale de ces observations, Ber- zélius, à lasuite d’une analyse des plus habiles, publiée en 1823, saisissait la strontiane sulfatée et le fluorure de calcium en voie de formation, dans les dépôts des sources thermales de Carlsbad.

Au même moment, de Bonnard appelait l’attention sur la présence de minerais métalliques, en beaucoup de points, dans les terrains stratifiés de la France centrale qui sont juxtaposés au granité.

D’un autre côté, l’hypothèse qu'avait émise Lazzaro-Moro, en 1740, en attribuant une origine éruptive au sel gemme, ainsi qu’au soufre et au bitume, était reprise et appliquée par de Charpentier (1823) à l’amas de Bex, qui est associé à de l’anhydrite, et M. d’Alberti, dans l’étude classique qu’il faisait de ce terrain, en 1834, se ralliait à la même hypothèse pour tout Je sel gemme subordonné au trias. D’ailleurs, l’examen des gîtes de minerai de fer pisolithique avait conduit (1828) Alexandre Brongniart à une conclusion semblable, qui devait bientôt, na¬ turellement, s’appliquer aussi aux dépôts siliceux ou meulières des terrains tertiaires (2). Une origine analogue fut étendue à d’autres substances par M. d’Omalius, particulièrement à cer¬ taines argiles et à certains sables, qui, notamment en Belgique, paraissent participer au mode de formation de 1a, calamine (3) (1841 et 1855), et que Dumont nomma dépôts geysériens (1854). D’un autre côté, par ses belles recherches sur la décomposi¬ tion des espèces minérales de la famille des silicates, Ebelmen découvrait, en 1845, des liens directs qui unissent les roches sédimentaires aux roches éruptives. On sait enfin avec quel ensemble d’arguments le travail classique que M. Elie de Beau-

(1) Même ouvrage, édition de 1822, p. 75.

(2) Description géologique des environs de Paris 8e édit., 1835, p. 556.

(3) Bulletin de la Société géologique de France , 2e série, t. XII 1856, p. 242.

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

mont publia, en 1847, sur les émanations volcaniques et mé¬ tallifères, confirmait dans cet ordre d'idées.

C’est ainsi que diverses substances appartenant aux dépôts sédimentaires étaient reconnues eu, au moins, étaient suppo¬ sées provenir des régions profondes.

Malgré l’intérêt qu'il présente, ce sujet a été peu étudié dans son ensemble. Ainsi, c’est à peine si l’origine possible du carbo¬ nate de chaux, qui joue un si grand rôle, est mentionnée dans certains traités de géologie. Bien que le problème éoit d’un abord difficile et qu’il ne soit pas susceptible d’une solution pré¬ cise et absolument certaine, ce n’est pas une raison pour l’éviter indéfiniment; car il est du nombre de ceux qui s’imposent sans cesse à l’esprit de l’observateur, comme se rattachant, de la manière la plus directe, à l’économie générale du globe. Quel¬ que ingrate que soit la tâche de celui qui s’aventure dans des terrains aussi mouvants et s’expose ainsi à de nombreuses ob¬ jections, la discussion qui a eu lieu, dans une séance récente, à propos d’un cas particulier, du phosphore, m’engage à sou¬ mettre à la Société géologique quelques observations sur cette question. Si certaines idées sont justes, elles prévaudront, tandis que les faits qui se révéleront plus tard anéantiront celles qui seraient trop aventurées, et que je serai le premier à abandonner.

I. Apports des parties externes et particulièrement de l’écorce cristallisée.

Considérées dans leur nature minérale, les roches strati¬ fiées, quelque développées qu’elles soient’, sont peu variées. Trois espèces, le quartz, l’argile et le carbonate de chaux, y prédominent considérablement, quelquefois à peu près pures, le plus souvent à l’état de mélange. La dolomie n’y est pas rare; le gypse et l’anhydrite, le sel gemme, ainsi que les com¬ bustibles charbonneux, y occupent une place beaucoup plus restreinte. Il importe encore de signaler, quoique en propor¬ tions relativement faibles, les phosphates, la pyrite, ainsi que les oxydes et carbonates de fer, qui sont fréquemment associés à ces roches.

Si l’on poursuit les dépôts sédimentaires jusqu’à une pro¬ fondeur suffisante, on les voit s’arrêter partout, pour faire place à des masses d’une autre composition minéralogique, de na-

NOTE DE Me DAUBRÉE.

309

ture éminemment cristalline, et dépourvues de fossiles. Ces dernières, qu’on a désignées sous l’épithète générale de cristal¬ lisées, ont été soumises à des conditions spéciales; elles sont principalement représentées par le granité et le gneiss. Dans toutes les parties du globe, cette sorte de soubassement se pré¬ sente avec une uniformité très-remarquable, qui atteste l’unité de son mode de formation.

Des roches moins anciennes ont pu, sur des massifs consi¬ dérables, prendre la structure cristalline sous l’influence de certaines actions calorifiques et chimiques, c’est-à-dire devenir métamorphiques, comme on l’a signalé en Toscane et dans di¬ verses parties des Alpes. Mais , lorsque les terrains siluriens ont commencé à se déposer, l’assise sur laquelle ils s’étendaient était sans doute déjà cristalline, à peu près comme elle l’est au¬ jourd’hui. En effet, le contraste que les couches siluriennes les plus anciennes présentent avec le gneiss sous-jacent, par exem¬ ple en Suède et aux États-Unis , atteste l’ancienneté de l’état cristallin de ce dernier. Il en est de même des galets et des autres débris granitiques, que renferment parfois les couches siluriennes inférieures , sans qu’elles-mêmes aient été sensi¬ blement transformées.

C’est donc sur un fondement préexistant de roches cristalli¬ nes, parmi lesquelles le gneiss prédomine, que se sont empilées successivement, depuis des époques extrêmement reculées, les roches stratifiées fossilifères, comme les innombrables couches annuelles d’un arbre gigantesque.

Dans les considérations qui suivent, nous ne chercherons pas à remonter au delà du terrain silurien, à cause des incer¬ titudes qui régnent encore sur les couches plus anciennes, cambriennes et autres.

Produits de trituration . L’eau, qui se meut de toutes parts à la surface des continents et dans le bassin de l’Océan, peut être considérée comme un gigantesque agent de trituration, de charriage et de dépôt. Depuis que l’eau constitue à la surface du globe une masse liquide, elle n’a pas cesser d’agir ainsi, et de former des sédiments avec des dépouilles arrachées à l’é¬ corce solide. Aussi, quand on examine l’ensemble des roches déposées par les eaux sur le globe, on est frappé du grand dé¬ veloppement qu’y occupent des masses évidemment formées par la démolition de roches préexistantes.

11 ne s’agit pas seulement de ces vastes traînées de maté¬ riaux, blocs épars, graviers, sables, limons, qui se montrent

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

de toutes parts, et qui ont été étendues à la surface du sol par d’anciennes eaux courantes ou par des glaciers, depuis que les continents sont émergés. Les terrains stratifiés pro¬ prement dits renferment, dans tous leurs groupes, des cailloux qui ne laissent point de doute sur leur origine, qu’ils soient restés incohérents, ou qu’ils aient été cimentés et constituent des poudingues.

Les produits de la trituration, c’est-à-dire les sables et les limons, sans être aussi caractérisés que les matériaux gros¬ siers dont il vient d’être question, sont incomparablement plus développés. Les cailloux et les poudingues n’occupent qu’une place comparativement restreinte. Ils sont en quelque sorte exceptionnels, recouvrant souvent d’anciens littoraux, et par¬ fois formés à peu près sur place. Il est facile de comprendre que de tels triages se soient opérés dans cet immense atelier de préparation mécanique.

Des effets de retrait, dus à une contraction opérée tantôt par le refroidissement, tantôt par la dessiccation, n’ont pas seuls fissuré les roches et contribué à préparer les fragments que les eaux ont emportés. Les brisements de l’écorce ter¬ restre par les actions souterraines ont eu, dans beaucoup de lieux, une influence marquée sur les démolitions et sur la for¬ mation des poudingues ; par exemple, pour ceux qui sont si grandement développés sur la lisière septentrionale des Alpes, et ceux qui, connus sous le nom de poudingues de Palassou, sont juxtaposés aux deux versants des Pyrénées.

Au milieu des menus débris des masses préexistantes, si abon¬ damment répandus dans l’épaisseur de l'écorce terrestre, il est un fort contingent qui a été fourni par les roches granitiques. Mais pour pouvoir les reconnaître à un état de division extrême, il importe d’examiner la manière particulière dont chacun des éléments du granité se comporte dans l’acte de trituration.

D’abord, le quartz, malgré sa dureté, est assez fragile, celui du granité surtout, qui est souvent traversé par de nombreuses fissures microscopiques, ou tressaillements, suivant le langage emprunté aux lapidaires. Aussi se pulvérise-t-il aisément et se réduit-il bientôt à l’état de sable fin, tel que celui qui forme l’élément prédominant de beaucoup de grès. On assimile sou¬ vent le sabie aux cailloux, dont il serait un diminutif. Il y a toutefois à faire entre ces deux sortes de débris, au point de vue de leur histoire, une distinction qui se révèle par la diffé¬ rence de leurs formes, Au lieu d’être arrondis et usés comme

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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les cailloux, beaucoup de sables, surtout ceux dont le grain est très-fin, sont essentiellement anguleux et d’aspect fragmen¬ taire ; examinés à la loupe, ils ressemblent à du verre pilé : tels sont les sables qui se forment sur beaucoup de côtes, et ceux que l’on peut obtenir directement, dans des expériences, en faisant frotter, au milieu de l’eau, des fragments de granité les uns contre les autres, de manière à imiter les actions méca¬ niques qui se produisent naturellement dans les mouvements des eaux. Les gros morceaux roulent au fond en se heurtant et en frottant les uns contre les autres ; ils s’arrondissent ainsi par l’usure et deviennent ce qu’on appelle des galets. Mais les menues parcelles, qui sont assez légères pour demeu¬ rer en suspension, flottent indéfiniment, en restant isolées, contrairement à ce qui arrive pour les premiers. Elles peuvent donc être très-longtemps le jouet des eaux et franchir de lon¬ gues distances, sans se briser, ni sans subir de frottement notable et s’user davantage. Il en est ainsi, tant que les filets d’eau qui les portent conservent une vitesse suffisante. Si donc les particules étaient anguleuses au moment le liquide les a enlevées, elles demeurent indéfiniment telles, jusqu’à ce qu’une diminution dans la vitesse les fasse atterrir ensemble et trouver finalement le repos.

Sous l’influence des mêmes agents mécaniques, le mica, qui se présente en lames minces et très-clivables, se réduit en parcelles de plus en plus minces. Ce minéral reste donc en paillettes, comme celles que l’on voit disséminées dans des grès et des argiles de différents âges, et auxquelles ces roches doivent souvent une structure feuilletée. Le grès bouilier ou psammite et le grès bigarré, ainsi que les argiles qui leur sont subordonnées, offrent des exemples bien connus de détritus plus ou moins micacés, dans lesquels le mica n’a certainement pas été formé sur place. Il en est de même du grès dit de Fon¬ tainebleau. Deux propriétés rendent compte de la persistance remarquable du mica, en lamelles très-reconnaissables, au milieu de nombreuses roches sédimentaires. D’une part, les lamelles arrivent bientôt à un degré de ténuité tel qu’elles ces¬ sent de subir des frottements, comme le sable quartzeux à grain très-fin dont il vient d’être question, et d’autant mieux que, à volume égal, leur forme aplatie est favorable à ce mode de suspension et d’entraînement. D’autre part, malgré son état de division, le mica résiste remarquablement aux actions chi¬ miques qui décomposent ou dissolvent un grand nombre dï.u-

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très minéraux. Son éclat le fait d’ailleurs mieux reconnaître, en particules fines, que la plupart des autres minéraux.

Quant au troisième minéral constituant, il se comporie au¬ trement que ses deux compagnons.

Lorsque le granité se désagrégé simplement sur place et se réduit en arène, le feldspath s’isole en grains distincts, ainsi qu’on le voit dans les arkoses liasiques et tertiaires de la France centrale, ou dans beaucoup de grès du terrain houiller et du terrain permien. Mais, à la suite d’une trituration, il n’a pas, comme le quartz et le mica, le privilège de conser¬ ver des dimensions appréciables et ses caractères minéralogi¬ ques; par suite, il cesse de pouvoir être reconnu; il s’efface. Sa dureté ne l’empêcbe pas, en effet, de se transformer rapi¬ dement en une poussière très-fine et souvent plastique, une sorte de boue qui offre l’aspect de certaines argiles. Ce fait, qui a été constaté dans des expériences (1), résulte de la fra¬ gilité connue du feldspath, suivant deux systèmes de clivage.

C’est ainsi qu’à part les argiles proprement dites, dont je ne parle pas en ce moment, bien des masses appartenant aux ter¬ rains stratifiés sont ordinairement classées parmi les roches argileuses, tandis qu’elles doivent être assimilées à des limons feldspathiques, qui ont été formés pendant les anciennes pé¬ riodes, de même que nous le voyons aujourd’hui.

On sait quelle place considérable les phyllades, roches dont l’ardoise présente une variété bien connue, occupent dans les terrains de sédiment anciens ou paléozoïques, ils sont fré¬ quemment associés à des quartzites et à d’autres roches aré- nacées. Le terrain silurien, en parliculier, présente des massifs très-importants de cette roche dans diverses régions du globe, en Europe, dans les deux Amériques et en Australie (2).

Le nom de schiste argileux (ihonschiefer) , par lequel on a,

(1) Recherches expérimentales sur le striage des roches au phéno¬ mène erratique, et sur la formation des galets, du sable et du limon. An¬ nales des Mines, 5e série, t. XII, 1857 ; Comptes rendus de l'Académie des Sciences , t. XLIV, p. 997.

(2) C’est dans ce groupe inférieur que l’on exploite l’ardoise, à Angers, dans les Ardennes, dans le pays de Galles et ailleurs. Cependant des terrains moins anciens en fournissent aussi : tels sont, dans les Alpes, le terrain jurassique et même le terrain tertiaire éocène ; les ardoises de Barcelon¬ nette, dans les Basses-Alpes, et du Plattenberg, en Suisse, proviennent de ce dernier.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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autrefois, désigné les phyllades, et qu’on leur donne encore très-souvent, est de nature à induire en erreur, en les assimi¬ lant aux argiles, dont ils seraient des variétés fortement dur¬ cies. Au lieu de se délayer avec rapidité en présence de l’eau, comme ces dernières, les phyllades ont assez de cohésion pour pouvoir lui résister indéfiniment. De même que les argiles, ils se composent principalement de silicate d’alumine; mais, à part une proportion d’eau beaucoup moindre, ils en diffèrent encore par la présence, en quantité notable, de plusieurs bases; ce sont souvent les mêmes que celles qui entrent dans la com¬ position du granité. Certaines variétés de phyllades renfer¬ ment jusqu’à 6 et 7 p. 100 de potasse, et présentent parfois une composition élémentaire identique à celle de certaines roches granitiques considérées dans leur ensemble, comme l’ont fait remarquer Berzelius pour un schiste, de Bornholm, et, plus tard, M. G. Bischof (1). Si la teneur en silice présente de forts écarts, cela s’explique principalement par des mélanges de sable quartzeux très- fin, que l’analyse immédiate a souvent pu isoler. Malgré la grande différence d’aspect qui sépare ces deux roches, on est donc autorisé à les rapprocher et à consi¬ dérer la matière première de beaucoup de phyllades comme dérivant des roches feldspathiques ou granitiques, plutôt par une simple trituration que par une décomposition.

Cette ressemblance explique d’ailleurs la facilité avec la¬ quelle ces phyllades ont pu, sous certaines actions calorifi¬ ques, se mélamorphiser, c’est-à-dire reprendre un état cristal¬ lin, notamment par l’apparition du mica.

Quant à la structure feuilletée qui caractérise les phyllades, elle s’est produite postérieurement à leur formation. Elle ré¬ sulte très-probablement d’un laminage, opéré sous l’influence de pressions énergiques, qui ont aussi ployé les couches et ont eu souvent la puissance de les redresser sous des formes mon¬ tagneuses (2).

Les roches désignées sous le nom d ’argilolithes ou d ’argilites se distinguent aussi des argiles proprement dites , non-seule¬ ment par leur degré de consistance, mais aussi par leur eom-

(1) D’après de nombreuses analyses, comme dans le granité, la potasse prédomine souvent dans le phyllade par rapport à la soude , de même la magnésie par rapport à la chaux.

(2) Études et expériences sur le métamorphisme. Annales des Mines, 5e série, t. XVI, p, 461, 1861; et Bull. Soc. gêol., 2e série, t. XVIII, p. 487.

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

position (1). Elles sont particulièrement fréquentes dans le terrain permien, elles se trouvent souvent associées au por¬ phyre feldspathique. Les environs de Saint-Pétersbourg en pré¬ sentent qui appartiennent au terrain silurien (2). De même que les phyllades, les argilolithes se rapprochent fréquemment du feldspath par leur composition.

Produits de décomposition. - Les terrains stratifiés renfer¬ ment aussi, comme chacun le sait, des couches fréquentes d’argile, qui, ordinairement, sont impures. Les terrains les plus anciens n’en contiennent pas souvent, au moins dans l’Europe occidentale : elles y sont remplacées par les phylla¬ des (3). Dans le terrain houiller, les argiles schisteuses abon¬ dent et forment, avec les grès, les fidèles compagnons de la houille. Les amas de sel gemme qui se montrent fréquem¬ ment dans le trias sont, en général, enclavés dans des ar¬ giles ou des marnes, auxquelles ils doivent leur préserva¬ tion contre l’infiltration des eaux. Dans le terrain jurassique, divers étages d’argiles ou de marnes alternent avec les cal¬ caires. Il en est de même dans le terrain crétacé, l’on en exploite de très-estimées, ainsi que dans les terrains tertiaires. Beaucoup d’argiles utiles se rencontrent aussi dans les terrains de transport.

On avait autrefois considéré les argiles comme le résultat de la trituration d’autres roches. Ce qui devait faire croire qu’il en était ainsi, c’est qu’elles sont souvent mélangées ou associées à des sables, comme si elles n’en différaient que par un degré plus grand de ténuité. D’un autre côté, on voit des roches de nature variée se réduire par l’usure, sous l’eau, en une pâte qui ressemble à de l’argile; le quartz, le feldspath, le calcaire, dans les expériences l’on fait frot¬ ter chacune de ces roches sur elle-même, se comportent ainsi. La boue du macadam de nos chaussées offre un exemple bien connu de ce fait.

Les argiles, comme le kaolin, se sont produites par la trans¬ formation de roches silicatées préexistantes , ainsi que l’a si bien démontré Ebelmen, avec la sagacité dont tous les travaux de ce savant, si prématurément enlevé à la science, portent l’empreinte.

(1) Knopp. Neues Jahrbuch fur Minéralogie, 1859, p. 582.

(2) Delesse et de Lapparent, Revue de géologie, 4 886, p. 74.

(B) Il n’en est pas de même dans les contrées où, comme en Russie ou aux États-Unis, ces couches sont restées horizontales.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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Quels sont les agents qui ont produit des changements dans des combinaisons aussi stables? On sait que le feld¬ spath , en particulier, même quand il est réduit en pous¬ sière, est inattaquable par les acides chlorhydrique et sulfu¬ rique.

D’abord les roches granitiques peuvent'être particulièrement préparées à subir une décomposition, non-seulement par les fissures nombreuses qui les traversent, mais par l’état de pul¬ vérisation qu’elles éprouvent sur place, en se réduisant en arène. Une fois désagrégées de cette manière, les roches résis¬ tent plus difficilement aux agents qui tendent à les décom¬ poser.

Parmi ces agents, il en est qui résident dans l’atmosphère et qui, chaque jour encore, tout faibles qu’ils paraissent, ont une part dans certaines décompositions : tels sont l’acide carboni¬ que de l’air, l’acide nitrique qui s’y développe, et des acides organiques, dont le rôle se manifeste surtout par les bario- lures blanches qu’ils produisent dans beaucoup de sables ocreux.

Quoique l’atmosphère puisse produire des changements très-notables, surtout avec le secours du temps, certains effets ne peuvent lui être attribués et paraissent relever des agents émanant de la profondeur. Divers gîtes de kaolin apportent une preuve d’une intervention de ce dernier ordre, lorsqu’ils sont associés à des filons métallifères, comme sur plusieurs points du Cornouailles. A Carglaze, par exemple, ce sont les agents qui ont apporté l’étain de la profondeur et produit les petits filons de quartz et de tourmaline, qui ont attaqué le granité. La date du phénomène et la cause de la modification parais¬ sent ère attestées par les cristaux bien connus, dans lesquels l’étain oxydé, accompagné de quartz, est venu se substituer au feldspath, sans que la forme de ce dernier minéral ait été alté¬ rée. Dans divers points des Pyrénées, par exemple à Pouzac, la décomposition des ophites ne doit probablement pas être attri¬ buée à des actions superficielles, non plus que celle de beau¬ coup de porphyres dits argileux ( thonporphyr ), de roches amygdaloïdes et de wackes.

Il arrive, encore aujourd’hui, des profondeurs des agents qui sont de nature à opérer des décompositions de ce genre, comme l’acide chlorhydrique, l’acide, carbonique qu’exhalent les vol¬ cans; aussi, dans certaines localités, les roches volcaniques sont devenues molles et comme argileuses, par suite du pas-

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871,

sage de ces vapeurs à la fois acides et chaudes. D’un autre côté les eaux alcalines décomposent aussi les silicates (1).

Une fois formées, les argiles, comme le kaolin, sont quel¬ quefois restées sur la place elles ont pris naissance; mais elles sont si faciles à délayer qu’elles ont été, en général, en¬ levées par les eaux et charriées à des distances considérables de leur point de départ. Elles sont ainsi arrivées à la mer ou à des lacs, elles se sont étendues en couches, alternant avec d’autres roches.

Pendant longtemps, tandis que la potasse était reconnue dans toutes les plantes terrestres que l’on incinérait, on ne parvenait pas à en constater la présence dans le sol. Aussi avait-on été conduit à supposer que cette substance se produi¬ sait par la force vitale des végétaux. Ce fut donc un étonne¬ ment général lorsque, à la fin du siècle dernier, V alcali végétal fut signalé dans le règne inorganique. C’est en 1794 qu’il fut découvert parKlaproth, dans le minéral nommé leucite ou am- phigène, lequel, faisant partie des laves du Vésuve, ne pouvait 1 avoir tiré des végétaux (2). Cependant on ne s’expliquait pas encore complètement comment la potasse arrive d’une ma¬ nière générale aux végétaux qui croissent sur des sols très- différents, calcaires et arénacés, l’on n’aperçoit pas de dé¬ tritus granitiques , lorsqu’il fut constaté, par des analyses attentives, que les argiles, outre leurs trois éléments essen¬ tiels, la silice, l’alumine et l’eau, renferment presque toujours de la potasse en quantités notables. Les argiles qui se sont mé¬ langées aux terres végétales apportent donc, en môme temps que des propriétés absorbantes et plastiques fort utiles, cet élément indispensable de fertilité.

A un autre point de vue, la présence habituelle de la potasse dans les argiles mérite d’être mentionnée, parce qu’elle con¬ corde avec la supposition que ce minéral se rattache fréquem¬ ment, par son origine, aux roches felspathiques. Dans la décom¬ position de ces silicates extrêmement stables, les protoxydes n’en sont éliminés que difficilement et lentement, et le départ n est pas, ordinairement, arrivé à être assez complet pour qu’il ne reste pas une certaine quantité de potasse, comme un témoin

(1) M. Delesse a étudié les actions de ce genre. Bull. Soc. géol , 2e série, t. XI, 1853, p. 127.

(?) Ce ne fut que plus tard, au commencement de ce siècle, que ce même alcali fut observé dans le feldspath.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

3 J 7

du mode originel de combinaison. En somme, notre premier réservoir de potasse est réellement dans les roches granitiques, qui contiennent cette base, non-seulement dans leur feldspath, mais dans leur mica (1). Toutefois cette base est si énergique¬ ment combinée dans ces deux espèces, que les végétaux ne la leur soutirent que très-difficilement et avec lenteur, tandis qu’à l’état elle est amenée dans les argiles et ensuite dans la terre végétale, elle paraît mieux se prêter à l’assimilation (2).

A propos de la décomposition des roches silicatées, il con¬ vient de ne pas perdre de vue l’inégalité que présentent les roches granitiques, au point de vue de leur décomposition. Dans une même carrière, on voit souvent du granité réduit en arène, à côté de parties tout à fait solides et saines. Les ro¬ ches granitiques qui, dans diverses contrées, telles que les Alpes, la Scandinavie, l’Amérique du Nord, portent l’empreinte du phénomène erratique, montrent avec quelle force elles peu¬ vent souvent résister à tout changement. Les surfaces polies et striées par le frottement que présentent ces roches sont parfois aussi fraîches, les stries y sont burinées d’une manière aussi fine et aussi nette que si elles avaient été produites ré¬ cemment. Depuis l’époque ces surfaces ont été mises à nu, qui est géologiquement très-récente, mais qui remonte à un grand nombre de siècles, elles n’ont éprouvé aucun change¬ ment appréciable, quoiqu’elles n’aient pas cessé d’être expo¬ sées à l’atmosphère et à toutes les intempéries. Il ne faut donc pas exagérer la facilité avec laquelle les roches silicatées se décomposent peur passer à l’état d’argile, surtout lorsqu’elles ne sont soumises qu’à l’influence des agents extérieurs.

(1) Un granité de composition moyenne renferme de 5 à 6 pour 100 de potasse.

(2) Parmi les roches qui renferment la potasse, il ne faut pas oublier la glauconie. Loin d’être répartie dans toute la série des terrains stratifiés , comme les substances dont il vient d’être question, elle est cependant abon - dante dans certains étages géologiques. La forte proportion de potasse qu’elle renferme habituellement lui donne un intérêt particulier. Aussi l’exploita¬ tion de celte substance comme amendement agricole, dont l’exemple a été donné depuis longtemps aux États-Unis, dans l’État de New-Jersey, et plus tard en Westphalie, se propagera sans doute dans bien d’autres pays.

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

II. Apports des parties internes.

Quelque abondants que soient les matériaux enlevés à l’écorce granitique par trituration ou par décomposition, ils ne consti¬ tuent pas la totalité de ces séries puissantes de couches qui enveloppent le globe sur une partie très-considérable de son étendue.

Intervention des actions internes dans la formation des terrains stratifiés, prouvée par les roches éruptives qui leur sont subordonnées , ainsi que par les couches dites métallifères , et par celles qui contien¬ nent du baryum et du strontium. Les déjections des volcans, quisontpour la plupart sur le littoral des continents ou dans des îles, arrivent, pour une part considérable, dans la mer, soit en y tombant directement, soit après y avoir été entraînées par les eaux courantes. D’ailleurs, il n’est guère possible de douter que l’activité volcanique ne s’étende dans le sein de l’Océan, elle ne se manifeste peut-être pas avec moins d'intensité que sur la terre-ferme. La nature même des produits des volcans, aussi bien que leur voisinage si habituel des côtes, paraît , en effet, montrer qu’un lien de parenté les unit à la mer. Les éruptions sous-marines, qui ne se trahissent à nos regards qu’acciden- tellement, lorsqu’elles atteignent la surface, se versent alors complètement dans le milieu liquide elles aboutissent. Dans l’un et l’autre cas, il est certain que la mer reçoit chaque jour, par de nombreux volcans, des matières pierreuses sili- catées, telles que les laves, les lapiilis, les cendres, ainsi qu’un contingent considérable de substances salines, chlorures, sul¬ fates et autres.

Même en dehors du domaine des volcans proprement dits, des failles, telles que celles qui sillonnent, en si grand nombre, l’écorce terrestre, suffisent pour établir des communications entre les parties internes du globe et la surface. Non plus que les volcans, les exhalaisons et les sources qui sortent des failles avec leur cortège de substances minérales ne paraissent pas restreintes aux parties émergées.

Ainsi, à part les substances qui lui sont apportées de la sur¬ face, notamment par les fleuves, le bassin de l’Océan sert chaque jour de réceptacle à d’autres, provenant de l’in¬ térieur et concourant également à la formation des dépôts qui s’y opèrent.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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La chaleur, dont ces dernières sont, engénéral, douées, peut donner un caractère particulier aux actions chimiques pro¬ duites sous leur influence. Les êtres organisés eux-mêmes, dans le voisinage de ces émanations, doivent souvent en subir une action physiologique ; le milieu qu’ils habitent en est mo¬ difié, non-seulement dans sa composition, mais aussi dans sa température, qui tantôt est plus favorable à leur constitution et à leur développement, tantôt, au contraire, devient trop élevée pour leur existence.

De même dans les anciennes périodes, pendant que les ter¬ rains stratifiés se déposaient, il s’est produit des faits analo¬ gues à ceux que je viens de rappeler. L’observation le dé¬ montre directement, et peut-être même plus clairement que lorsqu’il s’agit des dépôts actuels du fond de la mer, jusqu’où notre regard ne peut pénétrer aussi facilement que lorsqu’il s’agit de sédiments émergés et placés sous nos yeux.

D’abord, parmi les couches d’origine essentiellement aqueu¬ se, on rencontre çà et des roches éruptives, massives ou fragmentaires, qui constituent des nappes parallèles aux pre¬ mières et alternent avec elles; quelquefois ces roches érup¬ tives sont à l’état massif, le plus souvent à l'état fragmentaire ou de conglomérat.

Dans toutes les périodes et dans les contrées les plus di¬ verses, nous trouvons des exemples de cette association, qui a autrefois servi d’argument principal aux neptuniens, dans les discussions longues et animées qu’ils soutenaient contre les plutonistes. Elle s’expliqua simplement, lorsqu’on eut décou¬ vert, çà et là, des cheminées d’ascension, attestées par des filons et des dykes: on vit, alors, qu’au lieu de s’opérer sur des parties continentales, ces sorties de roches s’étaient souvent faites dans des nappes d’eau, elles s’étaient étalées et stra¬ tifiées à la manière des matériaux de la surface. Ces épanche¬ ments se sont quelquefois produits dans des lacs, comme le montrent si bien les nappes de basalte et de trachyte su¬ bordonnées aux couches tertiaires de la France centrale. Sou¬ vent aussi la mer a été le théâtre d’éruptions semblables , auxquelles le Vicentin, depuis que Brongniart en a fait connaî¬ tre la structure géologique, peut servir de type. A en juger par le grand développement de conglomérats de porphyre feld- spathique qui sont subordonnés à certaines couches du terrain triasique et du terrain permien, dans de nombreuses régions du globe, la mer de ces périodes a reçu de grandes éruptions de

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871 .

3iO

cette dernière roche (i). C’est par suite de circonstances sem- blables que, dans plusieurs pays, les couches inférieures du terrain carbonifère ont été entièrement formées de débris de porphyre. En s’agglomérant solidement, ces débris ont recon¬ stitué des masses qui ressemblent aux porphyres vierges, et sur le mode de formation desquelles il serait facile de se mépren¬ dre, si l’on n’y trouvait des débris de plantes, et parfois même de petits lits d’anthracite : les Vosges méridionales aux envi¬ rons de Tbann, le Roannais, les bords de la Basse-Loire, offrent des exemples remarquables de ces porphyres, en quel¬ que sorte régénérés. Dès la période silurienne, on trouve des éruptions de ce genre, par exemple en Bohême et au lac Su¬ périeur. Quelque anciennes que soient ces éruptions silu¬ riennes, elles sont souvent signalées par des couches pulvé¬ rulentes, comparables aux cendres des volcans actuels et al¬ ternant avec des couches fossilifères, comme l’indiquent très- bien les belles coupes du pays de Galles dont on est redevable au Geological Survey.

Si les roches éruptives intercalées dans les terrains strati¬ fiés proviennent de parties inférieures à l’écorce granitique, comme il est particulièrement probable pour les roches ba¬ siques, elles nous présentent des exemples frappants de con¬ tingents fournis à la constitution des terrains stratifiés par ces régions intérieures.

Mais les masses silicatées ne sont pas le seul tribut que les régions profondes aient apporté à la mer et aux terrains stra¬ tifiés. Des exhalaisons gazeuses et salines ont quelquefois accompagné ces anciennes roches éruptives, comme elles ac¬ compagnent celles de l’époque actuelle. Souvent aussi ces ex¬ halaisons sont parvenues isolément à la surface par des failles, à l’instar de ce qui se passe aujourd’hui.

Les émanations de cette seconde catégorie méritent tout particulièrement l’attention, parce que leurs caractères fugitifs ne peuvent toujours ies faire reconnaître avec autant de faci¬ lité et de certitude que les roches éruptives proprement dites. Elles n’étaient pas dans les mêmes conditions de stabilité que ces dernières ; ainsi, des combinaisons sulfurées, carbonatées et autres, en arrivant dans un milieu iiquide, ont très-souvent

(1) Les trapps in tersi ratifiés dans le trias de New- Jersey, ainsi que ceux de l’Afrique méridionale, dans la province de Natal, peuvent également être rappelés ici.

NOTE DE M. DAIJBRÉE.

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se décomposer, de manière à produire des combinaisons nou¬ velles, pour la plupart insolubles. Pour découvrir plus sûre¬ ment les traces de ces apports, il convient donc de ne pas considérer seulement les roches toutes formées , telles qu’elles se présentent aujourd’hui à notre observation, mais de remon¬ ter aux corps simples qui entrent dans leur constitution. Le soufre de la pyrite peut avoir la même provenance que celui des sulfates, et le carbone des carbonates que celui de la houille.

Rien ne prouve plus clairement l’intervention d'émanations souterraines et distinctes des roches éruptives, que les couches des mélaux, autres que le fer, qui se rencontrent à divers étages. Le schiste bitumineux et cuivreux du Mansfeld, avec ses nom¬ breux poissons imprégnés de minerai, qui, malgré sa faible épaisseur, se montre avec les mêmes allures sur des points très-distincfs, offre un exemple classique de ces gîtes métalli¬ fères stratifiés et contemporains des couches auxquelles il sont subordonnés. Il en est de même des grès du pays de Perm, en Russie, avec leurs troncs d’arbres, eux-mêmes mé¬ tallisés; de ceux de la Bolivie, dont provient le minerai connu dans le commerce sous le nom de Gorocoro ; des grès des en¬ virons de Gommera, en Prusse, la galène est disséminée en innombrables nodules, comparables, pour la régularité et la grosseur, à du plomb de chasse.

Par la nature et le mode de combinaison des substances qui y ont été introduites, ces couches, et un grand nombre d’au¬ tres analogues, rappellent tout à fait les filons métallifères. Depuis qu’il est démontré que les filons métallifères ont été remplis de bas en haut par des émanations souterraines, on est en droit de tirer la même conclusion pour ces couches, que leur constitution minéralogique rapproche si étroitement des filons proprement dits. On s’explique facilement le mode de liaison qui existe entre ces deux sortes de gîtes , malgré leur différence de disposition. Au lieu d’incruster des fissures ou¬ vertes dans des masses préexistantes, comme dans le cas des filons, les émanations souterraines ont été apportées jusque dans les touches, pendant leur formation même, c’est-à- dire dans la nappe d’eau elles se déposaient, et elles s’y sont extravasées. Aussi, dans ce second cas, les minerais auxquels ces émanations donnaient naissance se sont sou¬ vent étendus en couches régulières, aussi bien que les dépôts de nature superficielle, avec lesquels on les confondrait né-

Soc. géol 2e série, t. XXVIIL 21

322 SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

cessairement, si leur nature chimique ne servait parfois à les en distinguer.

Ii faut donc s’attendre aussi à trouver dans les terrains stra¬ tifiés des matières non métalliques, telles que celles qui for¬ ment les gangues des filons et qui participent à la provenance des minerais métalliques proprement dits.

Tels sont le baryum et le strontium. De même que dans les filons, ces deux corps se présentent dans les terrains stratifiés, ordinairement à l’état de sulfate, c’est-à-dire de barytine et de célestine, plus rarement à l’état de carbonate (wbitérite et strontianite).

Des couches barytifères se rencontrent dans les étages les plus variés : dans le terrain silurien, comme au Canada; dans le terrain permien, comme aux environs de Bristol et dans les Vosges; dans le trias, par exemple à Soultz-les-Bains, en Alsace, des tiges de plantes du grès bigarré sont moulées en barytine. Le terrain jurassique renferme fréquemment la barytine, non-seulement en mouches, mais aussi incrustant des fossiles, comme aux environs d’Alençon, de Nancy et de Nontron (Dordogne), à Whitby en Angleterre, et en Franconie. On en rencontre aussi dans le terrain crétacé, par exemple dans les marnes aptiennes de la Drôme. Parmi les localités la barytine s’est déposée dans les terrains tertiaires, on peut citer les argiles sgaliose des environs de Bologne, elle est accompagnée de célestine, de gypse, de pyrite et de soufre, le grès des environs de Kreuznach, elle remplace les plantes, et les couches de Sheppy en Angleterre.

Quant à la strontiane, elle accompagne la baryte dans plu¬ sieurs des gisements qui viennent d’être indiqués, notamment auCanada et auxEtats-Unis, dans le calcaire silurien du Niagara, elle est associée à des minerais métalliques ; elle se montre aussi, par exemple, dans le terrain permien du Volga; dans le trias à différents niveaux, en Lorraine, en Thuringe, dans le Tyrol, à Saint-Cassian, elle remplace des fossiles; dans le terrain jurassique (Lorraine, Aarau en Suisse, Hanovre); dans le terrain crétacé, comme à Vassy (Haute-Marne), elle ap¬ partient à plusieurs étages. Dans le terrain tertiaire des en¬ virons de Paris, on la rencontre à différents niveaux, depuis l’argile plastique jusqu’aux marnes du gypse. Des couches ter¬ tiaires en contiennent également en Sicile , en Espagne (Co- nilla) , à Wieliczka , à Pvadoboy , en Croatie et en Égypte ; dans plusieurs de ces pays elle est associée à du soufre natif.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

323

Le strontium, dont la présence n’a guère été signalée dans les roches granitiques, se rencontre, au contraire, en quantités assez considérables dans les régions profondes, h en juger par les roches silicatées basiques d’origine éruptive. Ges dernières en contiennent souvent à l’état de sulfate, comme dans le Vi- centin, ou à l’état de carbonate, surtout en mélange avec l’a¬ ragonite qui en tapisse si fréquemment les géodes et paraît avoir été formée à leurs dépens.

Pour le baryum , M. Alexandre Mitscherîich a décou¬ vert ce fait intéressant , qui avait échappé antérieure¬ ment aux auteurs d’analyses, qu’il se trouve en quantité notable dans certains feldspaths ; ceux dans lesquels l'exis¬ tence du baryum a été signalée appartiennent principalement à des roches éruptives. C’est de ces masses intérieures que les deux corps dont il s’agit paraissent avoir été amenés vers la surface, dans les roches stratifiées aussi bien que dans les filons, à la manière des métaux proprement dits. D’ailleurs, les sources thermales, comme celles de Garlsbad, en Bohême, et de Lamalou, dans le département de l’Hérault, déposent en¬ core actuellement de la barytine à l’état cristallisé.

Abondance , dans les terrains stratifiés, du calcium, du magné - sm, du fer , du phosphore et du carbone. Ce que nous ve¬ nons de dire pour des corps clair-semés dans les terrains stra¬ tifiés s’applique aussi à d’autres qui y sont incomparablement plus abondants. Ceux-ci, notamment le calcium, le magnésium, le fer, le phosphore, le soufre et le carbone, n’ont probable¬ ment pu, à beaucoup près, être fournis en totalité par l’assise cristallisée, bien qu’ils en fassent partie constituante. Mais, à raison même de cette dernière circonstance, iis ne contrastent pas aussi nettement avec l’assise fondamentale que les mi¬ nerais métalliques, et la distinction devient ici plus délicate à saisir que pour les cas qui précèdent.

L’origine animale des calcaires, que Buffon avait annoncée, s’est confirmée pour beaucoup d’entre eux, tandis que, d’autre part, on reconnaissait que les combustibles charbonneux ré¬ sultent de la transformai! on de végétaux. Mais, après qu’on a constaté que ces corps , le carbone , le calcium et le phosphore, ont, dans bien des cas, préalablement servi à des organismes et passé par la vie, la question de leur origine n’est aucunement résolue. Car, pour que les végétaux et les ani¬ maux se soient assimilé ces substances, il faut, avant tout, qu’ils les aient trouvées à leur portée. La prodigieuse abon-

324 SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

dance de leurs vestiges ne modifie donc aucunement le pro¬ blème relatif à la provenance des corps qui les constituent; mais elle le rend d’autant plus digne d’intérêt.

Des considérations de plusieurs natures concordent pour amener à la conclusion générale qui vient d’être formulée.

Quoiqu’il soit impossible de se représenter, même grossiè¬ rement, ce que l’ensemble des terrains stratifiés peut renfer¬ mer des corps dont il s’agit, ce que l’on en connaît suffit pour faire ressortir avec quelle abondance ils s’y trou- vent par rapport à ce que nous en voyons dans l’assise cris¬ tallisée.

D’abord pour le calcium, son oxyde, ou la chaux, s’y. ren¬ contre quelquefois à l’état de silicate, en mélange avec les ar¬ giles. Il y est fréquent à l’état de sulfate et surtout comme sulfate hydraté ou gypse; mais c’est principalement le carbo¬ nate ou calcaire qui y abonde.

Il serait trop long de rappeler les épaisseurs considérables sur lesquelles l’étude précise de beaucoup de contrées a fait reconnaître le calcaire dans la série des terrains, à partir du terrain silurien. Si l’on se borne à considérer le grand déve¬ loppement de cette roche dans le terrain jurassique et dans le terrain crétacé, qui occupent une si large place en Europe et dans d’autres parties du globe, on se convaincra du rôle con¬ sidérable du calcium dans le revêtement stratifié.

Le magnésium accompagne, en général, le calcium, avec lequel il a tant d’analogie; sans être aussi abondant, il est très- répandu. Parmi les roches appartenant aux terrains stratifiés qui renferment ce corps, il convient de citer, pour mémoire, les argiles et les phyllades, il est en petite proportion, ainsi que le calcium. Il existe aussi à l’état de silicate hydraté, ana¬ logue à l’écume de mer, par exemple dans certaines marnes feuilletées du bassin de Paris. Il est beaucoup plus abondant comme carbonate, et c’est ainsi qu’il se trouve, en proportion notable, dans beaucoup de calcaires. La principale roche ma¬ gnésienne, la dolomie, renferme 13 pour 100 de magnésium. Le carbonate de magnésie, ou giobertite, qui en contient da¬ vantage, est comparativement rare, bien que, depuis quelques années, on en ait découvert des couches dans divers pays.

Gomme gisements de dolomie, je rappellerai ceux du terrain silurien, notamment aux États-Unis ; ceux du terrain dévonien, par exemple dans l’Eifel et le Nassau; ceux du terrain carbo¬ nifère, en Belgique, dans l’ouest de la France, en Angleterre,

NOTE DE M. DAUBRÉE.

325

en Irlande et en Russie. Les terrains permien et triasique en renferment abondamment : c’est à ce dernier qu’appartiennent les masses puissantes de la vallée de Fassa en Tyrol , de Lu¬ gano, et de Raibl en Carinthie. Le terrain jurassique en con¬ tient des épaisseurs considérables, depuis le lias jusque dans sa partie supérieure, par exemple dans le sud de la France, dans les départements des Alpes-Maritimes et duYar, ainsi que dans ceux de la Vienne et de la Charente. Enfin les ter¬ rains crétacé et tertiaire ne sont pas dépourvus de dolomie.

De tous les métaux usuels, le fer est, sans comparaison, le plus fréquent. A part les étages variés le fer s’est concen¬ tré en quantités exploitables, ce métal se rencontre, pour ainsi dire, dans toutes les roches stratifiées, aussi bien que dans les roches cristallines. Les teintes jaunes dues à l’oxyde hydraté sont si répandues qu’on les remarque à peine. Sans être aussi fréquente, la coloration rouge, due à un mélange d’oligiste, s’étend à des groupes entiers de couches appartenant aux ter¬ rains dévonien, permien et triasique, qui sont partiellement teints ainsi sur des centaines de mètres d’épaisseur; souvent cette teinte rouge est si intense qu’elle se manifeste même à travers la terre végétale. Ce métal existe aussi à l’état de carbonate, à celui de silicate, comme dans la glauconie, et comme bisulfure ou pyrite.

Le fer ainsi engagé dans les roches à divers états de combi¬ naison ne s’y trouve ordinairement que dans une proportion assez faible; mais, comme il s’agit de milliers de mètres de puissance, ce qui est ainsi comme noyé dans les masses pier¬ reuses représente une quantité non moins considérable que ce qui est isolé comme minerai proprement dit.

C’est à l’état de phosphate que le phosphore se rencontre dans les terrains statifîés.

Dans certains cas, la chaux phosphatée, malgré l’insigni- •fîance de ses caractères minéralogiques, se révèle immédiate¬ ment par la forme caractéristique, d’origine animale, qu’elle a conservée, celle d’ossements, de dents, d’excréments ou co~ prolithes, ou de carapaces de crustacés. Parfois, ces débris se sont accumulés avec une abondance qui surprend, comme dans la couche dite bone-bed (couche à ossements), ou comme dans le crag.

Mais, le plus souvent, la forme organisée ne se manifeste pas ou n’est plus observable, soit que la chaux phosphatée se cache en se mélangeant intimement à certaines roches, telles que le^

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

326

calcaires et les marnes, soit qu’elle ait été isolée sous forme de rognons, soit enfin qu’elle ait été amenée à l’état de ga¬ lets, comme il vient d’en être reconnus dans le Lot.

Parmi les étages des terrains stratifiés, on sait qu’il en est qui sont privilégiés par la présence de phosphates. Tel est le terrain crétacé, et particulièrement le groupe de couches dé¬ signé sous le nom de gault. Quoique exploités seulement dans un petit nombre de départements, les rognons de phos¬ phates appartenant à cet étage sont connus sur une étendue, considérable de la France orientale, depuis le Pas-de-Calais jusque dans l’Isère, la Drôme, la Savoie, les Alpes-Maritimes et le Yar, et se poursuivent dans d’autres pays, notamment en Angleterre et en Bavière. On a également constaté des phos¬ phates en abondance dans le terrain crétacé d’autres régions de l’Europe, dans le nord de l’Allemagne, en Bohême, en Russie, en Espagne et en Portugal (I).

Comme couches d’une autre époque, je citerai celles du ter¬ rain houiller du bassin de la Ruhr, la phosphorite a été reconnue assez abondamment pour être exploitée : elle y est mélangée à une substance charbonneuse, à de la pyrite et à du fer carbonaté, et occupe exactement, au milieu d’argiles noires, la même position que ce dernier minéral.

Certaines couches de minerai de fer constituent un gisement de phosphore assez abondant pour mériter d’être également mentionnées. Ainsi la couche oolithique situéeà la partie supé¬ rieure du lias et si développée dans le nord-est de la France et dans le grand-duché de Luxembourg, renferme habituellement de l’acide phosphorique, dont on ne peut guère évaluer la pro¬ portion à moins de 0,006, soit 0,003 de phosphore. La couche du nord de l’Angleterre, dite de Cleveland, située au même niveau et qui est devenue si importante pour ce pays, recèle, de même que les couches exploitées dans le terrain houiller, des dépôts très-considérables de phosphore. D’après les te¬ neurs moyennes et les chiffres d’extraction, on peut calculer que ce qui est fondu chaque année dans les hauts-fourneaux de France, de Belgique et d’Angleterre, représente sans doute

(Il Élie de Beaumont, Études sur futilité agricole et les gisements géo¬ logiques du phosphore. Mémoires de la Société impériale et centrale d'agri¬ culture, 1856. Daubrée, Notice sur la découverte et la mise en exploita¬ tion du phosphore. Même recueil , 1866, et Annales des Mines, 6e série.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

327

au delà de 30,000 tonnes de phosphore, sans compter le con¬ tingent provenant du combustible. C’est donc une valeur agri¬ cole très-considérable; après avoir été extraite du sol, cette énorme quantité de phosphore passe, en très-grande partie, dans la fonte , à laquelle elle est nuisible, et continue à se soustraire au règne végétal, auquel elle pourrait, si l’extrac¬ tion en était possible, apporter un puissant auxiliaire (i).

Le soufre se présente quelquefois isolé ou natif, comme dans les dépôts de la Sicile, si importants pour l’industrie, et dans d’autres de moindre richesse.

Toutefois cet état n’est pas, à beaucoup près, le plus fré¬ quent. En général le soufre se dissimule, soit dans le sulfate de chaux hydraté ou anhydre (gypse ou anhydrite), soit dans le bisulfure de fer ou pyrite.

ïl est des étages le gypse abonde en couches, en amas lenticulaires ; comme tels, on peut citer les terrains tertiaires de divers pays (par exemple, celui du bassin de Paris, celui d’Aix en Provence etde Volterraen Toscane), les terrains triasiqueet permien d’une partie de l’Europe, etc. L’anhydrite se ren¬ contre dans les mômes conditions que le gypse, et quelquefois associée avec lui.

Quant à la pyrite, elle ne se présente que rarement à l’état massif dans les terrains stratifiés, et, dans ce cas, ses gîtes se rattachent aux amas filoniens. Mais elle est extrêmement ré¬ pandue à l’état de dissémination dans des roches variées, tan¬ tôt en rognons ou en cristaux , tantôt en particules si fines qu’elles sont indiscernables à l’œil nu. Bien des argiles, des marnes (2), des calcaires (3), des dolomies (4), des ardoises, contiennent ainsi de la pyrite, surtout quand ces roches sont

(1) On peut calculer aussi que la quantité de phosphore contenue dans la population humaine entière ne dépasse pas ce qui passe en peu d’années dans les hauts fourneaux.

(2) Les marnes du lias, de l’étage oxfordien et d’autres étages du terrain jurassique, renferment souvent 1 à 2 p. 100 de pyrite, dans les Ardennes par exemple, ainsi que l’ont montré MM. Nivoit et Létrange.

(3) Par exemple, dans le marbre dit petit granité et autres calcaires carbo¬ nifères. La couleur bleue de certains calcaires résulte, comme l’a montré Ébelmen, de la présence du bisulfure de fer, qui s’y trouve à un état d’ex¬ trême division.

(4) Ainsi les dolomies du terrain silurien supérieur de la Livonie et de l’Esthonie, d’après huit analyses, renferment 1.9 à 3.08 p. 100 de pyrite, ordinairement très-fine.

328

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

mélangées de substances charbonneuses, comme si ces der¬ nières avaient servi à fixer le soufre à l’état insoluble. La py¬ rite est particulièrement fréquente dans la houille, dont la combustion est ordinairement accompagnée de l’odeur ca¬ ractéristique de l’acide sulfureux, et qui contient souvent 1 pour 100 de soufre. Quelquefois le lignite, à raison de l’a¬ bondance de ce mélange , est exploité pour la fabrication du sulfate de fer et de l’alun, comme dans l’Aisne, à Bouxwiller en Alsace, aux environs de Bonn, en Bohême et ailleurs. Les sables du grès vert en renferment aussi assez abondamment pour que, dans le Pas-de-Calais, à Vissant, on ait cherché au¬ trefois à en tirer parti (1). On sait enfin que les minerais de fer les plus répandus, ceux qui sont en couches comme ceux qui forment des filons, renferment également du soufre, qui peut devenir un obstacle à leur emploi. En résumé, à raison de cette dissémination fréquente dans des roches diverses appartenant aux terrains stratifiés, la pyrite y représente une quantité considérable de soufre.

On sait avec quelle abondance le carbone se trouve dans l’écorce solide du globe, et surtout dans les roches stra¬ tifiées : l’histoire de ce carbone aujourd’hui pétrifié paraît se rattacher intimement à celle de la vie végétale et animale dans la série des âges.

Rarement à l’état de liberté, comme dans le graphite ou le diamant, il est presque toujours combiné, de même que le soufreuses combinaisons peuvent se ranger sous deux grou¬ pes ; dans les unes, telles que la houille et les bitumes, il est associé à de l’hydrogène, à de l’oxygène, et, généralement, à de l’azote; les autres, comme le calcaire, le contiennent à l’état de carbonate.

Les combustibles minéraux, anthracite, houille et lignite, enfouis dans les terrains stratifiés, ont fixé une énorme quantité de carbone. On peut en juger par les évaluations grossièrement approximatives dont un certain nombre de bassins houillers, renfermant des couches de houille nombreuses et puissantes, ont été l’objet. Ainsi, on a calculé que le seul bassin de Saar- brück équivaut, pour le carbone, au ~ de ce que contient toute l’atmosphère (2). En bien des pays, on voit les terrains

(1) Annales des Mines , lie série, t. IV, p. 623, 1819.

(2) D’après les évaluations de M. de Dechen.

NOTE DE M. DAÜBREE.

329

houillers se prolonger et disparaître sous des terrains plus ré¬ cents; dans d’autres cas, sans doute, ces derniers nous en ca¬ chent complètement l’existence; les indications que fournis¬ sent les bassins houillers connus sont donc un minimum qui peut être beaucoup dépassé.

D’ailleurs, des dépôts de combustibles aussi très-utiles se trouvent dans des terrains moins anciens : tel est le lignite, si abondant dans les terrains tertiaires de diverses parties de l’Europe.

Ce que l’on comprend ordinairement sous le nom de bi¬ tumes représente un autre groupe de combinaisons carburées, dont la nature varie depuis le pétrole jusqu’à l’asphalte. Les gisements des États-Unis et du Canada , le bitume était à peine connu il y a peu d’années encore, en 1858, en ont tout- à-coup révélé, comme on le sait, des quantités très-considé¬ rables.

Mais, sans être isolées en couches distinctes, des substances charbonneuses comparables aux combustibles minéraux et aux bitumes sont très- fréquemment mélangées aux roches.

Comme roches argileuses tout particulièrement chargées de matières charbonneuses, on peut citer celles qu’on exploite pour la fabrication des huiles dites minérales, et qu’on a ap¬ pelées schistes bitumineux. Ce nom est, en général, inexact; car le bitume, n’y est pas du tout formé : la matière charbon¬ neuse dont ces schistes sont imprégnés, soumise à l’action de la chaleur, produit par sa décomposition des huiles, à peu près comme le bois et la houille engendrent du goudron qui n’y préexistait pas. Aussi a-t-on proposé de leur donner, de préférence, le nom de pyroschistes, de schistes à kerogène, de naphtoschistes, c’est-à-dire schistes produisant des ma¬ tières analogues au bitume.

Les terrains paléozoïques renferment souvent de ces schis¬ tes : les couches qui sont exploitées dans le département de Saône et-Loire, aux environs d’Àutun, aussi bien que les cou¬ ches analogues de l’Ailier, en offrent des exemples, dont on trouve des analogues dans d’autres parties de la France, de l’Europe et du globe. La roche connue en Écosse sous le nom de boghead offre un type très-riche en carbone. Tels sont en¬ core les schistes combustibles désignés en Russie sous le nom de domanik , et ceux qui sont très-développés dans les terrains siluriens de l’Amérique du Nord. On en connaît également au Brésil, dans la province de Bahia. La Nouvelle-Galles du Sud,

330

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

si riche en houille, renferme, dans les couches supérieures au combustible, des naphtoschistes que leur aspect et leur qua¬ lité rapprochent du boghead d’Écosse et qui s’y trouvent en quantités très-considérables.

Dans des terrains moins anciens, il existe aussi des roches également très -chargées de substances charbonneuses. Telles sont, par exemple, les marnes situées dans le terrain jurassi¬ que, à la partie supérieure de Tétage du lias, et désignées sous le nom de marnes à posidonies. Bien que les tentatives que l’on a faites pour en extraire les huiles par la distillation n’aient généralement pas réussi , ces marnes sont souvent assez chargées de matières charbonneuses pour que, jetées sur un foyer, elles brûlent avec flamme. Les marnes dites bitumineuses de cet étage se retrouvent sur diverses parties de la France, en Belgique, en Wurtemberg, en Angleterre et ailleurs. C’est aussi au lias qu’appartiennent les schistes de Steyerdorf, en Autriche, situés dans le voisinage des cou¬ ches de houille du même étage, que l’on utilise pour la fa¬ brication d’huiles et de parafine. Des roches analogues se trouvent jusque dans les terrains tertiaires, auxquels appar¬ tiennent , par exemple, celles que l’on a exploitées dans l’Ardèche, à Vagnas, et celles qui accompagnent le lignite dans le Véronais et le Vicentin et qu’on désigne sous le nom de liber one.

Les schistes noirs à graptolithes, très-développés dans le terrain silurien de diverses contrées, ils servent de craie noire, sont aussi à signaler ici. Beaucoup d’autres roches, sans être aussi chargées de matières charbonneuses, en renferment des proportions très -appréciables. Ainsi les ardoises et d’autres phyllades de teinte grise renferment souvent au- delà de 0,003 de leur poids de carbone (1) . A part les schistes du terrain houiîler, on pourrait encore citer bien d’autres roches, telles que les silex les plus répandus. Quel¬ que faible que soit la proportion de carbone qu’elles contien¬ nent, ces diverses roches et bien d’autres qu’il serait trop long de rappeler ici représentent, à raison de leur abondance, une quantité très-considérable de ce corps.

(1) Ure série d’analyses a donné des chiffres compris entre 0.0057 et 0,0 078 de carbone. Le schiste graphiteux d’Elbingerode, au Hartz, en ren¬ ferme 0.008.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

331

Une couche de houille qui aurait seulement 1,3 millimètre d’épaisseur, et une couche de lignite ayant 1,6 millimètre et qui envelopperait la surface du globe, renfermeraient, l’une et l’autre, autant de carbone que l’atmosphère, tl n’est donc pas nécessaire de pousser plus avant des supputations, nécessai¬ rement très-incomplètes, pour voir que l’atmosphère doit le céder énormément, pour la quantité de carbone, aux combinaisons charbonneuses mélangées aux roches strati¬ fiées.

Sans attirer autant l’attention, les combinaisons carbona- tées recèlent le carbone en quantité bien plus considérable encore que les combinaisons charbonneuses ; car le carbone forme, en poids, 12,1 pour 100 du carbonate de chaux et 12,8 pour 100 de la dolomie, soit 312 kilogrammes par mètre cube de calcaire pur. Toute la quantité de carbone de l’atmosphère actuelle n’équivaut donc qu’à celle d’une couche de cal¬ caire ayant même base et 5 millimètres d’épaisseur. Or, sans compter la sidérose , c’est sur des milliers de mètres d’é¬ paisseur et sur de vastes étendues que l’on peut suivre les couches de calcaire et de dolomie dans la série des terrains stratifiés.

Le calcium , le magnésium , le fer , le phosphore, le soufre et le carbone des terrains stratifiés ne peuvent provenir , en totalité, ni de l'écorce granitique, ni de la mer . Quand on se repré¬ sente l’abondance, dans les terrains stratifiés, du calcaire, de la dolomie, du gypse, des oxydes et du carbonate de fer, de la pyrite, des phosphates et des combustibles char¬ bonneux, on arrive tout naturellement à se demander d’où dérivent les substances qui constituent ces roches, notamment le calcium, le magnésium, le fer, le phosphore, le soufre et le carbone.

Tout d’abord il est logique de rechercher la provenance de ces corps dans les parties externes du globe avec lesquelles la mer s’est trouvée directement en rapport, c’est-à-dire dans l’assise granitique et dans la mer.

Malgré leur uniformité d’aspect dans toutes les régions du globe, les roches granitiques sont loin de présenter la même composition élémentaire. Les écarts correspondent, non-seu¬ lement aux diverses proportions relatives de feldspath orthose, d’oligoclase, de mica et de quartz qu’elles contiennent, mais aussi à des variations dans la composition des trois pre¬ mières espèces minérales. Il est donc difficile de se représen-

3Q2

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

ter ce que l’on peut admettre pour la. composition moyenne de l’écorce granitique (1).

La chaux que renferment les roches granitiques s’y trouve combinée dans l’oligoclase qu’elles contiennent fréquemment, et quelquefois aussi dans leur feldspath orthose et dans leur mica. Mais la quantité en est très-faible : la constitution moyenne n'indique, en effet, que 1,5 pour 100 de chaux, soit 1,07 de calcium.

Quoi qu’il en soit, dans la décomposition que l’écorce gra¬ nitique a subie et qu’atteste la formation des argiles produites à ses dépens, de la chaux a être mise graduellement en circulation et apportée à la mer. En partant de la donnée que

(1) D'après les analyses très-nombreuses que l’on possède du granité, on adoptera ici, pour fixer les idées, les chiffres suivants :

Silice . 72. S

Alumine . 15.3

Potasse . 5.5

Soude . . . 2.2

Chaux . 1.5

Magnésie . . 0.9

Protoxyde de fer . 1.0

Oxyde de manganèse . . . 0.2

Fluor . 0.1

Eau et divers . 1.0

100.0

En passant à la composition élémentaire de cette roche, on a :

SÜR 100

POÜR 1 m.c. AYANT UNE DENSITÉ

DE 2.67

Oxygène .

kilogr.

1095.4

Fluor .

_ 0.10

2.6

Silicium ........

_ 41.00

1094.9

Aluminium .

217.6

Potassium. ......

_ 4.56

121.8

Sodium .

_ 1.63

43.5

Calcium .

28.6

Magnésium .

. . . . 0,54

14.4

Fer .

_ 0.78

20.8

Manganèse .

_ 0.13

3.5

Divers , .

26. 7

99.98

2669.8

333

NOTE DE M. DAUBRÉE.

nous admettons ici, pour fournir une couche de calcaire d’un mètre d’épaisseur, il ne faudrait pas moins que la démolition, sur une superficie égale, d'une masse de granité de 37 mètres d’épaisseur. Or, le calcaire se montrant, dans beaucoup de pays, avec des puissances de centaines et de milliers de mètres, on voit à quelles énormes démolitions cela condui¬ rait pour l’assise cristallisée. Mais, lors même que bon admet¬ trait de tels décapements, il se présenterait d’autres difficultés, particulièrement en ce qui concerne l’origine de l’acide carbonique qui est combiné à la chaux.

Les amas de calcaire cristallin, qui sont parfois subordonnés au gneiss, y sont généralement trop rares et trop peu volu¬ mineux pour qu’ils paraissent pouvoir figurer ici pour une part considérable. Il en est de même des schistes amphiboii- ques et autres roches calcarifères qui font partie des terrains cristallisés.

Le phosphore donne lieu à un contraste encore plus con¬ cluant. Les roches granitiques en contiennent quelquefois à l’état d’apatite, ainsi que d’autres combinaisons phosphatées, comme à Chanteionbe, près Limoges, aux environs de Nantes et de Vannes, à Bodenmais , en Bavière, et dans d’autres contrées. On a signalé la présence du phosphore dans le feldspath lui-même, ainsi que dans la tourmaline, qui est fréquemment disséminée dans le granité. Toutefois, de même que pour le calcium, l’abondance du phosphore dans les ter¬ rains stratifiés et surtout son accumulation dans certains étages ne sont pas justifiées par la quantité que ces terrains ont pu tirer de l’assise cristallisée.

Quant au soufre et au carbone, ils ne font pas partie essen~ lielle du granité et ne s’y rencontrent que dans des minéraux accidentels, tels que la pyrite et certains carbonates.

D’un autre côté, ce que la mer actuelle renferme de ces divers corps ne forme aussi qu’une bien faible quantité par rapport à ce qu’en contiennent les terrains stratifiés.

La composition de la mer, pour laquelle nous adopterons ici les évaluations de Forchhammer, est, comme on le sait, variable dans ses diverses régions. Cette observation s’appli¬ que particulièrement au calcium; il paraît toutefois difficile d’admettre pour ce corps une proportion moyenne dépas¬ sant beaucoup celle de 0,0004 (1). En assignant, avec de Hum*

(1) Forchhammer admet 0,00038.

su

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1874.

boldt, à l’Océan une profondeur moyenne de 3,500 mètres, et en le supposant réparti uniformément sur route la surface du globe, il formerait une nappe de 2,563 mètres d’épaisseur. D’après ces données, toute l’eau de la mer n’équivaudrait qu’à une couche de calcaire ayant une épaisseur de lm04 (1).

Pour le magnésium, il y est en proportion plus considé¬ rable; à raison de 0,0012, il équivaudrait à une couche de dolomie de 9m08 d’épaissepr.

Dans cette même composition de l’eau de la mer, le soufre figure pour 94 sur 10,000 parties, soit 0,00094. H est facile de calculer que cette quantité de soufre équivaudrait respective¬ ment à des couches de soufre natif de im 22 , de pyrite de 0“93, de gypse de 6m90, et d’anhydrite de 3m53.

Enfin, le phosphore est en si faible proportion dans la mer qu’il ne figure pas, en général, dans les résultats d’ana¬ lyse quantitative.

Il est vrai que la mer a pu fournir directement aux dépôts stratifiés qui sont sortis de son sein, des corps qu’elle ne con¬ tient plus et dont elle se serait dépouillée en leur faveur dans la série des périodes géologiques. À l’exemple de Werner, on a même cherché à considérer l’Océan primitif comme le ré¬ servoir de tous les corps dont l’origine est problématique, et, notamment, de la chaux, sans être arrêté par la faible quantité de ce corps que contient l’Océan actuel, par rapport à ce qu’en renferment les terrains stratifiés. Le calcium y aurait donc été contenu, originairement, à l’état de chlorure, de carbonate ou de sulfate, avant de passer par l’organisation animale ou de se précipiter. C’est un procédé d’autant plus commode pour lever toutes les difficultés, qu’on ignore et qu’on ignorera sans doute longtemps quelle pouvait être la composition de cette ancienne mer, lorsqu’elle s’est conden¬ sée ou même au commencement de la période silurienne. Sans discuter les hypothèses qui ont été faites à ce sujet (2), je me bornerai à remarquer qu’en évaluant au taux le plus modéré calcaire qui s’est déposé dans les terrains stratifiés, on se¬ rait amené à conclure que la mer aurait renfermé des cen¬ taines de fois plus de chaux qu’elle n’en contient aujourd’hui, et que des animaux, tels que les nautiles et les lingules, dont

(1) Les épaisseurs correspondantes de gypse, d’anhydrite et de phospho- rite seraient, respectivement, de lm 263, 2m 186, 0m 965.

(2) Yézian, Prodrome de géologie, tome I, p. 452.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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les genres ont apparu dès la période silurienne et existent encore aujourd’hui, auraient pu se plier à des conditions de salures aussi différentes. Déplus, une observation semblable à celle qui vient d’être faite à l’occasion du granité s’applique également ici : si l’on consentait à s’appuyer sur cette hypo¬ thèse, on ne serait pas beaucoup plus avancé pour comprendre le mode de répartition des couches calcaires dans les diffé¬ rents étages de la série, par exemple l’abondance de cette roche dans les groupes jurassique et crétacé, qui succèdent à d’autres beaucoup moins bien partagés.

Le phosphore pourrait être l’objet d’observations analogues et bien plus significatives.

Poursuivant le même ordre d’idées, on a été conduit à sup¬ poser que l’énorme quantité de carbone fixé dans les roches sédimentaires a fait partie de l’atmosphère primitive, déduc¬ tion faite de ce que la mer tenait en dissolution, sauf à attri¬ buer à cette atmosphère des centaines ou des milliers de fois ce qu’en renferme l’atmosphère actuelle, et à supposer que les animaux des périodes les plus anciennes se seraient accom¬ modés d’un tel milieu. Il est à regretter que des expériences sur la manière dont les êtres organisés appartenant aux fa¬ milles qui existaient alors se comportent dans des milieux ainsi constitués, n’aient pas encore été faites, de manière à guider dans ces hypothèses. A part les conséquences qu’on pourrait tirer de telles expériences, il importe de remarquer que les effets physiologiques d’une plus grande quantité d’a¬ cide carbonique dans l’atmosphère ont pu être neutralisés par une plus forte proportion d’oxygène; car bien des réactions peuvent avoir absorbé de l’oxygène pendant la série des pé¬ riodes géologiques. En résumé, l’atmosphère a certainement nourri de son carbone les plantes dont l’accumulation et l’en¬ fouissement ont produit des couches de houille ; mais ce n’est pas à dire qu’ell’e ait renfermé, dès l’origine et simultanément , la totalité du carbone qui lui a été soutirée pendant les pério¬ des correspondant à la formation des terrains sédimentaires.

La rareté relative du calcium , du magnésium , du fer , du phos¬ phore, du soufre et du carbone dans V écorce granitique contraste avec V abondance de ces mêmes corps dans les régions profondes. Les corps appartenant aux roches stratifiées, dont nous recher¬ chons l’origine, se trouvent aussi dans les roches éruptives, mais, en général, à d’autres étais de combinaison. La plus grande différence chimique entre les roches éruptives et les

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

roches stratifiées consiste en ce que les premières renferment à l’état de silicate des bases, telles que la chaux, la magnésie, que les autres renferment en combinaison avec les acides car¬ bonique et sulfurique.

De plus, il importe de remarquer que la rareté des corps dont il s’agit dans l’écorce granitique, ainsi que dans la mer et dans l'atmosphère , contraste avec leur abondance dans les régions profondes, à en juger tant par les roches éruptives que par les émanations diverses qui nous apportent des échantil¬ lons et comme des extraits de ces régions.

La proportion de chaux et de magnésie que contiennent les roches éruptives basiques est considérable. Ainsi, d'après les analyses des laves du Vésuve, provenant de trente-trois érup¬ tions différentes, la chaux, qui varie, sur cent parties, de 7,2 à il. 5, est, en moyenne, de 9.38 (1); pour la magné¬ sie, la moyenne, dans ces mêmes laves, est de 4. 13. le maxi¬ mum de 6 , et le minimum de 2.2. Quant aux oxydes de fer (peroxyde et protoxyde), le chiffre moyen est de 10.94, et l’écart de 7.87 à 14.01 pour 100. Les basaltes et les dolé- rites présentent une richesse analogue, non-seulement en fer, mais aussi en chaux et en magnésie : le type que M. Bunsen a désigné sous le nom de roche doléritique normale contient, pour 100, 11.87 de chaux et 6.89 de magnésie. Le calcium contenu dans une couche de calcaire de 1 mètre correspond donc à celui d’une épaisseur de 4m338 de cette roche.

Ces mêmes roches éruptives basiques ont également une te¬ neur relativement forte en phosphore, ainsi que l’ont constaté de nombreuses analyses chimiques (2). Souvent même les phos¬ phates n’y sont pas disséminés d’une manière invisible : i’apa- tite s’en est séparée sous forme de cristaux aciculaires, bien reconnaissables malgré leur petitesse, tandis que la vivianite, sous forme d'enduit terreux, s’y décèle par sa couleur bleue.

L’écorce granitique ne renfermant que rarement des combi¬ naisons sulfurées (3), on a supposé que la plus grande partie

(1) C. W. Fuchs. Leonhards Jahrbuch , 1869, p. 171,

(2) Beaucoup de laves, de dolérites et de basaltes renfermera au moins 0.60 pour 100 d’acide phosphorique.

(3) Parmi les roches silicatées qui contiennent du soufre, il faut citer les anches amphiboliques, la pyrite est fréquente, et les laves, qui renferment des silicates sulfuritères comme la Haüyne; mais ces dernières, qui sont d’origine éruptive, n’appartiennent pas à ! écorce granitique.

NOTE DE M. DAUBREE.

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du soufre contenu dans les terrains stratifiés avait été fournie par la mer primitive, aussi bien que le calcium et le magné¬ sium. L’eau de la mer actuelle, qui contient en moyenne 0,0009 de soufre, dépose du gypse par son évaporation. Dans certaines conditions, par la réduction en sulfure des sulfates qu’elle renferme, elle a pu produire de la pyrite ou même du soufre natif, tel que celui qui s’est isolé dans les anciens ci¬ metières de Paris, au milieu de platras, et en cristaux très-nets rappelant ceux de la nature. C’est ainsi que plusieurs obser¬ vateurs, dont l’un, M. Maravigna, vivait au pied de l’Etna, ont été conduits à considérer les masses de soufre de la Sicile comme empruntées à la mer et comme étant d’origine super¬ ficielle.

Cependant, chaque jour il arrive des composés du soufre par d’innombrables orifices volcaniques, et ce que nous voyons sur les continents doit nous faire penser qu’il en est de même dans le bassin des mers. Un autre mode d’arrivée nous est d’ail¬ leurs montré par les sources sulfureuses thermales, telles que celles des Pyrénées.

Certains géologues ont pensé que tout le soufre amené par des éruptions volcaniques, à l’état d’hydrogène sulfuré, pro¬ viendrait de la décomposition des sulfates de l’eau de mer, qui se serait infiltrée dans le laboratoire volcanique, de telle sorte que ce soufre serait simplement ramené de l’intérieur vers la surface, par une sorte de circulation semblable à celle de l’eau souterraine et de l’eau des sources.

Je considère comme extrêmement probable que l’eau de la surface pénètre dans les régions profondes et contribue à l’ac¬ tivité volcanique. Mais cette supposition n’empêche pas de re¬ connaître que, par exemple, le bore, que rapportent sans cesse les soffionis de la Toscane , émane incontestablement des ré¬ servoirs profonds, et il en est probablement de même du soufre qui l’accompagne, ou de celui qui arrive dissous, comme sul¬ fure alcalin, dans les sources thermales des Pyrénées.

D’ailleurs, cette provenance est encore inscrite plus claire¬ ment dans les innombrables filons métallifères qui sillonnent l’écorce terrestre, et dont le remplissage date de périodes géo¬ logiques très-diverses. En effet, le soufre y figure presque cons¬ tamment combiné, comme sulfure simple ou multiple, aux divers métaux dont l’origine ne laisse pas de doute, souvent aussi à l’état de sulfate de baryte. Ce corps a donc été apporté des régions infrà-granitiques, aussi bien que le cuivre, le plomb Soc. géol., 2e série, t. XXVIIL 92

SÉANCE DU 1 SEPTEMBRE 1871.

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ou l’argent, dont il est le minéralisateur. Or, on voit des cou¬ ches de pyrite se rattacher, par toutes sortes de degrés, aux filons de cette substance, par exemple dans le département du Gard, aux environs d’Aîais, la galène est souvent venue s’associer à la pyrite régulièrement stratifiée. La puissance de certains amas ïiloniens du même minéral que l’on exploite dé¬ note d’ailleurs la richesse, en soufre, des réservoirs dont ils représentent des émanations.

De son côté, le soufre natif proteste de sa provenance pro¬ fonde par son association à des substances de filons. Ce n’est pas par une coïncidence fortuite que la strontiane sulfatée l’ac¬ compagne en Sicile , avec abondance et en cristaux nette¬ ment formés : la môme substance reparaît avec lui dans le petit dépôt d’Àpt (Vaucluse), dans celui de Radoboy, en Croatie, aVëc accompagnement du quartz cristallisé, et dans bien d’au¬ tres localités. A Swoszowice, près Cracovie, c’est la baryte sul¬ fatée qui décèle l’origine du soufre qui lui est associé.

Le soufre qui, dans son trajet vers la surface, s’est ar¬ rêté dans les incrustations des filons métallifères , ne repré¬ sente qu’une partie de celui qui a été apporté autrefois des régions profondes. Une quantité considérable de cette sub¬ stance a aussi s’épancher dans la mer, soit à l’état d’hy¬ drogène sulfuré, soit à l’état de sulfure soluble. C’est ainsi qu’il a pu se former du sulfate de chaux, par une oxydation du soufre, dont on à aujourd’hui de nombreux exemples, tels, notamment, que sur les parois calcaires de la grotte jaillit la source d’Aix-les-Bains, ou dans des Iagonis de la Toscane (1). Cette oxydation paraît analogue, aussi , à ce qui s’est produit dans la formation des dépôts d’alunite du Mont-Dore, de la Toscane et de la Hongrie.

Ainsi, sans contester aucunement que, dès le commence¬ ment de la période silurienne, la mer ait contenu une certaine quantité de sulfates, on est conduit à reconnaître que le soufre aujourd’hui renfermé dans les terrains stratifiés, quel que soit son mode de combinaison, provient, au moins en grande par¬ tie, d’apports successifs émanant de la profondeur, tout aussi bien que le soufre des couches métallifères.

(1) La transformation rapide en acidê suif urique du soufré employé contre la maladie de la vigne, que M. Marès a constatée dans la terre vé¬ gétale, est un exemple à rapprocher de ce qui a pu se passer autrefois.

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NOTE DE M. DAUBRÉE.

Quoique le carbone fasse partie essentielle de la substance de tous les êtres vivants, il ne se montre qu’en quantité com¬ parativement minime à la surface du globe. L’atmosphère, le grand réservoir qui leur fournit ce corps, directement ou par voie indirecte, en renferme seulement une quantité que l’on éva¬ lue à 0,0005, ce qui équivaudrait, par mètre carré* à 1 kil. 40.

Il paraît être en quantité plus forte dans l’eau de la mer, il se trouve tant à l’état d’acide carbonique libre qu’à celui de carbonate de chaux (1).

D’un autre côté, personne n’ignore que ce corps, à l’état d’acide carbonique, est exhalé en abondance des foyers vol¬ caniques, particulièrement à la fin des éruptions , ainsi que l’attestent, les mofettes si connues au Vésuve et dans beaucoup d’autres pays. C’est avec raison qu’à la suite de ses mémora¬ bles expériences, faites dans le cratère même des grands vol¬ cans des Andes, M. Boussingault a appelé Inattention sur l’im¬ portance dans l’histoire du globe de cette sorte d’émanation (2). Le jaillissement de l’acide carbonique se poursuit encore dans des régions volcaniques éteintes depuis bien des siècles, comme on le voit sur le plateau central de la France. Non^seulement il arrive dans de nombreuses sources carbonatées et gazeuses, telles que celles de Saint-Allyre, de Royat, de ^aint-Nectaire et de Vais, mais aussi il sort fréquemment seul et passe alors inaperçu, à moins que certaines circonstances spéciales ne for¬ cent à le reconnaître. Par exemple, dans les mines de plomb argentifère de Pontgibaud, auxquelles est juxtaposée la cou¬ lée volcanique du volcan de Côme, l’acide carbonique arrive avec tant d’abondance qu’il rend le travail, dans certaines ga¬ leries, très-difficile et parfois même impossible, malgré l’aérage qu’on cherche à y produire. En fonçant un puits pour l’exploi¬ tation de la houille, à Vergonghon (Haute-Loire), on est arrivé à des dégagements d’aeidé carbonique qui se manifestaient avec d’autant plus d’intensité qu’on pénétrait plus profondé¬ ment : à la profondeur de 200 mètres, ils provoquèrent une sorte d’explosion, à la suite de laquelle il fallut abandonner le

(1) Il ne faut pas omettre dans le carbone de la surface du globe celui des végétaux et des animaux qui y vivent.

(2) « Jusqu’à présent on a négligé de prendre en considération l’influence que pouvait avoir sur composition de notre atmosphère les matières ga¬ zeuses qui sortent de l’intérieur de notre planète. » Annales de Chimie et de Physique, t. VII, p. 174, 1884.

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

percement. La région volcanique des bords du Rhin donne lieu à des dégagements non moins abondants.

Il suffit souvent de failles ou de fractures profondes du sol pour que l’acide carbonique jaillisse abondamment loin de toutes roches éruptives, comme dans le nord de PAllemagne, aux environs de Pyrmont.

Quand on voit ce gaz sortir directement du granité, comme à Saint-Nectaire et à Carlsbad, on doit admettre qu’il ne pro¬ vient pas de la décomposition de carbonates des terrains stra¬ tifiés, ni de la combustion lente des couches de combustibles charbonneux que contiennent ces mêmes terrains.

Les carbonates qui font si fréquemment partie des filons métallifères, même de ceux qui traversent les gneiss anciens, témoignent que, dans les anciennes périodes, le carbone a aussi été apporté des régions inférieures au granité.

De plus, beaucoup de roches silicatées éruptives, amphibo- liques et autres, renferment des carbonates, dont la présence se reconnaît facilement à l’effervescence qu’elles produisent avec les acides. Ces carbonates se montrent aussi accumulés dans les fissures et boursouflures de beaucoup de roches amygdaloïdes. On peut remarquer que les roches de cette dernière catégorie ont généralement subi un commencement de décomposition, comme si elles avaient elles-mêmes fourni à ces sécrétions une partie de leur substance.

Parfois c’est à l’état combustible que les roches silicatées renferment le carbone, comme le granité de Broddbo, près Fahlun, en Suède, qui contient la pyrorthite avec du bitume et d’autres minéraux intéressants. La présence de l’anthracite dans les filons d’argent de Kongsberg, en Norvège, ainsi que dans divers gîtes de la Suède (1), est également un fait très- significatif.

Ce qui est entré de carbone dans les terrains stratifiés à partir de la période silurienne, ou même seulement depuis l’époque de la formation de couches l’on trouve des ani¬ maux à respiration aérienne, est si considérable, par rap¬ port à celui de notre atmosphère , qu’il est bien difficile de supposer que ce carbone, aux époques reculées dont il s’agit, se trouvait entièrement, soit dans l’air à l’état d’acide carbo¬ nique, soit dans la mer au même état ou à celui de carbonate.

(1) Mémoire sur les dépôts métallifères de la Suède et de la Norvège. Annales des Mines , 4 e série, t. IY, 1843, p. 224, 280 et 260.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

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II répugne également d’admettre que ce corps ait pu être fourni en telle quantité par l’assise primordiale, qui, dans toutes les parties du globe, en renferme une si faible proportion. D’ailleurs, s'il en avait été ainsi, ce corps n’aurait sans doute pas été cédé aux couches anciennes avec moins d'abondance qu’aux couches plus récentes, ce qui n’a pas lieu, particulière¬ ment en ce qui concerne le carbone fixé à l’état de carbonate.

Une partie du carbone que contient si abondamment la sé¬ rie des terrains stratifiés paraît donc avoir été fournie par les régions profondes du globe. De même que nous venons de le reconnaître pour le phosphore et pour d’autres corps, les exhalaisons carbonées se seraient produites pendant les di¬ verses périodes, avec des abondances très-variables, et seraient arrivées successivement dans la mer et dans l’atmosphère (1).

D’après les données que fournissent les roches éruptives, on est amené à supposer que sous l’enveloppe granitique, qui a des milliers de mètres d’épaisseur, se trouvent des masses silicatées d’une nature différente, et en même temps plus denses, abondent le calcium, le magnésium, le fer, le phosphore : les émanations sulfurées et carbonées qui ont ac¬ compagné la sortie de ces roches apprennent de plus que le soufre et le carbone ne manquent pas dans ces réservoirs profonds.

D’un autre côté, les notions apportées par les météorites relativement à la constitution intérieure de corps célestes, qui présentent la plus grande analogie avec les parties internes du globe terrestre, confirment et complètent les conclusions aux¬ quelles nous venons d’être conduit quant à la nature des mas¬ ses infrà-granitiques.

Toutes les météorites renferment du soufre et du phosphore, à l’état de sulfure et de phosphure.

Le carbone se trouve aussi dans les météorites, non-seule¬ ment dans celles qui sont désignées sous le nom de charbon¬ neuses, ce corps est, pour ainsi dire, visible, et qui en ren¬ ferment parfois au delà de 5 p. 0/0 (comme celle d’Orgueil, Tarn-et-Garonne), mais aussi dans les fers météoriques (holo-

(1) C’est principalement à l’état complètement brûlé on d’acide carbo¬ nique que le carbone se trouve, tant à la surface que dans l’écorce du globe. Les combinaisons combustibles sont en quantité comparativement faible. Une observation semblable s’applique au soufre et à l’hydrogène sulfuré par rapport aux sulfates.

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

sidères). Les grandes masses récemment découvertes au Groen¬ land, à Ovifak, sont particulièrement instructives à ce point de vue; car l’une d’elles a indiqué à l’analyse (1), sur 100 par¬ ties, 3,00 de carbone combiné, et 1.64 de carbone libre, soit 4,64 en tout. Comme la densité en est de 5,8, cette rocbe, dans un mètre cube, ne renferme prs moins de 271 kilogrammes de carbone. Par conséquent, une couche d’une telle roche fer¬ reuse, ayant seulement 5 millimètres d’épaisseur, renferme¬ rait autant de carbone que toute une colonne de l’atmosphère ayant même base. Pour une variété de fer renfermant le car¬ bone en proportion 1,000 fois moindre, il suffirait d’une cou¬ che de 5 mètres, c’est-à-dire bien peu épaisse, pour l’équiva¬ lent dont il s’agit.

Ce que l’on voit chaque jour dans les ateliers métallurgi¬ ques, s’élaborent la fonte et l’acier, sur la facilité avec la¬ quelle le carbone s’associe au fer à des températures élevées, explique la présence de ce corps dans les fers natifs qui nous arrivent des espaces. On peut donc admettre que les masses de fer qui paraissent constituer les régions profondes du globe terrestre (2) ne sont pas dépourvues de carbone com¬ biné ou libre, et qu’elles peuvent ressembler aussi, sous ce rapport, aux météorites, et particulièrement aux masses d’Ovifak; car originairement, elles ont se trouver en pré¬ sence de carbone qui abonde également dans notre planète, ou de combinaisons carbonées.

De plus, les roches de fer d’Ovifak nous montrent encore qu’après avoir fixé du carbone dans des circonstances dont j’ai tenté de rendre compte ailleurs, les mêmes roches peu¬ vent l’abandonner à l’état d ’acide carbonique ou à celui d’oxyde de carbone, par exemple sous l’influence d’une oxydation ou sous celle d’un simple échauffement, comme il arrive pour certains produits obtenus dans des expériences de M. Stam- mer et de M. Gruner.

Sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans plus de détails, on comprend comment ces faits jettent de la lumière, non seule¬ ment sur les causes qui ont pu fixer du carbone dans les pro¬ fondeurs de notre globe, mais aussi sur certains procédés par lesquels il peut s’en exhaler.

(1) Comptes rendus de l’Académie des Sciences , t. LXXVI, p. 1541.

(2) Bull. Soc. géol ., 2e série, t. XXIII, p. 414, 1866.

NOTE DE M. DAUBRÉE,

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Comment ont pu se produire les transports vers la surface , dont il vient d'être question . r— Il y a lieu, maintenant, de se deman^- der comment les masses infrà-granitiques ont pu envoyer à la surface un tel contingent de substances, puisque, déjà au commencement de la période silurienne, elles étaient corn-? plétement enveloppées par une écorce épaisse de roches.

Ces apports se sont faits au moins par deux procédés diffé¬ rents.

D’abord, à toutes les époques et sur de nombreux points, des roches silicalées ont été poussées en dehors sous forme éruptive. Elles ont ainsi apporté, incorporés dans leur pâte même, des corps qui ont pu s’en séparer plus tard, à la suite d’une décomposition, et produire , d’une part, des argiles, d’autre part, des combinaisons telles que des carbonates de chaux (1) et de magnésie, ainsi que de l’oxyde de fer; de l’acide phosphorique a être mis aussi en circulation de cette ma¬ nière. La formation de la glauconie se rattache peut-être à des actions de ce genre, aussi bien que celle de la terre verte, ou céladonite, qui s’est déposée avec des zéolithes dans les cavités des roches éruptives amygdaloïdes.

Cependant il ne faudrait pas exagérer l’importance de ce mode direct d’intervention. Les roches éruptives, quoique formant d’innombrables pointements à travers l’écorce ter- sestre, ne constituent réellement, au moins à la surface, que des accidents d’un volume fort restreint par rapport aux ter¬ rains stratifiés. On peut le reconnaître avec une carte d’Europe sur laquelle ont été marquées les roches de cette première ca¬ tégorie, et l’on voit que de vastes régions, comme la Russie, en sont à peu près dépourvues (2).

Mais, sans paraître au dehors, les masses profondes ont envoyé des extraits de leur substance jusqu’à la surface, tant à l’état gazeux qu’en dissolution, comme elles en envoient en¬ core chaque jour par les exhalaisons volcaniques et les sources

(1) Le calcaire de formation récente, connu aux îles Canaries sous le nom de Tqsca, paraît donner un exemple de ce mode de production. If en est de même des récits de polypiers qui sont juxtaposés aux massifs volcani¬ ques dans beaucoup de parties de l’océan Pacifique.

(2) Il faut toutefois observer : d’une part, que beaucoup d’anciennes éruptions nous sont cachées par les terrains sédimentaires qui les recou¬ vrent, et, d’autre part, que la mer a pu porteries produiis de la décompo¬ sition de certaines roches bien loin de leur point de départ.

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

thermales; des émanations analogues se sont produites pen¬ dant les anciennes périodes, notamment dans le remplissage des filons métallifères.

Ces filons, si nombreux dans une foule de régions dislo¬ quées de l’écorce terrestre, avec leurs sulfures, leurs carbo¬ nates, leurs phosphates, nous montrent, pour ainsi dire, les corps qui nous occupent surgissant des régions profondes, aussi bien que les méiaux proprement dits : ils nous appren¬ nent à la fois quelle est la patrie originelle de ces diverses substances, et comment elles ont pu émigrer vers la sur¬ face.

Les filons proprement dits ont, en général, rempli des fis¬ sures dans des roches préexistantes; mais il est des cas l’on voit les substances qui les constituent s’épanouir dans des cou¬ ches régulièrement stratifiées et même fossilifères. Ce trait d’union entre deux modes de dépôts, en apparence si diffé¬ rents, dont les strates basiques et jurassiques présentent des exemples nombreux et bien caractérisés sur les contours du plateaucentral de la France, a été constaté aussi pour certaines combinaisons pierreuses, telles que la barytineet la fluorine. Ainsi, pendant que certaines couches se formaient, elles ont pu recevoir des émanations semblables à celles qui, ailleurs ou même dans leur voisinage, ont incrusté les liions. De sim¬ ples failles ont donc suffi pour établir une communication entre les régions profondes et le fond des mers; les canaux d’ascension sont encore reconnaissables, lorsque des incrus¬ tations permanentes s’y sont produites.

Les cas Ton voit les couches se rattacher aux filons par une sorte d’extravasement , et l’on surprend ainsi certains corps arrêtés et comme figés dans leur trajet ascendant, de¬ viennent de plus en plus nombreux, à mesure qu’ils sont plus soigneusement recherchés. Toutefois, on est loin de constater d’une manière générale ce genre de relation, même pour des gîtes dont la composition atteste la provenance aussi claire¬ ment que les couches de schistes cuivreux de Thuringe, les amas de calamine et de galène qui, en Silésie, sont super¬ posés au muschelkalk, et les dépôts de soufre natif de la Sicile.

On conçoit qu’il doive en être ainsi.

D’une part, les failles d’ascension n’ont pas toujours été mises à nu par des échancrures, des déchirements ou des éro¬ sions; le plus souvent elles restent cachées dans l’intérieur des roches. On serait tout autrement renseigné, si l’œil

NOTE DE M. DAUBRÉE. 345

pouvait plonger à travers les couches superposées qui ca¬ chent ces dernières.

D’autre part, les émanations, une fois arrivées dans la mer, ont pu s’étendre à une grande distance des orifices qui les avaient amenées, sans que leur canal puisse, par conséquent, être reconnu à proximité des couches à la formation des¬ quelles elles ont contribué.

En outre, il est un fait qu’on ne doit pas perdre de vue : dans bien des cas, des failles peuvent avoir donné issue à d’é¬ normes quantités de substances en dissolution, sans avoir été incrustées. A Bagnères-de-Luchon , par exemple, les galeries que l’on a pratiquées pour le captage permettent d’observer parfaitement dans le granité de nombreuses fissures, à tra¬ vers lesquelles jaillissent les sources. Ces tissures n'offrent au¬ cun dépôt, au moins dans leurs parties visibles; leurs parois n’ont pas même été sensiblement altérées, après un parcours si prolongé. Elles sont d’ailleurs si minces, que, si ces sources tarissaient aujourd’hui, il ne resterait aucun vestige de leur existence; rien n’annoncerait qu’il est sorti sur ce point, et pendant des siècles, d’énormes quantités d’eau et de substances minérales.

Des circonstances spéciales ont été nécessaires pour que les sources thermales et les exhalaisons souterraines produisissent des dépôts permanents et incrustassent les fissures qui leur don¬ naient issue. La diminution de température et de pression qui se produisait aux abords de la surface a souvent y contri¬ buer. Mais lorsqu’il ne s’est pas opéré de dépôts sur leurs pa¬ rois, ces fissures ne peuvent nous apprendre si elles ont servi de voies de communication avec l’intérieur; elles restent muet¬ tes à ce point de vue. Parmi les failles innombrables qui cou¬ pent l’écorce terrestre, il en est donc beaucoup. qui ont pu remplir ce rôle, sans en présenter de preuves, même dans les lieux l’exploration en est possible.

Ce qui vient d’être dit sur les sources thermales actuelles, qui débitent d’énormes quantités de substances sans en lais¬ ser de traces sur les fissures qui les amènent, peut expliquer également comment les substances que nous voyons dans les filons sont si peu abondantes par rapport à celles qui consti¬ tuent les couches et qui paraissent être d’origine analogue. Beaucoup de substances ont pu passer par les failles, sans s’y fixer à l’état insoluble; elles ont été portées au dehors, et s’y sont épanchées, peut-être en bien plus grande quantité qu’elles

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SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1872.

ne s’y sont arrêtées. Ainsi la chaux y serait peut-être moins rare, si elle avait pu former des combinaisons aussi insolubles que la baryte.

On a aussi objecté que les sources calcarifères jaillissant du granité, comme celles de Saint-Nectaire ou de Carlsbad, sont aujourd’hui peu nombreuses. On verra plus loin que cette ob¬ jection n’a pas la valeur qu’on lui a attribuée.

A l’appui des considérations qui précèdent, sur le mode d’apport de certains corps qui entrent dans la constitution des terrains stratifiés, prenons comme exemple le fer, celui des métaux usuels qui est le plus abondamment représenté dans les terrains stratifiés, ainsi que dans les roches silicatées, cristallisées et éruptives. La simple décomposition , à la sur¬ face du sol, de ces dernières, surtout des roches amphiboliques et pyroxéniques qui sont sorties à diverses époques, a isolé des oxydes et autres combinaisons de fer en quantité notable. Cer¬ tains minerais de fer du Nassau, de la Westphalie, du Harz et de l’Irlande, qui sont juxtaposés à des roches pyroxéniques, ont été attribués à des influences de cette catégorie. L’abon¬ dance surprenante avee laquelle les fossiles sont souvent accu¬ mulés dans certaines couches de minerai de fer, a conduit aussi à assigner à ces dernières une origine purement superfi¬ cielle, analogue à celle du minerai des prairies et des lacs. Tel a, autrefois, semblé être le cas pour les gîtes de minerai pisolilhi- que, qui, pendant la période tertiaire, se sont déposés abon¬ damment dans diverses parties de la France; car ils occupent souvent la surface du sol, sans être recouverts par des couches régulières, d’où leur est venu le nom vulgaire de minerai d’al- luvion. D’ailleurs la forme globulaire qui les caractérise appar¬ tient également à des minerais qui se précipitent actuellement dans des lacs de la Suède et de la Finlande.

Cependant beaucoup des couches et amas de minerai de fer dont il s’agit sont éloignés de tout affleurement de roches érup¬ tives, et l’on ne comprend pas, par exemple, comment s’y rattacheraient les minerais pisolithiques du Berry et de la Lor¬ raine, qui se sont déposés dans des bassins et entièrement fer¬ més et constitués de calcaire jurassique. D’ailleurs la présence, dans ces divers gîtes, de quartz jaspe et de quartz hyalin cris¬ tallisé, qui ont été visiblement produitsen même tempsque le minerai, suffirait pour faire repousser une telle assimilation. Sur d’autres points, c’est l’oligiste cristallisé, comme à Lunel (Aveyron) ou à la Youlte (Ardèche), la sidérose spathique, la

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pyrite cristallisée, la blende, la barytine en cristaux nets et limpides (par exemple à la Voulte), qui servent à rattacher le mode de formation des couches ferrifères à celui des filons. A cette occasion , on peut également rappeler le fer titané en cristaux, que Berthier a découvert dans le minerai magnétique des -couches néocomiennes de la Champagne, ainsi que l’oxyde de titane cristallisé, del’espèceanatase, que M. Wôhler (t) a si¬ gnalé récemment dans le minerai jurassique et fossilifère du Cleveland, exploité si activement dans le nord de l’Angle¬ terre.

Le gisement du strontium et du baryum dans les terrains stratifiés, dont il a été question plus haut, fournit également, sur une foule de points, des preuves d’intervention semblable des sources thermales.

De môme le calcium , dont on connaît les analogies avec le baryum, le strontium et le fer, a pu arriver des régions pro¬ fondes par des failles invisibles, par exemple en Auvergne, les travertins calcaires ont commencé à se déposer dans un bassin granitique, et antérieurement à l’arrivée des basaltes.

Une partie du quartz des terrains stratifiés est arrivée dans des conditions analogues. Enfin l'examen des conditions dans les quelles se présente l’acide silicique ou quartz conduit à une conclusion analogue.

Une partie du quartz qui abonde dans les terrains stratifiés leur a été fournie, comme on l’a vu, aux dépens de l’assise gra¬ nitique; mais ce n’est pas le cas de la totalité. On sait combien les filons de quartz sont développés dans certaines contrées for¬ mées de roches anciennes. En France, le Morvan et le plateau central, dans toutes ses parties, offrent des exemples de ces épanchements considérables, comme on en retrouve dans’leBôh- merwaldet dans bien d’autres pays. Les filons dont il s’agit ne sont pasdesimplessécrétions desroches encaissantes(2). Ussontàas- similer, pour leur origine, aux filons métallifères, avec lesquels ils présentent fréquemment des passages insensibles, en mon¬ trant et des minerais métallifères. C’est ainsi qu’aux en-

(1) Leonhards Jahrbuch , 1868, p. 202.

(2) Les phyllades appartenant aux terrains anciens sont très-fréquemment sillonnés par des veines irrégulières de quartz hyalin. Ces dernières dif¬ fèrent, en général, des filons, en ce qu’elles paraissent des produits de la sécrétion de la roche voisine, engendrées sous l’influence de l’action méta¬ morphique : aussi ne sont-elles à mentionner ici que pour mémoire.

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virons d’Alban (Tarn) ou de Raimar (Aveyron), ils renferment des colonnes de minerai de manganèse , de minerai de fer ou de barytine, et que le puissant filon de quartz de la Sierra-Ne¬ vada de Californie, que l’on peut suivre sur une longueur de 120 kilomètres et sur une épaisseur de 2 à 20 mètres, ne s’est allié d’orque sur quelques places; il se montre stérile sur une grande partie de son étendue (1).

Quand, au lieu d’aboutir à une région émergée, desépanche¬ ments semblables à ceux auxquels les filons doivent leur rem¬ plissage ont débouché dans une nappe d’eau marine ou lacustre, ils ont nécessairement pris d’autres caractères; ils se sont éta¬ lés de diverses manières. On a un exemple de ce contraste dans la formation du quartz corné qui imprègne les arkoses en beau¬ coup de lieux, autour du plaleau granitique de la France; d’a¬ près son association avec les filons quartzeux du voisinage, on a admis depuis longtemps que ceux-ci représentent comme des cheminées par lesquelles le quartz a été apporté dans ces couches, au moment elles se déposaient ; il y est arrivé en compagnie d’autres substances, la fluorine, la barytine ou la galène.

Mais, comme on vient de le voir, les conditions qui mettent ainsi sous les yeux de l’observateur une relation entre les deux modes de dépôts se présentent rarement, et bien des couches quartzeuses situées à divers niveaux, quoique n’offrant pas cet indice, ont pu être produites d’une manière comparable aux filons, c’est-à-dire par d’anciennes sources thermales. Telle est l’origine que paraissent avoir beaucoup de couches de silex, comme celles que l’on rencontre parfois dans le terrain juras¬ sique, bien plus fréquemment dans la craie blanche, ainsi que les meulières du bassin de Paris, notamment le travertin sili¬ ceux de Champigny. Depuis longtemps, on a expliqué cette for¬ mation de la manière la plus simple et la plus satisfaisante , en admettant que des sources contenant de la silice en dissolu¬ tion se sont épanchées dans les bassins se formaient ces di¬ verses couches.

Diverses particularités viennent à l’appui de cette manière de voir : ainsi, dans le département de l’Indre, au sud de Saint- Gaultier, des dépôts siliceux, en se superposant au calcaire jurassique, se sont substitués partiellement à cette dernière roche; ils en ont moulé en creux les coquilles et les poly~

(1) Laur, Annales des Mines, série, t. III, p. 386.

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piers qui y abondent et qui, par une sorte de dissection, sont devenus plus reconnaissables que dans la masse ils étaient primitivement empâtés; ils lui ont, de plus, emprunté sa structure oolithique. On ne peut guères douter que le li¬ quide qui déposait l’acide silicique n’ait, en même temps, dissous le carbonate de chaux et n’ait ainsi produit ces substi¬ tutions ou épigénies significatives. A quelques mètres de là, le dépôt offre un tout autre aspect : l’acide silicique est à l’état de jaspe jaune et passe, plus loin, à un minerai de fer très- quartzeux.

Le quartz qui s’est formé dans les roches stratifiées n’est pas toujours dépourvu de cristallisation distincte, comme dans les variétés désignées sous les noms de silex et de jaspe. Il s’y est produit aussi à l’état hyalin et, parfois, en cristaux qui ne lais¬ sent rien à désirer pour la netteté et la limpidité, par exemple dans des géodes de rognons ou de polypiers silicifiés. Des cris¬ taux très-élégants de quartz, que renferment les collections de minéralogie, par exemple ceux de Rémusatdans la Drôme, ou ceux qui sont qualifiés de diamants du Niagara, démontrent que l’acide silicique a parfois trouvé dans des terrains stratifiés des circonstances aussi favorables à sa cristallisation que dans les filons métallifères.

L’association de certains sables à des gîtes métallifères de la Belgique a depuis longtemps conduit M. d’Omalius à y voir un dépôt analogue à celui des filons. Parmi les couches de sable quartzeux ou de grès, il en est encore d’autres que rien n’autorise, non plus, à considérer comme des débris^de dé¬ molition qui se seraient produits à la surface. Ainsi, en pulvé¬ risant le quartz du granité, on n’obtient pas, en général, de sable limpide et incolore, comme celui que l’on exploite, par exemple, à Rilly près d’Épernay, pour les cristalleries.

Les grains de divers sables, qui, au premier abord, parais¬ sent terminés par des faces planes et former des cristaux, sont réellement fragmentaires et comparables à du verre pilé. Tou¬ tefois un examen attentif, aidé de la loupe ou du microscope, a fait aussi reconnaître l’existence de sables réellement en cristaux, souvent complets; ils ne doivent pas résulter de la trituration des roches granitiques , roches dans lesquelles les grains de quartz ne sont pas généralement terminés par des faces cristallines (1).

(1) Recherches expérimentales sur la formation des sab les. Annales de Mines , 5e série, t. XII, 1857.

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Il existe aussi des sables grossiers, à grains tout à fait arron¬ dis, dont la forme globulaire et lisse ne paraît pas devoir être attribuée au résultat de frottements (1). La formation des sables de ces diverses variétés aurait plutôt de l’analogie avec celle des globules de quartz qui se sont produits à la partie supérieure du calcaire grossier du bassin de Paris , notamment dans les couches appelées caillasses , et à l’intérieur de géodes. Ces glo¬ bules, les uns à surface cristalline et drusique, les autres à sur¬ face lisse, donneraient un exemple de quartz qui s’est granulé indépendamment de toute action mécanique.

On serait ramené ainsi, par des observations de plusieurs sortes, à une idée anciennement émise sur l’origine des sa¬ bles quartzeux (2), par Deluc et par de Saussure , et qu’on a repoussée peut-être d’une manière trop absolue. Si beaucoup de sables résultent de la trituration du granité et d’autres roches silicatées quartzifères, il en est, de formes diverses, cristallins, globulaires, ou même fragmentaires, qui peuvent être dus , soit à une précipitation directe de l’acide silicique , soit à un apport de l’intérieur.

C’est habituellement à l’état anhydre que l’acide silicique s’est précipité dans les terrains stratifiés, comme quartz hyalin ou comme quartz silex. Il se rencontre bien plus rarement hydraté, constituant l’espèce opale- Les rognons de ménilite du terrain tertiaire des environs de Paris et de l’Auvergne, le tripoli de la Bohême, la gaise du grès vert des Ardennes, à la¬ quelle on commence à reconnaître un développement consi¬ dérable (3), offrent des exemples de ce second mode de dépôt.

La prédominance de l’état anhydre sur l’état hydraté dans des dépôts d’acide silicique évidemment formés dans l’eau, comme les meulières et comme bien d’autres couches de silex régulièrement stratifiées, constitue un fait très-digne de remar¬ que. On sait, en effet, que ce résultat ne peut être atteint dans les conditions ordinaires des laboratoires, même lorsqu’on opère à la température de 100°. L’acide silicique ainsi précipité en¬ traîne toujours de l’eau de combinaison, qu’il conserve indé-

(1) Même mémoire, p. 555.

(2) Votgt, Journal dés Minés, t. XXXVIII, p, 211. Gerhard, Mémoires de V Académie de Berlin, 1816, 1817.

(3) On sait que c’est M. Sauvage qui, le premier, en a fait connaître l’existence et la nature. Annales des Mines , 3e série, t. XVIII, 1840; t. XX, 1841.

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finiment, lors même qu’il se dessèche après avoir été séparé du liquide. Ce n’est qu’en opérant à des températures bien su¬ périeures à 100°, et par conséquent en vases clos et sous pres¬ sion, que l’on est parvenu à obtenir, par voie humide, de la silice anhydre; dans ces conditions, elle se produit en cristaux identiques avec ceux de la nature. Sans prétendre aucunement que lequartz ne puisse cristalliser à des températures bien moin¬ dres que celles il a été obtenu dans les expériences de Sé- narmont et dans les miennes, il est difficile d’admettre, jusqu’à preuve du contraire, qu’il ait pu se former de toutes parts et cristalliser nettement, dans les terrains stratifiés, à la température ordinaire, c’est-à-dire sans le secours d’une cer¬ taine élévation de température, qui rappelle elle-même l’in¬ tervention de l’activité interne du globe

Différences minéralogigues qui séparent les dépôts , selon qu'ils ont été formés dans des filons ou dans des couches. Quand on rapproche ainsi, par l'origine, certaines substances des roches stratifiées de celles des filons, les ressemblances ne se manifes¬ tent pas toujours aussi clairement que pour certaines couches métallifères. Les analogies se cachent, ordinairement, sous des différences dans le mode de cristallisation et même de compo¬ sition. Ainsi les cristaux nets et limpides de strontiane sulfa¬ tée qui tapissent les failles de Bougival ont si peu l’aspect des masses compactes et pierreuses qui se trouvent en rognons dans les couches tertiaires, qu’il faut des faits positifs pour reconnaître le lien qui unit les deux modes de gisement . L’a- patite des filons de l’Estramadure, comparée avec la phospho- rite qui s’est épanchée à la surface dans le département du Tarn-et-Garonne , dans le Nassau ou à Amberg en Bavière, présente une différence non moins marquée. La calcite en cristaux de forme si variée, que l’on rencontre dans les filons, par exemple en Derbyshire, donne lieu à des observations de même nature.

L’examen comparatif d’un même filon métallifère dans ses parties profondes et dans ses parties superficielles rend compte de ces différences, ainsi que d’autres du même genre. Les combinaisons oxydées de la surface y contrastent avec les combinaisons sulfurées des mêmes métaux qui se trouvent plus bas. Bien que les actions actuelles de l’air et de l’eau con¬ tribuent à produire des décompositions, cet état paraît souvent remonter à l'époque même du remplissage des gîtes. Leschro-

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mates et vanadates de plomb de Berezowsk, dans l’Oural, et l’étain concrétionné (Woodtin) du Cornouailles ne s’explique¬ raient guère autrement. Rien n’est plus instructif à ce point de vue que les gîtes de calamine, comme ceux de la Belgique, le zinc en s’oxydant s’est combiné à l’état de silicate hydraté et de carbonate, tandis que, plus profondément, il est à l’état de sulfure ou de blende. Ces oppositions seraient sans doute bien plus caractérisées encore et plus fréquemment observa¬ bles, si les affleurements originels des gîtes, au lieu d’avoir été emportés, s’étaient intégralement conservés.

En se précipitant dans un espace clos, comme un filon, les substances minérales se trouvaient dans des conditions spé¬ ciales de milieu, de température et de pression, dont diverses expériences ont pu faire apprécier toute l’importance. Jusqu’à présent on n’a pu, en effet, faire cristalliser la plupart des mi¬ néraux des filons, particulièrement le quartz, la sidérose et la pyrite, qu’en opérant dans des tubes fermés et sous pression.

A plus forte raison, lorsqu’au lieu d’incruster les fissures étroites qui sont devenues des filons, les émanations, vapeurs ou sources thermales se sont épanchées dans une nappe d’eau superficielle, c’est-à-dire à une température et sous une pres¬ sion moindres, et en contact avec l’oxjgène atmosphérique, elles ont rencontré des circonstances bien différentes, et l’on ne peut s’étonner de la différence qui, en général, fait distin¬ guer, à la première vue, le quartz des terrains stratifiés de celui des filons, lors même que l’un et l’autre paraissent avoir une origine semblable (1).

Toutefois, il est des termes intermédiaires qui permettent de rapprocher les extrêmes. Telles sont certaines dolomies métal¬ lifères. Par exemple, la dolomie, qui forme des couches minces à la base du grès des Vosges, renferme, à Robache près Saint- Dié, de nombreuses géodes cristallisées, dans lesquelles se

(l) Il y a même des cas o& une simple différence dans l’épaisseur de la nappe d’eau paraît avoir exercé une influence très-notable sur l’aspect du dépôt. C’est peut-être à une circonstance du même genre qu’il faut attri¬ buer, en partie, la différence de texture que présentent le minerai de fer pisolithique déposé dans des flaques d’eau peu profondes, à la surface des continents, et le minerai oolitbique du terrain jurassique formé dans la mer; il en est de même du calcaire d’eau douce avec tubulures, rappelant tout à fait le travertin des sources, quand on le compare à certains cal¬ caires qui paraissent dus à un précipité chimique opéré dans l’Océan.

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montrent le quartz, la barytine, la fluorine, l’oligiste, tous éga¬ lement en cristaux (1). Elle offre ainsi, dans sa composition minéralogique, des traits de ressemblance frappants avec les amas de Framont, bien connus des minéralogistes, qui en sont distants de 24 kilomètres. Le même ensemble de minéraux s’est donc produit dans une dolomie stratifiée et dans des amas juxtaposés à un pointement de porphyre.

Ainsi les observations de diverses natures qui viennent d’être exposées s’accordent pour faire reconnaître que bien des sub¬ stances qui constituent des couches régulières dans les terrains stratifiés ont été cependant apportées de la profondeur. Ces apports considérables ont eu lieu, tantôt par les roches érup¬ tives elles-mêmes, tantôt, comme dans le remplissage des liions , par des émanations en vapeur ou en dissolution. Tou¬ tefois on ne peut toujours observer une corrélation entre les couches et les failles qui ont servi de canaux d’émission. D’ail¬ leurs les émanations, au lieu d’opérer des dépôts sur place et directement, ont pu les provoquer à distance de leur sortie et indirectement, de même que, dans certaines circonstances, l’hydrogène sulfuré détermine la formation du gypse.

Les variations que présente la série des terrains stratifiés con¬ cordent bien avec les conclusions qui précèdent. Non-seulement les considérations qui précèdent expliquent la formation de certaines roches; elles sont aussi d’accord avec l’un des ca¬ ractères généraux les plus remarquables que présentent les terrains stratifiés, c’est-à-dire avec les changements brusques que l’on constate dans une série de couches lorsqu’on les suit normalement à leur plan sur de grandes épaisseurs.

Aux environs de Paris, la succession de la craie, de l’argile plastique, du calcaire grossier et des couches gypseuses offre un exemple bien connu de ces différences. Nous venons d’en signaler d’autres, non moins caractérisées, dans l’apparition à certains étages bien déterminés, de minerais métalliques, de phosphates et d’autres substances.

Ce ne sont pas seulement des couches isolées, mais des groupes entiers de couches, qui offrent, dans leurs roches prédominantes, des différences bien prononcées et s’éten¬ dant souvent sur de vastes distances. Les terrains triasique et permien, avec leurs roches arénacées puissantes et souvent

(1) Gomme l’a montré M. le docteur Carrière, de Saint-Dié.

Soc. gèol 2e série, t. XXVIII. 23

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SU

rougies par le peroxyde de fer, leurs amas fréquents de sel gemme, les gîtes métallifères que Ton y exploite en beaucoup de lieux, dénotenf, au moins pour l’ensemble de l’Europe, un régime bien différent, d’une part, de celui qui a précédé, pen¬ dant que le terrain houille? se formait, d’autre part, de celui qui a suivi, lorsque, dans la période jurassique, des dépôts calcaires se faisaient si abondamment et que des récifs de po¬ lypiers , avec d’innombrables animaux secrétant du carbonate de chaux, acquéraient un si grand développement. Dans cer¬ tains étages, c’est le silicate de protoxyde de fer et d’autres bases, connu sous le nom de glauconie, qui, par le mélange intime de ses grains verts, est venu teindre toutes les couches, quelle qu’en soit la nature, sableuse ou calcaire.

On sait d’ailleurs qu’au milieu de ces variations, des récur¬ rences des mêmes roches se reproduisent parfois avec des identités surprenantes. Ces retours sont particulièrement re¬ marquables pour les formations adventives , tel que le sel gemme, qui se montre dans le trias avec le même cortège que dans les couches siluriennes de l’Amérique du Nord ou dans les terrains tertiaires de l’Italie, des Carpathes et du Caucase. Il en est de même pour les groupes de couches qui avoisinent les combustibles minéraux d’âges très-différents.

Les changements dont il s’agit avaient déjà fortement fixé l’attention de Lavoisier, dans le mémoire géologique que fit cet illustre savant sur les environs de Paris. On les a attribués d’abord à de simples modifications dans la disposition relative des continents et des mers, et, par suite, dans celle des fleuves et des courants marins sous l’influence desquels se formaient les sédiments.

Mais, si l’on ne voyait dans les terrains stratifiés que des effets d’actions superficielles, il serait bien difficile, si ce n’estimpossi- ble, de comprendre beaucoup de faits de cet ordre, qui, au con¬ traire, paraissent se rattacher, de la manière la plus directe, à l’intervention d’actions souterraines. Les changements qui se sont produits dans l’intérieur du globe sont attestés, non seu¬ lement par des phénomènes mécaniques de dislocation, mais aussi par l’apparition, après des périodes de calme, de roches éruptives de diverses natures.

Les variations que présentent les remplissages successifs des filons métallifères sont encore plus significatives. Tous les mineurs savent que les filons qui traversent une même con¬ trée, et dont les rejets successifs servent à constater avec cer-

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titude l’âge relatif, diffèrent généralement par la nature des substances pierreuses et métalliques qui s’y sont déposées. De même, les émanations analogues à ces dernières, qui ont ap¬ porté leur tribut à la formation des roches stratifiées, ont varié avec le temps ; certaines dJentre elles ont tari et ont fait place à d’autres. Dans l’Aveyron, d’épaisses couches degrés sont teintes en rouge intense par le peroxyde de fer , le gneiss qui supporte ces couches est traversé, notamment près de Rodez, par de petits filons d’oligiste et de quartz, qui donnent une explication claire du phénomène. On comprend ainsi comment des phases ferrugineuses ont succédé à des phases calcaires ou siliceuses, et d’où proviennent ces parti¬ cularités minéralogiques qui impriment souvent une physio¬ nomie caractéristique, non-seulement à de simples assises, mais à des étages et à des terrains entiers. Aux phénomènes généraux et constants qui sont de tous les temps, se sont su¬ perposés, en quelque sorte, des règnes de certaines substances ou de certaines actions qui ont affecté des étendues considé¬ rables. Les mouvements qui, à toutes les époques, ont dé¬ formé , bosselé ou ridé l’écorce terrestre , ont sans doute ouvert, fermé ou modifié les fissures de communication qui servaient à l’apport des substances profondes, et contribué ainsi aux changements dont il vient d’être question.

En présence de telles variations, il est clair qu’on ne sau¬ rait prétendre trouver aujourd’hui la continuation complète et uniforme de tous les phénomènes qui nous ont précédés. Il ne reste plus rien des sources ferrugineuses qui, pendant la pé¬ riode tertiaire, ont apporté le minerai pisolithique dans tant de régions de la France, ni des sources siliceuses qui, plus tard, ont produit des couches de meulières sur des étendues non moins considérables. Ainsi l’origine que nous venons de reconnaître comme la plus vraisemblable pour le calcaire des anciennes périodes n’est aucunement en opposition avec la rareté comparative, au moins sur nos continents, de sources thermales apportant le carbonate de chaux des régions infrà- granitiques.

Influence des apports d'origine interne sur la constitution de l’atmosphère et de la mer. L’importance que Y on est amené à reconnaître aux actions internes montre aussi à combien de causes de changement la iner a être soumise, pendant les longues périodes qui correspondent à la formation des terrains stratifiés. Les variations que nous venons de rappeler

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dans la succession des terrains sont comme le reflet de ces influences.

Selon l’hypothèse généralement admise , lorsque l’écorce siïicatée s’est refroidie et consolidée, et que l’eau s’est elle- même condensée et a formé un océan liquide, diverses sub¬ stances volatiles, telles que le chlorure de sodium, qui avaient pu d’abord rester en vapeurs, se sont dissoutes dans la mer. Quelle qu’en ait été la salure originelle, l’Océan n’a pas cessé de servir de réceptacle, d’une part, à des émanations volca¬ niques et thermales, d’autre part, à des substances salines apportées par le lavage des parties externes de l’écorce solide. On sait, en effet, que l’eau des fleuves n’est jamais chimique¬ ment pure; depuis qu’il y a des continents, les eaux qui les arrosent apportent donc journellement, à part les matières pierreuses qu’elles tiennent en suspension, des substances réellement dissoutes, qui proviennent du lavage des roches (1).

Si, depuis des époques reculées, la mer a beaucoup reçu, elle a aussi fourni abondamment, soit en livrant aux êtres or¬ ganisés certains corps qui leur sont nécessaires, comme la chaux, soit en formant elle-même certains dépôts.

On sait que le chlorure de sodium est très-abondant dans la mer actuelle. En adoptant le chiffre de 2,70 pour 100 comme teneur moyenne, et une profondeur moyenne de 3,500 mètres, ce que l’Océan contient de chlore équivaut à une couche de sel gemme qui couvrirait le globe entier avec une épaisseur de près de 37 mètres. Sans qu’il soit possible de supputer la quantité de sel gemme que renferment les terrains stratifiés, on doit croire, en se basant sur ce qui est connu, que cette quantité est bien inférieure à celle qui se trouve dans ce vaste ré¬ servoir de chlorure de sodium en dissolution. (2)

Les dépôts de sel gemme, qui se rencontrent dans les terrains stratifiés à des étages très-variés, ont été généralement attri¬ bués à une simple évaporation de l’eau de mer, telle qu’on en observe dans les marais salins; ils ressemblent plus encore à

(t) Notamment du carbonate de chaux, des chlorures, des sulfates, ainsi que de l’acide silicique.

(2) A part ces massifs de sel gemme, le chlorure de sodium imprègne, mais en faible quantité, un grand nombre de gites variés, ainsi que l’in¬ diquent beaucoup d’analyses. Les roches éruptives récentes en renferment souvent des quantités notables. Le chlore s’y trouve d’ailleurs combiné dans des silicates, tels que la sodalite et la néphéline.

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des couches épaisses que l’on a rencontrées et coupées dans les lacs Amers, lors du creusement du canal de Suez. Cepen¬ dant, quand on examine les conditions dans lesquelles se présente le sel gemme, la manière dont de puissantes couches de cette substance sont souvent étagées les unes au-dessus des autres, leur association à des argiles rougies et bariolées par le peroxyde de fer anhydre, l’absence habituelle d'ani¬ maux, on reconnaît que cette première supposition, bien que paraissant la plus naturelle, ne satisfait pas à certaines condi¬ tions générales du problème, ainsi que l’a montré M. Elie de Beaumont (1).

En raison de ces difficultés, certains géologues, à la suite de Breislack, de de Charpentier, de Paul Savi, ont rappro¬ ché le sel gemme qui constitue des masses stratifiées de celui qui se sublime aux abords des volcans, et y ont vu des pro¬ duits d'anciennes solfatares sous-marines. Mais cette seconde supposition provoque encore plus d’objections, et n’a pas été si généralement admise que la première.

Si l’on prend pour exemple le gisement si remarquablement complet de Stassfürt, on y trouve les diverses substances sa¬ lines que la mer peut fournir, étagées les unes au-dessus des autres, dans l’ordre même la mer les déposerait en s’éva¬ porant. Il est donc difficile, sans doute, de ne pas voir dans ces dépôts, quelque puissants qu’ils soient, des résidus que l'Océan a formés pendant la période permienne. Toutefois, si cette évaporation avait eu lieu à la température ordinaire, même à celle des régions tropicales, comment des sels déli¬ quescents, tels que la camallite, auraient-ils été conservés? Comment , sans parler de la présence du borate de magnésie ou stassfurtite, auraient cristallisé au milieu de ces dépôts l’o- ligiste, le quartz limpide avec des formes très-nettes, l’anhy- drite en cristaux complets, comme on ne la connaît guère ailleurs, et la boracite, comme on vient de l’y découvrir (2). Les couches de sel gemme de Wieliczka, avec la barytine qui leur est associée, et les dépôts de soufre qui les avoisinent, ainsi que bien d’autres gîtes de sel, témoignent dans le même sens.

L’origine des principaux gîtes de sel gemme rappelle donc deux influences, comme si l’évaporation de l’eau des mers,

(1) Élie de Beaumont, Explication de la carte géologique de France , t. II, p. 94.

(2) Leonhards Jahrbuch fur Minéralogie , 1871, p. 844.

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à laquelle ils paraissent devoir leur origine, avait été provo¬ quée, non par la seule action de l’atmosphère, mais par des émanations chaudes provenant de l’intérieur (1).

La formation de la dolomie dans bien des gisements donne¬ rait lieu à une conclusion du même genre. Dans beaucoup de cks, elle a pu se précipiter directement, ainsi qu’on l’a vu dans de l’eau minérale de Lamalou , qui avait été abandonnée à elle-même. Cependant l’association si fréquente de la dolo¬ mie à des dépôts métallifères qui en sont contemporains doit faire croire à une certaine parenté avec ces derniers. Les amas de calamine de la Belgique, de la Silésie, de la Pologne et de la province de Santander, la dolomie zincifère de l’Angleterre, celle de la France centrale, par exemple, de Durfort (Lozère), de Combecave (Lot), d’Alloue (Charente), Iss gîtes de galène des Alpujarras, les gîtes de manganèse de Nassau, en sont des exemples.

Si donc, dans certains gisements, l’eau de mer a contribué à former les couches de dolomie, c’est probablement sous l’influence d’actions souterraines . Supposons , par exem¬ ple , que des sources chargées de carbonate de soude , telles que celles qui jaillissent en grand nombre en Auvergne et dans bien d’autres contrées volcaniques, soient arrivées dans l’O¬ céan, elles ont provoquer, aux dépens des substances qui préexistaient dans ce dernier, sulfates de chaux, de magnésie, et chlorure ue magnésium, un précipité de carbonate de chaux et de carbonate de magnésie , c’est-à-dire formé de calcaire plus ou moins magnésien, sous l’influence de réactions du genre de celles qu’a signalées et étudiées Forchhammer.

Ainsi, beaucoup de dépôts de sel gemme, de dolomie et de gypse, malgré des liens de filiation qui les unissent évidem¬ ment aux éléments normaux de la mer, paraissent, d’autre part, se rattacher à des émanations souterraines, de manière à faire supposer que ces dernières ont pu en provoquer la for¬ mation.

Depuis les temps tes plus reculés, la mer est donc comme

(1) Cette observation est confirmée par la formation du sulfate de chaux anhydre ou anhydrite, qui est fréquent et qui le serait sans doute davan¬ tage, s’il ne s’était souvent hydraté depuis son dépôt, comme il le fait en¬ core. Les expériences intéressantes, que M. Gustave Rose a faites récemment sur la formation de l’anhydrite en présence d’une dissolution de chlorure de sodium, sont à mentionner ici. (Leonhards Jahrbuch , 1871, p. 982.)

NOTE DE M. DAUBRÉE.

359

un vaste entrepôt. D’une part, elle n’a cessé de recevoir des apports, les uns externes, les autres internes ; d’autre part, à tous les âges, elle s’est dépouillée de substances qu’elle conte¬ nait originairement ou qu’elle avait ainsi emmagasinées, en les enfouissant, parfois sous la forme organique, dans des sédi¬ ments où, depuis lors, elles sont restées en grande partie.

Une observation analogue s’applique à l’atmosphère, dont la teneur en oxygène et en acide carbonique a été influencée par la décomposition des roches et par la formation des terrains stratifiés, ainsi que l’a montré Ebelmen.

Si l’on avait la prétention de tenter d’établir, pour les an¬ ciennes périodes, une sorte de compte-courant de la mer et de l’atmosphère, il serait difficile de ne pas commettre des cercles vicieux : les contingents fournis par l’un et l’autre mi¬ lieu présentent un caractère simulé et empreint d’exagération, par suite des emprunts incessants qu’ils ont faits eux-mêmes aux régions profondes.

Cependant, à en juger par la persistance de certaines fa¬ milles d’animaux, on peut supposer que les deux océans gazeux et liquide qui servent de milieu à la vie n’ont pas aujourd’hui une composition chimique fort différente de celle qu’ils pré¬ sentaient dans les périodes reculées se déposaient les pre¬ mières couches fossilifères. Ces deux milieux, en présence des réactions complexes et variées dont ils ont été le siège, se se¬ raient sans doute plus considérablement modifiés, si la sta¬ bilité de chacun d’eux n’était pas entretenue par des anta¬ gonismes et par une tendance à l’équilibre tels qu’il s’en rencontre de toutes parts dans la nature. Mais le laps de temps qui comprend l’histoire de l’homme, et surtout celui sur lequel portent des observations précises, sont trop courts, pour que l’on arrive à ce sujet à des conclusions, qu’il faut abandonner à nos successeurs.

Je terminerai en rappelant les rapports généraux qui exis¬ tent, quant au poids, entre la masse générale du globe et celle de ses enveloppes liquide et gazeuse. Ce sont des données qu’il ne faut pas perdre de vue dans les considérations du genre de celles qui nous occupent.

En se fondant sur le poids de la colonne barométrique et, pour la mer, sur la profondeur indiquée précédemment, ainsi que sur une densité de 1.028, on trouve que les poids relatifs de l’atmosphère, de l’Océan et du globe lui-même sont ap¬ proximativement comme les chiffres :

330

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

i : i .800 : 9,000,000.

Ainsi l’atmosphère, si importante pour la vie, et la mer, malgré l’énorme profondeur qu’on lui reconnaît sur des éten¬ dues considérables, ne forment qu’une bien faible fraction de l’ensemble de notre planète.

Des corps qui sont incontestablement d’origine extrà-ter- restre arrivent fréquemment sur notre planète. Les traînées persistantes de vapeur et de fumée qui accompagnent toujours les apparitions de bolides et les chutes de météorites, doivent faire supposer que notre globe ne reçoit pas seulement les masses solides et de forme fragmentaire que nous recueillons à la surface du sol, mais aussi des substances pulvérulentes ou poussières, et peut-être des matières gazeuses. Car, sans parler des étoiles filantes, il ne serait pas impossible que certaines météorites fussent accompagnées d’une atmosphère , et, par conséquent, que l’Océan et notre enveloppe aérienne ne s’assi- milâssenl ainsi, de temps à autre, des substances provenant d’autres corps célestes. Quelque petite que soit la dimension des météorites que, dans la période actuelle, nous voyons échouer sur le globe terrestre, quelque faible que soit l’aug¬ mentation générale de la masse pour les centaines de chutes qu’il peut recevoir annuellement, c’est un apport qu’à plus d’un titre il est intéressant de noter. Il nous montre l’un des changements qui se produisent dans le monde, par la réparti¬ tion des débris de certains astres ou astéroïdes entre d’autres astres.

Des interventions du même ordre peuvent s’être produites à une époque reculée. Newton pensait que la masse du globe terrestre peut s’être augmentée par des vapeurs émanant du soleil, des étoiles ou des queues de comètes. L’égalité qui existe entre la densité moyenne des météorites et celle de la terre, ainsi que les analogies de composition, ont conduit M. de Reichenbacb à supposer que la Terre pouvait s’être formée autrefois par la chute et l’agrégation d’autres corps célestes. Une hypothèse émise au commencement de ce siècle osait même faire arriver des espaces, avec des météorites, les divers types d’êtres organisés qui ont apparu successivement et dont les débris sont enfouis dans les terrains stratifiés.

NOTE DE M. DAUBRÉE.

361

Sans se risquer dans des considérations qui échappent à la portée de la science, on peut remarquer que l’assise grani¬ tique qui s’étend sur tout le globe, avec une constance de ca¬ ractères si remarquable, diffère essentiellement, par sa nature minéralogique, des météorites que nous voyons arriver.

En résumé, d’après Jes observations qui viennent d’être présentées, la mer, quelle qu’ait été sa salure originelle, ne paraît pas avoir pu renfermer, à la fois, tous les corps qui s’en sont séparés pour constituer les terrains stratifiés.

D’une part, l’écorce granitique lui a graduellement fourni des matériaux, tant par sa propre trituration que par voie de décomposition.

D’autre part, pendant la série des périodes géologiques, la mer a successivement emprunté des substances à des régions du globe qui semblaient être trop en dehors de son action pour devenir ses tributaires, à ces parties profondes d’où pro¬ viennent les roches éruptives et les filons. La mer a mis en œuvre ces diverses substances, souvent après qu’elles avaient subi préalablement des décompositions chimiques ou qu’elles avaient passé par la vie. Elle a agi sur elles par les mêmes procédés que sur les substances qu’elle enlevait à la surface. Eile les a disposées également en couches régulières, les a associées à des matériaux arénacés, y a souvent distribué de nombreuses dépouilles de ses habitants, comme si elle avait cherché à s’assimiler ces épaves et à les naturaliser dans son domaine. Aussi, pour discerner aujourd’hui la patrie origi¬ nelle de ces corps, faut-il recourir à une enquête approfondie et difficile , qui n’est pas sans analogie avec celle à laquelle on procède pour les divers peuples, lorsque, par l’étude des langues, on cherche à reconnaître les races qui , à des épo¬ ques très-reculées, se sont superposées et unies entre elles.

Toutefois, la distinction des corps constitutifs des terrains stratifiés en deux catégories, quant à leur provenance, ne peut toujours s’établir d’une manière absolue; car les masses sili- catées externes et internes ne différent pas entre elles d’une manière complète, et certains corps, tels que le calcium, le fer, le silicium, le phosphore et le soufre, se rencontrent dans les unes et dans les autres. C’est ainsi que la vapeur d’eau fournie par les exhalaisons des volcans concourt à former la pluie, avec celle qui a pris naissance à la surface même du globe.

Ainsi que nous l’avons vu , les apports internes paraissent

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

s'être opérés en grande partie sous l'influence d’inflitrations d'eau, qui, après être descendues de la surface du globe, se¬ raient remontées des régions profondes, associées à des sub¬ stances qu’elles ont dissoutes ou entraînées. C’est ce qui arrive chaque jour encore, dans le mécanisme des sources thermales et probablement aussi des exhalaisons volcaniques. D’après ces considérations, on voit combien paraît avoir été considérable la circulation interne de l’eau. On en surprend les effets de toutes parts, dans les filons métallifères et dans les pores mêmes des roches éruptives à structure amygdaloïde. C’est une sorte de circulation souterraine et profoîide qui remonte aux plus anciennes périodes. Beaucoup de substances gazeuses ou dis» soutes auraient ainsi traversé l’écorce granitique par des fis¬ sures profondes, et seraient arrivées à la surface par une sorte de transpiration et de transsudation , emportant constamment aussi avec elles une certaine quantité de la chaleur interne.

Depuis quelque temps l’importance du rôle de la chaleur in¬ térieure a été attaquée, surtout en Allemagne et en Angleterre. Des arguments de divers ordres ont concouru à ce but et ten¬ draient à ramener quelques géologues presque à doctrine de Werner, qui suppose ces régions profondes à peu près inertes. C’est à la suite d’exagérations dans lesquelles on s’était laissé entraîner, quand les théories nouvelles sur cette chaleur inté¬ rieure venaient de triompher, que s’est produit ce mouvement dans les idées, en sens inverse de celui auquel il succédait. La loi générale d’action et de réaction se montre donc dans les trois phases que cette question fondamentale de la géologie a traversées depuis la fin du siècle dernier, c’est-à-dire depuis Hutton.

Cependant, à mesure qu’on étudie mieux l’écorce solide, on y reconnaît des preuves de plus en plus nombreuses de l’intervention de l’activité interne. Les terrains stratifiés eux- mêmes, comme nous venons de le reconnaître, nous fournis¬ sent des arguments qui témoignent dans le même sens que les roches éruptives et ies roches métamorphiques. Non-seule¬ ment cette activité interne a fait émerger d’anciens fonds de mer, en a ployé et brisé les strates , mais aussi elle a contri¬ bué à la formation directe de ces mêmes dépôts.

De même que l’examen des roches sédimentaires a déjà jeté une lumière inattendue sur l’histoire de la vie, de même des phénomènes qui, au premier abord, paraissent appartenir exclusivement au domaine de l’eau, contribuent à faire res-

NOTE DE M. DE CHANCOURTOIS. 363

sortir l’importance et la diversité des rôles de la chaleur inté¬ rieure.

M. de Chancourtois fait l’exposé sommaire de la com¬ munication suivante , qu’il préparait pour une prochaine séance, mais qui lui paraît mise à l’ordre du jour par la communication de M. Daubrée.

Sur la corrélation directe des formations éruptives et des forma¬ tions sédimentaires et sur les conséquences de cette corrélation , notamment sur les rapports de V aragonite et des travertins ; par M. de Chancourtois.

La corrélation directe entre les roches éruptives communes et les dépôts sédimentaires détritiques est déjà établie depuis long¬ temps dans la période secondaire, les porphyres sont liés aux gr'es rouges et bigarrés par des conglomérats ou des argilo- lithes.

On peut l’établir pour les autres roches communes et les au¬ tres dépôts détritiques de la même période et des périodes primaire et préliminaire, par les brèches et les amygdaloïdes trappéennes, les arènes kaolineuses , les pierres ollaires et les schis¬ tes micacés ou chloriteux. On la reconnaît d’ailleurs facilement dans les périodes tertiaire et récente, la liaison analogue est formée par les tufs trachytiques , phonolithiques ou basaltiques , et les wakes(i), les tufs ponceux et palagonitiques , les boues , les scories et les cendres volcaniques qui complètent la série des ro¬ ches éruptives communes de la catégorie que j’appelle dia- morphique ou de passage (2).

(1) Dufrénoy insistait souvent sur le caractère directement éruptif d’une partie de ces roches.

(2) Gomme ces roches se rattachent ordinairement à des types vifs ou nets des roches consolidées , on les désigne habituellement sous la qualification dérochés altérées, avec la dénomination générique, plus ou moins pré¬ cise, du type net correspondant. Il est certain que quelques-unes ressem¬ blent complètement aux produits de l 'altération atmosphérique de la roche nette, et je comprends aussi ces derniers produits sous la qualification de diamorphiques , par laquelle je veux désigner toutes les masses minérales qui établissent le passage entre la condition franchement éruptive et la con¬ dition franchement sédimentaire ; de même que l’on désigne par la quali¬ fication de métamorphiques les dépôts qui présentent la transition inverse,

G64

SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

A l’extrême opposé des produits éruptifs communs essen¬ tiellement rocheux et des dépôts sédimentaires détritiques ou élastiques, la corrélation directe se reconnaît indubitablement entre les matières éruptives d'émanation ou exceptionnelles, jaspes, calcites , ou autres gangues et minerais de filons , et les matières sédimentaires dites souvent de précipitation chimique (1), qui ont été certainement en dissolution : les silex, les calcaires et les minerais stratifiés. A défaut de liaison continue, les rapports de ces matières sont jalonnés clairement par les tufs siliceux et calcaires, les chapeaux ferreux, etc., produits qui méritent aussi la qualification de diamorphiques, et il serait difficile de ne pas reconnaître que les formations sédimentaires non détritiques sont les épanouissements plus ou moins directs des matières d’émanation fournies par les magmas sous-jacents, matières que l’on retrouve dans les filons, incrustant les parois des fentes par lesquelles elles se sont fait jour, et dont on voit poindre le dégagement dans les vacuoles des roches éruptives amygda- loïdes.

Si donc l’on conçoit une sorte de filon théorique complet, formé par la juxtaposition ordonnée de tous les remplissages par¬ tiels, réguliers ou d’incrustation, observés dans les différents filons d’une même région, ce filon complet présentera dans le sens horizontal une succession correspondant terme à terme à

ou le retour de la matière vers l’un des états propres aux roches éruptives nettes (j’en distingue trois principaux en lithologie : l’état cristallin, le com¬ pacte et le vitreux); mais je crois que la nouvelle dénomination est néces¬ saire, ne fût- ce que pour déshabituer de l’idée que la modification en ques¬ tion est postérieure à la consolidation. La modification est, au contraire, ordinairement originelle, et si l’on ne veut pas accepter la qualification que je propose, il faut au moins remplacer, dans la plupart des cas, la qualifi¬ cation d 'altérées par celles d’ imparfaites ; car les roches qui ne sont nette¬ ment ni cristallines, ni compactes, ni vitreuses, sont en général, on le voit bien par les termes de mon énumération, les produits avant-coureurs , sortes de crasses ou d’écumes des roches vives , lesquelles souvent ne viennent pas affleurer, et la consistance grenue, boueuse ou fragmentaire de ces produits en a permis le remaniement sédimentaire immédiat sur la plus grande échelle. C’est dans le but d’appeler l’attention sur ce point important de la géogénie, aussi bien que pour arriver à un classement méthodique, sans résidu, des roches et dépôts, que j’ai introduit dans mon enseignement, il y a déjà plu¬ sieurs années, la dénomination de diamorphique.

(1) J’appelle ces dépôts indépendants , par opposition à la dénomination générale de dépendants , que j’applique aux dépôts détritiques, qui sont, vis-

NOTE DE M. DE CHANCOURTOIS.

365

Ja série des formations sédimentaires non détritiques superposées verticalement dans la même région.

On doit conclure de cet aperçu que :

Le classement des remplissages de filons réguliers est fourni par celui des dépôts sédimentaires non détritiques .

C’est la proposition que je tiens à formuler aujourd’hui.

J’ajoute qu’il faut comprendre, suivant moi, dans les dépôts non détritiques provenant directement des phénomènes érup¬ tifs, non -seulement les silex et les calcaires , mais une grande partie des sables et des argiles stratifiées (1).

Dans les courses des élèves de l’Ecole des mines aux envi¬ rons de Paris, je m’applique depuis longtemps à faire ressor¬ tir tous les faits éruptifs propres aux terrains tertiaires et ré¬ cents, et j’insiste particulièrement sur les caractères des argiles à meulières, dont la matière a été souvent présentée comme résultant de la dissolution du calcaire de la Beauce par des eaux superficielles, tandis qu’elle porte, suivant moi, le cachet d’une origine éruptive bien plus directe.

Les explorations faites pour l’exécution de la Carte géologi¬ que détaillée, m’ont donné occasion de constater, dès 1866, une preuve décisive de la justesse de mon opinion : l’existence d’un filon d’argile, traversant des sables à demi stratifiés (2), près d’Aigleville, dans les environs de Pacy-sur-Eure. Mais ce n’est pas le lieu de donner la description détaillée de ce fait géologique, qui n’est plus d’ailleurs aujourd’hui que l’accessoire d’un ensemble défaits, aussi importants qu’origi¬ naux, découverts par mes collaborateurs, en faveur desquels je crois devoir prendre date incidemment, me bornant à ajou¬ ter que les preuves manifestes de l’origine directement éruptive

à-vis des masses dont ils offrent les matériaux remaniés, dans une dépen¬ dance géographique directe et ordinairement manifeste.

(1) J’ai , en effet , partagé spontanément et je continue à partager, à cet égard, la manière de voir de M. d’Omalius d’Halloy, qui, anciennement déjà et le premier, si je ne me trompe, a eu recours, pour expliquer la pro¬ duction des sables siliceux et des argiles de la série sédimentaire, aux éja¬ culations de silice pulvérulente et de lithomarges dont les poches calami- naires offrent souvent des masses importantes. En rattachant mes idées à celles de M. d’Omalius d’Halloy, quant au principe, je fais d’ailleurs toute réserve quant aux applications.

(a) Au dire des ouvriers, ce filon avait été fouillé à 20 mètres.

386 SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

des matières sableuses et argileuses, dans le bassin tertiaire parisien, sont beaucoup plus multipliées que je ne l’espérais.

Quelle que soit, au surplus, l’importance relative des phé¬ nomènes que l’on doive qualifier phénomènes d'émanation, les masses essentiellement riiamorphiques de silice pulvérulente et de lithomarges , observées dans les poches calaminaires, n’en établissent pas moins des rapports certains entre les quartz des filons et les sédiments sableux , entre les silicates alumineux des dykes et les argiles stratifiées, et la prise en considération de ces rapports complète, par un ensemble de traits intermédiaires, le tableau de la corrélation directe des phénomènes éruptifs et des phénomènes sédimentaires, dont j’ai rappelé et indiqué d’abord les termes extrêmes.

Pour tirer parti du principe de corrélation, U faut marquer des repérages.

Ceux qui concernent les minerais sont les plus faciles.

Les gîtes cuivreux du terrain permien , les gîtes de zincs et de plomb du terrain triasique nous offrent tout d’abord des repères d’une importance capitale.

Les lits de pyrite , de fer carbonate et d'hématite , fréquents dans plusieurs terrains, sont aussi des termes faciles à mettre en rapport avec les incrustations de même nature ou de nature correspondante observées dans les filons.

En dehors des minerais et des minéraux métalliques , points de repères saillants, on peut aussi établir assez facilement des rapprochements entre certains dépôts sédimentaires très-répan¬ dus , quartzeux, argileux, calcaires, et certaines gangues des filons réguliers ou certaines matières des remplissages d’amygdales.

On peut remarquer, par exemple, que les trois éléments caractéristiques du terrain crétacé, la glauconie (sorte d 'argile de fer), la craie et le silex, correspondent parfaitement aux remplissages de terre verte , de calcite et d'agate , qu’on observe dans certains trapps amygdaioïdes.

Le groupement des trois rapports aide ici au rapproche¬ ment, mais lorsque l’on considère une seule matière, la ques¬ tion est très-délicate, et c’est alors qu’il peut être nécessaire de taire intervenir l’examen analytique des nuances de com¬ position ou de propriétés physiques pour préciser ou pour dé¬ couvrir la correspondance.

La simple observation géologique permet pourtant d’appré¬ cier des nuances de composition très-décisives; ainsi, les cal¬ caires oolithiques qui, malgré leur blancheur, fournissent des

NOTE DE M. DE CHANCOURTOIS.

367

terres particulièrement rouges, correspondent certainement dans la série filonienne à des ealciies ferrifères; et, si les cal¬ caires du lias doivent leur couleur bleuâtre à la présence d’une combinaison sulfurée (1), du genre de celle qui bleuit le lapis, ils correspondraient à des calcites accompagnées de certains sulfures ferreux.

L’observation géognostique peut même indiquer, je crois, des rapports que les expérimentations physiques et chimiques sont à peines capables de justifier, car ils tiennent aux carac¬ tères les plus intimes de la constitution des corps.

Si l’on remarque, par exemple, que dans les vacuoles des ba¬ saltes le remplissage est souvent formé par de Y aragonite, et que, d’un autre côté, les calcaires lacustres tertiaires et récents ont en général un faciès qui, bien que très-difficile à définir, n’en est pas moins très-facile à reconnaître et tout à fait caractéristi¬ que, car il correspond au nom spécial de travertin , n'est-onpas conduit à penser que ce faciès particulier des travertins tient à ce que le carbonate de chaux y est au même état molécu¬ laire que dans l 'aragonite.

L’état vitreux et l’état tuffacê qui en dérive sont tellement carac¬ téristiques dans les roches éruptives communes des périodes ter¬ tiaire et récente , qu’on doit en trouver comme un reflet dans tous les produits du même âge (2) .

Or, ce qui domine dans le faciès particulier des calcaires la¬ custres, c’est un certain aspect tuffacé. Il y a donc un motif de rapprocher le calcaire lacustre de l’aragonite, car l’arago¬ nite, sans être tout à fait vitreuse, puisqu’elle est un peu cliva- hle, représente assurément l’état le plus opposé à l’état lamel¬ le ux que puisse prendre le carbonate de chaux minéral.

J’ai tellement confiance dans la portée des observations géognostiques, que, dans mes leçons de lithologie, j’ai déjà signalé plusieu s fois ce rapprochement comme devant être un jour ou l’autre justifié par l’observation de quelque propriété moléculaire commune aux deux substances (3).

(1) Cette idée, du principe de coloration des calcaires du lias, m’a été donnée parEbelmen, qui, peu avant sa mort, m’avait demandé des échan¬ tillons pour ta soumettre au contrôle de l’analyse chimique.

(2) C’est une proposition que j’énonce incidemment, mais'pour laquelle je désire prendre date en thèse générale.

(3) L’impression de cette note ayant été retardée, je puis citer comme répondant à ia prévision par laquelle je terminais ma communication, la

368 SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE 1871.

Je n’hésite même pas à généraliser cette indication, en di¬ sant que la comparaison géognostique des matières de la sé¬ rie filonienne et géodique et de la série sédimentaire doit faire reconnaître, dans l’une des séries, ce que j’appellerais la traduction des propriétés déjà nettement établies dans l’autre.

Ainsi, à mon avis, l’observation pure et simple du gisement et des faciès, non-seulement doit dominer dans les spécula¬ tions géologiques, mais peut encore réagir utilement sur l’é¬ tude minéralogique, c’est-à-dire physique et chimique des corps naturels.

découverte du carbonate de chaux et de strontiane faite à Issy et aux Mou- lineaux par M. Jannettaz (séance du 4 décembre 1871), car on sait que l’a¬ ragonite contient ordinairement de la strontiane.

Que l’association du carbonate de strontiane et du carbonate de chaux soit la cause ou la conséquence de l’état moléculaire particulier pris par ce dernier dans l’aragonite, l’existence de la même association dans un dépôt de marnes lacustres et de travertins est incontestablement favorable à mon hypothèse, et il serait intéressant de rechercher si la strontiane, que l’on rencontre souvent à l’état de sulfate dans plusieurs étages tertiaires, ne se trouve pas habituellement dans les travertins.

J’ajouterai que, d’un point de vue peu éloigné de celui sous lequel l’ara¬ gonite me paraît ressembler à la matière des travertins, j’aperçois cette autre proposition, à vérifier, si elle ne l’est déjà : le carbonate de chaux est à l’état d’aragonite ou à un état encore moins cristallin dans les produits calcaires sécrétés par les animaux.

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15.

TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES

CONTENUS DANS CE VOLUME

De Roys. Réponse aux observations de M. G. Fabre (Bull., 2“ série,

t. XXVII, p. 616) . 8

Paul Gervais. Sur les Poissons fossiles observés par M. V. Thiollière

dans les gisements coralliens du Bugey. . . . 10

Paul Gervais. Sur les formes cérébrales des mammifères marsu¬ piaux, édentés et carnivores. ........... 14

Parran. Aperçu géologique du bassin de Belmez (Andalousie). . . 15

Paul Gervais. Sur la Baleine dont on a trouvé des ossements dans

Paris . 25

Parran. Sur les divers niveaux de matières combustibles et bitumi¬ neuses dans le département du Gard . 29

De Chancourtois. Observations sur la communication précédente, tendant à faire ressortir le rôle des phénomènes d’émanation et, par suite, l’importance de la prise en considération des alignements géologiques dans l’étude des gîtes de combus¬ tibles . 31

De Roys. Note sur la présence d’ossements de cétacés dans le dilu^

vium de la Seine . 33

Bayan. Sur la chute de deux obus à l’École des Mines . 36

De Chancourtois. Sur le même sujet . 37

De Chancourtois. Rapports de la Géologie et de l’Ethnologie. . 39

De Roys. Rapport de la Commission de comptabilité sur les comptes

de l’exercice 1870 . 44

DouVillé. Sur l’âge du calcaire de Château-Landon . 52

Meü«y. Réplique à la note de M. Piette sur le Lias (Bull., t. XXVII,

p. 602). . 55

Marcou. Stries glaciaires dans le département du Jura . 59

Gruner. Note sur les Nodules phosphatés de la Perte du Rhône. . 62

Daubrée. Observations sur la communication précédente. .... 72

Delesse. Idem . . 74

Chaper. Idem . 75

P. Gervais. Rectification d’une erreur typographique commise à la p. 530 de la Zoologie et Paléontologie françaises, à propos du Pachy-

stetes gregatus, Aymard . 75

L. Diehlafait. Extension, en Provence, de la grande oolitbe et de sa

partie supérieure en particulier . 76

Hébert. Observations sur la communication précédente . 80

L. Dieulafait. Note sur la Bhynchonella peregrina (d’Orb.), et Ob¬ servations sur les calcaires à Chama et le Jura supérieur dans le midi de la France. . . 80

Soc. géol.} série, t. XXV IIL 24

370 TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES.

Parran. Observations sur la communication précédente. .... 84

Bayan. Sur la présence du Planorbis cornu dans le calcaire de Ch⬠teau - Landon . . 84

Delesse. Présentation d’un ouvrage de M. Ad. Boisse, sur la géo¬ logie du département de l’Aveyron . 85

Dausse. Sur d’anciens niveaux du lac de Genève . 86

Le Hir. Sur l’âge des roches fossilifères du nord du Finistère, dans

les arrondissements de Morlaix, Brest et Chateaulin. ... 87

E. Collomb. Sur le diluvium de la vallée du Tarn . 92

H. Coquand. Sur les Bauxites de la chaîne des Alpines (Bouches-du-

Rhône) et leur âge géologique . 98

N. de Mercey. Sur le Muschelkalk d’Hyères (Var)i . 115

P. Gervais. Sur la découverte de nouvelles espèces de mammifères

fossiles dans les Mauvaises terres du Nébraska . 117

Ch. Grad. Note sur les glaciers de l’ouest des États-Unis. . . . 121

Ch. Martins. Observations sur l’origine glaciaire des tourbières du

Jura Neuchâtelois . . 131

Hébert. Le Néocomien inférieur dans le midi de la France (Drôme et

Basses - Alpes) . 137

Parran. Observations sur la communication précédente . 170

P. Gervais. Sur les Reptiles provenant des calcaires lithographiques

de Cirin (Bugey), qui sont conservés au Musée de Lyon. . . 171

Paul Gervais. Allocution à la Séance générale . . . . 172

E. Sauvage. Note sur le gisement à poissons de Licata (Sicile). . 180

Levallois. Note sur le minerai de fer en grains ou minerai pisiforme

(Bohnerz des Allemands) . 183

Ed. Jannettaz. Observations sur la communication précédente (Note

sur les minerais de fer pisolithique des environs de Paris). . 197

G. Cotteau. Observations sur la communication de M. Levallois. . . 199

Gruner. Idem. . . . . 200

Gruner. Note sur les traces d’anciens glaciers au Mont-Dore (Au¬ vergne ) . 205

H. Coquand. Sur le Klippenkalk des départements du Yar et des

Alpes-Maritimes . 208

E. Jourdy. Explication de la Carte géologique du Jura dôlois(Pl. I). 234

Farge. Sur un fragment d’os d’ Halitherium portant des traces d’inci¬ sions (PI. II) . 265

Gorceix. Sur les bassins lacustres de l’Achaïe et de la Corinthie. . 269

E. Jourdy. Sur une nouvelle classification des terrains jurassiques

des Monts-Jura . 275

P. Gervais. Note sur la collection des mammifères fossiles conservés

au Musée Saint-Pierre, à Lyon . 299

Daubrée. Des terrains stratifiés, considérés au point de vue de l’ori¬ gine des substances qui les constituent et du tribut que leur

ont apporté les parties internes du globe . 305

De Chancourtois. Observations sur la communication précédente (Sur la corrélation directe des formations éruptives et des formations sédimentaires et sur les conséquences de cette corrélation, notamment sur les rapports de Faragonite et des travertins). . . 363

FIN DE LA TABLE GÉNÉRALE DES ARTICLES.

BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE.

TABLE

DES MATIÈRES ET DES AUTEURS

POUR LE VINGT-HUITIÈME VOLUME (deuxième série)

Année 1870 à 1871

A

Ain ( département de 1’ ). Sur les Poissons fossiles observés par M. V. Thiollière dans les gisements coral¬ liens du Bugey, par M. P. Gervais, p. 10. = Note sur les Nodules phos¬ phatés de la Perte du Rhône, par M. Gruner. Observations de MM. Dau- brée, Delesse et Chaper, p. 62. = Sur les Reptiles provenant des calcaires lithographiques de Cirin , dans le Bugey, qui sont conservés au Mu¬ sée de Lyon, par M. P. Gervais, p. 171.

Alpes ( Basses ) (département des). Le Néocomien inférieur dans le midi de la France, par M. Hébert. Observa¬ tions de M. Parran, p. 137.

Alpes ( Hautes ) (département des). Le Néocomien inférieur dans le midi de la France, par M. Hébert. Observa¬ tions de M. Parran, p. 137.

Alpes ( Maritimes ) (département des). Sur le Klippenkalk des départements du Varetdes , par M. Coquand, p. 208.

Alpines. Sur les Bauxites de la chaîne des (Bouches-du-Rhône), par M. Coquand, p. 98.

Auvergne, Note sur les traces d’anciens glaciers au Mont-Dore, par M. Gru¬ ner, p. 205.

Aveyron (département de F). Présenta¬ tion d’un ouvrage de M. A. Boisse, sur la géologie du , par M. De¬ lesse, p. 85.

B

Bauxites, Sur les de la chaîne des Alpines (Bouches-du-Rhône), par M. Coquand, p. 98.

Bayan. Sur la chute de deux obus à l’Ecole des Mines , p. 36. = Sur la présence du Planorbis cornu dans le calcaire de Château-Landon, p. 84.

Belmez. Aperçu géologique du bassin de (Andalousie), par M. Parran. Observations de M. de Boys, p. 15. Bibliographie , p. 5, 36, 39, 50, 51, 60, 85, 116, 119, 179, 265.

Bombardement de Paris. Sur la chute de deux obus à l’Ecole des Mines, par

372

TABLE DES MATIÈRES

M. Bayan, p. 86 , et par M. de Chan- courlois, p. 87.

Bouches-du-Rhône ( département des ). Sur les Bauxites de la chaîne des Alpines , par M. Goquand, p. 85. Le Néocomien inférieur du midi de la France, par M. Hébert. Observations de M. Parran, p. 3 37.

Bugey. Sur les Poissons fossiles obser¬ vés par M. Y. Thiollière dans les gisements coralliens du —, par M. P. Gervais, p. 10. = Sur les Reptiles provenant des calcaires lithographi¬ ques de Girin, dans le , qui sont conservés au Musée de Lyon, par M. P. Gervais, p. 171.

c

Cétacés . Note sur la Baleine dont on a trouvé des ossements à Paris, par M. P. Gervais. Observations de M. de Roys, p. 25. = Note sur la présence d’ossements de dans le diluvium de la Seine, par M. de Roys. Obser¬ vations de MM. de Billy et Gaudry, p. 33.

Chancourtois (de). Observations sur une communication de M. Parran, tendant à faire ressortir le rôle des phénomènes d’émanation et, par suite, Pimportance de la prise en considé¬ ration des alignements géologiques dans l’étude des gîtes de combustibles, p. 31. = Sur la chute de deux obus a l’Ecole des Mines, p. 37.=Rapports de la Géologie et de l’Ethnologie, p. 39. = Sur la corrélation directe des formations éruptives et des for¬ mations sédimentaires et sur les con¬ séquences de cette corrélation, notam¬ ment sur les rapports de l’aragonite et des travertins (Observations sur une communication de M. Daubrée), p. 363.

Chaper. Sur la formation des nodules

de phosphate de chaux (Observations sur une communication de M. Gru- ner), p. 75.

Château-Landon ( Seine-et-Marne ). Sur l’âge du calcaire de —, par M. Dou- villé, p. 52. = Sur la présence du Planorbis cornu dans le calcaire de , par M. Bayan, p. 84.

Collomb (Ed.). Sur le diluvium de la vallée du Tarn, p. 92.

Commission de comptabilité. Rapport de la sur les comptes de l’exercice 1870, par M. de Roys, p. 44.

Comptes du trésorier. Rapport de la Com¬ mission de comptabilité sur les <ia l’exercice 3870, par M- de Roys, p. 44.

Coqüand (H.). Sur les Bauxites de la chaîne des Alpines (Bouches-du- Rhône), p. 98. Sur le Klippenkalk des départements du Var et des Alpes-Maritimes, p. 208.

Coïteaü. Observations sur une com¬ munication de M. Levallois, relative au minerai de fer en grains ou mine¬ rai pisiforme , p. 199.

D

Daubrée. Sur l’origine du phosphate de chaux (Observations sur une corn- j munication de M. Gruner), p. 72. = ! Des terrains stratifiés, considérés au point de vue de l’origine des substan¬ ces qui les constituent et du tribut que leur ont apporté les parties internes du globe. Observations de M. de Chancourtois, p. 305.

Daüsse. Sur d’anciens niveaux du lac de Genève, p. 86.

Delesse. Présentation d’un ouvrage de M. Boisse, sur la géologie de l’Avey¬ ron, p. 85. = Sur l’origine du phos¬ phate de chaux (Observations s ir une communication de M. Gruner), p. 74.

Dieulafait (L.). Extension , en Pro¬ vence, de la grande oolithe et de sa partie supérieure en particulier. Observations de M. Hébert, p. 76, = Note sur la Rhynchonella peregrina (d’Orb.), et Observations sur les cal¬ caires à Chama et le Jura supérieur dans le midi de la France. Observa¬ tions de M. Parran, p. 80.

Douvillé. Sur l’âge du calcaire de Château-Landon, p. 52.

Drôme (département de la). Le Néoco¬ mien inférieur dans le midi de la France, par M. Hébert. Observations de M. Parran, p. 137.

ET DES AUTEURS.

373

E

Espagne. Aperçu géologique du bassin I dans les Mauvaises terres du Nébraska de Belmez (Andalousie), par M. Par- par M. P. Gervais, p. 117. =Note ran. Observations de M. de Roys, sur les Glaciers de l’ouest des —, par , p. 15. ] M. Ch. Grad, p. 121.

États-Unis. Sur la découverte de nou- j Ethnologie. Rapports delà Géologie et de velles espèces de mammifères fossiles I 1’ —, par M. de Chancourtois,p. 39.

F

Farge. Sur un fragment d’os d 'Eali- therium portant des traces d’incisions (PI. II). Observations de M. Bel- grand, p. 265.

Finistère (département du). Sur l’âge des roches fossilifères du nord du , dans les arrondissements de Morlaix, Brest et Ghâteaulin, par M. Le Hir, p. 87.

G

Gard (département du). Sur les divers niveaux de matières combustibles et bitumineuses dans le , par M. Par- ran. Observations de M. de Chan- courtois, p. 29. = Sur le Néocomien inférieur du midi de la France, par M.Hébert. Observations de M. Parran, p. 137.

Genève. Sur d’anciens niveaux du lac de —, par M. Dausse, p. 86.

Géologie. Rapports de la— et de l’Ethno¬ logie, par M. de Chancourtois, p. 39.

Geryats (Paul). Sur les Poissons fossiles observés par M. V. Thiollière dans les gisements coralliens du Bugey, p. 10. = Sur les formes cérébrales des mammifères marsupiaux, éden¬ tés et carnivores , p. 14. = Note sur la Baleine dont on a trouvé des osse¬ ments dans Paris. Observations de M.de Roys,p. 25.=Rectification d’une erreur typographique commise à la p. 530 de la Zoologie et Falèontologie françaises , à propos du Fachystetes gregatus, Aymard, p. 75. = Sur la découverte de nouvelles espèces de mammifères fossiles dans les Mau¬ vaises terres du Nébraska, p. 117. = Sur les Reptiles provenant des cal¬ caires lithographiques de Cirin, dans le Bugey, qui sont conservés au Mu¬ sée de Lyon, p. 171. = Allocution à

France. Note sur la Rhynchonellaperegrim (d’Orb.), et Observations sur les cal¬ caires à Chama et le Jura supérieur du midi de la , par M. Dieulafait. Observations de M. Parran, p. 80.= Sur le Néocomien inférieur du midi de la (Drôme et Basses- Alpes), par M. Hébert. Observations de M. Par¬ ran, p. 137.

la séance générale , p. 172. = Note sur la collection des mammifères fossiles conservés au Musée Saint- Pierre, à Lyon, p. 299.

Glaciers. Stries glaciaires dans le dépar¬ tement du Jura, par M.Marcou,p. 59. == Note sur les de l’ouest des États-Unis, par M. Ch. Grad, p. 121. = Observations sur l’origine gla¬ ciaire des tourbières du Jura neu- châtelois, par M. Mar tins. Observa¬ tions de M. de Billy, p. 131. = Note sur les traces d’anciens au Mont- Dore (Auvergne), par M. Gruner, p. 205.

Gorceix. Sur les bassins lacustres de l’Achaïe et de la Corinthie, p. 269.

Grad (Ch.). Note sur les glaciers de l’ouest des Etats-Unis, p. 121.

Grèce. Sur les bassins lacustres de l’Achaïe et de la Corinthie , par M. Gorceix, p. 269.

Gruner (L.). Note sur les Nodules phos¬ phatés de la Perte du Rhône. Obser¬ vations de MM. Daubrée, Delesse et Chaper, p. 62. = Note sur les traces d’anciens glaciers au Mont Dore (Auvergne), p. 205. = Observations sur une communication de M. Leval- lois, relative au minerai de fer en grains ou minerai pisiforme , p. 200.

374

TABLE DES MATIÈRES

H

Ealitherium. Sur un fragment d’os d’ portant des traces d’incisions, par M. Farge (Pl. II). Observations de M. Belgrand, p. 265.

Hébert (Ed.). Observations sur une communication de M. Dieulafait, re¬ lative à l’extension, en Provence, de

la grande oolithe et de sa partie supé¬ rieure en particulier, p. 80.=Le Néo¬ comien inférieur dans le midi de la France (Drôme et Basses - Alpes ) , p. 187.

Hyères (Yar). Sur le musehelkalk d’ , par M. N. de Mereey, p. 115.

J

Jannettaz. Note sur les minerais de fer pisolithique des environs de Pa¬ ris (Observations sur une communi¬ cation de M. Levallois), p. 197.

Joürdy (E.). Explication de la carie géologique du Jura dôlois (Pl. I), p. 284. = Sur une nouvelle classi¬ fication des terrains jurassiques des Monts-Jura, p. 275.

Jura (département du). Stries glaciaires dans le —, par M. Marcou, p. 59.,

Jura. Sur l’origine glaciaire des tour¬ bières du neuchâtelois , par M. Ch. Martins. Observations de M. de Billy, p. 131. =Sur une nou¬ velle classification des terrains ju¬ rassiques des Monts , par M. E. Jourdy, p. 275.

Jura dôlois. Explication de la carte géologique du , par M. E. Joardy, (Pl. I), p. 284.

K

Klippenkalk. Sur le des départements du Var et des Alpes-Maritimes, par M. H. Goquand, p. 208-

L

Le Hir. Sur l’âge des roches fossili¬ fères du nord du Finistère, dans les arrondissements de Morlaix, Brest et Ghâteaulin, p. 87.

Levallois. Note sur le minerai de fer en grains ou minerai pisiforme ( Bohnerz des Allemands). Observ. de MM. Jan-

Marcoü (J.). Stries glaciaires dans le département du Jura, p. 59.

Martins (Ch.). Observations sur l’ori¬ gine glaciaire des tourbières du Jura neuchâtelois. Observations de M. de Billy, p. 131.

Mammifères. Sur les formes cérébrales des marsupiaux, édentés et carni¬ vores, par M. P. Gervais, p. 114. = Sur la découverte de nouvelles es¬ pèces de fossiles dans les Mau¬

netfaz, Gotteau et Gruner, p. 183.

Lias. Réplique à la note de M. Piette sur le (Bull, 2e s., t. XXVI 1, p 602), par M. Meugy, p. 55.

Licata. Note sur le gisement à poissons de (Sicile), par M. H. E. Sau¬ vage, p. 180.

vaises terres du Nébraska, par M. P. Gervais, p. 117. = Note sur la col¬ lection des fossiles conservés au Musée Saint-Pierre, à Lyon, par M. P. Gervais, p. 299.

Matières combustibles. Sur les divers ni¬ veaux des et bitumineuses dans le département du Gard, par M. Par- ran, p. 29. = Observations sur cette communication, tendant à faire res¬ sortir le rôle des phénomènes d’éma-

ET DES AUTEURS.

375

nation et, par suite, l’importance de la prise en considération des ali¬ gnements géologiques dans l’étude des gites de combustibles, par M. de Ghancourtois, p. 31.

Mercey (N. de). Sur le Muschelkalk d’Hyères (Var), p. 115.

Meugy. Réplique à la note de M. Piette

sur le Lias (Bull., 2e s., t. XXVII, p. 602), p. 55.

Minerai de fer en grains. Sur le ou minerai pisiforme (Bohnerz des Alle¬ mands), par M. Levallois. Observa¬ tions de MM. Jannettaz, Gotteau et Gruner, p. 183.

N

Nébraska. Sur la découverte de nouvelles espèces de mammifères fossiles dans les Mauvaises terres du —, par M. P. Gervais, p. 117.

Nêocomien. Le inférieur dans le midi de la France ( Drôme et Basses- Alpes), par M. Hébert. Observations de M. Parran, p. 137.

O

Oolithe (grande). Extension, en Provence, | de la et de sa partie supérieure en |

particulier, par M. Dieulafait. Ob¬ servations de M. Hébert, p. 76.

Paris. Sur la baleine dont on a trouvé des ossements dans —, par M. P. Gervais. Observations de M. de Roys, p. 25. = Note sur les minerais de fer pisolitbique des environs de (Observations sur une communication de M. Levallois), par M. Ed. Jan¬ nettaz, p. 197.

Parran. Aperçu géologique du bassin de Belmez (Andalousie). Observa¬ tions de M. de Roys, p. 15. = Sur les divers niveaux de matières com¬ bustibles et bitumineuses dans le dé¬ partement du Gard. Observations de M. de Ghancourtois, p. 29. = Ob¬ servations sur une communication de M. Hébert, relative au Néocomien inférieur dans le midi de la France, p. 170.

Perte du Rhône. Note sur les Nodules

P

phosphatés de la —, par M. Gruner. Observations de MM. Daubrée, De- lesse et Ghaper, p. 62.

Phosphate de chaux. Note sur les No¬ dules phosphatés de la Perte du Rhône, par M. Gruner. Observations de MM. Daubrée, Delesse et Ghaper,

p. 62.

Poissons. Sur les fossiles observés par M. V. Thiollière dans les gise¬ ments coralliens du Bugey, par M. P. Gervais, p. 10. = Note sur le gise¬ ment à de Licata (Sicile), par M. H. E. Sauvage, p. 180.

Provence. Extension , en , de ia grande oolithe et de sa partie supé¬ rieure en particulier, par M. Dieula¬ fait. Observations de M. Hébert, p. 76.

R

Rambouillet. Réponse aux observations de M. G. Fabre (Bull., 2e s., t. XXVII, p. 616), sur l’âge d’une cou¬ che des environs de , par M. de Roys, p. 8.

Reptiles. Sur les provenant des cal¬ caires lithographiques de Girin, dans le Bugey, qui sont conservés au Mu¬ sée de Lyon, par M. P. Gervais, p. 171.

Roys (de). Réponse aux observations de M. G. Fabre (Bull., 2e s.,t. XXVII, p. 616), sur l’âge d’une couche des environs de Rambouillet, p. 8.= Note sur la présence d’ossements de cétacés dans le diluvium de la Seine. Observations de MM. de Billy et Gau- dry, p. 33. = Rapport de la com¬ mission de comptabilité sur les comptes de l’exercice 1870, p. 44.

376

TABLE DES MATIÈRES

S

Sauvage (H.-E.) Note sur le gisement à poissons de Licata (Sicile), p. 180.

Seine. Note sur la présence d’ossements de cétacés dans le diluvium de la , par M. de Roys. Observations

de MM. de Billy et Gaudry, p. 33. Sicile. Note sur le gisement à poissons de Licata, par M. H.-E. Sauvage,

p. 180,

T

Tarn. Sur le diluvium de la vallée du —, par M. E. Collomb, p. 92.

Terrains. Des stratifiés , considérés au point de vue de l'origine des substances qui les constituent et du tribut que leur ont apporté les par¬ ties internes du globe, par M. Dau- brée. Observations de M. de Chan- courtois, p. 805.

Terrain carbonifère. Aperçu géologique du bassin de Belmez ‘(Andalousie), par M. Parran. Observations de M. de Roys, p. 15.

Terrain crétacé. Sur les Nodules phos¬ phatés de la Perte du Rhône, par M. Gruner. Observations de MM. De- lesse, Daubrée et Ghaper, p. 62. = Note sur la Rhynchonella peregrina (d'Orb.), et Observations sur les cal¬ caires à Chama et le Jura supérieur dans le midi de la France, par M. Dieulafait. Observations de M. Parran, p. 80. = Le Néocomien inférieur dans le midi de la France (Drôme et Basses-Alpes), par M. Hé¬ bert. Observations de M. Parran, p. 187.

Terrain dévonien. Sur l'âge des roches fossilifères du nord du Finistère, dans les arrondissements de Morlaix, Brest et Ghâteaulin, par M. Le Hir, p. 87.

Terrain jurassique. Sur les poissons fos¬ siles observés par M. Y. Thiollière dans les gisements coralliens du Bu- gey, par M. P. Gervais, p. 10, = Réplique à la note de M. Piette sur le Lias (Bull., 2e s., t. XXVII, p. 602), par M. Meugy, p. 55. = Extension, en Provence, de la grande oolithe et de sa partie supérieure en particu¬ lier, par M. Dieulafait. Observations

de M. Hébert, p. 76. = Observations sur les calcaires à Chama et le Jura supérieur dans le midi de la France, par M. Dieulafait. Observations de M. Parran, p. 80. = Sur les Rep¬ tiles provenant des calcaires litho¬ graphiques de Girin, dans le Bugey, qui sont conservés au Musée de Lyon, par M; P. Gervais, p. 171. = Sur le Klippenkalk des départements du Yar et des Alpes-Maritimes, par M. Coquand, p. 208. = Sur une nouvelle classification des terrains jurassiques des Monts-Jura, par M. E. Jourdy, p. 275.

Terrain quaternaire. Sur le diluvium de la vallée du Tarn, par M. E. Col¬ lomb, p. 92.

Terrain silurien. Sur l’âge des couches fossilifères du nord du Finistère, dans les arrondissements de Morlaix, Brest et Ghâteaulin, par M. Le Hir. p. 87.

Terrain tertiaire. Sur l'âgé du calcaire de Châleau-Landon, par M. Dou- villé, p. 52. = Sur la présence du Vlanorbis cornu dans le calcaire de Château-Landon, par M. Bayan, p. 84. ==Note sur le minerai de fer en grains ou minerai pisiforme (Bohnerz des Allemands), par M. Le- vallois. Observations de MM. Jan- nettaz, Gotteau et Gruner, p. 183. = Sur les bassins lacustres de l’A- chaïe et delà Corinthie, parM. Gor- ceix, p. 269.

Tourbières. Sur l'origine glaciaire des du Jura neuchâtelois, par M. Ch. Marti ns. Observations de M. de Billy, p. 131.

Trias. Sur le Muschelkalk d’Hyères (Yar), par M. N. de Mercey, p. 115.

y

Var (département du). Sur les Bau¬ xites de la chaîne des Alpines et leur âge géologique, par M. Coquand, p. 98.= Sur leMuschelkalk d’Hyères,

par M. N. de Mercey, p. 115. = Sur le Klippenkalk des départements du et des Alpes-Maritimes, par M. Coquand, p. 208.

ET DES AUTEURS.

377

Y

Yonne (département de F). Observa- 1 au minerai de fer en grains ou mine- tions de M. Gotteau sur une com- I rai pisiforme , p. 199. munication de M. Levallois, relative |

Listé, des planches.

I, p. 244, E. Jourdy. Carte géologique du Jura dôlois.

II, p. 268, Farge. Os d Halitherium portant des traces d’incisions.

378

ERRATA.

ERRATA

Tome.

Page.

Ligne.

XXIII

338.

3,

au lieu de : Prevosti, lisez : Brongniarti.

344,

22,

au lieu de : Prenaster, lizez : Macropneustes.

XXV

923,

29, 37,

au lieu de : Squatina, lisez : Squalina.

30,

au lieu de: Onyrhyna, lisez : Oxyrhina.

38,

au lieu de : Onyrhina, lisez : Oxyrhina.

au lieu de : Notidanns primigenus, lisez ; Noti-

danus primigenius.

925,

26,

au lieu de : Halitherium serresia, lisez : Halithe-

rium Serresi.

30,

au lieu de : Ganvieri, lisez : Cuvieri.

926,

16,

au lieu de: H. seriensis, lisez : H. ferrensis.

après: Auricula dentata,

17,

après : A. limbata et A. acuta.

19,

après : Paludina angulifera.

20,

après : Planorbis verticilloides.

22,

après: Gerithium gemmulatum, ajoutez \ M.

de S.

17,

après: A. myotis, ajoutez : Brocchi.

au Heu de: A. myosotis, affinis, M. de S lisez:

A. myosotis (affinis).

18,

au lieu de : Casichium, lisez : Garychium.

19,

au lieu de : P. impura, P. affinis, P. elongata,

lisez : P. impura (affinis), P. elongata (affinis).

20,

au lieu de : Gyclostoma elegans, affinis? M. de

S., lisez : Gyclostoma elegans (affinis).

21,

au lieu de : Pavonacella, lisez : Parmacella.

927,

22,

au lieu de : Hiccinea, lisez : Succinea.

_

30,

au lieu de : R. toficola, Gerv., lisez: R. toficola,

G. Planchon.

32,

au lieu de : Glematis veritalba , lisez : Glematis

vitalba.

38,

au lieu de: Tubus, lisez: Rubus.

au lieu de : Montpellier, lisez : Montferrier.

928,

8,

au lieu de : Pbillirea, lisez : Phillyrea.

14,

effacez : le troisième id.

■—

20,

au lieu de : Fontconverse , Montfessier, lisez :

F ontcou verte , Montferrier.

945,

10

de la note (1), au lieu de : Ostræa, lisez : Ostrea.

965,

42,

au lieu de : Falgaisas, lisez : Falgairas.

966,

11,

id. id. id. id.

967,

15,

au lieu de : Isarne, lisez : Izarne.

968,

19,

au lieu de : Gaunet, lisez : Gaunes.

ERRATA.

379

Tome.

Page.

Ligne.

XXV

669,

6, au lieu de : du genre Phacops, Marpes, lisez : des genres Phacops, Harpes.

11, au lieu de: Mal'olites, lisez : Heliolites.

effacez : Gythophylium.

13, au lieu de : brachyopodes, lisez : brachiopodes.

979,

1 des notes, au lieu de : Gammals dans le Chay- lard, lisez : Gammal et au Ghaylard.

985,

4, au lieu de : par M. le professeur Gh. Martins, etc., lisez ; par M. J. Michel, ingénieur des ponts et chaussées.

1006,

28, au lieu de : Gh. Martins, lisez : J. Michel.

-

1012,

7, en remontant, au lieu de : Gh. Martins, lisez : J. Michel.

Errata ,

à la fin du volume, au lieu de : p 135, lisez , p. 137.

XXVI

102,

4, au lieu de : route, lisez : voûte.

111,

1, au lieu de : entaillée, lisez : entaillée.

124,

14 à latin, au lieu de : couches fossilifères, lisez : couches non fossilifères.

148,

15, au lieu de : Sargas, lisez : Gargas.

35, au lieu de : et à chaux, lisez : et à Chama.

150,

11, au lieu de : Sargas, lisez : Gargas.

35, au lieu de : Sarzallo, lisez : Gargallo.

151,

2, au lieu de : Mesquinonia, lisez : Mesquinenza.

.

160,

1, au lieu de : occupé, lisez : coupé.

169,

18, au lieu de : Bénite, lisez : Béceite.

170,

38, au lieu de : Olduona, lisez : Uldecona.

189,

11, au lieu de : intérieure, ‘lisez : inférieure.

i 91,

26, au lieu de : ces créations , lisez : ses créations.

217,

10, au lieu de : Ghanezac, lisez : Ghassezac.

224,

25, au lieu de: sous la puissance, lisez : pour la puissance.

227,

6, au lieu de : les plus communes, lisez : les plus connues.

~

15, au lieu de : si du village, lisez : Si de ce der¬ nier village.

25, au lieu de : éparses sur le sol, lisez : épars sur le sol.

235, 2

et 3, Enlevez : Plicatula de la 3e ligne et remettez-le : dans la seconde avant nov. spec.

241,

8, au lieu de : pour passer, lisez : par passer.

245,

1, au lieu de : la Jare, lisez : la Fare.

250,

18, au lieu de : traversés par le roulage, lisez : usés par le roulage.

260,

14, au lieu de : la couche, lisez : la contrée.

19, au lieu de : à l’oblique, lisez : à V obliqua.

263,

4, au lieu de Oleinii, lisez : Kleinii.

380

ERRATA.

Tome.

Page.

Ligne.

XXVI

357,

7,

au lieu de : Forêt de Slage, lisez : forêt de Haye.

359,

24,

au lieu de : se termine par une couche, lisez : se termine à une cjpuche.

534,

20,

au lieu de : mantuense , lisez : marticense .

541,

7,

au lieu de : la craie, lisez : la crau.

13,

au lieu de : sur la craie, lisez : sur la crau.

14,

au lieu de : et du limon, lisez : et pas de limon.

15,

au lieu de : diverses crues, lisez : diverses craux.

542,

2,

au lieu de : dans ses plus grands axes, lisez : dans un de ses plus grands axes.

549,

2,

au lieu de : applications, lisez : explications.

550,

10,

au lieu de : avait pu le réfracter, lisez : avait pu se réfracter.

19,

au lieu de : aimable lit, lisez : ancien lit.

560,

41,

au lieu de : les fossiles sont ces, lisez : les fos¬ siles sont les.

561,

Avant-dernière ligne de la note, au lieu de : bancs, lisez : Baux.

564,

7,

au lieu de : disposition, lisez : dispersion.

567,

6,

au lieu de : allègue, lisez : assigne.

574,

39,

après : subapennine, ajoutez les mots omis : qu’on doit soigneusement distinguer de celle qu’on...

582,

33,

au lieu de : confusion, lisez : confection.

668,

14,

En tête des observations présentées par M. Cha- per à ia séance du 15 mars 1869, rétablir la mention suivante :

Le Secrétaire donne lecture des observations suivantes de MM. Ghaper et Marcou, présentées à la fin de la séance précédente et communiquées dans l’intervalle à M. Hébert.

XXVI

682,

38,

au lieu de : mes lacs, lisez : nos lacs.

685,

au lieu de : Riquewfrir, lisez : Riquewihr.

7;

au lieu de : extérieures au, lisez : indépen¬ dantes du.

686,

14,

au lieu de : racines joncées, lisez : racines de joncées.

34,

au lieu de : des Scirpes, lisez : de Scirpes.

687,

28,

au lieu de : quartz, lisez : gneiss.

689,

11,

au lieu de : laissées, lisez : sciées.

691,

B,

au lieu de : Schusselamine , lisez : Schusse- lauine.

ERRATA.

38 L

Page.

Ligne.

692,

24,

au lieu de : Wetterhon, lisez : Wetterhorn.

7,56,

5,

après : sûreté, mettez : .

_ :

6,

au lieu de : à la base, lisez : A la base.

8,

au lieu de : on rencontre, lisez : on rencontre.

757,

23,

au lieu de : Martini, lisez : Martins.

758,

5,

après : en ce moment, ajoutez : avec moi.

32,

effacez : et qui est encore incomplète.

_

33,

au lieu de : cette flore, lisez : cette dernière

flore.

759,

27,

au lieu de : Gæpp., lisez : Gœpp.

760,

30,

au lieu de : de tous les, lisez : des.

761,

21,

au lieu de : Gæpp., lisez : Gœpp.

762,

15,

au lieu de : sont, lisez : soient.

763,

23,

au lieu de : Rexb., lisez : Roxb.

_

35,36,

au lieu de : Tener, lisez : Tenore.

764,

41,

au lieu de : Ræmeriana et de : Ræmerianus,

lisez : Ræsneriana et : Ræsnerianus.

765,

1,

au lieu de : Eris, lisez : Eriz.

32,

au lieu de : Viburnum pseudo-tinus, nob., lisez: Yiburnum tinus, L.

766,

14,

au lieu de : Lugdunensis, lisez : pliocenicum.

20,

au lieu de : sol des Indes, lisez : Sol., des Indes.

770,

39,

au lieu de : se montrent encore, lisez : se montrent.

913,

après la note de M. Tardy, ajoutez : M. Leval- lois ajoute quelques observations qui confir¬ ment, en leur donnant plus de précision, les rapprochements indiqués par M. Tardy.

926,

27,

effacez : M. Levallois... Tardy.

1062,

8,

Devraient être mis en caractères romains et non en caractères italiques : L, pyramidalis,

27,

L. symmetrica.

1063,

13,

PI. Bouilleti.

1064,

11,

au lieu de : grands, lisez : grandes.

12,

au lieu de : une, lisez en.

30,

au lieu de : Cyproides, lisez : Cyprides.

31,

au lieu de : Expally, Usez : Espaly.

1066,

39,

au lieu de : presque, lisez : jusque.

1067,

lo,

au lieu de : Trécarèse, lisez : Trévarèse.

1068,

24,39,

au lieu de : Wyst, lisez : Nyst.

41,

au lieu de : Wystia, lisez : Nystia,

1109,

s,

au lieu de : différente, lisez : peu différente.

1110,

18,

au lieu de : assises, lisez : cassures.

1114,

35^,

au lieu de : par suite de la dureté, lisez : par suite, la dureté.

1115,

15,

au lieu de : très-réguliers, lisez : très-irréguliers.

382

Tome.

Page.

Ligne.

ERRATA.

XXVI

1116,

12,

au lieu de : centre de Bar, lisez : cratère de Bar.

1118,

1,

au Heu de : de gneiss, lisez : du gneiss.

1122,

au lieu de : par les plateaux, lisez : dans les

1124,

39,

plateaux.

au lieu de Blavoisy, lisez : Blavosy.

1125,

3,

au lieu de : Anteyrac, lisez : Auteyrac.

29,

au lieu de : fleuve, lisez : flanc.

1127,

16,

au lieu de : 1100, quelquefois 1100, lisez :

24,

1000, quelquefois 1100.

au lieu de : de la vallée de Brioude qui forme.

1128,

38,

lisez : dont la vallée de Brioude forme. après : ci-dessus, ajoutez : déduites.

1185,

8,

au lieu de : représente, lisez : présente.

_

1140,

24,

au lieu de : causes inhérentes , lisez : causes

1142,

13,

secondaires et non inhérentes. au Heu de : servent à l’entrée, lisez : serrent

17,

l’entrée.

au lieu de : qui le, lisez : qui les.

1143,

24,

après : figure, ajoutez : voisine.

.

1145,

8,

au lieu de : couvrant, lisez : couvrent.

42,

au lieu de : argiles, lisez : argileuses.

1146,

14,

au lieu de : pas, lisez : lieux.

.

33,

au lieu de : ou cristaux, lisez : en cristaux.

1157,

37,

au lieu de: pays, lisez : puys.

1159,

16,

au lieu de : Liangues, lisez : Siaugues.

1164,

18,

au lieu de : Breyne, lisez : Breysse.

XXVII

114,

17,

au lieu de : semicanaliculatus, lisez : unicana-

226,

23,

liculatus.

au lieu de : courbe, lisez : combe.

245,

dernière, au lieu de: calcaire marneux à Am. arbus-

248,

iigerus , lisez : \ calcaire, etc.

La direction de la flèche au-dessus de la figure

bO

QO

22,

représentant le bloc erratique indique le sens de la stratification.

au lieu de : seconde, lisez : première.

25,

au lieu de : la première, lisez : l’autre.

259,

6,

au lieu de : d’un glacier qui descendait, lisez :

289,

26,

de glaciers qui en descendaient. au lieu de : se retrouve à Autun, lisez : à

381,

9,

Nolay.

au lieu de : fossiles, lisez : fissiles.

.

12,

au lieu de :Bohners, lizez : Bohnerz.

387,

12,

au lieu de : Rocollaines, lisez : Recollâmes.

14,

au lieu de : Sornetar, lisez : Sornetan.

-

au lieu de : Taellinger, lisez : Tüllingen.

ERRATA.

383

Tome.

Page.

Ltgne.

XXYII

B90,

Note (1) au lieu de : Deukschriften, lisez : Denk-

schriften.

Note (2) au lieu de : Zagerung, lisez : Lagerung.

au lieu de : Konigl, lisez : Kcnigl.

Note (3) au lieu de: YVmtesthur, lise z : Winterthur.

Note (4) au lieu de : Steinmark, lisez : Steiermark.

391,

2, au lieu de : M. Boll, lisez : M. Rolle.

6, au lieu de : Chauvouesi, lisez : Chauvanesi.

7, au lieu de : Geritioïdes, lisez : Cerithioïdes.

13, au lieu de : hakeæfolias, lisez : hakeæfolia.

393,

27, au lieu de : Ananchelum, lisez : Anenchelum.

396,

2, au lieu de : Ehengensis, lisez : ehingensis.

3, au lieu de : Berliaderiana, lisez : Berlanderiana.

397,

Tableau colonne?, au lieu de: Horheim, lisez: Hochheim.

--

au lieu de : Samlon, lisez : Samland.

au lieu de : Hoering, lisez : Haering.

colonne 8, au lieu de : Itella, lisez : Stella.

449,

9 à partir du bas, au lieu de : terriaria, lisez :

terziaria.

8 à partir du bas, au lieu de : Mliano, lisez :

Milano.

450,

10, au lieu de : polylocus, lisez : polyolcus.

460,

6, au lieu de : Harpacto carcinus, lisez : Harpac-

tocarcinus.

467.

7, au lieu de : Delphinulascobina, lisez : Delphi-

nula scobina.

471,

21, au lieu de : glandifera, lisez : glandiformis.

-

30, au lieu de : Rigno, lisez : Zigno.

472,

22, au lieu de : préapline, lisez : préalpine.

475,

14, au lieu de : Chîaron, lisez : Chiavon.

479,

2, au lieu de : Brongn, lisez : Brug.

480,

7, effacez : Faudon, GG.

XXYÏII

44,

6, au lieu de : de MM. Pellat et Marcou, lisez : de

M. Pellat (attaché à la Délégation des minis¬ tères), et de M. Marcou.

45,

15, après : absents de Paris, ajoutez : (M. Pellat,

pour cause de service public).

55,

5, au lieu de : XXYI, Usez : XXVII.

121,

31, au lieu de : fournir, lisez : favoriser.

122,

14, 22, 26, 36, au lieu de : Sharta, lisez : Shasta.

123,

6, 9, 21, 39, id. id. id. id.

124,

38, id. id. id. id.

PARIS. ÉDOUARD BLOT ET FILS AÎNÉ, IMPRIMEURS, RUE BLEUE, 7.

ORDONNANCE DU ROI

QUI RECONNAÎT

LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE

COMME ÉTABLISSEMENT D’uflLITÉ PUBLIQUE,

ET APPROUVE LE RÈGLEMENT DE CETTE SOCIÉTÉ.

( Bulletin des Lois, 2e partie. Ordonnances. 155. Ire section,)

4152.)

Au palais des Tuileries, le B avril 1832.

LOUIS-PHILIPPE, roi des Français, à tous présents et à venir, salut.

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’État au département du Commerce et des Travaux pu¬ blics ;

Notre Conseil d'Etat entendu,

Nous AVONS ORDONNÉ ET ORDONNONS C6 qui Suit :

Art. 1er. Le règlement, joint à la présente or¬ donnance, de la Société géologique établie à Paris, est approuvé, et ladite Société reconnue comme établissement d'utilité publique.

Art. 2. La Société géologique est déclarée apte à posséder, acquérir, aliéner, recevoir des do¬ nations et legs, après en avoir reçu l’autorisation,

II

conformément aux dispositions de l’article 910 du Code civil.

Art. 3. Notre ministre secrétaire d’Etat du Commerce et des Travaux publics est chargé de l’exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois .

Signé : LOUIS-PHILIPPE.

Par le Roi :

Le pair de France, ministre secrétaire d’Etat au département du Commerce et des Travaux publics :

Signé : Comte d’ARGOUT.

RÈGLEMENT CONSTITUTIF

joint à l’ordonnance du Roi du 3 avril 1832.

Art. Ier. La Société prend le titre de Société géologique de France.

Art. IL Son objet est de concourir à l’avancement de la Géologie en général, et particulièrement de faire connaître le sol de la France, tant en lui-même que dans ses rapports avec les arts industriels et l’agricul¬ ture.

Art. III. Le nombre des membres de la Société est illimité.

Les Français et les Étrangers peuvent également en faire partie.

Il n’existe aucune distinction entre les membres.

Art. IV. L’administration de la Société est confiée à un Bureau et à un Conseil, dont le Bureau fait essen¬ tiellement partie.

Art. V. Le Bureau est composé :

D’un président,

De quatre vice-présidents,

De deux secrétaires.

De deux vice-secrétaires,

D’un trésorier.

D’un archiviste.

Art. VI. Le président et les vice-présidents sont élus pour une année ;

Les secrétaires et les vice-secrétaires, pour deux an¬ nées ;

Le trésorier, pour trois ans ;

L’archiviste, pour quatre ans.

Art. VIL Aucun fonctionnaire n’est immédiatement rééligible dans les mêmes fonctions.

Art. VIH. Le Conseil est formé de douze membres, dont quatre sont remplacés chaque année.

Art. IX. Les membres du Conseil et ceux du Bureau, sauf le président, sont élus à la majorité absolue.

Leurs fonctions sont gratuites.

Art. X. Le président est choisi, à la pluralité, parmi les quatre vice-présidents de l’année précédente.

IV

Tous les membres sont appelés à participer à son élection, directement ou par correspondance.

Art. XI. La Société tient ses séances habituelles à Paris, de novembre à juillet.

Art. XII. Chaque année, de juillet à novembre, la Société tiendra une ou plusieurs séances extraordinaires sur un des points de la France qui aura été préalable¬ ment déterminé.

Un Bureau sera spécialement organisé par les mem¬ bres présents à ces réunions.

Art. XIII. La Société contribue aux progrès de la Géologie par des publications et par des encouragements.

Art. XIV. Un Bulletin périodique des travaux de la Société est délivré gratuitement à chaque membre.

Art. XV. La Société forme une bibliothèque et des collections.

Art. XVI. Les dons faits à la Société sont inscrits au Bulletin de ses séances avec le nom des donateurs.

Art. XVII. Chaque membre paye : un droit d’en¬ trée; une cotisation annuelle.

Le droit d’entrée est fixé à la somme de 20 fr.

Ce droit pourra être augmenté par la suite, mais seu¬ lement pour les membres à élire.

La cotisation annuelle est invariablement fixée à 30 fr.

La cotisation annuelle peut, au choix de chaque mem¬ bre, être remplacée par une somme de 300 francs une fois payée.

Art. XVIII. La Société réglera annuellement le bud¬ get de ses dépenses.

Dans la première séance de chaque année, le compte détaillé des recettes et dépenses de l’année sera soumis à l’approbation de la Société.

Ce compte sera publié dans le Bulletin .

Art. XIX. En cas de dissolution, tous les membres de la Société sont appelés à décider sur la destination qui sera donnée à ses propriétés.

RÈGLEMENT ADMINISTRATIF

DE LA

SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE

PE FRANCE

Révisé dans les séances des 20 novembre et 4 décembre 1871, et dans lequel sont intercalés et reproduits textuellement les articles du Règlement constitutif (1).

CHAPITRE PREMIER.

CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ.

Art. 1er. I. La Société prend le titre de Société géologique de France.

2. II. Son objet est de concourir à V avancement de la Géologie en général, et particuliérement de faire connaître le sol de la France , tant en lui-même que dans ses rapports avec les arts industriels et V agriculture.

3. III. Le nombre des membres de la Société est illimité.

Les Français et les Étrangers peuvent également en faire partie .

Il n'existe aucune distinction entre les membres,

h. Pour faire partie de la Société, il faut s'être fait pré¬ senter dans une de ses séances par deux membres qui au¬ ront signé la présentation , avoir été proclamé dans la séance suivante par le président, et avoir reçu le diplôme de mem¬ bre delà Société.

5. Le diplôme est signé par le président, le secrétaire et le trésorier, et porte le sceau delà Société.

(1) Les articles en caractères italiques sont ceux du Règlement consti¬ tutif approuvé par l’Ordonnance du Roi du B avril 1832, et auxquels la Société ne peut apporter de modification qu’avec une autorisation accordée par décret rendu en Conseil d’Etat. Le numéro en chiffres romains qui se trouve en tête de chacun d’eux est celui de leur série particulière dans ce Règlement constitutif.

VI

6. Le trésorier ne remet le diplôme qu'après l'acquitte¬ ment du droit d’entrée.

CHAPITRE IL

ADMINISTRATION DE LA SOCIÉTÉ.

Art. 7. IV, L’administration de la Société est confiée à un Bureau et à un Conseil , dont le bureau fait essentiellement partie.

8. VIL Aucun fonctionnaire n'est immédiatement rêéligib le dans les memes fonctions.

9. Le président sortant ne peut être immédiatement élu vice-président.

10. IX. Les membres du Conseil et ceux du Bureau , sauf le pré¬ sident, sont élus à la majorité absolue.

Leurs fonctions sont gratuites.

11. L'élection de chaque ordre de fonctionnaires se fait au scrutin secret, sur un seul bulletin, et, s'il est nécessaire, au moyen de trois tours, dont le troisième est de ballottage; et dans ce cas, à égalité de voix, le plus âgé l'emporte.

12. Aucune décision administrative ne peut être prise par la Société lorsque le nombre des membres présents est moindre que le quart de celui des membres résidant à Paris,

CHAPITRE III.

DU BUREAU.

Art. 13, V. Le Bureau est composé : D'un président ,

De quatre vice-présidents,

De deux secrétaires,

De deux vice- secrétaires,

D'un trésorier ,

D'un archiviste.

VII

14. VI. Le 'président et les vice-présidents sont élus pour une année ;

Les secrétaires et vice-secrétaires pour deux années ;

Le trésorier pour trois ans ;

L'archiviste pour quatre ans.

15. X. Le président est choisi à la pluralité parmi les quatre vice-présidents de l'année précédente.

Tous les membres sont appelés à participer à son élection , direc¬ tement ou par correspondance.

16. Pour l'élection du président, tout membre qui ne peu t assister à la réunion électorale doit envoyer au secrétaire, avant la première séance de janvier, son suffrage individuel, dans un bulletin cacheté et enfermé dans une lettre signée de lui.

Ce bulletin ne peut être ouvert qu'au moment du dépouil¬ lement du scrutin.

17. Un des secrétaires est particulièrement élu pour correspondre avec l'Étranger.

18. Le secrétaire pour la France, ou, à son défaut, l'un des vice-secrétaires ou le secrétaire pour l'Étranger, rédige les procès-verbaux des séances de la Société et du Conseil, dirige la publication du Bulletin et l'impression des Mémoires } et en général toutes les publications scientifiques ou admi¬ nistratives de la Société, sous la surveillance des commis¬ sions d'impression dont il fait nécessairement partie. Il dirige la correction des épreuves.

Les auteurs ont un délai de huit jours pour la correction de leurs épreuves. Ce délai expiré, le secrétaire passe outre.

19. Sous la direction du président, le secrétaire correspond avec toutes personnes en France pour ce qui concerne les tra¬ vaux et les affaires de la Société autres que les affaires de finance, convoque la Société, le Conseil et les Commissions quand besoin est, prépare les ordres du jour et veille à l'exécution du règlement.

20. L'archiviste est chargé de la garde des propriétés de la Société; il en dresse un inventaire.

Il a sous sa direction la bibliothèque et les collections; il en forme des catalogues, et il tient un registre des manu¬ scrits envoyés.

Enfin il a sous sa garde tous les documents et titres ap-

VIII

partenant à la Société, sauf ceux dont le trésorier reste res¬ ponsable.

21. Aucun ouvrage (livre, carte ou brochure) ne pourra être consulté qu'au siège de la Société et dans sa biblio¬ thèque.

22. Le trésorier est chargé du recouvrement des sommes dues à la Société, et des sommes provenant de legs ou do¬ nations.

Il tient un registre des recettes et des dépenses, que tous les membres ont le droit de consulter.

23. Le trésorier ne peut faire aucun emploi extraordi¬ naire des fonds de la Société sans une délibération spéciale du Conseil.

CHAPITRE IV.

DU CONSEIL ET DES COMMISSIONS.

Art. 24. VIII. Le Conseil est formé de douze membres , dont quatre sont remplacés chaque année.

25. Le président convoque le Conseil toutes les fois que les affaires de la Société le demandent.

Dans tous les cas, il est tenu de le réunir sur l'invitation signée de trois membres du Conseil.

26. A chaque réunion du Conseil, ses membres constatent leur présence par l'apposition de leur signature sur un re¬ gistre spécial.

Tout membre du Conseil qui n'y assiste pas pendant trois séances consécutives est censé démissionnaire. Après avoir été averti, il est remplacé , s'il ne présente des excuses va¬ lables.

27. Le Conseil ne peut prendre de décisions s'il ne réunit au moins sept de ses membres.

Sur la proposition de trois membres , le vote peut avoir lieu au scrutin secret.

28. Sur la demande de trois membres du Conseil, il peut être fait appel à la Société des décisions qui n'auraient pas été prises aux deux tiers des voix.

IX

29. Les procès-verbaux des séances du Conseil doivent être transcrits sur un registre, coté et paraphé par le secré¬ taire. Ils doivent être écrits à la suite, sans aucun blanc ni intervalle, et signés par le président et par le secrétaire qui a tenu la plume. Les renvois doivent être paraphés, et les mots rayés doivent être approuvés.

30. Le Conseil se réunit dans la dernière quinzaine de dé¬ cembre pour examiner Tétât des affaires de la Société, et nommer la commission de comptabilité chargée spéciale¬ ment de vérifier la gestion du trésorier, et la commission des archives, chargée de vérifier celle de Tarchiviste.

Ces deux commissions ne peuvent être composées de moins de trois membres, et elles font leur rapport dans la dernière séance de janvier.

31. Le Conseil élit annuellement à la même époque, au scrutin secret, deux commissions permanentes d'impres¬ sion : Tune pour la publication des Mémoires , composée de trois membres, et l'autre pour l'impression du Bulletin , composée de cinq membres, auxquels sont adjoints de droit le président, les secrétaires, le trésorier et Tarchi¬ viste.

32. Les membres des commissions peuvent être pris in¬ distinctement dans la Société ou dans le Conseil.

33. La commission de publication du Bulletin prononce sur l'insertion textuelle ou par extrait ou analyse, dans le Bulletin, des mémoires ou notes lus, et des communications verbales faites à la Société. Elle veille à ce qu'il ne s’y intro¬ duise rien d'étranger à l'intérêt de la science.

34. La commission d'impression des Mémoires fait les rap¬ ports qui lui sont demandés par le Conseil sur les manu¬ scrits dont l'impression est proposée. Elle veille à ce que les auteurs des mémoires admis se renferment dans les limites fixées par le Conseil pour le nombre de feuilles de texte, le nombre et l’importance des planches, et à ce qu'ils n'y in¬ troduisent rien d’étranger à l’intérêt de la science.

33. Dans le cas l'un des membres de la commission d'impression des Mémoires aurait lui-même un mémoire en cours de publication, il ne pourra prendre part aux tra¬ vaux de cette commission tant que durera l'impression de son travail. Le secrétaire, qui se trouverait dans le même

X

cas, sera remplacé, durant ce temps, dans cette commis¬ sion, par l'un des vice-secrétaires.

36. Les membres sortants des commissions d'impression, après trois ans consécutifs d'exercice, ne peuvent être réélus immédiatement membres de la même commission.

37. Tout membre d'une commission qui n'a pas assisté à ses réunions pendant trois séances consécutives est censé démissionnaire. Après avoir été averti, il est remplacé, s’il ne présente d'excuses valables.

CHAPITRE V.

DE LA TENUE DES SÉANCES.

Art. 38. XI. La Société tient ses séances habituelles à Paris , de novembre à juillet.

39. La Société se réunit deux fois par mois. Il y a par ex¬ ception trois séances dans le mois de janvier. La première est consacrée spécialement aux élections pour le remplace¬ ment des membres sortants du Bureau et du Conseil.

Le tableau des jours de réunion est imprimé sur la cou¬ verture du Bulletin.

40. La Société tient une séance générale annuelle dans la semaine qui suit Pâques. Le jour en est fixé chaque année.

Cette séance générale est présidée par le président ou le vice-président de l'année précédente.

Le président de la séance donnera lecture de la liste des membres décédés pendant l'année de sa présidence, et les personnes qui ont été chargées de faire des notices sur ces membres les liront à la réunion.

41. Les membres sont convoqués à domicile pour la pre¬ mière séance de novembre, les séances d'élections et pour la séance générale annuelle.

4 c2. Pour assister aux séances, les personnes étrangères à la Société doivent être présentées chaque ibis par un de ses membres.

XI

43. La présence du président ou d’un des vice-présidents, assisté d’un des secrétaires ou vice -secrétaires, suffit pour constituer le Bureau à chaque séance.

En cas d’absence du président et des vice-présidents, le trésorier ou, à son défaut, l’archiviste occupe le fauteuil; et, en cas d’absence des secrétaires et vice-secrétaires, le président du jour désigne un des membres du Conseil pour en remplir les fonctions.

En cas d’absence de tous les membres du Bureau, les fonctions de président sont remplies par le plus âgé des membres du Conseil présents à la séance, et celles de se¬ crétaire par le plus jeune.

44. Les procès-verbaux des séances sont rédigés dans l’in¬ tervalle d’une séance à l’autre.

45. Chaque séance commence par la lecture du procès- verbal de la séance précédente et de l’ordre du jour.

Le procès-verbal de la séance qui précède les vacances de la Société est soumis seulement à l’approbation du Con¬ seil.

Les lectures faites par les membres de la Société ont lieu dans l’ordre de leur inscription, et les communications des personnes étrangères à la Société après celles des membres, sauf les cas d’urgence qui seront appréciés par le Bureau.

46. Les membres de la Société ne peuvent lire devant elle aucun ouvrage déjà imprimé.

47. Les membres qui ont fait des communications ver¬ bales ou pris part aux discussions peuvent remettre des notes au secrétaire pour la rédaction du procès-verbal.

48. Aucune communication ou discussion ne peut avoir lieu sur des objets étrangers à la géologie ou aux sciences qui s’y rattachent.

49. Dans les séances ordinaires , il n’est question d’au¬ cun objet relatif à l’administration qu’à la demande du Conseil.

Toutes les observations relatives à l’administration sont adressées par écrit au président, qui en réfère au Conseil à sa plus prochaine réunion.

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CHAPITRE VI.

EES RÉUNIONS EXTRAORDINAIRES.

Art. 50. XII. Chaque année , de juillet à novembre , la Société tiendra une ou plusieurs séances extraordinaires sur un point qui aura été préalablement déterminé .

Jjn Bureau sera spécialement organisé par les membres présents à ces réunions.

Les procès-verbaux en seront dressés par le secrétaire de la session au moyen de notes fournies, avant la séance de rentrée, par les membres qui auront pris la parole dans les séances.

Les comptes rendus des , réunions extraordinaires ne comprendront pas de mémoires étrangers à la géologie de la contrée la session a lieu.

51. Le lieu de ces réunions est indiqué d'après une déli bération du Conseil, soumise à l'approbation de la Société dans la première se'ance de mai.

CHAPITRE VII.

DES PURLICATIONS.

Art. 52. XIII. La Société contribue aux progrès de la géologie par des publications et par des encouragements.

53. XIV. Un Bulletin périodique des travaux de la Société est délivré gratuitement à chaque membre. *

54. Le Bulletin contient les procès-verbaux des séances de la Société, les communications diverses qui lui ont été faites, des analyses d'ouvrages étrangers et les décisions du Conseil qui peuvent être d'un intérêt général pour les mem¬ bres de la Société, le tout conformément à l'article 33.

55. Il est imprimé aux frais de la Société, dans le format in-8°. Il peut être échangé contre d'autres publications scientifiques, et ne peut être vendu aux personnes étran¬ gères à la Société qu'au prix de la cotisation annuelle.

56. Le Bulletin paraît, autant que possible, au commen¬ cement de chaque mois, de décembre à juillet, par cahier de trois feuilles au moins.

XIII

57. Les mémoires, notesàou extraits lus à la Société, de même que les observations verbales rédigées ensuite par leurs auteurs, doivent être remis au secrétariat dans la quinzaine qui suit la séance la communication a été faite. A défaut de remise dans ce délai, il est passé outre à Timpression du Bulletin , et ces mémoires, notes ou extraits prennent un rang de publication postérieur.

Le secrétaire indiquera en tête de chaque note imprimée la date de la remise.

Il ne pourra être accordé à chaque membre que deux feuilles d'impression au plus pour chacune de ses commu¬ nications, et quatre feuilles pour l'ensemble de celles qu’il fera dans l'année.

Aucun nom d’espèce nouvelle de fossile ne pourra être inséré dans les publications de la Société, s'il n'est accom¬ pagné d'une figure et d'une description assez complète pour bien caractériser l'espèce.

58. Les membres n'ont droit de recevoir que les volumes des années du Bulletin pour lesquelles ils ont payé leur co¬ tisation. Toutefois les volumes correspondant aux années antérieures à leur entrée dans la Société leur sont cédés après décision spéciale du Conseil et conformément à un tarif déterminé. Cette dernière disposition est applicable aux membres qui demandent à rentrer dans la Société.

59. Les auteurs de notes ou mémoires insérés au Bulletin , et contenant au moins un quart de feuille, peuvent obtenir la remise gratuite de quatre épreuves de ces communica¬ tions en en faisant au secrétariat la demande avant l'im¬ pression.

60. Quelle que soit la longueur des notes ou mémoires insérés au Bulletin , les auteurs pourront en faire faire, à leurs frais, un tirage à part.

L'exercice de cette faculté est soumis aux conditions sui¬ vantes :

L'auteur qui voudra en profiter devra en faire la dé¬ claration expresse et par écrit en tête de son manuscrit.

Il devra s'entendre directement avec l'imprimeur pour le remaniement de la composition et le payement.

Le tirage à part devra rester entièrement conforme au

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texte du Bulletin. 11 ne pourra être remis à Fauteur que huit jours après la publication de la partie du Bulletin con¬ tenant le mémoire.

Le faux titre devra porter : Extrait du Bulletin de la Société géologique de B rance.

61. Les Mémoires de la Société se publient séparément.

62. Les membres de la Société obtiennent les Mémoires à un prix moindre que celui du libraire. Cette faveur ne leur est accordée que pour un seul exemplaire.

Ils ne peuvent en profiter qu'autant qu'ils sont au cou¬ rant de leur cotisation.

63. L'auteur d'un travail inséré dans les Mémoires de la Société a droit à vingt exemplaires gratuits. Toutefois, sur sa demande, le Conseil pourra lui en accorder un nombre supérieur, au prix fixé pour les membres de la Société. Il n'y aura pas de tirage à part.

64. Le Conseil détermine les mémoires qui doivent être publiés dans les Mémoires de la Société, après qu'ils ont été présentés en séance et déposés au secrétariat.

Le vote sur chaque mémoire a lieu au scrutin secret.

Un membre du Conseil ne peut assister à la délibération et au vote qui ont pour objet un mémoire dont il est l'au¬ teur; mais il peut auparavant donner au Conseil, à ce su¬ jet, les explications qu’il juge convenables. Cette faculté appartient également à tout membre de la Société.

65. Les manuscrits des mémoires déposés au secrétariat et non encore publiés ne peuvent être communiqués ou re¬ mis qu'à leurs auteurs et aux personnes qu'ils auront auto¬ risées à en prendre communication.

66. La Société reçoit les mémoires en langue étrangère encore inédits, et le Conseil en autorise, s'il le juge conve¬ nable, la traduction et la publication.

67. Les mémoires envoyés par des personnes qui ne font point partie de la Société ne peuvent être imprimés que sur le rapport d'une commission.

68. Un mémoire en cours d'impression soit dans le Bul¬ letin , soit dans les Mémoires ^ ne peut plus être retiré par son auteur.

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CHAPITRE VIII.

DES PROPRIÉTÉS, DES REVENUS ET DES DÉPENSES DE LA SOCIÉTÉ.

Art. 69. XY. La Société forme une bibliothèque et des collec¬ tions.

70. XVI. Les dons faits à la Société sont inscrits au Bulletin de ses séances avec le nom des donateurs.

71. Les échantillons de roches, minéraux et fossiles en¬ voyés à Tappui des mémoires sont considérés, par ce fait seul, comme donnés à la Société, à moins que les auteurs n'aient exprimé formellement, lors de l’envoi, une volonté contraire.

72. Les membres qui cessent de faire partie de la Société ne peuvent réclamer aucune part dans ses propriétés.

73. XVII. Chaque membre paye : un droit d’entrée ; une cotisation annuelle.

Le droit d'entrée est fixé à la somme de 20 francs .

Ce droit pourra être augmenté par la suite , mais seulement pour les membres à élire.

La cotisation annuelle est invariablement fixée à 30 francs.

La cotisation annuelle peut , au choix de chaque membre , être remplacée par une somme de 300 francs une fois payée , qui, à moins de décision spéciale du Conseil, devra être placée.

74. Les membres qui auront cessé de verser leur cotisa¬ tion et voudront recevoir les volumes du bulletin corres¬ pondant aux années non soldées , devront les payer au prix ordinaire de trente francs.

75. XVIII. La Société réglera annuellement le budget de ses dé¬ penses.

Dans la première séance de chaque année , le compte détaillé des recettes et des dépenses sera soumis à l'approbation de la So¬ ciété.

Ce compte sera publié dans le Bulletin. On y joindra le bilan de la Société. L’année sera comptée à partir du 1er no¬ vembre.

76. Les dépenses sont divisées en ordinaires et extraordi¬ naires.

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Les dépenses ordinaires se composent du loyer, des con¬ tributions, des frais de bureau et d'impression, des frais v d'entretien des meubles et du local, et du port des lettres et paquets adressés à la Société.

Les dépenses extraordinaires sont votées par la Société sur la proposition du Conseil.

77. La Société se charge de l'envoi gratuit du Bulletin , de l'affranchissement des lettres relatives aux publications, des lettres de convocation et des avis imprimés.

78. La Société ne s’engage jamais dans aucune dépense excédant son avoir.

79. XIX. En cas de dissolution , tous les membres de la Société sont appelés à décider sur la destination qui sera donnée à ses pro¬ priétés.

8339.— PARIS. ÉDOUARD BLOT ET FILS AINE, IMPRIMEE RS, RUE BLEUE 7.